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(A. Montagut)
Avatars du manuscrit
1
Une version préalable de cet article a paru en espéranto dans Libera Folio, www.liberafolio.org, de
novembre 2008 à janvier 2009.
2
Voir Volker Dehs, « Dernières impressions d’Afrique. L’ultime Voyage extraordinaire » et Christian
Porcq, « Ballade pour un voyage orphelin » in BSJV, nº 98, 1991, pp. 5-14 et 15-25 ; Jacques Davy
« L’étonnante aventure de la mission Barsac », in Agnès Marcetteau-Paul (éd.), Jules Verne écrivain
(2000). En ce qui concerne spécifiquement le thème de l’espéranto, l’article de Jean Amouroux, « Jules
Verne et l’espéranto » dans J.V. Feuille de liaison du Centre de Documentation Jules Verne – Amiens, nº
27, 3e trimestre 1993, et un essai récent de Lionel Dupuy, Jules Verne espérantiste ! Une langue
universelle pour une œuvre atemporelle, publié en 2009.
« Derniers préparatifs »
« Étape »,
« Madeville » (chap. 7)
« Franceville » (chap. 10)
« Attaque Malaliaque » (chap. 11)
« Brazzaville » (chap. 12)
« En route » (chap. 13)
« Seuls » (chap. 14)
« Kozambe » (chap. 15)
« Loango » (chap. 16)
« Concl[usion] » (chap. 17).
3
Cette phrase se rapporte logiquement à Voyage d’études, si l’on considére la correspondance entre
Michel Verne et l’éditeur de décembre 1912 à mai 1913 (cinq mois), lettres dans lesquelles le sujet
littéraire prépondérant, est precisément cette oeuvre. Cette interprétation m’a été confirmée par Volker
Dehs dans plusieurs messages (30-10-2008; 1-11-2008), qui m’a en outre confirmé que la note sur p. 312
de la Correspondance relie à tort ladite phrase au roman Le secret de Wilhem Storitz, puisque l’éditeur et
Michel Verne ont mentionné ce dernier titre uniquement comme référence comparative (“l’exemple de
Wilhelm Storitz”). En fait, le sujet de la lettre du 14-04-1913 est le roman Voyage d’études, et c’est celui-
ci qui fut interrompu (“arrêté”), non pas le roman Storitz.
4
Cf. Correspondance inédite de Jules et Michel Verne avec l’éditeur Louis-Jules Hetzel (1886-1914),
établie par O. Dumas, V. Dehs et P. Gondolo della Riva, Tome II, 2006, page 145, note 2, relative à la
lettre du 4 mars 1905. Toutes les citations de la correspondance proviennent de cette publication.
Dans le reste de la correspondance conservée entre l’éditeur et Jules Verne,
respectivement Michel Verne, la cause de cette interruption n’est pas dévoilée, elle est
seulement évoquée par Hetzel et Michel en rapport avec le drame de Zinder et le
scandale que l’allusion à ce sujet pourrait occasionner5.
Également, Jules Verne ne s’était pas détourné de la langue espéranto : il ne
revint pas sur la promesse faite à ses amis Tassencourt et Delfour d’écrire un roman à
propos de cette langue ; il resta toujours président d’honneur du groupe espérantiste
d’Amiens, depuis la fondation de celui-ci en 1903 ; son nom et son adresse (Verne J.,
44. bd Longeville) figurent au Tutmonda Jarlibro Esperantista (Annuaire mondial
espérantiste) de 1904; et, à ses obsèques, Gustave Queste prononça un discours au nom
du groupe espérantiste amiénois. Il faut chercher ainsi ailleurs le motif concernant
l’interruption du roman.
Or, d’après mes recherches, la cause la plus vraisemblable de cette rupture fut
l’état d’esprit dans lequel se trouvait Jules Verne en été 1903, assailli par les doutes et
les incertitudes éveillés par des nouvelles inattendues en provenance du Congo, pays qui
devait servir de toile au fond de son roman. Ces nouvelles ébranlèrent le regard
optimiste et la perspective naïve qui caractérisaient l’œuvre commencée, au point
d’imposer un arrêt provisoire ou définitif. Cependant, notre affirmation doit être étayée
par des arguments substantiels.
Jusqu’en été 1903, l’opinion qui prévalait en France au sujet des affaires
coloniales du Congo, et plus généralement des colonies africaines, était qu’elles allaient
assez bien, sans problèmes graves, en dépit de quelques conflits sporadiques ou excès
lamentables, que l’on avait réussi à détecter, à juger et à punir.
Cependant, cette opinion commença à changer en 1903 à la suite des
informations sur la terrible réalité, d’abord de l’État indépendant du Congo, propriété
personnelle du roi des Belges, Léopold II. À ce propos, on peut consulter plusieurs sites
internet et d’autres documents6.
L’investigateur et diffuseur principal de ces révélations fut Edmund Dene Morel
(1873-1924) qui obtint, après maintes démarches auprès des députés, que la Chambre
des Communes britannique se penchait sur la situation de l’État indépendant du Congo.
En effet, le 20 mai 1903, la Chambre approuva unanimement une résolution dénonçant
les abus envers les indigènes et les barrières qui s’y dressaient contre le libre commerce.
En outre, le texte invitait le gouvernement anglais à agir en conséquence.
Au fond, cette résolution concernait également le Congo français, qui
connaissait depuis des années (depuis 1898) le même régime que le Congo léopoldien,
avec des résultats aussi effroyables, déjà mis en évidence par André Morel en 1903 dans
son livre The British Case in French Congo7.
Au printemps 1903 cette dénonciation par la Chambre des Communes rencontra
peu d’écho dans la presse française. On écrivit qu’il s’agissait d’intérêts commerciaux et
5
Lettres du 16 et du 18 mai 1913. Sur le drame de Zinder: v. l’article de J. E. Embs, “Le cas étrange des
deux capitaines”, BSJV nº 122 (1997), pp. 33-39.
6
Entre autres Jean Marcel, Terre d’épouvante. Dix-huit mois dans le Congo belge et français, 1905 (livre
consultable sur gallica.bnf.fr); Georges Toqué, Les massacres du Congo, 1907; Nearl Ascherson, The
King Incorporated: Leopold the Second in the Age of Trusts (1963); Octave Mirbau, Le caoutchouc rouge
(1994); Adam Hochschild, Les fantômes du roi Léopold, 1999.
7
<archive.org/details/britishcaseinfre00morerich>
politiques de l’Angleterre, et on ne mentionna que vaguement et de façon secondaire les
accusations d’abus contre les indigènes. Par contre, on ne manqua pas de souligner que
le Congo français était également en jeu. Il convient de citer à ce propos un article paru
dans le journal Le Temps, sous le titre « La question du Congo » : « Morel [...] demande
que le cas du Congo français soit également soumis aux puissances signataires de l’Acte
de Berlin. »8
Mais ce ne fut qu’en juillet et août 1903 - lorsque Jules Verne se trouvait
pleinement immergé dans la rédaction de Voyage d’études - que le sujet éclata, devint
d’actualité et apparut en première page des journaux français. On comprit alors que non
seulement la Chambre des Communs, mais également le gouvernement anglais devrait
procéder de façon décidée. Au fond, c’était une arme à double tranchant qui menaçait
les intérêts nationaux de la France : si l’Angleterre allait exiger de convoquer à nouveau
les États de l’Acte de Berlin pour reconsidérer la repartition de ces zones africaines
désirables, la France risquait de perdre (une partie de) ses territoires, mais en revanche
elle pouvait éventuellement gagner une partie du Congo indépendant, puisque l’État
français s’attribuait le droit de préemption selon un accord convenu avec le roi Léopold
à la conférence de Berlin en 1885.
Le 30 juillet 1903, le journal La Croix reproduit les protestations indignées de
Mgr Augouard, évêque du Haut Congo français (Congo-Brazzaville), contre les
accusations britanniques :
« [Il] se demande de quel droit les Anglais viendraient s’immiscer dans les
affaires de l’État indépendant et du Congo français. À défaut de droits, les Anglais
cherchent des prétextes pour occuper des territoires que d’autres ont mis en valeur au
prix de mille sacrifices. Pour des yeux clairvoyants, la campagne actuelle n’a pas
d’autre but. »9
De la fin de juillet jusqu’au 18 août le sujet restait éclipsé et disparut à peu près
des journaux. Pendant ces jours les nouvelles qui prévalaient sont celles relatives à la
mort du pape Léon XIII, survenue le 20 juillet, et par la suite, de l’élection de Pie X, le
4 août, ainsi que les nouvelles sur un accident grave du métro parisien, le 11 août.
Mais entre les 20 et 25 août 1903 toute la presse française que j’ai pu consulter
sur internet (Le Temps, La Croix, Le Figaro, La Presse, voir gallica.bnf.fr) commentait
d’une façon remarquable comment le gouvernement anglais dénonçait officiellement les
cruautés au Congo léopoldien. Une copie de la note officielle fut transmise le 20 août au
ministre belge d’affaires extérieures et, presque en même temps, aux autres puissances
ayant signé le traité de Berlin : l’Allemagne, la France, le Portugal, les Pays-Bas,
l’Espagne, l’Autriche-Hongrie, la Suède-Norvège, le Danemark, l’Italie, la Russie,
l’Empire Ottoman et les États-Unis. Les journaux analysaient l’affaire sous différents
points de vue. Aucun n’ignorait que le réquisitoire officiel du gouvernement anglais
pouvait entraîner des conséquences graves pour les intérêts de la France en Afrique et
pour l’équilibre entre les puissances européennes.
Outre ces démarches diplomatiques, des rapports concernant des massacres et
des abus graves au Congo français furent publiés, du moins le 18 juillet 1903. Voici le
rapport du journal La Croix :
« Le lieutenant Simon et <30> [< > indique une lecture douteuse] tirailleurs ont
dû attaquer le village de <Bikeleum> qui ne voulait pas payer l’impôt. Son guide fut
tué. Les pertes des Pahouins ne sont pas connues. Les Français incendièrent le village et
détruisirent les plantations. A Booué (Haut-Ogooué), le lieutenant Seckeel (?) [le point
8
Le Temps, 8 juin 1903, p. 1. Voir aussi dans La Croix, “La situation actuelle au Congo belge”, 30 juillet
1903, p. 3, et dans Le Temps, “La question des deux Congo”, éditorial du 18 août 1903, p. 1.
9
La Croix, 30 juillet 1903, p. 3.
d’interrogation se trouve dans le texte] a attaqué un village pahouin. Les Pahouins ont
eu <31> morts. Le capitaine des tirailleurs à N’Djeté envoie chaque semaine des
expéditions dans la brousse pour lever l’impôt. Il projette une expédition contre les
indigènes de la crique N’Bomi pour les punir d’avoir attaqué le capitaine Fumeau, il y a
deux ans. »10
Le lecteur pouvait aisément en déduire que les dénonciations anglaises n’étaient
pas sans quelque fondement, ou qu’elles étaient du moins dignes de réflexion. Devant
de telles informations, Jules Verne pouvait bien douter. La réalité du Congo français se
dévoilait comme bien moins pacifique et tranquille qu’il n’avait commencé à la
dépeindre.
Rappelons que l’expédition de Voyage d’études a l’intention de suivre justement
le bassin de la rivière de l’Ogooué et que le territoire des Pahouins ou M’Fans se trouve
au nord de celui-ci. D’ailleurs, Jules Verne, dans le roman qu’il rédigeait à ce moment,
mentionne deux fois le pays voisin du Congo léopoldien avec optimisme ou sans aucune
critique (Voyage d’études, chap. 2, p. 235, et 3, p. 245), et se montrait donc ignorant en
ce qui concerne le régime d’exploitation et esclavagiste qui y régnait.
Parallèlement, le bimestriel Revue coloniale publia, entre avril 1903 et juillet
1904, la traduction complète du livre d’Edmund Dene Morel, Affairs of West Africa
(1902), lequel contient entre autres plusieurs références critiques au Congo indépendant
et au Congo français, surtout à partir du chapitre VIII, paru en juillet/août 1903 dans le
nº 1311. La revue publia, dans ses numéros 11-20 et sans interruption, des chapitres de la
traduction française d’A. Duchène, chef du bureau de l’Afrique au Ministère des
Colonies. Il n’est pas exclu que Jules Verne ait lu les dénonciations spécifiques de
l’ouvrage, ou qu’il ait été informé de leur contenu ou de leur existence par ses amis, ou
bien par ses connaissances à la Société Industrielle d’Amiens.
Il est logique d’affirmer que les difficultés et les incertitudes évoquées par
Hetzel avaient des causes autres que strictement littéraires. Il ne fait pas de doute que
Jules Verne maîtrisait parfaitement son métier d’écrivain.
Comme toujours avant d’entreprendre la rédaction d’un roman, pour Voyage
d’études il s’était sérieusement documenté sur le pays, sa géographie, son ethnographie
et son histoire, pas moins que sur l’espéranto. Il avait préparé un esquisse ou un plan
général pour toute l’œuvre et disposait de nombreuses fiches, de livres, de revues et de
cartes relatifs à son sujet. S’il n’était pas dans ses habitudes de mener des recherches
proprement dites sur le terrain, il recherchait néanmoins toujours la crédibilité, la
vraisemblance et l’actualité autant que possible. C’est justement dans ce but qu’il
visitait régulièrement la chambre de lecture de la Société Industrielle d’Amiens.
Pendant l’été 1903, il suffisait de regarder les titres à la une des journaux pour
prendre connaissance des développements affectant le scénario du roman en cours.
Comme nous l’avons vu, les références se multipliaient fin août.
En outre, le 19 août 1903 on fonda solennellement à Bruxelles, dans la grande
salle du Palais de l’Académie, la Ligue nationale, une fédération de sociétés pour la
défense des intérêts belges à l’extérieur, d’abord pour défendre le Congo indépendant
10
La Croix, 18 juillet 1903, p. 3
11
La référence dans la liste présentée à gallica2.bnf.fr (en octobre 2008 et postérieurement) est erronée. Il
faut consulter l’intérieur des volumes pour déterminer la date de parution.
des attaques de la Grande Bretagne12. Le correspondant belge du journal La Croix
commenta :
« Cette Fédération qui vient d’être constituée, sur l’initiative de la puissante
Société des ingénieurs et industriels, groupe dès à présent les plus importantes
associations commerciales, scientifiques et économiques de notre pays. Le nombre des
membres est de 8 000 à 10 000 et les adhésions arrivent chaque jour. La propagande de
cette Fédération sera irrésistible [...]. Les patriotes sincères applaudissent. »13
Si l’on considère l’initiative et la participation fervente de la Société des
ingénieurs et des industriels à la fondation de cette Fédération informative et
propagandiste, il est probable qu’on en ait discuté à la Société Industrielle d’Amiens
pendant plusieurs jours de fin août, avec éventuellement des points de vue opposés.
Plusieurs caractères du roman Voyage d’études sont inspirés de personnes en rapport
avec la Société Industrielle, et c’est à son siège qu’eurent lieu la première conférence
sur l’espéranto à Amiens, le 11 janvier 1903, et le premier cours de la langue. C’est
également là que se tenaient, par la suite, les réunions du groupe local espérantiste.
Si Jules Verne eut connaissance de ces événements, ce qui est très probable,
alors il vit sans doute leur connexion avec son roman, et l’influence radicale qu’ils
pouvaient exercer.
Les nouvelles récentes lui montraient que la réalité au Congo français et au
Congo léopoldien était toute autre que ce qu’il avait supposé. Il ne pouvait pas continuer
à rédiger un roman dont l’action devrait désormais suivre un scénario bien différent de
ce qu’il avait imaginé sur la base d’informations dépassées. L’auteur lui-même et les
futurs lecteurs pouvaient mettre en question la véracité du scénario qu'il dépeignait dans
le Congo: la situation pacifique et harmonieuse entre les Européens et les indigènes,
l'optimisme sur les relations commerciales pour l'avenir, la possibilité des indigènes
d'accéder à la représentation parlementaire... En somme, plusieurs traits essentiels du
roman avaient perdu leur vraisemblance et leur actualité.
Ces incertitudes pouvaient causer l’arrêt de la rédaction de Voyage d’études, du
moins provisoirement, jusqu’à ce que la situation devînt plus claire.
Un dossier de documentation portant le titre Une ville saharienne fut trouvé dans
le tiroir de la table de travail de l’écrivain après sa mort, au même lieu que le manuscrit
interrompu de Voyage d’études. Le journaliste Émile Berr relate cette trouvaille dans Le
Figaro du 3 avril 1905, p. 1, d’après un article daté du 1 er avril, huit jours après la mort
de Jules Verne. Le reporter accompagna Michel Verne pendant sa première exploration
dans la chambre de travail de son père. Dans le tiroir ils trouvèrent encore d’autres
affaires, comme un dossier intitulé Le Bolide ou la Chasse au météore.
Mais le dossier qui nous intéresse est Une ville saharienne. Ceci ne correspond à
aucun titre d’ouvrage, planifié ou publié, de Jules Verne. Cependant, d’après le contenu
que le titre suggère, il peut concerner le dernier roman. Le titre se rapporte visiblement à
la deuxième partie de L’étonnante aventure de la mission Barsac, roman rédigé par
Michel Verne à partir de Voyage d’études, avec l’aide des notes de son père, d’après ce
qu’il écrit dans sa lettre du 14 septembre 1910.
En fait, quand Michel Verne, après avoir fini la rédaction de son œuvre, lui
cherche un titre approprié, il propose a l’éditeur, parmi d’autres, les suivants (lettre du
15 novembre 1913): La capitale du désert, Dans les sables du désert, La ville du crime,
Un bagne dans le désert, qui ressemblent beaucoup au titre du dossier de Jules Verne.
14
« Les dates de composition des derniers Voyages extraordinaires » publiée par Piero Gondolo della
Riva en 1996, BSJV, nº 119, 3e trimestre.
Si, néanmoins, ni Michel Verne ni l’éditeur ne proposèrent pas directement « Une ville
saharienne », cela peut bien se comprendre parce que l’attribution “(la/une) ville
saharienne” était alors souvent assignée à Tombouctou (par exemple, dans un article
paru au Tour du monde en août de cette même année 1913) et d’ailleurs la précision
« saharienne » aurait été par trop révélatrice pour le lecteur.
Le dossier Une ville saharienne de Jules Verne comprenait, d’après la référence
d’Émile Berr : « des chiffres, des horaires de chemins de fer et de paquebots, des
coupures de journaux, des esquisses de personnages... » Par conséquent, ce dossier-là
constituait la base pour un roman ou pour une partie de roman, puisqu’il contenait « des
esquisses de personnages ». Il pourrait bien être la base pour le remaniement et
l’allongement du dernier roman.
D’après ce que l’on sait, le premier plan de Jules Verne n’incluait aucun
déroulement de faits dans une ville au désert. Les titres provisoires des chapitres pour la
première rédaction de Voyage d’études en 1903 se rapportent à des villes et régions à
l’intérieur du Congo français ou de la côte, à des centaines de kilomètres du désert. Tout
le scénario considéré pour le roman dans sa première forme ne sortait pas en dehors du
Congo français de l’époque. Donc, si le dossier Une ville saharienne se rapporte au
dernier roman, il impliquerait une redéfinition importante de l’intrigue.
D’un autre côté, sur son manuscrit de 1910, Michel Verne écrivit les mots
« Pour l’honneur » comme titre de la première partie du roman, et au début de la
deuxième partie il écrivit « Le dernier roman de Jules Verne ». Ce titre, « Le dernier
roman de Jules Verne », consigné justement ici par le fils de l’écrivain, prend une
signification spéciale si l’on se souvient que toutes les références à la ville du désert se
trouvent dans cette deuxième partie.
Résumé
Conclusion
* * *
17
En février 1904 : rapport de Sir Roger Casement ; en mars : fondation de la Congo Reform
Association ; en juillet : décret pour une commission d’exploration internationale, qui commença ses
travaux sur le terrain en octobre 1904; debut du 1905: préparation de la mission Savorgnan de Brazza.
Au cours du nouveau projet de Voyage d’études, Jules Verne avait probablement
l’intention de présenter aussi les aspects tragiques de la colonisation en Afrique suivant
les modèles de sa propre tradition de romancier.
Cela fut effectivement réalisé par son fils dix ans plus tard, avec sa rédaction, sa
créativité et sa sensibilité personnelles, qui se sont matérialisés dans Le dernier voyage
extraordinaire. Étonnante aventure de la mission Barsac.
Sans oublier toutefois qu’il est très probable que Michel Verne eut
considérablement transformé ou même déformé l’œuvre du père en la récrivant et
complétant, ainsi que nous pouvons constater en d’autres romans posthumes, tels que Le
Beau Danube jaune, En Magellanie et Le Secret de Wilhelm Storitz.
Abel Montagut
(juillet 2009)
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