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ALLAITEMENT MATERNEL ET SOMMEIL PARTAGÉ

Nathalie Roques

ERES | Spirale

2005/2 - no 34
pages 131 à 140

ISSN 1278-4699

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Pour citer cet article :


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Roques Nathalie, « Allaitement maternel et sommeil partagé »,
Spirale, 2005/2 no 34, p. 131-140. DOI : 10.3917/spi.034.0131
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Allaitement maternel
et sommeil partagé
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Nathalie Roques

Le non-allaitement :
une situation fréquente en France
Il y a encore quelques années de cela, le fait de donner du lait indus-
triel à un nourrisson (soit de façon exclusive, soit en complément du lait
maternel) était souvent perçu comme un geste banal, sans conséquences
préjudiciables ni pour l’enfant ni pour sa mère. Aujourd’hui, les institu-
tions sanitaires commencent à s’intéresser de près à la question de l’allai-
tement maternel : des recommandations ont été émises par l’ANAES 1, qui
préconise un allaitement maternel exclusif de six mois ; une synthèse 2
publiée par le ministère de la Santé et écrite par le comité nutrition de la
Société française de pédiatrie reprend cette recommandation, et invite de
plus les mères à poursuivre l’allaitement maternel deux ans ou plus, repre-
nant ainsi les recommandations internationales de l’OMS. Ainsi, il est clai-
rement énoncé que donner du lait industriel aux nourrissons de moins de
six mois est préjudiciable pour leur santé et pour celle de leurs mères.
L’impact que le biberon peut avoir sur leur relation est également souvent
évoqué, mais moins bien étayé car moins bien étudié et connu.

Nathalie Roques, présidente de l’IPA (association, information pour l’allaitement) de Lyon.


1. www.anaes.fr.
2. En cours de parution.
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Les taux d’allaitement à la naissance augmentent chaque année en


France (58 % des mères ont donné le sein en 2003 3). Cette augmentation
ne doit pas faire oublier cependant que notre situation est mauvaise
quand on compare notre pays aux autres pays européens : en Grande-
Bretagne, en Espagne et en Belgique, le taux d’allaitement à la naissance
est d’environ 70 %, partout ailleurs il dépasse 80 %, et même 90 % en
Suisse, en Autriche, en Allemagne et dans les pays nordiques 4. L’absence
d’indicateur national pour évaluer la poursuite de l’allaitement chez nous
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est également le signe de notre faible intérêt pour cette question de santé
publique 5. Certaines actions ont été mises en place avec le soutien des
autorités publiques (Journées de sensibilisation organisées par la CoFAM ;
Centre ressource documentaire pour l’allaitement maternel mis en place
par l’IPA ; diplôme universitaire d’allaitement maternel par la faculté de
médecine de Grenoble ; actions locales soutenues par les conseils géné-
raux, les DRASS, CPAM, etc.) ; d’autres sont le fait d’associations (consultante
en lactation, formations, groupes de soutien aux mères, Semaine mon-
diale de l’allaitement maternel). Ces actions annoncent une véritable prise
de conscience de l’importance de l’allaitement maternel, à tous les
niveaux de la société.

L’allaitement maternel en pratique :


comment y arriver ?
Mais promouvoir l’allaitement maternel ne peut s’envisager sans réflé-
chir à l’accompagnement des mères et de leur entourage par les profes-
sionnels de santé et de la petite enfance. Quand on s’intéresse de plus
près aux mères qui souhaitent allaiter, on remarque vite qu’elles ont bien
souvent du mal à mener leur projet et qu’elles sont souvent déçues par des
sevrages précoces non désirés. Le « manque de lait », les pleurs du nour-
risson qui inquiètent, sont des problèmes courants souvent désignés pour

3. Chiffres collectés par le ministère de la Santé, d’après les certificats de naissance du 8e jour.
4. Voir Allaitement en chiffres, 2004, IPA.
5. Pour la première fois en 2003, certains certificats de santé du 9e mois ont été exploités pour la moi-
tié des départements français, et donnent un taux d’allaitement de durée supérieure à huit semaines
de 38 %.

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Allaitement maternel et sommeil partagé Le transfert de lait


d’une mère à son
nourrisson est un
phénomène
expliquer le sevrage. Si l’allaitement maternel est physiologique
globalement encouragé par les professionnels de fondamental.
santé, la pratique de l’allaitement reste très sou-
vent mal connue 6, et c’est bien là que l’infor-
mation doit être donnée en priorité aujourd’hui.
Le transfert de lait d’une mère à son nourrisson est un phénomène phy-
siologique fondamental. On sait que la quasi-totalité des mères ont la
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capacité physiologique de nourrir exclusivement de leur lait leur bébé

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pour au moins six mois 7. Cette description est fondée sur des connais-
sances physiologiques, mais aussi sur des observations anthropologiques :
il existe très peu de cas de bébés dénutris dans les populations défavori-
sées, quand ceux-ci sont allaités, y compris quand leurs mères souffrent
de carences alimentaires.
Pour comprendre un peu plus précisément quelles sont les conditions
pratiques qui permettent à une mère d’allaiter longtemps son enfant, la
comparaison des mères de pays occidentaux et des mères de pays non
occidentaux s’avère riche en enseignements. En effet, les allaitements au
sein sont de durée bien plus importante dans les pays non occidentaux –
où une majorité de nourrissons sont allaités plus d’un an, et bien souvent
plus de deux ans 8 – que dans les pays développés, où les nourrissons
allaités plus d’un an constituent toujours une minorité 9. Nous avons
mené une étude bibliographique pour comparer la fréquence et la durée
des tétées entre pays non occidentaux et pays occidentaux pour des nour-
rissons d’environ 6 mois. La différence entre les moyennes des fréquences
des tétées sur 24 h est statistiquement significative : elle est de 6.75 (écart
type = 1.81) pour les pays occidentaux et de 13.77 (écart type = 3.48)
pour les pays non occidentaux. Par contre, la même comparaison concer-
nant cette fois la moyenne des durées totales des tétées sur 24 h ne montre
pas de différence significative : elle est de 151 (72) minutes pour les pays

6. I. Loras-Duclaux, « Conseils pratiques pour les mères qui souhaitent allaiter », Arch. Pediatr. 2000,
7(5), 541-8.
7. G. Gremmo-Feger, « Allaitement maternel : l’insuffisance de lait est un mythe culturellement
construit », Spirale n° 27, Toulouse, érès, 2003, p. 45-59.
8. N. Roques, Allaitement maternel et proximité mère-enfant, Toulouse, érès, 2004.
9. Blueprint for action on breastfeeding in Europe, Union européenne, 2004,
http ://europa.eu.int/comm/health/ph_projects/2002/promotion/promotion_2002_18_en.htm

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occidentaux et de 161.77 (61.54) minutes pour les pays non occidentaux.


Ces résultats semblent indiquer que la clé de la réussite réside en grande
partie dans la fréquence des tétées, qui permet une stimulation naturelle
des seins et une production de lait satisfaisante. D’autres études ont mon-
tré que la quantité de lait ingéré était plus importante pour les nourrissons
qui tètent fréquemment.
Certains anthropologues ont depuis longtemps remarqué que l’être
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humain, comme tous les grands singes, semble physiologiquement adapté

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à un nourrissage au sein quasi continu, avec contact permanent entre la
mère et son enfant. Dans les populations traditionnelles, comme les Kung
d’Afrique australe, les nourrissons tètent en moyenne tous les quarts
d’heure, avec des durées de tétées très faibles (2 minutes en moyenne).
Nous sommes là bien loin du modèle occidental, qui fait des tétées volu-
mineuses et espacées la norme de l’allaitement au sein. Il s’agit en fait
d’une imitation de l’alimentation au biberon qui ne s’appuie sur aucun
repère physiologique.

Les tétées nocturnes

Une étude menée par l’OMS montre que dans tous les pays de cette
enquête (Nigéria, Inde, Chine, Guatemala, Chili, Australie, Suède), le
bébé tète au moins une fois la nuit, et ce jusqu’à 18 mois au moins. Elle
souligne également que la fréquence des tétées nocturnes est plus élevée
dans les pays en développement qu’en Suède et en Australie 10. On pour-
rait multiplier les exemples qui montrent que les bébés tètent la nuit bien
au-delà de la première année dans les contextes où l’allaitement maternel
est la norme culturelle 11.
L’impact de l’organisation nocturne sur l’allaitement maternel a fait
l’objet de nombreuses études. Ainsi, on sait, d’après des observations en
laboratoire de sommeil, que les nourrissons qui dorment contre leurs

10. WHO Task Force on Methods for the Natural regulation of fertility. The World Health Organization
multinational study of breastfeeding and lactational amenorrhea. « I. Description of infant feeding pat-
terns and of return of menses », Fertility and Sterility, 1998, 70(3), 448-460.
11. N. Roques, Allaitement maternel et proximité mère-bébé, Toulouse, érès, 2003.

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Dans les populations


Allaitement maternel et sommeil partagé
traditionnelles, les
nourrissons tètent en
moyenne tous les
quarts d’heure, avec
mères ont des fréquences de tétées plus élevées des durées de tétées
que celles de nourrissons dormant dans une
autre pièce (voir tableau) 12.
très faibles.

Nuit 1 Nuit 2
(lit partagé en laboratoire) (lit solitaire en laboratoire)
Groupe 1
(lit partagé habituel) 4.7 (55.9) 3.3 (26.4)
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Groupe 2
(lit solitaire habituel) 3.8 (35.3) 2.3 (19.8)

Nombre de tétées nocturnes et durée totale des épisodes de tétée (en minutes)
selon les habitudes familiales et les conditions expérimentales (une nuit en som-
meil partagé et une autre en sommeil solitaire)

D’autres études ont montré une association entre partage du lit et allai-
tement maternel. Ainsi, le partage du lit les 15 premiers jours est associé
à une durée de l’allaitement exclusif et une durée de l’allaitement global
plus longues. Une étude récente menée en Angleterre montre que l’allai-
tement est étroitement associé au partage du lit : 87 % des nouveau-nés
ayant partagé le lit de leurs parents sont allaités, ils ne sont que 50 %
parmi les nouveau-nés n’ayant jamais dormi avec leurs parents. De plus,
46 % des nourrissons ayant dormi avec leurs parents sont encore allaités
à 3-4 mois, contre 23 % des nourrissons n’ayant jamais dormi avec leurs
parents 13.
Bien souvent, les nouvelles mères à qui on annonce qu’une fréquence
élevée des tétées (de l’ordre de douze par jour, mais parfois plus) est un
facteur de réussite pour l’allaitement et que les tétées nocturnes se pro-
longent bien au-delà des trois premiers mois, ne voient pas comment inté-
grer cette demande à leur vie quotidienne. Les repères culturels classiques
dans de nombreux pays occidentaux (et le nôtre en fait bien sûr partie) qui
font du sommeil solitaire l’idéal à atteindre expliquent en grande partie
cette interrogation.

12. James McKenna, « Bedsharing promotes breastfeeding », Pediatrics, 1997, Aug., 100(2), 214-9.
13. P.S. Blair et H.L. Ball, « The prevalence and characteristics associated with parent-infant bed-sha-
ring in England », Arch Dis Child, 89, 2004, 1106-1110.

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Le sommeil solitaire : implications


Une enquête récente menée en France auprès des pédiatres montre que
0.6 % des enfants dorment tout le temps avec leurs parents. Ce chiffre
extrêmement bas reflète sans doute en partie la très forte intégration par la
population française d’un seul et unique schéma favorable et positif d’or-
ganisation nocturne pour le bébé : le sommeil solitaire. Il est fort probable
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que des parents qui dorment plus ou moins fréquemment avec leur bébé

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le cachent parfois à leur pédiatre, ou bien considèrent de toute façon le
berceau, même quand il est parfois vide, comme lieu naturel où leur nour-
risson est censé dormir. Pour 32 % des questionnaires, des renseignements
étaient donnés sur les modalités du partage du lit éventuel, ce qui montre
qu’au moins un enfant sur trois a séjourné dans le lit de ses parents 14.
Après un rapide survol des pratiques humaines concernant le sommeil
des bébés, aussi bien en Europe au cours des siècles passés que dans une
large partie du monde de nos jours, on réalise bien vite que le sommeil
solitaire est en fait une pratique particulière. Ailleurs, et autrefois chez
nous, la proximité mère-bébé durant la nuit était admise comme normale.
Que ce soit dans un berceau placé à côté du lit parental (parfois même
posé sur ce lit), ou allongé contre sa mère dans un dispositif de couchage
commun (lit, natte, hamac…), le nourrisson est (était) le bienvenu auprès
de sa mère. Ces pratiques ne concern(ai)ent pas que les premiers mois de
vie, mais se poursuiv(ai)ent souvent au-delà de la première année. Ainsi,
deux études récentes, l’une menée en Corée, la seconde en Chine, mon-
trent que les enfants dorment avec leur mère, souvent en compagnie du
père, pendant plusieurs années : à 7 ans, 58 % des enfants chinois dor-
ment avec leurs parents ; 74 % des enfants coréens âgés de 5 à 7 ans dor-
ment avec un adulte 15.
La littérature occidentale regorge de publications destinées à répondre
aux problèmes de sommeil des enfants : difficultés à l’endormissement,
réveils fréquents, cauchemars, etc. L’association possible entre les réveils
nocturnes et certains autres comportements ou caractéristiques de l’enfant

14. Marie-Pierre Streicher, poster du Congrès de la Société française de pédiatrie, juin 2004.
15. X. Liu, L. Liu, R. Wang, « Bed sharing, sleep habits, and sleep problems among chinese school-
aged children », Sleep, 2003 nov. 1, 26(7), 839-44 et C.K. Yang, H.M. Hahn, « Cosleeping in young
korean children », J. Dev. Behav. Pediatr. 2002, Jun, 23(3), 151-7.

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Allaitement maternel et sommeil partagé


Au moins un enfant
sur trois a séjourné
dans le lit de ses
est souvent mise en avant. Le fait de dormir avec parents.
l’enfant, de l’allaiter, est-il ou non associé à des
nuits courtes ? Une étude transversale québé-
coise a montré que « ne pas être nourri en
réponse à des réveils nocturnes, avoir un tempé-
rament perçu comme étant facile par sa mère, ne pas dormir dans le lit
parental, être nourri au biberon ou être une fille, sont des facteurs étroite-
ment liés au fait de faire ses nuits chez le bébé québécois d’environ
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5 mois 16 ». Les auteurs soulignent qu’il n’est pas possible de savoir si ces
facteurs sont des causes ou des conséquences. Chez nous, faire dormir un
enfant dans le lit des parents est souvent une réponse à des pleurs, donc
plutôt une conséquence. Par contre, il paraît vraisemblable que l’allaite-
ment est bien une cause de réveils nocturnes.
La solution classique consiste à habituer l’enfant à son environnement
nocturne, en ritualisant les périodes d’endormissement, et en choisissant
des rituels que l’enfant peut rapidement activer lui-même, sans interven-
tion extérieure. Le doudou devient ainsi le compagnon inséparable, la
tétine permet de satisfaire le besoin de succion. La cessation des tétées
nocturnes est attendue par tous (parents, professionnels de santé) avec
impatience, et signe souvent la fin de toute intervention nocturne de la
part des parents. Après une courte période de tolérance (souvent 3 mois),
il n’est pas rare, chez nous, d’entendre des professionnels proposer aux
parents une seule et unique solution face aux pleurs nocturnes : laisser
l’enfant pleurer. Dans certains cas difficiles, une séparation complète de
l’enfant de ses parents, avec hospitalisation, rappelle des méthodes édu-
catives que l’on croyait oubliées 17. Ailleurs, le corps de la mère est le sup-
port privilégié qui permet à l’enfant de satisfaire tous ses besoins : succion,
proximité, permanence de l’objet. Si des difficultés sont également pré-
sentes, elles semblent néanmoins moins courantes et moins obsédantes
pour les parents. Dans une étude multicentrique, Hélène Stork montre
que 72 % des nourrissons français présentent des troubles du sommeil,

16. Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ 1998-2002). Les nourrissons
de 5 mois. Le sommeil du nourrisson, collection « La santé et le bien-être », Institut de la statistique
du Québec, vol. 1, n° 4, 2000, texte complet sur internet :
www.stat.gouv.qc.ca/publications/sante/bebe_no4.htm.
17. H. Desombre, S. el Idrissi, P. Fourneret, O. Revol, R. de Villard, Arch. Pediatr., 2001 Jun, 8(6), 639-
44.

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contre 27 % des nourrissons japonais et 57 % des nourrissons taïwanais.


Pour ces trois populations, les taux de partage du lit des parents sont res-
pectivement de 12 %, et de 72 % pour le Japon et Taïwan 18.

Pour aider les mères, leurs bébés, et les familles


Le bon sens suffit pour comprendre qu’une proximité mère-bébé durant
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la nuit ne peut que faciliter l’allaitement maternel. Les autres bénéfices

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sont également l’assurance pour l’enfant de rester à proximité de sa mère,
le plaisir partagé de la tendresse et du contact corporel. Les questions que
se posent alors les parents sur leur intimité propre (la sexualité notam-
ment), les limites qu’ils peuvent poser (combien de temps dormir auprès
de son enfant), sur la sécurité du bébé (risques d’asphyxie et d’accidents,
voir tableau 19), pourraient être alors sereinement discutées. Les mères
peuvent trouver une écoute attentive et un soutien efficace auprès d’asso-
ciations de soutien à l’allaitement maternel comme La Leche League 20.
Nous avons bien vite construit des théories qui expliquent la détresse
exprimée par certains enfants la nuit par des problèmes interfamiliaux
sous-jacents 21. Il nous appartient maintenant de replacer la question du
sommeil du jeune enfant dans un cadre plus large (cadre historique, cadre
anthropologique) et de nous souvenir que les plus fragiles d’entre nous ont
longtemps besoin de la proximité rassurante des adultes qui en ont la
charge. C’est vrai le jour. C’est vrai la nuit aussi.

18. H. Stork, « Le sommeil du jeune enfant et ses troubles. Une étude clinique comparative entre trois
cultures (Chine/Taïwan ; France ; Japon) », Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, février
2000, 48(1), 70-79.
19. Voir aussi la brochure diffusée par l’UNICEF et le FSDI : Partager le lit avec votre bébé,
http ://www.babyfriendly.org.uk/pdfs/french/sharingbedleaflet_french.pdf.
20. Adresses des associations françaises : www.coordination-allaitement.org, site internet de La Leche
League : www.lllfrance.org.
21. H. De Leersnyder, « Troubles du sommeil entre 9 mois et 3 ans », Médecine et enfance, avril 1999.

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Allaitement maternel et sommeil partagé

Facteurs de risques et de prévention pour le couchage


des nourrissons (0 – 1 an) vis-à-vis de la MSN, de l’as-
phyxie par écrasement et autres accidents

Facteurs de risque Facteurs de prévention

- Matelas mal ajusté au lit, matelas - Matelas ferme aux dimensions du lit
mou, lit inadapté (trop haut, déla- ou posé sur le sol (si besoin utilisation
bré…). d’une barrière parfaitement adaptée
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- Dispositif de couchage non adapté au lit pour éviter les chutes).
aux bébés : fauteuils, canapés. - Pas d’accessoire de literie sur le bébé
- Accessoires de literie dangereux : (un pyjama suffit).
coussins mous, couettes à proximité - En cas de lit partagé, drap et couver-
du bébé, matières plastiques… ture pour les parents, de préférence à
- Pièce trop chauffée en hiver, mau- la couette.
vaise aération. - Chauffage de la pièce à 18°C maxi-
- Bébé posé sur le ventre ou sur le mum en hiver.
côté. - Bébé posé sur le dos.
- Tabagisme des parents. - En cas de partage du lit, hygiène de
- En cas de partage du lit, prise de vie sans drogue. Sinon le bébé dort à
somnifère, d’alcool, de stupéfiants par côté du lit des parents dans son propre
les parents ; parents très malades ou dispositif de couchage (également en
très fatigués, réflexes diminués ; obé- cas de maladie, d’obésité).
sité importante. - Allaitement maternel.
- Bébé dans la chambre des parents la
première année.

Bibliographie
ROQUES, N. 2002. Dormir avec son bébé, Paris, L’Harmattan.
DIDIERJEAN-JOUVEAU, C. 2005. Partager le sommeil de son enfant, Jouvence.
STORK, H. (sous la direction de). 1993. Les rituels du coucher de l’enfant. Variations cultu-
relles, Paris, ESF.

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Abréviations
CoFAM : Coordination française pour l’allaitement maternel
DRASS : Direction régionale d’action sociale et sanitaire
ANAES : Agence nationale d’accréditation et d’évaluation de la santé
OMS : Organisation mondiale de la santé
CPAM : Caisse primaire d’assurance maladie
IPA : Information pour l’allaitement
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Note : l’ensemble des documents cités dans cet article sont disponibles pour
consultation au Centre ressource documentaire pour l’allaitement maternel (CER-
DAM), 16 rue Sully, 69006 Lyon, tél/fax : 04 78 42 09 16,
www.info-allaitement.org

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