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J. RODINEAU
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S. BESCH
Avec la collaboration de
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J.-B. Courroy, H. De Labareyre, J. De Lécluse, Y. Demarais, B. Fautrel, V. Foltz,
F. Khiami, J.-F. Kouvalchouk, A. Lespine, A. Lippa, G. Morvan, J. Parier, M. Peyre,
M. Raguet, A. Rangel, J. Renoux, B. Riou, E. Rolland, B. Roger, Y. Rouxel,
K. Suprun, P. Thelen, P. Thoreux, D. Zeitoun-Eiss.
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Docteur J. Rodineau
Docteur S. Besch
1
CLASSIFICATION DES LÉSIONS
LIGAMENTAIRES DES ENTORSES
LATÉRALES DE LA CHEVILLE : DE LA
THÉORIE À LA PRATIQUE
J. DE LÉCLUSE*
INTRODUCTION
La corrélation entre la clinique et les lésions anatomiques n’est pas bonne. Dif-
férentes études ont démontré que l’évaluation clinique sous-estimait les ruptures du
ligament talofibulaire antérieur (LTFA) et du ligament calcanéofibulaire (LCF) [4–7].
Pour Van Dijk [8], la sensibilité et la spécificité du diagnostic clinique des lésions
du LCL sont respectivement de 71 % et 33 % lorsque l’examen est réalisé dans les
24 heures et de 89 % et 70 % si l’examen est effectué plus tardivement, entre le 3e et
5e jour après le traumatisme.
Classification de Castaing
Grade II Rupture totale LTFA + LCF Grade II faible Rupture partielle du LCF
Grade III Ruptures totales du LTFA et du Grade III faible Rupture partielle du LTFP
LCF + LTFP
Grade III fort Rupture totale du LTFP
LCF : ligament calcanéofibulaire ; LTFA : ligament talofibulaire antérieur ; LTFP : ligament talofibulaire postérieur.
Cette classification est logique : le degré de gravité croît avec le nombre de fais-
ceaux lésés et selon un ordre chronologique précis : LTFA puis LCF et enfin ligament
talofibulaire postérieur (LTFP), mais elle est incomplète puisque sont oubliées les
lésions isolées du LCF, et les lésions associées du LCF et du LTFP qui surviennent
lors d’un mouvement en varus pur. Cette classification n’est surtout plus adaptée puis-
qu’elle se fonde sur les résultats des clichés dynamiques et/ou de l’arthrographie,
examens radiologiques qui ne sont plus indiqués au stade aigu d’une entorse.
Brasseur et Morvan [10–12] ont proposé une classification d’après leurs consta-
tations échographiques des entorses fraîches et de leurs séquelles. À chaque grade
correspond un ou plusieurs types de lésions capsuloligamentaires (tableau 4).
Cette classification, très précise, inclut les lésions des faisceaux ligamentaires
les plus fréquemment lésés, les lésions de la capsule et du ligament talocalcanéen
interosseux (LTCI). Les lésions du LTFP ne sont pas mentionnées du fait de la diffi-
culté de l’analyser en échographie, mais la lésion de ce ligament est exceptionnelle-
ment isolée et elle s’accompagne généralement d’une rupture du LTFA et/ou du LCF
6 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Grade II LTFA :
(moyenne) – désinsertion/avulsion périostée distale
– ou rupture partielle en plein corps
– ou décollement de son attache proximale
ou
LCF :
– désinsertion/avulsion périostée distale
– ou désinsertion partielle proximale
LCF : ligament calcanéofibulaire ; LCM : ligament collatéral médial ; LTCI : ligament talocalcanéen
inférieur ; LTFA : ligament talofibulaire antérieur.
Classification de Bordet
Bordet [1] propose une classification faisant la synthèse de toutes les lésions ob-
servées en échographie. Les entorses sont classées en 3 grades en fonction du type
de lésion (rupture ou non) et du nombre de ligaments lésés. Chaque grade est divisé
en 3 catégories (A, B, C) selon la présence ou non d’autres lésions ligamentaires de
la cheville et du médiopied (tableau 5).
Cette classification ne retient que 2 types anatomiques de lésions ligamentaires :
persistance ou non d’une continuité ligamentaire. Ainsi, toutes les ruptures partielles
sont assimilées à des élongations, ce qui est très discutable pour certaines localisations
et formes anatomiques. Si cette classification considère des lésions ligamentaires
associées comme facteur aggravant, elle ne précise pas leur nature (étirement ou
rupture) ni leur gravité potentielle.
Au total, ces classifications par l’imagerie mettent en évidence des lésions variées
qui ne sont pas toutes corrélées avec l’examen clinique. Leur écueil est principale-
ment l’obligation d’une imagerie pour établir le diagnostic lésionnel. Des réserves
sont à émettre concernant la fiabilité de l’échographie sur une cheville fraîchement
traumatisée.
CLASSIFICATION DES LÉSIONS LIGAMENTAIRES DES ENTORSES LATÉRALES 7
Grade III Ruptures du LTFA et du LCF Grade IIIA Aucune lésion associée
Classification d’O’Donoghue
Cette classification présente globalement les mêmes inconvénients que les clas-
sifications fondées sur la seule clinique. Elle s’appuie sur des critères cliniques et
fonctionnels peu fiables, identiques à la classification clinique en 3 grades, et sur le
résultat des clichés dynamiques dont on considère à l’heure actuelle qu’ils ne sont
pas à réaliser au stade aigu.
8 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Classification de Trevino
Cette classification est malgré tout incomplète puisqu’elle ne concerne que les
lésions du LFTA et du LCF. Les lésions isolées du LCF, bien que rares, sont oubliées.
La présence de lésions osseuses classe automatiquement l’entorse en grade IV. Le
grade III est divisé en 4 sous-groupes selon que la rupture intéresse uniquement le
LTFA (grade IIIA) ou le LTFA et le LCF, avec ou non une pathologie des tendons
des muscles fibulaires. Contrairement à la classification de Bordet, ne sont pas men-
tionnées les lésions du LTCI et des ligaments du médiopied. Cette classification en
4 grades se rapproche des classifications par la clinique en 3 grades si on applique les
règles d’Ottawa pour la prescription d’un bilan radiographique.
Classification de de Lécluse
Nous avons proposé une classification [3] qui résulte des informations obtenues
par l’examen clinique, l’éventuel bilan radiographique standard et l’échographie. Les
critères qui déterminent la gravité de l’entorse tiennent compte de la localisation
et du type de lésion ainsi que de la présence uniquement de lésions associées qui
majorent la gravité de l’entorse. Sont exclues les lésions qui n’influencent pas le
traitement de l’entorse elle-même ou qui nécessitent un traitement indépendant de
l’entorse talocrurale (tableau 8).
Au total, la difficulté d’application de ces différentes classifications par la cli-
nique et l’imagerie est la nécessité de disposer d’une imagerie complémentaire de
qualité.
Tableau 8 - Classification de de Lécluse
9
Les deux diagnostics différentiels les plus fréquents sont les lésions du ligament
tibiofibulaire antéro-inférieur (TFAI) et les entorses de l’articulation transverse du
tarse. Le diagnostic clinique est facile – si on y pense – du fait des nettes particulari-
tés du mécanisme traumatique et de l’examen clinique.
Une entorse talocrurale latérale peut néanmoins provoquer une lésion du ligament
calcanéocuboïdien dorsal (LCCD) de l’articulation transverse du tarse. Dans le cas
d’un simple étirement du LCCD (grade I), la gravité de cette entorse « talocrurale la-
térale étendue » est celle qui correspond aux lésions de l’articulation talocrurale. En
cas de rupture du LCCD (grade II), soit l’entorse talocrurale est de grade I, et alors
il s’agit d’une entorse transverse du tarse latérale étendue, soit l’entorse talocrurale
est de grade II et, dans ce cas, la classification est celle d’une entorse talocrurale avec
lésions associées.
Les lésions du LTCI sont fréquemment non diagnostiquées en urgence car la
mise en évidence d’une laxité clinique de la sous-talienne est très difficile. C’est ré-
trospectivement que le diagnostic est généralement porté devant la persistance d’une
sensation d’instabilité à la marche sur sol inégal. L’échographie, la tomodensitométrie
12 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
La luxation des tendons des muscles fibulaires est un diagnostic différentiel, mais
une subluxation ou une rupture partielle-fissuration peuvent être associées aux lésions
du LCF avec ou sans lésion du LTFA. Par ailleurs, la présence d’un épanchement dans
la gaine des tendons des muscles fibulaires est généralement associée à une rupture
du LCF. Ces différentes lésions sont classées dans les entorses de grade III ou IV. Du
fait que le traitement d’une luxation ou d’une fissuration est volontiers chirurgical, il
est indispensable d’en faire le diagnostic précocement. La clinique ne permettant pas
avec certitude de différencier une fissuration d’une subluxation d’un tendon fibulaire,
d’autant que ces lésions s’accompagnent souvent d’un épanchement, il est recom-
mandé de vérifier leur intégrité par une imagerie complémentaire.
Classification et imagerie
– chez le blessé chez qui les circonstances de survenue de l’entorse sont sus-
ceptibles d’entraîner une procédure médico-légale, une imagerie complémen-
taire précoce est indispensable. Elle évitera tout litige par la suite sur l’origine
d’éventuelles complications ou séquelles attribuées à un bilan lésionnel initial
incomplet ou erroné.
Cheville Cheville
examinable inexaminable
= tests cliniques = tests cliniques
interprétables ininterprétables
Examen à
J5–J7
Imagerie
(Rx – écho – IRM)
- contexte médico-légal
- sportif haut niveau
- doute sur diagnostic
différentiel
Entorse bénigne Tt « fonctionnel »
(grade I)
Rupture
Entorse partielle Tt « orthopédique »
moyenne (grade II) grade II
grave (grade III)
= ruptures Rupture totale
grade III Tt chirurgical
LTFA ± LCF ± LTFP
Arrachement-
avulsion
Critères Tt spécifique
d'Ottawa positifs
Fracture
Fractures
chondrales Rx
Suspicion clinique Tt spécifique
ostéochondrales IRM
de lésions associées
Lésions
LTCI – LCCD Tt de l’entorse
Références
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2
RADIOGRAPHIES DES ENTORSES
FRAÎCHES DE LA CHEVILLE
G. MORVAN*
INTRODUCTION
RÈGLES D’OTTAWA
Stiell et al. ont sélectionné des signes cliniques prédictifs de fracture [6] dans 4 zones
critiques : zone A, pointe de la malléole fibulaire et bord postérieur de la fibula sur 6 cm
de hauteur ; zone B, pointe de la malléole tibiale et bord postérieur du tibia sur 6 cm
de hauteur ; zone C, base du 5e métatarsien ; zone D, os naviculaire. Si la palpation des
zones A ou B est douloureuse ou si le patient est incapable de marcher, un examen radio-
logique de la cheville est indiqué. Si la palpation des zones C ou D est douloureuse ou
si le patient est incapable de marcher, un examen radiologique du cou-de-pied est indi-
qué. Après un an d’application quotidienne dans la structure hospitalière canadienne où
* Centre d’imagerie de l’appareil locomoteur, 3, rue Alfred Bruneau, 75016 Paris.
RADIOGRAPHIES DES ENTORSES FRAÎCHES 17
travaillent les auteurs, ces règles avaient permis une réduction de 28 % des radiographies
de la cheville en urgence (mais avaient augmenté de 2 % les radiographies secondaires)
et diminué les radiographies du pied en urgence de 14 % (en augmentant les radio-
graphies secondaires de 13 %, soit un bilan global neutre) avec, pour la détection des
fractures, une sensibilité de 100 % et une spécificité de 50 % [7]. Depuis cette épo-
que, de nombreux articles ont confirmé que l’application des règles d’Ottawa était une
approche sûre, économique et fiable des traumatismes de la cheville, qu’elles soient
appliquées par des médecins urgentistes expérimentés ou débutants, voire par des infir-
mières spécialisées [8]. Une méta-analyse fondée sur la revue de 27 études [4] et plus de
15 000 patients a évalué l’utilité des règles d’Ottawa, en confirmant leur excellente sen-
sibilité, comprise entre 96,4 et 99,6 %. Leur spécificité, comprise entre 26,3 et 47,9 %,
demeure modeste. Ces règles ont globalement permis une réduction des radiographies
de l’ordre de 30 à 40 %. De cette méta-analyse ressort le fait que moins de 2 % des
patients chez qui les critères d’Ottawa étaient négatifs avaient une fracture. Ces règles
sont donc efficaces et source d’économie, sans perte de chance notable.
La mise en pratique des règles d’Ottawa est variable. Connues partout, elles sont
principalement utilisées au Canada et au Royaume-Uni, proportionnellement moins
aux États-Unis, en France, en Espagne et en Allemagne (94 % de sensibilité, 17 %
de spécificité, 15 % de baisse des radiographies [9]). Les principales réticences à leur
application sont une impression de perte de l’autonomie clinique de décision et une
certaine résistance aux règles rigides, plus marquée dans certains pays.
Une enquête réalisée par l’Assistance Publique–Hôpitaux de Paris [10] dans 5 établis-
sements hospitalo-universitaires a chiffré la baisse des radiographies à 22,4 %, stabilisée
à 16 % après arrêt de l’étude, par rapport au nombre de prescriptions avant l’étude. Une
seconde étude [11] a montré une sensibilité de 98 %, une spécificité de 45 % et une
valeur prédictive négative (VPN) de 99 % dans la détection des fractures de la cheville,
et une sensibilité de 100 %, une spécificité de 29 %, avec une VPN de 100 % dans les
fractures du médiopied, s’accompagnant d’une réduction des radiographies de 33 %.
L’application des critères d’Ottawa conduit donc aux mêmes résultats qu’au Canada.
L’application des règles d’Ottawa chez l’enfant âgé de 2 à 16 ans a été confir-
mée avec 100 % de sensibilité pour les fractures significatives de la cheville et du
médiopied, avec une diminution des radiographies de la cheville de 16 % et du pied
de 29 %, sans rater de fractures importantes [12,13]. Boutis et al. aboutissent à des
conclusions encore plus optimistes : sensibilité 100 %, VPN 100 %, diminution des
radiographies de 62,8 % [14].
Dans une enquête canadienne, bien que plus de 99 % des urgentistes fussent fami-
liers avec les règles d’Ottawa, 42 % d’entre eux y intégraient d’autres critères, 82 %
ne les avaient pas revues depuis longtemps, et 31 % ne s’en rappelaient plus bien en
détail [15].
Devant l’excellente sensibilité mais la faible spécificité des règles d’Ottawa,
soulignées dans de nombreuses publications, des auteurs suisses de Berne [16] ont
introduit un nouveau test réservé aux traumatismes de la cheville et du médiopied en
supination à basse énergie. Ce test donne une sensibilité de 100 % et une spécificité
nettement plus élevée de 91 %, avec une réduction de 84 % des radiographies.
Il en ressort donc que les règles d’Ottawa sont efficaces, qu’elles permettent de
diminuer sensiblement les prescriptions de radiographies sans perte de chance pour
les patients, en contribuant donc au désengorgement des services d’urgence, mais
qu’elles doivent faire l’objet de rappels pour être convenablement mémorisées.
18 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
QUELLES RADIOGRAPHIES ?
CONCLUSION
Références
1 Fritschy D. Entorse de cheville. Conférence d’enseignement de la Sofcot, n° 85. Paris : Elsevier ; 2004.
p. 124-41.
2 Osborne MD, Rizzo TD. Prevention and treatment of ankle sprains in athletes. Sports Med 2003 ; 33 :
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4 Bachmann LM, Kolb E, Koller MT, Steurer J. Accuracy of Ottawa ankle rules to exclude fractures of the
ankle and mid-foot : systematic review. BMJ 2003 ; 326 : 417-9.
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use of radiography in acute ankle injuries. Refinement and prospective validation. JAMA 1993 ; 269 :
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Ottawa ankle rules. JAMA 1994 ; 271 : 827-32.
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AJR 2000 ; 174 : 1691-7.
3
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE
INTRODUCTION
Les ligaments sont toujours vus à l’échographie sous la forme d’une bande fibril-
laire relativement hyperéchogène, à limites régulières. L’échogénicité du ligament
varie en fonction de l’angulation du ligament, fort sujet à l’artefact d’anisotropie.
Cette bande doit toujours être rectiligne lors de la mise en tension du faisceau liga-
mentaire [12,13,20–22].
Chez le sujet normal, le ligament est parfois difficile à différencier du tissu sous-
cutané de voisinage, lui aussi plutôt hyperéchogène, et il est utile dans certains cas
d’« utiliser » l’artefact d’anisotropie en angulant quelque peu la sonde pour rendre le
ligament hypoéchogène et, ainsi, le différencier correctement dans un environnement
hyperéchogène. En revanche, dans les cas pathologiques, l’œdème hypoéchogène et
l’hématome qui entourent le ligament facilitent sa visualisation, avec l’apparition d’un
véritable « contraste échographique ». Cet aspect constitue un avantage indéniable
par comparaison à la tomodensitométrie où le ligament est facilement vu par rapport
au tissu graisseux dans les cas normaux, mais où il ne peut plus être discerné au sein
d’une tuméfaction de densité intermédiaire dans les cas pathologiques [23,24].
Articulation talocrurale
L’étude des faisceaux latéraux s’effectue en varus avec flexion plantaire pour le
repérage du ligament talofibulaire antérieur, et en dorsiflexion pour l’étude du liga-
ment calcanéofibulaire et du ligament talofibulaire postérieur.
Le ligament antérieur s’étudie tout d’abord dans son grand axe, la sonde dans
l’axe du pied, puis dans le plan axial par une coupe frontale prémalléolaire montrant
le ligament « reposant » à sa partie distale sur la joue latérale du talus (figure 3).
Cette coupe repère également le processus latéral du talus dont les fractures et arra-
chements sont bien décelés par l’échographie, alors qu’ils sont souvent ignorés sur
les clichés standard.
Figure 3. Coupe frontale prémalléolaire montrant le ligament « reposant » à sa partie distale sur la joue
latérale du talus. LTFA : ligament talofibulaire antérieur.
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 23
Le ligament talofibulaire postérieur n’est étudié qu’en cas de douleur postérieure par
une coupe horizontale avec une focalisation plus profonde. Il est très rarement atteint et
uniquement dans les entorses très graves avec rupture des deux autres ligaments.
Pour le plan médial, une manœuvre de valgus est réalisée permettant la mise en
tension des différents éléments. Ils sont étudiés par des coupes frontales balayant
« en éventail » toute la zone ligamentaire en prenant la malléole comme point fixe
et en faisant pivoter la sonde d’avant en arrière. La coupe la plus informative et
reproductible est celle passant par la joue médiale du talus, le ligament tibiotalien
postérieur et la sous-talienne (figure 5).
Figure 5. Coupe frontale médiale passant par la malléole, la sous-talienne et les différents faisceaux du
plan collatéral médial.
24 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
On termine l’étude de cet interligne par l’analyse, sur une coupe sagittale dorsale,
du récessus articulaire dorsal à la recherche d’un épanchement, mais aussi d’une
lésion capsulaire, voire de la présence d’une synovite ou de nodules chondromateux
(figure 6) [2,28,29].
Figure 6. Coupe sagittale antérieure montrant la capsule recouvrant le récessus articulaire antérieur.
Le ligament antérieur est le seul qui soit étudié systématiquement par une coupe
axiale antérieure. Il est aisé de le repérer entre les corticales tibiale et fibulaire, plus
proximale par rapport au dôme du talus (figure 9).
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 25
Figure 7. Rupture du ligament calcanéofibulaire (LCF) et de la gaine des fibulaires expliquant le passage
de l’épanchement dans la gaine, ce qui est un bon signe indirect de rupture de ce ligament.
Figure 8. Coupe axiale en dorsiflexion montrant que le ligament calcanéofibulaire reste plaqué contre le
calcanéus ; signe indirect de rupture de ce ligament.
Figure 10. Coupe axiale postérieure du ligament tibiofibulaire postéro-inférieur (LTFPI) avec écaille
osseuse du décollement de son insertion tibiale.
Complexe de Chopart
Figure 12. Spring ligament ; complexe ligamentaire calcanéonaviculaire inférieur occupant l’espace
situé entre le versant profond du tendon tibial postérieur et la corticale talienne.
Articulation sous-talienne
Figure 13. Vue frontale médiale de la sous-talienne : aspect normal montrant la joue médiale du talus, le
ligament collatéral médial, le sustentaculum tali et le versant médial de la sous-talienne.
28 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Figure 14. Formation kystique développée au départ de la sous-talienne, bien visible au niveau
du sinus du tarse.
Figure 15. Tuméfaction hypoéchogène sans rupture ni désinsertion du ligament talofibulaire antérieur qui
reste bien tendu.
Figure 16. Décollement sans rupture à l’attache proximale du ligament talofibulaire antérieur (LTFA).
Figure 17. Rupture partielle des fibres du ligament talofibulaire antérieur (LTFA) dont la continuité et la
tension sont respectées.
30 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
– dans les cas graves, on note une interruption complète du faisceau à sa portion
centrale ou une désinsertion d’une de ses attaches avec perte de la tension du
faisceau. L’expérience montre qu’en cas de désinsertion proximale du liga-
ment talofibulaire antérieur, la gravité de l’entorse est majorée, car le liga-
ment détaché a tendance à basculer en intra-articulaire (figure 18). En cas de
rupture du plan latéral, la capsule antérieure doit être analysée avec attention,
car certaines ruptures ligamentaires se prolongent parfois par une déchirure
capsulaire à l’origine d’une sensation de dérobement antérieur du pied ;
– le 5e type de lésion aiguë est constitué par l’arrachement osseux auquel le
ligament reste attaché (figure 19).
Cette classification est surtout valable pour l’articulation talocrurale. Pour l’articu-
lation tibiofibulaire inférieure et l’articulation de Chopart, on différencie : l’épanche-
ment articulaire, signe indirect d’atteinte articulaire, l’œdème ligamentaire, la rupture
et surtout l’arrachement osseux qui, dans notre expérience, constitue un signe indirect
de lésion grave [39–41].
Figure 18. Entorse grave du ligament talofibulaire antérieur (LTFA) avec : rupture en plein corps du
ligament (A) ; désinsertion proximale avec bascule du ligament en direction de l’interligne (B).
Figure 19. Arrachement osseux de l’attache distale, talienne, du ligament talofibulaire antérieur.
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 31
Figure 20. Cicatrisation ligamentaire ; le défect se comble, restaurant la continuité ligamentaire mais
l’œdème hypoéchogène est encore décelé, la cicatrisation est donc encore active. LTFA : ligament
talofibulaire antérieur.
32 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Figure 21. Aspect séquellaire ; la tension ligamentaire est restaurée, l’hypoéchogénicité de voisinage a
disparu, mais le ligament est un peu épaissi, souvent hyperéchogène et sa structure fibrillaire n’est plus
nettement décelée. LTFA : ligament talofibulaire antérieur.
Plusieurs diagnostics peuvent être évoqués à ce stade, mais pour chacun d’eux
un diagnostic étiologique le plus précoce possible est préférable pour orienter, voire
redresser le traitement [17,18,42].
Fibrose
Figure 22. Infiltration fibreuse diffuse entraînant un remaniement hyperéchogène, vascularisé au Doppler,
en superficie du ligament talofibulaire antérieur.
Figure 23. Infiltration fibreuse superficielle englobant un rameau du nerf fibulaire superficiel qui est
épaissi et serpigineux. LTFA : ligament talofibulaire antérieur.
Figure 24. Épaississement réactionnel du rétinaculum des fibulaires post-entorse. LCF : ligament
calcanéofibulaire.
34 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Figure 25. Comblement fibreux du récessus antérolatéral pouvant justifier la réalisation d’une infiltration
échoguidée. LTFA : ligament talofibulaire antérieur.
Figure 27. Calcification linéaire apparue au sein du ligament en cours de cicatrisation. LTFA : ligament
talofibulaire antérieur.
Figure 28. Volumineux nodule ossifié enchâssé au versant profond d’un ligament talofibulaire antérieur
continu ; ce nodule est à l’origine d’une sensation d’instabilité, mais il n’existe pas de laxité objective.
Figure 29. Fracture du processus latéral du talus bien visible sur la coupe frontale prémalléolaire.
LTFA : ligament talofibulaire antérieur.
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 37
Erreur d’articulation
Figure 30. Importante tuméfaction d’un ligament tibiofibulaire antérieur non encore cicatrisé après
6 semaines d’un traitement inadapté (attelle limitant le varus-valgus, mais laissant libre la flexion
dorsale). PTI : péronéotibiale (tibiofibulaire) inférieure.
Erreur de pathologie
Outre les pathologies articulaires douloureuses qui peuvent être suspectées par la
présence d’un épanchement sans lésion du plan capsuloligamentaire, ce sont les luxa-
tions tendineuses passées inaperçues qui constituent une cause plus rare mais impor-
tante de douleurs persistantes. Elles échappent souvent à l’examen clinique initial en
raison de la douleur à la palpation et de l’importance de la tuméfaction périmalléo-
laire, mais surtout parce que, dans l’immense majorité des cas, les tendons fibulaires en
latéral et le tendon tibial postérieur en médial se repositionnent spontanément dans leur
gouttière après l’épisode de luxation, la malposition irréductible étant en fait fort rare.
38 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
C’est pour cette raison que des épreuves dynamiques (inversion contrariée en
médial et éversion contrariée en latéral) doivent être systématiquement réalisées
lors d’un bilan échographique d’entorse et que des signes indirects évoquant un
antécédent de luxation doivent être recherchés sous la forme d’un décollement
du rétinaculum et/ou de l’existence d’une écaille corticopériostée paramalléolaire
(figure 31).
Figure 31. Écaille paramalléolaire latérale et épaississement du rétinaculum des fibulaires témoignant
d’un antécédent de luxation de ces tendons. CF : court fibulaire ; LF : long fibulaire.
Conflit antérolatéral
Figure 32. Aspect détendu du ligament calcanéofibulaire chez une patiente asymptomatique
Figure 33. Entorses à répétition ayant entraîné une disparition du ligament talofibulaire antérieur
(LTFA) gauche (A), bien visible par comparaison au côté opposé (B).
Figure 34. Rupture capsulaire antérieure prolongeant une atteinte du ligament talofibulaire antérieur à
l’origine d’une sensation de dérobement antérieur du pied.
Si cette technique est sous-utilisée à ce jour, il est évident qu’elle ne doit pas
s’appliquer à toutes les entorses de la cheville.
En aigu, il semble logique d’en faire bénéficier les entorses graves cliniquement
et les patients pour qui le retentissement fonctionnel est essentiel (sportifs de haut
niveau, par exemple). Le rôle de l’échographie est, dans ces cas, de faire le bilan de
gravité de l’entorse en précisant surtout si le ligament calcanéofibulaire est atteint,
mais aussi de confirmer quelle est l’articulation atteinte, puisque cette précision est
parfois difficile cliniquement et peut être à l’origine d’une importante modification
de la thérapeutique.
Il est parfois difficile, pour des raisons d’organisation, d’effectuer une prise en
charge échographique en post-traumatique immédiat, mais l’œdème post-traumatique
facilitant sa réalisation, il semble plus logique qu’elle soit prescrite rapidement et,
surtout, que ses résultats soient disponibles lors du premier bilan de suivi entre le
3e et le 5e jour pour pouvoir effectuer alors un véritable bilan radio-écho-clinique.
Au cours du traitement de cette entorse, l’échographie doit être utilisée lorsque
l’évolution sous traitement n’est pas conforme aux attentes du clinicien afin de re-
dresser une erreur d’évaluation initiale. En revanche, il ne faut jamais perdre de vue à
ce stade que les lésions du spongieux ne sont pas décelables en échographie (pas plus
que sur les clichés standard) et que le recours à l’IRM est impératif si l’échographie
n’apporte pas une solution claire au problème clinique [30].
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 41
Au stade chronique, elle est utile pour déterminer l’étiologie d’une douleur persis-
tante et, en cas de laxité (en association avec les épreuves dynamiques en autovarus)
pour préciser, grâce à sa spécificité dynamique, quels sont les ligaments détendus par
comparaison au côté opposé.
CONCLUSION
En complément des clichés standard, l’échographie est une technique très perfor-
mante pour analyser, en aigu ou en chronique, la gravité d’une lésion ligamentaire
de la cheville et du pied. Les éléments négatifs de cette méthode d’imagerie sont sa
grande difficulté et l’absence de visualisation du spongieux.
Pour l’optimiser au maximum, il faut utiliser un matériel haut de gamme et faire
des examens les plus systématisés possibles, comportant des coupes clés suffisam-
ment annotées pour pouvoir être comprises et relues a posteriori. L’échographie étu-
die les ligaments des 4 articulations de la cheville et de l’arrière-pied en vérifiant la
tension de chaque ligament comparativement au côté opposé. Elle recherche, pour
chaque faisceau, une rupture, une désinsertion ou un épaississement ecchymotique,
mais aussi un arrachement osseux, et dépiste une luxation des tendons fibulaires et
tibial postérieur. Il ne faut jamais négliger ces principes pour ne pas, par incom-
pétence, pénaliser cette technique dont les performances sont grandes et souvent
sous-évaluées.
De plus, il faut aussi se souvenir que l’échographie de l’entorse de la cheville
ne doit jamais être systématique mais réservée aux entorses graves, importantes
fonctionnellement ou d’évolution anormale, et toujours être effectuée après les
clichés standard. Elle est aussi utile en chronique, en cas de laxité ou de douleurs
persistantes.
Références
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10 Brasseur JL, Tardieu M. Échographie du système locomoteur. Paris : Masson ; 1999.
42 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
INTRODUCTION
Tout traumatisme mettant en cause la cheville et le pied n’est pas une entorse simple.
Les praticiens prenant en charge en urgence un traumatisé de la cheville doivent garder
leur esprit critique et suivre une démarche diagnostique rigoureuse et codifiée. Cet effort
suppose une parfaite connaissance de l’anatomie et de la physiopathologie de la cheville
[1,2]. La bascule frontale des entorses latérales s’accompagne d’une composante rota-
toire mal explorée [1]. Les mouvements mettent tous en jeu plusieurs articulations [2,3]
dont le type et l’amplitude doivent être connus. Quatre-vingt-cinq pour cent des entorses
de cheville intéressent le compartiment latéral [4], mais l’articulation talocrurale et la
sous-talienne se partagent le rôle protecteur du ligament collatéral latéral [1,2]. L’atteinte
associée de ces deux articulations semble fréquente dans plusieurs études d’imagerie
par résonance magnétique (IRM) ou arthroscopiques [1,5]. La cheville est bien un réel
complexe ostéo-tendino-capsulo-ligamentaire [6,7], constituant régulièrement un défi
diagnostique et thérapeutique devant certains syndromes du « carrefour latéral de la che-
ville » comme l’a nommé Morvan [8]. L’efficacité de la prise en charge initiale nécessite
aussi une bonne organisation du travail médical et paramédical [5,9–12], compte tenu
de la saturation actuelle des services accueillant les blessés aux portes des structures
hospitalières publiques ou privées. Les entorses de cheville sont des traumatismes
fréquents, notamment lors des pratiques sportives. Leur nombre a été estimé, par jour, à
6000 en France [13], 24 000 aux États-Unis [14]. Plus récemment, Ferran et Maffulli
estiment à 302 000 le nombre d’entorses de cheville vues chaque année dans les services
d’urgences britanniques [4]. Ces entorses touchent aussi les enfants, et Leininger et al.
[15] rapportent plus de 18 % d’atteintes de la cheville dans les traumatismes du jeune
footballeur, les filles (21,8) étant plus touchées que les garçons [7,15].
La démarche diagnostique est avant tout clinique [3,16], mais ne saurait ignorer
les apports et les progrès considérables de l’imagerie. Trois examens (clinique,
radiographique, échographique) et 3 temps (J0, J5, J30) vont être le théâtre de 3
enjeux :
– le premier enjeu est d’évaluer aussi précisément que possible l’importance du
traumatisme [1,3,5,16]. Le risque est de sous-estimer la gravité de l’entorse ;
20 % d’entre elles sont graves, dont la moitié laisseront des séquelles en l’ab-
sence de traitement correct [6,17]. Ces entorses graves mal évaluées engen-
dreront des récidives. L’instabilité chronique douloureuse [7] sera source de
dégradation articulaire précoce, comme nous le voyons si fréquemment dans
le basket-ball professionnel ;
– le deuxième enjeu est de ne pas ignorer une lésion associée qui favoriserait
une raideur douloureuse [1,7,16]. Il est tout à fait nécessaire de se donner les
moyens d’établir le plus tôt possible un bilan lésionnel exhaustif tenant comp-
te des travaux montrant les limites des tests cliniques dans l’appréciation de
la gravité des lésions [18]. Le choix des examens d’imagerie et leur hiérarchie
seront d’autant plus performants que l’approche clinique aura été précise, at-
tentive, ne répondant pas à une attitude médicale stéréotypée. La recherche
de lésions associées doit être systématique, notamment concernant les lésions
osseuses et chondrales, tendineuses ainsi que les lésions de la tibiofibulaire
inférieure, de la sous-talienne et de la médiotarsienne [3,5,19,20] ;
– le troisième enjeu est de ne pas porter par erreur le diagnostic d’entorse de
cheville devant une grosse cheville douloureuse. Au premier rang des diag-
nostics différentiels, il faut citer les entorses des articulations voisines, les
fractures, les lésions ostéochondrales, les luxations et ruptures tendineuses
isolées [3,7,17,19,21].
Interrogatoire
Examen physique
pas réalisable immédiatement. Plusieurs études nous ont montré qu’ des lésions du
dôme talien, dont l’incidence atteindrait 6 % des entorses, ne sont pas visibles sur la
radiographie [6,16,20,25].
Si ces critères sont absents ou si le bilan radiographique initial est négatif, l’exa-
men physique va se poursuivre par la mise en tension des différentes structures
ligamentaires, la recherche de mouvements anormaux (varus, ballottement, tiroir),
le testing tendineux et l’examen minutieux des articulations voisines, notamment la
tibiofibulaire inférieure, la sous-talienne et la médiotarsienne [3]. Les éléments
sémiologiques retrouvés au cours de cet examen complet pourront porter l’indication
d’une imagerie simple radioéchographique au-delà des critères d’Ottawa. Enfin, cet
examen clinique n’omettra pas la recherche de lésions neurologiques périphériques
qui peuvent accompagner certaines entorses de cheville et nécessiteront une explo-
ration électrophysiologique [17].
L’échographie est une technique connue depuis une quinzaine d’années [26,27],
mais qui a eu du mal à se développer et à se généraliser malgré ses qualités multiples
détaillées dans le présent ouvrage au chapitre précédent. Plusieurs éléments récents
plaident pour une extension des indications de l’échographie [6,18,28]. De Lécluse,
dans un travail comparant les tests cliniques et les données échographiques, a attiré
notre attention sur les limites de l’appréciation clinique concernant la gravité et
la diversité des lésions [18]. Il est connu que les désinsertions hautes du faisceau
antérieur ont un mauvais potentiel de cicatrisation ; or, il est impossible d’établir
avec certitude la topographie des lésions cliniquement [1]. Par ailleurs, l’atteinte
clinique du faisceau calcanéofibulaire doit faire craindre une lésion associée et no-
tamment des tendons fibulaires ou de leur rétinaculum [1]. Enfin, Borne et al. ont
montré sur 60 patients une mauvaise appréciation clinique des atteintes du faisceau
calcanéofibulaire alors que l’échographie était bien corrélée avec l’IRM. Dans cette
étude, l’échographie modifie l’attitude thérapeutique dans 17 % des cas par sous-
estimation de la gravité de l’atteinte ligamentaire [6]. L’échographie retrouve aussi
24 fractures non visibles à la radiographie sur 268 patients dans le travail de Wang et al.
[29], confirmé notamment par Hsu et al. [30]. En revanche, l’échographie, contraire-
ment à l’IRM, ne permet pas de visualiser les lésions chondrales et les contusions
osseuses présentes dans 35 % des entorses moyennes et sévères dans l’étude récente
de Guillodo et al. [28].
Pour l’ensemble de ces raisons, compte tenu du développement des techniques
échographiques de l’appareil locomoteur, du faible coût, l’échographie nous paraît
indiquée lorsqu’il existe une discordance radioclinique ainsi que pour toute entorse
moyenne et grave, et plus systématiquement lorsque la cheville fait partie de l’outil
de travail (travailleur manuel, sportif de haut niveau). L’accès à l’échographie im-
médiate lors de la prise en charge dans les services d’urgence n’est pas réalisable à
l’heure actuelle de façon aisée. Si l’intérêt pour l’échographie ne fait plus de doute, il
n’est pas démontré que la réalisation immédiate de celle-ci améliore le pronostic [6].
Il manque également des travaux montrant que la réalisation ciblée de cette écho-
graphie diminue les séquelles. L’échographie sera programmée facilement à J5 [6],
couplée à la première consultation de suivi, alors que le gonflement et l’hématome
auront été réduits par le traitement initial classique (RICE : rest, ice, compression,
elevation).
48 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Entorse bénigne
Le patient a repris une marche normale. L’examen clinique ne retrouve pas d’hé-
matome, ni de laxité. Le testing tendineux est normal. Le ligament collatéral est
sensible à la palpation et la mise en tension maximale. Il n’y a pas lieu de pro-
grammer des examens complémentaires et le traitement peut débuter. Une seconde
consultation de suivi est programmée à la fin de celui-ci.
CONCLUSION
etc.) ou systématiquement sur une entorse qualifiée de moyenne ou grave. Cette écho-
graphie sera couplée à la première consultation de suivi à J5. Elle influencera bien
souvent l’attitude thérapeutique en complétant l’approche clinique par une évalua-
tion plus précise de la gravité des lésions ligamentaires et associées. Des études sont
à attendre confirmant l’influence de l’utilisation de l’échographie dans le pronostic à
court et à long termes des entorses de cheville. Lorsqu’une atteinte associée du dôme
du talus ou de la sous-talienne est suspectée, le bilan radioéchographique est peu
performant, et c’est l’examen tomodensitométrique qui aidera le clinicien à porter un
diagnostic pertinent. La stratégie d’imagerie dans la prise en charge des entorses ne
peut se concevoir que dans une démarche diagnostique rigoureuse, sans a priori, et
non stéréotypée compte tenu de la complexité et de la variété des lésions observées.
Cette démarche comprendra un bilan initial ainsi que deux suivis à J5 et J30.
Références
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ankle sprains associated with osseous injuries. Am J Phys Med Rehabil 2006 ; 85 : 785-92.
5
L’ARTHROSCANNER : QUAND ?
POUR QUI ?
B. ROGER*, E. ROLLAND**
ATTITUDE PRATIQUE
Les fractures uni- ou bimalléolaires doivent tout d’abord être dépistées par le
strict respect des règles d’Ottawa lors de l’examen initial et confirmées par un bilan
radiologique simple de la cheville. Pour les fractures ostéochondrales du dôme du
talus, un cliché de la cheville de face en rotation interne est indispensable pour bien
analyser les angles supéromédial et supérolatéral du talus et l’ensemble de l’inter-
ligne tibiotalien.
Enfin, il ne faut pas oublier la pathologie tendineuse : rupture du tendon calca-
néen, luxation des tendons fibulaires, luxation ou rupture du tendon du muscle tibial
postérieur dont les diagnostics sont le plus souvent cliniques, mais qui peuvent être
confirmés par une échographie en se méfiant toutefois des diagnostics de rupture
partielle faussement rassurants… (intérêt de l’imagerie par résonance magnétique
[IRM]).
Conclusion
Trop souvent banalisés par les sportifs et les médecins en raison de leur fréquence
et de leur bénignité potentielle, les traumatismes de la cheville nécessitent pourtant
une démarche diagnostique rigoureuse.
L’évaluation clinique joue un rôle primordial à tous les niveaux : diagnostic positif
ou différentiel, bénignité ou gravité des lésions, intérêt de l’imagerie. Celle-ci n’est pas
toujours possible en urgence et peut nécessiter un traitement d’attente avec une place
importante à l’utilisation de bas de contention pour rendre la cheville examinable.
L’absence d’évolution favorable avec un traitement d’attente et un bilan radio-
logique normal doit faire discuter une imagerie de deuxième intention et/ou une
ponction-infiltration de la cheville.
L’échographie et l’arthroscanner sont actuellement les examens complémen-
taires les plus fréquemment prescrits pour préciser les lésions et guider un traitement
préventif des séquelles douloureuses et fonctionnelles encore trop fréquentes.
ARTHROSCANNER ET INFILTRATION
Définition
Arthrographie
Arthroscanner
Infiltration
RÉSULTATS
P. THELEN*, Y. DEMARAIS**
INTRODUCTION
TECHNIQUE ET RÉSULTATS
Sur les images obtenues, on recherche les lésions ligamentaires : simple épaissis-
sement, déchirure ou rupture ligamentaire avec disparition de la structure ligamen-
taire remplacée par un hypersignal liquidien [2].
L’IRM va surtout être utile pour mettre en évidence des anomalies osseuses qui
sont visibles uniquement en IRM lorsqu’il s’agit de contusions osseuses. La sémio-
logie est bien connue : ces contusions (bone bruise) ont un signal évoluant comme ce-
lui de l’eau : hyposignal T1 et hypersignal T2 renforcés par la saturation du signal de
la graisse. La localisation et l’importance de ces contusions vont permettre de préciser
le mécanisme et les articulations touchées. Pour certains [3], elles sont présentes dans
40 % des cas sur une revue d’IRM réalisées pour entorse. Il est possible que ce chiffre
soit surévalué pour l’entorse banale de cheville, car les patients bénéficiant d’une IRM
ont plus volontiers une entorse sévère. À signaler que ces modifications œdémateuses
peuvent se rencontrer chez des sujets asymptomatiques (26 % pour une série de
78 volontaires [4]) ; elles étaient alors de petite taille (< 1 cm), peut-être en rapport
avec une activité sportive récente.
En cas de fracture, le trait en plein os spongieux est visible en T2FS au sein de
l’œdème ; en revanche, il est souvent masqué en T1. Les arrachements osseux, surtout
lorsqu’ils sont de petite taille, sont mal visualisés en IRM, mais les phénomènes œdé-
mateux sont nets sur la zone d’arrachement et dans les parties molles adjacentes.
Atteinte talocrurale
Figure 3. Fracture ostéchondrale du talus avec décollement du fragment (coupe coronale T2FS).
L’intérêt de l’IRM est évident, car cet examen permet une étude globale de l’arrière-
pied et du médiopied. Il va donc démasquer des atteintes articulaires ou ligamentaires
associées à l’entorse de cheville ou des diagnostics différentiels. Cette capacité de
l’IRM est présente au stade aigu, mais va décroissant avec le temps comme l’évolution
de l’œdème. La réalisation d’une IRM à 6 mois d’une entorse de cheville n’apporte
pas toujours de réponse claire en l’absence d’hypersignal ligamentaire ou osseux.
Entorse tibiofibulaire
Cette lésion est prise parfois à tort pour une entorse classique de cheville. Cette
méprise est à l’origine de douleurs résiduelles ou d’autres complications en cas de
diastasis négligé. Il n’est pas rare de réaliser une IRM pour douleurs persistantes
antérolatérales à 3 mois d’une entorse pour une lésion du faisceau antérieur tibio-
fibulaire méconnue lors du bilan initial. Rappelons que le diagnostic radiologique
est impossible hormis la présence d’une fracture-arrachement ou d’un diastasis ; en
revanche, il est parfaitement accessible à l’échographie.
Atteinte sous-talienne
Figure 5. Importance de la réaction œdémateuse en T2FS (même patient que figure 4).
Les fractures de la partie inférolatérale du talus sont souvent masquées sur les
clichés radiologiques. Elles surviennent parfois dans un contexte évocateur (snow-
board) et sont facilement vues en IRM. Ces fractures, plus ou moins volumineuses,
s’étendent dans l’articulation sous-talienne et ont beaucoup de difficultés à consolider.
Elles sont analysées parfaitement au scanner, notamment pour la consolidation.
PLACE DE L’IRM DANS L’ENTORSE RÉCENTE 61
Atteinte médiotarsienne
Atteinte tarsométatarsienne
Les atteintes du Lisfranc sont plus rares et ne sont pas confondues habituelle-
ment avec des atteintes traumatiques de l’arrière-pied ; néanmoins, lors d’une entorse
grave, l’examen clinique du pied est parfois impossible. L’IRM est l’examen le plus
sensible et le plus performant pour en faire le bilan.
Atteintes tendineuses
Prises à tort pour des entorses de cheville, les atteintes des gaines et des tendons,
notamment des fibulaires, sont bien analysées en IRM : syndrome fissuraire et sur-
tout lésion du rétinaculum avec subluxation ou luxation du long fibulaire. Cependant,
l’étude des structures ligamentaires est encore plus performante en échographie.
SYNTHÈSE
La plus grande partie des entorses récentes soit n’ont pas besoin de bilan d’image-
rie, soit sont parfaitement étudiée par les clichés simples et surtout par l’échographie.
Sur les examens IRM de cheville traumatique que nous réalisons (le plus souvent à
distance du traumatisme) pour des entorses de cheville qui n’évoluent pas dans les
délais habituels, nous trouvons souvent les mêmes pathologies :
– entorse tibiofibulaire négligée ;
– atteinte conjointe du ligament collatéral médial non cicatrisée ;
– atteinte osseuse associée talienne du dôme ou de la queue ;
– autre entorse : médiotarsienne, sous-talienne.
La plupart de ces lésions sont parfaitement accessibles à l’échographie, hormis les
fractures du dôme du talus. L’échographie doit donc permettre de limiter considérable-
ment le risque d’erreurs ou de méprises. Malheureusement, c’est un examen opérateur- et
machine-dépendant dont les résultats ne sont pas toujours homogènes. L’échographie de
cheville réclame de l’habitude et des connaissances anatomiques pour être performante.
Les indications d’IRM dans l’entorse récente de cheville sont, selon nous, les
suivantes :
– les entorses avec d’emblée des signes de gravité : impotence fonctionnelle,
cheville et pied inexaminables en raison de l’œdème et de la douleur doivent,
en plus du bilan radiologique habituel, bénéficier de l’IRM pour faire un bilan
précis des lésions et des articulations touchées ;
62 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
– les entorses où il existe un doute sur une atteinte associée (osseuse, ligament
collatéral médial, sous-talienne) ;
– les entorses avec épanchement abondant ou persistant ;
– les entorses de cheville chez les sportifs de haut niveau où de toute façon le
recours à l’IRM est plus systématique.
Pourquoi faire une IRM plutôt qu’un scanner ? L’IRM est davantage sensible que
le scanner pour les lésions osseuses notamment du spongieux, et permet une étude
globale ligamentaire et tendineuse. Le scanner apparaît plus performant pour les pe-
tits arrachements osseux et pour suivre la consolidation d’une fracture.
CONCLUSION
Références
1 Tavernier T. IRM de la cheville et du pied. Particularités techniques et d’installation, le point sur les
séquences. Getroa Opus XXIX. Montpellier ; Sauramps Médical : 2002. p. 19-30.
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7
PLACE DES AINS DANS LES ENTORSES
RÉCENTES DE CHEVILLE
V. FOLTZ*, B. FAUTREL*
INTRODUCTION
Définition de l’inflammation
Quel que soit son degré de complexité, chaque être vivant organise une réac-
tion inflammatoire plus ou moins complexe en réponse à un traumatisme ou à
l’invasion d’un intrus. C’est un processus de défense à toute agression tissulaire
quelle qu’en soit la nature : infectieuses, traumatiques, chimiques. La réponse
* Service de rhumatologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013
Paris.
64 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
L’inflammation est une réaction du tissu conjonctif et des vaisseaux dans laquelle
il existe plusieurs phases successives (figure 1). On distingue l’inflammation aiguë
et l’inflammation chronique.
Inflammation aiguë
L’inflammation aiguë succède directement à l’agression et permet de ponter la
brèche et d’éliminer les tissus lésés. De courte durée (quelques jours ou semaines) et
d’installation souvent brutale, elle est caractérisée par des phénomènes dits vasculo-
exsudatifs qui comprennent :
– une dilatation vasculaire responsable de la congestion tissulaire ;
– une augmentation de la perméabilité capillaire permettant le drainage de
l’œdème et le passage transtissulaire des protéines plasmatiques. Ces phé-
nomènes sont liés à la mise en jeu de différentes molécules. Certaines sont
néosynthésées par les membranes cellulaires : prostaglandines, leucotriènes,
le platelet activating factor (PAF), le tumor necrosis factor (TNF), et les
interleukines 1 et 6 (IL-1 et 6). La production des prostaglandines est à
l’origine de l’activation de multiples voies enzymatiques, notamment celles
des cyclo-oxygénases (Cox1 et Cox2) (figure 2 et encadré 1) ;
– une migration des éléments inflammatoires par diapédèse.
L’évolution favorable de l’inflammation aiguë passe par 2 phases successives :
– une phase de détersion qui correspond à l’élimination des tissus nécrosés et
de certains agents pathogènes (micro-organismes infectieux, corps étrangers)
par phagocytose, tandis que le liquide d’œdème est drainé dans la circulation
lymphatique et résorbé par les macrophages ;
PLACE DES AINS DANS LES ENTORSES RÉCENTES 65
Phospholipase A2
-
coxibs
Acide arachidonique
-
- Cyclo-oxygénase
Cyclo-oxygénase - AINS Cox1
Cox2
-
aspirine
Endoperoxydes cycliques
Prostaglandines Thromboxane A2
Antalgique :
– Périphérique : augmentent la sensibilité des nocicepteurs vis-à-vis des
substances algogènes (histamine, bradykinine…).
– Centrale : facilitent la transmission de l’influx nociceptif en inhibant les
voies descendantes du contrôle de la douleur.
Vasodilatatrice
Thermostatique
Il est habituellement admis que les événements qui suivent une lésion, c’est-
à-dire l’inflammation, sont nécessaires pour obtenir une réparation optimale. Plusieurs
observations cliniques vont dans ce sens.
Après une lésion d’étirement, les premiers événements de la phase inflamma-
toire consistent en une activation des neutrophiles puis en leur accumulation au
sein de la lésion. Ces événements ont lieu dans les 2 heures qui suivent la blessure.
Ainsi, à la phase précoce inflammatoire, les débris cellulaires sont éliminés par les
infiltrats de neutrophiles. Cette phase est suivie d’une phase de régénérescence durant
laquelle les cellules satellites prolifèrent et remplacent les cellules endommagées et
phagocytées.
Parallèlement à leur rôle phagocytaire, les cellules neutrophiles peuvent aboutir
à la libération de radicaux libres et de protéases potentiellement délétères. En effet,
il a été montré que les neutrophiles contenaient plus de 40 enzymes hydrolytiques
et molécules toxiques, et pouvaient générer différentes molécules oxydantes. Le
complexe NADPH, localisé sur les neutrophiles activés, peut initier une « combus-
tion respiratoire » conduisant à la production d’anion superoxyde qui peut rapide-
ment se convertir en peroxyde d’oxygène. De plus, la myéloperoxidase, enzyme
présente dans les neutrophiles et macrophages, peut générer de l’acide hypochlori-
que, agent oxydant fortement réactif. Bien que les séquences exactes d’apparition
entre les cellules inflammatoires et les lésions secondaires soient débattues, les
modèles d’études récentes réalisées à partir d’un mécanisme d’étirement unique
ont souligné que la lésion tissulaire maximale était observée à l’instant où l’on
retrouvait le plus de cellules neutrophiles au sein de la lésion. Certaines théo-
ries stipulent donc que la minimisation des dommages inflammatoires pourrait se
traduire par une accélération significative du processus de guérison. En d’autres
termes, les neutrophiles et les cellules inflammatoires sont nécessaires à la cicatri-
sation, mais peuvent provoquer, dans des circonstances inconnues, des dommages
tissulaires non spécifiques qui pourraient jouer un rôle délétère au sein de la lésion
et retarder le processus de réparation. Il semble donc exister un seuil de réponse
inflammatoire en deçà duquel cette réponse est bénéfique et au-delà duquel elle est
de moins bon pronostic.
PLACE DES AINS DANS LES ENTORSES RÉCENTES 67
Classification et propriétés
Une grande variété d’AINS est disponible sur le marché en France. Ils sont clas-
sés en différents groupes en fonction d’analogies pharmacocliniques. On distingue
ainsi très schématiquement 3 grands sous-groupes d’AINS : les AINS per os clas-
siques (pyrazolés, iniliques, aryl-carboxyliques, fénamates et oxicams), les AINS
sélectifs inhibiteurs de la Cox2 (coxibs), et les AINS locaux.
Concernant les propriétés pharmacologiques, nous ne mentionnerons que celles qui
ont été mises en évidence chez l’homme. Certaines sont communes à tous les AINS et
d’autres sont spécifiques d’une classe de médicaments. D’une manière générale, tous
les AINS ont en commun un certain nombre de propriétés pharmacologiques plus ou
moins liées à l’inhibition de la synthèse de prostaglandines par l’inhibition des cyclo-
oxygénases. Il s’agit des propriétés anti-inflammatoire, antalgique, antipyrétique et
anti-agrégante plaquettaire.
Mécanisme d’action
Le traitement de l’entorse aiguë repose avant tout sur le protocole GREC : glace,
repos (relatif), élévation et contention. La rééducation doit être précoce.
L’intérêt et l’indication des AINS sont toujours théoriques, mais ceux-ci font
partie de la seconde ligne du traitement médicamenteux dans la conférence de
consensus [8]. Ils seraient prescrits dans le but de diminuer l’œdème, permettant
de retrouver une mobilité et des capacités fonctionnelles normales aussi rapidement
que possible.
Ces prescriptions partent du principe que l’inflammation est délétère, ce qui n’est
pas toujours le cas.
On peut classer les différents résultats en tenant compte des travaux réalisés avec
les AINS per os, ceux réalisés avec les AINS locaux et, enfin, ceux comparant les
formes per os et locale.
Problématique générale
Par ailleurs, la majorité des études sont sponsorisées par le laboratoire qui produit
l’AINS étudié, rendant difficile toute interprétation.
Formes per os
Dans ces études, les produits les plus étudiés sont le diclofénac, l’indométhacine,
l’ibuprofène, le piroxicam et le naproxène.
AINS topiques
De façon théorique, les AINS topiques auraient l’avantage d’agir localement sans
passage systémique, évitant tous les effets cardiovasculaires, néphrologiques, diges-
tifs, etc. Certaines études se sont intéressées au passage systémique de ces AINS
locaux et ont montré que la concentration articulaire était nettement supérieure à
celle plasmatique [30]. Néanmoins, la concentration n’était pas nulle et, en cas d’ap-
plication massive, des effets digestifs à types de brûlures, de nausées, d’hémorragies
digestives ont été constatés ainsi que des cas d’atteinte rénale et de crise d’asthme.
Les AINS topiques permettaient ainsi une action purement locale et une diffusion
rapide dans l’articulation.
Il y a trop peu d’études publiées spécifiquement dans le cadre des entorses pour
juger de l’efficacité de ces traitements locaux. La plupart se font dans un cadre plus
large de « lésions des tissus mous ». Trois études sur les 5 retrouvées spécifiquement
dédiées à l’étude de l’effet des AINS locaux dans l’entorse de cheville sont randomi-
sées avec un nombre intéressant de patients (> 100) [31–33]. Les 3 études concluent
à un bénéfice des AINS sur la douleur, le gonflement, le délai de récupération, avec
une très bonne tolérance. Les quelques effets secondaires s’observent uniquement au
niveau cutané.
CONCLUSION
Pour répondre à la question de savoir quelle est la place des AINS dans les en-
torses récentes, il faut tout d’abord arriver à répondre à celle concernant le rôle de
l’inflammation dans le processus de cicatrisation des lésions tendineuses. Il semble
néanmoins admis par l’ensemble des auteurs qu’une phase de détersion prolongée ou
PLACE DES AINS DANS LES ENTORSES RÉCENTES 71
trop intense est délétère pour la réparation. Elle se caractérise alors par la prolongation
dans le temps des signes cardinaux de l’inflammation (rougeur, chaleur, gonflement
et douleur). Dans ce cas, en respectant les contre-indications, il semblerait que les
AINS prescrits dans les 8 jours aient une efficacité. Par ailleurs, la prescription des
AINS locaux qui ont une meilleure tolérance que les AINS par voie générale doit
peut-être être préférée.
Dans tous les autres cas, et en l’absence de données histologiques chez l’homme,
les AINS ne semblent pas supérieurs aux antalgiques, lesquels doivent être prescrits
en priorité compte tenu de leur meilleure tolérance.
Références
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72 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
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33 Campbell J, Dunn T. Evaluation of topical ibuprofen cream in the treatment of acute ankle sprains. J Acc
Emerg Med 1994 ; 11 : 178-82.
8
FAUT-IL IMMOBILISER LES ENTORSES
DE LA CHEVILLE ?
A. LESPINE*
INTRODUCTION
* Hôpital Édouard Herriot, service d’accueil Pavillon A, Place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03.
74 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
TRAITEMENT FONCTIONNEL
Strapping
Le strapping, encore utilisé par beaucoup, a été proscrit dans notre pratique com-
me traitement de première intention depuis plus d’une dizaine d’années pour les
raisons suivantes :
– efficacité discutable ;
– technique de pose très variable et souvent très personnelle ;
– mauvaise tolérance cutanée fréquente ;
– compression fréquente sur le bord latéral du pied en regard de la saillie du
5e métatarsien ;
– mouvements actifs et passifs de l’arrière-pied, en particulier en varus, non ou
mal contrôlés.
Cependant, en milieu sportif, le strapping reste intéressant pour la reprise d’activité
dans certains sports.
Orthèse de stabilisation
L’utilisation des orthèses de stabilisation a pris une place grandissante ces dix
dernières années, au point que l’on a parfois l’impression d’un recours quasi sys-
tématique à cette solution pour les entorses récentes, en particulier dans le milieu
sportif.
Ce choix de traitement fonctionnel est-il toujours réellement justifié ? Une orthèse,
pour être efficace, doit empêcher tout mouvement actif ou passif de l’arrière-pied, en
particulier en varus, et ne permettre la mobilisation de l’articulation talocrurale que
dans les secteurs protégés (flexion, extension), car il a bien été démontré que cette
sollicitation mécanique protégée était favorable à la cicatrisation ligamentaire.
La mise en place et le retrait de l’orthèse doivent être faciles pour permettre l’hy-
giène, les soins locaux et la rééducation.
FAUT-IL IMMOBILISER LES ENTORSES ? 75
Nous sommes assez peu favorables à l’orthèse de stabilisation pour les raisons
suivantes :
– la pose n’est pas toujours correctement réalisée, ce qui nuit à l’efficacité de
l’orthèse ;
– le retrait est très facile, et beaucoup de blessés malheureusement ne s’en
privent pas. L’observance de l’immobilisation prescrite devient souvent
discutable ;
– on peut utiliser des chaussures souples à lacets, mais il est généralement néces-
saire d’utiliser des chaussures avec une ou deux pointures supplémentaires ; la
conformabilité à la marche n’est pas bonne.
– enfin, il est curieusement très difficile de remettre ces blessés au travail avec
ce type d’orthèse, démontrant bien la difficulté de son usage dans la vie
quotidienne normale, en particulier pour l’activité professionnelle.
Dans les structures d’urgence, nous avons l’impression que l’utilisation des or-
thèses est parfois une solution de facilité pour le prescripteur. En médecine du sport,
l’utilisation des orthèses, en particulier pneumatiques, est beaucoup plus raisonnée et
réfléchie. Le sportif, surtout d’un bon niveau, est habituellement conscient de l’im-
portance de sa cheville dans sa pratique habituelle et va donc respecter les directives
thérapeutiques ; l’observance sera effective.
En cas de signes locaux initiaux importants (œdème en particulier), il ne faut pas
hésiter à prolonger jusqu’à une semaine le protocole RICE avant d’utiliser l’orthèse
de stabilisation.
Bottillon semi-rigide
TRAITEMENT ORTHOPÉDIQUE
Entorses calcanéocuboïdiennes
Le traitement fonctionnel doit être retenu si l’atteinte est isolée. Si l’atteinte est
associée à celle de la talocrurale – ce qui est assez fréquent –, c’est la gravité de
l’atteinte talocrurale qui détermine la décision thérapeutique.
CONCLUSION
Références
1 Barrois B, Ribinik P, Davenne B. Entorses de cheville. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris). Kinésithérapie -
Médecine Physique-Réadaptation, 26-250-D-10. 2002 : 8 p.
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8 Brasseur JL. Imagerie de l’entorse de la cheville. Sport Med 2001 ; 128 : 5-11.
9
ENTORSE DE LA CHEVILLE : PLACE DES
TRAITEMENTS PHYSIQUES ET DE LA
RÉÉDUCATION
INTRODUCTION
DÉFICIENCE ET CAPACITÉ
STRATÉGIE DE RÉÉDUCATION
D’après le rapport de la Haute autorité de santé (HAS) publié en 2000 [25], la res-
tauration des déficiences comprend la lutte contre la douleur, l’œdème, la diminution
de la mobilité, et repose sur le protocole RICE :
– Rest : repos avec réduction de la mise en charge du membre inférieur et utili-
sation de cannes anglaises lors de déplacements si l’appui est douloureux ;
– Ice : glaçage le plus précoce possible, puis 4 fois par jour tant qu’il existe des
signes cliniques ;
– Compression : compression locale par bandage élastique ou attelle avec com-
partiment gonflable ;
– Elevation : élévation du membre inférieur aussi longtemps que possible.
Cryothérapie
Le froid peut être appliqué par massage avec un glaçon, par une serviette trempée
au préalable dans de l’eau avec de la glace, par un paquet cryogène utilisant un tissu
éponge trempé dans de l’eau froide, par un générateur de froid, etc.
Le froid a une faible action sur l’œdème (grade C). En revanche, l’effet du froid
sur la douleur est indéniable. La protection de la peau fait partie des précautions à
prendre pour éviter les brûlures.
On connaît depuis longtemps les effets du froid : antalgique, anti-œdémateux et
anti-inflammatoire. L’application précoce du froid a pour but de limiter l’épanchement
sanguin, confirmé par Weston [26], mais l’action anti-œdémateuse du froid n’a pas été
démontrée clairement et les résultats sont encore contradictoires. En ce sens, une syn-
thèse récente de Struijs et Kerkhoffs [27] n’a pas retrouvé d’argument de bon niveau
de preuve pour recommander la prescription du glaçage de la cheville en cas d’entorse.
Toutefois, l’intérêt du froid semble acquis [28], en particulier au niveau antalgique.
Les modalités d’exécution sont importantes. Le froid humide serait plus efficace
que le froid sec ; mais les défenseurs de la neurocryostimulation (ou cryothérapie
gazeuse hyperbare) [29] sont en faveur du froid sec, mieux toléré et qui diffuserait de
manière plus étendue. La durée minimale d’application est de 20 minutes avec une
répétition si possible toutes les 2 heures, sauf pour la neurocryostimulation où les
séances sont très courtes.
PLACES DES TRAITEMENTS PHYSIQUES ET DE LA RÉÉDUCATION 83
Massage
Le massage est utilisé pour lutter contre la douleur et l’œdème ; il permet d’amé-
liorer la perception du pied. En ce qui concerne le problème spécifique de la douleur,
le massage transversal profond (MTP) est peu pratiqué dans l’entorse de la cheville
et, quand c’est le cas, c’est surtout en phase finale de la rééducation.
Les massages peuvent être effectués :
– dans un but antalgique, de manière indirecte, éventuellement avec une utilisa-
tion d’anti-inflammatoires locaux dont la pénétration est ainsi améliorée. Cet-
te technique peut être intéressante en début de traitement. De manière directe,
le MTP réalisé quotidiennement semble apporter une sédation de la douleur,
rarement utile plus de 15 jours ;
– dans un but vasculaire : une technique précise doit être appliquée pour une
meilleure efficacité. Les pressions glissées et les pressions statiques permet-
tent d’augmenter la vitesse de circulation du retour veineux. On peut aussi
effectuer un drainage veineux du pied avec un résultat intéressant, mais seule-
ment si la technique est rigoureuse ;
– dans un but extéroceptif : le massage du pied permet de recruter différents
récepteurs cutanés et prépare ainsi à la reprogrammation neuromusculaire.
Au total, le massage reste utile, entraînant une diminution de la douleur et de
l’œdème ainsi qu’une amélioration de la « perception du pied ».
En cas de persistance de l’œdème, la pressothérapie et le drainage lymphatique
manuel peuvent également être utilisés.
La pressothérapie est efficace dans la thérapeutique post-traumatique en phase
aiguë (grade C). Cette technique est proposée comme option thérapeutique, car la
technique manuelle est plus adaptée. Il y a peut-être un intérêt dans l’association
d’une botte à la fois réfrigérante et pressive.
L’indication du drainage lymphatique manuel ne paraît pas prioritaire dans l’en-
torse, sauf en cas d’œdème particulièrement résistant, et elle est alors utilisée dans
un second temps.
Contentions
Outre leur intérêt pour la stabilité, les contentions ont une efficacité antalgique. Il
en existe différents types : les contentions légères par chevillère élastique, le strap-
ping ou taping suivant qu’on utilise des bandes élastiques souples ou rigides [30] (il
faut d’ailleurs noter qu’il existe une cotation spécifique de la Sécurité sociale pour ce
type de traitement), les orthèses stabilisatrices préfabriquées, la résine semi-rigide et
la botte plâtrée. Tous ces éléments ont été décrits par Vaes et al. [30] en 1998.
La compression est effectuée par un bandage compressif lorsque le patient n’a pas
l’autorisation d’appui. La compression qui utilise une mousse en forme de fer à cheval
périmalléolaire est plus efficace que la simple compression uniforme par bande élas-
tique (grade C). La contention adhésive ou l’orthèse semi-rigide est proposée quand
le patient reprend l’appui. Ces éléments permettent d’éviter une récidive pendant la
période de cicatrisation. Après cette période, une contention peut être proposée pour
mieux stabiliser la cheville pendant l’exercice. Si une contention adhésive est utilisée,
une sous-bande en mousse est conseillée. La contention adhésive doit permettre le
verrouillage calcanéen et limiter le varus-valgus de l’arrière-pied pour les ¾ de la
mobilité par rapport au côté sain. Les bandes de contention réalisant un huit (bandage
de secouriste) sont inefficaces (grade C). Les bandes de contention en forme de U
(basket-ball wave) et en forme de cravate sont efficaces (grade C).
Toutes les attelles « actives » de stabilisation, réalisées avec des bandes adhésives
non élastiques, sont plus efficaces que les bandes adhésives élastiques même étirées
(grade C). Elles doivent être posées en prenant garde de ne pas provoquer de douleur.
La durée de chaque contention varie en fonction de la limitation de la mobilité en
varus-valgus de l’arrière-pied.
PROGRAMME DE RÉÉDUCATION
Il est noté dans le rapport de l’HAS que les mobilisations utilisées ont pour but de
récupérer une amplitude articulaire physiologique.
Les techniques de gain de mobilité sont utilisées dès que la douleur le permet.
Pope et al. [31] ont mesuré les amplitudes de flexion dorsale de 1093 recrues de l’ar-
mée australienne, soumis à un entraînement intensif ; 48 ont été victimes dans les
12 semaines suivantes d’entorse de la cheville. Il a été noté qu’une limitation d’am-
plitude en flexion dorsale de la cheville préexistante au traumatisme était un facteur
corrélé avec l’entorse. Cette étude a été réalisée en utilisant le test en charge de flexion
dorsale. Bennell et al. [32] avaient trouvé que ce test était fiable et reproductible.
Les techniques de gain de mobilité reposent sur une mobilisation précoce pas-
sive de l’articulation des différentes articulations ; les modalités de réalisation de ces
techniques décrites par Berthe [33] sont utilisées tant que la mobilité normale n’est
pas retrouvée.
PLACES DES TRAITEMENTS PHYSIQUES ET DE LA RÉÉDUCATION 85
Dans les premiers jours, on ne recherche pas les amplitudes en varus afin de ne
pas « agresser » le plan ligamentaire latéral de la cheville. Toutefois, ces techniques
de gain de mobilité permettent également de stimuler la cicatrisation ligamentaire.
Il n’existe, à notre connaissance, aucune publication traitant des techniques de
mobilisation spécifique dites de « réharmonisation ou de normalisation », utilisées
par certains thérapeutes, ni aucune étude clinique de leurs effets.
En revanche, le travail de posture, la mobilisation active, les techniques de
contracterrelâcher ou de stretching apportent un complément aux autres techniques.
Renforcement musculaire
Restauration de la stabilité
Indicateurs de surveillance
Les indicateurs de surveillance ont été bien résumés dans le rapport de l’HAS
[25]. Ils doivent comporter une surveillance de la douleur, de l’œdème, des mobilités
en décharge et en charge, de la force, de la stabilité fonctionnelle et des activités de
la vie quotidienne, le tout devant être noté dans une fiche de bilan.
Par ailleurs, il existe 2 scores d’évaluation de la stabilité fonctionnelle de l’en-
torse de la cheville : le score de Ferretti et le score de Bié.
Le rythme, le nombre et la durée des séances ne peuvent être quantifiés précisément,
car ils dépendront du bilan. Selon les recommandations de l’HAS, la kinésithérapie doit
être aussi précoce que possible (grade B), dès que la douleur l’autorise, avec une prévi-
sion de 10 à 20 séances. La reprise de l’appui s’effectue en fonction de la douleur.
PLACES DES TRAITEMENTS PHYSIQUES ET DE LA RÉÉDUCATION 87
CONCLUSION
Références
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88 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
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PLACES DES TRAITEMENTS PHYSIQUES ET DE LA RÉÉDUCATION 89
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10
PLACE DE LA CHIRURGIE DANS LES
ENTORSES LATÉRALES TIBIOTALIENNES
RÉCENTES
INTRODUCTION
Si, pour les entorses bénignes ou de gravité moyenne, le traitement est univoque
et doit être fonctionnel, quelques interrogations subsistent pour les entorses sévères.
Celles-ci peuvent être légitimement posées devant une cheville qui parfois présente
un aspect lésionnel impressionnant, voire préoccupant, faisant poser la question au
thérapeute de la nécessité d’un avis chirurgical.
Kannus et Renström [2], dans une méta-analyse de la littérature à propos de 12 étu-
des prospectives randomisées sur le traitement des entorses graves du ligament collatéral
latéral de la cheville, ont permis de formuler plusieurs conclusions qui font actuellement
consensus. Pour eux, il ne fait aucun doute que le traitement fonctionnel demeure le
traitement de choix pour les ruptures complètes de ce ligament dans les entorses graves.
Ce traitement inclut une courte période de protection avec reprise rapide d’appui, mobi-
lisation précoce et stimulation neuromusculaire, permettant d’obtenir dans presque tous
les cas la récupération et la guérison les plus rapides, avec une récupération complète
des mobilités et une reprise rapide des activités professionnelles et sportives.
Les symptômes résiduels tels que l’instabilité, la douleur, l’enraidissement ou la
faiblesse musculaire sont de loin les moins importants par rapport aux groupes des
traitements orthopédiques classiques et des traitements chirurgicaux. L’étude des
groupes de traitement fonctionnel montre que celui-ci est sans complication.
La majeure partie des auteurs [3] s’accordent à proposer, même chez les athlètes
de haut et très haut niveau, un traitement fonctionnel associé à une protection lors
de la reprise des activités sportives avec, en cas de récidive d’accident d’instabilité,
la possibilité d’opter pour un traitement chirurgical secondaire par ligamentoplastie
dont les résultats sont, eux aussi, excellents.
Enfin, le coût socio-économique du traitement fonctionnel est infiniment plus
faible que le coût des autres traitements, qu’ils soient orthopédiques ou chirurgicaux,
et doit être pris en compte à l’échelle d’une conscience socio-économique [2,4].
À titre d’exemple, la méta-analyse évoquée ci-dessus [2] comportant uniquement
des entorses graves du ligament collatéral latéral de la cheville, présentait 125 chevilles,
chez des sujets de 23 à 32 ans, dont 71 % d’hommes. Il s’agissait d’entorse aiguë inau-
gurale à chaque fois. Le recul moyen a été de 1,2 an. Tous les patients opérés l’ont été
selon une méthode de retension capsulaire. L’immobilisation était soit par plâtre pour
une période de 3 à 6 semaines, soit par bandage élastique avec mobilisation immédiate.
Les résultats sont sans appel [5] : la supériorité des traitements non chirurgicaux
et notamment du traitement fonctionnel est univoque. L’étude de facteurs tels que le
retour au travail, aux activités physiques, les mobilités articulaires, l’atrophie mus-
culaire, le retour au niveau d’activité prélésionnel a montré des résultats sensible-
ment meilleurs dans les traitements non chirurgicaux qui, par ailleurs, ne souffraient
d’aucune complication, hormis la thrombose veineuse profonde, qui, au demeurant,
n’a rien de spécifique à ce type de traitement.
92 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Kaikkonen et al. [6] présentent des résultats également sans appel dans une étude
prospective comparant le traitement fonctionnel et la chirurgie. À 9 mois du trauma-
tisme, le traitement fonctionnel donnait 87 % de bons et excellents résultats contre
60 % pour la chirurgie.
L’instabilité résiduelle et la récidive d’instabilité étaient sensiblement compara-
bles sans différence statistiquement significative entre les 2 types de thérapeutique,
hormis dans l’étude de Prins [7] qui ne retrouvait aucune récidive dans les groupes
du traitement chirurgical, et 19 % de récidive dans les traitements par immobilisation
plâtrée.
Inversement, une étude prospective randomisée par Pijnenburg et al. [8] en 2003 a
comparé le traitement chirurgical au traitement fonctionnel chez 370 patients présen-
tant une entorse de la cheville avec rupture confirmée d’au moins un des 3 faisceaux
du ligament collatéral latéral, avec un délai moyen de 8 ans. Les résultats ont montré
la supériorité du traitement chirurgical sur le plan de la stabilité, de la récidive et des
douleurs résiduelles.
Enfin, l’étude de la laxité résiduelle au dernier recul en mesurant la laxité tibio-
talienne en stress de face, ou en tiroir antérieur forcé, ne montre aucune différence
entre la réparation et le traitement fonctionnel [3].
Toutes les études tendent à prouver que le traitement fonctionnel est équivalent
au traitement chirurgical en terme de résultat fonctionnel voire, pour bon nombre
d’entre elles, supérieur.
Les principaux problèmes des traitements chirurgicaux résident dans la néces-
sité d’une hospitalisation, d’une anesthésie, d’un acte opératoire parfois traumatisant
pour le patient, et dans le coût socio-économique élevé d’une intervention chirurgi-
cale dont les complications peuvent être graves.
Dans la méta-analyse de Kannus et Renström [2], 11 études sur 12 prospectives
présentaient des complications du traitement chirurgical :
– taux d’infection nosocomiale évalué à 4 % [7] ;
– nécrose cutanée ou accidents cicatriciels non exceptionnels ;
– thrombose veineuse profonde évaluée à 5 % [9] ;
– taux d’embolie pulmonaire estimé à 2 % ;
– problèmes neurologiques au premier plan, associant :
• hyperesthésie autour de la cicatrice pour 19 % des patients [10] ;
• hypoesthésie dans 12 % des cas [11] ;
• neurinome cicatriciel dans 9 % des cas [12].
La chirurgie est donc grande pourvoyeuse de problèmes neurologiques, septi-
ques, thrombo-emboliques et cutanés venant péjorer le résultat fonctionnel, au moins
CHIRURGIE DANS LES ENTORSES LATÉRALES TIBIOTALIENNES RÉCENTES 93
dans un premier temps. Il faut toujours garder à l’esprit que le traitement fonctionnel
n’est pourvoyeur d’aucune complication spécifique.
Le traitement le plus adéquat doit être celui permettant de restituer la fonction
rapidement sans générer de « dommages collatéraux » iatrogènes et, si possible, en
tenant compte des impératifs socio-économique.
Le traitement fonctionnel remplit le cahier des charges dans cette indication et
doit, comme le pensent la plupart des auteurs, demeurer le traitement de choix dans
l’entorse aiguë du ligament latéral de la cheville.
Le consensus qui se dégage à la lumière des résultats de toutes ces séries pros-
pectives est de réserver le traitement chirurgical à la phase chronique d’instabilité
récidivante, malgré un traitement médical bien conduit.
Mais il est des cas exceptionnels dans lesquels le traitement fonctionnel ne sera
pas à même de régler certaines spécificités, et nous pensons que le chirurgien doit
impérativement être contacté dans les 3 situations décrites ci-après.
Le sportif de haut niveau peut, selon les équipes chirurgicales, être candidat à une
chirurgie stabilisatrice d’emblée, d’autant plus que le sport pratiqué sera un sport à
risque (handball, basket-ball, volley-ball) que le bâillement, avec la pratique de cli-
chés dynamiques, montre une laxité importante ou que le tableau d’entorse grave est
caricatural, associant une hémarthrose considérable et laissant présager des lésions
capsuloligamentaires importantes.
Ces tableaux devront impérativement s’accompagner de clichés dynamiques en
varus-valgus si le patient reste examinable, afin de guider et de conforter le théra-
peute dans son indication. L’échographie et l’IRM – dans la mesure où ces examens
peuvent être réalisés en urgence – pourront être d’une aide précieuse, notamment
pour les lésions associées. Les habitudes du thérapeute, médecin ou chirurgien,
conditionneront là encore l’attitude thérapeutique.
Si l’on décide d’une intervention chirurgicale, doit-on réparer immédiatement les
lésions capsuloligamentaires ou, au contraire, attendre que la cheville soit rééduquée
et proposer une ligamentoplastie secondaire une fois le cap aigu passé ? Le sportif
qui consulte le chirurgien en urgence pourra, s’il souffre d’une entorse grave voire
avec déjà quelques signes de laxité importante, être candidat à une immobilisation
plâtrée ou résinée pour 4 à 6 semaines. Nous pensons que, dans cette situation pré-
cise, il est judicieux et cohérent de proposer une réparation immédiate des lésions
capsuloligamentaires avec exploration et lavage articulaire.
Néanmoins, cette attitude doit être nuancée à la lumière de quelques études bien
menées. Lynch et Renström [3] ont montré, chez des athlètes de haut niveau souf-
frant d’entorses graves, 10 à 30 % de symptômes chroniques incluant des tendinites
associées à un enraidissement, des douleurs et des sensations d’instabilité. Quinn et
al. [13] proposent d’analyser les effets protecteurs d’une prévention de la récidive
d’entorse de la cheville chez des sujets jeunes, actifs et très sportifs, ayant déjà eu
une entorse grave traitée médicalement. Ils proposent, lors de ces activités à haut
risque d’instabilité, le port d’orthèses semi-rigides ou de type Aircast®. Le risque
de développer une nouvelle entorse latérale de la cheville en portant ces orthèses a
considérablement diminué, ainsi que la nécessité de recourir à une chirurgie différée
de stabilisation par ligamentoplastie.
Le sportif de haut niveau peut donc se satisfaire d’un traitement fonctionnel as-
socié à une reprise des activités précoces sous couvert d’une protection adaptée. La
récidive fera pratiquer une ligamentoplastie en dehors de tout contexte d’urgence,
sur une cheville préparée et rééduquée, chez un patient prévenu des suites et mis en
confiance. Lorsque le thérapeute décide une intervention, il doit toujours mettre en
valeur les complications potentielles de la chirurgie, les suites et la reprise d’activité
plus longues que le traitement fonctionnel. Il devra par ailleurs privilégier la répara-
tion immédiate à la reconstruction.
CONCLUSION
La chirurgie demeure conseillée lors du dépistage d’une grande laxité avec état
de préluxation ou lorsqu’il existe un bâillement important tibiotalien après réduction
d’une luxation tibiotalienne sans fracture, surtout chez des sujets jeunes sportifs et
actifs.
L’indication chirurgicale est de plus en plus controversée lorsqu’il s’agit d’athlètes
de haut niveau, notamment depuis l’avènement d’orthèses, permettant de protéger la
cheville lors de la pratique des sports à risque, et au vu des complications potentielles
de la chirurgie.
Références
M. RAGUET*, B. BORDET**
INTRODUCTION
Les lésions de la syndesmose tibiofibulaire (STF) sont fréquentes dans les fractures
de cheville en abduction ou en rotation externe et abduction. Les lésions purement liga-
mentaires sont beaucoup plus rares. Elles intéressent les formations antérieures ou posté-
rieures. Très souvent, elles sont confondues avec une entorse classique de la tibiotalienne,
bien que le mécanisme lésionnel et l’examen clinique soient totalement différents.
Ce chapitre a pour objectif d’analyser les différents éléments permettant d’évo-
quer une lésion de la STF et le traitement en fonction des lésions et des complica-
tions. Le seul diagnostic différentiel vrai est la fracture de la malléole latérale. Le
problème essentiel des lésions de STF est l’examen clinique.
RAPPEL ANATOMOPHYSIOLOGIQUE
Anatomie
Physiologie
Le dôme du talus est plus large en avant qu’en arrière. Le mouvement de flexion
plantaire vers la flexion dorsale est possible si la pince bimalléolaire s’ouvre. Cet
écartement (en moyenne de 2 mm) se produit au niveau de la syndesmose. Cette laté-
ralisation de la malléole s’accompagne d’une rotation externe de la fibula. Blaimont
et al. [2] ont étudié les contraintes au niveau de l’articulation tibiotalienne. La surface
articulaire entre le tibia et le talus fait en moyenne 5,41 cm2 pour des contraintes de
200 kg, ce qui est nettement supérieur aux possibilités de résistance du cartilage. Les
surfaces articulaires médiale et latérale participent à la transmission des contraintes
au niveau de l’articulation tibiotalienne, faisant passer la surface articulaire à 10 cm2.
Cela nécessite une congruence articulaire normale avec un contact permanent entre la
malléole latérale et le talus. La congruence latérale ne peut être assurée que si la STF
est stable. Le LTFAI assure 36 % de la stabilité de la syndesmose, le LTFPI 42 % et la
membrane interosseuse 22 % selon Ogilvie-Harris et al. [3]. Tout diastasis ou laxité
va induire une augmentation des contraintes sur l’articulation tibiotalienne et, à long
terme, favoriser l’apparition d’une arthrose.
ÉPIDÉMIOLOGIE
PHYSIOPATHOLOGIE
va s’ouvrir [7]. Suivant l’importance du traumatisme, les ligaments sont lésés. Com-
me pour toute entorse, les lésions vont d’une simple distension à la rupture ligamen-
taire avec diffusion plus ou moins importante des lésions. Classiquement, les lésions
commencent par le LTFAI avec une déchirure en plein corps, ou plus rarement un
arrachement sur le tibia au niveau du tubercule de Tillaux avec une petite écaille
osseuse à la radiographie. Les lésions diffusent ensuite à la membrane interosseuse
sur une hauteur plus ou moins importante. Dans ce mécanisme en rotation externe,
le LTFPI n’est pas, en principe, atteint. Les lésions de la STF peuvent être associées
à une atteinte du ligament collatéral médial qui, cliniquement, est au premier plan et
peut ainsi masquer les lésions latérales [7]. La rotation externe du segment jambier
peut induire des lésions au niveau du genou, « masquant » les lésions au niveau de la
cheville [6]. Ce mécanisme en rotation externe et flexion dorsale se rencontre dans
différentes circonstances. Il s’agit :
– soit d’un traumatisme appuyé : joueur tombé en appui sur le genou avec le bord
médial du pied sur le sol [8] – l’arrivée d’autres joueurs tombant sur lui ag-
grave la rotation externe (football américain, rugby). Proche de ce mécanisme,
il peut s’agir d’un shoot de l’intérieur du pied contré par un autre joueur ;
– soit d’un traumatisme non appuyé propre aux sports de glisse [6,9]. Le meilleur
exemple est « l’enfourchage » d’un piquet de slalom, notamment pour le ski
intérieur. Dans ce cas précis, la lésion de la syndesmose est peut-être un moin-
dre mal… Le surf [6] peut aussi induire des lésions de la STF chez des pra-
tiquants avec des chaussures de ski et des fixations à étriers, ce qui ne se voit
plus souvent. Une rotation externe forcée peut se voir au déclenchement d’un
virage en front side avec la spatule qui se plante dans la neige. L’autre mé-
canisme en surf est une chute sur les genoux avec la partie postérieure de la
spatule plantée dans la neige augmentant ainsi la rotation externe.
Les publications sur le LTFPI sont beaucoup plus rares. Nous retiendrons celle de
Segal (cité in [11]) qui rapporte 2 cas d’arrachement osseux au niveau du tubercule
postérieur du tibia. Dans les 2 cas, il retrouve la notion de tacle sur la face latérale de
la cheville, l’un étant en appui et l’autre le pied en l’air. Il se produit un mouvement
d’inversion et de distraction de la cheville, avec une composante nette en rotation
interne (phénomène du tire-bouchon). La pression excessive de la partie postérieure
du talus sur la malléole latérale par le varus et la rotation interne ouvre la pince
bimalléolaire en arrière. Ces lésions peuvent se produire si la sous-talienne résiste au
traumatisme. Pour Segal, cette lésion se produirait en flexion plantaire.
CLINIQUE
Lésion du LTFAI
Signes fonctionnels
Signes physiques
Lésion du LTFAI
Signes fonctionnels
Dans les cas rapportés par Cusimano et al. [11], le traumatisme initial a été res-
senti comme bénin sans douleur vive, sans craquement, mais avec une impotence
fonctionnelle immédiate qui semblait disproportionnée par rapport au traumatisme.
Rapidement, l’impotence a disparu, entraînant un retard de consultation.
Secondairement, devant la persistance de douleurs postérieures, le patient consulte
en évoquant une « tendinite calcanéenne ». L’inspection ne révèle rien de particulier.
La palpation retrouve des points douloureux postérieurs de chaque côté du tendon
calcanéen. La flexion plantaire forcée peut provoquer une douleur postérieure. Le
testing musculaire est normal.
L’ensemble des signes cliniques évoquent un syndrome du carrefour postérieur
survenant plusieurs semaines après un traumatisme qui a pu être oublié.
LÉSIONS ISOLÉES DE LA SYNDESMOSE TIBIOFIBULAIRE 103
IMAGERIE COMPLÉMENTAIRE
Figure 1. Analyse des tubercules tibiaux sur 3 rotations. A. Face rotation externe. B. Face. C. Face
rotation interne.
104 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Figure 2. Arrachement osseux tibial du ligament tibiofibulaire postérieur et inférieur (écaille postérieure
sur le tibia sur la radiographie [A] et la tomodensitométrie [B]).
Tomodensitométrie
La tomodensitométrie (TDM) n’a pas sa place dans l’entorse simple, mais peut
compléter les clichés simples en cas de lésions ostéochondrales susceptibles de né-
cessiter un traitement chirurgical (figure 2B).
Échographie [4,18–23]
Les vues échographiques dans l’axe du LTFAI sont très informatives et l’explo-
ration doit donc se faire avec une inclinaison de la sonde à 35° par rapport à l’hori-
zontale (figure 3).
L’échographie couplée au Doppler recherche des signes de souffrance ligamen-
taire et dépiste les ruptures.
Un examen dynamique comparatif aide à visualiser la rupture de ce ligament
(flexion dorsale, squeeze test, rotation externe, etc.). Les manœuvres évaluent la
rotation externe, le glissement postérieur de la fibula et recherchent un diastasis.
Si seul le LTFAI est correctement analysable, il est touché en priorité, et la rupture
de ce ligament nécessite une mise en décharge.
Cet examen offre au prescripteur le diagnostic positif de rupture.
Également très utile en cas de mauvaise évolution, l’échographie fournit un bilan
lésionnel complet des lésions capsuloligamentaires et tendineuses potentiellement
associées.
IRM [24–27]
L’imagerie par résonance magnétique [IRM] est l’examen de choix au stade chro-
nique. Elles permet une bonne analyse des structures ligamentaires et fait le point
complet des lésions associées, très fréquentes à ce stade (ligament collatéral médial,
lésions ostéochondrales du talus, ligament collatéral latéral, etc.).
Cet examen doit être réalisé avec injection de gadolinium. Les acquisitions coro-
nales sont décrites comme les plus performantes pour l’étude du LTFAI mais l’ana-
lyse doit idéalement se faire dans les 3 plans (figure 4).
LÉSIONS ISOLÉES DE LA SYNDESMOSE TIBIOFIBULAIRE 105
Figure 4. IRM et syndesmose pathologique. A–C. Atteinte du ligament tibiofibulaire postérieur (LTFP) :
la coupe sagittale T1 (A) montre une ossification pathologique (flèche blanche) à l’enthèse tibiale
du LTFP. Rehaussement pathologique (flèches blanches) sur les séquences après injection en coupes
sagittales (B) et axiales (C). D–F. Atteinte du ligament tibiofibulaire antérieur et inférieur (LTFAI) :
épaississement et perte de son hyposignal physiologique (flèches blanches) sur les séquences axiales T1
(D) et T2 (E). Rupture et rehaussement sur les séquences axiales (F) après injection de gadolinium (flèche
blanche) avec synovite associée (flèche noire).
106 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
L’examen clinique donne une bonne approche de la gravité des lésions. Les exa-
mens complémentaires affinent le bilan lésionnel. Plusieurs classifications sont pro-
posées. Nous en retiendrons 2 :
– la classification d’Assor et al. [6] est purement clinique. Elle est intéressante
si les examens complémentaires ne sont pas justifiés :
• stade I : simple gêne et reproduction de la douleur en appui monopodal et
en flexion dorsale ;
• stade II : douleur en appui bipodal avec boiterie d’esquive ;
• stade III : appui et marche impossible.
– la classification proposée par Kouvalchouk et al. [28] est anatomoclinique,
l’importance des lésions ligamentaires étant déterminée par l’échographie et la
TDM. Cette classification permet de déduire les indications thérapeutiques :
• stade I : présence de signes cliniques spécifiques, mais sans rupture liga-
mentaire ni arrachement osseux ;
• stade II : rupture du LTFAI ou arrachement d’un tubercule osseux sans dé-
placement ni diastasis. Ce stade correspond aussi à une atteinte du LTFPI
avec une écaille osseuse non déplacée ;
• stade III : diastasis au niveau de la syndesmose avec atteinte de la mem-
brane interosseuse.
ÉVOLUTION
Avec un traitement adapté aux lésions, l’évolution est le plus souvent favorable,
avec un retour plus ou moins rapide sur le terrain.
Les complications concernent essentiellement les formes graves négligées où le
traitement a été insuffisant. Ces complications sont de 2 types :
– le premier type est l’instabilité persistante de la STF. Le LTFAI n’a pas cica-
trisé ou il est distendu, autorisant un diastasis. Il existe des douleurs à la marche
avec une insécurité. L’examen retrouve un ballottement du talus dû à l’ouver-
ture de la pince bimalléolaire. La persistance d’un diastasis au niveau de la STF
provoque des lésions dégénératives du dôme du talus et, à long terme, l’ap-
parition d’une arthrose. Blaimont et al. [2] ont bien montré l’importance de la
congruence articulaire pour la transmission des contraintes avec une répartition
des forces entre le tibia, la malléole latérale et le talus. L’ouverture de la pince
bimalléolaire entraîne une bascule en valgus du talus avec mauvaise répartition
des contraintes. Les lésions prédominent sur la partie supéromédiale du dôme,
avec pincement de l’interligne, géode sous-chondrale du talus, voire nécrose.
La clinique se traduit par des douleurs de type mécanique ;
– une complication commune à toutes les entorses de cheville et quel qu’en soit le
traitement existe : les conflits antérieur et postérieur au niveau du carrefour entre
le tibia, la fibula et le talus [29]. Le plus souvent, ces conflits surviennent après
une entorse en inversion, mais dans 20 % des cas, on retrouve un mécanisme en
éversion ou en rotation externe concernant initialement la syndesmose ;
LÉSIONS ISOLÉES DE LA SYNDESMOSE TIBIOFIBULAIRE 107
TRAITEMENT
– stade II : le ligament tibiofibulaire est déchiré avec des lésions en plein corps
ou un arrachement osseux non déplacé. Le traitement est orthopédique : im-
mobilisation dans une botte sans appui pendant 3 à 6 semaines. La décharge
semble indispensable afin d’éviter l’ouverture de la pince bimalléolaire et de
permettre une cicatrisation en bonne position ;
– stade III : le diastasis ne pouvant se réduire par un simple traitement ortho-
pédique, ces lésions sont chirurgicales. La suture directe du LTFAI est im-
possible. Le vissage d’un petit arrachement osseux n’est pas toujours facile.
La meilleure solution est le vissage de la syndesmose. La vis doit prendre la
fibula et le tibia en passant au-dessus de la syndesmose [30]. Elle est enlevée
à la 6e semaine après cicatrisation des lésions. La cheville est immobilisée
dans une botte avec appui interdit pendant les 6 semaines. La rééducation est
nécessaire après l’ablation de la vis et de la botte.
CONCLUSION
Les lésions isolées de la STF ne sont pas fréquentes et risquent d’être confondues
avec une atteinte du ligament collatéral latéral. Le diagnostic est clinique par la re-
cherche des points douloureux au-dessus du bord antérieur de la malléole latérale.
Les examens complémentaires permettent de classer la gravité de l’entorse de la
syndesmose et de déduire les indications thérapeutiques. Les complications sont es-
sentiellement la persistance d’un diastasis tibiofibulaire inférieur dû à un traitement
insuffisant. Les séquelles douloureuses antérieures ou postérieures ne sont pas rares.
Le plus souvent, les lésions de la STF sont de bon pronostic.
Références
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110 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
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12
ENTORSE DU CHOPART LATÉRAL
J.-B. COURROY*
INTRODUCTION
SIGNES FONCTIONNELS
ÉVALUATION CLINIQUE
IMAGERIE COMPLÉMENTAIRE
Le bilan radiographique n’est légitime qu’à partir d’un certain niveau de gravité
et comporte des incidences de face et de ¾ de l’avant-pied centrées sur l’articulation
médiotarsienne latérale. Il permet de rechercher :
– les lésions du diagnostic différentiel : fracture de la base du 5e métatarsien,
mais aussi celles, plus sournoises, situées au niveau de la base du 4e voire
du 3e métatarsien. L’arrachement du canal sous-cuboïdien peut être suspecté
lors de la mise en tension du long fibulaire. L’image caractéristique en coup
d’ongle passe facilement inaperçue si le cuboïde n’est pas entièrement déroulé
par l’incidence oblique ;
– les arrachements capsulopériostés autour de l’interligne calcanéocuboïdien,
qui signent la gravité de l’entorse ;
– une fracture corporéale du cuboïde ou de l’apophyse antérieure du cal-
canéus, dont l’image peut être confondue avec celle d’un os calcanéen
surnuméraire.
Au moindre doute, et pour certains devant toute impotence sévère, il est légitime
de pouvoir bénéficier d’une analyse osseuse plus fine par tomodensitométrie.
114 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
TRAITEMENT
L’immobilisation plâtrée d’un gros pied post-traumatique se paie toujours sur le plan
fonctionnel. Cela est encore plus dommage quand son but est de traiter une entorse de
la cheville qui n’existe pas ! Il faut tout autant redouter l’immobilisation plâtrée, surtout
abusive, que la persistance d’un état douloureux congestif post-traumatique, source de
réaction algodystrophique secondaire dont on connaît la fréquence dans ce cas.
L’immobilisation plâtrée n’est utilisée que pour une durée de 3 semaines et
seulement en cas d’arrachement capsulopériosté.
Le traitement fonctionnel paraît un compromis idéal. Il associe :
– un souci immédiat et prolongé de limitation de l’œdème et des troubles tro-
phiques : surélévation du lit, glaçages, massages de drainage, mobilisations
douces de toutes les articulations du pied ;
– un maintien des fonctions dynamiques en incitant à la mobilisation, mais en pro-
tégeant l’appui par des béquilles dans le respect strict de l’indolence. La marche
béquillée en protection d’appui paraît préférable, mais il est possible d’utiliser
de façon temporaire des chaussures à appui talonnier de type Barouk.
Quand l’appui peut être repris, le confort de la marche peut être amélioré par
l’usage de chaussures rigides avec support de l’arche interne, et éventuellement
par une contention circulaire non constrictive du pied avec rembourrage plantaire
de confort.
La rééducation ultérieure a pour seule spécificité d’insister sur les mobilisations
douces et la récupération du jeu articulaire de toutes les articulations du pied, no-
tamment médiotarsienne et sous-talienne. Elle se poursuit jusqu’à la récupération
complète des fonctions motrices (tibial postérieur, fibulaires) et proprioceptives.
SÉQUELLES DOULOUREUSES
Les douleurs séquellaires ne sont pas rares. Assez bien tolérées dans la vie cou-
rante, elles gênent principalement la reprise des sports comportant des courses et
des sauts.
Le syndrome secondaire résiduel se caractérise par la survenue de douleurs en
éclair survenant lors de la marche en terrain inégal, lors de l’impulsion du pas et, sur-
tout, de l’usage des chaussures à crampons. Il répond parfaitement bien à une série
de manipulations articulaires simples, et en général à une simple injection locale de
corticoïdes.
Les séquelles dystrophiques sont plus gênantes, car elles correspondent à un
enraidissement global des différents jeux articulaires du pied, avec une intolérance
mécanique rendant impossible toute reprise sportive. Elles sont bien souvent les
conséquences d’un traitement initial insuffisant vis-à-vis de l’œdème douloureux
post-traumatique, et sont entretenues ou aggravées par toute rééducation agressive.
La souffrance de la branche latérale du nerf fibulaire superficiel peut être secon-
daire au mouvement de supination de l’entorse ou à la fibrose cicatricielle enserrant
le nerf. Il faut y penser quand rien n’explique la gêne persistante, et rechercher soi-
ENTORSE DU CHOPART LATÉRAL 115
H. DE LABAREYRE*, T. BOUCHET**
INTRODUCTION
Accident peu fréquent mais non exceptionnel, la luxation des tendons fibulaires
ou, plus souvent, du tendon du court fibulaire ne doit pas être méconnue.
Le diagnostic est le plus fréquemment clinique, parfois confirmé par une imagerie.
Les traitements médicaux ou chirurgicaux peuvent se discuter, à l’avantage de ces
derniers actuellement.
RAPPEL ANATOMIQUE
Le tendon du muscle long fibulaire s’insère sur la face latérale des supérieurs
de la fibula et sur la membrane interosseuse. Le tendon du muscle court fibulaire
part des inférieurs de la fibula, et s’insère en avant du long fibulaire. Les tendons
gardent les mêmes rapports et descendent obliquement vers la région postérolatérale
de la malléole latérale.
La gaine tendineuse s’épaissit en arrière de la malléole latérale et prend le nom
de rétinaculum supérieur, entre le calcanéus et la malléole latérale, environ 1 à 2 cm
au-dessus de la pointe de la malléole.
Les tendons passent dans une gouttière à la face postérieure de la malléole. Le
tendon du court fibulaire, plus large, est directement placé au fond de la gouttière,
plaqué par le tendon du long fibulaire, plus fin, en arrière de lui. L’association de la
gouttière, du ligament calcanéofibulaire, du ligament talofibulaire postérieur et du
rétinaculum supérieur forme un tunnel ostéofibreux.
La gouttière est limitée par un rebord médial et un rebord latéral (ou antérieur).
Le rebord médial de la gouttière est formé par les 2 ligaments cités ci-dessus, alors
que le rebord antérieur est formé par une petite excroissance osseuse (de 2 à 4 mm)
sur laquelle s’accroche le rétinaculum supérieur, lui-même siège d’un renforcement.
Ce renfort est d’apparence fibrocartilagineuse, a une épaisseur de 1 à 2 mm sur une
hauteur de 3 à 4 cm [1,2]. À l’examen microscopique, ce renfort est en fait un mé-
lange de fibres de collagène et d’élastine, fixé lâchement au périoste et sur lequel le
rétinaculum n’est également pas fixé de façon très serrée.
Après avoir contourné la pointe de la malléole, le tendon du court fibulaire se
dirige vers la base du 5e métatarsien en passant au-dessus du tubercule des fibulaires
à la face latérale du calcanéus, alors que le tendon du long fibulaire passe sous le tu-
bercule des fibulaires et va ensuite contourner le bord latéral du pied sous le cuboïde
pour aller se diriger vers la base du 1er métatarsien et le cunéiforme médial.
La gouttière rétromalléolaire peut présenter des variantes, favorisant éventuelle-
ment des accidents d’instabilité. Elle est retrouvée, peu profonde, jamais supérieure
à 3 mm dans 82 % des cas, absente dans 11 % des cas, et convexe dans 7 % des cas
[3]. Le rebord latéral est de petite taille dans 48 % des cas, et absent dans 30 % des
cas [4]. La largeur moyenne de la gouttière est de 6 mm.
Le rétinaculum est également variable. Son absence ou sa laxité ont été décrites.
Sa largeur, son épaisseur ainsi que ses insertions sont variées. La plupart des sujets
possèdent une insertion postérieure sur le tendon calcanéen, mais la plus importante
est plus basse, sur le calcanéus.
LÉSIONS OBSERVÉES
Tourné et al. [6] décrivent 3 types de lésion : soit la déchirure en plein corps du
rétinaculum, soit une désinsertion au ras de la malléole, soit un décollement fibropé-
riosté. Les lésions sont à la fois plus simples et différentes des précédentes.
CIRCONSTANCES DE SURVENUE
Le traumatisme initial le plus souvent retrouvé est une dorsiflexion forcée brutale
sur un pied en inversion avec une contraction brutale des fibulaires. Dans cette situa-
tion, il existe une tension du ligament calcanéofibulaire, une diminution de la taille
du tunnel ostéofibreux et une poussée des tendons sur l’insertion du rétinaculum, en
avant [7]. Moins fréquemment, on retrouve une flexion plantaire modérée sur un pied
en éversion avec, là encore, une contraction brutale des fibulaires. Cette contraction
est nécessaire à la survenue d’une lésion du rétinaculum.
Le ski a longtemps été considéré comme le principal sport pourvoyeur ; cela est
sans doute moins vrai avec les chaussures actuelles. Des descriptions ont pu être
faites dans de nombreuses disciplines sportives.
EXAMEN CLINIQUE
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
La radiographie montre parfois une image pathognomonique qui est une écaille
osseuse qui double la malléole latérale, 2 cm au-dessus de la pointe. Cette image est
mieux visible sur un cliché de face avec 20° de rotation interne. Inconstante, cette
image serait présente dans 15 à 50 % des cas, le chiffre bas de la fourchette nous
paraissant plus vraisemblable, surtout si l’on en croit Eckert et Davis [2].
LUXATION RÉCENTE DES TENDONS FIBULAIRES 119
TRAITEMENT MÉDICAL
TRAITEMENT CHIRURGICAL
La luxation récente des tendons fibulaires est une lésion éminemment chirurgicale
en raison de résultats orthopédiques médiocres et surtout en raison des types anatomi-
ques de lésions permettant des résultats excellents à « chaud » ; les techniques, dans les
formes chroniques, étant souvent plus variées, plus complexes et plus aléatoires.
Les 3 types anatomiques sont bien connus [6] : rupture de la gaine, fracture-
arrachement du rebord osseux, décollement fibropériosté (le plus fréquent). Il existe
toujours des rares cas particuliers avec gaine « distendue » et des anomalies anato-
miques prédisposantes (gouttière non creusée, gros tendons et corps charnus des-
cendant bas, etc.) qui pourraient être diagnostiquées par l’imagerie rarement deman-
dée dans ce contexte aigu. De la même manière, les variantes anatomiques du rebord
osseux, du renfort fibrocartilagineux et du rétinaculum expliquent les différents de-
grés d’instabilité : subluxation simple, fréquence variable, etc.
Indications
Selon la littérature, peu abondante, le traitement chirurgical doit être réalisé de
principe dans les formes récentes, surtout chez le sportif si on a eu la chance d’avoir
un diagnostic précoce, sauf en cas de contre-indication opératoire ou anesthésique
(âge, pathologie, etc.). Porter et al. [11] rapportent notamment une série de 14 cas
chez 13 patients sportifs à qui il a laissé le choix initial (avertis du taux d’échec du
traitement orthopédique sans que celui-ci soit précisé) ; tous ont choisi cette solution
non opératoire, mais tous ont été opérés secondairement entre 15 semaines et 12 mois
pour instabilité. Mason et Henderson [2] rapportent 9 succès sur 11 cas opérés, leur
technique opératoire comportant une butée osseuse par ostéotomie de la fibula, une
synovectomie du tendon et une réinsertion du rétinaculum supérieur.
Les 4 types lésionnels décrits (figure 1A à D) sont en faveur d’une solution chirur-
gicale de suture ou réinsertion simple, et l’on peut se poser la question de savoir s’il
existe une forme « médicale » pouvant cicatriser anatomiquement.
Techniques
Les techniques doivent être très simples dans les luxations récentes. Il s’agit d’une
suture simple en cas de rupture de la gaine, d’une réinsertion éventuellement avec ancres
d’un rebord osseux fracturé, ou de la réinsertion transosseuse par des points en U du
décollement de la gaine selon les techniques de Méary [4] ou de Tourné et al. [6], qui
diffèrent seulement par le siège de l’incision de cette gaine distendue (figure 2A à D).
Les suites nécessitent habituellement un plâtre sans appui 3 semaines et avec ap-
pui 3 semaines supplémentaires, souvent remplacé par des appareillages amovibles,
avec ensuite une rééducation.
Le problème du creusement de la gouttière rétropéronière ne se pose pas en prin-
cipe en aigu, mais les techniques nouvelles sont moins agressives et peuvent s’associer
aux réparations des lésions chroniques [12] que l’on veut éviter par cette chirurgie
en urgence. En effet, les techniques sont alors très variées, même si la réinsertion
transosseuse reste la base, avec des plasties ou des butées osseuses ayant évolué histo-
riquement et dont le résultat est plus aléatoire. Le principe de réparation a été codifié
par Ferran et al. [5] en 5 catégories : réinsertion anatomique de la gaine, butée osseuse,
plastie locale de renforcement, déroutement des tendons, creusement de la gouttière.
CONCLUSION
Références
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Sport 1994 ; 11 : 26-8.
14
FRACTURES DE LA MALLÉOLE
LATÉRALE : INDICATIONS
THÉRAPEUTIQUES
Y. ROUXEL*
INTRODUCTION
* Clinique des Lilas, 41-49, avenue du Maréchal Juin, 93260 Les Lilas.
124 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
ANATOMIE
La malléole latérale descend plus bas et plus en arrière que la malléole médiale,
d’environ 1 cm (figure 1, C).
Sa face est encroûtée de cartilage. En arrière, se trouve une proéminence, le tuber-
cule d’insertion du ligament tibiofibulaire postérieur (figure 1, D). En avant, se situe
le tubercule de Tillaux.
Les moyens d’union avec l’extrémité inférieure du tibia sont représentés par les
ligaments tibiofibulaires antérieur (figure 1, A) et postérieur (figure 1, D), et le liga-
ment tibiofibulaire interosseux (figure 1, B), composé de fibres ligamentaires courtes
tendues au-dessus du récessus péronier, ce qui complète la description de la syndes-
mose tibiofibulaire.
Au niveau osseux, la face articulaire du tibia, quadrangulaire, est barrée en arrière
par la malléole postérieure de Destot (figure 1, E) et répond à la trochlée talienne,
plus large dans sa partie antérieure que postérieure.
FRACTURES DE LA MALLÉOLE LATÉRALE 125
BIOMÉCANIQUE
MÉCANISMES LÉSIONNELS
Les traumatismes directs sont rares. Il s’agit donc le plus souvent de traumatismes
indirects sur pied bloqué, le talus jouant le rôle d’agent traumatisant.
On distingue 2 grands mécanismes lésionnels, selon que le pied se met en in-
version, c’est-à-dire en dedans (adduction, supination, flexion plantaire et varus de
l’arrière-pied), ou en éversion, c’est-à-dire en dehors (abduction, pronation, flexion
dorsale de cheville et valgus de l’arrière-pied) (figure 2).
EXAMEN CLINIQUE
BILAN RADIOGRAPHIQUE
Figure 5. Principes du bilan radiographique. A. Face (20° de rotation interne). B. Profil (flèche).
De face
De profil
On complète l’étude du trait sur la fibula (figure 7[A] ). Une lésion marginale
postérieure (tubercule de Destot) est recherchée (figure 7[B] ), de même qu’une im-
paction tibiale et/ou talienne (figure 7[C] ).
Si l’aspect de la cheville est en faveur d’une déformation importante ou d’une luxa-
tion (figure 8), il est préférable d’accompagner le patient en salle de radiographie pour
tenter de réduire la fracture. Le soulagement étant immédiat, une immobilisation pro-
visoire est ensuite mise en place, permettant la réalisation de nouveaux clichés [5].
TRAITEMENT
Traitement fonctionnel
Traitement orthopédique
Le traitement orthopédique est réservé aux fractures à peau saine, sans altération
majeure de la continence de la mortaise. Il n’est indiqué qu’en cas de fracture non
déplacée, de réduction satisfaisante chez le patient âgé ostéoporotique, ou en cas
de contre-indication opératoire [8,9]. Le but est le centrage talien quelle que soit la
réduction malléolaire. Il n’est pas conseillé si la fracture est instable avec risque de
déplacement secondaire en cas de lésion associée malléolaire médiale, du LCM, ou
de la syndesmose, ou si une lésion paraît irréductible (incarcération du LCM dans les
équivalents de fractures bimalléolaires, fractures-enfoncements du pilon).
Traitement chirurgical
L’objectif est double : centrage talien et réduction anatomique des malléoles, mais
aussi réparation des lésions inaccessibles au traitement orthopédique (incarcérations,
enfoncements associés, lésions graves de la syndesmose). Il peut constituer un défi
technique dans les formes graves.
Il se discute dans 2 circonstances [6] :
– l’une, facultative, en cas de trait simple avec une précision de réduction exacte,
permettant une contention brève et une mobilisation rapide ;
– l’autre, obligatoire, en cas d’altération grave de la congruence articulaire et/ou
de fracture instable.
Il se décide en fonction du terrain (âge, état cutané, fracture ouverte, état vascu-
laire, tares associées).
La réduction sanglante et l’ostéosynthèse se font par un double abord interne et
externe (voire postéro-externe si un vissage malléolaire postérieur est nécessaire).
Les matériaux utilisés s’adaptent aux types fracturaires et restent discutés : les vis
en compression sont logiques ; les broches contrôlent mal les rotations et peuvent
induire un varus péronier ; les plaques permettent de restaurer la longueur, mais sont
menaçantes sur le plan cutané ; les matériaux résorbables et/ou ostéosynthèses « lé-
gères » sont mal évalués (figure 11). Quant à la réparation ou non de la syndesmose
lésée, elle est sujette à controverse.
Ce type de traitement ne tolère aucun défaut réductionnel et les critères radio-
graphiques habituels prennent mal en compte un éventuel trouble rotationnel [10].
Il existe donc un rôle arthrogène d’un cal vicieux malléolaire, surtout si celui-ci est
en raccourcissement, varus et/ou trouble rotatoire, comme l’a bien montré la série
de Biga et Defives [6] dans 50 % des cas (figure 12). Dans le cas des équivalents de
fractures bimalléolaires, ce type de traitement permet de définir l’attitude concernant
le LCM (abstention, abord pour désincarcération et/ou suture).
Il semble plus dangereux après 65 ans (tenue du matériel, risque de sepsis) [2].
En cas de fracture d’emblée instable, il ne modifie pas la durée de la reprise d’ap-
pui et ne permet pas de se passer d’une contention rigide post-opératoire (sous peine
d’un risque cicatriciel).
132 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Figure 12. Exemples de cals vicieux. A. Incarcération du ligament collatéral médial, atteinte de la
syndesmose. B. Fibula trop courte, déplacement latéral du talus. C. Pince étroite par trouble rotationnel de
malléole latérale : pseudodiastasis.
Il permet en revanche une rééducation plus rapide (la durée de la contention peut
être raccourcie), mais aucune attitude systématique ne peut être dégagée, comme l’a
souligné la revue de la littérature faite par Petrisor et al. [11].
Chaque cas reste donc particulier, tout comme l’ablation du matériel qui n’est pas
systématique et ne se justifie qu’en cas de gêne externe (le matériel est directement
sous la peau).
INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES
RÉÉDUCATION
COMPLICATIONS
Figure 13. Exemples de complications. A. Désunion cutanée. B. Cal vicieux en varus (hyperréduction de
la malléole latérale). C. Arthrose externe (défaut de réduction de la malléole latérale).
FRACTURES DE LA MALLÉOLE LATÉRALE 135
CONCLUSION
Références
P. THOREUX*
INTRODUCTION
Bien que de diagnostic plus rare que les atteintes ligamentaires de la cheville ou
les fractures de la malléole latérale, la fracture de la malléole médiale fait partie des
diagnostics à envisager systématiquement devant tout traumatisme de la cheville. Ce
diagnostic potentiel rend compte de l’un des critères de prescription d’un bilan radio-
graphique selon les critères d’Ottawa (douleur à la palpation de la partie postérieure du
relief des 2 malléoles, sur une hauteur de 6 cm à partir de la pointe).
L’épidémiologie des fractures de la malléole médiale est difficile à connaître,
surtout dans leur forme isolée. Seules les fractures malléolaires au sens large (frac-
tures bimalléolaires ou de la malléole latérale) sont largement étudiées en raison de
leur fréquence : elles sont au 3e rang des lésions traumatiques après les fractures du
poignet et de l’extrémité proximale du fémur. La malléole latérale étant fracturée
dans 85 à 90 % des cas selon les séries, la malléole médiale doit être atteinte de façon
isolée dans 10 à 15 % des cas environ.
Sur le plan biomécanique, la malléole médiale participe à la stabilité de la pince
tibiotalienne et au bon encastrement du dôme talien, élément fondamental pour la
protection de la surface cartilagineuse.
Sur le plan thérapeutique, l’obtention d’une réduction anatomique pour prévenir
le développement d’une arthrose ultérieure reste un critère de choix, même s’il est
battu en brèche par certains travaux qui privilégient le seul centrage de la mortaise.
Les traits de fracture observés en cas de fractures isolées sont les mêmes que ceux
classiquement décrits dans le cadre des fractures bimalléolaires : arrachement de la
pointe de la malléole (type A), trait horizontal au milieu du fragment malléolaire
(type B), trait horizontal au ras de la mortaise (type C), trait vertical (type D), la sta-
bilité de la fracture diminuant au fur et à mesure (figures 1 à 5).
Le bilan thérapeutique est identique à celui des fractures de la malléole latérale ou
des fractures bimalléolaires et comprend un bilan radiographique de face en rotation
interne qui doit dégager totalement l’interligne tibiotalien, en particulier sur la joue
médiale du talus, et un bilan de profil. En cas de doute sur une impaction associée ou
sur une lésion du dôme du talus, une exploration tomodensitométrique peut être utile.
Options thérapeutiques
Traitement fonctionnel
Traitement orthopédique
Le traitement orthopédique consiste en une botte plâtrée sans appui pour une
durée de 6 semaines avec contrôle radiographique régulier, comme tout traitement
orthopédique (J8, J15, ± 4 semaines et hors plâtre à 6 semaines). Le pied est parfois
positionné en discrète inversion. Le relais peut être pris selon le bilan à 6 semaines
par une orthèse de marche. Pendant la phase sans appui, un traitement thrombopro-
phylactique sera mis en œuvre.
Si l’indication est très large en cas de fracture non déplacée, certains auteurs
ont utilisé cette thérapeutique de façon systématique quelle que soit l’importance
du déplacement [2]. Herscovici et al. [1] ont montré, dans une série prospective
continue de 57 fractures isolées de la malléole médiale traitées exclusivement par
traitement orthopédique avec un recul de 2 ans, 55 consolidations sans traitement
complémentaire. Deux pseudarthroses sont à déplorer dans des fractures de
type C ; la consolidation a été obtenue en 4 mois dans les 2 cas après excision du
tissu fibreux et apport osseux. Les fractures de type A et de type D ont les meilleurs
résultats en termes de secteurs de mobilité et de scores fonctionnels. Selon les
auteurs, les seules contre-indications au traitement orthopédique sont les lésions
non isolées, les fractures ouvertes ou celles atteignant le plafond de la mortaise, les
fractures avec subluxation ou bascule frontale du talus, et les fractures de l’adoles-
cent à physe ouverte. Aucune évolution arthrosique n’a été constatée avec un recul
moyen de 36,5 mois.
FRACTURES DE LA MALLÉOLE MÉDIALE 139
Traitement chirurgical
après réalisation d’une fracture transversale haute. Les montages par vissage (1 vis
de diamètre 4,5) et les haubans permettent la mobilisation précoce ; les montages par
2 broches de Kirchner de diamètre 2,4 ne permettent pas la mobilisation et sont donc
à éviter dans la mesure du possible.
Formes cliniques
Fractures de fatigue
Figure 7. Fracture de fatigue de la malléole médiale : trait partant de l’angle médial de la mortaise,
radiographie tardive (d’après [9/10]).
FRACTURES DE LA MALLÉOLE MÉDIALE 141
Figure 8. Fracture de fatigue de la malléole médiale : trait partant de l’angle médial de la mortaise,
coupe tomodensitométrique (d’après [9/10]).
Figure 9. Radiographie de face de la cheville mettant en évidence une image en coup d’ongle évocatrice
d’une luxation des tendons fibulaires associée à une fracture de la malléole médiale (d’après [13]).
Figure 11. Radiographie post-opératoire de face après vissage de la malléole médiale et réinsertion par
ancres de la gaine des tendons fibulaires (d’après [13]).
Les modalités thérapeutiques sont très variées et ne sont pas codifiées dans la
littérature. Le traitement fonctionnel simple avec limitation des activités sportives
(règle de la non-douleur) peut être préconisé en cas de douleurs exclusivement à
l’exercice. Il peut être potentialisé par le port d’une orthèse, mais s’étale souvent sur
plusieurs mois (4 à 6 mois). L’existence d’une douleur à la marche impose la mise
en décharge. Cette mise en décharge doit ou non être associée au port d’une orthèse
ou d’une botte plâtrée, la compliance du sujet étant souvent décisive dans le choix
des modalités proposées. La durée prévisible de la mise en œuvre du traitement est
malheureusement très floue et il n’existe pas de critères prédictifs précis. L’ostéo-
synthèse de la malléole médiale a toute sa place dans les formes où le trait est bien
visible, en particulier sur les clichés radiographiques, et lorsque le sujet est jeune et
sportif. L’attitude est systématiquement chirurgicale en cas de fracture déplacée.
Enfant et adolescent
Sujet âgé
La luxation des tendons fibulaires est une étiologie rare, retrouvée dans moins de
1 % des traumatismes de la cheville. L’association avec une fracture de la malléole
médiale est encore plus exceptionnelle, mais elle est retrouvée dans la littérature
[13]. Selon Trizna et Roy, le mécanisme responsable est une adduction-inversion
forcée. Le tableau clinique associe des éléments en faveur d’une atteinte médiale
osseuse à des signes au niveau du compartiment latéral (gonflement, douleurs) sans
signes patents de fracture de la malléole latérale. L’examen dynamique des tendons
fibulaires est souvent difficile dans ce contexte. La sensation de claquement initial
du côté latéral est bien sûr évocatrice. L’analyse soigneuse du cliché radiographi-
que à la recherche de l’image en coup d’ongle pathognomonique de l’avulsion de la
coulisse des tendons fibulaires doit être systématique (figures 9 et 10). En l’absence
de cette image évocatrice, la suspicion d’une lésion associée des tendons fibu-
laires fera discuter la réalisation d’une échographie par des mains expérimentées
ou d’un CT-scan ; ces examens montrent alors l’avulsion de la coulisse des tendons
fibulaires sous forme d’une languette à charnière postérieure, les tendons pouvant
être en position luxée ou non. Cette association lésionnelle fait porter une indica-
tion chirurgicale quasi systématique, en raison du risque d’instabilité dynamique
séquellaire. Le traitement chirurgical associe une synthèse de la malléole médiale
144 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Références
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11 Sherbondy PS, Sebastianelli WJ. Stress fractures of the medial malleolus end distal fibula. Clin Sports
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12 Dohin B, Langlais J. Fractures du cou-de-pied de l’enfant. Encycl Méd Chir (Elsevier Masson, Paris).
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13 Trizna E, Roy J. Luxation traumatique des tendons fibulaires et fracture malléolaire médiale : une asso-
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16
FRACTURES DU DÔME SUPÉROLATÉRAL
DU TALUS
J.-F. KOUVALCHOUK*
INTRODUCTION
Sans vouloir jouer les provocateurs, on peut dire d’emblée que les fractures du
dôme supérolatéral du talus ne doivent pas être classées dans « les fausses entorses »
car, dans la quasi-totalité des cas, sinon toujours, elles ne se produisent que dans
le cadre d’entorses graves de la cheville. Et, sans exagérer le paradoxe, on pourrait
même affirmer que ce sont les vraies et seules entorses graves, puisqu’elles ne peu-
vent exister que si les faisceaux antérieur et moyen du ligament collatéral latéral
(LCL) sont rompus et que s’ajoute aux lésions ligamentaires cette lésion osseuse qui
influe de façon essentielle sur la prise en charge thérapeutique initiale et qui elle-
même peut entraîner de lourdes séquelles.
Berndt et Harty [1] en ont apporté la preuve par leurs études cadavériques. Si,
pour les atteintes médiales du talus, leurs conclusions sont discutables, il n’en est pas
de même pour les lésions supérolatérales. Leurs conclusions sont claires : pour qu’il
se produise une fracture supérolatérale, il faut que le LCL soit rompu. Nous revien-
drons plus loin sur les points les plus importants de leur travail.
C’est aussi la raison pour laquelle, parmi tant d’autres, la classification de Trevino
et al. [2], bien que complexe, est sans doute la meilleure puisqu’elle isole un stade
propre (IVb) pour ce type d’association lésionnelle, ce que ne font pas les autres clas-
sifications. C’est là une source d’ambiguïté lorsqu’on lit les résultats des différentes
séries de la littérature, dans la mesure où, le plus souvent, ne sont envisagées que les
lésions ligamentaires ou les fractures du dôme talien, mais non leur association. Or,
là est tout le problème, notamment dans les formes récentes pour ce qui concerne leur
diagnostic, leur imagerie et leur traitement.
Ainsi, que l’on envisage la situation soit par le biais des lésions ligamentaires,
soit par celui de la fracture supérolatérale, il apparaît clairement que cette dernière
* Ancien chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologie du sport, hôpital Foch, 92150
Suresnes.
FRACTURES DU DÔME SUPÉROLATÉRAL DU TALUS 147
ne constitue pas une « fausse entorse », mais bien une authentique entorse grave et,
qui plus est, compliquée.
MÉCANISME LÉSIONNEL
FRACTURES RÉCENTES
Anatomopathologie
Clinique
Le tableau est toujours très spectaculaire. C’est celui d’un traumatisme grave de
la cheville associant tuméfaction majeure, ecchymoses très larges remontant jusqu’à
la partie inférieure de la jambe, impotence fonctionnelle marquée.
– L’interrogatoire doit préciser le mécanisme lésionnel : toujours une inversion
forcée, appuyée ou non appuyée. Tout autre mécanisme ne peut que faire évo-
quer d’autres lésions.
– L’inspection peut montrer une attitude vicieuse en inversion du pied, très évo-
catrice d’une lésion ligamentaire grave. Elle localise les ecchymoses périmal-
léolaires mais n’atteignant jamais la plante du pied (évocatrice d’une fracture
du calcanéus).
– La palpation est essentielle à la recherche des critères d’Ottawa : palpation
des malléoles et des régions sus-malléolaires. Elle est ici négative, éliminant
une fracture malléolaire. Encore faut-il préciser que, compte tenu de l’impor-
tance des manifestations locales, cette appréciation est souvent difficile.
– La recherche des mouvements anormaux est à proscrire car, devant ce tableau, on
ne peut pas toujours éliminer une fracture. À ce titre, les radiographies s’impo-
sent souvent d’emblée par précaution. De plus, en cas de fracture ostéochondrale
du dôme, cette recherche peut être cause de déplacement. Tout au plus peut-on
tester prudemment l’existence d’un mouvement de tiroir antérieur.
– L’étude de la marche révèle que le blessé, s’il peut marcher, ne peut toutefois
pas assurer les 4 demi-pas normaux qui entrent dans le cadre des critères
d’Ottawa.
Au total, cet examen clinique reste forcément limité. Même si le diagnostic d’en-
torse grave peut être posé, devant ce tableau, les radiographies s’imposent.
FRACTURES DU DÔME SUPÉROLATÉRAL DU TALUS 149
Examens complémentaires
Radiographies standard
Les radiographies standard sont, dans tous les cas, l’examen de première inten-
tion. Quatre clichés sont indispensables :
– face en rotation neutre ;
– face en rotation interne de 15°, seul moyen de parfaitement voir le dôme supé-
rolatéral du dôme et l’espace fibulotalien ;
– profil ;
– oblique externe du tarse pour étudier le médiopied et la base du 5e métatarsien.
Bien réalisées, ces radiographies standard suffisent à affirmer l’existence ou l’ab-
sence de fracture du dôme supérolatéral du talus. Dès 1977, Metges et al. [4] en avaient
bien précisé l’image radiologique : le raccordement du site fracturaire avec le dôme se
fait selon des angles obtus, contrairement aux ostéochondrites, où le raccordement se
fait selon des angles aigus (de plus, elles sont presque toujours de siège médial).
Elles suffisent aussi pour montrer si le fragment est non déplacé (figure 1),
retourné de 180° mais en place (figure 2), ou déplacé (figure 3).
Ces radiographies sont à proscrire formellement, d’une part parce que ce se-
rait prendre un risque majeur de déplacer le fragment ostéochondral vu sur les
radiographies standard, et d’autre part parce que l’on sait maintenant leur absence
totale de fiabilité dans les entorses récentes
Échographie
Tomodensitométrie
IRM
L’IRM n’offre guère d’intérêt car, si elle montre les lésions ligamentaires – ce que
fait au moins aussi bien l’échographie, plus facile d’accès et moins coûteuse –, en
revanche elle ne permet pas l’analyse osseuse précise, dans l’état actuel de la tech-
nique. Certes, il existe des modifications majeures du signal, mais dont on ne peut
déduire ni l’existence certaine d’une fracture, ni son déplacement éventuel. L’arthro-
IRM, pas plus que l’arthroscanner, n’a de place.
Traitement
Une vraie discussion s’ouvre ici, car aucune série de la littérature ne fait précisé-
ment référence au traitement initial des lésions récentes associant ruptures ligamen-
taires graves et fracture ostéochondrale. Il convient donc de faire appel au simple bon
sens et à l’expérience personnelle afin de choisir parmi les différentes méthodes celle
qui paraît la mieux adaptée pour traiter cette association lésionnelle, en en rappelant,
pour chacune, technique, avantages et inconvénients.
Traitement orthopédique
Traitement fonctionnel
Traitement chirurgical
Traitement arthroscopique
Le traitement arthroscopique des lésions ostéochondrales du dôme talien a été
abondamment abordé dans la littérature, y compris celui des fractures parcellaires
récentes, pour dire qu’il est facile de réaliser l’ablation du fragment s’il est petit, ou
sa reposition s’il est de plus grande taille. Mais il n’est jamais précisé, même dans les
publications récentes [7,8] :
– s’il doit être réalisé d’emblée ou secondairement et, dans ce cas, après quel
traitement initial des lésions ligamentaires ;
– s’il est réalisé d’emblée, quel traitement choisir ensuite pour les lésions liga-
mentaires.
Pour ce qui concerne les lésions récentes, il est licite de faire quelques objections.
Tout d’abord, réaliser immédiatement une arthroscopie sur cette grosse cheville tu-
méfiée et comportant de très grosses brèches capsuloligamentaires est très discutable,
et est même susceptible d’entraîner quelques complications et, de toute façon, de re-
tarder la prise en charge fonctionnelle des lésions ligamentaires. Ensuite, on a vu plus
haut les critiques que l’on pouvait faire d’une attitude inverse : traitement des lésions
ligamentaires d’abord, et celui de la fracture ostéochondrale secondairement.
– les lésions ligamentaires, par suture simple. Il n’est plus à prouver la qualité des
résultats de la chirurgie à ce propos, puisque, pendant des décennies,
elle a été considérée comme le « gold standard » même si ce n’est plus le cas
actuellement.
Après une courte immobilisation post-opératoire de quelques jours, le traitement
fonctionnel est entrepris sous couvert d’une orthèse amovible.
Dans les quelques cas que nous avons ainsi traités, les résultats ont toujours été
excellents, vérifiés à terme cliniquement et par l’imagerie (radiographies standard,
en positions forcées et par arthroscanner) (figure 6). Mais, il faut le répéter, cette
association lésionnelle est rare, interdisant, par ce fait même, de présenter une série
statistiquement valable.
FRACTURES ANCIENNES
La fracture est le plus souvent découverte à ce stade, sous la forme d’une pseu-
darthrose source de douleurs, aiguës ou chroniques, d’instabilité, de dérangements
articulaires, voire de blocages.
Anatomopathologie
Clinique
Examens complémentaires
Radiographies standard
Figure 7. Radiographie standard d’une pseudarthrose (même patient que figure 2).
Ces radiographies ont ici toute leur place, contrairement à ce qui a été dit pour les
lésions récentes. À distance de tout traumatisme, leur interprétation est fiable, quelle
que soit la technique utilisée (manuelle, instrumentale par le Télos® ou en autovarus).
Il est en effet fondamental pour le traitement ultérieur de savoir s’il existe ou non une
laxité chronique.
Arthroscanner
Plus qu’au scanner simple qui ne ferait que montrer le contingent osseux
du fragment, c’est à l’arthroscanner qu’il faut recourir. Il est irremplaçable, car
c’est le seul moyen de prouver formellement la pseudarthrose par le passage du
liquide de contraste entre le fragment et le dôme du talus (figure 8). Il permet,
de plus, de préciser exactement sa morphologie et sa localisation. En outre,
lorsqu’il existe des remaniements dystrophiques dans le corps même du talus
au-dessous de la fracture, l’arthroscanner en apprécie parfaitement l’étendue et
la profondeur (figure 9).
156 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Figure 8. Arthroscanner du même patient que la figure 7 montrant qu’il s’agit d’un fragment retourné
de 180°.
IRM
Traitement
Figure 10. IRM d’une pseudarthrose. Figure 11. Arthroscanner du même patient
que la figure 10. Noter la différence des
informations fournies.
Traitement arthroscopique
S’il existe une laxité chronique et/ou des remaniements graves de l’os sous-jacent,
c’est la chirurgie conventionnelle qu’il faut choisir pour, dans le même temps et la
même voie d’abord, réaliser les gestes osseux nécessaires et la plastie ligamentaire. Si
le fragment pseudarthrosé est simple, il suffit d’en faire l’ablation et d’aviver la niche.
S’il existe des lésions osseuses sous-jacentes, le curetage simple ne saurait suffire
si elles sont profondes. Dans ce cas, il existe 2 options : soit le comblement par des
greffons spongieux prélevés sur l’épiphyse tibiale inférieure [12], soit, depuis plus
récemment, le transplant de greffons ostéochondraux selon la technique de la mosaic
plasty [13]. Il reste ensuite à traiter la laxité chronique. Pour nous, il s’agira toujours
d’une retension-réinsertion, éventuellement renforcée par un lambeau de périoste. Les
plasties à partir du court fibulaire, quelle que soit la méthode, nous semblent condam-
nables puisque le prélèvement tendineux, qu’il soit partiel ou total, lèse le tendon du
seul muscle éverseur actif du pied, protecteur des contraintes en inversion.
CONCLUSION
C’est au stade aigu qu’il faut impérativement reconnaître et traiter les fractures du
dôme supérolatéral qui surviennent toujours dans le cadre d’une entorse grave de la
cheville. Des radiographies standard bien faites et bien lues suffisent au diagnostic.
158 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
C’est à ce stade que le fragment fracturé doit être enlevé. Le mieux est de le faire
chirurgicalement pour, dans le même temps, traiter les lésions ligamentaires.
Références
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17
FRACTURES DE LA BASE DU
5E MÉTATARSIEN : QUEL(S)
TRAITEMENT(S) ?
,
S. BESCH* ***, M. PEYRE*, J. RODINEAU**, B. RIOU***
INTRODUCTION
* Service de médecine physique et de réadaptation, hôpital National, 14, rue du Val-d’Osne, 94410
Saint Maurice.
** Service de médecine physique et de réadaptation, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boule-
vard de l’Hôpital, 75013 Paris.
*** Service d’Accueil des Urgences, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital,
75013 Paris.
160 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Moyens d’union
Insertions
Vascularisation
Centre d’ossification
Variantes anatomiques
Deux sésamoïdes ont été décrits, à distinguer eux aussi d’une fracture-arrachement :
– l’os peroneum, situé dans le tendon du long fibulaire, adjacent au cuboïde
présent dans environ 15 % des cas ;
– l’os vesal, situé dans le tendon du court fibulaire, plus rare, car retrouvé seule-
ment dans 0,1 % de la population.
• Richli et Rosenthal [43], dans une étude cadavérique, ont provoqué une
fracture de la styloïde métatarsienne après application d’une force en
flexion plantaire et inversion à l’avant-pied, calcanéus stabilisé ; la repro-
duction du même mécanisme après section de l’aponévrose plantaire n’a
provoqué aucune lésion, tendon du court fibulaire intact ou sectionné. Les
mêmes auteurs ont pu constater que la localisation et l’orientation de la
fracture correspondaient à l’insertion de la corde latérale de l’aponévrose,
perpendiculaire à l’axe de traction ;
• Peason (cité in [22]) aurait provoqué expérimentalement des fractures-
avulsions de l’apophyse styloïde après avoir fixé le tendon du court fibu-
laire et appliqué une force d’inversion sur l’arrière-pied ;
– les fractures de Jones se situent entre l’insertion du péroné antérieur et du ten-
don du court fibulaire, à environ 2 cm de la base métatarsienne ; elles seraient
provoquées par une force verticale (lors de la marche contraintes maximales
au proximal de la diaphyse et concentrées sur la corticale externe) ou mé-
diolatérale appliquée à la face latérale du pied, le talon étant surélevé.
Comme pour toute fracture, une classification des lésions a été proposée. La to-
pographie a pu intéresser certains. Torg [54,55], ayant remarqué la lenteur évolutive
de certaines lésions, notamment celles situées à la jonction métaphysodiaphysaire,
a surtout insisté sur le démembrement des éléments sémiologiques et radiologiques
permettant d’établir une datation de la lésion (tableau 1).
Les cas cliniques rapportés ultérieurement lui ont donné raison : les fractures
métaphysodiaphysaires posent des problèmes diagnostiques ; c’est l’analyse fine du
contexte et de l’image qui va faire la distinction entre une lésion récente (fracture de
Jones), une fracture de fatigue « fraîche », un retard de consolidation et une pseu-
darthrose. Selon le diagnostic, les choix thérapeutiques seront différents.
TRAITEMENT
Il est parfois difficile de connaître la nature exacte des lésions étudiées dans cer-
tains travaux car ils font communément référence à des « fractures de la base » sans
aucune autre précision. Ce constat s’applique également à la plupart des publications
portant sur les fractures épiphysaires qui sont rarement dissociées des avulsions,
malgré le caractère articulaire de certaines, ce qui laisse présager des complications
potentielles fort différentes… et donc pouvant peut-être justifier de mesures théra-
peutiques plus ciblées.
Dans l’essentiel de la littérature, un certain flou existe quant à la prise en charge
de ces fractures (tableau 2). Seuls 2 auteurs se montrent plus précis dans leurs indi-
cations et/ou étude (tableau 3).
Paradoxalement, malgré la diversité des prises en charge, l’évolution de ces frac-
tures semble globalement favorable, comme le montrent les résultats et/ou constats
rapportés dans le tableau 4.
Ces résultats sont dans l’ensemble assez globaux. Les écarts importants dans les
délais de consolidation (4,7–12 semaines) soulignent l’absence de critères précis
permettant de la définir de manière homogène : indolence clinique ? Début de cal
radiologique ? Consolidation radiologique avancée ?
Par ailleurs, les complications semblent rares. Or, l’expérience montre que l’évo-
lution des fractures articulaires ne présente pas une complète similitude avec celle
des fractures extra-articulaires : déplacement secondaire plus fréquent, séquelles
douloureuses. Par conséquent, la notion de protocole standard applicable aux
2 lésions, telle qu’elle est proposée dans les publications, mérite d’être rediscutée à
partir d’études plus ciblées.
En attendant, outre les caractéristiques de chaque patient (âge, niveau d’activité,
état de santé) susceptibles d’influencer la compliance au traitement, il paraît plus
logique de proposer une immobilisation stricte aux fractures épiphysaires articu-
laires non déplacées pour une durée de 4 à 6 semaines plutôt qu’une immobilisation
relative. L’appui doit être supprimé au moins les 2 à 3 premières semaines pour
éviter tout risque de déplacement secondaire provoqué par la traction du tendon du
court fibulaire.
Les fractures articulaires déplacées doivent être réduites et fixées.
Des questions demeurent auxquelles la littérature n’apporte pas de réponse :
– devant un retard de consolidation radiologique avec séquelles douloureuses,
quel est le délai raisonnable d’attente pour obtenir une possible indolence
avant de proposer un traitement chirurgical ?
– quelle est l’évolution des patients opérés ?
Fracture métaphysodiaphysaire
confusion faite avec les fractures de fatigue situées dans la même région. La classifi-
cation établie par Torg a permis de faire la distinction.
Lawrence [24] Semelle rigide, botte plâtrée, Si fragment > 30 % surface articulaire
bandage compressif Ou déplacement > 2 mm
Excision si microfragment
symptomatique
O’Shea [32] (n=13) Botte plâtrée 6 semaines, sans Si fracture articulaire avec avulsion
appui les 3 premières semaines
Egol [23] (n=50) Chaussure à semelle rigide et appui selon tolérance ; pas de chaussette
50 % articulaire, 50 % extra- de contention
articulaire
34 avec déplacement < 2 mm,
16 avec déplacement > 2 mm
Pour la plupart des auteurs, cette fracture se situe à la limite distale de l’articula-
tion entre le 4e et le 5e métatarsiens, soit à environ 1,5 à 2 cm de la styloïde, en aval
de l’insertion du tendon du court fibulaire.
Le mécanisme lésionnel décrit est soit une inversion du pied avec talon surélevé
(description princeps de Jones), soit une adduction de l’avant-pied.
Deux faits caractérisent cette fracture :
– des délais souvent longs pour obtenir une consolidation, principalement avec
un traitement conservateur (tableau 5) ;
– la fréquence des complications évolutives, en particulier retard de consolida-
tion et pseudarthrose, pouvant s’expliquer par la pauvreté de la vascularisation
locale, mais aussi par les sollicitations appliquées au bord externe du pied lors
de la marche (tableau 6).
La tendance est, parmi l’ensemble des auteurs, à proposer :
– un traitement orthopédique par botte plâtrée sans appui lorsque la fracture
n’est pas déplacée pour une durée qui reste variable :
• de 6 à 8 semaines pour certains ;
• de 4 semaines sans appui puis 2 semaines avec appui pour d’autres.
– un traitement chirurgical (vissage centromédullaire, broche, agrafes) :
• soit de manière systématique pour certains, compte tenu des risques
évolutifs ;
• soit en cas de fracture déplacée, ou chez les sujets ayant une activité pro-
fessionnelle contraignante ou ne permettant pas un arrêt prolongé.
Quelques questions sont encore débattues, notamment sur la meilleure attitude
à adopter si, après la période d’immobilisation de 6 à 8 semaines, il n’existe pas de
signe de consolidation radiologique :
166 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Tableau 4 – Résultats
Auteurs Constat Taux de Délai de consolidation
consolidation
C’est le point qui fait l’objet de plus de publications et de confusion dans la litté-
rature, car la nature exacte des lésions traitées n’est pas toujours claire.
Quelques attitudes et/ou résultats d’études sont cependant assez clairement énon-
cés et sont rapportés dans le tableau 7.
Plusieurs constats peuvent être tirés de la revue de la littérature :
– à moins d’effectuer des contrôles radiologiques réguliers hebdomadaires, la
notion de retard de consolidation ne peut se définir que dans une fourchette
168 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE
Zelko [63] (n=21 dont 15 bottes plâtrées avec appui 6 à 5 guérisons, 7 retards de
seulement 3 avec images de 8 semaines consolidation
lésion récente) 2 orthèses 1 guérison
2 repos simple 2 pseudarthroses
2 chirurgies 2 guérisons en 3 mois
Torg [54,55] (n=46 dont Chirurgie pour les pseudarthroses 8 guérisons en 12,2 semaines
12 retards de consolidation et Pour les autres, soit botte plâtrée avec 4 chirurgies secondaires
9 pseudarthroses) appui 6 semaines, soit chirurgie
Acker [1] (n=3 fractures de Botte plâtrée avec appui 2 à Consolidation radiologique en
fatigue) 4 semaines 6 mois à 2 ans
La chirurgie n’est pas
systématique ; seulement si
douleurs après reprise sportive
Zogby [64] (n=10 dont 7 Botte plâtrée sans appui 9 semaines Consolidation clinique en
retards ou pseudarthroses) 22 semaines
CONCLUSIONS
Il n’existe pas une mais des fractures de la base du 5e métatarsien, qu’il convient
de bien distinguer car prise en charge et pronostic en sont fort différents.
Ce sont avant tout des arguments anamnestiques et radiologiques qui aident à
établir un diagnostic lésionnel précis.
Les fractures articulaires récentes justifient toujours de mesures thérapeutiques
conséquentes (orthopédiques ou chirurgicales) visant à favoriser la consolidation tout
en maintenant une bonne congruence articulaire.
La prise en charge des retards de consolidation et/ou des pseudarthroses va ac-
tuellement de la simple attente jusqu’à l’ostéosynthèse ; elle dépend pour beaucoup
du contexte.
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