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No 114 - octobre 2006 - ISSN 1246-077X

Mensuel de la FSU
couv2 MGEN-couv3 MAIF 28/09/06 16:48 Page couv2
p 03 (Sommaire) 28/09/06 17:35 Page 3

Revue de la
Fédération Syndicale
Unitaire sommaire
3.5, rue de Metz
75010 Paris DOSSIER
Tél. : 01 44 79 90 30
Fax : 01 48 01 02 52
Internet : sociales
Soutien scolaire,
http://www.fsu.fr
Mél : La FSU fait campagne
l’appel à l’aide
fsu.nationale@fsu.fr pour les services publics
pour@fsu.fr Les parents demandent du
6 soutien scolaire et sont
N° CP : 0710-S07429
N° ISSN : 1246-077 X 28 % à d éjà l e f aire
Directeur publiques pratiquer à leurs enfants.
de la publication : Alors qu’il est indispensable
Gérard Aschieri Radiographie de la fonction
Rédaction : pour les élèves en grande
publique
Jean-Michel Drevon, difficulté, c’est pour se
10
Françoise Dumont, maintenir à niveau, voire
Bruno Kozole, pour accéder aux prépas

© YVES TRÉVIERS/NAJA
Élizabeth Labaye, et grandes écoles qu’il est le
éducatives
Éliane Lancette,
Claudie Martens, Reportage dans deux collèges plus recherché.
Jacques Mucchielli, « ambition réussite »
Conception :
agence Naja 16

Publicité :
Com d’habitude C’est demain
publicité Que savez-vous
Clotilde Poitevin
25, rue Fernand-Delmas
des nanotechnologies ? Littérature :
24
19100 Brive l’inflation éditoriale
Tél. : 05 55 24 14 03
rencontre Chaque rentrée littéraire apporte son flot toujours
MGEN p. 2 grossissant de publication de romans. 683 cette année,
Stéphane Diagana, solidaire
GMF p. 9 dont 475 Français et 208
MAE p. 13 des expulsés de Cachan
étrangers. Deux fois plus
Microsoft p. 25 30 qu’il y a dix ans.
MAIF p. 31
Comment e xpliquer
UNCME p. 32

© LISA PEQUERI/NAJA
cette inflation alors que
Joints à ce numéro, le nombre de lecteurs ne
l’encart volant
varient guère ?
Le monde de
l’éducation et le
supplément Spécial
Congrès de 24 pages.

Compogravure : CAG
Impression : SIEP

Prix au numéro :
0,40 € édito
Abonnement : 4 €

E
n ce mois de septembre l’actualité est particulièrement riche, de la
Si vous changez
d’adresse, veuillez privatisation de GDF aux enfants sans papiers en passant par
communiquer l’éducation l es s ujets d ’engagement n e m anquent p as.
vos nouvelles
Simultanément la campagne des élections présidentielles de 2007 est
coordonnées
à votre syndicat. lancée. La tentation peut être forte dans ce contexte de faire le gros dos
et d’attendre le prochain printemps.
Ce serait un mauvais calcul, d’abord parce que pendant la campagne les
mauvais coups continuent et que certains peuvent faire des dégâts
Gérard Aschieri difficilement réversibles, ensuite parce que les batailles que nous pourrons
mener, les idées que nous défendrons peuvent peser sur les choix et les engagements qui
sortiront du débat politique.
La FSU aborde cette période avec le souci de défendre en tous lieux ses revendications et
propositions sans pour autant se faire instrumentaliser par quiconque.
Elle l’aborde également avec la volonté de continuer à mobiliser et rassembler pour faire bouger
les choses. À chacun des s’en saisir.

Pour no 114 – octobre 2006 3


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é d uscoacti iavl e s
> POUVOIR D’ACHAT
Pour le Liban
La FSU participait le
23 septembre aux
Chère rentrée
manifestations pour la En cette rentrée, la question
garantie des droits des du pouvoir d’achat, avec
peuples du Liban, de notamment les hausses du
Palestine et d’Israël à vivre prix de l’essence et du loge-
en paix. Elle demande le ment est plus que jamais
respect du droit international d’actualité. Les salaires stag-
et humanitaire, la levée nent et la multiplication des
immédiate, et à tous les temps partiels imposés
niveaux, du blocus au Liban, aggrave la pauvreté d’une
l’indemnisation des victimes, partie de la population.
la médiation internationale De Villepin et Breton se glo-
pour la libération de tous rifient de la baisse des taux
les prisonniers, l’arrêt des de chômage qui se poursuit
actions militaires et du blocus depuis plusieurs mois. On ne

© BRUNO KOZOLE
en Cisjordanie et à Gaza, peut que s’en réjouir, tout
le rétablissement des aides en nuançant l’optimisme
européennes à l’Autorité électoraliste du gouverne-
Palestinienne, le respect ment. Car cette baisse s’ap-
du droit des peuples, dans puie surtout sur l’accéléra- La sécurité sociale suscite Sans verser dans le catas-
une sécurité partagée, tion des départs en retraite aussi des inquiétudes. Le trophisme, car c’est la crois-
dans des états aux frontières et la création des emplois ministre de la santé, qui fait sance qui sera détermi-
sûres et reconnues. aidés, alors que l’emploi prendre en charge par l’as- nante, il faut que le débat
industriel continue à marquer surance-maladie les deux sur le financement occulté
le pas. Et si la croissance, tiers des primes d’assurances en 2003 par le gouverne-
selon le gouvernement, est des praticiens exerçant des ment soit mené au grand
« solidement installée « (près spécialités à risques (chirur- jour. C’est la condition pour
de 1,9 % au sortir du premier giens, anesthésistes, obsté- éviter la paupérisation crois-
semestre), elle crée peu triciens), annonce la néces- sante de la majorité des
d’emplois, et a été jusqu’ici sité de nouvelles économies. retraités, (pendant que les
nourrie principalement par Les attaques sur les régimes plus riches vieilliront ren-
un prélèvement sur spéciaux de retraites mas- tiers) et maintenir un sys-
« l’épargne » des ménages quent mal que c’est bien tème de retraites par répar-
aisés. La persistance de la l’ensemble des régimes qui tition.
faiblesse des salaires ne peut est visé, lors du rendez–vous ELIZABETH LABAYE
© NAJA

que la freiner. de 2008 fixé par la loi Fillon.

Les gestes quotidiens d’ASEH. « Je ne sais toujours pas la différence. »


MÉTIER

École de Molineuf dans le Loir-et-Cher. Vanessa La fonction et les tâches sont les mêmes, le salaire
Verger est aide scolaire à l’enfant handicapé aussi. Un peu moins de 600 euros par mois :
(ASEH), une fonction qu’elle occupe depuis 25 heures de travail hebdomadaire, payées 20.
décembre 2005. Mais elle n’a su qu’en juillet der- « On nous dit que ça correspond aux vacances sco-
nier que son contrat était renouvelé pour une laires. » Mais d’autres ne font pas ces 5 heures
année supplémentaire. Une seule. Le matin supplémentaires. Pour l’an prochain elle est pes-
Vanessa s’occupe d’un petit garçon qui nécessite simiste : personne ne parle de renouveler les
une surveillance permanente. L’après midi est contrats. Pourtant les besoins sont réels. « les
consacrée à une petite fille. Les deux enfants enfants dont je m’occupe ont fait des progrès. Ma
font l’objet d’un suivi important. Elle les aide à présence y est pour quelque chose. Je ne sers
travailler, à jouer, elle accompagne tous leurs pas à rien.» Pour elle, il ne fait pas de doute que
gestes d’élèves. Les gestes quotidiens, jusqu’aux Vanessa ces emplois devraient être reconnus, statutaires :
plus ordinaires, qui permettent à l’enfant de s’in- de vrais emplois. Mais elle reconnaît qu’il est dif-
tégrer. « Parfois les autres élèves ont du mal à Verger ficile de se regrouper, d’avoir une action commune
comprendre que je ne suis là que pour un élève. » sur ces questions. Elle n’a vu les autres EVS et
Aide scolaire
Vanessa aime ce contact avec les enfants, mais ASEH qu’une seule fois. L’ambition de Vanessa
aussi avec les enseignantes, et se sent partie inté-
à l’enfance aujourd’hui est d’obtenir un diplôme d’auxiliaire
grante de l’équipe éducative. Au départ elle avait
handicapée de puériculture, la formation débute ce mois-ci.
passé un entretien pour un emploi vie scolaire De quoi bien remplir l’année.
(EVS) et puis on lui a dit que ce serait un poste Bruno Kozole

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sociales
> SERVICES PUBLICS

La FSU 10 octobre
contre la
peine de mort
fait campagne ! Comme chaque année, le
10 octobre prochain sera
dédié au combat pour
d’assurer la mixité l’abolition universelle de la
sociale dans tous les peine de mort. La coalition
établissements, de mondiale, dont la FSU est
développer la membre, a choisi de centrer
recherche… Et plus l’édition 2006 sur « les
largement, d’assurer échecs de la justice » que
partout l’accès aux représentent toute
services fondamen- condamnation à mort et
taux (éducation, chaque exécution. L’opinion
santé, logement, publique sera interpellée
emploi, culture...), sur le sort de cinq
de chercher à condamnés à mort,
réduire les inégalités emblématiques de ces
pour assurer plus de échecs. Un innocent
justice, de mixité et chinois, une victime de
de solidarité. Pour discriminations en Arabie
diffuser ses proposi- Saoudite, un mineur
tions et avoir un iranien, un handicapé
échange avec tous mental aux États-Unis, enfin
ceux qui le souhai- un prévenu n’ayant pas eu
tent, la FSU a décidé un procès équitable au
de mobiliser les per- Nigéria.
sonnels et de Cinq pétitions
s’adresser largement internationales soutiennent
à l’opinion publique ces condamnés et appellent
à travers un tract qui les autorités de leurs pays
sera distribué au respectifs à abolir la peine
cours du 1er tri- de mort. Elles sont
mestre. Parallèle- disponibles sur le site
ment, elle mènera Internet de la coalition :
une campagne d’af- www.worldcoalition.org
fiche dans tous les
services publics.
Ainsi, la FSU affirme
que le service public
peut jouer un rôle
Les choix du gouvernement en matière de fondamental dans la lutte contre les inégalités
politique éducative ont une caractéristique: ils et la fracture sociale en assurant partout l’ac-
considèrent que tous les jeunes n’ont pas leur cès à l’éducation, la santé, le logement, l’em-
place à l’école, que tous n’ont pas besoin ploi, la culture…
d’une qualification et qu’un certain nombre de ELIANE LANCETTE
connaissances n’est pas indispensable à tous.
La FSU, quant à elle, continue de faire le pari
que tous les jeunes peuvent réussir pour peu
que l’on s’en fixe l’objectif et que l’on s’en Zéro de conduite
donne les moyens. Elle propose notamment de
mieux prendre en charge les élèves fragiles ou Grâce à la mobilisation de plus de de loi de prévention de la
en difficulté, de développer les filières tech- 189 000 signataires de l’appel « Pas délinquance, présenté en conseil
nologiques et professionnelles, de transmettre de zéro de conduite pour les des ministres le 28 juin. Au-delà de
à tous, de la maternelle au lycée, une véritable enfants de 3 ans », Le ce premier succès, l’inquiétude
culture commune (ce qui n’a rien à voir avec gouvernement a renoncé au zéro demeure notamment sur les
le socle commun) d’améliorer et de favoriser pointé pour les enfants turbulents. questions soulevées par la possible
la scolarisation des enfants de moins de trois La recherche systématique chez les levée du secret professionnel.
ans, notamment en ZEP, de permettre à tous enfants de « troubles du Prochain rendez-vous, le
les élèves de poursuivre leur scolarisation en comportement » dans le cadre d’un 30 septembre 2006 à l’hôpital
lycée, d’étendre la scolarité obligatoire jusqu’à dépistage précoce systématique Necker pour une nouvelle journée
18 ans, de réduire les effectifs par classe, n’a pas été retenue dans le projet de réflexion.

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sociales Le point sur…

Pour un débat public !


Alain Touraine, sociologue, Gérard Aschieri, secrétaire général de la FSU, se sont rencontrés,
tous deux plaident pour un grand débat public sur l’école.

Quel est le sens de la campagne que la


FSU engage à cette rentrée ?

GA : Pour nous, l’éducation est un des


éléments de la construction d’une alter-
native pour notre société. Depuis plu-
sieurs années, nous menons des batailles
difficiles sur ce sujet, notamment à par-
tir des problèmes budgétaires mais nous
devons sortir du seul refus, nécessaire,
des régressions pour être force de propo-
sition, avancer sur un projet. Nous avons
l’ambition d’un mouvement social d’am-
pleur sur l’éducation. C’est difficile, mais
je constate que tout le monde parle
d’éducation, mais avec des entrées par-
tielles : tantôt la violence, tantôt la carte
scolaire, tantôt comment lire ou écrire.

© BK
Mais jamais ce que l’on veut faire de
l’école et quel projet on a pour elle.
Regardez le débat sur la carte scolaire : augmentent en France, mais du fait que traiterait pas de la gestion du système
« faut-il l’assouplir ou non ? ». Jamais nous avons une exclusion générale, pas mais bien des objectifs à lui assigner.
n’est mis en avant le pourquoi ? Pourtant seulement scolaire, qui augmente. Nous
l’enjeu est là : la nécessaire élévation des devons combiner une intégration GA : Je suis d’accord avec ce que vous
qualifications, l’insertion des jeunes et citoyenne qui non seulement reconnaît la dites sur le rapport de l’école et de la
la réussite de tous diversité, mais a une attitude positive à société. Un des enjeux c’est la prise en
son égard, dans le respect de la laïcité, compte de la diversité de notre société.
Comment le sociologue entend-il ces pré- dont le principe est peu contesté en Un certain nombre d’événements récents
occupations ? France. Mais à l’intérieur il faut que nous ont fait émerger ces problèmes, et mon-
Alain Touraine : Bien sûr, la conception changions profondément de modèle cul- trent qu’on est peut-être à maturité. Je
qu’une société a de son école est une turel. L’individu doit être plus autonome pense d’abord au débat relatif aux « bien-
conception d’elle-même, et l’école cor- et pris en considération avec toutes ses faits du colonialisme », et aux réactions à
respond à un état de la France. Or, il y a caractéristiques ; nous devons reconnaître la fois de la communauté scientifique et
dégradation, car le monde a changé et le les droits culturels de chacun comme nous des départements d’outre mer, qui ont
centralisme à la française, qui avait des avons reconnu, difficilement, les droits posé la question de la vision politique du
effets positifs, a au total des effets néga- sociaux ou, avant, les droits politiques. passé.
tifs. Ce qui m’intéresse, c’est le modèle Hélas, nous ne parlons pas en France de
d’individu et l’école doit apprendre à l’orientation de l’école, du modèle d’in- AT : Nous ne sommes pas capables de nous
chaque enfant à vivre et évoluer dans un dividu, de culture que nous voulons, alors regarder !
monde qui bouge, au sens des mutations que tout le monde se passionne pour ça.
et des migrations en même temps. L’école C’est un problème fondamental et c’est à GA : Deuxième « grain de sable », tout ce
doit offrir une ouverture au monde, car partir de cela que l’on peut parler des qui se passe autour des enfants sans
j’ai la certitude que nous vivrons dans un problèmes de « gestion », ce qui est de papiers. Je suis frappé de la façon dont
monde de plus en plus mélangé. Si les votre ressort. Nous devons mettre en des gens ordinaires échappent à l’idéolo-
gens viennent à Paris ou à Londres, c’est cause notre modèle de formation gie anti-étrangers pour dire celui-là, je le
parce que c’est mélangé et qu’ils y trou- humaine, le rapport entre l’individu et le connais, il est dans la classe de mon
vent des avantages. Nous vivons dans un groupe, le groupe et la collectivité. Les enfant et je me bats pour lui.
temps qui n’est plus centré sur la Français sentent cela. Ils ne veulent pas AT: Vous avez raison. La solution française
conquête du monde par la raison et la d’un enfermement dans un modèle fran- est indéfendable. Fabriquer des sans
technique mais essentiellement orienté çais. papiers, des gens qui sont payés bas, sans
vers la connaissance de soi ; ce qui L’école est un domaine où la révision, le sécurité sociale, qui sont là depuis des
importe, c’est d’être un individu, un renouvellement, le renchérissement de années, dont les enfants vont à l’école et
citoyen, capable de s’orienter dans un la réflexion sur soi est en retard. dire que ce ne sont pas des citoyens fran-
monde difficile et changeant. Nous vou- De toutes ces questions il faut débattre ; çais, c’est aberrant.
lons que l’école reprenne son rôle de lutte je voudrais un grand débat public, autour GA : Analysons aussi les conflits récents
contre l’inégalité. Non que les inégalités d’une commission par exemple, qui ne avec les jeunes : le CPE, les batailles

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contre le Bac Fillon, et même avril 2002, conduite et qu’il s’agit de les comprendre, quelque chose qui est censé assurer l’éga-
où les lycéens sont sortis les premiers de les expliciter, de les évaluer, et d’en lité et comment l’usager peut intervenir
dans la rue. Notre jeunesse vit beaucoup tirer les conséquences. Hélas, le contexte dans tout ça ? Si on prend la question du
mieux que les adultes la mixité française, de l’élection présidentielle n’est pas fait nucléaire, indépendamment du fait que
cette mixité leur est totalement natu- pour ça. l’on soit pour ou contre, la décision est
relle et elle est très sensible à des rela- venue de technocrates, vraisemblable-
tions nouvelles en son sein. Mais pour GA : On a malheureusement une perte de ment compétents, mais pas d’un débat
répondre à ce défi de la diversité il y a la complexité de la pensée, sans doute démocratique.
deux possibilités : une libérale, « on res- liée au fonctionnement médiatique, qui
pecte chaque individu et il se débrouille ». rend le débat difficile. Parce qu’il y a AT : J’ai peur que chaque fois que l’on dit
La seconde, la plus complexe mais plus aussi une vision fantasmée de l’école, et service public on dise « intouchable ». Et
riche, consiste à se demander comment on de la société aussi probablement. « c’est ça ou la privatisation !». Nous
articule l’individu au collectif. devons nous poser la question du mode de
AT : C’est ce qu’il faut supprimer, parce gestion, du rôle des parents, des ensei-
AT : Oui. Le problème n’est pas de qu’il y a chez les Français une sorte d’ex- gnants, des pouvoirs locaux. il y a
défendre des identités, terme dont j’ai traordinaire satisfaction d’eux-mêmes et demande de réflexion. Mais rassurons-
horreur, mais de défendre des capacités aussi une grande inquiétude sur eux- nous, les gens ne sont pas prêts à tout
de communication : comment vivre mêmes. Ils restent convaincus qu’ils sont jeter, la légitimité de l’école n’est pas
ensemble avec nos différences ? les représentants de l’universel. D’où mon entamée. Pour conclure, je dirais qu’il y
idée de conduire un grand débat. C’est a une réflexion à conduire, moins sur
Comment permettre cette articulation, sans doute votre rôle, car vous représen- l’école et son organisation, que sur ses
ce vivre ensemble ? tez des éléments de la société, que de finalités, sur la manière dont une société
GA : Nous travaillons l’idée de culture prendre ce genre d’initiatives qui doivent se renouvelle et se pense. Car ce que
commune pour l’école? Dans un petit livre être indépendantes et de grande visibilité. disent des programmes scolaires, c’est ce
« Aventure commune, savoirs partagés », que l’on pense de la société. Et donc, il
il s’agit pour nous de réfléchir à la manière GA : Théoriquement ce devrait être au est nécessaire de faire se rencontrer ses
dont l’école peut construire une culture politique de prendre cette initiative. Mais différents acteurs sur un terrain qui n’est
qui ne soit pas une culture dominante, je ne crois pas qu’il soit en mesure de le pas celui de la décision mais celui de la
imposée aux autres, qui en même temps penser. Or en tant que syndicaliste nous réflexion.
ne nie pas les grandes œuvres, reproche avons une double responsabilité : pousser PROPOS RECUEILLIS PAR
que l’on fait souvent à ceux qui parlent de au débat et y participer. D’une manière BRUNO KOZOLE
culture commune. Il s’agit d’abord de voir générale, le syndicalisme a besoin de dia-
si la hiérarchie actuelle est nécessaire- loguer avec d’autres personnes que des
ment la bonne et comment les divers syndicalistes, et de sortir du débat syndi-
savoirs scolaires peuvent s’articuler pour calistes/employeurs. Il y a des mouve-
donner du sens. Cela touche à l’évolu- ments associatifs qui ont des expériences
tion du système éducatif dont on ne parle diverses, il y a des experts, des cher-
pas assez. Indépendamment des questions cheurs des penseurs, des intellectuels, et
relatives aux moyens, à la carte scolaire, il y a des politiques, qu’il ne faut surtout
à la formation des maîtres, etc. pas écarter. En cela votre idée est inté-
ressante.
AT : Les choses fondamentales dans ce
que vous venez de dire, c’est qu’il y a des Le développement des services publics ne
faits, des demandes, des changements de peut-il être un recours également ?
GA : Il s’agit en fait de savoir comment on
répond aux besoins collectifs : par le mar-
ché qui va se réguler ou par le recours à
une maîtrise collective? C’est une question
qui se pose dans tous les pays.
En pleine promotion ministérielle
AT : Oui, mais il y a parfois plus de diffé- pour un socle commun qui en
rences entre plusieurs manières de gérer rabat sur les exigences scolaires
la dépense publique, qu’entre privé et au nom de la lutte contre les
public. Peu de personnes croient qu’on difficultés ou pour le retour à un
peut diminuer la dépense publique en apprentissage junior, l’institut de
Europe. Peut-être d’un pour cent… Par recherches de la FSU publie un
contre, on peut la gérer beaucoup mieux. livre qui en dénonce le caractère
De grandes universités américaines sont régressif et ségrégatif. L’ouvrage
des universités publiques. Il y a à réfléchir défend, quant à lui, en s’appuyant
là-dessus. Et je dirais la même chose pour sur l’expérience enseignante et la
le privé. Beaucoup de choses fonction- recherche, l’idée qu’une grande
nent très mal dans le privé. part des progrès de la société
repose sur l’excellence de l’École
GA : Nous avons un défi : comment prend- publique.
© BK

on en compte les particularités dans

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é d uscoacti iavl e s
> CONFÉRENCE FAMILLE

Vieillissement : des 70 ANS !


La FGR.FP a tenu le congrès

réponses partielles de son soixante-dixième


anniversaire.
Les retraités des syndicats de
la FSU, y ont apporté leur
Le plan présenté par Philippe Bas et les contribution, particulière-
conclusions de la conférence de la famille ment l’exigence de voir
esquissent quelques réponses aux enjeux d’autres lois remplacer les
sociaux posés par le vieillissement de la lois Fillon et Douste Blazy ;
population. Six objectifs d’action ont été
Les contraintes qui pèsent sur les familles définis reprenant l’essentiel
dans le cadre du maintien à domicile des des revendications (retraite,
personnes âgées dépendantes sont recon- assurance-maladie, basses
nues et de premières mesures sont pré- pensions, perte d’autonomie,
vues. Ainsi, une forme de reconnaissance services publics,
des difficultés se traduit par le « droit au concertation avec les
répit », mais celui-ci suppose la création pouvoirs publics…)
de structures nouvelles et de lits supplé- Des camarades de syndicats

© NAJA
mentaires. Cela se combine mal avec les de la FSU ont accédé à des
milliers de lits de long séjour supprimés en place de solidarités collectives. Elles ne responsabilités locales,
durant l’année 2006. En outre, comment permettent pas des soins de qualité pour l’équipe dirigeante nationale
les 2,3 milliards sur 5 ans, qui seront ins- tous, assurés par des professionnels qua- ayant pour sa part été
crits au projet de loi de finances de la lifiés et ne combattent pas l’inégalité reconduite à la quasi-
Sécurité Sociale, seront financés. d’accès aux structures de soins qui dépen- unanimité ; C’est pourtant
De nouveaux droits sont conquis, comme dent des ressources et des politiques des sur un sentiment partagé que
le « congé de solidarité familiale»,(sans collectivités territoriales. Elles ne posent s’est conclu le congrès : la
solde) reconnu par le code du travail, pas suffisamment et collectivement le seule candidature, nouvelle,
pour prendre»en compte les situations de problème des aides, se limitant à l’ap- d’un syndicat de la FSU à la
perte d’autonomie». Une autre piste port des aidants familiaux. commission exécutive ayant
consisterait à « réfléchir aux modalités Il manque un projet global de prise en été délibérément écartée,
d’un congé de présence familiale, par charge de solidarité collective impliquant maintenant la FSU à
analogie au congé de présence paren- les familles et l’ensemble des structures 9 membres sur les 41 que
tale». Mais on peut craindre qu’il entraîne (professionnels de santé, personnels qua- comporte la C.E.
une sortie précoce du monde du travail lifiés, associations) notamment pour lut- La préparation de la
des femmes de plus de 55 ans, car se sont ter contre la dégradation croissante de la « semaine bleue « consacrée
elles qui prennent en charge les parents vie en établissements et faire respecter aux personnes âgées et qui
âgés. les droits des personnes hébergées. La rassemble les organisations
Ces mesures marquent donc un premier pas FSU, avec d’autres, réfléchit à des pro- de retraités sera l’occasion
mais ne sont pas à la hauteur des exi- positions pour la construction d’un service de faire connaître les
gences de notre société. De plus, le « man- public à l’intention des retraités et per- revendications ; la FSU y
dat de protection future », peut inciter à sonnes âgées et/ou dépendantes établis- tiendra toute sa place à tous
l’acquisition d’une assurance dépendance sant des droits pour tous. les niveaux.
individuelle future au détriment de la mise ELIZABETH LABAYE www.fgr.org

Indigènes
Il aura donc fallu un
film pour effacer
Cachan : urgence
soixante ans Depuis plus d’un mois, 200 personnes éparpiller les familles dans différents
d’oubli. Justice vivent dans des conditions déplorables. hôtels meublés. Proposition refusée :
sera-t-elle enfin Le gouvernement poursuit sa politique il y a urgence à mettre en place un
rendue ? Le de blocage contre toute solution véri- lieu d’accueil unique provisoire pour
président de la table de relogement. Pire : des sans mieux travailler à des solutions de relo-
république a décidé papiers sont interpellés, parfois lors- gement durables. Mobilisation et soli-
la « décristallisa- qu’ils accompagnent leurs enfants à darité ne faiblissent pas. La FSU repré-
tion » des pensions l’école et l’intervention policière de sentée au Comité de soutien par Lionel
des anciens combattants coloniaux. La mi-septembre a causé un grand émoi. Barre, secrétaire départemental de la
mesure a été annoncée au conseil des Six « expulsés » observent une grève de SD FSU 94 participe activement à la
ministres du 27 septembre, jour de la la faim depuis bientôt 40 jours. La seule recherche de solutions.
sortie du film en salles. réponse jusqu’à maintenant du préfet: CLAUDIE MARTENS

8 Pour no 114 – octobre 2006


p 09 (pub GMF) 28/09/06 15:57 Page 23
p 10-12 (publiques) 28/09/06 16:59 Page 10

publiques Le point sur…

Une radiographie de la Fonc t


La publication du rapport annuel du ministère de la Fonction Publique est toujours un
événement. Difficile de rendre compte de la diversité des informations que l’on y trouve . On
se concentrera donc sur quelques aspects essentiels de l’emploi public.

Les trois fonctions publiques (+3,6%) et la FPH (+2,9%) recrutent. Salaires


employaient au 31 décembre 2004 un Tous les agents de l’état ne sont pas
salarié sur cinq, soit 5,1 millions de fonctionnaires : 7 % des salariés sont Les statistiques relatives à la rému-
personnes, dont 51 % relèvent de la de statut privé tout en étant employés nération confirment la baisse du pou-
fonction publique de l’État (FPE), 30 % par des organismes publics ou privés voir d’achat que nous avons combat-
de la territoriale (FPT) et 19 % de financés par les prélèvements obliga- tue. Le salaire moyen d’un agent de
l’hospitalière (FPH). Ce nombre a aug- toires (comme ceux de la sécurité l’État enregistre en 2004 une nouvelle
menté de 1,2 % entre 2003 et 2004. sociale). Il faut ajouter à ce nombre les baisse de 0,4 % après celle de 0,5 %
Alors que la FPE recule de 0,7 %, la FPT 168000 emplois aidés qui ont beaucoup constatée en 2003. L’évolution est
baissé (- 28 %) ce qui explique finale- nulle pour la FPT, mais il faut signaler
ment une baisse de 0,1 % des effectifs une baisse en catégorie C (- 0,2 %).
des trois fonctions publiques en 2004. La dispersion des salaires est moindre
que dans le secteur privé mais la situa-
Baisse des recrutements par concours tion des bas salaires reste scanda-
leuse : un agent de catégorie C sur
Les recrutements par concours deux touche moins de 1 213 € net par
connaissent en 2004 dans la FPE une mois dans la FPE. La moitié des
baisse pour la deuxième année consé- salaires de catégorie B est inférieure
cutive aussi bien pour les concours à 1 578 € et à 2 378 € pour la catégo-
externes (-31 % en deux ans) que pour rie A.
les concours internes (-30 %). Cela se Les retraités de 2005 avaient une durée
traduit par une hausse de la sélectivité d’activité au moment de la liquidation
des concours externes. de la retraite inférieure à 148 tri-
Quant à elle, la formation continue mestres, une fois totalisées les périodes
© LISA PÉQUERY/NAJA

est toujours le parent pauvre. Ses d’affiliation aux différents régimes.


dépenses stagnent à 3,3 % de la masse On mesure la situation à laquelle seront
salariale et le nombre de jours de for- confrontés les personnels à court terme
mation par agent 3,3 est en deçà de du fait de la réforme des retraites de
son niveau de 1996 (3,6 jours). 2003. La pension moyenne brute des
retraités de l’État est de 1 789 €, de
1 175 € pour les retraités de la FPT et
de la FPH, la différence s’expliquant en
partie par le poids important de la
15 % de non titulaires catégorie A dans la FPE.

Le recours à des agents non l’ensemble Les femmes toujours pénalisées


titulaires est particulièrement des
élevé dans la FPT puisqu’il atteint fonction- Le faible accès des femmes aux
20 %. Il est de 13 % dans la FPH et naires, la emplois d’encadrement n’est que
de 12 % dans la FPE. Ce résultat catégorie peu corrigé en 2004 : 13 % des
meilleur de la FPE s’explique en des non emplois de direction en 2002, 14 % en
partie par le non réemploi de titulaires 2003, 15 % en 2004 (FPE). Très en
milliers de contractuels. Ils sont est deçà de leur poids dans les candida-
les premières victimes de la baisse souvent tures aux emplois de direction. Leurs
des emplois publics, mais aussi de contre nominations dans les emplois à la
© NAJA

la réforme des retraites de 2003. son gré décision du gouvernement ont même
Le ministère de l’éducation a fait employée reculé en 2004 (10 % contre 12 % en
savoir que l’âge de départ en à temps partiel : 31,8% des 2003).
retraite avait reculé, sans mettre contrats sont à temps incomplets Représentant 41 % des élus des per-
en évidence les milliers d’emplois (43,3 % chez les femmes, 21,8 % sonnels en CAP, elles sont moins pré-
économisés ainsi par la suppression chez les hommes) tandis que sentes dans les délégations syndicales
du CFA et la réforme de la CPA. les titulaires sont 9,4 % à choisir au conseil supérieur de la Fonction
Plus jeune et plus féminisée que de travailler à temps partiel. Publique de l’État : 25 % des titulaires
et 37,5 % des suppléants (respective-

10 Pour no 114 – octobre 2006


p 10-12 (publiques) 28/09/06 17:00 Page 11

c tion publique
© LISA PÉQUERY/NAJA

ment 50 % et 37,5 % pour la délégation


FSU). La féminisation des représen-
tants de l’administration est encore
plus faible. Parents de 3 enfants :
Accessible sur le site
www.fonction-publique.gouv.fr
ANNE FÉRAY
réponse favorable sur leur retraite
La FSU avait contesté en Juin Le ministère des finances a donc
l’interprétation négative faite par considéré que l’année d’ouverture
Ce qu’en dit la FSU le ministère des finances et a obtenu du droit des bénéficiaires ne saurait
Le rapport « Faits et chiffres » satisfaction. être antérieure à l’année 2005 : au
est un travail statistique honnête, La loi de 2003 organise l’allongement lieu d’être calculée sur la base de
régulièrement enrichi. Il contri- de la durée d’activité professionnelle 37,5 annuités (2% par an), la pension
bue à la transparence sur l’em- requise pour une retraite au taux des mères qui avaient en 2003
ploi public, les effectifs et les sta- maximum et la progressivité de la 15 années de service et 3 enfants
tuts, les financements qui lui sont décote. Les valeurs retenues pour le serait sur la base de 38,5 annuités
consacrés. Pourtant, il n’est pas le calcul de la pension sont celles (1,948% par an) sans décote.
suffisamment travaillé de manière de l’année d’ouverture des droits Ces modalités nouvelles devaient
contradictoire ; la FSU a souhaité à pension.Les fonctionnaires parents s’appliquer au 1er janvier 2007.
qu’au-delà de l’échange annuel d’au moins 3 enfants ou d’un enfant Pour la FSU, la publication d’un
auquel il donne lieu en conseil handicapé peuvent percevoir leur décret en 2005 ne fait pas obstacle
supérieur, des sujets spécifiques retraite sans condition d’âge après au constat que les conditions requises
puissent faire l’objet de réflexions 15 années de service. Avait été votée étaient vérifiées antérieurement.
contradictoires et pourquoi pas, une condition d’interruption L’année d’ouverture des droits
de négociations. La situation des d’activité au moment de la naissance pouvait donc être antérieure
non titulaires, les fins de carrière des enfants, (suivie par un décret à 2005.Les ministres du budget
mériteraient un tel débat. d’application le 11 mai 2005). et de la FP lui ont donné raison.

Pour no 114 – octobre 2006 11


p 10-12 (publiques) 28/09/06 17:00 Page 12

publiques
> PARTENARIAT PUBLIC/PRIVÉ Premier cas
à Villemandeur
Des bâtiments publics Le Conseil général du Loiret a
confié à Sogea Nord-Ouest,

financés par le privé filiale de Vinci Construction,


associée à Auxifip (groupe
Crédit Agricole), le
La décision du Conseil Général du Loiret financement, la construction
de recourir à un contrat de partenariat et la maintenance d’un
public, privé (PPP) pour la construction et nouveau collège (550 élèves,
l’entretien d’un collège, alerte sur les effets dont 40 internes) situé à
de la nouvelle politique de l’état en terme Villemandeur dans le Loiret.
d’investissements. Il s’agit d’un contrat de
Confrontée à la nécessité de construire de Partenariat public-privé
nombreux équipements publics (prisons, d’une durée de dix ans et
hôpitaux, établissement d’éducation, d’un montant de 13 Millions
ouvrage d’art...) alors que la dette publique d’euros. Sogea Nord-Ouest
immédiate représente déjà, après l’éduca- assurera les prestations
tion, le deuxième poste de dépenses de d’entretien, de maintenance

© NAJA
l’état, la « puissance publique » (état, col- et d’exploitation de
lectivités territoriales...) a inventé les PPP. sociétés de services qui assureront la troi- l’établissement, ainsi que
Comme la délégation de service public sième partie concernant « l’entretien, main- diverses prestations de
(concession, affermage, régie intéressée...) tenance, etc. » services, dont le gardiennage,
le contrat de partenariat (ordonnance du 17 C’est cette troisième partie qui permet le nettoyage des locaux, la
juin 2004) s’inscrit dans la logique des d’externaliser sans le dire nombre de mis- gestion des déchets,
contractualisations. Il est particulièrement sions et surtout d’éviter de les faire exercer l’entretien des espaces verts
adapté « lorsqu’il s’agit d’une mission de par des personnels statutaires ! Saisi par la et la gestion des fluides. Le
service public dont la rémunération du par- FSU le ministère de l’intérieur affirme en nouveau collège sera mis à la
tenaire privé n’est pas liée aux résultats effet que si « les personnels TOS sont disposition du Conseil général
de l’exploitation. » Il se caractérise par son membres de la communauté éducative et à la rentrée 2007 pendant la
caractère « global » : contrairement aux concourent aux missions du service public de durée du contrat à l’issue de
procédures des marchés publics habituels il l’éducation nationale, cette définition ne laquelle il réintègrera le
faut qu’un « groupement » assure néces- paraît pas exclure le recours à d’autres per- patrimoine de celui-ci.
sairement le financement, la construction sonnels, voire à des prestataires privés,
et/ou la transformation, l’entretien et/ou pour l’accomplissement des tâches d’en-

© LISA PEQUERY/NAJA
la maintenance et/ou l’exploitation et/ou la tretien. » On peut se demander quelles
gestion d’un ouvrage, d’un équipement ou seront les tâches éducatives des TOS, que le
d’un service. Il faut donc des financeurs conseil général affectera, sans aucun doute,
qui prennent le « risque » rémunéré sur 20 dans ce collège !
ou 30 ans, un groupe de BTP, mais aussi des JEAN-MICHEL DREVON

> RÉGION
GDF
Le 12 septembre, la FSU était
présente aux côtés des
fédérations des électriciens
Elections des CTP
gaziers CGT, FO, CFE-CGC En octobre, les agents des conseils régio- cation de l’Etat garant de la cohésion
contre la privatisation. naux, les TOS des lycées publics de l’édu- sociale et de l’égalité entre les citoyens ;
cation nationale et de l’enseignement agri- l’égalité de traitement des agents rem-
cole, certains personnels du ministère de plissant les mêmes fonctions (régime
la culture vont élire leurs représentants indemnitaire, mobilité, …) ; pour tous les
dans les CTP des collectivités régionales. TOS transférés, la garantie d’exercer dans
Ces nouveaux CTP auront à débattre des un établissement d’enseignement et la
conditions de travail de l’ensemble des définition, en conséquence, de leurs mis-
personnels « d’origine » et transférés. La sions et de leur régime de travail.
FSU présente des listes composées, Certaines des conditions faites par les
ensemble, par le SNAC, le SNETAP, le conseils régionaux à leurs agents relè-
SNU-CLIAS et l’UNATOS. Elle fera ainsi vent de choix politiques et dépendent
jouer à plein la synergie de leurs implan- des scrutins politiques régionaux. Mais
tations et renforcera son combat pour la ils vont dépendre surtout des rapports
défense du service public territorial de force locaux que la FSU saura y déve-
comme national. Elle fera prévaloir le lopper. Le résultat de ce scrutin en est
maintien d’un grand service public d’édu- partie prenante.

12 Pour no 114 – octobre 2006


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éducatives
> ACTION

Après la grève Roland Goigoux


sanctionné
Les fédérations de l’Édu- statu quo dont certains - Le Directeur de
cation (FSU, Ferc-CGT, les enseignants - seraient l’École supérieure
Sgen-CFDT, Unsa) ainsi les tenants... Bien sûr de l’Éducation
que les organisations qu’il faut que l’École nationale a justifié
étudiantes et de parents évolue, la FSU est la ainsi la sanction
d’élèves (Unef, Cé, Fidl, première à faire des prise à l’encontre
FCPE) ont appelé à la propositions ... mais la d’un formateur. « À la lecture
grève le 28 septembre, réussite de tous ne de son dernier ouvrage j’ai
lendemain du jour où la progressera que si cet

© NAJA
estimé que certains passages
loi de finance 2007 a été objectif est partagé par allaient à l’encontre des
présentée au conseil du ministre. La mobi- tous... ce qui est loin d’être le cas... Dans propos du ministre de
lisation a montré les inquiétudes, on ne ce contexte la FSU met en avant quelques l’Éducation. » L’auteur de
peut plus fondées, des personnels : un grands axes pour obtenir des résultats l’ouvrage s’appelle Roland
budget 2007 inscrit dans le cadre des immédiats et pour peser sur les débats Goigoux, chercheur reconnu et
réductions de l’emploi public ce qui se politiques. Il s’agit de construire un grand professeur à l’IUFM de
traduit, notamment, par 8 700 postes en mouvement social pour l’éducation : la Clermont. L’ouvrage en
moins dans l’Éducation Nationale... Depuis réussite de la grève du 28 en est une étape question « Apprendre à lire »
le début de l’année, le ministre de l’Édu- importante. Dans le même temps le FSU (éd. Retz), commet un crime
cation Nationale affiche une auto-satis- mène une large campagne d’opinion, de de lèse majesté : contredire les
faction exaspérante, tant elle est loin de contacts avec les personnels, les parents, propos du ministre sur
la réalité de ce que vivent les personnels. l’opinion publique, d’intervention auprès l’apprentissage de la lecture.
Pour atteindre l’objectif de faire réussir des élus La FSU s’adresse à ses partenaires La sanction : il n’interviendra
tous les élèves, ce n’est ni la démagogie, pour envisager des suites unitaires d’am- plus dans la formation des
ni l’autoritarisme (promotion de l’ensei- pleur nationale. D’autre part, elle entend inspecteurs de l’éducation
gnement privé, mise à l’écart de cher- avec notamment l’UNEF poursuivrent les nationale qui devront donc
cheurs non soumis au ministre, concerta- États Généraux pour l’avenir des jeunes ; s’en tenir aux thèses d’un
tion laborieuse sur la carte scolaire...) outre les questions d’éducation ils doivent autre spécialiste, Gilles de
dont l’École a besoin. Tout le monde sait permettre d’avancer des propositions sur Robien. La FSU avec
que l’Éducation a besoin de moyens, il ne l’emploi, les droits, l’autonomie de la l’ensemble des syndicats
sert à rien d’essayer de contourner cette jeunesse. enseignants ont dénoncé
évidence par la trop fameuse référence au ÉLIANE LANCETTE cet acte de censure
professionnelle.

www.food- > RESF


force.fr
La faim touche
dans le monde,
6 924
chaque jour, Tel est le nombre de régularisations opérées pour refuser l’inacceptable. L’ampleur de
850 millions sur critères, dans le cadre de la circulaire la mobilisation du réseau, depuis deux
de personnes. du 13 juin, qui concernait les familles sans ans, les 123 000 signataires de la pétition
Le programme papiers d’enfants scolarisés. Elle avait « nous les prenons sous notre protection»,
alimentaire déclenché un immense espoir.et une ruée la déclaration commune du 4 septembre
mondial (PAM) des Nations immédiate vers les préfectures. Selon le (FCPE, FERC-CGT, FIDL, FSU, SGEN-CFDT,
Unies, qui distribue une aide ministère, 30000 dossiers ont été déposés, UNEF, UNL et UNSA) donnent à chacun
alimentaire à plus de soit 10000 de plus que prévu. beaucoup d’énergie et de détermination
90 millions de personnes Si nous nous réjouissons pour celles et pour continuer car les mesures d’expulsion
lance une façon originale de ceux qui ont enfin été régularisés, force se poursuivent : la police est intervenue
sensibiliser les enfants est de constater qu’on est loin du compte. dans une école maternelle le 11 septembre
de 8 à 14 ans à la faim dans Et le flou de certains critères de la circu- à Chartres pour intercepter un petit garçon
le monde : par l’intermédiaire laire a rendu très disparate le traitement de 3 ans (en vain grâce à l’intervention des
d’un jeu vidéo éducatif. La des dossiers selon les préfectures amenant enseignants) et le 25 septembre à Tulle
version française sera RESF à parler de véritable loterie pour interpellant une fillette de 4 ans.
disponible gratuitement sur les décisions prises. Si ce n’est déjà fait n’hésitez pas à signer
le site www.food-force.fr Après une veille vigilante tout l’été qui a la pétition, à la faire connaître à parti-
qui proposera aussi permis de limiter au maximum les expul- ciper aux prochaines initiatives des
des documents pour les sions (4 au total) maintenant, la rentrée réseaux au plan local ou au delà.
enseignants. Le but : scolaire est faite : enseignants, parents Pour toute information: Tél. 08 20 20 70 70
récolter des fonds pour l’aide d’élèves, élèves, simples citoyens, nombre www.educationsansfrontieres.org
alimentaire. d’élus sont tous là, mobilisés, solidaires CLAUDIE MARTENS

14 Pour no 114 – octobre 2006


p 14-16 (Éducatives) 28/09/06 16:58 Page 15

éducatives
> ALINE

Oubliées Université
d’automne

les promesses ! Comme chaque année, le


SNUipp tient son université
d’automne à La Londe dans le
Var les 24, 25 et 26 octobre
L’Allocation pour l’installation étudiante (Aline) sera de 300 euros. prochains. Pendant trois
Elle ne concernera que 3,5 % des étudiants. Une goutte d’eau. jours, des enseignants des
écoles, venus de toute la
Dans l’esprit des communicateurs du lités criantes (d’où Aline ?), la précarité France, participeront à
premier ministre, cela devait faire des conditions de vie des étudiants… Il différents ateliers ou
« djeune » de nommer Aline une mesure préconisait justement la création d’une conférences ayant pour
en faveur des étudiants. Mais toutes les allocation de rentrée dont il estimait le thème l’avenir de l’école,
Aline de France n’apprécieront peut-être coût à 100 millions d’euros (Aline ne coûte mais aussi des sujets liés à
pas l’homonymie avec « l’Allocation pour que 20 millions d’euros), mais aussi le l’actualité comme la lecture,
l’installation étudiante », il est vrai peu renforcement et l’élargissement des la grammaire, les
flatteuse ! D’autant que l’Aline en ques- bourses, la généralisation d’un tarif trans- mathématiques ou encore
tion n’est pas accueillie très favorable- port étudiant, un prêt à taux zéro, un l’enseignement du fait
ment par les intéressés. D’un montant de pass logement, un pass vers l’emploi… La religieux sans oublier, bien
300 euros, censée aider les étudiants mesure phare du premier Ministre entendu les problèmes de
boursiers, elle a été plus décriée que ressemble plutôt à une lampe de poche à traitement de la difficulté
louée. Cette aide ne concernera que les côté de ces préconisations. scolaire… Interviendront
étudiants boursiers qui font leur première Au mois de juin lors du lancement des notamment Boris Cyrulnik,
demande d’aide au logement auprès de la États généraux de la jeunesse au cours Jean-Yves Rocheix, Agnès
Caisse d’allocations familiales. En seront duquel ces questions avaient été Van Zanten, Roland Goigoux,
exclus les non boursiers, les boursiers qui évoquées, il avait été rappelé qu’aujour- Agnès Florin, ou encore Pef.
ont déjà un logement indépendant ou d’hui ce sont les familles les plus aisées
encore les étudiants boursiers de moins de qui sont les plus aidées, par le biais des
20 ans dont les parents bénéficient des exonérations fiscales à hauteur de
allocations familiales... Au final, cette 1,7 milliard d’euros, contre 1,3 milliard
aide ne concernera que 3,5 % des pour les boursiers*. Près de la moitié de
étudiants, soit 80 000 sur 2.2 millions. ces derniers sont par ailleurs contraints de
Elle est loin de la grande mesure annoncée compléter leurs revenus en recourant à
par Jacques Chirac. Pour l’UNEF « cette des petits boulots fragilisant sensiblement
allocation de rentrée devrait être versée leur parcours universitaire. L’Unef juge la
à l’ensemble des étudiants boursiers ». Si mesure « indécente au regard des
le premier ministre pouvait difficilement promesses faites au mois de juillet et des
ignorer les préconisations du rapport de besoins des étudiants ». Mais ce n’est pas
mission parlementaire réalisé par le tout : pendant la crise du CPE, le Premier
député Laurent Wauquiez, il est cepen- Ministre avait promis à plusieurs reprises
dant loin de les suivre. Le rapport (Les le maintien pendant 3 mois des bourses à
aides aux étudiants : comment relancer la fin des études afin de faciliter la
l’ascenseur social ?) dressait « un bilan recherche d’un emploi. Exit. On n’en
© MIRA

sévère du dispositif français » et dénonçait parle plus. De plus Dominique de Villepin


tout à la fois le dédale administratif des dément l’exonération de la taxe d’habi-
aides, l’inefficacité du système, la mise à tation pour les étudiants. C’est bon
l’écart des classes moyennes, les inéga- BRUNO KOZOLE
pour le moral
Le sondage fait en juillet
par BVA après de 835 jeunes
de 15 à 25 ans montre que
89 % d’entre eux se sentent
majoritairement en sécurité
dans leur collège ou lycée.
86 % s’intéressent aux
matières enseignées, 76 %
prennent plaisir à aller en
cours, et 79 % ont une bonne
image de leurs professeurs.
© BRUNO KOZOLE

Une large confiance donc, qui


ne peut que nous inciter
à nous battre pour être à
la hauteur de leurs attentes.

Pour no 114 – octobre 2006 15


p 14-16 (Éducatives) 28/09/06 16:58 Page 16

éducatives
> ÉDUCATION PRIORITAIRE

Pour la réussite, Bagneux :


une ambition
indéfinie
on verra ! « L’Ambition Réussite,
ce n’est pas des moyens
en plus », constate
La situation du collège Paul Cézanne de Mantes-la-Jolie (78) illustre
Marianne. Le collège Henri
toutes les incohérences du dispositif Ambition réussite mis en Barbusse de Bagneux (Hauts-
place depuis la rentrée. de-Seine) où elle enseigne
l’histoire-géo, compte 370
« Ambition réussite, je ne sais pas ce que temps hors classe. Le travail de coordination élèves. Son taux
c’est! Je n’ai jamais vu la tête de l’ensei- de l’enseignant référent est resté entre les d’encadrement en cette
gnant référent. » Prof d’EPS au collège Paul mains de chaque titulaire. « Tout nouvel rentrée est identique à celui
Cézanne de Mantes-la-Jolie (Yvelines), Loïg enseignant a besoin de temps pour apprendre d’il y a 5 ans ».
force à peine le trait. Dans cet établissement à conduire sa classe, de formation complé- Les recrutements ont été
de 540 élèves (dont 120 en Segpa) classé EP1 mentaire. Comment pourrait-il coordonner le effectués dans la confusion.
et situé au cœur de la ZUS du quartier des travail de collègues déjà expérimentés? » Les enseignants proposaient
peintres, règne une certaine confusion. s’interroge Bruno. De plus, la mise en place un poste de professeur pour
du dispositif s’accompagne pour le référent organiser de l’expérimenta-
de nombreuses réunions, ce qui le conduit tion scientifique (dont
assez fréquemment à ne pas faire cours dans auraient bénéficié les 2
sa classe. « Un comble quand on connaît les écoles du réseau), ou encore
enjeux pour les élèves de 6e et quand on sait le recrutement d’un
que plus de 92 % de nos élèves sont issus de documentaliste qui aurait
familles défavorisées! », s’étonne un ensei- aussi permis de relancer les
gnant. Le maître référent n’intervient que sur BCD des écoles. « En fait,
le Français, alors que pour les enseignants notre hiérarchie n’a jamais
l’effort devrait aussi porter sur les Maths. Le discuté des profils ». Deux
réseau EP1 qui compte aussi 3 écoles devait professeurs d’écoles, seuls
être pourvu d’un PE et de 6 postes d’assistant candidats, ont été recrutés.
pédagogique, 4 ont été recrutés, dont 2 pour La possibilité de travailler en
© DAVIN/NAJA

le collège (Français et Anglais). Mais les profs dédoublement reste limitée,


des deux disciplines s’interrompent. faute de formation
Comment espérer qu’ils réussiront là où les spécifique au second degré.
« Pourtant, commente Bruno, professeur de enseignants certifiés ont échoué, faute de Surtout, si les référents sont
Français, on se disait qu’on avait tout intérêt moyens ? ». Les interrogations sont à demi déchargés, les autres
à ce que l’entrée dans le dispositif ne se nombreuses et le rôle du Comité exécutif, professeurs n’ont obtenu
fasse pas n’importe comment ». Plusieurs « qui court-circuite le conseil d’administra- aucune décharge pour
d’entre eux ont été invités au comité tion », n’est pas fait pour arranger les choses. concertation et travail
exécutif, charger de définir le profil de poste YVES TRÉVIERS en équipe…
de l’enseignant référent. Mais des diver-
gences de fond sont apparues entre l’équipe
et la hiérarchie au sujet de la finalité des
moyens et des profils de postes à pourvoir.
« Le principal ne voyait pas d’inconvénient à Ce qu’en pense la FSU
recruter des professeurs d’école, y compris
pour intervenir dans le secondaire. Nous, Le recentrage des moyens d’éducation sur un petit nombre
nous mettions en avant les difficultés d’en- d’établissements s’est traduit par la création de 249 réseaux EP1
trée dans les apprentissages des élèves en dénommés «ambition réussite», tandis qu’un nombre important
Français et en Maths. Mais il y avait accord d’établissements (EP3) sont voués à sortir de la carte des ZEP, et que les
pour viser le niveau 6e », poursuit Bruno. établissements « intermédiaires (EP2) risquent de voir progressivement
« Nous attendions surtout des moyens d’en- disparaître les moyens ZEP. La FSU dénonce le redéploiement consistant
seignement supplémentaires et des finan- à octroyer des moyens « supplémentaires » aux réseaux EP1 sur le dos
cements accrus », résume Annie, prof de de l’ensemble des collèges (qui perdent une demi-heure pour chaque
Français. Au lieu de cela, la dotation horaire classe de 5e et 4e). Ces moyens, variables d’un EP1 à l’autre, ne font
globale a été diminuée de 40 heures… C’est souvent que compenser les pertes de postes imposées précédemment.
finalement une néo-titulaire en Français qui Elle s’inquiète de l’organisation dérogatoire des enseignements dans ces
a été recrutée. Son temps de service est collèges, de la focalisation sur le seul socle commun, de la remise en
réparti pour 6 heures sur la prise en charge cause des statuts et qualifications des personnels (postes à profil définis
d’une classe (ce qui dégage 1h30 de concer- localement, bivalence, services partagés entre 1er et 2nd degré)...Et les
tation pour trois autres enseignants de Fran- professeurs référents nommés à cette rentrée sont pour beaucoup des
çais), pour 9 heures sur du travail en double Titulaires remplaçants non volontaires ! La FSU met en avant des
en Sixième, le restant allant au soutien sur le propositions alternatives à cette fausse relance.

16 Pour no 114 – octobre 2006


p 17-23 (Dossier) 28/09/06 16:37 Page 17

DOSSIER

Soutien scolaire
L’appel
à l’aide

© LISA PEQUERY/NAJA

Les parents demandent du soutien scolaire Les choix opérés en matiere de politique éducative ces der-
nières années -motivés par des raisons budgétaires- se sont
et sont 28 % à déjà le faire pratiquer à notamment traduits par la réduction des horaires de cours
leurs enfants. Alors qu’il est indispensable offerts aux élèves (sans réduction des exigences) la diminution
du temps passé en petits groupe et des dispositifs de remé-
pour les élèves en grande difficulté, c’est diation alors que, dans le même temps, l’hétérogénéité dans
pour se maintenir à niveau, voire pour les classes ne cessait d’augmenter avec la massification du
lycée après celle du collège. Ils ont ainsi généré des difficul-
accéder aux prépas et grandes écoles qu’il tés supplémentaires chez les élèves, que les familles comme
les enseignants cherchent à compenser. D’autant que les
est le plus recherché. enjeux très forts de la réussite scolaire pour l’avenir des
élèves, ne sont pas démentis malgré les campagnes sur le
« trop de diplômés » entendues à l’occasion du mouvement des
Dossier réalisé par jeunes contre le CPE.
Jean-Michel Drevon, Bruno Kozole, C’est ainsi que, depuis les années quatre-vingt-dix, les dis-
Élizabeth Labaye, Éliane Lancette, positifs d’aide et de soutien aux élèves se sont multipliés: aide
Claudie Martens. individualisée, soutien dans une discipline, tutorat, études diri-

Pour no 114 – octobre 2006 17


p 17-23 (Dossier) 28/09/06 16:37 Page 18

gées dans les établissement scolaires ;


programmes de réussite éducative dans
le cadre du plan Borloo avec l’impli-
cation hors de l’école de partenaires
multiples associatifs coordonnés par
la municipalité ; aide privée et payante
avec les cours particuliers et le déve-
loppement d’entreprises spécialisées
dopées par les mesures fiscales allé-
geant la charge financière pour de
nombreuses familles…
La liste n’est pas exhaustive et certains
parlent même d’explosion de la
demande. Selon la nature de l’offre, le
niveau d’étude et le niveau scolaire,
les objectifs ne sont pas les mêmes: de
la remotivation d’élèves en rupture
scolaire au coup de pouce pour com-
bler des lacunes, de la « béquille »
pour tenir toute l’année après un pas-
sage de justesse à la recherche de
l’excellence pour intégrer la classe
préparatoire ou l’école prestigieuse, la
gamme est vaste. Mais dans tous les
cas, elle interroge les politiques édu-
catives sur les mesures à développer
pour prévenir les difficultés scolaires.
Comment les évaluer, préciser leur
nature et sur quels leviers agir assez
© NAJA

tôt? Cela implique une réflexion appro-


fondie sur les savoirs enseignés, leur
hiérarchie, l’activité au cœur de la
classe, les contenus des épreuves
d’examens ou de concours. Cela
Les offres publiques
implique aussi de mettre en place de En plus des dispositifs internes aux établissements, l’offre
l’aide, du soutien et plus largement de
l’accompagnement scolaire (ouverture
publique est assurée par des associations subventionnées par
sur l’extérieur, accès à la culture, …) les collectivités.
hors de la classe mais en cohérence
avec le travail dans la classe, dans le Il existe de plus en plus de dispositifs d’autres sont engagés dans une pour-
cadre d’équipes pluri professionnelles internes aux établissements scolaires : suite de formation ou un emploi.
qualifiées combinant travail en groupe l’aide aux devoirs avec « l’étude » à De nombreuses villes se sont intéres-
et suivi individuel. Cela implique enfin, l’école élémentaire, les études diri- sées à la question de l’accompagne-
une évaluation rigoureuse des effets gées ou encadrées au collège, mais ment scolaire, mettant en place des
produits. aussi l’aide au travail personnel, le
Un maillage fort dans et hors l’école du soutien dans une discipline, le tutorat
service public non marchand est la assuré par des élèves plus âgés… Autre
condition nécessaire pour donner du possibilité qui concerne des élèves en
sens aux slogans sur l’égalité des très grandes difficultés : les disposi-
chances et assurer réellement la réus- tifs relais (classes et ateliers). Tou-
site de tous les élèves. Faute de quoi jours rattachés à un collège, ils offrent
© LISA PEQUERI/NAJA

l’école continuera à laisser sur le côté un accueil temporaire et adapté à des


des milliers d’élèves et les officines collégiens en voie de déscolarisation et
privées continueront de faire leurs de désocialisation, L’accent est mis
choux gras de l’angoisse des parents. sur la collaboration entre l’équipe édu-
cative du dispositif et celle du collège
pour favoriser un retour réussi vers équipes qui tentent d’offrir aux
une reprise normale de la scolarité ou enfants une autre façon d’aborder les
l’entrée dans un cycle de formation apprentissages : utilisation d’internet,
professionnelle. Les Francas, les mise à disposition de logiciels de sou-
© LISA PEQUERY/NAJA

CEMEA et la Ligue de l’Enseignement tien, développement du langage par le


sont partenaires de ce dispositif qui théâtre.... Autre expérience, l’accueil
donne des résultats réels : 80 % des des jeunes des quartiers défavorisés
élèves concernés sont rescolarisés dans pendant les vacances scolaires dans
un cursus ordinaire, tandis que le collège du quartier. Élèves et pro-

18 Pour no 114 – octobre 2006


p 17-23 (Dossier) 28/09/06 16:37 Page 19

DOSSIER
fesseurs pratiquent des activités dif-
férentes, des rapports nouveaux s’éta-
blissent qui permettent ensuite de tra-
Les parents
vailler plus facilement en atelier de
soutien scolaire.
Beaucoup d’associations proposent
en demandent
aussi des formules de soutien scolaire.
Associations de parents (F.C.P.E...) 28 % des parents ont fait donner des
mais aussi d’étudiants comme l’AFEV cours particuliers à leurs enfants dont
(Association Française des Étudiants déjà 5 % en maternelle. 80 % disent
pour la Ville). Celle-ci mène des être prêts à avoir recours à des cours
actions d’accompagnement éducatif particuliers payants, soit en cas de dif-
auprès du public 5/16 ans. Depuis 15 ficultés scolaires (75 %) ou seulement
ans, 60 000 étudiants ont donné deux pour améliorer ses performances (58 %
heures de leur temps chaque semaine dont déjà 54 % en maternelle et pri-
pour accompagner un enfant ou un maire et plus de 60 % en lycée). Par
jeune en difficulté dans les quartiers ailleurs, les parents, s’ils sont majori-
défavorisés. Aujourd’hui, cette asso- taires (56 %) à penser que l’école joue
ciation, en lien avec le Ministère de actuellement correctement son rôle
l’Éducation Nationale, lance une cam- de soutien, attendent beaucoup des
pagne «30000 étudiants solidaires pour nouvelles dispositions de soutien per-
être utile contre les inégalités» visant sonnalisé mises en place à partir de
à soutenir 30 000 enfants et jeunes en cette année: 89 % y sont favorables. Le
difficulté. sondage fait en outre valoir qu’au total

© YVES TRÉVIERS/NAJA
Les réseaux de réussite éducative mis 83 % des parents aident leurs enfants le
en place dans le cadre de la loi sur soir (dont 17 % systématiquement). Si
l’égalité des chances adoptée en 2005 69 % s’estiment suffisamment capables,
ont pour vocation de coordonner l’en- 19 % se sentent démunis, notamment
semble de ces dispositifs avec un pilo- ceux qui ont fait le moins d’études.
tage confié aux municipalités. 28 % des parents ont fait donner des
Un seul établissement public propose *source: sondage CSA pour le journal la Croix. cours particuliers à leurs enfants
des programmes de soutien, mais limi-
tés à certaines classes et certaines
matières : le Centre national d’ensei-
gnement à distance (CNED). Le CNED
va proposer, par exemple, un accom-
pagnement de français en troisième
sur neuf mois pour 120 euros.
Offre privée :
Noir c’est noir !
Le travail au noir règne encore dans le seurs. Les cours Legendre au contraire
soutien scolaire. Plus de 80 % des salarient leurs professeurs. En 2004 le
parents concernés ont fait appel à des volume d’affaire s’élevait à 11 mil-
étudiants ou professeurs probablement lions d’euros. Après la classe 2 offre
non déclarés. Les cours particuliers se un service complet en prenant en
répartissent ainsi : 13 % par des pro- charge l’enfant après l’école jusqu’au
fesseurs d’école ; 20% par des entre- retour des parents. Le plan de cohé-
prises spécialisées ; 28% par des pro- sion sociale de Borloo devrait venir
fesseurs et 39 % par des étudiants 1. modifier les rapports de force du sec-
L’état en instaurant les réductions teur en promouvant la constitution de
d’impôts et chèques services tente de prestataires nationaux. Sodexo, Accor,
réguler le marché évalué à 550 millions banques, mutuelles et société d’assu-
d’euros, en progression de 10 % par an. rances devraient rapidement s’inté-
La croissance traduisant à la fois une resser à ce marché prometteur.
demande accrue et un gain de parts de Constat amer pour l’éducation natio-
marché des entreprises. nale qui devrait interpeler le ministre et
Le leader est Acadomia avec 2 mil- lui faire comprendre que l’heure n’est
lions d’heures de cours et un volume pas aux faux débats mais à décider de
© LISA PEQUERY/NAJA

d’affaire en 2004 de 62 millions d’eu- réels moyens pour l’aide aux enfants
ros. Complétude arrive loin derrière en difficultés même passagères.
avec 500 000 heures. Ces entreprises
ne sont que des mandataires qui met- 1. enquête d’avril 2005 de l’IFOP pour Acadomia.
tent en relation familles et profes- 2. Témoignage p. 21.

Pour no 114 – octobre 2006 19


p 17-23 (Dossier) 28/09/06 16:38 Page 20

Dominique Glasman :
« Un accompagnement tout au long
de la scolarité »
Pour ce spécialiste de l’accompagnement scolaire, le soutien passe d’un rattrapage ponctuel
à un accompagnement permanent. Il souligne également le peu de résultats du soutien
pour les élèves en grande difficulté.
Les médias parlent souvent d’explo- Les cours particuliers sont une spéci-
sion de la demande. Confirmez-vous ce ficité française ?
phénomène ? C’est un phénomène général et d’au-
Il faut être prudent : les données pro- tant plus fort que le système scolaire
viennent des entreprises privées qui en du pays est compétitif. Au Japon, on
vivent. Toutefois, on peut penser qu’il y a recours au lycée jusqu’à 4 à
existe une augmentation dans la 5 heures par semaine pour obtenir
mesure où la pression autour de la l’entrée dans l’université prestigieuse,
réussite scolaire demeure très forte. et donc en amont pour l’entrée dans
Le développement de l’offre, les le meilleur lycée, ….ce qui amène les
mesures fiscales ont facilité l’accès jeunes japonais à suivre des cours dès
© BRUNO KOZOLE

pour un grand nombre de familles. le primaire.

Qui sont les principaux « consomma- Cette situation doit amener les poli-
teurs » ? tiques éducatives à évoluer dans quel
Les catégories les plus favorisées, puis Dominique Glasman est professeur sens ?
les classes moyennes. Dans les milieux de sociologie à l’Université de Savoie, Développer les moyens matériels et
populaires le recours demeure très spécialiste de la sociologie de humains permettant aux élèves de tra-
minoritaire mais pas complètement l’éducation et plus particulièrement vailler en études surveillées, entraîner
absent comme c’était le cas il y a de l’accompagnement scolaire ceux qui veulent participer à la com-
quelques dizaines d’années. C’est bien pétition scolaire pour ne pas laisser
le signe que les enjeux de l’école ne se s’exercer le seul tri financier. Enfin
limitent plus à l’acquisition d’un viduel, qu’ils peuvent passer du temps revoir la conception des épreuves sco-
métier et que les freins sont essen- à répéter des exercices. Par contre les laires au profit de la réflexion plutôt
tiellement d’ordre financier. cours particuliers ne répondent pas aux que de la vitesse et la réactivité qui
problèmes des élèves en grosse diffi- donnent de l’importance à l’entraîne-
Très concrètement, quelles sont les culté, ceux-ci étant peu demandeurs et ment et donc de l’efficacité aux cours
attentes ? les entreprises peu intéressées par eux. particuliers.
En primaire, l’aide aux devoirs, au
collège et au lycée le soutien dans
certaines disciplines. Le but est d’amé-
liorer des résultats qui ne sont pas
bons mais aussi de « tenir » dans une
Bibliographie
classe où l’on a été admis de justesse • Le travail des élèves pour l’école et en dehors de l’école, Dominique Glasman,
par exemple. C’est ainsi que l’on passe Leslie Besson. Décembre 2004. 154 p. Rapport pour le Haut Conseil
d’un rattrapage ponctuel à un accom- de l’évaluation de l’école. Disponible sur :
pagnement tout au long de la scolarité. http ://cisa.adc.education.fr/hcee/documents/rapport_Glasman_Besson.pdf
Nouveauté, l’objectif peut être la • La Déscolarisation, sous la direction de Dominique GLASMAN et Françoise
recherche de l’excellence scolaire pour Œuvrard 2004.
l’accès à une école prestigieuse. La • Accompagnement scolaire - Sociologie d’une marge de l’école 2001.
volonté de ne pas mêler rapports • Auxiliaires d’école. Les établissements scolaires et les aides-éducateurs
parentaux et rapports scolaires joue D. Glasman, C. Ben Ayed et J.-P. Russier (dir), 2001, Recherche pour le MEN
également. et la DIV, CRE, Université de Saint-Étienne, octobre 2001.
• Les jeunes l’insertion l’emploi.
Peut-on évaluer les effets du soutien Bernard Charlot, Dominique Glasman, février 1999.
sur les résultats scolaires ? • Cours particulier et construction sociale de la scolarité. Dominique Glasman,
Les progrès concernent essentiellement Georges Coulonges, CNDP – FAS, 1994.
les élèves moyens. Ceux-là, peuvent • L’école hors l’École broché. Novembre 1992.
gagner 2 ou 3 points. Ces résultats sont • L’École réinventée ? D. Glasman, décembre 1992.
liés au fait que les élèves sont volon-
taires, qu’ils bénéficient d’un suivi indi-

20 Pour no 114 – octobre 2006


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DOSSIER
Soutien scolaire à Romans
Où situer la frontière
entre l’accompagnement
et le soutien scolaire? Sur
le terrain, elle est ténue.
Et l’un ne peut aller sans
l’autre.
À l’est de Romans, le
quartier de la Monnaie,
le plus pauvre de la
région Rhône Alpes.
Classé en ZEP depuis
1982, puis en REP. Les
dispositifs de soutien et
d’accompagnement y ont
été mis en place dès
1992. L’instauration des
dispositifs de réussite
éducative (DRE), il y a
deux ans, avec la loi de

© BRUNO KOZOLE
cohésion sociale ont fait
débat : « doit-on rentrer
là-dedans ? ». Joël Mon-
teillet, le coordinateur
REP et directeur de l’école Langevin pagnent, parfois directement dans la encadrés en lien avec l’activité choi-
évoque les réticences d’alors : logique famille, certains élèves repérés par sie. « On articule ainsi savoir être et
libérale, concurrentielle. « En fait, les enseignants, à raison d’une heure savoir faire ! » précise Joël Monteillet.
pour nous c’était le seul moyen de par semaine. Mais le DRE travaille aussi « L’esprit de tout ça c’est aussi de
poursuivre le travail de douze en amont, dès les structures de petite proposer une multitude d’entrées aux
années. » Arrêter était impensable. enfance, avec des dispositifs Passe- élèves et à leurs familles. » À la fois
En près de 15 ans de travail et de relle. Puis pour les élèves en cours pour agir sur les difficultés éprouvées
réflexion, de contact avec les familles, préparatoire, les clubs Coup de pouce, par les élèves, que pour les prévenir.
de coopération entre les différents apportant une aide spécifique en lec- Le travail collectif a eu pour but de
acteurs, le dispositif actuel présente ture. Le dispositif propose également mettre en place des dispositifs pour
un tableau complexe autour de l’en- des activités sportives, culturelles. tous les âges et toutes les difficultés
fant et de la difficulté scolaire. Mais Mais à l’inverse de ce qui se faisait rencontrées.
une caractéristique majeure, la dans les années 80-90, ces activités Le coût du dispositif (supporté par la
concertation et la notion de contrat s’appuient sur un donnant-donnant : ville et l’État) s’élève à 774 € par
avec les enfants, les familles, les struc- pour une heure d’activité (sport, enfants et concerne près de 300
tures de la ville. chant, théâtre, jardin…plus de douze élèves. Toutefois l’argent de l’État
Ainsi, des personnes référentes, tra- activités au total) l’élève effectue tarde et « sans l’engagement de la
vailleurs sociaux, animateurs, accom- deux heures de travaux pédagogiques ville, nous n’aurions pu travailler. »

Privé : Juliette témoigne


Les officines privées proposant des tant, on ne m’a jamais demandé le tent au « professeur ». Rien
services de soutien scolaire se multi- moindre justificatif de diplôme - ini- d’autre. Dans mon cas je n’ai même
plient. Internet est souvent le pre- tialement on me demandait un niveau jamais eu de contact avec les
mier moyen de contact utilisé par Bac + 5. Aucune information, aucune parents.» Cas isolé ? Juliette a
les parents. Ainsi, Après la classe réunion d’harmonisation, aucune éva- entendu le même genre de remarques
offre une multitude de prestations, luation du travail effectué auprès des d’amies travaillant pour d’autres offi-
de l’aide aux devoirs à la préparation élèves. Plutôt ahurissant. En fait les cines. « En tout cas, forte de cette
aux examens. Juliette*, était étu- parents sont totalement trompés. Le expérience, si le cas se présente, je
diante en licence l’an dernier lors- seul contact que j’avais avec Après la ne confierai jamais mon enfant à ce
qu’elle a répondu à l’offre de recru- classe était le 24 du mois quand je genre de boîte. »
tement que le site proposait. « A déposais mes tickets les familles
priori, ça avait l’air sérieux. Pour- achètent des tickets qu’elles remet- *Nous avons modifié le prénom de notre témoin.

Pour no 114 – octobre 2006 21


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Ça se passe ailleurs !
Comme le constate la plupart des
Les propositions
études, il est difficile de comparer le
« hors temps scolaire » sans connaître
ce qu’il en est du temps scolaire, du
de la FSU
fonctionnement social et des normes de Alors que le plan Borloo affiche des objectifs de réussite
chaque pays. Si les Coréens, les
négatives accompagnées de coupes budgétaires dans
Japonais consacrent beaucoup de
temps hors de l’école ce n’est pas tant l’Éducation nationale, la FSU avance ses propositions pour
pour pallier des carences du système répondre à l’appel des parents.
que pour se préparer à une compétition
et une concurrence qui sont la norme.
59 % des élèves de 8e au Japon suivent
des « jukus ». C’est en fait une double
scolarité qui doit permettre de choisir
le meilleur collège qui lui-même
permettra d’envisager le meilleur lycée
conduisant peut-être à la meilleure
université. Il en est de même en Corée.
On connaît les effets pervers, pour les
jeunes, d’un tel système qui est en
train de gagner la Chine. Une étude
récente dénonce la course à la
performance qui commence au jardin
d’enfants « Sport, musique, jeux, tout
n’est que compétition ». Le suicide est
devenu la première cause de décès
pour les 15-34 ans. D’une manière
générale, et quel que soit le pays, la
© LISA PEQUERY/NAJA

prise de cours est plus massive à


chaque évaluation décisive du système
(concours, examen d’entrée, ...). La
compétition scolaire est devenue une
donnée essentielle même dans les pays
pauvres où les budgets et la casse des
L’enfant doit lui-même être demandeur… et susceptible de faire l’effort correspondant.
services publics d’éducation ne
permettent pas un accès de tous au
Quelles politiques publiques de « sou- site est forte, l’angoisse scolaire
savoir. Dans un monde où la
tien scolaire » mettre en œuvre ? génère un marché. L’idée se déve-
connaissance est devenue un élément
Le plan Borloo a affiché des objectifs loppe aussi d’une réussite individuelle
du succès pour le plus grand nombre
de réussite éducative. Au moment où dans la compétition dès le plus jeune
son accès donne naturellement lieu,
les coupes budgétaires dans l’Éduca- âge. Mais pour la FSU, cette mission de
faute de système égalitaire, à des
tion nationale étranglent les écoles et réussite relève de la responsabilité du
stratégies et donc à des « marchés »
les établissements scolaires, il y met service public avec quelques idées
que le marché ne saurait ignorer.
des moyens non négligeables. Le risque fortes: aider, ce n’est pas rabâcher, ni
est grand de voir un service public « faire de l’école après l’école ». C’est
d’Éducation qui ne garantisse plus que d’abord dans la classe que se joue la
le strict minimum, réduit aux appren- réussite scolaire. Et que peut et doit se
tissages « fondamentaux » tandis qu’à déployer le soutien à l’activité sco-
la périphérie, des dispositifs de com- laire de l’enfant. Il doit profiter de
pléments ou « d’aide » se multiplie- l’effet classe, notamment avec des
raient, avec une efficacité à démon- effectifs moins importants et la mise
trer. Le plan « vise à repérer et en place de groupes de remédiation et
accompagner des enfants et adoles- de soutien. Il doit aussi bénéficier
cents (de 2 à 16 ans) présentant des d’une aide individualisée plus consé-
signes de fragilité et des retards sco- quente au lycée. Des équipes pluri-
laires, en cherchant à prendre en professionnelles doivent être déve-
compte la globalité de leur environ- loppées pour permettre un regard
nement ». Il est essentiellement orga- croisé et une prise en charge collective
© LISA PEQUERY/NAJA

nisé hors temps scolaire et devrait de la difficulté scolaire ; cela suppose


s’articuler avec des dispositifs exis- une grande professionnalité des
tants (qui pour certains sont menacés métiers de l’éducation pour repérer
par les baisses des budgets sociaux !). et identifier les difficultés dans l’ob-
Parce que la demande sociale de réus- jectif de les réduire. Ces moyens ne

22 Pour no 114 – octobre 2006


p 17-23 (Dossier) 28/09/06 16:39 Page 23

DOSSIER
sont pas présents ou suffisants par-
tout, et lorsqu’ils le sont, sont souvent
mal connus par les parents, qui met-
Coaching !
tent beaucoup d’espoir dans des cours
privés « individuels », sous–estimant la Le soutien scolaire, initialement conçu pour les élèves les
capacité d’entraînement et d’aide plus en difficultés, peut aussi prendre la forme d’entrainement
pour leur enfant d’un travail en
groupe. La priorité est donc d’instau- aux concours les plus renommés.
rer un dialogue avec les parents en
leur donnant les clés de compréhen-
sion de la demande de l’école, pas
toujours suffisamment explicite. On
peut démontrer combien l’effet classe
peut être mobilisateur, et combien on
apprend des autres, même dans des
contextes difficiles.
Études dirigées, études surveillées
« cours du soir » à l’école primaire…
existent également et devraient être
développés pour que l’école réponde
effectivement à la demande. Il y a
débat sur les personnels qui doivent les
assurer : enseignants pour les études
dirigées à dominante disciplinaire, sur-
veillants ou assistants d’éducation pour

© LISA PEQUERI/NAJA
les études surveillées… L’école ouverte
peut également permettre au travers
d’activités variées de retrouver le goût
d’apprendre.
En même temps l’effet du soutien indi-
viduel peut être parfois stimulant pour Le coaching se développe en France dont on sait qu’elle est aujourd’hui le
l’élève, et rassurer ses parents, mais à pour accéder aux filières les plus sélec- creuset des « vraies valeurs ». Il s’agit
une condition : l’enfant doit lui-même tives. Cette dimension est bien connue dans une compétition de jouer
être demandeur… et susceptible de dans les pays où l’individualisme et le « gagnant » et pour cela d’entourer le
faire l’effort correspondant. Car sans marché scolaire sont les bases de la « jeune » de façon à ce qu’il fasse les
effort, sans travail personnel, le sou- réussite (le Japon, la Corée et aujour- bons choix. Il n’est donc plus seule-
tien est évidemment une illusion que d’hui la Chine en sont les exemples les ment question de connaissances, mais
trop de parents méconnaissent. plus connus) mais elle se généralise aussi d’équilibre, de gestion du
Enfin, il ne faut pas négliger l’impact avec le rôle de plus en plus détermi- stress, de capacité à décider vite !
des politiques culturelles, de l’offre de nant de la qualification dans des socié- On se dira que dans le fond ce n’est
lecture,de spectacles sur la réussite tés où les effets d’une massification rien d’autre que de l’éducation et
scolaire… mal accompagnée et le chômage de que c’est ce que recherchent tous
masse inquiètent les parents. les parents en entourant leur enfant !
La France ne fait pas exception. Il ne Il ne s’agirait que de repeindre d’un
s’agit plus là d’aider des élèves « en dif- langage managérial, pour en tirer
ficultés » mais bien, souvent pour de bénéfice, une pratique familiale com-
« bons » élèves, de se préparer à être mune. D’ailleurs il existe un « coa-
les meilleurs: ce qui signifie intégrer les ching parental » pour aider les
meilleures filières, les meilleurs éta- parents à prendre les bonnes déci-
blissements, les classes prépas, etc. Et sions, au bon moment, pour la réus-
ensuite « réussir » dans des filières – site scolaire et l’épanouissement de
médecine par exemple, où la sélection leurs enfants. Mais le développement
est très forte et les places très chères. de ces sites internets, de ces dis-
La pression sociale est plus ou moins cours, l’émergence d’une nouvelle
forte. Elle est présente dans tous les approche de l’éducation, centrée sur
milieux sociaux, mais c’est de fait l’individu et sa performance, pourrait
dans les CSP + (catégories sociopro- avoir des conséquences sur les
fessionnelles supérieures) qu’on les apprentissages. Une chose est sûre :
trouve le plus ne serait-ce qu’en raison son coût et donc sa sélectivité par
du coût de ce type de « soutien ». l’argent ! L’un des sites, pris au
© LISA PEQUERY/NAJA

Le « coaching » a ainsi fait son appa- hasard, propose « Le forfait de 4


rition. Le choix du mot est évidem- séances (de 1 h 30 à 2 heures) pour
ment révélateur de la démarche : on 390 € dont 50 % peuvent être déduits
est dans la logique de compétitivité de l’impôt sur le revenu si les séances
économique importée de l’entreprise ont lieu à domicile. »

Pour no 114 – octobre 2006 23


p 24 (C demain) 28/09/06 16:39 Page 24

c’est demain Le point sur…

Les nanotechnologies
Vous ne le savez peut être pas : les nanotechnologies nous entourent déjà. Elles sont presque
partout. Et le seront infiniment plus à l’avenir. Avec le « nano » nous sommes dans l’infiniment
petit : le milliardième de mètres ! Imaginez un robot comparable à ceux que l’on trouve dans
les usines mais cent mille fois plus petit que le diamètre d’un cheveux. Difficile à imaginer.
d’autres annoncent la mise en route gies supposent une approche pluridis-
d’unité de production massive. Deux ciplinaire. En raison même de l’échelle
attitudes qui illustrent bien les enjeux à laquelle elles opèrent. La prudence,
et les défis que nous lancent les nano- le principe de précaution ne mérite-
technologies. raient-ils pas que l’on mettent l’en-
D’une part des espoirs immenses sont semble des connaissances actuelles
ouverts dans le domaine biologique sur la table, que l’on en mesure les
notamment. Des solutions nouvelles forces et les faiblesses, avant d’aller
peuvent être apportées dans le dia- plus loin ? Avant de mettre sur le mar-
gnostic la thérapie de nombreuses ché des nanobombes à retardement ?
maladies. D’autre part une utilisation Il ne faudrait pas que la taille des
sans maîtrise des conséquences peut enjeux économiques, gigamétriques
porter gravement atteinte à l’inté- eux (estimés à mille milliards d’euros
grité des individus et des environne- d’ici 2010), mais aussi les implications
ments. militaires et donc géostratégiques
Or a-t-on suffisamment réfléchi à ces soient un frein à ce nécessaire débat
conséquences ? Plus que tout autre démocratique sur ces questions.
Dans les nanotechnologies, les nanos- domaine peut-être les nanotechnolo- BRUNO KOZOLE
ciences, il s’agit soit de miniaturiser
des objets, à l’échelle nanométrique,
soit de jouer au mécano en utilisant
les atomes comme pièces de base, et
ainsi reconstruire des molécules en vue
3 questions à
d’un usage précis. Fascinant, ou
effrayant ! Il s’agit ni plus ni moins,
Emmanuelle Daran
comme l’a dit Jean-Marie Lehn, Prix
Nobel de chimie, de « refaire ce que la
« Tous les domaines sont concernés »
vie a fait, mais à notre façon ». Et le
monde n’étant pas parfait le champ Quels sont les enjeux des Cela n’est pas spécifique Quels espoirs portent les na-
d’application est immense. Dans le nanotechnologies ? au nanotechnologies. On notechnologies ?
domaine de la santé, de l’industrie, de Ils sont multiples et liés à ne doit pas forcément en Cela dépend de la sensi-
la communication, de l’énergie et de leur différents domaines avoir peur, mais on doit se bilité de chacun. Les tex-
son stockage, entre autres… Mais la d’application. Ils sont poser les bonnes ques- tiles anti taches peuvent
force de ces technologies, l’infiniment pour une part importante tions, avoir une réflexion être un progrès, mais
petit, peut aussi être leur faiblesse. On économiques, mais tous éthique et une sorte de pour moi les applications
ne sait pas encore ce qui se passerait les domaines sont concer- vigilance par rapport aux médicales qui permet-
si l’on inhalait ces nanomatériaux, s’ils nés : la biologie pour la conséquences sanitaires tront de mieux soigner,
venaient à se disperser. Par exemple, fabrication de médica- notamment, mais je di- de mieux diagnostiquer
des nanotubes de carbones sont déjà ments plus ciblés ou pour rais la même chose pour ou encore tout ce qui
utilisés dans l’industrie automobile, la fabrication de « labo- la biologie, la chimie ou touche à la préservation
beaucoup plus résistant et beaucoup ratoires sur puces », pour les progrès dans de l’environnement
plus légers que l’acier. Mais quel l’énergétique, les textiles l’agroalimentaire... Ce constituent de vrais es-
impact auront-ils sur la santé de ceux à propriétés très spéci- n’est pas propre aux na- poirs. Mais c’est aussi là
qui les inhaleront tôt ou tard,lorsqu’ils fiques... Les nano parti- notechnologies. Ce que je qu’il faut avoir le plus de
se disperseront dans la nature ? Des cules couvrent un champ regrette c’est que dans vigilance et d’exigences
travaux ont déjà mis en évidence des aussi larges que ce que beaucoup de parcours de éthiques. C’est le para-
réactions inflammatoires dans les pou- l’on peut imaginer. formation scientifique on doxe.
mons,pouvant être à l’origine de can- n’est pas formé à ces
cers. Les « nanopoudres » ne connais- Doit-on en avoir peur ? Et questions. Combien d’uni- Emmanuelle Daran est Ingé-
sent de fait pas de barrières, aucun l’importance des enjeux versités, d’écoles d’ingé- nieur de recherche à Toulou-
tissu humain ne peut les arrêter. Ce économiques ne doit-elle nieurs intègrent une for- se dans le Laboratoire d’Ana-
qui a conduit certains industriels à en appeler à plus de vigilance mation sur l’éthique, sur lyse et d’Architecture
stopper carrément la production quand encore ? l’histoire des sciences. des Systèmes - CNRS.

24 Pour no 114 – octobre 2006


p 25 (pub Microsoft) 28/09/06 19:04 Page 23
p 26-29 (culturelle) 28/09/06 17:29 Page 26

cé u
d lutcuarteilvl e s
pays à l’autre,
Lire en fête l’Europe entière,
traversée par la
Pour sa 18e édition Lire
Arts décoratifs: en fête (du 13 au
rupture de la première
guerre mondiale.
15 octobre) couvrira
nouvelle près de 100 pays. La
thématique de ce
L’exposition du musée
de Strasbourg
s’attache à montrer
jeunesse festival « une ville, une
œuvre » s’illustrera à
cette intensité à
travers la richesse
Le Musée des arts décoratifs est très Grenoble par un
créative de 160
français et unique au monde. Son hommage au natif
œuvres de la gravure
concept est né au milieu du XIXe de la Stendhal, dans la
allemande, du
nécessité de valoriser un art et des bretonne Huelgoat par
consacré au Festival Jugendstil au Bauhaus,
métiers face aux choix de la production trois jours entièrement
Mozart de Waterloo en en passant par
dédiés à Jack Kerouac,
Belgique, avec des l’impressionnisme,
alors que Deauville a
œuvres de Beethoven, l’expressionnisme et la
choisi Apollinaire et ses
Haydn et Mozart. Nouvelle Objectivité
Calligrammes.
Du 15 octobre au qui domina l’après-
Une nuit de lectures
14 janvier 2007, le guerre. De la belle
publiques est prévue le
musée accueillera une utopie d’un « art
vendredi 13. Le
exposition originale total » reliant l’art à
programme des 4 000
intitulée l’homme la vie quotidienne à la
manifestations en
paysage. Elle a pour violence de l’après-
France et ailleurs dans
enjeu de repenser le guerre jusqu’au
le monde est sur :
corps humain en désespérant rejet de
www.lire-en-
synergie avec la terre, l’humanité.
fete.culture.fr
de la Renaissance Plus largement,
DR

jusqu’au XXIe siècle. l’exposition montre


industrielle. Il fut alors besoin de séparer Tableaux, gravures, les comment s’est opéré
ces deux univers et on le comprend paysages anthropomor- le renouveau de
aujourd’hui encore. phiques du XVIIIe, l’estampe allemande
En observant les quelque 6000 objets du mènent à l’homme du XIXe siècle avec la
musée rénové choisis parmi les 150000 éclairé du XVIIIe création des écoles de
de ses collections, s’imposent, quels que dominant la nature à la gravure des différents
soient le style et l’époque, un savoir- projection érotique du mouvements
faire artisanal et une esthétique de la XIXe siècle. Le volet artistiques du début
fonction plutôt rassurants pour l’homme. contemporain abord du XIXe siècle qui
L’union des arts décoratifs, créée sous le sujet à travers des éclorent quasi
forme d’association loi 1901, porte bien photographies, vidéo, simultanément.
son nom. C’est bien l’union des métiers installations… qui Jusqu’au 31 décembre
et de l’homme comme utilisateur, avec montre combien l’art 2006
DR

le souci permanent de faire coller l’art actuel dissimule Musée d’art moderne
de vivre à la création. Le parcours Nouveautés l’homme en et contemporain de
chronologique du musée, du Moyen-Age aux Beaux- l’assimilant à l’espace Strasbourg
à nos jours, nous permet d’admirer arts de Lille de l’œuvre elle-même. Tél. : 03 88 23 31 31
meubles, vêtements, bijoux, objets qui, Palais des Beaux-Arts www.musees-
recèlant des trésors d’ingéniosité, furent D’abord, et ce n’est
de Lille strasbourg.org
inventés pour éblouir et enrichir en pas encore courant, la
Tél : 03 20 06 78 00
donnant du sens à leur fonction musique entre au
originelle. Ainsi à travers les siècles sont musée une fois par
Utopie et
réunis d’une part, artisans, industries, mois, avec un nouveau
révolte dans
artistes et, d’autre part, donateurs, rendez-vous à l'heure
la gravure
collectionneurs et mécènes. du déjeuner : les Midis-
allemande
Outre le plaisir du visiteur, le musée se Musique. À 12 h 30,
fixe également l’objectif de transmettre avec un simple billet
La période artistique,
auprès des professionnels, des d'entrée, le musée
des années 1890 aux
enseignants, étudiants et chercheurs. Il invite à goûter au
années trente, est
est complété par la bibliothèque des arts plaisir d'un moment
passionnante tant elle
décoratifs. musical au cœur des
est fertile en
Musée des Arts décoratifs collections du musée !
mouvements
107, rue de Rivoli 75001 Paris Premier Midi-Musique :
DR

artistiques
Fermé le lundi le 29 septembre. Ce
bouleversant, d’un
www.lesartsdecoratifs.fr premier moment sera

26 Pour no 114 – octobre 2006


p 26-29 (culturelle) 28/09/06 17:29 Page 27

culturelles

Les auteurs sans droits ?


Est-ce la fin du droit d’auteur ? Alors que l’Assemblée nationale
s’évertue à trouver une loi qui ménage la chèvre et le choux,
de grands sites américains annoncent musiques, chants et Une loi
films en gratuité. Et les agences photos s’effondrent… inapplicable ?
La loi sur les droits d’auteur et les
droits voisins dans la société de
Le droit d’auteur qui a l’information adoptée le 21 mars
fait son apparition en 2006 prévoit plusieurs sanctions
France au XVIII e siècle pour les internautes qui copient
grâce à Marivaux et des œuvres. Ce dernier est
Diderot est-il en train passible de 38 euros d’amende s’il
de vivre ses derniers le fait à des fins personnelles, de
jours ? La montée en 150 euros d’amende s’il met ses

©Yves TREVIERS/NAJA
puissance d’internet, où copies sur le net sans intention
tout s’échange devant commerciale.
des pouvoirs publics Plus sévère pour ceux qui le font à
impuissants, semble des fins commerciales, la loi
l’affirmer. Premières prévoit un plafond de
victimes de ce raz-de- 300 000 euros d’amende et de
marée, les agences pho- trois ans de prison.
tos. Magnum, Sipa, Le seul problème est qu’il est
Sygma… souvent crées impossible de mettre en place un
en France à l’intiative système de détection efficace, seul
des grands de la photo quelques cas pouvant être relevés.
du XXe siècle, Cartier- L’édition littéraire semble le seul lieu où l’on peut encore La CNIL a en effet refusé
Bresson, Willy Ronis et contrôler les droits d’auteur. Mais Google veut mettre en d’autoriser un système permanent
autre Clergue, dispa- ligne les œuvres les plus vendus. de surveillance des sites.
raissent après avoir été
vendu aux puissants de l’informatique, La loi est vite jugée inapplicable, mais
Microsoft notamment. C’est qu’il est le ministre de la culture s’entête et fait
difficile de préserver le droit d’au- voter une loi décidant de trois niveaux
teur sur les images alors que celles-ci de sanctions (voir ci-contre) qu’aucun
fusent de site en site. service de surveillance ne peut mettre Cet été, sans le moins du monde s’oc-
La musique connaît pareil phénomène, en œuvre. cupait des longs et difficiles débats de
malgré les différents projets de loi, la société française et de ses députés,
jamais voté ou jamais appliqué avant le Le coup de Jarnac des sociétés américaines annoncent
vote surprise du 20 décembre dernier qu’elles étudient la possibilité de
lorsque Renaud Donnadieu de Vabres se Cela au moment même où la commis- mettre des centaines de milliers de
trouve mis en minorité à l’Assemblée sion permanente de contrôle des socié- musiques et de films en gratuité totale
nationale par des députés UMP et PS qui tés de perception et de répartition des sur le net. Elles se financeraient uni-
décident de rendre libre la copie sur droits révèlent l’énormité des droits quement par la publicité. Cela ren-
internet, la fameuse “licence globale”. de gestion retenus par ses sociétés sur drait totalement caduc le bel édifice
les droits qu’elles sont censés reversés d’équilibriste voulue par le ministère.
Évolution incontournable ? aux auteurs. PAULINE RIVBAUD

“Proposer du payant face à du gratuit,


bon courage” ! s’exclamera Pascal
Nègre, pdg d’Universal Music France
et président de la société civile des
producteurs phongraphiques, ces
Téléchargement gratuit ?
majors qui sont le plus lésé par inter- Pour contrer le succès de la plateforme iTunes d’Apple, la major
net. Cela ne dissuade pas les députés Universal Music, numéro un mondial de l’industrie du disque a
rappelés à l’ordre par leurs partis de annoncé à la fin août qu’il allait proposer aux internautes le
voter une loi qui prévoit des sanctions téléchargement gratuit sur internet de tous les auteurs de son
(certes plus légères que les emprison- catalogue. La major a expliqué que les recettes publicitaires liées
nements précédents) en cas de copie à son site couvrait les fraiss d’une telle opération. L’éditeur Emi a
sur le net, une pratique à laquelle annoncé la même chose. Dans un premier temps, seuls les
s’adonne allégrement quelques huit Américains et les Canadiens y auront accès. Mais on connaît la
millions de Français. volatilité du web.
Pour no 114 – octobre 2006
27
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cé u
d lutcuarteilvl e s Le point sur…

Littérature : l’inflation
Chaque rentrée littéraire apporte son flot toujours grossissant de d’œuvres littéraires pouvant être
publication de romans. 683 cette année, dont 475 Français et 208 ensuite adaptés sur grand et petit
écrans ? Certes, c’est du moins un des
étrangers. Deux fois plus qu’il y a dix ans. Comment expliquer cette objectifs visés par les éditeurs, mais
inflation alors que le nombre de lecteurs ne varient guère ? cela ne justifie pas de telles publica-
tions dont la majorité ne dépasse pas
Chacun, dès la fin du mois d’août, on atteignait déjà 364 nouveaux le millier d’exemplaires vendus.
s’accorde à le dire. L’éditeur qui romans édités à la traditionnelle ren-
montre ses collègues du doigt, le trée littéraire de septembre. Quatre Un phénomène français ?
libraire encombré de piles d’ouvrages ans plus tard, la tendance s’accen-
qu’il ne sait où poser, le lecteur indé- tuait avec 488 romans. On croyait avoir Nos voisins européens ne connaissent
cis devant tant de choix, et l’auteur atteint des sommets, ils ne le furent pas un tel phénomène. Il est vrai que
inquiet que dans ce déluge son propre qu’en 2004 avec 691 romans. Depuis la rentrée littéraire est proprement
ouvrage arrive à sortir du lot. Tout le on stabilise à ce niveau excessivement française et très liée aux prix qui sont
monde est d’accord et, cependant, élevé : 663 en 2005, 683 cette année. décernés à la même époque.
Au Royaume-Uni, les prix littéraires
Pas d’ostracisme influencent également l’édition, mais
ils sont bien plus nombreux (plus de
Dans cette fuite en avant, personne 200) et s’étalent sur toute l’année.
n’est laissé de côté: les romans étran- En Allemagne, l’édition est fortement
gers sont passés de 147 en 1994 à 208 décentralisée et étale là encore ses
aujourd’hui. Avec toutefois, la part parutions dans l’année, même si les
belle faite aux romans anglo-saxons deux grands salons, Francfort en
dont les traductions occupent plus de octobre et Leipzig en mars, rythment
la moitié de ces parutions. un peu les publications.
Quant aux premiers romans, ils tour- Les pays scandinaves, l’Italie, l’Es-
nent autour de la centaine (97 en cette pagne ou encore les Pays-Bas ignorent
rentrée). L’inflation est donc ce phénomène de rentrée littéraire,
DR

Nos voisins européens ignorent quasiment constante et rafle dans tous les préférant quelque temps forts à
le phénomène “rentrée littéraire”. domaines. chaque saison.
Que se passe-t-il donc ? Une fringale Alors pourquoi cette exception fran-
les années passent sans qu’aucun chan- extraordinaire des Français pour la lit- çaise qui n’est pas des plus réjouis-
gement ne se dessine, l’inflation de térature ? Hélas non, les très légères santes puisque la qualité ne vient pas
l’édition littéraire est bien ancrée dans hausses de vente sont bien loin d’être expliquer la quantité ?
le paysage français. Le phénomène a proportionnelles à l’augmentation des
débuté à la fin des années 80. En 1994, éditions. Un besoin irrésistible La faute aux petits éditeurs ?

Difficile en fait de ne pas se tourner


Le théâtre touché vers l’édition pour comprendre
quelque chose au phénomène. Mais là
par le phénomène aussi, difficile d’avoir des explications,
tant on aime peu parler publiquement
Les scènes théâtrales sont-elles à leur de ces choses dans ce milieu.
tour victimes du syndrome de la rentrée Pour les uns, ce qui est en cause, c’est
littéraire ? On pourrait le croire à voir le le nombre trop important d’éditeurs
nombre de spectacles nouveaux présen- Adjani en France et la course effrénée qu’ils
tés sur les planches françaises. On ne en Marie Stuart au théâtre Marigny se livrent pour tenter de décrocher le
peut cependant pas se plaindre de la et Huppert dans le Quartett d’heiner gros lot, celui qui emportera les prix et
vivacité du spectacle vivant, d’autant Müller, une pièce inspirée des Liaisons les gros tirages et sortira leur maison
qu’il remplit assez souvent les salles. dangereuses à l’Odéon. de l’ombre.
Les programmations sont nombreuses et À suivre également les jeunes troupes L’argument ne tient pas pour au moins
diverses. On trouve bien entendu en tête qui bougent le théâtre français D’Ores deux raisons. La première est que le
d’affiche les pièces données dans les fes- et déjà aux Ateliers Berthier pour une produit certes commercial qu’est un
tivals, particulièrement à Avignon. pièce de Lagarce et la compagnie de livre gagne tout à être traité artisa-
On observera également avec intérêt Marion Aubert dans sa pièce Les Histrions nalement. Il l’est par le lecteur, et
l’arrivée inopinée d’une nouvelle admi- au théâtre de la Colline. Toutes les scènes l’auteur a besoin d’un rapport direct et
nistratrice à la Comédie française, le françaises redoublent d’imagination pour franc avec son éditeur. Cela existe
retour sur les planches des deux Isabelle, offrir des pièces nouvelles. également outre Atlantique, mais la
dominante est un peu semblable à ce

28 Pour no 114 – octobre 2006


p 26-29 (culturelle) 28/09/06 17:30 Page 29

n éditoriale
© LISA PÉQUERY/NAJA

Comment mettre en rayon les 683 romans édités en cette rentrée ?


que connaît l’industrie cinématogra-
Un casse-tête pour les libraires
phique : c’est le producteur qui choi-
sit le scénario et le metteur en scène
pour le tourner, pas le réalisateur qui
cherche les partenaires pour monter
son œuvre comme c’est encore le cas
le plus souvent en France. Le second
2 façons de
argument est que les petites maisons
d’édition servent de cobayes aux
grandes. C’est elles qui prennent le
Parler de l’actualité littéraire :
risque d’un nouvel auteur peu conven-
tionnel (en art, il vaut mieux non ?),
les radios et les télés
essuient les plâtres avant que les
grands ne les rachètent. La littérature est-elle propose Campus, une les nouveautés de l’édi-
interdite d’antennes par émission de Guillaume tion sous la voix de
L’édition en cause les radios et les télés ? Durand qui continue en Jérôme Garcin et de ses
Depuis que quelques pré- cette rentrée. Mais elle comparses critiques.
Pour d’autres, le poids de maisons sentateurs phare, Pierre change de jour (désor-
historiques comme Gallimard et le Desgraupes, Bernard Pivot mais le vendredi après les Sur France Culture, radio
Seuil, serait responsable du phéno- ou Bernard Rapp ont séries policières) et mêle dont c’est en quelque
mène. Parce qu’elles écrasent les délaissé le grand écran, les différents arts sur un sorte la vocation, plu-
petits et s’attribuent les prix les plus on a l’impression que la même plateau. sieurs émissions s’inté-
importants, ceux qui permettent de littérature n’existe plus ressent au livre. Citons
dépasser les cent mille exemplaires pour les grands medias. À la radio, c’est le même parmi elle, les deux plus
vendus. Parce qu’elles sont capita- C’est particulièrement cas qu’à la télé. Le ser- spécifiquement consa-
listiquement de taille moyenne et vrai pour les chaînes hert- vice public est là encore crées à la littérature.
n’auraient pas la force d’organiser ziennes privées qui ont, en pointe. Tout arrive présenté par
un marché plus intelligemment année après année, sup- Sur France Inter, Le Arnaud Laporte qui
concurrentiel. primé toutes les émissions masque et la plume qui réserve le jeudi à la lit-
Et si, tout simplement, l’inflation consacrées à la littéra- alterne dans son émission térature (de 12 heures à
s’expliquait, outre l’écrasement bien ture. du dimanche soir après le 13 h 30).
français des dates, par la peur des Heureusement le service journal de 20 heures la A voix nu invitent souvent
éditeurs de rater les perles rares ? public résiste encore, critique théâtrale, ciné- des écrivains pour un long
Mais là, on rentre dans le roman… quoique faiblement. matographique et litté- entretien (tous les matins
JACQUES MUCCHIELLI À la télévision, France 2 raire, permet de suivre en semaine).
Pour no 114 – octobre 2006
29
p 30 28/09/06 16:40 Page 30

rencontre
Quand Stéphane Diagana s’engage, ce n’est pas pour un simple tour de piste. Il va au fond des
choses et défend pour cela le dialogue et de vrais choix sociaux. Solidaire des expulsés de Cachan,
l’ancien athlète illustre un engagement citoyen ouvert sur le monde. Tonique.
Des vedettes et des sportifs
prennent position sur des faits
d’actualité. Comment expliquez-
“Les murs et les avions
vous ce retour de l’engagement ?
C’est vrai qu’il y a des gens en
vue qui participent à de nom- n’arrêtent pas le désespoir”
breuses actions. Caritatives,
essentiellement. Je ne dirais pas
que c’est de l’engagement pour faut établir des relations de par-
autant. Car s’il est bien de don- tenaires avec ces pays et abor-
ner de soi ou de son image pour der l’ensemble des problèmes
les restos du Cœur, par sans électoralisme et sans pré-
exemple, on constate au coniser de solutions simplistes.
contraire une plus grande frilo- On ne va pas régler le problème
sité s’il s’agit de problèmes de sénégalais avec 2,5 millions
société. Si on soutient les restos d’euros. Je ne fais pas de l’op-
du Cœur on va vers le consensus. position politique, je participe
On ne risque pas de choquer au débat. C’est le moment
l’opinion. Sur l’actualité, en d’être créatif, de passer un
revanche, c’est un engagement accord avec l’Afrique sub-saha-
citoyen qui est nécessaire et on rienne. Pourquoi ne pas subven-
ne peut pas en écarter le poli- tionner les écarts de compétiti-
tique. Ce n’est pas la même vité sur des fonds européens ?
chose. Il ne s’agit pas non plus
d’opposer un engagement à L’athlétisme est régulièrement
l’autre, car les deux façons de secoué d’affaire de triches : quel
© MIRA/NAJA
faire partent d’un même senti- est votre sentiment ?
ment d’humanité. La création de l’AMA (Agence
Mondiale Antidopage, NDLR) a
N’y a-t-il pas confusion des personnes sont venus ici par STÉPHANE été décisive. Il y a une manne
rôles ? désespoir, par détresse. Cet DIAGANA financière dans le sport. Chaque
Je n’ai jamais ressenti cela. Il aspect humanitaire est mon pre- sport veut une part de plus en
n’est pas question de cantonner mier niveau d’engagement. Né dans plus grosse de ce gâteau. Les
l’Aveyron, à
les gens à leur activité profes- Ensuite je réagis car il y a un Saint-Affrique, compétitions sont nombreuses.
sionnelle. Cela équivaudrait à manque de débat autour de la en juillet 1969, L’exigence de résultats ou de
leur refuser tout engagement question de l’immigration. Ce Stéphane spectacle est multipliée d’au-
Diagana a été
citoyen. Il n’y a pas plus de sujet n’a jamais connu de vrai champion du tant. Il peut y avoir une ten-
contradiction à s’exprimer sur débat dépassionné et humain. monde du 400 dance à fermer les yeux pour
mètres haies en
un problème pour un artiste ou Ce n’est pas en pratiquant des 1997 à Athènes, que les sportifs concernés soient
un sportif que pour une institu- expulsions que l’on résoudra ou puis champion au top. Mais les états aussi se
trice ou un pilote de ligne. Ce arrêtera quoi que ce soit. Il faut d’Europe en servent du sport et peuvent être
2002 à Munich.
qui est important c’est l’ex- expliquer cela. Ces gens tra- En 2003, lors des peu regardants. On ne peut donc
pression, la prise de position. vaillent dans l’illégalité car cela mondiaux pas confier au mouvement spor-
Maintenant si je pensais m’ex- profite à certains. Les immigrés d’athlétisme de tif la lutte anti-dopage. C’est
Saint-Denis, il
primer en mon seul nom, je ne sont des variables d’ajustement. décroche une pourquoi l’AMA est importante
le ferais pas. Il faut se demander pouquoi on dernière médaille et c’est pourquoi il y a des révé-
d’or lors du relais
cautionne ce genre de situa- 4X400 remporté lations de cas depuis quelque
Pourquoi soutenez-vous les tions… par la France. Il temps. L’étape suivante c’est
expulsés de Cachan ? est aujourd’hui encore plus de financement pour
consultant sur
Parce que c’est d’abord un pro- Pour vous, les charters ne sont France l’AMA. Des sponsors qui ne ver-
blème humain. Quand je suis pas un projet. Qu’est-ce qui en télévisions. sent rien pour cela pourraient
allé à Cachan la première fois, serait un ? Il est venu commencer à le faire. On pour-
apporter son
ce que j’ai vu m’a renvoyé à des Ni les murs, ni les avions n’arrê- soutien aux rait envisager aussi que l’AMA
images de catastrophe naturelle tent le désespoir. Il faut faire expulsés de elle-même collecte un faible
Cachan (notre
dans des pays lointains. J’ai vu, en sorte que ces gens restent photo). pourcentage sur les mouvements
ici, en France, une catastrophe chez eux car c’est là qu’ils veu- financiers du sport. Avec plus
humanitaire. Bien sûr parmi les lent être. Il faut mettre en place de ressources on pourra encore
personnes se trouvant dans cette une coopération européenne resserrer les mailles du filet.
situation il y a des gens qui sont avec ces pays. Comme fait l’Eu- Entretien réalisé par
rentrés illégalement. Mais ces rope avec les pays de l’Est. Il JACQUES CORTIE
30 Pour no 114 – octobre 2006
couv2 MGEN-couv3 MAIF 28/09/06 16:49 Page couv3
p 32 (pub UNCME) 28/09/06 16:00 Page 32

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