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DROIT PATRIMONIAL

Mme Sosson et Mme Tainmont

Louise Oyarzabal Cardena


[Titre du cours]
Droit patrimonial de la famille1 :
Introduction :

Le droit patrimonial est l’ensemble des règles qui gouvernement les relations patrimoniales (= relatifs aux biens)
de la famille entre ses membres et vis-à-vis des tiers. Dans le droit patrimonial de la famille, l’on retrouve les
régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités :

a) Les régimes matrimoniaux :

Les régimes matrimoniaux sont l’ensemble des règles régissant les relations patrimoniales des couples mariés
et non mariés. Le droit des régimes matrimoniaux est un préalable au droit des successions : il faut d’abord
liquider le régime matrimonial avant d’opérer à la succession. La matière des régimes matrimoniaux a fait l’objet
d’une réforme cette année : il faut aller voir sur moodle.

b) Les successions :

Les successions sont l’ensemble des règles qui organisent la transmission du patrimoine d’une personne en
raison de son décès : il y a deux acceptations à ce terme. Juridiquement, (1) c’est une manière d’acquérir la
propriété à titre gratuit (voy. sa place à livre III, titre 1e du code civil) : il s’agit d’une transmission de droits et
d’obligations, de biens et de dettes qui dérive de l’effet de la loi et/ou de la volonté de la personne décédée, qui
peut avoir influencé la dévolution successorales. Dans le sens courant, (2) la succession est l’ensemble des biens
et des dettes dont une personne a hérité (= le patrimoine qu’une personne laisse à son décès.

c) Les libéralités :

Les libéralités sont l’ensemble des règles qui organisent la possibilité de réaliser des actes juridiques par lesquels
le disposant se dépouille/s’appauvrit d’un bien/droit au profit du gratifié/bénéficiaire. Dans le code civil, il n’y a
pas de sections propres aux libéralités : il s’agit de la partie « des donations entre vifs » et « des testaments ».

d) Les incidences fiscales :

Finalement, il faut bien avoir en tête que l’on devra aussi parler d’incidences fiscales : en effet, il y a des taxations
sur toutes les opérations.

e) Rappels de droit de la famille :

1 Au niveau des textes législatifs pour l’examen, le code civil doit être à jour au 1e septembre 2018. Par ailleurs, il faut ajouter un code
judiciaire, un code fiscal et les lois particulières qui ne figureraient pas dans le code en annexe agrafées (a priori, il n’y en aura pas).
Finalement, il est aussi possible de prendre le code de droit familial : il comprend tout ce dont nous avons besoin pour l’examen. Pour le
code civil, voyez le code Marabout. A l’examen, il faut avoir une calculatrice.

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Partie 1e. Les successions :
Chapitre 1e. L’ouverture de la succession :

1. La cause de l’ouverture de la succession (art. 718) :


§1. La notion traditionnelle de mort en droit successoral :
a) L’absence de définition de la mort en droit patrimonial

La cause de l’ouverture d’une succession est le décès. En droit patrimonial de la famille, il n’y a pas de définition
en tant que tel de la mort : il s’agit de la mort physique, c’est à dire l’arrêt définitif des fonctions circulaires et
respiratoires (à arrêt seul des fonctions cérébrales ne suffit pas).

a) Les 2 tempéraments (loi de 2007) :


1) L’absence (art. 121, §2 cciv) :

L’absence est la situation dans laquelle une personne disparaît alors qu’il y a une incertitude sur son état de vie
ou de mort. Ainsi, tout d’abord, l’on peut demander un jugement de présomption d’absence par le juge de paix 3
mois après la disparition (art. 112). Ensuite, 5 ans après l’on peut avoir un jugement déclaratif d’absence par le
tribunal de la famille qui permettra d’assimiler la situation d’absence à la mort en matière successoral – ou 7
ans après les dernières nouvelles si l’on n’est pas passé par le système de présomption d’absence (art. 118). La
transcription du jugement déclaratif d’absence dans les registres de l’état civil vaut cause d’ouverture de la
succession (art. 121, §2) : l’on assimile cette décision à un décès de sorte que la décision tient lieu d’acte de
décès. Ainsi, après la transcription du jugement déclaratif d’absence, l’on ouvre la succession et l’on liquide la
succession. Mais quid si l’absent réapparait et que l’on a déjà liquidé sa succession ? Dans ce cas-là, l’absent
peut faire une tierce-opposition au jugement déclaratif d’absence et demander à recouvrer ses biens (art. 122).
Néanmoins, le code précise tout de même que le mariage est dissout par la transcription du jugement déclaratif
d’absence et que cela ne change pas si l’absent réapparait – mais il pourra tous de même retrouver sa part dans
les biens communs ou individus issus de la liquidation du régime patrimonial.

2) La déclaration judiciaire de décès (art. 126 et suivants cciv) :

La déclaration judiciaire de décès concerne les hypothèses dans lesquelles il n’y a pas de doute – tel que les
crashs d’avions - bien qu’il n’y ait pas de corps pour acter le décès. Ainsi, l’on pourra dresser un acte de décès
malgré l’absence de constatation par un médecin du décès du corps :c c’est le tribunal de la famille qui rend ce
jugement. Pour cela, (1) il faut qu’il y ait une disparition dans des circonstances de mise en danger de la vie, (2)
que le corps n’ait pas été retrouvé ou identifié et (3) que le décès soit considéré comme certain aux vues des
circonstances. Dans un tel cas, c’est au tribunal de fixer le jour du décès (art. 131), qui est généralement fixé au
jour de la catastrophe. Au niveau successoral, cela vaudra ouverture de la succession au jour du décès tel que
fixé dans la décision lorsque celle-ci sera passé en force de chose jugée (art. 133). Quid s’il réapparait ? Il y a,
de la même manière que pour l’absent, un système prévoit qu’il récupère ses biens et ce même si le mariage
reste dissout (art. 133, al. 2 + 134). Or, ce n’est pas logique puisqu’il fallait que ce soit certain mais il y a toujours
une petite marge de doute possible.

§2. L’importance du jour du décès :

La mention du jour du décès est importante car pour un ensemble de raisons, il est important de savoir quel
jour la personne est décédée :

® La loi change et le champ d’application dans le temps des lois et le droit transitoire : la réforme du
droit des successions de 2017 et 2018 s’applique pour tous les décès postérieurs au 31 août 2018. Par
contre, si le décès a lieu le 31 août 2018, c’est encore l’ancien droit des successions qui s’appliquent

® C’est à ce moment-là que l’on apprécie les qualités pour être successeur : c’est au jour du décès qu’il
faut remplir ces qualités (existence, capacité, dignité).

® C’est aussi au jour du décès que l’on devient propriétaire des biens successoraux.

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® C’est à cette date que courent les délais d’inventaire et de délibération (art. 795) et l’exercice de
l’option héréditaire.

® C’est à partir de cette date-là que l’on peut faire des conventions entre héritiers : avant cela, ce sera
un pacte de succession future qui est en principe interdit

® C’est à cette date que l’on fige la valeur des biens, et que l’on fait notamment des estimations (ex :
masse de calcul 922).

® C’est à cette date que l’on va se placer pour identifier la résidence habituelle du défunt qui est le
critère retenu pour déterminer la loi applicable à la succession (art. 22 du règlement UE du 4//7/12).

§3. La preuve du moment du décès :

En pratique, même si ce n’est pas une énonciation imposée par l’article 79 du Code civil, l’extrait d’acte de décès
va indiquer la date du décès : cette mention ne peut valoir tout au plus que comme simple renseignement. De
ce fait, l’on peut prouver par toute voie de droit, par témoignage et présomption que la personne est morte
avant ou après la date indiquée dans l’acte de décès (art. 1341 et 1353 du code civil à le moment du décès se
prouve par toute voie de droit).

2. Le lieu de l’ouverture de la succession :

Le lieu de l’ouverture de la succession est le lieu du domicile du défunt au jour de son décès au sens de l’article
110 du code civi : ce n’est donc pas le lieu du décès. L’article 102 du code civil précise que le domicile est le
lieu du principal établissement : cela cela va entrainer la compétence territoriale du tribunal de la famille (art.
627, 3° et 4° c.jud.) du lieu d’ouverture de la succession qui est le seul compétent. Ainsi, il s’agit en principe du
lieu où l’on est inscrit dans les registres de la populations – même si cela peut différer et qu’il est possible de le
contester. En réalité, ces notions de domicile sont très mal faites car il y a plusieurs notions de domicile en droit
civil qui n’est pas nécessairement le même qu’en droit administratif : normaleent ils correspondent, mais parfois
pas. Au niveau du droit international privé, l’article 21 du Règlement européen du 4 juillet 2012 qui prévoit que
l’on applique la loi de la résidence habituelle du défunt – et non plus du domicile. En réalité, logiquement, ce
sera la même chose, bien que les notions ne soient pas les mêmes.

3. Les conditions pour être apte à succéder :

Au niveau des qualités requises pour succéder, il faut exister, être capable et être digne.

§1. L’existence au moment de l’ouverture de la succession :


a) La personnalité juridique :

Pour succéder, il faut exister, c’est à dire qu’il faut avoir la personnalité juridique au moment de l’ouverture
(= au moment du décès) car seule une personne juridique peut être titulaire de droits et d’obligations. Ainsi,
pour la personne morale, celle-ci devra le prouver en produisant les actes constitutifs de la société. Pour la
personne physique, il faut être né vivant et viable et ne pas être mort au moment de l’ouverture de la
succession. Ainsi, si l’enfant est simplement conçu, cela ne suffit pas. Néanmoins, sous conditions suspensives
qu’il naisse vivant et viable, on va lui reconnaître la qualité de successeur qu’il avait, quelque part, sous
conditions suspensives au moment où il n’était encore que simplement conçu (art. 725 cciv pour les successions
et art. 906 cciv pour les libéralités). Ainsi, sont incapables de succéder celui qui n’est pas encore conçu et
l’enfant qui n’est pas né viable. Ainsi, il faudra trouver la date de conception de l’enfant et s’il y a un doute, la
règle veut que la preuve peut être ramenée par toute voie de droits.

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b) Les comourants (art. 720 cciv) :

Quid si deux personnes décèdent dans le même événement ? Qui est mort le premier ? En effet, cela a des
conséquences dans l’enchaînement des successions. La question a fait l’objet d’une Convention Benelux traduite
dans une loi qui prévoit que lorsque l’ordre dans lequel les personnes sont décédées ne peut être déterminé,
elles sont présumées être décédées simultanément (art. 721) : c’est une présomption de simultanéité. Ainsi,
de ce fait, elles ne pourront pas hériter l’une de l’autre étant donné que l’article 720 du code civil prévoit que
pour être héritier ou légataire, il faut survivre au défunt. Ainsi, la succession de chacune d’elle est dévolue sans
tenir compte du comourant. Ainsi, si un couple marié meurt en même temps, l’on fera la succession comme s’ils
n’étaient pas mariés. Néanmoins, il s’agit d’une présomption réfragable qui peut être renversée par toute voie
de droit – et le juge peut même accorder un délai pour réunir des preuves si c’est nécessaire. La théorie des
comourants s’applique à la succession légale, mais aussi à la succession testamentaire (art. 720) et à la
succession contractuelle (par analogie).

§2. La capacité :

Le successible doit avoir la capacité de jouissance de recueillir les biens du defunt, c’est-à-dire qu’il doit être
apte à être titulaire de droits et d’obligations. Dans le cadre de la succession légale, il n’existe plus d’incapacité
de jouissance de recueillir une succession : une telle incapacité n’existe plus que dans le cadre de la succession
testamentaire ou contractuelle (ex : incapacité de jouissance des médecins à art. 909).

§3. L’indignité , la déchéance ou l’ingratitude :

L’indignité ou la déchéance concernent la succession légale et l’ingratitude c’est la succession testamentaire.

a) L’indignité successorale et la succession légale :


1) Le principe :

L’indignité successorale est l’idée que, pour des questions morales ou de sécurité, il ne serait pas juste que la
personne qui est désignée comme successeur par la loi reçoive la succession car il a commis des faits
problématiques à l’égard du défunt : il s’agit d’une peine civile privant le successif du droit de succéder d’une
personne à l’égard de laquelle il s’est montré indigne de succéder. Il y a deux types d’indignités : (1) l’indignité
successorale de plein droit avec des conditions légales qui, si elles sont remplies, provoquent l’indignité
automatiquement et (2) l’indignité successorale facultative avec des conditions moins strictes et qui doit être,
elle, prononcée par le tribunal.

A. L’indignité successorale de plein droit (art. 727, §1e, 1° et 2° cciv) :

A) INDIGNITÉ SUCCESSORALE DE PLEIN


DROIT

Art. 727 § 1er. Est indigne de succéder, et, comme tel, exclu de la succession

1° celui qui est reconnu coupable d'avoir, comme auteur, coauteur ou complice,
commis sur la personne du défunt, un fait ayant entraîné sa mort, tel que visé aux
articles 376, 393 à 397, 401, 404 et 409, § 4, du Code pénal, de même que celui qui est
reconnu coupable d'avoir tenté de commettre un tel fait;

viol ou attentat à la pudeur homicide, meurtre et … coups et blessures vol.

empoisonnement mutilation génitale causant mort sans int°


+ tentative

Pour qu’il y ait une indignité successorale, il faut une reconnaissance de culpabilité (peine, sans peine,
suspension du prononcé) : dans ce cas-là, la nullité est automatique et découle de la condamnation pénale,
sans que le juge pénal doit prononcer l’indignité. Ainsi, à titre d’illustration, un mari bat sa femme au point
qu’elle en meurt.

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A) INDIGNITÉ SUCCESSORALE DE PLEIN
DROIT

  Art. 727 § 1er. Est indigne de succéder, et, comme tel, exclu de la succession :
1° …
2° celui qui est déclaré indigne parce qu'il a commis ou tenté de commettre un fait visé
au 1°, mais qui, parce qu'il est décédé entretemps, n'a pas été condamné pour ce fait;

Extinction action pénale à pas condamnation ou reconnaissance culpabilité


par juge pénal

Dans le 2°, l’on vise le cas où un successible tue le défunt avant d’immédiatement se suicider ou meurt au
cours de la procédure pénale. Or, dans un tel cas, l’action publique s’éteint par le décès du successible. Ainsi, il
n’y aura alors pas de déclaration de culpabilité : néanmoins, l’on veut tout de même qu’il soit exclu. Ainsi, il
s’agit de l’hypothèse d’un fils qui tue son père et qui, ensuite, se suicide. Dans ce cas, c’est le juge civil qui
pourra prononcer l’indignité à condition que le ministère public le lui demande (sans qu’aucun délai ne soit
imposé pour cela), et pour autant que la prescription de l’action publique ne soit pas acquise et que l’on
constate que le fait a été commis. Enfin, si le juge considère que le successible à commis l’un de ces faits, il ne
dispose d’aucun pouvoir d’appréciation : il doit le déclarer indigne.

1) L’indignité successorale facultative (art. 727, §1e, 3° cciv) :

B) INDIGNITÉ SUCCESSORALE
FACULTATIVE

Art. 727 § 1er. Est indigne de succéder, et, comme tel, exclu de la succession

3° celui qui est déclaré indigne parce qu'il a été reconnu coupable d'avoir commis,
comme auteur, coauteur ou complice, sur la personne du défunt un fait tel que visé aux
articles 375, 398 à 400, 402, 403, 405, 409, §§ 1erà 3 et 5, et 422bis du Code pénal

viol ou attentat à la pudeur coups et blessures vol. + Non assistance à personne en


danger
empoisonnement mutilation génitale °
+ tentative NE CAUSANT PAS LA MORT

Dans le 3°, cela n’a pas causé la mort de sorte qu’il n’y aura pas d’indignité automatique : l’on retrouve les
mêmes infractions, mais sans qu’elles n’aient causée la mort - et avec une infraction en plus : la non-assistance
à personne en danger. Ainsi, à titre d’illustration, un mari bat sa femme, mais elle n’en meurt pas et il est reconnu
coupable : dans ce cas, il n’est pas automatiquement reconnu indigne. Dans ce cas, le tribunal pénal peut
prononcer cette peine, s’il estime qu’il faut une sanction supplémentaire à la déclaration de culpabilité à titre
de peine accessoire. Le juge pénal apprécie cela en fonction notamment du contexte familial. L’article 728 du
code civil prévoit néanmoins que l’indignité successorale facultative prononcée n’est pas forcément définitive.
Ainsi, le pardon exclusif de la victime peut lever l’indignité prononcée par le tribunal pénal : il doit être constaté
par écrit, après les faits et dans les formes requises pour le testament (à ni tacite, ni implicite).Enfin, l’indignité
successorale peut prendre effet bien plus tard : de ce fait, l’article 99, alinéa 2 du code pénal prévoit que
l’indignité successorale prononcée ne se prescrit pas.

2) Les effets de l’indignité successorale (de plein droit ou facultative) :

L’indignité successorale a pour effet que le successible est privé de tout droit dans la succession légale, mais
pas dans la succession testamentaire ou contractuelle. Qu’est-ce que cela change ? Il y a différentes choses.
Tout d’abord, (1) en tant que successeur légal, il avait peut-être droit à une réserve dont il ne bénéficiera pas en
tant que successeur testamentaire : il sera en effet traité comme un légataire « ordinaire » (= l’on ne tiendra
pas compte de son lien de parenté avec le défunt). Ensuite, (2), le successible exclu pour cause d’indignité est
réputé n’avoir jamais eu aucun droit dans la succession, sans préjudice toutefois des droits des tiers ayant
acquis de bonne foi (art. 729, al. 1).

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Ainsi, si vous êtes condamnés et que la condamnation arrive après l’ouverture, l’on remettra les choses en pristin
état (= effet rétroactif) : vous devrez rendre ce que vous auriez éventuellement reçu. Néanmoins, quid pour les
tiers en cas de vente ? S’il a vendu à une personne de bonne foi, l’on protège le tiers, mais il devra dédommager
la succession. Par ailleurs, (3) l’indigne est tenu de rendre tous les fruits et revenus dont il a eu la jouissance
depuis l’ouverture de la succession (art. 729, al. 2)2. Enfin, quid si l’indigne est mort ? L’article 729, alinéa 3
prévoit que (4) la part de l’indigne décéder bénéfice à ses descendants si la substitution a lieu : or, avant 2012,
ce n’étais pas possible3. En effet, il y avait deux façons de voir les choses : l’on pouvait trouver cela logique en
disant que ce n’est pas juste que la branche de la personne qui s’est mal comporté hérite, mais d’un autre côté,
les gens de cette branche n’y sont pour rien. Finalement, en 2012, l’on a décidé que l’on peut se substituer à
un indigne, à condition qu’il soit mort.

Ainsi, la succession ira aux enfants de sa fille si une fille tue sa mère et que le père est déjà décédé. Ensuite, si
cette fille a une sœur, la succession se partagera : la sœur héritera et, par substitution, les petits enfants
viendront se substituer à leur mère qui l’a tué. Par contre, s’il n’y a pas d’enfant, la part accroit la succession des
autres successibles de son degré et si l’indigne est seul à son degré, elle est dévolue au degré subséquent, ou à
l’ordre suivant, selon le cas (art. 729, al. 3). Et quid si la sœur est indigne aussi ? Dans ce cas, l’on remonte au
3e ordre de successible : ni l’une, ni l’autre ne succède et l’on passe à l’ordre suivant. Et quid si les petits enfants
par substitution sont mineurs (ex : un père, qui a des enfants, tue son père) ?

L’article 730, alinéas 2 et 3 contient les 2 conséquences spécifiques de l’indignité lorsque des enfants de l’indigne
viennent à la succession par le support de la substitution. D’une part, l’indigne se voit privé de la jouissance
légale des biens dont ses enfants héritent, à la suite de son indignité, et à laquelle il aurait pu prétendre jusqu’à
leur majorité ou émancipation, en vertu de l’article 384 du Code civil.D’autre part, l’indigne ne peut hériter, ni
directement, ni indirectement, des biens recueillis par ses enfants, dans l’hypothèse où ceux-ci décéderaient
sans postérité avant lui. L’article 730, alinéa 3 envisage deux hypothèses : (1) si les biens recueillis par l’enfant
de l’indigne se retrouvent en nature dans la succession de cet enfant au décès de celui-ci, l’indigne est exclu de
cette succession en ce qui concerne ces biens et (2) s’ils ne se retrouvent pas en nature dans la succession,
l’indigne en est exclu à concurrence de leur valeur sauf et dans la mesure où ces biens ont été consommés.

b) La déchéance successorale et la succession légale (art. 745 septies) :

L’article 745 septies du Code civil prévoit une déchéance spéciale pour le conjoint survivant du droit d’hériter
de l’usufruit des biens de son époux prédécédé (loi du 14 mai 1981). Cette règle particulière sera commentée
lors de l’étude des droits successoraux du conjoint survivant.

c) L’ingratitude et la succession testamentaire (art. 1046 et 1047 cciv) :

Dans la succession testamentaire, nous verrons l’ingratitude plus tard (voy. infra).

2Ex : il doit rendre les loyers de la maison qu’il a loué après en avoir hérité).
3Ex : Mon père est mort et a essayé de tuer ma grand-mère et il y a eu une déclaration d’indignité successorale. Je ne pouvais pas, en 2012,
représenter mon père pour avoir la succession de ma grand mère.

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Chapitre 2e. La succession légale :

La succession légale vise l’hypothèse du défunt qui n’a pas fait de testament ou d’institution contractuelle. En
effet, dans ce cas, la loi désigne des successeurs par défaut avec des règles supplétives qui sont fondées sur le
principe de la solidarité familiale qui unit le défunt à ses « parents », c'est-à-dire, dans le sens large de ce terme,
aux membres de sa famille « par le sang ». Or, cette conception de la solidarité familiale a tendance à s’estomper
avec le temps. Le législateur belge, depuis le Code Napoléon, a tenu compte, dans une certaine mesure, de ces
modifications sociologiques. D’une part, il a supprimé tout droit de succéder au-delà du quatrième degré en
ligne collatérale ordinaire (= cousin germain à art. 755 C. civ.) - alors qu’en 1919, l’on allait jusqu'àu 12e degré
en ligne collatérale. D’autre part, il a accordé une place de plus en plus importante au conjoint survivant (art.
745 bis C. civ.) et il a attribué certains droits limités au cohabitant légal survivant (art. 745 octies C. civ.).

Ainsi, en 1976, il y a la réforme des régimes matrimoniaux qui va donner plus au conjoint puisque l’on va prévoir
des régimes de communauté par défaut. Ensuite, en 1981, le conjoint survivant se voit attribuer des droits dans
la succession. Par après, en 1987 l’on va égaliser les filiations (enfants légitimes et illégitimes qui n’héritaient
pas de la même manière). Après cela, en 1998, l’on crée la cohabitation légale et en 2007, l’on donne certains
droits successoraux aux cohabitants légaux survivants. Ainsi, l’on a changé de paradigme : on limite la
transmission au sein de la famille au 4e degré (limite de la verticalité) et l’on donne de plus en plus de droit au
niveau de la conjugalité (= conjoint survivant et cohabitant légal) à augmentation de l’horizontalité).

La succession légale est la succession qui va s’appliquer quand le défunt n’a pris aucune disposition de dernière
volonté : il n’a rien prévu de particulier quant à la répartition des biens. La succession légale a comme synonyme
succession ab intestat – et l’on verra aussi le terme « de cujus » (= le défunt). Nous verrons d’une part la
succession ordinaire (= succession classique) et la succession anomale car certains biens particuliers méritent
une transmission particulière : ainsi, la succession légale est subdivisée en deux parties.

1. La succession ordinaire :
§1. Les notions générales :
a) Les distinctions :

Pour déterminer les successibles, la loi se base sur la parenté « de sang », la parenté adoptive, le lien conjugal
et le lien issu d’une cohabitation légale. En revanche, les alliés (= alliance = lien juridique qui nit un époux avec
les ascendants et les descendants de l’autre époux) sont exclus de la succession légale.

1) La parenté « par le sang » :

La parenté par le sang est un lien qui unit, par filiation des personnes qui soit descendent l’une de l’autre (=
parenté par le sang en ligne directe à ex : le père et son enfant), soit descendent d’un auteur commun (=
parenté par le sang en ligne collatérale à ex : frères et sœurs). Ici, l’on vise la filiation qui a été juridiquement
établie sur le fondement, en principe, du lien biologique existant entre l’enfant et son auteur, même si on sait
que cette filiation juridique ne correspond pas toujours nécessairement à l’existence d’un tel lien biologique. En
effet, seule la filiation juridiquement établie permet en effet à un enfant, conformément aux articles 731 et
745 du Code civil, de devenir l’héritier de son père ou de sa mère décédée. Ainsi, un enfant « biologique » du
défunt ne peut venir à la succession ou substituer ce dernier si cette filiation n’est pas juridiquement établie. La
Cour constitutionnelle, en son arrêt n° 136/2007 du 7 novembre 2007, n’a pas estimé qu’il y avait là violation du
principe d’égalité et de non-discrimination ; elle a considéré que l’article 731 du Code civil « n’empêche pas
qu’un enfant dont le lien de filiation est établi après le décès de son parent soit successible » et qu’exiger, pour
être successible, que le lien de filiation soit établi « en soi, n’est pas manifestement déraisonnable ». En ce qui
concerne les beaux-enfants, ceux-ci n’ont donc pas de droits successoraux : un bel enfant, sur le plan du droit
civil (= légalement), n’est pas assimilé à un enfant. Ainsi, si un beau-parent veut accorder des droits à son bel
enfant, il faudra nécessairement qu’elle fasse un testament. Fiscalement, il y a, selon les régions, une
assimilation complète ou non avec les beaux-enfants : si l’on gratifie par testament un bel-enfant, le bel-enfant
sera taxé en droit de succession comme si c’était un enfant. En revanche, un enfant reste un enfant, et ce qu’il
s’agisse d’un enfant légitime (= né dans le mariage), naturel (= né hors mariage) ou adultérin. Ainsi, actuellement,
tous les enfants ont les mêmes droits, quel que soit les circonstances de leur conception.

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2) La parenté adoptive :

La parenté adoptive est le lien légal qui unit l’adopté à son ou ses deux adoptants en cas d’adoption simple, ou
l’adopté à son adoptant, ses deux adoptants et à l’ensemble des parents de ceux-ci en cas d’adoption plénière.
Il y a deux grands types d’adoption : (1) l’adoption plénière qui fait entrer complètement l’enfant dans sa
famille adoptive et le fait sortir complètement de sa famille adoptive (sous réserve des adoptions ? familiales)
et (2) l’adoption simple qui fait entrer l’enfant dans la famille adoptive mais pas entièrement et qui le fait sortir
de sa famille d’origine mais pas entièrement. L’adoption plénière n’est permise qu’à l’égarde d’un enfant mineur
et est irrévocable (art. 351).

3) Le lien conjugal :

Le lien conjugal est le lien qui se crée par le mariage : en 1804, le conjoint survivant était la pièce rapportée (=
transmission verticale). En 2019, le conjoint survivant est la superstar (= transmission horizontale), et surtout du
côté néerlandophone : il y a un vrai développement sociologique au niveau des droits successoraux avec une
évolution incroyable.

4) La cohabitation légale :

La cohabitation légale est en vigueur depuis le 1er janvier 2000 grâce à Elio di Rupo mais ce n’est que depuis
2007 que des droits successoraux sont apportés aux cohabitants légaux.

b) Les lignes de parenté :

Les lignes de parenté visent la ligne directe (ascendante et descendante) et la ligne collatérale – auxquelles on
ajoute également la ligne paternelle et la ligne maternelle.

c) Les degrés de parenté :

Les degrés de parenté fixent la proximité dans la parenté. Ainsi, pour un grand-père et son petit-enfant, le
grand-père (GP) est par rapport au petit-enfant (PE) au second degré en ligne directe ascendante. Ensuite, pour
un neveu et un oncle paternel, l’oncle est par rapport au neveu au troisième degré en ligne collatérale : en effet,
pour la ligne collatérale, il faut toujours remonter à l’auteur commun (GP) pour calculer le degré de parenté.
Mais comment faire pratiquement ? Il y a deux méthodes :

è Dans la 1e, l’on supprime dans le calcul l’une des deux personnes à propos de laquelle il faut rechercher
le degré. Ainsi, l’on supprime le neveu et l’on calcule le nombre de personnes qu’il reste : le père (1), le
grand-père (2) et l’oncle (3) à = 3 à l’oncle est au 3e degré en ligne collatéral par rapport au neveu.

è Dans la 2e, l’on calcule le nombre de tirets entre le neveu et l’oncle – et la méthode fonctionne alors
aussi en ligne directe.

d) La limitation de la successibilité :

Et jusqu’où hérite-t-on ? L’on hérite jusqu’en ligne collatéral jusqu’au 4e degré en Belgique, sauf substitution
(art. 755). Ainsi, l’on n’hérite pas au-delà de son cousin, sauf s’il y a substitution (voy. infra). En ligne directe, il
n’y a pas de limite à la successibilité au niveau juridique – même s’il y a toujours bien une limite au niveau
physique dans les générations qui vivent encore

§2. Les droits successoraux des parents de sang :


a) Notions générales :

Ici, nous sommes dans la matière telle qu’élaborée en 1804 car l’on n’a pas osé trop y toucher qui subsiste pour
la plupart. Ainsi, nous verrons que le conjoint survivant a des droits à part qui ne s’intègrent pas dans
l’agencement mis en place en 1804. `

8
1) La règle des ordres :

En matière de droit successoral, il y a un ordre : ainsi, ceux qui ont la chance de faire partie du 1e ordre sont ceux
qui vont hériter les premiers. En effet, ce n’est que s’il n’y a pas d’héritiers du 1e ordre que l’on va passer au 2e
ordre. Ainsi, nous avons :

è Au 1e ordre, les enfants et les descendants (= les PE, les arrières PE, etc à art. 745 cciv).

è Au 2e ordre, les collatéraux privilégiés (= tous les frères et sœurs, soit tant les frères et sœurs germains
(= qui ont les mêmes parents), consanguins (= qui ont le même père = demi-frère et sœur), utérins (=
qui ont la même mère = demi-frère et sœur) – mais non les quasi-frères et sœurs) ou leurs substituants
(= les personnes qui les remplacent, à savoir les enfants et descendants des frères et sœurs, soit les
neveux)4, mais aussi les ascendants privilégiés (= le père et la mère, mais pour autant qu’il y ait des
collatéraux privilégiés à sans cela, ce sont des ascendants ordinaires)5. Ainsi, s’ils ne sont
qu’ascendants ordinaires, les parents basculent alors dans le 3e ordre (art. 748 à 751 cciv).

è Au 3e ordre, il y a les ascendants ordinaires (= parents, grands-parents, etc à art. 746 cciv).
è Au 4e ordre, il y a les collatéraux ordinaires (= oncles, tantes, cousins, cousines à art. 753 cciv).

Néanmoins, il y a une exception à la règle des ordres : c’est la fente. Mais quand cette exception s’applique-t-
elle ? Lorsque je n’ai pas d’héritiers, ni du 1e ordre, ni du 2e ordre, en principe, je devrais attribuer la succession
uniquement aux héritiers du 3e ordre – en effet, nous avons vu qu’il fallait procéder par ordre. Or, ce n’est pas
comme cela que l’on procède dans le code civil : dans ce cas-là (ni 1e, ni 2e), l’on fend la succession en deux et
l’on attribue une moitié à la ligne paternelle et l’autre moitié à la ligne maternelle (art. 733 et 746, alinéa 1e)6.
Ainsi, l’on voit l’exception à la règle des ordres puisque l’on a un héritier du 4e ordre qui pourra venir à la
succession alors que nous avions un héritier du 3e ordre – et s’il n’y a pas personne dans l’une des deux lignes,
l’autre rafle le tout. Enfin, lorsque c’est, dans l’une des deux lignes, le père ou la mère du défunt qui recueille
la moitié de la succession, il recueille au surplus un droit d’usufruit d’1/3 de l’autre moitié dévolue aux
collatéraux de l’autre ligne (art. 754 C. civ.). Par ailleurs, à défaut de parents successibles dans une ligne, toute
la succession est dévolue aux parents de l'autre ligne (art. 733, al. 3 C. civ.). Dans ce cas, la règle des ordres
continue à s'appliquer au sens où les parents du troisième ordre de cette ligne empêchent les parents du
quatrième ordre de cette ligne de venir à la succession.

2) La règle de la proximité des degrés :


A. Le principe :

A l’intérieur de chaque ordre, l’on va procéder à une seconde élimination et l’on retiendra comme héritier
celui qui se trouve au degré le plus proche par rapport au défunt. Ainsi, si X (= GP à X est toujours le défunt)
décède et laisse son fils et son petit-enfant : dans ce cas, qui hérite ? Selon la règle des ordres, le P et le PE
héritent tous les deux. Néanmoins, il faut ajouter la règle de la proximité des degrés qui veut que la personne
qui hérite à l’intérieur du 1e ordre est la personne la plus proche en degré, soit le père.Toutefois, l’on n’hérite
pas au-delà du 4e degré en ligne collatérale. A cette règle de la proximité des degrés, la loi prévoit deux
exceptions : (1) la fente et (2) la substitution.

B. Les exceptions :
i. La fente7 :

4 Ex : William décède et n’a pas d’enfant et son frère Harry est lui-même décédé. Or, c’est lui qui devait hérité : les enfants d’Harry vont
remplacer Harry et vont substituer Harry dans la succession. Ainsi, les neveux et nièces font partie du 2e ordre, mais ne viennent qu’en
qualité d’héritiers de rechange car l’héritier de base est mort. Ainsi, les neveux et nièces font partie du 2e ordre en qualité de substituant du
frère ou de la sœur.
5 Ex : Papa et Maman ont toujours la qualité d’ascendants, mais la qualité d’ascendants privilégiés, s’il y a des collatéraux privilégiés et la

qualité d’ascendants ordinaires s’il n’y en a pas.


6 Ex : J’ai une succession où j’ai une GM maternelle et j’ai un oncle paternel. Je n’ai pas d’héritiers, ni du 1e, ni du 2e ordre. J’ai un ascendant

(GMM à 3e ordre) et j’ai un collatéral ordinaire (OP à 4e ordre). Dans ce cas de figure, je coupe ma succession en deux : je vais donc avoir
succession qui sera dévolue pour moitié à un représentant du 3e ordre et pour l’autre moitié à un représentant du 4e ordre.
7 Dans les slides, les personnes colorées sont toujours les personnes qui héritent.

9
Outre de provoquer une exception à la règle des ordres, la règle de la fente peut aussi constituer, à l'intérieur
du troisième ordre ou du quatrième ordre, une exception à la règle de la proximité des degrés, puisqu'en vertu
de cette règle (art. 733 C. civ.), un héritier plus éloigné d'une des lignes maternelle ou paternelle peut se trouver
en concours avec un héritier plus proche de l'autre ligne. Mais à l’intérieur d’une même ligne, la règle de la
proximité des degrés continue à s’appliquer (art. 734 C. civ.). A titre d’illustration, nous avons X (= le défunt), la
M de X et la GMP de X: dans ce cas, il n’y a pas d’héritiers du 1e ni du 2e ordre. Ainsi, l’on tombe directement
dans le 3e ordre : or, comme il n’y a ni 1e, ni 2e ordre, l’on fend la succession en deux entre la ligne maternelle et
la ligne paternelle. Or, qui est le représentant dans la ligne maternelle ? La mère, qui ici, fait partie du 3e ordre
– puisqu’elle n’est pas en concours avec les frères et sœurs puisqu’il n’y en a pas. Et qui est le représentant dans
la ligne paternelle ? Il y a la GMP. Ainsi, l’on voit bien ici que la règle de la fente provoque une exception à la
règle de la proximité des degrés car on en arrive à ce qu’un héritier qui est au 2e degré (= la GMP) vienne à la
succession avec un héritier qui est au 1e degré.

ii. La substitution :
a. Notions et conditions :

La substitution (= représentation jusqu’en 2012) est un mécanisme qui va permettre aux descendants d’un
successible de prendre la place de ce successible et d’être appelé à son degré à la succession (= hériter par
substitution >< hériter de son propre chef). La substitution est applicable en cas de prédécès, en cas d’indignité
depuis 2012 et en cas de renonciation à la succession. Au départ, dans le code civil, la substitution était prévue
uniquement en cas de prédécès. Ainsi, à titre d’illustration X décède et laisse deux enfants : E1 et E2. Dans notre
exemple, E2 est prédécédé (= il est décédé avant X = chronologie anormale des décès = a priori, c’est le plus
vieux qui décède avant). En 1804, le législateur estimait cela injuste et considérait que si X décède et que l’on
appliquait la règle de la proximité des degrés, c’était E1 qui devait hériter puisqu’il est au premier degré par
rapport à X alors que les propres enfants de E2, qui sont eux bien vivants, ne peuvent hériter à cause de la règle
de la proximité des degrés puisqu’ils ne sont qu’au 2e degré. Ainsi, les rédacteurs du code civil, pour cause
d’injustice, ont prévu que les petits-enfants doivent pouvoir venir substituer leur père et mère en prenant leur
place. Ainsi, les descendants du successible prédécédé sont appelés à la succession à leur place.

Ainsi, E1 recueille une moitié et l’autre moitié qui aurait dû être recueillie par E2 le sera par ses descendants
puisque E2 est décédé : ainsi, PE1 et PE2 prennent la place de E2 et se partagent ce qu’il aurait dû recueillir – et
non 1/3 pour E1, PE1 et PE2 : ils ne peuvent recueillir ensemble plus de droit qu’aurait recueilli E2.Ensuite, depuis
2012, l’on s’est dit que l’on voulait régler un autre problème, à savoir le cas de la renonciation à la succession.
Ainsi, l’hypothèse est celle de E2 qui, vivant, se dit qu’il est riche et qu’il renonce à la succession en se disant que
ses enfants en ont plus besoin que lui. Or, en renonçant, qui récupérait la part de E2 ? En raison de la règle de
la proximité des degrés, c’était E1 qui empochait tout puisque la substitution n’était pas prévue dans ce cas-là.
Ainsi, l’on a voulu permettre un saut de génération et permettre à E2 de renoncer, mais que ses enfants puissent
prendre sa place. Enfin, l’on s’est finalement dit qu’il faudrait peut-être également prévoit la même chose en
cas d’hypothèse d’indignité (voy. supra) : l’on a donc prévu que la substitution existe également en cas
d’indignité de E2. Ainsi, l’on a élargi la substitution au cas de l’indignité et au cas de la renonciation.

Et quid si X et E2 sont tous les deux décédés au cours d’un même événement et que l’on ne sait dire lequel
est mort le premier ? Nous sommes dans la théorie des comourants (art. 720 et 721) de sorte qu’en principe, si
pour la succession de E2, ce sont ses enfants qui viendront à la succession. En revanche, pour la succession de
X, les petits-enfants (PE1 et PE2), pour pouvoir hériter de X, devront prouver que E2 est mort avant car ce n’est
qu’en cas de prédécès que la substitution joue : or, ici, par hypothèse, l’on ne peut prouver le cas du prédécès
de E2 puisqu’ils sont décédés en même temps sans que l’on puisse prouver qui est mort avant qui. Ainsi, si l’on
n’avait pas prévu de disposition spécifique, cela aurait signifié que E1 aurait hérité de l’ensemble de la
succession. Néanmoins, l’on a prévu dans la loi que dans ce cas-là, la substitution peut tout de même jouer (art.
739, al. 2) : ainsi, en présence de personnes qui sont décédés au cours du même événement, sans possibilité de
dire qui est décédé avant l’autre, PE1 et PE2 pourront tout de même hériter de X malgré que l’on ne puisse pas
prouver le prédécès de E2. Enfin, quid si PE1 et PE2 renoncent à la succession de leur père criblé de dettes ?
Ce n’est pas parce que l’on a renoncé à la succession de celui qu’on substitue (= E2) que l’on ne peut pas venir,
par substitution, à la substitution de X. Ainsi, il n’y a pas d’importance de ce que l’on a fait de la succession de
E2 à partir du moment où l’on rentre dans les conditions de la substitution : or, celles-ci n’imposent pas que l’on
ait accepté la succession de la personne que l’on substitue (= E2).

10
a. Bénéficiaires de la substitution :

Ainsi, avec la substitution, l’on a donc bien une dérogation à la règle de la proximité des degrés puisque E1 vient
à la succession avec PE1 et PE2 : or, E1 est au 1e degré et PE1 et PE2 sont au 2e degré. Or, à cause de l’application
de la règle de la substitution, l’on déroge à la règle de la proximité des degrés. Mais qui peut bénéficier de la
substitution ? Il y a quatre règles.

Tout d’abord, (1) en ligne directe descendante, la substitution a lieu à l’infini8. Par ailleurs, il faut remarquer
que la substitution joue dès qu’elle est possible, et ce même si elle n’est pas nécessaire : ainsi, chaque fois que
l’on rentre dans les conditions de la substitution, on l’applique et ce même si ce n’est pas nécessaire (= même si
cela joue d’office). En effet, le fait que l’on doive l’appliquer implique pour PE2 et PE3 qu’ils n’auront droit qu’à
¼ de la succession, c’est à dire la part de leur père E2 – car les substituants ne peuvent recevoir plus que ce que
la personne qu’ils substituent aurait reçu. Pourquoi ? Parce que si l’on n’avait pas appliqué la substitution et que
l’on avait considéré que, dans ce cas de figure, comme elle n’était pas nécessaire, la substitution ne s’appliquait
pas, l’on aurait eu comme dévolution 1/3, 1/3, 1/3 :

Ensuite, (2) en ligne directe ascendante, la substitution n’est pas permise. Ainsi, si X décède et que la mère est
prédécédée et que l’on a la grand-mère, la grand-mère ne pourra venir, par substitution de la mère, à la
succession de X car en ligne ascendante, la substitution n’est pas prévue – sans que cela ne veuille dire que la
grand-mère ne viendra pas du tout à la succession. D’autre part, (3) la substitution n’est pas admise non plus
en faveur des descendants du conjoint ou du cohabitant légal9. Enfin, (4) en ligne collatéral, la substitution est
admise en faveur (a) des enfants et des descendants des frères et sœurs et (b) des enfants et descendants des
oncles et tantes10.

3) La règle du partage par tête :


A. Le principe :

Il est certains parents sont exclus de la succession en vertu de la règle des ordres. A l'intérieur d'un ordre,
certains parents sont exclus en vertu de la règle des degrés. Ensuite, les parents qui ne sont pas éliminés par
application de ces deux règles se partagent la succession par tête, c'est-à-dire qu'ils prennent chacun dans la
succession une part égale. Toutefois, lorsqu'un parent vient à la succession par substitution, la dévolution a lieu
par souche, afin que celui qui substitue n'ait pas plus de droits que le substitué. Si une même souche a produit
plusieurs branches, la subdivision se fait aussi par souche dans chaque branche, et les membres de la même
branche partagent entre eux par tête (art. 743, al. 2). Ainsi, à titre d’illustration, si X décède et que ses enfants
E1 et E2 sont prédécédés, PE1 a droit a une moitié et PE2 et PE3 se partagent la moitié de E2. Ainsi, nous ne
sommes pas ici en présence d’héritiers qui recueillent la même chose : ici, l’on a procédé à une dévolution par
souche. Par ailleurs, l’on retrouve également l’exception de la règle de la fente (= la petite fente >< la grande
fente à voy. supra). La petite fente est prévue dans un cas tout à fait spécifique : elle joue lorsque l’on a des
frères et sœurs qui viennent à la succession mais qui n’ont pas tous les mêmes parents11.

8 Ex : X décède et il laisse comme héritier PE1, APE1 et PE3. Ainsi, nous sommes en présence de deux enfants E1 et E2 qui sont prédécédés.
Est-ce que la substitution joue ? Oui, car elle joue à l’infini en ligne directe descendant. Pas de bol pour PE2 qui est lui-même décédé, mais
comme la substitution en ligne directe joue à l’infini, l’on descend à APE1. Ainsi, E1 et E2 auraient chacun du avoir une moitié mais ils sont
tous les deux morts. La moitié qui aurait dû revenir à E1 revient à PE1. Pour la moitié de E2, une moitié de la moitié de E2 aurait dû revenir
à PE2 qui revient du coup à APE1 et PE3 récupère l’autre moitié. Dans cet exemple, nous n’avons que des morts. En pratique, l’exemple est
plutôt avec toutes des personnes qui renoncent à la succession car elle est déficitaire. Or, ce qui est embêtant en pratique avec la réforme,
c’est qu’il faut chaque fois obtenir la renonciation de chacun des petits enfants pour pouvoir liquider une succession. Ainsi, nous avons
un enfant qui renonce à la succession, cela passe au petit enfant du coup, qui lui aussi doit renoncer à la succession (et aller devant le
juge de paix alors). Ainsi, cela provoque la nécessité de faire des renonciations en cascade, ce que les gens ne font pas nécessairement :
c’est cela qui bloque la renonciation des successions en pratique.
9 Ex : X s’est marié une 2e fois avec une 2e épouse et celle-ci était décédée avant lui. Or, celle-ci avait un enfant d’un premier mariage (= E1)

qui n’est pas du tout l’enfant de X. Est-ce que E1 pourra se substituer à sa mère dans la succession de X ? Non.
10 Ici, nous sommes dans le 2e ordre : nous n’avons pas d’enfants, ni de descendants. Nous avons des frères et sœurs qui sont morts. Or,

dans le 2e ordre, nous avons les frères et sœurs et leurs substituants. Or, qui peut substituer les frères et sœurs ? Leurs enfants (N2 et N3)
qui viendront à la succession par le support de la substitution
11 Ex : X laisse une sœur germaine (S), deux frères consanguins (F1 et F2) et un frère utérin (F3). Dans ce cas de figure, l’on applique la règle

de la fente et l’on fend la succession en deux parties : une partie pour la ligne maternelle et l’autre partie pour la ligne maternelle. Ainsi,
l’on devra donc chaque fois classer les frères et sœurs dans l’une des deux sœurs. Ainsi, dans la ligne paternelle, l’on attribue la moitié de la
succession (ou 6/12) et la moitié pour la ligne maternelle. Or, la sœur germaine fait partie des deux lignes puisqu’elle a à la fois le même

11
Ainsi, nous avons une dérogation à la règle du partage par tête car nous avons tous des frères et sœurs qui
interviennent et qui devraient recevoir la même chose mais étant donné qu’ils n’ont pas tous les mêmes parents,
l’on applique la règle de la fente, ce qui aboutit à ce que chacun ne recueille pas la même chose. Ainsi, lorsque
l’on parle de petite fente, il faut que l’on soit nécessairement en présence de frères et sœurs de deux sortes :
si l’on a des frères et sœurs d’une seule sorte, l’on ne fait pas de fente. Ainsi, si une personne décède et qu’elle
a deux frères consanguins, l’on ne fait pas de fente et chaque frère a droit a une moitié. Ensuite, la règle de la
fente vise le cas où l’on a des frères et sœurs de nature différentes : c’est tout à fait différent de la situation
de plus en plus fréquente où une personne décède et laisse des enfants qui n’ont pas les mêmes parents.
Ainsi, si une personne décède et qu’elle a deux enfants d’un premier mariage, quatre enfants d’un second
mariage et un enfant d’un troisième mariage, cette personne laisse au final des descendants qui n’ont pas les
mêmes parents : dans ce cas, cela n’a pas d’importance et chaque descendant aura droit à la même chose,
même s’ils sont issus d’une union différente.

b) Application des notions générales : à voir slides


1) Le 1e ordre :
2) Le 2e ordre :

Chaque parent a droit à une quotité fixe d’un quart (par parent à art. 748) et les frères et sœurs ont droit au
reste et vont se le partager par tête, sauf s’il faut appliquer la petite fente (= frères et sœurs différents) – par
contre, si la mère décède, le père ne récupérera pas son ¼ à elle !

3) Le 3e ordre :
A. La dévolution s’opérant exclusivement à l’intérieur du 3e ordre :
B. La dévolution s’opérant à l’intérieur du 3e et du 4e ordre :

Ici, nous sommes dans une situation où la règle de la fente va jouer car nous n’avons pas d’héritiers du 1e, ni du
2e ordre. Ainsi, l’on fend la succession en deux et l’on a du côté paternel, comme représentant, le père. Du côté
maternel, nous avons comme représentant un oncle. En principe, il faudrait donner la moitié au père et l’autre
moitié à l’oncle MAIS, en vertu des articles 753, alinéa 1 et 754 du code civil, lorsqu’en raison de l’application de
la règle de la fente, vous avez un concours entre, d’une part, le père ou la mère dans une ligne, et, d’autre part,
un collatéral ordinaire dans l’autre ligne, le père ou la mère a droit à une tiers en usufruit de la part du collatéral
ordinaire. Autrement dit, dans le cas d’un tel concours, en raison de l’application de la règle de la fente, l’on
donne un peu plus au père ou à la mère : on lui donne 1/3 en usufruit de la part de l’autre. Ainsi, dans notre
exemple, l’on attribue au père une moitié en pleine propriété, ce qui est la même chose que 3/6 en pleine
propriété. Or, l’oncle aurait également dû recevoir 3/6 en pleine propriété. Néanmoins, on lui retire 1/3 de sa
part : or, 1/3 de 3/6, cela fait 1/6 – et ce 1/6 qu’on lui retire, on l’attribue au père en usufruit. Ainsi, le père,
outre ses 3/6 en pleine propriété, recueille également 1/6 en usufruit. Ainsi, il reste donc à l’oncle 1/6 en nue-
propriété et 2/6 en pleine propriété (pleine propriété = usufruit + nue-propriété).

4) Le 4e ordre :

§3. Les droits successoraux dans la parenté adoptive :


a) L’adoption plénière :

Pour l’adoption plénière (art. 356-1 cciv), les choses sont très faciles car elle fait entrer complètement l’enfant
dans sa famille adoptive de sorte que tout se passera que comme s’agit d’un enfant par le sang : il hérite donc
dans sa famille d’adoption à l’instar de n’importe quel enfant, et dans sa famille d’origine, il n’hérite en principe
plus – sauf adoption endofamiliale = adoption par le beau-père. Il est à noter que l’adoption plénière n’est
possible que pour un mineur. Ainsi, pour un enfant majeur, il n’y a que l’adoption simple qui existe. De même,
en matière d’adoptions internationales, beaucoup de pays n’acceptent pas l’adoption plénière.

père et la même mère que X ; les deux frères consanguins font partie de la ligne paternelle puisqu’ils ont le même père de que X ; le frère
utérin fait partie de la ligne maternelle puisqu’il a la même mère que X. Ainsi, au final, j’ai donc trois personnes dans la ligne maternelle et
deux personnes dans la ligne maternelle. Dans la ligne paternelle, je dois partager une moitié divisée en trois : or, c’est plus facile de tout
mettre en douzième (6/12 : 3 = 2/12). Dans la ligne maternelle, nous avons une moitié divisée par deux (6/12 : 2 = 3/12). Ainsi, au final, la
sœur germaine aura droit à 5/12, F1 et F2 chacun 2/12 et F2 aura 3/12.

12
b) L’adoption simple :
1) Les droits successoraux de l’adopté (art. 353- 15) :

Quels sont les droits successoraux que l’adopté peut revendiquer ? L’adopté garde des liens avec sa famille
d’origine et rentre, mais pas complètement, dans la famille adoptive. En pratique, souvent, la famille d’origine,
l’on n’en entend plus parler. Néanmoins, s’il faut appliquer les règles, dans la famille d’origine, l’adopté continue
d’avoir exactement les mêmes droits que s’il n’avait pas été adopté : il hérite donc dans sa famille d’origine
comme un parent par le sang. Dans sa famille adoptive, l’adopté ne succède qu’aux adoptants (= père et mère
adoptive) : il n’hérite pas des autres parents au sens large. En effet, dans sa famille adoptive, l'adopté n'acquiert
de lien juridique qu'à l'égard de l'adoptant ou des adoptants et ne pourra dès lors venir à la succession des
parents (au sens large) de l'adoptant ou des adoptants, y compris par le support de la substitution.

2) La succession de l’adopté (art. 353-16) :

Quid si l’adopté décède ? S’il a des enfants, ce sont les enfants qui vont recueillir la succession. Par contre, s’il
décède sans postérité (= sans enfants et sans descendants) et que la personne n’a pas fait de testament, l’on
fait deux masses différentes dans les biens. Ainsi, une 1e masse concernera les biens de famille, soit les biens qui
ont été donnés soit par la famille adoptive, soit par la famille d’origine ou les biens qui ont été recueillis dans la
succession de ces familles : or, l’idée est que ces biens de famille doivent retourner dans la famille où ils
proviennent. Ainsi, si la famille adoptive a donné des biens à l’adopté et que l’adopté décède sans postérité, il
faut que le bien retourne dans la famille adoptive, pour autant que ce bien se retrouve en nature dans la
succession. Par contre, si ce n’est pas le cas, il y a un principe de droit successoral qui veut que si le bien a été
vendu et que le prix n’a pas encore été payé, dans ce cas, le droit s’exercera sur le prix – et de même si le prix
ne s’est pas encore confondu avec la masse et peut être distingué sur le compte bancaire. Il s’agit d’un cas de
retour légal (= succession anomale). Ensuite, pour tous les autres biens, il y a une 2e masse : l’on divise celle-ci
en deux avec une moitié pour la famille d’origine et l’autre moitié pour la famille adoptive.

§4. Les droits successoraux du conjoint survivant :


a) Le préalable, la liquidation et le partage du régime matrimonial :
1) L’incidence limitée du type de régime matrimonial :
A. Généralités :

Le conjoint survivant a pris une place de plus en plus importante puisque de plus en plus, dans la loi, la dévolution
s’opère de manière plus horizontale que verticale. Or, lorsqu’une personne décède et que cette personne était
mariée, l’on ne peut attaquer directement la liquidation de la succession (= chiffrer les droits de chacun) car l’on
a une masse de bien et l’on ne sait même pas à qui appartient cette masse de biens. Ainsi, il faut procéder en
deux temps : (1) liquider le régime matrimonial comme si les époux divorçaient12 en faisant les comptes de
créances, les comptes de récompenses, etc puis, ensuite (2) liquider la succession qui comprend le patrimoine
propre du défunt et ce qu’il lui reste de la liquidation du régime matrimonial. Or, selon le type de régime
matrimoniale choisi par les époux, la situation sera très différente au niveau de la liquidation de la succession,
même si depuis la loi du 22 juillet 2018, les différences entre les régimes ne sont plus aussi nettes qu’avant. En
effet, désormais, il y a certaines règles qui étaient applicables jusque-là uniquement en régime de communauté
qui sont maintenant applicables en séparation de biens également. Ainsi, il y a une influence limitée du choix du
régime matrimonial, mais cette influence existe tout de même toujours et la situation du conjoint ne sera pas la
même selon le régime. Ainsi, si vous êtes mariés sous un régime de communauté, le conjoint survivant récupère
la moitié du patrimoine commun qui est composé principalement des économies et des acquêts (= biens acquis
à titre onéreux pendant le mariage = quasi-tout car ce qui est propre est beaucoup plus limité). Ainsi, si l’on a
une femme qui ne travaille pas et qui a un bon train de vie et qui est mariée en régime de communauté, elle
aura droit d’office à la moitié de la communauté, et ce peu importe de savoir si Monsieur, lui, de son côté a
travaillé comme un acharné. En régime de séparations de biens, il n’y a pas de biens communs : l’on parle de
biens indivis. Dans ce cas-là, si Monsieur est plein aux as et qu’il travaille comme un acharné, Madame, elle,
n’aura pas un euro de cela. Finalement, l’insertion d’avantages matrimoniaux dans le contrat de mariage
augmente par ailleurs considérablement les droits du conjoint survivant.

12 Ex : Si les époux étaient mariés sous un régime de communauté, il faudra voir ce qu’il adviendra des biens. Or, en régime de communauté,
il y a le patrimoine propre de Monsieur, le patrimoine propre de Madame et le patrimoine commun. Si Monsieur décède, Madame
récupérera sa part dans le patrimoine commun (= la moitié du patrimoine commun) et son patrimoine propre (comme s’ils divorçaient).

13
B. L’attribution préférentielle (art. 1389/1 cciv) :

L’attribution préférentielle était prévue, au départ, uniquement pour les époux communs en biens :
désormais, c’est prévu aussi pour les époux séparés de biens. De base, elle permettait en cas de décès. Ainsi,
l’on imagine ici que dans le patrimoine commun l’on ait une belle résidence familiale. Or, en principe, si
Monsieur meurt, Madame récupère la moitié de la maison et l’autre moitié de la maison va dans la succession
– sans que cela soit considéré comme une libéralité en faveur de madame. Ensuite, au stade de la liquidation du
régime matrimonial, Madame peut dire qu’en étant le conjoint survivant, elle revendique d’avoir la part de son
mari dans la maison pour récupérer la maison en pleine propriété. Néanmoins, il s’agit d’une dérogation au
partage en nature, mais pas au partage par moitié de manière telle qu’elle devra payer une soulte : en effet, il
faut qu’au niveau économique, la succession de Monsieur s’y retrouve. Ainsi, avec l’attribution préférentielle,
Madame va récupérer la maison dans son lot et les autres héritiers n’en verront pas la couleur, mais si elle a
obtenu plus que ce à quoi elle avait droit en termes d’argent, elle doit payer une soulte pour qu’au final, en
valeur, la succession et Madame aient obtenus la même chose.

En cas de divorce, l’on peut aussi demander l’attribution préférentielle. En régime de séparation de biens,
généralement, Madame dit qu’elle veut garder la maison et Monsieur refuse : or, sans entente, cela finit en
vente publique. Ainsi, pour pallier cette injustice, l’on a prévu l’attribution préférentielle, même en cas de
séparation de biens. A l’époque,l’inconstitutionnalité de l’article 1446 a été soulevée devant la Cour
constitutionnelle qui a dit à l’époque que c’était comme cela : vous choisissez un régime de communauté, vous
avez l’attribution préférentielle, et vous choisissez un régime de séparation de biens, vous aurez le désavantage
de ne pas l’avoir. Néanmoins, par cet arrêt, la Cour constitutionnelle a tendu la perche au législateur en lui disant
que la distinction est légale mais qu’elle n’était pas légitime.

Désormais, au final, les biens doivent être communs ou, désormais, appartenir au patrimoine « qui est en
indivision exclusivement entre les époux ». Or, cette seconde catégorie vise (1) les biens propres indivis acquis
avant le mariage par des époux mariés en communauté (et sans apport au patrimoine commun) et (2) les biens
indivis d’époux mariés sous un régime de séparation de biens. A ce niveau-là, peu importe les proportions dans
lesquels les époux sont copropriétaires indivis : il ne faut donc pas nécessairement une indivision 50-50 et la
seule exigence est que seuls les époux soient copropriétaires des biens (à l’exclusion de tiers). Ainsi, si le bien a
été acquis en indivision, même s’il a été acquis à 70% par l’un et 30% par l’autre, celui qui aura acquis a 30%
pourra tout de même demander l’acquisition préférentiel – la soulte sera alors simplement différente.

2) Les avantages matrimoniaux :


A. En régime de communauté :

Les « avantages matrimoniaux » constituent un bénéfice ou un avantage patrimonial recueilli par un des époux
(le plus souvent le conjoint survivant) en vertu d’une clause de leur contrat de mariage qui aura pour effet
d’accroître les droits de cet époux lors de la liquidation de leur régime de communauté par rapport aux droits
qui auraient été les siens si les époux s’en étaient tenus à la simple application des règles légales.

i. Les types d’avantages matrimoniaux :

Les avantages matrimoniaux sont des avantages qu’un époux tire du contrat de mariage (>< testament). Au
départ, les avantages matrimoniaux n’ont été conçus que dans le cadre des régimes de communauté. En 2018,
désormais, ces avantages matrimoniaux sont également envisageables en séparation de biens. D’une manière
générale, en matière de régime matrimonial, il y a trois types de règles : (1) les règles de composition du
patrimoine (= ce qui est propre et ce qui est commun = supplétif), (2) les règles de gestion du patrimoine (=
impératif) et (3) les règles relatives à la liquidation et au partage (= supplétif). le législateur a circonscrit trois
types d’avantages matrimoniaux :

® les clauses extensives de l’actif commun


® les clauses de préciput
® les clauses dérogeant à la règle du partage égal du patrimoine commun.

14
La première catégorie de clauses déroge aux règles déterminant la composition active du patrimoine commun
en augmentant l’assiette de ce patrimoine commun par rapport au régime légal. Ainsi, l’on peut distinguer trois
types de clauses :

® Les clauses dites d’apport qui consistent à faire expressément entrer dans le patrimoine commun, lors
de la conclusion du contrat de mariage, un ou plusieurs biens présents qui se trouvaient dans le
patrimoine propre d’un des époux.

® Les clauses qui prévoient que certains biens futurs qui seraient en principe restés propres à un des
époux seront des biens communs.

® La clause de communauté universelle qui, en faisant entrer dans le patrimoine commun tous les biens
présents et futurs des deux époux, réalise une combinaison des deux premiers types de clauses.

Ainsi, l’on perçoit assurément le bénéfice ou l’avantage qu’un des époux recueillera de ces clauses
conventionnelles lors de la dissolution du régime matrimonial puisqu’il prendra sa part de moitié du ou des biens
communs qui, à défaut d’une telle disposition arrêtée par les époux dans leur contrat de mariage, auraient dû
rester propres à l’autre époux.

ii. Le statut juridique spécifique des avantages matrimoniaux :


a. Les règles :

Comme l’indiquent les articles 1458, al. 1 et 1464, al. 1, les clauses par lesquelles les époux se consentent un
avantage matrimonial sont « regardées comme des conventions de mariage », c’est-à-dire une convention à
titre onéreux, où les avantages consentis sont censés être réciproques. Les avantages matrimoniaux ne
constituent par conséquent pas des libéralités. Le conjoint survivant les conservera, par conséquent, en
principe, hors succession : cette qualification est objective et totalement indépendante de la présence ou non
d’une intention libérale. Pour les règles de composition, l’on peut y déroger et accorder un avantage à son
époux en faisant entrer dans le patrimoine commun un bien qui, normalement, doit être qualifié de propre13.
Pour les règles de partage, il y a également les avantages qui y dérogent et qui peuvent être de deux sortes : les
clauses de préciput et les clauses qui dérogent à la règle du partage par moitié du patrimoine commun :

è Pour la règle qui déroge au partage par moitié du patrimoine commun, en principe, en régime de
communauté, la règle veut que le patrimoine commun est partagé par moitié au stade de la liquidation
du régime matrimonial en cas de décès – de la même manière que si l’on avait divorcé. Or, dans le
contrat de mariage, l’on peut prévoir un avantage matrimonial qui consiste à attribuer au conjoint
survivant la part du défunt dans le patrimoine commun au stade de la liquidation du régime
matrimonial. Ainsi, qu’est-ce qu’il restera à liquider au stade de la succession ? Uniquement le
patrimoine propre du défunt. Finalement, il s’agit de bien comprendre que tout cela ne constitue pas
un testament, mais bien une technique de liquidation de régime matrimonial.

è Pour la clause du préciput (precipere = je prends avant), l’idée est que pour un ou plusieurs biens en
particulier, mon époux, avant le partage du solde par moitié, récupère un bien14.

Ainsi, ce sont des techniques qui permettent d’avantager le conjoint survivant au stade de la liquidation du
régime matrimonial et non au stade de la liquidation de la succession. Mais comment interpréter cet avantage
consenti entre les époux pour le conjoint survivant ?

13 Ex : J’hérite d’un appartement. Les héritages sont des biens propres à l’époux. Je décide d’apporter cet appartement à la communauté :
je le rends commun. Ainsi, pour mon mari, à mon décès, il récupère au stade de la liquidation du régime matrimonial une moitié
d’appartement qu’il n’aurait en principe pas du récupéré puisqu’il s’agissait de base d’un bien propre.
14 Ex : Je prévois dans le contrat de mariage que mon mari pourra récupérer l’appartement à la mer qui était commun entre nous. Il prend

l’appartement. Il reste un solde dans le patrimoine commun et ce solde est partagé dans la succession. Au final, le mari est avantagé car il a
le solde de la moitié du patrimoine commun, mais en plus il aura l’appartement.

15
Le code civil nous dit qu’il s’agit d’une convention de mariage (à art. 1458, al. 1e et art. 1464, al. 1e = avantage
à titre onéreux), peu importe que l’on ait voulu faire une libéralité (= un avantage à titre gratuit). Ainsi, il
n’importe pas de savoir s’il s’agissait d’une intention libérale ou non : c’est une qualification objective.
Néanmoins, en droit fiscal, cela est taxé et considéré par le code fiscal comme étant un legs (= disposition faite
par testament) fictif (art. 5 code des droits de successions). Ainsi, à titre d’illustration, j’ai un contrat de mariage
de communauté et j’ai dans ce contrat une clause de partage inégal. Au stade de la liquidation du régime
matrimonial, le conjoint survivant récupérera outre sa propre moitié à lui, la moitié du conjoint survivant : il aura
tout. Ensuite, Monsieur décède avec un PC de 300.000€ et un PP de 10.000€. En pratique, nous verrons que
chez 95% des belges, il n’y a pas de patrimoine propre. Madame prend sa part de moitié dans le patrimoine
commun (150.000 €) et grâce à la clause de partage inégal, Madame récupère également la moitié de son mari
dans le patrimoine commun. Je liquide ensuite la succession et, dans la succession, il ne reste que le patrimoine
propre de Monsieur de 10.000 euros. Or, dans ce cas de figure, lorsqu’on laisse des enfants et un conjoint, le
conjoint a l’usufruit et les enfants ont la nue-propriété, mais ici uniquement sur le patrimoine propre de
Monsieur en raison de l’avantage matrimonial (art. 745bis, §1e, al. 1e cciv). Ainsi, les enfants ne voient rien dans
le patrimoine commun de monsieur : tout revient à Madame et elle en fait ce qu’elle veut, tandis que les enfants
n’en verront plus la couleur. Ainsi, l’enfant, dans ce cas de figure, n’aura rien sinon la nue-propriété des biens
propres – or, il n’y en a quasiment jamais en pratique. S’il n’y avait pas eu cet avantage matrimonial, l’on aurait
attribué à Madame sa part dans le patrimoine commun, à savoir 150.000 euros, et les 150.000 euros de
Monsieur serait tombé dans la liquidation de la succession avec les 10.000 euros de biens propres. Il y aurait
alors eu usufruit de Madame sur les 160.000 euros et nue-propriété pour les enfants sur la même somme.

b. Les exceptions :
o La présence de descendants communs aux deux époux (art. 1458, al. 2 et 1464, al. 2) :

La première exception est celle où le conjoint prédécédé a combiné une clause extensive de l’actif commun
avec, soit une clause de préciput (art. 1458 al. 2), soit une clause dérogeant à la règle du partage égal du
patrimoine commun (art. 1464 al. 2). Dans cette hypothèse, la loi présume, de manière irréfragable, que
constitue une libéralité, imputable sur la quotité disponible de la succession du conjoint prédécédé, la moitié
attribuée au conjoint survivant des biens qui sont entrés dans le patrimoine commun, en raison de la clause
extensive de l’actif commun. Cette qualification de libéralité ne sortira bien entendu ses effets qu’à l’égard des
héritiers réservataires du conjoint prédécédé qui, lorsque le défunt laisse un conjoint survivant, ne peuvent être
que ses descendants (voir infra). Dès lors que les descendants d’une précédente union du conjoint sont
expressément protégés par la disposition spécifique énoncée à l’article 1465 du Code civil, la règle exprimée aux
articles 1458 alinéa 2 et 1464, alinéa 2 n’est en réalité destinée à sortir ses effets qu’à l’égard des descendants
communs des deux époux.

Autrement dit, en présence de descendants communs aux deux époux, le législateur a considéré qu’il fallait
quand même décider qu’il y avait matière à libéralité (= à acte à titre gratuit = à donation). Néanmoins, pour
cela, il faut une double clause d’avantage matrimonial, c’est à dire (1) une clause d’apport et (2) une clause de
préciput ou une clause de partage inégal. Ainsi, Or, une fois que l’on a cette double clause, le législateur
considère qu’il y a une libéralité préciputaire (voy. infra) et, de ce fait, pour les enfants, comme ceux-ci ont droit
à une part minimale dans la succession (= réserve héréditaire), pour calculer cette réserve héréditaire, l’on tient
compte des libéralités faites par le défunt – mais pas des actes à titre onéreux. Ainsi, pour protéger les enfants
au niveau de leur réserve héréditaire, il est important que ce soit qualifié de libéralité. Ainsi, l’on considère qu’il
y a une libéralité à concurrence d’un montant bien précis qui correspond à la moitié de la valeur des biens
importés estimés au jour du décès.

Ainsi, à titre d’illustration, j’ai un contrat de mariage avec une double clause : une clause d’apport et une clause
de partage inégal. Le bien qui a été apporté vaut, au moment de l’apport, 75.000 euros et 200.000 euros au
moment du décès. Il y aura matière à libéralité à concurrence de combien ? Il faut tenir compte de la moitié de
la valeur des biens apportés avec une estimation au jour du décès. Ainsi, j’ai un bien apporté qui est un
appartement : je dois tenir compte de sa valeur au jour du décès, soit 200.000 euros. La libéralité, c’est la moitié
de cette valeur. Ainsi, cette valeur de 100.000 euros, l’on en tient compte dans le cadre de la succession, et plus
précisément pour apprécier si la réserve des enfants a ou non été respecté et si les enfants ont droit ou non à
leur part minimale. Or, si ce n’est pas le cas car il leur reste trop peu, le conjoint ne pourra alors pas recevoir
tout son avantage matrimonial.

16
o La présence de descendants qui ne sont pas communs aux deux époux (art. 1465) :

En présence de descendants qui ne sont pas communs aux deux époux (ex : Cendrillon), tout ce qui est attribué
au conjoint survivant, les enfants non communs n’en verront jamais la couleur puisqu’ils n’ont pas de lien de
parenté avec le conjoint survivant et n’en hériteront donc pas légalement. Ainsi, depuis le droit romain, l’on a
prévu des dispositions spécifiques. Ainsi, l’article 1465, qui est très mal rédigé (alors que la règle est très simple),
prévoit que tout ce que le conjoint survivant recueille en plus par rapport au régime légale de communauté est
une libéralité préciputaire. Ainsi, pour chiffrer cette libéralité, il faudra comparer ce que le conjoint aurait
recueilli sans la ou les clauses et ce qu’il a recueilli avec les clauses : la différence entre les deux, c’est la libéralité.
Ici, à la différence du cas où il y a des enfants communs, il ne faut qu’une seule clause – il n’est pas requis qu’il
y ait deux clauses15.

Ainsi, en présence de descendants non communs, il faut d’abord liquider le régime matrimonial comme s’il n’y
avait pas les clauses. Ensuite, il faut liquider le régime matrimonial avec les clauses. Finalement, la différence
entre les deux constitue une libéralité préciputaire dont il faudra tenir compte dans la liquidation de la
succession pour apprécier si la réserve des enfants non-communs a ou non été respectée. Ainsi, la solution
retenue par le législateur a consisté, dans ces situations, à exclure l’application du principe selon lequel les
avantages matrimoniaux ne sont pas des libéralités et à considérer, au contraire, toutes les clauses de la
première, de la deuxième ou de la troisième catégorie comme des libéralités qui devront être imputées sur la
quotité disponible de la succession du conjoint prédécédé et éventuellement être réduites si leur valeur excédait
la quotité disponible.

A. En régime de séparation de biens :

Il y a eu des discussions très houleuses au sein du groupe d’experts quant aux avantages matrimoniaux et si la
réforme des successions est passé avant celles de régimes matrimoniaux, c’est à cause de cela. Il y avait deux
camps :

è Il y a ceux (les francophones) qui disaient que les avantages matrimoniaux sont des donations au
conjoint et qu’il fallait protéger la réserve des enfants. Maintenant, avec l’augmentation de la quotité
disponible, cela n’a plus de sens de considérer cela comme une donation – et d’ailleurs, en droit fiscal,
c’est considéré comme un acte à titre onéreux. Ainsi, ce n’est pas juste pour les enfants qui n’ont rien
du tout, ce qui n’est pas normal : pour eux, il faut ainsi considérer cela comme une donation.

è Il y a ceux (les néerlandophones) qui considéraient que c’était normal que le conjoint récupère tout le
patrimoine commun car ils estimaient que la première personne qui doit être gratifié, c’est le conjoint
et peu importe pour les enfants et leur réserve.

Finalement, Koen Geens en a eu marre et a mis la question de côté. Finalement, l’on a découvert cette théorie
des avantages matrimoniaux également pour les régimes de séparation de biens. Néanmoins, l’on n’a pas
discuté de la manière dont il fallait libeller ces articles-là. Dans les articles sur les régimes de séparation de biens,
il est mis qu’il est possible de prévoir des avantages matrimoniaux : l’on applique par analogie tel et tel article
du régime de communauté (art. 1469, §1e). Ainsi, maintenant, l’on est dans une situation où l’on ne sait pas très
bien comment il faut appliquer les avantages matrimoniaux en régime de séparation de biens parce les biens
indivis ne sont pas des biens communs de tel manière que l’on n’a pas de règles par rapport à cela et cela ennuie
énormément les notaires. Nous ne serons donc pas interrogés sur cette partie-là des avantages matrimoniaux.

15 Ex : J’ai un contrat de mariage avec apport d’un immeuble propre au patrimoine d’une valeur de 150.000 euros au jour du décès et j’ai
une clause de partage inégal de patrimoine commun. Il y a des acquêts pour 250.000 euros. Ainsi, dans le patrimoine commun, nous avons
le bien propre apporté (150.000) et les acquêts (250.000) : ainsi, il y a 400.000 euros dans le patrimoine commun, mais avec des biens
d’origines différentes. Que recueille le conjoint au niveau de la liquidation du régime matrimonial grâce à la clause ? Il va récupérer les
400.000 euros avec les clauses. Or, s’il n’y avait pas eu les clauses, il n’aurait pas eu le bien propre dans le patrimoine commun puisqu’il
serait resté propre. En revanche, il aurait eu droit à la moitié des acquêts, soit 125.000 euros. Ainsi, la différence entre les deux est de
275.000 euros : or, ce montant est le montant de la libéralité.

17
b) Les conditions requises pour succéder dans le chef du conjoint survivant : à VOIR SYLLABUS !

Comme tout successible, le conjoint survivant doit, pour hériter, survivre au de cujus et ne pas être indigne. Il
doit, en outre, ne pas être déchu du droit d'hériter (art. 745 septies C. civ.). Il doit enfin être marié valablement
au de cujus au moment du décès de celui-ci.

1) La déchéance successorale :
A. La cause de la déchéance :

Le conjoint survivant pourra être exclu ou déchu en tout ou en partie de ses droits successoraux s'il est déchu
en tout ou en partie de l'autorité parentale à l'égard des enfants issus de son mariage avec le défunt. La
déchéance de l'autorité parentale peut être prononcée par le tribunal de la jeunesse dans les conditions prévues
à l’article 32 de la loi du 8 avril 1965 sur la protection de la jeunesse. Il peut en être ainsi en cas de :

è La condamnation du père ou de la mère à une peine criminelle ou correctionnelle du chef de tous faits
commis sur la personne ou à l'aide d'un de ses enfants ou descendants (art. 32, al.1)

è Le mauvais traitements, abus d'autorité, inconduite notoire ou négligence grave des père ou mère,
mettant en péril la santé, la sécurité ou la moralité de son enfant (art. 32, al.2).

Cette déchéance ne doit pas être prononcée obligatoirement à l’égard de tous les enfants mais peut l’être vis-
à-vis d’un seul ou de plusieurs d’entre eux.

B. Le régime :

L’action en déchéance n’appartient qu’aux enfants (ou descendants) venant à la succession du défunt, issus du
mariage de ce dernier et de son conjoint, ou à leurs représentants s’ils sont incapables. Le descendant du défunt
qui renonce ou qui est indigne de succéder au défunt ne peut entamer l’action de l’article 745 septies, faute
d’être héritier. En outre, ne pourront agir que les descendants du de cujus vis-à-vis desquels le conjoint survivant
a eu les comportements prévus à l’article 745 septies du Code civil, même s’ils ne sont plus sous l’autorité
parentale. L’action doit être introduite devant le tribunal de la famille dans l’année qui suit, soit l’ouverture de
la succession, soit la déchéance de l’autorité parentale. Ce délai est de forclusion (art. 745 septies, §2 C. civ.).

La déchéance est soumise à l’appréciation souveraine du juge. C’est au tribunal à apprécier l’opportunité d’une
telle sanction ainsi que, le cas échéant, son étendue (cfr les termes de l’article 745 septies, §1 C. civ. “le conjoint
survivant peut être exclu ou déchu en tout ou en partie de ses droits successoraux”). De même, le jugement de
déchéance produit ses effets à la date de l’introduction de la demande et n’a donc aucun effet rétroactif (art.
745 septies, §2, al.2 C. civ.). Le conjoint survivant devra rendre les biens dans l’état reçu lors de l’ouverture de
la succession avec tous les fruits perçus à partir de l’introduction de la demande en déchéance. Les fruits produits
avant l’introduction de cette demande restent acquis au conjoint dans les limites prévues aux articles 585 et 586
du Code civil. Enfin, il est à noter que la déchéance n’est pas définitive. En effet, il est admis que l’époux qui
serait réintégré dans l’autorité parentale, sur base de l’article 63, al.6 de la loi du 8 avril 1965, récupère son droit
d’usufruit mais pour l’avenir seulement.

2) La condition de mariage au moment du décès :

Les droits successoraux du conjoint survivant sont fondés sur le mariage. Le conjoint survivant n'a le droit
d'hériter de son conjoint prédécédé que s'il était valablement marié au de cujus, lorsque celui-ci est décédé. Par
conséquent, le « conjoint » ne bénéficie pas de droits successoraux soit lorsque son mariage a été, est ou sera
annulé, soit lorsqu'il est dissous par le divorce au moment du décès du de cujus. Dans ce dernier cas, un époux
perd ses droits successoraux une fois que la décision prononçant le divorce acquiert force de chose jugée (art.
1278, al. 2 C. jud.), c’est-à-dire lorsque le divorce est irrévocablement acquis. Bien que la séparation de corps ne
mette pas fin au mariage, elle supprime aussi les droits successoraux du conjoint survivant (art. 731 C. civ.).

18
Le décès d'un des époux, durant l'instance en divorce ou en séparation de corps, n'empêche par contre pas la
vocation successorale du conjoint. Dans l'hypothèse spécifique d'un divorce (ou d'une séparation de corps) par
consentement mutuel, la loi oblige les époux à décider du sort de leurs droits successoraux en cas de décès de
l'un d'eux pendant la procédure (art. 1287 al. 3 C. jud. cfr infra). C'est dès lors la volonté commune des époux,
exprimée dans les conventions préalables à divorce, qui fixe les droits d'un époux dans la succession de son
conjoint décédé durant la procédure en divorce (ou de séparation de corps) par consentement mutuel.

c) L’étendue des droits du conjoint survivant :

En ce qui concerne les droits du conjoint survivant (les choses ont changé avec la loi de 2018) – nous sommes ici
au stade de la liquidation de la succession : nous en avons terminé avec la liquidation du régime matrimonial - ,
il y a deux grandes catégories de droits :

è Les droits attribués au conjoint survivant peu importe avec qui il vient à la succession, soit peu importe
la qualité des autres héritiers.

è Les droits attribués au conjoint survivant qui varient en fonction des héritiers avec lesquels il est en
concours.

i. Les droits du conjoint quel que soit les héritiers avec lesquels il est en concours :

Le conjoint survivant ne s’intègre pas dans la règle des ordres de sorte qu’il faut chaque fois, lorsque l’on doit
liquider une succession avec un conjoint, d’abord (1) liquider le régime matrimonial, puis, ensuite (2) liquider la
succession en liquidant d’abord les droits du conjoint, et ensuite attribuer le solde aux héritiers. Le conjoint
survivant a trois droits différents :

è Le droit au bail relatif à l’immeuble affecté à la résidence commune au moment de l’ouverture de la


succession du défunt (art. 745bis, §3 cciv) : depuis 2007, il a le droit de poursuivre le contrat de bail si
la résidence commune était louée – et il n’y a que lui qui peut reprendre le contrat de bail.

è Le droit d’usufruit sur les biens soumis au droit de retour légal (art. 745bis, §2 ; voy. infra).

è Le droit à un usufruit successif : depuis 2018 (à bien connaître), en vertu de l’article 858bis, §3, 5 et 6,
il dispose en effet d’un usufruit successif. Il s’agit d’un droit d’usufruit qui porte sur certains biens en
particulier et qui joue lorsque le défunt a donné un bien avec réserve d’usufruit16. Or, si rien n’est prévu,
dès lors qu’il n’y a plus de rapport (voy. infra) au profit du conjoint survivant, l’on a voulu trouver une
technique pour continuer à protéger le conjoint survivant. En réalité, il ne s’agit pas de prolonger
l’usufruit du donateur, mais d’en accorder un nouveau, de type successoral, sur les biens donnés, à
compter du décès du donateur. Ainsi, l’on a considéré que le conjoint survivant allait pouvoir
« continuer » l’usufruit qui s’était éteint : c’est une sorte d’usufruit ressuscité au profit du conjoint
survivant, le but étant de maintenir le niveau de vie au profit du conjoint survivant et de compenser la
disparition du rapport. Ainsi, le conjoint pourra continuer à avoir automatiquement cet usufruit, mais
pour cela, il faut que certaines conditions soient respectées :

16 Ex : Je donne à mes enfants un appartement avec réserve d’usufruit. Ainsi, je me réserve l’usufruit : je garde l’usufruit et je ne donne que
la nue-propriété à mes enfants. Concrètement, cela veut dire que mes enfants deviennent nus-propriétaires de l’appartement et si cet
appartement est mis en location, c’est moi qui touche les loyers puisque j’ai gardé l’usufruit et que l’usufruitier a droit aux fruits (= aux
loyers). Mon mari a évidemment profité du fait que je touchais les loyers et l’on a fixé notre niveau de vie en fonction des loyers que je
touchais chaque mois. Le législateur s’est dit qu’au moment du décès, cela allait être embêtant pour lui car mon mari n’allait plus toucher
les loyers car à mon décès, l’usufruit s’éteint étant donné que c’est un droit viager (= qui joue tant que l’usufruitier est vivant). Ainsi, à partir
de là, ce sont en principe les enfants qui touchent désormais les loyers puisqu’ils deviennent en principe plein propriétaires.

19
§ Il faut que le conjoint survivant ait eu la qualité de conjoint au jour de la donation. Or, l’on
s’est dit que c’était un peu vache de ne pas avoir d’usufruit successif dans l’hypothèse où je
suis en cohabitant légale avec mon homme, je donne avec réserve d’usufruit la résidence
commune dans laquelle on habite à mes enfants et puis je me marie avec mon compagnon et
ensuite je décède. Techniquement, tel que la loi avait été libellé en 2017, le compagnon ne
pouvait pas avoir cet usufruit successif puisqu’au moment où j’ai fait la donation, je n’étais pas
encore marié. Ainsi, l’on a prévu que, étant un peu sévère, cet usufruit successif pouvait
encore jouer si (1) j’étais en cohabitation légale au moment de la donation et (2) si j’avais
donné la résidence commune et/ou les meubles qui garnissent la résidence commune.

§ Il faut que le donateur se soit réservé l’usufruit sur le bien donné : si le donateur s’était
réservé uniquement un droit d’usage ou d’habitation, celui-ci ne pourrait pas être poursuivi
par le survivant.
§ Il faut que le donateur soit resté titulaire de l’usufruit jusqu’au jour du décès17 : la
renonciation du conjoint donateur à son usufruit prive le conjoint survivant de son droit
d’usufruit successif.

Finalement, mon conjoint, en l’occurrence mon mari, pourrait dire qu’il n’en a rien à faire de cet
usufruit successif et qu’il souhaite qu’au jour du décès, les enfants récupèrent la pleine propriété.
Pour cela, il peut le faire dans un pacte successoral en y disant qu’il ne veut pas de cet usufruit (art.
858bis, §6 + 1100/2 à 1100/6 cciv). Il s’agit d’un pacte successoral qui est autorisé, alors qu’ils sont en
principe interdits. Ensuite, est-ce que moi, dans l’acte de don à mes enfants, je peux mentionner
que je ne veux pas que mon mari bénéfice de cet usufruit successif ? Non, car il s’agit aussi d’un
pacte successoral, mais qui, lui, est interdit. Et enfin, est-ce que je peux supprimer l’usufruit successif
par testament ? Oui, par contre, cela, c’est possible. Ainsi, si le conjoint ne désire pas que son
conjoint survivant ait un usufruit successif, il y a trois techniques :

§ Je renonce à mon usufruit avant de mourir pour que les héritiers deviennent plein propriétaire.
§ Je fais un testament pour supprimer l’usufruit successif.
§ Je persuade mon conjoint de renoncer à son usufruit successif dans un pacte successoral.

ii. Les droits attribués au conjoint en fonction des héritiers avec lesquels il vient en concours :
a. Le conjoint est en concours avec des descendants :

Dans l’hypothèse où le conjoint est en concours avec les descendants, en droit belge, il a été décidé en 1981 que
le mieux serait que le conjoint ait droit à l’usufruit et que les enfants aient droit à la nue-propriété (art. 745bis,
§1e, al. 1e). Ainsi, l’idée était de dire que l’on protège le conjoint afin qu’il puisse garder son niveau de vie en lui
donnant l’usufruit tandis que les enfants ont la nue-propriété, en tant que destinataires naturels des biens du
défunt : il s’agit de concilier les intérêts de ces deux personnes. Or, le nu-propriétaire n’a pas grand-chose en
réalité : il devra payer les droits de succession au niveau fiscal, mais il n’aura techniquement rien. Néanmoins,
au décès de l’usufruitier, les enfants, qui sont considérés comme les destinataires naturels des biens,
récupéreront la pleine propriété. Ainsi, l’on a au départ une dévolution qui est horizontale au niveau de l’usufruit
au profit du conjoint et qui est verticale au niveau de la nue-propriété, mais au final, cela doit être vertical car
les biens du prémourant sont censés revenir aux enfants, mais ils devront attendre le décès du conjoint, et ce y
compris dans le cadre des familles recomposées (alors qu’en France, c’est différent). Au niveau des familles
recomposées, il y a eu de nombreuses discussions et l’on a beaucoup réfléchi en se demandant si l’on laissait le
système tel qu’il était et en se demandant quel autre système pouvait être mis en place. Finalement, l’on s’est
dit que l’on allait laisser les choses ainsi car c’est le moins pire système légalement et que rien n’empêche les
gens et de changer les choses. Néanmoins, l’on a tout de même changé une chose au niveau de la conversion
de l’usufruit (voy. infra). Finalement, il est à noter que cette solution usufruit/nue-propriété est très intéressante
au niveau fiscal car cela permet d’éclater la base imposable et qu’au final l’imposition soit moins lourde.

17Ex : J’ai donné à mes enfants un appartement avec réserve d’usufruit. Tous les mois, je tire un loyer de cet appartement et j’ai tiré mon
train de vie avec mon conjoint de ce loyer. Si, 5 ans avant de mourir, je dis à mes enfants que j’abandonne mon usufruit, mes enfants sont
devenus plein propriétaires 5 ans avant mon décès. Dans ce cas, est-ce que le conjoint peut réclamer son usufruit successif ? Non car leur
train de vie n’a plus été fixé en fonction des loyers puisque le couple ne les touchait plus. D’ailleurs, renoncer à son usufruit pourrait être
une manière d’ennuyer son conjoint.

20
b. Le conjoint est en concours avec d’autres héritiers que des descendants :

Dans l’hypothèse où le conjoint est en concours avec d’autres héritiers que des descendants, l’on ne fait plus de
distinction selon le type de régime matrimonial des époux, alors qu’avant les époux mariés en régime de
communauté étaient avantagés par rapport aux époux mariés en régime de séparation de biens (à loi de 2018).
La loi du 22 juillet 2018 ne distingue plus selon que les époux étaient mariés en communauté ou en séparation
de biens. Désormais, l’époux survivant, qui était marié en séparation de biens, recueille la pleine propriété de la
part de son conjoint dans les biens indivis. Auparavant, il n’en recueillait que l’usufruit. Il en va de même en ce
qui concerne les biens acquis avant le mariage par des époux communs en biens. Dans ce cas aussi, le survivant
recueille la pleine propriété desdits biens. Les biens indivis doivent être en indivision exclusivement entre les
époux. S’ils sont en indivision avec d’autres personnes que les époux, le conjoint ne recueille que l’usufruit de la
part du prémourant dans l’indivision.

o Le conjoint en concours avec des héritiers du 2e ou du 3e ordre (art. 745bis, §1e, al. 2) :

La règle veut que lorsque le défunt laisse des ascendants ou des frères et sœurs ou des descendants de ceux-ci,
le conjoint survivant recueille la pleine propriété de la moitié de la part du prémourant dans patrimoine commun
(à nous sommes au stade de la liquidation de la succession à à titre successoral, il ne recueille donc pas la
pleine propriété de tout le patrimoine commun à il ne sera donc taxé en droit fiscal que sur la moitié du
patrimoine commun). Ainsi, le conjoint survivant, en ce qui concerne la 1e moitié du patrimoine commun, il la
récupère au stade de la liquidation du régime matrimonial, comme s’il avait divorcé). Ainsi, au final, c’est vrai
qu’il a tout, mais avec deux casquettes différentes : (1) il obtient la 1e moitié grâce à la liquidation du régime
matrimonial (et non à titre successoral à il ne payera pas de droits de successions) et (2) il obtient la 2e moitié
à titre successoral et il payera donc des droits de successions.

Ensuite, en ce qui concerne les biens propres du défunt, qui sont, a priori, des biens de familles, le législateur a
considéré que, pour ces biens-là, le conjoint peut en profiter et en avoir l’usufruit, mais à terme, ces biens de
propriété reviennent à la famille : ainsi, la nue-propriété des biens propres, elle, reviendra aux autres héritiers.
Ainsi, lorsque l’on regarde ce à quoi le conjoint survivant a droit, dans le cadre de la liquidation de la succession,
il faut aller voir dans les dispositions relatives aux successions, et dans cette partie du code civil, l’article 745bis,
§1er qui prévoit ce à quoi le conjoint survivant a droit – « bis » car en 1981, il a fallu faire de la place pour le
conjoint survivant qui n’était pas un héritier légal jusqu’alors. Ainsi, tout ce à quoi il n’a pas droit, cela revient
aux autres héritiers : il faut donc toujours commencer, dans la succession, par analyser les droits du conjoint
survivant – et ensuite les droits des autres héritiers.

Or, ici, cela concerne les époux mariés en régime de communauté, mais quid des époux en régime de séparation
de biens ? Pour eux, le conjoint recueille également la pleine propriété de la part du prémourant dans le
patrimoine en indivision. En effet, le patrimoine en indivision n’est pas un patrimoine commun : ainsi, à priori,
cela vise les époux séparés de biens. Ainsi, l’on réserve le même sort, mais au lieu de parler de la moitié du
patrimoine commun, l’on parle de la moitié du patrimoine indivis. Ainsi, si qqun meurt et n’a pas d’enfant mais
qu’il est marié avec qqun d’autre sous le régime de séparation de biens, il n’y aura pas de problème : pour tous
les biens qu’ils ont achetés à deux, le conjoint survivant aura la garantie de récupérer la pleine propriété sans
qu’il ne faille faire de testament. Néanmoins, il faut être attentif au fait que les biens indivis visent les époux
séparés de biens, mais également les époux communs en biens18.

18Ex : J’ai le mariage qui intervient et à partir du jour du mariage, tous les acquêts sont communs. Néanmoins, statistiquement, l’on se marie
maintenant vers 30 ans et l’on aura déjà acheté pleins de choses ensemble avant le mariage. Or, tous ces biens achetés avant le mariage ne
sont pas des biens communs puisqu’il n’y a pas encore eu mariage : ce seront des biens indivis.

21
o Le conjoint en concours avec des héritiers du 4e ordre (art. 745bis, §1e, al. 3e) :

Dans une telle hypothèse, le législateur, aux vues de l’éloignement des héritiers, a décidé de considérer que,
désormais, le conjoint survivant recueillera la pleine propriété de la succession (à loi de 2018). Les successibles
du quatrième ordre, c’est-à-dire les « collatéraux ordinaires », perdent leur vocation successorale en présence
d’un conjoint. Il en va ainsi des (grands-)oncles, (grands-)tantes, cousins, cousines mais non des neveux et nièces
qui font partie, avec les frères et sœurs, du deuxième ordre. L’article 745bis, §1, alinéa 3 du Code civil, qui ne
visait initialement que l’hypothèse où le défunt ne laissait pas d’autres successibles, est libellé comme suit:
«Lorsque le défunt laisse d’autres successibles ou ne laisse aucun successible, le conjoint survivant recueille la
pleine propriété de toute la succession ». Un article 754/1 a par ailleurs été inséré dans le Code civil dont l’alinéa
1e précise que les collatéraux autres que les frères et sœurs du défunt ou leurs descendants n’héritent pas
lorsque le défunt laisse un conjoint survivant. Il s’agit en quelque sorte du corollaire de l’article 745bis, §1e, al. 3
du Code civil dans la perspective, ici, des collatéraux ordinaires.

o Le conjoint en concours avec héritiers du 3e et du 4e ordre (art. 745bis, §1e, al. 2 + 754/1 + 733, al. 1) :

En présence de successibles du troisième ordre et du quatrième ordre, seuls les héritiers du troisième ordre
viennent à la succession avec le conjoint survivant. En l’absence d’héritiers du 1e et du 2e ordre, nous avons vu
que l’on appliquait la règle de la fente qui constitue une dérogation à la règle des ordres, dans ce cas-ci. Ainsi, si
l’on a une succession avec une GMM et un OP de l’autre, l’on fend la succession en deux avec une moitié pour
la ligne maternelle et une moitié pour la ligne paternelle. Or, l’on a changé la règle lorsqu’il y a un conjoint qui
intervient : la règle de la fente ne s’applique et l’on applique à plein la règle des ordres. Or, si l’on applique à
plein la règle des ordres, cela signifie que l’héritier du 4e ordre (OP) passe à la trappe. En réalité, cette règle n’est
pas très logique car soit l’on applique la fente dans tous les cas de figure, comme on le faisait auparavant, soit
on ne l’applique plus du tout, mais on ne l’applique pas que dans certains cas19.

o Le conjoint n’est en concours avec aucun successible (art. 745bis, §1e, al. 3) :

Dans un tel cas, le conjoint recueille la pleine propriété de tout.

! L’article 745bis ne doit jamais se retrouver, à l’examen, au stade de la liquidation du régime matrimonial !

iii. L’objet de l’usufruit du conjoint lorsqu’il porte sur toute la succession (art. 858ter) :

L’article 858 ter, inséré par la loi du 22 juillet 2018 dans la partie du Code civil relative au partage, apporte des
éclaircissements quant à l’objet précis de l’usufruit exercé par le conjoint survivant lorsque cet usufruit lui est
attribué sur toute la succession, que ce soit en raison de la loi (et plus particulièrement de l’article 745bis, §1,
alinéa 1 C. civ.) ou à la suite d’un testament ou d’une institution contractuelle. Cette règle s’applique également
lorsque l’usufruit porte sur la part réservataire des enfants dans l’hypothèse - visée par l’article 1094, alinéa 1C.
civil, demeuré inchangé - où le conjoint survivant recueille, par ailleurs, la pleine propriété de la quotité
disponible. Dans toutes ces hypothèses, l’usufruit du conjoint grève :

è Les biens du défunt existant au jour du décès (à l’exception des biens légués à moins, toutefois,
que le conjoint puisse solliciter leur réduction ou profiter de celle-ci).

è Les biens donnés par le défunt et dont il s’est réservé l’usufruit (cfr l’usufruit successif du conjoint
visé à l’article 858 bis, §3 du Code civil).

è Les biens donnés par le défunt dans la mesure où le conjoint peut solliciter leur réduction ou
profiter de celle-ci.

19 Ex : Marc est marié sous le régime légal. Il décède en laissant son épouse, sa GMM et son OP. Béatrice, son épouse, recueille la pleine
propriété de la part de Marc dans le patrimoine commun et l’usufruit des biens propres. Pour la nue-propriété des biens propres, en principe,
puisqu’il n’y a pas d’héritiers du 1e, ni du 2e ordre, il faut fendre la succession en deux. Or, désormais, comme il y a un conjoint, l’on applique
plus la fente, mais uniquement la règle des ordres. Ainsi, qui a priorité ? Celui du 3e ordre, qui recueille tout. Par contre, s’il n’y avait pas eu
le conjoint survivant, l’on aurait appliqué la règle de la fente.

22
On ajoutera que si des donations, consenties avant le 1e septembre 2018, ont été stipulées rapportables en
nature à l’égard du conjoint, ces donations devront également être incluses, à ce titre, dans la masse de partage.

d) La conversion de l’usufruit du conjoint survivant :


1) Les modalités et la nature de la conversion :

A. Les modalités :

Dans la plupart des cas, statistiquement, nous aurons un conjoint et des enfants. Le conjoint a l’usufruit, et les
enfants ont la nue-propriété. Or, cela paraît absurde pour les autres (ex : avocat roumain) car personne n’a
finalement vraiment quelque chose puisque la pleine propriété est éclatée entre les deux. Finalement, l’on s’est
tout de même rendu compte que ce n’était pas nécessairement un bon système et que l’usufruitier aurait voulu
vendre la propriété : or, il faut le concours avec les enfants pour vendre. Ensuite, il y aussi des disputes en
l’usufruit et la nue-propriété, notamment pour les travaux. Ainsi, de ce fait, l’on a prévu le système de conversion
de l’usufruit par lequel on remplace l’usufruit du conjoint par autre chose : il peut être remplacé par ce que l’on
veut. Néanmoins, si l’on n’est pas d’accord, il n’y a en tout cas que trois systèmes possibles :

è Remplacer l’usufruit du conjoint en lui donnant une somme d’argent à la place de l’usufruit20
è Attribuer à l’usufruitier la pleine propriété sur une partie des biens successoraux21
è Remplacer l’usufruit du conjoint par une rente inversée et garantie

Ainsi, pour la dernière hypothèse, le conjoint n’aura plus droit à rien au niveau des biens : les nu-propriétaire
vont ainsi devenir pleins propriétaires des biens, mais vont payer au conjoint une rente par mois ou par an. Ainsi,
le conjoint n’aura plus qu’un droit de créance (= droit personnel) et plus de droit de propriété (= droit réel) à
l’égard des autres héritiers. La rente sera indexée sur base d’un indice et garantie (à l’on prévoit, par exemple,
une hypothèque).

B. La nature de la conversion :

La conversion, remembrement de la propriété, accorde finalement à chacun une part des biens successoraux. A
ce titre, elle se rapproche d'un partage (bien qu'elle ne soit pas comme lui précédée d'une indivision). En réalité,
le législateur ne s'est pas prononcé sur la nature juridique de la conversion et certaines règles propres au partage
(notamment le droit fiscal de partage) lui sont appliquées.

2) Le domaine de la conversion :

Pour la conversion, le nu-propriétaire ou l’usufruitier peut demander de ne convertir qu’une partie de l’usufruit,
c’est à dire qu’une partie des biens : ainsi, ce n’est pas tout ou rien. Toutefois l’usufruit du conjoint qui porte sur
les biens préférentiels ne peut avoir lieu qu’avec son accord. Or, les biens préférentiels ce sont le logement
principal de la famille et les meubles meublants. Ainsi, si les nu-propriétaire demandent la conversion de
l’usufruit sur le logement principal et si le conjoint refuse, il n’y aura pas de conversion possible, et ce même si
l’on va devant le juge : le conjoint dispose d’un droit de véto quant à cela – même s’il n’y habite plus, mais cela
doit rester tout de même le logement principal de la famille. Ensuite, le juge peut refuser la conversion d’un
usufruit portant sur des biens professionnels lorsqu’elle est de nature à nuire gravement aux intérêts de
l’entreprise (art. 745quater, §2, al. 3).

20 Ex : Le nue-propriétaire dit à l’usufruitier qu’il lui rachète son usufruit afin de devenir lui, plein propriétaire, et que l’usufruitier ait une
somme d’argent à la place.
21 Ex : Toi tu es usufruitier de tout, et nous on est nu-propriétaire de tout. Tu seras plein propriétaire d’une partie et nous serons plein

propriétaire d’une autre partie.

23
3) Qui peut requérir la conversion ? :

La conversion de l'usufruit portant sur des biens soumis au droit de retour légal (voir infra) ne peut être
demandée que par le titulaire de ce droit (art. 745 quater, §3). En ce qui concerne les autres biens, la loi apporte
à cette question une réponse différente selon que le conjoint est en concours avec des descendants ou avec
d'autres nus-propriétaires.

A. Le conjoint est en concours avec un descendant :

En cas de concours avec un descendant, il faut distinguer deux hypothèses :

è Soit il y a des descendants communs, auquel cas personne n’a propriété l’un sur l’autre : personne ne
peut imposer quoi que ce soit à l’autre, mais chacun peut demander la conversion. Par contre, si l’autre
refuse, il faudra aller devant le juge qui tranchera la question, sachant qu’en ce qui concerne le
logement familial et les meubles meublants, le conjoint dispose d’un droit de véto.

è Soit il y a des descendants non communs et, en vertu de l’article 745 quater, §1/1 C. civ., inséré en
2017, la demande de conversion, qu’elle soit demandée par le conjoint ou par les enfants d’une autre
union, est automatiquement accordée si elle est formulée dans un certain délai. En pratique, la
conversion sera demandée soit dans le cadre d’un partage amiable, soit dans le cadre d’un partage
judiciaire. En cas de partage amiable, la conversion peut être exigée tant que le partage n’est pas
clôturé, ce qui suppose que la date du partage amiable soit clairement clichée, ce qui n’est actuellement
pas toujours le cas. Après le partage amiable (avec maintien intégral ou partiel de l’usufruit du conjoint),
la conversion pourra encore être demandée mais non plus exigée. Le juge recouvrera son pouvoir
d’appréciation quant à l’opportunité de la conversion et quant aux modalités de celles-ci. Si une partie
est réticente à procéder aux opérations de conversion ou s’y oppose, le notaire lui expliquera que la
conversion de l’usufruit est un droit « absolu » dans le chef de celui ou de ceux qui la réclame(nt) et
qu’il ne sert a priori à rien de s’y opposer.Si l’obstruction subsiste, il n’y aura pas d’autre alternative
que de recourir au juge. En ce cas, la conversion ne peut être demandée séparément de la demande
de liquidation-partage de la succession. Elle doit l’être « en temps utile », c’est-à-dire au plus tard lors
de la communication des revendications visée à l’article 1218, §1, al.2 du Code judiciaire (cfr art. 745
sexies, §2/1 nouveau C. civ.). Passé ce délai, la conversion pourra être demandée dans le cadre de cette
procédure mais elle ne pourra plus être exigée. Le conjoint survivant conserve son droit de veto en ce
qui concerne la conversion de l’usufruit sur les biens préférentiels. Sauf autre accord, la conversion se
réalisera par l’attribution d’une part indivise de la succession en pleine propriété. Le conjoint recevra
donc une part des biens de la succession en pleine propriété en fonction des règles de conversion
applicables. Chaque partie pourra ensuite demander le partage des biens de la succession (attribution
de biens moyennant le cas échéant une soulte, part du prix de vente des biens, ...). Jusqu’au 1e
septembre 2018, ils n’avaient pas le droit de l’obtenir : il pouvait demander la conversion, mais si ça
n’allait pas, ils devaient aller devant le juge. Or, dans le cadre de famille recomposée, si les enfants ne
s’entendent pas avec le beau-parent, cela peut coincer. Ainsi, s’ils la demandent, désormais, ils peuvent
l’obtenir d’office : c’est ce que l’on appelle « la conversion à première demande » (= la conversion
automatique) – et ce, en réalité, que ce soit le nu-propriétaire ou l’usufruitier qui la demande. Ainsi, si
l’on est dans le cadre d’un partage amiable devant le notaire, le notaire dira que la conversion est
automatique. Par contre, si la belle-mère est récalcitrante, il faudra tout de même aller la demander
devant le juge pour une procédure de partage judiciaire, même si celui-ci l’accordera d’office. Ainsi, la
grande nouveauté est celle-là : la conversion à première demande pour les familles recomposées, hors
le cadre du logement principal et des meubles meublants (à le conjoint survivant garde son droit de
véto, même si l’on avait pensé à le faire sauter quand même). Ainsi, qu’est-ce qui se passe avec cette
conversion à première demande ? Concrètement, ce qui es prévu, sauf autre accord, c’est que chacun
obtiendra des droits en pleine propriété sur une partie du bien : l’on répartit les quotités en fonction
de l’âge de l’usufruitier. En effet, plus l’usufruitier est jeune, plus son usufruit à de la valeur (à droit
viager). Il y en a certains qui trouvent cela scandaleux pour le conjoint survivant qui se voit imposer
cette conversion de la part des enfants du premier lit, et d’un autre côté, les enfants du premier lit
trouvent parfois qu’il est scandaleux que le conjoint puisse exiger cette conversion parce qu’eux

24
préféreraient qu’elle n’ait pas lieu pour être sur de récupérer, une fois le conjoint décédé, la pleine
propriété du bien. Ainsi, c’est le juste milieu que l’on a essayé de trouver.

B. Le conjoint est en concours avec d’autres héritiers :

L'article 745 quater, §2 contient trois solutions principielles :

è Le conjoint peut exiger, mais seulement durant les cinq années à compter de l'ouverture de la
succession, la conversion de tout ou partie de son usufruit (art. 745 quater, § 2, al. 1).

è Le conjoint peut aussi et en tout temps exiger que lui soit cédée contre paiement d'une somme d'argent
la nue-propriété de l'immeuble servant au logement principal de la famille et des meubles qui le
garnissent (art. 745 quater, §2, al.2).

è Les nus-propriétaires, et le conjoint à l'expiration de la période de cinq années à partir de l'ouverture


de la succession, peuvent demander la conversion au tribunal qui agréera leur demande « s'il l'estime
équitable en raison de circonstances propres à la cause » (art. 745 quater, § 2, al. 4).

A ces trois solutions principielles, il existe deux exceptions :

è Le tribunal peut refuser la conversion si elle est de nature à nuire gravement aux intérêts d'une
entreprise ou d'une activité professionnelle (art. 745 quater, § 2 al. 3)

è A défaut de l’accord du conjoint, le juge ne peut accorder la conversion de l'immeuble affecté au


logement principal de la famille et des meubles qui le garnissent (art. 745quater, §4).

4) Renonciation et privation du droit :

Une fois la succession ouverte (mais pas avant, car ce serait un pacte successoral interdit, sauf s’il s’agit d’un
pacte « Valkeniers » qui respecte les conditions de celui-ci), les successibles peuvent renoncer au droit ou à la
faculté de demander la conversion de l'usufruit. Par ailleurs, le conjoint prémourant peut, dans un testament,
priver ses héritiers du droit de demander la conversion à l'exception des deux hypothèses prévues à l'article 745
quinquies, § 2 :

è D'une part, les descendants d'une précédente union ont toujours le droit de demander la conversion.
è D'autre part, le conjoint survivant a toujours le droit de demander la conversion des biens préférentiels.

5) Les conditions de la conversion :

A. Le délai :

La demande n'étant soumise à aucun délai de forclusion, elle peut être introduite tant que dure l'usufruit. Il y a
toutefois lieu d’être attentif aux deux délais suivants :

è La loi accorde au conjoint un délai de cinq ans s'il veut exiger la conversion lorsqu'il est en concours
avec des nus-propriétaires autres que des enfants ou descendants. Passé ce délai, le conjoint survivant
pourra encore demander la conversion mais le juge pourra apprécier s'il est équitable de lui faire droit
(art. 745 quater, § 2 et § 4).

è En cas de conversion accordée automatiquement dans le cadre de familles recomposées (cfr art.745
sexies, §2/1 nouveau C. civ.), la conversion doit être demandée au plus tard lors de la communication
des revendications prévue à l’article 1218, §1, al. 2 du Code judiciaire ; elle peut encore l’être après
mais elle ne serait plus automatique.

25
B. La contrepartie :

La conversion n'étant pas une libéralité, elle doit se faire moyennant une contrepartie regardée comme
équivalente et dont la détermination est subordonnée à l'évaluation de l'usufruit à convertir. En 1981, avec la
loi sur le conjoint survivant, le législateur en avait marre : il n’a pas été très courageux, il n’est pas allé au bout
de sa logique et il n’a pas proposé de tables de conversion. Une table de conversion, c’est une table qui indique
selon que l’usufruitier est H/F et selon son âge, la valeur de l’usufruit en pourcentage en pleine propriété22. Or,
ces tables-là n’ont pas été faites en 1981 : l’on a simplement dit comment il fallait valoriser, et l’on donnait des
règles très générales en disant que l’on valorisait en fonction de l’âge de l’usufruitier, de la valeur vénale des
biens à convertir et en tenant compte de tout ces critères au jour de la demande de conversion. Ainsi, si l’on a
un décès à un moment X, en pratique, l’on ne demande pas nécessairement immédiatement la conversion de
l’usufruit : à un moment, l’on peut déposer une requête pour la conversion de l’usufruit. Or, cette requête peut
trainer avant que la conversion à proprement dite se réalise : l’on a considéré, dans l’ancienne loi, qu’il fallait se
baser sur la valeur du bien, l’âge de l’usufruitier et les tables applicables au jour de la conversion proprement
dite - et non du dépôt de la requête. Néanmoins, l’usufruit doit être estimé au jour de la conversion proprement
dite et l’on renvoyait pour le reste à la doctrine et à la jurisprudence pour les tables de conversion.

En pratique, les gens avaient mis au point différentes tables avec des tables qui appliquaient le même
pourcentage pour n’importe quel type de bien, et puis des tables élaborées en fonction des biens aussi. En
pratique, ce qui se passait, c’était des discussions de marchand de tapis car évidemment, il y avait des tables
plus favorables à l’une ou l’autre partie. Le législateur en a eu marre car les discussions sur la table applicable
ne cessaient jamais. Ainsi, il s’est dit que, tout compte fait, il fallait quand même prévoir des tables légales. Ainsi,
chaque année, au 1e jour du mois de juillet, il y a des tables légales qui paraissent par arrêté ministériel (art.
624/1 et 745sexies, §3)et qui sont d’application à toutes les demandes de conversion introduites à partir du 13
juillet 2018. L’avantage de ces tables, c’est que si les parties ne se mettent pas d’accord - car elles peuvent
toujours fixer les taux de conversion qu’elles souhaitent par accord – ces tables-là s’appliquent. Le législateur,
en 2014, s’est posé la question de savoir ce qu’il se passe si l’on doit convertir l’usufruit et que, manifestement,
l’usufruitier est vraiment en mauvaise santé ? En effet, dans un tel cas, la table lui attribue un pourcentage qui
ne correspond pas à son espérance de vie prévue par la table. En pratique, cela a été assez horrible parce qu’il
y avait des négociations sur la base de personnes qui sont malades. Ainsi, c’était déjà une situation qui mettait
le législateur totalement mal à l’aise. De ce fait, il a réglé le problème et a prévu que si manifestement la durée
de vie est inférieure aux statistiques, le juge pourrait s’écarter des tables ou refuser la conversion s’il en a la
possibilité. La nouvelle loi prévoit plus que les choses soient calculées au jour de la conversion proprement dite :
elle dit que tout doit être calculé au jour de la requête.

Ainsi, depuis 2014, le jour de la requête en conversion (art. 745 sexies, §3) est très important parce que c’est au
moment où l’on introduit la requête que l’on devra voir quelles sont les tables applicables, que l’on devra évaluer
les biens et que l’on devra examiner l’âge de l’usufruitier. Ainsi, tout sera cliché au moment de la requête.
Pourquoi prévoir cela ? Tout d’abord, cela permet d’éviter les constantes réévaluations nécessaires dès que la
conversion à proprement dite est repoussée. Ensuite, cela permet de déjouer les manœuvres des nus-
propriétaires qui, auparavant, voulaient retarder au maximum la date de conversion afin (1) d’avoir plus de
chance que l’usufruitier meurt ou (2) de devoir moins payé puisque l’usufruitier vieillit.Néanmoins, l’effet
pervers de cette règle c’est que, désormais, c’est l’usufruitier qui traine car lui, il se dit que pendant tout le
temps que les négociations vont durer, entre la requête et le jour de la conversion proprement dite, il est prévu
que le conjoint puisse continuer de toucher son usufruit23. En effet, pendant tout le temps de la procédure, le
conjoint survivant est doublement gagnant car, en réalité, il va pouvoir continuer à toucher les droits d’usufruits
et au moment où l’on convertira sur la base de son âge au jour de la requête : or, cela n’est pas très juste. Ainsi,
il n’a pas intérêt à se dépêcher. Les tables, elles, sont terriblement critiquées car elles rapportent très peu au
conjoint.

22 Ex : J’ai un bien qui vaut 100 et les nu-propriétaire disent à l’usufruitier qu’ils voudraient lui racheter son usufruit. L’usufruitier a 40% dans
les tables de conversion. Ainsi, si le bien vaut 100, il faut lui payer 40.
23 Ex : J’ai une demande de conversion qui porte sur un immeuble. Au jour de la requête, l’on chiffre la valeur de l’immeuble, l’on regarde la

table applicable, l’on regarde l’âge de l’usufruitier, qui est jeune à ce moment-là et qui aura donc droit à beaucoup.

26
Au niveau fiscal, tout ce que l’on a vu, cela vaut pour le droit civil, mais non pour le droit fiscal. En droit fiscal, la
problématique est la même : il faut aussi convertir l’usufruit en pleine propriété, sans quoi il n’est pas possible
de calculer l’impôt24. Ainsi, il a donc fallu également prévoir des tables de conversion en droit fiscal qui, elles,
sont prévues depuis 1919 – qui n’ont pas bougés depuis 1919 et qui sont unisexes. Ainsi, l’on pourrait très bien
avoir – et ce sera d’office le cas – une valorisation de l’usufruit qui est différente en droit civil et en droit fiscal.
Ensuite, en droit civil, les tables légales ne sont obligatoires que si les gens ne s’entendent pas (à ils peuvent
choisir une autre table) alors qu’en droit fiscal, il n’est pas possible de déroger aux tables prévues. Or, l’on a dit
à Koen Geens qu’il était un peu illogique qu’il y ait des tables différentes et il a dit que ce n’était pas son
problème : il s’occupe du fédéral, et le droit fiscal est régional. Ainsi, l’on arrive à un système complètement
aberrant avec une valorisation d’usufruit qui est différente en droit civil et en droit fiscal de sorte qu’il est tout
à fait possible que quelqu’un paye des droits de successions sur quelque chose qu’il ne recueillera finalement
pas – ou inversement.

C. Le défunt laisse des enfants d’une autre union et la règle des 20 ans (art. 745quinquies §3)25 :

Il faut qu’il y ait, dans le cadre d’une famille recomposée, pour calculer la valeur de l’usufruit, au moins 20 ans
d’écart entre le conjoint survivant et l’ainée des enfants. En d’autres termes, l’on veut éviter d’attribuer une
part trop importante au conjoint survivant dans le cadre de la famille recomposée quand le conjoint survivant
est très jeune26 : ainsi, il faut au moins qu’il y ait une génération d’écart. Ainsi, l’on va vieillir artificiellement le
conjoint survivant pour qu’il y ait au moins 20 ans d’écart entre le conjoint et l’enfant d’une précédente union.
La règle des 20 ans est une règle de droit civil de sorte que lors de la conversion de l’usufruit au niveau fiscale,
le conjoint conserve son véritable âge. Finalement, il faut bien faire attention qu’il faut ajouter 20 ans à l’âge de
l’ainé pour fixer l’âge du conjoint survivant, et non 20 ans à l’âge du conjoint survivant. En conclusion, dans une
famille recomposée, il y a trois règles spécifiques :

è La conversion d’usufruit à première demande


è La règle des 20 ans
è L’interdiction d’empêcher par testament les enfants d’une union antérieure de demander la conversion

6) Les formes de la conversion :


A. La conversion amiable :

Lorsque toutes les personnes concernées sont majeures (art. 745sexies, §1), capables et d'accord sur le principe,
les modalités et les contreparties de la conversion, celle-ci se fait sans formalité spécifique. Si l'une des parties
est incapable, elle doit se faire par le ministère d’un notaire et en présence du juge de paix (art. 1206 C. jud.).

B. La conversion judiciaire :

A défaut d'accord, la conversion est judiciaire. Le tribunal de la famille saisi par requête dispose des pouvoirs
fixés à l'article 745 sexies, § 2. Dans certains cas, ses pouvoirs sont limités. Ainsi, en cas de demande faite par le
conjoint en concours avec des nus-propriétaires autres que les descendants du de cujus, il ne peut refuser la
conversion (art. 745 quater, § 2 al.1 et 2). Il en ira de même en cas de conversion « à première demande » si elle
est introduite dans le délai visé à l’article art. 745 sexies, §2/1 nouveau C. civ.

24 Ex : Vous avez une succession qui vaut 100. L’on verra que les héritiers doivent déposer une déclaration de succession dans les 4 mois du
décès et cette déclaration de succession est un peu comme une déclaration fiscale en IPP : elle permet à l’administration fiscale de taxer en
droit de succession. Si l’on a un enfant et un conjoint, l’on sait que l’enfant aura la nue-propriété et le conjoint l’usufruit. Or, la question du
client est celle de savoir combien il doit payer en droit de succession. Pour pouvoir calculer l’impôt, il faut d’abord convertir l’usufruit et voir
ce que cela donne en pleine propriété. A partir de là, sur la base des tables fiscale, cela correspond à quelque chose de différent. Ainsi, si
pour un conjoint de 50 ans, cela correspond à 20, cela signifie que le conjoint devra payer des droits de succession sur une base imposable
de 20 tandis que le nu-propriétaire sur une base imposable de 80.
25 Question problématique à l’examen !
26 Ex : Vous avez un conjoint survivant qui a 34 ans mais l’ainée des enfants du mari décédé de la précédente union a 36 ans. Or, du coup,

dans la conversion de l’usufruit, elle va avoir un usufruit énorme de sorte que si les enfants veulent racheter son usufruit, ils vont devoir
payer énormément. Ainsi, l’on attribue fictivement 56 ans au conjoint survivant, et du coup, son usufruit a une valeur moins importante.

27
7) Les effets de la conversion :

Craignant de compromettre la validité́ des actes accomplis avant la conversion particulièrement lorsque celle-ci
intervient longtemps après le décès, les auteurs de la loi du 14 mai 1981 avaient refusé de lui accorder un effet
rétroactif. C’est ce que prévoyait l’article 745 sexies, §4 du Code civil. N'ayant d'effet que pour l'avenir, la
conversion ne mettait pas en question les actes accomplis par l'usufruitier ou les nus-propriétaires depuis
l'ouverture de la succession. La loi du 22 mai 2014 a abrogé l’article 745 sexies, §4 du Code civil. Faut-il en
déduire que la conversion a désormais un effet rétroactif ? Ce n’est pas certain. Voy. l’article 745 sexies, §3 qui
prévoit que « L’usufruitier conserve l’usufruit des biens jusqu’au moment où la valeur capitalisée de son usufruit
lui est effectivement payée ».

à VOIR LES PAGES 56 à 59 du syllabus à titre d’exercice !

§5. Les cohabitant légal survivant (art. 745octies) :

a) Généralités :

La cohabitation légale n’a pas été beaucoup modifiée mais elle est en cours de réforme pour les prochaines
années. La cohabitation légale est entrée en vigueur le 1er janvier 2000 par une loi du 23 novembre 1998.
Jusqu’en 2007, aucun droit successoral n’était accordé au cohabitant légal : c’était un régime très minimal - à
moins de faire un testament à son profit, mais il fallait encore voir à quelle sauce fiscale il allait être mangé.
Aujourd’hui, des droits lui ont été accordé par une loi de 2008, mais les droits du cohabitant légal restent moins
étendus que ceux du conjoint : moins de devoirs, moins de droits - certaine logique. Par ailleurs, il y a également
ce droit d’usufruit successif qui a été accordé au conjoint survivant et qui a aussi été accordé, par une loi de
2017, amendée en 2018. Ainsi, si l’on opte pour une cohabitation légale, si notre partenaire décède, nous allons
avoir des droits octroyés automatiquement par la loi : ce sont des droits fixes - alors que pour le conjoint
survivant, il y avait des droits fixes et des droits qui variaient en fonction des héritiers avec lequel il était en
concours. Ensuite, les droits du cohabitant ne sont pas des droits réservataires : ainsi, l’on peut les lui retirer par
testament, contrairement au conjoint survivant en principe pour un minimum de droit. Ainsi, pour le cohabitant
légal, s’il n’y a rien qui est fait, il a des droits, mais si l’on n’a pas envie qu’il en ait, il faut les lui retirer par
testament.

b) Le champ d’application ratione personae :

Qui est concerné par ces droits ? Ce ne sont que les cohabitants légaux. En pratique, beaucoup de gens se disent
« cohabitants légaux » parce qu’ils habitent sous le même toit et sont inscrits au registre de la population au
même endroit (= composition de ménage). Ainsi, être cohabitant légal et cohabiter légalement, ce n’est pas la
même chose. En effet, pour être cohabitant légal il faut aller signer un papier à la commune : il faut toujours
bien vérifier en pratique car rien n’est prévu pour la cohabitation de fait. Sur le plan de l’état civil, les personnes
en cohabitation légale sont toujours célibataires, mais ils auront des droits du fait de la cohabitation légale.
Ensuite, il y a une particularité inédite en Belgique par rapport au reste de l’Europe : ainsi, l’on peut être
cohabitant légal avec qui on veut (sa tante, son frère, sa mère, etc) – sans pouvoir être également marié ou
cohabitant légal avec qqun d’autre puisque. En effet, l’on ne peut faire une cohabitation légale pour plus de
deux personnes. Par contre, si l’on est cohabitant avec notre père, l’on ne peut pas hériter en tant que
cohabitant légal car l’on ne peut pas cumuler nos droits (art. 745octies, §1, al. 3) : dans ce cas, l’on héritera en
tant que descendant et c’est tout. En effet, l’on a trouvé que c’était malsain et injuste pour les autres enfants.

28
c) L’étendue des droits successoraux du cohabitant légale :
1) L’usufruit de la résidence commune et les meubles meublants :
A. La délimitation des droits (voir syllabus si pas clair) :

L’idée est de permettre au survivant de pouvoir continuer à habiter dans la résidence commune et à pouvoir
bénéficier des meubles meublants : statistiquement, c’est ce que ces personnes souhaitent. Pour que cela
fonctionne, il faut que la résidence commune ait appartenu aux deux personnes. Ainsi, dans le cas d’une maison
appartenant à moi et à mon partenaire, si notre partenaire décède, l’on récupère notre moitié de la maison –
qui nous appartient à pas à titre successoral - et l’on aura un droit d’usufruit sur l’autre partie de la maison. Par
contre, si la maison appartenait en pleine propriété (= entièrement) à notre partenaire, l’on reçoit alors l’usufruit
sur toute la maison à titre successorale puisqu’elle tombe toute entière dans la succession – alors que si elle
nous appartient à tous les deux, il y a seulement la moitié de la maison qui tombe dans la succession.

Quid si notre partenaire n’avait qu’un droit d’usufruit sur la maison (cours plus complet que le syllabus) ?
Imaginons que notre partenaire était marié avec une certaine dame qui avait un immeuble. Ils ont eu des enfants
et au décès de cette dame, Monsieur recueille de l’usufruit en tant que conjoint et la nue-propriété revient aux
enfants. Or, au décès de ce monsieur, qui a institué une cohabitation légale avec vous, le droit d’usufruit va
forcément s’éteindre et les enfants vont récupérer la pleine propriété. Le cohabitant légal, par contre, ne va rien
récupérer du tout. Néanmoins, il y aura quand même un droit d’usufruit pour le partenaire survivant si, au
départ, il y a eu une donation avec réserve d’usufruit : là il y a un usufruit successif qui jouera.

Tout de même, cela suppose qu’il y ait eu au départ qqun qui était plein propriétaire d’un bien et qu’il a ensuite
donné avec réserve d’usufruit. Ainsi, lorsqu’une personne décède et qu’elle a un droit d’usufruit sur l’immeuble,
cela dépend quelles ont été les opérations préalables. En effet, si elle a eu un droit d’usufruit par héritage de sa
1e femme, l’usufruit s’éteindra et reviendra aux enfants de la 1e union. Par contre, si au départ la personne avait
la pleine propriété du bien et qu’elle a donné le bien avec réserve d’usufruit, l’usufruit en question pourra alors
être continué par le partenaire avec la casquette d’usufruitier successif (voy. infra).

B. La conversion de l’usufruit du cohabitant légal (art. 745octies, §3):

Il s’agit des mêmes règles que pour le conjoint survivant : tout ce que nous avons vu pour le conjoint vaut
également pour le cohabitant légal. Ainsi, nous avons également pour lui cette conversion à 1e demande en cas
d’enfants d’un premier lit. Ainsi, nous avons une personne – le cohabitant légale - qui décède et elle a des enfants
d’un premier lit. Il y a un démembrement usufruit-nue-propriété qui portera légalement sur la maison et les
meubles meublants - puisque le droit d’usufruit légal du cohabitant porte sur ces derniers. Il pourrait aussi porter
sur des sommes bancaires si, par testament, l’on a augmenté les droits du cohabitant légal. Qu’est-ce qui va se
passer ? Les enfants veulent obtenir la conversion d’usufruit et comme l’on est après le 1er septembre 2018, il y
a conversion à première demande qui est possible : les enfants peuvent exiger la conversion de l’usufruit, sans
que l’on puisse la leur refuser.

Ainsi, il y aura une conversion d’usufruit sur la somme d’argent sans problème, mais quid de la maison et des
meubles ? Là, il y aura un problème car il y a toujours ce droit de véto du cohabitant légal par rapport à cela. En
effet, il a le droit de dire qu’il refuse la conversion et qu’il veut conserver l’usufruit. Ainsi, au final ce sont
exactement les mêmes règles que pour le conjoint survivant, mais en pratique, si le cohabitant légal a
uniquement ses droits légaux, à savoir la maison et les meubles meublants, la conversion à première demande
ne sert plus à rien pour les enfants si le cohabitant exerce ce droit de véto – puisqu’il n’y a pas d’autres biens.
En revanche, c’est parfait pour le cohabitant légal puisque lui peut exiger la conversion à 1e demande sur le
logement et les meubles meublants – ce qu’il ne pouvait pas faire auparavant puisqu’en cas de conflit, il fallait
demander au juge de trancher et d’accorder ou non la conversion.

2) Le droit au bail sur la résidence commune et les meubles meublants :

Le 2e type de droit que peut obtenir le cohabitant légal, c’est le droit au bail sur la résidence commune – de la
même manière que pour le conjoint – et d’avoir l’usufruit sur les meubles meublants : ce n’est pas fréquent,
mais c’est accordé (art. 745octies, §1, al. 2).

29
3) L’usufruit successif (art. 858, §4) :

Une fois de plus, c’est le même mécanisme que pour le conjoint survivant (voy. supra), sauf que l’usufruit
successif va permettre au survivant de bénéficier d’un droit d’usufruit successif sur les biens donnés avec réserve
d’usufruit par le prémourant, mais uniquement si les biens donnés sont la résidence commune ou les meubles
meublants. Ainsi, à titre d’exemple, une personne a un bien immobilier dans lequel elle habite. Monsieur et
madame vivent chez Monsieur qui est plein propriétaire d’un bien. Monsieur dit que pour payer moins de droits
de succession, il fait une donation à ses enfants. Ainsi, il leur donne la nue-propriété et garde l’usufruit : c’est
une donation avec réserve d’usufruit. Avant le 1e septembre 2018, si l’on n’avait rien prévu, les enfants
devenaient propriétaires car l’usufruit s’éteignait. Désormais, l’on a prévu que le partenaire puisse continuer
l’usufruit de la résidence commune ou des meubles meublants, même sans que l’on prévoit la moindre clause
dans le contrat de donation. Ainsi, cet usufruit n’est possible pour le cohabitant survivant que si ce qui a été
donné avec réserve d’usufruit porte sur la résidence commune et les meubles meublants : ainsi, c’est un droit
qui est toujours plus limité – que pour le conjoint survivant.

§6. L’état : à Voir syllabus (elle ne nous ennuyera pas avec cela à l’examen)

30
2. La succession anomale :
§1. Le principe de l’unité de la succession :

La succession anomale est une sorte de succession légale un peu particulière parce que l’on va s’écarter des
règles normales de dévotion. En 1804, l’on a décidé d’attribuer par succession les biens quelles qu’en soit la
nature (meuble ou immeuble) ou l’origine (acquis par le travail, acquis par héritage) : c’est l’article 732 du code
civil. Néanmoins, l’on a tout de même voulu faire un petit plaisir aux pays de droits coutumiers en prévoyant de
petites exceptions : il s’agit de la succession anomale. Ainsi, dans certains cas de figure, l’on a prévu que l’on
tiendrait compte de l’origine des biens.

§2. Le droit de retour légal :


a) Notion :

Dans certains cas de figure, l’on a prévu qu’on tenait compte de l’origine des biens et que l’’on attribuait certains
biens à certaines personnes en particulier. Ainsi, l’on n’appliquera pas la règle des ordres pour ces biens-là, mais
bien d’autres règles. Le droit de retour légal ne joue qu’en cas de succession légale, et non pas pour les
successions testamentaires ! Ensuite, lorsque l’on a une succession légale, l’on doit toujours vérifier si l’on a une
succession anomale car s’il y en a une, l’on commence par liquider celle-là et, avec la masse de biens qui reste,
on liquide comme d’habitude.

Par dérogation à cette règle de l'unité de la succession (art.732 C. civ.), les rédacteurs du Code civil avaient admis
trois hypothèses dans lesquelles certains biens appartenant au de cujus font l'objet, en raison de leur origine,
d'une dévolution particulière dite succession anomale : ces règles sont fondées sur l'idée de protection du
patrimoine familial. Le Code civil a établi le caractère successoral du droit de retour légal. Le successeur anomal
est successeur universel. Il a en effet vocation à la masse indépendante que forment les biens par lui donnés.
Dès lors :

® L'héritier anomal doit réunir toutes les conditions requises pour être aptes à succéder.
® Il est tenu des dettes de la succession, même sur ses biens personnels, comme tout successeur
universel. Toutefois, il n'en est tenu que pour une part : les dettes se répartissent entre l'héritier anomal
et les héritiers ordinaires proportionnellement à l'importance respective des deux masses.
® Il peut accepter la succession, y renoncer ou l'accepter sous bénéfice d'inventaire, mais il ne saurait
l'accepter ou y renoncer à l'avance, sans poser un pacte sur succession future.
® Il a la saisine s'il est héritier du défunt.
® S'il réunit à sa qualité de successeur anomal du défunt celle d'héritier ordinaire, il pourra prendre des
partis différents à l'égard de chacune des successions (accepter l'une et renoncer à l'autre par exemple).

b) Les cas de retour légal :

Il y a deux types de personnes qui peuvent revendiquer une succession anomale : l’ascendant et l’adopté.

1) L’ascendant donateur (art. 747) :

Il s'agit de l'ascendant qui a fait une donation à son descendant. Le droit de retour légal ne profite qu'à
l'ascendant. Il ne bénéficie pas à ses héritiers même en ligne directe. Il ne s'ouvre qu'au décès du donataire et à
la condition que celui-ci ne laisse aucun descendant. La présence d'un enfant adoptif du donataire (qu’il s’agisse
d’une adoption simple ou plénière) fait obstacle au droit de retour légal. En effet, les droits de l'adopté dans la
succession de l'adoptant sont ceux d'un enfant « légitime ». L'ascendant de l'adoptant ne pourra donc reprendre
ce qu'il a donné. L'ascendant donateur n'a pas le droit de retour légal dans la succession des descendants du
donataire. Si la donation a été faite par l'ascendant et son conjoint et si celui-ci est prédécédé, le droit de retour
ne s'exercera que pour une moitié.

31
La succession anomale peut jouer au profit d’un ascendant dans un cas bien particulier. J’ai un ascendant qui
donne une maison à son fils : ainsi, l’on a une donation qui se fait par un ascendant à un descendant. Ensuite, le
donataire, celui qui a reçu, décède avant le donateur - ce qui n’est a priori pas très logique. Quid de la maison
qu’il a reçu ? En principe, elle devrait tomber dans la masse successorale et être liquidée avec les règles
habituelles. Néanmoins, ici, l’on est dans le champ d’application de l’article 747 du code civil de la succession
anomale. Ainsi, avant de partager tous les autres biens de la maison, l’on va d’abord attribuer la maison au père.

En effet, lui seul aura droit à la maison par le biais de la succession anomale. Ensuite, peut-être qu’il interviendra
aussi dans le cadre de la succession ordinaire : ce n’est absolument pas impossible – et a priori, il y a en aura.
Ainsi, la maison échappe à tous les autres héritiers. Le cas classique à l’examen est celui de deux personnes qui
donnent. Ainsi, il y a une maison à une mère et un père et ils donnent la maison à leur fils. Ma mère meurt, puis
le fils meurt. Dans ce cas de figure, la maison ne pourra remonter qu’à concurrence de la moitié au profit du
père. Ainsi, le père ne va pouvoir récupérer que la moitié de la maison puisqu’il ne peut récupérer plus que ce
qu’il a pu donner : il n’y a pas de retour pour la mère puisqu’elle est morte avant le fils. En effet, la mère – morte
– n’a pas de droit de retour légale puisque la condition est qu’elle soit encore vivante.

2) L’adoption simple :

Dans le cadre de la succession adoptive simple, il y a également un retour légal prévu pour les ascendants
d’adoptés (famille biologique) et au profit des adoptants (famille adoptive), ou de leurs héritiers en ligne
descendante (art. 353/16 C. civ.). Ainsi, il n’y a pas que les adoptants ou les ascendants d’adoptés qui peuvent
bénéficier de la succession anomale, mais aussi les héritiers en ligne descendante. L’on observera que, dans
cette hypothèse, le droit de retour légal bénéficie, aussi, aux héritiers en ligne descendante des ascendants de
l'adopté ou des adoptants.

c) L’objet du droit de retour légal :

En matière d’ascendant (art. 747), la succession anomale concerne les biens donnés. En matière d’adoption,
nous avons vu que la succession anomale concerne non seulement les biens qui ont été donné par donation,
mais aussi les biens recueillis dans la succession. Néanmoins, quoi qu’il en soit, il faut que le bien se retrouve en
nature au moment de la succession : s’il a été vendu, l’on ne va pas embêter l’acquéreur. Toutefois, il y a deux
exceptions aux articles 747 et 353/16 : l’on peut exercer encore le droit si le prix était encore du ou si le prix ne
s’est pas encore confondu avec la masse – mais ce sont des hypothèses assez théoriques. Ensuite, nous avons
également vu dans le conjoint survivant que celui-ci a d’office un droit d’usufruit sur les biens soumis au droit
de retour légal. Ainsi, à titre d’illustration, le père s’appelle Pierre et le fils Xavier et Xavier a un conjoint
survivant : Nadine. Le père donne une maison à Pierre, qui meurt. En principe, la maison devrait revenir au père
en pleine propriété, mais s’il y a un conjoint survivant, le bien ne fera retour qu’à concurrence de la nue-
propriété car le conjoint conserve l’usufruit, mais ce sauf disposition contraire. Ainsi, le fils pourrait parfaitement
prévoir qu’il ne veut pas que, s’il décède avant son père, sa conjointe ait un droit d’usufruit. Ainsi, l’on peut
supprimer du droit d’usufruit sur le bien qui fait l’objet du retour légal (art. 745bis, §2).

d) La comparaison avec le droit de retour conventionnel (art. 951 et 952 cciv) :

En pratique, le retour légal est extrêmement rare car, dans la pratique, l’on procède de manière différente pour
que le bien puisse retourner au père Les gens disent souvent « je veux donner à mes enfants parce que les droits
de succession, c’est cher, mais s’ils meurent avant, je veux récupérer gratuitement » ou « je veux pouvoir le
récupérer s’il n’est pas gentil, je veux pouvoir récupérer si j’en ai besoin, etc ». Or, ici, le droit de retour légal
dans l’exemple, si l’on imagine que rien de spécial n’est prévu dans l’acte de don, c’est bien pour le père de
récupérer la maison, mais il paye des droits de succession là-dessus puisqu’il la récupère à titre successoral
(succession anomale). Il y a des dérogations en Région Wallonne, mais dans l’ensemble, il n’est pas possible de
le récupérer gratuitement. De plus, le droit de retour légal est très limité dans ses hypothèses.

Ainsi, en pratique, l’on procède plutôt par le biais d’un droit de retour conventionnel27, qui est un mécanisme
radicalement différent du retour légal. Ainsi, si l’on se limite à l’article 747 du Code civil avec le père et le fils,

27 Il faut que la comparaison soit bien claire pour l’examen !

32
c’est un droit successoral légal : c’est une hypothèse prévue par la loi, mais il n’y a rien dans l’acte de don. Le
retour conventionnel, lui, est prévu dans le contrat de donation. Ainsi, dans le contrat de donation, il y a toute
une série de clauses et il y a une clause intitulée « retour conventionnelle » : c’est donc une clause insérée dans
l’acte de don. Les dispositions, elles, sont logées dans la partie relative aux donations (art. 951 et 951). Ainsi,
l’on met cette clause dans l’acte de don dans un pacte adjoint, mais ce n’est absolument pas un droit
successoral : c’est quelque chose qui est prévu conventionnellement et qui peut donc concerner une population
beaucoup plus large que le droit de retour légal.

Ainsi, le droit de retour conventionnelle est une clause (>< droit successoral) qui est inséré dans un acte de don,
qui peut être libéré de manière beaucoup plus large tant au niveau des personnes que des cas de figure dans
lesquels il va être appelé à jouer. Ainsi, l’on peut, par exemple, prévoir le retour même si le fils a des enfants, la
maison reviendra au père du fils décédé - alors qu’en succession anomale, ce n’est pas possible : le droit de
retour légal ne jouera pas. Par ailleurs, le droit de retour conventionnelle est une condition résolutoire : il s’agit
d’une condition qui fait que, finalement, l’acte est résolu et tout se passe comme s’il n’y avait jamais eu d’acte
de donation. Ainsi, la clause jouera automatiquement par l’effet du droit des obligations et rien ne tombera dans
la succession du fils. Le droit de retour est donc automatique, comme si la donation n’avait jamais eu lieu, par
l’effet des clauses de droit des obligations – et donc non pas à titre successoral du tout à et du coup, pas de
droit de succession à payer. Néanmoins, c’est dangereux, car s’il y a une hypothèque qui a été consentie au fils
sur le bien, étant donné que tout se passe comme s’il n’y avait rien eu, c’est comme s’il n’y avait pas eu
d’hypothèque non plus. Ainsi, le père récupère le bien sans hypothèque : c’est un véritable anéantissement de
l’acte de don – alors qu’en succession anomale, le père récupère le bien dans l’état dans lequel il est. Ainsi, ce
sont des mécanismes radicalement différents.

33
Chapitre 3e. La succession volontaire :

Tout ce que nous avons vu concerne l’hypothèse où il n’y a pas eu de dispositions de dernière volonté : dans ce
cas-là, l’on applique ce que la loi prévoit. Or, la loi prévoit ce que la personne aurait en principe voulu si elle avait
pu prendre des dispositions de dernière volonté. Pour régler volontairement sa succession, a priori, l’on se
tournera vers le testament. Ensuite, volontairement, l’on pourrait aussi vouloir faire un contrat (>< testament =
acte unilatéral). Finalement, par testament ou par contrat, il y aura toujours une limite : la limite de la réserve
des héritiers réservataires (= la part minimale à laquelle vous avez droit)28.

1. La succession volontaire testamentaire (= le testament à voy. syllabus) :

Le testament est un acte unilatéral par lequel le testateur exprime unilatéralement ses dispositions de dernières
volontés au profit d’un ou de plusieurs légataires auxquels il va consentir des legs.

è Le testateur est celui qui fait le testament.


è Le légataire est celui qui est gratifié.
è Le legs29 est la disposition par laquelle on gratifie

§1. Le legs universel (art. 1003) :


a) Notion :

L’article 1003 du code civil définit le legs universel. Ainsi, contrairement à ce que la définition laisse supposer, le
légataire universel n’est pas nécessairement celui qui reçoit tout : c’est celui qui a vocation à tout recevoir,
même s’il ne reçoit pas tout (ex : du fait d’un héritier réservataire, du fait d’un legs particulier, du fait de deux
légataires universels). En effet, il est à noter qu’en présence de deux légataires universels désignés, ils se divisent
le tout en deux, mais si l’un des deux meurt, c’est l’autre légataire universel qui reçoit alors le tout30 - alors que
si l’on donne une moitié à chacun, si l’un meurt, cela tombe dans la succession. In fine, si un légataire particulier
renonce à son legs ou si un héritier réservataire renonce à sa réserve, c’est à lui et à lui seul que cette
renonciation profitera.

b) Les prérogatives du légataire universel (art. 1004) :


1) L’acquisition de la propriété :

Dès le décès du testateur, le légataire universel devient propriétaire ou copropriétaire de tout le patrimoine
successoral ou s’il y a des héritiers réservataires, de la quotité disponible de la succession sous la réserve bien
sûr qu’il accepte son legs. L’article 711 du Code civil prévoit en effet que la propriété des biens peut s’acquérir
et se transmettre par testament.

2) L’appréhension des biens :

Le légataire universel a la propriété dès le jour du décès (art. 711 cciv), mais il ne pourra pas nécessairement
appréhender les biens, c’est à dire prendre matériellement possession des biens comme il le veut dès le jour du
décès. En effet, cela dépend avec qui vous êtes en concours et comment le testament a été libellé. En effet, s’il
y a des héritiers réservataires, ceux-ci sont « saisis » de tous les biens de la succession et le légataire universel
est obligé de leur demander la délivrance des biens compris dans l testament (art. 1004). Ainsi, il faut leur
demander la délivrance volontaire, et s’ils disent non, il faut aller demander la délivrance judiciaire. Ensuite, s’il
n’y a pas d’héritiers réservataires, mais qu’il y a eu un testament authentique, l’on a alors la saisine de plein
droit : ainsi, l’on peut prendre automatiquement les biens, sans vérification de la qualité et sans autorisation
(art. 1006). Ainsi, s’il n’y a pas d’héritiers réservataires, c’est plus pratique de faire un testament authentique.

28 Ex : Imaginez que vous avez un père et un frère. Votre père décède : la succession ira ½ pour vous et ½ pour votre frère. Ainsi, cela, ce
sont vos droits légaux. Les droits minimaux, eux, prévoient 1/4 . Ainsi, si rien n’est prévu vous aurez droit à ½, mais si votre père a voulu
vous déshéritez, vous pourrez revendiquer une part minimal (= la réserve) qui est de 1/4 .
29 Attention, un legs prend toujours un s, il ne faut pas faire la faute à l’examen parce qu’elle n’aime pas.
30 Ex : je n’ai pas d’héritiers réservataires et je ne veux pas que ma famille reçoive ce que j’ai. Je voudrais que mes deux meilleurs amis

reçoivent tout ce que j’ai : le mieux à faire, c’est de dire que A et B, mes meilleurs amis sont des légataires universels. Ainsi, si l’un meurt,
l’autre reçoit le tout.

34
Néanmoins, souvent, la personne n’aura pas fait de testament authentique, mais bien un testament holographe
(= rédigé à la main lui-même) ou un testament international. Or, dans ce cas-là, il devra respecter les formalités
prévues par l’article 976 et « se faire envoyer en possession » par une ordonnance du tribunal de la famille de
l’arrondissement dans lequel la succession s’est ouverte (art. 1008 C. civ. et 110 C. civ.). La demande est
introduite par requête, rédigée et présentée au tribunal par un avocat. Le tribunal vérifie si les conditions de
forme du testament sont apparemment remplies, si le legs contenu dans ce testament paraît bien avoir le
caractère d’un legs universel et constate, sur la base de l’acte d’hérédité qui aura été produit par le légataire,
qu’il n’y a pas d’héritiers réservataires. Ce n’est qu’une fois qu’il sera envoyé en possession par l’ordonnance du
tribunal que le légataire universel sera en mesure d’appréhender définitivement les biens compris dans son legs.

§2. Le legs à titre universel (art. 1010) :

Dans le legs à titre universel, l’on a droit à une quotité, soit par exemple un tiers, une moitié ou un quart à titre
universel. Dans ce cas, l’on acquiert également la propriété des biens au jour du décès (pour autant que l’on
accepte le legs). Par contre, sa qualité de légataire à titre universel ne lui confère, par contre, jamais la saisine
de sorte qu’il ne peut appréhender immédiatement et directement les biens qui lui ont été légués par le défunt.
L’article 1011 du Code civil prévoit qu’il doit en demander la délivrance aux héritiers réservataires ; à défaut
d’héritiers réservataires, aux légataires universels ; à défaut de légataires universels, aux héritiers légaux. Enfin,
l’on notera que dans le cas où le légataire à titre universel est en même temps héritier réservataire du défunt, il
a, par le fait de sa qualité d'héritier légal, la « saisine » de tous les biens, même ceux compris dans son legs à
titre universel.

§3. Le legs particulier :

Le legs particulier est une disposition testamentaire par laquelle le gratifié recueille uniquement certains biens
déterminés ou individualisés. L'article 1010 du Code civil qualifie de « disposition à titre particulier » tous les
legs qui ne sont pas des legs universels ou des legs à titre universel. Ainsi, le legs particulier vise des biens à titre
spécifique. Ensuite, pour les prérogatives du legs particulier, Aux termes de l'article 1014 du Code civil, le
légataire particulier a droit à la chose léguée, dès le jour du décès du testateur, pour autant qu’il accepte son
legs Néanmoins, il ne pourra appréhender la chose léguée qu'à compter du jour où la délivrance lui aura été
volontairement consentie ou du jour de la demande en délivrance qu'il aura faite aux héritiers réservataires ; à
défaut d’héritiers réservataires, aux légataires universels ; à défaut de légataires universels, aux héritiers légaux.

2. La succession volontaire contractuelle :


§1. Introduction :

Pendant longtemps, l’on a interdit tout pacte ou toute renonciation portant sur une succession non encore
ouverte. La crainte que les pactes successoraux suscitent le désir de mort du de cujus est aujourd’hui largement
dépassée, comme le montre le développement des assurances-vie et des rentes viagères. En effet une des
parties dans ces contrats a aussi intérêt à ce que l’autre partie meure rapidement mais la pratique a démontré
que cela ne la conduisait pas nécessairement au meurtre. Par ailleurs, l’égalité successorale est suffisamment
garantie par la réserve et un pacte sur succession future n’est, à cet égard, pas plus ‘dangereux’ qu’un testament.
En conséquence, une partie de la doctrine estimait que la prohibition devait être beaucoup plus limitée et ne
plus viser que les pactes sur la succession d’autrui. Mais quelles étaient les autres difficultés ? Imaginons qu’un
père veuille faire un contrat avec ses enfants pour se mettre d’accord par contrat pour prévoir que la succession
ira, à moitié pour la fille, et à moitié pour le fils. Or, le problème du contrat par rapport au problème du
testament, c’est que tout le monde est lié : ainsi, si tout le monde n’est pas d’accord, on ne peut rien changer
alors qu’avec un testament, il pourra le faire étant donné que c’est un acte unilatéral. Or, le législateur ne
trouvait pas cela sain qu’une personne ne puisse plus se prononcer sur la dévolution de ses biens.

35
Par ailleurs, le législateur n’aime pas non plus les contrats qui portent sur la succession d’autrui. Ainsi, imaginons
un frère et une sœur qui concluent un contrat pour se partager la succession de leur père – qui est toujours
vivant. Or, c’est malsain d’une part, et ensuite, l’on a peur également que la personne qui s’engage à recevoir
moins le fasse car elle a besoin d’argent tout de suite, mais sans vraiment réfléchir. Ainsi, pour des tas de raisons,
l’on n’aimait pas les pactes successoraux. Avec Koen Geens, l’on a remis la question sur le tapis suite à une
enquête faite par la fondation Roi Baudouin qui montrait que les gens aimeraient s’arranger par contrat sur la
succession pour éviter ensuite les clashs par après. Ainsi, certains disaient que ce n’était pas nécessaire, d’autres
le voulaient absolument et cela a fait débat. Au final, l’on a élargi, mais dans une certaine mesure, et l’on veut
entourer le pacte de formalités très strictes permettant de l’assurer que les personnes qui signent le pacte
savent ce qu’elles font : c’est la loi du 31 juillet 2017.

§2. Le type d’actes :


a) Le pacte global (art. 1100/7 cciv) :

Le pacte global est un nouveau type de pactes : il s’agit d’un pacte qui consiste à se réunir et à se mettre d’accord,
tous les enfants ensembles avec les parents, et tirer un trait sur tout ce qui s’est passé au préalable. Ainsi, ce
n’est pas régler le futur : c’est décider qu’il n’y a plus de décompte à faire entre eux pour le passé. De ce fait,
cela permet de faciliter à terme la liquidation de la succession des parents. Le pacte successoral global peut
concerner la succession d’un parent uniquement (§1) ou les successions des deux parents (§2).

1) Les parties au pacte :

Qui doit comparaitre à ce pacte global ? Dans l’hypothèse où le pacte successoral concerne les successions des
deux parents, c’est les père et mère et l’ensemble de leurs héritiers présomptifs (= qui devra, en principe, être
héritier mais qui ne l’est pas encore puisque la personne n’est pas encore morte) en ligne directe descendante
(communs et non communs). Et, dans l’hypothèse où le pacte successoral concerne la succession d’un seul
parent, c’est le parent en question et l’ensemble de ses héritiers présomptifs en ligne directe descendante. Ainsi,
s’il y a un grand-père, un père et des petits-enfants, c’est le père qui interviendra puisqu’il est le seul héritier
présomptif puisque c’est lui qui est au 1e degré.

Pour être valable, un pacte successoral global doit ainsi réunir la signature de l’ensemble des héritiers
présomptifs en ligne directe descendante sur la base des règles de dévolution légale applicable si le père et/ou
la mère venait à décéder le jour du pacte. Si un seul des héritiers concernés refuse de signer le pacte, il n’est pas
envisageable de conclure valablement un pacte successoral global. Un pacte successoral ne peut être conclu
avec des héritiers présomptifs en ligne directe ascendante ou en ligne collatérale (par exemple entre une tante
et ses neveux). Et ensuite, qui peut comparaitre ?

è Les beaux-enfants, à savoir les enfants du conjoint ou du cohabitant légal (>< cohabitation de fait)31 :
néanmoins, ce n’est pas obligatoire. En effet, l’on peut le faire intervenir car l’on verra que, au terme
du pacte, cet enfant va pouvoir être gratifié par des donations et les autres enfants s’engageront à ne
pas réclamer leur réserve par rapport à cette donation. En effet, si le père donne à l’enfant de sa femme,
il va manger la quotité disponible, et en faisant cela, il pourrait venir gratter sur la réserve des enfants.
Or, ici, ceux-ci acceptent dans le pacte de ne pas dire à l’enfant de la deuxième épouse qu’il a reçu trop
et qu’il a mangé une partie de leur réserve. Ainsi, cet enfant pourra être alloti (= allotir = donner un
lot), sans préjudice de l’équilibre qui doit exister entre les héritiers présomptifs et le but de leur
comparution est que les enfants acceptent de ne pas agir en réduction, même si ce qu’elle a reçu
empiète sur la réserve (art. 1100/7, §5 et §6).

31Ex : Si le père a deux enfants issus de son premier mariage et qu’il a une deuxième épouse qui a eu elle-même un enfant avec un autre
homme, l’enfant de la deuxième épouse pourra aussi être partie au pacte.

36
è Le conjoint, avec alors la 2e épouse qui intervient également au pacte et qui pourra intervenir en disant
qu’elle, en tant que conjointe, a droit à une réserve (voy. infra), mais qu’elle accepte, le cas échéant
que les donations qui soit faite aux autres entame sa propre réserve. Ainsi, sauf disposition contraire,
son consentement emporte renonciation à l’action en réduction à l’égard des libéralités visées dans le
pacte (art. 1100/7 §6 C. civ.). Ainsi, l’intervention du conjoint n’est conçue qu’en vue de consentir aux
donations réalisées aux héritiers en ligne directe. Il n’est pas question du contraire (un consentement,
par les héritiers en ligne directe, relatif aux donations consenties au conjoint). Dès lors que le texte
prévoit que cet effet s’applique « sauf disposition contraire contenue dans le pacte », les parties au
pacte pourraient convenir que le consentement du conjoint du disposant n’emporte pas la renonciation
à l’action en réduction ou ne les emporte que dans une certaine mesure.

2) L’objet du pacte :
A. Le constat d’un équilibre :

L’idée, c’est de constater un équilibre (pas une égalité à c’est plus subtil) par rapport à tout ce que les enfants
ont reçu avant le pacte et dans le cadre du pacte32. Ainsi, l’on constate cet équilibre par rapport à différents
postes, et premièrement par rapport aux donations qui ont été consenties à chacun : le pacte successoral peut
concerner des donations réalisées avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 31 juillet 2017, c’est-à- dire
avant ou après le 1e septembre 2018. Ensuite, deuxièmement, l’on va faire le point par rapport aux avantages
dont ils ont bénéficés avant le pacte ou dont ils pourraient bénéficier dans le cadre du pacte. L’article 1100/7, §
1, al. 2, stipule en effet qu’« à l’effet de constater cet équilibre, les parties peuvent convenir d’assimiler à des
donations d’autres avantages consentis aux héritiers présomptifs antérieurement au pacte ou aux termes du
pacte lui-même ». Il ne s’agit donc pas d’une obligation mais bien d’une possibilité. Les avantages ne sont pas
juridiquement des donations mais, selon les termes de l’article 1100/7, § 1, al. 2, les parties peuvent convenir
d’assimiler de tels avantages à des donations. Il pourrait s’agir du paiement de frais d’études ou de formation à
l’étranger d’un héritier, de l’occupation gratuite d’un immeuble33. Par après, troisièmement, l’on tient compte
également de créances au moyens desquels un ou plusieurs héritiers présomptifs un ou plusieurs héritiers
présomptifs pourra être alloti à charge des parties expressément désignées par le pacte (art. 1100/7, §1, al. 3)34
– étant entendu que cette créance peut être payée immédiatement ou à terme (du décès le cas échéant). Il
faudra songer à préciser dans le pacte les modalités de payement de cette créance et à constituer, le cas
échéant, des garanties de paiement de cette créance.

Finalement, l’on peut tenir compte aussi de la situation respective de chacun des héritiers présomptifs35. Au
final, l’équilibre doit être atteint globalement dans la famille, sans pour autant qu’il s’agisse d’une égalité : il y a
donc une certaine subjectivité. Ainsi, l’idée est de se dire qu’avant le pacte, et dans le cadre du pacte, nous avons
une situation équilibrée qui ne sera pas remise en cause car elle a été discutée en famille du vivant du parent.
Ensuite, si le pacte est conclu avec les deux parents, l’on dit que l’équilibre doit être atteint globalement. Ainsi,
à titre d’exemple, si nous avons deux parents et deux enfants, il se peut qu’un enfant ait tout reçu de sa mère
et un autre de son père : au final, il y a un équilibre. Finalement, le pacte global est conclu pour le présent : il ne
s’agit pas d’un instrument d’anticipation successorale. En effet, l’on ne peut, dans le pacte, procéder à la
dévolution des biens pour le futur et s’arranger sur la façon de diviser la succession. Or, certains trouvent cela
dommage car ils voudraient que l’on puisse anticiper sur le futur du vivant même de la personne.

32 Ex : Prenons la famille royale – et l’on oublie les beaux-enfants. Il y a Albert, le père, puis les enfants : Astrid, Laurent et Philippe. Albert
réunit ses enfants et dit : « par rapport à tout ce que je vous ai donné avant et tout ce que je vous donne maintenant, vous acceptez qu’il y
a un équilibre et qu’on ne fasse plus de décompte au jour de mon décès par rapport au rapport et à la réduction ».
33 Ex : Ainsi, par exemple, Laurent peut occuper gratuitement une maison ; Astrid, l’on s’est occupé de ses enfants et elle a reçu des

donations ; Philippe d’autre choses.


34 Ex : Ainsi, si nous avions E1, E2 et E3 et que E2 et E3 ont déjà été gratifiés au moyen de donations ou d’avantages alors que E1 n’a

encore rien eu, et bien l’on prévoit qu’il pourra faire valoir une créance à l’égard de E2 et E3. Ainsi, l’on peut aussi être alloti sous forme de
créances.
35 Ex : Par exemple, Philippe, il est Roi. Par exemple, quelqu’un qui est très brillant, a fait des supers études et qui est super riche et ses

frères et sœurs, eux, n’ont pas beaucoup de chance dans la vie. En effet, l’on peut tout à fait faire rentrer cela dans l’équilibre.

37
B. La possibilité de saut de génération (art. 1100/7, §4 C. civ.) :

Il y a une possibilité de saut de génération : ainsi, Raymond a un fils, Fréderic, qui a deux enfants : Jules et
Juliette. Frédéric est concerné, mais il pourrait parfaitement choisir de passer son tour et de décider que ce sont
ses enfants qui seront allotis dans le cadre du pacte - à sa place à lui. Ainsi, le pacte concernera ses enfants et
ce sont ses enfants qui seront gratifiés. En effet, c’est possible, mais à condition que tous les enfants de Fréderic
interviennent. Ainsi, l’on considère que les enfants de Frédéric, dans la succession de Frédéric, quand lui-même
sera décédé, ont reçu les biens directement de Frédéric. Dans le cadre de la succession de Frédéric,
techniquement, tout se passe comme si ses enfants avaient reçu directement de lui alors qu’ils ont en réalité
reçu de Raymond. La renonciation, par l’héritier en ligne directe descendante (Fred) à être alloti
personnellement au bénéfice de ses propres enfants, est ainsi traitée comme une donation indirecte consentie
par lui à ces derniers, laquelle donation indirecte (présumée rapportable) devra dès lors être prise en compte
lors de la liquidation de la succession de l’héritier présomptif ayant accepté le « saut de génération ».

C. Les mentions (art. 1100/7, §1, al. 4, C. civ.) :

L’article 1100/7, §1e, alinéa 4 prévoit que le pacte doit mentionner l’ensemble des donations et avantages
actuels ou antérieurs prix en compte. Or, ceci implique que tout cela soit valorisé et le §9 stipule que ladite
valorisation est définitive. Ainsi, si une donation ou un avantage antérieur au pacte consenti à un héritier en
ligne directe descendante n’est pas mentionnée dans le pacte, elle sera susceptible de réduction. Ensuite, le
notaire va devoir écrire l’équilibre tel qu’il est conçu et accepté par les parties. Il convient par conséquent
d’expliquer comment l’équilibre atteint a été justifié, à la lumière notamment de la situation de chacun des
héritiers (à même si subjectif) : c’est un vrai travail créatif et subjectif.

3) Les effets du pacte (art. 1100/7, §6 et §9 cciv) :


A. A l’égard des parties :

Au niveau des effets, le consentement des parties au pacte emporte renonciation au rapport et à la réduction
de l’ensemble des donations visées dans le pacte dans le chef de chacune des parties (§6). Ainsi, même s’il devait
y avoir une atteinte à la réserve, l’on y renonce et l’on ne demandera plus le rapport (= remise à égalité36). Par
contre, si l’une des parties du pacte est un enfant mineur, son consentement au pacte n’entraîne pas les effets
susmentionnés (à savoir la renonciation au rapport et à l’action en réduction) à l’égard des donations visées
dans le pacte et consenties à ses cohéritiers. Le consentement a en revanche lesdits effets à l’égard des
donations visées dans le pacte et consenties au mineur (art. 1100/7, § 6, al. 2, nouveau du Code civil). En outre,
le pacte global ne peut être rescindé pour lésion.

B. A l’égard des tiers :

L’article 1100/7, § 6, al. 3 et 4 prévoit que, nonobstant la renonciation à l’action en réduction, la valeur des
donations (et pas les avantages) mentionnées dans le pacte reste comprise dans la masse de calcul de l’article
922 du Code civil (cfr infra). Le montant de la quotité disponible ne sera dès lors pas affecté par l’existence d’un
pacte successoral global. Dans le prolongement de cette idée, l’alinéa 4 de l’article 1100/7, § 6, confirme le
principe selon lequel l’existence d’un pacte global doit demeurer sans incidence sur la situation des tiers ayant
bénéficié de libéralités de la part du de cujus. Ainsi, les libéralités visées dans le pacte devront, bien qu’elles ne
sont pas susceptibles de réduction, être imputées, à leur date (sur la réserve globale s’il s’agit de libéralités
rapportables et sur la quotité disponible s’il s’agit de libéralités non rapportables), afin que l’existence d’un pacte
global demeure sans incidence sur les libéralités consenties au bénéfice de tiers.

b) Les pactes ponctuels :

Dans les pactes ponctuels, il y a les pactes anciens qui existaient déjà au 1e septembre 2018 et il y a des pactes
nouveaux : nous, nous ne verrons que les pactes anciens.

36Ex : Un des trois enfants a reçu 200 en avance. A la succession, il y a 1000 dans la masse. Au final, il faut donc diviser 1200. Or, il y en a un
qui a déjà reçu 200 : ainsi, il ne prendra plus que 200 puisque chacun a droit à 400.

38
1) L’institution contractuelle (= donation de biens à venir) :

L’institution contractuelle (rare) est un contrat à titre gratuit par lequel une personne (l’instituant) dispose, au
profit d’un futur époux, des futurs époux – ou, parfois, des enfants à naître du mariage - de tout ou partie des
biens qu’elle laissera à son décès (libéralité hybride) : c’est une protection qui joue au niveau successoral.
L’institution contractuelle s'apparente à une donation puisqu'elle est un contrat mais elle ressemble aussi à un
testament puisqu'elle porte sur une succession future. Il s’agit d’une donation pour cause de mort (= qui jouera
au moment du décès) mais c’est une donation car les deux ont signé le contrat. Ainsi, il s’agit d’un mix un
testament et une donation : cela ressemble à un testament – en ce que l’on procède à la dévolution des biens
au moment où on décède - mais c’est fondamentalement une donation - parce qu’on s’engage par contrat. Et,
l’on s’engage par contrat à céder ses biens à titre successoral de sorte que c’est un pacte successoral : c’est très
différent du testament qui consiste un acte unilatéral. Certes, il n’y en a qu’un seul qui s’engage à donner ses
biens, mais c’est un contrat parce que l’autre accepte.

Une institution contractuelle peut être réalisée dans un contrat de mariage, soit entre les futurs époux
(réciproquement ou de l'un d'eux à l'autre), soit au profit des époux ou de l'un d'eux ou des enfants à naître du
mariage par des tiers (art. 1082 et 1093 du Code civil à rare à désuétude). Ensuite, une institution contractuelle
peut aussi se réaliser en dehors d’un contrat de mariage, par simple acte notarié, mais alors seulement entre
époux (art. 1096 C. civ.). Nous avons vu que l’une des techniques pour protéger le conjoint était d’utiliser les
avantages matrimoniaux (= acte à titre onéreux à action sur le plan de la liquidation du régime matrimonial) et
il y a une autre technique pour protéger son conjoint : c’est l’institution contractuelle, qui portera sur les biens
qui se trouvent dans la succession (à plan de la liquidation de la succession). Du coup, pour l’avantage
matrimonial, l’on agit au niveau de la liquidation du régime matrimonial – et, en principe, ce ne sera pas
considéré comme une libéralité : c’est un acte à titre onéreux – alors que dans l’institution contractuelle, l’on
agit sur le plan de la liquidation de la succession et ce sera toujours considéré comme étant à titre gratuit37.

Avant, les avantages matrimoniaux ne concernaient que les régimes de communauté, mais depuis 2018, l’on
peut les mettre en régime de séparation de biens alors que pour les institutions contractuelles, l’on est dans le
cadre de la liquidation de la succession et l’on s’en fou du type de régime matrimonial : c’était pour tous les
régimes matrimoniaux. L'institution contractuelle entre futurs époux ou entre époux était fréquente avant la loi
du 14 mai 1981 afin de protéger le conjoint (en particulier l’épouse) en cas de veuvage précoce. A moins qu’elle
n’ait été supprimée de commun accord dans un acte ultérieur, de nombreux époux mariés avant le 6 juin 1981
(date d’entrée en vigueur de la loi du 14 mai 1981) auront donc encore cette clause dans leur contrat de mariage
ou dans un acte notarié. Cette clause prévoit le plus souvent que le conjoint recueillera la totalité de la
succession en pleine propriété en l’absence de descendants communs ou la totalité en usufruit en présence de
descendants communs.

L’octroi de la totalité de la succession en usufruit correspond à la dévolution légale actuelle. Une différence
importante subsiste cependant entre l’institution contractuelle et la loi. La loi n’empêche pas le conjoint de
réduire (dans le respect des règles relatives à la réserve héréditaire et de l’article 1388 al. 2 C. civ.) les droits
successoraux du survivant. En revanche, l’institution contractuelle insérée dans un contrat de mariage ou dans
un acte modificatif du régime matrimonial empêche le conjoint de modifier ultérieurement ses volontés, sauf
de commun accord. Cela signifie concrètement que l’instituant ne peut plus disposer à titre gratuit des biens,
objets de l’institution (art. 1083 C. civ.). Par contre, il peut toujours disposer des biens à titre onéreux (les actes
à titre onéreux sont jugés moins graves pour l'institué puisque ce dernier pourra exercer son droit sur la
contrepartie reçue). Notons aussi que l’institution contractuelle faite par contrat de mariage cesse de plein droit
de sortir ses effets (1) si le mariage ne s'ensuit pas (art. 1088 C. civ.) et (2) à l'égard de l'époux qui a reconnu
pendant le mariage un enfant conçu avec une autre personne que son conjoint (art. 334 ter C. civ.). Cependant
dans ce cas, ce dernier peut manifester expressément, par acte devant notaire, sa volonté de confirmer, en tout
ou en partie, l'institution contractuelle réalisée antérieurement.

A l’examen, elle pourrait nous demander une comparaison entre l’avantage matrimonial et l’institution contractuelle : le but est le même,
37

mais la technique est très différente.

39
En cas de séparation de fait des époux ou d’instance en divorce, l’institution contractuelle produit, en principe,
ses effets. Toutefois, de façon quasi systématique, les notaires prévoient une condition résolutoire selon laquelle
l’institution contractuelle est résolue en cas de séparation de fait ou d’instance en divorce. Quid cas de divorce
? Dans l’hypothèse où les époux ont prévu une condition résolutoire en cas de séparation de fait ou d’instance
en divorce, l’institution contractuelle ne produira évidemment pas ses effets. Si pareille condition résolutoire
n’a pas été stipulée, l’article 299 prévoit que « le divorce entraîne la caducité des droits de survie que les époux
se sont concédés par contrat de mariage et depuis qu’ils ont contracté mariage ». En d’autres termes, un époux
divorcé (par consentement mutuel ou pour cause de désunion irrémédiable) ne peut, en principe, plus invoquer
l’institution contractuelle que son ex-époux, prédécédé, lui avait accordée. Dans tous les cas, les époux peuvent
toutefois exclure la déchéance prévue à l’article 299 par le biais d’une convention contraire. Une telle
convention peut être contenue dans l’acte constitutif de l’institution contractuelle ou dans le règlement
transactionnel (en cas de divorce par consentement mutuel), mais est probablement rare en pratique. Enfin, le
nouveau formalisme applicable à tous les pactes (cfr infra) n’est pas d’application (art. 1100/5, §3).

2) L’exhérédation du conjoint survivant par ct de mariage (pacte Valkeniers à art. 1388, al. 2 cciv) :

Lorsque les époux insèrent dans leur contrat de mariage une institution contractuelle au profit du conjoint
survivant, ils accroissent les droits successoraux du conjoint survivant : avec le pacte Valkeniers, le législateur a
cependant aussi prévu la solution exactement inverse. En effet, les droits successoraux conférés au conjoint
survivant par la loi du 14 mai 1981 sont si importants que certaines personnes qui voulaient se marier hésitaient
toutefois à le faire, lorsqu’elles ont déjà des enfants d’une précédente union, afin de ne pas priver leurs enfants
de leurs droits successoraux lors du décès de leur auteur.

Sans doute, les époux peuvent-ils toujours, pendant le mariage, rédiger un testament par lequel ils priveraient
le conjoint survivant de ses droits successoraux légaux – l’usufruit de la totalité de la succession – et le
réduiraient dès lors à ses droits successoraux réservataires – sa réserve abstraite et sa réserve concrète (voir
infra) mais, outre qu’une telle exhérédation, qui est unilatérale, peut être perçue de manière négative, sur le
plan affectif, par le conjoint survivant, elle ne peut en tout cas pas priver le conjoint survivant de plus de la moitié
en usufruit de la succession du conjoint prédécédé.

Ainsi, le législateur a ajouté à alinéa 2 à l’article 1388 du code civil : il s’agit d’un pacte qui constitue l’inverse de
l’institution contractuelle Pourquoi ce nom ? La loi qui le crée, datant de 2003, est à l’initiative de Jeff Valkeniers :
ce Monsieur voulait se remarier et les enfants n’étaient pas très chaud que la nouvelle compagne reçoive autant.
Quelles solutions avant ce pacte ? Avant cela, l’on pouvait faire un testament pour déshériter au maximum sa
femme, mais elle avait quand même la réserve. Ensuite, l’on pouvait demander à l’autre de renoncer à sa
succession, mais qui va respecter cela après la mort de son mari ? En effet, elle ne pouvait pas non plus renoncer
par un document écrit avant sa mort car cela constituait un pacte successoral interdit. Enfin, il y avait aussi la
solution de ne pas se marier – ou alors qu’a l’église. Ainsi, par cela, le législateur a voulu favoriser autant la
liberté de se marier que la liberté de disposer de ses biens.

Ainsi, aujourd’hui, l’on peut mettre dans un pacte que l’on renonce à tout ou partie de ses droits successoraux.
Ainsi, l’on ne déshérite pas : c’est la personne qui renonce à revendiquer quelque chose dans le cadre de la
succession. Depuis 2018, l’on peut renoncer quasiment à tout et l’on peut aussi demander des droits pendant
un tel laps de temps. Néanmoins, l’on ne peut pas renoncer au droit d’habitation du logement principal de la
famille et un droit à l’usage des meubles meublants pendant six mois : en réalité, c’est très peu et cela veut dire
qu’on ne peut pas le louer - comme on le pourrait dans un usufruit. Jusque 2018, l’on ne pouvait pas renoncer
à l’usufruit sur le logement familial et les meubles meublants (= réserve concrète). Enfin, il est à noter que ce
genre de pactes n’est possible que si au moins l’un des deux a des enfants d’une précédente union – et ce ne
doit pas nécessairement être réciproque - : il s’agit d’une disposition type dans le cadre des familles
recomposées. Finalement, rien n’empêche non plus de gratifier par le biais d’une libéralité le conjoint38.

38Ex : Votre père se remarie et sa femme met dans le contrat de mariage qu’elle accepte de renoncer à tout, sauf aux six mois. La femme
regrette un peu car financièrement, elle ne s’en sort pas. Dans ce cas, soit on enlève le pacte, soit le mari peut faire un testament en sa
faveur. En réalité, c’est un peu bizarre mais aussi logique puisque le seul objet du pacte est de permettre à une personne de renoncer à ses
droits, sans empêcher l’autre de la gratifier si elle le souhaite.

40
3) Le pacte successoral obligatoire en cas de DCM (art. 1287, al. 3 C. jud.) :

En cas de divorce par consentement mutuel, l’on doit établir un règlement transactionnel concernant les biens
afin de préciser qui reprend tel et tel bien. Dans le cadre de ce règlement transactionnel, il faut régler ce qui va
se passer si un des deux décède en cours de procédure : est-ce qu’il garde ou perd ses droits successoraux. Or,
c’est aussi un pacte vu que la succession n’est pas encore ouverte. Il s’agit d’un pacte qui est obligatoire et qui
prendra cours à partir du jour de la requête en divorce, sauf si l’on prévoit que ce sera à partir du jour de la
signature de la convention. Ainsi, en cas de DCM, si l’on ne précise pas la date d’entrée en vigueur du pacte, ce
sera à partir du jour de la requête : or, il peut s’écouler plusieurs semaines entre la signature et la requête – or,
selon la prof, c’est mieux de fixer la signature (art. 915bis, §3, al. 3). Le nouveau formalisme applicable à tous
les pactes (cfr infra) n’est pas d’application (art. 1100/5, §3 C. civ).

c) Les autres pactes ponctuels (à nouveaux pactes à non vus) :

§3. Le formalisme des pacte :

L’établissement d’un pacte successoral est un acte qui comporte des conséquences importantes en ce qu’il
permet notamment aux héritiers présomptifs de renoncer à une succession non ouverte. Le législateur,
conscient des pressions qui pourraient s’exercer sur les héritiers présomptifs en vue d’obtenir leur signature du
pacte, a souhaité entourer les pactes successoraux globaux ou ponctuels d’un formalisme rigoureux. L’article
1100/5, § 1, nouveau du Code civil pose toute d’abord le principe selon lequel tout pacte successoral ponctuel
ou global doit faire l’objet d’un acte notarié.L’article 1100/5, § 2 du Code civil reprend ensuite la procédure à
respecter pour la conclusion d’un tel pacte. Le législateur a veillé, par ce processus, à laisser à chaque partie le
temps de la réflexion. Il ne peut être dérogé aux délais repris ci-dessus, même de l’accord des parties. Il n’est
donc pas envisageable de signer un pacte successoral in extremis, c’est-à-dire dans les derniers jours ou
semaines qui précèdent un décès. Le formalisme est en principe applicable à tous les pactes, y compris au pacte
Valkeniers. Or, c’est très embêtant pour la pratique car souvent, les gens viennent faire un contrat de mariage
une semaine avant de se marier. Ainsi, étant donné qu’il ne peut pas être raccourci, le mariage aura lieu sans
pacte Valkeniers et peut-être que, du coup, la belle-mère étant mariée se dit que ce n’est plus nécessaire et il
faudra alors retourner devant le notaire et attendre 6 semaines – ce que les gens ne font pas. Ensuite, il y a
certaines exceptions, en tout ou en partie, où il ne faut pas respecter le formalisme qui sont prévues au §3 de
l’article 1100/5, ainsi qu’à l’article 843/1, §3 (à pacte nouveau et non vu).

§4. La publicité des pactes successoraux :

Tout pacte successoral fait l’objet d’une inscription dans le registre central des testaments (art. 1100/6, nouveau
du Code civil). Cette publicité a été prévue en vue d’assurer la traçabilité et la publicité des pactes successoraux
afin de permettre aux parties et au notaire de la succession concernée de retrouver le pacte et de l’appliquer.

§5. La sanction pour les pactes non autorisés ou non conformes au formalisme imposé par la loi :

Selon l’article 1100/3 du Code civil, inséré par la loi du 31 juillet 2017, est frappé de nullité absolue tout pacte
successoral non autorisé en vertu de la loi (art. 1100/3, al. 1, nouveau du Code civil) ; tout pacte établi en
méconnaissance du formalisme imposé par l’article 1100/5 nouveau du Code civil ; tout pacte successoral global
conclu en méconnaissance des règles spécifiques imposées par l’article 1100/7 du Code civil. Le législateur a
ainsi mis fin à une controverse quant au caractère absolu ou relatif de la nullité des pactes sur succession future
depuis un arrêt de la Cour de cassation du 31 octobre 2008. Selon la théorie générale des nullités, cette sanction
peut être invoquée par toute personne y ayant intérêt. La nullité pourrait ainsi être soulevée par l’administration
fiscale. Par ailleurs, le juge devant lequel un litige est porté doit soulever d’office la nullité. La loi du 22 juillet
2018 a assoupli la sanction lorsqu’on est en présence d’un pacte relatif à la succession future de l’une des parties.
Dans ce cas, la nullité absolue se mue en une nullité relative au jour du décès de cette partie, sauf pour ce qui
concerne la nullité résultant de la méconnaissance de la forme imposée par l’article 1100/5, §1 C. civ. (nécessité
d’un acte notarié), qui demeure frappée de nullité absolue.

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3. La réserve, limite à la liberté dans la succession volontaire :

Dans les héritiers légaux, il y a des « super » héritiers légaux qui sont les héritiers réservataires : il ne constitue
qu’une petite partie des héritiers légaux. En effet, tout héritier légal n’est pas héritier réservataire (ex : le frère),
mais l’inverse oui. La réserve est la partie du patrimoine du défunt donc celui-ci ne peut pas disposer à titre
gratuit au préjudice de certains héritiers. La quotité disponible est la partie du patrimoine du défunt donc celui-
ci peut disposer à sa guise. Ainsi, si un héritier réservataire prouve que les biens transmis par le défunt lèsent sa
part réservataire, il peut agir en réduction. Ainsi, si le défunt a fait trop de libéralités et que celles-ci ont excédé
la quotité disponible et qu’il a empiété sur la réserve des héritiers réservataires, ils pourront agir. Il est à noter
que la réserve protège non seulement contre les legs, mais aussi contre les donations. Comment calculer cette
réserve ? Elle ne se calcule pas uniquement par rapport à ce que l’on laisse au jour de son décès. Ainsi, si je
décède et que je laisse deux enfants, l’on verra que la réserve des deux enfants est d’un quart. Or, si j’ai 100, il
faudra calculer ce à quoi ils ont droit en ajoutant aux biens existants toutes les donations que la personne a faite
de son vivant depuis ses 18 ans. Ainsi, ils n’auront pas qu’un quart de 100, mais plus. Pourquoi ajouter toutes
ces donations ? Pour la bonne et simple raison que si l’on ne les ajoutait pas, l’on pourrait vider la réserve de sa
substance lorsque l’on se sent mourir afin de ne rien laisser à ses enfants.

§1. Les caractéristiques de la réserve :


a) La réserve est une part successorale :

La réserve comporte toute une série de caractéristiques qui ont été un peu modifié avec la loi du 31 juillet 2017.
Ainsi, l’on dit traditionnellement que la réserve est d’une part successorale : l’héritier réservataire est donc un
héritier à part entière. Ainsi, il doit participer au passif de la succession à concurrence de ce qu’il recueille.
Néanmoins, attention, la réserve n’est plus qu’une « pars bonorum » et non plus une « pars hereditatis ». Une
« pars hereditatis », c’est une part de l’hérédité. Jusqu’au 1e septembre 2018, la réserve était due en nature :
ainsi, si j’avais été déshéritée, je pouvais dire que j’avais droit à une certaine quotité (ex : ½) et, comme je suis
héritier, je peux revendiquer les biens (= une pars hereditatis) : ainsi, il n’est pas question pour moi de recevoir
une somme en contrepartie. Je veux avoir l’héritage. Depuis le 1e septembre 2018, la réserve n’est plus qu’une
pars bonorum : l’héritier réservataire n’aura plus droit qu’à une indemnisation. Autrement dit, l’on peut
parfaitement attribuer tous ses biens à une tierce personne. L’héritier ne pourra pas réclamer une partie des
biens qui lui reviennent à titre de réserve : il pourra simplement réclamer une indemnisation (= il ne sera plus
que créancier de la part du légataire universel qui aura tout reçu).

b) La réserve est volontaire :

La réserve est volontaire : ainsi, elle doit être réclamée. Ainsi, vous pouvez parfaitement accepter une
succession, vous rendre compte que le défunt a fait trop de donations et que cela empiète sur votre réserve et
vous dire que vous ne la réclamez pas entièrement (= ce n’est pas grave pour moi). Ainsi, un notaire ne peut
jamais liquider une succession en disant dire « je calcule la réserve à l’enfant et l’enfant a droit a autant» : il doit
demander à l’enfant s’il veut réclamer sa réserve ou non. L'héritier qui se prétend réservataire doit exiger le
respect de sa réserve s'il veut en bénéficier. Les héritiers réservataires jouissent donc d'une option : accepter ou
renoncer à leur réserve. L'acceptation de la réserve peut se faire tacitement ou expressément mais elle doit être
certaine – et il en est de même pour la renonciation.

c) La réserve ne protège que contre les actes à titre gratuit :

La réserve ne protège que contre les actes à titre gratuits, à savoir les legs, les donations, les institutions
contractuelles. Par contre, si la personne a tout dépensé en voyage, en coiffeur, etc, l’on ne peut rien faire. Ainsi,
il y a souvent, dans les conflits judiciaires en matière de succession, une question préalable très importante qui
est de savoir, notamment en matière d’assurance vie au profit d’une personne, si l’on est en présence d’un acte
à titre gratuit ou d’un acte à titre onéreux car, pour un acte à titre onéreux, l’on ne peut réclamer sa réserve par
rapport à cela.

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d) La réserve est individuelle et globale :

La réserve est à la fois individuelle et globale. Ainsi, elle est individuelle dans le sens où chacun peut choisir de
revendiquer la réserve ou de ne pas la revendiquer. En y renonçant, il accepte que les libéralités consenties
par le défunt excèdent le cas échéant la quotité disponible et portent donc atteinte, en tout ou en
partie, à sa réserve. Par contre, elle est globale en ce qui concerne les opérations d’imputation des libéralités
rapportables : c’est une grande nouveauté chez nous et à Bruxelles – alors qu’a Liège, cela se faisait. En effet, la
loi du 31 juillet 2017 prévoit que lorsqu’il y a lieu d’imputer les libéralités sur la réserve (parce qu’elles sont
rapportables), cette imputation a lieu sur la réserve envisagée de manière globale.

e) La réserve est due en nature/en valeur :

La loi du 31 juillet 2017 met fin à la règle selon laquelle la réserve est due en nature : ainsi, pour toute succession
ouverte depuis le 1e septembre 2018, la réserve sera due en principe en valeur. Depuis le 1er septembre 2018,
la réserve est, en principe, due en valeur : l’on a droit à une indemnisation, mais plus aux biens de la succession
proprement dit. Néanmoins, il y a quand même des exceptions : parfois - mais c’est rare -, la réserve sera due
en nature. Selon les partisans de la réserve en valeur, cette nouvelle règle permettra d’éviter que des biens
donnés par le de cujus avant son décès ne doivent éventuellement réintégrer tels quels la masse successorale,
alors que ces biens étaient devenus la propriété du donataire et qu’il avait commencé à les utiliser ou les
exploiter personnellement, ou même parfois qu’il les avait déjà cédés à un tiers. En ne contraignant le donataire
qu’à restituer à la masse une somme d’argent, dans l’hypothèse où la donation aurait excédé la quotité
disponible, on assure au donataire la garantie d’être devenu définitivement propriétaire du bien donné dès le
jour de la donation. Néanmoins, l’on observera, malgré tout, que les héritiers réservataires - qui sont les héritiers
les plus proches du défunt - sont parfois particulièrement attachés à recueillir une partie du patrimoine du
défunt en nature.

f) La réserve est indisponible :

La réserve est indisponible : Le défunt ne peut en rien changer les règles légales concernant la réserve ni ajouter
à cette dernière des charges ou des conditions. Ainsi, l’on doit la transmettre telle qu’elle sans charge et
conditions. A une époque, on a voulu la conditionner quand l’enfant est fragilisé (ex : drogué -> on veut qu’on
lui donne petit à petit). Finalement, cela n’a plus été admis.

§2. La réserve des enfants et des descendants (en l’absence de conjoint) :

Dans le syllabus, ce paragraphe vise la réserve des enfants et des descendants en l’absence de conjoint :
néanmoins, ici, l’on parlera du conjoint dans le point d).

a) La détermination des héritiers réservataires :

Les enfants restent héritiers réservataires dans le cadre de la réforme. Néanmoins, il y a eu des petites tensions
car certains, notamment les flamands, considèrent qu’une fois que l’on a rempli notre job de parent, soit que
l’on l’a amené à payer ses études et qu’on l’a éduqué, l’on peut faire ce qu’on veut de son argent. Politiquement,
Koen Geens s’est dit que cela ne serait pas passé. Ainsi, l’on a gardé la réserve au profit des enfants. En revanche,
l’on a supprimé la réserve des ascendants. En effet, avant, les ascendants avaient droit à une réserve pour autant
qu’ils soient en ordre utile pour venir à la succession : on l’a remplacé par une créance alimentaire (art. 205bis,
§2) s’ils sont dans le besoin – même si c’est assez rare pratique. Cela avait déjà été supprimé en France et au
Luxembourg.

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b) Quelle est la quotité disponible et la part réservataire lorsque le défunt laisse des descendants ? :
1) Les règles anciennes :

Avant, la quotité disponible variait : l’on considérait qu’elle était d’une moitié si le défunt laissait un enfant, un
tiers par enfant s’il en laissait 2, et un quart par enfant s’il en laissait 3 ou plus (à s’il y en a plus, il fallait diviser
les ¾ par le nombre d’enfant). Pourquoi ce ¼ d’office quel que soit le nombre d’enfants ? Les travaux
préparatoires expliquent que le père de famille devait pouvoir au moins disposer d’un quart pour récompenser
l’enfant qui était resté avec lui à la ferme tandis que ses autres enfants étaient aller cherche du travail à la ville.
Ainsi, l’idée était de dire qu’1/4 c’est bien pour récompenser cet enfant-là. Ainsi, l’enfant qui était resté à la
ferme pouvait cumuler son quart de quotité disponible avec sa part réservataire. Dans le code civil ancien, l’on
indiquait quel était le montant de la quotité disponible, et l’on en déduisait du coup le montant de la réserve
(sur base de la quotité disponible).

2) Les nouvelles règles :

Désormais, en droit belge, la quotité disponible est fixée de manière uniforme à une moitié (art. 913, §1). Ainsi,
quelle que soit le nombre d’enfant qu’elle laisse, une personne pourra toujours disposer d’une moitié. L’autre
moitié, elle, est réservée aux enfants. Ainsi, si vous avez un enfant, la réserve de cet enfant est d’une moitié. S’il
y a deux enfants, la réserve est d’1/4 pour chaque enfant. S’il y a trois enfants, chaque enfant a droit à 1/6. Ainsi,
l’on observe qu’en réalité, maintenant, la réserve de l’enfant, en quotité, correspond à la moitié de sa part
légale. Ainsi, si j’ai trois enfants, en principe chacun a droit à 1/3 (= part légale) : la part réservataire, c’est la
moitié d’un tiers, soit 1/6. Pour le calcul de la part réservataire, il n'est pas tenu compte de l'enfant qui aurait
renoncé à la succession, ni de l'enfant qui est indigne de succéder - pour autant qu’il n’y ait pas substitution -
puisque la part réservataire ne revient qu'à un héritier. Par ailleurs, les enfants ou descendants d'un enfant
prédécédé sont comptés « ensemble » pour l'enfant à la place duquel ils viennent à la succession (par le biais
de la substitution) (art. 913, §2 C. civ.). Pourquoi est-ce que l’on a augmenté cette quotité disponible ? Le défunt
aura plus de liberté, et ce non tellement pour le conjoint survivant, mais surtout pour les beaux-enfants. Or,
certains grincent un peu des dents car parfois, le bel enfant peut recueillir plus que ses beaux enfants. : si j’ai un
beau-enfant et deux beaux-enfants, le bel enfant pourra avoir ½ et les deux autres, ¼. Ensuite, si j’adore mon
fils, je peux donner ¾ à mon fils et ¼ à ma fille. Ainsi, certains disent que le minimum d’égalité que garantit la
réserve est mis à mal vu que la quotité disponible est augmentée. Néanmoins, il faut savoir que c’est souvent ½
pour la quotité disponible en Europe.

c) À qui le défunt peut-il léguer ou donner sa quotité disponible ? :

Chacun peut disposer librement de la quotité disponible de sa succession, non seulement en faveur de ses
héritiers mais aussi en faveur de tiers ou d'étrangers, dans le respect des règles légales sur la capacité de recevoir
un legs, une donation ou une institution contractuelle.

d) L’application simultanée de la réserve des descendants et des droits successoraux du conjoint


survivant ou du cohabitant légal survivant :

Les enfants, nous l’avons vu, ont droit depuis le 1e septembre 2018, à une réserve plus petite puisque la quotité
disponible est passé à une moitié, quelle que soit le nombre d’enfant. Ainsi, l’on a voulu compenser cela par une
réserve de qualité plus importante : l’on a voulu que, désormais, dans la mesure du possible, la réserve des
enfants soit une réserve en pleine propriété – ce qui n’est pas toujours le cas. L’article 914 du Code civil, modifié
par la loi du 31 juillet 2017 et encore remanié par la loi du 22 juillet 2018 (tellement il était mal rédigé), tend à
préciser les cas et la mesure dans lesquels la réserve des enfants peut être grevée d’un droit d’usufruit au profit
du conjoint ou du cohabitant légal.

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1) Le conjoint a droit à l’usufruit de toute la succession :

Quid pour les enfants lorsque le conjoint a droit à l’usufruit sur toute la succession ? Dans ce cas-là, le §1e nous
dit que la réserve des enfants est forcément grevée de l’usufruit du conjoint – et l’on vise l’hypothèse où le
conjoint e effet l’usufruit sur toute la succession, tel que visé par l’article 858ter du code civil. L’exemple
classique est celui d’un enfant et d’un conjoint : l’on a une succession légale et pas de testament. Or, l’on a vu
que l’article 745bis, §1, alinéa 1er attribuait l’usufruit de toute la succession au conjoint et la nue-propriété sur
toute la succession pour l’enfant. Ensuite, sa réserve minimum à lui, est d’une moitié : c’est le minimum auquel
il a droit. Or, ici, il n’est pas au minimum : il a la nu-propriété de tout, mais il n’a que la nue-propriété. Ainsi, dans
ce cas de figure, le législateur n’a pas pu attribuer la pleine propriété à la réserve des enfants.

2) Le conjoint a un droit d’usufruit limité :

Le deuxième paragraphe de l’article 914 C. civ. vise l’hypothèse où l’usufruit du conjoint est limité :

® soit à une fraction de la succession (supérieure à la moitié) ;


® soit à sa réserve abstraite ;
® soit à certains biens particuliers.

A. L’usufruit est limité à une fraction de la succession (supérieure à ½ à voy. syllabus) :

L’usufruit grève d’abord le solde de la quotité disponible après imputation des libéralités préciputaires. En effet,
lorsque l’on faisait la masse 922, l’on arrivait à une quotité disponible d’autant : l’on va imputer sur cette quotité
disponible toutes les libéralités préciputaires (= libéralité hors pars = faite avec dispense à pas de remise à
égalité avec les héritiers >< libéralité rapportable). Ainsi, l’usufruit du conjoint va d’abord se grevé sur le solde
de la quotité disponible après avoir imputé les libéralités préciputaire. Or, si malheureusement il n’y a plus de
place pour imputer ce qu’il faut encore imputer, l’on appuyera alors sur la réserve des enfants. Ainsi, lorsque
nous avons un conjoint qui a droit à une usufruit supérieur à une moitié, mais pas la totalité, l’on va d’abord
grever son usufruit sur le solde de la quotité disponible et le surplus sera grevé sur la réserve des enfants.

Thomas décède le 1er septembre ( et non octobre comme dans le syllabus) 2018. Il laisse son épouse, Jennifer,
et ses filles Marie et Julie, issues de son premier mariage. Par testament du 10 février 1999, il a limité les droits
de son épouse à l’usufruit de 2/3 des biens existant au jour de son décès. Le 27 avril 2010, il a donné 50.000 €
à Télévie. L’actif net de la succession s’élève à 300.000 €.

En premier, nous avons un héritier réservataire. Ainsi, l’on commence par faire la masse de calcul, à savoir la
masse fictive qui permet de voir si la quotité disponible est dépassée ou non. Dans la masse de calcul, l’on
reprend les biens existants (300.000 € et l’on reprend la donation faite à Télévie (= donation préciputaire = faite
hors pars à pas de remise à faire puisque Télévie n’est pas un héritier à néanmoins, au stade de la masse de
calcul, cela n’a pas d’importance puisque l’on met toutes les donations). Au niveau de la valorisation de la
donation, il faut valoriser sur la base de ce qui a été donné au jour de la donation, et puis l’on indexe entre le
moment de la donation (avril 2010) jusqu’au moment du décès (sept. 2018). Comment indexer ? L’on met au
numérateur l’indice des prix à la consommation de septembre 2018 (mois du décès) et au dénominateur l’indice
des prix à la consommation du mois de la donation (avril 2010). Ainsi, l’on fait cette fraction et l’on arrive à un
montant de 58.095 € Ainsi, l’on a du coup un total de 358.095 € : c’est le montant total de la masse de calcul.
La quotité disponible, depuis le 1e septembre 2018, c’est la moitié de cette somme. La réserve globale des
enfants, c’est l’autre moitié et la réserve individuelle par enfant est la réserve globale divisée par deux puisqu’il
y a deux enfants. Ici, il faudra imputer la donation à Télévie sur la quotité disponible : ici, il n’y a pas de
dépassement de la quotité disponible de sorte que l’on continue. L’on procède ensuite à la masse de partage et,
dans celle-ci, l’on verra que l’on reprend les biens existants (300.000) et l’on doit ajouter (1) les donations
rapportables (il n’y en a pas ici) et (2) le produit de la réduction des donations réduites (or, ici, il n’y a pas de
donations réduites puisque la donation à Télévie a pu s’imputer entièrement sur la quotité disponible). Ainsi,
dans la masse de partage, nous n’avons ici que les biens existants. Ainsi, nous avons les différents héritiers, à
savoir les deux filles qui disent avoir droit chacune à une moitié, soit 150.000 euros. Néanmoins, l’on a l’usufruit
de 2/3. Ainsi, comment va-t-on l’imputer concrètement et qui va se le farcir ? L’article 914 prévoit que l’usufruit

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doit d’abord grever le solde de la quotité disponible. Or, la quotité disponible au départ était de 179.000.
Désormais, il n’en reste qu’un solde puisque l’on a imputé la donation à télévie. Ainsi, l’on pourra, avec le solde
de la quotité disponible, imputer l’usufruit de Jennifer, mais pas à concurrence de 200.000 puisqu’il ne reste pas
autant dans la quotité disponible. Néanmoins, l’on pourra déjà épuiser tout le solde de la quotité disponible à
concurrence de 120.000 euros. Ou vais-je aller ensuite cherche le surplus auquel j’ai droit ? Chez les enfants ! Et
là, malheureusement, les enfants n’auront pas totalement leur réserve en pleine propriété : ils vont devoir
supporter l’usufruit de Jennifer à concurrence de ce qu’il faut bien supporter. Or, il reste à imputer 79000 euros :
la moité va s’imputer sur la réserve de Marie et l’autre sur la réserve de Julie.

B. L’usufruit est limité à sa réserve abstraite :

Ici, l’on repart, pour la première étape, exactement de la même règle : l’usufruit grève d’abord le solde de la
quotité disponible, après imputation des libéralités préciputaires. Néanmoins, ici, si ce solde est insuffisant, à ce
moment-là, l’on ne grève plus la réserve des enfants – qui est alors sauvegardé en pleine propriété - : l’on va
aller grever le solde sur les libéralités préciputaires. Enfin, la réserve des enfants ne doit pas supporter l’usufruit
dont le conjoint ne peut obtenir la réduction (soit parce qu’il y aurait renoncé, soit par application de l’article
915 bis, §2/1 du Code civil).

Thomas décède le 1er septembre 2018. Il laisse son épouse, Jennifer, et ses filles Marie et Julie, issues de son
premier mariage. Par testament du 10 février 1999, il a expressément limité ses droits à sa réserve abstraite.
Ensuite, on a trois donations préciputaires puisqu’elles sont consenties à des tiers : 15 janvier 2000 (don à sa
sœur Georgette de la PP d’un appartement (100.000€/144.403€)) ; 2 février 2002 (don à Télévie)
(20.000€/27.416€)) ; 5 juin 2017 (don à son filleul Marcel de la pleine propriété d’un terrain (50.000 €/51.307
€)). L’actif net de la succession est de 300.000 €.

Au stade de la masse de calcul, nous avons un montant total de 522.736 euros, une quotité disponible de
261.563€. Ainsi, l’on va devoir imputer sur cette quotité disponible toutes les donations et l’on commence par
imputer la plus ancienne. Or, comme j’ai un total de donation de 223.000 et une quotité dispo,ible 261.563€, il
n’y a pas de problème : il n’y a pas de dépassement de quotité disponible. Ensuite, pour la masse de partage,
nous avons de nouveau uniquement les biens existants puisqu’il n’y a pas de donation rapportable ni de produit
de réduction. Ainsi, la masse de partage est 300.000€. Marie et Julie vont avoir chacune droit à 150.000€.

Quid de l’usufruit de Jennifer sur les 261.563€ ? (= sa réserve abstraite = ½ de masse de calcul). Quelles
personnes vont devoir supporter cet usufruit ? D’abord, l’on grève le solde de la quotités disponible. Qu’est-ce
qu’il reste après l’imputation des trois donations ? Il reste 38.000€. Où va-t-on chercher le surplus ? Ici, l’on ne
peut pas aller le chercher chez les enfants car la réserve des enfants doit être intacte. Ainsi, l’on doit donc
nécessairement aller le chercher chez les bénéficiaires des donations préciputaires, même si au départ leurs
donations n’étaient pas réduites. Ainsi, l’on a un surplus à caser de 223.126€ en usufruit.

En réalité, l’on ne va pas aller chercher cette somme en usufruit : l’on donc va faire autrement. Ainsi, l’on laisse
aux bénéficiaires des donations préciputaire leur donation, l’on convertit cet usufruit sur 223.000 en droits en
pleine propriété. Ainsi, imaginons qu’à l’âge de Jennifer, son usufruit vaut 10% de la pleine propriété. Ainsi, un
usufruit sur 223.000 euros, comme l’usufruit vaut 10%, c’est la même chose que de la pleine propriété su 23.000
euros. Ainsi, au lieu d’avoir une indemnisation de 223.126€ en usufruit, l’on va avoir une indemnisation de
22.312,60€ en pleine propriété pour le conjoint. Et qui va devoir supporter cette indemnité en pleine propriété ?
C’est le malheureux qui aura reçu en dernier la donation préciputaire : ici, c’est Marcel, qui va devoir supporter.

C. L’usufruit est limité à certains biens particuliers :

Si l’usufruit du conjoint est limité à certains biens particuliers et si, lors du partage, ces biens sont attribués aux
enfants, ceux-ci sont en droit d’exiger une compensation pour la charge de cet usufruit dans la mesure où il
grève leur réserve.

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Ainsi, les enfants vont se dire « zut, moi je me chope le bien sur lequel le conjoint a un usufruit. Du coup, je n’ai
ma réserve qu’en nue-propriété puisque je dois supporter l’usufruit du conjoint : ce n’est pas juste. Ainsi, j’ai
droit à une compensation ». Ainsi, l’idée est ici de respecter le testament du défunt, mais comme, dans
l’attribution des biens, c’est un enfant qui a récupéré dans son lot des biens sur lesquels le conjoint survivant
avait un droit d’usufruit, pour faire en sorte qu’il ait sa réserve le plus possible en pleine propriété, l’on va
considérer que le bénéficiaire de la quotité disponible doit payer une compensation au réservataire. Cette
compensation, déjà prévue par la loi du 31 juillet 2017, leur est octroyée selon des modalités adaptées par la loi
du 22 juillet 2018. La compensation est prise en charge par les bénéficiaires de legs préciputaires mais également
par les enfants eux-mêmes dans la mesure où ils sont amenés à recueillir une portion de la quotité disponible.
Cette compensation, qui doit être supportée proportionnellement à la valeur des biens recueillis par chacun (la
prise en compte de la réserve des enfants exceptée), est égale à la valeur capitalisée de l’usufruit du conjoint,
déterminée conformément à l’article 745 sexies, §3 du Code civil.

Jean décède le 2 février 2034. Il laisse son conjoint, Henriette, et son fils Stéphane. Sa succession se compose
du logement familial et des meubles meublants (390.000 €), des valeurs mobilières (= actions = 110.000 €) et
de tableaux de maître (120.000 €). Le 4 mars 2020, il fait un testament dans lequel les droits de Henriette sont
limités à l’usufruit du logement familial et des meubles meublants et il lègue des tableaux à son ami Roger.

Ainsi, au niveau de la masse de calcul, nous avons 620.000 euros de biens existants – et rien en dettes et en
donations. La quotité disponible, elle, est de 310.000 euros. La réserve de Stéphane, elle, est aussi de 310.000
euros. Les legs des tableaux à Roger s’imputent sur la quotité disponible : 120.000 euros s’impute sur la quotité
disponible qui est de 300.000 euros. Ainsi, il n’y a pas de dépassement et il n’y a donc pas de problème.

Au niveau de la masse de partage, il n’y a que les biens existants. Comment répartir le tout ? Le testament dit
qu’Henriette a l’usufruit sur les biens préférentiels (390.000) ; que Roger a la pleine propriété des tableaux
(120.000) ; Stéphane, le fils, reçoit ce qui reste, à savoir la nue-propriété des biens préférentiels (390.000) et la
pleine propriété des valeurs mobilières (110.000). Le problème, c’est que Stéphane supporte tout seul l’usufruit
d’Henriette, alors que Roger, qui a aussi reçu une part de la quotité, ne supporte rien du tout. Or, il n’y a pas de
raison qu’il le supporte seul. La quotité disponible est de 310.000 euros et Roger a bénéficié de 120/310ème de
la quotité disponible. Et, du coup, il aurait dû supporter, à concurrence de 120/310 l’usufruit du conjoint
survivant. En effet, chacun doit se farcir l’usufruit du conjoint survivant.

Mais comment procéder à la compensation ? Pour cela, l’on va capitaliser l’usufruit du conjoint survivant. Ainsi,
cet usufruit portait sur 390.000 euros : c’est la valeur des biens préférentiels. Ensuite, l’on imagine que la valeur
de l’usufruit vaut 14% de la nue-propriété (voy. les tables du 1e juillet). Ainsi, c’est donc 14% de 390.000, soit
54.600 (= valeur en pleine propriété de l’usufruit d’Henriette). Roger devait supporter cet usufruit à concurrence
de ce qu’il a recueilli au niveau de la quotité disponible : il a recueillie 120/310 et il doit donc supporter l’usufruit
à concurrence de 1120/310 de 54.600 euros. Ainsi, il va devoir payer une compensation à Stéphane à
concurrence de 21.135 euros.

3) Le cohabitant légal a un droit d’usufruit limité à certains biens :

Le troisième paragraphe de l’article 914 vise spécifiquement le cas du cohabitant légal survivant. Lorsque le
cohabitant légal survivant a droit à l’usufruit de certains biens de la succession, et que ces biens sont, par le
partage, attribués aux enfants, ceux-ci peuvent exiger une compensation pour la charge de cet usufruit, dans la
mesure où il grève leur droit à une part réservataire de la succession. Or, cette compensation est à charge tant
des bénéficiaires de legs imputables sur la quotité disponible (comme il est dit à l’article 922/1, §3 du Code civil)
que des enfants eux-mêmes dans la mesure où ils recueillent dans les biens de la succession, outre leur part
réservataire, une portion ou la totalité du solde de la quotité disponible. Ils supportent tous la charge de cette
compensation proportionnellement à la valeur des biens qu’ils recueillent, hormis la part réservataire des
enfants. La compensation globale est égale à la valeur capitalisée de l’usufruit du cohabitant légal survivant,
déterminée conformément à l’article 745 sexies, §3 du Code civil.

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§3. La réserve du conjoint survivant :

Le conjoint survivant a droit à une réserve depuis 1981 : cela a fait l’objet d’énormément de tensions à l’époque.
Il a fallu 12 ans pour réformer les droits du conjoint survivant et l’on a pour coutume de dire que cette question
de la réserve du conjoint a retardé la réforme de 5 années. Les sénateurs n’en voulaient pas alors que les
parlementaires en voulaient. Actuellement, la réserve du conjoint est maintenue.

a) L’objet de la réserve du conjoint survivant :

Le conjoint n’est pas un enfant : il a d’autres besoins de sorte que la réserve qui lui est attribuée n’est pas
bêtement une réserve en quotité comme pour les enfants. Après beaucoup de discussions, les parlementaires
en sont arrivés à l’idée qu’il fallait lui octroyer deux sortes de réserves : la réserve abstraite et la réserve
concrète.

1) Généralités :
A. La réserve abstraite :

La réserve abstraite (art. 915bis, §1e) est une réserve en usufruit qui va porter sur la moitié de la masse de calcul
922 (= qui permet de calculer la quotité disponible de la réserve = biens existants – dettes + donations). Ainsi, si
la masse de calcul vaut 600, cela signifie que le conjoint a une réserve abstraite de 300 en usufruit. Pourquoi
abstraite ? Parce que l’on ne tient pas compte des biens qui composent la succession. Nonobstant toute
disposition contraire, le conjoint survivant a droit à l'usufruit de la moitié des biens de la succession, peu importe
la qualité et le nombre des autres héritiers. La moitié en usufruit est donc la part minimale que le conjoint
survivant peut obtenir dans la succession de son époux prémourant, mais il pourrait cependant recevoir plus
que la moitié en usufruit si les « biens préférentiels » de la réserve concrète dépassent cette quotité.

B. La réserve concrète :

La réserve concrète est un droit d’usufruit sur des biens concrets, à savoir les biens dits « préférentiels » : le
logement principal de la famille et les meubles meublants qui le garnissent (= tout ce qui lui faut pour vivre).
Traditionnellement, l’on dit que les deux réserves ne se cumulent pas, mais se combinent. Ainsi, cela signifie que
si le conjoint réclame sa réserve concrète (= il veut absolument habiter dans l’immeuble) et si les biens
préférentiels sont chiffrés à 100, il va pouvoir réclamer un supplément pour atteindre la moitié en usufruit, c’est-
à-dire 300. Ainsi, le conjoint qui réclame sa réserve concrète qui vaut 100 pourra réclamer un complément de
200 pour atteindre sa réserve abstraite. Maintenant, s’il réclame sa réserve concrète qui vaut 400 - alors qu’il
pouvait avoir maximum 300 -, il pourra tout de même avoir sa réserve concrète de 400 en usufruit, mais il ne
pourra pas réclamer quelque chose en plus puisqu’il aura déjà explosé sa réserve abstraite. Ainsi, l’idée c’est de
dire qu’il faut en tout cas avoir la possibilité de réclamer sa réserve concrète : si elle est moins importante que
sa réserve abstraite, il peut avoir un complément et si elle est plus importante que la réserve abstraite, il peut
tout de même avoir sa réserve concrète. Ensuite, il peut ne réclamer que sa réserve concrète ou que sa réserve
abstraite : il fait ce qu’il veut.

Ensuite, depuis le 1er septembre 2018, il peut poursuivre le droit au bail : le droit au bail est devenu réservataire
– il est donc désormais ajouté dans sa réserve concrète. Ensuite, autre nouveauté, le conjoint ne peut pas
profiter ou exiger la réduction des donations consenties par son époux ou son épouse à un moment où il n’était
pas encore marié (et donc pas encore potentiellement héritier réservataire). La difficulté visée ici était celle de
l’hypothèse d’un remariage : imaginons un homme qui se remarie sur le tard avec une 2e épouse et qui a des
enfants d’une première union. Il décède un mois après son 2e mariage : la seconde épouse peut réclamer sa
réserve sur la base d’une base de calcul qui intègre toutes les donations faites aux enfants alors qu’elle n’était
même pas encore mariée au moment où les donations ont été faites aux enfants. Ainsi, la solution est très subtile
: l’on intègre quand même les donations dans la masse de calcul pour calculer sa part réservataire mais elle ne
peut pas réclamer d’indemnisation pour les dons effectués avant le mariage. Ainsi, sa part réservataire va se
reporter plus lourdement sur les biens existants. Ainsi, les enfants du 1e lit qui ont reçu des dons avant le mariage
ne vont que pouvoir être inquiété par le conjoint survivant (= payer une indemnisation à celui-ci pour sa réserve),
mais le conjoint survivant aura toujours en grandeur une même réserve puisque, pour calculer le montant de sa
réserve, l’on tiendra compte des donations dans la masse de calcul (art. 915bis, §2/1). Par contre, si des
donataires ont reçu des donations après le mariage, eux, ils peuvent être inquiétés.

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Cette impossibilité de demander la réduction vaut quels que soient les héritiers avec lesquels le conjoint est en
concours (enfant du 1e lit ou du même lit), quelle que soit l’identité du ou des bénéficiaires de la donation et
même si les biens donnés avant le mariage sont le logement familial et les meubles meublants. Ainsi, si une
personne a donné, avant son mariage, à ses enfants – avec réserve d’usufruit – le logement familial, le conjoint
survivant ne pourra pas, dans ce cas de figure, revendiquer sa réserve concrète. Ainsi, il s’agit tout de même
d’une règle qui protège les enfants. En effet, dans le cadre de la réforme, les droits des enfants ont quand même
été diminués en quantité vu que leur réserve a été diminuée mais on a essayé de trouver cet équilibre en
refusant au conjoint survivant la possibilité de réclamer sa réserve héréditaire sur les donations qui auraient été
effectué aux enfants avant le mariage.

o Syllabus :

Outre la réserve « abstraite » décrite ci-dessus, le législateur a voulu garantir au conjoint survivant la
conservation de son cadre de vie, par la mise en place, à son profit, d'un usufruit réservataire sur les « biens
préférentiels ». Ainsi, les libéralités par acte entre vifs ou par testament faites par le défunt ne pourront avoir
pour effet de priver le conjoint survivant de l'usufruit (ou du droit au bail) de l'immeuble affecté au jour de
l'ouverture de la succession au logement principal de la famille et des meubles meublants qui le garnissent (art.
915 bis, § 2 C. civ.), même si la valeur de ces biens dépasse la valeur de la réserve « abstraite » (c'est-à-dire la
moitié de la masse visée à l’article 922 C. civ.). Si les lieux servent en partie au logement et en partie à l'activité
professionnelle, seule la partie affectée au logement sera protégée par l'article 915 bis, § 2. Par « meubles
meublants garnissant le logement principal », on comprend tous les biens meubles qui forment le cadre de vie
de la famille dans sa résidence principale. En sont donc exclus les collections d'art qui n’ornent pas les murs du
logement principal, les meubles garnissant les autres immeubles, les voitures, etc. Ainsi, l’on observera que le
conjoint survivant n'est pas obligé, en se faisant attribuer l'usufruit du logement principal de la famille et des
meubles meublant ce logement, d'utiliser personnellement ces biens (il peut par exemple les mettre en
location). En outre, le conjoint survivant n'est pas obligé de réclamer sa réserve « concrète ». Il peut donc :

® Soit exiger l'usufruit sur les biens préférentiels. Si cet usufruit évalué dépasse la moitié de la masse
visée à l’art. 922 C. civ., le conjoint survivant ne pourra pas exiger une réserve supérieure mais ne sera
pas réduit au montant de la réserve « abstraite » (art. 915 bis, § 2, al. 3 C. civ.).

® Soit exiger l'usufruit sur les biens préférentiels et un complément pour obtenir sa réserve « abstraite »,
si les biens préférentiels ont une valeur inférieure à la moitié de la masse visée à l’art. 922 C. civ.

® soit exiger seulement l'usufruit du logement principal sans les meubles meublants ou le contraire avec
éventuellement le complément pour parfaire sa réserve « abstraite »

® Soit exiger sa réserve « abstraite », sans réclamer sa réserve « concrète ».

b) La suppression totale ou partielle de la réserve du conjoint :

Peut-on supprimer la réserve du conjoint ? A priori, cela semble n’avoir aucun sens puisque la réserve est
justement la part minimale qui doit être garantie à l’héritier. D’ailleurs, en droit belge, l’on ne peut pas supprimer
la réserve de l’enfant, sauf si l’enfant est indigne (voy. supra). En droit romain, il y avait toute une série de raisons
qui permettaient de supprimer la réserve. Ainsi, si l’enfant faisait des mimes, l’on pouvait la lui enlever. En droit
suisse, s’il s’est mal comporté avec sa famille, on peut l’enlever. En droit belge, l’on ne peut pas déshériter ses
enfants. Pour le conjoint survivant, il y a eu tellement de discussion qu’on a fait une réserve à la sauce belge :
on lui a octroyé une réserve mais, dans certains cas de figure, l’on peut la supprimer.

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Dans trois situations, un conjoint peut se voir priver partiellement ou totalement de sa réserve dans la succession
de son époux prémourant. Ces trois cas sont régis par les articles 334 ter (exhérédation des droits successoraux
en cas de survenance d'un enfant « adultérin »), 915 bis, § 2 (privation éventuelle de la réserve concrète en cas
de séparation de fait) et § 3 (exhérédation des droits successoraux en cas de séparation de fait de plus de six
mois) du Code civil.

1) La privation de la réserve abstraite (art. 334ter, al. 3 et 4) :

Cette possibilité d'exhérédation a été insérée par la loi du 31 mars 1987 relative à la filiation. Il a paru anormal
au législateur qu'un époux ayant commis l'adultère et ayant eu un enfant de cette liaison puisse conserver ses
droits successoraux à l'égard du conjoint confronté à l’existence de cette filiation hors mariage, sans faculté pour
ce dernier de le déshériter. Dès lors, à côté de la résolution légale des avantages matrimoniaux et des libéralités
consentis dans le contrat de mariage (art. 334 ter, al. 2 C. civ.), le législateur a prévu une possibilité
d'exhérédation du conjoint adultère. L'époux qui reconnaît un enfant conçu pendant le mariage avec une autre
personne que son conjoint peut être privé par ce dernier de tout ou partie de ses droits successoraux, à
l'exception de la réserve « concrète » (art. 334 ter, al. 3 C. civ.). Il en est de même dans tous les cas où
l'établissement de la filiation par une décision judiciaire fait apparaître la filiation adultérine, soit que cette
filiation est établie à la suite d’une action en recherche de paternité, soit que le caractère adultérin du lien de
filiation est établi à la suite d’une action en contestation de la paternité du mari. L’exhérédation ne joue pas de
plein droit; elle suppose que le défunt ait veillé à exprimer sa volonté de priver le conjoint survivant de ses droits
successoraux. Il le fera en principe dans un testament. Pour des raisons humanitaires, cette exhérédation ne
s'applique pas à la réserve « concrète ».

2) La privation de la réserve concrète du conjoint survivant (art. 915bis, § 2) :

Le législateur s’est préoccupé de régler expressément le sort de la « réserve concrète », dans l’hypothèse où les
époux étaient, au jour du décès du conjoint prémourant, séparés de fait, c’est-à- dire ne cohabitaient plus dans
la même demeure. En ce cas, l’article 915 bis, § 2 du Code civil précise expressément que l'usufruit sur les biens
préférentiels porte sur l'immeuble où les époux avaient établi leur « dernière résidence conjugale » et sur les
meubles meublants qui le garnissent. Toutefois la loi ajoute deux conditions pour que le conjoint survivant
obtienne sa réserve « concrète ». Il faut en effet « que le conjoint survivant y ait maintenu sa résidence ou ait
été contre sa volonté empêché de le faire et que l'attribution de cet usufruit soit conforme à l'équité » (art. 915
bis, § 2 C. civ.). De cette disposition, il résulte que le conjoint survivant séparé de fait ne peut avoir droit à sa
réserve sur les biens préférentiels que dans les cas suivants :

® Si l'époux survivant habitait lors du décès de son conjoint l'immeuble de la dernière résidence
conjugale, l'usufruit portera sur cet immeuble et sur les meubles meublants, sauf si cette attribution
est contraire à l'équité.

® Dans le cas contraire, sa réserve ne pourra porter sur l'immeuble et les meubles meublants précités
que s'il peut démontrer (1) qu'il a dû quitter l’immeuble contre sa volonté, c’est-à-dire en raison du
comportement de l'époux prémourant ou par l’effet de la décision d’un juge (cet élément peut être
prouvé par toutes voies de droit) et (2) que cette attribution n'est pas contraire à l'équité.

Le législateur a voulu par cette règle exclure de la possibilité d'obtenir la réserve « concrète » l'époux survivant
qui, sans manifester de souci pour son conjoint ou pour ses enfants, serait resté absent pendant des années et
qui, dès le décès de celui qu'il a abandonné dans la demeure familiale, viendrait revendiquer l'usufruit de ce
logement. Par « séparation de fait », il convient d'entendre la situation dans laquelle se trouvent les époux qui
volontairement ne vivent plus ensemble : la séparation doit ainsi avoir été décidée de commun accord ou par la
volonté d'un des époux. On observera que dans cette hypothèse, ce n’est pas à la suite d’un acte de volonté du
défunt qu’intervient la privation des droits réservataires du conjoint survivant mais par l’effet de la loi sous le
contrôle du juge. On observera également que cette hypothèse n’est pas à confondre avec la suivante parce
que, lorsque le défunt veille à déshériter le conjoint survivant conformément aux conditions prévues à l’article
915 bis, § 3, il peut le priver de plein droit de sa réserve « concrète ».

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3) La privation de la réserve abstraite et concrète (art. 915bis, § 3) :

Les conditions pour pouvoir priver des deux réserves ont été assouplies en 2017/18, et notamment quand il y a
une séparation de fait de plus de 6 mois ou que l’on a introduit une procédure en divorce – avec d’autres
conditions tout de même. Or, c’est précisément dans ce cas de figure où l’on en aurait eu besoin puisque, a
priori, les époux ne s’entendent plus. Il faut bien se dire que quand il y a un conjoint, il faut d’abord liquider le
régime matrimonial avant de liquider la succession. Ensuite, s’il n’y a rien de spécial de prévu (pas de testament),
l’on applique les règles légales (art. 745bis). Par contre, s’il y a un testament qui a déshérité le conjoint, celui-ci
peut réclamer sa réserve, mais dans certains cas, elle saute en cas d’exhérédation (= déshériter).

L’article 915 bis, §3 C. civ. permet une exhérédation totale du conjoint survivant moyennant le respect de quatre
conditions strictes, modifiées par la loi du 31 juillet 2017. Si toutes les conditions sont réunies, le conjoint
survivant perd son droit à sa réserve autant concrète (portant sur les biens préférentiels) qu'abstraite (la moitié
de la masse de calcul en usufruit). Par ailleurs, les dispositions relatives à l’exhérédation du conjoint survivant
ne sont pas applicables lorsque les époux ont établi les conventions préalables à divorce par consentement
mutuel visées à l’article 1287, al. 3 du Code judiciaire.

A. Les époux doivent avoir été séparés de fait depuis plus de six mois au jour du décès :

Il est nécessaire que les époux soient séparés de fait depuis plus de six mois au jour du décès sans que la
responsabilité de cette séparation n'ait une quelconque importance. La preuve de la séparation de fait peut être
rapportée par toutes voies de droit.

B. Par un acte judiciaire, soit en demandant, soit en défendant, le défunt ou le conjoint survivant
doit avoir soit réclamé une résidence séparée de celle de son conjoint, soit introduit une
demande de divorce sur la base de l’article 229 du Code civil :

L’exhérédation peut intervenir (1) soit lorsque le de cujus ou le conjoint survivant a demandé les résidences
séparées, (2) soit lorsque le de cujus ou le conjoint survivant a introduit une demande de divorce pour désunion
irrémédiable. Il suffit que le testateur ait réclamé cette résidence séparée. Dès lors, même si la demande est
déclarée irrecevable ou non fondée, la condition sera remplie. Il en est de même si la mesure obtenue n'est pas
illimitée dans le temps. Enfin, il importe peu que la résidence séparée ait été réclamée après le début de la
séparation. En effet, si la séparation peut être la conséquence de la demande, il n'en est pas toujours ainsi (la
séparation peut avoir débuté quelques semaines, mois ou années avant la demande en justice).

C. Le défunt doit avoir exprimé sa volonté dans un testament :

Pour que l'exhérédation soit autorisée, le défunt doit avoir exprimé sa volonté dans un testament valable. La loi
ne précise pas à quel moment ce testament doit avoir été rédigé. Rien n’empêche dès lors qu’il soit rédigé avant
l’expiration de la période de 6 mois de séparation ou même avant la séparation proprement dite. La désignation
d’un légataire universel par le défunt constitue une présomption réfragable de sa volonté de priver son conjoint
de ses droits successoraux et réservataires.

D. Les époux ne doivent pas avoir repris la vie commune depuis la demande de résidence séparée :

Les termes « reprise de la vie commune » ne doivent pas s'entendre comme signifiant une simple tentative de
réconciliation manifestée par exemple par une cohabitation passagère; une réconciliation motivée par un nouvel
élan d'affection matrimonial est nécessaire.

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§4. La réserve des descendants en présence d’un conjoint :

Quel est le maximum qu’un conjoint peut recevoir et quel est, a contrario, le minimum que les enfants risquent
d’avoir ? L’article 1094, qui n’a pas été modifié ni 2017, ni en 2018, dit que le conjoint, qui a déjà reçu toute la
quotité disponible, peut recevoir en plus l’usufruit sur le reste. Ainsi, le maximum qu’un conjoint peut recevoir
est la pleine propriété de la quotité disponible (logique). Néanmoins, ce n’est pas parce qu’il a reçu cette pleine
propriété de la quotité disponible qu’il ne peut pas, en plus, recevoir l’usufruit sur le reste. Ainsi, si l’on a un
conjoint et deux enfants, le conjoint aura une moitié en pleine propriété (= quotité disponible) et l’autre moitié
en usufruit et, chaque enfant aura droit à un quart en nue-propriété. Dans ce cas de figure, les enfants ont une
réserve qu’en nue-propriété : cela résulte de l’article 1094. Ainsi, si le bénéficiaire est le conjoint, il peut avoir
un droit d’usufruit sur la réserve des enfants. Par contre, si c’est un tiers, les enfants ont droit à leur réserve en
pleine propriété.

1) Cas où le conjoint survivant est en concours avec des enfants ou descendants du défunt ? Quel est le
maximum que le défunt peut octroyer au conjoint survivant ? :

Le conjoint survivant, en concours avec des enfants ou descendants du défunt, peut recevoir de ce dernier la
quotité disponible, outre ses droits successoraux légaux. L'article 1094 du Code civil prévoit en effet que si le
conjoint survivant, en concours avec des descendants, a reçu par donation ou testament la quotité disponible
en pleine propriété, cette libéralité n'a pas pour effet, sauf disposition contraire du donateur ou testateur, de le
priver de son droit d'usufruit sur le surplus de la succession. Dès lors, le conjoint survivant pourra recevoir au
maximum :

® s'il y a un enfant, une moitié des biens en pleine propriété et une moitié en usufruit; l'enfant ne recevra
qu'une moitié en nue-propriété

® s'il y a deux enfants, une moitié des biens en pleine propriété et une moitié en usufruit; les enfants ne
recevront ensemble qu’une moitié des biens en nue-propriété (et chacun, un quart des biens en nue-
propriété)

® s'il y a trois enfants ou plus, une moitié des biens en pleine propriété et une moitié des biens en usufruit
; les enfants ne recevront ensemble qu’une moitié des biens en nue-propriété (et chacun un sixième
des biens en nue-propriété).

2) Cas où le conjoint survivant est en concours avec un ascendant ou un collatéral du défunt :

Les ascendants et les collatéraux du défunt n’étant pas des héritiers réservataires, un époux peut donner
ou léguer toute sa succession à son conjoint.

§5. Comment calculer la réserve et la quotité disponible ? :


1) Généralités :

Pour pouvoir calculer la quotité disponible, il faut faire la fameuse masse de calcul : biens existants – dettes +
toutes les donations. Les biens existants, ce sont les biens existants au jour du décès : la valorisation se fait au
jour du décès (art. 922). Ensuite, l’on soustrait les dettes et puis l’on ajoute TOUTES les donations, qu’elles soient
manuelles, indirectes, déguisées, authentiques, qu’elles aient été faites à n’importe qui et n’importe quand.
Attention, la réserve ne protège que contre les donations : ainsi, l’on sera parfois en présence d’actes pour
lesquels on ne sait pas vraiment si c’est une donation ou pas – et l’exemple type est l’assurance vie.

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Est- ce que le capital de l’assurance est une donation faite au bénéficiaire ou non ? Il commence à y avoir pas
mal de jurisprudence par rapport à cela : si le capital est raisonnable ou pas, si le bénéficiaire le reçoit du fait
d’un devoir moral ou d’une obligation naturelle, il ne s’agira pas d’une donation. En revanche, si l’on prouve une
intention libérale, ce sera considéré comme une donation. Ainsi, pour toute une série d’actes, il y aura des
discussions en pratique puisque de cela dépendra de savoir s’il faut ou non l’intégrer dans la masse de calcul –
et cela est lié au fait que la réserve ne protège que contre les actes à titre gratuit.

a) Les règles anciennes :

Les règles anciennes sont importantes car si l’on fait des successions plus tard, il faudra encore en liquider sur
la base de l’ancien droit. En plus, même si le décès intervient après le 1er septembre 2018, l’on peut avoir fait
une déclaration de maintien des anciennes règles. A l’époque, en 1804, l’on a considéré qu’il fallait valoriser les
donations au jour du décès, mais dans l’état des biens donnés au jour de la donation. Ainsi, si je reçois une
maison en mauvais état qui vaut au moment de la donation 75 000 euros et que je fais des travaux de sorte
qu’au jour du décès, la maison vaut 125 000 euros, et bien on ne mettra pas 125 000 euros dans la masse de
calcul : il faut tenir compte de l’état de l’immeuble au jour de la donation. Ainsi, il faut évaluer la valeur de la
maison au jour du décès comme si les travaux n’avaient pas été faits (expertise) : il faut comparer à état égal.
Ainsi, il fallait clicher l’état du bien au jour de la donation et l’on valorisait au jour du décès. Or, il y avait des
problèmes : ainsi, parfois, une personne avait un immeuble et deux enfants. Elle disait qu’elle donnait 100 000
euros à un et la maison à l’autre. Ainsi, l’on avait l’impression que l’égalité était respectée : or, quand on doit
valoriser dans la masse de calcul, il fallait prendre la valeur de la maison au jour du décès - qui vaut peut-être
300 000 euros - et la somme d’argent, elle, n’est pas réévalué (-> principe du nominalisme monétaire à art. 895
cciv). Ainsi, ce n’était pas juste.

b) Les règles nouvelles :


1) La règle et ses modalisations :

Au moment d’élaborer les nouvelles règles, il n’y avait pas 36.000 solutions : (1) soit on valorisait au jour de la
donation, (2) soit on valorisait au jour du décès. Chaque système avait ses avantages et ses inconvénients.
Finalement, l’on a retenu la valeur du bien au jour de la donation et cette valorisation vaut non seulement dans
le cadre de la masse de calcul (= masse abstraite qui sert à chiffrer la quotité disponible et la réserve), mais aussi
dans le cadre de la masse de partage (= masse concrète sur laquelle on se base pour distribuer les biens aux
héritiers). Dans les deux masses, il fallait reprendre les donations, mais dans les deux masses, l’on valorise les
donations différemment. Ainsi, le législateur a dit que cela était débile et, en 2017, l’on a donc prévu une règle
uniforme pour calculer les donations de la même manière la masse de calcul et la masse de partage.

Pourquoi au jour de la donation ? L’on s’est dit que c’était plus juste de tenir compte de ce dont le donateur
s’était appauvri – et après, c’est la responsabilité du donataire : s’il fait fructifier ou péricliter le bien, cela le
regarde. Ainsi, c’est plus simple : on sait ce que l ’on a donné et à quelle valeur on l’a donné. Ainsi, il y a ainsi
une sécurité et une prévisibilité juridique que l’on n’avait pas jusqu’à lors : avant, l’on savait la valeur du bien au
jour de la donation, mais l’on ne savait pas ce que cela allait valoir au jour du décès. Et, si l’on avait fait des
travaux au black, l’on n’en tenait pas compte. De même, pour le futur défunt, il ne savait pas trop calculer : s’il
voulait attribuer sa quotité disponible à quelqu’un, il ne savait pas quelle était sa marge de manœuvre. En plus,
c’est plus intéressant économiquement : le donataire va essayer de fructifier.

Ainsi, au final, l’on prend la valeur que l’on reprend est celle mentionnée dans l’acte de don ou exprimée au jour
de la donation. Le code civil ne connait que la donation par notaire : or, en pratique, il y a pleins de donations
qui sont faites hors notaire (ex : don manuel à je te donne mon livre) – et l’on n’a pas voulu dire dans le code
civil qu’on peut faire des dons manuels. Ainsi, sans nommer le mot « don manuel », l’on parle de « valeur
exprimée au jour de la donation » : cela vise le cas des donations qui ne sont pas authentiques. Or, l’on peut très
bien avoir exprimé la valeur de la donation non authentique dans un pacte adjoint (= pacte fait à côté de la
donation manuelle) pour prouver la donation manuelle : cela ne constitue pas la donation - vu que cela ne se
fait que par acte authentique – mais cela prouve la donation.

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Le problème est que nombres de donations ont été faites qui n’ont pas été valorisées dans l’acte. Ainsi, cela
peut paraître plus facile sans faire de pacte adjoint, mais l’idée du législateur était celle-là. Ainsi, il reprend la
valeur mentionnée dans l’acte ou exprimée au jour de la donation, sauf si c’est vraiment complètement
déraisonnable. Le code parle de valeur « intrinsèque » au moment de la donation, soit la valeur du bien compte
tenu de ses qualités inhérentes. Ainsi, si je donne à ma fille un tableau acheté en brocante et si je dis qu’on
valorise à 50 euros, si c’est un Van Gogh, l’on valorise ce que valait ce Van Gogh au jour de la donation – même
si je n’en avais pas connaissance. A l’inverse, si je pensais que c’était un Van Gogh alors que non, je redescends
à 50 euros même si je pensais que c’était un Van Gogh. Finalement, l’on s’est dit que si l’on prenait la valeur au
jour de la donation, cela favorisait ceux qui ont eu une donation longtemps avant le décès car le fait que le coût
de la vie augmente n’est pas très juste. Ainsi, l’on s’est dit que c’était plus juste d’indexer : or, il a fallu choisir
l’indice du coup et l’on a pris l’indice des prix à la consommation car c’est le plus facile et il existe depuis les
années 1920 (ce qui permet d’indexer des donations très anciennes).

2) Les exceptions – valorisation du bien donné au jour du décès :

Au cours des discussions, quelqu’un a eu le malheur de dire que cette règle n’est pas juste quand la personne
n’a pas eu le droit de disposer de la pleine propriété du bien – et donc gérer le bien comme elle l’entendait.
Ainsi, quand la personne n’avait pas la pleine propriété du bien, cette personne estimait qu’il fallait retenir la
valeur au jour du décès. Koen Geens s’est dit « pourquoi pas ? ». Ainsi, l’on a mis un truc incompréhensible dans
la proposition loi de sorte que l’on ne savait pas quand on utilisait la règle et quand on utilisait l’exception. Or,
comme c’était une proposition de loi qui résultait d’un accord gouvernemental, l’on a plus trop changé l’article.
Du coup, l’on a dit que cela n’allait pas et l’on a donc expliqué les choses dans les travaux préparatoires.

Au final, l’idée est de dire que quand la personne n’a pas eu le droit de disposer de la pleine propriété du bien,
l’on valorise alors au jour du décès. Dans les travaux parlementaires, l’on indique qu’elle n’a pas pu en disposer
car elle en était « juridiquement empêchée ». Ainsi, par exemple, quand on a bénéficié d’une donation avec
réserve d’usufruit ou quand il y a une interdiction d’aliéner le bien jusqu’à tel âge ou « tant que je suis en vie »
dans la donation : dans ces cas-là, l’on a été juridiquement empêché de disposer de la pleine propriété du bien.
Et quid quand on a donné avec un retour conventionnel (= clause pour récupérer le bien si le donataire est mort
avant le donateur) ?

Dans ce cas, c’est embêtant car l’homme qui voudrait acheter le bien va voir le retour conventionnel ne va pas
acheter vu qu’il voit le retour conventionnel et sait que s’il joue, son aliénation tombe. Néanmoins, ici, l’on n’est
pas juridiquement empêché : on peut vendre mais l’on aura difficile à trouver un acheteur. Ainsi, dans ce cas,
comme on n’est pas juridiquement empêché de vendre la pleine propriété du bien, ce sera la règle « valorisation
au jour de la donation + indexation » qui s’appliquera. Enfin, si une personne est incapable, elle n’est pas
juridiquement empêchée de vendre la pleine propriété, mais elle devra se faire représenter par quelqu’un. Ainsi,
tous ces exemples sont dans les travaux préparatoires : le législateur veut aller vite, il fait un texte mal torché
puis, si ça ne va pas, il clarifie dans les travaux préparatoires.

§6. L’imputation et la réduction des libéralités :


a) L’imputation des libéralités (art. 922/1 cciv) :

La masse de calcul de l’article 922 est une masse fictive étant donné qu’elle reprend toutes les donations qui
ont été faites mais qui, forcément, ne sont plus dans le patrimoine de la personne. Le seul but de la masse de
calcul est de vérifier si la quotité disponible n’a pas été dépassée et donc, si les droits réservataires des enfants
n’ont pas été atteints. Ainsi, s’il n’y a pas d’héritier réservataire, on ne fait pas le calcul de cette masse
puisqu’alors, tout est disponible – sans partie « réserve ». Ensuite, une fois la masse de calcul évalué, le notaire
partage les biens dans le cadre d’une masse de partage (= la masse réelle). Ainsi, dans la masse réelle (voy. infra),
l’on prend les biens existants à la valeur du jour du partage, les dons rapportables (= les dons faits en avance sur
héritage)39 et le produit de la réduction des donations (= ce qui a dépassé la quotité disponible). Ainsi, si l’on a
mangé une partie de la réserve, ce que l’on a donné en trop (= le produit de la réduction qu’on calcule avec la
masse de calcul) revient dans la masse de partage.

39Ex : Si je donne à ma fille ma voiture et si, après je meurs, mon fils pourra dire à ma fille « Maman a dit que c’était qu’une avance » : il faut
donc en tenir compte pour la remise à égalité.

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Pour savoir s’il y a matière à réduction ou non, il faut imputer (= soustraire de qql part) les donations. Ainsi, l’on
fait la masse de calcul et l’on arrive à un montant final (ex : 600). La quotité disponible est d’une moitié (300) et
la réserve globale est l’autre moitié (300). Ensuite, il faudra imputer (= soustraire) les donations effectuées. Pour
cela, il y a deux possibilités : (1) soit on soustrait de la quotité disponible, (2) soit de la réserve. Comment savoir
s’il faut soustraire de la quotité disponible ou de la réserve ? Cela dépend du point de savoir si la libéralité est
rapportable ou non (voy. infra). De manière large, si l’on fait une donation à un enfant sans rien dire de
particulier, l’on considère que la libéralité est rapportable car l’on présume que le parent n’a pas voulu faire de
différences entre ses enfants. Ainsi, le fait qu’une libéralité soit rapportable ou non a de l’importance pour deux
choses : (1) voir où l’on impute cette libéralité car si elle est rapportable, on l’impute sur la réserve – et c’est
important de le savoir car il faudra reprendre cette libéralité rapportable dans la masse de partage – et si elle
n’est pas rapportable (ex : libéralité à une personne qui ne vient pas à la succession ou précisé non rapportable
pour la voiture à ma fille ), l’on impute sur la quotité disponible – et, dans ce dernier cas, il n’y aura pas de remise
à égalité avec le frère si l’on donne à la fille.

Ainsi, si la libéralité est rapportable, l’on impute sur la réserve envisagée globalement. Pour mieux comprendre,
imaginons que la donation rapportable soit de 250 : comme j’impute sur la réserve globale, l’on soustrait 250
de 300 : il restera 50. Par contre, si je dois imputer 400 (ex : voiture décapotable donnée à la fille), il restera 100
à imputer quelque part (400 – 300 = - 100). Ainsi, l’on va imputer sur la quotité disponible : le surplus (100) sera
imputé sur la quotité disponible – à laquelle il restera 200. En conclusion, si la libéralité est rapportable, l’on
impute en priorité sur la réserve globale et l’imputation pour le surplus, s’il y en a un, se fera sur la quotité
disponible. Et, si la quotité disponible n’est pas suffisante, je réduis – et le montant réduit sera mis dans la masse
de partage. Ensuite, la donation est rapportable pour le tout, même si elle est imputée en partie sur la quotité
disponible. Ainsi, dans le cas de la voiture décapotable de 400, il faudra mettre dans la masse de partage 400,
même si une partie a été imputée sur la quotité disponible. Par contre, s’il y a réduction car je n’ai pas pu imputer
tout le solde sur la quotité disponible, quid alors ? Ainsi, la voiture vaut 700 de sorte que l’on impute 300 sur la
réserve et 400 sur la quotité disponible : au final, il reste 100 à réduire. Qu’est-ce que l’on met dans la masse de
partage dans le poste « don rapportable » ? L’on met tout ce qui a pu être imputé (600) mais l’on ne va pas
mettre là le montant réduit car il ne fait pas partie de la donation rapportable : ainsi, on le met au niveau du
produit de la réduction.

A l’inverse, si la libéralité est non rapportable (= il n’y aura pas de remise à égalité), l’on impute sur la quotité
disponible. En principe, ce sera définitif et l’on n’en parlera plus quand on devra partager la succession : nous
n’en parlerons que si la libéralité excède la quotité disponible car il faudra alors reprendre le produit de la
réduction de la libéralité. Finalement, il faut être attentif au fait que s’il y a un solde à imputer dans la libéralité
non rapportable, ce solde ne pourra pas être imputé sur la réserve : il sera automatiquement réduit. Ainsi, si
j’impute sur la quotité disponible une donation de 500 faites à un enfant en disant que c’était non rapportable.
Il y a 200 qui ont été donné en trop : l’on ne peut pas imputer sur la réserve. Il faut réduire et le montant réduit
est indiqué dans la masse de partage.

Dans quel ordre va-ton imputer ? Il est indiqué dans le code que les libéralités (= donations et legs) s’imputent
dans l’ordre dans lesquelles elles ont été consenties en commençant par la plus ancienne. Ainsi, si l’on a une
donation de 20 euros qui est faite en 2002 ; une donation de 50 qui est faite en 2010 : l’on se rend compte très
vite que plus la donation est ancienne, moins grand est le risque de réduction. Or, c’est logique au niveau de la
sécurité juridique : l’on veut protéger les donations les plus anciennes. Ainsi, a contrario, au niveau de la
réduction, ce sont les libéralités les plus récentes qui seront réduites en premier. Finalement, les legs, eux,
s’imputent à la date d’ouverture de la succession. Néanmoins, il faut être attentif : si l’on a à imputer à la fois
une assurance-vie de 100 (tuyau ! à art. 188 loi 4/4/14 = donation indirecte) et un legs de 100, si la donation
indirecte est non rapportable, et si le legs est non rapportable, l’on va imputer dans quel ordre ? Le capital
d’assurance sera reçu par le bénéficiaire au jour du décès et le legs, la personne le reçoit aussi au jour du décès.
Néanmoins, l’on commence par imputer le don, et puis seulement le legs (art. 921).

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b) La réduction des libéralités :

S'il apparaît, après calcul de la masse fictive, que le défunt a réalisé des libéralités dépassant la quotité
disponible, les héritiers réservataires lésés pourront agir en réduction des libéralités excessives (art. 920 C. civ.).

1) Les titulaires de l’action en réduction (art. 921) :

Les titulaires de l’action en réduction sont les héritiers réservataires seuls (art. 921 cciv).

2) L’ordre de réduction (art. 923) :

Si une réduction doit s'opérer, elle se fera dans un ordre bien précis. Ainsi, l’ordre à suivre est le suivant (art.923
C. civ.) : tout d'abord, on réduira les legs, proportionnellement (sauf si le testateur en a décidé autrement).
Ensuite, on réduira les donations par ordre de date. La plus récente est réduite avant les précédentes et ainsi
de suite. Pour les donations réalisées en même temps, la réduction se fera proportionnellement (sauf si le
donateur en a décidé autrement).

3) Le mode de réduction :
A. Les principes et exceptions (art. 920) :

Quid en cas de réduction, soit dans l’hypothèse où la quotité disponible a été dépassée et qu’il faut réduire ?
Sous l’empire du Code civil, la réduction se faisait en principe en nature (et était liée au fait que la réserve était
due en nature). La réduction était une résolution partielle ou totale de la donation ou du legs. La grande
nouveauté en 2017 a été l’introduction de la réduction en valeur nonobstant toute stipulation contraire. Ainsi,
certains experts voulaient maintenir une réduction en nature, et d’autres voulaient prévoir une réduction en
valeur. Pourquoi une réduction en nature ? L’idée était de dire qu’en tant qu’héritier réservataire, l’on est
héritier à part entière et l’on a donc droit aux biens. Ainsi, si l’on est déshérité, l’on pourrait récupérer les biens,
et le cas échéant, les récupérer chez les donataires40. Ainsi, ce n’était pas très bon pour la sécurité juridique (ex :
revente des biens par le donataire). La réduction, en valeur, elle, embêtera peut-être aussi le donataire, mais il
pourra se libérer en valeur41. Néanmoins, l’on peut comprendre qu’il soit terrible pour un enfant de se voir
complètement déshérité et ne pouvoir recevoir aucun souvenir, sinon de l’argent. De même, si l’on lègue tout
à une tierce personne, dans laquelle il n’y a que des œuvres d’arts, pourquoi ne pourrait-on pas réclamer la
réserve en nature dans ce cas de figure ?

Ainsi, la réserve en nature était embêtante : c’est vrai, mais il y avait des exceptions. Désormais, l’on passe à une
réserve en valeur qui est, en pratique, plus facile mais qui nie le fait que l’héritier réservataire est un héritier à
part entière qui pourrait avoir droit aux biens. Or, ici, il n’a droit qu’à une indemnisation avec le risque, qu’à
terme, on lui dise qu’il n’y a plus de réserve du tout et qu’il n’y a plus qu’une créance alimentaire, en cas de
besoin. Est-ce qu’on ne serait pas dans un détricotage qui mènera à ce qu’il n’y ait plus de réserve pour l’enfant ?
Le code insiste en disant que c’est « nonobstant stipulation contraire » : c’est impossible pour le donateur de
mettre dans son testament que la réduction aura lieu en nature. La réduction a lieu en valeur en principe et l’on
ne peut pas imposer la réduction en nature. Il y a tout de même des exceptions où la réduction a
exceptionnellement lieu en nature :

è Lorsque la libéralité à réduire est un legs (= il y a eu un testament) dont le bénéficiaire n’est pas un
héritier (= qui a été faite à un tiers à la famille), l’on peut récupérer le bien proprement dit. Par contre,
si le legs a été fait à un enfant, celui-ci a la garantie de garder ce legs si cela excède la quotité disponible :
il ne devra qu’une somme d’argent, mais pas le bien proprement dit (art. 92à, §4)

40 Ex : Ainsi, si j’ai une réserve de 300, qu’il y a un seul enfant qui a droit à 300 et qu’il est complètement déshérité : s’il n’y a des biens
existants que pour 100, il ira chercher les 200 manquants chez les donataires.
41 Ex : J’ai deux enfants et une maison qui vaut 600 000 euros. Ainsi, si je donne la maison à mon fils dans un testament, avec la réserve en

nature, ma fille peut en théorie réclamer la maison au même titre que le frère. Or, cela reste lettre morte cette réserve en nature vu qu’il y
a qu’un immeuble et qu’il faut de toute façon le vendre. Ainsi, la réserve en nature est ici impraticable car l’on n’est pas sûr qu’un enfant
aura la maison. Pour certains, ce serait mieux de léguer au fils la maison qui va indemniser sa sœur : ainsi, l’n a la garantie que le fils a la
maison.

56
è Lorsque le gratifié (= donataire) le demande : mais quel est le gratifié qui va préférer se dépouiller du
bien plutôt que de verser une indemnisation ? En France, l’on voit que certains gratifiés préfèrent
rendre le bien que verser une somme d’argent (art. 920, §2à.

è En ce qui concerne la réserve concrète du conjoint survivant, comme elle porte sur le logement familial
et les meubles meublants (= biens préférentiels), la réserve sera due en nature (art. 920, §2). Or,
certains disent que du coup, ce n’est pas juste pour les enfants.

B. Les modalités de la réduction en valeur (art. 924) :

Lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié est tenu d’indemniser les héritiers réservataires à
concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit le montant de cet excédent. Les modalités de
la réduction en valeur sont reprises à l’article 924. Ils vont être indemnisés à concurrence de ce qui dépasse la
quotité disponible : l’article explique comment cela marche. Ainsi, si le débiteur de la réduction est un héritier,
l’on dit qu’il payera l’indemnité « en moins prenant » : ainsi, au lieu de verser une somme d’argent, il prendra
moins dans les biens existants (bête de lui dire de verser une somme d’argent puis de prendre les biens). S’il
s’agit d’un héritier réservataire, elle a lieu en priorité par imputation sur les droits réservataires. En principe,
l’indemnité est payable au plus tard au moment du partage, sauf accord contraire entre les cohéritiers.

C. L’insolvabilité du débiteur de la réduction (art. 924, al. 3 et 4) :

Qu’est-ce qui se passe si le débiteur de la réduction (= la personne qui a reçu en trop) est insolvable ? La loi
limite le droit de suite (= possibilité de suivre le bien en quelque main qu’il passe) à l’hypothèse où le bien a été
aliéné à titre gratuit et pour autant que les héritiers réservataires n’aient pas consenti à cette aliénation à titre
gratuit des biens donnés (conformément aux règles relatives aux pactes successoraux). Ainsi, si a une personne
a reçu un bien qui excède la quotité disponible, l’on va s’adresser à elle :

è Avant, si elle était insolvable et si elle avait vendu le bien, si c’était un immeuble, l’on pouvait aller le
rechercher chez l’acquéreur de l’immeuble (art. 930 à rare à abrogé).

è Maintenant, ce droit de suite n’est plus possible que lorsque le donataire a aliéné le bien à titre gratuit.
Ainsi, l’on peut s’adresser au nouveau propriétaire du bien s’il a reçu le bien par donation. En effet, l’on
se dit que ce n’est pas dramatique pour lui. Ainsi, la réserve est moins efficace mais l’on sauvegarde la
sécurité juridique.

D. La prescription de l’action en réduction (art. 928) :

Pour la prescription, tout est dans le code : avant, c’était 30 ans (action réel à art. 2262) alors que désormais,
ce n’est plus nécessairement 30 ans : cela dépend contre qui l’action en réduction est dirigée. La loi du 31 juillet
2017 instaure un nouveau régime de prescription de l’action en réduction et distingue selon que l’action en
réduction est dirigée à l’encontre d’une libéralité consentie à un cohéritier ou à l’encontre d’une libéralité
consentie à un tiers.

o L’action en réduction dirigée à l’encontre d’une libéralité consentie à un cohéritier :

Il s’agit ici de l’action contre un bénéficiaire qui est partie à la procédure de liquidation-partage amiable ou
judiciaire de la succession. L’action se prescrit par 30 ans à dater du décès. Toutefois, les héritiers réservataires
sont déchus du droit de demander la réduction lorsque, ayant connaissance de l’atteinte portée à leur réserve,
ils n’ont pas demandé la réduction au jour de la clôture de la liquidation-partage de la succession.

o L’action en réduction dirigée à l’encontre d’une libéralité consentie à un tiers :

L’action se prescrit par deux ans à dater de la clôture de la liquidation-partage de la succession pour autant que
ladite liquidation ait fait apparaître l’atteinte portée à la réserve des héritiers réservataires ou, en toute
hypothèse, par 30 ans maximum à compter du décès.Toutefois, les tiers bénéficiaires de libéralités peuvent
mettre les héritiers réservataires en demeure de se prononcer quant à une éventuelle réduction.

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En ce cas, les réservataires disposent (1) d’un délai d’1 an (à dater de cette mise en demeure) pour se prononcer
sur le principe de la réduction et (2) d’un délai de 2 ans (à dater de leur déclaration relative au principe de la
réduction) pour formuler la demande de réduction et en déterminer le montant. Par ailleurs, l’article 924, al. 5
nouveau du Code civil prévoit toutefois que les héritiers réservataires ne peuvent agir en réduction des legs dont
ils ont consenti la délivrance en connaissance de l’atteinte portée à leur réserve. Les autres libéralités ne peuvent
toutefois, en pareille hypothèse, subir une réduction plus importante que celle qu’elles auraient subir en
l’absence d’une telle délivrance.

E. Les pactes successoraux relatifs à l’action en réduction :


A côté des anciens pactes, il y a de nouveaux pactes concernant la réserve et il y en a 4 qui concernent
spécialement l’action en réduction : l’on y applique les règles générales des pactes successoraux.

I. La renonciation anticipée à l’action en réduction (art. 918 cciv) :

L’article 918 nouveau du Code civil prévoit la possibilité pour les héritiers réservataires de renoncer
anticipativement à leur action en réduction à l’encontre d’une ou de plusieurs libéralités déterminées. La
renonciation a lieu in concreto, c’est-à-dire à l’égard de libéralités qui doivent être désignées dans l’acte de
renonciation. L’identité du bénéficiaire de la libéralité est indifférente (successible en ligne directe ou non) de
même que la nature des droits transmis (droit en pleine propriété, nue-propriété). La renonciation est
irréfragablement présumée ne pas constituer une libéralité. La renonciation est personnelle et ne produit ses
effets qu’à l’égard de l’héritier réservataire renonçant. La renonciation est sans effet sur le caractère
éventuellement rapportable de la donation. La renonciation se fait par une déclaration unilatérale de l’héritier
réservataire, laquelle peut intervenir soit dans l’acte de donation soit postérieurement à celui-ci. Malgré la
renonciation à l’action en réduction par tout ou partie des héritiers réservataires, la donation concernée doit
être comptabilisée dans la masse de calcul de l’article 922 du Code civil. La renonciation à l’action en réduction
ne peut en effet avoir pour conséquence de faire subir aux autres libéralités une réduction plus importante que
celle qu’elles auraient subie en l’absence d’une telle renonciation. Concrètement, l’imputation de la donation (à
la réduction de laquelle il a été renoncé) se fera, selon le cas, sur la réserve globale ou sur la quotité disponible,
même si la donation ne donnera pas lieu à réduction.

La renonciation anticipée à l’action en réduction est un pacte qu’un héritier réservataire va accepter de conclure.
Dans ce pacte, il accepte de ne pas agir en réduction face à cette donation. Ainsi, je veux faire une donation à la
ligue contre le cancer et je fais une énorme donation. Ainsi, je fais intervenir les enfants, soit dans le cadre de la
donation, soit par acte séparé. Par cela, mes enfants renoncent anticipativement à mon décès à agir en réduction
contre la donation - si elle devait excéder la quotité disponible. En effet, c’est dangereux pour les enfants de
faire ce genre de choses mais au moins, la paix des familles est sauvegardée. En réalité, ils n’ont pas beaucoup
d’intérêt de faire cela, mais il y aura parfois beaucoup de pression de la part du parent (ex : « je peux réduire ta
réserve », « je peux faire une grosse donation à ton demi-frère »). De base, c’était prévu pour les enfants
handicapés : ils ont souvent besoin de plus d’argent pour vivre et l’idée était de permettre aux parents de
conclure un accord avec les enfants par lequel ils s’engageaient à ne pas remettre en cause la donation faite à
cet enfant handicapé (échec en France).

En réalité, c’est peu comme le pacte global, mais c’est pour une donation en particulier. L’article 918 ancien était
libellé différemment auparavant : il est maintenu en vigueur par les dispositions transitoires. Néanmoins, c’était
le même principe (= renoncer à agir en réduction) mais cet article était terriblement vicieux : les enfants
signaient sans savoir ce qu’ils signaient. Maintenant, cette renonciation doit faire l’objet d’un pacte successoral
avec toutes les formalités des pactes (acte notarié, une réunion commune fixée par le notaire dans les 15 jours,
un mois avant que l’acte se conclue après la réunion). Ainsi, a priori, l’on veut que les héritiers réservataires
puissent être conscients de ce qu’ils signent. Ainsi, l’on a hésité à garder cela : finalement, l’on s’est dit que cela
pouvait être une bonne chose mais qu’il fallait savoir ce qu’ils signent. Ainsi, si l’on ne parvient pas à faire un
pacte global qui reprend a priori toutes les donations, l’on peut, de manière ponctuelle, accepter de renoncer à
agir en réduction. Est-ce que cela aura du succès ? Actuellement, l’on ne sait pas puisque ce n’est possible que
depuis le 1er septembre 2018.

58
II. La renonciation au recours à l’encontre des tiers acquéreurs à titre gratuit des biens donnés (art. 924,
al. 4 cciv) :

Le tiers acquéreur à titre gratuit d’un bien peut être ennuyé par l’héritier réservataire en cas d’insolvabilité du
donataire débiteur de la réduction, quand il a reçu le bien à titre gratuit sauf, si les héritiers réservataires se sont
engagés à ne pas l’ennuyer : l’on peut aussi renoncer au recours que l’on pourrait introduire à l’encontre de ces
tiers acquéreurs en consentant à l’aliénation à titre gratuit des biens donnés - le consentement doit être donné
soit dans l’acte de donation lui-même, soit par une déclaration expresse postérieure. Par contre, s’ils sont à titre
onéreux, il n’y a pas besoin de renoncer étant donné qu’il n’y a pas de recours.

III. La fixation de la valeur (indexée) du bien donné au jour de la donation (art. 858, §5, al. 1 auquel
renvoie l’art. 922 C. civ.)42 :

Par ce pacte, l’on peut se mettre d’accord pour fixer la valeur du bien donné au jour de la donation. Ainsi, s’il y
a un tableau d’art que l’on donne et pour lequel on ne sait pas comment le valoriser, pour ne pas qu’il y ait de
problème au jour de mon décès, je préfère que l’on se mette d’accord à l’avance sur sa valeur. Ainsi, l’on fait
intervenir les cohéritiers et l’on se met d’accord sur la valeur du tableau de sorte que l’on ne pourra plus la
mettre en cause – même si elle sera évidemment indexée. Ce pacte peut intervenir soit dans l’acte de donation
lui-même, soit postérieurement, dans une convention conclue entre le cohéritier présomptif, le donateur et le
donataire. Ce pacte n’emporte pas renonciation au droit de demander la réduction de la donation.

IV. La fixation de la valeur (indexée) du bien donné au jour de la donation malgré l’application de la règle
de la valorisation au jour du décès (art. 858, §5, al. 2 auquel renvoie l’art. 922 C. civ.) :

Les cohéritiers du donataire peuvent accepter que la prise en compte d’une donation pour laquelle le donataire
n’a pas eu le droit de disposer de la pleine propriété du bien donné dès le jour de la donation, se fera de la valeur
du bien au jour de la donation, indexée jusqu’au jour du décès. La règle, pour la valorisation d’une donation, est
la valeur du bien donné au jour du décès + indexation. L’exception est la valeur au jour du décès quand on n’a
pas eu la maitrise de la valeur du bien donné. Or, si l’on est dans l’exception, l’on peut malgré tout, par un pacte,
vouloir retourner à la règle. Ainsi, l’on s’est dit que si tout le monde est d’accord pour valoriser au jour de la
donation + indexation, qu’ils puissent le faire par le biais d’un pacte. Cette valeur s’imposera à tous les autres
héritiers uniquement s’ils l’ont accepté dans l’acte de donation ou par une convention postérieure. Ce pacte
n’implique pas non plus une renonciation au droit de demander la réduction de la donation en question.

42Les deux derniers pactes vus ici (point III et point IV) valent, pour la matière de la réserve et de la réduction parce que l’article 922 du
code civil renvoie à un article 858 qui, lui, concerne le rapport. Ainsi, beaucoup croient que les deux pactes concernent uniquement le
rapport, mais non : ils concernent aussi la réserve !

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Chapitre 4e. La transmission de la succession43 :

Comment va-t-on donner un nouveau titulaire aux droits et obligations du défunt ? La loi organise le transfert
de l’actif et le transfert du passif. Pour le transfert de l’actif, il y a trois choses à bien distinguer :

è Le transfert de l’actif au niveau de la propriété (>< possession) : il s’agit d’une question qui est lié à
l’option successoral (= droit de renoncer à la succession). En effet, la succession est un mode volontaire
d’acquisition de la propriété. Dans l’option successoral, nous avons la possibilité d’accepter la
succession purement et simplement (= fusion des patrimoines à peut se faire de façon tacite si se
comporte comme s’il acceptait), d’accepter sous bénéfice d’inventaire44 ou de simplement refuser la
succession (à il faut aller chez le notaire qui fait un acte de renonciation). En pratique, il faut être
attentif au fait que si A renonce, désormais (2012), la substitution a lieu aussi en cas de renonciation
de sorte qu’il faut aussi faire renoncer l’enfant de A : il faut des renonciations en cascade.

è La problématique de la mise en possession et de l’appréhension des biens successoraux se distingue.


En effet, ce n’est pas parce que l’on est devenu propriétaire sur papier que l’on peut prendre
matériellement possession des biens. Il y a trois possibilités pour prendre possession des biens (saisine,
envoi en possession, délivrance de legs), étant entendu que l’héritier légal, lui, a la saisine - sauf l’État.
En effet, tous les héritiers légaux ont la saisine : ils peuvent prendre possession du bien.

è La transmission du passif où il faut distinguer la question de l’obligation à la dette (qui doit payer à
l’égard du créancier) et la question de la contribution à la dette (comment on répartit la dette entre les
créanciers à voy. cours de droit des obligations).

La transmission de la succession est l’ensemble des faits et des actes juridiques qui ont pour effet de donner un
ou des nouveaux titulaires aux droits et aux obligations du défunt. C’est une des parties de l’ensemble du
règlement successoral. La liquidation de la succession (voy. infra) permettra de déterminer et de chiffrer les
droits auxquels chacun des successeurs pourra prétendre dans la succession, en appliquant soit les règles de
dévolution légale, soit les règles de la dévolution volontaire à l’ensemble des biens et des dettes composant le
patrimoine successoral. Le partage attribuera quant à lui tel et tel bien et éventuellement telle ou telle dette à
tel et tel héritier. Ces deux étapes ne se conçoivent cependant pas sans l’existence de règles qui permettent de
s’assurer que les successibles reçoivent effectivement les biens et créances auxquels ils ont droit et deviennent
les nouveaux titulaires des obligations auxquelles ils succèdent. L’ancien propriétaire et titulaire, le de cujus,
n’est évidemment plus à même d’effectuer cette transmission. C’est donc la loi qui organise le transfert de l’actif
d’une part, pour lequel il faut distinguer entre le transfert de la propriété et le transfert de la possession, et la
transmission du passif du de cujus, d’autre part.

1. La transmission de la propriété des biens successoraux et l’option des successibles :


§1. L’option héréditaire :
a) Notions générales :

Dans le système mis en place par le Code Napoléon, la transmission de la propriété des biens (et des dettes) du
défunt s’opère à son ou ses successeurs – légaux ou volontaires – dès le décès du de cujus, mais sous la réserve
toutefois qu’ils acceptent la succession. La succession est en effet, dans la perspective libérale qui a été celle du
Code Napoléon, un mode volontaire d’acquisition de la propriété. Toute personne a le droit de décider elle-
même si elle veut acquérir des biens et, corrélativement, supporter des dettes. Il en résulte que les successeurs
peuvent effectuer un choix entre trois possibilités :

® L’acceptation pure et simple de la succession ;


® L’acceptation sous bénéfice d’inventaire de la succession ;
® la renonciation à la succession. -

43Il s’agit d’un chapitre qui est vu rapidement : c’est matière d’examen, mais pour le reste, il faut lire dans le syllabus.
44L’avantage est que s’il y a plus de passif que d’actifs dans la succession, vous ne serez pas tenu sur votre propre patrimoine des dettes du
défunt (>< acceptation pure et simple) : l’on ne touchera pas à votre propre actif du fait de la séparation entre les patrimoines.

60
b) Titulaires du droit d'option :

En principe, seuls les successibles peuvent opter dès l'ouverture de la succession. L’option est ainsi accordée aux
héritiers légaux, aux légataires et institués contractuels universels ou à titre universel. Une réserve doit
cependant être faite à propos du légataire à titre particulier qui ne peut qu'accepter son legs ou le répudier. Il
n’a pas la possibilité de ne l’accepter que sous bénéfice d’inventaire, dès lors que, comme on l’indiquera ci-
après, il ne recueille jamais le passif de la succession. Par ailleurs, lorsque l’option héréditaire est exercée au
nom d’un incapable par son représentant légal, celui-ci ne peut, s’il entend accepter la succession, ne que
l’accepter en principe que sous bénéfice d’inventaire (art. 776 C. civ.) moyennant l’autorisation du juge de paix.
L’objectif est bien sûr d’éviter qu’en raison de l’option qui aurait été exercée par son représentant légal, un
incapable puisse se retrouver tenu de supporter un passif supérieur à l’actif. Dans l’hypothèse d’un incapable
majeur, soumis au régime de représentation mis en place par la loi du 17 mars 2013, le juge de paix peut, par
une ordonnance motivée, octroyer l’autorisation d’accepter purement et simplement, compte tenu de la nature
et de la consistance du patrimoine hérité et pour autant que les bénéfices soient manifestement supérieurs aux
charges du patrimoine hérité. L’objectif est d’éviter les frais d’inventaire, particulièrement dans les petites
successions. Voy. l’article 499/7, §2, 5° et 6° C. civ. Il en va de même pour le mineur non émancipé (art. 410, §§1
à 5 C. civ.).

En raison du caractère personnel de l’option héréditaire, les créanciers d’un des héritiers ne peuvent a priori
que le laisser exercer lui-même l’option qui lui paraîtra la plus adéquate. Afin toutefois d’éviter qu’un héritier
n’ait renoncé à la succession qu’avec l’objectif d’empêcher ses créanciers de pouvoir se faire payer leurs
créances, l’article 788 du Code civil prévoit que : « les créanciers de celui qui renonce au préjudice de leurs droits
peuvent se faire autoriser en justice à accepter la succession du chef de leur débiteur, en son lieu et place ».
Pareille autorisation n’aura cependant pour effet que de permettre aux créanciers de se payer sur les biens que
leur débiteur aurait recueillis dans la succession à concurrence seulement de leurs créances, sans que le débiteur
lui-même ne recueille à proprement parler la succession. Il n’y a donc là, en réalité, qu’une application
particulière de l’action paulienne (art. 1167 C. civ.) : la renonciation est inopposable aux créanciers à
concurrence de leurs créances.

c) Caractères de l'option héréditaire :

L'option héréditaire présente les caractères suivants. Elle est libre : l'option est un droit qui appartient au
successible. Le défunt ne peut lui imposer un choix déterminé. Elle est individuelle : chaque successible exerce
son option selon son propre choix et n'est nullement lié par le choix effectué par les autres successibles. Elle est
indivisible : la succession ne peut pas être acceptée pour partie et répudiée pour partie. Elle ne peut être
modalisée : le successible ne peut affecter son option d'un terme ou d'une condition, ni formuler des réserves.
L'option est un mécanisme légal dont les effets sont entièrement fixés par la loi. Elle est transmissible par décès
: si le successible décède avant d'avoir exercé son option, celle-ci est transmise à ses propres héritiers (art. 781
C. civ.). Elle est irrévocable : celui qui a opté ne plus revenir sur sa décision.

Ainsi, l’héritier qui a accepté purement et simplement la succession ne pourra plus l’accepter sous bénéfice
d’inventaire ou y renoncer. L’héritier qui a accepté la succession sous bénéfice d’inventaire ne pourra plus y
renoncer. L’héritier qui a renoncé ne pourra plus accepter la succession. Néanmoins, cette règle connaît
cependant deux exceptions. D’une part rien n’empêche l’héritier qui aurait expressément accepté une
succession sous bénéfice d’inventaire de renoncer ultérieurement à ce bénéfice, parce qu’il se serait rendu
compte, par exemple, que les dettes de la succession étaient beaucoup moins importantes que ce qu’il pouvait
redouter, et de devenir ainsi héritier pur et simple. D’autre part, l’article 790 du Code civil permet à un héritier
qui aurait renoncé à la succession de se rétracter et d’accepter la succession si, entretemps, aucun n’autre
héritier ne l’avait encore acceptée. Enfin, elle est rétroactive : l'effet de l'option exercée remonte au jour de
l'ouverture de la succession (art. 777 C. civ.).

61
d) Délai de l'option :

L'option se prescrit par trente ans à compter de l'ouverture de la succession (art. 789 C. civ.). Ce délai est soumis
aux causes ordinaires de suspension et d'interruption de toute prescription. L'héritier dispose aussi d'un délai
minimal de réflexion. Il a trois mois pour faire inventaire et quarante jours pour délibérer sur son acceptation
ou sur sa renonciation, soit trois mois et quarante jours à compter de l'ouverture de la succession (art. 795 C.
civ.). Durant ce délai, l'héritier ne peut être contraint à prendre qualité et aucune condamnation ne peut être
obtenue contre lui (art. 797 C. civ.). Il dispose ainsi, si une procédure judiciaire avait été introduite avant le décès
du de cujus ou est introduite après son décès par un des créanciers de la succession, d'une exception dilatoire
qui lui donne le droit de demander la suspension de l'instance jusqu'à l'expiration des délais et de ne proposer
ses moyens de défense et exceptions qu'après cette échéance (art. 853 C. jud.). Cette exception vaut tant à
l'égard des créanciers de la succession que des légataires et des cohéritiers. Ces délais expirés, l'héritier pourrait
encore demander au tribunal saisi un nouveau délai qui lui sera accordé selon les circonstances (art. 798 C. civ.).
Après l’expiration définitive de ces délais de réflexion, les créanciers pourront alors le faire condamner à payer
les dettes de la succession et, s’il n’avait toujours pas entretemps choisi de renoncer à la succession ou de
l’accepter sous bénéfice d’inventaire, il deviendra héritier pur et simple à l’égard du ou des créanciers qui auront
obtenu sa condamnation (art. 800 C. civ.).

§2. L'acceptation pure et simple de la succession :


a) Modalités de l'acceptation :

L'acceptation peut être volontaire ou forcée :

® L'acceptation volontaire se réalise de deux manières. Elle est expresse lorsque, dans un acte écrit,
authentique ou sous seing privé, le successible prend la qualité d'héritier (art. 778 C. civ.). Il n'est pas
nécessaire que cet acte ait été dressé spécialement pour constater l'acceptation. Elle est tacite quand
l'héritier fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter, et qu'il n'aurait le droit de
faire qu'en sa qualité d'héritier (art. 778 C. civ.). Ainsi, les actes de disposition font présumer l'existence
d'une acceptation, sauf à l'héritier à prouver le contraire Par contre, les actes conservatoires, de
surveillance et d'administration peuvent être accomplis sans qu'on puisse en conclure une acceptation
tacite de la succession, sauf s'ils sont accompagnés d'une prise de qualité (art. 779 C. civ.) (exemples:
interrompre les prescriptions, vendre des denrées périssables, faire apposer les scellés, demander de
faire l'inventaire, remplir des déclarations fiscales, faire des réparations nécessaires très urgentes,
payer les notes d'électricité et de gaz, ...). Il appartient, en définitive, aux tribunaux de déterminer si un
acte accompli par le successible constitue une acceptation tacite de la succession.

® L'acceptation peut être forcée dans trois cas :

§ Lorsque l'héritier s'est rendu coupable de recel ou de divertissement de biens de la succession,


il est déchu de la faculté d'y renoncer et est privé de tout droit dans les objets recelés ou
divertis (art. 792 C. civ). Le recel ou le divertissement est l'acte de garder ou le fait de
s'approprier des biens qui dépendent d'une succession ou qui doivent y être rapportés au
préjudice des cohéritiers, des créanciers ou des légataires. Le recel et le divertissement
comprennent deux éléments constitutifs, un élément matériel (toute conduite qui a pour effet
de rompre l'égalité du partage) et un élément intentionnel (volonté de diminuer l'actif
successoral au détriment des autres héritiers ou des créanciers). L'appréciation de l'élément
intentionnel suscite quelques difficultés. On considère généralement que l'intention sera
établie lorsque, lors de la clôture de l'inventaire, l'existence des biens successoraux n'a
toujours pas été révélée. On laisse ainsi une faculté dite de « repentir », c’est-à-dire la
possibilité de reconnaître les faits avant la clôture de l'inventaire et de bénéficier de
l'immunité. Le recel ne se consommerait qu'en fin d'inventaire lors de la prestation de
serment. Cette prétendue faculté de repentir, qui ne résulte d’aucune disposition légale, est
critiquable. On pourrait parfaitement considérer qu’il y a déjà eu recel ou divertissement,
chaque fois qu’un des héritiers s’est matériellement organisé avec l’objectif et l’intention de
cacher à ses cohéritiers ou aux créanciers de la succession certains avoirs de la succession,

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sans qu’il faille attendre la fin de l’inventaire pour que pareil recel n’ait existé. C’est en ce sens
que s’est prononcée la Cour de cassation, dans un arrêt du 31 mai 2010. Il n’est nullement
nécessaire d’attendre la clôture de l’inventaire pour, le cas échéant, conclure à un recel. Il
suffit que les opérations de liquidation, y compris les liquidations à l’amiable, soient entamées
et que l’intention frauduleuse du receleur soit établie. Raisonner autrement reviendrait à
ajouter une condition que l’article 792 du Code civil n’impose pas. « L’inventaire n’est pas une
condition du recel, mais il en est la preuve ; celle-ci peut cependant résulter d’autres
circonstances ». Les sanctions du recel sont (1) la perte de la faculté de renoncer à la
succession et l'acceptation pure et simple de la succession, même si le passif successoral
excède l’actif successoral et (2) la restitution des biens recelés ou divertis et la perte de tout
droit sur ceux-ci. Enfin, l'article 792 du Code civil relatif au recel s'applique non seulement aux
successeurs ab intestat mais aussi aux légataires ou institués contractuels universels ou à titre
universel. Seul le successeur à titre particulier y échappe. Quant au conjoint survivant, même
s'il n'a droit qu'à un usufruit sur une partie de la succession, il peut aussi être condamné pour
recel successoral. Il est, en effet, admis que ce dernier est un successeur universel (même s'il
ne recueille que l'usufruit de la succession).

§ Lorsque le successible a tardé à exercer son option, un créancier successoral, un légataire ou


un cohéritier peut le faire condamner en qualité d'héritier pur et simple (art. 800 C. civ.) (voy.
supra). Mais il n'aura cette qualité d’héritier pur et simple qu'à l'égard de celui qui a obtenu sa
condamnation (en vertu de l’effet relatif des jugements (art. 23 C. jud.).

§ Contrairement aux deux premiers cas d’acceptation forcée, applicables à tous les successibles,
le troisième cas d’acceptation forcée ne vise que le conjoint survivant et le cohabitant légal
survivant. Il est énoncé à l’article 1240 ter du Code civil. Moyennant le respect des conditions
énoncées par cette disposition, le conjoint survivant ou le cohabitant légal survivant peut, dès
l’ouverture de la succession, se faire remettre par le banquier la moitié des soldes créditeurs
des comptes bancaires23, avec un plafond de 5.000 euros, sans même se prévaloir d’un acte
d’hérédité ou d’un certificat d’hérédité et sans être tenu d’attendre le déblocage des comptes
(art. 97 du Code des droits de succession). S’il se fait remettre une somme supérieure au
montant autorisé, il perd toute part dans le patrimoine commun, l’indivision ou la succession,
à concurrence de la somme prélevée au-delà du montant autorisé. En outre, il est déchu de la
faculté de renoncer à la succession ou de l’accepter sous bénéfice d’inventaire.

b) Les effets de l'acceptation :

L'acceptation pure et simple a pour effet d'une part, d'épuiser le droit d'option et d'autre part, de réaliser la
confusion des patrimoines. L'acceptation pure et simple de la succession étant irrévocable, l'héritier ne peut
plus renoncer à la succession ou l'accepter sous bénéfice d'inventaire. Parallèlement, l'héritier absorbe les biens
du défunt dans son patrimoine et reprend à son compte les dettes du défunt. Ainsi, après l'acceptation pure et
simple, on ne peut plus distinguer juridiquement dans le patrimoine de l'héritier les éléments successoraux des
éléments propres. En outre, par son acceptation volontaire du passif, l'héritier fait des créanciers du défunt ses
créanciers personnels. Ces derniers ont alors pour gage tout le patrimoine de l'héritier (art. 7 de la loi
hypothécaire). Il en découle qu'il sera tenu du passif successoral “ultra vires hereditatis", c'est-à-dire au-delà de
l'actif successoral.

§3. La renonciation à la succession :

a) Formes :

La renonciation à succession ne se présume pas : elle doit être faite par acte notarié (art. 784 C. civ.).

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b) Effets :

La renonciation à la succession a pour effet que "l'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier" (art.
785 C. civ.). Il refuse l'actif et le passif et devient étranger à la succession. Il ne peut prendre ou garder aucun
bien de la succession et doit restituer les intérêts ou avantages qu'il aurait perçus ou reçus. Mais il ne doit pas
rapporter les libéralités qui lui auraient été faites par le défunt et ne doit pas supporter les dettes de la
succession. Il en découlait que ses propres successeurs ne pouvaient le « représenter » (ancien art. 787 C. civ.).
L’article 787 C. civ. a été abrogé par la loi du 10 décembre 2012 et l’article 786 C. civ. prévoit désormais que la
part du renonçant bénéficie à ses descendants, si la substitution a lieu. Un ‘saut de génération volontaire’ est de
la sorte rendu possible. Un successible peut décider, après l’ouverture de la succession (et non par une
convention conclue avant l’ouverture de la succession, laquelle constituerait un pacte successoral interdit), de
renoncer à la succession et de permettre ainsi à ses propres enfants de venir à la succession.

André décède en laissant deux enfants, Laurence et Caroline. Laurence renonce à la succession. Avant la
réforme, la part de Laurence aurait été attribuée à sa cohéritière, Caroline (cfr art. 786 C. civ.). Grâce à la
réforme, la part de Laurence est dévolue aux enfants de Laurence par le mécanisme de la substitution (pour
autant, bien entendu, que les enfants de Laurence acceptent la succession). Si la substitution n’a pas lieu, la part
du renonçant accroît celle des autres successibles de son degré. Si le renonçant est seul à son degré, elle est
dévolue au degré subséquent, ou à l’ordre suivant, selon le cas (art. 786 C. civ.). Les créanciers pourront donc a
priori s’adresser aux autres héritiers que la loi appelle à défaut de l'héritier renonçant. Mais si tous ces héritiers
renoncent aussi à la succession ou s’il n'existe pas d'autre héritier, les créanciers qui disposent toujours leur
gage général sur le patrimoine successoral n’auront guère d’autre solution que de faire administrer et liquider
ce patrimoine à leur profit par un curateur à succession vacante (art. 813 C. civ. et art. 1228 à 1231 C. jud.).

La renonciation est en principe irrévocable (sauf nullité pour vices de consentement, fausse cause, ...).
Cependant, le législateur prévoit une exception à l'article 790 du Code civil. Les héritiers qui ont renoncé peuvent
rétracter leur renonciation pour autant (1) que le droit d'accepter ne soit pas prescrit et (2) que la succession,
après la renonciation, n'ait pas été acceptée par d'autres successibles. La rétractation opère avec effet rétroactif,
"sans préjudice néanmoins des droits qui peuvent avoir été acquis à des tiers sur les biens de la succession, soit
par prescription, soit par des actes valablement faits avec le curateur à la succession vacante".

§4. L'acceptation sous bénéfice d'inventaire :

a) Formes :

L'acceptation sous bénéfice d'inventaire requiert l'accomplissement de trois formalités dont deux formalités
substantielles :

® La déclaration devant le notaire : cette déclaration de n'accepter la succession que sous bénéfice
d'inventaire doit être faite devant notaire (art. 793 C. civ.).

® L’inventaire : pour être valable, la déclaration d'acceptation sous bénéfice d'inventaire doit être
précédée ou suivie d'un inventaire fidèle (sans omission volontaire) et exact (sans omission, même
involontaire) des biens de la succession dans les formes prescrites par le Code judiciaire et dans les
délais déterminés par le Code civil (art. 794 C. civ.). Cet inventaire est destiné à déterminer la
consistance du gage des créanciers successoraux. Il doit être réalisé dans les formes déterminées aux
articles 1175 et suivants du Code judiciaire (acte notarié). Quant aux délais, on distingue deux
hypothèses :

§ L'héritier a été contraint de prendre parti par un ou plusieurs créanciers de la succession


: il dispose de trois mois pour faire inventaire et de quarante jours pour délibérer sur son
acceptation (art. 795 C.civ.) (voy. supra).

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§ Lorsque l'héritier n'a pas été contraint de prendre parti, il peut en principe faire dresser
l'inventaire après l'expiration de ce délai (mais dans les trente ans), à moins
qu’entretemps il n'ait déjà fait acte d'héritier, qu'il ait laissé les biens de la succession se
confondre avec les siens ou qu’intervienne contre lui un jugement passé en force de chose
jugée qui le condamne en qualité d'héritier pur et simple (art. 800 C.civ.).

® La publication au Moniteur belge : la publication au Moniteur belge est une formalité obligatoire mais
non substantielle à l’option proprement dite. L’option est, en effet, définitive dès que la déclaration et
l’inventaire ont été effectués. Lorsque l’acceptation sous bénéfice d’inventaire est faite au greffe, la
déclaration doit, dans les quinze jours qui suivent, être publiée aux annexes du Moniteur belge par les
soins du greffier et comporter invitation aux créanciers et aux légataires de faire connaître leurs droits
dans un délai de trois mois à compter de la date de publication. Lorsque l’acceptation est faite devant
un notaire, la déclaration est publiée aux annexes du Moniteur belge par le notaire, dans les quinze
jours qui suivent la réception de la communication de la date et du numéro de l’inscription de la
déclaration dans le registre ad hoc (voy. l’article 793 du code civil).

b) Les effets :

L'héritier qui accepte la succession sous bénéfice d'inventaire est confirmé dans sa qualité d'héritier. Il accepte
la succession et prolonge la personnalité du défunt. Il ne pourra plus se rétracter. Il peut toutefois renoncer
volontairement au bénéfice d'inventaire (s'il est majeur, de manière expresse ou tacite). Il peut également être
déchu du bénéfice d’inventaire dans l’hypothèse visée à l’article 801 du Code civil. Il est alors réputé héritier pur
et simple de la succession. Le bénéfice d'inventaire a pour effet principal d'empêcher la confusion des
patrimoines, tant à l'égard de l'héritier que des créanciers et des légataires (art. 802 C. civ.). L'héritier devient
ainsi provisoirement titulaire de deux patrimoines, le sien et celui du défunt (dont il recueillera le reliquat
éventuel), jusqu'à la liquidation de la succession.

Cette séparation des patrimoines a pour conséquences que (1) 'héritier conserve contre la succession les droits
qu'il avait contre le défunt. Parallèlement, il reste tenu de payer les dettes qu'il avait personnellement envers le
défunt (pas d'extinction des obligations par confusion). Ensuite (2) 'héritier "bénéficiaire" n'est tenu des dettes
et charges de la succession que sur les biens de la succession et à concurrence de la valeur de ces biens
(obligation aux dettes cum viribus et intra vires hereditatis). Les créanciers successoraux n'ont pas d'action sur
ses biens propres. Ils ne pourront se faire payer que sur les biens de la succession. Enfin, (3) un droit de
préférence est accordé aux créanciers de la succession sur les biens successoraux vis-à-vis des créanciers
personnels de l'héritier (art. 802 C. civ.).

L'héritier est aussi chargé d'administrer et de liquider les biens de la succession non seulement à son profit mais
aussi pour le compte des créanciers et légataires du de cujus, car le patrimoine de celui-ci doit servir par
préférence, à payer les dettes dont la succession est grevée. Il doit rendre compte de sa gestion aux créanciers
et aux légataires (art. 803 C. civ.). La reddition de comptes peut se faire par acte authentique ou par acte sous
seing privé, mais le compte doit être établi dans la forme prescrite par le Code judiciaire (art.1358 et svts C. jud.).
Il doit contenir les recettes et les dépenses effectuées pour le compte de la succession. Il peut être tenu, si les
créanciers ou autres personnes intéressées l'exigent, de donner caution bonne et solvable (art. 807 C. civ.).

L'administration, faite à titre gracieux, comporte tous les actes conservatoires (percevoir les intérêts, louer les
biens, encaisser les loyers,...). Dans certains cas toutefois, l’héritier bénéficiaire peut vendre sous certaines
conditions les biens de la succession (art. 806 C. civ.).Quant à la liquidation, elle suit des règles précises. Les
créanciers privilégiés doivent être payés en tout premier lieu et d’après leur rang. Après eux, viennent les
créanciers non privilégiés qui ne pourront être payés qu’après l’expiration du délai de trois mois accordé par la
loi aux créanciers pour se faire connaître. Ce délai commence à courir à compter de la date de l’insertion au
Moniteur belge de la déclaration d’acceptation sous bénéfice d’inventaire (art. 793 C. civ). Ce délai expiré, si un
arrangement à l’amiable ne peut être obtenu, les paiements ne pourront se faire “que dans l’ordre et de la
manière déterminée par le juge” (art. 808 al. 3 C. civ.).

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2. L’appréhension de la succession :

La question étudiée ici est celle de la transmission de la possession. Les règles qui s’appliquent à cette matière
n’ont aucune influence sur le transfert de la propriété des biens successoraux - qui est direct et immédiat - mais
seulement sur l’acquisition de la maîtrise effective des biens.

§1. La saisine :
a) Notion :

La saisine est le droit reconnu à certains successibles d'appréhender les biens successoraux sans autorisation et
sans contrôle a priori de leur qualité. Elle porte sur tous les biens, droits et actions du défunt (art. 724 C.civ.) et
a pour but d'éviter que les biens de la succession ne soient laissés à l'abandon, pendant le temps de faire
l'inventaire et de délibérer sur l'option.

b) Effets :

La saisine a pour effet de permettre à l'héritier saisi, même s'il n'a pas encore accepté la succession,
d'appréhender ou se faire remettre les biens successoraux, sauf l'apposition des scellés sur ceux-ci. Il peut de
même les administrer provisoirement (acte de pure administration sinon risque d'acceptation tacite de la
succession) (art. 779 C. civ.). Il peut aussi en percevoir les fruits et revenus. Mais il est à noter que certains actes
doivent être accomplis avec prudence car ils peuvent impliquer l'acceptation de la succession (exemple, les
actions en justice).

c) Bénéficiaires de la saisine :

Bénéficient de la saisine, de plein droit, avant même l'accomplissement de tout acte d'acceptation ou
d'appréhension ou l'exercice de l'option, tous les héritiers légaux, sauf l'Etat (art. 724 et 770 C. civ.). En cas de
succession testamentaire, les légataires n'ont, en principe, pas la saisine, sauf le légataire universel, en présence
d’un testament authentique et en l’absence d’héritiers réservataires (voir supra). Enfin, la saisine n'appartient
qu'aux successibles appelés en premier rang. En cas de renonciation de ceux-ci, elle passe aux suivants.

§2. Situation des successibles qui n'ont pas la saisine :

Avant de pouvoir appréhender leur bien, les successibles qui n'ont pas la saisine doivent faire vérifier leur titre,
selon diverses formalités (envoi en possession ou demande en délivrance - amiable ou judiciaire - du legs).
L'envoi en possession est une procédure qui relève de la compétence du tribunal de la famille du lieu de
l'ouverture de la succession et qui a pour effet d'attribuer l’appréhension de la succession à un légataire. Ce
dernier peut alors se mettre en possession des biens successoraux sans autre formalité complémentaire. Ainsi,
par exemple, l'Etat doit demander au tribunal de la famille l'envoi en possession, selon la procédure des articles
769 à 772 du Code civil. De même, le légataire universel lorsqu’il n’y a pas d’héritier réservataire à la succession
et qu’il n’a pas été institué par acte authentique (art. 1008 C. civ.; cfr supra). Quant à la délivrance du legs, elle
n'est soumise à aucune formalité particulière. Elle peut résulter de l'exécution volontaire du legs par celui qui
doit l'exécuter (délivrance amiable) ou faire l'objet d'une action devant le tribunal de la famille du lieu de
l'ouverture de la succession (délivrance judiciaire).

3. La transmission du passif :
§1. Principe :

Continuant la personne du défunt, l'héritier qui recueille ses biens recueille aussi son passif. Son patrimoine et
celui du défunt se confondent. Il est ainsi de principe en droit belge que le successible est tenu du passif du
défunt "ultra vires hereditatis", au-delà des forces de la succession, c'est-à-dire tant sur les biens successoraux
que sur son patrimoine personnel. Il peut néanmoins échapper au risque que le passif ne grève son patrimoine
personnel en renonçant à la succession. Il peut aussi n’être tenu que sur l’actif existant en acceptant la
succession sous bénéfice d’inventaire.

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§2. Contenu du passif :

Que comprend le passif de la succession ? Le passif successoral comprend les dettes contractées par le défunt
lui-même et qui existaient donc avant l'ouverture de la succession (à l'exception des dettes issues d'un contrat
conclu intuitu personae, des obligations sous condition résolutoire du prédécès ou à terme de décès). Il
comprend aussi les charges successorales, c'est-à-dire des dettes nées après l'ouverture de la succession, à
savoir les frais funéraires, les frais de conservation de la masse (les frais de scellés et d'inventaire) et les frais de
liquidation et partage. Enfin, le passif comprend certains legs portant sur des sommes d'argent. Les héritiers
ayant accepté la succession, devront exécuter ces legs particuliers même si cela aboutit à les priver de tout actif
quelconque de la succession ou même à les engager au-delà des forces vives de la succession. Le règlement du
passif successoral pose la question de savoir qui doit payer. C’est la question de l’obligation à la dette. A qui le
créancier peut-il s’adresser ? Elle réglée de la même manière que celle de la contribution à la dette (qui, en
définitive, doit supporter la dette ?). Lorsque les dettes sont payées autrement que ne le voudrait la règle de la
contribution, un recours contributoire est ouvert à l’héritier qui payé plus que ce qu’il ne doit en définitive.

§3. La contribution à la dette :

Qui doit supporter le passif? Doivent contribuer au passif les successeurs universels et à titre universel. Ainsi, ce
passif va peser sur les héritiers légaux, les légataires universels ou à titre universel (art. 1009 et 1012 C. civ.) ainsi
que sur les institués universels ou à titre universel, lorsqu'ils ont accepté purement et simplement la succession.
Chacun contribue au paiement des dettes et charges de la succession, dans la proportion de ce qu'il y prend (art.
870 C. civ.), c'est-à-dire proportionnellement à sa vocation successorale. Il est, toutefois, fait exception à ce
principe lorsque le de cujus met à charge d'un seul successeur universel ou à titre universel le passif successoral
(art. 1221, 4° C. civ.). Les légataires ou institués contractuels à titre particulier, eux, ne sont en principe pas tenus
du passif, sauf volonté du testateur de leur imposer le paiement de certaines dettes (art. 871 C. civ.).

§4. L'obligation à la dette :

A qui le créancier peut-il réclamer le paiement de sa créance ? Cette question se règle de la même manière que
la question de la contribution à la dette. Les successeurs universels ou à titre universel sont tenus des dettes et
charges de la succession, personnellement pour leur part et portion virile (art. 873 C. civ.). Ce principe connaît
néanmoins des exceptions:

® Lorsque le de cujus a mis à charge d'un successeur universel ou à titre universel le passif successoral,
le créancier peut lui réclamer le paiement de la totalité de sa créance ;

® Lorsque la créance est indivisible, n'importe lequel des successeurs universels ou à titre universel peut
s'en voir réclamer le paiement ;

® Quant au successeur universel ou à titre universel qui a reçu un immeuble hypothéqué (en garantie
d'une dette de la succession), il peut se voir obligé soit de payer pour éviter la saisie, soit de devoir
supporter la saisie.

Enfin, les légataires ou institués contractuels à titre particulier ne peuvent se voir réclamer par les créanciers
successoraux le paiement du passif, sauf si le legs porte sur un immeuble grevé d'une hypothèque (art. 874 C.
civ.) ou si le de cujus a mis une dette à leur charge.

§5. Le recours contributoire :

Lorsqu'un héritier a payé plus que ce qu'il ne doit, il dispose d'un recours contributoire. Ce recours peut être
fondé sur la subrogation (art. 1251,3° C. civ.) ou sur l'enrichissement sans cause. Ainsi, par exemple, le légataire
ou institué contractuel à titre particulier qui a payé une dette de la succession (alors qu'il n'y est pas tenu, sauf
volonté contraire du défunt) est légalement subrogé au créancier (art. 874 C. civ.). Il peut exercer les actions
dont disposait le créancier contre chacun des successeurs universels ou à titre universel, en proportion de leur
vocation héréditaire.

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En outre, dans la mesure où il a enrichi sans cause les successeurs universels et à titre universel, il a contre eux
une action propre fondée sur l'enrichissement sans cause. Lorsqu'un successeur universel ou à titre universel a
payé plus que ce qu'il ne doit, il est aussi subrogé au créancier (art. 1251, 3° C. civ.) dans le respect des articles
875 et 876 du Code civil. Il n'a de recours contre les autres successeurs universels ou à titre universel que pour
la part que chacun doit supporter dans la dette. Enfin, en cas d’insolvabilité de l’un, sa part dans la dette
hypothécaire est répartie sur tous les autres au marc le franc.

§6. La séparation des patrimoines :

L'acceptation pure et simple de la succession a pour effet de mettre en concours les créanciers successoraux
avec les créanciers propres de l'héritier. Or, cette confusion du patrimoine du de cujus et de l'héritier peut porter
préjudice aux créanciers successoraux. En effet, alors que le patrimoine successoral pouvait être suffisant pour
les payer, les patrimoines confondus peuvent être insuffisants pour payer les deux catégories de créanciers.
Dans le souci de protéger les créanciers successoraux, la loi leur octroie le droit de demander la séparation des
patrimoines. La séparation des patrimoines est une mesure qui permet aux créanciers du défunt de se faire
payer sur l'actif successoral, par préférence aux créanciers personnels de l'héritier (art. 878 et suivants C. civ.).
La masse successorale sera affectée au paiement des créanciers successoraux avant les créanciers propres de
l'héritier. Cette mesure est individuelle. Elle peut être exercée par chacun des créanciers pour son propre
compte et ne profite qu'à celui qui l'obtient et seulement sur les biens compris dans la demande.

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Chapitre 5e. La liquidation des successions :

Au niveau du schéma de liquidation, dès lors qu’il y a des héritiers réservataires, l’on commence d’abord par
établir la masse de calcul (art. 122 cciv) : il s’agit d’une masse fictive servant voir si la quotité disponible a ou
non été dépassée. Ensuite, l’on va établir – dans toutes les successions à avec ou sans héritiers réservataires –
une masse de partage : c’est la masse concrète que l’on va répartir entre les successeurs. La masse de partage
comprends les biens existants (soustraits du passif), les donations rapportables (= celles pour laquelle il faut une
remise à égalité) et le produit des donations réduites. Ainsi, si une donation a excédé la quotité disponible,
l’excédent sera retenu dans la masse de partage.

1. Les biens existants :


§1. Notion :
a) Les biens délaissés par le cujus :

Dans l’état existant, le notaire qui doit partager et liquider une succession. Dans sa masse de partage, il y aura
les biens que le défunt a laissé (= les fonds >< fruits). Ainsi, l’on reprend tout : les immeubles en Belgique et à
l’étranger, les meubles meublants, les meubles incorporels. En ce qui concerne les assurances vies, il y a plusieurs
possibilités. Tout d’abord soit l’assurance vie a été contractée au profit de la succession, auquel cas elle tombera
parmi les biens existants sous forme de capital qui va arriver de la part de l’assureur. De même, si l’on a désigné
un bénéficiaire mais que la désignation est caduque (= ne joue plus à ex : bénéficiaire déjà mort à art. 179 loi
4/4/14) : cela tombe alors dans la succession. Par contre, si en revanche l’on a une désignation bénéficiaire (=
dans le contrat d’assurance, j’ai dis que c’était tel personne qui était désignée comme bénéficiaire), cela tombe
alors dans un autre poste : c’est une donation qui a été fait et il faudra voir si elle est ou non rapportable. Ainsi,
cela n’a pas du tout le même statut : il faut se méfier des assurances. Enfin, l’on peut aussi compter le fonds de
commerce ou l’exploitation agricole.

b) Les fruits des biens existants :

Imaginons que l’on a, dans la succession, une maison mise en location : forcément, l’on va remettre la maison
parmi les biens existants, mais l’on va aussi partager entre nous tous les loyers tombés depuis le jour de la
succession jusqu’au jour du partage. Ainsi, sur la ligne du temps, nous avons le décès (= masse de calcul au jour
du décès) et puis il y a tout un délai qui s’écoule entre le moment du décès et jusqu’au partage. Pendant tout ce
temps, les loyers ont continué à tomber et c’est donc logique qu’on les intègre dans le cadre de la masse de
partage. Ainsi, tous les revenus (= fruits) des biens existants seront repris dans la masse de partage.

c) Les dettes et les charges de la succession :

Les dettes et les charges de la succession doivent ensuite être soustraites. En théorie, l’article 1220 du code civil
prévoit que les dettes sont divisibles (= se divisent de plein droit à son décès entre tous les copartageant). Ainsi,
l’on pourrait faire un partage sur de l’actif brut et ensuite dire que chacun paie sa quote-part dans tel et tel
dette. En pratique, le notaire fait le partage sur base de l’actif net : il paie le tout et ensuite l’on partage sur la
base d’un actif net. Ensuite, l’on distingue les dettes et les charges. Les dettes, ce sont les dettes qui sont dues
du chef du défunt (= c’est lui qui a contracté la dette) qui sont nées avant le décès, mais qui sont payées après
le décès. Ainsi, à titre d’illustration, la dette d’hospitalisation pour dernière maladie est née avant le décès mais
elle est payée après. Les charges, ce sont toutes les dettes qui naissent après le décès. Ainsi, si le décès a eu lieu
le 28 février et que le défunt était locataire, le loyer de février est une dette puisqu’elle est née avant le décès,
mais par contre, tous les loyers à payer à partir du 1e mars tant que le renom n’a pas été remis, il s’agit de
charges de la succession. De même, les frais des funérailles sont des charges de la succession. Ainsi, souvent,
c’est le notaire qui fait rapatrier les soldes des comptes bancaires à l’étude et qui va tout gérer. Les dettes et les
charges composent le passif successoral.

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§2. L’estimation des biens et la preuve des biens existants :

Les biens existants, pour la masse de calcul, sont estimés au jour du décès. En ce qui concerne la masse de
partage, l’on estime au jour du partage (art. 890 cciv) – comme en matière de régime matrimonial. Ainsi, il se
peut que l’on doive jouer avec deux valorisations différentes. En effet, une maison peut être estimée à 300.000
au jour du décès. Puis, c’est la guerre et la procédure dure 10 ans de sorte que, au jour du partage, cette même
maison vaut 500.000 euros - ou l’inverse. Ainsi, si l’on a une seule et même valeur à l’examen, on la prend pour
les deux – mais cela pourrait très bien ne pas être la même. Finalement, comment prouver l’existence des biens ?
Par toute voie de droit – mais ce n’est pas évident45.

2. Le rapport :
§1. Généralités :

Ainsi, ce que nous venons de voir constitue le premier poste dans la masse de partage : les biens existants – les
dettes = l’actif. Ensuite, il y aura toutes les donations rapportables. Pourquoi rapportables ? Parce que ce sont
des donations qui sont censées avoir été faites en avance successorale. Au niveau du vocabulaire, une donation
rapportable, c’est la même chose qu’une donation en avance d’hoirie (= successoral). Il s’agit de libéralités pour
lesquelles il y aura une remise d’égalité au moment du partage, et donc, ce sont des donations que l’on devra
réincorporer dans la masse de partage. A l’inverse, il y a des donations non rapportables (= préciputaires <
praecipere = prendre avant = par préciput = hors part).

Le rapport est l’acte par lequel le donataire rapporte, dans le cadre des opérations de partage de la succession
du donateur, la valeur du bien reçu (ou le bien reçu) à la masse de partage en vue de rétablir l’égalité à l’égard
de ses cohéritiers. Le rapport, lorsqu’il est prévu par la loi, est supplétif (= fondé sur une volonté présumée du
défunt) : l’on « suppose » que le défunt, en faisant une donation, a voulu faire une avance sur la succession, et
non qu’il a voulu avantagé l’un des héritiers par rapport aux autres. Ainsi, il doit donc y avoir une remise à
égalité : c’est ce que présume le législateur. Néanmoins, c’est simplement une présomption (art. 843, §1, al. 1e
à ! §2, al 2 si legs universel ou à titre universel à présumé non rapportable) et la matière est supplétive : ainsi,
l’on peut parfaitement décider que l’on veut avantager un héritier et que la donation fait sera une donation hors
part et non rapportable. Par contre, une fois que l’on opte pour le rapport, toutes les modalités du rapport et
toute la manière dont le rapport va fonctionner est impérative – alors qu’avant ce n’était pas le cas.

§2. Les libéralités soumises au rapport :


a) Les principes :

Quelles sont les libéralités soumises au rapport ? Lorsque l’on parle de libéralité, c’est un terme général. Il y en
a de deux sortes : les dons (de son vivant) et les legs (par testament). Ainsi, qu’est-ce qu’on vise comme libéralité
sur le plan du rapport ? Le rapport concerne les donations et les legs. A titre d’illustration, je fais un testament
et je lègue à titre particulier ma collection de codes à mon fils. Ici, il ne peut pas s’agir d’une avance sur une
succession puisque je le fais au moment où je suis vivante, mais il ne reçoit ma collection de code qu’au moment
de mon décès. Néanmoins, l’on considère que c’est un procédé d’allotissement : je mets dans le lot de mon fils
ma collection de code sans vouloir par cela que mon fils ait plus : je veux simplement que dans ce qu’il reçoit, il
ait ma collection. Il s’agit d’une façon de déjà procéder à la répartition de ses biens par lots. En droit belge, les
legs particuliers sont aussi rapportables. En revanche, si l’on institue notre fils comme légataire universel, c’est
à dire que l’on veut qu’il ait le maximum dans la succession, il n’y aura pas de rapport : cela n’a pas de sens de
dire que l’on veut une remise à égalité avec sa sœur alors que l’on veut qu’il ait vocation à recevoir toute la
succession. Et, pourquoi n’a-t-on pas mis les legs dans la masse de partage ? Ils n’y sont pas car ils sont déjà
compris dans les biens existants. Ainsi, les legs, c’est quelque chose que l’on va attribuer au jour du décès et qui
se trouvait dans le patrimoine du défunt. En effet, si je lègue mes codes, ils m’appartenaient au jour du décès :
c’est donc déjà calculé dans la masse des biens existants. Il s’agit d’une erreur classique à l’examen : il ne faut
jamais mettre les legs en plus dans la masse de partage car ils sont déjà compris dans les biens existants – et
c’est par les biens existants que l’on octroie les legs. Ainsi, quelles sont les libéralités susceptibles d’être
rapportés ? Les dons et les legs, mais uniquement les legs particuliers.

Ex : Madame a eu une cliente qui n’avait plus vu ses parents depuis 10 ans alors que son frère avait encore beaucoup de contact avec sa
45

mère. Le frère avait récupéré la collection de timbres : elle devra prouver que cette collection existait bel et bien.

70
Par ailleurs, il y a deux nouveautés importantes :

è Dans les donations, l’on pourrait avoir des assurances-vie : or, elles peuvent véhiculer des donations
indirectes. Ainsi, il se peut que lorsque je contracte une assurance vie au profit de l’un de mes enfants,
je veuille consentir une donation indirecte. Imaginons que je lègue à mon fils 20.000 euros et pour ma
fille, j’ai fait une assurance-vie et je veux qu’à mon décès, elle ait 20.000 euros. Depuis le 1er septembre
2018, pour toutes les désignations bénéficiaires à partir de cette date, la donation véhiculée
assurance-vie obéit aux règles du droit commun si l’on trouve effectivement que l’assurance-vie
véhicule une donation. Ainsi, si la donation est effective, elle sera vu comme n’importe quelle donation
ou legs particulier (art. 188 loi du 4/4/14 sur les assurances). De ce fait, le legs au fils et la donation (=
l’assurance considérée comme telle) à la fille sont censés être rapportables. Avant, cela était présumé
dispenser de rapport. Ainsi, le fils devait rapporter le legs alors que pour la fille, comme c’était via une
assurance-vie, c’était présumé non-rapportable. Or, économiquement, c’est la même chose : c’est au
jour du décès que chacun des enfants touche 20.000 euros. Ainsi, l’on a donc modifié la loi sur les
assurances-vie. Finalement, ici, c’est la date de la désignation bénéficiaire qui compte : la date du
contrat d’assurance n’a pas d’importante. Ainsi, selle a eu lieu après le 31 août 2018, on applique les
mêmes règles pour savoir si c’est rapportable aussi46.

è Quid si le bien donné péri par cas fortuit ? Faut-il rapporter ? Avant, il ne fallait pas car l’on considérait
que cela aurait péri même si le donateur était resté propriétaire du bien. Maintenant, il faut rapporter
l’indemnité reçue par l’assureur. Et, si l’on n’en n’a pas reçu, c’est la faute du donateur : tout bon
donateur s’assure. Ainsi, comme le rapport est mis en valeur, si le bien a péri par cas fortuit et s’il y a
matière à rapport, le rapport reste dû – ce qui n’était pas le cas auparavant.

SYLLABUS :

Alors que sous l’empire du Code civil de 1804, toutes les libéralités consenties à un héritier venant à la succession
étaient rapportables (art. 843 ancien C. civ.), la loi du 31 juillet 2017 maintient la présomption de rapport en ce
qui concerne exclusivement les donations et les legs particuliers consentis aux héritiers en ligne directe
descendante. Seuls ces héritiers sont tenus au rapport et seuls leurs cohéritiers, également descendants du
défunt en ligne directe, peuvent l’exiger. Les frères et sœurs, neveux et nièces, cousins et cousines, même s’ils
viennent légalement à la succession du donataire ne sont plus tenus de rapporter les donations dont ils ont été
gratifiés. Le nouvel article 843 du Code civil se décline désormais en deux paragraphes, l’un établissant une
présomption de rapport des donations consenties aux successibles en ligne directe descendante et l’autre
instaurant une dispense de rapport des donations réalisées au profit de tous les autres successibles (à
l’exception du conjoint survivant et du cohabitant légal survivant pour lesquels il ne peut plus être question de
rapport, cfr infra). Par ailleurs, l’article 188 nouveau de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances a, lui aussi
été modifié afin d’harmoniser le traitement de l’ensemble des libéralités consenties aux héritiers en ligne directe
descendante. Désormais, la présomption légale de rapport s’appliquera aussi lorsque le bénéficiaire de la
prestation d’assurance est un héritier en ligne directe descendante. Enfin, l’article 855 nouveau prévoit que si
le bien donné a péri par cas fortuit et si le rapport est dû, il reste dû. Cette nouvelle règle s’explique d’une part,
par la généralisation du rapport en valeur (cfr infra) et d’autre part, au regard du fait que, même en cas de
disparition du bien par cas fortuit, le donataire conservera un intérêt économique à la donation, dans la mesure
où il bénéficiera d’une indemnité d’assurance (le défaut d’assurance pouvant, à l’heure actuelle, être considéré
comme une négligence dans son chef).

b) Les exceptions :

1) La dispense de rapport (en cas de présomption de rapport) ou le rapport (en cas de présomption de
dispense de rapport) résultant de la volonté du défunt :

Le rapport n’est désormais présumé que pour les donations consenties enfants et les descendants (voy. infra).
Auparavant, le rapport était présumé pour les donations consenties à un successible. Ainsi, si une tante fait une
donation à un neveu (= successible) : dès lors que la donation était faite à un successible avant le 1e septembre

46 Les assurances-vie, c’est tuyau tuyau tuyau pour l’examen !

71
2018, il y avait matière à rapport. L’idée du législateur était de dire que chaque fois que l’on fait une donation à
un successible, il présumait que la personne n’avait pas voulu créer d’inégalité entre les successibles et qu’il ne
s’agissait que d’une avance sur succession. Ainsi, dans l’exemple, si la tante n’avait rien dit, l’on présumait qu’elle
n’avait pas voulu désavantager le neveu 2 et qu’elle voulait une remise à égalité au jour du décès – et cela valait
pour les enfants aussi. Désormais, après de nombreuses conversations, la présomption de rapport n’a été
conservée que pour les enfants. En effet, dire qu’on présume vouloir avantager un enfant par rapport à un autre,
c’est touchy car, a priori, l’on aime tous ses enfants de la même manière. Ainsi, à titre d’exception, l’on vise ici
l’hypothèse où le défunt exprime sa volonté en disant qu’il sait c’est présumé rapportable mais qu’il veut que
cela soit non rapportable – et l’inverse est possible également évidemment. Pour cela, il faut une volonté certain,
sans que ce doive forcément être expresse – même si c’est mieux.

2) La dispense de rapport résultant de la loi :

A. Les fruits et les intérêts des choses rapportables (art. 858 cciv) :

Imaginons que l’on donne à notre fils une maison : dans l’acte de donation, il est indiqué que la donation est
rapportable. Ensuite, entre le moment de la donation et le moment du décès, le fils met en location la maison
pour 1000 euros par mois. En additionnant tous les loyers qu’il a reçu, il en a eu pour 100.000 euros. Du coup,
est-ce qu’il ne doit rapporter que la maison (d’office à dans l’acte !) ou est-ce qu’il doit aussi rapporter tous les
fruits qu’il en a tiré ? Pour cela, certains ont dit qu’une vraie égalité suppose que le fils doive rapporter aussi
tous les revenus qu’il a touché, mais l’on s’est dit que cela allait faire tout un bazar. Ainsi, l’on a prévu qu’il ne
fallait pas le rapporter.

Ainsi, sont légalement dispensés de rapport les fruits et intérêts des choses rapportables (= les 100.000 euros)
– et, en pratique, l’on n’en tient même pas compte dans la masse de calcul. En revanche, il y aura des intérêts
dus sous la valeur à rapporter à partir du jour du décès ET tous les loyers touchés à partir du jour du décès, eux,
doivent être mis dans la masse de partage. Ainsi, jusqu’au jour du décès, l’on ne tient pas compte des loyers,
mais, à partir du jour du décès, l’on en tient compte.

B. Les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, les frais de noces, etc (art. 852 cciv ) :

Depuis 2018, ce ne sont plus des donations : or, vu que ce ne sont pas des donations, l’on n’inclut donc pas cela
dans la masse de partage et ce n’est pas rapportable. L’article 852 du Code civil précise également que le
caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant.

C. La prestation d’assurance-vie consentie à un autre héritier qu’à un descendant (+ conjoint et


cohabitant légal à voy. infra) (art. 188 loi 4/4/14) :

De nouveau, c’est légalement présumé non rapportable, pour autant que ce soit consenti à un autre héritier
qu’à un descendant : c’est la règle. Dès lors que l’on fait une donation à une personne qui n’est pas un enfant,
la donation est présumée non rapportable. En principe, ce que l’autre aura reçu est censé être rapportable, sauf
dispense de rapport.

§3. La transformation d’une donation initialement rapportable en une donation préciputaire et


inversement :

Quid si l’on a une donation à un enfant au moment X qui est rapportable ? Au moment X, l’on pourrait
parfaitement dire que c’est non rapportable, mais l’on ne dit rien. Ainsi, la donation est fichée comme étant
rapportable. Ensuite, après coup, l’on veut rendre cette donation non rapportable : c’est cela la transformation.
Ainsi, la transformation suppose qu’au départ, la donation était rapportable et que l’on n’ait pas voulu qu’elle
soit non-rapportable, mais qu’ensuite, l’on change par après d’avis. Est-ce possible ? Il y a eu beaucoup de
discussions et l’on a voulu que la donation puisse être non rapportable : c’était déjà possible en 1804, mais à
cette époque, il n’était pas possible de rendre rapportable une donation non rapportable. Ainsi, avant le 1e
septembre 2018, si l’on avait au départ un don non rapportable, il n’était pas possible de le rendre rapportable.

72
Désormais, l’on a décidé d’autoriser les permutations dans les deux sens et de le dire clairement. Néanmoins (=
nouveauté), il faudra chaque fois avoir l’accord du donataire : on ne peut plus le décider tout seul (= avant).
Ainsi, soit on le fait par une convention – qui sera évidemment postérieur à l’acte de don puisque c’est une
transformation - qui doit se faire dans la forme des donations (très critiqué) – soit dans la forme notariée. Or,
c’est très ennuyant car, parfois, l’on n’a pas envie d’aller chez le notaire – et alors que pour une donation (= si
on ne voulait pas la transformer), il ne faut pas y aller. Ensuite, l’on peut encore aussi le faire par testament –
sans devoir nécessairement aller chez le notaire – mais alors, après le décès (= accord post-décès, il faudra
encore l’accord du gratifié. Or, qui ne voudrait pas que sa donation ne voudrait pas que sa donation soit non-
rapportable ? Il peut arriver que celui qui soit gratifié soit ennuyé que, vis-à-vis de ses frères et sœurs, soit non
rapportable. Ainsi, stratégiquement ou pour des raisons familiales, il peut parfois y avoir un intérêt à refuser
(dans les deux sens rapportable et non rapportable).

Ici, nous sommes face à un pacte successoral : la transformation est en effet un pacte successoral. L’article
1100/1 nous dit que sont des pactes successoraux les pactes qui concernent les principes et les modalités du
rapport. Or, la transformation concerne les modalités du rapport. Néanmoins, ce pacte est autorisé et, en
principe, tous les pactes doivent répondre aux modalités drastiques que nous avons vu, mais en 2018, l’on a
ajouté que les formalités relatives aux pactes ne devaient pas ici être respectées. Finalement, il faut également
être attentif à l’ordre d’imputation. Ainsi, imaginons qu’une donation de 100 est faite en 2018 à E1 : elle est
présumée rapportable. En 2020, il y a une donation à un tiers de 50. Puis, en 2022, pour la donation à E1, l’on
fait une convention de dispense de rapport. Au final, comment cela se passe au niveau des imputations ? Dans
quel ordre va-t-on imputer ? Nous avons une quotité disponible de 200 (imaginaire). Nous avons vu que l’ordre
pour imputer sur la quotité disponible, c’était de commencer par la donation la plus ancienne. Or ici, la donation
faite en 2018 était, en 2018, rapportable. Alors est-ce qu’on commence par celle-là même si elle a été modifiée ?
Il faut prendre la date de la transformation – en 2022, donc. Ainsi, l’on va concrètement faire -50 puis -100. Ici,
ça va car il reste 50, mais si on avait fait une donation à E1 de 160, là, l’on aurait eu une réduction.

SYLLABUS :

La loi du 31 juillet 2017 autorise expressément la modification, a posteriori, du caractère rapportable ou


préciputaire d’une donation. Le premier paragraphe de l’article 843/1 nouveau du Code civil vise la
transformation postérieure d’une donation rapportable en une donation préciputaire, que la donation soit
présumée rapportable (art. 843, §1 nouveau C. civ.) ou qu’elle ait été stipulée, de manière certaine, rapportable
alors qu’elle était en principe préciputaire (art. 843, §2, nouveau C. civ.). Cette transformation, qui était déjà
possible, ne peut toutefois plus être décidée unilatéralement par le donateur. Elle nécessite désormais l’accord
du donataire. La loi prévoit qu’elle doit être actée dans une convention conclue par le donateur et le donataire
dans la forme des dispositions entre vifs, c’est- à-dire dans la forme des donations telle qu’elle est régie par
l’article 931 du Code civil. Un acte notarié est donc requis (ce qui est critiqué).

Même si la loi nouvelle ne l’indique pas expressément, la transformation de la qualification d’une donation est,
en vertu de l’article 1100/1, §1, al. 2 C. civ, un pacte successoral (autorisé) dès lors qu’il s’agit d’une convention
qui porte sur « le principe et les modalités du rapport ». La loi du 22 juillet 2018 exempte toutefois ce pacte du
formalisme prévu aux articles 1100/5 et 1100/6 du Code civil (art. 843/1, §3 C. civ.). Notons que la dispense de
rapport peut encore être établie par le donateur dans son testament mais pour être effective, elle nécessite
l’accord du donataire postérieurement au décès du donateur. Cette acceptation n’a aucun impact sur l’exercice
de l’option héréditaire. En d’autres termes, ce n’est pas parce que le donataire accepte que la donation soit
préciputaire (et non plus rapportable) qu’il accepte – expressément ou tacitement – la succession du donateur.
Si le donataire est prédécédé, cet accord sera donné par ses ayants droit.

73
Le second paragraphe de l’article 843/1 nouveau du Code civil autorise expressément la modification d’une
donation préciputaire (soit présumée préciputaire, soit stipulée préciputaire de manière certaine alors qu’elle
était en principe rapportable) en une donation rapportable dans les mêmes conditions que celle prévues pour
l’opération inverse. Sans l’accord du donataire, la donation ne changera pas de nature. Selon le cas, elle
demeurera rapportable ou préciputaire. Si le caractère rapportable ou préciputaire d’une donation a été modifié
a posteriori, la loi prévoit expressément que l’imputation a lieu non pas à la date de la donation mais à la date
de la convention qui a modifié la modalité relative au rapport. C’est en effet à cette date que se cristallise
l’obligation d’imputer la donation sur la réserve ou sur la part légale (s’il s’agit d’une donation devenue
rapportable) ou sur la quotité disponible (s’il s’agit d’une donation devenue préciputaire). Si la transformation
du caractère rapportable ou préciputaire résulte d’un testament et si elle acceptée par le donataire, la donation
s’imputera au jour du décès du donateur mais avant les legs (art. 923 non modifié du Code civil).

§4. Le conjoint/cohabitant légal et le rapport :

Avant, il y avait beaucoup de discussions et, en remettant le tout à plat, une personne a dit qu’il trouvait qu’en
cas de donation faite au conjoint, il ne devrait pas devoir la rapporter à l’égard des enfants. Ainsi, la prof en
disant qu’alors, si le conjoint ne doit pas rapporter à l’égard des enfants, les enfants ne doivent alors pas
rapporter à l’égard des enfants. Ainsi, il n’y a plus de rapports – mais il y a toujours l’usufruit successif pour le
conjoint, même si ce n’est pas un rapport. Ainsi, l’on s’est donc dit que l’on allait présumer que c’était dispensé
de rapport alors ? Mais l’on pourrait quand même dire qu’il y a rapport ? Ou c’est juste une présomption de
dispense de rapport ? Finalement, l’on va dire que ce n’est pas rapportable, ni même susceptible de rapport :
ainsi, il n’est pas question d’une dispense de rapport puisque le rapport n’existe pas. Ainsi, pour toutes les
donations consenties à partir du 1e septembre 2018, il n’y a pas de rapport possible : le conjoint et le cohabitant
légal n’est pas concerné par le rapport. Ainsi, il ne peut le réclamer ni activement à l’égard des enfants, ni
passivement car il n’y est pas tenu. Toute donation au conjoint est dès lors réalisée par préciput et hors part vis-
à-vis des autres héritiers et, inversement, toute donation au profit d’autres héritiers est réalisée par préciput et
hors part à l’égard du conjoint (art. 858 bis, §§1 et 2 C. civ.). De la même manière que pour le conjoint, aucun
rapport n’est dû par et au cohabitant légal (art. 858 bis, §§1 et 2 C. civ.).

§5. Les personnes tenues au rapport :

Dans le Code civil de 1804, tous les héritiers venant à la succession étaient tenus au rapport. En vertu de la loi
du 31 juillet 2017, seuls les successibles en ligne directe sont tenus de rapporter les donations et les legs
particuliers qui leur ont consentis par le défunt (sauf dispense de rapport). Les autres héritiers légaux sont
présumés avoir reçu une libéralité préciputaire (sauf renversement de la présomption de dispense de rapport).
Le rapport d’une libéralité n’a jamais lieu d’être lorsque la personne gratifiée n’est pas héritière du disposant.
La donation est alors réalisée par préciput et hors part. On rappellera par ailleurs que les libéralités consenties
au conjoint et au cohabitant légal ne sont pas susceptibles de rapport. En outre, pour que le rapport ait lieu, les
conditions suivantes doivent être remplies.

a) L’héritier doit venir effectivement à la succession :

Pour être tenu au rapport, il faut tout d’abord venir à la succession, et le rapport sera dû même si, au moment
de la succession, le donataire n’est pas successible (art. 843)- sauf si dispense de rapport (art. 846 C. civ.). Ainsi,
A donne à son petit-fils C à une époque ou B, le fils, est toujours vivant : or, au moment de la donation, C n’est
pas successible puisque B est au 1e ordre. Ainsi, si B, après la donation décède, qui va venir à la succession de
A ? Il s’agira de C, qui sera successible et successeur par le biais de la substitution : il devra le rapport en tant
que successeur – mais, évidemment, il faut qu’au moment du décès, il soit successible (B prédécédé).

Quid en cas d’indignité du successible ? Dans ce cas-là, l’indigne est écarté de la succession : il n’est pas un
héritier. Ainsi, il ne doit pas le rapport puisque le rapport n’est dû que par un héritier. Ainsi, si B est indigne, il
ne sera pas tenu au rapport puisqu’il n’est pas un héritier, mais un tiers : or, les tiers ne sont pas tenus au
rapport. Évidemment, cela suppose que C ne le substitue pas dans la succession, ce qui est possible désormais
en présence d’une indignité. Et, si C n’existe pas et que B est indigne, vu qu’il est indigne, il ne peut être héritier
et, dans ce cas, il ne sera pas tenu au rapport : de ce fait, la donation sera dispensée de rapport. En effet, s’il
n’est pas tenu au rapport, c’est que la libéralité sera non-rapportable : or, une libéralité non rapportable
s’impute sur la quotité disponible (art. 848, al. 2 C. civ.).

74
b) Le gratifié doit avoir accepté la succession :

Le gratifié doit avoir accepté la succession : ainsi, si B renonce à la succession, il n’est pas héritier : il échappe
alors au rapport (art. 848, al. 1e). En revanche, si un descendant substitue B (ex : C), à ce moment-là, le rapport
sera dû par le substituant (= C). Ainsi, C remplace B et il le remplace donc aussi dans le rapport.

c) L’héritier doit avoir, en principe, été gratifié personnellement par le défunt :

L’héritier doit avoir été gratifié personnellement par le défunt. Ainsi, si B vient de son chef à la succession, il doit
rapporter ce que lui-même a reçu, mais pas ce que son enfant C a reçu : il ne rapporte que ce que lui-même a
reçu (art. 845, al. 1e à sauf cas art. 848, al. 2). Ainsi, quid des donations faites à C ? Elles seront dispensées de
rapport. Quid si l’héritier vient à la succession par substitution (art. 847 C. civ.) ? Ainsi, si C vient à la succession
de A grâce à la substitution, il devra alors rapporter deux choses (à sorte de double obligation au rapport) :

è (1) ce qu’il a reçu lui-même


è (2) ce qu’il a reçu pour la personne qu’il substitue - sauf s’il échappe au rapport (= ce que B a reçu).

Par ailleurs, l’article 849 prévoit que si le don ou le legs faits au conjoint/cohabitant légal du successible (ex : A
fait une donation au conjoint de son enfant), il n’y aura pas de rapport puisque le conjoint de l’enfant n’est pas
un héritier. Ensuite, si une donation est faite à la fois à l’enfant et au conjoint de son enfant, le rapport ne sera
dû qu’à hauteur de moitié : ainsi, il n’y a pas de rapport pour le tout. En effet, seul l’héritier devra rapporter.
Toutes ces dispositions n’ont pas été revues en 2017 mais en 2012/13 : ainsi, cela part un peu dans tous les sens.

§6. Les personnes qui peuvent demander le rapport :

a) Seuls les cohéritiers peuvent exiger le rapport des libéralités :

Le rapport des libéralités est destiné à réaliser l’égalité dans le partage d’une succession. Il n’est dès lors
logiquement dû par l’héritier avantagé qu’à ceux qui viennent avec lui au partage (art. 857 C. civ.). Les cohéritiers
peuvent exiger le rapport ensemble ou séparément. Ils exercent ainsi un droit qui leur est propre. Ils seront
considérés comme tiers par rapport aux donations faites par le défunt et pourront par conséquent établir
l'existence de la donation par toutes voies de droit. Ainsi, au niveau des personnes qui peuvent demander le
rapport, il n’y a que les cohéritiers qui le peuvent. En effet, c’est logique puisque le rapport est une remise à
égalité : c’est un droit qui est propre (ils ne tiennent pas ce droit du défunt) et ils peuvent donc choisir de
l’exercer ou non. Pour pouvoir exiger le rapport, il faut préalablement prouver la donation. Il y a eu une affaire
dans laquelle la mère retirait chaque semaine 500 euros pour son fils. Après sa mort, la fille disait qu’elle était
sûre que c’était pour son frère, mais elle ne pouvait pas le prouver. La professeure a donc dit au fils que s’il
s’agissait effectivement d’une donation, qu’il y avait des conséquences fiscales et que s’il était coupable de recel,
c’était puni pénalement. Ainsi, son avocat a donc dit qu’il allait dire la vérité. Par contre, si elle défendait le fils,
elle aurait dit « prouvez la donation car la charge de la preuve repose sur celui qui demande le rapport ».

b) Les légataires et les créanciers successoraux ne peuvent exiger le rapport :

Les légataires et les créanciers successoraux ne peuvent exiger le rapport car leur legs ne sera jamais délivré au
moyen des biens rapportés (art. 857) : le legs est en effet toujours exécuté grâce aux biens existants au jour du
décès. De plus, les créanciers successoraux non plus n’ont pas d’intérêt à exiger le rapport (art. 857) puisque les
créanciers de la succession seront aussi payés via les biens existants – et non via les biens rapportés. Ainsi, si le
défunt avait fait des dettes et que ces dettes sont encore dues, les créanciers peuvent se servir sur les biens
existants, mais non sur les donations rapportables. Néanmoins, il faut faire attention car les créanciers
successoraux pourront, le cas échéant, introduire une action paulienne si les donations ont été faites en fraude
de leurs droits (art. 1167 cciv). En revanche, les créanciers personnels de l’héritier, via une action oblique,
pourront exiger le rapport si l’héritier lui-même ne le fait pas : ce créancier ici, a un intérêt car s’il y a rapport, il
a remise à égalité et, s’il a remise à égalité, son débiteur aura un patrimoine plus important sur lequel il pourra
se servir (art. 1166).

75
§7. Les modes de rapport des libéralités :

a) Présentation :

Imaginons qu’on est réunis avec nos frères et sœurs pour partager la succession de votre parent : chacun va dire
ce qu’il a reçu et il y a un rapport qui va être remis car une remise à égalité doit se faire. Mais comment se fait
concrètement cette remise à égalité ? D’une manière générale, il y a deux manières de remettre à égalité entre
nous : le rapport en nature ou le rapport en valeur.

1) Le rapport en nature :

Le rapport en nature, c’est l’obligation de remettre matériellement le bien en tant que tel dans la masse de
partage. Et si l’on ne s’entend pas pour la composition des lots, on fait des lots avec un peu des donations et un
peu des biens existants dedans, l’on tire au sort de sorte que l’on pourrait tomber sur un bien que notre frère
ou notre sœur avait reçu en donation.

2) Le rapport en valeur :

Le rapport en valeur est aussi une remise à égalité, mais qui se fait en valeur. Ainsi, la personne qui a reçu le
bien garde le bien, mais doit rendre compte de la contre-valeur du bien. Pour la remise à égalité, elle peut se
faire par :

è Un rapport en moins prenant : il s’agit d’une technique de rapport en valeur dans lequel on prend « en
moins » soit par prélèvement, soit par imputation (= technique de rapport en moins prenant) :

§ Par prélèvement : J’ai reçu un tableau et mes frères et sœurs prélèvent, avant le partage, des
biens existants pour qu’il y ait remise à égalité : finalement, on partage ce qui reste.

§ Par imputation (= soustraire à technique la + utilisée) : J’ai reçu un tableau et, dans le cadre
du partage, si j’ai reçu 100 (tableau), je prendrai 100 en moins au moment du partage.

è Le versement par l’héritier gratifié d’une somme d’argent : J’ai reçu 100, je mets 100 dans le pot
commun puis on partage le reste (procédé utilisé de manière résiduaire quand aucun autre n’est
possible).

b) Les modalités légales du rapport :


1) Les règles anciennes :
A. Le rapport des donations immobilières :

Légalement, ce qui était prévu, c’était un rapport en nature. Pourquoi ? A l’époque, en 1804, les immeubles
avaient beaucoup de valeur : ainsi, l’on estimait que ce qui était le plus juste, au niveau de l’égalité entre les
héritiers, c’était que l’immeuble soit rapporté en nature dans la masse de partage. Ainsi, au niveau de la
valorisation, l’on tenait compte de la valeur de l’immeuble au jour du partage. Or, c’était assez critiqué parce
que si un père donne 300.000 euros à un enfant et un immeuble de 300.000 euros à son deuxième enfant : dans
la tête du père, il aura donné la même chose à ses deux enfants. Or, E1 ne devra devoir rapporter que la somme
d’argent qu’il a reçu alors que E2 devra rapporter la maison en nature : or, elle a peut-être doublé de valeur et
il devra alors rapporter plus que l’autre enfant. Et, de cela, les gens n’en étaient pas du tout conscients : cela ne
respectait donc pas du tout l’égalité. En pratique, 99% du temps, les personnes prévoyaient un rapport en valeur
à la place du rapport en nature : légalement, le rapport en nature était prévu par la loi, mais l’on pouvait y
déroger – ce qui n’est plus le cas maintenant puisque tout ce qui concerne le rapport est devenu impératif.

76
B. Le rapport des donations mobilières :

Le rapport des donations mobilières se faisait en valeur en moins prenant (art. 868 et 869 cciv), à la valeur au
jour de la donation. Pourquoi ? En 1804, ce que l’on donnait, c’était souvent des meubles meublants : or, si l’on
donnait cela à sa fille, elle allait devoir rapporter sa donation. Ainsi, l’on s’est dit que le plus juste, là, c’était de
rapporter en valeur car en nature, les biens pouvaient s’être abimés et pour que ce soit encore plus juste, l’on
tenait compte de la valeur des meubles au jour de la donation. Néanmoins, cette règle n’était plus du tout
adaptée avec le temps parce qu’aujourd’hui, on ne donne plus trop de meubles meublants. En effet, l’on donne
des œuvres d’art ou des titres immobiliers qui prennent de la valeur47.

2) Les règles nouvelles :

Dans les règles nouvelles, tout d’abord, en ce qui concerne le mode de rapport, l’on a généralisé le rapport en
valeur pour toutes les modalités, nonobstant toute stipulations contraires. Ainsi, si l’on fait une donation, à
partir du 1er septembre 2018, l’on ne peut pas dire que ce sera rapportable en nature : c’est tout à fait interdit
(art. 858, §1 cciv). Ainsi, il est interdit que le donateur ou le testateur dise que sa donation ou son legs est
rapportable en nature. Par contre, il y a possibilité pour le gratifié de rapporter en nature car cela, on ne peut
pas l’interdire (art. 858, §6 cciv). Néanmoins, il faut, pour cela, que le bien lui appartienne encore et que le bien
soit libre de toute charge supplémentaire ou occupation dont il n’était pas déjà grevé au jour de la donation
(ex : hypothèque). Finalement, si l’on rapporte en nature, il peut y avoir une soulte qui est due48 : en effet, l’on
permet au gratifié de rapporter en nature, mais si c’est le cas, il faudra toujours que ce qui est rapporté
corresponde au montant qui aurait été rapporté sur la base d’un rapport en valeur.

Quelles sont les modalités de ce rapport en valeur ? Il y a plusieurs possibilités : soit on rapporte en moins
prenant (par prélèvement ou par imputation), soit on paye la valeur du bien à la masse - il n’y a pas de hiérarchie
entre les modes. Et comment est-ce que l’on valorise concrètement ? Désormais, l’on rapporte sur la base d’une
valeur identique à la valeur dont on tient compte dans la masse fictive de calcul. En effet, nous avons vu que
l’on fait une masse de calcul dans laquelle l’on devra valoriser les donations. Or, l’on valorise les donations selon
certaines règles que l’on utilise aussi pour valoriser la donation dans le cadre du rapport (art. 858, §2 à 5 cciv +
art. 856 cciv). Ainsi, c’est beaucoup plus facile puisque désormais nous avons une seule et même règle à la fois
pour la masse de calcul et pour la masse de partage, quelle que soit la nature du bien (M ou I). Finalement, il est
à noter que le slide dit que si l’on rapporte un legs, la valeur du bien légué est celle au jour de l’ouverture de la
succession : c’est logique, mais de nouveau, si l’on rapporte un legs, nous aurons les biens existants dans la
masse de partage, puis les donations rapportables.

Or, je ne rajoute pas dans la masse de partage les legs rapportables : je ne mets que les donations rapportables
car les legs sont exécutés au moyen des biens existants. Ainsi, l’on ne peut ajouter dans la masse de partage les
legs. Les legs, eux, il est logique qu’ils soient valorisés à la valeur au jour du décès puisque c’est cela qui sera
transmis au légataire. Enfin, l’on devra rapporter une certaine valeur, et cette valeur, à partir du jour du décès,
sera soumise au taux d’intérêt légal (2% en 2018). Ainsi, si l’on doit rapporter une donation à une valeur de 100,
à partir du jour du décès, l’on calcule des intérêts sur la valeur à rapporter. En réalité, cela ne représente pas
grand-chose, mais si la liquidation dure très longtemps, cela devient donc important (art. 856 cciv).

47 Marc décède en laissant 1 million d’euros et de son vivant il avait donné des titres à E1, de l’argent à E2 et un fonds de commerce à E3.
Dans la masse de partage, je reprend les biens existants : 1 millions d’euros et j’y ajoute tout ce qui a été reçu par les trois enfants – puisque
ce sont des donations rapportables – mais je reprend la valeur au jour de la donation. J’additionne le tout : j’en ai pour 3 millions 300.000
euros. Ainsi, c’est cette somme là qui doit être divisée en trois et il faut qu’il y ait une égalité entre les trois enfants : chaque enfant doit
recevoir 1. 100.000 euros. Néanmoins, l’on va déjà tenir compte de ce qu’ils ont reçu. Ainsi, E1 a déjà reçu 600.000 : ainsi, il pourra encore
prendre dans les biens qui existent 500.000, etc.
48 Ex : Une personne décide de rapporter en nature : elle peut le faire. Elle rapporte en nature un bien qui vaut 10. S’il avait rapporté en

valeur, il aurait du rapporté 14 compte tenu des règles de valorisation. Ainsi, on va lui permettre de rapporter en nature un bien qui vaut
10, mais comme il était quand même censé rapporter en valeur puisque c’est la règle, il devra ajouter un complément en valeur de 4. En
revanche, s’il rapporte en nature un bien qui vaut 15 et que s’il avait rapporté en valeur, il n’aurait dû rapporter que 12, dans ce cas-là c’est
la masse qui lui devra une soulte de 3.

77
§8. Le moment du rapport :

Le rapport a lieu au moment du décès : ainsi, il peut y avoir des inégalités avant. Ainsi, si l’on fait une donation
à un enfant en particulier, il y a une inégalité qui ne sera réglée qu’au moment de la mort du parent qui a gratifié
l’enfant. Ensuite, l’on ne rapporte pas les revenus du bien tant que la personne existe49. Après le décès, quid ?
Avant, il fallait rapporter les revenus intervenus après le décès : désormais, l’on n’en fait plus état dans le code.
Ainsi, il semble que l’on ne doive plus rapporter les revenus après le décès (slide et syllabus à modifier sur ce
point). Ainsi, à lire les dispositions légales, le donataire doit rapporter ce que la loi lui dit de rapporter soit la
valeur du bien donné au jour de la donation avec indexation et le taux d’intérêt au taux légal depuis le jour du
décès : les revenus du bien, eux, ne doivent plus être rapportés (à ce que semble comprendre la prof de la
nouvelle loi qui n’est pas toujours claire).

§9. Les pactes successoraux relatifs au rapport :

Plus haut, nous avons vu que nous pouvons mettre en place des pactes :

è Nous pouvons nous mettre d’accord dans un pacte pour fixer la valeur du bien donné au jour de la
donation (art. 858, §5, al. 1e cciv).

è Nous pouvons fixer la valeur du bien donné au jour de la donation avec indexation (règle) alors qu’en
réalité, l’on se trouve dans l’exception qui veut que, normalement, l’on doit valoriser au jour du décès
(art. 858, §5, al. 2 C. civ.)50 : le pacte permet de retourner à la règle alors qu’on est dans l’exception.

è Le pacte relatif au rapport pour autrui (art. 845, al. 2 cciv) : nous avons vu tout à l’heure qu’en principe,
l’on ne rapportait que les donations dont on avait été personnellement gratifiés lorsque l’on vient de
son propre chef à la succession.

Pour ce dernier pacte, en principe, un héritier n’est tenu de rapporter que ce qu’il a lui-même reçu (sauf s’il vient
à la succession par le support de la substitution). C’est ce qu’énonce le premier paragraphe de l’article 845
nouveau du Code civil. Ainsi, un héritier n’a en principe pas à rapporter ce que son enfant ou son descendant
aurait lui-même reçu. Le paragraphe 2 de l’article 845 nouveau du Code civil offre toutefois la possibilité
d’effectuer un rapport pour autrui. Il s’agit là d’une innovation apportée par la loi du 31 juillet 2017 qui a cherché
à rencontrer le souhait grandissant des citoyens de pouvoir organiser un « saut de génération ». La loi nouvelle
autorise l’enfant du donateur à conclure un pacte sur succession future dans lequel il s’engage à rapporter à la
succession du donateur (par hypothèse son père ou sa mère) la donation faite à son propre enfant (en
l’occurrence le petit-enfant du donateur). Concrètement, la donation consentie à son enfant s’imputera sur sa
propre part dans la succession du donateur. Une égalité par souche serait de la sorte atteinte.

Ainsi, imaginons que Raymond consente une donation à son petit-fils, Jules. En principe, Fredéric vient à la
succession de Raymond et ne devra pas rapporter la donation qui a été consentie à Jules. Or, l’on peut déroger
à cette règle- là par le biais d’un pacte relatif au rapport pour autrui : l’on rapporte à la place de quelqu’un
d’autre. Ainsi, Frédéric, le fils de Raymond et le père de Jules, accepte de rapporter la donation consentie à Jules
dans la succession de Raymond. Ainsi, dans la succession de Raymond, la donation à Jules s’imputera sur la part
de Frédéric. Ainsi, tout se passe comme si c’était Frédéric qui avait reçu la donation. Au final, cela permet d’avoir,
dans les familles, une égalité par souche. Ainsi, imaginons que Raymond veut faire une donation à ses deux
enfants : Frédéric et Laurence. Frédéric il est très riche, il n’a pas besoin de cet argent : il préfère que ça aille à
Jules, son fils. Laurence, elle, n’a pas d’enfant et veut la donation pour elle. Or, elle va dire qu’elle elle devra
rapporter la donation alors que la donation faite à Jules est une donation non rapportable puisque Jules n’est
pas un successible. Ainsi, Laurence n’est pas contente parce qu’elle, elle va devoir rapporter sa donation. Ainsi,
il y aura une inégalité entre les deux familles puisque Frédéric sera censé n’avoir rien reçu.

49 Ex : Je donne un appartement à ma fille. Je meurs en 2040 : entre 2019 et 2040, ma fille aura touché des revenus par rapport à ces
appartements qu’elle ne doit pas rapporter. Ainsi, ce que l’on mettre dans « donations rapportables », c’est uniquement la valeur de
l’appartement au jour de la donation indexé.
50 Ainsi, je fais une donation avec réserve d’usufruit à ma fille. Or, comme elle n’a pas la libre disposition de la pleine propriété du bien au

jour de la donation, l’on tombe donc dans l’exception et il faudra, en principe, valoriser le bien au jour du décès.

78
Ainsi, il pourra prendre plus dans le cadre de la succession. L’idée est de dire que l’on faisait comme si c’était
Frédéric qui avait reçu et l’on va ainsi imputer sur sa part à lui ce qui a été donné à son propre fils de manière à
avoir une égalité par souche. Néanmoins, il faut que Frédéric accepte ce pacte : il faudra donc le faire intervenir
soit dans l’acte de donation entre Raymond et Jules, soit dans un acte ultérieur. Jules, lui, devra aussi intervenir
dans le cadre de cet accord-là car pour lui, ce n’est pas si avantageux. En effet, pour Jules, dans la succession de
son père, il devra rapporter la donation consentie par son grand-père. Ainsi, si Jules a une sœur Juliette, le fait
que Frédéric ait accepté de rapporter la donation sera finalement compensé par le fait que dans la succession
de Frédéric, Jules devra rapporter cette donation : les biens donnés par Raymond sont traités comme s’ils
venaient de Frédéric. Ainsi, Jules, du fait de ce rapport pour autrui est ennuyé car sans celle-ci, dans la succession
de son grand-père, il ne rapporte pas et dans la succession de son père, il ne rapporte pas non plus.

3. Le produit de la réduction des donations réduites :

Dans la liquidation de la succession, il fallait s’occuper des biens existants, qu’on a déjà vu, des donations
rapportables, qu’on a aussi déjà vu, et du produit de la réduction des donations réduites. Or, parfois, l’on peut
avoir une donation qui excède la quotité disponible : ainsi, ce trop donné fait retour dans la masse de partage
pour pouvoir faire en sorte que les héritiers réservataires aient droit à leur part minimal. Ainsi, La masse
partageable comprend enfin les libéralités qui auront été réduites.

79
Chapitre 6e. Le droit transitoire de la réforme du droit successoral51 :

1. Les dispositions transitoires – les règles :


§1. La règle :

D’une manière générale, le législateur a trouvé sa loi fantastique : ainsi, il a voulu qu’elle entre en vigueur
entièrement le plus rapidement possible. Ainsi, la règle est que la loi nouvelle s’applique aux successions
ouvertes à partir du 1er septembre 2018, soit chaque fois que le décès est intervenu après le 31 août 2018 :
l’ouverture de la succession correspond à la date du décès. Ensuite, l’on applique la nouvelle loi, même en ce
qui concerne les donations antérieures. Or, cela implique notamment que le décès est intervenu à partir du 1e
septembre 2018, la quotité disponible est d’une manière uniforme fixée à une moitié. Et, cela implique que pour
valoriser les donations, l’on va se fier aux nouvelles règles, même si les donations ont été consenties avant. Ainsi,
pour les règles concernant le rapport, nous avons vu les anciennes règles : désormais, tout cela n’a plus
d’importance. En effet, désormais, l’on applique les nouvelles règles de sorte que même pour une donation
effectuée en 1950, l’on appliquera la règle de la valeur du bien donné au jour de la donation avec indexation.

§2. Les exceptions générales à l’application de la loi nouvelle aux successions ouvertes avant du 1er
septembre 2018 :

a) La validité quant au fond et à la forme des libéralités, pactes successoraux ou déclarations réalisées
avant le 01/09/2018 :

Ici, ce qu’il faut retenir, c’est la validité des pactes. Ainsi, quid si l’on a un pacte Valkeneers qui date de 2012 ?
Avant le 1e septembre 2018, il était très facile de conclure ce genre de pactes : il suffisait d’aller chez le notaire
et d’ajouter une clause dans le contrat de mariage. Depuis le 1e septembre 2018, il faut respecter toutes les
formalités relatives aux pactes : en pratique, il n’y a donc quasiment plus de pactes Valkeneers. Ainsi, quid s’il
faut liquider une succession avec un pacte Valkeneers conclu en 2012 ? En principe, la loi nouvelle s’applique et
il fallait respecter les formalités. Néanmoins, l’on ne savait pas, en 2012, respecter des formalités prévues en
2018. Ainsi, pour tout ce qui concerne les conditions de forme du pacte, l’on se base sur les règles applicables
au jour de la conclusion du pacte.

b) La qualification, en tant que donation rapportable ou préciputaire, d’une donation réalisée avant le
01/09/2018 (tuyau) :

La qualification, en tant que donation rapportable ou préciputaire, d’une donation réalisée avant l’entrée en
vigueur de la loi reste soumise aux anciennes règles. Autrement dit, lorsque l’on a un exercice, on regarde quand
a eu lieu la donation. Ainsi, si elle a eu lieu en 2012, l’on se pose la question de savoir, si en 2012, l’on considérait
que la donation était rapportable, ou non rapportable ? Le fait de savoir si une donation est rapportable ou non
se détermine en fonction des règles existants au jour de la donation52.

c) Le mode de rapport ou de réduction et les règles d’évaluation aux fins de rapport et de réduction :

Le mode de rapport, c’est savoir si une donation est rapportable en nature ou en valeur. Le mode de réduction,
c’est savoir si une réduction est réductible en nature ou en valeur. Les règles d’évaluation, aux fins (= pour faire)
de rapport et de réduction, c’est de savoir comment l’on valorise. En principe, pour les donations même
antérieures au 1er septembre, l’on applique les nouvelles règles. Or, au cours des travaux préparatoires, certains
ont dit que ce n’était pas juste car cela déjouait les attentes du citoyen. Ainsi, imaginons qu’on ait donné 1
million d’euros à notre enfant avant la nouvelle règle, on s’est dit qu’elle devrait rapporter cette somme-là – et
non pas 1 million indexé. Ainsi, l’on a autorisé une déclaration de maintien des anciennes règles, mais il faut être
attentif au fait que la déclaration ne vaut que pour le mode de rapport et de réduction et les règles d’évaluations.
En effet, certains notaires croient que l’on peut aussi maintenir les anciennes règles sur le montant de la quotité
disponible, mais ce n’est pas le cas. La déclaration de maintien, en principe, devait être faite avant le 1er

51

52Ex : le 12 mars 2014, Marie, qui n’a pas d’enfant, donne 20.0000 à son frère Gérard, sans autre précision. Marie décède en 2056. La
donation sera rapportable parce qu’au moment de la donation, elle était rapportable. Aujourd’hui, les règles ont changé et la donation
aurait été non rapportable : or, les règles nouvelles ne sont pas prises en compte.

80
septembre 2018, mais il n’y a pas eu assez d’informations de sorte que peu de déclarations ont été effectuées :
il y a donc eu un prolongement des délais par la loi du 22 juillet 2018. Néanmoins, la déclaration de maintien ne
concerne que les donations réalisées avant le 1e septembre 2018. Ainsi, l’on peut choisir de maintenir les
anciennes règles, mais que pour les donations qui leur sont antérieures. Ainsi, pour les donations faites après le
1er septembre 2018, l’on applique d’office les nouvelles règles. Par ailleurs, la déclaration de maintien visera
automatiquement toutes les donations : il n’est pas possible de panacher les règles entre les donations.
Finalement, si la donation ancienne a été expressément stipulée rapportable ou réductible en nature, il ne
faudra pas de déclaration de maintien pour cela : en effet, si dans un acte de donation ou dans un pacte adjoint
c’est écrit, c’est bon – sans déclaration de maintien.

§3. Les exceptions spécifiques à l’application de la loi nouvelle aux successions ouvertes à partir du 1er
septembre 2018 (à matière vu en master 2 de notariat) :
§4. Le régime transitoire relatif aux donations véhiculées par contrat d’assurance :
a) La modification de l’article 188 de la loi du 4/04/2014 :

La loi sur les assurances a été modifiée en son articles 188 : il y aura désormais une présomption légale de
rapport quand le bénéficiaire de l’assurance est un héritier en ligne directe descendante. Jusqu’alors, c’était une
présomption de dispense de rapport dans tous les cas de figure. Ainsi, cela reste une présomption de rapport,
sauf si la personne qui est gratifié est un héritier en ligne directe descendante. Ainsi, l’on a calqué les règles du
droit commun sur les dispositions en matière d’assurance. Quid de l’entrée en vigueur de ce nouvel article ? Il
entre en vigueur en ce qui concerne les désignations bénéficiaires intervenues à partir du 1e septembre 2018 :
ainsi, la date du contrat n’a pas d’importante, ce qui compte c’est la date de la désignation bénéficiaire (= le fait
de mettre dans un contrat d’assurance qui recevra le capital de l’assurance).

81
Partie 2e. Les libéralités :
Introduction - Les liens entre les libéralités et le décès :

Les libéralités, ce sont des donations et les libéralités testamentaires, ce sont aussi les institutions contractuelles
si l’on veut être complet. Toute la matière se trouve dans le Titre II du Livre III qui vise les libéralités. La
particularité de ce titre II est de se trouver dans le livre III sur les manières dont on acquiert la propriété : c’est
donc un mode d’acquisition de la propriété. Le titre II s’intitule « des donations entre vifs et testaments » : ainsi,
il n’utilise pas le mot « libéralité » et n’en vise que deux types : les donations et les testaments, sans viser les
institutions contractuelles qui sont pourtant des libéralités. Les institutions contractuelles sont des conventions
insérées dans le contrat de mariage ou signées après le mariage par laquelle les futures époux ou époux peuvent
régler le sort de leur bien au moment de leur décès. Il s’agit également d’un type de libéralité car il s’agit de
l’une des exceptions au pacte sur succession future : il s’agit de libéralités exceptionnelles qui ont un régime
juridique distinct de celui des donations et des testaments.

Les donations et les libéralités testamentaires, ce sont des façons pour le défunt d’agir sur sa succession de son
vivant : ainsi, ce sont des dispositions qui sont prises au profit d’autres personnes et prises par une personne
dans la perspective de son décès. Or, si pour les libéralités, cela paraît évident, cela peut sembler moins évident
pour les donations. En effet, si je fais une donation aujourd’hui, en quoi est-ce que cela concerne la perspective
de mon décès ? Le lien peut être moins évident pour les donations étant donné qu’elles sont effectuées du
vivant et si je donne ma maison aujourd’hui, cela a des effets immédiats. Par contre, si je fais un testament
aujourd’hui disant que le lègue ma maison, elle partira au moment de mon décès. Ainsi, en quoi est-ce que la
donation concerne mon décès ?

1. Le lien psychologique entre la donation et le décès :

Tout d’abord, j’anticipe sur ma transmission patrimoniale au moment de mon décès car ma voiture ne se
retrouvera plus dans ma succession : j’anticipe sur mon décès. Or, a priori, si je me défais d’un bien, c’est que je
n’en n’ai plus trop besoin : ainsi, autant le transférer tout de suite. En effet, en général, l’on transmet les biens
dont on n’a plus vraiment besoin. Ainsi, quelque part, c’est parce que psychologiquement j’aime autant ne pas
attendre mon décès pour le transmettre.

2. Le lien pratique entre la donation et le décès :

La libéralité est un transfert sans contrepartie, mais on en retire tout de même un bénéfice affectif (ex : j’aime
bien mon voisin). La donation, elle, est plutôt rare au voisin : en effet, la majorité des donations qui sont faites
le sont à des proches qui hériteraient de toute façon car ils sont déjà des héritiers légaux. En tout cas, le lien à
faire entre la donation et le décès est que l’impact au moment de la succession est immense puisque si la
donation est faite à l’un de mes héritiers légaux, il faudra se poser s’il s’agit d’une donation faite en avance
d’hoirie ou faite hors part : il faudra examiner si elle est rapportable ou non et tout ce qui s’en suit. Ainsi, lorsque
je fais une donation de mon vivant, cela aura une incidence plus tard.

3. La réserve héréditaire en cas d’héritiers légaux et réservataires :

Finalement, il y a encore un autre lien si la donation porte atteinte à la réserve des héritiers réservataires : en
effet, il faut aussi vérifier que les donations ne touchent pas à la réserve et à la quotité disponible. Nous l’avons
vu, pour reconstituer les masses de calcul, l’on reprend toutes les donations qui ont été faite au cours de toute
la vie. Ainsi, si vous recevez une voiture de vos parents aujourd’hui, si c’est une donation, l’on en parlera plus
tard. Ainsi, toutes ces donations seront à révéler, et l’on fait même parfois prêter serment afin de savoir toutes
les donations qui ont été reçu du vivant du défunt afin de potentiellement les soumettre à réduction s’il est
porté atteinte à la réserve. Finalement, le lien peut aussi être fiscal car un tas de donations qui sont faites sont
aussi faites dans une perspective de programmation successorale (voy. infra cours sur le droit fiscal). Ainsi, le
lien avec le décès et la donation est évident puisque cela influence la succession.

82
Chapitre 1e. Notion et régime général des libéralités :

1. La notion de libéralité :

Une libéralité - non définie par la loi - est un acte juridique par lequel le disposant transfère, au profit d’une
autre personne, un bien ou un droit patrimonial, sans contrepartie - ou à tout le moins sans contrepartie
équivalente - avec l’intention de gratifier le bénéficiaire. Il y a donc trois éléments constitutifs qui doivent
toujours être présents – sinon ce n’est pas une libéralité et ce n’est donc pas soumis aux règles particulières - :

è Transfert d’un bien ou droit patrimoniale


è Élément économique ou matériel (= sans contrepartie)
è Élément intentionnel ou psychologique (= avec l’intention de gratifier)

§1. Le transfert d’un bien ou d’un droit patrimonial :

La libéralité est un acte à titre gratuit, mais tous les actes à titre gratuit ne sont pas des libéralités. Ainsi, se
porter caution peut être une libéralité, mais a priori, ce n’en est pas une. Il s’agit d’un acte à titre gratuit par
lequel il y a un transfert d’un élément du patrimoine du disposant (= celui qui donne et qui dispose de son
bien) soit par une donation, soit par testament : il s’agit d’un transfert qui peut être direct ou indirect (= transiter
par une autre personne à voy. infra). Ainsi, comme il faut un transfert d’un élément du patrimoine, ne sont pas
considérés comme des libéralités les actes de bienveillance et le transfert de droits non patrimoniaux.

a) Les actes de bienveillance :

Dans les actes de bienveillance, l’on classe les services gratuits et les actes de simple tolérance.

1) Les services gratuits :

Un service gratuit est une convention à titre gratuit qui fait naitre une obligation de faire ou de ne pas faire, mais
qui n’opère pas un transfert d’un élément du patrimoine : il ne s’agit donc pas d’une libéralité. Pour les services
gratuits, si je prête ma voiture à ma fille pendant six mois, est-ce un prêt (acte à titre onéreux) ? Il s’agira d’un
prêt si elle est louée : il y a un réel contrat à titre onéreux. Par contre, si je lui en donne l’usage pendant six mois,
est-ce une libéralité ou un service gratuit ? En réalité, cela dépend car s’il n’y a pas de dessaisissement définitif
du bien (= transfert du bien ou d’un droit patrimonial sur le bine), il n’y a pas de donation : l’on ne fait pas de
donation de service. En effet, il y a plein d’actes pour lesquels on ne demande pas de rémunération : si, une fois
par semaine, je vais aider ma mère, c’est un service gratuit. Ainsi, l’on peut donc ranger là-dedans le prêt à
usage, le prêt d’argent sans intérêt, le mandant gratuit et le dépôt gratuit.

2) Les actes de simple tolérance :

Les actes de simple tolérance ne sont pas des libéralités non plus : il n’y a pas de dépouillement du patrimoine
du disposant. Ainsi, je laisse mon voisin passer sur mon terrain pour aller dans son verger : ainsi, je ne lui concède
pas une servitude (= droit réel). En effet, si c’était une servitude, ce serait une libéralité. Ici, il s’agit d’une
permission à titre précaire de passer sur le bien.

b) Les actes juridiques portant sur des droits non patrimoniaux :

Lorsqu’on transfert une chose sans valeur patrimoniale, les biens extrapatrimoniaux, il ne s’agit pas d’une
libéralité. Or, qu’est-ce qui n’a pas de valeur patrimoine ? Rien, sinon ce que la loi range dans les bien
extrapatrimoniaux. Il s’agit des cas où il ne peut pas y avoir de diminution de richesse économique car cela
concerne des biens dont le droit décède qu’ils ne peuvent avoir une valeur patrimoniale (ex : don d’organe à
on utilise le mot « don » mais ce ne sont pas des donations ; don d’ovule ou de sperme à loi de 1986).

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§2. L’élément économique ou matériel :
a) Notions :

Il faut un élément économique ou matériel : l’idée est de dire que celui qui dispose va s’appauvrir au profit de
celui qui reçoit, et ce sans contrepartie ou contrepartie équivalente. Ainsi, il faut être en présence de trois
choses ici : un appauvrissement, un enrichissement et une absence de contrepartie.

1) L’appauvrissement du disposant :

Au niveau de l’appauvrissement du disposant, il faut qu’il se dépouille de tout ou partie de son patrimoine. Or,
il peut s’appauvrir (1) par acte translatif d’un bien ou d’un droit (réel, intellectuel, etc) ; (2) par une obligation
prise en charge par un disposant/tiers au profit du gratifié (ex : elle rembourse la dette de son enfant) ; (3) par
une renonciation à un droit patrimonial au profit du gratifié (ex : je te donne la nue-propriété de ma maison).

2) L’enrichissement du gratifié :

Corrélativement, le gratifié s’est enrichi : il n’y aura libéralité que s’il y a enrichissement. Ainsi, le gratifié a
augmenté la valeur de ses droits patrimoniaux.

3) L’absence de contrepartie :

Il s’agit d’un acte à titre gratuit : c’est le cœur même de la définition des libéralités. En effet, le disposant n’attend
pas une contrepartie économique ou équivalente à son dépouillement. En cas de libéralité testamentaire, cela
va de soit, mais en tant que donation, la particularité d’une donation est que l’on se dépouille maintenant sans
contrepartie équivalent. Ainsi, il peut y avoir une contrepartie partielle si l’intention reste quand même de
m’appauvrir et que l’autre s’enrichisse à concurrence de la différence entre le dépouillement et la contrepartie.
Ainsi, il ne faut pas que pour qu’il y ait une libéralité, il y ait équivalent entre l’appauvrissement et
l’enrichissement, mais il faut en tout cas qu’il y ait une absence de contrepartie économique au moins sur une
partie. Ainsi, si l’on dit « je te donne ma maison maintenant, mais à charge pour toi de me verser 500 euros par
moi » : c’est une donation avec charge. Or, pour qu’il y ait donation, il ne faudrait pas que la charge dépasse la
valeur du bien. Ainsi, ce ne sera une libéralité que si la contrepartie reste moindre que la donation. Enfin, au
niveau de cette contrepartie, bien sur que si je donne une maison à ma fille, j’attends toujours un peu quelque
chose : il y a toujours une contrepartie affective et morale. En effet, l’on veut aider, faire plaisir mais cela ne
compte pas pour qualifier de donation : il faut une absence contrepartie économique.

b) Applications

1) Le transfert sans contrepartie d’un bien ou d’un droit réel :

La propriété des biens s’acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire ou par
l’effet des obligations (art. 711 cciv). Ainsi, effectivement, lorsque l’on transfère un bien, l’on permet à l’autre
d’acquérir la propriété. Ainsi, l’on peut le faire par un transfert de propriété (donation), un transfert d’usufruit
(donation), un droit d’habitation, un transfert de nue-propriété (donation à je me suis appauvrie de la valeur
économique de mon droit de vendre la maison que je n’ai plus), la constitution d’une servitude.

2) Le transfert d’un droit de créance :

Pour le transfert d’un droit de créance, l’on peut aussi céder un droit de créance sans contrepartie53. Même si
on ne sort pas l’argent de sa poche, parce qu’on n’a pas encore reçu cet argent, on s’appauvrit bien.

Ex : J’ai un locataire qui me doit 10.000 euros d’arriérés de loyers. J’ai donc une créance et je la cède à ma fille. Ainsi, je m’appauvris,
53

même si c’est à l’avance, puisque la créance ne sera plus à moi.

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3) La donation ou le legs des fruits ou revenus d’un bien du disposant :

Il est tout à fait possible d’avoir une libéralité qui ne porte que sur les revenus d’un bien. Ainsi, l’on peut donner
les loyers de sa maison (= fructus) à quelqu’un : c’est une donation. De même, l’on peut aussi donner juste l’usus
d’une maison loué mais ce n’est pas alors un usufruit.

4) Le paiement pour autrui :

Quid si mon enfant a une dette à l’égard de son propriétaire, que e propriétaire les réclame et qu’on paye pour
elle ? Est-ce que c’est une libéralité ? En réalité, cela dépend : (1) si on paye pour elle pour avancer la somme
mais qu’elle doit rembourser, il n’y a ni appauvrissement, ni enrichissement de sorte que ce n’est pas une
libéralité mais (2à si on ne lui demande pas de rembourser, c’est une donation indirecte – et c’est donc bien
rapportable. Dans ce cas-là, il n’y a pas de transfert direct d’un droit réel ou d’une valeur patrimoniale ? Certes,
mais il y a quand même un enrichissement, un appauvrissement et une absence de contrepartie car le disposant
exécute une obligation que le gratifié a à l’égard de son propriétaire : les éléments constitutifs sont réunis.

5) La stipulation pour autrui :

Nous savons que le transfert ne devait pas nécessairement être direct entre le disposant et le gratifié : il va
parfois transité par un tiers et il s’agit d’une application de la stipulation pour autrui (art. 1211 C. civ). En effet,
la définition dans le code civil de la stipulation pour autrui évoque la stipulation pour autrui par le biais d’une
donation. La stipulation pour autrui, c’est faire naitre dans le chef du bénéficiaire de la donation une créance
contre le promettant et, il peut s’agir d’une libéralité si tous les autres éléments constitutifs sont réunis – et l’on
qualifiera alors cela de donation indirecte. L’exemple-type de la stipulation pour autrui est l’assurance-vie.

Ainsi, imaginons que je suis le souscripteur et que je contracte une assurance-vie : c’est une assurance mixte qui
dit que si à 65 ans je vis toujours, je recevrai un million d’euros mais par contre si je suis mort avant mes 65 ans,
ce sont mes enfants qui vont toucher l’argent. Ainsi, ils vont recevoir le capital de l’assurance-vie : or, c’est une
libéralité via une stipulation pour autrui. En effet, j’ai payé des primes pendant toute ma vie de sorte que je me
suis appauvri. J’ai désigné le bénéficiaire, mes enfants, en disant que si je mourrais avant la date prévue, ils
recevront la rente. Il y a donc bien un appauvrissement dans mon chef et un enrichissement dans le chef des
bénéficiaires. Et quid du fait que ce ne soit pas directement entre nous ? Le transfert est indirect, via l’assureur,
mais cela ne pose pas de problème.

6) La remise de dette :

En cas de remise de dette, si j’ai dis à ma fille que je lui payais sa dette de 10.000 euros mais que je voulais
qu’elle me rembourse, et qu’ensuite, je lui dis qu’elle ne doit pas me rembourser, dans ce cas-là, j’abandonne
un droit patrimonial si je le fais avec une intention libérale – et non si elle lui a donné qqch en retour pour qu’on
annule la reconnaissance de dette. Ainsi, une remise de dette est un dépouillement d’une valeur patrimonial
puisque l’on renonce à l’encaissement de la dette – à distinguer du service gratuit où il n’y a pas de
dépouillement d’une valeur patrimonial.

7) Les présents d’usage :

Il est des occasions où il est d’usage de faire un cadeau (ex : mariage ; bague de fiançailles) : or, en cela, l’on
transmet un bien qui nous appartient. Ainsi, il y a transfert d’une valeur patrimonial : il y a appauvrissement,
enrichissement et absence de contrepartie – et il y a une intention libérale. Ainsi, a priori, il s’agit d’une
donation puisque l’on a tous les éléments constitutifs. Néanmoins, l’on a prévu une catégorie particulière qui
constitue « les présents d’usage » : en effet, lorsque c’est l’usage de faire un cadeau, il s’agit d’une donation,
mais qui ne sera pas rapportable.

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§3. L’élément intentionnel (psychologique) :

a) Notion :

L’élément intentionnel qui est requis consiste en une intention de gratifier. En effet, dans tout acte juridique, il
y a une forme d’intention, mais la particularité pour que ce soit une libéralité, c’est que ce soit une intention de
gratifier le disposant : il s’agit d’une intention libérale (= animus donandi = intention de donner). Au niveau de
l’élément intentionnel, il y avait trois conceptions qui ressortent de la doctrine et son application en
jurisprudence.

1) La conception subjective :

Au départ, certains disaient que lorsque l’on faisait une libéralité, l’on voulait avantager quelqu’un d’autre : je
veux préférer autrui à moi-même. Il s’agit d’une une action généreuse et désintéressée. En pratique, l’on n’est
pas au pays des bisounours en permanence : si l’on donne, c’est parce que cela nous fait du bien. En effet, si l(on
offre quelque chose à quelqu’un, c’est aussi parce que cela nous fait plaisir et parce que l’on aime cette
personne. Ainsi, l’on a toujours « un petit quelque chose » en retour : ce n’est pas totalement désintéressé. La
conception subjective avait donc ses limites et a été abandonnée au profit d’une conception totalement
abstraite.

2) La conception abstraite ou objective :

L’idée, c’est la conscience du disposant de ne pas obtenir de contrepartie économique : j’ai conscience que
quand je fais une donation, je ne recevrai pas de contrepartie L’intention libérale, c’est cela : avoir conscience.
En effet, l’on ne fait pas une libéralité lorsque l’on est en train de se faire rouler. Néanmoins, cela avait ses limites
aussi et c’est l’excès inverse. En effet, si j’accepte à vendre ma maison à ma fille pour la moitié du prix parce j’ai
envie qu’elle ait cette maison et qu’elle vaut 300.000 mais je lui vends à 100.0000, je lui fais une donation de
200.000 : j’ai donc une intention libérale. Mais quid si j’ai une incroyable opportunité d’aller vivre à l’autre bout
du monde et que je dois partir tout de suite et que je vends ma maison à 200.000 au lieu de 300.000 à un
acheteur inconnu pour qu’elle se vende très vite ? Je n’ai pas d’intention libérale : je n’ai pas envie de lui faire
une libéralité. Ainsi, cela ne fonctionne pas : la conception objective a donc été abandonnée au profit d’une
conception réaliste qui concilie les 2 premières conceptions

3) La conception « réaliste » :

Dans la conception réaliste, l’on concilie les 2 premières conceptions : ainsi, l’on a la conscience d’accomplir un
acte sans contrepartie avec, au minimum, l’intention d’enrichir le bénéficiaire (conception subjective). Ainsi, j’ai
donc une libéralité, même s’il y a d’autres mobiles égocentriques (>< conception subjective). Ainsi, l’on peut
faire un don à une œuvre parce que c’est bien vu socialement, pour avoir de la reconnaissance : peu importe,
cela restera une libéralité même s’il y a un peu d’égocentrisme. Et, pour la vente à bas prix, c’est toujours une
libéralité si l’on a l’intention d’enrichir le bénéficiaire et même ce n’est pas totalement gratuit : ainsi, la vente
de la maison à ma fille est une libéralité si j’ai bien l’intention subjective de l’enrichir sans contrepartie.

b) Cas particulier :
1) Libéralité et obligations naturelles :

L’on pourrait se poser la question de savoir si une obligation naturelle (1135, al. 2 cciv) est ou non une libéralité.
Ainsi, si notre partenaire a du mal à payer son loyer et qu’on le paye pour lui, peut-on lui demander un
remboursement au moment de la séparation ? Il pourrait s’agir d’une donation, mais si l’on est en présence
d’une qualification d’obligation naturelle, ce n’est plus une libéralité : c’était l’exécution d’une obligation
naturelle transformée en obligation civile. En effet, l’idée même de l’obligation naturelle, est que, dans notre
conscience, l’on trouve que c’est normal de remplir cette obligation - et dans la conscience collective, c’est
normal aussi. Or, si l’on nove (= novation = la faire sortir du champ de la morale pour la transférer dans le champ
civil en payant) notre obligation civile, l’on ne peut pas réclamer l’indu (art. 1135, al. 2) et il n’y aura donc pas
de répétition – et, il n’y a pas d’intention libérale quand il y a une obligation.

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2) La renonciation à un droit :

Est-ce que la renonciation à un droit est une libéralité ? A priori, ce n’est pas une libéralité (ex : renonciation
d’un usufruit à effet de la loi de la recomposition de la pleine propriété à pas d’intention libérale au bénéfice
du nu-propriétaire) mais il faut voir s’il y a une intention libérale. Ainsi, un fils qui n’a qu’un frère renonce à la
succession de son père : est-ce une libéralité ? En soi, il a transféré un élément patrimonial à son frère, il
s’appauvrit et quelqu’un s’enrichit sans contrepartie. Mais est-ce qu’il y a une intention libérale ?

è Si je renonce à la succession pour avantager mon frère et que je veux l’aider, j’ai une intention libérale
de le gratifier à titre principal (et petit motif égocentrique) : dans ce cas-là, il y a une intention libérale.

è Si je renonce à la succession de mon père parce que dans la succession, il y a plein de dettes et qu’on
est sûr que le passif est plus élevé que l’actif, ce n’est pas du tout une libéralité : il n’y a rien de
bienveillant là-dedans et ce n’est pas dans l’intention de gratifier mon frère.

Ainsi, s’il y a une intention de gratifier, c’est une libéralité et si non, ce n’en est pas une.

3) Le cautionnement :

Dans la caution, si je me porte caution, à priori, je ne devrai pas payer mais l’on vient quand même garantir la
dette de quelqu’un. Et, l’on ne payera d’ailleurs que si l’autre ne paye pas, que le bailleur fait un recours contre
son locataire et qu’il se retourne ensuite vers la caution. Ainsi, est-ce une libéralité d’être caution ? En principe
non car j’ai le droit de me retourner contre elle après. Néanmoins, cela peut devenir une libéralité s’il y a
clairement une intention libérale mais c’est tout de même compliqué à prouver. Ainsi, il faudrait à titre
d’exemple que la mère ait écrit un mail à sa fille en disant : « Je vais me porter caution pour ton bail et si tu
n’arrives pas à payer, je payerai à ta place et tu ne devras pas me rembourser ». De même, si je n’exerce pas le
recours après le payement et que je meurs, son frère pourrait dire qu’il s’agit d’une libéralité au profit de la fille :
dans ce cas, il faudra voir. En effet, il s’agira de comprendre pourquoi le recours n’a pas été fait. De même, si
l’on savait déjà à la base qu’elle était insolvable, l’on peut aussi éventuellement y voir une intention libérale.
Ainsi, il s’agit d’une appréciation qui devra se faire au cas par cas.

2. Le régime juridique général des libéralités :


§1. Considérations générales :

Les libéralités sont soumises à un régime juridique particulier qui n’est pas tout à fait le même que celui des
actes à titre onéreux, ni le régime applicable à tous les actes unilatéraux : c’est un régime juridique sui generis
sur différents points. Pourquoi est-ce que l’on trouve un régime aussi protecteur dans le code civil depuis le
code de Napoléon ? L’idée en 1804, qui reste encore partagée aujourd’hui, c’est l’idée qu’une libéralité, ce n’est
pas normal : cela va à l’encontre de la société libérale. En effet, l’on se méfie des donations sans contrepartie
car cela va à l’encontre de la logique économique. L’on s’en méfie pour qui ? Il s’agit d’un acte grave et danger
que l’on va donc entourer d’un régime spécifique autour pour protéger les parties à l’acte et les tiers.

Au niveau des parties à l’acte, c’est tout d’abord le disposant que l’on veut protéger. Pourquoi se méfier ? L’on
se méfie de ce que l’on pourrait avoir une générosité un peu excessive pour ensuite ne plus rien avoir pour soit.
Ainsi, il faut aussi au minimum être certain qu’il y a bien une intention de donner : l’idée est aussi d’éviter les
manipulations, les influences exercées sur des personnes faibles, naïves ou séniles. Ainsi, l’on veut être sûre que
le disposant se rende bien compte de ce qu’il fait. Ensuite, l’on veut aussi protéger le bénéficiaire : en effet, les
libéralités peuvent être faites avec charge54. Ainsi, cela peut être un acte dangereux pour le bénéficiaire
également. Ensuite, l’on veut aussi protéger les tiers pour éviter notamment que les créanciers ne soient grugés
et que des actes soient fait en fraude de leurs droits.

54Ex : je donne à ma fille 100.000 euros à charge pour elle de me verser 1.000 euros par mois jusqu’à la fin de mes jours de sorte que cela
dépassera peut-être les 100.000 euros

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Finalement, l’on veut aussi protéger les héritiers, et surtout les héritiers réservataires – même s’il y a quelques
nuances à faire depuis la réforme - : en effet, l’idée du code de Napoléon était bien la transmission du patrimoine
familiale aux générations futures, même si l’on a vu que la réforme, en réduisant la réserve permet de nuancer
le propos. Néanmoins, le principe est que l’on a conservé la réserve et ce formalisme à l’égard des libéralités (=
masse de calcul 922 + rapport) est un régime protecteur qui est là pour protéger les héritiers.

§2. Les conditions spécifiques quant au consentement :


a) Le consentement renforcé55 :
1) Notion :

Au niveau du consentement, l’on a des principes dérogatoires par rapport au droit commun. En effet, dans le
droit commun, l’article 1108 du code civil prévoit que pour former une convention valablement, il faut un
consentement et l’article 1110 du Code civil prévoit les vices de consentement (droit des obligations). Dans le
droit commun, la convention est donc nulle s’il n’y a pas de consentement ou s’il y a un vice de consentement
avec interprétations restrictives. Ainsi, il y a deux portes d’entrée pour annuler une convention portant sur un
acte à titre onéreux : l’absence totale de volonté ou les vices de consentement Pour les libéralités, l’on ajoute
quelque chose. Ainsi, pour faire valablement une libéralité, il ne faut pas seulement un consentement : il faut
un consentement renforcé. A ce propos, l’article 901 du code civil est capital : pour faire une donation entre-vifs
ou un testament, il faut être sain d’esprit. Ainsi, il faut un consentement encore plus libre et encore plus éclairé
car c’est un acte potentiellement dangereux : l’on parle donc d’insanité d’esprit. Ainsi, une libéralité ne sera pas
valable si la personne qui l’a fait n’est pas saine d’esprit. Or, l’insanité d’esprit en matière de libéralité n’est pas
définie dans le Code civil. Néanmoins, l’on voit bien ce que l’on veut faire : l’idée est que l’on va être plus exigent
en matière de libéralité.

Ainsi, une jurisprudence définissait potentiellement l’insanité d’esprit en ce sens : « Tout affaiblissement des
facultés mentales qui prive le disposant de sa lucidité d’esprit et de l’indépendance de sa volonté et qui, en
outre, diminue ou paralyse sa faculté de résistance aux sollicitations d’autrui » (civ. bxl. 1951). En effet, il y a une
jurisprudence énorme sur cette notion et il y a un vrai contentieux là-dessus : le cas des héritiers qui attaquent
un testament en disant que leur parent n’avait pas toute sa tête quand il l’a fait est très récurrent. Ainsi, l’idée
est qu’il faut une volonté plus ferme : il ne faut pas que la volonté soit quelque part affaiblie ou altérée. Ainsi, il
faudra (1) déterminer une existence d’une altération de la santé mentale du disposant pour pouvoir demander
l’annulation de libéralité et (2) prouver que c’est parce qu’il y avait altération qu’il y a eu libéralité. En effet, il
faut montrer le lien : ce n’est pas suffisant de prouver qu’une personne n’a plus toute sa tête. Il faut également
prouver que c’est parce qu’elle n’avait plus toute sa tête qu’elle a donné.

Pour mieux comprendre, il est intéressant de voir ce que la jurisprudence en fait pour pouvoir toucher un peu
la notion. Ainsi, dans un arrêt de la Cour d’appel de Mons de 2006, une personne âgée avait fait un testament
authentique à une animatrice bénévole du home dans lequel elle était placée. La Cour d’appel a considéré que
l’on pouvait annuler le testament (à la demande des héritiers) si la faiblesse d’esprit le soumet, plus que toute
autre personne, à l’influence de personnes de son entourage et lui enlève sa liberté, sa volonté, sa spontanéité.
Ainsi, toute la question était ici de savoir si l’animatrice avait fait en sorte que cette personne soit privée de
cela ? En effet, ce n’est pas parce qu’elle avait 80 ans que nécessairement sa volonté était affaiblie. Ainsi, est-ce
que dans l’espèce, il y avait une altération partielle de la volonté ? Parce que si oui, cela suffit. Ainsi, les tribunaux
ne considèrent pas que nécessairement, parce que l’on est vieux, l’on est sénile et que la volonté est affaiblie :
il faut aller voir au cas par cas.

55 Voy. les exemples de jurisprudence dans le syllabus inscrits en plus petit (pas à étudier à pour comprendre).

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Ainsi, un peu avant, la Cour d’appel de Mons, toujours, disait que l’insanité d’esprit est une altération de la
faculté mentale, celle-ci étant l’ensemble des moyens psychiques gouvernant la capacité de comprendre. Or,
l’on peut voir une dame de 100 ans qui voit clairement les choses. Ainsi, la capacité est à évaluer non seulement
au regard de la santé mentale de la personne, mais aussi en fonction de la donation telle qu’elle est faite : ainsi,
il faut que la volonté soit altérée en ce sens que la personne a décidé de donner tel ou tel bien. Autrement dit,
cela dépend aussi du type d’acte. En effet, lorsqu’une une vieille dame donne 100 euros à une fondation parce
qu’elle l’aime bien, l’on ne va pas regarder son altération de la même manière que si elle donne sa maison de
200.000 euros à son coiffeur. Ainsi, l’on va non seulement regarder son état de santé, mais l’on va le regarder
in concreto par rapport à la libéralité telle qu’elle a été effectuée56.

Ainsi, dans ces litiges-là, il y a généralement deux camps : les héritiers qui demandent l’annulation de la donation
ou du testament et les personnes à qui ont été faites les donations ou les testaments. Et, lorsque cela se passe
du vivant des gens, le disposant peut également lui-même attaquer la donation et dire qu’il l’aura faite dans un
moment où il n’avait pas toute sa tête57. Mais du coup, à l’inverse, est-ce que cela veut dire qu’une personne
qui est un peu faible d’esprit ne pourra jamais faire de donation ? Oui, elle peut, mais il faudra regarder au cas
par cas si elle sait ce qu’elle fait. Ainsi, c’est compliqué parce que l’on a compris qu’il faut avoir un problème
mental, mais est-ce que c’est comme en psychiatrie ? A ce propos, il y a pas mal de jurisprudence qui dit que la
notion de santé mentale en libéralité n’est pas complètement la même qu’en psychiatrie.

Ainsi, une personne qui serait atteinte de tel syndrome en psychiatrie ne sera pas forcément considérée, en
libéralité, comme ayant une volonté altérée – et d’autres fois oui. Ainsi, il y a notamment beaucoup de
contentieux relatif à la maladie d’Alzheimer, mais l’on peut aussi retrouver les phobiques qui seraient menacés
de leurs phobies, etc58. Finalement, c’est pareil pour quelqu’un qui est saoule ou sous l’influence de stupéfiants :
le dérèglement psychique passager altère l’esprit et la volonté. Ainsi, il ne faut pas toujours nécessairement une
maladie mentale : le dérèglement psychique passager peut être une cause d’annulation. Enfin, c’est pareil pour
le testament ab irito, soit le testament sous la colère. En effet, peut être que la colère altère la volonté, mais en
même temps, il est possible aussi qu’elle n’altère pas la volonté car, par exemple, ce n’était pas cette colère-là
qui avait induit le testament : nous sommes toujours donc dans le cas par cas.

Il s’agit d’une nullité relative de sorte qu’il s’agit d’une protection d’intérêt privée de telle manière que seules
les personnes concernées – en l’espèce, souvent les héritiers – peuvent demander cette annulation, mais ce
peut être le donateur lui-même également. Mais que penser de cette action des héritiers ? Il peut sembler
évident qu’ils demandent l’annulation pour altération de volonté car cela ne les arrange pas : c’est toujours
intéressé ? En effet, c’est toujours une action intéressée et qui semble parfois orientée par l’altération mentale,
mais d’un autre côté, c’est tout à fait possible que ce soit vrai : ainsi, il faut toujours une appréciation au cas par
cas et une preuve de l’altération de la volonté qui est réelle.

56 Ex : Devant le juge de paix, il y a eu annulation car la personne n’avait pas compris la portée juridique de son acte et n’avait pas du tout
perçu qu’une donation était irrévocable. Ainsi, elle croyait qu’elle avait prêté l’objet donné sans se rendre compte que c’était une donation.
Ainsi, sa volonté avait donc été altérée.
57 Dans un jugement du tribunal de Bruxelles, celui-ci disait que faire un legs universel ne nécessite pas que l’on sache au centime près en

quoi l’on avantage tel héritier par rapport aux autres (fussent-ils réservataires) mais qu’il est évident que pour gratifier un enfant au
détriment de sa sœur ou de son frère, il faut être conscient de l’importance de l’acte que l’on pose. Or, c’était un cas ou il y avait eu une
donation qui avait été faite et la disposante n’avait aucune idée de ce qu’elle avait sur ces comptes et elle avait fait un legs universel (pour
la quotité disponible) à sa fille au détriment des autres frères et sœurs. Ainsi, la donation sera annulée car Madame ne savait même pas
combien elle avait sur ses comptes.
58 A Liège, le tribunal de 1e instance refuse d’annuler à la demande des héritiers légaux un testament par lequel un homme avait institué sa

femme de ménage comme seule légalaire universel. Ainsi, elle empochait toute la quotité disponible alors qu’il était atteint d’un délire
obsessionnel à l’égard de l’état d’Israel. Dans son testament, il avait écrit : « ce que vous hériterez après ma mort, je vous prie de ne rien
verser pour la république fausse d’Israel …. etc … n’importe quoi ». Le tribunal dira que par rapport à la donation faite, la volonté n’était pas
altérée. Ainsi, le tribunal va considérer que cet homme avait continué à travailler, avait fait son testament alors qu’il gérait encore tout à
fait bien ses affaires. Ainsi, le tribunal va considérer que l’altération mentale de ce monsieur ne se manifestait qu’en relation avec un objet
tout à fait déterminé (Israel) alors que pour le reste il était lucide. Ainsi, le tribunal va dire que son testament est parfaitement valable car
cet objet est tout à fait étranger à la rédaction du contenu du testament.

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2) La preuve de l’insanité d’esprit :
A. La preuve exclusive de tout doute et le moment auquel l’insanité doit être prouvée :

Les tribunaux sont vraiment très exigeants et l’on se demande même parfois s’ils ne sont pas trop sévères, au
point de savoir si le prescrit légal est toujours respecté (art. 901). En effet, il faut une volonté « super parfaite »
pour que cela soit accepté et, parfois, les tribunaux peuvent paraître un peu timides. Il s’agit d’une réelle
question car cela interroge sur la manière dont on peut protéger des personnes en fin de vie qui sont plus
vulnérables. En effet, c’est une réalité les gens qui tournent autour des gens vulnérables pour leurs héritages.
Or, en étant trop sévère, parfois, l’on peut se demander si l’on ne passe pas à côté. Quoiqu’il en soit, il faut une
preuve circonstanciée, précise et exclusive de tout doute car, à l’inverse, il ne faudrait pas que ce soit un outil
pour que tout héritier qui n’est pas content de ce qu’il a reçu puisse annuler quelque chose59.

Finalement, il faut prouver l’altération au moment où la donation est consentie ou le testament rédigé. Ensuite,
il faut prouver l’altération au moment où la donation est consentie ou au moment où le testament rédigé (ex :
il y a des pathologies mentales qui, d’un jour à l’autre, font varier l’altération). Finalement, il peut y avoir une
espèce de présomption non irréfragable pour les personnes qui sont, par exemple, diagnostiqué Alzheimer, mais
c’est possible aussi qu’elle était dans un jour de lucidité. Ainsi, il y une forme de présomption qui peut découler
d’un état permanent problématique avec des périodes avant et proche du jour de la libéralité (ex : je dois
prouver son état au 3 janvier, mais j’ai des témoins au 1e janvier qui peuvent vous prouvez que ca ne s’est pas
bien passé à l’on peut présumer). A l’inverse, dans une décision de jurisprudence, une dame avait fait un
testament un jour et le lendemain, elle avait tout laissé dans sa cuisine et on l’avait retrouvée complètement
désorientée et elle a fini sa vie dans un asile. Pour autant, est-ce que le jour du testament elle était déjà dans
cet état-là ? Le tribunal a dit que ce n’était pas prouvé au jour du testament.

B. Les modes de preuve de l’insanité d’esprit :


i. Les certificats médicaux :

Au départ, la jurisprudence écartait les certificats médicaux pour cause de secret professionnel. Par contre, si
c’était le disposant lui-même qui demandait l’annulation de la donation qu’elle même avait faite, c’était
différent : dans ce cas-là, c’était admis. Ainsi, déjà, c’était une interprétation particulière du secret, mais en plus,
cela posait problème parce que du coup, au nom du secret médical, l’on n’avait plus de preuve dans tous ces
contentieux. Ensuite, il y a eu une évolution car l’on s’est dit que le secret médical ne pouvait pas toujours aller
à l’encontre de la recherche d’une preuve en matière médicale. En effet, c’est aussi pour protéger les patients
et quelqu’un qui fait une libéralité inconsidérée quand il n’a pas toute sa tête que l’on prévoit cela.

Ainsi, il y aura une évolution avec des arrêts de la Cour de cassation et, tout d’abord, avec un arrêt de 2001 qui
accepte la production d’un certificat médical qui avait été produit dans une procédure de mise sous protection
judiciaire durant la vie de la personne elle-même. En effet, l’on avait dit que si elle avait été mise sous protection
judiciaire parce qu’elle avait Alzheimer et que l’on lui a désigné un administrateur provisoire et que, dans ce
cadre-là, il a fallu produire un certificat médical, les héritiers peuvent produire ce certificat médical qui avait
déjà été produit. Ainsi, la Cour a dit que ce secret médical prévu à l’article 458 du code pénal n’est pas absolu :
il est là pour protéger les patients et refuser qu’il soit produit dans une annulation de testament est faire
l’inverse que de protéger la personne.

Ensuite, il y a eu un second arrêt par laquelle elle accepte la production d’un certificat produit « hors
procédure judiciaire » : il avait été produit quand la personne avait été placée dans un home. En effet, à ce
moment, la question s’était posée à ce moment-là de savoir dans quelle aile de l’établissement elle devait être
placée en raison de son état. Or, là, il s’était avéré qu’à ce moment, un certificat avait été émis pour dire qu’elle
était atteinte de démence sénile et qu’il fallait la mettre dans l’aile des déments. Et, ensuite, elle avait fait un
testament pendant cette période-là sans être sous protection judiciaire. Ainsi, là, la Cour de cassation va
admettre qu’on le produise dans une action en annulation du testament pour insanité d’esprit.

59Ex : Quelqu’un qui fait un testament et puis qui se suicide juste après n’est pas spécialement reconnu non sain d’esprit ; Le testament
authentique est rédigé devant le notaire et il est inspiré par le notaire. Dans le cas d’espèce, l’on savait que la dame allait mourir et elle avait
recopié un projet du notaire en changeant quelques trucs. Dans ce cas, l’on peut y voir une altération de volonté si elle n’avait fait que
recopier le truc du notaire (ex : si sa nièce l’y avait poussé) ou pas. Dans l’exemple, le tribunal a considéré qu’elle s’était inspiré du notaire,
mais qu’elle avait changé des choses et s’était approprié le projet.

90
Ensuite, en 2002 intervient la loi du 22 août 2002 sur les droits du patient. Ainsi, l’on va régler l’accès que nos
héritiers auront à notre dossier médical. En effet, la loi prévoit un dossier médical centralisé par patient et
l’article 9 définit à quelles conditions des personnes peuvent, après le décès, consulter ce dossier. Ainsi, l’article
dit notamment qu’après le décès du patient, l’époux, le partenaire cohabitant légal, le partenaire (intéressant)
et les parents jusqu’au deuxième degré (frères et sœurs) inclus (= limitation claire) ont le droit de consulter le
dossier, par l’intermédiaire du praticien professionnel désigné par le demande (à ils ne vont pas voir eux le
dossier), pour autant que leur demande soit suffisamment motivée et spécifiée et que le patient ne s’y soit pas
opposé expressément.

En conclusion, l’on peut donc de toute façon produire des certificats produits dans le cadre de procédure
judiciaire (à arrêté royal dans la protection judiciaire), des certificats rédigés du vivant de la personne et
produire des rapports de médecins qui ont accès au dossier médical du patient. Mais est-ce qu’on pourrait
simplement demander au médecin traitant de la personne de rédiger un certificat pour dire qu’elle avait/n’avait
pas toute sa tête ? La Cour d’appel de Gand de 2004 dit que non, l’on ne peut pas demander de certificat de
bonne santé/mauvaise santé mentale post mortem.

En l’occurrence, c’était un certificat de bonne santé : dans ce cas-là, cela reste couvert par le secret
professionnel. La Cour d’appel de Liège, elle, dit le 10 juin 2008 que le secret professionnel est là pour protéger
la personne. Or, si l’on demande une attestation de bonne/mauvaise santé post mortem à son médecin traitant,
c’est aussi pour protéger la personne : la Cour considère qu’il n’y a donc pas d’atteinte au secret médical dans
ces cas-là. Ainsi, en soit, ce n’est donc pas en soi impossible, même si l’on n’est pas complètement dans le cadre
de la loi sur la protection des patients - ainsi, si l’on est dans le champ du droit des patients, l’on utilise cela.

ii. Les témoignages :

Finalement, si l’on n’a pas de certificats ou que ceux-ci sont insuffisants, l’on peut recourir à la preuve, comme
dans toute manière de droit civil (art. 915 et suivants) qui permet au juge de convoquer des témoins. Ainsi, l’on
peut notamment faire témoigner le médecin car l’article 458 qui prévoit le secret professionnel est levé si le
médecin est appelé à témoigner en justice. Ainsi, cela peut être la façon de contourner les problèmes qu’il y a
avec les certificats.

iii. Les mentions faites par le notaire dans un acte authentique :

Aujourd’hui, le notaire met parfois dans le testament « Madame untel, saine d’esprit, … » : or, cette mention
n’est pas couverte par l’authenticité de l’acte car n’est couvert par l’authenticité de l’acte que ce que le notaire
a pu lui-même constaté de façon certaine. Néanmoins, l’on peut évidemment y voir une présomption humaine
qu’un notaire ne va pas accepter de faire un testament pour une personne qui a l’air totalement sénile – et
encore moins de l’indiquer saine d’esprit. Ainsi, est-ce qu’il faut y voir une forme de présomption de validité de
l’acte ? La jurisprudence part dans tous les sens : certains tribunaux n’accordent aucune importance à cette
mention car, selon eux, le notaire n’a pas pour travail de faire un diagnostic mental et il n’a pas les capacités
professionnelles de détecter les maladies mentales et d’autres disent que si et qu’il doit vérifier que la personne
est capable de faire l’acte car cela fait partie de sa déontologie. Néanmoins, il faut bien savoir que, dans la loi
organisatrice du notariat, il est prévu que l’on peut requérir un notaire pour dresser un acte, et ce même si le
notaire trouve que vous avez l’air complètement à l’ouest et qu’il a un doute sur la validité du consentement :
si vous le requérez, il est obligé de le prendre. Pourquoi est-ce que la loi le prévoit ? Parce que sinon, l’on
donnerait un pouvoir immense au notaire de refuser que quelqu’un passe un acte parce que lui n’a pas la
capacité pour le prouver. Ainsi, parfois cette mention vaut quelque chose, parfois elle ne vaut rien et parfois
encore elle vaut à titre indicatif.

iv. Le recours à une expertise psychiatrique :

A côté de cela, s’il n’est pas possible de se prononcer sur la faculté mentale avec les autres éléments du dossier,
il est encore possible de recourir à une expertise psychiatrique, et ce même après le décès du disposant. En
effet, parfois, un psychiatre est nommé pour examiner le rapport – si l’on est dans les conditions de la loi sur les
droits du patients -, rassembler les différents éléments d’informations et rendre un rapport au juge que ce
dernier appréciera.

91
b) Les vices de consentement :

Ainsi, tout ce qui concerne le consentement renforcé constitue le plus gros des demandes d’annulation des
donations et des testaments. Mais, du coup, est-ce qu’il y a encore un sens à utiliser les vices de consentement
classiques ? Est-ce que c’est applicable en matière de libéralité étant donné que l’on a mieux avec le
consentement renforcé (art. 901) ? Ainsi, certains disent que l’on n’a plus besoin des vices de consentement et
qu’ils sont absorbés par le consentement renforcé de l’article 901. A l’inverse, d’autres (dont Madame Sosson)
disent que ce n’est pas complètement la même chose. Ainsi, l’on pourrait demander l’annulation d’une donation
en raison d’une erreur, à titre d’exemple, sur la nature même de la donation60, d’une erreur sur l’identité de la
chose ou sur l’identité de la personne - de la même manière que pour les actes à titre onéreux. En effet, cela ne
semble pas impossible d’avoir des erreurs.

De même, l’on pourrait également voir un vice de violence : ainsi, si l’on me contraint à donner quelque chose
dans une situation où j’ai peur de quelque chose (ex : une phobie), cela paraît possible. Finalement, en matière
de dol, si qqun utilise des manœuvres frauduleuses pour obtenir que quelqu’un fasse un testament en sa faveur,
est-ce que l’on utilise l’article 901 en disant qu’il y a eu influence ou est-ce que l’on utilise le vice de
consentement que constitue le dol ? Selon Madame Sosson, il y a des nuances : il y a clairement une controverse.
En effet, la personne pourrait avoir toutes ses facultés de sorte que l’on n’arrive pas à prouver que sa santé
mentale est altérée, mais elle pourrait avoir subi des manœuvres qui font qu’elle a changé son testament. Or,
ceux qui sont contre disent que les manœuvres aboutissent, quoiqu’il en soit, à ce que le consentement soit
altéré ? Au final, l’on semble un peu se compliquer la vie puisque l’on arrive au même résultat.

Néanmoins, devant les tribunaux, puisque l’on n’est pas toujours sûr avec l’insanité d’esprit, à titre principal,
l’on demande l’annulation sur insanité d’esprit et, à titre subsidiaire, sur le dol – que l’on appelle d’ailleurs la
captation d’héritage (= dol en matière d’héritage (= usage de manœuvres frauduleuses de nature à surprendre
ou à tromper la volonté du disposant qui constitue la cause déterminante de la libéralité). Pour la captation
d’héritage, il faut prouver que la personne n’aurait pas fait le testament en sa faveur s’il n’y avait pas eu les
manœuvres. Néanmoins, il y a une particularité ici : en effet, parce que les libéralités sont des actes unilatéraux,
le dol peut émaner d’un tiers – alors que pour les actes à titre onéreux, c’est entre co-contractants que l’on peut
invoquer un dol.

En effet, pour la donation, le dol peut émaner d’un tiers. Ainsi, si une personne s’est occupée d’une autre pour
obtenir une donation, même si cette donation n’a pas été faite à son nom, l’on pourra considérer qu’il a fait un
dol qui fait que cette personne a reçu le bien : ainsi, dans ce cas, le dol émane d’un tiers. Finalement, en réalité,
il n’est pas évident de savoir quand est-ce qu’il y a captation d’héritage et dol : il faut, au cas par cas, que le
tribunal apprécie et l’appréciation peut être complexe car il est complexe de départager des comportements
intéressés et non intéressés. Ainsi, la jurisprudence se montre exigeante, mais quoiqu’il en soit, pour la captation
d’héritage, la jurisprudence exige une triple preuve : une perpétration de manœuvres, une intention dolosive
de l’auteur de la captation et la preuve que ce dol a déterminé la libéralité.

§3. Les règles particulières en matière de capacité :

Il ne faut pas confondre la capacité et le consentement : lorsqu’une personne est frappée d’une mesure
d’incapacité, elle ne peut pas poser un acte en raison de son incapacité. En revanche, si elle est capable, l’on va
se poser la question de son consentement. Ainsi, nous sommes ici en amont du consentement : est-ce qu’il y a
une règle relative à la capacité qui peut poser question ? En matière de libéralité, l’on ajoute des champs à
l’incapacité des mineurs et des majeurs : il y a également des particularités qui émanent du livre III.

a) Le mineur non émancipé :

Est-ce qu’un mineur peut faire une libéralité (= capacité de disposer) et est-ce qu’il peut recevoir une libéralité (=
capacité de recevoir) ?

60Ex : Je me trompe et au lieu de faire un virement à ma fille, je le fais à une fondation alors que ce n’était pas ma volonté. Ainsi, la fondation
croit qu’elle a reçu une donation indirecte. Est-ce que je peux demander l’annulation ? Il faudra le prouver, mais si l’on arrive à le prouver,
pourquoi ne pas admettre l’erreur sur la nature même de la donation ?

92
1) L’incapacité de disposer :

Au niveau de sa capacité de disposer, il faut aller voir aux articles 901 et suivants. Ainsi, l’article 903 du code civil
dit que le mineur âgé de moins de 16 ans ne pourra aucunement disposer, sauf ce qui est réglé au chapitre 9 du
présent titre. L’article 904, lui, nous dit que le mineur parvenu à l’âge de 16 ans ne pourra disposer que par
testament et ce uniquement jusqu’à concurrence de la moitié des biens dont la loi permet au majeur de
disposer. Ainsi, le principe est l’incapacité général du mineur : il est frappé d’une incapacité générale d’exercice
de consentir d’une libéralité.

Ensuite, ici, il y a la particularité que les parents ne pourront pas faire une donation ou un testament en leur
qualité d’administrateur ou de représentants légaux. En effet, nous avons vu en autorité parentale que le parent
d’un enfant mineur peut le représenter (ex : signer un bail), mais il ne peut jamais faire une donation : en effet,
un administrateur ne fait pas d’actes de dispositions. En conclusion, l’on peut considérer que l’on est en
présence d’une incapacité de jouissance puisque personne ne peut faire la donation ou le testament à la place
du mineur – en effet, la différence entre la capacité de jouissance et la capacité d’exercice tient dans le fait que,
dans l’incapacité de jouissance, il n’y a pas le droit du tout alors que dans l’incapacité d’exercice, le droit existe
mais doit être exercé par les représentants légaux.

A. Le testament :

Néanmoins, l’article 904 constitue une forme d’exception qui est une forme de capacité spéciale au profit des
mineurs de plus de 16 ans : ils peuvent faire un testament (à pas de donation à considéré comme plus grave
car non révocable alors que le testament est révocable). Toutefois, il ne peut léguer que jusqu’à concurrence de
la moitié des biens que la loi permet au majeur de disposer. Ainsi, cela signifierait-il qu’il ne peut léguer que ¼
de sa succession (étant donné que la réserve est désormais de ½ ) ? Non, car si le mineur n’a pas d’enfant, la
réserve des ascendants est alors supprimée (par la réforme) de sorte qu’il n’a plus d’héritiers réservataires (sauf
s’il est marié) : ainsi, dans ce cas-là, il peut donner la moitié de la totalité de sa succession. Par contre, s’il a des
enfants, il a des héritiers réservataires et, dans ce cas, la quotité disponible est de ½ de sorte qu’il ne peut donner
que ¼. Ainsi, l’idée est de le protéger et de protéger les héritiers réservataires s’il y en a.

B. Les présents d’usage :

La réforme est intervenue pour être plus précise en disant que les présents d’usage ne sont pas des donations.
Avant la réforme, l’article étant mal libellé, l’on considérait que pour les cadeaux d’usage proportionnés à la
fortune, un mineur pouvait les faire – et ce même sans être représenté. Depuis la réforme, l’article 952 est clair :
ce ne sont pas des libéralités. Ainsi, quid ? Certes, il ne peut pas faire une donation, et certes le présent d’usage
n’est pas une donation, mais le droit commun est maintenu. Or, le droit commun prévoit une situation générale
d’incapacité du mineur. Ainsi, qu’est-ce qui fait que le présent d’usage est valable ou non ? S’il s’agit d’une
mobylette pour l’anniversaire d’un ami, l’on pourrait dire que ce n’est pas un présent d’usage et l’on demandera
l’annulation parce qu’il ne pouvait pas donner. Par contre, si c’est un CD et que l’on qualifie cela de présent
d’usage, ce n’est plus une libéralité.

Néanmoins, est-ce qu’un mineur peut faire un présent d’usage, et donc, aller acheter quelque chose et l’offrir à
quelqu’un d’autre ? Les principes que nous avons vu en droit de la famille que le mineur ne peut rien faire seul
(= principe d’incapacité général du mineur), mais la sanction est parfois la rescision pour lésion lorsque les
parents, si c’est eux qui avaient posé l’acte, n’avaient pas besoin d’une autorisation du juge de paix pour le faire.
Or, pour faire un présent d’usage, l’on n’a pas besoin d’une autorisation du juge de paix. Ainsi, la sanction sera
la rescision pour lésion dans un tel cas : ainsi, si les parents ne sont pas d’accord avec l’achat, pour qu’il y ait
recision, il faudrait qu’il y ait eu lésion. Or, dans le cas de l’achat d’un CD, il n’y aura pas de lésion. Ainsi, en
pratique, l’on n’annule jamais et cela ne pose pas de problème. En revanche, s’il avait offert une mobylette, l’on
aurait soit pu attaquer en disant que ce n’était pas un présent d’usage mais bien une donation (= annulation),
soit l’on peut attaquer sous le biais de la lésion (= est-ce que, un majeur, dans les mêmes circonstances, aurait
payé moins cher ? = rescision).

93
2) L’incapacité de recevoir :

Le mineur peut être le bénéficiaire d’une libéralité, mais est-ce qu’il peut l’accepter ou y renoncer lui-même ?
La donation est en effet un acte bilatéral qu’il faut accepter et le testament offre la possibilité du droit de
renoncer à la succession. Ainsi, quid au niveau de la représentation légale ? Dans ce cas-là, c’est un acte pour
lequel les représentants légaux (parents ou tuteur) auront besoin d’une autorisation du juge de paix pour
accepter une succession ou une donation (art. 410, §1, 5e). En effet, les représentants légaux peuvent accepter
la succession ou y renoncer. Ainsi, ils doivent demander une autorisation du juge de paix pour renoncer à une
succession et, pour accepter un legs à titre universel, ce doit être sous bénéfice d’inventaire. Ainsi, l’idée est de
dire que le juge n’autorise à accepter que si l’on est sûr que la succession sera positive. Néanmoins, à titre
d’exception, la loi pot-pourri V a permis au juge de paix à autoriser les parents à accepter purement et
simplement sans devoir passer par la procédure du bénéfice d’inventaire si vraiment le juge constate qu’il n’y a
aucun danger. Finalement, pour le legs à titre particulier, il faut également une autorisation du juge de paix.
Ainsi, le mineur peut recevoir, mais les parents eux-mêmes, dans leur fonction d’administrateurs et de
représentants auront besoin d’une autorisation.

b) Les majeurs sous protection judiciaire :


1) L’incapacité de disposer :

Depuis la loi du 17 mars 2017, le juge de paix doit vérifier dans la liste pour l’incapacité sur les biens pour quoi
la personne est capable ou non (art. 492/1, §2 cciv). Ainsi, il doit notamment se prononcer sur la capacité de la
personne à consentir une donation ou un testament – et généralement pour une mise sous protection judiciaire.
Ainsi, si elle été déclarée incapable par le juge de paix, la personne sous protection judiciaire sera incapable de
le faire. Par contre, si le juge n'a pas coché cela, elle restera capable de le faire et la question sera juste une
question de consentement (à ce qui n’empêche pas d’invoquer l’insanité d’esprit). Dans le régime d’incapacité,
l’administrateur judiciaire est censé assister ou représenter la personne sous protection : or, il est prévu que
celui-ci ne peut faire des donations ou testaments à la place de son administré.

Néanmoins, l’article 905 prévoit que, tout de même, la personne mise sous protection judiciaire pourra tout de
même revenir devant le juge de paix pour être autorisée à faire une donation ou un testament. Quid alors ?
Dans ce cas, elle peut ne plus pouvoir protéger valablement ses biens de sorte qu’il fallait la protéger, mais si
elle a un projet particulier relatif à un testament et qui a du sens, les choses peuvent être un peu différentes : il
est possible que le juge qui doit examiner sa capacité à exprimer sa volonté accepte. Néanmoins, ce ne sera pas
possible pour une donation : elle ne pourra faire qu’un testament authentique chez le notaire. Enfin, il est à
noter que, par contre, l’administrateur de bien peut faire des présents d’usage : en effet, il ne s’agit pas d’une
libéralité. Finalement, l’article autorise le juge de paix à autoriser l’administrateur provisoire à exécuter une
volonté exprimée parce que cela ne fait qu’exécuter la volonté de la personne protégée (ex : donner 10.000
euros à ses petits-enfants pour leur mariage).

Ainsi, quelle est la piste si l’on veut éviter les problèmes ? Il s’agit de dire qu’il s’agit d’un présent d’usage. La
définition et la portée du présent d’usage a été refaite par la loi : désormais, l’article 850bis prévoit que les frais
de nourritures, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, de noces et les présents d’usage ne sont pas des
libéralités – alors même que l’on rentre dans la définition. Néanmoins, le caractère de présent d’usage s’apprécie
à la date ou il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant. Ainsi, les présents d’usage sont les cadeaux
qu’il est normal de faire (à appréciation). Ensuite, il faut qu’il soit reçu à un moment particulier.

Ainsi, quid de la voiture reçue au début des études ? S’il y a 5 enfants dans la famille et que chacun a reçu une
voiture au début de ses études, c’est un présent d’usage. Par contre, si l’on s’est serré pour vous l’offrir et que
les autres n’en ont pas reçu, ce n’est pas un usage dans la famille. Dans le syllabus, il y a un exemple de
jurisprudence où ce sont des parents qui avaient donné 50.000 francs belges au moment du mariage de leur
fille. Après, dans la succession, les autres disent qu’elle devait les rapporter dans la succession. Le tribunal a
considéré que ce n’était pas un présent d’usage : il y avait eu une discussion sur la fortune de ces gens. Or, à
partir du moment où les parents n’avaient pas beaucoup d’argent, c’était énorme comme montant pour eux.
Ainsi, la bague de fiançailles, est-ce que cela peut marcher ? Si elle a une valeur fabuleuse ou une valeur de
famille, l’on pourrait contester la qualification de présent d’usage.

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2) L’incapacité de recevoir :

Les majeurs sous protection judiciaire sont aussi incapables de recevoir une libéralité si le juge de paix en a
décidé ainsi (art. 492/1, §2, al. 3, 5° et 6°) dans sa check-list. Pourquoi voudrait-on les empêcher de recevoir une
libéralité ? Parce que les libéralités peuvent être accompagnées de charges qui, parfois, peuvent être
importante. Ainsi, si la personne est déclarée incapable par le juge de paix de recevoir une libéralité, elle pourra
la recevoir avec l’assistance de son administrateur ou, si le juge de paix décide que c’est le régime de la
représentation qui est préféré, il est prévu que l’administrateur doit être spécialement autorisé pour certains
actes par une autorisation spéciale du juge de paix car il s’agit d’un acte relatif aux biens de la personne protégée
mentionnés à l’article 499/7, §2 du Code civil. L’article 499/7, §2, 5° permet au juge de paix d’octroyer à
l’administrateur l’autorisation d’accepter purement et simplement un legs universel ou à titre universel
compte tenu de la nature et de la consistance du patrimoine. Pour le legs universel ou à titre universel, il faudra
qu’il y ait un inventaire qui soit fait pour être sûr que, finalement, le positif dépasse le négatif et que, donc,
l’acceptation est bénéficiaire. Finalement, le juge de paix peut éventuellement permettre d’accepter
simplement s’il est déjà évident que, de toute façon, ce sera bénéfique pour la personne protégée compte tenu
de la nature et de la consistance de son patrimoine. L’article 499/7, §2, 6°, lui, vise le legs à titre particulier et
les donations : dans ce cas, l’on dit que l’administrateur devra aussi demander une autorisation du juge de paix
pour les accepter – mais sans devoir le faire sous bénéfice d’inventaire car un legs particulier est, a priori, moins
dangereux qu’un legs universel ou à titre universel. Néanmoins, quoiqu’il en soit, le juge de paix doit se
prononcer car la donation ou le legs à titre particulier peut être grevé de charge : ce n’est donc pas un acte
anodin dont l’administrateur peut décider seul.

c) L’enfant conçu :

Peut-on faire une donation ou un legs à un enfant simplement conçu ? La règle a toujours été différente et date
du droit romain. Ainsi, l’article 906 dispose que, pour être capable de recevoir entre vifs, il faut mais il suffit
d’être conçu au moment de la donation. Pour être capable de recevoir par testament (= à cause de mort), il
suffit d’être conçu au moment du décès du testateur (à et non pas de la rédaction du testament). Néanmoins,
la donation et le testament n’auront d’effet que si l’enfant nait vivant et viable : ainsi, il s’agit d’une condition
suspensive de l’acquisition, en définitive, d’une personnalité juridique que l’on autorise les libéralités. En réalité,
cette disposition du code civil est la seule disposition qui prévoit que l’enfant simplement conçu a déjà des droits.
Ainsi, dans le cas d’un enfant mort-né, celui-ci n’acquiert pas la personnalité juridique et ne peut dès lors pas
hériter de quelque chose puisqu’il n’est pas né vivant et viable.

En conclusion, l’enfant simplement conçu a une capacité spéciale de jouissance étant donné qu’il est en principe
incapable puisqu’il n’a même pas de personnalité juridique, mais pour cela, l’on a créé une poche de capacité
particulière de jouissance - et non d’exercice car, pour exercer le droit, ce sont les parents qui, en tant que
représentants légaux, devront intervenir. Ainsi, la règle prévoit qu’l faut être conçu au moment de la donation
ou au moment du testament. Néanmoins, il y a des exceptions à cette règle, avec certaines choses que l’on peut
faire à l’égard d’un enfant qui n’est même pas encore conçu – mais toutefois sous réserve du fait qu’il naisse
vivant et viable. Ainsi, au titre de ces exceptions, nous avons notamment :

è Les institutions contractuelles (art. 1082 cciv)


è Les substitutions fidéicommissaires lorsqu’elles sont permises (art. 1048 et 1049 à voy. infra)
è Les libéralités par le biais d’une stipulation pour autrui61

d) Les incapacités spéciales (= relatives aux libéralités) de jouissance :

Dans le droit de libéralités, il y a des incapacités spéciales de jouissance faites uniquement pour cela de
sorte que les personnes visées ne peuvent pas être les bénéficiaires d’une libéralité.

61Ex : Une assurance vie car si je désigne, aujourd’hui, comme bénéficiaire de l’assurance vie tous les enfants à naitre, c’est valable car ils
ne recevront le capital qu’au moment du décès. En effet, à ce moment-là, recevront ceux qui sont nés ou simplement conçus – et non ceux
qui ne le sont pas.

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1) Le tuteur :

Lorsqu’un enfant a perdu ses deux parents, l’on désigne un tuteur ou une tutrice (ex : l’oncle). Or, ce dernier ne
peut jamais recevoir une libéralité́ de la part de son mineur (= pupille) quand il peut disposer (à partir de 16
ans pour la moitié) et de son mineur devenu majeur si et tant que le compte définitif de tutelle n’a pas été́
remis (art. 907). En effet, l’idée est de dire que le tuteur est dans un positionnement d’autorité et qu’il ne serait
pas sain qu’il y ait libéralité entre eux. Néanmoins, ceci n’est cependant pas applicable si le tuteur est un
ascendant (= les grands-parents).

2) L’administrateur des personnes sous protection judiciaire et toute personne qui exerce un mandat
judiciaire (ex : le tuteur ad hoc) :

L’administrateur d’une personne placée sous protection judiciaire ne peut pas recevoir de libéralitéś de part
cette personne. Ainsi, il ne peut recevoir ni de legs, ni de donation, tant que c’est fait au cours de son mandat :
en effet, une fois le mandat terminé, l’on pourra lui refaire une libéralité (art. 908). Dans le placement des
personnes sous protection judiciaire, très souvent, une question qui se pose est de savoir qui sera désigné
comme administrateur, et il se peut que ce soit une personne de la famille. Néanmoins, les juges de paix
n’aiment pas trop cela car cela peut faire des problèmes au moment de la succession, avec certains membres
de la famille qui reprocheraient à celui d’entre eux qui aura été nommé administrateur d’avoir mal géré les
choses : ainsi, la plupart du temps, il leur préfère des administrateurs provisoires professionnels (= avocats).
Toutefois, en cas, malgré tout, de désignation d’un membre de la famille comme administrateur provisoire, il se
voit tout d’un coup frappé d’une incapacité de recevoir une donation tant qu’il porte ce mandat. Il y a néanmoins
certaines exceptions, tout de même, pour des personnes visées à l’article 909 (voy. infra). Cette interdiction
n’est pas applicable au conjoint, au cohabitant légal ou au cohabitant de fait (art. 908, in fine).

3) Les médecins et ministres de culte :

L’article 909 vise certaines catégories de personnes qui sont frappées d’une incapacité́ spéciale de jouissance :
les docteurs en médecine, chirurgie et accouchements (= les masters en médecine), les officiers de santé et les
pharmaciens qui auront traité la personne pendant la maladie dont elle meurt ne pourront profiter des
dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elles auraient fait en leur faveur durant cette maladie. En effet, son
consentement ne pourrait jamais être totalement éclairé durant cette période. En effet, ce sont ici des
personnes en situation vulnérable qu’il faut protéger et leur consentement, au moment où elles meurent, ne
peut jamais être totalement éclairés. A cette situation, il y a trois conditions :

è Il faut un traitement, soit une succession d’actes médicaux ou spirituels


è Il faut que la libéralité soit effectuée durant la dernière maladie62
è La libéralité doit être est faite pendant cette dernière maladie

Qui sont les personnes visées ? Tous les professionnels de la santé63. Par ailleurs, les mêmes règles s’appliquent
à tous les ministres de culte (ex : rabin, prêtre, etc) qui prodiguent des traitements spirituels - et même le conseil
central laïque depuis 2003. En effet, ces derniers sont donc aussi en mesure d’exercer une influence sur la
personne. En 2002, l’on a entendu cette règle aux gestionnaires et membres du personnel (ex : la cuisinière) des
maisons de repos/soin – et toute autre structure d’hébergement collectif pour personnes âgées - si la libéralité́
est faite pendant le séjour. Enfin, il en est de même pour le personnel qui pratique l’euthanasie et l’équipe qui
est autour. Il s’agit d’une présomption irréfragable d’atteinte à la liberté du malade : il n’y a pas de preuve
contraire possible à cette incapacité spéciale de jouissance. Néanmoins, l’on prévoit plusieurs exceptions :

62 Ainsi, nous ne sommes pas dans les conditions si la personne meurt pour une autre raison. Ainsi, le médecin qui m’a traité dans le passé
pour un diabète pourra recevoir une donation de ma part si je meurs d’un cancer – et ce même si ma maladie chronique y a contribué à
mon état de santé.
63 Ex : un psychologue lorsqu’il y a une continuité dans le traitement.

96
è Les dispositions rémunératoires faites à titre particulier eu égard aux facultés du disposant et aux
services rendus : l’idée est de dire qu’il s’agissait plus de rémunérer que de faire une donation. Il s’agit
d’une libéralité qui tend à récompenser pour un service rendu (art. 909, al. 3, 1°). Néanmoins, cela sera
apprécié́ strictement par la jurisprudence.

è Les dispositions universelles (= legs universel ou à titre universel) faites à des parents jusqu’au 4e
degré inclus si le de cujus n’avait pas d’héritier en ligne directe, à moins que la libéralité ait été
consentie à l’un de ses héritiers en ligne directe. La logique est de dire que donner à un collatéral ou à
un parent jusqu’au 4e degré ne se fait généralement que pour ne pas donner son argent à l’état : par
contre, si l’on a des enfants, le patrimoine passe à nos enfants64.

è Le conjoint, le cohabitant légal ou le cohabitant de fait sont exemptés de l’incapacité de recevoir liée
à la dernière maladie65.

4) L’article 911 du Code civil :

L’article 911 prévoit que toute disposition au profit d’un incapable sera nulle si :

è Elle est déguisée sous la forme d’un contrat à titre onéreux (= théorie de la simulation)
è Elle est faite sous le nom de personnes interposées66.

En effet, l’article 911 présume que certaines personnes sont interposées (liste non- exhaustive) : les pères et
mères, l’époux, les enfants et les descendants et le cohabitant légal – mais non le cohabitant de fait. Pour toutes
ces personnes, il y a une forme d’incapacité automatique et irréfragable. Pour les autres personnes, il faut
apporter la preuve de l’interposition (= il (n’y a pas de présomption légale).

5) L’incapacité spéciale d’exercice de recevoir des personnes morales : à pour mémoire

§4. L’objet des libéralités :

Le droit des libéralités est un droit très spécifique, tant en ce qui concerne les questions de consentement et de
capacité. Est-ce qu’il y a, par ailleurs, des règles particulières quant à l’objet de la libéralité ? Non, il n’y a pas de
règles spécifiques concernant l’objet des libéralités : c’est le bien ou le droit (ou les deux) que le disposant
transfère dans le patrimoine du bénéficiaire. Ainsi, l’objet est une question d’appréciation de fait et de volonté
des parties : néanmoins, l’on se pose toutefois des questions sur plusieurs points.

a) La donation-achat :

La donation-achat est l’opération par laquelle le donateur finance l’acquisition par le donataire, à son nom,
d’un bien meuble ou immeuble67. Or, c’est important car les règles de valorisation pour la réduction et le
rapport ne sont pas les mêmes selon qu’il s’agisse d’un bien ou d’argent. De même, au niveau de l’action en
nullité de résolution de la donation, si l’on veut annuler la donation, faudra-t-il rendre le bien ou l’argent ?
D’après une partie de la jurisprudence, il faut regarder la volonté des parties : est-ce qu’elles ont voulu donné
l’argent ou la maison ? Il est évident que si je donne 200.000 euros car c’est le prix de la maison que ma fille
veut absolument, c’est clairement la donation d’une maison. En revanche, si je donne 200.000 euros et que ma
fille achète une maison avec, ce n’est pas nécessairement la donation d’une maison.

64 Ex : Mon frère est médecin et il s’occupe de moi pendant mon cancer. Je voulais lui faire un legs à titre universel. Mon frère est mon
parent en ligne collatérale au 2e degré. Je peux lui faire une libéralité, mais pour autant que je n’ai pas d’enfant. Par contre, si j’ai des
enfants, cela veut dire que je ne peux pas donner à mon frère : en effet, parce que j’ai des enfants, il y a une incapacité de recevoir dans le
chef de mon frère. Par contre, si ma mère veut nous faire une donation et elle veut que mon frère ait plus que nous, elle peut. De même, si
mon frère soigne ma mère pendant sa dernière maladie, dans ce cas-là, il pourra aussi recevoir.
65 Je peux désigner mon conjoint médecin qui m’a soigné pendant ma dernière maladie.
66 Je sais que je ne peux pas faire de donation à mon médecin donc je la fais à sa femme.
67 Ex : Ma fille veut acheter une maison et je lui donne assez d’argent pour qu’elle l’achète. Est-ce que je donne la maison ou l’argent ?

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D’autres considèrent que, en vertu de l’article 894 du code civil, la donation est un dépouillement du disposant
actuel et irrévocable de la chose donnée. Ainsi, si une personne donne de l’argent à sa fille pour qu’elle achète
une maison, c’est d’argent dont elle s’est dépouillée, mais non d’une maison puisque cette dernière n’est pas
rentrée dans le patrimoine. Finalement, la Cour de cassation a tranché en faveur de cette deuxième solution à
plusieurs reprises : elle a dit que si des immeubles sont acquis par une personne en son nom propre avec des
fonds remis à titre gratuit par un autre, les libéralités consenties ont pour objet exclusivement ces deniers. Ainsi,
le principe est clair : l’objet de la donation, ce sont les fonds. Toutefois, il y a de la résistance d’une partie de la
doctrine d’après laquelle le principe veut qu’il faille rechercher la volonté des parties.

b) Le bénéfice d’une assurance-vie :

Quel est l’objet de la libéralité dans ce cas-ci ? Les primes que le défunt a payé (= l’appauvrissement) ou le capital
que le bénéficiaire reçoit (= enrichissement ? Le plus souvent, l’enrichissement et l’appauvrissement sont
corrélatifs, mais ici ils ne sont pas équivalents : or, cela a posé beaucoup de problèmes. Finalement, après de
nombreuses controverses, suite à une intervention de la Cour constitutionnelle en 2008 et 2010, l’article 188 de
la loi sur les assurances a été modifié et prévoit désormais que c’est la prestation d’assurance qui est sujette à
rapport et réduction, et non les primes payées pour la constitution du capital. En réalité, cela paraît logique.
Depuis 2017, l’article 188 prévoit également que cette libéralité est présumée rapportable, sauf disposition
expresse contraire.

c) La vente à prix réduit :

A titre d’illustration, si je vends ma maison 100.000 alors qu’elle en vaut 300.000, cela peut constituer une
libéralité mais est-ce qu’on lui a donné la maison en lui faisant payer 100.000 euros ou est-ce qu’on a donné la
différence entre les deux , soit 200.000 euros ? Une fois de plus, cela aura une importance pour le rapport et la
réduction. La Cour de Mons, elle, dit que la libéralité porte sur la différence de prix alors que la Cour d’appel de
Liège, à l’inverse, dit que la libéralité porte sur les biens (à époque du rapport en nature). Au final, comme il
n’y a pas de disposition légale, il faut regarder la volonté des parties in concreto. Par exemple, la Cour d’appel
d’Anvers a jugé en 2015 que si le prix est tellement insuffisant, la donation porte sur le bien et pas sur les fonds.

§5. La cause dans les libéralités :


a) Généralités :

Tout acte doit en effet être causé : il faut une cause. Qu’est-ce que la cause dans une donation ? La cause peut
tout d’abord être définie d’un point de vue objectif. Dans les actes à titre onéreux, la cause est la contrepartie68.
Dans les libéralités, la cause est l’intention de donner au disposant (= intention libérale) – puisqu’il n’y a pas de
contrepartie dans les libéralités. Néanmoins, cette approche n’a pas beaucoup d’intérêt. Pourquoi ? Tout
d’abord, parce que, dans les actes à titre onéreux, si la cause est la contrepartie, cela se confond alors avec
l’objet : ainsi, cela ne va pas. Ensuite, dans les libéralités, cela se confond avec un élément constitutif de la
libéralité : l’intention libérale. Ainsi, d’autres ont dit qu’il fallait prendre un point de vue subjectif : la cause est
le motif déterminant pour lequel le disposant a consenti la libéralité – et dans les actes à titre onéreux, c’est
le motif déterminant pour lequel l’on a contracté l’obligation de l’acte.

Ainsi, c’est cette approche subjective qui est retenue par la Cour de cassation en 1989 : la cause d’une libéralité
entre vifs ou testamentaire ne réside pas exclusivement dans l’intention libérale du disposant, mais dans celui
des mobiles qui l’a inspiré principalement et qui l’a conduit à donner ou à léguer. Ainsi, l’on adopte ce point de
vue subjectif, avec toutefois une différence entre les actes à titre onéreux (= synallagmatiques) et les libéralités.
En effet, pour les actes à titre onéreux, le mobile déterminant n’est pris en compte que s’il est rentré dans le
champ contractuel. Ainsi, pour annuler la vente d’une voiture pour une question de cause, il faudre que je
prouve que je n’avais acheté cette voiture que pour cela et que c’est donc rentré dans le champ contractuel.
Pour les libéralités, étant donné que ce sont des actes unilatéraux (même si la donation est un contrat), l’on
prend en compte la cause subjective, même si le bénéficiaire n’en est pas informé ou n’en a pas conscience (ex :
je reçois un testament mais je ne sais pas pourquoi).

68 Ex : Je vends ma maison pour les sous.

98
b) Applications :
1) La cause absente ou erronéed :

L’article 1131 du Code civil dispose que l’obligation sans cause ou reposant sur une fausse cause ne peut pas
avoir d’effet : cet article s’applique aussi aux libéralités. Mais qu’est-ce que l’absence de cause ? Il faudrait que
le mobile déterminant ne corresponde à aucune réalité ou qu’il s’agisse d’une cause impossible à atteindre69.
Ainsi, dans la mesure où la cause ne correspondrait à aucune réalité, l’on peut dire qu’il n’y a pas de cause et, à
partir de ce moment-là, c’est nul : nous sommes dans le cas de l’absence de cause. Néanmoins, c’est assez
difficile à apprécier en réalité : il faut que ce soit totalement irréalisble Dans le cas d’une fausse cause, il faut
que le mobile déterminant ait procédé d’une erreur, soit que l’on ait consenti une libéralité sur la foi d’une cause
qu’on croyait exister alors qu’elle était totalement ou grandement inexacte70.

La jurisprudence sur la cause absente ou fausse est assez rare en Belgique. Par contre, la Cour de cassation
française a par exemple accepté que, si une personne donne une maison à son frère et à sa belle-sœur. Deux
mois après, sa belle-sœur divorce : cela peut constituer une fausse cause. En effet, l’erreur sur la cause portait
ici sur le court laps de temps entre la donation et le divorce. Ainsi, la Cour de cassation accepte que ce court laps
de temps fait présumer qu’il y avait déjà une mésentente au jour de l’acte. En Belgique, l’on considère que c’est
plutôt une disparition de cause qu’une fausse cause : est-ce que le motif déterminant du donateur était de
donner la maison pour qu’ils restent ensemble ? Il s’agit de quelque chose d’assez difficile à évaluer.

Quoiqu’il en soit, la Cour de cassation ne nous simplifie pas les choses car nous sommes en train de parler de
cause erronée, et la Cour vient jeter un trouble dans un arrêt de 2013 en disant qu’une convention dont le
mobile déterminant est fondé sur une représentation involontairement erronée de la réalité n’est pas une
convention dénuée de cause ou fondée sur une cause erronée, mais bien une convention dont le consentement
est entaché d’erreur. Ainsi, selon la Cour, il ne faut pas résonner en termes de cause erronée, mais en termes
de vices de consentement. Ainsi, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel d’Anvers qui avait annulé
pour cause erronée sans vérifier si l’erreur était ou non excusable71. Ainsi, désormais, l’on n’y comprends plus
grand chose à la fausse cause en matière de donation telle que visée à l’article 1131 du code civil.

2) La disparition de la cause :

La disparition de la cause est l’hypothèse où le mobile déterminant disparait en raison d’un événement
postérieur au jour de la libéralité. Ainsi, au moment où l’on fait la donation ou au moment où l’on rédige le
testament, il y avait une cause qui s’est maintenue un temps et puis, tout d’un coup, elle disparaît : un
événement fait que le mobile déterminant disparaît. Dans ce cas, la doctrine et la jurisprudence disaient que la
donation ou le testament devient caduque étant donné que cette raison n’existe plus au moment où le
testament doit sortir ses effets72. Ainsi, la doctrine et la jurisprudence ont d’abord accepté la disparition de la
cause pour les libéralités testamentaires car elles ne produisent leurs effets qu’au moment du décès de sorte
qu’il y a tout un temps (= entre le moment de sa rédaction et le moment où il sort ses effets) pendant lequel, en
effet, la cause peut disparaître.

69 Ex : je donne de l’argent à mon frère pour qu’il puisse faire exploser la Lune.
70 Ex : J’institue légataire une personne hors de ma famille car je croyais que je n’avais plus d’héritiers successibles et que ma succession
serait dévolue à l’état (rare). Or, finalement, il y a tout de même qqun dans la famille qui peut exister : ainsi, si elle a justifié son testament
comme cela, l’on pourrait dire que la cause était fausse puisqu’il a fait cette libéralité en croyant que ca allait passer à l’état.
71 En l’espèce, il s’agissait de parents qui avaient fait une donation à leur fils qui était marié en régime légal. Or, chez nous, sont propres tous

les biens dont on hérite par donation ou par succession. Par contre, ce que les parents ne savaient pas, c’est que le fils s’était marié avec
une hollandaise en Hollande et en ayant sa première résidence habituelle en Hollande et que, dès lors, par application des règles du droit
international privé de l’époque, l’on prévoit que le régime matrimonial est déterminé par la loi du pays de la première résidence conjugale
après le mariage. Or, à l’époque, le régime légal hollandais était une communauté universelle. Ainsi, la fille, au moment du divorce, a pris la
moitié des biens. A ce moment-là, il y a eu une demande d’annulation qui a été faite par les parents qui ont invoqués qu’au moment où ils
ont donné, ils ne savaient pas qu’ils étaient mariés dans un régime de communauté universelle et que, de ce fait, ils donneraient aussi à la
femme. Là, la Cour d’appel d’Anvers avait admis une fausse cause.
72 Ex : Une veuve s’était remariée à 36 ans sans enfants, pensant ne plus en avoir. Elle avait fait un testament par lequel elle léguait tous ses

immeubles aux enfants de sa sœur, et le surplus à son mari. Ensuite, elle tombe enceinte, met au monde un enfant, mais ne pense plus du
tout à son testament. Ensuite, elle décède X années après et, au moment de l’application du testament, le mari voit les immeubles passés
sous son nez et l’enfant voit aussi la moitié qui lui passe sous le nez du fait de ce testament. Ainsi, le testament a été attaqué en disant qu’il
a perdu sa cause étant donné qu’il est inscrit dans le testament que cette femme l’avait fait exclusivement car elle pensait ne pas en avoir.

99
Mais quid pour les donations ? La donation sort ses effets le jour même où elle est faite : ainsi, comment
pourrait- elle perdre sa cause en raison d’un événement postérieur alors qu’elle a déjà sorti ses effets ?
Néanmoins, la disparition de la cause pour une donation a été acceptée par la Cour de cassation en 1989. En
l’espèce, il s’agissait de deux parents qui faisaient une donation d’immeuble à leur fils marié. Ils conservent
l’usufruit et donnent la nue-propriété à leur fils et à leur belle-fille. Le fils divorce au tort de la belle-fille qui le
trompait. Le papa trouve que ce n’est pas normal qu’elle ait la pleine-propriété à son décès. Ainsi, ils ont essayé
d’attaquer en disant qu’il y a une disparition de la cause puisque ce que l’on voulait, c’était donner pour que le
couple habite à termes dans la maison. La Cour d’appel de Liège dira qu’une donation ne peut devenir caduque
étant donné qu’elle a déjà sorti ses effets.

La Cour de cassation cassera cette décision en considérant que la caducité de la donation pour disparition de la
cause est possible : elle dit ainsi que lorsque par l’effet d’un événement indépendant de la volonté du donateur,
la raison déterminante de la donation vient à défaillir ou à disparaître, le juge du fond peut constater la caducité
de la libéralité si, d’après les termes mêmes de cette disposition ou de l’interprétation de la volonté de son
auteur, il est impossible de la séparer des circonstances qui l’ont amené et sans lesquelles elle n’aurait pas de
raison d’être. Il s’agit d’un arrêt qui a suscité énormément de critiques de la part de la doctrine. En effet, la cause
étant un élément constitutif de l’acte juridique, elle doit exister au jour où l’acte est accompli ou, à tout le moins,
au jour où il sort ses effets : c’est ce qui explique que la théorie de la caducité a été admise pour les testaments
alors qu’a contrario, une donation sort ses effets immédiatement. Par ailleurs, cela entraine une importante
insécurité juridique pour les transactions : en effet, imaginons que l’on achète une maison qui a été reçue par la
personne qui nous l’a vendu, et qu’ensuite, l’on annule la donation car un événement postérieur intervient.

En 2000, la Cour de cassation parait faire un revirement de jurisprudence en considérant qu’il faut apprécier
l’existence cause au moment de la formation de l’acte et que sa disparition ultérieure est, en principe, sans
importance sur la validité de l’acte. En l’espèce, il s’agissait d’un père qui exhérédait son fils unique et qui
instituait ses trois petits enfants comme légataires universels. Il l’avait fait car son fils vient d’être condamné
pour escroquerie et est en prison. Ainsi, le père se dit qu’au vu de tout l’argent que son fils devra suite au procès,
c’est dans cela que son patrimoine passera. Le fils, au moment du décès, renonce à la succession et à sa réserve
car il n’a pas envie que cela passe à ses créanciers. Finalement, le fils va être acquitté et, de ce fait, il dira qu’il
voudrait récupérer la succession de son père : ainsi, il va demander l’annulation de sa renonciation à la
succession et l’annulation du testament pour ses petits-enfants en disant que la cause a disparu.

La Cour de Cassation, dans cet arrêt de 2000, reprend la formule selon laquelle « lorsque par l’effet d’un
événement indépendant de la volonté du donateur, la raison déterminante de la donation vient à défaillir ou à
disparaître, le juge du fond peut constater la caducité de la libéralité » mais en précisant que « toutefois, la
disparition de la cause ne peut entrainer la caducité de cette libéralité que pour autant qu’elle survienne avant
le décès du testateur ». Ainsi, la Cour nous dit ici que ce n’est possible que si l’événement qui fait disparaître la
cause se produit avant que le testament ne sorte ses effets. Ainsi, la Cour de cassation n’acceptera pas que cette
disparition de la cause puisse rendre caduque un testament qui a déjà sorti ses effets. Ainsi, elle nous le dit à
propos d’un testament, mais alors quid pour la donation ? En effet, à partir de là, l’on n’arrive plus à comprendre
comment une donation pourrait être annulée pour disparition de la cause si la Cour de cassation, certes à
propros d’un testament, mais vient nous dire que cela doit survenir avant que la libéralité ne sorte ses effets.

Autrement dit, quid du coup pour les donations qui sortent leurs effets au moment où elles sont faites ? Il y
aurait alors une logique différente pour la caducité des testaments et des donations ? Ne serait-ce pas plus facile
de dire que les donations ne peuvent tout simplement pas être caduques puisque, nécessairement, l’événement
sera postérieur ? La majorité de la doctrine et de la jurisprudence s’est dit qu’il s’agissait, par cet arrêt de 2000,
d’un revirement de jurisprudence de la part de la Cour sur les donations. Ainsi, l’on s’est dit qu’il n’y avait donc
plus de caducité de la cause en matière de donation qui soit possible. En 2008, la Cour de cassation confirme
que la disparition ultérieure de la cause est sans incidence sur la validité́ pour les donations entre vifs. Ainsi,
elle consacre la thèse qui avait été envisagée par la doctrine et la jurisprudence. Néanmoins, l’on pourrait
cependant toujours penser à invoquer la fausse cause sur base de l’article 1131 du Code civil si l’erreur sur le
mobile déterminant existait déjà̀ au momen de la donation.

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3) La cause illicite :

Les articles 1131 et 1133 prévoient que la libéralité́ est frappée de nullité́ absolue si le mobile déterminant de la
libéralité́ est illicite, soit s’il est contraire aux règles d’ordre public et aux bonnes mœurs. Les cas d’application
étaient nombreux jusqu’il y a 45 ans. En effet, dans les années 60, le concubinage était contraire aux bonnes
mœurs. Ainsi, les donations (ex : la bague sous forme de cadeau) faites au concubin étaient annulées par les
juges pour cause illicite. Ainsi, l’on considérait pendant tout un temps que la donation n’avait été faite que pour
qu’elle accepte de coucher avec lui (à faire naitre, entretenir ou rémunérer des relations illicites). Avec le
temps, les mentalités ont changé́ et l’on a accepté́ d’autres formes de vie que le mariage. Néanmoins, cela a mis
plus de temps pour le concubinage adultère car là, l’on dira que si Monsieur est marié et qu’il fait une donation
à sa concubine, cela semble illicite puisqu’il fait une donation alors qu’il est toujours marié et qu’il commet un
adultère. Pendant longtemps, les cours et tribunaux ont ainsi dit que, de fait, celui qui trompe contrevient à un
devoir du mariage, l’adultère, de sorte que cette situation de concubinage adultère est illicite car contraire à
l’ordre public et aux bonnes mœurs. A titre d’exemple plus actuel, l’on pourrait penser aux libéralités consenties
dans un but de corruption.

§6. Les conditions et les charges :

Les libéralités peuvent être affectées de conditions et de charges : il y a des règles particulières à cet égard.

a) Les conditions :

L’article 900 dispose que les conditions impossibles ou qui sont contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs
sont réputées non écrites. Ici, seule la condition est réputée non écrite, mais non tout le contrat (>< actes à titre
onéreux à nullité de la convention). Pourquoi ? Car, si l’on annulait toute la donation ou tout le legs, cela
pourrait inciter à réaliser toutes les conditions (mêmes les plus farfelues) pour que la libéralité lui soit
entièrement acquise73. L’article 900 ne s’applique que si l’illicéité́ frappe la condition, pas la cause74. En effet, si
l’illicéité frappe la donation, dans ce cas-là la donation est nulle. Ainsi, la Cour de cassation a considéré que, si
ce qui est formulé comme une condition est en réalité le mobile déterminant et que cette cause est illicite, c’est
toute la libéralité qui est nulle par application de l’article 1131, mais pas de l’article 90075.

b) Les charges :
1) Généralités :

Les charges sont des obligations qui sont imposées par le disposant au bénéficiaire. A la différence de la charge,
la condition ne dépend généralement pas de la volonté du gratifié, mais ce n’est néanmoins pas toujours le cas.
En réalité, l’idée est de dire qu’une charge est quelque chose que la gratifié doit faire avec une action en
exécution possible alors que la condition, elle, dépend d’un événement qui, en principe ne dépend pas de la
volonté et pour lequel il n’y a pas d’actions en exécution possible. Finalement, notions que les charges rentrent
dans le champ d’application de l’article 900 : tout élément imposé au bénéficiaire, même si c’est une charge, est
réputé non écrite si elle est illicite. Autrement dit, une libéralité à charge est une donation ou un legs qui
comprends une obligation qui est imposé par le disposant à celui qui va bénéficier de cette libéralité.

La différence entre la condition et la charge réside dans le fait que la charge implique une obligation qui est
acceptée par le gratifié et s’il ne s’exécute pas, l’on peut agir en exécution de la charge, alors que dans une
libéralité sous condition, la condition va dépendre de la survenance d’un événement futur et incertain qui ne
dépend pas de la volonté du gratifié. Ainsi, au niveau des conditions, il n’y a pas d’action en exécution possible,
puisque c’est une condition qui se réalise ou ne se réalise pas, alors que dans le cas d’une charge, il y a bien une
action en exécution.

73 Ex : je te donne 1 million d’euros à condition que tu tues le premier ministre : l’on pourrait être incité à le faire.
74 Ex : je te donne 1 million d’euros à condition que tu tues le premier ministre et je ne te les donne que parce que je veux que le premier
ministre meurt.
75 Ex : une dame avait légué son immeuble à son filleul, encore mineur, avec condition de ne jamais vendre l’immeuble pour leurs parents.

Au lieu de maintenir le legs sans condition, le juge a prononcé la nullité de l’entièreté du legs. En effet, elle n’avait légué l’immeuble que
pour assurer son inaliénabilité.

101
Néanmoins, le législateur n’est pas toujours clair. Ainsi, dans l’article 900, il prévoit que dans toute disposition
entre vifs ou testamentaires, les conditions impossibles, contraires aux lois ou aux bonnes mœurs sont réputées
non écrites : or, lorsque l’on parle de condition, ici, cela vaut pour les charges également. Ainsi, une charge qui
serait impossible ou qui serait contraire aux bonnes mœurs impliquerait l’annulation de la charge.La libéralité
avec charge est fréquente, mais assez particulière car pour que cela reste une libéralité, il faut que la charge ne
dépasse pas l’enrichissement qu’implique la libéralité. En effet, si jamais le montant de la charge est égale
dépasse la valeur totale de la libéralité, nous ne sommes alors plus dans une libéralité (= acte à titre gratuit),
mais bien dans un acte à titre onéreux. Ainsi, pour pouvoir qualifier l’acte de libéralité, il faut examiner l’ampleur
de la charge car une charge qui dépasse la valeur peut annuler la qualification de libéralité.

Il y a plusieurs types de charges qui peuvent être distinguées, selon la personne qui en bénéficient Tout d’abord,
la charge peut être stipulée dans l’intérêt du disposant : les plus fréquentes sont, par exemple, l’hypothèse où
je lègue mon immeuble à mon neveu Vincent, à charge pour lui de me nourrir et de me loger jusqu’à ma mort
ou à charge de me verser les loyers du bien s’il le loue. Ainsi, c’est toujours le gratifié qui doit exécuter la charge,
mais la charge est faite au profit du disposant – et c’est là qu’il faut regarder l’importance de la charge.
Néanmoins, parfois, la charge peut aussi être stipulée au profit du gratifié qui, dans ce cas, cumule le bénéfice
de la libéralité et le bénéfice de la charge. Ainsi, si je conditionne mon don au fait que mon fils fasse des études
universitaires, c’est une charge : en effet, ce n’est pas une condition car cela ne dépend pas d’un événement
futur et incertain. En effet, cela dépend de lui – et la charge de réussir des études universitaires, cela serait là
impossible. Or, là, je donne à mon fils 20.000 euros pour couvrir ses études universitaires, à condition qu’il en
fasse. Est-ce une libéralité ou non ? Pour apprécier cela, l’on va considérer que c’est un acte à titre gratuit, même
si la valeur transmise n’est pas suffisante pour exécuter la charge. En effet, si l’on met tout bout à bout,
probablement que les études couteront plus de 20.000 euros. Ainsi, l’on pourrait conclure qu’il ne s’agit plus ici
d’une libéralité. Néanmoins, la jurisprudence est plus subtile et dit que « Non, vous avez au moins économiser
20.000 euros pour faire vos études, même si elles ont coûté plus que ça ». En effet, moi je n’ai pas d’intérêt
personnel à ce que mon fils fasse des études : c’est pour lui que je fais cela, c’est dans son intérêt à lui.

Par ailleurs, la charge peut aussi être stipulée en faveur d’un tiers : là, on se trouve dans un système
triangulaire. A titre d’exemple fréquent, imagions que je lègue tous mes biens à la Fondation Roi Baudouin, à
condition pour celle-ci qu’elle remette 50.000 nets de droits de succession à ma nièce Camille. Néanmoins, il ne
faut pas confondre : je ne dis pas à la fondation que je lui lègue tout, sauf 50.000 euros. Non, je lui lègue tout,
mais à charge pour elle de remettre une partie à ma nièce : c’est ce qu’on appelle un legs en duo. Pourquoi est-
ce fréquent en pratique ? Parce que les œuvres sont moins taxées en droit de succession que les particuliers :
c’est donc intéressant d’un point de vue fiscal. En effet, si l’œuvre reçoit tout, les droits de succession sont
calculés pour elle. Puis, après seulement, elle exécute une charge et dans ce cas-là, ma nièce ne sera pas taxée.
En conclusion, l’opération est fiscalement intéressante. Ainsi, l’on peut considérer que du point de vue de ma
nièce, il y a une libéralité secondaire de ma part, mais ce qui est très important, c’est qu’il n’y a pas de libéralité
de la part de la Fondation Roi Baudoin : c’est pour cela que ça ne sera pas taxé comme une libéralité, c’est la
simple exécution d’une charge, un paiement.

2) Les formes particulière de libéralités avec charge de conserver et de rendre :


A. Les substitutions fidéicommissaires :

La substitution fidéicommissaire est une disposition par laquelle l’auteur de la libéralité charge la première
personne, le grevé, de conserver les biens légués sa vie durant et de les transférer à son décès à une seconde
personne, l’appelé – et qui est désigné par l’auteur de la libéralité. Ainsi, Ginette lègue sa maison à sa nièce
Annabelle, à charge pour celle-ci de la transmettre à son décès à Claudie. Ainsi, il y a donc quelque part deux
libéralités : un disposant (Ginette) dispose à l’égard du grevé (Annabelle) d’un bien et lui sera chargé de
transmettre ce bien à une deuxième personne (Claudie), l’appelé, à son décès. Or, de telles substitutions sont
prohibées par l’article 896 du code civil : c’est nul sur toute la ligne et vis-à-vis de tout le monde (Annabelle,
Claudie, Ginette). Ainsi, absolument tout est nul.

102
Pourquoi ? En réalité, cela s’explique par l’histoire : le Code de Napoléon n’a pas fondamentalement changé au
niveau des libéralités depuis qu’il a été institué. Or, en 1804, lorsque l’on fait le Code civil, l’on est dans la suite
du mouvement révolutionnaire et dans la suite d’une société qui se veut démocratique, qui veut supprimer les
titres de noblesse et les privilèges des aristocrates. Ainsi, l’idée est de dire que l’on ne veut pas que les gens
contournent cette idée révolutionnaire de libéralisation et de partage des biens en donnant des biens à
quelqu’un pour qu’ils les remettent finalement à l’aristocrate de la famille du premier défunt. Ainsi, il y a une
volonté de dire que l’on ne peut pas bloquer la propriété d’un bien en disant à quelqu’un qu’il peut avoir quelque
chose, mais que pour un certain temps parce qu’après il devra le donner à quelqu’un d’autre. Néanmoins, l’on
peut se demander si c’est toujours pertinent aujourd’hui : quoiqu’il en soit, en tout cas, malgré les différentes
réformes, personne n’a eu envie de supprimer cet article.

Pour cela, il faut que l’on soit vraiment dans les critères de la substitution fidéicommissaire pour que
l’interdiction fonctionne. Ainsi, il faut remplir trois conditions, au moment du décès :

® Il faut deux libéralités successives portant sur un même bien.

® Il faut que le grevé ait la charge de conserver et de rendre le(s) bien(s) donné(s) de sorte que cela va à
l’encontre du principe de libre disposition des biens que les révolutionnaires voulaient mettre en place.

® Les droits de l’appelé doivent être exigibles au décès du grevé. En effet, s’il n’y aura pas substitution
fidéicommissaire s’il y a une charge de rendre le bien donné à un moment fixe (ex : je donne ma maison
à quelqu’un, à charge pour lui de la rendre deux ans plus tard).

Ainsi, si ces 3 conditions sont remplies, l’acte est prohibé et les deux actes seront donc nuls de nullité absolue.

B. Les institutions autorisées :

Il y a néanmoins des institutions voisines, qui peuvent paraître proches, mais qui sont néanmoins admises :

® Les substitutions permises : nous ne les verrons pas, mais ce sont les articles 1048 à 1050 (pas à voir).

® Le legs précatif : il est autorisé parce que l’on ne force pas le bénéficiaire à transmettre la propriété,
mais l’on exprime un « souhait ». Ainsi, ce n’est pas une charge : c’est un simple vœu car si le
bénéficiaire ne transmet pas la propriété ou le vend entre temps, tant pis pour moi.

® La substitution vulgaire : c’est une libéralité alternative. Ainsi, c’est dire « je lègue ma maison à ma
nièce ou à mon coiffeur » : c’est l’idée de dire que si le premier gratifié est décédé au moment de mon
décès, cela ira au deuxième gratifié. L’article 896 vise expressément cette institution particulière. Il
s’agit d’une hypothèse très fréquente en pratique car cela permet de faire face aux aléas de la vie.

® La double libéralité usufruit – nue-propriété (classique) : le résultat est parallèle à une substitution
fidéicommissaire car si les parents gardent l’usufruit, ils ne peuvent disposer de la chose puisqu’ils n’ont
plus que l’usufruit, mais plus la nue-propriété. Or, le nu-propriétaire est assuré d’en disposer au décès
de l’usufruitier. Or, si les parents se réservent l’usufruit, en effet, l’on arrive de facto au même résultat
que la substitution fidéicommissaire prohibée, mais c’est valable ici parce que, oui, il y a une
inaliénabilité du bien, mais en réalité, il y a deux libéralités différentes. En effet, il y en a une qui porte
sur un usufruit et une qui porte sur la nue-propriété. Or, l’article 899 dit que c’est valable : c’est spécifié
dans le Code pour éviter tout questionnement. En réalité, ce ne sont pas deux libéralités successives,
c’est une seule libéralité qui porte sur deux composantes différentes de la propriété. Enfin, il en sera
de même lorsque la libéralité offre l’usufruit à l’un et la nue-propriété à l’autre.

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® Le legs de residuo : différent du legs en duo, le legs de residuo est une disposition par laquelle le
bénéficiaire est chargé, à son décès, de rendre à un second bénéficiaire de la libéralité, désigné par le
testateur, ce qu’il restera des biens légués, et non pas les biens légués tout court. Il s’agit de quelque
chose de très fréquent en pratique, notamment chez les personnes qui n’ont pas d’enfant76 car cela
permet donc de maintenir un bien dans une famille mais en permettant que le conjoint survivant puisse
quand même en profiter. Ceci étant dit, l’on admet que le testateur originaire puisse interdire une
donation – mais non un acte à titre onéreux (= substitution fidéicommissaire).

76 Ex : Imaginons, j’ai une sœur qui est mariée mais qui n’a pas d’enfant. Or, si l’on a un bien de famille et que la sœur meurt, cela va à son
mari, mais la sœur, elle n’a pas envie que quand elle meurt, le bien aille aux neveux de son mari : elle veut que cela reste dans la famille.
Elle veut que son mari puisse bénéficier de tous ses biens, mais pas qu’après sa mort, ça aille dans sa famille

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Chapitre 2e. Les donations « entre vifs » :

L’appellation « donations entre vifs » est l’appellation du Code et date de 1804 : ce sont des donations faites
entre vivants, par opposition aux donations faites lors du décès (= les legs). Il faut faire attention
donateur/donataire : même la prof se trompe tout le temps !

1. Les règles de fond applicables à la conclusion d’une donation :

Qu’est-ce qu’une donation ? Il s’agit d’une libéralité, mais plus spécifiquement, l’article 894 nous dit que c’est
un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du
donataire qui l’accepte.

§1. La donation est un contrat :

La donation est un contrat (à en faveur du donataire qui l’accepte à il se forme par le concours de volonté
entre les deux) unilatéral (à il n’y a, en principe, que des obligations dans le chef du donateur, sauf charges
auquel cas il est synallagmatique) et non pas un acte unilatéral – et ce bien que l’article 894 parle d’acte. Il s’agit
d’un contrat dans lequel l’on va mettre des formes solennelles.

§2. La donation est irrévocable :


a) Notion :

Il s’agit d’un contrat qui implique que la donation soit irrévocable : l’irrévocabilité, c’est essentiel. Néanmoins,
tous les contrats sont irrévocables (art. 1134, al.2) : l’on ne peut pas révoquer un contrat de vente, de prêt ou
de location que par une nouvelle rencontre des volontés. Ainsi, c’est la même chose pour la donation étant
donné que la donation est un contrat : il faut donc un accord de volonté pour défaire le contrat ? En réalité, cela
va plus loin parce que, pour la donation, l’on ne peut même pas revenir sur la donation par un accord de volonté
(ni sur ses modalités, ses conditions ou ses clauses). Ainsi, il y a donc une irrévocabilité renforcée : l’on ne peut
pas revenir sur la donation elle-même, ni sur ses modalités, si sur ses conditions, si sur ses clauses. De ce fait,
l’on ne peut donc pas prévoir de clauses qui permettraient, dans certaines conditions, de revenir sur la donation.
Ainsi, Loysel disait : « donner et retenir ne vaut » (= donner, c’est donner et reprendre c’est voler). Ainsi, l’on ne
revient pas en arrière, même d’un commun accord. Ainsi, à la limite, si l’on veut revenir en arrière, il faut une
donation dans l’autre sens - avec une nouvelle taxation, alors.

b) Dispositions contraires à la règle de l’irrévocabilité des donations :

De ce fait, l’on va aussi interdire toutes les dispositions contraires à cette règle qui prévoieraient que la donation
n’est pas irrévocable. Ainsi, voilà pourquoi, à titre d’exemple, la donation de biens à venir est interdite (art. 943).

1) La donation de biens à venir (art. 943 C. civ.) :

En effet, si l’on n’a pas encore acheté une maison et qu’on dit à quelqu’un qu’on lui donnera la maison qu’on va
acheter, outre le fait que ce n’est pas possible de faire un dépouillement immédiat parce que ce n’est pas encore
dans le patrimoine, la donation sera révocable car si l’on n’achète pas effectivement la maison, la donation ne
pourra pas être faite. Ainsi, la donation ne peut porter que sur les biens sur lesquel l’on a déjà un droit certain
et actuel et qui se trouveront encore dans mon patrimoine à mon décès, mais en revanche pour les biens à venir
ce n’est pas possible car cela dépendrait de la seule volonté du donateur de priver la donation de son efficacité
en s’abstenant d’acquérir le bien.

2) La donation sous condition simplement potestative (art. 944 C. civ.) :

De la même manière, il y aura nullité d’une donation qui serait purement potestative, c’est-à-dire d’une
condition dont l’exécution dépendrait de la seule volonté du donataire. Ainsi, si je dis que je fais une donation
de ma maison à ma fille si je me marie, il suffit que je ne me marie pas pour effectivement que cela soit révocable.
Ainsi, si l’exécution de la donation dépend de la seule volonté du disposant, c’est par définition révocable.

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Évidemment, c’est compliqué de savoir quand est-ce qu’une donation est purement potestative, soit qu’elle
dépend purement de la volonté du donataire. A ce propos, l’on s’est posé la question pendant longtemps pour
les donations entre partenaires non-mariés, sous condition résolutoire de la rupture. Imaginons qu’on dise à
quelqu’un qu’on lui donne la moitié de sa maison, mais que si on rompt, la donation ne vaudra pas. Est-ce que
c’est valable ? Nous avons longtemps chipoté en jurisprudence car la situation n’est pas rare. En effet, les droits
successoraux légaux du cohabitant légal sont ce qu’ils sont, mais les droits du cohabitant de fait sont nuls, eux.
Ainsi, ce type de donation du vivant n’est pas rare. Ainsi, si c’est la condition résolutoire que tu ne me quittes
pas, la jurisprudence pourrait peut-être dire que « c’est que toi tu ne me quittes pas ». Néanmoins, il y a eu des
cas de jurisprudence où l’on disait « à condition que notre relation perdure » : or, là, c’est purement potestatif
étant donné que chacun peut rompre à tout moment. En même temps, d’autres considèrent que oui, mais que
comme je peux autant rompre que lui peut rompre, cela ne dépend pas que de ma volonté à moi. Ainsi, il y a de
la jurisprudence qui dit que c’est purement potestatif et que cela ne dépend que de la volonté du disposant,
mais d’autres disent que comme cela peut aussi dépendre de la volonté du gratifié, ce n’est pas purement
potestatif : il a donc débat et contestation sur la question de savoir si la donation est ou non valable ?

3) La donation comportant une clause de paiement de dettes futures du donataire (art. 945 C. civ.) :

A cause de ce grand principe d’irrévocabilité des donations, une donation comportant une clause de payement
de dettes futures du donataire ne sera pas valable (= est nulle). Ainsi, l’on peut penser à la donation qui est faite
sous condition d’acquitter d’autres dettes ou d’autres charges que celles qui sont exprimées dans l’acte. L’idée
est de dire : « je lègue une maison à ma fille, à charge de payer toutes mes dettes présentes et futures ». Pour
les dettes présentes, cela va car l’on sait à quoi l’on s’engage, mais pour les dettes futures, il suffirait que je
contracte d’autres dettes pour que je révoque ma donation quelque part puisque la charge sera telle, et j’ai la
possibilité par ma seule volonté que ce ne soit pas une libéralité car elle aura tellement de dettes à payer. Ainsi,
cela peut porter sur une dette déterminée dans un acte ou dans une annexe à l’acte, même si le montant n’est
pas forcément précis (ex : à charge de payer ma dette de sécurité sociale) mais l’on ne peut faire une donation
en visant toutes les dettes présentes et futures parce que cela enfreindrait le principe d’irrévocabilité.

4) La donation comportant une clause permettant de reprendre la chose donnée (art. 946 C. civ.) :

Pour la donation comportant une clause permettant de reprendre la chose donnée, le problème est le même.
Ainsi, l’on ne peut se réserver le droit de reprendre, disposer, hypothéquer ou donner en gage la chose donnée.

c) Dispositions conformes à la règle de l’irrévocabilité des donations :

En revanche, sont valables et ne contreviennent pas à la règle de l’irrévocabilité :

- La donation avec réserve d’usufruit : il y a déjà une nue-propriété qui est donnée de façon irrévocable,
même si l’on garde une partie en gardant l’usufruit

- La donation sous condition non-potestative, soit une condition qui ne dépend pas uniquement de la
volonté du donataire.

- La donation avec retard du transfert du droit : ainsi, je te donne ma maison aujourd’hui, mais le droit
de propriété ne te sera transféré que plus tard. En effet, l’on admet que ce soit valable s’il s’agit d’une
date déterminée et que ce n’est que l’exécution de la donation qui est retardée.

- La donation avec clause de retour conventionnel : c’est l’idée qu’en principe, les plus vieux meurent
avant les plus jeunes. Or, ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Ainsi, l’on peut prévoir le retour
du bien donné en cas de prédécès du gratifié. Ainsi, si je donne un bien à ma fille et qu’elle meurt avant
moi, je récupère mon bien. Ensuite, l’on peut aussi prévoir que le bien nous reviendra uniquement si
elle n’a pas d’enfants. Le droit de retour conventionnel ne peut me bénéficier qu’à moi : on ne peut pas
en faire bénéficier quelqu’un d’autre, sans quoi c’est une substitution fidéicommissaire. Ensuite, cela
permet aussi aux parents de ne pas payer des droits de succession sur l’héritage de leur enfant
prédécédé (qui est en fait une donation qu’ils lui ont eux-mêmes fait).

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Attention, il ne faut pas confondre le droit de retour conventionnel avec le droit de retour légal. Le droit de
retour légal à été vu avec Madame Tainmont (syllabus n°1, page 64). Le droit de retour légal se passe en cas de
succession sans libéralité : ce n’est pas la même chose.

d) L’exception à l’irrévocabilité, les donations entre époux :


1) Notions :

Le principe d’irrévocabilité est frappé d’une grande exception. L’article 1096 du Code civil prévoit que toutes
donations faites entre époux pendant le contrat de mariage, autrement que par contrat de mariage, seront
toujours révocables. Ainsi, par exception à la règle générale, les donations entre époux sont révocables ad
nutum : le donateur peut à tout moment révoquer, sans donner de justification. Or, la révocation aura alors un
effet rétroactif. Néanmoins, attention, si c’est un cadeau d’usage, ce n’est pas une libéralité (voy. supra). D’où
est-ce que cela vient ? L’on trouve, dans le Code civil, la ratio legis. A cette époque, l’on considère que si qqun
fait une donation entre les époux, c’est le mari qui donne à sa femme. Ainsi, l’on s’est dit que si les donations
entre époux étaient irrévocables, il pourrait y avoir des effets inconsidérés de leur tendresse ou de leur
dérèglement passionnel. Ainsi, le mari donnerait énormément à sa femme, puis sa femme ne se comporte pas
bien (ex : elle n’exerce pas son devoir conjugal).

A l’époque, l’on pouvait peut-être encore comprendre une telle justification, mais aujourd’hui, comment est-ce
que l’on peut encore penser cela ? Or, cela pose de vrais problèmes en pratique car l’on peut tout à fait révoquer
au moment du divorce. Or, est-ce qu’aujourd’hui, c’est encore acceptable qu’au moment du divorce, l’on puisse
demander à sa femme ou à son mari de rendre les cadeaux qu’on lui a donné sous prétexte qu’elle/il n’est pas
gentil(le) ? Mme Sosson attend avec impatience que quelqu’un ait le dossier adéquat pour aller à la Cour
constitutionnelle pour changer cela. En effet, c’est discriminatoire pour les époux de les traiter différemment
des autres. Pourquoi est-ce que dans toutes les autres formes de couple, les donations sont irrévocables, mais
pas pour les époux ? Il n’y a pas que dans le mariage qu’il y a des « dérèglements passionnels » ? Non, ce n’est
point le cas.

Ensuite, cela vaut pour toutes les donations entre époux, sauf celles qui sont réalisées dans le contrat de
mariage. En effet, là, il est possible, par un acte modificatif du contrat de mariage ou par contrat de mariage, de
rendre les donations irrévocables. Néanmoins, cela ne peut être fait par une simple convention - et, certains
vont même jusqu’à dire que c’est d’ordre public. Ainsi, un bout de papier signé par les deux époux qui rendrait
la donation irrévocable serait donc nul. Madame Sosson, elle, a des doutes non seulement sur la ratio legis
actuelle de la règle, mais également sur le caractère d’ordre public de cette règle. Par ailleurs, le droit de
révocation est personnel : ainsi, les enfants ne peuvent pas révoquer toutes les donations que leur parent a fait
à son époux. Enfin, le droit de révoquer existe pendant le mariage, mais aussi après le mariage – et c’est surtout
dans les divorces que cela se joue évidemment.

2) L’interdiction des donations mutuelles dans un seul acte (art. 1097 C. civ.) :

L’article 1096 explique que les époux ne puisse pas faire des donations mutuelles dans un même acte parce que
cela empêcherait que l’on puisse révoquer les donations puisqu’il faudrait à nouveau un concours des volontés
pour révoquer. Ainsi, le corollaire de la révocation ad nutum est que l’on ne peut se faire de donation mutuelle
dans un même acte pour assurer la pleine liberté de révoquer et si on le fait, c’est nul de nullité absolue.

3) Les formes de la révocation ad nutum :

Les formes de révocation ne sont pas définies par la loi : cela peut être expresse, par testament ou par simple
écrit. Ainsi, l’on peut imaginer toutes les formes qu’on veut. En pratique, les avocats font souvent les choses par
voie d’huissier : « je te signifie que je révoque telle donation », mais l’on pourrait le faire de la manière que l’on
veut, même de manière tacite. Ainsi, imaginons que l’on donne une maison à son mari et que, dans notre
testament, on dit qu’on la donne à notre coiffeur, cela pourrait être considéré comme une révocation tacite de
la donation au mari. Or, cela est vachement dangereux, même si tout à fait possible.

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4) La révocation de plein droit des donations entre époux en cas de divorce ou de séparation de corps
(art. 299 et 311bis, C. civ.) :
Le code, dans des articles un peu compliqués logés dans la matière du divorce ou de la séparation de corps,
prévoit des révocations de plein droit des donations en cas de divorce ou de séparation de corps. Dans le
syllabus, le libellé n’a pas été modifié suite à la réforme de 2018 (même si le principe est toujours le même).
Ainsi, sauf convention contraire, le divorce entraine la caducité des droits de survie que les époux se sont
concédés par contrat de mariage et depuis qu’ils ont contractés mariage. Attention, il n’y a pas une disposition
générale de divorce qui dit que toute donation faite pendant le mariage entre les époux est caduque d’office en
cas divorce. En effet, l’article ne concerne que certaines d’entre elles : il vise les droits de survies (= les avantages
matrimoniaux) que les époux se sont concédés par contrat de mariage et depuis qu’ils ont contractés pendant
le mariage. Ainsi, dans ce cas, en cas de divorce, d’office et sans qu’il n’y ait besoin de dire que l’on révoque,
automatiquement, le divorce implique que cet avantage matrimonial s’applique. L’article parle de caducité, c’est
un drôle de terme, mais effectivement, l’avantage matrimonial devient en quelque sorte « caduc » puisqu’il n’y
aura pas lieu de l’exécuter. Attention, l’article 299 vise le divorce pour désunion irrémédiable : pour le divorce
par consentement mutuel, il faut le prévoir. Enfin, cela a un effet rétroactif au jour de la demande en divorce
puisque c’est la date de la dissolution. Finalement, l’article précise que cela se prévoit « sauf convention
contraire » : ainsi, l’on peut dire, dans une convention faite au moment du divorce que l’on maintiendra les
droits de survie, même si l’on divorce pour désunion irrémédiable.

§3. Le dépouillement du donateur doit être immédiat :


a) Notion :

Il faut que l’on se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée. Ainsi, le transfert ou la
constitution du droit ne peut pas être différé. Néanmoins, cela n’empêche effectivement que la mise en
possession, exceptionnellement, soit différé (ex : je te donne ma maison aujourd’hui, mais tu recevras les clés
dans trois mois). Ainsi, il n’y a des exceptions que pour l’exécution ou la mise en possession, ce qui n’est donc
pas la même chose que le transfert du droit, et étant entendu que cette exception ne marche pas en cas de don
manuel. Ainsi, cette exigence implique de nouveau que des donations de biens à venir ne serait pas valable. En
revanche, sont valables les donations avec réserve d’usufruit ou les donations avec un terme suspensif si le
terme porte sur la délivrance de la chose, la mise en possession ou l’exigibilité du droit, mais pas sur le transfert
ou la constitution du droit lui-même

2. Les règles de forme applicables à la conclusion d’une donation :


§1. La donation par acte notarié :
a) Les règles de forme de la donation solennelle :

Les donations sont des actes dangereux : l’on se dépouille, l’on s’appauvrit et l’on enrichit l’autre parce que l’on
a envie de donner. Ensuite, le dépouillement est irrévocable : ainsi, l’on a voulu imposer des éléments de
solennité à cela pour que les gens se rendent bien compte de ce qu’ils font. Ainsi, l’article 931 prévoit que la
donation est un acte solennel : ainsi, tous acte portant donation entre vifs seront passés devant notaire.
Autrement dit, l’on impose la rédaction d’un acte authentique. Ainsi, les articles 931 et 932 nous disent qu’il
faut différentes choses :

® Il faut un acte notarié.

® Il faut l’acceptation expresse du donataire dans l’acte notarié. Il doit être mentionné, dans le contrat,
que le bénéficiaire de la donation a accepté la donation, ou il faut une acceptation en bonne et due
forme faite dans un acte ultérieur. Ainsi, l’acceptation tacite n’est pas possible. Ensuite, si l’acceptation
ne se fait pas au même moment que la donation, il y a des règles de notification de l’acte d’acceptation
et la donation n’aura d’effet qu’au jour de la notification de cet acte.

® Quid si on veut faire une procuration pour l’acceptation ? Il faut aussi une procuration authentique.

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® Il faut rédiger un état estimatif des biens donnés si la donation porte sur des effets mobiliers, corporels
ou incorporels : ainsi, l’on doit estimer la valeur des biens donnés. Néanmoins, l’on n’est pas obligé de
faire appel à un expert, mais cet état doit être signé par le donateur et le donataire et doit figurer dans
un acte annexé à l’acte de donation. Il s’agit d’une exigence au fiscal pour calculer le taux de taxation,
mais également au civil pour que la donation soit valable.

b) La nullité pour vice de forme :

Il s’agit d’une règle prévue à peine de nullité pour vice de forme. Du vivant du donateur, cette nullité est
absolue : il n’y a pas de confirmation possible (art. 1339). Ainsi, si on veut vraiment faire la donation qui a été
déclarée nulle de nullité absolue, l’on doit la refaire dans les règles : il n’y a pas de confirmation possible. Ensuite,
après le décès du donateur, la nullité absolue se transforme en nullité relative : de ce fait, à ce moment-là, les
héritiers ou ayant-cause peuvent confirmer la donation (art. 1340). Enfin, si l’on s’arrête là, peu de donations
sont possibles. Ainsi, en pratique, l’on va avoir des exceptions qui vont manger la règle, mais pas complètement
car ces exceptions sont de stricte interprétation : il y aura des possibilités de le faire sans acte notarié, mais à
des conditions précises.

§2. La donation manuelle :


a) Notion :

Il s’agit de l’exception la plus fréquente : l’on va accepter, même si la règle est l’acte notarié, l’on va quand même
accepter une donation « de main à la main », soit une donation manuelle. En effet, l’on va le permettre pour
certains biens, à savoir des meubles (>< immeubles à toujours un acte translatif de propriété) corporels ou
incorporels. Ainsi, l’idée est de dire que la donation qui est un contrat peut aussi être un contrat réel qui se
forme par la remise de la chose au donataire. Néanmoins, il s’agit d’une donation de sorte qu’il faut respecter
les règles de fond des libéralités et des donations. En revanche, le don manuel permet d’échapper à l’exigence
des règles de forme des donations, soit à l’exigence d’un acte authentique. Néanmoins, il est à noter que, dans
le cas de l’exécution d’une donation mobilière qui serait nulle parce que l’on n’avait pas fait d’acte authentique,
le fait de l’exécuter et de remettre la chose n’est pas considéré comme transformant la donation en une
donation manuelle.

En effet, nous avons eu des cas, qui ont même été jusqu’à la Cour de cassation : il s’agissait d’un cas où une
dame avait donné dans un acte de donation à une personne qu’elle donnait telle somme. Or, elle n’avait pas
donné tout de suite, mais c’était mis dans l’acte notarié. Ensuite, elle n’a donné qu’une semaine plus tard. Par
après, elle a déclaré cette donation nulle car elle ne s’est pas dépouillée immédiatement et parce que l’acte
authentique n’a pas été exécuté. La personne qui avait reçu disait que c’était une donation, de sorte que même
si cela a été dissocié du moment prévu dans l’acte notarié, c’est donné et c’est donc une donation manuelle. La
cour d’appel suivra dans un premier temps, mais cela ira en cassation. La Cour de cassation, elle, dira que l’on
ne peut essayer de réparer la nullité du fait de la violation des règles de l’article 931 en disant qu’il s’agit de
toute façon d’une donation manuelle.

b) La tradition :

Le don manuel est un contrat réel qui s’opère par la remise de chose (= transfert physique) : la simple rencontre
des consentements ne suffit pas. Ainsi, il faut vraiment qu’il y ait remise de la chose, même si cela peut se faire
par mandataire (du côté du donateur ou du donataire) et il faut une acceptation. Ainsi, nous devons, pour le
don manuel, avoir des meubles corporels (= qui se meuvent par eux-même et peuvent se transporter d’un lieu
à l’autre) ou des meubles incorporels, mais alors, dans ce dernier cas, il faut que le droit s’incorpore au titre.
Ainsi, si je vous donne 1.000 euros, je vous donne des billets, mais le droit s’incorpore au titre. En revanche,
lorsque l’on a des meubles incorporels dont le droit n’est pas incorporé au titre, il n’y a pas de traditio possible,
et il n’y a donc pas de don manuel possible.

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Ainsi, si je remets les actions nominatives de ma société à ma fille, je n’opère pas une donation des actions parce
qu’elles sont nominatives parce que le droit ne s’incorpore pas au titre. En effet, il faut faire d’autres démarches
pour qu’il y ait un changement de titularité dans les actions, et notamment une inscription au registre des
actionnaires. Il en ira de même pour les chèques nominatifs : la simple remise du chèque ne vaut pas car le droit
n’est pas incorporé au titre ou à un compte bancaire. Ensuite, il en va de même pour des biens soumis à
immatriculation nécessaire pour le transfert des propriétés : les avions et les navires sont immatriculés et c’est
cela qui réalise le transfert de propriété alors que ce n’est pas de cas pour les voitures. De même, ne pourrait
faire l’objet d’une donation manuelle une universalité comme un fonds de commerce ou des droits d’auteurs
car, là, il y a une exigence d’écrit pour le transfert de propriété de ces droits incorporels. Enfin, pour un coffre,
si je donne des bijoux et que je les mets dans le coffre de la personne à qui je les donne, il peut s’agir d’une vraie
traditio. Par contre, si c’est un coffre auquel j’ai accès, je n’ai pas fait une traditio. Ainsi, il faudra examiner au
cas par cas.

c) La preuve du don manuel :

En cas d’écrit du fait que l’on a donné la voiture, après une donation par traditio, l’écrit, là, est probatoire : il
n’opère pas la donation mais est là pour faire la preuve de la donation (= pacte adjoint). Or, il s’agit d’une preuve
très importante, notamment dans la constitution de la masse 922 puisqu’il faudra apporter la preuve des
donations pour le rapport et pour les réductions. Les dons manuels sont très fréquents et l’on conseille toujours
aux personnes de faire, en cas de don manuel, de faire un pacte adjoint, soit un écrit qui atteste de la donation.
En effet, il ne faut pas que l’écrit forme la donation puisque la donation doit normalement être faite par forme
authentique. Ainsi, le donateur et le donataire signent ensemble un document après le don manuel qui constate
le don. En pratique, la preuve du don manuel est une question importante qui suscite beaucoup de litiges.

1) La preuve à apporter par le donateur :

Pour le donateur, celui-ci doit éventuellement pouvoir prouver sa donation s’il veut demander la nullité du don
ou encore lorsqu’un époux veut révoquer une donation. En effet, encore faut-il prouver qu’il a donné et donc
qu’il s’agissait une donation, mais non un prêt ou qu’il était à elle. En effet, qui a la charge de la preuve ? Il s’agit
de celui qui veut révoquer la donation : celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver (= droit
des obligations à art. 870 code judiciaire). Comment le prouver ? L’article 1341 prévoit que si la valeur de la
donation est de plus de 375 euros, il faut un écrit qui soit signé du donateur et du donataire qui constate la
remise de la chose dans le but de faire une donation. Et quid s’il n’a pas d’écrit ? Il peut éventuellement apporter
un commencement de preuve par écrit : le tribunal appréciera. Ensuite, l’on pourrait avoir un aveu ou un
serment du donataire, mais si celui-ci conteste, il avouera rarement. Ensuite, certains se sont alors demandé si,
à chaque fois que l’on donne quelque chose, il faut signer un papier ? De ce fait, certains ont essayés d’invoquer
l’impossibilité morale de réclamer un écrit, mais les tribunaux sont très frileux à cela et estiment qu’il n’y a pas
d’impossibilité comme tel de réclamer un écrit.

2) La preuve à apporter par les héritiers du donateur :

Il arrive que les héritiers du donateur doivent apporter la preuve de la donation pour en demander la résolution
ou la nullité. Lorsqu’ils le font pour réclamer des droits que réclamait le donateur, ils sont alors soumis aux
mêmes règles de preuves que le donateur lui-même. En revanche, quand ils font valoir un droit propre, soit un
droit au rapport ou à la réduction, dans ce cas-là, c’est différent : ils sont tiers par rapport à la réduction, mais
ils invoquent un droit propre. Ainsi, dans ce cas, l’on considère que la preuve peut être faite par toute voie de
droit, étant donné que ce sont des tiers : l’on ne peut pas exiger d’écrit puisque, par définition, ils sont tiers par
rapport à cette donation.

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3) La preuve à apporter par le donataire :

Il arrive que celui qui a reçu doive prouver sa donation (ex : une fille est accusé de les avoir volé), le plus souvent
contre les héritiers du donateur. Ainsi, l’exemple est le suivant : La petite fille dit que c’est elle qui a les lingots
qu’elle a reçu de sa grand-mère. Or, les héritiers disent que la grand-mère ne les lui a pas donné et que les lingots
d’or sont à elle : ils doivent faire partie de la succession. Dans ce cas, il y a deux pistes pour les héritiers. La
première est de faire une action en revendication et dire qu’il y a des biens qui appartiennent à la succession
qui se trouvent chez un tiers : c’est la petite fille qui a les lingots et qui dit que c’est sa grand-mère qui les lui a
donné. Ensuite, il y a une possibilité de faire une action en restitution. La première action est une action en
revendication : les héritiers disent que ce n’est pas à la petite fille. En pratique, il s’agit d’un cas courant.

Dans un tel cas, le demandeur doit commencer par prouver que la personne dont elle doit héritier était propriété
des lingots : ainsi, il faudra au minimum sortir les bordereaux d’achats des lingots. Ensuite, il faut constater que
c’est un tiers, la petite fille, qui a la possession des lingots, mais qu’il n’en a pas la propriété. Néanmoins, la
petite-fille, souvent, elle, est dans une position plus confortable puisque, étant en possession des lingots,
possession vaut titre : elle n’a rien d’autre à prouver (art. 2229 du code civil). Or, pour pouvoir dire que oui, mais
non, la possession n’est pas suffisante pour attester de la propriété, il faut que la possession soit viciée.

Or, qu’est-ce que l’on a comme vice ? La possession n’est pas continue, la possession a été interrompue, la
possession n’est pas paisible, la possession est équivoque, la possession n’est pas à titre de propriété. Ainsi, le
demandeur doit, pour pouvoir continuer, que la possession est viciée. Ainsi, la charge de la preuve revient chez
le demandeur. Ensuite, ce n’est que si l’on arrive à prouver qu’il y a un vice dans la possession que c’est alors à
la petite fille de prouver qu’il y a eu un don manuel, parce que, à ce moment-là, sa possession ne vaut plus titre
(= ne suffit plus à prouver son titre). Ainsi, à ce moment-là, il faudra alors prouver la donation manuelle et il
faudra donc un écrit (art. 1341). Ainsi, si la petite-fille n’a pas de preuve écrite, elle n’aura pas de preuve de la
donation et devra donc rendre cela à la succession (voy. les exemples dans le syllabus).

Enfin, il est également possible de faire une action en restitution : dans ce cas, les héritiers disent à celui qui a
les lingots que, certes, il en a la possession, mais ce n’était qu’un dépôt ou un prêt. Dans un tel cas, les héritiers
doivent prouver cela, soit un contrat de prêt ou de dépôt. Or, pour cela, il leur faut un écrit : s’ils en ont un, il
faudra la rendre. Néanmoins, la personne pourra dire que, certes, de base, c’était un prêt, mais qu’elle lui a
ensuite dit qu’elle pouvait la garder : dans ce cas, il y a une inversion du titre. Ainsi, il s’agit d’une tradition de
petite main avec une remise immatérielle. Or, il faudra prouver cette inversion du titre, qu’il y a eu une intention
libérale et que l’on est devenu le bénéficiaire d’une donation. Pour cela, il faut faire la preuve par un écrit ou
pas un commencement de preuve.

4) La preuve à apporter par des tiers :

La preuve du don manuel doit parfois être faite par des tiers, notamment dans des actions pauliennes de
créanciers qui essaient de faire annuler une donation. Pour cela, il faut le prouver par toute voie de droit.

§3. La donation indirecte :

a) Définition :

La donation indirecte est une donation qui se réalise par l’intermédiaire d’un acte neutre, abstrait, ambivalent,
c’est à dire ne laissant pas apparaître sa cause et qui pourrait être un acte à titre onéreux ou à titre gratuit, et si
c’est un acte à titre gratuit, c’est alors une donation. Ainsi, l’acte ne révèle donc pas s’il est à titre gratuit ou
onéreux.

b) Les conditions de validité :

Il s’agit d’une technique qui n’est ni contestée, ni contestable, et qui est évoquée dans certains articles relatifs
aux donations. Néanmoins, il y a tout de même certaines conditions pour que ce soit valable.

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1) Un acte abstrait et irrévocable :

Ainsi, il faut tout d’abord un acte abstrait, un acte qui soit le support de cette donation qui respecte les
conditions de la donation pour que ce soit une donation ou pour que cela le devienne. Tout d’abord, il faut que
l’acte soit abstrait en ce sens qu’il ne doit pas manifester par lui-même sa nature onéreuse ou gratuite (à
différent de la donation déguisée). Ensuite, il faut aussi que l’acte soit irrévocable, sans quoi nous ne sommes
pas en présence d’une donation, l’irrévocabilité étant une condition de la donation en elle-même, qu’elle qu’en
soit le support.

2) Les conditions de forme et de fond :

Au niveau des conditions de forme et de fond, l’acte va donc devoir respecter les formes de l’acte qu’il emprunte
et des formes qui lui sont propres. Ainsi, un type de donation indirecte par excellence, c’est l’assurance-vie :
ainsi, cela peut être une donation, mais ça ne l’est pas forcement - et de même pour le paiement pour autrui.
Ainsi, si elle est faite par le biais d’une assurance-vie, il faudra respecter les règles de forme de l’assurance-vie.
Ainsi, s’il y a un vice dans la manière de valablement faire cet acte support, l’acte sera annulé, et donc, par
conséquent, la donation sera annulée. En revanche, sur le fond, pour que ce soit une donation, il faut respecter
les conditions de fond de la donation. En d’autres termes, la donation indirecte est une exception à la solennité
des donations, mais pas une exception à la donation elle-même, notamment un dépouillement immédiat et
irrévocable.

c) La preuve de l’existence de l’acte juridique :

Ainsi, cela implique qu’au niveau de la preuve de la donation indirecte, il faut tout d’abord (1) prouver l’existence
de l’acte juridique qui est le support : on le prouve selon le droit commun (entre partie = par un écrit ou par un
commencement d’écrit ; vis-à-vis des tiers = par toute voie de droit). Ensuite, il faut (2) prouver que le transfert
a été fait à titre gratuit : ainsi, il faut trouver que l’acte support a servi à un transfert avec volonté libérale. Ainsi,
il faut analyser le sens de l’acte, qualifier l’acte et prouver qu’il y a une volonté de consentir une donation. Or,
cette preuve-là va se faire par des éléments de fait qui vont permettre de qualifier cet acte : ces preuves seront
rapportées par toute voie de droits par toute personne intéressée, selon ce que dit la jurisprudence et la doctrine
dominante). En doctrine, il y a quand même des débats : certains disent qu’il n’y a pas de raison que l’on déroge
au droit commun (art. 1341 et suivant) et qu’il faudrait un écrit qui prouve qu’on avait une intention libérale :
or, c’est un peu compliqué.

d) Les applications pratiques de donations indirectes :

1) La remise de dette :

A côté, il y a également la remise de dette. En effet, c’est un support de dette si elle est faite avec une intention
libérale. Par exemple, un créancier remet un titre de créance à son débiteur avec une intention libérale.
Attention, s’il lui remet une fausse quittance indiquant qu’il a payé alors qu’il n’a pas payé, cela serait une
donation déguisée car l’on utilise un acte que l’on déguise : ce n’est pas la même chose.

2) La renonciation à un droit :

Généralement, il s’agit d’une renonciation abdicative : le titulaire du droit veut faire sortir un droit ou refuse de
faire entrer un bien dans son patrimoine pour des raisons qui lui paraissent conforme à ses intérêts. Ainsi,
lorsque je fais une renonciation à une succession, je refuse de faire entrer dans mon patrimoine un bien. Ainsi,
il s’agit d’un acte unilatéral : il n’y a pas de co-contractant et personne ne bénéfice de la renonciation. En effet,
en principe, personne ne bénéficie de cette renonciation. Néanmoins, parfois, l’on peut avoir une intention
libérale et vouloir avantager celui qui va bénéficier de la renonciation : c’est alors une renonciation in favorem.
Ainsi, si je renonce à la succession de ma mère pour qu’elle bénéficie à mes enfants, il y a intention libérale. Par
contre, si j’y renonce parce qu’elle a plein de dettes et que je n’en veux pas, là, il n’y a pas là d’intention libérale.

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3) Le paiement pour autrui :
Pour le paiement pour autrui, il peut être à titre onéreux (ex : parce que je dois quelque chose à quelqu’un),
mais il peut aussi être fait à titre gratuit.

4) La stipulation pour autrui :


La stipulation pour autrui est le support d’une donation indirecte si le stipulant agit dans une intention libérale
à l’égard du bénéficiaire. Pour cela, il faut que les éléments constitutifs de la donation soient présents.

5) Le virement de compte à compte :

Il s’agit d’un cas qui aurait pu poser question et qui, d’ailleurs, est traité différemment en France : c’est le
virement de compte à compte. Parfois, je fais un virement à quelqu’un parce que je lui dois de l’argent : il est
alors fait à titre onéreux. Néanmoins, parfois, il peut être fait à titre gratuit avec une intention libérale. Dans ce
dernier cas, l’on va considérer que c’est une donation indirecte parce que cela peut être à la fois un acte à titre
onéreux et un acte à titre gratuit. Les Français, eux, considèrent que c’est un don manuel. Or, chez nous, l’on a
une certaine réticence en disant que ce n’est pas un don manuel puisqu’il n’y a pas de déplacement d’espèce,
soit de traditio. Les français, eux, considèrent que, si, il y a une sorte de traditio dématérialisée qui passe par la
banque, mais qui est quand même une sorte de traditio. De ce fait, les règles de preuves ne sont pas les mêmes,
selon qu’il s’agisse d’une traditio ou pas.

6) La cession à titre gratuit de titres nominatifs :

Nous avons que pour qu’il s’agisse d’un don manuel, il fallait une tradition, ce qui n’était possible pour un droit
incorporel que s’il s’incorporait au titre car s’il ne s’incorpore pas au titre, je ne fais pas un don manuel, mais je
vais faire une donation indirecte. Ainsi, à nouveau, c’est un acte neutre qui peut être à titre gratuit ou à titre
onéreux. A titre d’illustration, l’on peut penser à une cession de part d’une société anonyme qui se font par
l’inscription dans un registre ad hoc (à traditio impossible) : c’est possible par une donation indirecte si l’on fait
inscrire à un autre nom les parts de la société. Parfois, cela coince néanmoins en jurisprudence parce que
certains disent que l’inscription dans les registres n’est qu’un moyen de publicité, et pas pour une opposabilité
aux tiers et à la société, mais que ce ne serait pas cette inscription qui opère le transfert de propriété.

§4. La donation déguisée :


a) Définition :

La donation déguisée se réalise par un acte support qui est nécessairement un acte à titre onéreux : il y a une
forme de simulation. Le principe est admis, non seulement par la doctrine et la jurisprudence majoritaire, et l’on
peut même voir une certaine forme d’acceptation dans les articles 911 et 931 du Code civil en ce que l’on admet
la validité d’actes qui ne porteraient pas ostensiblement donation. La validité de principe a donc été admise.
Ainsi, à titre d’illustrations de donations déguisées, je signe une reconnaissance de dette à mon voisin alors que
rien n’est du ; il y a une vente à un prix pour lequel l’on a donné quittance sans qu’elle soit réellement reçue ; il
y a transfert d’une somme d’argent en feignant un prêt, puis délivrance d’un reçu de remboursement alors que
l’on n’a rien remboursé du tout. Forcément, pour déguiser un acte, il faut forcément en respecter la validité au
niveau de la forme : ainsi, pour une vente, je dois respecter les conditions de forme d’une vente.

b) Les conditions de validité :

Nous l’avons dit, il faut forcément respecter les conditions de validité de forme de l’acte qui forme la couverture.
Afin que la donation déguisée soit valable, il faut que l’acte onéreux ne laisse pas apparaître le déguisement.
Ainsi, il faut simuler et ne pas y aller avec ses gros sabots car si le don apparait, l’on tombe dans l’article 931 et
il y aura alors annulation. Ainsi, pour une vente, il faut donc respecter les conditions de forme et, en apparence
là uniquement, les conditions de fond de la vente. Enfin, si, pour X ou Y raisons, l’acte est annulé, la donation
tombe aussi. Enfin, il faut bien évidemment respecter les conditions de fond de la donation : c’est le but de la
manœuvre. Avant, l’on ne pouvait pas faire de vente entre époux et donc, effectivement, l’on ne pouvait pas
déguiser une donation à l’égard de mon mari ou de ma femme. Néanmoins, cette interdiction a été supprimé
par la loi du 22 juillet 2018.

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c) La preuve du déguisement :

Au niveau du droit de la preuve, c’est la personne qui veut prouver que la donation est déguisée qui doit prouver
que c’en est une. Ainsi, si l’on est dans le rapport entre les parties, ce seront les articles 1341 et suivants qui
s’appliqueront - écrit, commencement de preuve par écrit ou impossibilité morale de s’en procurer, étant
entendu que la jurisprudence précise que l’acte apparent ne peut, en lui-même, servir de commencement de
preuve par écrit. Ensuite, dans le rapport avec les tiers, par contre, cela se prouve par toute voie de droit. Ainsi,
si je veux prouver que ma mère, en vendant la voiture à mon frère, a en réalité fait une donation, je suis tiers
par rapport à cela et, dans ce cas, je peux le prouver par toute voie de droit.

3. Nullité, caducité et résolution :


§1. La nullité :

La nullité intervient lorsque les conditions de validité de fond ou de forme ne sont pas respectées. Or, si l’une
des conditions n’est pas respectée, l’on peut annuler la convention.

§2. La caducité :

La caducité serait la cessation des effets en raison d’un évènement postérieur à la donation indépendant du
comportement du disposant ou du bénéficiaire (= elle a été valable, mais elle ne l’est plus). Avant, il y avait des
causes de caducité de la donation : l’on disait que la survenance d’un enfant légitime rendait caduques les
donations faites par le parent qui était jusqu’alors sans enfant. Néanmoins, cela a été supprimé par la loi de
1987 qui a réformé le droit des successions en mettant tous les enfants sur un même pieds d’égalité. Ainsi,
depuis, nous n’avons plus de cause de caducité puisque l’on a vu ensemble que l’évolution des arrêts de la Cour
de cassation aboutissait aujourd’hui à considérer qu’il n’y avait plus de possibilité de considérer qu’une donation
était caduque pour disparition de la cause. Ainsi, il n’y a plus de cause de caducité d’une donation à l’heure
actuelle.

§3. La résolution :

La résolution d’une donation est la dissolution de la donation pour un motif procédant de l’attitude du donataire
ou, à tout le moins, d’un acte ou d’un fait survenu dans le chef du donataire. La résolution n’est pas du tout la
même chose que la révocation. Nous avons vu que les donations étaient irrévocables, sauf celles entre époux.
Or, dans la révocation, c’est le donateur qui manifeste sa volonté de revenir en arrière et d’anéantir, par sa seule
volonté, la donation. Néanmoins, attention, car le Code confond souvent les deux. Il y a trois catégories de
résolution :

® La stipulation d’une condition résolutoire de donation (art. 1183 du Code civil) : cela vaut pour tout
contrat, et notamment pour une donation. Ainsi, la survenance de la condition opère résolution de
plein droit et avec un effet dévolutif. Ainsi, nous avons notamment vu la clause de retour conventionnel
(art. 951 et 952, C. civ.). Ainsi, lorsque l’on achète une maison, il est plus prudent de s’assurer qu’il ne
l’a pas acquis par donation.

® L’inexécution des charges (art. 1184) : nous avons vu la notion de charges et l’article 953 précise que
la donation entre vifs pourra être révoquée (= RÉSOLUE !) uniquement pour cause d’inexécution des
conditions sous lesquelles elle aura été faite. De même, ici, le terme « conditions » vise en réalité les
charges (= ne dépendent que de la volonté du donataire) ou les conditions-charges (= dépendent
partiellement de la volonté du donataire à ex : je donne 10.000 euros à ma filleule à condition qu’elle
fasse des études à condition et charge à la fois à résolution possible si elle ne fait pas d’étude). Enfin,
cela vise toutes les donations, même pour les donations déguisées ou pour les donations indirectes.
Ainsi, la sanction de l’inéxécution d’une charge peut être (1) l’exécution de la charge ou (2) la résolution.

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® L’ingratitude du donataire : il s’agit d’une hypothèse tout à fait spécifique aux donations. En réalité,
cela vise des comportements dans le chef du donataire qui font que l’on va estimer que ce n’est pas
juste qu’il continue à bénéficier de la donation (= acte à titre gratuit). En effet, certains comportements
ne sont pas admissibles de sorte que l’on peut alors demander la résolution de la donation. Attention,
à nouveau, le code parle de de révocation mais il faut lire « résolution ». L’idée est de dire que, dans ce
cas-là, le donataire est ingrat parce qu’il a un comportement postérieur à la donation qui fait que l’on
estime que ce n’est pas juste : c’est une forme de peine civile sans incidence pénale. Le Code limite et
énonce strictement les comportements visés à l’article 955 du Code civil :

§ L’attentat à la vie du donateur, même s’il n’est pas pénalement condamné. La


jurisprudence est bien cadrée : il faut une intention d’homicide (meurtre, assassinat,
tentative d’assassinat) et non un homicide en légitime défense, ni une mort causée
involontairement ou des coups et blessures involontaires ayant entrainé la mort sans
intention de la donner.

§ Les sévices, délits et injures graves : l’on a voulu viser plus large que l’homicide. Les
sévices (= catégorie + large de mauvais traitements) sont des actes de cruauté envers le
donateur (mauvais traitements, violences mais pas nécessairement des coups à qui sont
des délits) : ils doivent être suffisamment importants pour qu’il y ait résolution, ce qui
relève de l’appréciation du juge. Les délits, ce sont par exemple les coups et blessures : à
nouveau, il n’y a pas besoin de conditions pénales, mais il faut un certain degré de gravité.
Les injures graves permettent de ratisser encore plus large : il s’agit d’actes ou de faits
quelconques ayant un caractère offensant pour donateur. Il faut que les injures soient
graves et qu’elles aient l’intention de blesser le donateur (voy. les exemples) : c’est une
appréciation au cas par cas. Attention, les injures ne sont pas que des insultes : il peut y
avoir des comportements injurieux.

§ Le refus d’aliments : c’est tout à fait spécifique aux donations (non applicable pour les
testaments). En effet, l’on a vu que certaines personnes sont obligées légalement de payer
des aliments. Attention, cet article ne vise pas uniquement les débiteurs légaux. L’idée,
c’est de dire que si l’on demande à quelqu’un à qui l’on a fait une donation des aliments
parce que l’on traverse un moment difficile et qu’il refuse, il sera considéré comme ingrat.

La jurisprudence et la doctrine prévoient des conditions strictes. D’abord, il faut que le donateur soit
dans le besoin (ex : réclamer d’abord ces aliments aux débiteurs légalement tenus). Ensuite, le
donataire doit être en état de les lui donner. Par ailleurs, il doit avoir refuser expressément la demande.
Enfin, le montant des aliments ne peut pas dépasser la valeur nette de la chose donnée. A titre
d’exemple parlant, nous avons l’arrêt de la Cour d’appel de Mons 19.6.2004. Il s’agit de la résolution
obtenue par une fille d’une donation faites par son père à son autre enfant après qu’il ait refusé de
payer son home quand il était gravement malade à la demande de l’administrateur de celui-ci.

Toutes les donations peuvent être résolues pour cause d’ingratitude, qu’elles soient authentiques, manuelles,
déguisées ou indirectes, avec ou sans charge, sauf l’article 959 du code civil qui prévoit que les donations en
faveur de mariage ne seront pas révocables pour cause d’ingratitude. Il s’agit d’un article que l’on ferait bien
d’adapter à l’évolution de la société. En effet, selon cet article, il s’agit des donations faites aux futurs époux ou
à l’un d’eux par des tiers en faveur du mariage. Ainsi, il s’agit d’un cadeau de mariage sous forme de donation –
attention que cela pourrait être un présent d’usage. Après, je trouve qu’elle se montre ingrate et qu’elle remplit
les conditions que l’on vient de voir : ainsi, je demande la résolution. Or, dans un tel cas, ce n’est pas possible.
En effet, l’idée était que c’est considéré comme étant fait en faveur de la famille et que l’attitude de la fille se
répercuterait alors sur les autres membres de la famille du fait de son ingratitude. En réalité, cela visait autre
chose que l’on ne veut pas dire : en 1804, il y avait encore des dotes, qui était une forme de donation. Ainsi,
l’idée était de dire que si après les gens ne se conduisent pas bien, l’on pourrait demander la résolution alors
qu’il s’agit d’un arrangement de famille. Or, à l’heure actuelle, il n’y a plus vraiment de dote. Enfin, tout cela
d’autant que l’on a prévu que les institutions contractuelles entre futurs époux ne sont pas visées : elles, elles
peuvent être résolues pour ingratitude et le bien retournera chez le donataire.

115
L’action en résolution doit être demandée auprès du tribunal de la famille. Au niveau des titulaires de l’action,
le donateur peut la demander, mais également ses héritiers. Néanmoins, tout cela est balisé par l’article 957 du
code civil qui dit qu’il faut que le donataire soit avait déjà intenté l’action et ils peuvent la continuer, soit il est
décédé dans l’année à compter du jour du délit ou du jour où il a pu le connaître, ou bien il est décédé sans avoir
pu connaître le délit. Ainsi, l’on a un délai d’un an pour éviter l’épée de Damoclès. Le défendeur à l’action, dans
l’action en résolution, c’est le donataire (art. 957 al. 2). Avant 2012, il y avait extinction de l’action s’il était
décédé, mais l’on a changé cela par la loi du 10 décembre 2012 qui prévoit que le donateur peut demander la
révocation (= RÉSOLUTION) contre le donataire, et après le décès de celui-ci, contre les héritiers. Ainsi, si le frère
est mort entre temps et que ses enfants ont hérité de la ferme et des terres, l’on peut agir contre ses héritiers
désormais avec un fameux délai d’un an puisqu’il faut agir dans l’année, à compter du jour du délit imputé par
le donateur au donataire (art. 957, al. 1).

Ainsi, l’on doit agir dans l’année du dernier délit (continuation du premier jusqu’au dernier délit comme en droit
pénal : l’on proroge les délais). Or, ce délai est important car si l’on n’agit pas, c’est une présomption de pardon
et d’oubli du délit. Il s’agit d’un délai préfix qui ne peut donc faire l’objet ni d’interruption, ni de suspension,
mais qui n’est pas d’ordre public. Ainsi, cela ne peut être soulevé d’office par le juge. Enfin, si c’est un délai pénal
et qu’il y a des poursuites répressives, le délai court à partir du jour où l’infraction est constatée par le jugement
définitif ou par le classement sans suite. Ainsi, le délai pour agir, que ce soit pour le donateur ou pour les
héritiers, soit le donateur avait connaissance du fait et devait agir dans son délai – et s’il est mort, les autres
peuvent poursuivre à la fin de son délai -, soit le donateur n’avait pas connaissance du fait, et c’est un an à dater
du jour où les héritiers en ont eu connaissance (art.957, al. 3 C.civ.)Enfin, l’on peut éventuellement anticiper en
renonçant expressément à l’expiration du délai à agir car ce n’est pas d’ordre public.

Au niveau des effets de cette résolution, ceux-ci sont rétroactifs (art. 958). Ainsi, il s’agit d’être attentif lorsque
l’on achète une maison qui a été recueillie par donation. Néanmoins, l’on est pas sans recours car il serait injuste
que les cocontractants du donataire subissent les conséquences de la faute. Ainsi, les choses sont plus nuancées
car, autant, avec le rapport et la réduction c’est plus compliqué, mais en cas de révocation pour cause
d’ingratitude (art. 958), elle ne préjudiciera ni aux aliénations faites par le donataire, ni aux hypothèques et
autres charges réelles qu’il aura pu imposer sur l’objet de la donation pourvu que le tout soit antérieur à
l’inscription qui aurait été faite de l’extrait de la demande de révocation. Ainsi, l’on est à l’abris et l’on pourra se
prévaloir des droits acquis sur le bien qui ont été donnés avant la demande de résolution. Ainsi, pour les meubles
comme pour les immeubles, que l’on soit de bonne foi ou non, au moment où l’on achète le bien, il faut s’assurer
qu’il n’y a pas déjà de demande de révocation en cours car si c’est le cas et que l’on achète le bien, il faudra le
rendre. Heureusement, s’il n’y avait pas de résolution en cous, l’on pourra garder le bien : cela ne préjudiciera
pas aux tiers et les choses se règleront, entre le donateur et le donataire, par des dommages et intérêts.

116
Chapitre 3e. Les testaments77 :

1. Définition et caractéristiques :

L’article 895 du Code civil définit le testament comme étant « un acte par lequel le testateur dispose pour le
temps où il ne sera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer ». Il faut compléter cet article par
l’article 893 du Code civil qui précise qu’ « on ne pourra disposer de ses biens à titre gratuit que par donation
entre vifs ou par testament, dans les formes ci-après établies ». De ces deux articles découlent les quatre
caractéristiques essentielles du testament : acte unilatéral, à cause de mort, révocable et “formel”.

§1. Le testament est un acte unilatéral :

Le testament ne nécessite pas la rencontre de deux volontés. Il naît de l’expression d’une volonté unique, celle
du testateur. Le légataire n’a pas à intervenir.

§2. Le testament est un acte à cause de mort :

Le testament ne sort ses effets qu’au décès du testateur. C’est donc à ce moment que le légataire doit avoir la
capacité successorale (art. 906, al. 2 C. civ.) et que le bien légué78 doit se trouver dans le patrimoine du testateur
(art. 1038 C. civ.). Mais cela ne signifie pas que le testament n’ait avant cette date aucune existence juridique.
Dès sa confection, il existe mais seuls ses effets sont retardés jusqu’au décès. En conséquence, la capacité du
testateur et son consentement libre doivent exister et seront appréciés lors de la confection de l’acte.

§3. Le testament est un acte révocable :

La révocabilité est de l’essence du testament : elle est d’ordre public. L’article 895 du Code civil le rappelle de
façon expresse. Si le testament contient l’engagement du testateur de ne pas le révoquer ou une clause
d’irrévocabilité, il doit être annulé pour le tout. Ce principe a été expressément consacré par la Cour de cassation
dans son arrêt du 29 mars 1958 (Pas. 1958, I, p. 844 ; R.G.E.N. 1962, n° 20524, p. 356) qui a rejeté le pourvoi
contre un arrêt ayant déclaré nul un testament que le testateur avait expressément stipulé irrévocable.

§4. Le testament est un acte solennel :

Le testament doit être fait dans les formes déterminées par la loi (art. 893 C. civ.) et ces formes communes aux
testaments sont au nombre de deux : (1) le testament doit être constaté par écrit et (2) le testament ne peut
contenir les dispositions de dernières volontés de plusieurs personnes (interdiction du testament conjonctif).

a) Le testament doit être constaté par écrit :

Le droit belge n’admet pas la volonté qui aurait été exprimée dans un testament oral. L'écrit est justifié non pas
comme condition de preuve mais comme condition de validité du testament. C’est là une conséquence du
caractère solennel du testament. A défaut d’écrit, le testament est absolument nul. Au surplus, cet écrit doit lui-
même répondre à des conditions formelles complémentaires qui sont spécifiques à chaque catégorie de
testaments. Les héritiers et légataires restent toutefois en droit d’exécuter les volontés verbales de leur auteur.
Ils agissent alors en vertu d’une obligation naturelle qu’ils convertissent, par son exécution, en obligation civile.

77 Lire les notes d’Alice pour cette partie afin de s’assurer qu’il ne manque rien.
78 Le testament désigne la forme, l’instrumentum; le legs désigne le contenu, le negotium.

117
b) L’interdiction du testament conjonctif :

L’article 968 du Code civil stipule qu’“un testament ne pourra être fait dans le même acte par deux ou plusieurs
personnes, soit au profit d’un tiers, soit à titre de disposition réciproque et mutuelle”. Cette prohibition tend à
assurer la liberté et la révocabilité du testament. En effet, cette disposition vise essentiellement à protéger les
testateurs contre des dispositions de dernières volontés qui ne seraient pas prises de façon indépendante, mais
qui ne se justifieraient que parce qu’elles sont liées les unes aux autres.

2. Les règles de forme des testaments :


§1. Les différents types de testaments :
a) Introduction et généralités :

Notre droit connaît trois formes ordinaires (art. 969 et s. C. civ.) et deux formes particulières de testaments (art.
981 à 998 C. civ.).

1) Les formes ordinaires :

® Le testament olographe
® Le testament authentique ou notarié
® Le testament international remplacé par le testament mystique du Code Napoléon (loi du 2/2/83)

2) Les formes particulières :

® Le testament des militaires (art. 981 à 987 C. civ.).


® Le testament fait en mer (art. 988 à 998 C. civ.).

b) Le testament olographe :
1) Définition :

L’article 970 précise que « le testament olographe ne sera point valable, s’il n’est écrit en entier, daté et signé,
de la main du testateur : il n’est assujetti à aucune autre forme ». Le testament olographe et donc celui qui est
écrit, daté et signé par le testateur.

2) Les formes du testament olographe :


A. L’écrit :

Comme pour les autres formes de testaments, le testament olographe nécessite la rédaction d’un écrit. Le
législateur n’a toutefois imposé aucune forme à cet écrit (lettre, projet ...). Il ne s’est non plus préoccupé de sa
nature (feuillet, cahier ...) et de l’instrument de sa réalisation (crayon, stylo ...). La loi précise en revanche que le
testament doit être écrit « en entier de la main du testateur ». Le législateur a voulu ainsi garantir la spontanéité
et la sincérité des volontés exprimées par le testateur. Il en résulte que, d’une part, le testateur doit être en
mesure de pouvoir lui-même écrire et, d’autre part, que l’utilisation d’une machine à écrire ou, aujourd’hui, de
l’ordinateur est totalement prohibée.

Il est tout autant exclu qu’une partie du testament soit écrite par un tiers et, même, qu’une quelconque
annotation y soit apposée par un tiers. Voyez ainsi, Gand, 8 janvier 2015, R.G. n° 1012/1897, inédit (cité par C.
BURETTE dans « Le testament », Chroniques notariales, Bruxelles, Larcier, 2016, p. 37), dans lequel le juge a
estimé que dès lors qu’il est établi que la date du testament n’a pas été écrite de la main du disposant mais bien
de la main d’un tiers, le testament doit être considéré comme nul. Le juge a en l’espèce relevé que « l’intérêt
pour l’intimé de bénéficier d’un testament dont la date était suffisamment éloignée d’une hospitalisation et
d’un placement sous administration provisoire du défunt, justifié par une pathologie susceptible d’avoir une
incidence sur l’appréciation de sa capacité de tester, est évident ».

118
Malgré le fait que le testament doive être écrit “de la main” du testateur, on admet généralement l’intervention
d’un tiers pour autant que celui-ci ne prête au testateur qu’une assistance matérielle limitée. En d’autres termes,
il serait permis au tiers de soutenir la main affaiblie du testateur pour autant que cette assistance ne porte pas
atteinte à la spontanéité des dispositions prises par le testateur et qu’il reste donc le seul maître de ce qu’il écrit.
Voyez à cet égard civ. Bruxelles, 14 mai 1981, Rev. not. b., 1981, p. 387 qui, compte tenu des incertitudes qui
pesaient sur le caractère strictement personnel du testament olographe de la défunte, a désigné un expert avec
la mission de « dire si ce testament a été ou non entièrement écrit, daté et signé par feu ... » et « relever, avec
son appréciation, tout élément qui pourrait permettre de dire que la main de la testatrice aurait subi une
contrainte ». Enfin, le testament qui renverrait à un autre document non dressé sous la forme d’un testament
olographe, de même que l’insertion d’un texte imprimé dans le corps même du testament entraînerait la nullité
du testament en raison de la nécessité du caractère personnel de l’écriture du testateur. Le renvoi à un autre
document est toutefois admis lorsqu’il a simplement pour but d’expliciter une volonté clairement exprimée dans
le testament par la main du testateur.

B. La date :

L’article 970 du Code civil établit deux règles : le testament doit être daté et il doit l’être de la main du testateur.
L’endroit de la date dans l’écrit importe peu. L’exigence de la date se justifie pour deux raisons : (1) permettre
de vérifier si le testateur avait la capacité de droit ou la sanité d’esprit requise lors de la rédaction du testament
et (2) dans l'hypothèse où il existerait plusieurs testaments, pouvoir établir leur ordre chronologique et
déterminer lequel a la priorité. A défaut de date, le testament n’est pas valable (art. 1001 C. civ.). L’article 970
ne s’explique toutefois pas sur ce qu’il faut exactement entendre par “date”. En principe, la date suppose
l’indication de l’année, du mois et du jour. Il n’est pas nécessaire d’indiquer l’heure quoique ce soit là une
indication utile lorsque deux testaments portent la même date.

Par ailleurs, une date implicite ou incomplète peut parfois suffire. La date implicite est celle qui sans mentionner
expressément les jour, mois et an, contient néanmoins suffisamment d’éléments pour situer très précisément
le testament dans le temps. Ainsi suffit la mention “Noël 95”, “le jour de mon mariage”, “le jour de mon
quarantième anniversaire” ... La date incomplète est celle où soit le jour, soit le mois, soit l’année manque mais
qui peut être complétée au moyen de données intrinsèques au testament. Néanmoins, l’on considère cependant
que l’indication du mois et de l’année suffit (Bruxelles, 8 novembre 1999, A.J.T., 2000, p. 777) s’il n’est pas
possible de fixer le jour précis de la confection du testament, si du moins le testateur n’a réalisé durant ce mois
aucun autre testament79 et si aucune incapacité n’a existé durant cette même période dans son chef.

La seule indication de l’année, si la date plus précise ne peut être complétée par d’autres éléments du testament,
ne suffit en principe pas. Dans un arrêt du 13 décembre 2010, la Cour de cassation de Belgique a considéré
néanmoins que justifiait légalement sa décision « que le testament rédigé en 2000 sortit ses pleins et entiers
effets et que, celui-ci étant le dernier en date, la succession sera réglée conformément aux dispositions de ce
testament », l’arrêt qui considère que « dès lors qu’il n’est nullement contesté que le testateur avait à tout
moment de son existence la capacité de tester et que le seul écrit susceptible de venir en concurrence avec le
document litigieux porte la date du 1er novembre 1999, la mention « 2000 » est suffisante pour déterminer
avec la certitude requise quelle était la volonté du défunt ».

79Voy. Cass. 15 novembre 1991, Pas., 1992, I, p. 204, à propos d’un testament qui avait initialement été daté du 21 août 1980, mais le 1
avait été changé en 9, sans qu’il ne puisse être établi si ce changement avait été opéré par le testateur lui-même, alors que, dans un autre
testament, daté du 22 août 1980, le testateur déclarait révoquer ses testaments faits antérieurement, à l’exception de son testament
authentique du 14 juillet 1980.

119
La date doit normalement être la date réelle mais la doctrine et la jurisprudence ne se sont pas montrées trop
exigeantes lorsqu’on se trouve en présence d’une date erronée ou même parfois d’une fausse date. La date
erronée est celle qui a été mentionnée par erreur. Elle sera valable si elle peut être rectifiée à l’aide d’éléments
intrinsèques et extrinsèques au testament. La date faussée est celle qui ne correspond pas à la réalité et qui a
été mentionnée sciemment par le testateur en vue de faire croire à la rédaction de son testament à un autre
moment. On admet généralement que cette date est valable, car il n’est pas interdit au testateur de donner
effet à son testament à une date autre que celle de sa rédaction, sauf si le testateur a voulu délibérément frauder
la loi, par exemple pour ne pas faire apparaître l’existence d’une incapacité au jour de la rédaction du testament.

Un jugement du tribunal de première instance de Dinant du 3 mars 2010 (Rev. not. b., 2010, p. 316) a même
déclaré valide un testament qui ne comprenait aucune date, mais le tribunal a considéré que, dans le cas
d’espèce, cette absence de date n’empêchait pas de considérer que les volontés exprimées par le testateur dans
son testament correspondaient certainement à ses dernières volontés. C’est aussi cette solution qui a été
consacrée en France par un arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 2007, Rép. Defrén., 2007, art. 38666, note
M. BEAUBRUN). Enfin, on constate, dans la jurisprudence, un assouplissement de l’exigence de forme relative à
la date lorsque la date du testament n’a pas été écrite à la main par le testateur lui-même. Voyez Civ. Nivelles,
14 mars 2001, Rev. trim. dr. fam., 2001, p. 777, à propos d’un testament rédigé dans un agenda sous la date
imprimée du jour auquel le testament avait vraisemblablement été rédigé.

C. La signature :

La signature a une double fonction : se faire reconnaître et s’approprier le contenu d’un écrit. La place de la
signature dans le testament importe peu, mais elle doit se distinguer du corps du texte. Voyez à ce sujet, Gand,
29 janvier 2015, R.G. n° 2013/2711, inédit (cité par C. BURETTE dans « Le testament », Chroniques notariales,
Bruxelles, Larcier, 2016, p. 45), dans lequel le juge décide que la seule mention du nom du testateur dans la
première ligne du testament, rédigé sous forme de lettre et se terminant par « Deze brief is gemaakt op 13 juni
2011 » ne remplit pas la condition de signature au sens de l’article 970 du Code civil.

Selon la jurisprudence généralement exprimée par la Cour de cassation de Belgique, le testament doit être
pourvu d’une signature complète dans toute son acception, c’est-à-dire la marque manuscrite ou le graphisme
du testateur par lesquels ce dernier révèle habituellement sa personnalité aux tiers avec lesquels il a l’habitude
de signer des actes juridiques (Cass., 7 janvier 1955, Pas., 1955, I, p. 456). Par tiers, la Cour a entendu les relations
dans un large cercle social et non les relations du testateur avec les seuls membres de sa famille. Ainsi les mots
“maman” ou “grand-père” ne satisfont pas aux exigences de la jurisprudence car ce graphisme n’est pas habituel
dans les relations avec les tiers. Par contre la signature illisible ou encore au moyen d’un pseudonyme est valable
si elle est habituelle dans les relations avec les tiers.

Cette jurisprudence de la Cour de cassation a cependant été discutée en doctrine. Une autre tendance est en
effet de dire que ce qui importe, c’est de savoir si dans l’intention du testateur le signe qu’il a apposé doit être
considéré comme une signature et non si ce signe est conforme à celui qui était généralement utilisé pour
permettre aux tiers de contrôler l’identité du testateur. Il n’y a alors pas lieu d’appliquer la condition de signature
dans toute sa rigueur si la “signature” utilisée ne laisse aucun doute ni sur l’identité de l’auteur de l’acte, ni sur
sa volonté de s’en approprier les dispositions.

Tout en reprenant la même définition qu’en 1955, la Cour de Cassation avait validé néanmoins un testament
signé du nom et du prénom alors que son auteur traçait généralement uniquement l’initiale de son prénom
(Cass., 2 octobre 1964, J.T., 1965, p. 119). Puis elle avait considéré qu’un testament au bas duquel la testatrice
avait simplement apposé ses noms et prénoms alors qu’elle n’avait pas pour habitude de s’identifier ainsi mais
par un autre signe était nul, une interrogation subsistant sur la volonté de la testatrice de s’approprier par là le
document (Cass., 10 juin 1983, T. not., 1986, p. 309). La doctrine en avait déduit que la définition de la signature
devait intégrer la volonté de s’approprier le document.

120
Dans un arrêt prononcé le 13 juin 1986 (Pas. 1986, I, 1269), elle adopta un point de vue moins formaliste en
admettant la légalité d’un testament à la fin duquel une personne âgée avait reproduit son nom et son premier
prénom qu’elle n’utilisait jamais, alors qu’elle n’avait utilisé cette marque manuscrite que dans cette seule
circonstance et n’avait donc pas recouru à sa signature habituelle par laquelle elle s’était toujours fait identifiée
auprès des tiers. Elle avait toutefois manifestement toujours considéré comme signature son nom de sorte que
même si le signe apposé n’était pas la marque habituelle avec laquelle la testatrice s’identifiait habituellement
envers les tiers, il avait un caractère de signature dès lors que l’intention de s’approprier le document était
présente.

La doctrine belge a vu dans cet arrêt de la Cour de cassation une évolution de sa jurisprudence antérieure pour
considérer que la signature se définit dorénavant comme toute marque manuscrite par laquelle le testateur
atteste que l’écrit reflète réellement l’expression bien arrêtée de ses dernières volontés (animus signandi), ce
qui a permis de valider, notamment un testament signé « Papa » (Bruxelles, 8 novembre 1999, A.J.T., 2000, p.
141, J.T., 2004, p. 578). C’est dans cette logique que la Cour de Cassation a invalidé un arrêt de la Cour d’Appel
de Liège dans un cas où un testateur avait signé de son nom et prénom mais avec un graphisme ne
correspondant pas au graphisme habituel de sa signature, la Cour d’appel ayant déduit la volonté du testateur
de signer le testament litigieux de son intention de tester en faveur de sa future épouse.

La Cour de Cassation y mentionne explicitement que « si la signature est, au sens de l’article 970, la marque
manuscrite par laquelle le testateur révèle habituellement sa personnalité aux tiers, une autre marque
manuscrite peut traduire l’intention de celui-ci d’apposer sa signature sur son testament », de sorte qu’il
convient en premier lieu de se demander si la signature manifeste bien l’intention de signer, de s’approprier le
document, ce qui est une question de fait, et non rechercher si le testateur avait l’intention de tester comme
l’avait fait la Cour d’Appel (Cass., 17 octobre 2016, J.T., 2017, p. 120, note D. STERCKX).

D. La force probante du testament olographe :

Conformément aux principes généraux du Code civil en matière d’actes sous seing privé, le testament olographe
n’a foi que s’il est reconnu, soit expressément, soit tacitement, par les héritiers. Les héritiers à qui on oppose un
testament olographe peuvent en conséquence déclarer qu’ils ne reconnaissent pas l’écriture ou la signature de
leur auteur (art. 1323 C. civ.). C’est alors au(x) légataire(s) qu’il incombe de prouver que le testament est l’œuvre
du testateur. Il(s) recourra(ont) à cet effet à la procédure en vérification d’écritures conformément aux articles
883 à 894 du Code judiciaire. En cas de doute, le testament ne sera pas opposable aux héritiers.

c) Le testament authentique :
1) Définition et conditions de validité :

Le « testament par acte public » ou testament authentique est celui qui est reçu par un notaire en présence de
deux témoins ou par deux notaires (art. 971 C. civ.). Cette définition doit cependant être complétée par les
articles 972 et suivants du Code civil et également, puisque le testament est un acte authentique, par les
dispositions de la loi du 16 mars 1803 contenant organisation du notariat. Le testament public est un acte notarié
et est comme tel soumis à toutes les conditions de validité de ce genre d’acte. Ces législations laissent apparaître
les éléments essentiels du testament authentique qui appuient sa validité.

A. Le testament authentique est reçu par un notaire en présence de deux témoins ou par deux notaires
(art. 971 C. civ. et art. 10, al. 1 loi du 16 mars 1803 contenant organisation du notariat) :

Le testament par acte public doit être reçu par un notaire compétent tant “ratione loci” que “ratione personae”.
En vertu de l’article 5 de la loi du 16 mars 1803 contenant organisation du notariat, le notaire ne peut
instrumenter hors de son ressort, c’est-à-dire hors de l’arrondissement judiciaire, sauf dans les cas où les parties
ne peuvent comparaître qu’en personne et où elles déclarent dans l’acte qu’elles sont physiquement incapables
de se rendre à l’étude du notaire instrumentant – ce qui pourrait précisément être le cas pour un testament
public. Le notaire ne peut non plus recevoir son propre testament, ni celui de son conjoint, de certains parents
ou alliés, de ses clercs, ni un testament qui contiendrait quelque disposition en leur faveur (voy. sur ce point art.
6 de la loi du 16 mars 1803 contenant organisation du notariat).

121
La présence d’un second notaire ou de deux témoins (ce qui sera le plus souvent le cas en pratique) se justifie
par la nécessité de garantir l’accomplissement régulier des diverses formalités prévues par la loi. Les témoins
doivent avoir au moment de la passation de l’acte tant la capacité légale que la capacité physique et
intellectuelle de signer. Ils ne peuvent être ni des « proches » du notaire, ni du testateur, ni « intéressés » par le
testament (voy. sur ce point art. 10 loi du 18 mars 1803).

B. Le testament authentique est dicté (article 972, al. 1 du Code civil) :

La dictée implique une communication verbale. Cette expression à haute voix ne peut être remplacée par
d’autres signes expressifs du langage. En conséquence, le testateur peut être aveugle ou sourd, mais non muet
ou sourd muet. Il est admis que le testateur puisse s’aider de notes et même se borne à lire un texte qu’un autre
a rédigé (par exemple un notaire) pourvu qu’il en perçoive le sens. Par contre, il n’y a pas de dictée au sens de
la loi, si le testateur se contente de répondre aux questions qui lui sont posées par le notaire : le testament sur
interrogation est prohibé. Cela ne signifie pas que le notaire doive s’abstenir de poser des questions mais cela
signifie que le testateur doit toujours garder l’initiative sans être influencé par le notaire. Enfin, est frappé de
nullité, le testament que le notaire a préparé à l’avance, se contentant de recueillir l’approbation du disposant.

C. Le testament authentique est établi sur support papier (art. 972, al. 1 C. civ.) :

Contrairement aux autres actes notariés, un testament devait être écrit par le notaire lui-même. Cette règle ne
s’appliquait toutefois qu’à la partie dictée du testament, c’est-à-dire au dispositif. L’intitulé, la clôture ainsi que
les autres mentions ne devaient pas être l’œuvre personnelle du notaire. L’article 972 alinéa 1 du Code civil a
fait l’objet de deux modifications, l’une apportée par l’article 31 de la loi du 6 mai 2009 portant des dispositions
diverses (Mon. b., 19 mai 2009) et l’autre par l’article 22 de la loi du 29 décembre 2010 portant des dispositions
diverses (Mon. b., 31 décembre 2010). L’obligation pesant sur le notaire d’écrire le dispositif du testament à la
main est supprimée. Le notaire peut donc avoir recours au traitement de texte, le tout dans le respect de l’article
13 de la loi du 16 mars 1803 portant organisation du notariat.

D. Le testament authentique est donné en lecture au testateur en présence de deux témoins (art. 972,
al. 2 C. civ.) :

Cette lecture donne l’occasion au testateur de vérifier si la rédaction du notaire correspond bien à ce qu’il lui a
dicté. Généralement, cette lecture est donnée par le notaire. Rien n’empêche toutefois que la lecture soit faite
par une autre personne, par exemple, par un collaborateur ou même le testateur80. Enfin cette lecture doit
nécessairement être faite de l’acte entier et à haute voix.

E. Le testament authentique doit être signé par le notaire, le testateur et les témoins (art. 973 et 14 loi
du 16 mars 1803) :

Au niveau de la notion de signature lors de l’étude du testament olographe, la signature du notaire donne
l’authenticité à l’acte. Quant à la signature du testateur, il arrive qu’il déclare qu’il ne sait ou ne peut signer.
Dans ce cas, il sera fait mention expresse dans l’acte de sa déclaration, ainsi que la cause qui l’empêche de signer.
Cette dernière indication est importante car elle permet de vérifier la véracité des dires du testateur et donc la
validité du testament.

F. Le testament authentique doit faire mention de l’accomplissement des formalités légales (art. 972,
al. 3 C. civ.) :

Il doit être fait mention expresse, c’est-à-dire, spéciale et séparée, dans la clôture de l’acte de :

® La dictée (le notaire pourrait utiliser un mot équivalent à “dictée”, tel que “prononcer” ou “dire”, pour
autant que ce mot établisse qu’une communication verbale a eu lieu)

80 Ce sera le cas si le testateur est sourd.

122
® La rédaction de ce qui a été dicté, conformément à l’article 13, § 2 de la loi contenant organisation du
notariat.

® La présence des témoins

® La signature et éventuellement de la déclaration du testateur qu’il ne sait ou ne peut signer et de la


cause de cet empêchement.

2) La force probante du testament authentique :

La force probante du testament authentique est déterminée par les règles applicables aux actes notariés (art.
1319 C. civ., art. 19 loi du 16 mars 1803 contenant organisation du notariat, art. 895 - 906 C. jud.). Le testament
authentique fait foi jusqu’à inscription de faux, mais ce principe ne couvre que les éléments que le notaire a
pour mission de constater personnellement. Les autres mentions ne valent que jusqu’à preuve du contraire.
Sont dès lors couverts par l’authenticité et ont force probante jusqu’à inscription de faux :

® Le fait de la comparution du testateur


® La date et le lieu
® Le dispositif du testament
® Le fait de la “dictée”, de l’écriture et de la lecture
® La présence des témoins
® L’apposition des signatures ...

Parmi les autres mentions valant jusqu’à preuve du contraire, on peut notamment citer la mention du notaire
concernant l’état mental du testateur.

d) Le testament international :

Le testament à forme internationale trouve son origine dans la Convention de Washington du 26 octobre 1973
“portant loi uniforme sur la forme d’un testament international et annexe”. L’objectif poursuivi par cette
convention était d’introduire dans la législation interne de tous les pays une forme supplémentaire de testament
qui serait identique dans tous les pays, avec pour principal intérêt la simplification des successions présentant
un élément d’extranéité. La Belgique a approuvé la convention de Washington par la loi du 11 janvier 198381 et
a introduit le testament international dans le droit interne par la loi du 2 février 198382. Le testament à forme
internationale est celui qui, présenté par le testateur à un notaire et deux témoins, est signé par eux avant d’être
joint à une attestation établie par le notaire qui en assurera la conservation. Le testament international se
compose de deux documents : le testament proprement dit reprenant les dernières volontés du testateur et
l’attestation établie par le notaire qui sert de preuve à l’accomplissement des formalités essentielles.

1) Le testament :

Seules trois conditions sont imposées sous peine de nullité (art. 1e et s. de la loi du 2 février 1983) :

® L’écrit (art. 3) : comme tout testament, le testament à forme internationale doit être écrit. Il peut
toutefois l’être par n’importe qui : le testateur, son conseil, son notaire, le légataire. En outre, il peut
être écrit à la main ou dactylographié.

81 Loi du 11 janvier 1983 portant approbation de la Convention portant loi uniforme sur la forme d'un testament international, et de l'Annexe,

faites à Washington le 26 octobre 1973, M.B., 11 octobre 1983, p. 12.608.


82 Loi du 2 février 1983 instituant un testament à forme international et modifiant diverses dispositions relatives au testament, M.B., 11

octobre 1983, p. 12.614.

123
® La présentation du testament à un notaire en présence de deux témoins (art. 4) : le testateur doit
déclarer en présence de deux témoins et du notaire que le document qu’il présente est son testament
et qu’il en connait le contenu, sans toutefois qu’il ne doive leur donner connaissance du contenu du
testament.

® Les signatures (art. 5) : le testament doit être signé par le testateur, ainsi que par les témoins et le
notaire en présence du testateur.

2) L’attestation notariée :

Lorsqu’il rédige l’attestation notariée jointe au testament en vue de prouver sa validité formelle, le notaire doit
scrupuleusement respecter le prescrit de l’article 10 de la loi du 2 février 1983. L’attestation est rédigée et signée
par le notaire en présence du testateur et des témoins. Le testateur et les témoins ne doivent pas signer
l’attestation. Par ce document, le notaire atteste notamment :

• Le fait de la comparution du testateur et des témoins


• L’apposition des signatures
• Le fait que le notaire s’est assuré de l’identité du testateur, témoins, et de la capacité des témoins.

§2. Les formalités de publicité et d’exécution des testaments


a) Les formalités de publicité des testaments :

De façon à ce qu’on puisse savoir, au jour du décès, si le défunt avait rédigé un testament, les Etats membres
du Conseil de l’Europe ont imaginé un système d’inscription des testaments dans un registre central institué au
sein de chaque Etat. Ce système, mis en place par la Convention de Bâle du 16 mai 1972, a fait l’objet, en
Belgique, de la loi du 13 janvier 1977. Différentes lois ont été adoptées en vue d’instaurer en Belgique,
conformément à cette convention, un registre central des testaments (communément appelé C.R.T.) ainsi
qu’ensuite un registre central des contrats de mariage à part.

L’organisation et la gestion de ces registres a été confiée la Fédération Royale du Notariat belge (cfr AR du 21
juin 2011 concernant la gestion des registres centraux des testaments et des contrats de mariage, Mon. b., 1
août 2011, erratum 24 août 2011 abrogé et remplacé par l’arrêté royal du 25 septembre 2016, Mon. b., 10
octobre 2016). En conformité avec les dispositions de l’article 4 de la Convention de Bâle, les testaments
authentiques et les testaments internationaux reçus par un notaire belge doivent nécessairement faire l’objet
d’une inscription au C.R.T. dans les 15 jours de la passation de l’acte authentique ou du dépôt. Par contre, les
testaments olographes, lorsqu’ils ont été officieusement déposés par le testateur chez un notaire, ne feront
l’objet d’une inscription qu’à la condition que le testateur ne s’y soit pas opposé.

L’inscription se fait au nom de la personne qui a rédigé son testament, sur la base des éléments d’information
communiqués par le notaire au moyen d’un formulaire préétabli qu’il lui appartient de remplir. Ces éléments
d’information sont relativement succincts : nom et prénoms du disposant, son numéro d’identification au
registre national, date et lieu de naissance, domicile déclaré, dénomination et date de l’acte dont l’inscription a
été requise, nom et adresse du notaire qui a reçu l’acte ou qui le détient en dépôt (art. 7 Convention Bâle et
article 5 de l’Arrêté Royal du 25 septembre 2016).

La loi belge du 13 janvier 1977 a élargi le système de la Convention de Bâle en rendant également obligatoire
l’inscription dans le registres des testaments d’autres actes par lesquels des biens peuvent être transmis à cause
de mort à savoir de l’Arrêté Royal du 25 septembre 2016). La Fédération Royale du Notariat belge conserve les
données de l’inscription, avec mention de la date de l’inscription, jusqu’à trente ans après le décès de la
personne dont les données sont les contrats de mariage et les actes modificatifs par lesquels les époux ou futurs
époux s'attribuent, pour le cas de survie, tout ou partie des biens qui composeront leur succession ou par
lesquels les époux ou futurs époux dérogent à la règle du partage égal, en nature, des biens communs (cfr article
3 conservées, ou, si la date du décès n’est pas connue, jusqu’au moment où elle aurait atteint l’âge de 145 ans
(art. 8, § 1 AR du 25 septembre 2016).

124
Les données reprises au registre central des testaments restent secrètes du vivant du testateur. Le registre est
seulement accessible au testateur lui-même, ainsi qu’au notaire qui a reçu ou pris en dépôt le testament (art. 9,
§ 1 et 2 AR du 25 septembre 2016). Par contre, après le décès du testateur, outre les notaires et autorités
publiques, toute personne peut, après qu’un extrait de l’acte de décès ou de tout autre document faisant preuve
du décès ait été présenté, consulter les données reprises au registre (art. 8 de la convention de Bâle et art. 9, §
3 de l’arrêté royal du 25 septembre 2016). La banque de données renseignera uniquement le nom du notaire
dépositaire du testament, la date et le type de testament éventuel. Toutes les personnes concernées pourront
alors contacter le notaire qui, à son tour, pourra convoquer les héritiers et légataires et leur donner connaissance
du contenu du testament.

b) Les formalités d’exécution des testaments :

Les testaments sont-ils, après le décès du testateur, soumis à de nouvelles formalités destinées à en assurer
l’exécution ? Il convient de distinguer, à ce propos, le testament authentique des deux autres formes de
testaments. Comme tout acte notarié, le testament public a force exécutoire. Il suffit dès lors au légataire
institué par un testament public de s’en faire délivrer par le notaire une grosse pour pouvoir s’en prévaloir. Par
contre, le testament olographe et le testament international doivent faire l’objet d’une formalité particulière
qui a essentiellement pour objectif d’assurer leur conservation, c’est-à-dire d’éviter leur perte, leur destruction
ou leur falsification. Conformément à l’article 976 du Code civil, tout testament olographe doit être présenté à
un notaire.

Lorsqu’il s’agit d’un testament international, c’est le notaire qui a reçu ce testament qui assurera les formalités.
Le notaire commencera par ouvrir le testament et établira un procès-verbal constatant l’ouverture et l’état du
testament. Le notaire classera alors le procès-verbal et l’original du testament au rang de ses minutes. Dans le
mois, le notaire déposera par ailleurs une expédition - c’est-à-dire une copie conforme - de son procès-verbal et
une photocopie certifiée conforme du testament au greffe du tribunal de première instance de l’arrondissement
dans lequel la succession s’est ouverte. Aussi longtemps que ces formalités n’auront pas été accomplies, toute
personne intéressée pourra s’opposer à la mise à exécution du testament.

3. La révocation, la résolution et la caducité du testament :


§1. Généralités :

Les testaments peuvent être révoqués par la volonté du testateur ou résolus par une décision judiciaire qui
sanctionne une faute du légataire, dans les cas prévus par la loi. Les legs peuvent également être rendus caducs
dans certaines hypothèses définies par le législateur.

§2. La révocation :

La révocation est l’acte par lequel celui qui a dressé un acte juridique décide de l’anéantir de sa seule volonté.

a) Notion :

Comme il a déjà été dit, le testateur conserve toujours la liberté de changer de volonté et de révoquer les
dispositions qu’il a prises (voyez supra, article 895 du Code civil). Cette révocation peut être expresse ou tacite.
Si elle opère, elle prive le testament de ses effets juridiques. En conséquence, la dévolution de la succession doit
se dérouler comme si la disposition révoquée n’avait jamais existé.

b) La révocation expresse :

L’article 1035 du Code civil prévoit deux formes de révocation volontaire : (1) soit par un testament portant
révocation des dispositions antérieures, (2) soit par un acte devant notaire. Ces deux actes doivent
nécessairement porter déclaration “expresse” du changement de volonté.

125
1) La révocation par testament postérieur :

Le législateur, lorsqu’il parle de testament postérieur, vise un acte fait en la forme testamentaire sans distinction
entre les différentes sortes de testaments. Un testament public pourra donc être révoqué par un testament
olographe et inversement. Le testament révocateur doit répondre aux multiples conditions de forme exigées
pour chaque type de testament. Il n’est toutefois pas nécessaire que le nouveau testament contienne de
nouvelles dispositions de dernières volontés. Le testament dans lequel le testateur se borne à révoquer toutes
ses dispositions antérieures ou l’une d’elles est parfaitement valable.

2) La révocation par acte notarié :

Cet acte de révocation doit satisfaire aux conditions ordinaires des actes notariés. Les conditions spéciales du
testament public ne sont pas imposées en cas de révocation d’un tel testament, si ce n’est la présence de deux
témoins ou d’un second notaire (art. 9 de la loi du 16 mars 1803 contenant organisation du notariat). Enfin,
l’acte notarié de révocation peut revêtir la forme de n’importe quel acte notarié. La révocation peut donc être
faite dans une donation entre époux, dans un contrat de mariage, dans un acte de modification du régime
matrimonial, dans une convention préalable à divorce par consentement mutuel ... etc.

c) La révocation tacite :

Les articles 1036 et 1038 du Code civil prévoient expressément deux hypothèses de révocation tacite. La doctrine
et la jurisprudence en ont admis une troisième.

1) La révocation par un legs postérieur incompatible (article 1036 du Code civil) :

Selon l’article 1036 du Code civil, les testaments postérieurs qui ne révoquent pas d’une manière expresse les
précédents, n’annulent dans ceux-ci que celles des dispositions y contenues qui se trouvent incompatibles avec
les nouvelles ou qui y sont contraires. La rédaction d’un nouveau testament n’a dès lors pas pour effet de
révoquer de plein droit le ou les testaments antérieurs. Toutes les anciennes dispositions qui ne se révéleront
pas incompatibles avec les dispositions nouvelles pourront sortir leurs effets.Il est cependant parfois malaisé de
déterminer si deux dispositions successives sont incompatibles. Il n’y aura guère de réelle difficulté si
l’incompatibilité est objective, c’est-à-dire s’il est matériellement impossible d’exécuter les dispositions
successives, comme par exemple les legs successifs d’un même objet mobilier (un bijou, un meuble de style, un
tableau ..., etc.).

Par contre, l’incompatibilité subjective, qui suppose que, dans l’esprit du testateur, la disposition nouvelle n’était
pas compatible avec la précédente, pose un problème d’interprétation de la volonté réelle du testateur. Ainsi,
deux testaments successifs pourraient désigner deux légataires universels différents. Sur le plan de
l’incompatibilité objective, aucun problème ne se pose puisque l’article 1003 du Code civil permet au testateur
de désigner deux ou plusieurs légataires universels. Par contre sur le plan de l’incompatibilité subjective, il se
peut que l’intention du testateur ait été de désigner un nouveau et unique légataire universel en révoquant sa
disposition antérieure. Le même raisonnement peut être tenu lorsqu’un legs universel vient se superposer à un
legs particulier déjà existant. Ces deux dispositions sont parfaitement compatibles objectivement. La question
reste de savoir si elles le sont subjectivement.

En pratique, il appartient à celui qui prétend que les dispositions nouvelles sont subjectivement incompatibles
avec les dispositions anciennes de rapporter la preuve de l’intention révocatoire du testateur. Voy, à titre
d’exemple, civ. Gand, 1 juin 2010, R.W., 2011-2012, p. 1909, dans lequel le juge du fond a considéré que le
simple fait que le testateur a consenti un legs particulier à une personne après l’avoir, dans un testament
antérieur, instituée légataire universelle ne signifie pas que le testateur a souhaité révoquer le legs universel.

126
2) La révocation par l’aliénation du bien légué (article 1038 du Code civil) :

La vente, le don, l’échange du bien légué par testament entraîne la révocation de la disposition testamentaire
pour tout ce qui a été aliéné. Le texte de l’article 1038 précise au surplus que cette révocation continuera à sortir
ses effets, même si l’aliénation postérieure a été annulée et si le bien a réintégré le patrimoine du testateur. En
effet, la décision du testateur d’aliéner le bien peut être considérée comme impliquant nécessairement la
révocation du legs qu’il avait précédemment consenti.

3) La destruction du testament :

La doctrine et la jurisprudence admettent généralement que la destruction, la lacération ou la cancellation du


testament par le testateur lui-même ou par une tierce personne qui en avait reçu l’instruction entraînent la
révocation tacite du testament lorsqu’elles constituent un acte juridique, c’est-à-dire lorsqu’elles traduisent la
volonté du testateur de révoquer son testament. La destruction est la mise à néant du testament dont on ne
retrouve plus aucune trace. La lacération est le fait de déchirer le testament en plusieurs morceaux. La
cancellation est la rature complète du testament. Voy., à titre d’exemple, civ. Namur, 30 juin 2015, Rev. not. b.,
2016, p. 567. En l’espèce, le testament olographe litigieux avait été déchiré en 24 morceaux avant d’être recollé.
Le tribunal considère que la destruction du testament doit s’interpréter comme impliquant la volonté du de
cujus de révoquer son contenu et qu’on peut présumer que la destruction a été voulue par le testateur. Dès lors,
il appartient à ceux qui invoquent la validité du testament (en l’espèce ceux qui auraient hérité à défaut de
testament) de prouver que la destruction n’est pas l’œuvre du de cujus et ne constitue pas une révocation,
preuve non rapportée en l’espèce de sorte que le juge décide que le testament doit être considéré comme
révoqué. Le tribunal relève qu’à supposer que l’auteur de la décision ait voulu revenir sur sa décision de
destruction, on voit mal pourquoi il aurait entrepris de recoller les 24 morceaux de son testament plutôt que de
le réécrire...

§3. La résolution :

Cette matière est régie par les articles 1046 et 1047 du Code civil qui établissent les causes de résolution d’un
legs83 qui peuvent être mises en œuvre par les successeurs du testateur. L’article 1046 du Code civil renvoie aux
articles fixant les causes de résolution des donations entre vifs et plus précisément aux articles 954 et 955, 1° et
2° du Code civil. Deux catégories de faits susceptibles d’entraîner la résolution d’un legs sont ainsi retenues par
le législateur :

® L’inexécution des charges imposées au légataire

® L’indignité du légataire en raison de son comportement pendant la vie du testateur, mais cette
indignité, par comparaison aux hypothèses d’ingratitude du donataire, est limitée à l’hypothèse où le
légataire a attenté à la vie du testateur et à l’hypothèse où il s’est rendu coupable envers lui de sévices,
délits ou injures graves.

Compte tenu du renvoi opéré par l’article 1046 du Code civil aux hypothèses de résolution des donations, les
règles juridiques applicables à la résolution des donations seront aussi appliquées et éventuellement
transposées à la résolution des legs du chef d’inexécution des charges ou d’indignité du légataire. Il en résulte
que les causes de résolution ne joueront pas de plein droit (art. 956 C. civ.) et qu’elles pourront être neutralisées
par le pardon de l’offensé. Afin d’éviter toute discussion à propos du délai dans lequel la demande en résolution
« pour cause d’ingratitude » (ou, plus exactement, pour cause d’indignité testamentaire) pourra être introduite
par les héritiers, la loi du 10 décembre 2012 a ajouté un alinéa 2 à l’article 1046 du Code civil qui détermine les
modalités de ce délai préfix. Enfin, l’article 1047 du Code civil énonce un cas de résolution des legs pour cause
d’ingratitude proprement dite : l’injure grave faite à la mémoire du testateur. L’action en résolution devra être
intentée dans l’année du jour où le comportement injurieux se sera manifesté ou du jour où les héritiers ont pu
connaître ce comportement injurieux.

83 C’est à tort que le Code utilise le terme de “révocation” pour qualifier les hypothèses de résolution des legs.

127
§4. La caducité :

La caducité d’un legs vise l’hypothèse dans laquelle une disposition testamentaire doit être privée d’effet en
raison d’un événement indépendant de la volonté du testateur survenu postérieurement à la rédaction du
testament. Cet événement peut être :

® Le prédécès du légataire (article 1039 du Code civil). Le légataire doit exister (être toujours vivant ou
déjà conçu) au moment où le legs sort ses effets, c’est-à-dire au décès du testateur. La loi n’a pas prévu
de “représentation” en succession testamentaire et a préféré opter pour la solution de la caducité du
legs. Le testateur peut cependant remédier à cette solution en instituant un autre légataire, selon le
procédé de la substitution dite « vulgaire ».

® L’incapacité du légataire (article 1043 du Code civil). Le legs est aussi caduc lorsque le légataire se
trouve, au moment du décès, dans l’incapacité légale de le recueillir. On vise par là les incapacités de
jouissance.

® La perte de la chose léguée avant ou après le décès du testateur (article 1042 du Code civil).

® La disparition de la cause du legs. La loi n’a pas expressément envisagé ce dernier cas de caducité. Il
faut cependant le retenir comme susceptible d’entraîner la caducité du legs, pour autant qu’elle
survienne avant le décès du testateur. On renverra sur ce point à ce qui a été dit à propos de la
disparition de la cause dans les libéralités.

Pour un cas d’application dans lequel le juge n’a pas prononcé la caducité du testament pour disparition de sa
cause, voy. Liège, 24 février 2010, Rev. not. b., 2013, p. 799. Tout en exprimant à propos de la disparition de la
cause d’un testament la solution retenue par la Cour de cassation de Belgique, la Cour d’appel a considéré que,
dans le cas d’espèce, le mobile déterminant d’un legs universel n’avait pas « nécessairement disparu » au jour
du décès du testateur. Il s’agissait d’un testament qu’un homme avait rédigé en 1997 par lequel il instituait sa
compagne – avec laquelle il avait vécu de 1994 à 2004 – sa légataire universelle. La Cour a considéré que, même
si les parties ne vivaient plus ensemble et que diverses plaintes réciproques avaient été déposées, divers
éléments pouvaient donner à penser que cet homme avait maintenu son testament, parce qu’il avait conservé
des « sentiments » pour son ex-compagne et qu’il restait attaché au souvenir de son fils, décédé, qu’il avait «
élevé et aimé ».

Pour un cas d’application dans lequel, à l’inverse, le juge a prononcé la caducité du testament pour disparition
de sa cause, voy. civ. Liège, 28 avril 2014, confirmé par Liège, 22 avril 2015, R.P.P., 2015, p. 473, note A.
DUMONT. En l’espèce, par testament daté du 21 septembre 2001, le défunt, encore marié à la mère de son fils,
avait déshérité son épouse et légué la quotité disponible de sa succession à la personne avec laquelle il
entretenait une relation amoureuse. Le divorce a été prononcé quelques semaines plus tard, et la relation
amoureuse entre le défunt et la légataire s’est poursuivie jusque dans le courant de l’année 2006. Le testateur
décède en 2012, et son fils saisit le tribunal afin qu’il prononce la caducité du testament pour disparition de sa
cause. Les juges du fonds identifient le mobile déterminant ayant incité le testateur a rédigé son testament
comme étant sa volonté de priver son épouse de tous droits dans sa succession et de léguer toute la quotité
disponible de sa succession à sa maîtresse. Compte tenu des éléments de fait soumis à leur appréciation, qui
attestent d’une profonde détérioration de la relation entre le testateur et son ancienne maitresse, les juges du
fond ont décidé que « la raison déterminante pour laquelle [le testateur] avait légué la quotité disponible de sa
succession à [la légataire] a disparu après leur séparation intervenue en 2006 en sorte que ce legs est devenu
caduque et ne peut dès lors plus sortir ses effets ».

128
Partie 3e. Aperçu du droit fiscal des donations et des successions84 :

Chapitre 1e. Les droits de donation :


1. Les principes :
§1. La détermination du droit régional applicable :

L’article 5, §2, 8° de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions,
prévoit que la compétence territoriale des Régions en matière de droits d’enregistrement sur les donations de
biens meubles ou immeubles réalisées par un habitant du Royaume est déterminée par l'endroit où le donateur
a son domicile fiscal au moment de la donation. Ainsi, si Jean réside en Wallonie et veut donner un immeuble
sis à Knokke à ses fils résidant à Bruxelles, ce sera le droit wallon qui sera applicable. Si le domicile fiscal du
donateur a été établi dans plusieurs Régions au cours de la période de cinq ans précédant la donation, la Région
compétente sera celle dans laquelle le donateur a établi son domicile fiscal le plus longtemps au cours de ladite
période. Ainsi, dans l'exemple ci-avant, si Jean a résidé, dans les cinq ans précédant la donation, 3 ans en Région
flamande et ensuite 2 ans en Wallonie, le droit applicable sera le droit flamand.

§2. L’enregistrement obligatoire et enregistrement facultatif :

Une donation d’un immeuble situé en Belgique doit en principe être constatée dans un acte notarié belge : cet
acte notarié doit être enregistré en vertu de l’article 19,1° CDE. Au contraire des donations d’immeubles, la
législation fiscale n'impose pas l'enregistrement des donations de biens meubles, sauf si la donation est réalisée
par un acte notarié belge. Si la donation d'un bien meuble se réalise par un acte notarié belge, le droit de
donation sera dû en vertu de l’article 19, 1° CDE. Si la donation d’un bien meuble se réalise par le biais d’une
donation manuelle ou indirecte, le droit de donation n’est pas dû sauf s’il y a un enregistrement volontaire. Cet
enregistrement volontaire peut s’avérer financièrement intéressant si le donateur risque de décéder dans les
trois ans qui suivent la donation (cfr infra).

2. Le montant des droits de donation :


§1. Les donations immobilières :

Le droit de donation est progressif par tranches. Le tarif est fixé à l’article 131 CDE. Il est dû d’après l’émolument
brut de chacun des donataires, compte tenu de la valeur vénale des biens donnés et de l’éventuel lien de parenté
qui unit le donateur au donataire. Le droit de donation a sensiblement diminué depuis les décrets wallons des
17 décembre 2015 et 19 juillet 2018 et l’ordonnance bruxelloise du 18 décembre 2015. Le but a été d’encourager
les donations d’immeubles entre vifs plutôt qu’à cause de mort.

§2. Les donations mobilières :


a) Généralités :

Pour rappel, les donations mobilières doivent obligatoirement être enregistrées si elles sont notariées. Afin
d’encourager l’enregistrement des donations mobilières non notariées – très nombreuses en Belgique – la
Flandre a décidé, par un décret du 19 décembre 2003, que toutes les donations de biens meubles ne seraient
plus soumises qu’à un droit d’enregistrement au taux non progressif de 3% en ligne directe ou entre époux ou
entre cohabitants (selon la même typologie que pour les droits de succession) et de 7 % entre toutes autres
personnes (art. 131, §2 CDE, devenu depuis lors l’art. 2.8.4.1.1., §2 VCF).

84 Seuls les droits wallons et bruxellois seront étudiés ici.

129
Cette initiative a immédiatement porté ses fruits, car beaucoup de résidents flamands ont mis à profit cette
possibilité qui présente l’avantage d’une sécurité fiscale définitive, puisque le bien donné ne pourra plus jamais
être soumis aux droits de succession (inapplicablilité de l’article 66 bis CDS), et la Région flamande a finalement
encaissé des droits d’enregistrement beaucoup plus élevés que par le passé. Compte tenu de ce résultat
apparemment avantageux pour les finances publiques, les deux autres Régions ont emboîté le pas. La Région
bruxelloise a adopté des dispositions semblables par une ordonnance du 9/3/05 (art. 131, §2 CDE). La Région
wallonne a mis en œuvre une réforme comparable par son décret du 15 décembre 2005 (art. 131bis CDE).

b) Les taux applicables :


1) Le droit wallon :

Le tarif est fixé à l’article 131 bis CDE :

® 3,3% pour les donations en ligne directe, entre époux et entre cohabitants légaux85
® 5,5% pour les donations à d’autres personnes.

2) Le droit bruxellois :

Le tarif est fixé à l’article 131, §2 CDE :

® 3% pour les donations en ligne directe et entre partenaires (époux et cohabitants légaux)
® 7% pour les donations à d’autres personnes.

3. Les règles de calcul du droit de donation :


§1. La base d’imposition - la valeur vénale du bien donné :

Les droits de donation se calculent sur la valeur vénale des biens donnés au moment de l'enregistrement. La
valeur vénale doit être indiquée dans une déclaration pro fisco faite par les parties au receveur de
l'enregistrement. Si la donation est notariée, la déclaration se fera dans l'acte notarié de donation. A défaut, il
faut remettre, au moment de l’enregistrement, la déclaration complétée avec le lien de parenté entre le
donateur et le donataire et avec la liste de tous les domiciles fiscaux du donateur dans les cinq ans qui précèdent
l’enregistrement. Contrairement à ce qui est prévu pour la perception du droit de succession, le Code des droits
d'enregistrement ne prévoit aucun moyen qui permettrait tant à l'administration fiscale qu'aux parties de faire
une évaluation préalable et définitive du bien donné. Dès lors, il n'est pas possible de procéder à une « expertise
préalable », qui aurait pour objet d'évaluer le bien et de fixer le montant des droits dus afin qu'ils ne puissent
plus être contestés ultérieurement.

85Moyennant justifications à fournir par l’intéressé, est assimilée à une donation en ligne directe : - la donation entre une personne et un
enfant du conjoint ou du cohabitant légal de cette personne, même si la donation a lieu après le décès de ce conjoint ou de ce cohabitant
légal (art. 132-3, 1° CDE) ; - la donation entre une personne et l’enfant qu’elle a élevé comme parent d’accueil, ou comme tuteur, subrogé
tuteur ou tuteur officieux à condition que l’enfant, avant d’avoir atteint l’âge de 21 ans et pendant six années ininterrompues, ait reçu
exclusivement ou principalement de cette personne, ou éventuellement de cette personne et de son conjoint ou de son cohabitant légal
ensemble, les secours et les soins que les enfants reçoivent normalement de leurs parents (art. 132- 3, 2° CDE).

130
§2. Les donations immobilières successives :

Pour échapper au taux progressif des droits de donation applicables aux donations immobilières, le donateur
pourrait être tenté de réduire la valeur de la donation en la "saucissonnant" en plusieurs donations successives.
C'est pourquoi, l’article 137 CDE prévoit une règle spécifique de cumul des bases imposables pour les donations
de biens immeubles. Lors d’une donation soumise à enregistrement, il est tenu compte, pour déterminer le taux
du droit d’enregistrement, de la valeur des autres donations soumises à enregistrement déjà intervenues entre
les mêmes personnes au cours des trois dernières années, de façon à ce que la nouvelle donation soit frappée
d’un droit calculé au taux progressif sur la valeur globale de l’ensemble des donations. Ainsi, prenons un
exemple (sur la base des droits d’enregistrement applicables en Région bruxelloise, art. 131 CDE) :

® Janvier 2017 : donation par Vincent à son fils Romain d’une maison d’une valeur de 150.000 €
® Droits d’enregistrement perçus (3%): 4.500 €
® Mars 2019 : donation par Vincent à son fils Romain d’un terrain de 100.000 €

L’on va considérer que la première tranche (3%) est déjà entièrement épuisée. La taxation aura lieu sur la base
de la seconde tranche (9%) = 9.000 €. Si la donation avait eu lieu plus de trois ans après la première, les droits
n’auraient été que de 3.000 €. On peut également procéder autrement, en calculant les droits sur les deux
donations et soustrayant le montant des droits payés pour la première donation.
0 à 150.000 € (3%) = 4.500 € ; 150.000 à 250.000 € (9%) = 9.000 € à Montant total = 13.500 €, dont à déduire
4.500 € = 9.000 €. Dans un souci d’optimisation fiscale, il est dès lors conseillé de réaliser des donations
successives de biens immobiliers au profit de la même personne de trois ans (+ 1 jour) en trois ans (+ 1 jour).

Chapitre 2e. Les droits de succession :

La transmission des biens d’une personne à la suite de son décès est soumise à un impôt successoral. Lorsque
c’est un habitant du Royaume qui décède, cet impôt est appelé « droit de succession ». Il est dû sur la valeur,
déduction faite des dettes, de tout ce qui est recueilli dans sa succession (art. 1 et 15 du Code des droits de
succession, ci-après CDS). L’habitant du Royaume est celui qui a établi en Belgique son habitation réelle, effective
et continue, c’est-à-dire le centre de ses activités, le siège de ses affaires et de ses occupations. Peu importe sa
nationalité86.

1. La déclaration de succession :
§1. Généralités :

Les droits de succession et de mutation par décès sont liquidés au vu d’une déclaration de succession (article 35
CDS). Le dépôt d’une déclaration de succession est, en principe, obligatoire. Exceptionnellement, lorsque la
succession ne comprend pas d’immeubles et que les abattements légaux excèdent manifestement la valeur des
biens délaissés, il est possible d’obtenir du receveur des droits de succession une dispense de dépôt de
déclaration de succession. Ce sont les contribuables eux-mêmes qui établissent et présentent à l’administration
fiscale une « déclaration de succession », qui servira de base au contrôle de l’administration fiscale et à
l’établissement des droits dus. L’exactitude des déclarations des contribuables fait l’objet de vérifications de la
part de l’Administration :

® En matière immobilière, l’Administration s’appuie sur la documentation qu’elle se constitue lors des
déclarations de succession et également lors de l’enregistrement des actes notariés.

® En matière mobilière, elle dispose des informations qui lui sont communiquées par les administrations,
les banquiers, les agents de change, les officiers publics et ministériels en vertu du chapitre 11 du Code
des droits de succession (articles 96 à 104 CDS).

86 En cas de décès d’un non habitant du Royaume, ce sont des droits de mutation par décès qui sont dus, uniquement sur les immeubles
situés en Belgique. Les règles relatives aux droits de mutation par décès ne seront pas examinées ici.

131
§2. Les personnes tenues de déclarer :

La déclaration de succession doit être déposée par les héritiers, légataires et donataires universels, même s’ils
ne recueillent rien en fait et même s’ils ont accepté la succession sous bénéfice d’inventaire (art. 38 al. 1 CDS).
Même si ce n’est pas obligatoire, c’est très souvent, en pratique, un notaire qui rédigera la déclaration (qui sera
toutefois uniquement signée par les déclarants). Les donataires et légataires à titre universel ou à titre particulier
n’ont en principe pas qualité pour déposer une déclaration relative aux biens qu’ils ont reçus. Ils sont liés par la
déclaration des héritiers légaux ou légataires universels mais disposent, le cas échéant, d’un recours contre ces
derniers. Ils sont exceptionnellement tenus au dépôt lorsque les héritiers, légataires ou donataires universels
restent inactifs. Dans ce cas, ils sont requis par le Receveur de l’Enregistrement, par lettre recommandée, de
déposer une déclaration, mais seulement pour ce qui les concerne et ce, dans le mois de l’envoi de la lettre
recommandée (art. 38 al. 2 CDS).

§3. Le lieu du dépôt de la déclaration de succession :

La déclaration de succession doit être déposée au bureau des droits de succession dans le ressort duquel le
défunt avait son dernier domicile fiscal (art. 38 al. 1 CDS). Par domicile fiscal, il faut entendre l’endroit où le
défunt avait établi son habitation effective, réelle, permanente, sa famille, son centre d’activités et le siège de
ses affaires ou de ses occupations. Si le défunt avait établi son domicile fiscal dans plus d’une Région au cours
des cinq dernières années précédant son décès, la déclaration doit être introduite au bureau des droits de
l’enregistrement dont dépend le domicile fiscal où il a été établi le plus longtemps durant ladite période. Ainsi,
si le défunt a vécu trois ans à Bruxelles et puis deux ans en Wallonie avant son décès, il sera considéré comme
résident fiscal bruxellois et non comme résident fiscal wallon. Les règles applicables à toute la succession, y
compris le tarif des droits de succession, seront celles de la Région où la déclaration a été déposée et ce, peu
importe la situation des biens imposables.

§4. La date du dépôt de la déclaration de succession :

Le délai pour le dépôt de la déclaration de succession diffère suivant le lieu du décès (art. 40 CDS) :

® quatre mois lorsque le décès s’est produit en Belgique ;


® cinq mois lorsque le décès a eu lieu dans un autre pays d’Europe (Europe géo et non UE)
® six mois lorsque le décès s’est produit hors Europe.

Le point de départ du délai est la date du décès. Le délai peut être prolongé par le directeur général de
l’enregistrement et des domaines (art. 41 CDS). La prolongation doit toutefois être accordée avant l’expiration
du délai primitif ou du délai déjà prolongé. Elle reste sans effet sur l’exigibilité du paiement des droits de
succession et sur le cours des intérêts. Le délai fixé par la loi ou prolongé doit être rigoureusement respecté. Le
retard dans le dépôt entraîne l’exigibilité d’une amende fiscale (article 124 CDS). Quand, pour quelque motif
que ce soit (par exemple, un litige opposant les héritiers au sujet de l’importance de leur part successorale, ...),
les héritiers, légataires ou donataires restent en défaut de déposer une déclaration de succession,
l’Administration peut arbitrer d’office, sauf régularisation ultérieure, la valeur des biens de la succession et
procéder, par voie de contrainte, au recouvrement des sommes dues (art. 47 CDS).

§5. La date du paiement des droits de succession :

Les droits de succession doivent, en principe, être payés dans les deux mois à compter du jour de l’expiration du
délai pour déposer la déclaration (art. 77 CDS). Ce délai est donc, en principe, de six, sept ou huit mois après le
décès, respectivement si ce dernier ait lieu en Belgique, en Europe ou hors de l’Europe. Le fait qu’une
prolongation du délai pour le dépôt de la déclaration de succession a été accordée n’a pas d’incidence sur la
date du paiement (cfr. supra).

132
2. L’actif :
§1. L’actif « réel » :

La succession d’un habitant du Royaume est régie par le principe de la taxation de l’universalité des biens
délaissés (art. 15 CDS), quelle que soit leur nature et leur situation (en Belgique ou à l’étranger), déduction faite
des dettes. On entend par « biens délaissés » par le défunt, les biens (1) dont le défunt était propriétaire au
moment du décès et (2) qui sont transmis à titre successoral (succession, legs ou institution contractuelle). Il
n’est ainsi pas tenu compte des droits dont le défunt était propriétaire et qui s’éteignent à son décès, comme le
droit d’usufruit. Il en va de même des droits qui, à l’occasion du décès, prennent directement naissance dans le
chef des héritiers, légataires ou donataires (par exemple, le droit à réparation en cas de mort accidentelle). Sont
frappés de droits de succession tant les immeubles (maison, terrain, ...) que les meubles (le mobilier proprement
dit, l’argent, les brevets, les actions de société, etc...). La localisation des biens n’est pas relevante. Il faut donc
également déclarer les biens situés à l’étranger (l’appartement à Londres, la maison à Miami, ...) de même que
les comptes bancaires qui auraient été ouverts à l’étranger. Par ailleurs, il est essentiel de ne pas perdre de vue
le régime matrimonial éventuel du défunt. En effet, le patrimoine du défunt, soumis au droit de succession, ne
comprend que les biens dont le défunt était propriétaire. Ainsi, si le défunt était marié sous le régime de la
communauté, seule la moitié des biens communs sera imposée. En pratique, on commence le plus souvent par
établir un tableau des actifs (et passifs) communs avant de traiter de la succession proprement dite. Ainsi,
prenons un exemple :

® Actif de la communauté :
® Passif de la communauté :
® Actif net de la communauté :
® Actif de la succession :
® 1⁄2 de l’actif net de la communauté :
® Autres biens :

§2. L’actif « fictif » :

Dans certains cas spécifiques, le législateur fiscal assimile à des « legs » des opérations qui, techniquement, n’en
sont pas dans le but de les taxer. Seuls les principaux cas d’actif « fictif » sont examinés ci-dessous.

a) L’article 5 du Code des droits de succession :

Lorsque le contrat de mariage du défunt contient un avantage matrimonial tel qu’une clause de préciput, une
clause de partage inégal ou une clause d’attribution du patrimoine commun au conjoint survivant, cette
convention est, en droit fiscal, toujours assimilée à un legs lorsqu’elle est stipulée sous condition de survie
(comp. en droit civil, cfr supra). En d’autres termes, la part excédentaire par rapport au partage légal – c’est-à-
dire par rapport au partage par moitié – est assimilée à un legs en faveur du conjoint bénéficiaire, taxable comme
telle. Pareille convention présente l’avantage de protéger le conjoint survivant d’un point de vue civil mais peut
s’avérer particulièrement onéreuse sur le plan fiscal. Ainsi, à titre d’exemple, Primus et Secunda sont mariés
sous le régime de la communauté légale. Ils ont néanmoins fait un contrat de mariage qui contient une clause
d’attribution de toute la communauté au conjoint survivant. Ils ont deux enfants. Ils sont locataires du logement
familial. Primus décède en 2017 et Secunda en 2019. Au décès de Primus, Secunda recueille la totalité du
patrimoine commun qui s’élève à 500.000 €. En application de l’article 5 CDS, elle est taxée à concurrence de
250.000 € (c’est-à-dire sur la part de Primus qui lui est attribuée en vertu de l’avantage matrimonial). Les droits
de succession à acquitter seront (art. 48 – Région de Bruxelles-Capitale) de :

• - de 0,01 € à 50.000 € (3%) : 1.050 € (exemption art. 54 pour la première tranche de 15.000 €) ;
• - de 50.000 à 100.000 € (8%) : 4.000 € ;
• - de 100.000 à 175.000 € (9%) : 6.750 € ;
• - de 175.000 à 250.000 € (18%) : 13.500 € ;

TOTAL = 25.300 €.

133
Au décès de Secunda, on suppose que la consistance du patrimoine commun est demeurée inchangée. Les
enfants sont taxés sur la base d’un montant de 250.000 € (part de Secunda) et de 250.000 € (part de Primus
recueillie en pleine propriété par Secunda). Chaque enfant sera taxé à concurrence des droits recueillis, soit à
concurrence de 250.000 €. Ainsi, le total dû par chaque enfant est (idem taxation conjoint survivant) = 25.300 €.
Ensuite, le montant total du lors de sdeux décès est = 25.300 € + 25.300 € + 25.300 € = 75.900 €. Quid en
l’absence d’avantage matrimonial ? Lors du décès de Primus, la part de Primus dans le patrimoine commun est
recueillie par Secunda pour l’usufruit et par les enfants pour la nue-propriété (art. 745 bis, §1, al. 1 C. civ.). L’on
suppose que Secunda est âgée de 76 ans au moment du décès : son usufruit représente 16% et la nue-propriété
84% (voy. infra, Section 4, §1). Ainsi, la base imposable dans le chef de Secunda est = 40.000 € (16% de 250.000
€) et le montant des droits de succession est = 750 € (3% de 25.000 €, la première tranche de 15.000 € étant
exemptée – art. 54). Enfin, la base imposable dans le chef de chacun des enfants est = 105.000 € (84% de 250.000
€ : 2). Ainsi, pour le montant des droits :

® de 0,01 à 50.000 € (3%) : 1.050 € (la première tranche de 15.000 € étant exemptée)
® de 50.000 à 100.000 € (8%) : 4.000 €
® de 100.000 à 105.000 € (9%) : 450 €

è TOTAL DÛ PAR CHAQUE ENFANT = 5.500 €

Lors du décès de Secunda, les enfants sont taxés sur une base de 250.000 €, qui représentent la part de Secunda
dans le patrimoine commun. L’extinction de l’usufruit de leur mère, sur la part de leur père dans le patrimoine
commun, ne donne pas lieu à taxation. Chaque enfant recueille 125.000 €, taxables comme suit :

® de 0,01 à 50.000 € (3%) : 1.050 € (exemption de la première tranche de 15.000 € – art. 54)
® de 50.000 à 100.000 € (8%) : 4.000 €
® de 100.000 € à 125.000 € (9%) : 2.250 €

è TOTAL DÛ PAR CHAQUE ENFANT = 7.300 €.


è MONTANT TOTAL DÛ EN L’ABSENCE DE CLAUSE = 750 + 5.500 + 5.500 + 7.300 + 7.300 = 26.350 €

Ainsi, il y a une économie fiscale de 49.550 € (par rapport à l’hypothèse où il y a un avantage matrimonial) !

b) L’article 7 du Code des droits de succession :

La donation est en principe un acte solennel parce qu’elle doit se réaliser, aux termes de l’article 931 du Code
civil, par acte notarié. En vertu des articles 19, 1° et 32 du Code des droits d’enregistrement (ci-après CDE), toute
donation notariée doit être enregistrée dans les quinze jours de la passation de l’acte. Cet enregistrement donne
lieu au paiement de droits d’enregistrement de donation. Pour éviter le paiement automatique de droits de
donation, il est possible de recourir, en matière de biens meubles, à une donation qui ne se réalise pas par acte
notarié : une donation manuelle, une donation indirecte. Dans un tel cas de figure, les parties ont le choix de
faire enregistrer ou non la donation. Si la donation n’est pas enregistrée et si le donateur décède dans les trois
ans qui suivent la donation, l’article 7 CDS assimile fictivement cette donation à un legs. Le « légataire » sera dès
lors tenu au paiement de droits de succession sur ce « legs ». A titre d’exemple, sur la base du tarif des droits
d’enregistrement et de succession dans la Région de Bruxelles-Capitale, en 2017, Pierre donne à son frère Jean
des actions d’une valeur de 10.000 €. La donation n’est pas enregistrée. Pierre meurt en 2019. Les actions valent
à ce moment-là 12.000 €. Pour le calcul des droits de succession, Jean est censé avoir reçu un legs de 12.000 €.
Si Jean a hérité de 50.000 €, le montant de 12.000 € s’ajoute à celui de 50.000 €. C’est donc un montant de
62.000 € qui va être taxé en droits de succession.

134
c) L’article 8 du Code des droits de succession :

Une donation peut se réaliser par le biais d’une assurance-vie. Ainsi, à titre d’exemple, Marc contracte une
assurance-vie qui prévoit que sa compagne, Marie, recevra un capital de 100.000 € s’il devait décéder. D’un
point de vue civil, le capital et versé directement par la compagnie d’assurances au bénéficiaire du contrat sans
transiter par le patrimoine du preneur d’assurance. Le fait que le capital ne transite pas par le patrimoine du
preneur a pour conséquence que cette opération n’est pas taxable en vertu de l’article 1 CDS. Le caractère de
gratuité que présentent généralement ces stipulations, couplé à la subordination de leurs effets à la condition
du prédécès du stipulant, ont incité le législateur à assimiler, moyennant le respect de certaines conditions, le
bénéfice que le tiers recueille à un legs consenti à son profit, soumis, dès lors, à taxation.

Le premier alinéa de l’article 8 CDS stipule que « sont considérées comme recueillies à titre de legs les sommes,
rentes ou valeurs qu’une personne est appelée à recevoir à titre gratuit au décès du défunt, en vertu d’un contrat
principal renfermant une stipulation à son profit par le défunt ou par un tiers ». La stipulation pour autrui doit
nécessairement comprendre la désignation d’un tiers bénéficiaire. La désignation de ce tiers bénéficiaire se fait
généralement au moment de la conclusion du contrat. Elle peut toutefois se faire ultérieurement. Le stipulant a
en effet le droit, à tout moment, de modifier l’identité du bénéficiaire tant que ce dernier n’a pas déclaré vouloir
profiter de cette stipulation. La présomption de legs ne s’applique pas aux stipulations faites par le défunt à son
propre profit ou au profit de ses héritiers. Dans une telle hypothèse, les capitaux ou rentes versés font partie
intégrante de la succession et sont, à ce titre, taxables aux droits de succession en vertu de l’article 1er CDS.

Par ailleurs, l’article 8 n’est applicable que si l’avantage est recueilli, par le bénéficiaire de la prestation, à titre
gratuit, c’est-à-dire sans avoir fourni de contrepartie. La gratuité de la stipulation est présumée. Toutefois, la
preuve contraire peut être rapportée par tous moyens de droit commun, témoignages et présomptions compris,
à l’exception du serment. Tel pourrait par exemple être le cas si la stipulation a été faite au profit du bénéficiaire
en vue de le rémunérer pour des soins qu’il a prodigués au stipulant. Enfin, les sommes, rentes ou valeurs
doivent être payables au décès du défunt et ce, indépendamment du fait qu’elles émanent du défunt ou d’un
tiers. Lorsque les stipulations sont faites par le défunt (et non par un tiers), l’alinéa 2 de l’article 8 prévoit une
taxation même lorsque les sommes, rentes ou valeurs sont recueillies dans les trois ans précédant le décès du
preneur d’assurance ou à une date postérieure à son décès.

L’article 8, al. 4 édicte également des règles tout à fait particulières lorsque les époux sont mariés sous un régime
de communauté. Ainsi, si l’assurance est contractée par un époux, pour le cas où il décéderait, au profit de son
conjoint, le capital reçu sera imposé pour moitié, à moins qu’il ne soit prouvé que les primes ont été payées par
des biens propres du défunt, auquel cas le capital sera totalement imposé ou qu’il soit prouvé que les primes
ont été payées par des biens propres du conjoint survivant, auquel cas il n’y aura pas de taxation. Le dernier
alinéa de l’article 8 prévoit enfin quatre exceptions à la taxation, notamment lorsque les capitaux ou rentes
versés le sont sur la base d’une obligation légale (par exemple la pension de veuve d’un fonctionnaire, etc...).

§3. L’évaluation des biens


a) Généralités :

L’article 19 CDS indique que la valeur imposable des biens composant l’actif de la succession est la valeur vénale
au jour du décès, à estimer par les déclarants. La valeur vénale n’est pas définie par le Code. Il s’agit de la valeur
marchande la chose, le prix que l’on peut en retirer en le vendant dans des conditions satisfaisantes. Le mode
habituel de détermination de la valeur vénale est la comparaison avec d’autres ventes de biens de même nature.
Ce procédé n’est toutefois pas imposé. Il n’est, du reste, pas toujours possible pour certaines catégories de biens
(usines, églises, écoles, ...). La valeur vénale est estimée par les déclarants, sous le contrôle de l’Administration,
qui peut relever une insuffisance d’estimation. Dans ce cas, et sauf accord intervenant avec le contribuable après
confrontation des points de vue, le Receveur peut provoquer une expertise de contrôle (art. 111 à 122 CDS).

135
b) L’expertise préalable :

Pour éviter toute éventuelle insuffisance, les déclarants peuvent renoncer à estimer la valeur vénale eux-
mêmes. Ils peuvent demander qu’il soit procédé, à leurs frais, à une expertise préalable de tout ou partie des
biens successoraux - tant meubles qu’immeubles - se trouvant en Belgique (voy. l’article 20 CDS). L’expertise
préalable doit être demandée avant le dépôt de la déclaration et au plus tard avant l’expiration du délai accordé
par la loi pour ce dépôt. Lorsque le délai de dépôt a été prolongé par l’Administration, l’expertise peut encore
être demandée jusqu’à l’expiration du délai prolongé. L’usage de ce droit est irrévocable en ce sens qu’une fois
que les intéressés ont demandé l’expertise préalable, ils ne peuvent plus y renoncer. L’appréciation de l’expert
chargé de l’expertise préalable est souveraine. Elle lie l’administration fiscale et le contribuable. La valeur fixée
par l’expert n’est donc pas sujette à révision même après une vente publique ou une autre vente à un prix plus
élevé. Si l’expert a fixé la valeur vénale du bien à 150.000 € et si le bien est vendu par la suite pour un prix de
250.000 €, la base imposable au droit de succession restera fixée à 150.000 €. Inversement, si le bien n’est vendu
que pour un prix de 100.000 €, il ne sera pas possible de revenir sur la valeur déclarée. La base imposable restera
de 150.000 €.

3. Le passif :

Le passif admissible dans la succession d’un habitant du Royaume se limite aux dettes du défunt existant au
moment du décès et aux frais funéraires (article 27 CDS).

§1. Les dettes du défunt existant au moment du décès :

Il ne peut être admis au passif (sous réserve des frais funéraires) que les dettes du défunt existant au jour du
décès (facture d’hôpital non encore payée, loyers, échéances d’un crédit, ...) et qui ne sont pas éteintes par le
décès (tel serait le cas d’une dette acquittée grâce à une assurance vie).

§2. Les frais funéraires :

Les frais funéraires comprennent tous les frais occasionnés par les funérailles selon les convenances et les usages
habituels, d’après la situation sociale et la fortune du défunt. Sont traditionnellement considérés comme frais
funéraires : les frais des pompes funèbres, les frais du service civil ou religieux, les faire-part, les cartes de
remerciement, les avis nécrologiques dans les journaux, le repas donné le jour de l’enterrement, etc. Les frais
funéraires peuvent être mis au passif de la succession même s’ils ont été payés par un tiers ou ont fait l’objet
d’une indemnité allouée par l’Etat ou toute autre personne. En revanche, si les frais funéraires sont couverts par
une assurance et si l’assureur paie directement les frais funéraires à l’entrepreneur de pompes funèbres, ces
frais ne peuvent être repris au passif. La dette causée par le décès est, dans ce cas, éteinte et ne doit plus être
supportée par les ayants droit.

4. Quelques règles spécifiques :


§1. Le cas particulier de la valorisation de l’usufruit :

Lorsqu’une personne (le plus souvent le conjoint survivant) recueille l’usufruit de biens qui se trouvent en pleine
propriété dans la succession, elle est taxée sur une base imposable calculée selon un pourcentage de la pleine
propriété et ce, en fonction de son âge. Le nu-propriétaire est taxé sur la différence entre la pleine propriété et
l’usufruit. Plus précisément, le Code des droits de succession évalue l’usufruit sur la base d’un revenu annuel
forfaitaire fixé à 4% de la valeur des biens en pleine propriété (art. 21 VI CDS). Lorsque l’usufruit est viager, la
capitalisation s’effectue en multipliant ce revenu forfaitaire par l’un des nombres indiqués par l’article 21 V CDS
(art. 21 VI CDS), par exemple le nombre « 6 » si l’usufruitier a entre 70 et 75 ans. L’usufruit représentera ainsi
24 % (4 x 6) de la valeur vénale du bien tandis que la nue-propriété représentera 76 % de ladite valeur. Si la
succession se chiffre à 50.000 €, cela signifie que l’usufruitier sera taxé à concurrence de 12.000 € (24% de 50.000
€) et le nu-propriétaire à concurrence de 38.000 € (76% de 50.000 €). L’utilisation de ces tables – obsolètes – est
obligatoire pour le calcul des droits de succession (pour l’estimation de l’usufruit au niveau civil, voy. supra).

136
§2. La renonciation à la succession ou à un legs :

Si un héritier renonce à la succession ou si un légataire renonce à son legs, ceux qui bénéficieront de cette
renonciation devront payer, au minimum, les droits qu’auraient dû payer les renonçants (art. 68 CDS). Le but de
cette règle est d’éviter que certains contribuables n’utilisent la renonciation à la succession ou à un legs pour
diminuer le montant des droits de succession à payer. Ainsi, prenons un exemple au taux applicable en Région
de Bruxelles-Capitale.Jean décède en laissant une fille, Angèle. La succession de Jean est évaluée à 250.000 €.
En principe, compte tenu de l’abattement de 15.000 € sur la première tranche (450 €), Angèle va devoir payer
25.300 € de droits de succession.Si Angèle renonce à la succession en laissant elle-même 5 enfants, ces 5 enfants
hériteront chacun de 50.000 € et devraient verser, chacun, en principe, 1.050 €, soit au total, 5.250 € Toutefois,
compte tenu de l’article 68 CDS, ces 5 enfants ne peuvent payer moins que leur mère. Ils devront donc débourser
25.300 €, soit 5.060 € par enfant. Si, à cause de la renonciation, des droits de succession plus importants sont
dus, l’article 68 du Code des droits de succession ne s’applique en revanche pas.

Maintenant, prenons un exemple au taux applicable en Région wallonne. Paul meurt en laissant deux frères,
Pierre et Mathieu. La succession comporte des biens pour un montant de 50.000 €. Chaque frère doit payer des
droits sur sa part, c’est-à-dire 25.000 €. Les droits dus par chacun s’élèvent à 5.625 €. Si Mathieu renonce à la
succession de Paul et s’il n’y a pas substitution, c’est Pierre qui héritera de sa part. Pierre devra donc payer des
droits sur un montant de 50.000 €. Pour le complément de 25.000 €, Pierre devra payer des droits à concurrence
de 8.750 € (35 % de 25.000 €), c’est-à-dire plus que les droits dus par son frère renonçant. Si un testament
renferme des legs qui excèdent la quotité disponible et qui portent, dès lors, atteinte à la réserve des héritiers
réservataires, la renonciation de ces héritiers réservataires à réclamer leur réserve ne tombe en revanche pas
sous l’application de l’article 68 CDS.

Enfin, prenons un dernier exemple : Raymond laisse un fils, Jean et quatre petits-enfants (David, Céline, Marie
et Sandrine). A titre de 1e variante, Jean renonce à la succession de Raymond pour laisser ses quatre enfants
hériter. Dans ce cas, il y aura application de l’article 68 CDS : les quatre enfants de Jean ne peuvent pas payer
moins de droits que ce que Jean aurait dû payer s’il n’avait pas renoncé. A titre de 2e variante, Raymond a fait
un testament qui attribue tous ses biens à ses quatre petits-enfants. La réserve de Jean (1/2 de la succession –
art. 913 cciv) est atteinte mais Jean ne la revendique pas. Dans ce cas de figure, il n’y a pas application de l’article
68 CDS et dès lors, les petits-enfants ne paieront que les droits dus en fonction de leur parenté avec Raymond.

§3. Les donations enregistrées et consenties dans les trois ans qui précèdent le décès du donateur :

Lorsque le donateur a consenti une donation non enregistrée dans les trois ans qui précèdent son décès, la
donation est assimilée à un legs et taxée comme tel (cfr supra, art. 7 CDS).Qu’en est-il si la donation a été
enregistrée, soit parce que l’enregistrement était obligatoire (donation immobilière ou donation mobilière
authentique), soit parce que l’enregistrement a été volontaire (donation mobilière manuelle ou indirecte) ?

a) Le droit wallon :

En ce qui concerne les donations immobilières, nécessairement enregistrées (en vertu de l’article 19, 1° CDE), et
réalisées dans les trois ans précédant le décès du donateur, l’article 66 bis, alinéa 1e CDS prévoit que la base sur
laquelle le droit d’enregistrement a été perçu du chef de ces donations s’ajoute à l’émolument successoral des
intéressés pour déterminer le droit progressif de succession applicable. C’est ce qu’on appelle la « réserve de
progressivité ». En d’autres termes, il ne s’agit pas de taxer une nouvelle fois la donation mais de tenir compte
de la valeur du bien donné, à la date de l’enregistrement de la donation, pour déterminer la tranche de laquelle
on va partir pour calculer les droits de succession dus par le donataire qui vient à la succession, en ce qui
concerne les biens qu’ils recueillent dans la succession. A titre d’illustration, en 2018, Marcel donne à son frère
Yves un garage d’une valeur de 15.000 €.Des droits d’enregistrement ont été acquittés pour un montant de
1.500 € (voy. l’article 131 CDE). En 2019, Marcel décède. Le garage vaut, en 2019, 18.000 €. Yves recueille la
succession de Marcel. L’actif net de la succession s’élève à 50.000 €.

137
Pour calculer les droits de succession dus par Yves (voy. l’article 48 CDS), on prend en considération la donation
du garage (valeur donation) pour déterminer la tranche de laquelle on part pour calculer l’impôt successoral. En
d’autres termes, on ajoute à l’émolument successoral (50.000 €) la valeur du bien donné au jour de la donation
(15.000 €) mais des droits de succession seront calculés uniquement sur 50.000 € (à un tarif plus élevé que s’il
n’y avait pas eu de donation immobilière dans les trois ans précédant le décès). En l’espèce, Yves ne bénéficiera
plus du tarif de la première tranche (20%) et la seconde tranche sera rabotée à concurrence de 2.500 €. Les
droits de succession s’élèveront donc à :

è de 0 à 15.000 € = 0 €
è de 15.000 à 25.000 € (25%) = 2.500 € - de 25.000 à 65.000 € (35%) = 14.000 €
è Total = 16.500 €.

Et, si la donation avait été consentie plus de trois ans avant le décès, l’impôt successoral aurait été calculé
comme suit :

è de 0 à 12.500 € (20%) = 2.500 €


è de 12.500 à 25.000 € (25%) = 3.125 €
è de 25.000 à 50.000 € (35%) = 8.750 €
è Total = 14.375 €.

En ce qui concerne les donations mobilières, enregistrées au taux fixe de 3,3% ou 5,5%, en vertu de l’article 131
bis CDE, elles ne sont pas prises en compte pour le calcul des droits de succession, peu importe que le décès du
donateur intervienne dans les trois ans de la donation (art. 66 bis, alinéa 2 CDS). Ensuite, à titre de nouvel
exemple, en 2017, Evelyne donne à son frère Marc une somme d’argent de 20.000 € par donation indirecte. La
donation est enregistrée. Des droits d’enregistrement sont acquittés pour un montant de 1.100 € (5,5%, voy.
l’article 131 bis CDE). En 2019, Evelyne décède. Marc recueille sa succession dont l’actif net s’élève à 50.000 €.
Marc est taxé sur 50.000 €. On ne tient pas compte de la donation mobilière enregistrée deux ans avant le décès
pour déterminer la tranche à partir de laquelle la taxation en droits de succession aura lieu. L’impôt successoral
sera calculé comme suit :

è de 0 à 12.500€ (20%) = 2.500€


è de 12.500 à 25.000 € (25%) = 3.125 €
è de 25.000 à 50.000 € (35%) = 8.750 €
è Total = 14.375 €.

L’objectif du législateur a été d’encourager les contribuables à faire enregistrer les donations mobilières non
authentiques (qui ne sont pas obligatoirement enregistrables). Si le décès du donateur intervient dans les trois
ans qui suivent la donation, les donations mobilières enregistrées ne sont pas prises en compte pour le calcul
des droits de succession. Il en va bien sûr de même si le donateur décède plus de trois ans après la donation.
Dans ce cas, des droits d’enregistrement auront été payés en pure perte. En effet, dans cette hypothèse, des
droits de succession n’auraient pas pu être réclamés sur la base de l’article 7 CDS puisque la donation est
intervenue plus de trois ans avant le décès du donateur.

b) Le droit bruxellois :

Jusqu’il y a peu, le droit bruxellois connaissait les mêmes règles que le droit wallon. La réserve de progressivité
ne s’appliquait que pour les donations immobilières consenties dans les trois ans précédant le décès (art. 66 bis,
alinéa 1e CDS). Les donations mobilières, consenties dans les trois ans précédant le décès et enregistrées, y
échappaient (art. 66 bis, alinéa 2 CDS). L’ordonnance du 18 décembre 2015 a abrogé l’article 66 bis CDS : cette
abrogation est d’application pour toutes les donations réalisées à partir du 1e janvier 2016. Cela signifie
concrètement que le décès du donateur dans les trois ans qui suivent la donation n’a désormais plus aucune
incidence pour le calcul des droits de succession, même en ce qui concerne les donations immobilières. L’article
66 bis CDS continue en revanche à s’appliquer pour toutes les donations antérieures au 1e janvier 2016.

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Finalement, prenons un exemple récapitulatif (droit wallon) : Jean-Pierre est décédé le 10 janvier 2019. Il laisse
deux successeurs, à savoir une sœur Catherine et un ami, Robert, à qui, par testament, il a légué la moitié de sa
succession. En 2014, il a effectué les donations suivantes :

è Donation d’un terrain (au jour de la donation : 5.000 € et au jour du décès : 5.000 €) à son ami Robert
è Donation à son ami Marc d’une somme de 5.000 €

En 2017, il a effectué les donations suivantes :

è Donation d’un terrain (jour de la donation : 10.000 €, au jour du décès, 15.000 €) à sa sœur Catherine
è Donation d’un garage (jour de la donation : 16.000 €, au jour du décès, 18.000) à sa cousine Charlotte
è Donation (manuel) à son ami Robert de 5.000 € et de titres (jour donation : 5.000, jour décès : 10.000 €)
è Donation manuelle à son amie Marie d’une somme de 5.000 €.

L’actif net de la succession est estimé à 150.000 €. Il est partagé entre Catherine et Robert, chacun pour moitié.
Au niveau de l’établissement de la base imposable dans le chef de Catherine, il y a :

è Imposition à concurrence de la moitié de l’actif net réel, soit 75.000 € ;

è Pas d’application de l’article 7 CDS car pas de donation non enregistrée dans les trois ans précédant le
décès ;

è Application de l’article 66 bis CDS en raison de la donation du terrain consentie en 2016 : ajout fictif de
10.000 € à la masse taxable (prise en compte de 10.000 €, c’est-à-dire du montant correspondant à la
base qui a servi pour la perception des droits d’enregistrement).

è Conclusion : 75.000 EUR seront taxés mais le montant de la première tranche sera « raboté » à
concurrence de 10.000 €.

Au niveau de l’établissement de la base imposable dans le chef de Robert, il y a :

è Imposition à concurrence de la moitié de l’actif net réel, soit 75.000 euros

è Application de l’article 7 CDS : pas eu de droit d’enregistrement perçu sur les 5.000 € et sur les titres
(donations consenties en 2017). Les biens donnés sont fictivement considérés comme légués d’où la
prise en compte de la valeur au jour du décès pour les titres (en raison du principe du nominalisme
monétaire, on ne réévalue pas la donation d’une somme d’argent). 15.000 € (10.000 € + 5.000 €) sont
donc ajoutés à la masse successorale pour la perception des droits de succession ;

è Pas d’application de l’article 66 bis CDS : le terrain a été donné plus de trois ans avant le décès.

è Conclusion : 90.000 € seront taxés (75.000 € + 15.000 €)

Au niveau de l’établissement de la base imposable dans le chef de Marie, il y a :

è Application de l’article 7 CDS : pas eu de droit d’enregistrement perçu sur les 5.000 €.
è Conclusion : 5.000 € seront taxés, dans le chef de Marie, au niveau des droits de succession.

Au niveau de l’établissement de la base imposable dans le chef de Marc, c’est le néant car la donation a été
réalisée plus de trois ans avant le décès. Au niveau de l’établissement de la base imposable dans le chef de
Charlotte, c’est le néant aussi : l’article 66 bis, alinéa 1e CDS n’est pas applicable puisque Charlotte ne vient pas
à la succession. Il n’y a donc pas lieu de tenir compte de la valeur du garage au jour de la donation pour fixer la
tranche de laquelle on part pour taxer en droits de succession.

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5. Le calcul des droits de succession :

Le tarif des droits de succession de même que les éventuelles réductions ou exemptions varient de Région en
Région. Il est détaillé aux articles 48 et suiv. du Code. Pour déterminer les décrets et ordonnances applicables, il
y a lieu de tenir compte du lieu du dépôt de la déclaration de succession. En effet, les règles applicables sont
celles de la Région où la déclaration a été déposée et ce, peu importe la situation des biens imposables. Ainsi, si
le défunt était domicilié fiscalement à Bruxelles, c’est le droit de la Région Bruxelles-Capitale qui est d’application
pour l’ensemble de la succession, y compris pour ce qui concerne l’immeuble dont le défunt était propriétaire à
la côte belge. Il serait trop fastidieux, dans le cadre du présent cours, d’énumérer les règles en vigueur dans
chacune des Régions car elles varient parfois sensiblement d’une Région à l’autre et cette matière est en
perpétuel mouvement législatif. Les droits de succession sont, en principe, calculés sur la part nette recueillie
par chaque ayant droit suivant un tarif progressif qui varie suivant le degré de parenté qui existait entre le défunt
et les ayants droit87. Il sera également tenu compte du lien d’alliance au sens large existant entre le défunt et
l’héritier (conjoint, cohabitant légal (suivant le droit wallon, pour autant que les cohabitants légaux étaient
domiciliés ensemble, cfr art. 3 CDS). Pour la détermination du tarif, il importe peu de savoir en quelle qualité le
parent vient à la succession : comme héritier, comme légataire ou en ces deux qualités. Le tarif applicable est
celui en vigueur au jour du décès (article 61 du Code des droits de succession). Par ailleurs, la Région de
Bruxelles-Capitale et la Région wallonne prévoient certains abattements. Ainsi, ce qui est recueilli par un héritier
en ligne directe appelé légalement à la succession, par le conjoint survivant ou le cohabitant légal survivant est
exempt de droits de succession à concurrence de :

è La première tranche de 15.000 € en Région de Bruxelles-Capitale (art. 54, 1° CDS)

è La première tranche de 12.500 € en Région wallonne et, à concurrence d’un montant supplémentaire
de 12.500 €, lorsque la part nette recueillie par cet ayant droit n’excède pas 125.000 € (art. 54, 1° CDS)

L’abattement est augmenté, en faveur des enfants du défunt ayant moins de 21 ans, de 2.500 € pour chaque
année entière restant à courir jusqu’à leurs 21 ans. Il est aussi augmenté, pour le conjoint survivant et le
cohabitant légal survivant, de la moitié des abattements supplémentaires octroyés aux enfants communs âgés
de moins de 21 ans (art. 54 CDS, 1° CDS). Ainsi, à titre d’exemple en Région wallonne (voy. les articles 48 et 54
CDS), Robert décède en laissant son conjoint, Marie, âgée de 52 ans et trois enfants, Catherine, Philippe et Jean-
Luc âgés respectivement de 24, 18 1⁄2 et 15 1⁄2 ans et un petit-enfant, Christophe. La succession s’élève à
162.500 €. Robert a rédigé un testament par lequel il fait un legs particulier de 12.500 € en faveur de Christophe.
Marie sera taxée sur une base imposable de 150.000 € (162.500 € - 12.500 €) en usufruit (art. 745 bis, §1, al. 1
C. civ.). Compte tenu de son âge, son usufruit représente 78.000 € (4x 13= 52% de 150.000 €) = 78.000 €.
La part de Marie n’excédant pas 125.000 €, elle bénéficie d’un double abattement (2 x 12.500 €). Elle bénéficie,
en outre, de ½ des abattements supplémentaires dont bénéficient ses deux enfants âgés de moins de 21 ans :
5.000 € pour Philippe (encore deux années entières jusqu’à ses 21 ans) et 12.500 € pour Jean-Luc (encore cinq
années entières jusqu’à ses 21 ans), soit 8.750 €. Montant total de l’abattement = 33.750 €. Marie paiera donc :

è Jusqu’à 33.750 € = 0€
è De 33.750 € à 50.000 € = 5% sur 16.250 € = 812,50 € ;
è De 50.000 € à 78.000 € = 7% de 28.000 € = 1.960 €.

® TOTAL = 2.772,50 €.

Catherine sera taxée sur 50.000 € en nue-propriété, soit sur 24.000 € (48% de 50.000 €) : elle a droit à une
exemption de 2 x 12.500 €. Elle ne paiera donc rien. Philippe est âgé de 18 1⁄2 ans : il a droit à un abattement
supplémentaire de 5.000 €. Il ne paiera donc rien non plus.Jean-Luc est âgé de 15 1⁄2 ans : il a droit à un
abattement supplémentaire de 12.500 €. Il ne devra rien payer non plus. Christophe n’étant pas un héritier
légalement appelé à la succession, il ne bénéficiera pas d’abattements. Il sera taxé sur 12.500 € (le montant de
son legs) à concurrence de 3% (tarif en ligne directe, tableau I) = 375 €.

87 Une globalisation a toutefois lieu en droit bruxellois à partir du tarif applicable entre oncles/tantes, neveux/nièces.

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