Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Tous droits réservés. Toute reproduction ou transmission, même partielle, sous quelque forme que ce soit,
est interdite sans l’autorisation écrite du détenteur des droits.
Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit constitue une contrefaçon passible de peines
prévues par la loi no 92-597 du 1er juillet 1992 sur la protection des droits d’auteur.
Le logo Third Éditions est une marque déposée par Third Éditions, enregistré en France
et dans les autres pays.
Cet ouvrage à visée didactique est un hommage rendu par Third Éditions à la compilation
de jeux vidéo Final Fantasy VII.
L’auteur se propose de retracer un pan de l’histoire des jeux vidéo Final Fantasy VII dans ce recueil unique,
qui décrypte les inspirations, le contexte et le contenu des jeux de la compilation Final Fantasy VII à travers
des réflexions et des analyses originales.
Final Fantasy VII & Final Fantasy VII Remake sont des marques déposées de Square Enix.
Tous droits réservés.
Les visuels de couverture sont inspirés des jeux de la série Final Fantasy VII.
_SOMMAIRE
[ 1 . 0 LA SAGA FINAL FANTASY VII REMAKE]
//SUPPORTS COMPACTS
[POUR CONSERVATION NUMÉRIQUE]
SECTEUR 01
壹
01
PS1 PS4 PS5
Seven seconds
till the end
末日前七秒
/ Où sommes-nous ?
/ Séphiroth : Aux confins du monde.
9
mentale opaque et monochrome où, naguère, le joueur déclenchait
l’emblématique attaque Omnislash. Dans une posture familière, tous
deux se défient. Le joueur n’a pas de touches à enfoncer, pas d’interac-
tions, il reste passif. Les protagonistes croisent le fer un court instant
jusqu’à ce que leurs lames s’entrechoquent côte à côte. Il n’y a pas de
victoire ou de défaite, mais dans l’intensité des regards, du visage
verdâtre de Cloud et du front carmin de Séphiroth, l’on croit percevoir une
éruption solaire, comme l’aurore boréale rougeoyante observée
au-dessus de la Terre en 2015 depuis l’ISS par l’astronaute américain
Scott Kelly. En cet instant, nous ne savons pas pourquoi Séphiroth tient à
s’arrêter longuement pour disserter face à la Voie lactée ; peut-être pour
semer les graines du doute dans notre esprit. Sûrement que le moment
est différent de 1997, ne porte pas le même enjeu. Entre la vie et la mort,
ce ciel astral est l’écho d’un destin vieux de vingt-trois années ; une
marque persistante et macabre que l’on distingue depuis la réalité du jeu.
Shûichi Katô 1 : La représentation typique du « temps » dans la culture Cette conclusion de Final Fantasy VII Remake en a laissé plus d’un
japonaise est une forme de présentisme 2 […] Il n’est pas nécessaire circonspect quant à sa signification. Sûrement car une partie du message
d’indiquer les relations avec les événements du passé ou du futur pour passe par la compréhension des codes culturels du pays. Au Japon, on
en appréhender la signification 3. considère que trois types de temps coexistent : le temps linéaire dans sa
plus pure expression, comme si depuis le Big Bang une ligne droite avan-
çait vers l’infini ; ensuite le temps cyclique, celui des saisons, qui tourne
autour de l’être et qui revient indéfiniment (printemps, été, automne,
hiver) ; et enfin le temps de la vie, celui qui comporte un début et une fin,
1. Shûichi Katô (1919-2008) était un historien des idées, encyclopédiste et médecin japonais. Il notre présence sur Terre, notre expérience de la mortalité. Dans cet
était une grande figure du monde intellectuel japonais, possédant une connaissance espace final, ni le temps linéaire ni le temps cyclique ne semblent
approfondie de la culture japonaise mais aussi de la culture occidentale.
2. Qui ne considère que le moment présent.
perceptibles, nous habitons un présent en suspension. Ce qui vient
3. Shûichi Katô, Le Temps et l’espace dans la culture japonaise, CNRS éditions, Paris, 2009, marquer une singularité de cette représentation du temps japonais, c’est
p. 241. cette omniprésence du « maintenant ». L’instant présent japonais est à
10 11
comprendre comme un espace élastique, qui englobe l’immédiat ainsi locuteurs et les lieux, avant d’indiquer l’action ou le temps, pour que
que le proche passé et le proche futur. Ce lieu de retrouvailles qui semble seulement à son terme, l’on puisse mettre un sens sur ces mots ; en définir
hors cadre sert à exprimer une sorte « d’hyper maintenant », qui vient un paysage complet.
sortir Cloud et Séphiroth du jeu pendant un bref délai, comme brisant le
quatrième mur 4. Dans cet espace de pause qui ne répond plus aux Séphiroth : Plus que sept secondes avant l’apocalypse.
logiques du temps linéaire, on perd également les repères du cycle des
saisons, qui est pourtant le socle esthétique du Japon, dont les haïkus 5 L’avenir ne dépend que de toi,
sont les plus vifs représentants. Menacés par le réchauffement clima-
tique et l’effondrement qu’il implique, les Japonais redoutent de perdre Cloud.
l’aspect visuel et cyclique des saisons qui impactent le monde autour
d’eux. Ce rapport à la fatalité du retour, du temps qui vient, du temps qui
s’enfuit, de ce sentiment de Mujô 無常 – « d’impermanence » –, de l’éphé-
mère et de l’éternel retour. Là où Final Fantasy VII Remake se ferme, c’est
perdu dans un espace qui ne peut rendre compte de la temporalité.
Sommes-nous dans le futur ou dans le passé ? Peut-être au milieu de
tout cela. En tout cas, c’est une scène qui vient révéler la nature du jeu
que nous venons de terminer, et de ses suites à venir. Qui, par les répliques
de Séphiroth, tend la main vers l’inconnu 6. Un intervalle qui esquisse une
bascule pour l’aventure.
12 13
[ 2 . 0 LA SAGA FINAL FANTASY VII REMAKE]
<ORGANIGRAMME> _ SHINRA : 神羅 //
PRÉSIDENT SHINRA
FONDATEUR DE LA SHINRA
SHINRA NEWS
NETWORK
SECTEUR 02
貳
RUFUS SHINRA
VICE-PRÉSIDENT,
FILS DU PRÉSIDENT
02
PALMER SCARLET HEIDEGGER HÔJÔ REEVE
DÉPARTEMENT DE DÉPARTEMENT DE DÉPARTEMENT DE DÉPARTEMENT DÉPARTEMENT DE
RECHERCHE SPATIALE DÉVELOPPEMENT MILITAIRE SÛRETÉ PUBLIQUE SCIENTIFIQUE DÉVELOPPEMENT URBAIN
SOLDATs
Midgar, Mako city
魔晄都市 米德加
Ouverture
/ Kazuyuki Ikumori (réalisateur des cinématiques sur Remake) :
Midgar… Depuis ma contribution au développement du jeu original,
j’ai retouché les sections de la ville et me suis chargé de son évolution
dans les titres sortis ensuite, mais sans jamais imaginer que je la
fréquenterais aussi longtemps. Quand je songe à tous les personnages
qui y ont grandi, je me dis que Midgar est bel et bien le point de départ
de Final Fantasy VII 1.
Le livre que vous tenez entre les mains s’articule autour d’un voyage
urbain. Celui que réalise le joueur lorsqu’il parcourt Final Fantasy VII
Remake. Aussi, nous avons construit cet ouvrage comme une géogra-
phie, en suivant le périmètre de jeu qu’imposent les murs de la mégalo-
pole. Chacun des chapitres est une localisation de l’histoire que vous
découvrirez au rythme de l’aventure. De secteur en secteur, des taudis
jusqu’à la tour Shinra, vous saurez tout de cette ville-dédale nommée
Midgar. Tellement que l’on peut aller jusqu’à la personnifier. Disons-le
tout de suite : Midgar est le personnage principal de ce jeu. Titan cyber-
punk 2 qui nous observe tout au long de notre parcours. Celle-ci incarne
une utopie d’hier, dont la présence est devenue un danger pour la nature.
Un lieu contradictoire, hostile à la vie mais abritant de nombreuses âmes.
C’est le cadre d’une rencontre, entre les héros et leur destin commun ;
entre le jeu et nous. Un territoire duquel nous nous échapperons en fin
de partie, qui à la manière d’un tremplin propulsera avec force et
détermination les événements à un autre épisode, dans une saga en
devenir.
17
Survoler au grand jour Celle qu’il connaît déjà, à laquelle il s’attend : la promesse de contempler
la ville de Midgar par un plan zénithal et nocturne.
Vingt-trois années séparent la sortie initiale de Final Fantasy VII de
celle de son remake. Un fantasme s’est construit autour de ce dernier, de
la plastique qu’il allait revêtir. Aussi, cette nouvelle réalité choisit de se Poupées russes
jouer de nous au moment d’apparaître. La cinématique introductive de
Remake travaille sur ce sentiment d’attente et prend son temps pour se Remake s’ouvre ainsi en poupées russes, par paliers. En plein jour, dans
dévoiler dans son entier. Une sorte de strip-tease architectural, où le tissu une crudité de l’éclairage que l’on ne lui connaissait pas. Étonnamment,
urbain se met à nu morceau par morceau, avant de se contempler de la c’est aussi pour ne plus jamais apparaître ainsi. De toute l’aventure, le
tête aux pieds. Le spectateur qui lance une nouvelle partie survole d’abord joueur n’aura la possibilité de revoir les hauteurs de ce monde sous une
des terres arides où la vie n’existe plus. Une brume habite ces montagnes lumière diurne, sans l’artificiel des néons de la nuit. Le décor se pare bel et
où seul un rapace ose encore s’aventurer. Avec ce regard perçant qui le bien d’un éclairage propre au jeu, comme un spectacle sous les projec-
caractérise, l’oiseau nous sert de guide vers notre proie : Midgar. S’opère teurs, pour que puisse se vivre la grande première. C’est ainsi, dans le
alors une rencontre symbolique entre les ailes déployées de l’animal et reflet de l’œil d’un enfant jouant au parc, que le joueur bascule vers l’ou-
les ailes métalliques de la plaque supérieure. Un contraste entre la légè- verture de 1997. On traverse ici un autre voile, une mise en abyme de
reté de la plume et le poids de la structure urbaine, qui se cache derrière notre condition de joueur qui désire accéder à l’expérience. On perçoit
ses vapeurs opaques, laisse deviner des grues et d’autres installations de dans le reflet l’un des gigantesques réacteurs qui séparent le cœur de la
chantier situées aux extrémités de la ville. L’oiseau nous largue dans le plein ville du périurbain. Ses vapeurs deviennent incandescentes, donnant à
de la mégalopole, comme le ferait un remorqueur sortant un paquebot du voir une volute plus radioactive. Le ciel s’assombrit, se remplit d’étoiles, et
port. Conviés derrière l’écran de fumée, nous mettons un visage sur un nom. la scène n’a plus rien de figuratif. Des violons s’accordent en jouant la
C’est une structure escarpée, comme le suggère son étymologie nordique, note de musique la, comme le font les orchestres au début d’un concert.
une « enceinte du milieu 3 » aux bâtisses verticales. À première vue, il est Notre souffle se retient : nous sommes de retour dans Final Fantasy VII. Il y
difficile d’avoir une représentation claire de ce maillage d’immeubles, de a un emboîtement particulier dans ce moment qui convoque une image
dégager une perspective. Tout est bouché par des enchevêtrements. fondatrice du J-RPG 4. Cet espace d’avant-jeu a divulgué les coulisses
Dans les lumières vaporeuses du jour, les routes et les ponts se greffent d’un nouveau titre. Finalement, un vestibule créé pour le spectateur
aux surfaces vitrées des constructions. Un lierre grimpant des tuyaux aux comme une anacrouse en musique, une phrase musicale qui ne
formes organiques envahit les constructions pour acheminer au plus commence pas sur une mesure complète. Une sorte de mesure zéro
haut l’énergie dont raffole cette cité. Le gris sature l’espace. Tout est qui permet l’accroche de l’écoute, qui lance le morceau sur le temps.
d’acier et de béton. Les surfaces sont si polies que des images s’y Sous le soleil, nous appartenons à un espace d’accordage, le temps
produisent par réflexion, créant de la confusion : entre le tubulaire du que tout le monde rejoigne son siège.
métro aérien, du tuyau d’écoulement, du building-tourelle ou des chemi-
nées évacuant d’autres métaux lourds. L’œil est noyé. Impossible de voir Preuve supplémentaire de ce caractère d’entre-deux, le 14 février 2020,
le sol, les constructions sont denses et tournées les unes sur les autres, quelques semaines avant la sortie du jeu, cette même introduction fut
permettant d’imaginer une concentration de population inouïe. La diffusée en guise de bande-annonce. Une façon de sortir cet avant-jeu
caméra qui nous guide opère un mouvement de descente jusqu’à une du cadre ludique, de précéder l’expérience du jeu lui-même. Un élément
croûte goudronnée où vivent les habitants. Retourner ainsi à une échelle publicitaire qui prépare le joueur, comme une purification par l’eau, à
humaine permet de connaître leur quotidien dans ces fumées indus- plonger dans l’aventure. Devait-elle vraiment être publiée ? On peut
trielles où la présence de végétal semble impossible. Les passants remettre en cause cette décision par la présence d’une publication
circulent dans les rues et s’affairent à participer à cette introduction. Twitter ce même jour, par son directeur général, Tetsuya Nomura, qui
Comme si les ouvriers terminaient symboliquement la construction du avoua ne pas souhaiter que les joueurs puissent la regarder tant que le
monde. Des cartons sont déballés, des tuyaux acheminés mécanique- jeu n’était pas encore entre leurs mains. La tentation était sûrement trop
ment, chaque pièce prend sa place. Des enfants à bicyclette prennent le forte pour les équipes marketing de Square Enix. Cette fuite organisée
relais de l’oiseau pour nous guider jusqu’à une aire de jeux de quartier. vient créer un nouvel objet mémoriel, qui permettra de figurer un souvenir
Une façon de positionner le joueur à l’orée d’une deuxième introduction.
4. Le J-RPG est un genre de jeu vidéo de rôle produit au Japon (J), où le gameplay est basé
3. Évocation du nom emprunté à la mythologie nordique : Midgard (avec la lettre d), forme sur un choix de commandes proposées au joueur qui déterminent les actions qu’il lui est
anglicisée du vieux norrois Miðgarðr, qui est le nom de la cité des mortels. possible d’effectuer.
18 19