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Section 5 

: La grève dans le secteur privé


La grève signifie en grec « le bord de l’eau ».

La grève n’a jamais été interdite mais elle a été rendue très difficile à cause du délit de
coalition.

Le droit de grève est un droit de valeur constitutionnel. Les salariés et fonctionnaires en sont
titulaires, sauf certaines catégories qui sont privés par la loi (exemple : militaires).

L’exercice du droit de grève doit se concilier avec le respect d’autres principes


constitutionnels, comme la continuité du service public. Il n’est pas absolu.

Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le règlemente. Sinon, les salariés
commettraient une faute grave, voire une faute lourde.

I. La notion de grève
Qu’est-ce que la grève  ? C’est une notion de droit très strict : « La cessation collective et
concertée du travail, en vue de payer des revendications professionnelles déjà
déterminées, auxquelles l’employeur ne donne pas satisfaction. »

Remarque : il faut réunir de nombreux éléments précis pour qu’il y ait grève. La
jurisprudence dit que dès lors qu’il y a une cessation de travail, elle est considérée licite si
elle comporte tous les éléments de la définition.

L’employeur peut tenter de démontrer que les éléments ne sont pas réunis, et s’il réussit,
alors le salarié deviendra fautif.

A. Les critères fondamentaux


Il en existe 4 : une cessation de travail, une cessation collective du travail, une cessation
concertée du travail, une cessation fondée sur des revendications professionnelles.

1. Une cessation de travail

Il faut qu’il y ait arrêt complet du travail.

a) Les différents problèmes

Dans certains cas l’arrêt de travail est impossible, et dans un autre cas l’arrêt de travail
n’existe pas du tout.

 L’arrêt de travail parfois impossible : lorsque le salarié ne travaille pas, donc une
grève ne peut débuter pendant un temps de pause.

 L’arrêt de travail parfois absent :


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Les comportements qui posent problème :


 La grève perlée : le fait d’accomplir volontairement, de manière défectueuse, le
contrat de travail. Le salarié sera ici en faute grave à cause du caractère délibéré et ça
peut déboucher sur un licenciement.

 La grève du zèle : le fait d’accomplir la prestation de travail de manière exagérément


consciencieuse ou excessivement pointilleuse. Cela peut donner lieu à des sanctions
disciplinaires.
b) L’indifférence des caractéristiques de l’arrêt de travail

 Peu importe la durée : une grève n’a pas besoin d’être longue, dès lors qu’il y a
réellement cessation de travail.

 Peu importe le lieu : que les salariés grévistes stationnent dans l’entreprise ou qu’ils
soient hors de l’entreprise, ça ne change rien sur le principe. S’ils restent dans
l’entreprise, on appelle ça la grève sur le tas.

 Peu importe les modalités de l’arrêt de travail :

 Peu importe que la grève soit sans préavis : totalement licite dans le secteur
privé, même si dans la convention collective celle-ci impose un préavis, car la
jurisprudence autorise les salariés. En revanche, elle n’est pas licite dans le secteur
public.

 Peu importe que la grève se déroule à tour de rôle (la grève tournante) :
totalement licite dans le secteur privé, sauf dans le secteur public, car l’heure de
début et de fin de la grève doit être la même pour tous. Cependant, elle ne doit pas
déboucher sur une désorganisation de l’entreprise.

 Peu importe que la grève bloque la production (la grève bouchon) : ça


empêche et bloque totalement la production (par exemple dans des chaines de
production), mais il ne faut pas que cette grève se prolonge trop longtemps sinon
elle risque de désorganiser l’entreprise elle-même  abus du droit de grève.

2. Une cessation collective du travail

c) Impossibilité d’exercer une grève individuelle

Le principe : impossibilité de principe de la grève individuelle, ça s’exerce collectivement.

Exceptions :
 Lorsque le salarié est l’unique salarié de l’entreprise.
 Lorsque le salarié obéit à un mot d’ordre de grève nationale.

d) L’inutilité d’une majorité de salariés

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Le droit de grève ne nécessite pas que la majorité des salariés soient d’accord pour
déclencher la grève ; il suffit qu’ils soient plus qu’un.

3. Une cessation concertée du travail

e) Inutilité d’une initiative syndicale

Il n’est pas nécessaire juridiquement qu’un syndicat soit à l’origine de l’arrêt de travail, dans
le secteur privé ce n’est pas nécessaire. Cependant, dans le secteur public c’est nécessaire.

f) Nécessité d’une décision collective

La grève n’est pas quelque chose de spontané, il faut qu’elle soit décidée collectivement par
les salariés qui veulent la pratiquer. Si par coïncidence, plusieurs salariés arrêtent de travailler
dans des services différents sans s’être concertés, alors ils sont en situation de faute grave.

4. Une cessation fondée sur des revendications professionnelles

g) Nécessité de revendication au sens strict

Il faut que des revendications soient manifestées par les salariés au moment du
déclenchement de la grève. Ce n’est pas toujours le cas, car dans certains cas, les salariés
pensent faire grève, sauf qu’ils n’ont pas de revendications :

 Le problème de l’autosatisfaction des revendications : si des salariés s’accordent à


eux-mêmes les satisfactions qu’ils auraient aimé recevoir de l’employeur (faire le
pont le vendredi alors qu’il n’était pas accordé).

 Le problème du refus pur et simple de l’exécution du contrat de travail : refus non


motivé d’exécuter le contrat de travail.

h) Nécessité de revendications professionnelles

 Le problème de la « grève de solidarité » : lorsqu’un salarié est licencié, que pour


ses collègues c’est un licenciement injuste, et qu’ils décident de faire grève pour le
soutenir  pas une grève au sens technique, car arrêter le travail par sympathie n’est
pas une revendication professionnelle. La jurisprudence admet cependant qu’on
puisse faire grève par solidarité si en même temps on y ajoute un motif professionnel
(grève mixte).

 Le problème de la « grève politique » : c’est une faute grave, au minimum.

i) Nécessité de revendications présentées préalablement

La grève est un arrêt de travail pour faire pression sur l’employeur. En principe, on doit avant
l’arrêt de travail avoir présenté les revendications.

La jurisprudence est très aimable, car il suffit que les revendications soient concomitantes
pour qu’il y ait grève.

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B. Les critères complémentaires


5. Une cessation sans effet sur l’organisation de l’entreprise

On distingue la grève qui désorganise la production, et celle qui désorganise l’entreprise.

Si c’est uniquement la production, la situation est parfaitement licite.

En revanche, si la cessation de travail désorganise l’entreprise elle-même, alors dans ce cas il


y a abus du droit de grève, les salariés commettent automatiquement au minimum une faute
grave. Il y a faute grave car on porte atteinte au droit de propriété de l’employeur.

Exemples : la grève tournante, la grève brutale avec l’intention de nuire, le piquet de grève (=
bloquer l’entrée de l’entreprise, empêcher l’entrée dans l’entreprise).

6. Une organisation distincte de l’exercice du droit de retrait

L’exercice du droit de grève ne doit pas être confondu avec l’exercice du droit de retrait,
car le droit de retrait n’accorde pas le droit de grève.

a) La situation du salarié

Le contenu du droit de retrait : c’est le droit du salarié de se retirer d’une situation de


travail à deux conditions ; parce qu’il a un motif raisonnable de pensée, qui présente un
danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé.

Le salarié qui exerce le droit de retrait va subir un devoir : il a le devoir d’alerter


immédiatement l’employeur de la situation et de toute défectuosité présente.

b) La situation de l’employeur

L’employeur n’a pas le droit d’ordonner au salarié de reprendre son activité dans une
telle situation. Remarque : si le salarié est contraint de reprendre son travail, il est alors
exonéré de sa responsabilité pénale car il a subi une contrainte irrésistible.

L’employeur n’a pas le droit de sanctionner le salarié, ni d’opérer à une retenue sur
salaire, dès lors que les conditions du droit de retrait sont réunies. Attention, la
jurisprudence dit que si le salarié a commis une erreur, une retenue de salaire pourra être
opéré par l’employeur. Aussi, la jurisprudence admet que le retrait du salarié peut justifier un
licenciement s’il s’est trompé.

c) L’existence de situations ambiguë

Exemple  (arrêt 1990) : un groupe de salariés qui avaient refusés d’exécuter une tâche
dangereuse et qui avaient présenté une revendication professionnelle, ils ont pu exercer leur
droit de grève.

Cependant, si un salarié se retire par erreur de son poste, il n’y a pas d’exercice du droit de
grève.

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II. Les effets de la grève sur le contrat de travail


Remarque : la grève produit des effets licites sur le contrat de travail, dans la mesure où elle-
même est licite. Si le salarié a cessé le travail de manière illicite, il n’est pas en situation de
grève.

A. La suspension du contrat de travail


La suspension est l’inexécution momentané et licite des obligations nées du contrat de travail
par les deux parties.

7. La situation technique

a) Inexécution des obligations principales des parties

Le salarié a le droit de ne pas exécuter sa prestation de travail, et donc l’employeur a le droit


de ne pas rémunérer le salarié. Il va y avoir, malgré tout, le maintien de l’exécution de
certaines obligations secondaires.

Par exemple  :
 L’obligation de loyauté 
 L’obligation de secret 

b) Inexistence du lien de subordination

Temporairement, le salarié n’est plus soumis à la subordination juridique. Ceci peut


avoir des conséquences négatives pour le salarié, car il n’est plus techniquement salarié de
l’employeur, alors si le gréviste subit un accident pendant la grève, ça ne sera pas un accident
du travail.

Autre aspect, si le salarié cause un dommage à un tiers pendant la grève, par définition, il
assumera une responsabilité personnelle, et ne sera pas protégé par la responsabilité civile de
l’employeur.

8. Les interdictions spécifiques

Interdiction de tout licenciement, sauf en cas de faute lourde.

Interdiction de toute sanction disciplinaire, sauf faute lourde. Faute lourde : faute
intentionnelle d’une exceptionnelle gravité, non rattachables à l’exercice normal du
droit de grève, et non excusable par les circonstances.

Interdiction de toute mesure discriminatoire fondée sur la grève.

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B. Le non-paiement du salaire de certains salariés


1. Le non-gréviste

Le principe : le non-gréviste doit être payé.

Exception : l’employeur est dispensé de verser le salaire s’il a été dans l’impossibilité
absolue, du fait d’un évènement de force majeure, de fournir du travail.

2. Le gréviste

Le principe : le non-paiement, l’employeur est dispensé de payer le salaire.

Remarque 1 : le non-paiement est licite, mais attention il doit être strictement proportionnel à
la durée de cessation de travail, sinon, son comportement risque d’être considéré comme une
sanction pécuniaire déguisée.
Remarque 2 : l’employeur a le droit de ne pas payer certaines primes du fait de l’absence, dès
lors qu’il ne fait pas de différence entre les grévistes et non-grévistes.

Exceptions : le salarié doit être payé.


 Si un accord de fin de conflit le prévoit : entente entre l’employeur et les grévistes.
 Si le gréviste a participé à un service minimum à la demande l’employeur.
 Si la grève est due à un manquement grave et délibéré des obligations de l’employeur
(par exemple, il ne paie pas les salaires pendant plusieurs mois).

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III. Les réponses à la grève


A. Les réponses non conflictuelles
1. Les réponses classiques

L’affectation des salariés permanents non-grévistes sur les postes de travail des
grévistes.

L’affectation de salariés non-grévistes en CDD ou intérims, sur les postes des salariés
grévistes. C’est licite à certaines conditions :
 Il faut que ces salariés aient commencé à travailler avant le début de la grève.
 Il faut que le poste de travail des grévistes sur lequel on affecte ces salariés soit
identique ou quasiment identique en termes de qualification.
 Il ne faut pas de fraude, l’employeur ne peut pas essayer de neutraliser la grève en
prévoyant d’embaucher des salariés pour les faire travailler au moment du début de la
grève.

2. Les réponses originales

L’utilisation de bénévoles.

L’utilisation de la sous-traitance : l’employeur n’a pas pu fabriquer les produits à livrer à


ses clients, à la cause de la grève, donc il va faire produire ses produits par une société sous-
traitante.

B. Les réponses conflictuelles


Certaines réponses conflictuelles sont interdites. Par exemple, l’employeur privé ne peut pas
ordonner la réquisition des salariés grévistes, uniquement le préfet a le droit.

Certaines réponses conflictuelles sont licites :

1. Le lock-out

La fermeture de l’entreprise par l’employeur, qui se traduit par le chômage technique.

Il est par principe illicite, mais par exception licite.

a) Par principe illicite

 En fermant l’entreprise, l’employeur viol l’obligation qui pèse sur lui de fournir du
travail à ses employés.
 En fermant l’entreprise, l’employeur prive le salarié de l’exercice du droit de grève.

b) Par exception licite

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 Si l’employeur prouve qu’il est dans l’impossibilité absolue de fournir du travail.


 Lorsque l’ordre et la sécurité des salariés sont en péril.
 Lorsque l’employeur agit sur le fondement de l’exception d’inexécution.

2. L’usage de la responsabilité civile ou pénale

a) La responsabilité civile

C'est-à-dire l’action en réparation d’un dommage.

 Elle peut être utilisée à l’encontre des grévistes :

Les fautes commises : ce seront des actes illicites et dommageables, commis personnellement
et directement par les salariés, à l’occasion d’une grève licite. Par exemple, le piquet de
grève illicite et l’occupation des locaux.

Les acteurs : la RC du salarié peut être engagée par l’employeur si le salarié commet une
faute lourde. Elle peut être engagée également par les non-grévistes.

 À l’encontre des syndicats :

Le principe : les syndicats ne sont pas responsables civilement du comportement de leurs


membres, car le syndicat n’est pas le commettant de ces adhérents qui font grève.

Les exceptions : lorsqu’un syndicat a donné un mot d’ordre politique, lorsqu’un syndicat a
incité des grévistes à commettre des infractions pénales, ou des actes non rattachables au
droit de grève.

b) La responsabilité pénale

 À l’encontre de l’employeur :

Il faut que l’employeur ait commis une faute pénale : par exemple, l’entrave à l’exercice du
droit syndical ou l’atteinte à l’exercice des fonctions de représentants du personnel.

 À l’encontre des salariés :

Les salariés peuvent être pénalement condamnés s’ils commettent des infractions pénales :
par exemple, les violences physiques ou verbales, l’entrave à la liberté du travail, la
dégradation des biens, la séquestration, la violation de domicile.

Qui va engager la responsabilité panel ? Par l’employeur ou par les salariés non-grévistes.

Lorsqu’il y a atteinte à la liberté du travail, le juge des référés peut accorder des ordonnances
d’expulsion.

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IV. La fin de la grève


Soit les grévistes se lassent, soit par un accord entre l’employeur et les grévistes (accord de
fin de conflit, accord de fin de grève).

Il peut y avoir deux qualifications juridiques différentes :


 Si ce prétendu accord rempli les conditions pour être un accord collectif
d’entreprise, s’il est signé par un employeur (voir cours précédent). Dans ce cas,
s’applique le droit des actes collectifs vus au chapitre précédent.

 L’accord est conclu entre l’employeur et les grévistes. Quelle est la qualification
juridique ? Nous sommes en présence, non pas d’un acte bilatéral, mais d’un
engagement unilatéral de l’employeur, c'est-à-dire une promesse de l’employeur.

Remarques :
 L’engagement unilatéral de l’employeur ne doit pas reposer sur la violence des
salariés. C’est une violence, un vice du consentement.
 L’engagement unilatéral de l’employeur ne sera applicable que s’il est plus favorable
à l’employé que la convention collective.
 Tous ces accords sont particulièrement nuls dans le secteur public, dès lors qu’il y a
dérogation aux lois et règlements.

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