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Le Qatar traque les biens mal Malaises sud-coréens Dans l’éco- En Grèce, un maire modèle A la tête

acquis arabes L’ONU a mandaté le nomie la plus performante de l’OCDE, de la ville de Salonique, Iannis Boutaris
procureur général qatari Al-Marri pour les conglomérats écrasent les PME, la bouscule les habitudes en réformant
obtenir la restitution des avoirs spoliés classe moyenne s’appauvrit et le nom- à tout-va. Un travail de titan dans un
par les ex-dignitaires déchus. P A G E 2 bre de suicides est alarmant. P A G E 3 pays qui peine à sortir de la crise. P A G E 8

Les trois défis du Japon


Talonné par la Chine et la Corée du Sud, le pays le plus développé d’Asie doit renforcer sa compétitivité, changer ses mœurs politiques et
répondre à une crise sociale latente. Pour cela, l’Archipel dispose de nombreux points forts, à commencer par sa solide capacité d’innovation.
La majorité parlementaire qui sortira des urnes le 16 décembre devra proposer une nouvelle feuille de route au pays. P A G E S 4 - 5

Tokyo, le 12 décembre. JEREMIE SOUTEYRAT POUR « LE MONDE »

Angela Merkel, vendeuse d’armes

L
’Allemagne, géant économique mais nain l’Union européenne ni de l’OTAN, un chiffre de plus les années 1970, a obtenu en 2011 le feu vert de Berlin
politique: le cliché a la vie dure, notamment en plus élevé. Selon le Congrès américain, l’Allema- pour acheter 270 Leopard2, et, selon le Spiegel, Ryad
en France, où le refus de Berlin, en 2011, de gne serait devenue depuis 2008 le quatrième exporta- souhaite désormais acheter plusieurs centaines de
participer à l’intervention de l’OTAN en Libye teur d’armes dans le monde (derrière les Etats-Unis, la chars Boxer, un petit bijou qui intéresserait aussi Vla-
Le billet contre Kadhafi reste dans tous les esprits. Pourtant, Russie et la France), mais, selon l’organisme suédois dimir Poutine. Et si Israël bénéficie de longue date de
le cliché commence à dater. Que l’Allemagne rechi- Sipri, l’Allemagne aurait dépassé la France. sous-marins allemands pouvant être équipés de mis-
gne à envoyer des troupes à l’étranger est évident. Ces succès ne doivent rien au hasard. Si la renom- siles nucléaires, l’Allemagne pourrait aussi fournir
Frédéric Lemaître Cela n’a toutefois pas empêché ce pays de constituer mée du made in Germany y est pour beaucoup, la des sous-marins (moins performants) à l’Egypte.
le troisième contingent de l’OTAN en Afghanistan, stratégie d’Angela Merkel est tout aussi déterminan- L’opposition et les Eglises allemandes dénoncent
derrière les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, mais te. Bien qu’elle n’ait jamais été rendue publique – les la « stratégie Merkel». Elles font remarquer que les
devant la France. Surtout, l’Allemagne est en passe exportations se décident dans un conseil des minis- dictatures peuvent utiliser ces armes contre leurs
de devenir un redoutable marchand d’armes. tres restreint dont les délibérations sont tenues secrè- populations et qu’il est bien difficile d’affirmer que
Certes, le rapport publié le 5 décembre par le minis- tes –, elle marquerait une double évolution. Premiè- des pays amis aujourd’hui le seront encore demain.
tère de l’économie montre que les exportations alle- rement: alors que l’Allemagne ne livrait pas d’armes Mais Angela Merkel ne semble pas être impression-
mandes de matériel militaire ne se sont montées en aux dictatures ni aux pays en guerre, Angela Merkel née par ces arguments. Alors que la Bundeswehr
2011 qu’à 1,3milliard d’euros. Moins qu’en 2010 estime désormais qu’il faut aider les pays amis à se réduit ses commandes, elle n’entend pas modifier
(2,1milliards d’euros). Mais les spécialistes ont sur- défendre. Deuxièmement: plutôt qu’envoyer l’ar- une stratégie qui sert l’emploi et étend l’influence
tout remarqué qu’en 2011 le gouvernement avait don- mée combattre à l’étranger, mieux vaut former les de l’Allemagne. p
né des autorisations pour des exportations à venir se armées amies. « Entraîner plutôt que s’immiscer»,
montant à 5,4milliards d’euros, dont 2,3milliards à disent les Allemands. Conséquences: l’Arabie saoudi- Correspondant du Monde à Berlin
destination de pays qui ne sont membres ni de te, qui n’avait pas pu acheter de chars Leopard dans lemaitre@lemonde.fr

Cahier du « Monde » N˚ 21122 daté Dimanche 16 - Lundi 17 décembre 2012 - Ne peut être vendu séparément
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Dimanche 16 - Lundi 17 décembre 2012 GÉO & POLITIQUE

Le Qatar, arbitre des biens mal acquis arabes


Dohaaétéchargé par l’ONUde fairerestituerles butinsdes anciennesélites arabesà leurspays d’origine

Agenda
ça peut arriver demain

des arrangements discrets entre les dignitaires Lundi 17 décembre


déchus et leurs successeurs. Etats-Unis Election officielle du prési-
« La voie qui a été choisie est celle de la transac- dent Barack Obama et du vice-président
tion, explique une source à Doha familière du par les grands électeurs.
dossier. Cela suppose que, en échange d’une resti- Grèce Bouclage de l’opération de rachat
tution des biens spoliés, les nouveaux régimes d’obligations d’Etat de 10 milliards d’eu-
issus des révolutions lèvent les poursuites enga- ros destinée à réduire l’encours de la det-
gées et permettent aux personnes jusque-là te publique.
recherchées de voyager à nouveau, voire de reve- Bulgarie Suite du procès de 13 musul-
nir dans leur pays. » mans, pour la plupart des imams, accusés
Une telle approche promet de susciter des grin- de propagation d’idées radicales.
cements de dents dans les pays concernés. Bon Colombie Rencontre à Bogota entre le
nombre de Tunisiens seraient sans nul doute gouvernement et la guérilla des FARC
scandalisés qu’un homme comme Sakher sur la politique agraire dans le cadre des
El-Materi, le gendre préféré de Ben Ali, qui l’a négociations de paix commencées le
rejoint en Arabie saoudite après avoir été expulsé 18 octobre.
de Doha, recouvre sa liberté de mouvement sans Tunisie Deuxième anniversaire du
passer par la case prison. Le dossier de cet homme début de la révolution tunisienne.
d’affaires, condamné par contumace à seize
Mardi 18 décembre
Ukraine Reprise du procès à Kharkov
de Ioulia Timochenko, ancienne premiè-
Bon nombre de Tunisiens re ministre et figure de proue de la « révo-
lution orange » de 2004, accusée par ses
seraient sans nul doute adversaires au pouvoir d’évasion fiscale
et détournement de fonds. Les partisans
scandalisés qu’un homme de Mme Timochenko, condamnée en 2011 à
sept ans de prison, dénoncent un procès
comme Sakher El-Materi, politique.
UE Conseil européen à Bruxelles consa-

L
Ali Bin Fetais e chantier commence à peine. Il promet siens, égyptiens et libyens, réfugiés à l’étranger, à le gendre préféré de Ben cré aux quotas de pêche pour l’année
Al-Marri, ici d’être aussi long que controversé, mais le l’instar de Zine El-Abidine Ben Ali, l’ancien maître 2013.
en mai 2009 maître d’œuvre est désormais connu : il de Carthage, qui vit en Arabie saoudite depuis sa Ali, recouvre sa liberté RDC Verdict de la Cour pénale internatio-
à Doha, a été s’agit du procureur général du Qatar, Ali chute, en janvier 2011. Al-Marri, qui est le quatriè- nale (CPI) à La Haye à l’encontre de l’an-
nommé Bin Fetais Al-Marri. Nommé en septembre avocat me personnage le plus important du Qatar après sans passer par la prison cien chef de milice congolais Mathieu
avocat spécial spécial des Nations unies pour le recouvrement l’émir, le premier ministre et le prince héritier, Ngudjolo Chui, accusé d’avoir dirigé le
des Nations des biens mal acquis, ce haut magistrat hérite de avait aussi exhorté les pays qui servent de sanc- massacre de plus de 200 civils dans le vil-
unies. la très délicate tâche consistant à obtenir que les tuaires à ces avoirs indûment perçus à réformer années de prison pour des faits de corruption, est lage de Bogoro (nord-est de la RDC) en
Adrian Haddad anciennes élites arabes, renversées par les révolu- leurs lois et à coopérer avec ses services. l’un de ceux que traitent les services du procureur 2003. Il est également accusé de viols, de
tions de 2011 et poursuivies pour enrichissement La réalité risque cependant d’être plus prosaï- général qatari. pillages et d’enrôlement d’enfants-sol-
illégal, restituent à leur pays d’origine le butin que et moins transparente. Par souci d’efficacité Début décembre, celui-ci s’est aussi rendu à Tri- dats.
avec lequel elles se sont enfuies. et par fidélité à son statut de médiateur régional, poli, où il s’est entretenu avec le premier ministre République tchèque Premier anni-
Lors d’une conférence sur le sujet, organisée en qui lui a valu de beaux succès (le dénouement de libyen, Ali Zeidan. Il est probable que le nom de versaire de la mort de Vaclav Havel,
septembre à Doha, en présence d’Interpol, le pro- la crise politique libanaise, scellé par l’accord de Moussa Koussa, l’ancien chef des services secrets ancien chef de l’Etat et figure historique
cureur Al-Marri avait appelé à la mise en procès Doha en 2008) et quelques déconvenues (l’échec de Mouammar Kadhafi, réfugié au Qatar depuis le de l’opposition à l’ex-régime communis-
de tous les dirigeants prédateurs. La déclaration du rapprochement Hamas-Fatah, signé à Doha, mois de mars 2011,a été cité durant leurentrevue. p te.
visait notamment les anciens dignitaires tuni- en février 2012), le Qatar ambitionne de conclure Benjamin Barthe
Mercredi 19 décembre
Algérie Visite d’Etat du président Fran-
conférences et débats passé inaperçu
çois Hollande, jusqu’au 20 décembre.
Corée du Sud Election présidentielle.

Conférence « L’extrême droite en Europe » L’Union Jack ne flotte plus UE Conseil des gouverneurs de la Ban-
que centrale européenne (BCE) à Franc-
Le Centre d’études et de recherches internationales (CERI)
propose un tour d’horizon sur la montée de l’extrême
droite en Europe.
sur Belfast fort.
Espagne Grève et manifestation des
professionnels de santé de la région de
Lundi 17 décembre, à 17heures. En anglais, ouvert au public. Madrid contre l’austérité.
CERI, 56, rue Jacob, Paris 6e. Egypte Finalisation par le Fonds moné-
> www.sciencespo.fr/ceri/fr Londres, correspondance peau peut justifier cela ? », s’est-il interrogé sur taire international (FMI) de l’accord préli-

D
la BBC. minaire conclu pour un prêt de 4,8 mil-
Débat « Le poids du mouvement Fethullah ans l’indifférence quasi générale, l’Ir- Tous les soirs pendant huit jours d’affilée, les liards de dollars (3,7 milliards d’euros).
Gülen » lande du Nord est reprise par un violences sporadiques ont continué à Belfast. Ethiopie Procès en appel, à Addis-Abe-
Le European Policy Centre invite des spécialistes pour hoquet de violence. Les affronte- Essentiellement, il s’agissait de groupes de jeu- ba, du journaliste Eskinder Nega et du
analyser le rôle joué en Turquie par cette puissante ments ont démarré le 3 décembre, nes unionistes affrontant la police, jetant des dirigeant de l’opposition Andualem Ara-
confrérie religieuse. En anglais, inscription souhaitée. quand la mairie de Belfast a décidé de ne plus fai- pierres et des cocktails Molotov. Toutefois, les ge, condamnés respectivement à dix-
Mardi 18 décembre, de 15 heures à 17 heures. re flotter le drapeau britannique sur le fronton affrontements n’ont rien à voir avec ceux qui se huit années de prison et à la prison à vie
Résidence Palace, rue de la Loi, 155, Bruxelles, Belgique. de l’hôtel de ville. Une première depuis au sont déroulés entre 1969 et 1998, entraînant la en première instance pour « terroris-
> www.epc.eu moins un siècle. mort de 3 500 personnes. me ».
La bannière provoquait depuis longtemps de Depuis les accords de paix de 1998, la lutte
Pour nous écrire : geopolitique@lemonde.fr vives tensions. D’un côté, les républicains – qui armée a cessé. Mieux, depuis 2007, la province Jeudi 20 décembre
souhaitent rejoindre la République d’Irlande – est gouvernée par une coalition entre républi- Russie Conférence de presse à Moscou
voulaient le faire disparaître complètement. De cains et unionistes. Mais sur fond de chômage, du président Vladimir Poutine.
l’autre, les unionistes – qui veulent rester au de nouveaux groupuscules radicaux ont vu le Ghana Audience à Accra sur la demande
sein du Royaume-Uni – demandaient de le main- jour. Ils ne représentent qu’eux-mêmes mais d’extradition de Justin Koné Katinan, por-
tenir en permanence sur le bâtiment. n’en causent pas moins de dégâts. Deux militai- te-parole de l’ex-président Laurent Gbag-
Finalement, ce sont les élus d’Alliance, le seul res britanniques ont été assassinés en 2009, un bo, poursuivi dans son pays pour crimes

Chaque samedi parti « neutre » (ni républicain ni unioniste), qui


ont trouvé un compromis. Ayant suffisamment
policier a été tué en 2011 et un gardien de prison
a été abattu en novembre. La saison des marches
économiques.

sur France Info à 8h25


d’élus à la mairie de Belfast – où ni les nationalis- orangistes (mouvement unioniste) l’été dernier Vendredi 21 décembre
tes ni les unionistes ne sont majoritaires parmi a été émaillée d’échauffourées. Slovénie Manifestations à Ljubljana
les 51 conseillers municipaux – pour faire bascu- Le 7 décembre, Hillary Clinton était de passa- contre la politique d’austérité du gouver-
ler le résultat du vote, ils ont proposé de ne lever ge à Belfast. La secrétaire d’Etat américaine nement.

GÉO ET POLITIQUE
l’Union Jack que vingt jours symboli- connaît bien l’Irlande. Son mari, quand il était UE-Russie Sommet à Bruxelles.
ques par an. président des Etats-Unis, avait joué un rôle Bolivie Célébrations du solstice d’été et
Mal leur en a pris. Ils sont désormais la cible important dans les négociations de paix du changement d’ère prédit par le calen-
d’un groupe d’unionistes déchaînés. Naomi entre 1996 et 1998. « Il ne peut pas y avoir de pla- drier maya.

Analyse et décryptage Long, une élue de l’Alliance, a été obligée de fuir


son domicile à Belfast après avoir reçu des mena-
ce pour la violence, toute réminiscence du passé
doit être immédiatement condamnée, sans équi- Samedi 22 décembre
ces de mort. Une voiture de police banalisée pos- voque », a-t-elle lancé. Oman Premières élections municipales
des enjeux internationaux tée en face de son bureau a été attaquée par un Les dirigeants nord-irlandais ont suivi son dans le sultanat d’Oman.
groupe d’une quinzaine d’hommes masqués, conseil à la lettre. Peter Robinson et Martin Jordanie Enregistrement auprès de la
de la semaine à venir qui y ont jeté un cocktail Molotov. Par chance, le McGuinness, respectivement premier ministre commission électorale des candidats aux
policier qui se trouvait dans le véhicule a pu (unioniste) et vice-premier ministre (républi- élections législatives anticipées du 23 jan-
s’échapper sans être blessé. cain) d’Irlande du Nord, ont été exemplaires vier.
Ailleurs, un groupe d’un millier de protesta- dans leur condamnation des violences. Mais
avec taires a saccagé un bureau d’Alliance à Belfast. cela n’a eu aucun effet sur le terrain. Ces figures Dimanche 23 décembre
Un projectile a aussi été lancé à travers une vitre historiques de la classe politique nord-irlandai- Mauritanie Procès en appel à Nouak-
chez Michael Bower, un conseiller municipal se ne sont visiblement plus en mesure de contrô- chott de l’ex-commissaire mauritanien
franceinfo.fr du même parti, alors qu’il couchait son bébé de ler les groupuscules à l’origine de la dernière aux droits de l’homme, Mohamed Lemi-
7 mois. « La vie de notre fille aurait pu être mise vague de violences. p ne Ould Dadde, accusé de malversations
en danger. Franchement, est-ce qu’un dra- Eric Albert financières.
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Dimanche 16 - Lundi 17 décembre 2012 3
Une puissance économique ouverte sur le monde...
Région industrielle Mégalopole de Séoul-Pusan CHINE

Zones franches Principales villes Golfe Pyongyang Mer du Japon


de Corée (mer de l’Est) CORÉE Mer du Japon
nombre d’habitants, en millions DU (mer de l’Est)
11 NORD
Principaux flux
1 4 CORÉE
commerciaux
en milliards d’euros
DU NORD
CORÉE
DU SUD
Mer
... même si des désaccords persistent Jaune JAPON
avec ses voisins proches Ile Baengnyeong
LA CORÉE DU NORD Ile Daecheong
Mer de Chine
Zone démilitarisée (DMZ) Séoul
Sé orientale
Ligne maritime nord, fixée par les Nations unies Ile Yeonpyeong
Ligne revendiquée par la Corée du Nord depuis 1999 Inchon
Principaux incidents, en 2009 et 2010 CORÉE
DU SUD
LE JAPON
Mer Jaune
Iles contrôlées par la Corée du Sud, contestées
par le Japon 88
Ile Dokdo (Corée du Sud),
LA CHINE Takeshima (Japon),
Ligne d’équidistance virtuelle entre la Chine 54 ou rochers Liancourt
Taejon
Taej
Ta ejon
on
et la Corée Chine
Zone d’exploitation commune Pohang
Po ng
Pêche illégale par des bateaux chinois Kumi
Ku mi Taegu
Taeg
Ta egu
475 embarcations saisies en 2011 par les Sud-Coréens Chonju
38
Etats-Unis
Ulsan
Ul

Corée du Sud
31
Kwangju

Changwon
angwon Pusan

A la recherche d’un
21

48

nouveau modèle JAPON

100 km

19 décembre | élection présidentielle


Aprèsundécollageéconomiquespectaculaire,lesCoréenssontconfrontésauxmaux SOURCES : CARTO, NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2011 ;
ATLAS DU MONDE DIPLOMATIQUE 2012 ;
D. ORTOLLAND ET J-P. PIRAT, ATLAS GÉOPOLITIQUE

despaysavancés:injustices, précarité et dénatalité. Autant de défis pour le prochain président DES ESPACES MARITIMES, 2010, ÉDITION TECHNIP ;
FMI ; NATIONS UNIES ; AFP.
INFOGRAPHIE LE MONDE

Philippe Pons avec,à son «actif», deschantierspharaoni- moteur de son expansion. Et elle s’en don- traditionnellessansmettreenplacede filet
ques, dont le réaménagement des quatre ne les moyens : entre 2009 et 2012, elle a social: quatre Coréens sur dix âgés de plus
Séoul, envoyé spécial fleuves du pays qui s’avère une catastro- consacré 38 milliards d’euros (4 % du PIB) de 65 ans n’ont pas de retraite (le système
Repères

Q
phe écologique, et sur un sentiment de aux technologies propres et veut poursui- des pensions n’a été introduit qu’en 1988).
uel que soit le vainqueur de
l’élection présidentielle du
désillusion et d’amertume de beaucoup.
Même la formation gouvernementale, le
vre cet effort afin de « passer du développe-
ment rapide au développement durable Quelles sont les raisons du malaise et dates
19 décembre, une réorienta- Parti de la nouvelle frontière (conserva- sans compromettre la croissance ». Mais social ? La corruption endémique des
tion politique est attendue. teur),a pris ses distances avec l’impopulai- des industriels rechignent, de peur de per- milieux politiques, liée à l’affairisme
La similitude des program- re président. Quant au centre gauche, dredu terrainenmatièredecompétitivité. ambiant et à une compétition exacerbée, Population 48,8 millions.
mes des deux principaux enferré dans ses débats idéologiques, il Des ombres se profilent derrière les dès l’école primaire, dans une société qui
candidats en lice – qui ne varient guère peine à se renouveler. Pour récupérer ambitions affichées et l’optimisme offi- ne ménage guère de seconde chance pour PIB par habitant
que dans le dosage des solutions propo- l’électorat progressiste modéré, il cherche ciel. La première est conjoncturelle : la ceux qui ont échoué une fois, contribue à 20 000 dollars par an (15 300 ¤).
sées – est révélatrice des problèmes aux- à se repositionner au centre. croissance sud-coréenne dépend de la démoraliser grand nombre de Coréens.
quelsla Corée du Sud est confrontée: l’éco- La popularité du candidat indépendant, situation internationale. Or, la contrac- Symptôme de ce malaise : la Corée du Sud Croissance 2,5 % (prévision
nomie la plus performante des pays de Ahn Cheol-soo, qui s’est finalement retiré tion des marchés extérieurs (crise de la a le taux de suicide le plus élevé des pays 2012).
l’Organisation de coopération et de déve- le 23 novembre de la course à la présidence zone euro, faiblesse de l’économie améri- de l’OCDE (31,2 pour 100 000, supérieur à
loppement économiques (OCDE) n’a pas en appelant à voter à gauche, est révélatri- caineet ralentissementde l’« usine chinoi- celui du Japon). Le nombre des suicides est Chômage 5 %.
encore su trouver un équilibre entre com- ce du rejet par une partie de l’opinion se ») pèse sur les exportations. La seconde alarmant chez les personnes âgées (81,9
pétitivité et protection sociale, suscitant d’uneclassepolitiqueprisonnière,à droite est structurelle. L’expansion coréenne est pour100000)– c’est-à-diredans la généra- Nombre de personnes
du mécontentement. Quant à la politique comme à gauche, des maux traditionnels aussi impressionnante que déséquili- tion qui, par son courage et ses sacrifices, connectées à Internet
de confrontation vis-à-vis de la Corée du delasociétécoréenne: régionalismeet fac- brée : « Il y a deux Corées, pas seulement de releva le pays –, qui pour la plupart sont 39,4millions.
Nord du président sortant, elle a provo- tionnalisme. Le « phénomène Ahn », qui a part et d’autre de la zone démilitarisée qui seules et sans ressources.
qué un dangereux regain de tension dans cristallisé les aspirations au changement, divise le pays, mais à l’intérieur même de la Les Coréens attendent désormais autre Nombre de téléphones
la péninsule. Mais plus que la « menace est symptomatique de ce rejet de la politi- Corée du Sud », estimait le candidat indé- chose qu’un palmarès de croissance. La mobiles 52,5 millions.
nord-coréenne », ce sont les problèmes que« àl’ancienne».Unedemandeà laquel- pendant Ahn Cheol-soo. La dichotomie cohésion sociale, qui fut une force dans le
internes qui préoccupent les électeurs. le les deux candidats, Park Geun-hye (droi- s’accroît entre les conglomérats (chaebol), redressement du pays, s’est effritée. La Nombre de femmes à la
te) et Moon Jae-in (centre gauche), s’effor- en expansion, et les PME, dont la situation classe moyenne, qui s’appauvrit (suren- Chambre basse 47 sur 300.
Quel changement attendre de l’élec- cent de répondre en prônant une plus se détériore, comme en témoigne un taux dettement des ménages emportés par un
tion présidentielle? Ce scrutin devrait grande justice afin de prendre en compte de faillitesélevé. En privilégiantlesconglo- consumérisme effréné ou saignés par les 1945 Séparation de la péninsu-
permettre un aggiornamento de la jeune un mécontentement social sensible. mérats et la déréglementation, le gouver- frais exorbitants d’inscription scolaire de le en deux zones d’occupation,
démocratiecoréenne, dont la classe politi- Passée en un demi-siècle de la pauvreté nement sortant a renforcé la concentra- leurs enfants), ne nourrit plus les mêmes soviétique au nord et américai-
que représente mal une société moderni- au rang de pays membre de l’OCDE (avec tion du pouvoir économique. illusions sur les bienfaits de la croissance : ne au sud.
sée dans laquelle les réseaux sociaux et un revenu annuel de 20 000 dollars par Avec un bel unanimisme, les candidats la Corée du Sud arrive à l’avant-dernière
associatifs ont contribué à un réveil de habitant), la Corée du Sud est désormais ne ménagent pas leurs critiques des chae- position en termes de satisfaction des 1948 Création de deux Etats
l’opinion. De 1945 à 1987, la Corée du Sud a confrontée aux maux des pays avancés : bols, qui étouffent les PME, pratiquent conditions de vie, selon l’OCDE. coréens séparés.
été sous le joug de dictatures. La démocra- injustices, précarité, dénatalité et vieillis- une concurrence déloyale et ne créent pas L’expansion, qui a débuté au milieu des
tisation permit l’arrivée au pouvoir en sement, auxquels s’ajoute, dans son cas, d’emploi.Cesattaquesrécurrentesdespar- années 1960, a permis à la Corée du Sud 1950-1953 Guerre de Corée.
1992 du premier chef de l'Etat civil, Kim une forte pression sociale sur les indivi- tis politiques à l’approche des élections d’atteindre une prospérité enviable. Mais
Young-sam. Puis, après dix ans de gouver- dus due à un excès de compétitivité. cherchentà prendreen compteun mécon- les autorités ont été longtemps aveugles 1987 Fin de la dictature en
nements de centre gauche (1998-2008), tentement réel, en raison de l’élargisse- aux dégâts collatéraux de la modernisa- Corée du Sud.
s’opéra un retour à droite avec l’élection La croissance économique est-elle mentdu fossé entreles nantis et les autres. tion. Les moyens pour remédier au coût
de Lee Myung-bak.Ancien PDG de lafiliale durable ? Elle est appelée à ralentir. La social de la croissance seront au cœur de 1998-2008 Dix ans de gouver-
de construction du groupe Hyundai et Corée du Sud s’est dégagée plus vite que Quelle est la situation sociale ? Derriè- l’élection du 19 décembre. p nements de centre-gauche.
apôtre de l’ultralibéralisme, il promettait d’autres de la crise financière mondiale de re le triomphalisme productif véhiculé
une croissance annuelle de 7 %, un revenu 2008et a renouéavec destaux decroissan- par les grands médias, les « coulisses de
annuel par habitant de 40 000 dollars ce enviables (3,6 % en 2011 et probable- l’exploit» coréen sont moins brillantes.La
(30 700 euros) et l’accession de la Corée du ment 2,5 % en 2012). Sous la présidence de grogne des petits entrepreneurs se conju- Park Geun-hye
Sud au rang de 7e économie du monde. Lee Myung-bak, elle a rehaussé son crédit gue à des inégalités en hausse et à une pré- Candidate du camp conservateur
Promesses non tenues. La croissance, international en accueillant le G20 et carité croissante. La pauvreté relative Agée de 60 ans, fille du dictateur Park Chung-hee et candidate du
plus modérée, fut néanmoins au rendez- d’autres forums internationaux. Tablant (part de la population disposant de res- camp conservateur, elle prône une « démocratisation économique »
vous, mais elle profita aux conglomérats sur une économie de la connaissance sources moitié moindres que le revenu et une plus grande justice sociale, ainsi qu’une reprise sans pré-
industriels. Le mandat de M. Lee s’achève (2e pays de l’OCDE en investissement en médian) frappe 12,5 % de la population. condition du dialogue avec la Corée du Nord. PHOTOS AP
recherche et développement), elle ambi- « L’exemple de la Corée du Sud montre qu’il
PIB en milliards de dollars constants tionne de devenir le centre logistique de ne suffit pas d’un taux de croissance élevé Moon Jae-in
(base 2000) Crise
l’Asie du Nord-Est en se dotant de zones pour corriger les inégalités et la pauvreté», Chef de file de la gauche, député du Parti démocrate unifié à Pusan
mondiale franches et de centres d’affaires interna- souligne l’OCDE dans son « Etude écono- Agé de 59 ans, avocat défenseur des droits de l’homme et ancien bras
800
tionauxdestinésà encourager les investis- mique de la Corée 2012 ». droit du président Roh Moo-hyun, Moon Jae-in est partisan d’une
seurs étrangers : ils pourront profiter des Le taux de chômage officiel reste faible redistribution de la richesse et d’une réforme des conglomérats indus-
600
accords de libre-échange passés avec les (5%), maisprès d’unquartdesjeunesdiplô- triels. Il entend reprendre la coopération avec le Nord.
400 Retour Etats-Unis et l’Union européenne. més peinent à trouver un emploi et le tra-
de la démocratie Siège, depuis octobre, du Fonds vert vail temporaire est le lot de 40 % des sala- Lee Jung-hee
200 Coup d’Etat pour le climat des Nations unies, dont la riés. Les Coréens travaillent plus long- Candidate du Parti progressiste unifié
militaire mission est d’aider les pays émergents à temps que les habitants d’autres pays de Agée de 43 ans, militante de gauche, Lee Jung-hee défend une politi-
0 lutter contrele réchauffementclimatique, l’OCDE, mais leur chance de tirer leur épin- que progressiste vis-à-vis du monde ouvrier. Elle entend rompre la
1945 1960 1980 2000 2011 la Corée du Sud entend faire d’une crois- gle du jeu est de plus en plus mince. L’ex- dépendance de son pays à l’égard des Etats-Unis et prône une récon-
SOURCE : BANQUE MONDIALE sance à faible émission de carbone un pansion a fait voler en éclats les solidarités ciliation avec la Corée du Nord.
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Dimanche 16 - Lundi 17 décembre 2012 GÉO & POLITIQUE

Japon
En attendant le sursaut
analyse

16 décembre | élections législatives


Les indicateurséconomiquessont en berne,la classe politique est décrédibilisée et le pays peine à se remettre
de la catastrophenucléairede Fukushima.Mais l’Archipel demeure un pays riche, doté de nombreux atouts

Yukiko Kada, figure du mouvement antinucléaire et chef du Parti du Japon de l’avenir, en campagne à Tokyo le 11 décembre. PHOTO JEREMIE SOUTEYRAT POUR « LE MONDE »

Philippe Pons tsunamietcatastrophenucléaire),seconju- désormais pour autant ? Il faut peut-être Depuis vingt ans, la croissance nippone
gue à une tension avec la Chine, dont la ges- relativiser ce « déclin inéluctable », en le est nulle ou faible. Sa dette publique est

E
Tokyo, correspondant tion ne témoigne guère du meilleur doigté situant par rapport aux autres pays avan- faramineuse (230 % du PIB annuel) et sa
diplomatiquede Tokyo. L’affligeantspecta- cés, avant de jeter l’Archipel au rebut des population vieillit vite : en 2050, les retrai-
n l’espace de vingt ans, l’ima- cleoffertparuneclassepolitiqueéparpillée « modèles ». Les indicateurs en berne, la tés seront aussi nombreux que les actifs,
ge du Japon est passée du enunedouzainedepartiscomplètel’image l’Archipel sera alors la nation ayant la
modèle d’expansion qu’il d’un pays sur le déclin. L’Archipel suscite à population la plus vieille du monde, avec
était dans les années 1980 à l’étranger des commentaires compatis- un âge moyen de 52,3 ans… Certes, mais le
celled’un pays stagnant,enli- sants ou narquois, quand il n’est pas pris La croissance nippone vieillissement est un problème auquel
sé dans ses problèmes. Signe comme épouvantail : le « syndrome nip- sont également confrontées la Chine et, de
destemps, pendant la campagneprésiden- pon»guetteraitl’Europe.Raressontlesana- est nulle ou faible, manière plus aiguë, la Corée du Sud. Et il
tielle américaine, aucun des deux candi- lystes qui se risquent à faire preuve d’opti- paraît normal qu’un pays dont la popula-
dats en lice n’a prononcé une seule fois le misme sur son avenir. sa dette publique est tion vieillit progresse moins vite, sans
nom du grand allié des Etats-Unis dans le L’enlisement du Japon a plusieurs facet- qu’il soit pour autant à l’agonie. La dette
Pacifique, alors que dans les années 1980 il tes : une crise politique, à la fois de gouver- faramineuse publique est énorme mais détenue à 95 %
était sur toutes les lèvres. L’expansion du nance et de représentativité (la classe poli- par les Japonais (institutionnelset particu-
Japon était alors perçue comme un défi à la tique n’est plus au diapason de la société); et sa population liers) et non par des organismes financiers
suprématie économique américaine. une crise de compétitivité dont témoigne internationaux. Le Japon n’est donc pas
Aujourd’hui, il est dépassé par la Chine le recul des fleurons de son industrie élec- vieillit vite une Grèce en gestation.
non seulement en termes de produit inté- tronique; une crise sociale latente causée L’Archipelreste en outre un pays riche: à
rieur brut (PIB) mais aussi dans les repré- par une aggravation des disparités et un la première place pour les avoirs nets à
sentations occidentales de la puissance. appauvrissement relatif de la frange basse déflation, le surendettement public, la val- l’étranger (les réserves de change nippones
La stagnation économique au cours des de la classe moyenne. Avec, en toile de se des premiers ministres et les envolées représentent 20 % du PIB), et deuxième
décennies dites « perdues», qui commence fond, le vieillissement démographique. provocatrices de la droite font les grands contributeurau seindesinstitutionsfinan-
avec l’éclatement de la « bulle spéculative» Le Japon est arrivé au sommet d’une titres de la presse étrangère, qui prête cières internationales. Il sera le cinquième
et se poursuit avec la crise du capitalisme expansion qui visait à rattraper l’Occident moins d’attention aux forces à la fois éco- pays moteur de la croissance mondiale
financier puis le désastre en 2011 (séisme, puis à rivaliser avec lui. Dégringole-t-il nomiques et sociales que l’Archipel recèle. dans les cinq prochaines années
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Shinzo Abe, favori,


veut «réarmer»
LechefduPartilibéral-démocratetente
decapterl’électoratnipponenprônant
lerenforcementdesdépensesdel’armée
Philippe Mesmer sance et le développement sur les
cinq continents, tout en restant
Tokyo, correspondance attachéauxinstitutionsinternatio-

L
nales.
epositionnementdiploma- Depuis la fin de la guerre froide
tique et sécuritaire du et l’émergence de nouveaux
Japon aura occupé une pla- acteurs comme la Chine, cette stra-
ce non négligeable dans la tégie ne fonctionne plus. A cela
campagne pour les législatives du s’ajoute le relatif déclin économi-
16 décembre. Les quatorze partis que nippon, amorcé au début des
lancés dans la course aux sièges de années 1990, et les trop fréquents
la Chambre basse y sont tous allés changements de dirigeants, avec
deleurspropositions,sansconvain- un nouveau premier ministre cha-
cre. Ils n’ont pas abordé l’image que année depuis 2006.
déclinante de l’Archipel dans le Si bien que la diplomatie nippo-
monde et se sont contentés de ne n’évolue que par petites tou-
répondre aux craintes du moment, ches. Les FAD sont impliquées
la montée en puissance d’une depuis 1993 dans des opérations de
Chine jugée « hégémonique» par maintien de paix de l’ONU–la plus
Des membres du Parti démocrate du Japon devant une affiche du premier ministre, Yoshihiko Noda. YURIKO NAKAO/REUTERS certains, comme Shintaro Ishihara, récente au Soudan du Sud. Il y eut
du Parti pour la restauration du certes des initiatives, comme celle
Japon,etl’exacerbationdesconten- du premier ministre Junichiro Koi-
tieux territoriaux avec les voisins zumi (2001-2006) en faveur du
chinois, sud-coréen et russe. «cool Japan », amorce d’une diplo-
(2012-2017), avance le Fonds monétaire La stagnation n’est pas douce pour tous : concerne l’Etat. La corruption du monde AlatêteduPartilibéral-démocra- matie à vocation culturelle. A la
international (FMI), avec une contribution la faiblesse du taux de chômage (4,2 %) politique, dont témoigne un cortège sans te (PLD, centre droit), le favori des tête du gouvernement en
égaleaux principauxpaysémergents(hors cache une réalité plus dure : l’augmenta- fin de scandales, n’est pas nouvelle. Mais sondages, Shinzo Abe, a vivement 2006-2007,M.Abeavait,lui,propo-
laChine).SonPIB parhabitantestcompara- tion du travail précaire ou intérimaire.Cet- depuis le drame de la centrale nucléaire de critiquélapolitiquemenéeparl’ad- sé un « dialogue quadrilatéral de
ble à celui des pays d’Europe et il est trois te flexibilité de l’emploi dont bénéficient Fukushima s’est ajoutée une autre dimen- ministration sortante, parlant, le sécurité». Pensé pour contrer l’in-
fois supérieur à celui des pays émergents les entreprises accentue la dichotomie, qui sion à cette dérive du système: la collusion 1er décembre,de«défaitediplomati- fluence chinoise, il réunissait le
du G20. Le Japon dispose en outre du n’est pas nouvelle au Japon, entre un mar- entreles administrationsetles intérêts pri- que » face à la Chine au sujet des Japon, l’Australie, les Etats-Unis et
meilleur système de régulation financière ché du travail permanent (contrats à durée vés. En l’occurrence entre l’agence chargée Senkaku (Diaoyu pour les Chinois), l’Inde. L’idée était retombée avec
du monde, estime Jasper Koll, économiste illimitée) protégé par les syndicats et un de la surveillance des activités nucléaires îlots disputés par les deux pays et l’arrivée au pouvoir en 2007, à Can-
chez JPMorgan Securities. marchédutravail temporaire(où l’ontrou- (placéesousla tutelle du ministèrede l’éco- au cœur d’un vif regain de tension berra, de Kevin Rudd, sinologue
Son dynamisme industriel est-il miné ? ve les premières victimes des dégraissa- nomie et du commerce international, depuislemoisdeseptembre.Consi- favorableà unebonneententeavec
Lesdifficultésdusecteur électronique(per- ges) grossiaujourd’hui par les emplois pré- METI) et Tepco, opérateur de la centrale. déré comme un faucon, M. Abe Pékin.
tes importantes de Sharp et de Panasonic) caires. Mais ce système, qui n’est certes pas Depuis l’accident a été mise en lumière veut enrayer le déclin des dépenses Par la suite, le premier ministre
ne doivent pas être étendues à l’ensemble une panacée, permet de trouver du travail l’étendue de cette collusion: maintenance militaires japonaises, modifier la Yukio Hatoyama, à la tête du gou-
de l’industrie. L’investissement important (mal payé, sous qualifié et sans protection insuffisante,absencede mesuresde sécuri- Constitution pacifiste – notam- vernement nippon en 2009-2010,
dans la recherche et le développement sociale) à ceux qui en cherchent en évitant té adéquates et opacité managériale assor- ment l’article9 par lequel le Japon avait plaidé pour un rééquilibrage
(3,6 % du PIB, dont les deux tiers sont réali- un chômage de masse. tie de mensonges. Cette défaillance du rôle renonce à la guerre – et doter l’Ar- des relations avec les Etats-Unis et
sés par les entreprises) témoigne de la de l’Etat n’a pas cessé avec la catastrophe. chipel d’une armée « normale». un rapprochement avec Pékin et
poursuite de ce qui a fait la force du Japon Des audits ont révélé qu’une partie des Plus pragmatique, le premier Séoul. Ce choix avait suscité de
industriel : l’innovation et la capacité à fonds destinés à la reconstruction à la suite ministre sortant, Yoshihiko Noda, vives oppositions, au sein même
intégrer celle-ci à la production. Le contrô- Une partie des fonds du tsunami (240 milliards de yens, soit (Parti démocrate du Japon, centre), des milieux diplomatiques nip-
le de la qualité reste une référence pour le 2,25 milliards d’euros) ont été détournés, lui-mêmefavorableà l’idéed’accor- pons attachés à l’entente Tokyo-
reste de l’Asie. Talonné par la Chine et la destinés à la notamment pour la promotion de la vente der au Japon le droit à l’autodéfen- Washington.
Corée du Sud, le Japon sait que son avance de technologies nucléaires au Vietnam… se collective – à savoir participer à Danslemêmetemps,aucunpro-
technologiquedépendde son adaptationà reconstruction à la Un point limite semble avoir été atteint, et des alliances–, souhaite la poursui- blème de fond hérité de la seconde
un nouvel environnement mondial. l’amertume de beaucoup pourrait être un guerre mondiale n’a été traité. Ces
Une part de richesse nationale, qui avait suite du tsunami moteur de renouveau. problèmes sont territoriaux mais
triplé au cours des années 1980 avec la Les véritables transformations politi- portent également sur l’image du
« bulle spéculative», a certes été détruite : a été détournée ques du Japon sont à chercher au niveau M. Abe veut pays à l’étranger et particulière-
les prix de l’immobilier sont retombés au socialplus quedans les soubresautsdu sys- ment dans son voisinage immé-
niveau de 1981. L’Archipel s’est appauvri tème des partis. La catastrophe nucléaire a modifier la diat. Celui des femmes dites « de
maisconserveunequalitéde vie– différen- Le pouvoir politique n’a pas su « tirer eupour effetderéveillerune partiede l’opi- réconfort » (quelque 200 000
te des pays occidentaux en termes de parti » de la catastrophe du 11 mars 2011 nion. Les manifestations antinucléaires, Constitution Coréennes contraintes de se prosti-
vacances,de couverturesociale – nonnégli- (tsunami suivi de la catastrophe nucléaire qui rassemblent 100 000 personnes cha- tuer pour la soldatesque nippone
geable.Lastagnationéconomiques’accom- à Fukushima) pour rebondir. Mais les que vendredi soir devant la résidence du pacifiste, dont pendant la guerre) ou encore,
pagne paradoxalement de stabilité socia- carences de l’appareil étatique et politique premier ministre, ne sont que la partie depuis le début des années 2000,
le. En dépit des disparités, de la montée des ont resserré le lien communautaire : le émergée d’un mécontentement plus large l’article 9, par celui des visites régulières de diri-
inégalités et de l’augmentation de la pau- volontariat s’est souvent substitué locale- qui se manifeste également en province. geants au controversé sanctuaire
vreté relative – personnes dépendant de ment à un Etat défaillant. Cette solidarité a Cette contestation est nouvelle si l’on lequel le Japon Yasukuni qui abrite, entre autres,
l’équivalentdu RMI ou sans ressources –, le permis au Japon d’encaisser les crises au prend comme référence le calme social du les âmes de criminels de guerre,
lien social n’a pas été rompu. La criminali- cours des deux décennies passées. Mais un Japon des quarante dernières années. En renonce à la guerre continuent de nuire aux relations
té, l’une des plus faibles du monde, est malaisediffuscommenceà poindre.Le fos- dépitd’une réticence traditionnelleà ques- du Japon avec Pékin et Séoul.
même en recul : en 2010, le taux d’homici- sé qui s’est creusé entre la classe politique tionner l’autorité, il n’en existe pas moins Tokyo, qui tend à les minimiser,
des était de 0,5 pour 100 000 contre 1,3 en et la société, accentué par les errements de unelonguetraditiondu refus: del’efferves- te «du cheminpacifistesuividepuis insiste toujours sur des « relations
France et 5 aux Etats-Unis. la gestion de la catastrophe du 11 mars, a cence sociale du lendemain de la défaite de la seconde guerre mondiale ». Il tournéesversl’avenir»etledévelop-
réveillé une frange de l’opinion qui cher- 1945 avec ses grèves « épiques» aux mani- appelle à «garder la tête froide» en pement économique. A l’extérieur,
che des relais hors du système des partis. festationscontrele traitéde sécuritéaméri- réponse aux problèmes en cours et cetteattituderesteconsidéréecom-

Repères La crise politique est le phénomène le


plus visible de l’enlisement japonais. Trois
cano-nippon (1960), suivies par d’autres,
non moins massives, contre la guerre au
à agir de façon «raisonnée et straté-
gique».
me un refus d’admettre les erreurs
passées. Elle limite la portée des
ansaprèsl’arrivéeau pouvoirdesdémocra- Vietnam; des affrontements entre les étu- Concrètement, autant Shinzo regrets régulièrement formulés
tes – première alternance en un demi-siè- diantscontestatairesetla policeantiémeu- Abe que Yoshihiko Noda penchent par les chefs de gouvernement nip-
Le Parti libéral-démocrate cle –, qui avait soulevé beaucoup d’espoirs te aux batailles rangées des paysans pour un renforcement des capaci- pons. « Le mélange entre multila-
(PLD, opposition, centre droit). Bien que de changement, les électeurs n’ont plus dépouillés de leurs terres par la construc- tés des Forces d’autodéfense (FAD) téralisme et émergence d’un natio-
près de la moitié des électeurs se décla- d’alternative: les démocrates ont été inca- tion de l’aéroport de Narita (à Tokyo), en et un approfondissement du traité nalisme régressif, résume Yoshihi-
rent indécis quelques jours avant le pablesde répondreauxattentesde lapopu- passant par les luttes citoyennes contre la de sécurité avec les Etats-Unis, plus de Soeya, professeur de politique
scrutin, un sondage de l’agence de pres- lation et aux défis du pays. Néophytes pollutionet l’opiniâtrerésistance des habi- que jamais considéré comme le internationale de l’université Keio,
se Kyodo indiquait que ce parti pour- dans la pratique du pouvoir, ne disposant tants d’Okinawa à la présence des bases pilier de la sécurité japonaise. « La à Tokyo, génère de la confusion
rait remporter la majorité absolue lors pas des réseaux dans les administrations – militaires américaines, les Japonais ne Chine, la Corée du Sud et la Russie dans la politique japonaise, comme
des élections législatives du 16 décem- construits par les libéraux-démocrates sont pas « génétiquement» passifs face au adoptent une ligne plus dure à parmi les observateurs extérieurs
bre avec 280 à 306 sièges sur les 480 en dont nombre d’élus sont d’anciens fonc- pouvoir. Le mouvement actuel est en l’égard du Japon, alors que l’équili- de cette politique.»
lice. Cette victoire du PLD, qui a perdu tionnaires –, ils n’ont pas réussi à prendre revanche nouveau par sa composition. bre des puissances évolue dans la Si bien que la possible arrivée au
la majorité en 2009 et n’a que 118 sièges en main la bureaucratie pour concrétiser Alors que les contestations précéden- région », s’inquiétait le quotidien pouvoirdeM.Abenelaissepasd’in-
dans la Chambre sortante, assurerait à leurs options politiques. Leur zèle à redon- tes étaient politisées, la mobilisation est Nihon Keizai dans un éditorial du quiéter. Outre son soutien à l’idée
son président, l’ancien premier minis- ner l’initiative aux politiques a au contrai- cette fois plus individuelle que militante 29 novembre, avant d’insister sur d’un réarmement du Japon, il
tre Shinzo Abe, de revenir à la tête du re « braqué » la haute administration. et s’opère par les réseaux sociaux. Ce «l’urgence de reconstruirel’alliance défend les visites de leaders nip-
gouvernement. En chute dans les sondages (sa populari- réveil de l’opinion reflète une évolution nippo-américaine». pons à Yasukuni, arguant de l’im-
té était tombée au-dessous des 20 %) et de la société dont des couches au revenu Ces propositions ne font pas une portance de « rendre hommage à
Le Parti démocrate du Japon confronté à un blocage du processus légis- faible et les précaires, enferrés dans leur diplomatie. Aucun candidat au ceux qui sont morts pour leur
(PDJ, centre), formation gouvernemen- latif par l’opposition, le premier ministre, statut, se sentent ignorés par les partis et scrutin de décembre ne semble pays». Et il dénie aux autres pays le
tale qui détient actuellement 230 siè- Yoshihiko Noda, avait dû s’engager à dis- les syndicats. avoir d’idée pour redynamiser une droit de se plaindre à ce sujet. En
ges, pourrait être lourdement sanction- soudre la Chambre des représentants pour Est-ce la renaissance du militantisme action qui avait rencontré un cer- l’état actuel des relations du Japon
né par les électeurs et n’obtenir qu’une obtenir l’adoption d’un texte sur l’émis- citoyen ? « La méfiance à l’égard des politi- tain succès dans les années1970 et avecla Chineet la Coréedu Sud,cet-
cinquantaine de sièges. sion de bons du Trésor destinés à financer ques précédait la catastrophe à Fukushi- 1980. Axé sur le multilatéralisme, te posture, essentiellement desti-
le déficit budgétaire (370,3 milliards d’eu- ma et se traduit aujourd’huipar un activis- le Japon avait fortement contribué née à capter l’électorat nippon, a
Le premier ministre est désigné ros, soit 40 % du budget). Le lendemain de me hors du Parlement», estime le politolo- à la création de la Banque asiatique peu de chances de calmer les ten-
par les deux chambres réunies. En cas de l’adoption de ce texte, le 16 novembre, il gue Masatoshi Mori. Ce militantisme de développement au Forum de sions. Elle ne devrait pas non plus
désaccord, le choix de la Chambre des annonçait la dissolution. citoyen trouvera-t-il des relais politi- coopération Asie-Pacifique (APEC) bénéficierauJapon,surleplaninté-
représentants l’emporte sur le Sénat, La perte de confiance dans la classe poli- ques ? C’est l’un des enjeux des élections et savait jouer de sa puissance rieur comme sur la scène interna-
actuellement sans majorité claire. tique se double d’une autre, plus grave, qui du 16 décembre. p financière pour soutenir la crois- tionale. p
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Dimanche 16 - Lundi 17 décembre 2012 GÉO & POLITIQUE

Station service à Telenesti. Un retraité à Vulcanesti.

Cérémonie à la mémoire des victimes du régime communiste, à Bravicia. Ruelle de Limbenii Noi.

Statue de Lénine à Falesti. Bar-magasin à Vorniceni.

Temps suspendu en Moldavie


portfolio|markel redondo
Vingtans aprèsson indépendance,ce pays, tiraillé entre l’Est, qui incarne son passé,
et l’Ouest,perçu comme son avenir, demeurel’un des pluspauvres d’Europe

Mirel Bran gris, peu de lumières s’allument la nuit que soviétique, elle obtint l’indépen- ne russe ou bien, en moins grand nom- dans l’autre sens, vers Moscou, pour
dans la campagne, et l’on se sent vivre à dance en 1991 à la suite de l’effondre- bre, des Gagaouzes, Turcs chrétiens qui trouver les emplois qui font défaut en
Bucarest, correspondant une autre époque », dit-il. ment de l’URSS. Mais une partie de son ont refusé l’islam et trouvé refuge dans Moldavie.

I
Certes, la réalité du pays n’a rien à territoire, la Transnistrie, peuplée de ces terres au début du XIXe siècle. A chacun sa mère patrie. Un million
l y a d’abord cette odeur qui évo- voir avec Le Sceptre d’Ottokar imaginé russophones, a aussitôt fait sécession Quelques petites communautés de de Moldaves – un quart de la population
que le communisme : un mélange par Hergé. Pas de roi Muskar XII, plutôt avec l’appui de Moscou. Roms et d’Allemands complètent ce – travaillent actuellement à l’étranger.
de gazole soviétique et, dans un des statues de Lénine et le Depuis, la Moldavie se puzzle. Les roumanophones rêvent de C’est d’ailleurs grâce à leur argent que la
registre plus agréable, de cette ter- souvenir encore doulou- cherche une identité entre plus en plus d’une réunification avec la campagne moldave peut encore survi-
re noire et minérale qui fait la richesse reux de l’époque stali- l’Est, qui incarne son passé, mère patrie. L’entrée de la Roumanie vre dans ce pays qui demeure l’un des
UKRAINE
du pays. La Moldavie, petit pays encla- nienne, lorsqu’une bonne Balti et l’Ouest, perçu comme un voisine dans l’Union européenne en plus pauvres d’Europe, avec un revenu
vé entre la Roumanie et l’Ukraine, est partie des Moldaves ont avenir prospère. 2007 a rendu ce pays très attractif. moyen de l’ordre de 180 euros par mois.
MOLDAV IE Transnistrie
souvent réduite à la Syldavie de Tintin été déportés manu milita- Ce pays, d’une superficie D’ailleurs, la Roumanie fournit des Tintin avait réussi à dérober le scep-
qu’elle aurait inspirée. ri en Sibérie. Chisinau
Tiraspol égale à celle de la Belgique, passeports à tous les Moldaves qui peu- tre d’Ottokar, à sauver la Syldavie et à
Besoin de se dépayser à trois heures Ancien territoire rou- R O U M A N I E est un cocktail ethnique. vent prouver leur origine roumaine, donnerun sens à son histoire. La Molda-
et demie d’avion de Paris ? Embarque- main, la Moldavie a été Tighina Plus de la moitié des qua- véritable sésame pour l’Union euro- vie le cherche encore. p
ment pour Chisinau, la capitale molda- annexée par l’Union tre millions de Moldaves péenne, qui donne aux jeunes accès au
ve, comme l’a fait le photographe espa- soviétique après 1945. Mer sont des Roumains de sou- marché du travail européen. Quant > Sur Lemonde. fr
gnol Markel Redondo. « C’est un pays Transformée en républi- 50 km Noire che, les autres étant d’origi- aux russophones, ils préfèrent voyager Voir le portfolio.
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Intervenir en Syrie: quelle légalité?


Les Occidentaux se disent prêts à agir militairementen Syrie en cas d’emploi d’armes chimiques,
quitte à se passer du feu vert de l’ONU. Après la guerre d’Irak de 2003, celle du Kosovo en 1999 et l’opération
russe en Géorgie en 2008, le débat sur les bases juridiquesdes interventions est relancé

Natalie Nougayrède ce sur ses programmes d’arme- en effet prévu par l’article 50 de la Etats-Unis, après les pays du Golfe, la Russie peut, à bon droit, juger que

L
ments. L’approche américaine avait Charte de l’ONU. Peut-il s’appliquer France, la Turquie et le Royaume-Uni cela ne suffit pas et que nul n’est fon-
été vivement contestée, en particu- en Syrie? A première vue, seulement –, n’ouvre de nouveaux horizons. En dé à s’ingérer ouvertement dans une
’accélération des événe- lier par la France et la Russie. en cas de tirs de missiles armés de effet, si la coalition devait, en tant guerre civile.
mentsenSyrie,oùla chu- L’affaire irakienne et le cas syrien têtes chimiques, ou d’autres engins qu’entité politique reconnue comme Mais les arguments de Moscou
te du régime Assad diffèrent considérablement. Person- versl’extérieur du pays, donc en fran- l’incarnation de la souveraineté sont souvent spécieux, y compris sa
paraît inéluctable, ravi- ne n’envisage une invasion terrestre chissant une frontière. syrienne, lancer un appel à une aide contestation de la lecture faite par les
ve le débat, au sein des massive de la Syrie. C’est bien plutôt L’OTAN, pour prévenir ce risque, militaire extérieure, la question de Occidentaux de la résolution 1973,
chancelleries occidenta- à un scénario de renversement du vientd’ailleurs de décider du déploie- l’ingérence pourrait prendre une qui avait autorisé l’emploi de la force
les, sur la légalité d’une intervention régime de l’intérieur, par les rebelles ment de missiles Patriot en Turquie. tournure nouvelle. en Libye. La diplomatie russe ne pou-
armée éventuelle pour sécuriser cer- ou par une « révolution de palais » à En réalité, quand on parle de légali- vait ignorer que le paragraphe4 de ce
tains « points chauds» du pays. Damas, qu’espèrent assister les Occi- té internationale, le politique l’em- texte, en autorisant « tous les moyens
A ce jour, le seul motif invoqué dentaux et leurs alliés arabes. porte,le plus souvent, sur les considé- nécessaires » pour « protéger les
publiquementpar les dirigeants occi- Contrairement à l’Irak, personne ne Si la Coalition rations strictement juridiques. Les civils» face à la « menace d’attaques»,
dentaux, pour une action militaire, contesteaujourd’hui l’existenced’ar- Etats, y compris la France, qui préten- incluait bel et bien la possibilité
serait l’emploi d’armes chimiques. mes de destruction massive en Syrie. nationale syrienne dent ne vouloir agir que dans le cadre d’une aide au renversement de régi-
Problème : si la question des armes Il peut paraître paradoxal que d’une validation par l’ONU, ont déjà me. Car, en se fondant sur ce mot-clé,
de destruction massive syriennes est Barack Obama, qui n’a cessé de vou- devait lancer démontré, par le passé, leur capacité « menace », les Occidentaux pou-
érigée en facteur déclencheur d’une loir se démarquer de son prédéces- à s’affranchir du carcan du droit. vaient arguer que tant que Kadhafi
action militaire, un parallèle surgit seur, n’exclut pas une action militai- un appel à une aide C’est tout le débat, qui persiste restait au pouvoir la « menace » per-
aussitôt avec la guerre d’Irak de 2003. re en Syrie sans passer par la « case » aujourd’hui, sur la légalité de l’action sistait et que donc ses forces demeu-
«Cequ’il ya de risquédansces déclara- ONU. Mais ce serait oublier que la militaire extérieure, de l’OTAN au Kosovo en 1999, menée raient une cible légitime.
tionspubliques,reconnaît-ondesour- puissanceaméricainea, traditionnel- sans autorisation explicite du L’approche de la Russie, qui s’érige
ce diplomatique à Paris, c’est que l’on lement, une conception du multila- la question de Conseil de sécurité. Les Occidentaux volontiers en gardienne des dogmes
s’expose à la critique : “vous utilisez téralisme qui se décline à la carte. Le avaient jugé alors que les textes anté- de l’ONU, est en réalité plus cynique-
les mêmes arguments que ceux invo- président Obama s’est d’ailleurs l’ingérence rieurs votés par l’ONU, ainsi que ment politique que légaliste. On peut
qués pour l’Irak”, et cela jette une montré le digne héritier de cette l’épuisement de tous les efforts de se rappeler que sa lecture du droit
lumière soupçonneuse.» ligne, au travers de sa campagne pourrait prendre pourparlers avec Belgrade, confé- international a été des plus élasti-
Le fait est que ni les Etats-Unis, ni intensive de frappes aériennes avec raient une base juridique à cette opé- ques quand il s’agissait de protéger
le Royaume-Uni, ni la France n’ont des drones,dans différentspays, sans une tournure ration. Ce que Moscou a toujours ses « intérêts privilégiés » dans son
explicitement conditionné une le moindre feu vert de l’ONU. contesté.De la même manière, la Rus- voisinage immédiat.
intervention armée, destinée à sécu- Pour la France, qui, comme l’a sou- nouvelle sie s’élève aujourd’hui contre les Ce fut le cas lors de l’invasion par-
riser les stocks chimiques, au vote ligné François Hollande, fin août, sanctions prises par les Occidentaux tielle de la Géorgie, à l’été 2008, sui-
d’une résolution du Conseil de sécu- entend s’inscrire « dans la légalité contre l’Iran hors du cadre de l’ONU, vie du redécoupage unilatéral des
rité de l’ONU. Face à la gravité du dan- internationale» et n’envisage de par- Or, le danger invoqué à ce stade porte les jugeant illégales. frontières de ce pays. La Russie avait,
ger, ces pays semblent vouloir s’af- ticiper « à des opérations de protec- non pas sur une agression syrienne Au bout du compte, ce qui préside dans un premier temps, invoqué le
franchir d’un des dogmes édictés tion des populations qu’en vertu d’un vers l’extérieur, mais sur l’éventuel aux décisions n’est pas tant la « léga- concept onusien de « responsabilité
par la Charte des Nations unies. Or, mandat du Conseil de sécurité », emploi de substances chimiques à lité» que la « légitimité » d’une politi- de protéger » pour maquiller ce qui
c’est tout le reproche qui avait été l’omission du volet ONU apparaît l’intérieur du pays, contre les grou- que. Dans l’affaire syrienne, les Occi- était,dupointde vue dudroitinterna-
fait, en 2003, à l’administration plus problématique. pes rebelles et des civils. L’argument dentaux tentent ainsi de contourner tional, un crime d’agression. Elle
Bush. N’ayant pu obtenir l’autorisa- Des diplomates planchent active- « légitime défense », dans ce cas, sem- la paralysie du Conseil de sécurité en avait opportunément « oublié » que
tion du Conseil de sécurité, celle-ci ment sur ce dilemme. A supposer ble irrecevable. s’appuyant sur la condamnation du la seule invocation de la « protec-
avait fait valoir que la résolu- qu’une résolution de l’ONU demeure A moins que… A moins que le pro- régime Assad par des organisations tion » de ses ressortissants en Géor-
tion 1441, votée le 8 novembre 2002, hors de portée du fait du blocage rus- cessus de reconnaissance internatio- régionales (Ligue arabe, Conseil de gien’établissaitpas undroità interve-
offrait une base juridique suffisan- so-chinois, l’autre justification possi- nale de la Coalition nationale syrien- coopération du Golfe, Union euro- nir de cette manière, sans un feu vert
te. Ce texte menaçait l’Irak de Sad- ble d’une intervention serait la légiti- ne comme « la représentantelégitime péenne), ainsi que par l’Assemblée préalable du Conseil de sécurité. Une
dam Hussein de « graves conséquen- me défense. Le droit de recourir à la du peuple syrien » – un pas qu’ont générale de l’ONU et par le groupe autorisation qu’elle s’est bien gardée
ces » s’il ne faisait pas la transparen- force en cas de légitime défense est franchi, mercredi 12 décembre, les ad hoc des Amis du peuple syrien. La de solliciter. p

Baromètre L’argent des migrants, un apport-clé pour les pays les plus pauvres
international

TOTAL DES TRANSFERTS DE FONDS DES MIGRANTS ORIGINES DES FONDS POUR CINQ PAYS BÉNÉFICIAIRES
VERS LES 48 PAYS LES MOINS AVANCÉS en 2010, en millions de dollars

27 milliards
de dollars en 2011
+ 87 %
Evolution depuis 1990
Bénin
87,4 Nigeria

28,4 France
Burkina
Faso
32,9 Côte d’Ivoire

1,4
Italie Ethiopie
148,3 Etats-Unis

64,8 Israël Haïti


1055 Etats-Unis
178,9
Rép.
dominicaine Népal
1125,2 Etats-Unis

960,9 Inde

POIDS DES TRANSFERTS DANS LE PIB


entre 2008 et 2010, en % 0,7 129,7
24 Togo France 26 Soudan Canada 428,4 Qatar

Lesotho
Samoa FLUX DES FONDS PAR GRANDE RÉGION, en 2010 EXEMPLES D’UTILISATION DES FONDS
selon leur provenance, en %
Haïti
Népal Nourriture Education Santé
et vêtements
Bangladesh Logement Investissements Autres
Europe
Sénégal
Sénégal Ouganda Nigeria
Togo Amériques 100
Asie
90
Gambie
80
Guinée-Bissau
70
Mali Afrique 60
Ouganda 50
40
Liberia
Volume des fonds Océanie 30
Yémen en milliards de dollars
20
Bénin Supérieur à 9 Transferts de fonds
10
Entre 1,5 et 3 en % du PIB
Soudan 0
Entre 1 et 1,5 Plus de 5 De 0,5 à 2 Données Autres pays Hors Autres pays Hors Autres pays Hors
Entre 0,5 et 1 De 2 à 5 Moins de 0,5 non disponibles
0 10 20 30 40 50 d’Afrique Afrique d’Afrique Afrique d’Afrique Afrique
SOURCE : THE LEAST DEVELOPED COUNTRIES REPORT 2012, UNCTAD INFOGRAPHIE LE MONDE

R
ésultat de l’essor des flux migra- Pour les pays les moins avancés (PMA) Sud.Celas’expliquepar«lefaitquelamajo- vres d’Asie. De même que la Côte d’Ivoire, difficile à mesurer, les économies de ces
toires dû à la mondialisation, les –48 selon la classification de l’ONU–, leur rité des migrants des PMA s’en vont vers des le Kenya et l’Afrique du Sud pour les PMA Etats étant confrontées à des difficultés –
transferts de fonds des tra- montant est passé de 3,5 milliards de dol- pays en développement, souvent voisins », d’Afrique. En moyenne, les sommes financières, institutionnelles, politiques –
vailleurs migrants vers leur pays lars en 1990 à 6,3 milliards en 2000 et a rappellel’ONU dans son rapport 2012sur la envoyées représentent 2,1 % du PIB des que la seule arrivée d’argent frais ne peut
d’origine ont connu une croissance expo- atteint 27 milliards en 2011. Trois pays – le situationdesPMA.Peudecandidatsàl’émi- PMA,maiscetteproportionpeutêtrebeau- résoudre.Maisleur contributionà laréduc-
nentielle ces deux dernières décennies. Bangladesh, le Népal et le Soudan – repré- gration ont les moyens de partir vers les coup plus significative. Au Lesotho, en Haï- tionde la pauvretéest reconnue.Consacrés
Entre 2000 et 2010, leur montant a dou- sentent66%decetotal.Contrairementàce Etats-Unis ou l’Europe. Ainsi, l’Inde et les ti et au Népal, elle dépasse les 20% du PIB. aux dépenses de nourriture, d’éducation
blé, atteignant 498 milliards de dollars que l’on pourrait croire, deux tiers de ces pays du Golfe sont une source majeure Le rôle de levier joué par ces fonds dans oudesanté,ilspermettentdediversifierles
(382 milliards d’euros) en 2011. fonds proviennent d’un autre pays du d’envoisdefondspourlespayslespluspau- le développement macroéconomique est sources de revenus des familles. p
8 0123
Dimanche 16 - Lundi 17 décembre 2012 GÉO & POLITIQUE

IannisBoutaris
La solituded’un réformateur grec
l’homme de la semaine|19 décembre, grève de 24 heures dans la fonction publique grecque
L’atypiquemaire de Salonique introduit, tant bien que mal, des changementsdans la gestion de la deuxième ville
de Grèce. Un combatquotidien, tant les pesanteurs,locales et nationales,sont dures à surmonter

Alain Salles disest égalementpoursuivi par la jus-


tice et a dû démissionner de son pos-

D
Salonique, envoyé spécial te pendant l’enquête, pour laisser la
place à… son frère.
éfenseur des ours Iannis Boutaris tente de faire le
et des forêts, viti- ménage. Il a supprimé les paiements
culteur qui a cla- des factures en liquide et a imposé
qué la porte de la desnormescomptablesplusorthodo-
société familiale xes. Petit à petit, il réorganise la gou-
pour créer sa pro- vernancede la mairie. «C’était un cha-
pre marque de vins de qualité, Iannis os, basé sur les relations personnel-
Boutaris était un homme d’affaires les », explique M. Boutaris.
original. Il est devenu le maire atypi- L’une de ses premières mesures a
que de la deuxième ville de Grèce été d’organiser une réunion entre
(800 000 habitants). 32 directeurs de la mairie. « Je me suis
Ce septuagénairequi arborebretel- rendu compte qu’ils ne s’étaient
les multicolores, tatouages, boucle jamais réunis.» Il en réduit le nombre
d’oreille et petite broche en forme à 22 et impose une rencontre hebdo-
d’araignée (« J’aime les ornements ») madaire. Autre initiative : il met en
n’avait pas d’autres ambitions politi- place une méthode pour évaluer les
ques que d’être maire de Salonique. fonctionnaires, définir leurs activités
« Je ne suis pas un politicien », assè- et améliorer leur efficacité. Les étu-
ne-t-il, en tirant sur sa cigarette sans
filtre.
« C’est un personnage unique, un
maire différent des autres. Il n’a pas « Il faut cinq ans
peur de dire ce qu’il pense. Cela peut
l’amener à commettre des erreurs, pour régler
maisc’estrafraîchissantdansle paysa- Iannis Boutaris, le 6 janvier 2011. KONSTANTINOS TSAKALIDIS/DEMOTIX/CORBIS
ge grec », souligne l’ancien ministre les principaux
des finances Stefanos Manos, qui a été C’est le reproche qu’il fait au plan une erreur, je ne me rendais pas comp- avait prédit le très conservateur évê-
soutenu par M. Boutaris quand il a problèmes signé par le gouvernement avec les te des obstacles à surmonter. Il faut que de la ville, Mgr Anthimos.
crééson parti,le Drasi(droite libérale). créanciers de la Grèce : ne pas insister éduquer les gens à faire les choses Autre motif d’irritation de l’Egli-
Politiquement, Iannis Boutaris du pays » sur les investissements. Toutefois, autrement. Cela passe, notamment, se : Iannis Boutaris n’a pas choisi le
mélange les cépages. Chef d’entrepri- Iannis Boutaris souligne-t-il, « nous devons faire ces par le tri des déchets. » Le maire veut serment religieux quand il est deve-
se, il professe des idées de gauche et a maire de Salonique réformes, mais nous avons besoin de aussi favoriser la circulation à bicy- nu maire, car il est pour la séparation
même été élu au conseil municipal, temps». « Il faut cinq ans, dit-il, pour clette, faire des rues piétonnes, mais de l’Eglise et de l’Etat. Une position
pour la première fois, sur une liste régler les trois principaux problèmes il se heurte à une guérilla de la préfec- rare en Grèce.
communiste, en 2001. Mais le maria- du pays : la pesanteur de l’administra- ture de Salonique. Lors des cérémonies du centenai-
ge entre le viticulteur excentrique et des ont montré que la productivité tion, le recouvrement de l’impôt et les A force de bousculer les habitudes, re de la libération de Salonique, le
le très conservateur Parti communis- des 5 000 employésde la mairie équi- entraves aux investissements.» Iannis Boutaris ne s’est pas fait que 28 octobre, il a encore froissé les
te grec a rapidement tourné court. valait à celle de 3 000. Les heures sup- A la mairie, Iannis Boutaris prend des amis. « Il s’est présenté comme un conventions en exprimant le peu de
Elu maire de Salonique en novem- plémentaires ont été rabotées. conscience de la difficulté à réformer candidat progressiste mais il veut pri- goût qu’il avait pour les parades mili-
bre 2010, avec le soutien du Pasok Grâce à une gestion plus rigoureu- et du temps nécessaire pour surmon- vatiser et mettre en œuvre la même taires, « destinées à éveiller le populis-
(socialiste), il découvre un « mam- se,Iannis Boutaris a réussi à baisser les ter les résistances, à droite comme à politique que celle de la coalition au me national ». Un thème sensible
mouth» municipal, imposant et dis- impôts locaux de 7,5 % en 2012 et gauche. « On doit faire comprendre pouvoir à Athènes », regrette dans une ville au riche héritage cos-
proportionné, à l’image des dérives devraitencorelesdiminueren 2013.Et aux gens que si les mentalités ne chan- Elefthéria Hatzigeorgiou, au siège mopolite, fièrement assumé par Ian-
administratives du pays. ce malgré la crise qui incite souvent gent pas, on ne pourra rien faire. Par local de Syriza (gauche radicale), nis Boutaris. En 1913, il y avait
En arrivant à la tête de la ville, Ian- lescommunesàaugmenterlafiscalité exemple, j’ai proposé à l’association deuxième parti du pays. 157 889 habitants dont 61 439 juifs,
nis Boutaris procède à un audit et res- pour faire face aux dépenses sociales de commerçants de revoir ses horai- Quant à ses relations avec l’Eglise, 45 867 musulmans et un peu moins
serre la gestion qui s’était délitée sous accrues. Pour pallier l’effondrement res d’ouverture en fermant le lundi elles sont également compliquées, de 40 000 chrétiens.
la droite, marquée par une nette pro- des subventions de l’Etat, la mairie matin, mais en restant ouvert le same- surtout depuis qu’il s’est rendu en « C’est l’identité de Salonique
pension au clientélisme. L’ancien sélectionne des projets qui peuvent di après-midi, au moment où les gens Bulgarie pour faire incinérer sa fem- d’être cette ville mélangée. Pendant
maire est en procès avec vingt- bénéficier de fonds européens. « On font leurs courses. Ils s’y sont opposés, me, en 2007, car l’Eglise orthodoxe des années, on a refusé de le reconnaî-
trois fonctionnaires municipaux doit bien entendu réduire les dépenses, mais nous continuons à discuter. » grecque s’oppose à la crémation. tre. Or, quand on ne connaît pas son
pour détournement de fonds. L’ex- mais on doit aussi favoriser le dévelop- Avant d’être élu, il avait promis de « Moi vivant, vous n’entrerez passé, on ne peut pas construire son
préfetde la région Panagiotis Psomia- pement, sinon l’économie suffoque.» nettoyer la ville en six mois. « C’était jamais à la mairie de Salonique », lui futur. » p

Jesse Jackson, patriarche de la cause des Noirs américains


Toujoursactif à 71ans, le pasteurbaptiste qui s’est présenté deux fois à l’investiture du Parti démocrateà l’élection présidentielle
reste une figurede la vie politique américaine. Mais sesrapports avec Barack Obama ont toujours été compliqués

(presque) plus emplois en Chine. Ce jour-là, Jesse Jackson sur ses joues lorsque M. Obama, élu, pro- ans après, dans une interview au Guardian
avait été, eu égard à sa notoriété, poliment nonça son discours au Grant Memorial de de Londres, le pasteur Jackson justifiait ses
personne n’en parle
embarqué par la maréchaussée. Chicago. Un Noir président… Jesse Jackson propos. «Je regrette les propos insultants»,
Arrêté, ce devait bien être la 300e ou pleurait-il de bonheur ou de dépit de ne disait-il. Mais en accusant les pères noirs,
400e fois dans la vie de cet homme qu’il a, pas être celui-là ? Un peu des deux, peut- c’est Obama qui se montrait irresponsable,
d’abord, consacrée à la cause des Noirs être. Entre les deux hommes, ce fut beau- jugeait-il. Comment s’étonner qu’à la
américains. Il était présent ce jour funeste coup « je t’aime moi non plus », intérêts convention démocrate de Denver, en
Sylvain Cypel, où Martin Luther King, pasteur baptiste mutuels et distanciation. A Chicago, la vil- 2008, Barack Obama ne l’ait pas invité à
comme lui, leader du mouvement des le d’Obama, le pasteur a fait ses études s’exprimer?AcelledeCharlotte,enseptem-
New York, correspondance droits civiques, fut assassiné à Memphis, théologiques,y a vécu, aussi.L’ancien a fait bre2012, il ne lui a pas plus tendu la perche.
le 4 avril 1968. Il avait 27 ans, du courage, bénéficier le jeune politicien débutant de Aujourd’hui, le pasteur est très pris par

A
MANDEL NGAN/AFP la tête de son organisation de de la détermination et de l’ambition, et ses conseils. Et a vite constaté combien son la préparation de la 16e session du Wall
« développement social et reli- déjà la réputation d’avoir aussi de l’entre- discours « post-négritude» l’indisposait. Street Project Economic Summit, la confé-
gieux », la Rainbow Push Coali- gent, ou de beaucoup le rechercher. En renceannuellequ’ilorganisepourpromou-
8 octobre 1941 Naissance à tion, créée en 1984, le pasteur 1984, Jesse Jackson se présentait aux élec- Dirigeant communautaire voirledéveloppementéconomiqueetl’em-
Greenville, en Caroline du Sud. baptisteJesse Jacksonreste très actif, conti- tions primaires démocrates pour la nomi- Le 6juillet 2008, sur Fox News, un micro ploi dans la communauté noire. Pour clore
nuant, à 71 ans, de sillonner les Etats-Unis, nation du candidat du parti à l’élection laissé ouvert répercute ses propos. S’insur- la première journée, il dirigera lui-même
4avril 1968 Présent à Mem- souvent pour y défendre une cause liée à présidentielle. Il n’était pas le « premier geant contre la critique émise par le candi- un débat entre deux participants presti-
phis le jour de l’assassinat de la minoriténoire, dont ilest une figure his- candidat noir » – une enseignante, Shirley dat Obama sur l’« irresponsabilité » des gieux : l’investisseur Warren Buffett et
Martin Luther King, pasteur bap- torique. Le 13 décembre, il emmenait une Chisholm, l’avait précédé en 1972 – mais il pères noirs américains abandonnant fem- Jamie Dimon, le patron de JP Morgan Cha-
tiste et leader du mouvement des manifestation devant le capitole de l’Etat fut le premier à réaliser une percée d’am- me et enfants quatre fois plus que la se,premièrebanquedupays.Atitreperson-
droits civiques. du Michigan pour dénoncer les velléités pleur. Il récidivera en 1988, arrivant en moyenne nationale, Jesse Jackson vilipen- nel, le pasteur Jackson a confié ses affaires à
desongouverneurrépublicainderestrein- seconde position. Cette année-là, il fit la de son attitude de donneur de leçons. « Il Goldman Sachs. Il assiste régulièrement à
1984 et 1988 Se présente dre les droits syndicaux. Le 24 octobre, il « une » de tous les grands magazines. faut lui couper les noix », ajoute-t-il… Il eut l’assembléeannuelledes actionnaires,oùil
aux élections primaires démo- était venu soutenir les salariés de Sensata Jusqu’à l’élection de Barack Obama, le beau se confondre ensuite en excuses, le représente les petits porteurs. Et n’oublie
crates pour la nomination du Technologies, à Freeport, dans l’Illinois, pasteur Jackson restait la principale figure sociologue noir Orlando Patterson y décela jamais d’y intervenir, pour rappeler les
candidat du parti à l’élection pré- dont le site était fermé par son propriétai- politique africaine-américaine. Le l’attitude typique d’un dirigeant commu- richissimes membres de la direction à
sidentielle. re, Bain Capital, qui délocalisait les 4novembre 2008, on vit des larmes couler nautaire aux pratiques clientélistes. Trois leurs devoirs envers les plus démunis. p

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