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Arius

Arianisme

Concile de Nicée

Arius (né vers 250 ou 256 probablement en Libye – mort en 336) est un prêtre d’Alexandrie, en
Egypte, dont l’enseignement et la doctrine, appelée arienne, ont été condamnés par l’Eglise réunie
en concile, à Nicée, en 325, comme étant hérétique. Vers 318, alors qu’il était avancé en âge, a été
rappelé à l’ordre par son évêque Alexandre à cause de son enseignement donné aux fidèles de
Baukalis, une paroisse au bord de la Méditerranée dont il état le curé, sur le Fils de Dieu. La
question que se posait Arius était: “Le Fils de Dieu peut-il être consubstantiel et coéternel avec le
Dieu le Père?” Sa réponse est négative: “Le Fils ne peut pas être consubstantiel avec le Père, ni
coéternel avec lui puisqu’il a un commencement, son engendrement du Père, donc, avant qu’il soit
engendré, il y eut un temps où il n’était pas”. Arius était suivi dans sa doctrine par d’autre prêtres et
même évêques. Ils sont excommuniés par un petit synode réuni par Alexandre dans la ville
métropolitaine en 320. Le 28 octobre 312, Constantin, suite à la victoire contre son rivale Maxence1
au Pont Milvius, avait réuni l’Empire sous un seul Empereur, or la doctrine d’Arius et de ses
disciples risque de diviser à nouveau, pour des questions religieuses, l’intégrité de l’Empire.

La vie et les écrits d’Arius

Reconstruire la vie et les enseignements d’Arius est une entreprise difficile. Probablement il a été
formé à l’école théologique d’Antioche fondée par Lucian d’Antioche. Venant à Alexandrie, Arius
entre en contact avec Mélèce de Lycopolis et se fait ordonner diacre par l’évêque Pierre, bien que
des suspicions quant à sa relation avec Mélèce, pesaient sur ses épaules. En effet, en 311, l’évêque
doit excommunier son diacre, mais son successeur, Achillas, le réadmet dans la communion et en
313 l’ordonne prêtre et lui confie l’importante paroisse de Baukalis, au bord de la Méditerranée. A
par ces incidents avec la hiérarchie, Arius apparait comme un homme ascétique, d’une conduite
morale irréprochable et avec des convictions de foi bien établies. Lisons le témoignage d’Epiphane :

ARIUS et les Ariens qui dérivent de lui viennent juste après le


parti de Mélèce et du bienheureux évêque Pierre d’Alexandrie ;
il est apparu au temps du bienheureux évêque Alexandre,
successeur de Pierre, qui a excommunié Arius au milieu d’un
grand concile et de beaucoup d’agitation. {…} On dit qu’il était
Libyen de naissance mais il est devenu prêtre à Alexandrie et
avait en charge l’église de Baukalis. {…} Arius était né au
temps de Constantin, le grand et bienheureux empereur, fis de
Constance l’Ancien qui était fils de l’empereur Valérien qui a

1
L'empereur romain Constantin bat son rival Maxence sur le pont de Milvius à trois kilomètres de Rome. La
légende veut que Constantin ait eu la vision d'une croix dans le ciel peu avant la bataille où il y était écrit en
grec "en toutô nika", "triomphe par ceci." Cette apparition incita le monarque à placer des croix sur les
boucliers de ses soldats pour les protéger. La victoire contre Maxence le réconforte dans son idée. Dès lors
Constantin choisit de défendre le christianisme.
régné avec Dioclétien, Maximien et les autres. {…} L’esprit de
Satan entra en Arius, comme il est écrit, {…} et l’a poussé à
lever un nuage de poussière contre l’Église, ainsi un grand feu
a été allumé à partir de lui consommant presque tout l’Empire
Romain, plus particulièrement la partie orientale, tellement
fort que même encore aujourd’hui son hérésie n’a pas cessé de
frapper contre la vraie foi et contre l’Église. {…} Il était un
homme âgé, gonflé d’orgueil, éloigné de la vraie foi. Il était
grand de taille et humble en apparence, avec l’emphase d’un
serpent astucieux, capable de s’esquiver un cœur franc à travers
son simulacre rusé. Il portait toujours un mi- habit noir et un
bonnet monastique, il était charmeur dans ses paroles et capable
de persuader et de flatter les âmes. (Panarion, 69, 1, 1-31).

Très peu d’écrits de la main même d’Arius nous sont parvenus. La tradition veut que Constantin
aurait ordonné de les bruler tandis qu’Arius était encore en vie. Les écrits qu’ont été sauvegardés
sont cités par ses adversaires et détruits par la suite. Des importants hommes d’Eglise on cité ses
écrits pour le combattre, par conséquent ont endurci les positions doctrinales de l’hérésiarque. Trois
lettres seulement nous sont restées considérées comme venant de la main même d’Arius :

1. Lettre d’Arius à son évêque Alexandre d’Alexandrie est conservée par ATHANASE
d’Alexandrie dans Sur les conciles de Rimini et Séleucie, 16 ; par EPIPHANE de Salamine
dans Panarion, 69, 7 et HILAIRE de Poitier dans Sur la Trinité, 4, 12.
2. Lettre d’Arius à Eusèbe de Nicomédie rappelée par EPIPHANE de Salamine dans Panarion,
69, 6 et THEODORET de Cyr dans Histoire ecclésiastique, 1, 5.
3. Confession de foi d’Arius à Constantin se trouve dans l’Histoire ecclésiastique, 1, 26, 2,
de SOCRATE de Constantinople et dans l’Histoire ecclésiastique, 2, 27, 6-10, de SOZOMENE.
Egalement, d’autres lettres d’Arius adressées à différents ecclésiastiques subsistent et sont citées par
ses opposants. Cependant, encore une fois, il nous est difficile d’établir sa vraie pensée et son
enseignement véritable selon d’après les citations de ses ennemis sans tenir conte de son contexte.

L’ouvrage de base d’Arius semble être la Thalie, qu’on peut traduire par Banquet, une œuvre très
populaire combinant la prose et le vers. Cet écrit subsiste seulement en deux fragments grâce à son
principal rival, ATHANASE d’Alexandrie dans Discours contre les Ariens, 1, 5-6 et dans Sur les
conciles de Rimini et Séleucie, 15. Les deux paragraphes insérés par Athanase dans ses ouvrages
sont suivies chacun des commentaires très négatifs, c’est pourquoi il semble être assez difficile à
connaître la teneur réelle des propos théologiques du curé de Baukalis en se basant seulement sur un
témoin, qui de plus est son ennemi. Lisons le jugement critique et sévère qu’Athanase a de cet
ouvrage : Aucun chrétien ne supporterait d’entendre de tels propos et
personne ne jugerait sain d’esprit quiconque oserait tenir de telles
calomnies. Car au lieu du Christ il y a chez eux Arius, comme Mani chez
les manichéens, et à la place de Moise et de autres saints il s’est
trouvé chez eux un certain Sotadès, que les grecs eux-mêmes tournent en
dérision, et la fille d’Hérodiade : du premier, Arius a imité la manière
molle et efféminée en écrivant lui aussi des « thalies », et, de la
seconde, il a cherché à égaler la danse en émaillant de railleries et de
plaisanteries ses blasphèmes contre le Sauveur… Voici comment commence
cette frivole Thalie d’Arius avec son allure et ses chants efféminés
(Discours contre les Ariens I, 2-5).

Constantin convoque le concile de Nicée en 325 et Arius, ses disciples et son enseignement son
condamnés. L’hérésiarque lui-même est exilé. Celui-ci fait appel à l’empereur et à son fidèle ami et
collucianiste2, Eusèbe de Nicomédie, auprès duquel se réfugie dans les temps de tempête. Enfin,
Constantin se laisse convaincre par la profession de foi d’Arius et ordonne son réintégration dans la
communion de l’Eglise. Athanase voit ses efforts sans résultat et refuse catégoriquement, en tant
qu’évêque d’Alexandrie et Pape d’Egypte, son admission dans l’Eglise. En 336, lorsqu’il se
préparait à entrer dans l’Eglise avec grande pompe et muni d’une lettre impériale, Arius meurt
soudainement dans une situation lamentable. Lisons le témoignage de Socrate de Constantinople :

Arius avait écrit sur une feuille à part, dit-on, l’opinion qui
était la sienne, et il la portait sous l’aisselle : il jurait
donc avec vérité qu’il pensait comme c’était écrit… L’empereur,
l’ayant cru, ordonna qu’il soit reçu dans sa communion par
l’évêque de Constantinople Alexandre. C’était alors un samedi
et il s’attendait à être réintégré le lendemain, mais le
châtiment allait faire suite à la témérité d’Arius. Quand il
sortit de la cour impériale, ceux du parti d’Eusèbe lui
faisaient escorte à travers la ville et il se donnait en
spectacle. Lorsqu’il se trouvait près du forum qu’on appelle du
Constantin, où se dresse la colonne de porphyre, une frayeur née
de quelque impression saisissait Arius, et avec la frayeur
survenait un relâchement de son ventre. Il demandait si un lieu
d’aisances se trouvait près de là, et en apprenant qu’il y en
avait un derrière le forum de Constantin, il s’y dirigeait.
Alors l’homme est pris d’un évanouissement et son fondement
s’échappe avec les excréments ; ce que les médecins appellent
« apeuthysma » (rectum) tombait par le fondement, un flot de
sang suivait et l’intestin grêle s’y mêlait en même temps que la
rate et le foie eux-mêmes, et aussitôt donc il mourrait. On
montre jusqu’à ce jour à Constantinople ce lieu d’aisances,
situé, comme je l’ai dit, derrière le forum de Constantin et le
marché à viande dans le portique ; tous les passants lèvent le
doigt dans sa directions, rendant perpétuellement mémorable la
manière de sa mort. (Histoire ecclésiastique, I, 38, 4-9)

Cependant, avec la mort de l’hérésiarque la polémique arienne n’en finit pas. Au contraire, en
fonction de l’empereur en place, l’arianisme connaitra des moments de gloire et de déclin jusqu’en
381 quand l’empereur Théodose I proclame la religion chrétienne, religion officielle de l’Etat.
Eusèbe de Nicomédie et son homonyme, Eusèbe de Césarée ont joué un rôle primordial dans la
propagande arienne au point que certain ariens prenaient l’appellation d’« eusébiens ».

Controverse arienne

L’historien ecclésiastique Socrate de Constantinople nous apprend qu’Arius, sur le plan doctrinal,
entre pour la première fois en conflit avec son évêque, Alexandre, successeur d’Achillas sur le siège
épiscopal d’Alexandrie. Celui-ci avait fait un sermon sur la similarité de substance entre le Père et
le Fils. Arius interprète cette affirmation dans le sens sabellien faisant ainsi revivre la doctrine de
Sabellius condamnée déjà en 268 suite à un synode tenu à Antioche. Selon la pensée d’Arius, si on
admet que le Fils soit engendré, il faut nécessairement admettre qu’il y eut un temps, celui d’avant
son engendrement, où il n’existait pas. Par conséquent, il faut admettre également qu’il advient à

2
Les collucianistes sont les disciples de Lucien qui naquit à Antioche vers janvier 240 – mort en Antioche,
312, prêtre, saint et martyr. Théologien influent, il laissa une profonde empreinte dans l'histoire du
christianisme et de la théologie antiochienne. Arius se réclame de lui pour se défendre devant l’empereur et
devant son évêque, mais il prend en compte sa profession de foi catholique et sa mort comme martyre.
l’existence ex-nihilo, à partir de rien, par la volonté du Père, comme les autres créatures. Lisons un
extrait de la Lettre d’Arius à son évêque sur ce sujet :

Nous reconnaissons un seul Dieu, seul inengendré, seul éternel,


seul sans commencement, seul véritable, seul possédant
l’immortalité, seul sage, seul bon, seul puissant, juge de tous,
gouverneur, administrateur, immuable et invariable, juste et
bon, Dieu de la Loi et des Prophètes et de la Nouvelle Alliance,
qui a engendré son Fils unique avant les temps éternels, par qui
il a fait les siècles et toutes choses, qui l’a engendré non pas
en apparence mais en vérité, qui l’a fait exister par sa propre
volonté, immuable et invariable, créature de Dieu parfaite, mais
non pas comme une des créatures, produit mai pas comme un des
êtres produits… Il a été créé par la volonté de Dieu avant les
temps et avant les siècles et il a reçu du Père la vie et l’être
et la gloire.

Le Patriarche d’Alexandrie est bien embarrassé par une telle doctrine. Deux pièges étaient à éviter :
ne pas tomber dans le sabellianisme qui prenait le Fils pour le Père et le Père pour le Fils
dépendamment du moment de l’histoire du salut où on se situe, et éviter à tout pris le créationnisme
du Fils propagé par l’enseignement d’Arius. Contre la première tendance, Alexandre devait affirmer
l’indépendance des deux personnes, Père et Fils, dans la divinité, contre la seconde, l’évêque devait
soutenir l’éternité et la consubstantialité du Fils avec le Père sans tomber dans le polythéisme.
Comme la paix de l’Eglise était menacée par cette controverse doctrinale, il réunit un petit synode
d’évêques à Alexandrie et décide l’excommunication du prêtre hérésiarque. Celui-ci se réfugie
chez son ami et condisciple Eusèbe de Nicomédie en attendant des jours meilleurs.

Voici les principaux points doctrinaux d’Arius et leurs enjeux théologiques :

1. Dieu n’a pas toujours été Père, mais il y eut un temps où il n’était pas Père. Avant qu’il
engendre le Fils il ne pouvait pas être Père. Il a fait advenir à l’existence son Fils par
l’engendrement ex-nihilo par sa propre volonté. L’argument biblique avancé pour une telle
affirmation est Dt 6, 4 : « Je suis le Seigneur Un ». Donc le Fils a été créé en premier, avant
toute créature, pour que, par lui, tout vienne à l’existence. Seul le Père est Dieu véritable,
dans le vrai sens du terme, immuable et indivisible. Le Fils ne connait même pas sa nature et
il n’a jamais existé avant que le Père l’ait voulu : Dieu n’a pas toujours été
père ; il y eut un moment où il était seul, et il n’était pas
Père : plus tard il est devenu Père en engendrant le Fils ex-
nihilo. Dieu lui-même demeure tel qu’il est ineffable pour tous.
Celui-là seul n’a personne qi soit son égal ou semblable, ou
glorieux comme lui. Mais nous le disons inengendré à cause de celui
qui par nature est engendré ; nous le célébrons sans principe à
cause de celui qui a un principe ; nous le vénérons comme éternel à
cause de celui qui a commencé d’être dans le temps ; Celui qui est
sans principe posa le Fils comme principe des êtres du devenir et
par lui-même il le promut Fils en l’engendrant. Il n’a rien de Dieu
en propre selon la substance de son propre être, car il n’est pas
son égal, ni surtout de la même essence que lui… En effet, le Fils
lui-même ne connait pas sa propre essence, car étant Fils il exista
réellement par la volonté du Père (extrait Thalie d’Arius citée par Athanase, Sur
les synodes, 15).
2. Le Verbe de Dieu n’est pas Dieu comme le Père. Pour mieux comprendre l’enseignement
christologique d’Arius il faut se reporter à une 50aine d’années en arrière quand Paul de
Samosata et Sabellius ont été condamnés pour leurs positions quant à la consubstantialité du
Verbe pour exprimer la relation entre le Père et le Fils. A l’époque, Denis, le Patriarche
d’Alexandrie, a du intervenir et tenir un discours concernant la consubstantialité du Fils au
Père dans des termes qui conviennent à Arius et auxquels celui-ci fait appel pour sa propre
défense. Le pape Denis de Rome intervient et Denis d’Alexandrie doit intervenir à nouveau
pour expliquer sa position dans un contexte doctrinal à tendance sabellienne. Athanase à son
tour écrira un ouvrage, Sur le défense de Denis d’Alexandrie, pour la défense de la doctrine
de Denis d’Alexandrie et dénoncer l’erreur qu’Arius, par sa ruse, veut inculquer dans la
pensée de l’illustre patriarche alexandrin. Par essence, le Père est étranger au
Fils, puisqu’il est sans principe… Aussi bien, le Fils n’étant pas,
le Père est Dieu… Par la volonté de Dieu le Fils a telle taille et
dimension, issu de Dieu il exista selon tel moment et à partir de
là et depuis lors, étant un Dieu fort il chante le plus puissant
d’une façon limitée. Pour le dire en bref, à l’égard du Fils Dieu
reste ineffable, car il st en lui-même ce qu’il est, à savoir
indicible, si bien qu’aucune des choses dites, le Fils selon la
compréhension ne sait l’exprimer. Car il lui est impossible
d’explorer le Père tel qu’il est par lui-même. Le Père lui est
supérieur en tout (extrait de la Thalie d’Arius). A partir de cette citation, voici les
principaux points de doctrine christologique selon Arius :
a. le Verbe et le Père ne sont pas de la même substance ;
b. le Fils est un être créé, donc il a un commencement comme toutes les créatures ;
c. les créatures sont venue à l’existence par lui et rien n’a été fait sans lui ;
d. il y eut un temps où il n’existait pas, avant qu’il soit engendré du Père.
3. La Trinité est dissemblable à elle-même. Les deux positions doctrinales précédentes
conduisent tout naturellement Arius à affirmer la dissemblance des personnes à l’intérieur de
la Trinité. En effet, selon lui, seul le Père est Dieu véritable, tandis que le Fils et l’Esprit sont
des créatures différentes et dissemblables à l’infini de la substance du Père : Les
substances du Père, du Fils et du Saint Esprit sont divisées par
nature, étrangères, séparées, sans rapport ni participation
mutuelle ; ils sont totalement dissemblables les uns aux autres par
leurs substances et par leur gloires, et cela à l’infini (extrait de la
Thalie d’Arius).

Après la mort d’Arius, sa doctrine connait donc des hauts et des bas. A l’intérieur même des
discutions ariennes les avis sont assez partagés. Plusieurs groupes, plus ou moins ariens radicaux,
voient le jour. Mentions-en seulement le trois principaux groupes et leurs chefs :

1. Les anoméens, ou hétéroousiens, ou aetiens, ou eunoméens constituent la branche arienne la


plus radicale affirmant la totale dissemblance de substance entre le Père et le Fils. Ils son
d’accord pour dire que les idées d’Arius sont bonnes, mais qu’il fallait aller encore plus loin
dans les affirmations quand à la dissemblance substantielle entre le Père et le Fils.
D’ailleurs, le terme anomoios signifie différent, non similaire. Ce parti a connu ses heures
de gloire pendant le règne de Constance et a pris le nom de ses chefs les plus influents,
Aetius et Eunomius. Ces derniers, non seulement ont nié la consubstantialité du Fils avec le
Père, mais ils sont allés encore plus loin affirmant qu’il était d’une nature complètement
différente de celle de Dieu.
2. Les homéens sont ceux qui voulaient promouvoir un arianisme plus édulcorant. Selon eux,
le Fils doit être semblable, homoion, au Père. Le Père, seul inengendré, est incommunicable
par définition, mais il a pu communiquer à son Fils sa puissance créatrice. Acace de Césarée
est le principal promoteur de cette forme d’arianisme, c’est pourquoi on appelle ses adeptes
acaciens. Julien l’Apostat montre un grand soutien pour ce parti qui connait ses heures de
gloire. L’arrivée au pouvoir de Jovien met fin à leur propagande doctrinale et Acace est
condamné, excommunié et chassé de son siège épiscopal de Césarée.
3. Les homoiousiens, ou semi-ariens, sont ceux qui cherchent un terrain d’entente doctrinale
avec les nicéens, appelés également homoousiens. Ils cherchaient différentes façons de
professer la foi trinitaire sans trahir ni la révélation de l’Écriture, ni la tradition de l’Église.
La génération qui a suivi Athanase cherchera des moyens de réconciliation avec ce parti.
Leur réflexion a conduit à la cristallisation de la formule trinitaire « canonisée » par les
conciles postérieurs : en Dieu il y a une substance et trois hypostases. Ainsi née la doctrine
qu’on appelle également tri-hypostatique dont les cappadociens Basile de Césarée, Grégoire
de Nysse et Grégoire de Nazianze sont les principaux promoteurs.

Vers la fin du IVe siècle, l’arianisme connait son déclin. Cependant, il a toujours été propagé par
des groupes minoritaires dans différentes partie de l’Empire. Ulfilas, un missionnaire arien, a
enseigné la doctrine arienne aux tribus germaniques et pendant quelques siècles ces tribus ont
continué à faire revivre l’enseignement arien en l’Europe de l’ouest. Au VIIIe siècle, les ariens dans
ces zones sont trop peu nombreux et on perd leur traces. La trinitarisme reste la doctrine dominante
dans toutes les parties de l’Europe de l’ouest. Cependant, avec l’apparition des mouvements
protestants, on voit réapparaître des branches antitrinitaires, quelques unes ayant des affinités
doctrinales avec l’arianisme du IVe siècle.

La réaction de l’Eglise : concile de Nicée, en 325

Après la victoire de Constantin contre Maxence, l’Eglise chrétienne devient si puissante dans
l’Empire Romain que l’empereur lui-même promulgue, en 313, l’Edit de Milan qui donne la liberté
d’expression aux chrétiens et leur religion est reconnue officiellement par l’état. C’est le moment où
les chrétiens sortent des catacombes et peuvent célébrer le mystère de leur fois publiquement.
Cependant, il faut attendre l’arrivée au pouvoir de l’empereur Théodose I pour que le christianisme
connaisse définitivement son triomphe contre les religions païennes.

La controverse arienne vient « briser » le rêve de l’unité de l’Empire réalisé par Constantin. Alors,
celui-ci, bien qu’encore non-baptisé, décide de convoquer un concile auquel il confie deux missions
sous la direction d’Osius, évêque de Cordoue : élaborer une formule de foi capable de faire
l’unanimité entre les chrétiens sur la doctrine christologique suscitée par la prédication d’Arius et
des ses partisans et se mettre d’accord sur une date commune pour la célébration de la Pacque.
Toutes les églises orientales et occidentales envoient des représentants à ce concile. Le pape
Silvestre, lui-même trop âgé pour entreprendre un tel voyage, envoie deux prêtres pour le
représenter. C’était pour la première fois que l’Eglise toute entière était convoquée pour un concile.
Selon le témoignage d’Athanase, témoin oculaire des débats conciliaires en qualité de diacre et de
secrétaire de son évêque Alexandre, « environs 300 évêques » ont fait le déplacement. La première
question sur l’ordre du jour est le débat théologique suscité par Arius. Les pères conciliaires ont
élaboré un « symbole de foi » signé en unanimité par les participants. Le terme clef de ce symbole
est l’« homoousios, la consubstantialité du Fils au Père ». Deux évêques ont refusé de signer,
Théonas de Marmarique et Sécundus de Ptolémaïs, adeptes d’Arius. Ils sont excommuniés, déposés
de leurs sièges et exilés en Illyrie. Trois autre évêques, Eusèbe de Nicomédie, Théognis de Nicée et
Maris de Chalcédoine ont signé contre-cœur ce symbole sous les menaces de l’empereur. Quant à
Eusèbe de Césarée, en signant ce symbole s’est senti obligé, d’envoyer une lettre à ses fidèles pour
expliquer le geste qu’il a posé3. La seconde question, plutôt disciplinaire, n’a pas nécessité tant de

3
Cette lettre nous est parvenue grâce à Athanase d’Alexandrie qui la met en annexe à son ouvrage Sur les
décrets de Nicée, où, 25 ans après le grand rassemblement, l’évêque d’Alexandrie se propose d’expliquer les
intentions qui ont habité l’esprit des pères conciliaires lorsqu’ils ont proposé et signé ce symbole.
débats. En unanimité les participants ont décidé que l’évêque d’Alexandrie, aidé par le groupe
d’astrologues reconnus par leur performances astrales, décidera de la date pascale à chaque année. Il
l’a fera connaitre aux autres Eglises par l’intermédiaire des Lettres festales. On connait bien la
fidélité d’Athanase quant à l’accomplissement de cette charge.

Il ne faut pas croire qu’avec les décisions prises à Nicée tout a été clair pour tous. Au contraire, de
retour dans leur diocèses, la majorité des évêques avaient oublié le poids théologique du terme
« consubstantiel » qu’ils avaient longuement discuté et signé. C’est pourquoi, l’arianisme fera
surface après Nicée et se divisera en trois groupes que nous avons vu plus haut. Après la mort
d’Alexandre, en 328, Athanase succède sur le siège d’Alexandrie, alors qu’il n’a pas encore l’âge
requis, 30 ans accomplis. Cet inconvénient lui produira beaucoup de trouble dans toute sa carrière
ecclésiastique. Elus par la providence, ou avoir été l’homme qu’il a fallu au moment où il a fallu,
toujours est-il qu’il a su susciter une renaissance de la foi nicéenne pendant son épiscopat. Son
souci d’offrir aux fidèles la vraie foi et son amour pour le Christ, le Verbe de Dieu fait chair, l’ont
poussé à prendre tous les risques afin que la Vérité sorte vainqueur. Eustache d’Antioche et Marcel
d’Ancyre font front commun avec l’évêque d’Alexandrie pour la défense de la foi nicéenne.

Conclusions

Les premières polémiques à propos christologiques sont antérieures à Arius. Elles avaient d'abord
concerné les rapports entre le Père et le Fils et donné naissance à un certain nombre de courants,
l'adoptianisme par exemple, qui se développèrent dès le IIème siècle et surtout au IIIème siècle.
L'arianisme est intéressant à étudier car il nous permet de mettre le doigt non plus sur la question
des rapports entre le Père et le Fils, mais sur celle de la nature même du Fils incarné. L'arianisme
ayant pris un développement important, l'effort des théologiens pour le réfuter fut considérable.

Comme nous avons vu, la doctrine d'Arius n'était pas née de rien. La lettre intéressante, adressée par
Arius lui-même à Eusèbe de Nicomédie se terminait ainsi: porte-toi bien dans le
Seigneur en te souvenant de nos tribulations. J'en forme le souhait,
collucianiste en vérité..... Eusèbe. Que signifie donc ce terme de collucianiste sinon
tout simplement qu'Arius écrivait à son ami Eusèbe et que tous les deux avaient été à l'école de
Lucien d'Antioche. Ce dernier, saint Lucien d'Antioche, martyr à Antioche, né à Samosate vers 240,
avait une particularité: il enseignait en s'appuyant très fortement sur l'Ecriture, lue de façon très
historique. Il était historico-critique avant la lettre, ce qui est assez étonnant pour une époque où
l'on était très porté vers une exégèse allégorique. Lucien avait une vue historique des choses et il a
lui-même essayé de rassembler des manuscrits pour constituer la Bible de Lucien, qui eut un
prodigieux succès et fut lue pendant longtemps dans tout l'empire byzantin. Pour nous, cela veut
dire que des gens comme Arius et Eusèbe, qui avaient été élèves de Lucien, avaient une très grande
connaissance des Ecritures et avaient, de ce fait, une théologie biblique.

Arius ne pouvait pas voir en Jésus-Christ Dieu incarné. Il était trop imbibé de la philosophie
platonicienne pour se permettre de faire descendre Dieu, la divinité incommensurable, immuable,
immatérielle, dans une humanité mesurable, muable et matérielle. Il n'était pas le premier à le dire,
mais on fit de lui le successeur d'un autre hérétique, Paul de Samosate. Cet évêque d'Antioche,
seconde moitié du IIIème siècle, voulait à tout prix maintenir la monarchie divine, un seul Dieu. Il
envisageait le Christ comme un simple homme, adopté par Dieu pour son fils et devenu dès lors de
même substance que lui, homoousios, c'est-à-dire ne formant plus qu'une seule et même personne
avec le Père. A son tour, Arius voulait, lui aussi, sauvegarder la monarchie divine. Arius, élève de
Lucien comme on l'a dit, était un bibliste et savait que le credo d'Israël, qui était aussi celui de
l'Eglise ancienne, était un Dieu unique: Le Seigneur ton Dieu est le Seigneur Un! (Dt 6, 4)
Aussi Arius disait-il que le Père seul est Dieu de toute éternité mais que ce Père a créé ensuite le
Fils, en le tirant du néant, afin qu'il fût la cause seconde de la création. Il y a le Père, seul Dieu
éternel, qui à un "moment" de son éternité crée le Fils, afin que ce Fils soit le créateur. Donc ce Fils
est créé avant les créatures, mais il apparaît à un moment. Il n'est pas éternel. Il est l'instrument de la
création que le Père se choisit. Pour argumenter cela, il fait encore appel à l’Ecriture, dans le livre
de Proverbes où il est écrit : Le Seigneur m'a créée la première de ses œuvres, au commencement de
ses œuvres les plus anciennes. (Pr 8, 22) Cependant, le Fils, en tout état de cause, se distingue donc
des autres créatures par sa primauté et par son éminence; mais on ne peut pas le confondre avec le
Père. Celui-ci (le Fils) n'a rien de propre à Dieu selon la substance qui lui est propre, car il n'est
pas égal à lui, ni même consubstantiel (extrait de la Thalie). Cela a deux conséquences. La première
est théologique : le Verbe ne peut être qu'un Dieu second, subordonné au Père. Arius ne dit pas que
Christ n'est pas Dieu; il dit qu'il est un Dieu second, qu'il n'est pas le grand Dieu. La seconde est
christologique : selon Arius le Verbe n'a pu s'unir à la chair que parce que, précisément, il n'était pas
Dieu et qu'il ne saurait être par conséquent l'inengendré engendré, comme l'enseignait la théologie.
En effet, pour Arius, s'il y a union, il y a ipso facto confusion: Si le Verbe était vrai Dieu de vrai
Dieu, comment pourrait-il devenir homme? ...... Comment osez vous avancer que le Verbe participe
à la vie du Père s'il a un corps pour expérimenter tout cela? En d'autres termes, l'union, pour Arius,
est un argument qui lui permet de lutter contre la divinité du Christ. S'il était vrai Dieu, il n'aurait
pas pu s'unir, parce qu'un tel mélange est inconcevable. Donc s'il y a en Christ une union, ce ne peut
être avec le vrai Dieu. Cela ne peut être que l'union avec le Verbe, avec le Dieu second. Et d'ailleurs
pour éviter toute confusion, les ariens diront que le Verbe ne s'est pas fait homme mais qu'il s'est
uni à la chair. Voici un extrait de la confession de foi de l'évêque arien Eudoxe d'Antioche : Nous
croyons en l'unique Seigneur, le Fils, qui s'est fait chair, non pas
homme, car il n'a pas assumé une âme humaine, mais il s'est fait chair,
de telle sorte que Dieu nous fut révélé, à nous les hommes, à travers la
chair comme à travers un voile, non pas deux natures, puisqu'il n'était
pas totalement homme, mais dieu dans la chair, au lieu d'un âme. Nous avons
ainsi dans l'arianisme une christologie dite de schéma "verbe-chair". L'incarnation, c'est le verbe qui
entre dans la chair. Le Christ, pour se révéler, a dû prendre une apparence, celle de la chair, mais il
n'est pas vraiment un homme. Le Dieu second est rentré dans la chair et c'est tel que nous l'avons
vu. L'hérésie christologique des ariens devenait aussi une hérésie trinitaire, car en Dieu il n’y a pas
trois personnes égales, mais ordonnées hiérarchiquement.

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