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La vie est un songe

Première journée

Scène 1.

Au sommet d’une montagne apparaît Rosaure, habillée en homme.

Rosaure : Saleté de canasson !! Mais pourquoi ce pays s’acharne-t-il contre une pauvre
personne comme moi ?!

Entre Clarin, le valet.

Clarin : Dis plutôt deux personnes et ne me laisse pas au rancart lorsque tu te plains. Parce
qu’en général, on ne se partage que les ennuis, le reste, tu le gardes pour toi !

Rosaure : Il est tant de plaisir à se plaindre, disait le philosophe, que rien que pour le plaisir
de se plaindre, on devrait rechercher les malheurs.

Clarin : Ce philosophe n’était qu’un vieil ivrogne !

Rosaure : Regarde Clarin ! N’est-ce pas un palais au loin devant nous ?

Clarin : Si ! Approchons-nous et voyons s’ils ont de quoi manger.

On entend un bruit de chaines.

Clarin : Ciel ! Qu’entends-je ?

Rosaure : Je ne suis qu’une masse immobile de feu et de glace.

Sigismond, en coulisse : Ah ! Malheureux de moi ! Ah, misérable !

Rosaure : Quelle triste voix ! Regarde Clarin ! Quelque chose s’approche de nous !

Entre Sigismond avec des chaines et des peaux de bête.

Sigismond : Ah ! Malheureux de moi ! Ah, misérable ! Mais qu’ai-je fait pour être
emprisonné ainsi depuis ma naissance, quel crime ai-je commis ? Les autres ne sont-ils pas
nés ? Et s’ils sont nés aussi pourquoi suis-je prisonnier et pas eux ? Ah ! Je voudrais arracher
par lambeaux des morceaux de mon cœur !

Rosaure : Ces paroles me remplissent de crainte et de pitié.

Sigismond : Qui est là ? Est-ce toi Clothalde ?

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Clarin , à part : Répond-lui que oui.

Rosaure : Un pauvre égaré seulement, qui a écouté ta plainte.

Sigismond : Ah ? Je vais donc te tuer pour que tu ne saches pas que je sais que tu sais mes
faiblesses.

Il l’empoigne.

Clarin : Moi je suis sourd, je n’ai rien entendu.

Rosaure : Si tu es un être humain, laisse-moi partir !

Sigismond : Ta voix a su m’attendrir, ta présence a su m’arrêter.


Qui es-tu ?
Quoique je ne sache ici que si peu de chose du monde, car cette tour pour moi a été à la fois
mon berceau et ma tombe ; cette tour où je vis misérable, en squelette vivant ;
et quoique je n’aie jamais parlé qu’au seul homme que j’aie jamais vu, grâce à qui j’ai
quelques notions du ciel et de la terre ;
et quoique ici je sois l’homme des fauves et le fauve des hommes, toi seul tu as pu provoquer
l’éblouissement dans mes yeux.
Toutes les fois que je te vois, je t’admire à nouveaux ; et plus je te regarde plus je désire te
regarder.

Rosaure : Je ne sais que te dire sinon que le ciel m’a guidé en ces lieux afin que je sois
consolé, si toutefois cela peut être une consolation pour un malheureux que de voir un autre
plus malheureux que lui.
Aussi pour le cas où mes peines t’offriraient quelques réconforts, écoute-les attentivement…
Je suis…

Clothalde à la cantonade.

Clothalde : Gardes ! Deux personnes ont forcé l’entrée de la prison !

Scène 2.

Sigismond : Voici Clothalde, mon geôlier.

Clothalde : Arrêtez-les ou tuez-les !

Clarin : Gardes de cette tour, puisque vous nous donnez le choix, il est plus simple de nous
arrêter.

Clothalde : Ô vous qui dans votre ignorance, avez franchi l’enceinte et la limite de ce lieu
interdit par un décret du roi, qui ordonne que nul n’ose examiner le prodige qui gît entre ces
rochers ! Rendez vos armes et vos vies ou bien tâtez de ces épées !

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Sigismond : Avant, ô maître tyrannique, que tu ne les offenses ou les outrages, je veux mettre
en pièces mon corps de mes mains, de mes dents, parmi ces rochers, plutôt que j’assiste à leur
malheur !

Clothalde : Pourquoi ces fanfaronnades ?


Fermez la porte de cette étroite prison et qu’il y demeure caché.

On referme la porte sur lui

Rosaure : Ayant vu que l’orgueil te déplait fortement, humblement je te demande une vie à
tes pieds. Laisse pour lui la pitié t’émouvoir.

Clarin : Et si ni l’Humilité ni l’Orgueil ne te plaisent, moi qui ne suis ni humble ni fier, je te


demande de nous secourir, de nous protéger.

Clothalde : Otez-leur leurs armes et attachez leurs yeux pour qu’ils ne voient pas comment ni
par où ils sortent.

Rosaure : Voici mon épée.

Clarin : Et voici la mienne.

Rosaure : Et si je dois mourir, je te recommande de la garder.


Quoique j’ignore quel secret peut y être attaché, je sais que c’est en me fiant à elle seulement
que je viens en Pologne me venger d’un outrage.

Clothalde : Qui te l’a donné ?

Rosaure : Une femme.

Clothalde : Comment s’appelle-t-elle ?

Rosaure : Je ne puis révéler son nom.

Clothalde : D’où sais-tu que dans cette épée il y a un secret ?

Rosaure : Celle qui me l’a donnée m’a dit :


« Va en Pologne et faisen sorte que nobles et gentilshommes voient sur toi cette épée. L’un
d’entre eux te viendra en aide et te protègera. »

Clothalde : (à part) (Qu’entend-je ? Est-ce illusion ou vérité ? Voici l’épée que j’ai laissée à
la belle Violante en précisant que celui qui la porterait trouverait en moi l’amour que j’aurai
pour un fils, la tendresse d’un père.
Que dois-je faire ? Le conduire au Roi c’est le conduire à la mort. Et je ne puis le cacher au
Roi…
Mais pourquoi hésiter ? La fidélité au Roi ne passe-t-elle pas avant la vie, avant l’honneur ?
Je vais donc me rendre auprès du Roi et lui dire que c’est mon fils et qu’il le tue. Peut-être que
la pitié que je saurai lui inspirer sauvera la vie de mon fils et ainsi je l’aiderai à se venger.
Mais si le Roi lui inflige la mort, il mourra sans savoir que je suis son père.)

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Venez avec moi étrangers !

Il sortent.

Scène 3.

D’un côté entre Astolphe avec une suite de soldats, de l’autre Etoile avec ses dames de
compagnie.

Astolphe : A la vue de ces rayons sublimes qui éblouissent mes sens, ma voix ne peut être
que le messager de mon cœur et vous avouer qu’aujourd’hui mon âme ne voit en vous que son
unique souveraine.

Etoile : Sachez qu’il est fort vilain, Monsieur, et digne seulement d’une bête féroce, que de
caresser de la bouche et de tuer en intentions.

Astolphe : Vous suspectez la loyauté de mes hommages ? Je vous prie d’écouter ma cause :
Eustorgues III, Roi de Pologne, mourut, laissant pour héritier Basyle ainsi que 2 filles de qui
vous et moi sommes nés.
Basyle, qui à présent fléchit sous l’injure du temps, est devenu veuf sans avoir d’enfants.
Nous prétendons donc tout deux au trône. Vous faites valoir d’avoir été la fille de la sœur
ainée ; moi …que je suis un homme.
Il a répondu qu’il voulait nous réconcilier ; C’est dans cette intention que je suis venu ici :
Pour que vous deveniez Reine, MA Reine, et que notre oncle nous donne sa couronne.

Etoile : Tant de générosité ne laissera pas mon cœur de glace. Cependant je soupçonne que
toutes vos paroles seront démenties par ce portrait que je vois pendre à votre cou.

Astolphe : A ce propos je peux vous expliquer… mais j’en suis empêché par tous ces
instruments sonores annonçant l’arrivée du Roi.

Roulements de tambours. Entre le Roi Basyle, un vieillard.

Scène 4.

Basyle : Mes chers neveux, prêtez-moi attention :


Vous savez que dans le monde et par ma science j’ai mérité le surnom de Docteur.
Vous savez que les sciences que je cultive et estime le plus sont les subtiles mathématiques,
par lesquelles j’enlève au temps son privilège d’enseigner chaque jour un peu plus.
En effet, quand je vois dans mes livres les évènements neufs des siècles à venir,
je prive le temps de son avantage de raconter ce que je sais.
Cependant celui à qui son savoir apporte le malheur est ennemi de lui-même.
Je peux le dire….mais les évènements de ma vie vous le diront bien mieux :
De Clorilène, mon épouse, j’eus un fils infortuné.
Il naquit sous un tel horoscope, que le soleil, teint de son sang,
se mit avec rage à livrer un duel avec la lune.
Les cieux s’obscurcirent, les édifices tremblèrent,
des nuages tomba une pluie de pierres,
des flots de sang coulèrent dans les fleuves.
Sous ce signe astral de misère, en infligeant la mort à sa mère, naquit Sigismond.

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Moi, me tournant alors vers mes études,
Je vois en elles que Sigismond serait l’homme le plus insolent,
le prince le plus cruel.
Que par sa faute son royaume deviendrait une école de trahisons et une académie des vices.
Que sous ses pieds il allait m’écraser, et que je me verrai devant lui prosterné.

Je décidai d’enfermer la bête qui venait de naître, pour voir si le sage pouvait surpasser le sort.
On annonça que l’enfant était mort en naissant et je fis bâtir une tour.
C’est là que vit Sigismond, misérable, pauvre et captif,
Où nul autre que Clothalde ne lui a parlé.
Il lui a enseigné les sciences, il l’a instruit, il a été le seul témoin de ses misères.

Il s’agit maintenant de 3 choses :


La première est que je veux délivrer la Pologne de l’oppression d’un roi tyrannique.
La seconde est qu’aucune loi ne déclare que si je veux empêcher quelqu’un d’être un tyran, je
puisse l’être moi-même.
La troisième est que je vois combien mon erreur a été grande de donner autant de crédit aux
évènements qui furent prédits.

Ainsi donc, j’ai décidé de placer dès demain,


sans qu’il sache qu’il est mon fils et votre roi,
Sigismond sur mon trône…en bref de lui donner ma place.

S’il se montre sage et bienveillant, démentant les prédictions,


vous jouirez de votre prince légitime.
Si orgueilleux, violent et cruel il se lance à travers le champ de ses vices,
J’aurai alors accompli mon devoir,
car le rendre à sa prison sera alors non pas cruauté mais justice.

Enfin, si le prince est tel que je vous le dis,


Je vous ferai Roi et Reine,
dans la foi du mariage vous recevrez ce que vous avez mérité.

Astolphe : Que Sigismond paraisse, il lui suffit d’être ton fils !

Basyle : J’apprécie cette marque d’estime et vous en suis reconnaissant.


Vous verrez Sigismond demain.

Astolphe et Etoile sortent.

Scène 5.

Entre Clothalde avec Rosaure et Clarin, il arrête le Roi.

Clothalde : Puis-je te parler ?

Basyle : Clothalde, sois le bienvenu.


Qu’y a-t-il ?

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Clothalde : Un malheur, Sire, vient d’arriver, qui aurait pu être pour moi
La plus grande joie.

Basyle : Poursuis.

Clothalde : Ce beau jeune homme, téméraire ou imprudent, est entré dans la tour,
Seigneur, où il a vu le Prince, et c’est…

Basyle : Ne t’inquiète pas, Clothalde :


Si cela avait eu lieu un autre jour j’avoue que j’en aurai été contrarié ;
Mais j’en ai dévoilé le secret et peu importe qu’il le sache.
Venez me voir plus tard, j’ai en effet à vous informer de beaucoup de choses.
Quant à ces prisonniers…je leur pardonne.

Il sort.

Clothalde : Puisses-tu, ô grand Roi, vivre mille siècles !


(à part) (je ne dirai plus qu’il est mon fils, puisque je peux m’en dispenser)
Pélerins étrangers, vous êtes libres.

Rosaure : Mille fois je baise tes pieds

Clarin : Et moi je les reluque.

Rosaure : Seigneur, tu m’as donné la vie, éternellement je serai ton esclave.

Clothalde : Puisque tu es venu pour te venger d’une offense,


Reprends le glaive brillant que tu as apporté, car un glaive qui fut à moi
– je veux dire l’espace d’un instant – saura te venger.

Rosaure : Sur cette épée je jure de me venger, mon ennemi fût-il très puissant.

Clothalde : L’est-il beaucoup ?

Rosaure : Tellement que je ne puis le dire.

Clothalde : Me le dire ce serait m’interdire de venir en aide à ton ennemi. (ah si je pouvais
savoir qui c’est !)

Rosaure : Sache que mon adversaire n’est rien moins qu’Astolphe, Duc de Moscovie.

Clothalde : Si tu es né Moscovite,
celui qui est ton seigneur naturel a pu difficilement t’offenser.

Rosaure : Plus grand que le ciel est l’outrage qu’il m’a fait.

Clothalde : Parle donc, tu ne saurais dire plus que je n’imagine.

Rosaure : Je parlerai bien…


Il n’est pas à qui il semble appartenir.

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Si je ne suis pas ce que je parais,
Si Astolphe est venu pour épouser Etoile, voyez comme il peut m’outrager !
Je t’en ai dit assez.

Sortent Rosaure et Clarin.

Clothalde : Ecoute, attends, arrête !


Quel est ce labyrinthe confus où la raison ne peut trouver le fil ?
Se pourrait-il qu’elle soit femme et que le monde entier ne soit qu’un vaste prodige ?

Il sort
Noir

Deuxième journée
Scène 1.

Entrent le roi Basyle et Clothalde.

Clothalde : Tout a été exécuté comme tu l’avais ordonné.

Basyle : Raconte-moi, Clothalde, comment cela s’est déroulé ?

Clothalde : Avec le breuvage que tu fis composer,


je descendis dans l’étroite prison de Sigismond.
A peine eut-il ingurgité la liqueur contenue dans le verre,
qu’il rendit sa force au sommeil,
de façon que si je n’avais su que ce n’était là qu’une mort feinte,
j’aurais douté de sa vie.

Là-dessus, tes soldats le menèrent à tes appartements,


Où d’avance étaient préparées la majesté et la grandeur qui sont dignes de sa personne.
Là ils le couchent dans ton lit, où, en attendant qu’il se réveille,
Il sera servi comme toi-même.

Une question seulement me chatouille l’esprit :


Quelle est ton intention en faisant amener de la sorte
Sigismond au palais ?

Basyle : L’influence de son étoile menace mon fils Sigismond


De mille disgrâces, de mille tragédies.
Je veux vérifier si le ciel s’apaise, ou du moins se tempère.
Si la hauteur d’âme de mon fils lui permet de se vaincre, il régnera ;
Mais s’il démontre qu’il est cruel et tyrannique,
Je le renverrai à ses chaînes.

Maintenant tu vas demander pourquoi importait-il de l’amener endormi de cette manière ?

S’il savait qu’il est mon fils aujourd’hui, et qu’il se vît demain pour la seconde fois

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Réduit à sa prison, à sa misère, il en serait profondément désespéré.
Aussi ai-je voulu, en cas de malheur, laisser la porte ouverte à cette possibilité de dire
Que tout ce qu’il a vu ne fut qu’un rêve.

Clothalde : L’idée ne me séduit que partiellement…


Mais voici que l’on dirait qu’il s’est réveillé et s’approche de nous.

Basyle : Je vais me retirer. Toi, accueilles-le, et de toutes les confusions qui assaillent sa
raison, détrompe-le en lui disant la vérité.

Clothalde : Ainsi tu me donnes l’autorisation de tout lui révéler ?

Basyle : Oui, car il se pourrait, s’il sait la vérité, connaissant le danger, qu’il lui soit plus
facile de l’éviter.

Il sort.

Scène 2.

Entre Clarin.

Clothalde : Clarin ! Qu’y a-t-il de nouveau ?

Clarin : Il y a, mon seigneur, que, ayant découvert son identité (à part : en partie du moins)
vous avez conseillé à Rosaure de revêtir ses vrais habits.

Clothalde : Cela paraît plus convenable en effet.

Clarin : Il y a que, changeant de nom et se faisant fort sagement passer pour ta nièce,
aujourd’hui elle est devenue la suivante de l’incomparable Etoile.
Il y a qu’elle est fort bien traitée et servie comme une reine.
Et il y a que moi qui l’accompagne je meurs de faim, et de moi personne n’a cure.
On oublie que je suis Clarin, et que si mon clairon se mettait à sonner, il pourrait dire tout ce
qui se passe au Roi, à Astolphe, à Etoile.

Clothalde : Ta plainte me paraît fondée ; j’y remédierai ;


En attendant, mets-toi à mon service.

Clarin : Voici venir Sigismond !

Scène 3.

Entre Sigismond, habillé tel un roi, accompagné d’un domestique.

Sigismond : Que le ciel me protège ! Que vois-je ? Qu’est-ce là ?


Moi, dans des palais somptueux ?
Moi, entouré de domestiques si pleins de grâce, d’élégance ?
Moi, m’éveiller de mon sommeil au creux d’un lit aussi moelleux ?
Dites-moi, qu’est-il survenu à mon imagination
pendant que je dormais pour me retrouver en ces lieux ?

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Clothalde : Que Votre Altesse, Monseigneur, me donne sa main à baiser.

Sigismond : Clothalde ! Comment se fait-il que celui qui me maltraite en prison,


Me traite avec tant de respect ?
Qu’est-ce qu’il m’arrive ?

Clothalde : Il faut que tu saches, Seigneur, que tu es le Prince héritier de Pologne.


Si jusque là tu as vécu à l’égard du monde,
c’était pour obéir au destin qui laisse entrevoir mille tragédies pour cet Empire
le jour où tu en seras le souverain.
Mais dans l’espoir que, par ta grandeur, tu sauras vaincre les étoiles,
on t’a amené au Palais.
Ton père, le Roi, viendra te voir, et de lui tu sauras ce qu’il reste à savoir.

Sigismond : Eh bien ! Vil, infâme, félon ! Que me reste-t-il à savoir, maintenant que je sais
qui je suis, pour manifester désormais mon orgueil et mon pouvoir ?

Clothalde : Ah ! Malheureux de moi !

Sigismond : Tu as trahi la loi, adulé le Roi, et tu t’es montré cruel envers moi.
Aussi le Roi, la loi et moi nous te condamnons à mourir de mes mains.

Le Domestique : Fuis, Clothalde !

Clothalde : Malheur à toi ! Quel orgueil tu montres, sans savoir que tu rêves.

Il sort.

Scène 4.

Domestique : Considère…

Sigismond : Ecarte-toi de là !

Domestique : Qu’il a obéit à son roi !

Sigismond : Il n’a pas à obéir au roi, son Prince c’est moi !

Clarin : Le Prince a tout à fait raison, et vous, vous agissez fort mal.

Domestique : Qui vous a donné la permission ?

Clarin : Je l’ai prise tout seul.

Sigismond : Toi, qui es-tu, dis-moi ?

Clarin : Quelqu’un qui se mêle de tout, pour ça je n’ai pas mon pareil.

Sigismond : Tu es bien le premier, en ce monde nouveau, qui ait réussi à me plaire.

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Clarin : Monseigneur, en effet je m’y entends pour plaire
à tous les Sigismond qui existent sur terre.

Scène 5.

Entre Astolphe.

Astolphe : Heureux mille fois le jour, ô Prince, où vous apparaissez, emplissant de splendeur
et de joie tous les horizons baignés par le soleil de Pologne.

Sigismond : Que Dieu vous garde.

Astolphe : La seule excuse que je vous accorde pour ne pas m’honorer davantage, est de ne
pas me connaître encore. Je suis Astolphe, Duc de Moscovie et votre cousin. Traitons-nous
d’égal à égal.

Sigismond : Si je dis que Dieu vous garde, cela ne vous suffit pas ?
La prochaine fois que vous me verrez je dirai à Dieu de ne point vous garder !

Domestique : Que votre Altesse considère qu’Astolphe est un grand du Royaume.

Sigismond : Je suis plus grand encore.

Domestique : Malgré tout il convient qu’il y ait plus de respect entre vous.

Sigismond : Eh ! Dites-moi, vous, de quoi vous mêlez-vous ?

Entre Etoile.

Etoile : Que votre Altesse, Monseigneur, soit plusieurs fois le bienvenu sur cette terre qui,
avec gratitude, vous accueille et vous désire.

Sigismond (à Clarin) : Dis-moi donc sans tarder quelle est cette beauté souveraine ?
Quelle est cette déesse humaine ?
Quelle est cette femme si belle ?

Clarin : Seigneur, c’est ta cousine Etoile.

Sigismond : Tu ferais mieux de dire le soleil.


J’accepte votre bienvenue.
Etoile, qui pouvez briller comme le jour et emplir de joie le plus brillant flambeau,
que laissez-vous au soleil si vous vous levez avec le jour ?

Etoile : Comment serait-on plus galant courtisan !

Astolphe (à part) : (S’il lui pend la main, je suis perdu.)

Domestique : Considère, Seigneur, qu’il n’est pas juste de s’enflammer ainsi, surtout en
présence d’Astolphe…

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Sigismond : Ne vous-ai-je point dit de ne pas vous mêler ?

Domestique : Je dis ce qui est juste.

Sigismond : Et trouves-tu juste que j’envoie par la fenêtre le premier importun ?

Il le prend dans ses bras et sort. Tous le suivent  ; il revient aussitôt sur scène.

Sigismond : Morbleu ! Ca lui apprendra !


Etoile sort.

Astolphe : Vous devriez, Seigneur, mesurer davantage vos actes violents.

Sigismond : Eh bien, si vous vous obstinez à me parler sur ce ton,


peut-être ne trouverez-vous pas de tête ou votre chapeau puisse se maintenir.

Astolphe sort.

Scène 6.

Entre le Roi.

Basyle : Que s’est-il passé ?

Sigismond : Ce n’est rien. Je n’ai fait que jeter du haut de ce balcon un homme qui
m’importunait.

Clarin : Prends garde, c’est le Roi.

Basyle : Ainsi donc, dès le premier jour, ton arrivée doit coûter une vie ?
Prince, il m’est fort désagréable, pensant te trouver prévenu,
de découvrir en toi une telle violence.
Je voulais de liens d’amour entourer ton cou ;
mais je repartirai pourtant sans l’avoir fait ;
tes bras me font peur en effet.

Sigismond : Je saurai m’en passer comme je l’ai fait jusqu’ici ;


Un père dont le naturel ingrat m’écarte de ses côtés,
qui m’élève comme une bête féroce,
Et me traite comme un monstre,
Il ne m’importe guère qu’il refuse de m’embrasser,
Quand il m’interdit d’être un être humain.

Basyle : En voilà des façons de me remercier d’avoir fait de toi un Prince !

Sigismond : Et de quoi en cela ai-je à te remercier ?


Me donnes-tu plus que ce qui m’est dû ?
Tu es mon père et mon Roi :
par conséquent toute cette grandeur, c’est la nature qui me la donne de droit.

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C’est à toi plutôt de me remercier que je ne te fasse rien payer.

Basyle : Tu n’es qu’un barbare et un insolent.


L’orgueil te fait perdre la raison.
Ecoute bien ce que je veux te dire :
Sois humble et modeste
Car tu as beau croire que tu es éveillé,
Tu es peut-être en train de rêver.

Il sort.

Sigismond : Non je ne rêve pas,


et tu ne pourras pas m’empêcher d’être
par ma naissance l’héritier de cette couronne.
Si tu m’as vu tout d’abord résigné à mes fers,
c’est que j’ignorais qui j’étais ;
mais je sais désormais qui je suis,
et je sais que je suis un mélange d’homme et de bête.

Scène 7.

Entre Rosaure, en dame, apercevant Sigismond elle tente de repartir.

Sigismond : Ecoute femme, arrête-toi !


Mais que vois-je là ?
(à part) (J’ai déjà vu cette beauté une autre fois.)

Rosaure : (à part) Et moi j’ai déjà vu cette magnificence réduite dans une étroite prison.

Sigismond : Qui es-tu toi que je n’ai jamais vu et qui suscite pourtant mon adoration,
Toi que mon amour si ardemment veut conquérir, que je suis persuadé de t’avoir déjà vue.
Qui es-tu, si belle ?

Rosaure : Je suis une infortunée servante d’Etoile.

Sigismond : Ne dis pas cela !


Dis plutôt le soleil à la flamme duquel resplendit cette étoile.
Comment peux-tu servir moins belle que toi,
quand tu es à la fois la plus belle et la plus jolie,
Soleil, Vénus, diamant, étoile et rose.

Entre Clothalde.

Clothalde (à part) : (je veux ramener Sigismond à la raison, car après tout, c’est moi qui l’ai
élevé. Mais que vois-je ?)

Rosaure : Tes louanges me font honneur.

Sigismond : Ne t’en vas pas, attends.

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Rosaure : Je supplie votre Altesse de me donner congés.

Sigismond : En partant avec une telle violence, tu ne demandes point, mais tu prends congés.

Rosaure : Si tu me le refuses, je compte bien le prendre.

Sigismond : Tu vas m’obliger à passer de la courtoisie à la grossièreté !


Aujourd’hui j’ai jeté un homme du haut de ce balcon.
Il me semblerait tout aussi naturel de jeter ton honneur par la fenêtre.

Clothalde : (Il va vraiment trop loin !)

Rosaure : Ah ! Je comprends ainsi pourquoi le destin prévoyait de si grands scandales, des
crimes, des trahisons, des meurtres pour ce royaume où vous règneriez en Tyran.
Mais que peut faire un homme qui n’a d’un être humain que le nom, un homme cruel,
orgueilleux, barbare, né parmi les bêtes sauvages.

Sigismond : C’était pour éviter d’entendre ces injures


que je me montrais si courtois envers toi.
Si je suis tout cela quand je te parle en bien,
Je vais te donner à présent toute raison de me traiter ainsi.
Allons ! Laissez-nous seuls et fermez cette porte !

Clarin Sort.

Scène 8.

Rosaure : Ecoute-moi…

Sigismond : Je ne suis qu’un tyran ! C’est en vain que tu cherches à fléchir mon cœur.

Clothalde : Seigneur, arrête, écoute !

Sigismond : Vieillard caduc et insensé, Comment es-tu arrivé jusqu’ici ?

Clotahlde : Grâce au son de ta voix, pour te dire de te montrer plus modéré,


si tu souhaites régner.

Sigismond va sortir sa dague, Clothalde le retient et se jette à ses pieds.

Sigismond : Retire de se fer ta main audacieuse !

Clothalde : Jusqu’à ce que viennent des gens qui sauront te calmer, je ne te lâcherai pas…

Une empoignade s’ensuit.

Rosaure : Au secours ! Vite ! On veut tuer Clothalde !

Elle sort.
Entre Astolphe qui s’interpose.

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Astolphe : Qu’est-ce là prince généreux ?
Remets dans son fourreau cette brillante épée !

Sigismond : Dès que je la verrais couverte de ce sang infâme !

Ils tirent l’épée ; entrent le roi Basyle et Etoile.

Clothalde : Seigneur, épargne-le.

Basyle : Eh bien qu’est-il arrivé ?

Astolphe : Rien, Sire, puisque te voici.

Sigismond : J’ai voulu tuer ce vieillard.

Basyle : N’avais-tu nul respect pour ses cheveux blancs ?

Clothalde : Seigneur ce ne sont que les miens et c’est sans importance.

Sigismond : Vouloir que pour des cheveux blancs j’éprouve du respect ?


D’ailleurs il se pourrait bien qu’un jour je vois les tiens à mes pieds, humiliés,
Car je ne suis pas encore vengé de l’injuste façon dont tu m’as élevé.

Il sort.

Basyle : Eh bien, tu vas t’en retourner dormir


et tu croiras que tout ce qui t’est arrivé,
comme tout bonheur de ce monde, ne fut qu’un songe.

Sortent le Roi et Cothalde  ; restent Etoile et Astolphe.

Scène 9.

Astolphe : Que le destin peut paraître cruel envers certains.


Mais pour moi, Madame,
il faudrait être fou pour ne point lui être reconnaissant
de me laisser en votre divine présence.

Etoile : Je ne doute point que ces galants propos ne soient vérités évidentes,
Mais sans doute sont-ils destinés à la dame dont vous portiez à votre cou le portrait suspendu
quand vous êtes venu pour me voir.

Rosaure entre et se cache.

Astolphe : Je ferai en sorte que ce portrait quitte mon cœur pour y laisser entrer l’image de
votre beauté. Je m’en vais le chercher.
(à part)  (Pardonne-moi belle Rosaure, dans l’absence, les hommes et les femmes ne se
gardent pas plus de fidélité.)

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Il sort.

Rosaure : (à part) (je n’ai rien pu entendre.)

Etoile : Astrée !

Rosaure : Madame.

Etoile : Je voudrais te confier un secret.


Je te connais depuis peu, Astrée, et déjà tu détiens les clefs de mon cœur.
Mon cousin, Astolphe, doit se marier avec moi.
Je fus peiné que le premier jour,
il portât suspendu à son cou le portrait d’une dame.
Il est parti le chercher et va le rapporter ici ;
cela m’embarrasse beaucoup qu’il me le remette à moi-même.
Reste-là et quand il reviendra, tu lui diras qu’il te le remette à toi.

Elle sort.
Rosaure : Hélas ! Que dois-je faire ?
Si je dis qui je suis, Clothalde, à qui je suis redevable,
pourrait s’estimer offensé car il m’a demandé d’attendre en silence.
Si je ne dois pas dire à Astolphe qui je suis,
et qu’il vienne à me voir, comment pourrai-je dissimuler ?
Ma voix et mes yeux auront beau essayer de feindre,
mon âme lui dira qu’ils mentent. Que faire ?
Ô ciel, protège-moi, protège-moi !

Scène 10.

Entre Astolphe avec le portrait.

Astolphe : Voici madame le portrait…mais grand Dieu !... Rosaure ?!

Rosaure : Moi Rosaure ? Votre Altesse se trompe.


Je suis Astrée, suivante de votre Etoile.

Astolphe : Rosaure, assez de tromperies !

Rosaure : Je ne comprend point votre Altesse.


Etoile m’a ordonné de vous priez de sa part que vous me rendiez ce portrait,
Et que moi-même je le lui porte.

Astolphe : Tu as beau t’efforcer, que tu sais mal dissimuler, Rosaure !

Rosaure : Je redis seulement que j’attends le portrait.

Astolphe : Puisque tu veux pousser la feinte jusqu’au bout,


Je veux te répondre de même :
Astrée, tu vas dire à l’Infante que j’ai pour elle tant d’estime que,
lorsqu’elle me demande un portrait, je lui envoie l’original.

15
Et tu peux bien le lui porter, puisque tu l’emportes avec toi,
pour peu que tu te portes toi-même.

Rosaure : Moi je viens chercher un portrait,


Que Votre Altesse me le donne,
Je ne m’en irai pas sans lui.

Astolphe : Si je refuse de te le donner, comment pourras-tu l’emporter ?

Rosaure : De cette façon-là !


Lâche-le, ingrat !

Astolphe : Cela suffit, ma Rosaure.

Rosaure : Ta Rosaure, moi ? Tu mens vilain.

Entre Etoile.

Etoile : Astrée, Astolphe, qu’est-cela ?

Rosaure : Tu m’as donné l’ordre d’attendre Astolphe ici-même,


et de lui demander un portrait de ta part.
Demeurée seule, je me suis souvenue que j’en avais un de moi dans ma manche.
De ma main, il tomba par terre ;
Astolphe, qui revient pour te remettre celui d’une autre dame le ramassa,
Et il se montre si rebelle à te donner celui que tu demandes,
Qu’il veut te donner l’autre.
Ce portrait qu’il tient à la main est le mien.

Etoile : Astolphe, lâchez ce portrait.

Elle le lui prend

Astolphe : Madame…

Rosaure : N’est-ce pas mon portrait ?

Etoile : Qui pourrait en douter ?

Rosaure : Maintenant, dis-lui qu’il te donne l’autre.

Etoile : Prends ton portrait et va-t-en.

Rosaure sort.

Etoile : Maintenant donnez-moi le portrait que je vous ai demandé.

Astolphe : Malgré mon vif désir de te servir et t’obéir,


Je ne peux te donner le portrait…

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Etoile : Tu n’es qu’un vil et grossier amant.
Mais je n’en veux plus, garde-le ;
car moi non plus je ne veux pas, en le prenant,
que tu me rappelles que c’est moi qui te l’ai demandé.

Elle sort.

Astolphe : Que le diable t’emporte Rosaure !


Comment, par où et de quelle façon es-tu venue aujourd’hui en Pologne pour me perdre et te
perdre à la fois ?

Il sort.

Scène 11.

Sigismond apparaît comme au début, enchaîné et recouvert de peaux de bête, dormant par
terre. Entrent Cothalde et Clarin, accompagnés d’un soldat.

Clothalde : Laisse-le ici.

Clarin : Reste endormi, Sigismond, sinon tu verrais que la chance a tourné et que ta gloire
n’était qu’illusion.

Clothalde : Au lieu de palabrer,


prépare-toi un beau logis où tu pourras également t’endormir en paix.
Voici l’homme dont tu dois t’emparer, et que dans cette chambre tu dois enfermer.

Clarin : Moi ? Pourquoi ?

Clothalde : Parce que l’on se doit de tenir enfermé


un Clarin qui a tant de secrets à claironner.

Le soldat l’emmène.

Entre le Roi Basyle, le visage dissimulé dans son manteau.

Basyle : Clothalde ?

Clothalde : Sire…

Basyle : Ah, Prince infortuné marqué par le destin…


Va le réveiller, puisque maintenant il a perdu sa force et sa vigueur, avec la potion qu’il a bue.

Clothalde : Il est agité, Sire ; et il parle en dormant.

Basyle : Que peut-il bien rêver à présent ? Ecoutons-le.

Sigismond (parlant dans un demi-sommeil) : Généreux est le Prince qui châtie les tyrans ;
Meure Clothalde entre mes mains ;
Et que mon père baise mes pieds.

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Clothalde : Il veut m’ôter la vie.

Basyle : Il veut à ses pieds me voir prosterné.

Sigismond : Que sur la vaste place du théâtre du monde tous voient triompher de son père le
Prince Sigismond.

Il s’éveille.

Grands dieux ! Où suis-je ?

Basyle : (à Clothalde) Tu sais ce qu’il te reste à faire.


Moi je vais écouter de là.

Il se retire.

Sigismond : Est-ce moi, prisonnier et chargé de chaînes, qui me voit en état ?


Combien de choses ai-je rêvées ?

Est-il l’heure de s’éveiller ?

Clothalde : Oui il est l’heure de l’éveiller. Voudrais-tu passer toute la journée à dormir ?
Dis-moi ce que tu as rêvé.

Sigismond : A supposer que ce fut un rêve, je ne dirai pas ce que j’ai rêvé mais plutôt ce que
j’ai vu.
Je me suis éveillé dans un lit merveilleux qui aurait pu être le lit des fleurs du printemps.
Là, mille gentilshommes, prosternés à mes pieds, m’appelèrent leur Prince et me présentèrent
des parures, des bijoux et des vêtements.
Et toi tu vins changer mes doutes en joie en m’annonçant que malgré l’état où je suis
maintenant, j’étais Prince de Pologne.

Clothalde : Tu as dû me donner une belle récompense.

Sigismond : Pas très bonne : pour ta félonie, d’un cœur hardi et sans faiblesse, deux fois je te
donnais la mort.

Clothalde : Contre moi une telle colère ?

Sigismond : De tous j’étais le maître, de tous je me vengeais ;


Je n’aimais qu’une femme…
Et ce qui prouve bien que cela fût vrai, est que cela seul ne s’achève pas, quand tout s’est
achevé.

Sort le Roi.

Clothalde : Mais même en rêve, il eût convenu d’honorer alors celui qui s’est donné tant de
mal pour t’élever ; même en songe, en effet, ce n’est jamais en vain que l’on pratique le bien.

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Il sort.

Sigismond : Cela est vrai. Eh bien, réprimons alors ce naturel sauvage, au cas où nous aurions
un songe de nouveau. C’est décidé, nous agirons ainsi, puisque nous habitons un monde si
étrange que la vie n’est rien d’autre que songe ; et l’expérience m’apprend que l’homme qui
vit, songe ce qu’il est jusqu’à son réveil.
Le Roi songe qu’il est un roi ; mais qui peut encore vouloir régner, quand il voit qu’il doit
s’éveiller dans le songe de la mort ?
Le riche songe à sa richesse, qui ne lui offre que soucis ;
Le pauvre songe qu’il pâtit de sa misère et de sa pauvreté ;
Et dans ce monde, tous songent ce qu’ils sont, mais nul ne s’en rend compte.
Qu’est-ce que la vie ? Un délire.
Qu’est-ce donc la vie ? Une illusion, une ombre, une fiction ;
Le plus grand bien est peu de chose,
Car toute la vie n’est qu’un songe,
Et les songes, rien que des songes.

Noir

Troisième journée

Scène 1.

Entre Clarin.

Clarin : En cette tour enchantée, me voici emprisonné.


Ici, ma seule compagnie, si je puis dire, ce sont les araignées et les souris.

Bruits de tambours. Une foule. Une voix, en coulisses.

Soldat : Voici la tour où il se trouve. Ouvrez cette porte !

Clarin : Morbleu ! Qu’est-ce qu’ils peuvent bien me vouloir ?

Entrent autant de soldats que possible.

Soldat : Il est là !

Clarin : Il n’est pas là !

Soldat : Sire !

Clarin : Serait-il ivre ?

Soldat : C’est toi qui es notre Prince, permets-moi de baiser tes pieds !
Vive notre illustre Prince !

19
Clarin : C’est pour de bon !
Aurait-on coutume en ce royaume d’emprisonner un homme chaque jour et de le faire Prince,
et ensuite de le renvoyer dans sa tour ?

Soldat : Donne-moi tes pieds !

Clarin : Impossible, j’en ai besoin pour mon propre usage.

Soldat : Nous avons tous dit à ton père lui-même que nous ne reconnaissons pour Prince que
toi seul, et non le duc de Moscovie.
Sors d’ici afin de restaurer ton empire ! Vive Sigismond !

Scène 2.

Entre Sigismond.

Sigismond : Qui parle ici de Sigismond ?

Soldat : Qui est Sigismond ?

Sigismond : C’est moi !

Soldat : Comment donc osais-tu, insolente canaille, jouer les Sigismond ?

Clarin : Moi, Sigismond ? Jamais de la vie ! C’est vous qui m’avez ensigismondé, c’est donc
vous l’imbécile.

Soldat : Grand Prince Sigismond, ton père le grand Roi Basyle prétend te dérober le libre
usage de tes droits et remettre ceux-ci au duc de Moscovie, Astolphe. Mais le peuple, sachant
bel et bien qu’il a un Roi légitime, refuse qu’un étranger vienne le commander.
Aussi suis-je venu te rechercher là où tu vis emprisonné pour que tu nous arraches à un tyran.

Sigismond : De nouveau vous voulez que je songe à une grandeur que le temps détruira ?
Eh bien je ne veux pas, je ne veux pas !
Puisque je sais que toute cette vie est un songe, allez-vous en, ombres qui simulez ;
Je ne veux pas de fausses majestés, je ne veux pas de splendeurs chimériques, qui au plus
léger souffle s’évanouiront.
Il n’est plus pour moi désormais d’illusion car, désenchanté à présent, je sais bien, je sais que
la vie est un songe.

Soldat : Si tu crois que nous te trompons, tourne les yeux afin de voir les gens qui t’attendent
pour t’obéir.

Sigismond : J’ai déjà vu cela comme je le vois maintenant, et ce n’était qu’un songe.

Soldat : Les grands évènements sont toujours précédés de présages. Ce doit être le cas si tu en
as rêvé d’avance.

Sigismond : Tu as raison. Ce fût là un présage ; et au cas où il dirait vrai, puisque la vie est si
courte, rêvons ô mon âme, rêvons de nouveau. Mais en prenant bien soin de ne point oublier

20
qu’il nous faudra un jour nous réveiller. Si nous en sommes bien persuadés, la désillusion sera
moindre.
Vassaux, vous trouverez en moi qui vous délivrera ! Sonnez l’alarme car bientôt vous allez
voir mon immense courage !

Tous : Vive Sigismond ! Vive le Prince !

Scène 3.

Entre Clothalde.

Clothalde : Que signifie ce vacarme ?

Sigismond : Clothalde…

Clothalde : Seigneur…(à part) (Il va encore, sur moi, exercer sa colère.)

Clarin : (à part) (Je parie qu’il va vous l’envoyer du haut de cette montagne !)

Clarin sort.

Clothalde : A tes pieds je viens me prosterner, mais pour y trouver la mort, je le sais.

Sigismond : Relève-toi, car je sais bien tout ce que mon éducation doit à ta grande loyauté.
Donne-moi tes bras.

Clothalde : Que dis-tu là ?

Sigismond : Que je rêve, et que je veux agir selon le bien, car on ne perd rien à faire le bien,
même en songe.

Clothalde : Eh bien Seigneur, si désormais tu mets ton point d’honneur à pratiquer le bien, je
veux en faire autant.
Contre ton père vouloir partir en guerre !
Je ne peux pas t’aider contre mon Roi, ni défendre ta cause.
Me voici à tes pieds ; donne-moi la mort.

Sigismond : Manant, traître, ingrat ! (à part) (Mais je dois me contenir car je ne sais pas
encore si je suis éveillé.)
Clothalde, j’envie votre courage. Allez servir le Roi ; nous nous retrouverons sur le champs de
bataille.

Clothalde : Mille fois je baise tes pieds.

Sigismond : Fortune, allons régner !

Ils sortent.

Scène 4.

21
Entrent le Roi Basyle et Astolphe.

Basyle : Qui pourrait, Astolphe, réussir à calmer prudemment la furie d’un cheval emballé ?
On entend cette rumeur en armes dans tout le pays : Astolphe d’un côté, de l’autre Sigismond.

Astolphe : Sire, si la Pologne, sur laquelle j’espère régner, me refuse aujourd’hui


l’obéissance, c’est afin que je sache d’abord en être digne. Donnez-moi un cheval que ma
foudre s’abatte sur quiconque ne me reconnait pas.

Il sort.

Basyle : Ce que je craignais de ma perte est la cause ;


Moi-même j’ai détruit, moi-même, ma patrie !

Entre Etoile.

Etoile : Sire, dans ton royaume tout n’est plus que disgrâces, tout n’est que tragédie. Il s’en va
dérivant en des flots écarlates.

Entre Clothalde.

Clothalde : Loué soit Dieu, j’arrive vivant à tes pieds !

Basyle : Clothalde, Qu’en est-il de Sigismond 

Clothalde : La populace est entrée dans la tour et des ses profondeurs a fait sortir le Prince.
Celui-ci s’est montré valeureux, déclarant fièrement qu’il accomplirait son destin.

Basyle : Donnez-moi un cheval ; je veux par mon courage vaincre mon fils ingrat.

Sortent Le Roi Basyle et Etoile

Scène 5.

entre Rosaure qui retient Clothalde.

Rosaure : Je sais bien que la guerre est partout, cependant tu dois m’écouter.
Je suis arrivé en Pologne pauvre, humble et malheureuse et en toi j’ai trouvé de la
compassion. Tu m’ordonnas de vivre au palais sous un déguisement et je t’ai écouté.
Malgré mes efforts, Astolphe m’a vue ; mais de m’avoir vue ne l’empêche pas de s’entretenir
avec Etoile.
Ainsi ton audace, ta force, ta fierté pourront défendre mon honneur, puisque tu es résolu
désormais à me venger en lui donnant la mort.

Clothalde : Il est vrai que je pensais lui donner la mort. Mais lorsque Sigismond prétendit me
l’infliger à moi, au péril de sa vie, Astolphe s’approcha et prit ma défense.
Comment voudrais-tu qu’à présent, n’ayant pas le cœur d’un ingrat, je puisse donner la mort à
celui qui m’a donné la vie ?
Ainsi mon cœur et mon souci entre vous deux se partage, voyant que je t’ai donné la vie et
que de lui je l’ai reçue.

22
Rosaure : J’irai donc tuer le duc.

Clothalde : Considère qu’Astolphe doit devenir…

Rosaure : Mon honneur n’a soucis de rien.

Clothalde : Ton roi et l’époux d’ Etoile.

Rosaure : Par Dieu, cela ne sera point !

Clothalde : Alors tu perdras…

Rosaure : je le sais…

Clothalde : La vie et l’honneur.

Rosaure : Je le crois.

Clothalde : Que veux-tu donc ?

Rosaure : Ma mort. L’honneur l’exige.

Clothalde : C’est insensé.

Rosaure : Le courage l’exige.

Clothalde : N’est-il pas de remède à ta passion aveugle ?

Rosaure : Non.

Clothalde : Qui t’aidera ?

Rosaure : Moi seule.

Elle sort.

Clothalde : Si tu dois te perdre, ma fille, attends et courons ensemble à notre perte.

Il sort.

Scène 6.

Roulements de tambours. Entrent le soldat, Clarin et Sigismond, couvert de peaux de bête.

Sigismond : Ô esprit, retiens ton vol ; ne détruisons pas cette gloire incertaine, si je dois en
souffrir, une fois réveillé, de l’avoir obtenue seulement pour la perdre.

Sonnerie de clairon en coulisses.

23
Clarin : Sur ce cheval qui vole bien plus qu’il ne galope, devant toi se présente une femme
fringante.

Sigismond : Sa clarté m’éblouit !

Clarin : Corbleu ! C’est bien Rosaure !

Il sort.

Sigismond : C’est le ciel qui l’envoie de nouveau en ma présence.

Entre Rosaure, portant une épée.

Rosaure : Généreux Sigismond, puisses-tu te lever sur le monde,


pour protéger une malheureuse qui se jette aujourd’hui à tes pieds.
Pour que, saisi de compassion, tu puisses mieux me protéger,
il te convient d’entendre de ma vie les tragiques évènements.
C’est à la cour de Moscovie que je naquis, de mère noble.
Sur elle se posèrent les yeux d’un homme perfide dont j’ignore le nom.
La sotte excuse d’une promesse de mariage,
eut tant d’effet sur elle qu’aujourd’hui encore son esprit s’en repent.
Un tyran, en effet, ne lui laissa que son épée.
De ce nœud malencontreux je naquis,
ressemblant tellement à ma mère que je connus le même destin qu’elle.
L’amant qui ravit les trophées de mon honneur
est duc de Moscovie et se nomme Astolphe.
Astolphe, oublieux de son bonheur, s’en vint en Pologne,
appelé par sa conquête glorieuse, pour épouser Etoile.
Une étoile, dit-on, réunit les amants ;
qui donc peut croire alors,
que ce soit une Etoile qui les divise maintenant ?

Ma mère, qui écouta mes plaintes avec compassion,


me conseilla de le suivre et de le contraindre à payer la dette de mon honneur.
Ma fortune voulut que je m’habille en homme.
Elle décrocha donc une ancienne épée,
celle que je porte à présent au côté.
« Va en Pologne, me dit-elle,
et tâche que les plus grands gentilshommes
voient sur toi le glaive dont tu te pares ;
il se pourrait qu’auprès de l’un d’eux,
ton infortune trouve un accueil compatissant. »
J’arrivais donc en Pologne, mais passons sur cela,
Nous savons bien comment un cheval emballé,
Jusqu’à ta grotte me porta, où de me voir, toi, tu t’émerveillas.
Et là (mais passons encore) Clothalde prend mon parti,
demande au Roi ma vie puis me conseille de revêtir mes vrais vêtements et de me mettre au
service d’Etoile, pour empêcher qu’elle n’épouse Astolphe.
Clothalde, aujourd’hui, est persuadé qu’il lui importe qu’Astolphe et la belle Etoile se
marient et soient couronnés.

24
Mais moi, voyant que toi, ô vaillant Sigismond,
tu prends les armes contre ta patrie et contre ton père,
je viens t’aider.
Allons courage, vaillant capitaine,
il nous importe à nous deux d’empêcher ce mariage concerté ;
à moi pour que celui qui se dit mon époux ne se marie avec une autre,
à toi pour qu’eux deux réunis ne rendent pas notre victoire douteuse.

Sigismond : (A part) (Ô ciel, s’il est vrai que je songe, tenez ma mémoire en suspens.
Si j’ai rêvé la magnificence où je me suis vu, comment se fait-il que cette femme m’en
rapporte un témoignage si précis ?
C’est donc vrai, ce ne fut point un songe.
Et puisque je sais que tout plaisir n’est que flamme brillante qui s’évanouit en un battement de
cœur, sachons mettre à profit l’instant qui nous est imparti.
Rosaure a perdu son honneur, mais il revient au Prince de donner son honneur, et non de
l’enlever. De sa réputation je ferai la conquête.)
Faites sonner aux armes ! Dès aujourd’hui, je livrerai bataille.

Rosaure : Est-ce de la sorte que tu t’en vas seigneur ?


Comment peut-il se faire que tu refuses ainsi de me regarder, de m’entendre ?
Ne tourneras-tu pas ton visage vers moi ?

Sigismond : Rosaure, si ma voix ne répond rien, c’est pour que mon honneur te donne la
réponse.
Si tu n’obtiens pas un regard, c’est qu’il convient que celui qui doit veiller sur ton honneur
n’égare point ses yeux sur ta beauté.

Il sort avec sa garde.

Rosaure : Ô ciel ! Quelles sont ces énigmes !

Scène 7.

Entre Clarin.

Clarin : Madame…

Rosaure : Ah Clarin ! Où donc étais-tu ?

Clarin : Enfermé dans une tour, jouant aux cartes avec la mort, j’ai failli en crever.

Rosaure : Et pour quelle raison ?

Clarin : Pour la raison que je sais le secret de ton identité, et en effet…

Bruits de tambours.

Clothalde : Mais quel est ce bruit ?

Clarin : Du palais assiégé il sort toute une armée pour combattre celle du cruel Sigismond.

25
Rosaure : Eh bien ! Comment ne suis-je pas à ses côtés !

Elle sort.

Scène 8.

Des voix en coulisses : Vive notre Roi invaincu !

D’autres voix : Vive la liberté !

Clarin : Vive la liberté ! Vive le Roi !


Pourvu que l’on ne m’oublie pas !
Caché dans cette retraite, je pourrai voir toute la fête !
L’endroit est sûr et bien dissimulé au milieu de tous ces rochers.
Ici la mort ne me trouvera pas.

Il se cache. Sonnerie aux armes.


Entrent le Roi, Clothalde et Astolphe, fuyant devant l’ennemi.

Basyle : Est-il un Roi plus malheureux ? Est-il un père plus persécuté ?

Clothalde : Voilà que ton armée en déroute reflue, dans le plus grand désordre.

Astolphe : Les traîtres sont vainqueurs.

Basyle : En de telles batailles les fidèles sont les vainqueurs et les traîtres sont les vaincus.
Fuyons Clothalde, fuyons loin de la cruauté d’un fils tyrannique.

Coups de fusils. Clarin s’écroule sur place, blessé.

Clarin : Le ciel me vienne en aide !

Astolphe : Quel est ce malheureux soldat qui vient de tomber à nos pieds ?

Clarin : Je suis un homme infortuné qui voulant se garder de la mort l’a trouvé.
Retournez donc, retournez donc tout de suite au combat sanglant, car parmi les armes et les
coups de feu on est plus en sécurité que sur la montagne la plus protégée.
Ainsi vous aurez beau vouloir éviter la mort en fuyant, sachez que vous allez mourir, si Dieu a
décidé que vous devez mourir !

Il tombe en coulisse.

Basyle : Sachez que vous allez mourir, si Dieu a décidé que vous devez mourir !
Oh ! Ciel ! Comme il incite bien notre ignorance à plus de connaissance, ce cadavre qui par la
bouche d’une blessure parle.

Clothalde : Le destin, Sire, a beau connaître tous les chemins, le sage, du destin, sait se
rendre maître.

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Astolphe : Sire, Clothalde te parle en homme sage et d’âge vénérable ; moi, Sire, en homme
jeune et valeureux. Au milieu des fourrés épais il y a un cheval, enfuis-toi sur lui et moi je
protégerai ta retraite.

Basyle : Aujourd’hui c’est moi qui veut chercher la mort, qui veut l’attendre en face.

Scène 9.

Appel aux armes. Entre Sigismond et ses soldats.

Sigismond : Dans l’épaisseur de ces forêts le Roi se cache, poursuivez-le !

Clothalde : Prends la fuite, Seigneur !

Basyle : Astolphe, écarte-toi !

Astolphe : Que veux-tu faire ?

Basyle : Prince, si c’est moi que tu cherches, me voici à tes pieds.


Foule ma couronne, venge-toi sur mon honneur, fais de moi ton esclave et qu’ainsi le destin
tienne son serment.

Sigismond : Ecoutez-moi, c’est votre Prince qui vous parle !


Mon père, que voici présent devant moi, pour contredire le destin,
fit de moi une bête humaine. Quelle belle solution !
Malgré le sang généreux, la noblesse valeureuse de ma naissance ;
ce genre d’existence, cette façon de m’éduquer ont suffit à rendre indomptables mes mœurs.
Et si ma violence était comme un fauve endormi, ma fureur une épée au repos, on ne peut
vaincre le destin par l’injustice ou la vengeance.
Ce n’est pas avant que le malheur arrive que celui qui le prévoit s’en préserve et s’en garde ;
ce n’est qu’une fois qu’il se retrouve au milieu du danger qu’il pourra s’en défendre.
Que ce rare spectacle, que cette étrange moralité vous servent d’exemple ; car il n’est rien de
plus étonnant que de voir, malgré tant et tant de précautions, mon père à mes pieds prosterné.
Mais telle fût la sentence du ciel, il eut beau vouloir l’éviter, il ne le put ; et moi, plus jeune,
moi, dont la science et la valeur sont moindres, comment pourrai-je vaincre l’arrêt du ciel ?

Seigneur, relève-toi, et donne-moi la main. Puisque le ciel te désabuse de l’erreur que tu


commis, quand tu voulus le vaincre ainsi : voici ma tête ; humblement elle attend ta
vengeance ; à tes pieds me voici prosterné.

Basyle : Mon fils, une si noble façon d’agir te fait renaître à mes yeux : tu es le Prince, c’est
toi qui es vainqueur ; et tes exploits sont ta couronne.

Toute l’assistance : Vive Sigismond !

Sigismond : Puisque désormais mon courage s’apprête à de grandes victoires, ma première


décision sera qu’Astolphe, sur le champ, donne la main à Rosaure.
Il sait bien que telle est la dette de son honneur.

27
Astolphe : S’il est vrai que je lui dois réparation, je te fais observer qu’il serait pour moi vile
infamie d’épouser une femme qui ne soit pas de haute…

Clothalde : N’ajoute rien, attends ! Rosaure est en effet aussi noble que toi, et mon épée, sur
le terrain s’en portera garant ; elle est ma fille, cela suffit.

Astolphe : Que dis-tu là ?

Clothalde : L’histoire est fort longue, mais je te dis qu’elle est ma fille.

Astolphe : Puisqu’il en est ainsi, je tiendrai ma parole.

Sigismond : Eh bien, pour qu’Etoile ne demeure point sans consolation, moi, de ma propre
main, je lui donnerai un époux.
Etoile, donne-moi ta main.

Etoile : Je gagne à mériter un tel bonheur.

Sigismond : Quant à Clothalde qui a servi fidèlement mon père, mes bras ouverts l’attendent,
et toutes les faveurs qu’il me demandera.

Basyle : Ton esprit de tous fait l’admiration.

Astolphe : Comme son naturel est métamorphosé !

Rosaure : Qu’il est sage et prudent !

Sigismond : Qu’y a-t-il là qui vous émerveille et vous étonne ?


Puisque mon maître fut un songe, et que dans l’angoisse je crains de m’éveiller et de me
trouver de nouveau enfermé au fond de ma prison ?
J’ai appris que tout le bonheur de ce monde, à la fin passe comme un songe, et je veux en
jouir, durant le temps qu’il durera, demandant pardon de nos fautes, car le pardon est bien le
propre des cœurs nobles et généreux.

Noir

FIN

28

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