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Cours de droit des affaires / S5

Introduction
Sitôt que les hommes vivent en groupe, ils soumettent leurs rapports à des règles qui
garantissent à la fois leur statut individuel et la stabilité de la communauté. Ces règles ont porté par la
suite, le nom de lois et sont codifiées et classées en branches de droit. L’évolution permanente de la
complexité de ces rapports sociaux nécessite la mise en place perpétuelle de nouvelles catégories de
droit.
En effet l’évolution du commerce et les transactions commerciales et l’apparition des sociétés
commerciales a entrainé la création du droit commercial ; nouvelle branche de droit privé régissant et
organisant ce domaine et toutes ses composantes.
Cependant le droit commercial a perdu sa netteté et sa suffisante pour se dissoudre
progressivement avec l’avènement de nouveaux acteurs de la vie économique notamment l’artisan
l’agriculteur et le professionnel libéral. Ces derniers ont été rendus progressivement destinataires de ce
droit nouveau embrassant, au delà les seuls commerçants toutes les entreprises commerciales,
artisanales, agricoles et professions libérales.
C’est de ce constat qu’est né le droit des affaires : Ce n’est plus le commerçant qui est aujourd’hui
au cœur de la vie économique mais l’entreprise. Droit des affaires, droit de l’entreprise, droit économique
– la nécessité de fédérer toutes les dispositions intéressant ce nouveau centre de gravité que devenait
l’entreprise, a conduit à rechercher une nouvelle dénomination pour décrire ce droit naissant.
Dire que toutes les matières qui intéressent la vie des affaires sont concernées permet de
percevoir l’immensité du domaine de ce droit : le droit des contrats, le droit des sociétés, le droit du
travail, le droit fiscal, le droit bancaire, le droit comptable, le droit international, le droit pénal des affaires,
également les droits nouvellement apparues à savoir le droit boursier, le droit financier, le droit de la
concurrence.
Tous les droits qui peuvent être sollicités à l’occasion du fonctionnement de l’entreprise, ont leur
place dans cette vaste fédération qu’est le droit des affaires. A vrai dire, s’il fallait dessiner les contours
de la matière, plutôt que de procéder par énumération et se demander quelles disciplines n’ont aucun
rapport avec le droit des affaires. La vérité est qu’il y a bien peu et qu’il sollicite de près ou de loin
l’essentiel du droit privé et même certaines pans du droit public, ce qu’on appelle le droit public
économique.
Certaines de ces branches de droit, ont fait l'objet de réformes depuis une quinzaine d'années ; il
s'agit enparticulierdes réformes suivantes:
 réformedelaBoursedesvaleursdeCasablancaen1993

 réforme ducode de commerce en 1995,

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 En1995aétéadoptéelaChartedel'investissement

 réforme du droit de la propriété industrielle, littéraire et artistique avec la loi sur les droits
d'auteuretdroits voisins en 1997
 créationdes juridictions decommerceen 1997

 loisurlalibertédesprixetdelaconcurrenceen2000.

Dire que toutes les matières qui intéressent la vie des affaires et qui sont concernées permet de percevoir
l’immensité du domaine de ce droit. Dès lors, un cours d’initiation au droit des affaires dispensé aux étudiants
des sciences économiques et de gestion est-il contrarié , par cette vocation encyclopédique et universelle de
la matière d’où est la nécessité de la tronçonner et de survoler sur les composantes jugées cruciales pour telle
filière pour être en mesure de l’enseigner. De ce fait, ce cours entamera spécialement et respectivement, les
spécifités du droit des affaires, les sources du droit des affaires, les effets du commerce, l’organisation
judicaire du commerce et les difficultés des entreprises.
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Chapitre 1: Les spécifités du droit des affaires

Le droit en général a pour fonction de régir la vie sociale et de régler les rapports qui se nouent entre les
particuliers.Le droit commercial quant à lui, intervient pour rétablir un minimum d’ordre, d’honneteté et de
sécurité dans les relations entre professionnels de la vie des affaires.
Les activités de production et d’échange obéissent à des règles qui ne sont pas toujours celles du droit
civil.
Ce dernier, se préocupe des personnes et des fortunes envisagées sous leur aspect ‘’patrimoine’’, c’est-à-
dire finalement des fortunes stagnantes, le droit commercial réglerait la production et la distribution des
richesses. Il faut signaler cependant, que le droit civil est consacré à la théorie générale des obligations. On y
examine comment les contrats se concluent et s’exécutent. Ce sont là des questions que l’on retrouve aussi
dans le droit commercial. Mais celui-ci donne des solutions différentes celles du droit civil et utilise des
techniques originales.

I- L’originalité des solutions

L’examen du droit positif révèle qu’il existe pour beaucoup de situations de faits identiques, deux
réglementations différentes selon que l’acte envisagé est civil ou commercial ou selon que son auteur est un
comerçant ou un simple particulier.
Deux règles peuvent s’appliquer:
• Celle du droit civil qui constitue le droit commun;
• Celle du droit commercial qui a un caractère exceptionnel.
Deux exemples sont nécessaires pour illustrer cette originalité des solutions.

1- Le régime des baux d’immeubles en droit civil et en droit commercial

Le cas des baux d’immeubles permet de prendre conscience de ces différences. A une meme situation,
les rapports entre le bailleur et le locataire, le droit apporte deux réglementations différentes selon que
l’immeuble est loué à usage d’habitation ou à usage commercial.
- Si l’immeuble est loué à usage d’habitation, c’est la loi n° 6-79 organisant les rapports contactuels
entre les bailleurs et les locataires des locaux d’habitation ou à usage professionnel, promulguée par
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le Dahir n° 1-80-315 du 25 Décembre 1980 qui s’applique.
- Si l’immeuble est loué à usage commercial, c’est le Dahir du 24 Mai 1955 relatif aux baux à usage
commercial, industriel et artisanal qui s’applique.
Dans cette législation, le bail civil est conclu en considération de la personne du locataire. En principe,
celui-ci ne peut donc pas modifier la destination des lieux. S’il a loué uniquement pour habiter, il ne peut
exercer sur place une activité professionnelle. Au contraire le locataire commerçant peut adjoindre à son
activité principale des activités connexes ou complémentaires, un boulanger devenir patissier, un libraire
papetier etc. Bien plus il peut meme dans certaines conditions, modifier complément son activité sans
avoir besoin du consentement du bailleur.
Il y a une différence qui est sans doute plus importante. Dans le bail civil, une fois le contrat terminé, le
bailleur peut refuser de renouveler le contrat terminé, le bailleur peut refuser de renouveler le contrat, sans
indémnité, s’il a un motif sérieux et légitime de le faire. Dans le bail commercial, le locataire commerçant a
droit soit du renouvellement de son bail, soit à une indemnité d’éviction, réparant la perte de clientèle
causée par le déplacement du fonds de commerce. Il a donc un droit perpétuel.C’est ainsi que la doctrine
parle de propriété commercial pour insister sur l’importance des prérogatives du locataire commerçant.

2- Les règles applicables au débiteur en cessation des paiements en droit civil

Un exemple est tiré du cas de la personne en cessation des paiements.


a- Si cette personne est un simple particulier, le droit civil ne prévoit aucune procédure spéciale
parce que les créanciers sont généralement peu nombreux.
Le débiteur demeure à la tete de ses biens, ce qui lui permet d’organiser son insolvabilité s’il n’est
malhonnete. Chaque créancier conserve son droit de poursuite. Les plus diligents trouvent encore des
biens à saisir. Les autres n’auront rien. Le paiement est le prix de la course. Cette absence de régime
de procédure collective est designée par le terme vieilli de déconfiture.
b- Au contraire, si la personne en état de cessation des paiements est un commerçant, les créanciers
sont nombreux.
Le droit commercial a donc prévu des procédures particulières, les procédures de traitement des
difficultés de l’entreprise (art. 560 à 732 de la loi 15-95 formant code de commerce promulguée par le
Dahir n° 1-96-83 du 1er aout1996), à savoir la procédure de redressement judicaire si la situation de
l’entreprise commerciale n’est pas irrémédiablement compromise, et la procédure de la liquidation
judiciaire lorsque la situation de l’entreprise est irrémédiablement compromise. Dans cette procédure le
commerçant est dessaisi de l’administration de ses biens et un syndic procède sous le controle du
juge-commissaire, au paiement des créanciers en suivant des règles strictes propres à garantir leur
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égalité.
Pour parvenir à ces solutions originales, le droit commercial met en oeuvre des techniques qui ne
sont que rarement utilisées en droit civil.

II- L’originalité des techniques

Le droit commercial est une branche du droit privé. Il applique de ce fait, beaucoup de techniques du
droit civil, et plus généralement la théorie générale des obligations. La compréhension du droit commercial est
subordonnée à celle du droit civil. Mais, malgré l’existence de ces bases communes, le droit commercial
s’éloigne souvent du droit civil. Les simples particuliers, les techniques juridiques originales qui permettent
d’atteindre ces buts.
Le droit commercial est plus pragmatique que le droit civil. Il se préoccupe relativement peu des théories
générales, parce qu’il cherche uniquement à donner aux commerçants le moyen de réaliser leurs affaires.Il en
résulte cinq conséquences principales.

1- La faible importance de la personne des contractants en droit commercial

Comme c’est un droit qui s’adresse à des personnes très expérimentées, tels les banques, les
hommes d’affaires, il donne peu d’importance à la personne des contractants. Les questions de capacité,
de vice de consentement, de protection de la volonté, passent au second plan. Cela est surtout vrai en
matière d’effets de commerce, ainsi que dans les relations internationales. La meme remarque concerne
l’assimilation des personnes physiques et des personnes morales. Les sociétés commerciales ont la
meme capacité que les commerçants – individus.

2- L’importance du formalisme assoupli et adapté aux besoins du commerce

Le formalisme constitue une entrave à la rapidité du commerce. Cela est vrai pour ce qui concerne le
formalisme des civilisations primitives. C’était un formalisme lourd et entravant. Le formalisme d’aujourd’hui est
un formalisme assoupli, qui favorise au sein de l’activité la rapidité et la sécurité.Les commerçants ne sont
aperçus que les formes juridiques, loin d’etre un obstacle à la conclusion des actes, faciliteraient celle-ci grace
à la précision des textés imprimés utilisés toujours pour un meme genre de contrat. Ce sont les contrats-types.
Il est vrai que la preuve est théoriquement libre en matière commerciale. Pratiquement on ne conçoit pas la
conclusion d’un contrat de prêt, de depot en banque ou d’assurance sans utilisation d’un formulaire préétabli.
Les commerçants ont franchi une nouvelle étape: ils sont passés du formalisme à l’utilisation de mécanisme
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comme les opérations de bourse et les efftes de commerce.

3- L’importance des apparences en droit commercial

Les opérations commerciales se déroulent rapidement. Chacun n’est donc pas tenu de procéder à des
vérifications minutieuses: il suffit de se fier aux apparences. Le droit commercial ne tient pas à connaitre la
réalité des droits, il se fie à l’apparence. Sans doute il multiplie les formalités de publicité pour éviter les
surprises, mais il admet la régularité des titres sans s’occuper de leur cause juridique, il arrête les
revendications devant la possession, il défigure les créances si elles sont inscrites dans un compte.
Il évite par là beaucoup de contestations. La circulation des biens et des droits en est facilitée puisqu’on
peut traiter avec le titulaire apparent et s’assurer par la publicité ou la possession du titre un droit
incontestable. Par exemple une société est annulée après avoir fonctionnée un certain temps, donc créée en
apparence en concluant des contrats avec les tiers, cette annulations ne rétroagit pas: la société est
simplement dissolute, c’est-à-dire qu’elle cesse d’exister pour l’avenir.

4- L’importance du crédit en droit commercial


Le recours au crédit a été toujours le propre des commerçants. De nos jours, meme les simples
particuliers empruntent. Cependant la destination du prêt n’est pas la meme. Le non-commerçant emprunte
pour consommer (achat d’appareil éléctroménager, voiture, logement etc). Le remboursement du prêt dans ce
cas va grever les revenus futurs. Au contraire, les commerçants empruntent pour produire. Les prets vont
server à financer des investissements, à acheter des marchandises qui seront revendues. Le crédit à la
production a donc aun caractère économiquement plus sain, car son remboursement ne fait aucune difficulté si
l’entreprise fonctionne normalement. Les commerçants disposent de procédés propres de financement comme
l’escompte des efftes de commerce.

5- Le caractère international du droit commercial

Le droit commercial est plus international que le droit civil. Dans le monde moderne, les droits nationaux se
sont diversifiés par suite des codifications tandis que les affaires s’internationalisent grace aux moyens de
communication. Les relations entre simples particuliers sont régies par le droit interne, tant dans l’ordre
patrimonial que familial. Au contraire tout commerçant qui voit ses affaires atteindre un certain niveau de
développement est appelé à importer et à exporter. Les contrats que les commerçants concluent peuvent etre
soumis à une loi étrangère et les litiges qui les opposent à leurs contractants peuvent etre jugés par un tribunal
étranger.
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Chapitre 2: Les sources du droit des affaires


Les source formelles du droit commercial sont les memes qu’en droit civil: à savoir les lois, les
usages et les coutumes, la jurisprudence mais elles sont empreintées d’un certain particularisme.
Ainsi à coté les lois proprement dites, il faut faire place à une foule de réglements administratifs
dont l’origine peut etre variée ainsi qu’aux conventions internationales qui prennent une
importance croissante en notre matière.
Parallèlement les usages et les coutumes , parce qu’ils naissent de l’expérience et du concret,
parce qu’ils expériment les besoins du monde des affaires , c’est-à-dire d’un milieu professionnel
organisé et cohérent, parce qu’is traduisent la montée de la pratique à la vie juridique, une
conversion du fait en droit, y ajoutent un role qui n’a pas d’équivalent en droit civil.

I- Les sources classiques du droit des affaires


1- La Loi
Le terme loi à plusieurs significations : il désigne la constitution, les actes votés par le
parlement, les actes ratifiés par le parlement (traités internationaux) et les règles du droit
émanant du pouvoir exécutif notamment les décrets et les arrêtés.

A. La constitution
Le terme « loi » désigne tout d’abord la constitution et les principes fondamentaux ou
généraux du droit des affaires tels que le principe de la liberté du commerce. Elles sont
rarement appliquées de manière directe en droit des affaires. Elles sont cependant les
fondements de l’organisation économique.

B. Les actes votés par le parlement


Le terme « loi » désigne également les actes votés par le parlement.
Le droit des affaires est soumis à ses propres lois, mais en cas de manquement de ces
dernières, les lois civiles s’imposent. Le droit des affaires est également soumis à d’autres lois
avec lesquelles il n’a aucun lien direct.

 Lois propres au droit commercial :


Au cours de ces dernières années, le Maroc a entrepris une vaste réforme économique
et industrielle. Cette réforme a été rendue nécessaire par l’importante phase de développement
que le Maroc connaît notamment dans le domaine des affaires.
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 Le code de commerce :
Le nouveau code de commerce constitue l’un des rouages fondamentaux de la
réforme du droit des affaires. Pendant près de 83 ans, le monde des affaires a été régi par le
code de commerce terrestre du 12 Août 1913. Il a été remplacé par un nouveau code en 1996.
Ce code n’est pas une simple œuvre de compilation, c’est une véritable œuvre de codification.
Il régit des matières qui faisaient auparavant l’objet de textes séparés (ex : la vente et
le nantissement du fonds de commerce, le registre central du commerce, la législation sur les
paiements par chèque etc.) et introduit de nouvelles matières, introduction de nouveaux contrats
commerciaux notamment dans le domaine des activités bancaires ou de nouvelles notions
comme les procédures de prévention et de traitement des difficultés de l’entreprise).
Le Dahir n° 1-96-83 du 1er août 1996 portant promulgation de la loi n°15-95 formant
code de commerce traite essentiellement les matières suivantes:
 Le commerçant ;
 Le fonds de commerce ;
 Les effets de commerce ;
 Les contrats commerciaux ;
 Les difficultés de l’entreprise.
 La loi sur les juridictions de commerce :
Jusqu’en 1997, l’organisation judiciaire du Royaume ne prévoyait que deux ordres de
juridiction : l’ordre judiciaire et l’ordre administratif.
Le Dahir n°1-97-65 du 12 février 1997 portant promulgation de la loi n°53-95 instituant
des juridictions de commerce a créé des tribunaux de commerce et des cours d’appel de
commerce. Il s’agit de juridictions collégiales, c'est-à-dire que leurs décisions doivent être
rendues par plusieurs magistrats. Les tribunaux de commerce sont compétents pour connaître :
 Des actions relatives aux contrats commerciaux ;
 Des actions entre commerçants à l’occasion de leurs activités commerciales ;
 Des actions relatives aux effets de commerce ;
 Des différents entre associés d’une société commerciale ;
 Des différents à raison de fonds de commerce.
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 Les lois réglementant certaines matières spécifiques au droit des


affaires :
On trouve également des lois qui réglementent certaines matières spécifiques du droit
des affaires :
* Le code des assurances :
Les assurances étaient régies par l’arrêté viziriel du 28 novembre 1934. Celui- ci
constituait le texte de base en matière de réglementation du contrat d’assurances terrestres.
D’autres textes ont été adoptés pour réglementer des secteurs déterminés tel que les assurances
automobiles par exemple.
Il fallait attendre le Dahir n°1-02-238 du 3 octobr e 2002 portant promulgation de la loi
n°17-99 portant code des assurances pour que le Maroc ait un régime juridique moderne de
l’assurance. Cette loi traite essentiellement du contrat d’assurance et des entreprises
d’assurances. Ce Code va connaitre plusieurs modifications dont la dernière est celle par Dahir
n° 1-09-59 du 6 rejeb 1430 (29 juin 2009) portant promulgation de la loi n° 12-09 modifiant et
complétant la loi n° 17-99 portant code des assurances.
Le contrat d’assurance est la convention passée entre l’assureur et le souscripteur pour
la couverture d’un risque et constatant leurs engagements réciproques.

* Les lois sur les sociétés :


Les formes d’implantation de sociétés commerciales reconnues au Maroc sont
essentiellement:
- Les sociétés de personne : la société en non collectif SNC, la société en commandite simple
et la société en participation. Les associés y sont solidairement et indéfiniment responsables des
dettes sociales.
- Les sociétés de capitaux: la société anonyme S.A, la société à responsabilité limitée SARL
(qui a une nature hybride) et la société en commandite par actions.
- Les sociétés à réglementation particulière: les sociétés coopératives d’achat ou de
consommation, les sociétés mutualistes.
Il existe deux lois concernant les sociétés :
- Le Dahir n°1-96-124 du 30 août 1996 portant promulgation de la loi n°17-95 relative aux
sociétés anonymes.
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- Le Dahir n°1-97-49 du 13 février 1997 portant promulgation de la loi n°5-96 sur la société en
nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société
à responsabilités limitées et la société en participation.
Inspirée des législations française et allemande, elles introduisent un grand nombre
d’innovations pour la protection des actionnaires et la sécurisation de l’épargne, visant
ainsi le renforcement des fonds propres des entreprises marocaines autrement que via des
crédits court terme.

* La loi sur la concurrence :


Le législateur marocain a adopté un nouveau cadre juridique organisant la liberté des
prix et de la concurrence par le Dahir n°1-00-225 du 5 juin 2000 portant promulgation de la loi
n°06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence.
Cette loi qui a vu le jour après vingt ans de gestation a pour objet de stimuler
l’efficience économique, d’améliorer le bien être des consommateurs et d’assurer la
transparence et la loyauté dans les relations commerciales.
D’une part, cette loi abroge les dispositions du décret n°2-71-580 du 23 décembre 1971
pris pour l’application de la loi n°0 08-71 du 12 octobre 1971 sur la réglementation et le
contrôle des prix et les conditions de détention et de vente des produits et marchandises, tel
qu’il a été modifié et complété. D’autre part, elle pose le principe de la libre concurrence.

* La loi bancaire :
Le cadre juridique régissant l’activité des établissements de crédit a fait l’objet d’une
vaste réforme par l’adoption du Dahir portant loi n°1-93- 147 du 6 juillet 1993 relatif à
l’exercice des établissements de crédit et à leur contrôle appelé « crédit bancaire ».
La loi bancaire a pour objectifs d’unifier le cadre juridique, d’élargir la
concertation entre les différents intervenants en vue de faire aux mutations économiques,
financières, monétaires et technologiques et protéger les déposants et les emprunteurs.
Cette loi qui définit notamment les notions d’établissement de crédit et de
l’activité bancaire (réception de fonds du public, distribution de crédits et mise à la disposition
de la clientèle de moyens de paiement ou leur gestion) est complétée par des arrêtés ministériels
du ministre des finances, des circulaires et instructions de Bank Al Maghrib qui a pour mission
de développer le marché monétaire et d’en assurer la stabilité en relation avec l’objectif de
stabilité monétaire.
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* Les lois sur le marché des capitaux :


- Dahir portant loi n°1-93-211 du 21 septembre 1993 relatif à la bourse des valeurs modifié et
complété par les lois n°31-96 et 29-00.
Cette loi apporte des innovations au niveau de l’organisation et de la gestion de la bourse ainsi
que sur les conditions d’exercice des sociétés de bourse et de la protection de la clientèle.
- Dahir portant loi n°1-93-212 du 21 septembre 1993 relatif au conseil déontologique des
valeurs mobilières et aux informations exigées des personnes morales faisant appel public
d’épargne. Cette loi institue un établissement public chargé d’assurer la protection de l’épargne
investie en valeurs mobilières et de proposer les mesures nécessaires à cet effet.
- Dahir portant loi n°1-93-213 du 21 septembre 1993 relatif aux organismes de placement
collectif en valeurs mobilières. Cette loi crée des « organismes de placement collectif en
valeurs mobilières (OPCVM) ». Les « OPCVM » sont :
- Des fonds de commerce de placement qui n’ont pas la personnalité morale (FCP copropriété
de valeurs mobilières et de liquidités) ;
- Des sociétés d’investissement à capital variable (SICAV): sociétés anonymes ayant pour objet
la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières et de liquidités.

 Le droit commun :

 Le Droit des obligations et des contrats D.O.C :


Si les lois commerciales n’ont point prévu de solutions particulières, les lois civiles
s’appliquent, notamment la théorie générale des obligations qui demeure la base du droit des
affaires. Ces lois dites civiles sont regroupées dans le Dahir des obligations des contrats du 12
août 1913 modifié et complété.

 Autres textes :
Le droit des affaires peut également être soumis à d’autres textes :
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- Toute activité économique a besoin du travail humain. Les salariés constituent les
acteurs de l’entreprise. Ils sont liés à l’entreprise par un contrat de travail et tout litige pouvant
naître en raison de cette relation, doit être soumis à la loi.
Au Maroc, c’était le Dahir du 2 juillet 1947 portant réglementation du travail et
plusieurs autres textes qui réglementent des aspects de ce travail.
N’étant plus adaptée à la réalité économique et sociale, cette réglementation a été
remplacée récemment par le Dahir n°1-03-194 du 11 septembre 2003 portant promulgation de la
loi n°65-99 portant sur le code du travail. Ce code régit essentiellement le contrat du travail qui
comprend les obligations et devoirs des parties.
- L’activité économique peut donner lieu à des conflits entre les différents
intervenants et contractants de l’entreprise. Le règlement de ces litiges doit respecter certaines
règles de procédure. Ainsi les dispositions du Dahir portant loi n°1-74-447 du 28 septembre
1974 approuvant le texte du code de procédure civile modifié doivent s’appliquer chaque fois
que l’entreprise tend à réclamer sa créance ou payer sa dette.

C. Les actes ratifiés par le parlement

Le parlement peut être amené à ratifier des traités intéressant le droit des affaires. Ces
traités peuvent être:
- Bilatéraux (ex : accords bilatéraux en matière d’exonération fiscale pour éviter la
double imposition, en matière douanière etc.) ou ;
- Multilatéraux, il peut s’agit de :
* Traité d’unification du droit (ex : la convention de Genève du 07 juin 1930 sur la
lettre de change et le billet à ordre et celle du 19 mars 1931 sur le chèque ou ;
* Traité régissant les relations économiques internationales (ex : l’accord général sur
le commerce des services).

D.Les sources administratives ou réglementaires :


Elles précisent les conditions d’application de la loi. Les réponses
ministérielles permettent d’interpréter les dispositions d’un texte ambigu. Les
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circulaires tendent à préciser les conditions d’application d’un décret. L’exemple type réside
dans le domaine bancaire.

2- La jurisprudence
Ce sont toutes les décisions rendues par les juridictions du royaume et plus
particulièrement celle de la cour suprême. La jurisprudence est une source indirecte du droit.

3- La doctrine
La doctrine est l’ensemble des opinions émises par les spécialistes du droit : praticiens
(avocats, juriste d’entreprise, magistrats, conseillers juridiques) et enseignants.
Elle est une simple autorité qui cherche à se faire accepter par les tribunaux et parfois
convaincre le législateur en raison de la pertinence de ses raisonnements et de la qualité de ses
suggestions.

II- Les sources propres au droit commercial :les usages


Les usages sont des règles coutumières, c'est-à-dire qui ne sont inscrites dans aucun
texte mais que la pratique a inventé pour régler des situations juridiques réglementées.
- Il faut qu’il soit largement répandu dans le milieu social, dans une profession, dans
une localité ;
- Il faut qu’il soit constant c'est-à-dire qu’il ait eu une certaine durée ;
- Il est nécessaire que l’usage soit considéré comme ayant une force obligatoire par la
population qui l’adopte.
Les usages constituent une source importante du droit des affaires. Non seulement ils
ont été historiquement à l’origine de celui-ci, mais ils continuent de faciliter son
adaptation à l’évolution de l’économie.
En droit international, les usages aboutissent à une unification des pratiques plus
rapides que si l’on devait attendre la conclusion et l’entrée en vigueur d’une convention
internationale.
Cours de droit des affaires / S5
Certains usages internationaux aboutissent à des conventions s’imposant aux
professionnels.
Les relations habituelles entre membres d’une même profession ou entre clients et
fournisseurs donnent naissance à un ordre juridique spontané. On peut donner comme exemple
les usages concernant les délais d’exécution d’une obligation (livraison, paiement).

Il faut noter ici à la fin , en matière de sources du droit des affaires, que les institutions
professionnelles qui sont les organismes les plus appropriés pour la représentation des
commerçants, des industriels et des artisans notamment, les chambres de commerce et
d’industrie et d’artisanat et les différents groupements professionnels et syndicats et d’autres
institutions internationales, malgré leur dénomination, leur initiative, leur finalité et leur
apparence, n’ont aucun pouvoir législatif, leurs roles se limitent à donner des avis au
gouvernement dans le cas ou il le demande. Elles peuvent aussi intervenir comme intermédiaire
entre les entreprises nationales et les entreprises étrangères. Elles possèdent aussi la
compétence nécessaire pour secourir les commerçants en leur fournissant les renseignements
divers, les avis sur les changements éventuels de la législation commerciale, et les parères
nécessaires à la preuve des usages et coutumes observées par la prartique.
UNIVERSITE MOULAY SLIMAN
FACULTE POLYDISCIPLINAIRE- KHOURIBGA

DROIT DES AFFAIRES


S5

Chapitre 3 : Le Droit Cambiaire

2020/2021
Cours de Droit des Affaires S5

CHAPITRE 3 : DROIT CAMBIAIRE : LES EFFETS DE


COMMERCE
L’effet de commerce est défini comme un titre négociable à ordre et au porteur
représentant une créance de somme d’argent non encore échue, exigible à vue ou à
court terme et constatant l’engagement d’une personne de payer ou de faire payer
cette somme d’argent à une échéance déterminée. L’effet de commerce est un moyen
de paiement.

Les moyens de paiement se définissent comme étant tout instrument qui, quel que
soit le support ou le procédé technique utilisé, permet à toute personne de transférer
des fonds.

Rentrent dans la catégorie des moyens de paiement: les espèces, les chèques, les
lettres de change, les billets à ordre, etc. A ces moyens de paiement sont effectuées,
très souvent, des garanties qui constituent pour le créancier un moyen de recouvrer
sa créance en cas de non-paiement du débiteur. Ces garanties peuvent être : un gage,
un nantissement, un cautionnement, une hypothèque, etc.

Les moyens de paiement cambiaires sont :

➢ la lettre de change ;
➢ le billet à ordre ;
➢ et le chèque.

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Cours de Droit des Affaires S5

I- LA LETTRE DE CHANGE
.
A- DEFINITION

La lettre de change (ou traite) est un écrit par lequel une personne (tireur), donne
l’ordre à l’un de ses débiteurs (tiré), de payer une certaine somme, à une date donnée
à une troisième personne (bénéficiaire) ou à son ordre (c’est-à-dire à une personne
qu’elle désignera ultérieurement).

B- FONCTIONS

A l’origine, la lettre de change était un moyen de change, c’est-à-dire un instrument


de transport d’argent dans le commerce international.

Elle devient ensuite un instrument de paiement par lequel les débiteurs payaient
leurs créanciers. Mais elle n’est pas une monnaie car elle n’est libératoire que si elle
est effectivement payée. Libératoire est l'adjectif qui qualifie la prestation qui éteint une
dette. On dit que le paiement est libératoire.

Actuellement, la lettre de change est devenue un instrument de crédit car le tireur


peut l’escompter, c’est-à-dire la céder à un banquier sous déduction d’une commission
et des intérêts.

Contrairement au chèque et au billet à ordre, la lettre de change est un acte de


commerce par la forme, c’est-à-dire qu’elle est commerciale quelles que soient les
personnes qui l’utilisent (commerçants ou non) et quel que soit l’objet de la créance
pour laquelle elle a été émise (civile ou commerciale).

C- L’ÉMISSION DE LA LETTRE DE CHANGE

1- La capacité

Tout signataire de la lettre de change doit avoir la capacité de faire le commerce


car, en vertu de l’article 9 du code de commerce, la lettre de change est toujours
un acte de commerce.

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Cours de Droit des Affaires S5

L’article 164 du code de commerce prévoit que «la lettre de change souscrite
par un mineur non commerçant est nulle à son égard, sauf les droits des parties
conformément au droit commun», c’est-à-dire le droit de le poursuivre civilement.

Mais la signature du mineur sur une lettre de change ne porte pas atteinte à la
validité des autres signatures en raison du principe de l’indépendance des
signatures.

2- Les mentions obligatoires

La lettre de change n’est valable que si elle contient un certain nombre de


mentions obligatoires :

➢ La dénomination «lettre de change» insérée dans le texte ;


➢ Le mandat pur et simple de payer une somme d’argent : « Payez » ;
➢ L’indication de la date et du lieu où la lettre est créée ;
➢ La signature du tireur ;
➢ Le montant à payer ;
➢ L'échéance ;
➢ Le nom du tiré ;
➢ Le lieu de paiement ;
➢ et le nom du bénéficiaire.

A défaut de contenir les mentions obligatoires, le titre est nul.


Le porteur de bonne foi perd donc toutes ses garanties cambiaires de paiement.
Il est à noter que la domiciliation n’est qu’une mention facultative qui rend la
traite payable au domicile d’un tiers et qui permet de faire effectuer le paiement par
la banque. Mais elle est devenue obligatoire dans la pratique.

3- L’ACCEPTATION

3-1- Formes et modalités

L’acceptation est l’engagement du tiré donné sur la lettre par signature de payer
son montant à l’échéance à la personne qui en sera le porteur légitime. L’acceptation
est exprimée par le mot « acceptée » et la signature du tiré au recto.

En principe, la présentation de la lettre de change à l’acceptation n’est pas


obligatoire ; cependant, une lettre sans acceptation est difficilement négociable car le
tiré pourrait refuser de payer.

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Cours de Droit des Affaires S5

Le plus souvent, elle est présentée à l’acceptation par le tireur lui-même pour
pouvoir la négocier facilement puisque, à l’égard du porteur, elle constitue une garantie
d’être payé à l’échéance.

3-2- Conséquences de l’acceptation

3-2-1- Provision et valeur fournie

a- La provision

La créance du tireur sur le tiré s’appelle la provision.

La provision est une créance en somme d’argent ou en marchandises que le tireur


détient sur le tiré. Celui-ci est débiteur de la provision dès son acceptation (sa
signature). L’absence de provision ne frappe pas le titre de nullité, mais le rend
inopérant. Dans la pratique, c’est l’existence de la provision qui détermine l’acceptation
du tiré.

b- La valeur fournie

Si le tireur a émis la traite au profit du bénéficiaire, c’est que ce dernier a une


créance chez le premier. Autrement dit, le tireur est débiteur du bénéficiaire, celui-ci a
dû lui fournir une valeur en échange de laquelle le tireur lui a remis la traite. Cette
créance s’appelle «la valeur fournie».

c- Inopposabilité des exceptions du tiré au porteur

Le tiré accepteur ne peut pas opposer au porteur les exceptions que lui-même aurait
pu opposer au tireur ou aux porteurs précédents.

Opposer des exceptions: Lorsque, par exemple, au motif qu'il n'a pas reçu
l'acompte promis, le vendeur refuse de livrer à l'acheteur la marchandise qu'il lui a
vendue, on dit qu'il "excipe" du non-accomplissement d'une des obligations mise à la
charge de son cocontractant.

"Exciper", "soulever une exception" ou "opposer une exception" sont des


expressions équivalentes.

L'exception est donc un moyen de défense par lequel une des parties paralyse la
prétention de son adversaire. Par exemple, l’exception de compensation à l’égard du
tireur ou d’un porteur antérieur ou l’exception basée sur l’absence de cause
(inexécution de l’obligation du tireur), etc.

La compensation: est une opération par laquelle une créance et une dette s'annulent
mutuellement à concurrence de la somme la plus faible, de sorte que si elles ne sont
pas d'un montant égal, seul le solde en devient exigible.

Dans tous les cas, le porteur ne peut se prévaloir de l’inopposabilité des exceptions
que si le tiré a accepté la traite.

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Cours de Droit des Affaires S5

d- Les exceptions opposables au porteur

Cette règle de l’inopposabilité des exceptions n’est cependant pas absolue. Il existe
des exceptions que le tiré peut opposer au porteur.

Tels sont les cas lorsque :

• le tiré a une exception personnelle contre le porteur (compensation par


exemple) ;
• le tiré prouve que le porteur « a agi sciemment » à son détriment ; par exemple,
sachant que le tiré lui opposerait une exception de compensation, le tireur, en
connivence avec un tiers, endosse la traite au profit de ce dernier, ce nouveau
porteur serait de mauvaise foi, car il aurait agi sciemment au détriment du tiré ;
• le tiré découvre des exceptions résultant du droit cambiaire (défaut d’une
mention obligatoire, une incapacité, etc.).

e- Les effets de complaisance et de cavalerie

Cette règle suivant laquelle la provision n’est indispensable qu’à l’échéance a


donné naissance à des pratiques contraires au but recherché par le législateur.

Un effet de complaisance est un effet de commerce sans cause et dénué de


provision, crée et émis en circulation dans le seul objectif d’obtenir frauduleusement
du crédit.

Il existe deux catégories d’effets de complaisance: les mauvais effets de


complaisance et les bons effets de complaisance.

• Les mauvais effets de complaisance

Les tirages en l’air : C’est le fait de tirer des lettres de changes sur des personnes
imaginaires. Cette pratique est susceptible de sanctions pénales.

❖ La traite de complaisance

La pratique de la traite de complaisance se résume de la manière suivante : un


commerçant qui a un besoin urgent de liquidités tire une lettre de change et la présente
à un ami commerçant, le tiré qui, bien qu’il n’ait aucune dette à son égard, accepte de
la signer « par complaisance ». Aussitôt, le tireur la fait escompter par son banquier et
bénéficie ainsi d’un crédit à court terme.

• Les bons effets de complaisance

A l’échéance, aucun problème ne se poserait si le tireur verse au tiré les fonds


nécessaires, ou si le tiré solvable paie la traite en consentant ainsi un crédit au tireur.

Dans ces cas la traite de complaisance est tout à fait licite, c’est ce qu’on peut
appeler les «bons effets de complaisance».

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Cours de Droit des Affaires S5

• Les effets de cavalerie

La cavalerie est un processus financier où de nouveaux emprunts servent sans


cesse à rembourser les emprunts antérieurs.

En cas de traite de complaisance, la situation risque de se compliquer si, à


l’échéance, le tireur ne dispose pas de fonds à verser au tiré. Dans ce cas, il tire une
autre lettre qu’il fait accepter par le même tiré ou par un autre commerçant et la fait
escompter pour obtenir les fonds à fournir au premier tiré et ainsi de suite... Par ce
chevauchement, ces effets de complaisance deviennent ce qu’on appelle « des effets
de cavalerie ».

• Les tirages croisés

Lorsque deux personnes émettent simultanément l’une sur l’autre des traites de
complaisance, on dit qu’il y a « effets croisés ». Le plus souvent, durant les périodes
de difficultés économiques, ces tirages se font de manière réciproque, c’est-à-dire que
les commerçants tirent indéfiniment les uns sur les autres ; on est alors en présence
de ce qu’on appelle « les tirages croisés ».

D- LES GARANTIES DE PAIEMENT DE LA LETTRE


DE CHANGE

Pour une efficacité nécessaire au paiement du titre, le législateur prévoit, en plus


de l'inopposabilité des exceptions, des mesures de garantie qui font tout l’intérêt de la
lettre de change ; il s’agit du principe du transfert de la propriété de la provision, de la
solidarité et de l’aval.

1- Le transfert de la propriété de la provision


«La propriété de la provision est transmise de droit aux porteurs successifs de la
lettre de change», selon l’article 166 alinéa 4. Il s’agit du principe de «la propriété de
la provision» qui constitue une garantie solide de paiement. Il résulte de ce principe
qu’une fois la lettre émise, le tiré (qui en a connaissance par l’acceptation) ne peut plus
valablement payer le tireur (son créancier) ; sinon, il sera tenu à l’échéance de payer,
une seconde fois, le porteur.

En outre, en vertu de ce principe par exemple, le décès ou l’incapacité du tireur


après l’émission sont sans influence sur le droit du porteur sur la propriété de la
provision.

2- La solidarité

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Cours de Droit des Affaires S5

C’est un principe général du droit commercial qui s’applique à la garantie de


paiement de la lettre de change. Tous ceux qui ont tiré, accepté, endossé ou avalisé
une lettre de change, c’est-à-dire tous les signataires, sont solidairement tenus de son
paiement envers le dernier porteur qui, suivant ce principe légal, peut réclamer à l’un
ou plusieurs d’entre eux son montant total.

Le signataire poursuivi ne peut opposer au porteur les exceptions fondées sur ses
rapports avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs. Ce même droit (la solidarité)
appartiendra à celui qui a remboursé la lettre de change.

3- L’aval
Le donneur d’aval (avaliseur ou avaliste) est celui qui se porte caution de la créance.
Il garantit personnellement le paiement de tout ou partie de la lettre de change.

L’aval est donné sur la lettre avec la mention «bon pour aval» et la signature.
L’avaliseur est la caution solidaire du signataire en faveur duquel il s’est engagé
(l’avalisé). Il doit préciser pour quel signataire il s’engage, à défaut il est réputé donné
au tireur.

S’il a payé pour l’avalisé défaillant, il a un droit de recours non seulement contre lui,
mais contre tout autre signataire de la lettre en vertu du principe cambiaire de la
solidarité.

E- LA CIRCULATION DE LA LETTRE DE CHANGE


En tant que titre à ordre, la lettre de change est un effet destiné à circuler en
permettant la circulation de capitaux sans risque. Cette circulation s’opère par la
technique de l’endossement, c’est-à-dire par une mention écrite portée au dos du titre
et la signature.

Il existe trois types d'endossements : l’endossement translatif de propriété,


l’endossement par procuration et l’endossement pignoratif.

1- L’endossement translatif de propriété


Cet endossement a pour effet de transférer la propriété de la lettre de change de
l’endosseur à l’endossataire (créancier de l’endosseur). Il se fait par simple signature
au dos. L’endossement peut être :

✓ nominatif : il porte la mention « payez à l’ordre de X », le nom du bénéficiaire


est alors précisé ;
✓ en blanc : il résulte de la simple signature au dos du titre, sans indication du
bénéficiaire et permet le transfert par tradition manuelle, c’est-à-dire par simple
remise matérielle du titre;
✓ ou au porteur : il vaut comme un endossement en blanc.

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Cours de Droit des Affaires S5

Rappelons que s’il est possible d’endosser une lettre de change au porteur, il est
interdit de l’émettre au porteur. Cependant, il convient de préciser que le tireur a la
possibilité d’exprimer sa volonté de ne pas transmettre la lettre ; il lui suffit d’insérer
dans la traite les mots « non à ordre » ou « non endossable ».

2- L’endossement par procuration


C’est l’endossement par lequel le porteur de la lettre de change remet son titre
à un tiers en lui donnant mandat d’en recevoir paiement pour son compte. Il résulte de
l’endossement accompagné de l’une des mentions suivantes : «valeur en
recouvrement» ou «pour encaissement» ou «par procuration».

La formule de l’endossement doit préciser clairement, de manière non équivoque,


qu’il s’agit d’un simple mandat. Il donne mandat à l’endossataire, qui est le plus
souvent un banquier, de recouvrer le montant de l’effet.

2-1- Conséquences de l’endossement par procuration

- L’endosseur ne devient pas débiteur cambiaire: l’endosseur qui émet un


endossement de procuration ne devient pas un débiteur cambiaire, il ne prend pas
d’engagement à l’égard d’un tiers.

- La capacité commerciale n’est pas exigée: la capacité commerciale n’est pas


nécessaire pour émettre un endossement de procuration, puisque l’endosseur n’est
pas débiteur cambiaire. Un mineur émancipé peut faire un endossement de
procuration.

- L’endossement de procuration laisse subsister les exceptions opposables à


l’endosseur.

3- L’endossement pignoratif

L'adjectif "pignoratif" vient du latin "pignut" mot par lequel on désignait un "gage",
il qualifie la remise faite au créancier par le débiteur principal ou par la caution, d'un
objet mobilier à titre de gage.

On reconnaît l’endossement pignoratif à la mention «valeur en garantie» ou «en


gage» suivie de la signature. Il permet de donner la lettre au porteur, à titre de gage,
c’est-à-dire en garantie de la créance.

Selon l’article 172, l’endossataire peut exercer tous les droits dérivant de la lettre
de change, ce qui veut dire que si son débiteur (l’endosseur) ne lui règle pas la dette
à son terme, il peut présenter la lettre au tiré à l’échéance pour se faire payer de sa
créance.

Le tiré ne peut lui opposer les exceptions de l’endosseur.

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F- LE PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE

La présentation au paiement doit être effectuée au jour de l’échéance ou l’un des


5 jours ouvrables qui suivent, au lieu désigné (domicile du tiré ou domiciliation).

La mention de domiciliation, devenue obligatoire en pratique, permet de fixer le lieu


de paiement à un endroit convenu, autre que celui du tiré.

Dans la pratique, il s'agit du domicile de la banque, celle-ci n’acceptant la remise


pour encaissement ou pour escompte que lorsque le titre est domicilié.

G- LES OBSTACLES AU PAIEMENT DE LA LETTRE DE


CHANGE

1- L’opposition au paiement

La loi interdit l’opposition au paiement de la lettre de change, sauf dans trois cas :
perte ou vol de la traite et la situation de règlement judiciaire du porteur.

Il appartient au porteur ayant perdu le titre de faire opposition auprès du tiré afin
d’empêcher le paiement du titre à tout porteur illégitime : celui qui aura trouvé le titre.

En cas de perte ou de vol, le paiement à qui de droit ne pourra alors se faire que
sur autorisation du président du tribunal, après avoir fait opposition aux mains du tiré,
donné caution, et justifié de sa propriété de la lettre de change.

Dans le deuxième cas, le syndic du porteur en règlement judiciaire pourra faire


opposition au tiré et se faire payer à lui-même pour intégrer la créance dans l’actif de
la procédure collective.

En droit commercial, le syndic est un mandataire de justice chargé de la gestion des


intérêts communs des créanciers.

2- Le refus de paiement
En cas de refus de paiement du tiré, le porteur doit faire dresser un protêt «faute
de paiement». C’est un acte authentique dressé par un agent du greffe du tribunal qui
constate officiellement le refus de paiement et les motifs du refus.

Cependant, si la lettre porte la mention «retour sans frais» ou «sans protêt», le


porteur est dispensé de la procédure du protêt.

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Cours de Droit des Affaires S5

G- LES RECOURS

Il convient de distinguer le porteur diligent du porteur négligent.

Le premier est celui qui présente la lettre de change dans les délais légaux et fait
dresser à temps un protêt en cas de non paiement ; alors que le second est celui qui
n’a pas observé ces prescriptions.

1- Les recours du porteur diligent


À l’échéance, le porteur diligent, qui a présenté la traite et fait dresser protêt, peut
obtenir remboursement du montant de la lettre, des intérêts, des frais de protêt etc. en
actionnant les signataires ou l’un d’eux devant le tribunal.

Le même droit de recours appartient à tout signataire qui a remboursé le porteur.

2- Les déchéances du porteur négligent


La déchéance d'un droit est le fait de ne plus pouvoir en obtenir la reconnaissance
en justice.

Le porteur négligent perd tous les recours cambiaires contre tous les signataires
de la traite, sauf :

▪ contre le tireur qui n’a pas fourni provision : la déchéance à son égard n’aura
lieu que s’il justifie avoir constitué provision ;
▪ contre le tiré accepteur car, ayant reçu provision, il ne peut se dérober de son
engagement sous prétexte de la négligence du porteur.

3- Les prescriptions des recours


Ce sont des délais très brefs fixés par le législateur en dehors desquels aucune
action cambiaire ne peut plus être exercée ; on dit qu’elle est prescrite.

En matière de lettre de change :

▪ l’action cambiaire contre le tiré accepteur se prescrit par 3 ans à compter de


l’échéance ;
▪ celle du porteur contre les endosseurs et contre le tireur par 1 an à dater du
protêt ;
▪ enfin les actions des endosseurs entre eux et contre le tireur se prescrivent par
6 mois à dater du jour du paiement de la lettre.

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Cours de Droit des Affaires S5

II- LE BILLET À ORDRE

A- SPÉCIFICITÉS

1- Définition

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Cours de Droit des Affaires S5

Le billet à ordre est un titre par lequel une personne, le souscripteur, s’engage à
payer à une certaine date une somme déterminée à une autre personne, le
bénéficiaire, ou à son ordre.

À la différence de la lettre de change, le billet à ordre met en rapport seulement deux


personnes : le souscripteur et le bénéficiaire.

Le souscripteur est en même temps tireur et tiré dans la mesure où il se donne


l’ordre à lui-même de payer le bénéficiaire à l’échéance.

La spécificité du billet à ordre découle des conséquences qui résultent de cette


différence fondamentale.

Le billet à ordre est également un moyen de paiement et de crédit dont le régime


s’apparente à celui de la lettre de change, mais il est beaucoup moins utilisé dans le
commerce.

2- Nature du billet à ordre


L’article 9 du code de commerce dispose que : « Indépendamment des dispositions
des articles 6 et 7, sont réputés actes de commerce la lettre de change et le billet à
ordre signé même par un non-commerçant, lorsqu’il résulte d’une transaction
commerciale ». Ainsi, le législateur laisse entendre que le billet à ordre est un acte de
commerce par la forme.

Ceci aurait été vrai si la phrase avait pris fin au niveau de «même s’il est signé par
un non commerçant», mais le même article ajoute: «lorsqu’il résulte d’une transaction
commerciale».

Par conséquent, le billet à ordre ne sera commercial que si la dette à l’occasion de


laquelle il est souscrit est commerciale ; par contre, il sera civil si l’opération est civile.
Par l’insertion de cette condition, toute la théorie de la commercialité du billet à ordre
par la forme a été détruite.

Sa nature commerciale ou civile continuera de dépendre de la nature de l’opération


en vertu de laquelle il est souscrit ; donc, le droit applicable au billet à ordre sera
déterminé en fonction de sa nature civile ou commerciale.

3- Régime cambiaire
La plupart des règles de la lettre de change sont applicables au billet à ordre,
notamment en ce qui concerne l’endossement, le paiement, le recours faute de
paiement, le protêt, les prescriptions, etc. C’est pourquoi le billet à ordre, régi par les
articles 232 à 238 du code de commerce (7 articles), ne comporte que peu de
dispositions qui lui sont propres.

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Cours de Droit des Affaires S5

Ce sont finalement 4 articles qui lui sont consacrés, car le code, par ses articles
234 à 236 (donc 3 articles), ne fait que renvoyer aux règles communes relatives à la
lettre de change.

B- CONDITIONS DE VALIDITÉ

1- Les conditions de forme


Elles sont pratiquement les mêmes que celles de la lettre de change, sauf pour
quelques originalités qu’il convient de signaler.

Comme pour la lettre de change, pour être valable le billet à ordre doit comporter
un certain nombre de mentions obligatoires :

➢ Les date et lieu de souscription ;


➢ la clause à ordre ;
➢ le lieu de paiement ;
➢ le nom du bénéficiaire ;
➢ la signature du souscripteur, etc.

Le billet à ordre se distingue cependant par :

a- La dénomination « Billet à ordre »

Alors que la lettre de change doit comporter la dénomination «lettre de change»,


qui implique automatiquement la clause à ordre, le billet à ordre doit contenir, au choix,
soit la dénomination «billet à ordre», soit tout simplement «la clause à ordre» insérée
dans le texte du titre (je paierai à l’ordre de M. X.)

b- La promesse pure et simple de payer

Comme dans le billet à ordre il n’y a pas un mandat de payer donné à un tiers (le
tiré), cette promesse de payer (je paierai...) remplace le mandat de la lettre de change.

2- Les conditions de fond


C’est à ce niveau que nous rencontrons le plus de différences par rapport à la lettre
de change dues à la nature du billet à ordre et à l’absence du tiré.

a- La capacité

La capacité de faire des actes de commerce n’est requise que lorsque l’acte est
commercial. Dans le cas contraire, si le mineur contracte une affaire civile (et c’est là
que le billet à ordre n’est pas commercial par sa forme), le billet sera civil et le mineur
devra seulement être émancipé, sans avoir à être autorisé à faire le commerce. (Sa
signature sur le billet à ordre ne sera pas nulle puisqu’il s’agit d’un acte civil qui
nécessite seulement l’émancipation du mineur).

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Cours de Droit des Affaires S5

b- Absence de la notion de provision

En matière de billet à ordre, il ne peut être question de provision qui est


normalement une créance du tireur sur le tiré ; alors que dans le billet à ordre le
souscripteur cumule ces deux qualités.

c- Absence de la notion d’acceptation

L’acceptation n’a pas de raison d’être en matière de billet à ordre puisque le


souscripteur, par sa signature à l’émission, s’engage juridiquement à payer à
l’échéance entre les mains du bénéficiaire ou à son ordre ; c’est pourquoi l’article 237
précise que «le souscripteur d’un billet à ordre s’engage de la même manière que
l’accepteur d’une lettre de change».

III- LE CHÈQUE

A- LES ASPECTS TECHNIQUES

1- Nature et fonctionnement du chèque

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Cours de Droit des Affaires S5

Le chèque est un effet par lequel le tireur dispose de ses fonds déposés chez le
tiré (qui est obligatoirement une banque), en effectuant des retraits à vue, soit à l’ordre
de luimême, soit à l’ordre du bénéficiaire.

Le chèque est obligatoirement tiré sur un banquier, il est payable à vue (dès sa
présentation) et à ce titre il ne peut comporter une mention d’échéance de paiement.

Néanmoins, le chèque n’est pas une monnaie ; sa remise n’est pas libératoire tant
qu’il n’est pas encaissé et n’opère pas novation de la créance.

La novation est l'effet qu'opère la substitution, à un lien de droit qui s'éteint, la


conclusion d'une relation contractuelle nouvelle. Elle a lieu, soit par suite du
changement de dette entre les mêmes contractants, soit par suite du changement de
créancier ou par l'effet du changement de débiteur.

On applique également ce mot pour désigner la substitution de nouvelles conditions


contractuelles à celles que les parties avaient précédemment arrêtées.

Par ailleurs, contrairement à la lettre de change, il n’est pas commercial par la


forme ; il est commercial ou civil suivant la nature de l’opération en exécution de
laquelle il a été émis.

B- Les conditions formelles

1- Les mentions obligatoires

Les mentions obligatoires que doit comporter le chèque sont :

➢ la dénomination de «chèque» ;
➢ l’ordre de paiement pur et simple (payez) ;
➢ la somme à payer en chiffres et en lettres ;
➢ le nom du tiré (la banque) ;
➢ le lieu du paiement (adresse de l’agence bancaire) ;
➢ le lieu et la date de création ;
➢ le nom et la signature du tireur.

2- Les mentions facultatives

Ce sont les mentions que les parties demeurent libres de porter sur le chèque :

➢ Le nom du bénéficiaire : Contrairement à la lettre de change, il n’est pas


obligatoire de mentionner le nom du bénéficiaire sur le chèque, car le chèque
peut être émis au porteur ou en blanc, sans aucune indication, il est alors
considéré émis au porteur ; il peut aussi être stipulé payable à personne

16
Cours de Droit des Affaires S5

dénommée ou à son ordre (chèque nominatif), dans ce cas le bénéficiaire ne


peut le transmettre que par endossement ;
➢ La clause non endossable ou non à ordre : Cette clause interdit
l'endossement translatif de propriété du chèque, par conséquent, elle
n'empêche pas l'endossement par procuration.

Elle ne peut toutefois être utile que lorsque le chèque est nominatif ; puisque le
chèque au porteur ou à blanc est transmissible par simple tradition.

Cette clause peut être utilisée dans deux objectifs : comme sécurité (en cas de
perte ou de vol), et comme preuve du paiement des dettes (au moyen du relevé
bancaire) ;

➢ Le barrement : Il consiste à tracer sur le recto du chèque deux barres


parallèles, il ne sera alors payé qu’à un banquier ou à un client du banquier.

Ainsi, le porteur d’un tel chèque ne pourra se faire payer qu’en l’endossant par
procuration à son banquier qui approvisionnera son compte du montant du chèque
encaissé par ledit banquier.

Comme il ne peut être payé qu’à une banque, le chèque barré a été conçu pour
éviter les risques de perte ou de vol des chèques ; mais l’effet de cette technique reste
limité puisqu’il est possible d’endosser le chèque barré au profit d’un bénéficiaire de
bonne foi.

➢ La certification : (le chèque certifié) Elle remplace l’acceptation en matière de


lettre de change.

Comme le chèque est payable à vue, il n’a pas besoin d’être accepté ; l’article 242
interdit expressément l’acceptation du chèque.

La certification est faite par la banque tirée qui porte au recto du chèque la mention
« certifié » et sa signature. Elle doit alors bloquer la provision correspondant au
montant du chèque au profit du porteur, mais seulement jusqu’au terme du délai de
présentation qui est de 20 jours.

C- LA PROVISION DU CHEQUE
1- Le contenu de la provision

La provision est une somme d’argent mise à la disposition du tireur chez le tiré au
moment de la création du chèque. La provision du chèque peut être constituée par :

➢ le dépôt de fonds chez la banque (c’est-à-dire par le versement de sommes


d’argent) ;

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Cours de Droit des Affaires S5

➢ la remise d’effets de commerce pour escompte ou pour encaissement (mais


la provision dans ce cas ne sera constituée qu'après inscription de leur montant
sur le compte du client) ; elle peut aussi résulter d’une ouverture de crédit (à
distinguer avec les facilités de caisse).

2- Le moment de la provision
Contrairement à la lettre de change dont la provision n’est exigible qu’à l’échéance,
le chèque doit avoir provision dès le moment de la présentation du chèque au paiement
(art. 316).

D- LA CIRCULATION DU CHEQUE

Le chèque au porteur ou à blanc se transmet par tradition.

S’il est nominatif, il est transmissible par endossement, soit par endossement
translatif de propriété, soit par endossement à titre de procuration (au profit des
banques en pratique).

Mais l’endossement du chèque ne peut jamais être fait en garantie (à titre


pignoratif).

E- LES SYSTÈMES DE PROTECTION DU CHÈQUE

En tant qu’effet de commerce, le chèque bénéficie naturellement de la protection


du système cambiaire, mais il se distingue en outre par une protection traditionnelle et
spéciale d’un système pénal auquel s’est greffé récemment un autre système, mais
bancaire cette fois.

1- Le système cambiaire

a- La présentation au paiement

Elle peut se faire dès le jour de l’émission puisque le chèque est payable à vue.

Le porteur dispose néanmoins d’un certain délai pendant lequel il doit présenter
le chèque au paiement sous peine de perdre son droit au recours cambiaire.

Les délais sont actuellement de 20 jours de l’émission pour les chèques émis au
Maroc, et de 60 jours pour les chèques émis à l’étranger.

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Cours de Droit des Affaires S5

Après l’expiration du délai de présentation, s’il a provision, le tiré est tenu quand
même de payer (article 271) sous peine d’une amende de 5000 à 50 000 dirhams
(article 319).

Si la provision est insuffisante, le tiré a l’obligation de proposer au porteur le


paiement jusqu’à concurrence de la provision disponible ; dans ce cas, ce dernier ne
peut pas refuser ce paiement et doit délivrer une quittance au tiré et mention de ce
paiement partiel doit être faite sur le chèque (art. 273).

Signalons qu’actuellement dans la pratique, les banques refusent tout paiement,


même s’il ne s’agit que d’une insuffisance dérisoire. Et comme cette obligation, à la
différence de la précédente, est dépourvue de sanction, elle n’a pas beaucoup de
chance d’être appliquée.

Si la provision est insuffisante, le tiré a l’obligation de proposer au porteur le


paiement jusqu’à concurrence de la provision disponible ; dans ce cas, ce dernier ne
peut pas refuser ce paiement et doit délivrer une quittance au tiré et mention de ce
paiement partiel doit être faite sur le chèque (art. 273).

Signalons qu’actuellement dans la pratique, les banques refusent tout paiement,


même s’il ne s’agit que d’une insuffisance dérisoire.

Et comme cette obligation, à la différence de la précédente, est dépourvue de


sanction, elle n’a pas beaucoup de chance d’être appliquée.

b- Le protêt

A défaut de paiement, le porteur doit faire dresser protêt, comme en matière de lettre
de change, pour pouvoir exercer son recours cambiaire.

Le protêt doit être fait avant l’expiration du délai de présentation ; et si celle-ci a lieu le
dernier jour du délai, il peut être établi le premier jour ouvrable suivant.

c- Les délais de prescription

L’article 295 a prévu trois délais de prescription en fonction des parties en présence :

✓ Pour les actions du porteur contre les endosseurs, le tireur et les autres obligés
la prescription est de 6 mois à partir de l’expiration du délai de présentation ;
✓ Pour les actions des divers obligés les uns contre les autres la prescription est
de 6 mois à partir du jour où l’obligé a remboursé ou du jour où il a lui-même
été actionné en justice ;
✓ Enfin, pour l’action du porteur contre le tiré le délai de prescription est d’1 un à
partir de l’expiration du délai de présentation.

d- Les recours cambiaires

19
Cours de Droit des Affaires S5

Lorsque le porteur aura accompli ses obligations de vigilance, il peut alors exercer
ses recours cambiaires contre toutes les personnes obligées en vertu du chèque.
Celles-ci sont en effet tenues solidairement envers le porteur. Ce dernier peut agir
contre ces signataires individuellement ou collectivement et sans avoir à respecter
l’ordre dans lequel ils se sont obligés.

Cependant, en cas de déchéance, le porteur négligent ne perd pas tous ses droits,
il conserve :

• une action de droit commun contre les différents obligés ;


• une action cambiaire contre le tiré qui a provision ;
• une action cambiaire contre le tireur qui n’a pas fait provision.

Or, celui-ci reste passible du pénal.

Il convient cependant de signaler que ces règles ne s’appliquent que pour


l’exercice de l’action cambiaire car, pour l’exercice de l’action pénale, le porteur n’a
pas besoin de faire dresser protêt, et l’action publique ne s’éteint pas par les délais de
prescription de l’action cambiaire.

Étant donné que nous sommes dans le domaine délictuel, l’infraction ne s’éteindra
que par la prescription correctionnelle de 5 ans.

2- Le système bancaire
2-1- Les obligations des banques

a- Lors de l’ouverture des comptes

Les textes actuels obligent désormais les banques, préalablement à l’ouverture


des comptes, de vérifier l’identité des postulants (personnes physiques ou morales)
par le moyen de documents officiels.

L’établissement bancaire doit ensuite, et préalablement à la délivrance du premier


chéquier, consulter Bank Al-Maghrib sur les antécédents bancaires du postulant (les
incidents de paiement et leurs suites).

b- Lors des incidents de paiement

En cas d’incident de paiement, c’est-à-dire de refus de paiement d’un chèque pour


défaut ou insuffisance de provision, la banque tirée doit adresser une lettre d’injonction
au tireur par laquelle, elle l’invite :

✓ à lui restituer, ainsi qu’à toutes les banques dont il est le client, les formules de
chèques en sa possession et en celle de ses mandataires ;
✓ et de ne plus émettre pendant 10 ans des chèques autres que les chèques de
retrait et les chèques certifiés.

20
Cours de Droit des Affaires S5

Le tiré qui a refusé le paiement doit alors déclarer l’incident à B.M. (SCIP)

L’article 309 al. 1 oblige les banques, lorsqu’elles refusent de payer un chèque,
de délivrer au porteur un certificat de refus de paiement.

c- La réparation de l’incident

La loi permet au titulaire du compte qui reçoit l’injonction de retrouver la faculté


d’émission des chèques à condition de régulariser l’incident et de payer une amende
forfaitaire.

• La régularisation

Pour recouvrer sa faculté d’émission, le tireur a le choix entre deux procédés de


régularisation :

✓ soit la régularisation directe : c’est-à-dire le règlement du montant du chèque


impayé entre les mains du porteur, il doit alors présenter le chèque acquitté au
tiré ;
✓ soit la régularisation indirecte : en constituant une provision suffisante et
disponible pour le règlement du chèque par les soins du tiré.

d- L’amende forfaitaire

Après la régularisation, le tireur doit s’acquitter d’une amende forfaitaire dont le


taux dépend du nombre de répétition des incidents de paiement : (art. 314) à la
première injonction, le taux de l’amende est de 5 % du montant du chèque impayé ; à
la seconde injonction, ce taux est de 10 % ; et, à partir de la troisième injonction, il est
de 20%.

Mais, la régularisation n’empêchera pas le tireur d’être poursuivi pénalement.

Néanmoins, pour assurer le respect de ce système bancaire, le législateur a


assujetti les banques à un véritable système de responsabilité.

2-2- La responsabilité pénale des banques

Les violations des obligations bancaires sont érigées en infractions passibles d’une
amende de 5000 à 50 000 dirhams, notamment :

✓ le défaut de déclaration à Bank AlMaghrib des incidents de paiement et des


émissions au mépris de l’interdiction ;
✓ le refus de délivrer le certificat de refus de paiement ;
✓ la délivrance de formules de chèques à un interdit bancaire ou judiciaire ou à
son mandataire ;
✓ le défaut d’adresser une injonction en cas d’incident de paiement invitant son
auteur à restituer les formules de chèques et de ne plus émettre de chèques
pendant 10 ans.

21
Cours de Droit des Affaires S5

Il appartient alors à Bank Al-Maghrib de centraliser les renseignements concernant


ces infractions commises par les banques et de les communiquer au procureur du Roi.

2-3- Le rôle de Bank Al-Maghrib

Elle exerce son rôle par une sorte de « casier bancaire » (à l’instar du casier
judiciaire) détenu par le Service Central des Incidents de Paiement (le S.C.I.P.).

Car, en vertu de l’article 322, les banques sont tenues de déclarer à B.M. tous les
incidents de paiement survenus dans leurs agences. Ainsi, le S.C.I.P. centralise tous
les antécédents des clients ayant fait l’objet d’une déclaration et se charge de les
communiquer aux banques.

3- Le système pénal
3-1- Les infractions en matière de chèque

a- L’omission de constituer ou de maintenir la provision

Il s’agit de la fameuse émission de chèque sans provision du dahir de 1939 qui est
l’infraction la plus courante en matière de chèque.

Par sa nouvelle formule, le législateur de 1996 a complètement modifié la


physionomie de cette infraction. Alors que les articles 70 dahir de 1939 et 543 du code
pénal sanctionnaient celui qui, de mauvaise foi, a émis un chèque sans provision
préalable et disponible ou avec une provision inférieure au montant du chèque, l’article
316-1° du nouveau code incrimine le tireur qui a omis de constituer ou de maintenir la
provision du chèque en vue de son paiement à présentation.

b- L’opposition irrégulière

L’opposition est l’acte par lequel le tireur fait défense au tiré de payer un chèque
qu’il a émis. L’article 271 ne permet de faire opposition que dans des cas limités, à
savoir : la perte et le vol du chèque, l’utilisation frauduleuse et la falsification du chèque,
et le redressement ou la liquidation judiciaire du porteur.

Par conséquent, celui qui fait opposition en dehors des cas prévus par le législateur
encourt les mêmes peines de l’émission sans provision.

C'est notamment le cas où le tireur a été victime d'une escroquerie ou de


l'inexécution d'un contrat suite à un paiement par chèque.

c- L’acceptation des chèques de garantie

L’article 316- 6° ne sanctionne «toute personne qui, en connaissance de cause


accepte de recevoir un chèque à la condition qu’il ne soit pas encaissé immédiatement
et qu’il soit conservé à titre de garantie».

22
Cours de Droit des Affaires S5

Il est à noter que pour faire respecter les interdictions bancaire et judiciaire par les
titulaires de comptes interdits, le code de 1996 a incriminé l’émission de chèque au
mépris d’une interdiction d’un emprisonnement d’un mois à 2 ans et d’une amende de
1.000 à 10.000 dirhams malgré l’existence de la provision. Et si la provision fait défaut,
ces peines sont portées au double.

3-2- Les sanctions pénales

L’article 316 prévoit des sanctions communes à toutes les infractions en matière de
chèque à savoir, l’emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 2.000 à 10.000
dhs sans qu’elle puisse être inférieure à 25% du montant du chèque ou de
l’insuffisance de la provision.

23
Cours Droit des affaires
S5

Chapitre 4 : L’organisation judiciaire du commerce

2020/2021

Université Sultan Moulay Slimane

Faculté polydisciplinaire - Khouribga


Cours Droit des affaires

Chapitre 3 : L’organisation judiciaire du commerce

Les tribunaux de commerce sont des juridictions spécialisées, compétentes pour connaître, en
première instance, les affaires commerciales et même celles qui comportent un objet civil. Ces
tribunaux ont été créés par le Dahir n° 1-97-65 du 4 Chaoual 1417 (12 Février 1997) portant
promulgation de la loi n° 53-95 instituant des juridictions de commerce, suite à de nombreuses
réformes législatives qui ont visé ces dernières années le monde des affaires et de commerce au Maroc.

Actuellement, le Royaume compte huit tribunaux de commerce, respectivement dans les villes
suivantes : Rabat, Casablanca, Fès, Marrakech, Tanger, Agadir, Meknès et Oujda.

A coté de ces juridictions officielles il existe aussi des juridictions privées qui peuvent intervenir en
matière commerciale. Ce sont les arbitres et institutions arbitrales auxquelles les parties font appel pour
trancher leurs différends. Le recours à l’arbitrage est assez fréquent dans les relations internes, il est
très répandu dans les relations internationales. Les conditions générales de vente, les contrats-types, les
codes d’usages contiennent souvent des clauses qui y renvoient de manière expresse.

I- Les juridictions du commerce

A- Composition et fonctionnement du tribunal de commerce

1- Composition

Un tribunal de commerce comprend :

 Un président, des vice-présidents et des magistrats ;

 Un ministère public composé du procureur du Roi et de un ou plusieurs substituts ;

 Un greffe et un secrétariat du ministère public.

A la tête du tribunal de commerce est placé un président investi de nombreuses attributions. Outre que
celles dévolues au président du tribunal de première instance par le code de procédure civile, la loi
confie au président du tribunal de commerce une compétence générale en matière de référé. Il peut
dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures conservatoires ou
2
Cours Droit des affaires

une remise en état pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement
illicite en présence d’une contestation sérieuse. Et même en l’absence d’une contestation sérieuse le
président peut toujours en matière de référé, prescrire toute les mesures qu’il estime nécessaire.

Le président du tribunal de commerce est compétant également pour connaitre des injonctions de
paiement fondées sur les effets de commerce ou des actes authentiques en application des dispositions
du Chapitre III du titre IV du code de procédure civile. Dans ce cas et par dérogation aux dispositions
de l’Article 161 et 162 du code de procédure civile, ni le délai d’appel, ni l’exercice de l’appel ne
suspendent l’exécution de l’injonction du président. Seule la cour d’Appel Commerciale peut en
décider autrement. Toutefois cette compétence du président du tribunal de commerce obéit à trois
conditions :

-Le débiteur doit avoir un domicile connu au Maroc ;

-Le paiement doit concerner une somme d’argent supérieure à 9 000 Dirhams ;

-La dette doit être établie par un effet de commerce ou un acte authentique.

Pour les magistrats du siège, ils sont chargés de trancher sur les procès qui leur sont soumis, les
magistrats du tribunal de commerce peuvent être chargés de fonctions qui revêtent une très grande
importance dans le domaine commercial.

Les magistrats du parquet (ministère-public) : Il s’agit du procureur du Roi et de son ou ses substituts.
Le parquet prés du tribunal de commerce n’ayant pas le droit d’exercer l’action publique, certains ont
estimé que son rôle était sans importance. Mais un fort courant soutient que le parquet a un rôle qu’il ne
faut pas sous-estimer du moment que le code de commerce et la loi instituant les juridictions de
commerce, en partant de la nécessité de promouvoir le développement par l’encouragement des
investissements nationaux et étrangers, ont reconnu au ministère public d’importantes attributions en
matière de prévention et de traitement des difficultés de l’entreprise, où il a le droit de demander
l’ouverture de cette procédure. Il peut aussi, selon l’Article 620 du code de commerce, lorsque l’intérêt
général ou l’intérêt des créanciers l’exige, demander au tribunal la continuation de l’activité de
l’entreprise soumise à la liquidation judiciaire. Etant partie dans les procédures relatives aux difficultés
de l’entreprise, le parquet peut exercer les voies de recours contre les jugements et arrêts rendus en
cette matière.
3
Cours Droit des affaires

Comme dans toutes les juridictions où existe un parquet dans les tribunaux de commerce, il y a un
greffe et un secrétariat du parquet :

-Le greffe : en sus de ses attributions traditionnelles, le greffe dans ces juridictions a des attributions
spécifiques, notamment en matière de registre du commerce et des difficultés de l’entreprise.

-Le secrétariat du parquet : Il assiste celui-ci dans l’accomplissement de ses fonctions.

2- Fonctionnement

Le tribunal de commerce fonctionne selon le principe de la collégialité. En effet, aux termes de


l’Article 4 de la Loi 53-95 : « sauf dispositions contraires de la loi, les audiences des tribunaux de
commerce et des cours d’appel de commerce sont tenues et leurs jugements rendus par 3 magistrats,
dont un président, assisté d’un greffier ».

Le tribunal de commerce peut être divisé en chambres suivant la nature des affaires dont il est saisi,
étant précisé que chaque chambre peut instruire les affaires soumises au tribunal et y statuer. C’est
l’assemblée générale qui fixe le nombre des chambres selon la nature des affaires et leur composition,
elle détermine également les jours et heures des audiences, et décide de la répartition des affaires entres
chambres. L’assemblée générale comprend l’ensemble des magistrats du tribunal et du secrétaire
greffier (composition semblable à celle de l’assemblée générale des tribunaux de première instance).
Elle se réunie au moins une fois par an, dans les premiers 15 jours du mois de Décembre et à tout
moment, chaque fois que le président du tribunal l’estime opportun.

B- La compétence du tribunal de commerce

1- Compétence en raison de la matière

Le tribunal de commerce est une juridiction judiciaire du premier de degré, compétente pour
connaître :

 Des actions relatives aux contrats commerciaux ;

 Des actions entre commerçants à l’occasion de leurs activités commerciales ;

 Des actions relatives aux effets de commerce ;

4
Cours Droit des affaires

 Des différends entre associés d’une société commerciale ;

 Des différends à raison de fonds de commerce ;

Le tribunal de commerce est compétent pour connaître en premier et dernier ressort, des demandes
dont le principal n’excède pas la valeur de neuf mille dirhams (9000 Dh), et des demandes en premier
ressort, de toutes demandes d’une valeur supérieure à ce montant.

Le tribunal de commerce est également compétent pour connaître de l’ensemble des litiges
commerciaux et même ceux qui comportent un objet civil. C’est ainsi que le commerçant et le non-
commerçant peuvent toujours, par voie de compromis, attribuer compétence aux tribunaux de
commerce pour connaître des litiges pouvant les opposer à l’occasion de l’exercice de l’une des
activités du commerçant.

Le tribunal de commerce n’est pas compétent pour connaître des affaires relatives aux accidents de la
circulation, même si ces litiges ce rapportent aux activités commerciales et intéressent les
commerçants.

Un commerçant peut convenir avec le non commerçant d’attribuer la compétence au tribunal de


commerce pour connaître des litiges pouvant les opposer à l’occasion de l’exercice de l’une des
activités du commerçant.

2- La compétence territoriale

La compétence territoriale appartient au tribunal du domicile réel ou élu défenseur :

- Lorsque ce dernier n’a pas de domicile au Maroc, mais y dispose d’une résidence, la
compétence appartient au tribunal de cette résidence ;

- Lorsque le défendeur n’a ni domicile, ni résidence au Maroc, il pourra être traduit devant le
tribunal du domicile ou de la résidence du demandeur ou de l’un d’eux s’ils sont plusieurs ;

S’il y a plusieurs défenseurs, le demandeur peut saisir, à son choix, le tribunal du domicile ou de la
résidence de l’un d’eux.

Par dérogation aux dispositions de l’Article 28 du code de procédure civile, les actions sont portées :

 En matière de sociétés, devant le tribunal de commerce du lieu du siège social de la


société ou de la succursale ;
5
Cours Droit des affaires

 En matière de difficultés de l’entreprise, devant le tribunal de commerce du lieu du


principal établissement du commerçant ou du siège social de la société ;

 En matière de mesures conservatoires, devant le tribunal de commerce dans le ressort


territorial duquel se trouve l’objet desdites mesures.

Les parties peuvent dans tous les cas convenir par écrit de désigner le tribunal de commerce compétent.

3- L'exception d'incompétence

Contrairement à l'article 17 du code de procédure civile, qui permet au juge de joindre la demande de
l'exception d'incompétence à la procédure de fond, le tribunal de commerce, selon l'article 8 de la loi,
est tenu par jugement séparé de statuer sur l'exception d'incompétence dans un délai de 8 jours. Ce
jugement relatif à la compétence est susceptible d'appel dans un délai de 10 jours à compter de la date
de sa notification. Toute une procédure est alors enclenchée: transmission du dossier par le greffe à la
cour d'appel de commerce qui doit statuer dans un délai de 10 jours "courant à compter de la date où le
dossier parvient au greffe". Lorsque la Cour d'Appel statue sur la compétence, "elle transmet d'office le
dossier au tribunal compétent". Le dossier est transmis par le greffe dans un délai de 10 jours à compter
de la date où l'arrêt a été prononcé. Cet arrêt, indique l'article 8, n'est susceptible d'aucun recours,
ordinaire ou extraordinaire.

De son côté, l'article 9 précise que "le tribunal de commerce est compétent pour connaître de l'ensemble
du litige commercial qui comporte un objet civil".

C- La procédure devant les tribunaux de commerce

La procédure applicable devant les tribunaux de commerce est conforme au schéma classique de
quatre phases : la saisine, les convocations aux instances, les jugements ou ordonnances et enfin
l’exécution.

1- La saisine

Le tribunal de commerce est saisi par requête écrite et signée par un avocat inscrit au tableau de l’un
des barreaux du Maroc. La procédure orale est totalement exclue devant ces juridictions.

Les requêtes sont enregistrées sur un registre destiné à cet effet. Le greffier délivre au demandeur un

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Cours Droit des affaires

récépissé portant le nom du demandeur, la date du dépôt de la requête, son numéro au registre et le
nombre et la nature des pièces jointes. Une copie dudit récépissé est déposée par le greffier dans le
dossier. Le président du tribunal désigne dès l’enregistrement de la requête un juge rapporteur auquel il
transmet le dossier dans un délai de 24 heures et ce dernier convoque les parties à l’audience la plus
proche dont il aura fixée la date.

2- Les convocations

Les convocations sont transmises soit par huissier de justice, soit par les voies prévues au code de
procédure civile, c’est à dire par un agent de greffe, par lettre recommandée avec demande d’avis de
réception ou par voie administrative.

3- Les jugements et ordonnances

A l’issue de l’audience, le juge rapporteur fixe la date du prononcé du jugement lors de la mise en
délibéré de l’affaire. La loi précise que le jugement ne peut être prononcé avant qu’il ne soit dressé in
extenso pour éviter le prononcé avant la rédaction de ses attendus.

Le délai d’appel des jugements rendus par le tribunal de commerce est de quinze jours à dater de la
notification au lieu des trente jours pour les jugements rendus par le tribunal de première instance.

4- L’exécution des jugements

La loi prévoit que le Président du tribunal désigne, sur proposition de l’assemblée générale, un
magistrat chargé du suivi des procédures d’exécution. Celui-ci doit obtenir dans un délai de dix jours, à
dater de la demande d’exécution, soit l’exécution de la décision, soit l’intention de la partie condamnée.
Il doit dresser un procès-verbal de saisie-exécution ou un exposé des motifs l’en ayant empêchée et ce,
dans un délai de 20 jours à compter de l’expiration du délai de mise en demeure.

5- Réduction du délai

Si l'appel des jugements des tribunaux de première instance doit être formé dans le délai de 30 jours
(art.134 du CPC), l'article 18 sur les juridictions commerciales le ramène à 15 jours "courant à compter
de la date de notification du jugement".

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Cours Droit des affaires

Les injonctions aux fins de paiement sont exécutoires après notification et le délai d'appel, et l'appel
lui-même ne suspendent pas l'exécution de l'ordonnance (art 22). Cependant, par arrêt motivé, la Cour
d'appel de commerce "peut surseoir partiellement ou totalement à l'exécution". En règle générale,
l'appel pour l'injonction de payer est de 8 jours, la loi sur les juridictions de commerce ne précise aucun
délai, "à moins que ce soit la même durée, soit 15 jours, annoncée par l'article 18 de cette loi",
s'interrogent les experts.

II- L’ arbitrage

L'arbitrage est un mode alternatif de règlement des litiges par recours à une ou plusieurs personnes
privées, (les arbitres) choisies par les parties en vue d'obtenir une décision impérative , en dehors des
juridictions étatiques. La caractéristique fondamentale de l'arbitrage réside dans la soustraction aux
tribunaux étatiques des litiges qui relèvent normalement de leur compétence.

Il est dès lors, un mode dit parfois amiable ou pacifique mais toujours juridictionnel de règlement d'un
différend par une autorité (le ou les arbitres) qui tient son pouvoir de juger, non d'une délégation
permanente de l'Etat ou d'une institution internationale, mais de la convention des parties.

La conciliation ou la médiation, est également un mode alternatif de règlement des différends, par le
concours d'un tiers, dénommé conciliateur ou médiateur, qui est appelé à trouver ou provoquer un
terrain d'entente entre les parties. Et ceci par l'intermédiaire d'un accord, le plus souvent concrétisé dans
un procès-verbal signé par les parties et le conciliateur ou le médiateur selon le cas.

Entre la conciliation ou la médiation et l'arbitrage, il est de nombreuses relations. L'une et l'autre


permettent de mettre fin à un litige, par l'entremise d'un tiers, conciliateur, médiateur ou arbitre. Se sont
également des procédés conventionnels. Ainsi les institutions d'arbitrage proposent également des
règlements de conciliation et d'arbitrage. L'acceptation d'une médiation n'exclut aucunement le recours
à l'arbitrage.

La différence essentielle tient à l'autorité de la décision du tiers qui s'entremet, le procès-verbal, à la


différence de la sentence arbitrale, n'est pas une décision juridictionnelle et ne lie donc pas les parties.
Par conséquent, la solution proposée par le conciliateur ou le médiateur doit être acceptée par les
parties. De surcroît, la convention de conciliation ou de médiation n'est pas une convention d'arbitrage ;
8
Cours Droit des affaires

puisque le domaine des conventions d'arbitrage est limité par une série des règles spécifiques.

Lorsque l'arbitre statue comme amiable compositeur, ceci peut donner l'impression qu'il cherche une
solution équitable et acceptable entre les parties. L'esprit de conciliation plane sur l'arbitrage. Mais la
décision de l'arbitre amiable compositeur est juridictionnelle et s'impose aux parties.

A- Classification de l'arbitrage

Le droit marocain distingue entre : l'arbitrage interne et l'arbitrage international. Le code de


procédure civile porte la marque de cette distinction. En effet l'organisation de ce mode de règlement
des litiges diffère selon que les parties intéressées s'adressent à une institution permanente spécialisée
au niveau national, régional ou international, ou en dehors de toute institution d'arbitrage.

Le critère qui parait le mieux approprié, pour distinguer l'arbitrage interne d'un arbitrage
international, est celui de l'application du droit processuel.

1- L'arbitrage interne

Quand le litige met en cause des intérêts purement marocains, sa solution dépend de l'ordre juridique
marocain. L'arbitrage entre en concurrence directe avec la justice étatique. La possibilité d'y recourir,
les règles qui le gouvernent, les effets de la sentence arbitrale et les règles applicables au fond du litige
relèvent de la loi marocaine. Si l'Etat tolère l'arbitrage, il l'encadre étroitement.

2- L'arbitrage international

L'arbitrage international selon les termes de l'article 327-40 du code de procédure civile : « Est
international au sens de la présente section l'arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce
international, et dont l'une des parties au moins a son domicile ou son siège à l'étranger ».

L'arbitrage est qualifié comme international lorsqu'il existe une opposition entre des parties qui n'ont
pas la même nationalité ou qui sont domiciliées dans des pays différents.

3- L'arbitrage institutionnel

L'arbitrage institutionnel nommé aussi juridictionnel ou organisé, est l'arbitrage dont les parties ont
confié l'organisation à une institution permanente d'arbitrage, et qui se déroule conformément au
9
Cours Droit des affaires

règlement d'arbitrage administré par cette institution. Sa similitude avec la procédure judiciaire est
frappante tout en étant une `'justice privée'' rendue par des personnes physiques de droit privé. Même si
parfois un magistrat peut être sollicité, il officie en dehors du tribunal étatique auquel il est attaché.

Parmi les nombreux avantages que présente l'arbitrage institutionnel, d'abord il évite les risques de
paralyser la procédure arbitrale lorsque celle-ci connaît des difficultés, ensuite il assure aux sentences
arbitrales la qualité, l'efficacité et l'autorité. Ces institutions n'ont pas que des avantages, cependant
l'institutionnalisation de l'arbitrage entraîne une moindre personnalisation et une moindre souplesse de
la procédure.

Les institutions sont variées : privées ou publiques, certaines sont spécialisées dans l'arbitrage
international - la plus connue et la plus importante est sans doute la Cour d'Arbitrage de la Chambre de
Commerce International - d'autres dans l'arbitrage interne ; les unes sont réservés à certains litiges
spécialisés, les autres ont une vocation générale.

4- L'arbitrage `'ad hoc''

L'arbitrage `'ad hoc'' est celui dont la volonté des parties reste prépondérante, de convenir que leur
différend sera réglé par un ou plusieurs arbitres non soumis à la procédure établie par le règlement de
toute institution permanente d'arbitrage, et d'organiser par elles-mêmes dans ses moindres détails (choix
des arbitres, siège du tribunal arbitral, règles de procédure...), en se référent à tel règlement de leur
choix.

Les avantages de l'arbitrage `'ad hoc'' sont évidents. Il s'agit d'une liberté totale laissée aux parties, qui
peuvent adopter des procédures convenant aux spécifiés de leur litige. Peut donc parait plus souple que
l'arbitrage institutionnel car celui-ci est soumis à quelques contraintes, fussent-elles légères, de la part
du centre d'arbitrage qui l'administre ou le contrôle.

B- L'intérêt de l'arbitrage

Il n'est pas possible de contester le succès actuel de l'arbitrage comme mode alternatif de règlement
des litiges, sans s'interroger, sur les raisons qui fonderaient aujourd'hui sa supériorité sur la justice
étatique.

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Cours Droit des affaires

Les promoteurs de l'arbitrage avancent volontiers que les avantages de cette formule procédurale
tiennent à sa rapidité, sa discrétion, sa souplesse, avec la compétence technique et professionnelle des
arbitres.

1- La rapidité

L'arbitrage est en principe plus rapide que la justice étatique, pour la raison essentielle que les parties
ont le pouvoir de fixer le délai dans lequel la sentence arbitrale doit être rendue, ce qui est exclu pour la
justice étatique, laquelle est prisonnière de ses règles de procédure et surtout victime de son
encombrement.

2- Le caractère confidentiel

La discrétion est sans doute l'avantage le plus apprécié des milieux d'affaires, c'est un facteur attractif
très fort. A coté d'une volonté de discrétion à l'égard des autorités publiques ou fiscales, spécialement à
une époque où les médias s'emparent de la moindre information au risque de condamner tout
arrangement. Cette pratique de confidentialité, généralement observée par les parties ainsi que par les
arbitres, a pour conséquence que peu de décisions arbitrales sont portées à la connaissance du public.

La liberté de dialogue des parties et de leurs conseils avec l'organisme arbitral est aussi à mentionner
comme attrait de cette formule.

3- La souplesse

La souplesse de l'arbitrage n'est pas douteuse puisque, la résolution du litige se fait par une procédure
moindre de formalisme, souple, efficace et connue au préalable des deux parties. Ainsi que les arbitres,
choisis parmi des professionnels sensibilisés aux difficultés des activités professionnelles en cause dans
chaque litige, répugnent à mettre l'intégralité des torts à la charge de la partie perdante lorsque celle-ci
n'est pas de mauvaise foi. Il en résulte, surtout pour l'arbitrage interne, un « recentrage » assez fréquent,
l'unanimité des arbitres dérivant de concessions mutuelles, qui joue un peu le rôle d'une assurance
juridictionnelle grâce à laquelle un partenaire sait à l'avance que, même s'il a tort, sa condamnation sera
plus mesurée que devant les tribunaux.

4- La compétence technique et professionnelle des arbitres

11
Cours Droit des affaires

La compétence et la technicité des arbitres est une autre raison souvent avancée qui joue un rôle
décisif : le choix de ces derniers, soumis au principe de liberté, s'effectue en grande partie sur la
connaissance qu'ils ont des problèmes soulevés par le litige ou du secteur d'activité en cause
(informatique, propriété littéraire et artistique...). En faisant ainsi élection de personnes provenant de la
même famille professionnelle les parties peuvent l'espérer, d'une part, faire l'économie d'expertises
pratiquement inévitables devant le juge, d'autre part, instaurer un certain climat de «convivialité»,
permettent dans le meilleurs des cas de conserver entre elles des relations d'affaires pendant et après
l'arbitrage. Cette disposition sociologique a des conséquences inattendues : on a ainsi pu dégager une
certaine « masculinité de l'arbitrage », le milieu des affaires n'étant pas aussi ouvert que la fonction
publique à la féminisation des cadres.

Cet incontestable avantage doit être tempéré par l'observation que l'avènement d'un véritable droit de
l'arbitrage impose de faire une place aux spécialistes juridiques dans la composition des tribunaux
arbitraux. Cela réduit d'autant la place, sinon le rôle des arbitres techniciens.

Pour clore cette liste des avantages de l'arbitrage, on mentionnera que dans le domaine du commerce
international vient s'ajouter une considération importante, si un litige oppose deux sociétés dans un
antagonisme nord-sud (pays économiquement avancés - pays assistés) voire une concurrence
technologique (Occident - Extrême-Orient), le risque que joue inconsciemment dans un sens ou dans
l'autre le nationalisme des juges compétents rationae loci, quelles que soient par ailleurs leur qualité
professionnelle et leur indépendance politique, n'est pas absent. Le recours à l'arbitrage sera alors une
garantie de neutralité.

C- La procédure arbitrale

1- La conventrion arbitrale

Le recours à l'arbitrage trouve sa source dans la volonté des parties, qu'il soit organisé par une
institution ou non, telle qu'exprimée dans une convention qui prévoit et organise ce recours, même dans
l'arbitrage forcé il est utile de procéder à la volonté des parties intéressées.

La convention d'arbitrage est l'engagement des parties de recourir à l'arbitrage pour régler un litige né
ou susceptible de naître concernant un rapport de droit déterminé, de nature contractuelle ou non

12
Cours Droit des affaires

contractuelle. La convention d'arbitrage revêt la forme d'un compromis d'arbitrage ou d'une clause
d'arbitrage.

Au Maroc, c'est évidemment le code de procédure civile qui trace les grandes lignes du cadre général
en la matière, tout en signalant dès à présent qu'il est largement insuffisant, même en ce qui concerne
ses aspects processuels. En effet, ce n'est pas uniquement ce texte qui nous permettra de préciser le
régime juridique de la convention d'arbitrage. Des conditions de validité, relatives à la capacité, au
consentement des parties à l'arbitrage, à la cause ou à l'objet seront transportables et fixées par le Dahir
des Obligations et des Contrats (DOC), par la loi n°70-03 portant Code de la Famille `'auxquels renvoie
parfois le code de commerce qui est également applicable''. D'autre règles ou prescriptions déterminant,
d'un coté le domaine de l'arbitrage et, d'autre coté, le régime juridique de la clause d'arbitrage
intervenant avant le litige, et celle qui est passée après le litige à savoir le compromis.

a - La clause d'arbitrage

La clause d'arbitrage est la convention par laquelle les parties à un contrat s'engagent à soumettre à
l'arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat.

La clause d'arbitrage n'est pas une promesse de compromis, elle oblige les parties à mettre en œuvre
directement l'arbitrage, en cas de litige. Elle doit donc comporter, dès sa conclusion, les éléments qui le
permettront, sans qu'un nouvel accord intervienne. L'article 317 du CPC énonce, deux séries de
conditions : la forme écrite et la désignation du ou des arbitres.

Il peut s'écouler un certain temps entre la rédaction de la clause et la survenance du litige, et les
arbitres désignés peuvent entre-temps décéder, changer d'activité, partir à l'étranger...La clause
d'arbitrage deviendrait alors inapplicable, il faudrait recourir au juge pour constituer le tribunal arbitral.

b- Le compromis

Le compromis d'arbitrage est la convention par laquelle les parties à un litige déjà né soumettent
celui-ci à un tribunal arbitral.

Rappelons que le compromis intervienne après la clause d'arbitrage puisqu'il suppose la naissance
préalable d'un litige.

13
Cours Droit des affaires

Le compromis obéit aux règles qui gouvernent les contrats : La validité du compromis dépend de la
forme écrite énoncée par l'article 313 du CPC, mais également de son contenu décrit par l'article 315 du
même code.

Le compromis doit, à peine de nullité :

- déterminer l'objet du litige.

- désigner le tribunal arbitral ou prévoir les modalités de sa désignation.

2- Le procès arbitral

Lorsqu'elle est mise en œuvre, la convention d'arbitrage va permettre d'organiser la résolution du


litige qui oppose les parties. Alors que jusqu'à ce stade primait plutôt la nature conventionnelle de
l'arbitrage, c'est à présent sa nature juridictionnelle qui prédomine. Les similitudes entre le procès
arbitral et le procès judiciaire sont bien réelles.

Entre l'aspect contractuel de la convention d'arbitrage, et le procès arbitral qui s'en distingue par son
caractère institutionnel très net, il existe une phase de transition centrée autour du tribunal arbitral. En
effet pour passer à la phase juridictionnelle qui aboutira à la sentence, il est indispensable de faire le
choix d'arbitres et de constituer le tribunal arbitral. Il s'agit à l'inverse des juges professionnels ou
magistrats de carrière, de personnes privées choisies par les parties dont le rôle est de trouver une
solution au différend qui leur est soumis par des partenaires à l'arbitrage. Même si chacun d'eux a été
choisi par l'une de ces dernières, l'arbitre n'est ni un mandataire, un défenseur ou un conseil, il est plutôt
une sorte de juge privé.

3- La saisine de l'arbitre

L'arbitre est saisi soit conjointement par les parties, soit à la demande de l'une d'elles, par une
demande d'arbitrage. Rappelons que pour que la saisine produise effet, il est nécessaire que l'arbitre ait
accepté sa mission.

Une fois l'arbitre saisi et la communication des pièces et conclusions effectuée, se déroule
l'instruction qui précède le délibéré.

4- Le délibéré arbitral

14
Cours Droit des affaires

Après la clôture de l'instruction, l'affaire est mise en délibéré et à partir de ce moment aucune
demande ne peut plus être formée, ni aucun moyen soulevé. Le délibéré est secret (art 327-22 al 2).
Aucune forme particulière n'est imposée pour le délibéré, c'est-à-dire, les discussions entre arbitres
aboutissant à la rédaction de la sentence. La modalité la plus souhaitable est la réunion physique des
arbitres. Mais rien ne semble interdire un délibéré par téléphone ou par correspondance.

La sentence arbitrale est rendue, après délibération du tribunal arbitral, à la majorité des voix. Tous
les arbitres doivent se prononcer en faveur ou contre le projet de sentence sous réserve des dispositions
du 2e alinéa de l'article 327-16. Cela revient à dire que la voix du président est prépondérante, puisque
chaque partie a désigné le même nombre d'arbitres.

La mise en délibéré met fin à la formulation des demandes ainsi qu'à l'échange des arguments et des
pièces. Les demandes ou arguments tardifs doivent être déclarés irrecevables par la sentence et les
pièces communiquées hors délai écartées des débats.

Une fois le délibéré achevé. Le tribunal arbitral rend sa sentence, c'est-à-dire la notifie aux parties.
Contrairement à un jugement, la sentence ne donne lieu à aucune publicité. Non seulement elle n'est
pas rendue en audience publique, mais elle ne sera connue que des parties et des arbitres, qui sont tenus
au secret professionnel. La sentence ne viendra à la connaissance des tiers qu'en cas de demande
d'exequatur ou d'action en annulation. Si le centre d'arbitrage publie les sentences, il doit prendre toutes
les précautions nécessaires pour que les parties ne puissent pas être identifiées.

5- La Sentence arbitrale

La mission de l'arbitre s'achève donc par le prononcé de la sentence arbitrale qui fixe les droits et
obligations de chacun. La sentence arbitrale est la décision par laquelle les arbitres, conformément aux
pouvoirs que leur confère la convention d'arbitrage, tranchent les questions litigieuses qui leur ont été
soumises par les parties. Elle est l'aboutissement de la procédure d'arbitrage. Etant donné le caractère
juridictionnel de l'arbitrage, beaucoup de sentences arbitrales ont l'apparence d'un jugement. Mais cette
apparence est trempeuse, car la sentence arbitrale est rendue par des juges privés. Les arbitres ne
peuvent pas conférer à la sentence la qualité qui permettrait son exécution forcée. Il faudra pour cela
recourir à la justice étatique par le moyen de la procédure « d'exequatur ».

15
Cours Droit des affaires

Après le prononcé de la sentence, si celle-ci présente un caractère définitif et non seulement


préparatoire, l'arbitre a complètement accompli sa mission. Il en résulte qu'il perd les pouvoirs qui lui
avaient été conférés dans ce but. Il est dessaisit du litige, ce qui lui interdirait, même avec l'accord des
parties, de revenir sur sa décision pour la rectifier.

6- Exécution de la sentence

La sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une ordonnance d'exequatur
du président de la juridiction dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue.

En principe, quelle que soit la force probante et l'autorité de la sentence, son exécution ne pourra être
que volontaire et spontanément par les parties. Une telle exécution volontaire emportera évidemment
acquiescement à la sentence, c'est-à-dire renonciation à exercer les voies de recours ouvertes contre la
sentence.

Il arrive souvent que l'une des parties refuse d'exécuter la décision rendue à son encontre et l'arbitre
étant dans l'impossibilité de prononcer une astreinte. Dans ce cas la sentence devra alors faire l'objet
d'une procédure d'exequatur pour permettre une exécution forcée. Par ailleurs la sentence arbitrale peut
être assortie de l'exécution provisoire.

L'exequatur est la décision par laquelle l'autorité judiciaire compétente donne force exécutoire à une
sentence arbitrale ; elle consiste en l'apposition sur la sentence de la forme exécutoire qui est une
prérogative des présidents de juridiction.

La procédure d'exequatur est déclenchée par un arbitre ou par la partie la plus diligente. En principe
le juge compétent pour rendre l'ordonnance d'exequatur est le président de la juridiction dans le ressort
de laquelle la sentence a été rendue. Si la sentence n'indique pas le lieu où elle a été rendue, le juge
territorialement compétent est celui du lieu où les arbitres ont donné connaissance de la sentence aux
parties, à défaut on appliquera probablement la règle gouvernant l'arbitrage international qui renvoie au
juge du lieu où l'on entend exécuter la sentence.

Le tribunal arbitral peut à la demande d'une partie ou même d'office, accorder l'exécution provisoire
de sa sentence, conformément aux dispositions applicables à l'exécution provisoire des jugements, qui
valent pour les sentences arbitrales. Il peut, comme un juge étatique, la soumettre à la constitution de
16
Cours Droit des affaires

garantie, de façon à sauvegarder les droits de la partie perdante au cas où la sentence serait réformée ou
modifiée par la suite.

En somme, la règle est la compétence de l'arbitre en la matière ; mais exceptionnellement celle du


juge étatique est prévue.

7- les voies de recours

La question des voies de recours contre les sentences arbitrales était, avant la loi n°08-05, l'une des
plus touffues de la matière. La plus grande nouveauté du nouveau texte sur l'arbitrage réside, selon
plusieurs spécialistes, dans la force exécutoire de la sentence arbitrale. Dans l'ancien texte, celle-ci
n'était pas susceptible d'appel. Mais les parties pouvaient s'attaquer à l'ordonnance de son exequatur.
Les nouvelles dispositions instaurent, en revanche, un recours en annulation contre la sentence
arbitrale. L'ordonnance de son exécution n'est cependant plus attaquable devant la Cour d'appel. Si la
décision arbitrale est annulée, elle ouvre droit à la procédure judiciaire, ou à un autre arbitrage.

L'appel consiste à porter l'ensemble du litige devant la Cour d'appel dans le ressort de laquelle la
sentence a été rendue, qui en réexamine tous les éléments, en droit comme en fait. L'appel est recevable
quel que soit le montant du litige. A moins que les parties n'aient renoncé à l'appel dans la convention
d'arbitrage et à moins que l'arbitre n'ait reçu mission de statuer comme amiable compositeur. Pourtant
les parties peuvent se réserver le droit d'interjeter appel contre la sentence rendue en amiable
composition. Elles doivent le faire expressément et sans équivoque dans la convention d'arbitrage. En
outre, l'appel n'est pas recevable contre les sentences rendues au Maroc en matière d'arbitrage
international. L'exclusion de l'appel a des conséquences graves puisque le perdent ne pourra que
difficilement contester une sentence qui lui est défavorable, même si elle comporte des erreurs de fait
ou de droit.

L'appel peut tendre soit à la réformation de la sentence, par exemple une modification des
dommages-intérêts alloués à l'un des plaideurs, soit à son annulation. Par conséquent, l'appel peut être
interjeté non seulement par le perdant, mais aussi par le plaideur qui n'a obtenu qu'une satisfaction
partielle.

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Université Sultan Moulay Sliman

Faculté Polydisciplinaire - Khouribga

Cours de Droit des


affaires
S5

Chapitre 5 : Difficultés des entreprises

2020/2021
Chapitre 5 : Les difficultés des entreprises

Le droit des entreprises en difficulté participe à l’édification d’un droit


public et économique. C’est un droit de l’entreprise malade. Une entreprise
qui peut faire face à des difficultés et qu’elle n’arrive plus à faire face à son
passif exigible (payer ses fournisseurs, ses salariés, les impôts, le loyer, etc..).
Le législateur, étant donné l’impact économique de l’entreprise va tenter de la
sauver. Si cela s’avère impossible malgré ses efforts, le législateur procédera à
une opération pour vendre le patrimoine de l’entreprise afin de satisfaire les
créanciers de l’entreprise débitrice.

En effet le législateur intervient selon deux étapes dans un ordre


prioritaire:

Droit préventif: pour éviter que l’entreprise sombre, et cela par la mise en
place des procédés non contentieux. C’est la phase avant la cessation de
paiement.

Droit curatif: c’est la phase après la cessation de paiement. Le


législateur prévoit en premier temps, et dans un souci d’ordre
économique, une procédure de redressement judiciaire de l’entreprise
et, en deuxième temps, souci d’ordre juridique, organise de la liquidation
judiciaire de l’entreprise, c’est une procédure collective classique.

I- Caractéristiques du droit des entreprises en difficulté

A- Un droit de nature économique

Le nouveau droit des difficultés de l’entreprise est marqué par une forte
prépondérance de la logique économique sur celle juridique. Cette
interférence est caractéristique du droit contemporain des affaires, et
traduit un décloisonnement entre disciplines juridiques et économiques
ainsi qu’une perméabilité de la logique juridique par rapport aux
considérations économiques. On peut observer ce mouvement à la fois au
niveau des mobiles et des objectifs du nouveau droit sur la difficulté des
entreprises. Le droit est mis à contribution dans un but d’abord
économique: préserver une source majeure de richesse et d’emploi en
priorisant l’intérêt de l’entreprise et des salariés.

B- Un droit d’arbitrage entre intérêts contradictoires

Par nature, le DDE est un droit d’affrontement entre intérêts


contradictoires, mais tout aussi légitimes (intérêts des salariés, des
créanciers, de l’entreprise). Il appartient à la loi de forger les solutions
légales permettant d’arriver à un compromis équilibré entre les différents
protagonistes. On ne peut à cet égard se satisfaire d’une priorisation
permanente de l’intérêt de l’entreprise. En effet, si tous les efforts doivent
être mis en place pour tenter de redresser la situation de l’entreprise, les
droits des créanciers doivent également être pris en compte dans la
mesure où ils restent les moteurs financiers de l’économie.

C- Un dérogatoire au droit commun

Tend à assurer ces arbitrages difficiles sans avoir comme premier


objectif la punition patrimoniale ou pénale du chef d’entreprise. D’un
autre côté, le droit ne peut être un rempart totalement efficace contre les
aléas de l’économie. Il n’est ni réaliste ni sain de vouloir préserver coûte
que coûte, les entreprises vouées à une disparition certaine compte tenu de
leur faiblesse économique. Ainsi, les libéraux disent «laisser faire, laisser
mourir». De même il importe que le recours aux règles dérogatoires des
procédures collectives ne soit pas laxiste au risque de provoquer un effet
d’aubaine conduisant certains débiteurs à les utiliser comme de simples
modes de gestion.
II- Champ d’application du droit de difficulté de l’entreprise

L’Article 560 du CC dispose que «les procédures de traitement


des difficultés d’entreprise sont applicables à tout commerçant, à tout
artisan et à toute société commerciale qui n’est pas en mesure de payer à
l’échéance les dettes exigées». Par commerçant, le législateur vise toute
personne qui exerce à titre habituel ou professionnel une ou plusieurs
activités listées par les articles 6-7-8 du CC.

- Les sociétés commerciales sont les SA, les SARL, SCS, et les
SNC.
- Le groupement d’intérêt économique (GIE) peut être qualifié de
commerçant et faire l’objet de procédure de traitement des difficultés,
pour cela, il faut que son objet soit commercial. Il est important de
souligner une particularité concernant les GIE; en effet, les membres du
GIE sont tenus des dettes de celui-ci sur leur propre patrimoine (il s’agit
de la loi 13-97). Par conséquent, le GIE ne peut être en difficulté
financière que si ses membres le sont.
- Les coopératives peuvent également avoir la qualité de
commerçant et se voir appliquer les procédures de traitement d’entreprises
en difficulté, si l’objet de la coopérative est de nature commercial.
- Les établissements publics, lorsqu’ils exercent une activité
commerciale, ne peuvent être soumis aux procédures de traitement des
entreprises en difficulté. Ils sont soumis à des dispositions légales
spéciales en fonction de leur statut.
- Les associations ne peuvent en aucun cas relever des procédures de
traitement des entreprises en difficulté (PTDF), combien même les membres
seraient des commerçants. Notons en ce qui concerne la compétence
judiciaire que les tribunaux de commerce sont seuls compétents pour
connaître les procédures de traitement des difficultés d’entreprise, et ce
même si la loi 53-95 instituant les juridictions commerciales ne le prévoit
pas expressément.

III- Notion d’entreprise en difficulté

Apparue avec le nouveau code de commerce, cette notion a pris le relai


de celle traditionnelle de faillite. Ces deux termes ne sont pas
superposables. La notion d’entreprise en difficulté à été forgée par le
législateur afin de permettre le déploiement de la procédure lorsqu’une
entreprise est confrontée à des évènements qui menacent la continuité de
son exploitation avant même qu’elle ne soit en situation de cessation de
payement.

La cessation de payement est une situation plus avancée elle


suppose qu’une entreprise est dans l’incapacité de payer à leur échéances
les dettes exigibles dans la mesure où son actif disponible ne lui
permettant pas de faire face à son passif exigible.

L’objectif du droit contemporain des DDE étant de sauvegarder les


entreprises, il était dès lors très important de mettre en place les outils
législatifs dès les premiers signes avant coureurs des difficultés sans
attendre que la situation de l’entreprise soit irrémédiablement
compromise.

IV- la prévention des difficultés de l’entreprise

Les procédés préventifs visent à permettre la détection des


difficultés de l’entreprise et leur traitement avant leur aggravation afin de
donner toute leur chance aux efforts de sortie de crise. Ils concrétisent une
vision proactive du droit commercial teinté par le pragmatisme
économique puisqu’il s’agit d’intervenir avant même la cessation de
paiement, c’est à dire avant que les créanciers ne soient confrontés à
l’insolvabilité de leurs débiteurs. Les procédés préventifs se déroulent à
travers trois mallions d’une chaine unique. Ils débutent par la prévention
interne à travers d’alerte donnée par le commissaire aux comptes aux
associés. Ils peuvent débutés par l’intervention du juge commercial, c’est
la prévention externe. Enfin, ils ont pour objet d’aménager un accord
entre les créanciers et l’entreprise en difficultés (règlement amiable).

A- La prévention interne

1- Le déclenchement de l’alerte

Le processus de la prévention interne repose sur le mécanisme d’alerte


destinée à attirer l’intention des dirigeants sociaux sur la situation
préoccupante de l’entreprise. L’objectif dans un premier temps sera de
provoquer une discussion interne à l’entreprise, afin de prendre la mesure
la plus exacte possible de difficultés rencontrées ou sur le point de
survenir et de proposer, à la suite de cette discussion, les solutions les plus
appropriés pour les résoudre. Il en résulte que le législateur confère le
mécanisme d’alerte à deux acteurs essentiels : le commissaire des comptes
et les associés. Le commissaire aux comptes constitue la personne la
plus adaptée pour déceler les difficultés, les analyser et projeter leur
impact sur l’avenir de la société.

Organe obligatoire dans les sociétés anonymes et dans certaines


sociétés commerciales (SCA, SARL réalisant un chiffre d’affaire annuel
de plus de 50000 DH HT), le commissaire aux comptes est chargé de
s’assurer que les comptes sociaux sont sincères, réguliers et cohérents.
Cette mission fondamentale dans le processus de contrôle interne confère
au commissaire aux comptes une position essentielle très proche de
l’information comptable et financière, elle le place au cœur de la boite
noire de l’entreprise. Après le dirigeant de l’entreprise, c’est le
commissaire aux comptes qui, en toute logique, est le mieux placé pour
avoir connaissance des problèmes qui compromettent, ou risque de
compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise. Les faits qui
justifient une réaction du commissaire doivent être de nature à
compromettre la continuité de l’exploitation de l’entreprise.

La continuité de l’exploitation de l’entreprise est un concept


comptable et non juridique qui suscite auprès des auteurs de nombreuses
interrogations. Les instances professionnelles (ordre des experts
comptables) ont donné des interprétations approfondies à ce concept, en
observant des faits qui manifestent le risque pour l’entreprise de ne pas
poursuivre son activité. Il peut s’agir :

- Des faits fondés sur la situation financière de l’entreprise, par


exemple: une situation nette négative, fond de roulement dégradé, abus
de crédits à court terme, situation de rupture de crédit.

- Des événements portant sur la situation patrimoniale de


l’entreprise, par exemple: constitution d’hypothèque sur l’ensemble de
l’actif de l’entreprise, des ventes d’éléments de l’actif pour financer des
crédits de court terme.
- Des faits fondés sur l’exploitation elle-même, exemple: rotation
trop long du stock, pénurie de matières premières indispensables, départ
des cadres sans remplacement, une sous activité durable de l’entreprise.
- Des événements résultant de l’environnement de l’entreprise, par
exemple : perte d’un marché, d’une licence ou brevet, relation défectueuse
avec un fournisseur important
- Des faits de nature juridique, par exemple: le report renouvelé
d’échéance, non paiement des dettes, difficultés avec l’administration
fiscale.
Le commissaire aux comptes dispose d’un délai de 8 jours à
compter de l’événement justifiant l’alerte. En ce qui concerne les
conditions de forme, l’alerte doit être donnée par lettre recommandée
avec accusé de réception adressé au dirigeant de l’entreprise, l’invitant à
prendre les mesures nécessaires pour redresser la situation.

2- Les suites de l’alerte

Les suites de l’alerte dépendent de la réaction du dirigeant et des


autres organes sociaux. Plusieurs scénarios sont envisageables:

1. Si le chef de l’entreprise arrive à prendre les mesures nécessaires


au redressement dans les 15 jours suivant le déclenchement de l’alerte, le
processus s’arrête à ce niveau.
2. Si le chef de l’entreprise n’arrive pas à déclencher une sortie de
crise, ou ses pouvoirs ne sont pas assez suffisant de le faire, il est tenu de
convoquer les organes de l’administration compétents (conseil
d’administration, le directoire, les commandités) à fin qu’ils délibèrent et
qu’ils puissent adoptés les mesures propres au redressement.

3. Le processus d’alerte peut déboucher sur une troisième phase


celle de la délibération de l’assemblé générale des actionnaires, dans
l’hypothèse où le conseil d’administration n’arrive pas à mettre en place
des solutions de sortie de crise (article 546-al 2).

4. Si l’assemblée d’actionnaires ne réussit pas à prendre une


décision permettant le redressement de la situation, ou si les mesures
prises sont insuffisantes pour résoudre les difficultés posées de sorte que
la continuité de l’exploitation demeure compromise, il y a lieu de passer à
la procédure de prévention externe.

B- La prévention externe

Pour éviter le pire, les articles 548 à 559 du code de commerce


organisent une procédure judiciaire de prévention en vue de surmonter la
crise par une dissipation de la difficulté ou la réalisation d’un règlement
amiable entre l’entreprise et ses partenaires. En sommes la loi
organise une prévention judiciairement assistée et un règlement
amiable judiciairement homologué.
La prévention externe se caractérise également, comme la
prévention interne, par sa nature non contentieuse. En effet elle constitue
une procédure judiciaire dénuée des pouvoirs contentieux du juge, de dire
le droit et de prononcer des sanctions. La loi en attribue la compétence à
une autorité publique, le président du tribunal de commerce qui la mènera
de manière confidentielle de sorte que le crédit de l’entreprise ne soit pas
diminué. Elle relève exclusivement des attributions du président du
tribunal de commerce. Ni le tribunal de commerce ni le tribunal de
première instance, en tant que juridiction, ne peuvent l’appliquer.
Le président informé par le commissaire aux comptes ou par une autre
procédure, convoque alors le chef d’entreprise pour l’amener à trouver
une solution. Le service du greffe, dépositaire naturel des documents
révélateurs des difficultés comptables, des instances en cours ou d’autre
situation, est en mesure de les découvrir à temps et d’en référer au
président du tribunal.
La réunion avec le chef d’entreprise permet au président de
s’entretenir avec lui sur les causes, les éléments, l’évolution et le sort
probable de la difficulté. Le magistrat peut, nonobstant toute disposition
législative contraire, obtenir communication, par le commissaire aux
comptes, les administrations, les organismes publics ou le représentant du
personnel ou par toute autre personne, des renseignements de toute nature
à lui donner une information exacte sur la situation économique et
financière du débiteur. L’accès à ces renseignements permet au président
de vérifier les dires du débiteur, de les compléter et de les corriger
éventuellement, pour acquérir une connaissance aussi parfaite que
possible de la situation de l’entreprise et lui donner la solution qui
convient. Il procède alors, en fonction de l’importance de la difficulté, soit
à la désignation d’un mandataire spécial dans le cadre de la prévention
judiciairement assisté dans la mesure où elle présente encore un intérêt,
soit au déclenchement du processus de règlement amiable demandé par
requête du débiteur ou ordonné directement par le juge.

1- Procédure du mandataire spécial

L’intervention du président du tribunal permet au chef d’entreprise de


trouver d’autres financements et de renégocier ses dettes. Elle assurera une
assistance précieuse dans ce cadre. Quand la difficulté peut être aplanie
grâce à l’aide d’un tiers a même de réduire les oppositions des
partenaires habituels de l’entreprise, le Président le désigne comme «
mandataire spécial» et détermine librement sa mission et le délai pour
l’accomplir, (article 549 du code de commerce). Seule l’évolution des faits
amènera le président à réviser sa décision dans un délai plus rigoureux.
Dans la vie courante, les banques sont plus interpellées par cette
procédure que d’autres créanciers. Leur savoir-faire en matière de
négociation et d’appréciation des difficultés financières, les prédispose aussi
à jouer le rôle de mandataire spécial ou à être son interlocuteur
privilégié. L’usage très souvent tardif de cette procédure l’expose
couramment a l’échec ou a révéler son inadéquation et ouvre la voie à
celle du règlement amiable, plus complexe et plus coûteuse.

C- L’ouverture du règlement amiable

1- Intérêt du règlement amiable

C’est un mécanisme intéressant dans la mesure où il permet de garder


la souplesse de la négociation conventionnelle tout en s’inscrivant dans un
cadre judiciaire non contentieux. Son principal objectif est de permettre
à l’EED de bénéficier de délais négociés auprès de ses créanciers
tout en la poussant à faire des effets concrets de restructuration et de mise
à niveau. Son utilité pratique est de ce point de vue double; il peut
permettre à l’entreprise de bénéficier d’un véritable ballon
d’oxygène, si les créanciers acceptent de consentir un délai à l’EED.

2- L’ouverture de la procédure

Le Règlement amiable est conçu comme un processus purement


volontaire, c’est au chef de l’entreprise et à lui seul qu’il appartient d’y
recourir, il ne peut être conçu comme la conséquence inéluctable d’une
procédure d’alerte. En pratique, le R.A sera sollicité à la demande pressante
d’un ou plusieurs créanciers.

- La demande sera faite par une requête adressée au président du


tribunal de commerce, dans laquelle le chef de l’entreprise expose la
situation financière, économique et sociale de son entreprise, les
besoins de financement, ainsi que les moyens d’y faire face.
- Le PTC, à partir du moment de la réception de la requête,
convoque le chef de l’entreprise pour un entretien explicatif, il exerce son
droit de communication (établissements bancaires, administrations,
fournisseurs...), il peut, chose importante, désigner un expert qui sera
chargé d’opérer un audit économique, financier, social et juridique de
l’entreprise.
- Au vue de ces sources d’information, le PTC peut décider
d’ouvrir la procédure de règlement amiable, il dispose d’un grand pouvoir
d’appréciation (optimiste et pessimiste).
- Si le PTC admet l’entreprise au bénéfice du R.A, il va nommer un
conciliateur. Il est très important que ce conciliateur n’est pas un dirigeant
de fait, ni un conseiller, il n’a aucun pouvoir propre à part celui
d’encadrer le processus de négociation, il ne doit pas s’immiscer dans la
gestion, il ne doit même pas négocier directement les termes de l’accord.
En ce qui concerne le choix du conciliateur, il appartient exclusivement au
juge commercial. En général, le juge désignera une personne à raison
de ses compétences ou de sa notoriété particulière à fin de lui
conférer une autorité morale lui permettant de diriger les négociations.
On observe dans la pratique que les juges ont souvent recours aux
administrateurs judiciaires ou à des personnes qui connaissent bien le
secteur d’activité spécifique dans lequel ouvre l’entreprise. La
rémunération du conciliateur, et vue le silence du législateur, est à la
charge de l’entreprise.

3- Conclusion d’un accord


3-1- Conditions de l’accord
a- Condition de forme
L’article 557 du Code de Commerce: l’accord doit être constaté par
écrit, et doit être signé par les parties et aussi par le conciliateur.

b- Conditions de fond
- L’accord ne doit pas concerner une entreprise en cessation de
paiement. D’ailleurs, on observe, dans la pratique, que souvent les
créanciers exigent que soit annexée à l’accord une déclaration certifiée
attestant que l’entreprise ne se trouvait pas en cessation de paiement lors
de la conclusion de l’accord.
- L’accord ne doit pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non
signataires (principe d’innocuité d’accord vis-à-vis des créanciers non
signataires). Ces derniers conservent leurs droits d’agir en justice contre
l’entreprise et de faire valoir les suretés qu’ils détiennent à son encontre.

3-2- Homologation de l’accord

Lorsque l’accord est conclu, il est homologué par le juge.


L’homologation est une formalité judiciaire qui authentifie l’accord et lui
donne une force exécutoire et le fait passez du statut d’une simple
convention vers un statut plus formel produisant des effets juridiques
spécifiques.

3-3- Effet de l’accord

L’accord a pour effet, la suspension des poursuites durant toute la durée


de son exécution, les poursuites judiciaires afférentes aux créanciers inclus
dans l’accord.

3-4- Limite de l’accord

La suspension ne concerne que les créanciers englobés dans l’accord


homologué, rien ne s’oppose donc à ce qu’un créancier faisant partie à
l’accord de stipuler expressément l’exclusion de certaines créances, ce
qui lui permettra de conserver, dans la stricte mesure de ses créances non
incluses, le droit de poursuite individuelle. D’autre part ne sont concernées
que les créances qui visent le recouvrement d’une somme d’argent des
actions en paiement, les autres actions telles que les actions en nullité d’un
contrat demeurent possibles.
Un effet intéressant de l’homologation est celui lié à la sécurisation des
créanciers contre le risque de condamnation pour soutien abusif à
l’entreprise.
3-5- Résolution de l’accord

En cas d’inexécution des engagements résultant de l’accord le PTC


prononce la résolution de celui-ci ainsi que la déchéance de tout délai de
paiement obtenu (art 558). La loi ne précise pas la nature de
l’engagement dans l’inexécution justifiée de l’accord. Il en résulte que
l’engagement peut être de nature financière, mais aussi économique,
juridique et organisationnelle, le plus important, il s’agit d’un engagement
déterminant.

La résolution de l’accord entraine le fait pour les créanciers


signataires de retrouver l’ensemble de leurs droits suspendus et donc la
faculté d’engager des poursuites individuelles contre l’entreprise
débitrice. La résolution n’a pas pour effet de faire ouvrir de plein droit une
procédure collective, toutefois la probabilité de cet événement devient très
forte.
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