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Sée Henri. Les idées politiques de Fénelon. In: Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome 1 N°6,1899. pp. 545-565;
doi : https://doi.org/10.3406/rhmc.1899.4151
https://www.persee.fr/doc/rhmc_0996-2743_1899_num_1_6_4151
tiques
dant
système
trine
dans
règne,
lée.
doctrine,
pour
Louis
déjà
esprits.
perspicaces
ont
populaires
brillant
époque,
politique
relative.
ments.
émeuvent
tolérance
soulevé
excès
neuses,
l'Europe,
Jamais
Jusqu'à
Revue
éclaté
l'on
perceptible
Non
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laqui
ne
XIV
que
période
périodes
monarchique
Sans
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la
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Ce
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séculaire,
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France
du
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du
provoquée
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1690,
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le
Bossuet,
Louis
plus
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contemporaine.
le
atteint
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du
de
grand
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1680,
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des
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Grand
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de
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car
qui
ont
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les
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le
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de
HENRI SÉE
II
jours
1. J'ai
avecpulesobserver
idées exprimées
que les idées
par Fénelon
de VEssailui-même.
philosophique concordent presque tou¬
548 HENRI SÉE
subordination
C.
Morts
3.2.
i.Camillus
Ibid,.,
,Supplément
Essai
on trouve
philosophique
chap.
(n° légitime;
XXXIV).
àV.
déjà
l'Examen
exprimée
survoy.,
le de
gouvernement
l'idée
conscience,
par qu'il
exemple,
chap.
civil,
ne saurait
chap.
le
II. Dialogue
—
yVI.
avoir
Dansdelessociété
Coriolan
Dialogues
sanset une
des
de
LES IDÉES POLITIQUES DE FENELON 549
2.
3.1. Essai
Supplément
philosophique,
philosophique
à l'Examen
, chap.de VII.
VI.
Conscience, chap. II.
550 HENRI SÉE
de 4.
est 2.
3.
i.
Socrate
le Essai
Supplément
Ibid.,
plusetphilosophique,
Philosophique,
extrême
chap.
d'Alcibiade
à XII,
l'despotisme.
Examen
XIII
: chap.
chap.
« L'anarchie
etde XIV.
XVI.
X.
Conscience,
» (Dialogues
— Voyez
n'estchap.
ledes
lacomble
même
Morts,
II. des
conception
n°XVII.)
maux que
dansparce
le Dialogue
qu'elle
LES IDÉES POLITIQUES DE FENELON 551
le père a une supériorité naturelle sur ses enfants, soit des qualités
personnelles, car certains hommes, par la valeur de leur esprit, par
leur sagesse et leur vertu, naissent propres à gouverner les autres
L'Essai reconnaît cependant que certaines institutions essen¬
tielles, sans lesquelles il ne pourrait y avoir de société, ne reposent
pas sur la nature des choses : tels le droit héréditaire des terres et
le droit héréditaire des couronnes, qui découlent, l'un et l'autre,
d'une nécessité sociale. Rien n'est plus contraire à la nature que le
partage inégal des biens, et aussi que le fait que l'autorité soit
transmise à un homme par l'hérédité. Mais l'ordre et la paix
rendent ces règles nécessaires : « Le droit héréditaire des couronnes
et celui des terres n'ont, à la vérité, aucun fondement dans le droit
naturel et primitif ; mais ils sont tous deux fondés sur les mêmes
principes du droit civil et doivent être tous deux également invio¬
lables dans tous les pays où ils sont établis ». Quiconque voudra
contester le principe de l'hérédité politique devra aussi reconnaître
que le principe de l'hérédité des biens n'a pas non plus de fonde¬
ments naturels. Le même raisonnement pourra être tenu « par un
fier républicain et par un voleur de grand chemin ». Et on lit
de
encore
domaine
dans l'Essai
et le droit
philosophique
de domination
cette phrase
étant significative
tous deux fondés
: « Lesur
droit
la
2.
1. Ibid.,
Essai philosophique
chap. X. , chap. IV.
552 HENRI SÊE
même école. Ainsi, pour lui le principe religieux n'est pas le seul
qui domine la politique ; l'idée morale joue un grand rôle. La
garantie des sujets n'est pas seulement assurée parles devoirs du roi
envers Dieu, mais par le devoir moral du roi. Il affirme encore que
« la règle est la même dans la politique que dans la morale » r. Il
considère donc que le fondement de la politique n'est pas unique¬
ment théologique.
Puis, tandis que Bossuet, Hobbes et les autres théoriciens abso¬
lutistes déclarent que l'homme est naturellement pervers et inso¬
ciable, Fénelon voit en lui un être naturellement bon et fait pour
vivre avec ses semblables : « Les hommes naissent sociables par la
loi commune et immuable de leur nature intelligente, par l'indi¬
gence corporelle et par l'ordre de la génération. » C'est une idée
monstrueuse de soutenir que l'homme, à l'origine, n'est devenu
sociable que par la crainte d'être opprimé. Il ne nie pas l'influence
des passions, qui rendent nécessaires le gouvernement et la subor¬
dination ; « mais être sociable, c'est un caractère essentiel de
l'humanité2 ». — On le voit, tandis que Hobbes et Bossuet sont
profondément pessimistes, il y a, chez Fénelon, un optimisme véri¬
table. Or, penser que la nature humaine n'est pas mauvaise, c'est
croire aussi que la société humaine peut devenir meilleure qu'elle
n'est, qu'on peut la rendre moins imparfaite. L'optimisme tend
invinciblement à l'esprit de réforme.
III
Mais voici qui distingue encore plus nettement Fénelon des théo¬
riciens absolutistes : alors que ceux-ci considèrent comme un idéal
non seulement le système monarchique, mais le gouvernement
même de Louis XIV, il ne craint pas de critiquer fortement les
fautes de l'administration royale. Rien de plus caractéristique à cet
égard que son Mémoire sur la situation déplorable de la France, qui
date de 17 10 « Pour moi, écrit-il, si je prenais la liberté de juger
1. Essai
2. Cf. Faguet,
philosopbiDix-septième
que, chap. III.
siècle, études littéraires, p. 361.
LES IDÉES POLITIQUES DE FÉNELON 553
obliger
1. Essai
2. Les
Philippe
mêmes
philosophique,
V idées
à abdiquer
sont
chap.
laexposées
couronne
XI. dans
d'Espagne
le Mémoire
(17 10).
sur les raisons qui semblent
554 HENRI SÉE
2.
i. Examen
3. Ibid., §§ xxi.
de conscience sur les devoirs de la royauté , art. III, § xiv.
xxv.
LES IDÉES POLITIQUES DE FÈNELON 555
IV
3.2.
i. Ibid.,
Examende
art. I,III,
conscience,
§vn.
§ xxiv.art. III, § xxxm.
556 HENRI SÈE
elle n'est consacrée qu'autant qu'il est lui-même la loi vivante don¬
née pour le bien des hommes1. » Jamais non plus le roi ne
doit abuser de son pouvoir pour lever sur ses sujets des taxes
injustes. Soulager les peuples, ne prendre sur eux que ce qui est
absolument indispensable aux besoins de l'État ; pour les dépenses
royales, se contenter des revenus du domaine ; régler les impôts sur
souverain
la situationdoit
économique
fidèlementdes
observer.
provinces : telles sont les règles que le
logue
que
despotisme,
Dialogues
celier
trate.
2.i. pour
Examen
de
Dialogue
Oxenstiern.
Fénelon
Gélon
ledesmaintien
voy.
dereproche
cardinaux
etdeconscience,
de
encore
Socrateet
Dion
desaussi
Ximènes
les
(ibid
lois
d'Alcibiade
art.
Dialogues
àetRichelieu
III,
le
etn° bien
deXXII)
§ Richelieu,
xvin.
(Dialogues
dedul'abus
Xerxès
: peuple.
«— Le
du
qu'il
Sur
etdes
prince
decardinal
»les
Morts
aLéonidas,
fait
conséquences
ne, de
den°
doit
Richelieu
son
de
XVII).
exercer
Solon
autorité
funestes
Cf.
et l'autorité
de;lecf.
du Pisis-
chan¬
Dia¬
du
les
LES IDÉES POLITIQUES DE FENELON 557
VI
2.
i. Examen
Plans de de
Gouvernement
conscience, art.
, art.III,
II, §§ xix.
5.
LES IDÉES POLITIQUES DE FENELON 559
tude
terre
Morts,
de 2.
3.
i.lois
des
»«Ibid.,
Plans
(n°
Nulle
r.
ibid
lois
XIII),
de
.,art.
: art.
gouvernement,
justice
« II,
Pour
Fénelon
II,§ §aux
i bien
. déclare
6). seigneurs
— gouverner
art.
DansII,aussi
le§particuliers,
Dialogue
2.un
quepeuple,
riende n'est
ni
Solon
dit-il,
au pernicieux
etRoi
ildefaut
danspeules
Justiuien
comme
devillages
(Dialogues
juges
la et
multi¬
depeu
des
sa
2.
1.3. Ibid.,
Examenart.de III,
conscience,
Ill, § xxvii.
xxvi.art.
Cf.I, Essai
§ 9. philosophique, chap. II.
LES IDÉES POLITIQUES DE FENELON 561
avaient aucun intérêt réel. Que leur importe que vous ayez une
province de plus? » C'est la critique directe de la politique de
Louis XIV. Mais Fénelon va plus loin encore : même si la guerre
n'a pas été provoquée par un intérêt purement dynastique, si elle
semble d'une utilité réelle pour l'État, il faut encore faire la balance
des avantages et des inconvénients qui peuvent en résulter. Or, la
guerre entraîne tant de désastres qu'un prince sage devrait toujours
l'éviter. La guerre, c'est le pire des malheurs, elle épuise, elle
détruit un pays. Elle ne peut être légitime que pour repousser les
attaques d'un ennemi injuste, et un bon prince n'aura que bien
rarement à craindre pareille conjoncture
Ne peut-on éviter la guerre, il faut tout au moins observer stric¬
tement le droit des gens, les capitulations, sans quoi « la guerre ne
serait plus qu'un brigandage inhumain, qu'une suite perpétuelle de
trahisons, d'assassinats, d'abominations et de barbaries 2 » . On
respectera scrupuleusement toutes les conventions conclues avec les
peuples conquis, on ne leur fera jamais violence3. On se gardera
aussi de toute rigueur inutile : « N'avez-vous point autorisé des
ravages, des incendies, des sacrilèges, des massacres qui n'ont décidé
de rien4? » Voilà une allusion directe aux incendies du Palatinat;
et Fénelon condamne encore indirectement la politique des réunions
en pleine paix lorsqu'il recommande au prince d'observer en toute
conscience les traités qui ont été conclus, de « les interpréter par
la pratique qui les a suivis immédiatement >. »
C'est donc par réaction contre les pratiques gouvernementales de
l'époque que Fénelon affirme hautement les principes de justice
internationale, la malfaisance de la guerre et des conquêtes. A ce
point de vue, il est bien le précurseur direct des philosophes huma¬
nitaires du xvme siècle6. Et c'est le même esprit qui l'anime,
guerres
jours
propres
4.
2.
3.
6.
1. Revue
5. Examen
Ibid.,
On
l'homme
sont
entrailles
retrouve
d'histoire
art.
civiles,
de III,
conscience
contre
...moderne
chez
§Un
dit-il
xxx.
xxxn.
xxxi.
peuple
l'homme
lui
, et
dans
loc.
art.
contemporaine.
les n'est
cit.
III,
lemêmes
Dialogue
qui
Cf.
§ pas
xxix.
répand
Télémaque,
—
tendances
moins
I.de Socrate
son
unlivre
membre
propre
cosmopolites
et XI.
d'AIcibiade
sang,
du genre
qui
: ; «car
humain,
Toutes
déchire
c'est
36 tou¬
qui
ses
les
562 HENRI SÉE
VII
blesser
sa
duites
est
patrie
Chacun
2.
1.république
laPlans
Télémaque,
particulière
société
presque
ladoit
justice
de infiniment
générale,
».textuellement.
gouvernement
livre
Dans
de
dans
peuple
XI.
laquelle
l'Essai
qu'une
plus
, àart.
philosophique
au
peuple
famille
il II,
est
genre
§né
que
7.est
:humain,
ilde(chap.
unest
la membre
donc
blesser
quiinfiniment
II), les
est
de
d'une
mêmes
lafamille
grande
société
plus
idées
à patrie,
famille
pernicieux
particulière.
sont qu'à
contre
repro¬
de
la
LES IDÉES POLITIQUES DE FENELON 563
nourriture recherchée1. Tous les arts, tous les métiers sont réglés
aussi par le gouvernement. On fixera le nombre des gens qui pour¬
ront s'adonner à telle ou telle industrie ; on renverra de la ville
beaucoup d'artisans, auxquels on donnera des terres incultes à défri¬
cher. Le travail sera obligatoire; comme tous les citoyens sans
exception s'occuperont utilement, il n'y aura plus ni oisifs ni misé¬
rables : « c'est l'orgueil et la mollesse de certains hommes qui en
mettent tant d'autres dans une affreuse pauvreté. » L'idéal, c'est
qu'il y ait beaucoup de petits cultivateurs aisés qui resteront labo¬
rieux. Aussi l'État obligera-t-il les citoyens à labourer leurs
champs : « Mettez des taxes, des amendes, et même, s'il le faut,
d'autres peines rigoureuses sur ceux qui négligeront leurs champs,
comme vous puniriez des soldats qui abandonneraient leurs postes
pendant la guerre. » L'on accordera, au contraire, des exemptions
et des grâces aux familles laborieuses et prolifiques.
Et comment maintenir la simplicité et la modération ? En empê¬
chant l'inégalité des fortunes, en réglant l'étendue des terres que
chaque famille devra posséder : « Il ne faut permettre à chaque
famille, dans chaque classe, de pouvoir posséder que l'étendue des
terres absolument nécessaire pour nourrir le nombre de personnes
dont elle sera composée. Cette règle étant inviolable, les nobles ne
pourront faire des acquisitions sur les pauvres : tous auront des
terres, mais chacun en aura fort peu et sera excité par là à les bien
cultiver.
cité créera» Lorsque
des colonies.
les anciennes terres deviendront insuffisantes, la
ment
1. «des
Il maisons
régla tous
pour
les toutes
habits,leslaconditions
nourriture,différentes.
les meubles,
» la grandeur et l'orne¬
564 HENRI SÉE
pp.x. 39-41.
Cf. A. Lichtenberger, Le Socialisme au XVIIIe siècle. Paris, 189s,
LES IDÉES POLITIQUES DE FENELON 565
Ainsi Fénelon, sans s'en douter, ouvre la voie aux penseurs, qui
croiront à la possibilité de créer une société nouvelle, et par ses
conceptions humanitaires, ses tendances optimistes, sa croyance
instinctive à l'évolution et au progrès, il est encore un précurseur
des philosophes du xvine siècle.
Henri Sée.
1. Sur tout ce qui précède, voy. la Lettre sur les occupations de V Académie fran¬
çaise (1714), chap. VIII.