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Annales de réadaptation et de médecine physique 47 (2004) 356–364

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Analyse de la littérature

La pubalgie : du diagnostic au retour sur le terrain


Pubalgia: from diagnosis to return to the sports field
P.L. Puig *, P. Trouve, L. Savalli
CERS, 83, avenue de Lattre-de-Tassigny, 40130 Capbreton, France
Reçu le 6 mai 2004

Résumé

Objectifs. – Présenter les données de la littérature sur la pubalgie.


Méthodes. – Nous avons utilisé la banque de données Medline. La plupart des publications sont empiriques et s’appuient uniquement sur
l’expérience des auteurs. Il n’existe aucun travail scientifiquement valable reposant sur une étude randomisée et contrôlée.
Résultats. – La pubalgie est reconnue comme une entité clinique de diagnostic et de traitement difficile. La pathogénie de ce syndrome
douloureux du carrefour inguinopubien n’est pas élucidée, mais l’hypothèse d’un déséquilibre musculaire semble avoir la faveur de nombreux
auteurs. Il est difficile d’établir un diagnostic adéquat fondé sur des signes cliniques précis et des examens complémentaires performants. C’est
généralement un diagnostic d’élimination des autres pathologies de la région symphysaire. Le traitement médical est difficile. Il nécessite une
approche globale de la pathologie et une bonne adhérence du sportif au programme de rééducation. Son but est de diminuer la douleur,
d’améliorer force et souplesse, de restaurer la fonction perdue et de prévenir les rechutes. Le traitement chirurgical, lorsque les indications sont
bien posées, donne d’excellent résultats.
Conclusion. – D’autres travaux sont indispensables pour apprécier l’incidence de cette pathologie, son évolution naturelle, la fiabilité des
tests cliniques, la pertinence des examens complémentaires, et surtout une étude prospective randomisée pour déterminer le traitement
optimum.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Objectives. – To review reports of the diagnosis and treatment of groin pain (pubalgia) on the basis of anatomical considerations,
epidemiology and pathogenicity.
Methods. – We searched the Medline database using the key words groin injury, groin pain, and symphisis syndrome for information on
groin pain.
Results. – Despite the limitations of this study, athletic pubalgia appears to be a real diagnosis, with a long duration of symptoms and a
therapeutic challenge. The pathophysiologic processes of this lower abdominal pain resulting from over use is unclear, but muscular imbalance
might be involved in the pathogenicity. There is no consensus on the diagnostic criteria and the role of imaging (magnetic resonance imaging).
Physicians should eliminate the diagnosis of hip and groin injuries in athletes. Specific rehabilitation should include eliminating the
pain-triggering factors, increasing the limited flexibility, and strengthening the abdominal muscles and adductor muscles. The multidiscipli-
nary team’s goal is to restore function and prevent recurrence. Successful surgical repair is predictable in well-selected patients.
Conclusion. – Further studies are required for better assessment of incidence, the natural course of groin pain, and optimal clinical
evaluation in screening patients. Overall, a large prospective randomized study of athletes with groin pain would help determine optimal
treatment.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Pubalgie ; Diagnostic ; Traitement ; Réhabilitation ; Prévention

Keywords: Groin pain diagnosis; Treatment; Rehabilitation; Prevention

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : p.l.puig@cers.org (P.L. Puig).

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.


doi:10.1016/j.annrmp.2004.05.003
P.L. Puig et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 47 (2004) 356–364 357

1. Introduction sportifs sont hétérogènes (sports pratiqués, niveau sportif,


heures de pratique...). La définition même de ce syndrome est
La pubalgie est un syndrome douloureux de la région variable. Certains regroupent sous le terme pubalgie plu-
inguinopubienne qui touche le sportif de pratique régulière. sieurs formes cliniques alors que d’autres sont plus unicistes.
Il s’agit d’une pathologie de surmenage s’exprimant dans un Les traitements médicaux sont multiples et leur durée d’ap-
contexte anatomique et biomécanique particulier. La symp- plication variée. Le traitement chirurgical et plus particuliè-
tomatologie douloureuse est multiple ce qui a donné lieu à de rement la technique décrite par NESOVIC donne d’excel-
nombreuses classifications cliniques. Le démembrement de lents résultats lorsque l’indication est bien posée.
ce syndrome en formes anatomocliniques distinguant une
pathologie des adducteurs, une ostéoarthropathie pubienne et
une pathologie pariétale abdominale tend à compartimenter 3. Résultats
artificiellement une pathologie du complexe ostéomusculo-
tendineux inguinopubien. 3.1. Définition
Il semble préférable d’évoquer un syndrome de surme-
nage d’une entité biomécanique, le carrefour inguinopubien, La première description de cette pathologie est faite en
spécifique de certaines activités sportives, de causes multi- 1932 par l’italien Spinelli [29] qui publie un article sur une
factorielles, et d’expressions cliniques variées. La pathogé- nouvelle maladie sportive : la pubalgie de l’escrimeur. Pour
nie de cette affection est loin d’être élucidée, mais beaucoup cet auteur, l’origine de ce syndrome vient des sollicitations
d’auteurs sont en faveur d’un déséquilibre musculaire entre du pied arrière en abduction et rotation externe.
d’une part des adducteurs puissants et rétractés, et d’autre Depuis, de nombreux auteurs se sont intéressés à cette
part des muscles larges de l’abdomen trop faibles. La répéti- pathologie typique du sportif masculin avec une opposition
tion des contraintes sur ce complexe anatomique affaibli de style entre les auteurs européens qui centrent la sympto-
permet l’émergence de la symptomatologie douloureuse. matologie sur le pubis et les auteurs américains qui la focali-
D’où l’importance de la prévention de cette pathologie dans sent sur l’aine (Groin pain). Quoiqu’il en soit un certain
la pratique sportive en mettant en place une prise en charge consensus ressort de la littérature pour parler d’une patholo-
multidisciplinaire associant équipe médicale et staff techni- gie dont l’expression est principalement une douleur ingui-
que. nopubienne survenant chez le sportif de pratique intensive
Le traitement conservateur se fait selon deux axes : calmer dans un contexte anatomique particulier.
les phénomènes douloureux et rééquilibrer la balance mus- Benezis [3] définit la pubalgie comme un syndrome dou-
culaire en diminuant l’hypertonie des adducteurs et en ren- loureux de surmenage du carrefour inguinopubien survenant
forçant la sangle abdominale. En cas d’échec d’un traitement de façon progressive en fin d’entraînement ou de compétition
médical bien conduit une solution chirurgicale peut être chez des sportifs jeunes soumis à un entraînement intensif
proposée. Son principe est le même : renforcer la paroi quotidien et à des gestes techniques particuliers (shoots,
abdominale et/ou relâcher les tensions excessives des adduc- tacles, écarts latéraux, contre-pieds...).
teurs. Ce syndrome algique abdominopubocrural est d’étiologie
multifactorielle et correspond à plusieurs types de lésions
intriquées osseuses, tendineuses, musculaires qui intéressent
2. Méthodes la symphyse pubienne, les muscles larges et les grands droits
de l’abdomen, les adducteurs.
Nous avons réalisé une revue de la littérature sur Internet
en nous intéressant aux travaux dédiés à la pubalgie chez le
sportif. Cette recherche s’est faite avec un moteur de recher- 4. Anatomie et biomécanique
che en utilisant comme mots clés : pubalgie et sport . Nous
avons également interrogé la banque de données de la Natio- L’articulation symphysaire est une amphyarthrose consti-
nal Library of Medicine (Medline), avec comme mots clés : tuée d’un fibrocartilage interarticulaire et maintenue par un
Groin injury, Symphisis syndrome, Groin pain. manchon fibreux renforcé par un puissant système ligamen-
À partir des articles sélectionnés nous avons pu obtenir taire.
d’autres références bibliographiques et rechercher de nou- Les muscles de la paroi antérolatérale de l’abdomen sont
veaux travaux. constitués d’une part par le rectus abdominis (grand droit) et
Nous avons essayé de distinguer les études en fonction du le pyramidalis abdominis (muscle inconstant) qui sont para
niveau de preuves qu’elles apportent. Nous n’avons retrouvé médians et d’autre part par l’obliquus externus abdominis
aucune étude randomisée et en aveugle comparant l’effet des (grand oblique) l’obliquus internus abdominis (petit oblique)
différents traitements. Beaucoup de travaux donnent des in- et le tranversus abdominis qui sont antérolatéraux [25].
formations partielles et n’apportent pas de données quanti- Les piliers internes et externes de l’obliquus externus
fiées. Ils font surtout l’état des connaissances des auteurs sur abdominus ménagent un espace triangulaire à base infé-
cette pathologie. L’analyse est difficile car les groupes de rieure : le canal inguinal. Le pilier externe s’attache sur
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l’épine du pubis, recouvrant les attaches du pilier interne du trop faible le bassin bascule en avant entraînant une hyperlor-
côté opposé et se termine sur l’aponévrose du gracilis de la dose. Le transversus abdominis comprime les viscères et en
cuisse (Rouviere d’après gilis [28]). Il existe donc une conti- stabilisant la ligne blanche il facilite l’action des muscles
nuité fonctionnelle entre l’obliquus externus abdominis et les antérolatéraux de l’abdomen. Son déficit entraîne une protru-
adducteurs de la cuisse. Le pilier interne de l’obliquus exter- sion de la paroi abdominale qui tend indirectement à accroî-
nus abdominis passe en avant de l’extrémité inférieure du tre la lordose lombaire. Les faisceaux latéraux de l’obliquus
Rectus abdominis et du pyramidalis, s’entrecroise sur la externus abdominus fléchissent le tronc; leur action est pré-
ligne médiane avec celui du côté opposé et se termine sur la valente sur le rachis lombaire, ce qui provoque une bascule
face antérieure du pubis sur l’épine pubienne du côté opposé. du bassin en rétroversion.
La paroi inférieure du canal inguinal est formée par l’ar- On l’aura compris aux vues de ces arguments, il existe un
cade crurale, corde fibreuse tendue entre l’épine iliaque anté- complexe « abdominopubfémoral » tant anatomique où l’in-
rosupérieure et l’épine du pubis, elle est surtout constituée sertion du gracilis et de l’adductus longus se confond avec
par les fibres de l’aponévrose de l’obliquus externus abdomi- l’insertion de l’obliquus externus et du rectus abdominus que
nis. La paroi postérieure du canal est complexe. Elle est biomécanique avec une synergie musculaire stabilisatrice du
formée par le tendon conjoint qui est une lame tendineuse bassin. Les déficits de ce complexe fonctionnel vont entraî-
provenant de la réunion des fibres de l’obliquus internus et du ner une instabilité fonctionnelle, qui va faire le lit de la
transversus abdominis, par le ligament de Henle et le fascia pathologie.
transversalis. C’est le point faible du canal inguinal.
Les muscles de la cuisse sont constitués par un plan
profond l’adductor magnus (grand adducteur) un plan moyen 5. Épidémiologie et pathogénie
l’adductor brevis (petit adducteur) et un plan superficiel le
pectinéus, l’adductor longus (moyen adducteur) et le gracilis. La pubalgie touche l’adulte jeune sportif de pratique in-
L’insertion de l’adductor longus se fait à l’angle du pubis et à tensive. Pour Benazzo [2] l’incidence est entre 2 et 5 % pour
la face inférieure de l’épine pubienne. Le tendon déborde en tous les sports. Les femmes sont épargnées, la pubalgie est
dedans la limite interne du pubis et se confond en avant de la rarissime chez l’athlète féminine. Ce sont plutôt les sportifs
symphyse pubienne avec des éléments tendineux des mus- aux extrêmes de leur carrière soit entre 17 et 18 ans ou entre
cles voisins – rectus abdominis, pyramidalis, obliquus exter- 30 et 35 ans qui sont préférentiellement atteints.
nus – pour former l’amas tendineux prépubien ou présym- Certains sports prédisposent plus particulièrement à la
physaire [28]. Il y a donc une continuité tendineuse entre la pubalgie ; c’est le cas du football, qui est le sport le plus
paroi abdominale et les adducteurs. Bonnel [6] parle du couramment rencontré. Dans la littérature scandinave l’inci-
complexe articulaire fémorocoxosacropubien et de son fonc- dence des traumatismes de la région pubienne est de dix à
tionnement mécanique particulier dans les activités sporti- 18 traumatismes pour 100 footballeurs par an [16]. Pour
ves. Christe [9], il existe chez le footballeur un déséquilibre entre
La symphyse pubienne est un carrefour musculaire soli- adducteurs et muscles obliques de l’abdomen. L’hypertonie
darisant les muscles du tronc et des cuisses et où s’exercent des adducteurs s’explique par l’utilisation constante de ces
d’importantes forces transférées entre le rachis et les mem- muscles dans la conduite de la balle, la passe latérale, le shoot
bres inférieurs. Le centre de gravité du corps est localisé dans de l’intérieur, mais également pour stabiliser le bassin en
le pelvis en avant de S2. Les forces générées ou transférées appui unipodal lors de la frappe. Le tacle est un geste prédis-
dans cette zone sont importantes lors de l’activité physique. posant car il provoque une adduction forcée avec mise en
À titre d’exemple les contraintes générées sur la hanche tension de l’adductor longus et du gracilis, mais également
lors d’un footing sont égales à huit fois le poids du corps [1]. une bascule postérieure du bassin avec mise en tension du
Les adducteurs, et en particulier l’adductor longus et le rectus abdominis.
gracilis, sont d’importants stabilisateurs du bassin, en appui Mais d’autres sports sont incriminés comme le rugby, le
unipodal. Ces deux muscles sont particulièrement vulnéra- hand-ball, le ski de fond, l’escrime, le tennis, le basket, la
bles lorsque l’on associe une extension du genou à une course sur route.
flexion–abduction–rotation externe de la hanche, ce qui est le Lorentzon [19] trouve que la pathologie pubienne repré-
geste du tacle au football [16]. Dans l’activité sportive, le sente 10 % de toutes les lésions rencontrées dans le suivi des
contrôle de la flexion, de l’adduction et de la rotation de la joueurs de hockey sur glace suédois de haut niveau. Mölsä
cuisse nécessite une coactivation entre la paroi abdominale, [24] insiste sur la fréquence des lésions des adducteurs qui
les fessiers et les ischiojambiers pour contrôler en perma- représente 43 % de toutes les lésions musculaires des hoc-
nence la bascule du bassin (anté- et rétroversion) et la posi- keyeurs finlandais de haut niveau.
tion du rachis lombosacrée. La faiblesse de ces muscles ou Grote [14] a fait une étude sur 296 nageurs de compétition
une endurance insuffisante entraîne une instabilité fonction- pour connaître l’incidence de la pubalgie chez les nageurs de
nelle et un surmenage des différentes structures [5]. la brasse qui mettent des contraintes excessives sur les ad-
Les abdominaux travaillent principalement en statique, ducteurs lors de la propulsion finale où il existe une adduc-
leur rôle est de stabiliser le bassin. Si le rectus abdominis est tion forcée sur un genou fléchi en position de valgus avec le
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pied en rotation externe. Il trouve que 42,7 % des « bras- région pelvienne le matin, et au début de l’activité physique;
seurs » ont été obligés d’arrêter leur entraînement dans l’an- puis raideur et douleur disparaissent pour réapparaître à la fin
née. Ils manquent en moyenne 11,5 entraînements à cause de de l’activité. La douleur est augmentée par la toux, la
douleurs sur les adducteurs. manœuvre de Valsava, l’appui unipodal, les accélérations, les
L’origine de cette pathologie est encore obscure et discu- changements de direction, la frappe de la balle, le tacle.
tée.
Pour Renströn [26] la cause de la pubalgie est une atteinte 6.2. L’inspection
de l’adductor longus dans 62 % des cas. Lovell [20] qui a
Cette pathologie s’exprime préférentiellement chez des
étudié 189 cas de pubalgies chroniques a constaté, dans 30 %
sportifs avec un morphotype bréviligne, une attitude en hy-
des cas, des lésions des adducteurs et dans 20 % des cas une
perlordose, une antéversion du bassin, une hypotonie abdo-
ostéite pubienne.
minale centrée sur les obliques, et une hypertonicité des
De nombreux auteurs pensent que l’origine des douleurs
cuisses avec des adducteurs puissants et rétractés. Il faut
est due à un déséquilibre musculaire dans la stabilisation du
rechercher un signe de Malgaigne c’est-à-dire une voussure
bassin (déséquilibre entre des adducteurs forts et rétractés et
au dessus de l’arcade crurale apparaissant lors de la manœu-
une paroi abdominale faible).
vre de Valsava, et traduisant une déhiscence de la paroi
Pour Biedert [5] la pubalgie est la conséquence d’une aine
antérolatérale de l’abdomen.
faible avec une anomalie d’insertion du rectus abdominis
avec une aire d’attachement sur le pubis petite et une défi- 6.3. L’examen clinique
cience du mur postérieur du canal inguinal sans signe d’her-
nie. L’anneau inguinal externe est ouvert, l’aponévrose de C’est un véritable examen programmé qui va s’intéresser
l’obliquus externus et le fascia transversalis sont faibles. Les à la sangle abdominale, au rachis lombosacré, à la ceinture
sportifs se plaignent d’une douleur latérale à la gaine du pelvienne (bassin et hanche) et aux muscles de la cuisse. Il
rectus abdominis interne au ligament inguinal qui se produit permet la recherche des zones douloureuses par la palpation
lorsque péritoine bouge dans cette déhiscence à cause d’une directe ou par la réalisation de tests sollicitant les abdomi-
hyperpression pendant l’activité sportive. naux, le pubis ou les adducteurs.
Pour Meyers [23] la composante douloureuse sur les ad- L’examen du bassin recherche une douleur à la mise en
ducteurs dans la pubalgie trouve sa cause dans les lésions de compression du pubis, et à la manœuvre d’écartement et de
l’insertion basse du rectus abdominis qui vont entraîner une rapprochement des ailes iliaques.
bascule antérieure du bassin, ce qui augmente les contraintes L’examen de la paroi abdominale recherche une douleur à
sur les adducteurs. Il évoque une hyper pression dans le l’insertion distale du rectus abdominis, de l’obliquus exter-
compartiment des adducteurs. C’est la raison pour laquelle, nus et internus lors du testing de ces muscles en concentrique
selon lui, la réparation chirurgicale de la sangle abdominale et en excentrique. La palpation des orifices externes du canal
fait habituellement disparaître les douleurs sur les adduc- inguinal est primordiale. Après avoir inversé le scrotum on
teurs. place un doigt examinateur dans l’anneau inguinal et on note
sa largueur (normale ou augmentée), sa sensibilité, son com-
portement lors des efforts de toux et de poussée.
6. Examen clinique L’examen des adducteurs recherche une douleur à la pal-
pation de l’insertion haute, lors de l’étirement maximal et
6.1. La douleur lors de la contraction concentrique et excentrique.
L’examen se termine par l’examen du rachis lombaire et
C’est la principale forme d’expression de la pathologie. Sa des hanches. On apprécie la mobilité du rachis et son indo-
forme d’apparition est variable. Le plus souvent (dans 70 % lence. On centre plus particulièrement l’examen sur la char-
des cas selon Gilmore [13]) elle s’installe de manière pro- nière dorsolombaire à la recherche des signes décrits par
gressive, sans facteur déclenchant précis, de manière insi- Maigne [21] dans le cadre du syndrome cellulotenomyalgi-
dieuse. À la fin d’un entraînement ou d’un match le patient que. L’examen des coxofémorales recherche une limitation
ressent une gêne qui va s’accentuer progressivement. À l’in- des rotations et une douleur en flexion rotation interne.
verse, mais plus rarement (30 % des cas), il existe une notion Certains auteurs dans les années 1980 ont proposé de
de traumatisme déclenchant avec une date précise d’appari- distinguer différentes formes cliniques de la pubalgie. Brunet
tion des phénomènes douloureux et une entrée plus bruyante [7,8] distingue trois formes d’expression : la maladie des
dans la symptomatologie. Ce début brutal survient lors d’un adducteurs, l’ostéoarthropathie pubienne microtraumatique
mouvement d’adduction forcée–rotation externe, ou lors et la pathologie pariétale abdominale. En réalité cette classi-
d’un changement de direction, ou d’une frappe de balle. fication est trompeuse car les différents tableaux peuvent être
Typiquement il s’agit de douleurs de la région inguinale intriqués. Elle a tendance à fragmenter une pathologie qui a
survenant à l’effort, le plus souvent unilatérales, irradiant une base anatomique commune, des causes biomécaniques
vers l’abdomen, la face antéro-interne des cuisses, les testi- identiques, et une pathogénie centrée sur un déséquilibre
cules, le périnée. Le sportif ressent raideur et douleur de la musculaire.
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7. Imagerie flammatoires ou infectieuses, les atteintes du système génito-


urinaire, les pathologies neurologiques périphériques (com-
Le bilan radiologique, avec un cliché du bassin de face, pressions nerveuses), les tumeurs, les douleurs référées
peut mettre en évidence des signes d’arthropathie pubienne d’origine lombaire, les douleurs de coxarthrose débutante, la
parfaitement décrits par Durey et Rodineau [11] qui ont pathologie musculotendineuse locale.
classé ces images en différents stades évolutifs et par Brunet Les syndromes de compression nerveuse peuvent attein-
[7,8] qui propose une classification en quatre stades diffé- dre les nerfs ilio-inguinal, cutané–fémoral, fémoral, périnéal
rents. Mais il n’existe pas de parallélisme radioclinique. Une et génitofémoral. Une compression du nerf obturateur est
radiographie normale n’élimine pas le diagnostic et certaines relativement fréquente dans les sports associant frappe de
arthropathies pubiennes évoluées sont totalement asympto- balle, course, changement de direction. Une inflammation
matiques. Harris et Murray [15] ont fait une étude compara- locale du fascia entraîne une compression de la branche
tive entre des sujets sportifs avec des signes cliniques de antérieure du nerf obturateur lorsqu’il passe au-dessus de
pubalgie et une population témoin. Il existe 45 % d’anoma- l’adductor brévis. Le patient se plaint de douleurs profondes
lies radiologiques sans signe clinique dans la population référées à la région d’insertion des adducteurs, exacerbées
témoin. Les anomalies radiologiques sont corrélées au ni- par l’exercice et parfois de paresthésies irradiant vers la
veau sportif, 53 % des atteintes sont retrouvées chez les partie interne de la cuisse et accompagnées d’une faiblesse
athlètes de haut niveau et 9 % chez les sédentaires. des adducteurs avec des contractures [2]. Les lésions osseu-
Les clichés en appui monopodal recherchent une instabi- ses vont de l’ostéite pubienne à la fracture de fatigue du
lité symphysaire qui est affirmée s’il existe un décalage bassin ou de la tête fémorale, en passant par l’ostéochrondrite
vertical de plus de quatre minutes des branches horizontales disséquante, l’ostéomyélite et les tumeurs.
du pubis. Parmi les causes musculotendineuses locales, un muscle
La radiographie des hanches est systématique pour élimi- est fréquemment impliqué dans les douleurs pubiennes c’est
ner une coxarthrose débutante [22]. le psoas-iliaque. Il peut exister des lésions à sa jonction
La scintigraphie osseuse au technétium peut être deman- myotendineuse, ou un conflit avec la capsule articulaire de la
dée pour juger de l’évolutivité des lésions symphysaires coxofémorale, ou une bursite profonde, ou une pathologie
constatées à la radiographie. Une hyperfixation serait en d’insertion sur le petit trochiter. L’examen retrouve une dou-
faveur d’une évolutivité des lésions. Gaucher [12] a montré le leur à la palpation de la région juste au-dessus de l’arcade
manque de spécificité de cet examen, de nombreuses patho- crurale, latérale à l’artère fémorale et médiale au sartorius.
logies peuvent se traduire par des images d’hyperfixation. Le test de Thomas évalue la rétraction du psoas et sa sensibi-
L’échographie peut être pratiquée à la recherche de lé- lité à l’étirement. Le signe de Ludloff évalue la douleur à la
sions musculaires avec zones hyper ou hypoéchogénes, de contraction spécifique du psoas. Il se recherche sujet assis,
perte de la continuité des fibres musculaires et de lésions au hanche fléchie à 90°, jambe tendue, le sujet doit décoller le
niveau des insertions osseuses. C’est un examen peu coûteux, talon de la table.
c’est un examen dynamique qui permet une comparaison Les tendinopathies d’insertion de la région abdominopu-
avec le côté opposé. bocrurale posent un problème diagnostic car elles peuvent
L’IRM est la seule technique d’imagerie capable d’étudier être éventuellement associées à un tableau typique de pubal-
simultanément l’état osseux des hanches et du pubis, le gie. Le diagnostic se fait sur des arguments cliniques (dou-
fibrocartilage de la symphyse, les insertions tendineuses des leur à l’étirement du muscle concerné, douleur à la palpation
adducteurs et des muscles larges de l’abdomen sur le pubis. de son insertion, douleur lors de la contraction analytique) et
Dans le contexte spécifique de pubalgie du sportif l’IRM sur des arguments paracliniques (échographie, IRM).
n’est pas un examen de routine mais un examen de choix.
Elle permet d’effectuer un bilan lésionnel complet lors de
douleurs chroniques d’étiologies mal élucidées et ne répon-
9. Le traitement médical
dant que partiellement à un traitement médical. L’IRM peut
permettre d’affiner la stratégie chirurgicale en identifiant une
9.1. Principes
enthésopathie des adducteurs associées à l’insuffisance de la
paroi abdominale [4].
Les principes généraux du traitement conservateur repo-
sent, avant tout, sur l’adhérence du sportif à la thérapeutique
8. Diagnostic différentiel proposée. La question récurrente du sportif n’est pas « quand
est ce que je serai guéri ? » mais, « quand est ce que je vais
Le diagnostic de pubalgie est un diagnostic d’élimination. rejouer ? ». L’athlète doit être informé des structures anato-
Les signes cliniques manquent de spécificité en raison de la miques impliquées dans sa pathologie et doit avoir une bonne
grande complexité anatomique de la région pubienne et de compréhension des mécanismes qui l’ont provoquée et des
son innervation très riche. délais de cicatrisation. Le sportif doit réduire son niveau
Il faut éliminer les pathologies de la paroi abdominale d’activité et éviter tout exercice qui déclenche la douleur.
(hernies crurales et inguinales), les pathologies osseuses in- Cela ne veut pas dire une inactivité totale. Il faut trouver une
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activité fonctionnelle éventuellement de haute intensité mais 9.4. Améliorer la vascularisation locale
totalement indolore.
La rééducation se fait avec une progression par palier et Il est généralement admis qu’une augmentation locale du
flux sanguin au niveau d’un muscle ou d’un tendon blessé
avec un suivi constant. C’est une progression en marche
améliore le métabolisme local et le processus de cicatrisa-
d’escalier [10]. On ne passe à l’étape suivante que si les
tion. On peut améliorer la vascularisation locale par diffé-
objectifs du palier sont atteints. Le temps passé à chaque
rents moyens physiques : ultrasons, chaleur locale, massa-
palier dépend de la possibilité de l’athlète de réaliser les
ges, ondes de choc ; mais aussi par une activité physique peu
exercices et non du temps écoulé depuis la blessure. Le suivi
intense et un travail musculaire local avec de faibles charges
de rééducation est constant pour adapter en permanence la
et de multiples répétitions (30 à 40) avec une période de
charge de travail à la symptomatologie.
récupération entre deux contractions qui est le double du
Le moment crucial est la reprise de la course à pied qui
temps de la contraction.
doit se faire avec une progressivité dans l’intensité, dans le
type de course réalisée et le type de surface utilisée. 9.5. Le renforcement de la sangle abdominale

9.2. Éliminer ou diminuer la douleur Certaines douleurs pubiennes sont en rapport avec une
faiblesse de la paroi abdominale en général et des obliquus
C’est la base du traitement. La douleur est le seul indica- abdominis en particulier. Ce déficit de la sangle abdominale
teur pour quantifier les progrès de la rééducation. Si la dou- est souvent associé à un déficit des extenseurs du rachis. Il
leur ne diminue pas, la confiance dans la thérapie sera per- faut renforcer ces muscles en évitant de solliciter les fléchis-
due. Les moyens sont nombreux et variés, preuve de la seurs de hanche. En effet, le pectinéus, l’adductor brevis et
difficulté de la tâche. Sur le plan de la pharmacopée on peut longus ainsi que les faisceaux issus de la branche ischio
utiliser les antalgiques, les AINS, les myorelaxants, les cor- pubienne de l’adductor longus sont des adducteurs mais
ticoïdes. Certains auteurs proposent la réalisation d’infiltra- également des fléchisseurs de hanche. Il faut donc limiter
tion de corticoïdes au niveau de l’insertion des adducteurs ou l’amplitude de travail des abdominaux pour éviter la contrac-
de la symphyse pubienne (technique de criblage de la sym- tion parasite des fléchisseurs de hanches et par la même la
physe). Cette thérapeutique est très discutée tant au niveau de sollicitation des adducteurs qui peuvent pérenniser les dou-
son indication que sur ses conséquences à long terme. leurs. On peut réaliser des exercices de flexion antérieure du
Les techniques sédatives de rééducation sont largement tronc exécutés lentement par décollement de la tête et des
employées. Elles associent massages transverses profond, épaules à partir du décubitus dorsal. Lorsque le sujet enroule
cryothérapie, physiothérapie sédative et électrothérapie. le thorax jusqu’à la limite du décollement des omoplates du
plan d’examen et maintient cette position pendant trois à cinq
9.3. Éliminer les facteurs déclenchant la douleur secondes on a une intense activité au niveau de tous les
abdominaux. Le travail isométrique est à privilégier car les
Il faut éliminer tous les mouvements ou tous les exercices abdominaux dans la pratique sportive ont pour action princi-
qui vont déclencher la douleur. Par extension on élimine tous pale de stabiliser le bassin. Il faut solliciter alternativement
les mouvements qui vont entraîner des contraintes répétitives les insertions hautes et basses et varier les angles de travail.
au niveau des tendons s’insérant sur le bassin. Il faut donc Les exercices de bascule du bassin et de glissé de jambe sont
modifier le niveau d’activité physique du sportif, en évitant intéressants. Le sujet est en décubitus dorsal genoux fléchis
toute sollicitation douloureuse de la région. et mains derrière la nuque. La contraction des abdominaux
Il faut améliorer la mobilité de la hanche et la souplesse (rectus abdominis et faisceaux externes de l’obliquus exter-
des muscles périarticulaires dans une indolence complète. La nus) entraîne une bascule postérieure du bassin qui amène le
symptomatologie douloureuse entraîne progressivement une rachis lombaire au contact avec la table d’examen. Le sujet
limitation de la mobilité et des rétractions musculotendineu- doit maintenir cet aplatissement du segment lombaire et son
ses qui peuvent par la suite entretenir la symptomatologie. contact avec la table tout en faisant glisser les talons sur la
On retrouve souvent une limitation des rotations de hanche table jusqu’à l’extension complète, puis ramener les genoux
en particulier de la rotation interne et une tendance au fles- en flexion en ramenant un talon puis l’autre.
sum de hanche. Si leur étirement est indolore il faut réaliser Progressivement un travail dynamique des abdominaux
un stretching des adducteurs, du psoas iliaque, des pelvitro- sera introduit, d’abord en concentrique en course interne puis
chantériens, des ischiojambiers et du quadriceps. en course externe, puis en excentrique.
Il s’agit d’étirements longs (30 à 60 secondes) avec utili- La tonification des spinaux a pour but d’améliorer le
sation de techniques comme le contracté relâché. contrôle statique du bassin et éviter la bascule antérieure du
Dahan [10] pense qu’il existe une faiblesse des rotateurs bassin. C’est la raison pour laquelle on réalisera des exerci-
externes et des abducteurs de hanche qui entraîne hypertonie ces isométriques puis un renforcement excentrique.
et rétraction des adducteurs avec à la longue une réaction
9.6. Le renforcement des adducteurs
inflammatoire sur les tendons des adducteurs. Il insiste sur
l’importance dans un premier temps de renforcer abducteurs La progressivité des exercices est la base du renforcement
et rotateurs externes de hanche. de ces muscles. On commence par des exercices sans résis-
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tance dont le but est d’améliorer la vascularisation locale. La trottine à faible intensité en ligne droite, puis on introduit des
position de travail des adducteurs est importante. On débute éducatifs de course (montée de genoux, de talons) puis un
par une position peu contraignante, hanches et genoux flé- travail de la foulée avant d’aborder la course rapide, puis le
chis, pour aller vers la position la plus exigeante, hanches et sprint et au final les changements de rythme.
genoux en extension. La progression des types de course est la suivante course
On initie le travail en dynamique en concentrique d’abord en ligne droite, puis course légèrement chaloupée, course en
en course interne puis moyenne et enfin en course externe. cercles larges qui se resserrent progressivement, course en
Lorsque le travail concentrique en course externe et les étire- 8 puis changement de direction à angle droit puis angles de
ments sont indolores on peut introduire un travail excentrique plus en plus aigus.
selon le protocole de Stanish [30] avec la même progression La surface de course est importante et nécessite une pro-
c’est-à-dire de la course interne vers la course externe. gression : d’abord travail sur terrain plat et stable, puis travail
Le travail est d’abord axé vers l’endurance avec un nom- sur surface en herbe, puis parcours vallonné...
bre de répétitions élevées, puis vers la vitesse et en fin de Lorsque ces différents paliers sont passés avec succès on
rééducation vers la puissance. réintroduit le travail spécifique du sport pratiqué, par exem-
ple exercices de conduite de balle, puis passes courtes de
9.7. La reprogrammation neuromusculaire l’extérieur du pied puis de l’intérieur, puis frappe de balle.

Elle prépare la reprise sportive. On réalise des exercices de


stabilisation du bassin avec une coactivation des muscles de 10. Traitement chirurgical
la sangle abdominale et des membres inférieurs sur plan
stable puis sur plan instable. On insiste sur le travail de L’ensemble de la littérature s’accorde à penser que le
dissociation tronc–membres inférieurs. C’est un travail fonc- traitement médical est le traitement de première intention
tionnel avec des exercices spécifiques au sport pratiqué. Il d’une pubalgie. Le traitement conservateur permet une gué-
s’agit d’une véritable préparation à la gestuelle sportive. rison dans 80 à 85 % des cas [4,27]. Dans les formes rebelles
à un traitement bien conduit pendant trois mois en moyenne,
9.8. L’entretien articulaire global, la préparation physique une prise en charge chirurgicale peut être proposée.
générale Il existe deux variantes d’interventions : soit une détente
des muscles adducteurs, ceux-ci étant considérés comme
L’immobilisation partielle d’une articulation par des dou- trop forts, soit une remise en tension des muscles larges de
leurs a des conséquences sur les articulations sus- et sous- l’abdomen, ceux-ci étant considérés comme trop faibles.
jacentes. Une lésion d’un membre inférieur diminue le po- La détente des adducteurs peut être réalisée soit par téno-
tentiel du membre lésé mais également celui du membre tomie percutanée soit par abord chirurgical direct pour exci-
controlatéral. Il faut donc réaliser un entretien global du ser les lésions fibrocicatricelles. Cette technique chirurgicale
membre inférieur lésé mais également du membre controla- est actuellement reléguée au second plan, car considérée
téral. comme trop délabrante pour les sportifs de haut niveau.
Une réduction des activités physiques a des répercussions Nesovic a décrit une intervention de rééquilibrage par
sur le plan cardiovasculaire, et sur le plan psychique qui plastie abdominale qui cherche à pallier l’insuffisance des
diminuent les capacités du sportif à faire face à la symptoma- muscles obliques et du canal inguinal et à stabiliser ainsi la
tologie douloureuse. C’est la raison pour laquelle il faut symphyse pubienne en s’opposant à l’action prédominante
maintenir l’intégrité de l’appareil locomoteur et assurer un des adducteurs. Cette intervention se rapproche mais est
entretien cardiovasculaire à l’effort en trouvant des activités différente de la cure de hernie inguinale selon Bassini. L’in-
physiques indolores. tervention comporte un temps de dissection qui met généra-
lement en évidence des fissures longitudinales de l’aponé-
9.9. La reprise des activités physiques vrose de l’obliquus externus et une déhiscence entre le
tendon conjoint et l’arcade crurale [18] et un temps de répa-
Cette reprise doit être progressive. L’équipe médicale doit ration avec un plan profond appelé par Nesovic myofascio-
encadrer le sportif et le staff technique. Il faut doser l’inten- plastie qui consiste à suturer l’extrémité inférieure du rectus
sité des exercices programmés, et éviter de réactiver la symp- abdominis et du tendon conjoint au périoste du pubis homo-
tomatologie. Ce n’est pas parce que le sportif est capable de latéral, et un plan superficiel qui est une suture de l’aponé-
courir dans l’axe qu’il peut reprendre le football avec des vrose superficielle sans tension excessive.
courses rapides, des changements de rythme et de direction. Meyer [23] a publié, en 2000, une étude portant sur
L’athlète doit bénéficier d’un programme spécifique de 157 sportifs ayant bénéficié d’une intervention type Nesovic.
reprise. Ce programme doit être individuel et l’augmentation Le sport pratiqué par ces sportifs est principalement le foot-
des contraintes doit se fait par palier. ball (46 %), le hockey sur glace (17 %), le football américain
La reprise de la course se fait selon des objectifs précis. (13 %) et se sont dans 79 % des cas des joueurs profession-
On débute par un travail à faible allure dans l’axe, le sportif nels ou de haut niveau. Tous présentent des douleurs abdo-
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minales basses à l’effort localisées au canal inguinal et à l’auteur inclut les joueurs de hockey sur glace avec un ratio
l’insertion du rectus abdominis ; 88 % des patients ont des adducteur–abducteur inférieur où égal à 80 % dans un pro-
douleurs à la contraction résistée des adducteurs, 46 % à la gramme spécifique de renforcement des adducteurs (concen-
contraction des abdominaux lors de l’épreuve de redresse- trique, excentrique et fonctionnel) au rythme de trois
ments assis et 36 % ont une sensibilité à l’insertion de sessions par semaine pendant six semaines. Sur les deux
l’adductor longus. années d’étude l’incidence des lésions passe de 3,2 à
Une IRM préopératoire est réalisée pour 95 % des patients 0,71/1000 joueurs exposés.
et ne révèle que dans 9 % des cas une déchirure du rectus La tonification de la sangle abdominale est également
abdominis près de son insertion. primordiale dans la stratégie préventive. Ce renforcement
Sur les 157 patients opérés, 57 % ont une déhiscence du s’adresse bien sûr au rectus abdominis mais surtout à l’obli-
triangle de Hesselbach, 48 % ont de petites lésions de l’apo- quus externus et internus et au transversus qui font partie de
névrose de l’obliquus externus et 17 % une petite aire d’in- la même synergie fonctionnelle que les adducteurs dans la
sertion du rectus abdominus. Associée à la réparation de la gestuelle sportive. Il faut privilégier le travail isométrique des
paroi abdominale, 22 % des patients ont une ténotomie des abdominaux, car dans la pratique sportive leur rôle est de
adducteurs. Le résultat de cette chirurgie est excellent puis- stabiliser le bassin. Il est important de varier les angles de
que 152 athlètes (97 %) ont retrouvé le même niveau de travail et alterner les exercices sollicitant les insertions hautes
performances sportives. et basses.
Biedert [5] dans une étude de plus faible importance Un déficit des rotateurs externes et des abducteurs de
portant sur 24 athlètes évalués jusqu’à 6,6 ans après le geste hanche entraîne hypertonie et rétraction des adducteurs
chirurgical effectué en moyenne 17 mois après le début de la source de réaction inflammatoire de l’insertion des adduc-
symptomatologie a lui aussi des résultats excellents avec des teurs, d’où l’intérêt d’un travail spécifique de ces muscles
scores subjectifs de 10,2 sur une échelle de 12 ; et des scores déficitaires (Dahan [10]).
objectifs de 12 sur un maximum de 13. La reprise de toutes À ce travail spécifique de renforcement il faut également
les activités sportives a été possible chez 23 des 24 athlètes associer des exercices d’étirement des adducteurs,des flé-
opérés. chisseurs et des rotateurs externes de hanche.
La rééducation postchirurgicale doit respecter les délais
de cicatrisation de la sangle abdominale, ce qui demande
d’éviter toutes sollicitations intempestives de la paroi pen- 12. Discussion
dant trois à quatre semaines. Puis on réalisera un travail
d’assouplissement des cicatrices (massages et ultrasons), une Les différents travaux sur la pubalgie manquent de sup-
tonification douce de la sangle abdominale qui peut débuter ports scientifiques. En particulier l’absence d’études pros-
par une électrostimulation et des contractions isométriques et pectives contrôlées et randomisées est préjudiciable pour
des étirements et un renforcement des adducteurs. Puis on appréhender cette pathologie spécifique du sportif masculin
réalise une reprogrammation neuromusculaire avant de réin- de haut niveau. La définition de ce syndrome douloureux du
troduire le footing aux alentours de la sixième semaine pos- carrefour inguinopubien est imprécise. Les processus phy-
topératoire et le travail des gestes techniques spécifiques vers siopathologiques impliqués dans sa genèse sont mal éluci-
la huitième semaine. dés.
Son diagnostic est avant tout clinique, fondé sur l’expé-
rience du praticien après élimination des autres pathologies
11. Prévention locorégionales de la région symphysaire. Les examens com-
plémentaires ne sont guère performants et ils sont principa-
La pathologie de la région pubienne et des adducteurs est lement utiles pour écarter d’autres pathologies pouvant simu-
très fréquente chez les joueurs de hockey sur glace. Tyler ler la symptomatologie de ce syndrome.
[31,32] a mené une étude prospective chez tous les joueurs de Il n’y a pas, dans la littérature, de grands travaux sur
la NHL lors des saisons 1997–1998 et 1998–1999. Sa défini- l’incidence de la pubalgie chez les sportifs, ni d’étude sur
tion lésionnelle est une douleur à la palpation du tendon des l’évolution naturelle de cette pathologie. Il manque égale-
adducteurs au niveau de son insertion osseuse et/ou une ment de travaux sur la fiabilité de l’évaluation clinique des
douleur pubienne pendant une adduction contre résistance. athlètes atteints de pubalgie. Une étude sur la reproductibilité
L’incidence de cette pathologie est de 3,2 lésions/ inter- et intra-examinateur de certains tests cliniques de sou-
1000 joueurs exposés. Les adducteurs des joueurs qui se plesse et de force musculaire de sportifs blessés permettrait
blessent pendant la saison ont une force inférieure de 18 % à d’apprécier les différents traitements et de déterminer des
ceux qui ne se blessent pas. Un joueur à 17 fois plus de critères de reprise sportive.
chance de se blesser les adducteurs si le ratio de force adduc- Surtout on ne retrouve aucune étude prospective contrôlée
teurs–abducteur est inférieur à 80 %. En revanche la sou- et randomisée. Ce type d’étude permettrait de déterminer le
plesse des adducteurs n’est pas associée avec le risque de traitement optimum et de développer des programmes de
blessure de ces muscles. À partir de cette première étude, rééducation fiable. Actuellement la douleur est le seul indi-
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cateur pour quantifier les progrès du sportif et pour juger [9] Christel P, Djian P, Middleton P. Pubalgie. Encycl. med. chir. Paris:
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Un traitement satisfaisant permet la reprise du sport au
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même niveau. La plupart des études n’apportent pas la [11] Durey A, Rodineau J. Les lésions pubiennes des sportifs. Ann Med
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conservateur. Il va de deux à quatre semaines pour certains [13] Gilmore J. Groin pain in the soccer athlete: fact fiction and treatment.
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[13] et jusqu’à six mois pour d’autres [17].
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tifs qui déterminent l’heure chirurgicale ? La stratégie opéra- Med J 1974;4:211–4.
toire est également floue : si un certain consensus se fait sur [16] Holmïch P. Adductor-related groin pain in athletes. Sports Med
l’intervention de Nevosic face à une faiblesse de la paroi Arthroscopy Review 1997;5(4).
abdominale, l’association d’une ténotomie ne repose pas sur [17] Holt MA, Keene JS, Graf BK, Helwig DC. Treatment of osteitis pubis
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des sont nécessaires pour affirmer le diagnostic de ce syn- pseudotendinite des adducteurs. Sem Hop Paris 1981;57:545–54.
drome de surmenage inguinopubien de l’athlète de haut ni- [22] Mansat C, De Ladoucette A. La hanche du sportif. Collection méde-
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