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10/08/13 Documents sur l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue : lettres de Biassou, Fayette

Annales historiques de la Révolution


française
339 | janvier-mars 2005 :
Varia
Sources

Documents sur l’insurrection des esclaves de


Saint-Domingue : lettres de Biassou, Fayette
YVES BENOT
p. 137-150

Texte intégral
Tex te intégral en libre accès disponible depuis le 27 av ril 2006.

Une autre image de Biassou


1 Si on essay e de comprendre l’insurrection des esclav es de Saint-Domingue en se plaçant de leur côté, les quatre
lettres de Biassou à l’abbé Delahay e, curé du Dondon, sont infiniment précieuses, et d’autant plus que s’y associent
Toussaint et Belair. Certes, ces documents que complètent une lettre de Fay ette, commandant au Dondon, au
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même Delahay e, un permis accordé aussi à Delahay e, enfin le codicille à son testament, concernent les principaux
dirigeants de l’insurrection et ne sauraient prétendre traduire l’état d’esprit de la masse des combattants insurgés.
Précisons que Biassou et Jean-François (dont il n’est pas fait mention dans nos documents) ne sont dev enus les
seuls dirigeants, ceux du « gouv ernement » selon le terme employ é par eux , qu’après la mort au combat de
Boukman, la fin obscure de Paul, enfin l’ex écution de Jeannot par ordre de Jean-François le 1 er nov embre 1 7 91 .
Tels quels, ces tex tes ont une tout autre tonalité que les lettres, relativ ement nombreuses signées de Biassou et
Jean-François, à partir de celles de décembre 1 7 91 lors de la première tentativ e de négociation, et qui peuv ent
être qualifiées de correspondance officielle, qu’elles soient destinées à div erses autorités, à leurs subordonnés,
aux Espagnols, etc. Ici nous av ons affaire à une relation et une correspondance également priv ées : il en a ex isté à
coup sûr une autre av ec Philippe Roussel, curé de la Grande Riv ière, paroisse sur le territoire de laquelle se
trouv ait le camp des dirigeants, celui de La Tannerie. Mais cette relation non moins amicale, à en juger par
l’interrogatoire dudit Roussel par Sonthonax le 24 janv ier 1 7 93, (Archiv es nationales, D XXV 1 4), n’a pas laissé de
traces écrites qui soient parv enues jusqu’à nous. Une lettre de Roussel à Jean-François, qui était entre les mains de
Sonthonax lors de cet interrogatoire a disparu depuis lors. Et sans doute d’autres…
2 Pour rev enir au point de départ chronologique, le curé de la Grande Riv ière a v écu av ec les esclav es insurgés à
partir du 27 août 1 7 91 , date à laquelle Jeannot s’en est emparé. Le curé du Dondon a commencé la même
ex périence un peu plus tard, le 1 0 septembre 1 7 91 , quand le Dondon est pris par le même Jeannot. Donc, av ant
d’être en rapports directs av ec Biassou, en cette période où Toussaint est son secrétaire, les deux curés ont été
sous le pouv oir de Jeannot, au moins jusqu’au 1 er nov embre 1 7 91 , le jour de son ex écution par ordre de Jean-
François, qui l’accusait de cruautés. Selon le curé Roussel, Jean-François lui aurait assuré qu’il prenait à sa charge
les dettes de Jeannot à son égard, dettes qui concernaient des messes dites à sa demande. Ainsi les curés ont pu
continuer à ex ercer leur ministère, et n’ont pas été personnellement v ictimes de Jeannot. Selon les ex plications
qu’ils donnent dans leurs interrogatoires par Sonthonax , ils ne seraient pas restés en v ertu de quelque idée
préconçue, mais par pur accident, leurs demeures étant trop loin du bourg au moment où tout le monde
s’enfuy ait.
3 Delahay e à coup sûr a participé à ces curieuses réunions où se sont retrouv és mulâtres libres, insurgés et blancs
prisonniers pour élaborer les lettres adressées aux autorités, à l’assemblée coloniale d’abord, puis à la première
commission civ ile, en décembre 1 7 91 en v ue d’ouv rir une négociation. Après l’échec de ces tentativ es, les
prisonniers blancs en question ont été libérés, les curés sont restés à leur poste. Après la prise de Ouanaminthe en
janv ier 1 7 92 et l’attaque de Biassou en haut du Cap, il y a une période de stabilisation. Il ex iste alors dans la partie
nord de Saint-Domingue une v éritable zone libérée qui s’étend depuis la paroisse du Limbé à l’ouest jusqu’à la
frontière espagnole à l’est, v ers Ouanaminthe, et au sud, v ers V allières. Sur ce territoire, les insurgés ont formé un
certain nombre de camps, av ec un certain degré d’autonomie et d’initiativ e, mais reconnaissant l’autorité
suprême de la dy archie Biassou- Jean-François. Celle ci était en train d’éclater en décembre 1 7 92, quand
précisément Biassou a tenté d’éliminer Jean-François, comme on le v erra par la dernière lettre de notre ensemble.
C’est dans cette période que se sont établies les relations amicales qu’attestent nos quatre lettres, et qui d’ailleurs
demeureront entre Delahay e et Toussaint dev enu Louv erture, (alor s qu’il est encore Toussaint, sans plus, en
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1 7 92).
4 L’accalmie a été brusquement interrompue par l’offensiv e ordonnée par Sonthonax le 30 décembre 1 7 92 et
menée par Lav eaux av ec énergie en janv ier 1 7 93. Le camp de La Tannerie et les bourgs occupés par les insurgés
sont reconquis, mais cette apparente v ictoire n’empêche pas que les insurgés sont toujours là, repliés dans les
mornes av ec leurs chefs qui ont échappé, et dont l’alliance s’est ressoudée par la force des choses. Le curé Roussel,
lui, a été arrêté. Delahay e, si l’on en croit ses réponses à Sonthonax , s’est enfui en territoire espagnol le 27 janv ier
1 7 93, jour de la reprise du Dondon ; puis il s’est rendu à un des camps des Français et a été, à son tour, arrêté. Il
sortira de prison au Cap du fait des év énements des 20-22 juin, quand les prisons de la capitale seront ouv ertes. Il
ne rev erra certainement pas Biassou. Si on admet son récit, il apparaît que les lettres, qu’on lui a demandé
d’authentifier lors de son interrogatoire, et ont d’ailleurs fourni matière à div erses questions, ont dû être trouv ées
au presby tère, et qu’il ne les av ait pas av ec lui. Peut-être des documents qu’il n’av ait pas eu le temps de détruire ?
5 Aujourd’hui, les lettres de Biassou et le permis accordé à l’abbé du Dondon ex istent en originaux dans une liasse
de la série D XXV (carton 1 2) des Archiv es nationales, c’est-à-dire l’ensemble des documents rassemblés par la
commission Garran-Coulon en v ue de son enquête et du rapport qu’elle dev ait présenter sur les troubles des
colonies. Mais on en trouv e aussi une transcription littérale dans la série des colonies CC9A, en deux groupes
distincts, on ne sait pour quelle raison, dans les cartons 6 et 7 . C’est uniquement là que l’on trouv e la lettre de
Fay ette et le codicille du testament du curé. S’y retrouv ent aussi trois pièces, qui n’ont pas de rapport à l’abbé
Delahay e : une lettre du commandant espagnol Joachim Cabrera, deux ordres de Biassou, l’un pour la célébration
de la Saint Louis, l’autre donnant pleins pouv oirs à un certain Thomas, un des commandants insurgés. Nous les
av ons placées en annex e.
6 Le personnage de l’abbé Delahay e ne ressort pas à son av antage du miroir offert pas les lettres de Biassou et
Fay ette, alors qu’il a souv ent passé pour un de ces curés fav orables aux esclav es, enclins à l’abolitionnisme
comme il y en a eu. Très précisément, le rapport de Roume déposé sur le bureau de la Conv ention le 29 janv ier
1 7 93, presque contemporain de l’interrogatoire de Delahay e par Sonthonax , soutient que les esclav es insurgés ne
rev endiquaient pas la liberté générale, et que si elle l’est dans une lettre de Biassou et Jean-François de juillet
1 7 92, ce serait le fait de son v éritable auteur, le curé du Dondon. Ce dernier se v oit donc attribué le mérite d’av oir
seul insufflé l’idée de liberté aux esclav es armés seulement en fav eur du roi… En fait, Delahay e dans les débuts de
la Rév olution av ait bien été élu procureur-sy ndic de la commune du Dondon, mais il av ait dû renoncer à cette
charge, parce que l’assemblée du Nord av ait décidé que les ecclésiastiques ne pouv aient pas ex ercer de fonctions
électiv es. La raison alléguée était que cela les éloignerait d’un mode de v ie conforme à l’Év angile.
7 Or, dans le tex te ou mémoire de protestation que Delahay e a rédigé à la suite de cet épisode, il tient à souligner
que, pendant les quelques semaines où il a été en fonction, il s’était efforcé de rendre plus efficace la poursuite des
esclav es marrons, et il jugeait que la gendarmerie était trop lax iste à cet égard. Un peu plus tard, quand
l’insurrection est sur le point d’atteindre sa paroisse du Dondon, il participe à la résistance des colons, se charge de
donner le signal de l’arriv ée de ceux qu’ils appellent « les brigands ». L’église et le presby tère sont d’ailleurs des
points forts de la défense. Il y aurait eu un récit de la prise du Dondon, le 1 0 septembre 1 7 91 , écrit par le curé,
mais que nous n’av ons pas 1 . Donc, il se trouv e, sans doute par accident et non par intention, qu’il est resté av ec les
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insurgés, lesquels, on le sait, loin d’être anticléricaux , se rev endiquent publiquement et du roi et de l’Église
catholique. Il apparaît cependant que Delahay e était surtout soucieux de son confort personnel, et tenait à être
serv i et respecté ; du moins, c’est ainsi que le personnage se dessine ici dev ant nous. Mais Biassou ou Toussaint
sont remarquablement compréhensifs pour lui, Fay ette v isiblement moins.
8 Mais ce sont des faits de plus grande portée qui ressortent de cet ensemble. D’abord celui ci, que Biassou a pris
l’initiativ e d’écrire au nouv eau gouv erneur arriv é av ec Sonthonax et Polv erel, d’Esparbès, dès qu’il en a eu
connaissance, signe de son désir encore présent d’entamer une négociation. Comment a-t-il env oy é sa lettre ? Par
Touzard peut-être ? Nous ne le sav ons pas, nous n’av ons pas ce tex te, Delahay e affirme qu’il n’a pas eu
connaissance d’une réponse. Mais il est curieux qu’à peu près au même moment, en octobre 1 7 92, Sonthonax
accuse v éhémentement le général de se refuser à lancer l’offensiv e contre les insurgés, alors même qu’il déclare
av oir des forces suffisantes. C’est là-dessus que reposera la mise en accusation de d’Esparbès, que la Conv ention
env erra dev ant le tribunal rév olutionnaire, qui l’acquittera. Second fait, celui-là bien connu : après s’être fait
désigner comme v ice-roi, autrement dit chef suprême des insurgés, au-dessus de Jean-François donc, Biassou
demande à Delahay e de lui rédiger une constitution. Mais il reste alors moins de deux semaines av ant l’offensiv e
de Lav eaux ; de plus, dans cet interv alle, Jean-François n’est pas resté inactif. Rien n’indique que le curé ait
seulement commencé ce trav ail. Mais il atteste le souci d’ordre qui est permanent chez Biassou. On ne sait
pourquoi cette affaire n’a suscité aucune question de la part de Sonthonax lors de l’interrogatoire.
9 Mais la rév élation importante, et qui, elle, n’a pas échappé au commissaire civ il, c’est que le curé Delahay e
continuait à av oir des esclav es en pleine zone libérée, et av ec l’év ident accord de Biassou, et même av ec son appui
puisqu’il faisait arrêter celui qu’il soupçonnait d’être marron. L’ex plication donnée par Delahay e est
déconcertante. « Quant aux nègres appartenant à lui répondant il av ait toujours eu soin de les tenir éloignés des
rév oltés, qu’il était conv enu av ec Biassou que les dits nègres resteraient en état d’esclav age ; que cependant
malgré ces belles promesses, il en av ait tiré fort peu de serv ices ; que ses propriétés n’en av aient pas été moins
pillées et qu’on lui av ait enlev é très souv ent les dits nègres pour le serv ice des camps ». Reste, comme le fait
aussitôt observ er Sonthonax , que le codicille par lequel il affranchit ses trois esclav es « mulâtresses » - mais non
ses esclav es de sex e masculin - indique que l’esclav age est encore admis par Biassou. La réponse est embarrassée
et se réfère à la prochaine v ictoire des Blancs, dont il dit av oir été conv aincu - alors que nous lisons à trav ers une
lettre de Biassou qu’il en av ait peur… Notons qu’ultérieurement le curé s’est défroqué et s’est marié. Il est mort
av ant l’ex pédition Leclerc, de mort comme on dit naturelle.
10 Les lettres ne font pas seulement apparaître l’attachement du chef des insurgés, - sur ce point, on pourrait dire
des chefs -, à la religion catholique romaine, mais du même coup, elles montrent bien que ce n’est pas le souv enir
du fameux Bois Caïman qui assure la cohésion d’une insurrection officiellement placée sous le drapeau du roi Louis
XV I. Au demeurant, les curés restés sur place disent la messe dans des églises qui sont év idemment loin d’être
v ides ou peu remplies, la lettre de Fay ette autorise à le penser. Mais, demande Sonthonax , reprenant à peu près les
conclusions de Roume, mais sous forme interrogativ e, comment se fait-il qu’il ne soit guère question de la liberté
générale, qui dev rait être le premier motif de l’insurrection, et toujours du roi ? Si Delahay e est incapable de
donner une réponse tant soit peu conv aincante, le curé de la Grande Riv ière en donne une qui a toute chance
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d’aller à l’essentiel. À la question ainsi formulée : « Interrogé pourquoi la demande de la liberté ne paraissait que
très accessoire aux projets et aux demandes des chefs des rév oltés ? Pourquoi leur principal but était de v enger les
prétendues injures du ci dev ant roi ?- A répondu qu’il a ouï dire au nègre Léandre de l’habitation Carré qui le tenait
de Biassou que c’était pour le roi qu’ils combattaient et que le roi v oulait leur donner la liberté ». Au moins av ons
nous là une interprétation intelligible : le roi d’abord, et il reconnaîtra la liberté générale. On en conclurait
v olontiers que pour les insurgés de la base, pour la grande masse, l’ordre des préoccupations est inv erse : la
liberté d’abord, le roi ensuite si c’est par lui qu’elle passe.
11 Delahay e n’est pas Léandre ; à son égard, Biassou n’a pas besoin de se justifier de combattre pour le roi et la
Sainte Église, il peut se laisser aller au naturel. De toute façon, il ressort assez clairement qu’il tient à l’ordre, qu’il
ne met pas en cause l’ex igence de l’autorité étatique hiérarchisée. Il peut nous paraître étrangement complaisant à
l’égard d’un Delahay e, soucieux , semble-t-il, d’être bien serv i et de son rav itaillement. Mais c’est aussi une
manifestation d’amitié, que l’év ident souci de Biassou de faire preuv e d’élégance langagière ne doit pas porter à
sous-estimer. On constatera que tout le monde, dans le camp des insurgés, n’éprouv e pas à l’égard du curé les
mêmes sentiments que Biassou, Toussaint et Belair. La lettre de Fay ette n’est ni du même sty le ni du même ton.
Mais pour ce qui est des insurgés, de ceux qu’il appelle « mon peuple », il est surtout préoccupé de les faire
trav ailler, nous ne sav ons pas à quoi, s’il s’agit de cultures pour assurer le rav itaillement, ou d’autres trav aux . Ici
encore le souci du bon gouv ernement est présent, et pas seulement chez Fay ette : le trav ail est nécessaire pour
que l’insurrection tienne, pour que les insurgés montrent qu’ils sont capables de fonder un État.
12 Quoi qu’il en soit du contenu programmatique de l’insurrection, il résulte de ces lettres, comme d’ailleurs
d’autres tex tes et faits, que Biassou et les principaux dirigeants des insurgés en cette période étaient des
personnalités capables de séduire et d’intéresser, capables d’entrer en négociation et d’y faire preuv e d’un certain
sens de l’État. On ne saurait en aucun cas associer Biassou et Jeannot, comme le fait encore Sonthonax qui parle
des « v ictimes des cruautés de Jeannot et Biassou ».
13 N.B. : il n’a pas paru utile de reproduire les transcriptions littérales de ces tex tes. On en a donné seulement un
ex emple pour ce qui concerne le premier document en date, le permis accordé à Delahay e. Quant au nom de ce
dernier, on a gardé l’orthographe usuelle, mais sur son interrogatoire, le curé signe Lahay e. Ses prénoms sont
Guillaume Silv estre. N’ont pas non plus été reproduits les soulignés, qui paraissent av oir été introduits après coup
par ceux qui ont utilisé les lettres
14 Documents
15 I

«En conséquence des ordres du gouv ernem ent général de Grande Riv ière
Il est perm is à m onsieur l’abbé du Dondon d’env oy er une ou deux personnes allant à la garde espagnole chercher ses
besoins. Je prie m essieurs les com m andants, colonels de les laisser passer librem ent sans les détourner.
Au gouv ernem ent le 2 4 juillet 1 7 9 2
Béassou Général des arm ées du Roy
Lefebv re, aide de cam p général»
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16 Transcription littérale du tex te ci-dessus

«En consequance Des ordre du Gouv ernem ent Général de la Grande Riv ierres
il est perm y a m onsieur Labbé du Dondon D’env oy é un ou deux personne allant a la Garde Espagnol cherche ses Besoin je
prie Messieur le Com m andant Colonel De le laissé passé librem ent, Sans les Détourné au Gouv ernem ent le 2 4 juillet 1 7 9 2
Béassou General darm é du Roy
Lefebv re aid de cam p au Gouv .»

17 II

«Gouv ernem ent, 3 0 septem bre 1 7 9 2


Monsieur le curé
L’honneur de la présente est pour v ous souhaiter le bonjour, en m êm e tem ps je v ous env oie un m orceau de boucherie
Je suis av ec respect
Votre très hum ble et très obéissant serv iteur
Biassou généralissim e des arm ées du roy
Belair, aide de cam p général
Je v ous dirai enfin que j’ai écrit à ce général nouv ellem ent arriv é pour sav oir la constitution ; Quand je recev rai la
réponse, je v ous en ferai part. Je v ous env oie un m orceau de panse.»

18 [Le général en question est d’Esparbès, arriv é av ec Sonthonax et Polv erel le 1 7 septembre 1 7 92. Biassou av ait
commencé à dater du 2(0) septembre, puis a corrigé]
19 III

«Gouv ernem ent, le 2 8 octobre 1 7 9 2


Monsieur le curé
C’est pour répondre à l’honneur que v ous v oulez bien m e faire pour les bons principes et les conseils sages que v ous v oulez
bien m e donner sur l’adm inistration 2 de m es états et de la m arche que j’ai à suiv re pour les bien diriger selon la justice et
l’équité. Soy ez persuadé que je ferai tout ce qui dépendra de m oi pour exécuter v os bons av is qui sont rem plis de tant de
bons principes, et soy ez persuadé que je les aurai toujours grav és dans m on cœur. Quant à l’injustice que v ous m e m arquez
qui a été faite à ces pauv res innocents, m es intentions n’ont pas été à leur faire aucune injustice. Et m êm e j’av ais M. le
Maréchal Toussaint pour m ettre ordre à toutes ces hostilités. Mêm e il m ’a rapporté à son retour qu’il av ait puni le sieur
Garcia qui a l’insolence de v ous m anquer au respect de v otre caractère. Il a été m is aux fers pour cette fois ci. Mais s’il a le
m alheur de récidiv er, il sera puni très rigoureusem ent et dém is de son poste. Mais com m e je sais que av ez le cœur bon, que
v ous n’aim ez point de punitions exem plaires, que v ous v ous arrêterez à celle ci.
Quant à v os dom estiques, Mr Toussaint a donné des ordres à Monsieur Fay ette 3 pour les faire rentrer à leurs dev oirs. Et M.
le Maréchal se propose d’aller toutes les sem aines faire sa tournée et faire établir l’ordre, la paix et la tranquillité, et faire
exécuter v os instructions à cet égard. Enfin Monsieur le curé, je ferai tout ce qui dépendra de m oi pour répondre
exactem ent à toutes v os dem andes. Rien de nouv eau à v ous apprendre. Je n’ai rien de bon à v ous env oy er que neuf liv res
de v iande par v otre dom estique.
Mm . Belair et Toussaint v ous assurent de leur respect. Je finis av ec tous les sentim ents d’estim e et d’am itié av ec lesquels je
serai toute m a v ie
Votre très hum ble et très ob(éissant) serv iteur
Biassou

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Généralissim e des arm ées Du Roy
Bellair
Aide de cam p général» 4

20 IV

«Gouv ernem ent, le 1 3 décem bre 1 7 9 2


Monsieur le curé
Je m e ferai l’honneur de répondre à v otre seconde lettre dans laquelle v ous m e m arquez v otre inquiétude et que craignez
beaucoup d’être de ce bord ici ; je v ous prie en grâce de ne point v ous m ettre un chagrin à la tête v u que je v ous ai écrit que
je v erserai m a dernière goutte de sang pour défendre nos droits et les v ôtres ; par conséquent, si c’est que v ous craignez
quelque chose, v ous pouv ez v ous tranquilliser. Si le m alheur v eut que nous v enions d’être attaqués et que les ennem is
soient v ainqueurs, je ferai tout m on possible pour v ous faire sortir parce que le v ous dirai que je suis fort inquiet de ce que
v ous m e faites l’honneur de m e m arquer au sujet du rév érend Père du Lim bé et de la Petite Anse. Soy ez persuadé que je ne
v ous abandonnerai jam ais qu’à m on dernier m om ent. Au sujet de v os dom estiques nous écrirons une lettre à Mr. Fay ette
pour faire rentrer v otre m ulâtresse à son dev oir et pour qu’il prête la m ain à cela pour obliger à v os dom estiques de v ous
serv ir.
Je v ous env oie v otre nègre nom m é Fortain qui est détenu à la barre. Je n’ai rien de nouv eau à v ous m arquer pour le
m om ent. Je v ous prie de prendre patience, de ne point v ous chagriner. Je finis en v ous désirant une bonne santé et suis
av ec respect
Votre très hum ble et très obéissant serv iteur
Biassou
Généralissim e des arm ées du roy »

«Monsieur le curé
Bellair, aide de cam p général
[Les curés du Lim bé et de la Petite Anse ont été exécutés au Cap en nov em bre 1 7 9 1 com m e suspects de com plicité av ec les
esclav es insurgés]

21 [Addition écrite latéralement]

«M. Toussaint ainsi que Mr. Bellair v ous assurent de leurs civ ilités. Je v ous env oie par v otre porteur un m orceau de
boucherie. Si j’ai gardé si longtem ps v otre nègre, c’est parce que je croy ais qu’il s’était sauv é de chez v ous. Voilà le sujet
qui m ’a obligé de le tenir à la barre pour le punir auparav ant de v ous le renv oy er. Je v ous env oie la lettre de Mr. Fay ette
pour que v ous preniez lecture et v ous m e ferez le plaisir de la cacheter et de la lui env oy er. Vous m ’obligerez infinim ent.»

22 V
23 [Lettre de Fay ette, qui se trouv e uniquement, en transcription littérale, dans le dossier des Archiv es nationales
Col CC9a 7 , immédiatement après le codicille du testament de l’abbé Delahay e.]

«Au Dondon, le 1 7 décem bre 1 7 9 2 »


Monsieur
Perm ettez que le place ici m es hum bles respects. L’honneur de la présente est pour v ous souhaiter le bonjour, en m êm e
tem ps pour v ous prier de faire entendre à toutes ces négresses ( sic) de trav ailler et qu’ils n’ont point trav aillé. Je crois par
là que v ous êtes celui qui les fera trav ailler puisque ils disent que c’est v ous qui leur ordonne de ne point trav ailler, parce
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que je crois que v ous êtes trop juste pour les em pêcher de trav ailler. J’attends ce plaisir de v ous com m e de m e croire celui
qui a l’honneur d’être

Votre dév oué


Monsieur Fay ette
Fay ette
Com m andant général»

24 [ Addition écrite latéralement]

«j’ai entendu dire que v ous av ez prêché dim anche des gens de v ous faire la charité en v ous apportant quelques v iv res. Je
crois à m oi-m êm e que si v ous êtes dans une pareille situation v ous auriez dû v ous adresser à m oi et je prêterais v olontiers
à v ous les faire que de n’en pas v ous adresser à m on peuple. Je v ous prie de m e faire sav oir si c’est v ous qui leur av ez fait
cette dem ande.»

25 VI

«Gouv ernem ent, le 1 8 décem bre 1 7 9 2


Monsieur le curé
Perm ettez que je m e fasse l’honneur de v ous assurer de m es respects et en m êm e tem ps pour v ous supplier si c’est un effet
de v otre bonté de v ouloir bien m arier ces deux personnes qui sont de l’habitation des pères de la Petite Anse, qui
v oudraient se réunir ensem ble. Com m e je pense que v ous êtes m aître de v otre cure, com m e v ous av ez été accordé par le
roi et que si cette rév olution se fait par nous, c’est pour soutenir le droit du roi notre m aître ainsi que notre religion, et je
crois qu’on ne doit point em pêcher le cours de notre religion de se professer ; ainsi j’ose espérer que v ous v oudrez bien
m ’accorder la dem ande que je m e fais honneur de v ous faire. Je suis av ec un profond respect
Monsieur le pasteur
v otre obéissant
Biassou, v ice-roy
Bellair, aide de cam p général»

26 [Addition latérale]

«Je v ous fais sav oir que ces personnes la ont cinq enfants.»

27 [Au dos de cette lettre, est écrit le tex te suiv ant, sans suscription ni signature]

«Perm ettez que je v ous fasse part que tout le peuple ainsi que m on arm ée (se) sont assem blés, qu’ils m ’ont reconnu pour
être v ice-roy et Mr Toussaint est reconnu pour être général d’arm ée. Ainsi, M. le pasteur, j’ose espérer de v otre bonté et de
v os capacités pour m e conduire et m ’enseigner la m arche que je dois suiv re, et v ous prier si v ous trouv ez que ce soit à
propos . Je v ous prierai de m e form er un discours pour pouv oir présenter au peuple pour le rem ercier de la confiance qu’ils
ont eu de m a personne pour le faire dire(?) après une grand ’m esse solennelle, pour chanter (?) à cet égard après cette
réception. Je v ous prierai aussi de v ouloir bien nous établir une loi, c’est-à-dire une form e de gouv ernem ent à pouv oir
établir l’ordre en attendant les ordres du roy notre m aître que j’espère av ec l’aide du Seigneur de soutenir pour ses droits
jusqu’à ce qu’il lui plaise de nous env oy er l’établissem ent de sa loi.»

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28 V II

«Codicille
Au nom de Dieu, je déclare que ce codicille renferm e un utile principal de m es dernières v olontés relativ es à Françoise,
m ulâtresse laquelle je prie de faire jouir des priv ilèges de la liberté, la déclarant libre par ledit testam ent, le présent
codicille donnant titre originel si le testam ent cité se trouv ant à dire par quelque accident im prév u, car telles sont m es
intentions au Dondon jouissant de la santé, sain d’esprit et de jugem ent, j’ai signé ce présent acte de reconnaissance pour
l’attachem ent et les fidèles serv ices que m ’a rendu la susdite m ulâtresse ainsi que la m ulâtresse Catherine et la jeune
m ulâtresse Florence Caqui aussi à m oi appartenant. Lesquelles je prétends v ouloir jouir des m êm es prérogativ es et ce par
les m êm es raisons

Au Dondon le dix huit décem bre 1 7 9 2 »

29 [La signature de Delahay e n’a pas été transcrite, mais figurait év idemment sur l’original]
30 [Documents annex es, inclus dans le même lot de transcriptions littérales de Col. CC9a 7 ]
31 I

«En conséquence des ordres du gouv ernem ent général, nous Georges Biassou, chev alier de l’ordre roy al m ilitaire de Saint
Louis, général des arm ées du roy de la partie de Saint Dom ingue du Nord
Donnons pleins pouv oirs à Mr Thom as, colonel et com m andant dans la partie de la Crête Rouge et dans tous les cam ps qui
peuv ent av oir été établis par lui dans ladite dépendance sans être troublé par ni leurs com m andants ni colonel de
quelque quartier qu’il puisse être sous m es ordres, le tout sous peine d’être exilés de leurs dem eures [?] et lui s’obliger de
nous en rendre le fidèle com pte en notre présence par dev ant nous au gouv ernem ent
Car telle est notre v olonté
Donné au gouv ernem ent sur le sceau de nos arm es et le contre seing de notre secrétaire, le 1 6 aoust 1 7 9 2
Biassou, général d’arm ée du roy
Bellair aide de cam p général»

32 II
33 Lettre de Joaquim Cabrera du 5 juin 1 7 92 à Biassou

«Monsieur
Répondant à v otre lettre du jour d’hui, je v ous dirai que les nouv elles que v ous av ez reçues indirectem ent et desquelles
v ous m ’en [sic] parlez, sont fausses, v u qu’aucun de m es gardes postés sur la frontière ne m ’a instruit d’aucun passage ( de
troupes) sur le territoire espagnol. Je peux v ous certifier que jusqu’à ce que je reçoiv e de nouv eaux ordres de m on général,
j’observ erai la plus parfaite neutralité entre les deux partis qui div isent la nation française. Je m aintiendrai les
précautions prises pour la défense du territoire espagnol dans m on gouv ernem ent, v ous considérant v ous et les Blancs
com m e des Français. C’est la réponse que je peux faire à v otre question.
Je prie Dieu pour v otre conserv ation
Joaquim Cabrera»

34 III
35 [Ordre de Biassou concernant la Saint Louis]

ahrf.revues.org/2175 9/11
10/08/13 Documents sur l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue : lettres de Biassou, Fayette
«En conséquence des ordres du gouv ernem ent général
Il est ordonné à tous m essieurs les colonels et com m andants de leurs cam ps d’en haut de la Grande Riv ière et des
dépendances de descendre av ec leur arm ée, bien arm és et équipés, de se rendre de suite à deux heures précises car le cas
l’exige, sous peine d’être exilés de leur com m andem ent si les dits ordres ne sont point exécutés à sa teneur (sic), pour
assister à la fête de Louis Seize roi de France notre Seigneur
Donné à notre gouv ernem ent sous le sceau de nos arm és et le contreseing de notre aide de cam p
Biassou, général des arm ées du roy
Belair aide de cam p général
Lefebv re aide de cam p au gouv ernem ent»

36 [ plus bas : cachet ]

Notes
1 Voir le récit de la prise du Donjon publié dans Chemins critiques, v ol. 2 n° 3 , Port au prince, m ai 1 9 9 2 , pp. 9 7 -1 1 2 .
2 Biassou écrit : la m inistration…
3 Biassou écrit constam m ent ce nom av ec l’orthographe Fay ette, alors que d’autres l’écriv ent Fay et.
4 On trouv e constam m ent : aide de cam p dans les originaux.

Pour citer cet article


Référence papier
Yves Benot, « Documents sur l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue : lettres de Biassou, Fayette », Annales historiques
de la Révolution française, 339 | 2005, 137-150.

Référence électronique
Yves Benot, « Documents sur l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue : lettres de Biassou, Fayette », Annales historiques
de la Révolution française [En ligne], 339 | janvier-mars 2005, mis en ligne le 27 avril 2006, consulté le 10 août 2013. URL :
http://ahrf.revues.org/2175

Auteur
Yves Benot
Articles du m êm e auteur
Florence GAUTHIER (dir.), Périssent les colonies plutôt qu'un principe. Contributions à l'histoire de l'abolition de
l'esclavage, 1789-1804 [Texte intégral]
Paris, Société des études robespierristes, Collection Études révolutionnaires, n°2, 2002, 120 p.
Paru dans Annales historiques de la Révolution française, 331 | janvier-mars 2003

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10/08/13 Documents sur l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue : lettres de Biassou, Fayette

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