05

ent
supplém

innovatiieorn
s
tel
avec Les a rre
de la Te

LE MAGAZINE DU MANAGEMENT DURABLE

www.decisionsdurables.com

Il existe
Le Père Noël
responsable

Solar Impulse
Le rêve d’une
planète propre

Iso 26000
Les coulisses d’une
norme très spéciale

déc.  2010 - jan. 2011

le New Deal
3:HIKSKH=XUZ^UU:?a@a@k@p@a;

écologique
M 08073 - 5 - F: 5,90 E - RD
 Durables marketer

ISO 26000 ou la responsabilité sociétale

Les coulisses d’une norme
très spéciale
03’

À Copenhague en mai 2010, alors que les négociations internationales patinaient, un

par Ganaël Bascoul vote au sein du groupe de travail ISO sur la responsabilité sociétale a suscité une
directeur de Extended Values
grande émotion : après 5 ans de travail, la norme ISO 26000 était presque née ! Restait
et Laurent Florès alors un ultime vote pour installer la première norme internationale sur le sujet.
fondateur CRM Metrix

Durant l’été 2010, a été soumise
au vote des 77 pays membres,
une version finale (FDIS) savam-
ment ajustée selon différents équi-
libres diplomatiques : les normes
ISO doivent être validées par 2/3
de votes favorables hors absten-
tion, et moins de 1/4 de votes
défavorables. Il s’agit alors de
trouver des accords sur certains
points de la norme, sans pour
autant rien sacrifier à ses princi-
pes fondamentaux.
Le 25  septembre, mission
accomplie ! Malgré l’oppo-
sition de 5 pays dont l’Inde
et les États-Unis, 66 pays se
prononcent pour la norme,
ce qui suffit à son adoption
(malgré 6 abstentions, dont
l’Allemagne).
Procédure exceptionnelle
pour norme exceptionnelle
Si le secrétariat général d’ISO a
l’habitude de mettre d’accord un
grand nombre de pays sur les
normes à mettre en œuvre pour
faciliter les échanges internatio-
naux et partager les bonnes prati-
Décisions durables n°5 _ dec. 10 - janv. 11
plus de 450 membres et 210
observateurs, issus de 99
pays (dont 69 émergents) et
de 42 organisations,
ayant un lien avec les ques-
tions de responsabilité sociétale
(dont le PNUE, la Commission
Européenne ou encore
Transparency International) avec
une règle cruciale pour aboutir à
un consensus global : le twining,
ou jumelage.
Jumelage entre pays émergents
et industrialisés.
Jumelage entre types d’experts.
Parmi les 6 types d’experts
identifiés : les techniques, is-
sus de l’industrie ; les gouver-
nementaux ; les représentants
des consommateurs ; ceux du
monde du travail ; les ONG ; et
ceux issus du tertiaire, de la re-
cherche et du conseil.
Chaque pays membre a pu ainsi
proposer un expert par catégorie
d’experts. Jusqu’à la tête de ce
projet, mené conjointement par
les bureaux nationaux de norma-
lisation du Brésil (ABNT) et de la
Suède (SIS), ce principe de jume-
projet qui a généré beaucoup
d’attentes,
pour mettre en place des règles
de travail en commun !
… et deux groupes de liaison pour
assurer la cohérence du projet :
a vec les projets connexes
d’ONG parties prenantes (grou-
pe de liaison externe),
a vec le système de normes
déjà existant au sein d’ISO, no-
tamment sur la qualité et l’envi-
ronnement (groupe de liaison
interne).
Vers les applications
Tout ce processus a constitué une
prise de risque importante pour
ISO. La publication a été un suc-
cès en soi, démontrant que
des avancées significatives
sont possibles si le modèle
de concertation est bien pen-
sé en amont et ajusté si né-
cessaire en cours de route.
Et maintenant ? La norme est
disponible auprès de tous les
bureaux nationaux de normalisa-
tion (AFNOR en France), mais le

ques (plus de 18 000 standards),
ce consensus devait aussi se
faire ici entre parties prenantes,
et non plus simplement entre ex-
perts. ISO a donc mis en place un
mode opératoire spécifique pour
permettre ce double consensus,
et afin qu’une norme hors du
commun voie le jour.
ISO a créé un groupe de travail
comprenant en juillet 2010
68
lage a été respecté.
Un système sécurisé
Le groupe de travail a créé 3 enti-
tés de soutien… :
pour assurer le financement de
la participation des pays émer-
gents et des parties prenantes
à faibles ressources à l’aide de
dotations allouées par ISO,
p our communiquer sur un
groupe de travail sur la respon-
sabilité sociétale a créé, avant
de se dissoudre, une dernière
entité… la PPO (Post Publication
Organisation). Celle-ci reportera
au secrétariat d’ISO les infor-
mations sur les utilisations de la
norme, mais aussi ses mauvais
usages, et les futurs besoins de
révisions.
À suivre !
 VRAI ou faux?
La norme ISO 26000 est une
nouvelle norme environnementale.
L’environnement n’est qu’une
faux des 7 questions centrales sur
les impacts sociétaux d’une or-
ganisation. Les six autres sont :
gouvernance de l’organisation, droits
de l’homme, relations et conditions de
travail, bonnes pratiques des affaires,
questions relatives aux consommateurs
et engagement sociétal.
Cette norme concerne seulement
les entreprises.
Le texte utilise le terme d’organisa-
faux tion, ce qui signifie que les syndi-
cats, ONG, établissements publics,
collectivités sont aussi concernés…
Le terme de RSE (responsabilité sociale
des entreprises) a été remplacé par
l’expression responsabilité sociétale.
Comme toutes les normes ISO, la
norme ISO 26000 est certifiable.
Elle ne propose pas des
faux procédures strictes (c’est
d’ailleurs vrai pour une
bonne partie des normes
ISO) mais plutôt des principes définis
comme « fondements d’un comporte-
ment ou d’une prise de décision ». Ceci
a permis de la rendre plus transversale
dans son contenu, mais aussi plus
flexible dans son champ d’application.
Seuls les processus sont concernés
par la norme ISO 26000.
Les produits et services de
faux l’organisation sont aussi
concernés, notamment à tra-
vers les enjeux de consom-
mation durable, inscrits dans les ques-
tions relatives aux consommateurs.
La responsabilité d’une organisation
s’étend à toutes les entités sur
lesquelles l’organisation a une
capacité d’influence.
La norme incite l’organisa-
VRAI tion à prendre en compte ses
impacts en dehors de ses
murs, sur toute la chaîne de
valeur, via les relations économiques
avec un fournisseur ou encore les re-
lations politiques au sein d’un ancrage
territorial. C’est le concept de sphère
d’influence.
Le marketing n’a donc pas de rôle
à jouer dans la mise en œuvre de
l’ISO 26000.
Ce sujet est très impor-
tant et il sera traité régu-
faux lièrement dans les pages
de Décisions durables.

La norme ISO 26000

marque un tournant
symbolique majeur dans
le rapprochement entre
marketing et développement
durable. Elle induit des
actions qui doivent être
intégrées dès aujourd’hui.
La nouvelle norme a de quoi ré-
jouir les marketeurs désireux d’in-
troduire plus de durabilité dans
leur métier. Pourquoi ?
D’une part, la consommation
durable est identifiée pour la
1re fois sur un plan international
comme une des responsabilités
tremplin pour un
nouveau marketing
aux côtés du respect des droits
de l’homme ou encore de l’envi-
ronnement.
Le marketing, cité à de nombreu-
ses reprises dans le texte officiel,
est interpellé sur différents domai-
nes d’action :
A - Bonnes pratiques en matière
vie privée des consommateurs
F - Accès aux services essentiels
G - Éducation et sensibilisation.
Si les points A, B, D, E et F sont
traditionnellement abordés dans
les législations locales à travers
les règles de droit commercial, les
Décisions durables n°5 dec. 10 - janv. 11

clefs de l’entreprise ; de marketing, d’informations lois de protection des consomma-

d’autre part, le consommateur
est présenté comme partie pre-
nante de premier plan, alors
qu’il était auparavant souvent
négligé.
Au sein des 7 questions centrales
de la responsabilité sociétale, cel-
les liées aux consommateurs oc-
cupent une place à part entière,
et de contrats
B - Protection de la santé et de la
sécurité des consommateurs
C - Consommation durable
D - S ervice après-vente, assis-
tance et résolution des ré-
clamations et litiges pour les
consommateurs
E - Protection des données et de la
teurs, et les lois sur les données
personnelles (comme en France
la Loi Informatique et Liberté), les
deux autres points renforcent et
formalisent les Principes directeurs
des Nations Unies pour la protec-
tion du consommateur, revus en
1999 pour intégrer les aspects de
développement durable.
69
Durables marketer
ACV indispensable
La consommation durable du
point C, présentée comme la né-
cessaire mise en adéquation de
nos modes de production et de
consommation avec les ressour-
ces disponibles dans le cadre
d’une politique de développement
durable, doit être encouragée à
travers plusieurs axes :
l’utilisation de l’analyse de cycle
de vie pour optimiser la concep-
tion des produits et services
proposés sur le marché ;
la mise à disposition d’infor-
mation sur tout ce cycle de vie,
en tenant compte des impacts
sociétaux et environnementaux,
pour révéler aux consomma-
teurs « les impacts de leurs choix
de style de vie sur leur bien-être
et sur l’environnement ».
La consommation durable ne
pourra donc pas se faire sans un
marketing de processus (cycle de
vie, éco-conception…) favorisant
une plus grande transparence en
direction de consommateurs sen-
sibilisés à ces sujets. Les expéri-
mentations sur l’étiquetage envi-
ronnemental, issues du Grenelle,
pourraient être un élément mo-
teur de consommation durable,
à condition que ces mesures
intègrent le point de vue et les
connaissances des consomma-
teurs eux-mêmes.
Information et publicité
L’éducation et la sensibilisation
évoquées en G soulignent la né-
cessité d’une réelle pédagogie
client. L’étiquetage environne-
mental, les informations du pac-
kaging et des manuels d’utilisa-
tion, les indications sur la mise au
rebut en fin de vie du produit…
aucune option n’est oubliée pour
l’aider à consommer avec plus de
responsabilité. Sur le contenu, la
norme va très loin, en incitant à
la transmission non seulement
de savoirs, mais aussi de savoir-
faire, en précisant que les orga-
nisations ont « des opportunités
non négligeables de fournir des
informations relatives à contribuer
à assurer une consommation et un
développement durables » en pre-
nant en compte la publicité, le
 point de vente, le packaging
ou encore les hotlines.
Des principes dont on voit quel-
ques premiers signes en B-to-B,
qui avait déjà une tradition de
formation des clients sur de nou-
veaux processus, et qui a parfois
su intégrer la dimension environ-
nementale. Mais encore très peu
d’exemples B-to-C peuvent être
cités.
3 questions à…
émilie Brun
Dd : Quelles sont, pour
vous, les principales
caractéristiques de
la norme ISO 26000 ?
Émilie Brun : L’ISO 26000 est
une norme internationale, qui offre
un cadre-repère pour comprendre
et appréhender la responsabilité
sociétale de la même manière
partout dans le monde. Elle définit
des principes et questions de res-
ponsabilité à prendre en compte
par tous, quelle que soit la nature
des organisations (entreprises,
associations, syndicats, collecti-
vités…), quelles que soient leur
taille ou encore leur localisation.
Cette ambition d’universa-
lité en fait une réelle réfé-
rence pour faire converger
et harmoniser les différentes
approches et outils de la res-
ponsabilité sociétale.
Dd : Quels en sont les
objectifs ?
É. B. : Le 1er objectif est de répon-
dre à la demande des consomma-
teurs de disposer d’une référence
pour leur permettre d’apprécier et
de comparer les déclarations de
responsabilité des entreprises.
Pourtant les résultats du
baromètre TNS Sofres
montrent bien que 80 % des
Français ont un avis négatif
sur la publicité (contre 74 %
en 2009), et que la créativité
autoproclamée des agences
suscite plus d’ennui que
d’intérêt ou de curiosité.
Le marketing doit créer un réel
contenu sur la responsabilité
Émilie Brun est chef de projet ISO 26000
à AFNOR Normalisation, Département
Génie Industriel et Environnement
Pour les entreprises, les collectivi-
tés territoriales, les associations…
l’objectif est de disposer d’éclaira-
ge sur ce qu’est la responsabilité
sociétale et ce qui est attendu par
les différents acteurs d’une orga-
nisation responsable.
Pour les représentants des pou-
voirs publics et les représentants
des travailleurs, l’objectif est que
l’ISO 26000 ne remette pas en
question des textes ou négocia-
tions existants mais vienne ren-
forcer l’application de ces textes,
directement par les organisations.
Par exemple, les conventions de
l’Organisation Internationale du
Travail - OIT - s’appliquent aux
États qui les ont ratifiées. L’ISO
26000 reconnaît la valeur de ces
conventions et invite directement
les organisations à en appliquer
les principes, y compris dans
des pays qui n’ont pas ratifié ces
conventions.
Mais l’objectif de l’ISO 26000 est
surtout de faire progresser la pri-
se de conscience et la nécessité
d’agir, pour limiter les impacts né-
gatifs de nos activités et s’inscrire
dans une perspective d’un monde
durable.
sociétale et mettre en place une stra-
tégie de communication adaptée.
Des principes à l’action
Le marketing version 26000 ré-
sume ainsi une bonne partie des
recommandations destinées aux
marketeurs en proposant des
principes. Reste à savoir comment
les entreprises seront capables de
passer des principes à l’action !
Dd : Quelle
mise en
place de la
norme est
prévue ?
É. B. : Les méca-
nismes classiques
d’audit et de certifi-
cation ne peuvent pas être
appliqués car il n’y a pas de vé-
rification à conduire mais plutôt
une logique d’évaluation à mettre
en place.
On va certainement faire face à
une première période d’appropria-
tion de l’ISO 26000 un peu chaoti-
que pendant laquelle, à défaut de
solutions de référence, des pra-
tiques diverses vont voir le jour,
de la part des entreprises comme
des prestataires de services.
Afin d’apporter des repères de
Décisions durables n°5 dec. 10 - janv. 11
mise en œuvre, la commission
Afnor sur la responsabilité so-
ciétale travaille à la création de
documents méthodologiques, de
cadrages des pratiques de recon-
naissance des démarches. Elle
met également en place un ob-
servatoire sur la façon dont l’ISO
26000 va être utilisée et comprise
par les acteurs français.
71