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LA CHEVILLE TRAUMATIQUE :

DES CERTITUDES EN TRAUMATOLOGIE DU SPORT


CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

Des mêmes auteurs, dans la même collection :


Séquelles des traumatismes articulaires chez les sportifs, sous la direction
de J. Rodineau et E. Rolland. 25e journée de traumatologie du sport de la Pitié-
Salpêtrière. 2007, 304 pages.
Pathologie intra- et péritendineuse du membre supérieur des sportifs, sous
la direction de J. Rodineau et E. Rolland. 24e journée de traumatologie du sport de
la Pitié-Salpêtrière. 2006, 336 pages.
Arthroscopie thérapeutique en traumatologie du sport, sous la direction
de J. Rodineau et G. Saillant. 23e journée de traumatologie du sport de la
Pitié-Salpêtrière. 2005, 288 pages.
Anomalies anatomiques et pathologie sportive, sous la direction de J. Rodineau,
G. Saillant. 22e journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. 2004,
304 pages.
La lésion ligamentaire périphérique récente, sous la direction de J. Rodineau,
G. Saillant. 21e journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. 2003,
272 pages.
Panaroma en traumatologie du sport, sous la direction de J. Rodineau,
G. Saillant. 20e journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. 2002,
288 pages.

Des mêmes auteurs :


Le coude microtraumatique, sous la direction de C. Hérisson, J. Rodineau.
Collection Pathologie locomotrice et médecine orthopédique. 2006, 280 pages.
Muscle traumatique et mécanique, sous la direction de C. Hérisson,
J. Rodineau. Collection Pathologie locomotrice et médecine orthopédique. 2005,
192 pages.
Pathologie de la coiffe des rotateurs de l’épaule, par J. Pélissier, L. Simon,
J. Rodineau. 1993, 360 pages.

Les autres ouvrages :


Médecine du sport, par E. Brunet-Guedj, B. Brunet, J. Girardier, B. Moyen.
Collection Sport. 2006, 7e édition, 424 pages.
Examen clinique des membres et du rachis, par S. Hoppenfeld. Traduit par
D. Duizabo. 2006, édition revue et mise à jour avec la nouvelle nomenclature
anatomique, 320 pages.
Rééducation de l’appareil locomoteur, par A. Quesnot, J.-C. Chanussot,
R.-G. Danowski. Collection Abrégés. 2006, 384 pages.
Traumatologie du sport, par R.-G. Danowski, J.-C. Chanussot. Collection Sport.
2005, 7e édition, 416 pages.
LA CHEVILLE TRAUMATIQUE :
DES CERTITUDES EN
TRAUMATOLOGIE DU SPORT
26e journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière

Sous la direction de
J. RODINEAU
et

S. BESCH

Avec la collaboration de
O. Bonnefoy, B. Bordet, T. Bouchet, M. Bouvard, J.-L. Brasseur, J.-M. Coudreuse,
J.-B. Courroy, H. De Labareyre, J. De Lécluse, Y. Demarais, B. Fautrel, V. Foltz,
F. Khiami, J.-F. Kouvalchouk, A. Lespine, A. Lippa, G. Morvan, J. Parier, M. Peyre,
M. Raguet, A. Rangel, J. Renoux, B. Riou, E. Rolland, B. Roger, Y. Rouxel,
K. Suprun, P. Thelen, P. Thoreux, D. Zeitoun-Eiss.
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© 2008 Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-70646-2

ELSEVIER MASSON SAS – 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux Cedex


LISTE DES AUTEURS

Besch S. – Service de médecine physique et réadaptation, hôpital National,


14, rue du Val-d’Osne, 94410 Saint-Maurice.
Bonnefoy O. – Service d’imagerie médicale, centre hospitalier, 64046 Pau cedex.
Bordet B. – Imagerie médicale du Parc, 155 bis, boulevard Stalingrad,
69008 Lyon.
Bouchet T. – IAL Nollet, 23, rue Brochant, 75017 Paris.
Bouvard M. – Centre de biologie et de médecine du sport de Pau, 64046 Pau
cedex.
Brasseur J.-L. – Service de radiologie centrale, Groupe hospitalier Pitié-
Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
Coudreuse J.-M. – Service sport, Parc Salvator, 249, boulevard Sainte-
Marguerite, 13009 Marseille.
Courroy J.-B. – IAL Nollet, 23, rue Brochant, 75017 Paris.
De Labareyre H. – CETIS, 41-49, avenue du Maréchal Juin, 93260 Les Lilas.
De Lécluse J. – Service de médecine physique et réadaptation, hôpital National,
14, rue du Val-d’Osne, 94410 Saint-Maurice.
Demarais Y. – 23, avenue Niel, 75017 Paris.
Fautrel B. – Service de rhumatologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,
47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
Foltz V. – Service de rhumatologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,
47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
Khiami F. – Service de chirurgie traumatologique et réparatrice, Groupe
hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
Kouvalchouk J.-F. – Ancien chef du service de chirurgie orthopédique et
traumatologie du sport, hôpital Foch, 92150 Suresnes.
Lespine A. – Hôpital Édouard Herriot, service d’accueil Pavillon A, Place
d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03.
Lippa A. – Service d’imagerie médicale, centre hospitalier, 64046 Pau cedex.
Morvan G. – Centre d’imagerie de l’appareil locomoteur, 3, rue Alfred Bruneau,
75016 Paris.
Parier J. – 23, avenue Niel, 75017 Paris.
Peyre M. – Service de médecine physique et réadaptation, hôpital National,
14, rue du Val-d’Osne, 94410 Saint-Maurice.
Raguet M. – Polyclinique Priollet Courlancy, 2, avenue du Général de Gaulle,
51000 Châlons-en-Champagne.
Rangel A. – Service de chirurgie traumatologique et réparatrice, Groupe hospi-
talier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
VIII LISTE DES AUTEURS

Renoux J. – Service de radiologie centrale, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,


47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
Riou B. – Service d’Accueil des Urgences, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,
47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
Rodineau J. – Service de médecine physique et réadaptation, groupe hospitalier
Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
Rolland E. – Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital,
75013 Paris.
Roger B. – CETIS, 41-49, avenue du Maréchal Juin, 93260 Les Lilas.
Rouxel Y. – Clinique des Lilas, 41-49, avenue du Maréchal Juin, 93260 Les
Lilas.
Suprun K. – Service de chirurgie traumatologique et réparatrice, Groupe hospi-
talier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
Thelen P. – Centre d’imagerie, 114, rue Nollet, 75017 Paris.
Thoreux P. – Hôpital Avicenne, Université Paris XIII, 125, rue de Stalingrad,
93009 Bobigny.
Zeitoun-Eiss D. – Service de radiologie centrale, Groupe hospitalier
Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
PRÉFACE

Les traumatismes de la cheville constituent un groupe d’affections très souvent


observées en traumatologie sportive. Ils présentent un certain nombre de difficultés
diagnostiques et thérapeutiques.
Les 3 écueils principaux sont les suivants :
– classer dans la même rubrique des lésions aussi différentes qu’une élongation
ligamentaire bénigne ou qu’une rupture complète de tout le plan capsulo-
ligamentaire latéral ;
– confondre une entorse avec d’autres traumatismes de la cheville : une fracture
d’une des deux malléoles, une fracture du dôme supéro-latéral du talus, un
arrachement de la styloïde du 5e métatarsien, une luxation des tendons des
muscles fibulaires, une lésion de la syndesmose tibio-fibulaire, une entorse de
l’interligne de Chopart latéral ;
– proposer lorsqu’il s’agit bien d’une entorse latérale de l’articulation talo-
crurale un traitement « passe-partout », indépendamment de la bénignité ou de
la gravité des lésions.
Ces 3 écueils peuvent être contournés à la triple condition : d’interroger avec soin
le blessé, de l’examiner méticuleusement et de demander un bilan radiographique
guidé par les données de l’évaluation clinique.
Les entorses latérales de l’articulation talo-crurale constituent la principale des
lésions observées dans les traumatismes en inversion.
Les conditions dans lesquelles elles peuvent survenir sont extrêmement variées,
allant du simple faux-pas en marchant à la réception au sol d’un saut. Il ne faut pas
établir de parallèle trop rigoureux entre l’importance du traumatisme et la gravité
présumée de l’atteinte.
La perception d’un craquement ou une sensation de déchirure sont de bons signes
de gravité.
Les réactions douloureuses qui les accompagnent et les suivent sont d’intensité
variable. Au cours de l’accident, la perception d’une douleur est un phénomène banal.
L’évolution de la douleur peut donner des renseignements intéressants. Habituelle-
ment, à la douleur initiale fait suite une certaine indolence suivie, quelques heures
après, de la réapparition d’une tension douloureuse. Dans les ruptures ligamentaires,
le mode évolutif peut revêtir un aspect différent : l’indolence fait suite à une douleur
initiale brutale et elle n’est pas troublée par la réapparition tardive de phénomènes
douloureux.
La tuméfaction pré- et sous-malléolaire qui se forme en l’espace de quelques
minutes, en avant et au-dessous de la malléole, constitue le symptôme le plus fidèle
de gravité.
L’ecchymose et le gonflement péri-articulaire n’apparaissent guère avant la
24e heure et restent limités dans la majorité des cas. Lorsqu’ils apparaissent beau-
coup plus précocement, gagnent rapidement l’avant-pied et remontent sur le seg-
ment jambier, ils doivent faire craindre une entorse grave.
Le degré d’impotence fonctionnelle peut varier parallèlement à la gravité des
lésions mais il est loin d’y être toujours proportionnel.
L’examen physique occupe une place prépondérante dans l’évaluation de l’en-
torse latérale.
L’inspection comporte la recherche d’une attitude anormale du pied, d’un gonfle-
ment et d’une ecchymose.
La palpation s’efforce de rechercher une déhiscence capsulo-ligamentaire antéro-
latérale, témoin formel de gravité.
L’étude de la mobilité est effectuée en passif et note pour chaque mouvement
s’il existe une limitation et quel en est le degré ; des douleurs et quelles en sont les
localisations.
Les contractions résistées sont effectuées systématiquement. C’est la contraction
résistée des péroniers fibulaires qui offre le plus d’intérêt : elle permet, dans certains
cas, de déclencher une douleur traduisant une lésion de la gaine péri-tendineuse et
également de ne pas méconnaître une luxation de ces tendons ou un arrachement de
la styloïde du 5e métatarsien.
La recherche de mouvements anormaux est le temps capital de l’examen clinique
car leur constatation permet d’affirmer la rupture ligamentaire.
La recherche minutieuse de points douloureux termine le bilan clinique. On palpe
successivement les insertions des faisceaux ligamentaires, les tendons et les diffé-
rents les reliefs osseux.
La fréquence avec laquelle on observe une entorse latérale de la cheville dans les
traumatismes en inversion ne doit jamais faire oublier que, sous un aspect parfois
fort peu différent, d’autres lésions peuvent exister. Il peut s’agir de fractures dont le
diagnostic n’est pas toujours évident qu’il s’agisse de fracture d’une malléole ou du
dôme du talus ou de la base du 5e métatarsien. Il peut s’agir également de lésions
tendineuses, notamment au niveau des tendons des muscles fibulaires et de lésions
ligamentaires au niveau d’autres interlignes articulaires.
Ces différents traumatismes doivent être formellement identifiés par l’interroga-
toire et l’examen clinique mais également par l’imagerie qui demeure un élément
important du diagnostic tant en ce qui concerne la radiologie standard que l’échogra-
phie et des examens plus sophistiqués tels que la tomodensitométrie et l’imagerie par
résonance magnétique.
Tous les éléments nécessaires à l’établissement de diagnostics précis et au choix
d’une stratégie thérapeutique adaptée sont développés dans cet ouvrage collectif qui
rassemble les communications qui seront présentées le 8 novembre 2008.

Docteur J. Rodineau
Docteur S. Besch
1
CLASSIFICATION DES LÉSIONS
LIGAMENTAIRES DES ENTORSES
LATÉRALES DE LA CHEVILLE : DE LA
THÉORIE À LA PRATIQUE

J. DE LÉCLUSE*

INTRODUCTION

Devant une entorse latérale de cheville, le clinicien doit confirmer le diagnostic et


non seulement évaluer la gravité des lésions, mais aussi tenter de détecter toutes les
lésions associées pouvant retentir sur l’évolution et le traitement.
Plusieurs classifications ont été proposées, les unes se fondant sur les informa-
tions recueillies par la clinique ou l’imagerie, les autres sur les deux [1,2]. En théorie,
la complémentarité des éléments fournis par la clinique et l’imagerie permet d’ap-
procher au mieux la réalité des lésions anatomiques [3]. Classer une entorse reste
toujours sous l’influence de l’expérience du clinicien, des circonstances et conditions
de réalisation de l’examen, des antécédents et particularités du blessé ainsi que de
l’accessibilité à une imagerie.
De la théorie à la pratique, du papier au terrain, il y a parfois discordance et
irréalisme…

CLASSIFICATIONS : RAPPEL CRITIQUE

Classifications par la clinique

Les classifications tiennent compte des symptômes initiaux, de la fonction et de


l’examen clinique proprement dit.

* Service de médecine physique et réadaptation, hôpital National de Saint-Maurice, 14, rue du


Val-d’Osne, 94410 Saint-Maurice.
4 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

– La classification en 2 grades, avec ligament étiré ou rompu, se caractérise par


des critères cliniques spécifiques à chaque faisceau du ligament collatéral la-
téral (LCL). Elle est d’une extrême simplicité, mais ne fait aucune distinction
entre les ruptures partielles, les désinsertions-arrachements et les ruptures
complètes (tableau 1).

Tableau 1 - Classification en 2 grades


LTFA LCF

Mécanisme Inversion ± flexion plantaire Varus

Grade I (étirement) Laxité : 0 Laxité : 0


Varus équin passif : douloureux Varus passif pur : douloureux
Palpation du LTFA : douloureux Palpation du LCF : douloureux

Grade II (rupture) Craquement/« œuf de pigeon » Craquement/œdème latéral


Douleur initiale : importante Douleur initiale : importante
Ecchymose : antérolatérale Ecchymose : latérale
Tiroir antérieur : + Choc talien : +
Varus équin passif : douloureux Varus pur passif : douloureux
Palpation du LTFA : très douloureux Palpation du LCF : très douloureux
LCF : ligament calcanéofibulaire ; LTFA : ligament talofibulaire antérieur.

– La classification en 3 grades de gravité croissante, bénigne, moyenne ou grave,


correspond respectivement à une simple élongation, une rupture partielle ou
une rupture totale d’un ou de plusieurs faisceaux ligamentaires (tableau 2).
Au total, ces classifications par la clinique sont imprécises et non fiables. La mise
en évidence et l’interprétation des signes cliniques, et notamment de la laxité, dépen-
dent de l’expérience de l’examinateur et de la réactivité du blessé par rapport à son
traumatisme : appréhension de l’examen, présence d’une contracture réflexe et/ou de
défense, seuil douloureux, etc.

Tableau 2 - Classification en 3 grades

Grade I Élongation sans Marche : normale


(bénigne) rupture Gonflement : latéral modéré
Varus passif : sensible
Tiroir antérieur : indolore
Palpation du LTFA ou du LCF : sensible

Grade II Rupture partielle Marche : boiterie d’esquive


(moyenne) Gonflement : antérolatéral
Ecchymose : latérale
Varus passif : douloureux
Tiroir antérieur : sensible
Palpation du LTFA ou du LCF : douloureux

Grade III Rupture totale d’au Craquement initial : +


(grave) moins un faisceau Douleur initiale : forte/syncopale
Marche : appui difficile ou impossible
Gonflement : antérolatéral puis global
Ecchymose : latérale puis diffuse
Varus passif : +
Tiroir antérieur : +
Palpation du LTFA et/ou LCF, et du LCM : douloureux
LCF : ligament calcanéofibulaire ; LCM : ligament collatéral médial ; LTFA : ligament talofibulaire antérieur.
CLASSIFICATION DES LÉSIONS LIGAMENTAIRES DES ENTORSES LATÉRALES 5

La corrélation entre la clinique et les lésions anatomiques n’est pas bonne. Dif-
férentes études ont démontré que l’évaluation clinique sous-estimait les ruptures du
ligament talofibulaire antérieur (LTFA) et du ligament calcanéofibulaire (LCF) [4–7].
Pour Van Dijk [8], la sensibilité et la spécificité du diagnostic clinique des lésions
du LCL sont respectivement de 71 % et 33 % lorsque l’examen est réalisé dans les
24 heures et de 89 % et 70 % si l’examen est effectué plus tardivement, entre le 3e et
5e jour après le traumatisme.

Classifications par l’imagerie

Classification de Castaing

La classification de Castaing [9] en 4 grades tient compte du type et du nombre


de faisceaux lésés. Le diagnostic lésionnel est fait par les radiographies dynamiques,
l’arthrographie et les constatations peropératoires (tableau 3).

Tableau 3 - Classification de Castaing

Grade 0 Élongation sans rupture du LTFA

Grade I Rupture du LTFA

Grade II Rupture totale LTFA + LCF Grade II faible Rupture partielle du LCF

Grade II fort Rupture totale du LCF

Grade III Ruptures totales du LTFA et du Grade III faible Rupture partielle du LTFP
LCF + LTFP
Grade III fort Rupture totale du LTFP
LCF : ligament calcanéofibulaire ; LTFA : ligament talofibulaire antérieur ; LTFP : ligament talofibulaire postérieur.

Cette classification est logique : le degré de gravité croît avec le nombre de fais-
ceaux lésés et selon un ordre chronologique précis : LTFA puis LCF et enfin ligament
talofibulaire postérieur (LTFP), mais elle est incomplète puisque sont oubliées les
lésions isolées du LCF, et les lésions associées du LCF et du LTFP qui surviennent
lors d’un mouvement en varus pur. Cette classification n’est surtout plus adaptée puis-
qu’elle se fonde sur les résultats des clichés dynamiques et/ou de l’arthrographie,
examens radiologiques qui ne sont plus indiqués au stade aigu d’une entorse.

Classification de Brasseur et Morvan

Brasseur et Morvan [10–12] ont proposé une classification d’après leurs consta-
tations échographiques des entorses fraîches et de leurs séquelles. À chaque grade
correspond un ou plusieurs types de lésions capsuloligamentaires (tableau 4).
Cette classification, très précise, inclut les lésions des faisceaux ligamentaires
les plus fréquemment lésés, les lésions de la capsule et du ligament talocalcanéen
interosseux (LTCI). Les lésions du LTFP ne sont pas mentionnées du fait de la diffi-
culté de l’analyser en échographie, mais la lésion de ce ligament est exceptionnelle-
ment isolée et elle s’accompagne généralement d’une rupture du LTFA et/ou du LCF
6 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Tableau 4 - Classification de Brasseur et Morvan

Grade I Élongation ou rupture partielle non transfixiante


(bénigne)

Grade II LTFA :
(moyenne) – désinsertion/avulsion périostée distale
– ou rupture partielle en plein corps
– ou décollement de son attache proximale
ou
LCF :
– désinsertion/avulsion périostée distale
– ou désinsertion partielle proximale

GRADE III LTFA :


(sérieuse) – désinsertion proximale
– ou désinsertion distale et LCM (lésion d’un élément)
– ou rupture ou désinsertion et LTCI (infiltration du sinus du tarse)
ou
LCF : désinsertion proximale et gaine des fibulaires (épanchement)

GRADE IV LFTA et LCF : ruptures ou désinsertions


(grave) ou
LCF : rupture ou désinsertion et LTCI (infiltration du sinus du tarse)
ou
Capsule antérieure : large déchirure

LCF : ligament calcanéofibulaire ; LCM : ligament collatéral médial ; LTCI : ligament talocalcanéen
inférieur ; LTFA : ligament talofibulaire antérieur.

(grade III ou IV). L’intérêt de cette classification est sa division en 4 grades et sa


prise en compte des lésions annexes associées telles celles de la gaine des tendons
des muscles fibulaires et du ligament de la sous-talienne (LTCI), mais cela nécessite
une échographie et la correspondance avec l’examen clinique n’est pas toujours évi-
dente.

Classification de Bordet

Bordet [1] propose une classification faisant la synthèse de toutes les lésions ob-
servées en échographie. Les entorses sont classées en 3 grades en fonction du type
de lésion (rupture ou non) et du nombre de ligaments lésés. Chaque grade est divisé
en 3 catégories (A, B, C) selon la présence ou non d’autres lésions ligamentaires de
la cheville et du médiopied (tableau 5).
Cette classification ne retient que 2 types anatomiques de lésions ligamentaires :
persistance ou non d’une continuité ligamentaire. Ainsi, toutes les ruptures partielles
sont assimilées à des élongations, ce qui est très discutable pour certaines localisations
et formes anatomiques. Si cette classification considère des lésions ligamentaires
associées comme facteur aggravant, elle ne précise pas leur nature (étirement ou
rupture) ni leur gravité potentielle.
Au total, ces classifications par l’imagerie mettent en évidence des lésions variées
qui ne sont pas toutes corrélées avec l’examen clinique. Leur écueil est principale-
ment l’obligation d’une imagerie pour établir le diagnostic lésionnel. Des réserves
sont à émettre concernant la fiabilité de l’échographie sur une cheville fraîchement
traumatisée.
CLASSIFICATION DES LÉSIONS LIGAMENTAIRES DES ENTORSES LATÉRALES 7

Tableau 5 - Classification de Bordet

Grade I Élongation sans rupture Grade IA Aucune lésion associée

Grade IB 1 lésion associée

Grade IC 2 lésions associées ou +

Grade II Rupture du LTFA ou du LCF Grade IIA Aucune lésion associée

Grade IIB 1 lésion associée

Grade IIC 2 lésions associées ou +

Grade III Ruptures du LTFA et du LCF Grade IIIA Aucune lésion associée

Grade IIIB 1 lésion associée

Grade IIIC 2 lésions associées ou +

Lésions Lésion des fibulaires : fissuration ou rupture ou luxation


associées Lésion du LCM
Lésion du LTCI
Lésion du ligament talonaviculaire dorsal
Lésion du ligament calcanéocuboïdien dorsal
Lésion du ligament tibiofibulaire antéro-inférieur
LCF : ligament calcanéofibulaire ; LTCI : ligament talocalcanéen inférieur ; LTFA : ligament talofibulaire antérieur.

Classifications par la clinique et l’imagerie

Classification d’O’Donoghue

La classification d’O’Donoghue [13] n’est pas spécifique à la cheville. Elle tient


compte des symptômes, de la fonction et de la laxité recherchée par l’examen clini-
que ainsi que par les radiographies dynamiques (tableau 6).

Tableau 6 - Classification d’O’Donoghue

Grade I Douleur : 0 Élongation sans rupture


Retentissement fonctionnel : 0
Laxité clinique et radiologique : 0

Grade II Douleur : + Rupture partielle


Retentissement fonctionnel : +
Laxité clinique et radiologique : ±

Grade III Douleur : ++ Rupture totale d’au moins un faisceau


Ecchymose : + ligamentaire
Retentissement fonctionnel : ++
Laxité clinique et radiologique : ++

Cette classification présente globalement les mêmes inconvénients que les clas-
sifications fondées sur la seule clinique. Elle s’appuie sur des critères cliniques et
fonctionnels peu fiables, identiques à la classification clinique en 3 grades, et sur le
résultat des clichés dynamiques dont on considère à l’heure actuelle qu’ils ne sont
pas à réaliser au stade aigu.
8 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Classification de Trevino

La classification de Trevino [14] se fonde sur l’examen clinique et le bilan radio-


graphique standard. Elle tient compte, comme lésions associées, de la pathologie
des tendons des muscles fibulaires, des fractures du talus et de la malléole latérale
(tableau 7).

Tableau 7 - Classification de Trevino

Grade I Élongation Laxité : 0

Grade II Rupture partielle LFTA et LCF Laxité : ±

Grade III Rupture totale LFTA Grade IIIA Tiroir antérieur : +

Ruptures totales Grade IIIB Tiroir antérieur : +


LTFA et LCF Varus passif : +
Grade IIIC1 Fibulaires douloureux

Grade IIIC2 Subluxation des


fibulaires

Grade IV Ruptures totales Grade IVA Avulsion malléole Tiroir antérieur : +


LTFA et LCF + latérale Varus passif : +
Radiographies : +
Grade IVB Fracture trochlée du
talus

Grade IVC Fracture joue latérale


du talus

LCF : ligament calcanéofibulaire ; LTFA : ligament talofibulaire antérieur.

Cette classification est malgré tout incomplète puisqu’elle ne concerne que les
lésions du LFTA et du LCF. Les lésions isolées du LCF, bien que rares, sont oubliées.
La présence de lésions osseuses classe automatiquement l’entorse en grade IV. Le
grade III est divisé en 4 sous-groupes selon que la rupture intéresse uniquement le
LTFA (grade IIIA) ou le LTFA et le LCF, avec ou non une pathologie des tendons
des muscles fibulaires. Contrairement à la classification de Bordet, ne sont pas men-
tionnées les lésions du LTCI et des ligaments du médiopied. Cette classification en
4 grades se rapproche des classifications par la clinique en 3 grades si on applique les
règles d’Ottawa pour la prescription d’un bilan radiographique.

Classification de de Lécluse

Nous avons proposé une classification [3] qui résulte des informations obtenues
par l’examen clinique, l’éventuel bilan radiographique standard et l’échographie. Les
critères qui déterminent la gravité de l’entorse tiennent compte de la localisation
et du type de lésion ainsi que de la présence uniquement de lésions associées qui
majorent la gravité de l’entorse. Sont exclues les lésions qui n’influencent pas le
traitement de l’entorse elle-même ou qui nécessitent un traitement indépendant de
l’entorse talocrurale (tableau 8).
Au total, la difficulté d’application de ces différentes classifications par la cli-
nique et l’imagerie est la nécessité de disposer d’une imagerie complémentaire de
qualité.
Tableau 8 - Classification de de Lécluse
9

Grade Lésions Clinique Échographie Radiographies


CLASSIFICATION DES LÉSIONS LIGAMENTAIRES DES ENTORSES LATÉRALES

Grade I Étirement du Absence : Inutile À faire si


(bénigne) LTFA – de craquement initial – critères d’Ottawa +
ou – d’« œuf de pigeon » – âge < 15 ans ou > 55 ans
LCF – d’hémarthrose – discordance + traumatisme/clinique
– d’ecchymose – instabilité chronique
– de laxité unilatérale – contexte médico-légal
Grade II LTFA – Marche douloureuse Désinsertion partielle À faire d’emblée si
(moyenne) ou – Gonflement latéral proximale – critères d’Ottawa :
LCF – Ecchymose modérée ou – âge < 15 ans ou > 55 ans
– LTFA : tiroir antérieur ± Rupture partielle en plein corps – hémarthrose
– LCF : varus pur passif ± ou – discordance traumatisme/clinique
Désinsertion /avulsion distale – instabilité chronique
– contexte médico-légal
Grade III LTFA – Craquement initial ± LTFA : désinsertion proximale
(sérieuse) ou – LTFA : « œuf de pigeon » ou À faire en deuxième intention si avulsion-
LCF – LCF : œdème latéral LCF : désinsertion proximale + épanchement arrachement à l’échographie
± – Boiterie d’esquive gaine des fibulaires
LTCI/LCM – Gonflement + ou
– Ecchymose + LTFA : désinsertion distale + LCM : lésion d’un
– Mobilité TC normale élément
– LTFA : tiroir antérieur + ou
– LCF : varus pur passif + LTFA : désinsertion/rupture
+ LTCI : infiltration du sinus du tarse
Grade IV LTFA – Craquement initial + LTFA et LCF : ruptures/désinsertions
(grave) et/ou – « Œuf de pigeon » + ou
LCF – Marche difficile LTFA : rupture/désinsertion + large déchirure
± – Gonflement + capsule antérieure
LTCI/LTFP – Ecchymose + ou
– Mobilité TC normale LCF : rupture/désinsertion
– LTFA : tiroir antérieur + + LTCI : infiltration du sinus du tarse
– LTFA/LCF/LTCI : varus équin passif +
– LCF/LTFP : varus pur/ talus +
LCF : ligament calcanéofibulaire ; LCM : ligament collatéral médial ; LTCI : ligament talocalcanéen Inférieur ; LTFA : ligament talofibulaire antérieur ; LTFP : ligament talofibulaire postérieur ; TC : talocalcanéenne.
10 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

MODE D’EMPLOI D’UNE CLASSIFICATION

Deux questions essentielles se posent concernant la classification des entorses


talocrurales de la cheville, et plus particulièrement latérales : quels sont les avantages
d’une classification des entorses et, pour y aboutir, une imagerie complémentaire
est-elle nécessaire ?

Avantages d’une classification

Le but principal d’une classification est de pouvoir unifier un traitement pour


chaque type de lésion. Schématiquement, les traitements proposés pour une entorse
latérale de la cheville sont soit une réparation chirurgicale, soit un traitement
orthopédique par immobilisation stricte, soit un traitement fonctionnel qui varie de
l’immobilisation de la cheville dans une orthèse amovible à l’absence de traitement
physique.
Chacune de ces modalités thérapeutiques a pour même finalité d’obtenir une
réparation-cicatrisation parfaite des lésions dans les plus brefs délais, avec pour
corollaire d’éviter la survenue de complications et de séquelles.
La classification idéale serait celle qui permettrait à tout clinicien, après avoir
établi le diagnostic lésionnel, de classer l’entorse selon les modalités thérapeutiques
à suivre : pour telle(s) lésion(s), tel(s) traitement(s). Le choix du traitement est ainsi
directement lié au diagnostic lésionnel.
Nous verrons que cette classification apparemment simple et logique, dépendante
du traitement, doit en pratique être parfois modulée et tenir compte d’autres facteurs
que les seules lésions anatomiques.

Difficultés du diagnostic lésionnel

De la précision du diagnostic lésionnel va dépendre la classification. Le bilan


lésionnel concerne l’étendue des lésions – nombre et localisation des faisceaux
lésés –, mais aussi le type anatomique de chacune des lésions ; il s’agit de faire la
distinction entre une désinsertion-avulsion, une rupture partielle ou totale et un étire-
ment. À cela doit s’ajouter la recherche de lésions osseuses ou ostéochondrales pou-
vant influer la prise en charge thérapeutique.
Par la clinique, il est possible de reconnaître avec certitude les entorses dites « bé-
nignes », ou de grade I, qui correspondent à des lésions mineures qui vont évoluer
systématiquement vers la guérison sans séquelle. S’il y a traitement, celui-ci aura
pour but principal d’accélérer le retour à l’état antérieur.
Pour les autres grades où il y a une perte de la continuité ligamentaire, le diag-
nostic clinique n’est pas aisé et est source d’erreurs, la plupart du temps par sous-
estimation des lésions. Sur une cheville fraîchement traumatisée, les douleurs et le
gonflement vont gêner l’interprétation des laxités et des douleurs provoquées par la
palpation. Dans ce cas, il est souhaitable de réaliser un nouvel examen de la cheville
3 à 6 jours après le traumatisme, quand les phénomènes douloureux et œdémateux
auront diminué grâce au traitement initial prescrit (protocole GREC : glaçage, repos
articulaire, élévation, compression). Cependant, ce nouvel examen expose au risque
CLASSIFICATION DES LÉSIONS LIGAMENTAIRES DES ENTORSES LATÉRALES 11

de perdre de vue certains blessés, ou de donner l’impression, notamment aux sportifs


de haut niveau, d’une perte de temps ou d’une indécision thérapeutique. Une image-
rie complémentaire effectuée au plus tôt peut permettre d’éviter cet a priori.
Dans la plupart des classifications décrites, le degré de gravité diffère selon qu’il y
a un des deux faisceaux ligamentaires principaux (LTFA, LCF) rompus ou les deux,
avec parfois une distinction complémentaire selon le type et le niveau de rupture.
La clinique ne permet que rarement d’évaluer la nature et l’étendue des lésions avec
autant de précision. Les données de la clinique en urgence sont souvent trompeuses et
insuffisantes. Par exemple, si la présence précoce d’un « œuf de pigeon » traduit une
rupture a minima du LFTA [4], son absence ne signifie pas pour autant son intégrité.
De même, un varus unilatéral (LCF) ou un tiroir antérieur (LTFA) ne correspond pas
automatiquement à une rupture complète et récente du faisceau testé.
Si l’on s’en tient aux seules entorses latérales isolées de l’articulation talocrurale,
cette précision lésionnelle n’est pas indispensable pour choisir l’une des trois moda-
lités thérapeutiques car, qu’il y ait un ou plusieurs faisceaux ligamentaires rompus
partiellement ou complètement, le temps de cicatrisation est le même.
Ainsi, en pratique, le diagnostic clinique peut suffire dans la plupart des cas pour
classer les entorses isolées en entorse bénigne (grade I) ou en entorse grave (grade II)
avec rupture ligamentaire d’un ou de plusieurs faisceaux.

Importance des lésions associées

Devant une cheville ayant eu un traumatisme en inversion, en varus pur ou avec


une flexion dorsale forcée, il est nécessaire de rechercher d’autres lésions qui peu-
vent aggraver le pronostic de l’entorse talocrurale et imposer un traitement et une
surveillance particuliers. L’existence de lésions associées à celles des ligaments de
l’articulation talocrurale permet d’ajouter d’autres grades à la classification binaire.

Lésions ligamentaires de voisinage

Les deux diagnostics différentiels les plus fréquents sont les lésions du ligament
tibiofibulaire antéro-inférieur (TFAI) et les entorses de l’articulation transverse du
tarse. Le diagnostic clinique est facile – si on y pense – du fait des nettes particulari-
tés du mécanisme traumatique et de l’examen clinique.
Une entorse talocrurale latérale peut néanmoins provoquer une lésion du ligament
calcanéocuboïdien dorsal (LCCD) de l’articulation transverse du tarse. Dans le cas
d’un simple étirement du LCCD (grade I), la gravité de cette entorse « talocrurale la-
térale étendue » est celle qui correspond aux lésions de l’articulation talocrurale. En
cas de rupture du LCCD (grade II), soit l’entorse talocrurale est de grade I, et alors
il s’agit d’une entorse transverse du tarse latérale étendue, soit l’entorse talocrurale
est de grade II et, dans ce cas, la classification est celle d’une entorse talocrurale avec
lésions associées.
Les lésions du LTCI sont fréquemment non diagnostiquées en urgence car la
mise en évidence d’une laxité clinique de la sous-talienne est très difficile. C’est ré-
trospectivement que le diagnostic est généralement porté devant la persistance d’une
sensation d’instabilité à la marche sur sol inégal. L’échographie, la tomodensitométrie
12 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

(TDM) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) mettent en évidence les


lésions de ce ligament. La lésion du LTCI est classiquement toujours associée à une
entorse grave ou sérieuse (grade III ou IV) de l’articulation talocrurale. Comme la
présence d’une lésion du LTCI ne modifie pas la prise en charge thérapeutique de
l’entorse talocrurale, réaliser une imagerie pour faire ce diagnostic au stade aigu
n’est pas utile.
Les lésions du LTFP sont exceptionnellement isolées et cliniquement difficiles
à mettre en évidence. Ces lésions sont au minimum associées à une lésion du LCF
et sont classées dans les entorses « sérieuses ou graves ». L’imagerie, qui permet
de confirmer le diagnostic de la lésion, n’est pas indispensable au stade aigu, car le
traitement est identique à celui de la lésion du LCF.

Lésions des tendons des muscles fibulaires

La luxation des tendons des muscles fibulaires est un diagnostic différentiel, mais
une subluxation ou une rupture partielle-fissuration peuvent être associées aux lésions
du LCF avec ou sans lésion du LTFA. Par ailleurs, la présence d’un épanchement dans
la gaine des tendons des muscles fibulaires est généralement associée à une rupture
du LCF. Ces différentes lésions sont classées dans les entorses de grade III ou IV. Du
fait que le traitement d’une luxation ou d’une fissuration est volontiers chirurgical, il
est indispensable d’en faire le diagnostic précocement. La clinique ne permettant pas
avec certitude de différencier une fissuration d’une subluxation d’un tendon fibulaire,
d’autant que ces lésions s’accompagnent souvent d’un épanchement, il est recom-
mandé de vérifier leur intégrité par une imagerie complémentaire.

Lésions osseuses et ostéochondrales

Les critères d’Ottawa [15,16] permettent de suspecter l’existence d’une fracture


associée au niveau des malléoles, de l’os naviculaire ou du 5e métatarsien. Les cli-
chés radiographiques réalisés permettent de distinguer une fracture malléolaire d’une
avulsion ou d’une séquelle d’un arrachement ancien. Toutefois, il ne faut pas rester
sur les seuls critères d’Ottawa pour pratiquer un bilan radiographique, car ils ne per-
mettent pas de découvrir une fracture ostéochondrale du dôme du talus [17] ou une
fracture du processus latéral du talus [18], suspectées par la production d’une douleur
exquise à la palpation locale.

Classification et imagerie

En dehors d’une suspicion clinique de lésions ostéochondrales ou des tendons des


muscles fibulaires associées à une entorse talocrurale latérale, il y a deux situations
qui peuvent justifier la réalisation d’une imagerie complémentaire en urgence per-
mettant un bilan lésionnel précis et, par là même, de classer l’entorse :
– chez le sportif professionnel ou de haut niveau, un bilan lésionnel imprécis
peut conduire à un retard de prise en charge ou à un traitement initial ina-
dapté, responsable au minimum d’un délai de reprise sportive retardé jusqu’à
des séquelles incompatibles avec ses exigences sportives. Pour les éviter, une
imagerie complémentaire en aigu est justifiée ;
CLASSIFICATION DES LÉSIONS LIGAMENTAIRES DES ENTORSES LATÉRALES 13

– chez le blessé chez qui les circonstances de survenue de l’entorse sont sus-
ceptibles d’entraîner une procédure médico-légale, une imagerie complémen-
taire précoce est indispensable. Elle évitera tout litige par la suite sur l’origine
d’éventuelles complications ou séquelles attribuées à un bilan lésionnel initial
incomplet ou erroné.

LES CLASSIFICATIONS EN PRATIQUE

Les premières classifications des entorses se fondaient uniquement sur la clini-


que. Elles étaient simples et distinguaient 2 ou 3 grades de gravité. Au fur et à mesure
des progrès de l’imagerie, les classifications sont devenues plus précises en détaillant
les différents types de lésions ligamentaires possibles tout en incluant d’autres lé-
sions associées à l’entorse talocrurale. Les classifications les plus récentes compor-
tent 4 grades de gravité dont chacun est divisé en 2 ou 3 sous-groupes, ce qui amène
à distinguer jusqu’à 11 variétés lésionnelles d’entorses talocrurales latérales…
Si cette précision lésionnelle permet d’effectuer des études scientifiques de
meilleure qualité en comparant ce qui est comparable, elle ne simplifie pas son utili-
sation sur le terrain, notamment parce qu’elle nécessite une imagerie.
Sur un plan pratique, la classification d’une entorse n’a d’utilité que si une prise
en charge spécifique correspond à chaque degré de gravité.
On peut simplifier la classification des entorses si on considère que le temps de
cicatrisation est identique, qu’il y ait un ou plusieurs faisceaux ligamentaires lésés et
qu’il s’agisse d’une rupture totale, partielle, en plein corps ou au niveau de l’inser-
tion. Dans ce cas, le bilan lésionnel cherche uniquement à mettre en évidence la lé-
sion ligamentaire la plus grave qui déterminera le mode de traitement. La présence de
lésions associées ne modifie pas la recherche de la lésion ligamentaire la plus grave.
Il se peut que la lésion associée ne soit pas ligamentaire mais osseuse ou tendineuse
et que son traitement soit prioritaire.
Pour procéder à la classification d’une entorse talocrurale latérale, il faut, dans
un premier temps, éliminer les entorses bénignes qui correspondent à un étirement
ligamentaire sans rupture. Cliniquement, cela ne pose pas de problème.
Pour les autres entorses avec rupture ligamentaire, l’importance n’est pas de dé-
terminer le nombre exact de faisceaux lésés mais la nature de la lésion la plus grave :
rupture totale ou partielle. On pourra ainsi classer l’entorse en grave (rupture com-
plète) ou de moyenne gravité (rupture partielle) selon l’importance de la laxité clinique.
En ce qui concerne les lésions associées, la clinique va permettre d’en suspecter
quelques-unes : pathologies des tendons des muscles fibulaires, fractures et lésions
ostéochondrales, lésions des ligaments de l’articulation transverse du tarse. Le bilan
radiographique peut s’appuyer sur les critères d’Ottawa pour confirmer une fracture
ou un arrachement malléolaire. Pour les autres lésions, il est indispensable de faire
des radiographies centrées, une échographie ou une IRM. Certaines lésions associées
sont prioritaires par rapport à l’entorse car elles nécessitent un traitement particulier.
Dans d’autres cas, elles ne sont que des lésions complémentaires aux lésions de l’en-
torse talocrurale, ce qui permet de classer l’entorse dans un sous-groupe spécifique
modifiant ou non le traitement initial de l’entorse.
14 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Enfin, la réalisation d’une imagerie complémentaire en urgence est justifiée


comme document médico-légal dans un contexte traumatique qui s’y prête et chez
les blessés où le bilan lésionnel clinique exact est impossible à réaliser, ce qui peut
induire une évaluation ou une erreur diagnostique péjoratives.
La figure 1 reprend les divers examens et traitements en fonction des degrés de
gravité des entorses latérales de la cheville.

Cheville Cheville
examinable inexaminable
= tests cliniques = tests cliniques
interprétables ininterprétables
Examen à
J5–J7

Imagerie
(Rx – écho – IRM)
- contexte médico-légal
- sportif haut niveau
- doute sur diagnostic
différentiel
Entorse bénigne Tt « fonctionnel »
(grade I)

Rupture
Entorse partielle Tt « orthopédique »
moyenne (grade II) grade II
grave (grade III)
= ruptures Rupture totale
grade III Tt chirurgical
LTFA ± LCF ± LTFP

Arrachement-
avulsion
Critères Tt spécifique
d'Ottawa positifs
Fracture

Lésions des Écho


fibulaires IRM Tt spécifique

Fractures
chondrales Rx
Suspicion clinique Tt spécifique
ostéochondrales IRM
de lésions associées

Lésions
LTCI – LCCD Tt de l’entorse

Figure 1. Examens et traitements en fonction du degré de gravité de l’entorse latérale de la cheville.


Écho : échographie ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; LCCD : ligament calcanéocuboïdien
dorsal ; LCF : ligament calcanéofibulaire ; LTCI : ligament talocalcanéen Inférieur ; LTFA : ligament
talofibulaire antérieur ; Rx : radiographie ; Tt : traitement.
CLASSIFICATION DES LÉSIONS LIGAMENTAIRES DES ENTORSES LATÉRALES 15

Références

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cheville. Thèse de médecine. Université Lyon Sud ; 2002.
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lésions ligamentaires récentes du cou-de-pied. Paris : Masson ; 1996. p. 119-28.
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J Traumatol Sport 2003 ; 20 : 95-105.
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pour le diagnostic de gravité. Rev Chir Orthop 1972 ; 58 : 51-63.
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rétrospective à propos de 44 cas. Rev Chir Orthop 2008 ; 94 : 145-51.
2
RADIOGRAPHIES DES ENTORSES
FRAÎCHES DE LA CHEVILLE

G. MORVAN*

INTRODUCTION

Les traumatismes de la cheville, au sein desquels l’entorse latérale domine lar-


gement, sont parmi les traumatismes les plus fréquents (plus de 6000 cas par jour
en France) [1] et les plus négligés. Le coût social de l’« entorse » de la cheville est
énorme : aux États-Unis, une étude d’Osborne et al. [2] estime à plus de 3,5 milliards
de dollars celui des entorses de la cheville pour la seule année 2003.
La mise en évidence directe des lésions ligamentaires ne peut relever que de
l’échographie ou de l’IRM. Des radiographies peuvent être justifiées pour éliminer
une fracture, confondue cliniquement avec une entorse, ou associée à celle-ci (envi-
ron 15 % des cas). Bien que la prescription de radiographies soit guidée par l’examen
clinique [3], dans les faits, de nombreuses radiographies sont normales [4], avec
le coût financier et humain que cela implique, l’irradiation restant, au niveau de la
cheville, un épiphénomène. Stiell et al. ont développé dès 1992 [5] le concept d’une
règle de prescription raisonnée des radiographies, fondée sur des critères cliniques
pertinents et destinée à réduire le nombre de radiographies inutiles. Ces critères sont
connus sous le nom de règles d’Ottawa.

RÈGLES D’OTTAWA

Stiell et al. ont sélectionné des signes cliniques prédictifs de fracture [6] dans 4 zones
critiques : zone A, pointe de la malléole fibulaire et bord postérieur de la fibula sur 6 cm
de hauteur ; zone B, pointe de la malléole tibiale et bord postérieur du tibia sur 6 cm
de hauteur ; zone C, base du 5e métatarsien ; zone D, os naviculaire. Si la palpation des
zones A ou B est douloureuse ou si le patient est incapable de marcher, un examen radio-
logique de la cheville est indiqué. Si la palpation des zones C ou D est douloureuse ou
si le patient est incapable de marcher, un examen radiologique du cou-de-pied est indi-
qué. Après un an d’application quotidienne dans la structure hospitalière canadienne où
* Centre d’imagerie de l’appareil locomoteur, 3, rue Alfred Bruneau, 75016 Paris.
RADIOGRAPHIES DES ENTORSES FRAÎCHES 17

travaillent les auteurs, ces règles avaient permis une réduction de 28 % des radiographies
de la cheville en urgence (mais avaient augmenté de 2 % les radiographies secondaires)
et diminué les radiographies du pied en urgence de 14 % (en augmentant les radio-
graphies secondaires de 13 %, soit un bilan global neutre) avec, pour la détection des
fractures, une sensibilité de 100 % et une spécificité de 50 % [7]. Depuis cette épo-
que, de nombreux articles ont confirmé que l’application des règles d’Ottawa était une
approche sûre, économique et fiable des traumatismes de la cheville, qu’elles soient
appliquées par des médecins urgentistes expérimentés ou débutants, voire par des infir-
mières spécialisées [8]. Une méta-analyse fondée sur la revue de 27 études [4] et plus de
15 000 patients a évalué l’utilité des règles d’Ottawa, en confirmant leur excellente sen-
sibilité, comprise entre 96,4 et 99,6 %. Leur spécificité, comprise entre 26,3 et 47,9 %,
demeure modeste. Ces règles ont globalement permis une réduction des radiographies
de l’ordre de 30 à 40 %. De cette méta-analyse ressort le fait que moins de 2 % des
patients chez qui les critères d’Ottawa étaient négatifs avaient une fracture. Ces règles
sont donc efficaces et source d’économie, sans perte de chance notable.
La mise en pratique des règles d’Ottawa est variable. Connues partout, elles sont
principalement utilisées au Canada et au Royaume-Uni, proportionnellement moins
aux États-Unis, en France, en Espagne et en Allemagne (94 % de sensibilité, 17 %
de spécificité, 15 % de baisse des radiographies [9]). Les principales réticences à leur
application sont une impression de perte de l’autonomie clinique de décision et une
certaine résistance aux règles rigides, plus marquée dans certains pays.
Une enquête réalisée par l’Assistance Publique–Hôpitaux de Paris [10] dans 5 établis-
sements hospitalo-universitaires a chiffré la baisse des radiographies à 22,4 %, stabilisée
à 16 % après arrêt de l’étude, par rapport au nombre de prescriptions avant l’étude. Une
seconde étude [11] a montré une sensibilité de 98 %, une spécificité de 45 % et une
valeur prédictive négative (VPN) de 99 % dans la détection des fractures de la cheville,
et une sensibilité de 100 %, une spécificité de 29 %, avec une VPN de 100 % dans les
fractures du médiopied, s’accompagnant d’une réduction des radiographies de 33 %.
L’application des critères d’Ottawa conduit donc aux mêmes résultats qu’au Canada.
L’application des règles d’Ottawa chez l’enfant âgé de 2 à 16 ans a été confir-
mée avec 100 % de sensibilité pour les fractures significatives de la cheville et du
médiopied, avec une diminution des radiographies de la cheville de 16 % et du pied
de 29 %, sans rater de fractures importantes [12,13]. Boutis et al. aboutissent à des
conclusions encore plus optimistes : sensibilité 100 %, VPN 100 %, diminution des
radiographies de 62,8 % [14].
Dans une enquête canadienne, bien que plus de 99 % des urgentistes fussent fami-
liers avec les règles d’Ottawa, 42 % d’entre eux y intégraient d’autres critères, 82 %
ne les avaient pas revues depuis longtemps, et 31 % ne s’en rappelaient plus bien en
détail [15].
Devant l’excellente sensibilité mais la faible spécificité des règles d’Ottawa,
soulignées dans de nombreuses publications, des auteurs suisses de Berne [16] ont
introduit un nouveau test réservé aux traumatismes de la cheville et du médiopied en
supination à basse énergie. Ce test donne une sensibilité de 100 % et une spécificité
nettement plus élevée de 91 %, avec une réduction de 84 % des radiographies.
Il en ressort donc que les règles d’Ottawa sont efficaces, qu’elles permettent de
diminuer sensiblement les prescriptions de radiographies sans perte de chance pour
les patients, en contribuant donc au désengorgement des services d’urgence, mais
qu’elles doivent faire l’objet de rappels pour être convenablement mémorisées.
18 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

QUELLES RADIOGRAPHIES ?

Classiquement, une radiographie de la cheville de face, une autre de face en ro-


tation médiale et une de profil sont demandées. Certains estiment que 2 (face, profil)
suffisent [17].
Dans notre expérience, il n’y a que 2 situations : soit le tableau clinique, en
application des règles d’Ottawa, ne justifie aucune radiographie, soit il en
nécessite. Dès lors, il faut pouvoir répondre clairement aux questions posées par le
clinicien : fracture malléolaire ; fracture du processus latéral du talus ; fracture
ostéochondrale du dôme talien ; fracture-arrachement de la base du 5e métatarsien ;
autres fractures (col du talus, os naviculaire, etc.) ; fracture-arrachement des inser-
tions des ligaments du Chopart ; diastasis tibiofibulaire ? Selon nous, le problème
n’étant pas de se limiter arbitrairement à un nombre fixé de radiographies, mais de
répondre avec un taux de certitude suffisant à ces questions, il faut le nombre de
radiographies nécessaires : 3 au minimum, plus si besoin – y compris, en cas
de doute, des clichés comparatifs ; voire, si le doute persiste, ou s’il existe une
discordance radioclinique, un examen tomodensitométrique en urgence. Compte
tenu du pronostic catastrophique d’une fracture du processus latéral du talus mé-
connue par insuffisance d’exploration, cette attitude, qui implique l’intervention
d’un radiologue entraîné, nous paraît licite. La faible radiosensibilité des extré-
mités fait que la limitation de l’irradiation se limite à l’application du principe
ALARA (« as low as reasonnably achievable » : « aussi basse que raisonnable-
ment possible »), sans plus.

CONCLUSION

Les règles d’Ottawa (encadré 1) constituent un guide logique et efficace, d’ef-


ficacité reconnue, pour la prescription raisonnée de radiographies en urgence lors
d’un traumatisme de l’arrière-pied et de la cheville. Lorsque la décision d’un exa-
men radiographique est prise, la qualité de celui-ci doit permettre une réponse non
ambiguë aux questions du clinicien.

Encadré 1 Règles d’Ottawa

Dans un traumatisme du cou-de-pied et du médiopied, la demande d’un bilan


radiographique est justifiée pour tout blessé présentant un traumatisme de la
région malléolaire et/ou du tarse dans les conditions suivantes :
– être âgé de plus de 55 ans ;
– être dans l’incapacité de prendre un appui tout de suite après l’accident et de
faire 4 pas lors de l’examen clinique au cours de la première consultation ;
– détecter une douleur à la palpation :
• dans les zones A et B pour la cheville ;
• dans les zones C et D pour le médiotarse.
RADIOGRAPHIES DES ENTORSES FRAÎCHES 19

Références

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3
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE

J.-L. BRASSEUR*, G. MORVAN**, J. RENOUX*, D. ZEITOUN-EISS*

INTRODUCTION

L’échographie est une technique sous-utilisée en cas d’entorse latérale de la che-


ville en raison de sa grande difficulté et de la nécessité d’utilisation d’un appareil
performant forcément onéreux. C’est regrettable car cette technique peut préciser les
éléments pathologiques d’une entorse [1–4]. Les ligaments de la cheville étant fort
superficiels, ils sont bien accessibles par des sondes de haute fréquence possédant
une résolution spatiale remarquable (figure 1).
Les avantages de la technique sont bien connus : atraumatique, disponible,
non irradiante et surtout dynamique, permettant en particulier d’appréhender une
laxité anormale mais aussi sa composante rotatoire. En revanche, ses inconvénients
ne sont pas négligeables. Il s’agit en premier lieu de la difficulté de cet examen,
à l’origine de sa réputation d’examen opérateur-dépendant, car il nécessite une
connaissance parfaite de l’anatomie sous-jacente et des différents aspects écho-
graphiques pathologiques [5,6]. De plus, le faisceau ultrasonore étant réfléchi par
les structures osseuses, le spongieux et les interlignes articulaires ne sont pas
appréhendés et l’échographie ne peut être utilisée qu’en complément des clichés
radiographiques standard [1,7–10].
Le couple radiographie standard–échographie, quant à lui, est extrêmement per-
formant et permet de faire, pour un prix modéré, le bilan exhaustif d’une entorse de la
cheville en précisant le siège exact des lésions, mais aussi le nombre de ligaments lé-
sés. L’intérêt d’une meilleure évaluation de la gravité de l’entorse au stade initial est
d’orienter correctement la thérapeutique afin d’éviter le développement de douleurs
chroniques, voire d’instabilité [11–19]. Cependant, il n’est pas prouvé à ce jour que
l’utilisation de cette technique permette de diminuer le nombre des séquelles à long
terme et d’améliorer le pronostic d’une entorse grave. Le rôle exact de l’échographie
n’est donc pas déterminé de manière précise.

* Service de radiologie centrale, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital,


75013 Paris.
** Centre d’imagerie de l’appareil locomoteur, 3, rue Alfred Bruneau, 75016 Paris.
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 21

Figure 1. Aspect normal de la structure fibrillaire du ligament talofibulaire antérieur (LTFA).

ASPECT ÉCHOGRAPHIQUE DU LIGAMENT NORMAL

Les ligaments sont toujours vus à l’échographie sous la forme d’une bande fibril-
laire relativement hyperéchogène, à limites régulières. L’échogénicité du ligament
varie en fonction de l’angulation du ligament, fort sujet à l’artefact d’anisotropie.
Cette bande doit toujours être rectiligne lors de la mise en tension du faisceau liga-
mentaire [12,13,20–22].
Chez le sujet normal, le ligament est parfois difficile à différencier du tissu sous-
cutané de voisinage, lui aussi plutôt hyperéchogène, et il est utile dans certains cas
d’« utiliser » l’artefact d’anisotropie en angulant quelque peu la sonde pour rendre le
ligament hypoéchogène et, ainsi, le différencier correctement dans un environnement
hyperéchogène. En revanche, dans les cas pathologiques, l’œdème hypoéchogène et
l’hématome qui entourent le ligament facilitent sa visualisation, avec l’apparition d’un
véritable « contraste échographique ». Cet aspect constitue un avantage indéniable
par comparaison à la tomodensitométrie où le ligament est facilement vu par rapport
au tissu graisseux dans les cas normaux, mais où il ne peut plus être discerné au sein
d’une tuméfaction de densité intermédiaire dans les cas pathologiques [23,24].

COMMENT ÉCHOGRAPHIER UNE ENTORSE DE LA CHEVILLE ?

Pour toutes les entorses de la cheville, les 4 articulations, talocrurale, tibiofibu-


laire inférieure, sous-talienne et Chopart, doivent être systématiquement explorées
par des coupes standardisées. Ces dernières sont la meilleure réponse au caractère
opérateur-dépendant de la technique, permettant également au prescripteur de juger
la qualité de l’examen.
L’utilisation d’un matériel d’interposition est indispensable en raison de la pré-
sence de reliefs osseux saillants (les malléoles), rendant impossible une coaptation
satisfaisante entre la sonde et les éléments à explorer. Ce matériel permet en outre,
sans pression excessive, de positionner la sonde parallèlement au ligament à explo-
rer en évitant les artefacts et en montrant correctement leur échostructure fibrillaire
(figure 2) [2,10,11,13,25–27].
22 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 2. Intérêt du matériel d’interposition ; les structures rétromalléolaires et surtout le ligament


calcanéofibulaire peuvent parfaitement être étudiés sans compression excessive.

Articulation talocrurale

L’étude des faisceaux latéraux s’effectue en varus avec flexion plantaire pour le
repérage du ligament talofibulaire antérieur, et en dorsiflexion pour l’étude du liga-
ment calcanéofibulaire et du ligament talofibulaire postérieur.
Le ligament antérieur s’étudie tout d’abord dans son grand axe, la sonde dans
l’axe du pied, puis dans le plan axial par une coupe frontale prémalléolaire montrant
le ligament « reposant » à sa partie distale sur la joue latérale du talus (figure 3).
Cette coupe repère également le processus latéral du talus dont les fractures et arra-
chements sont bien décelés par l’échographie, alors qu’ils sont souvent ignorés sur
les clichés standard.

Figure 3. Coupe frontale prémalléolaire montrant le ligament « reposant » à sa partie distale sur la joue
latérale du talus. LTFA : ligament talofibulaire antérieur.
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 23

Le ligament calcanéofibulaire s’analyse en dorsiflexion du pied sur une coupe obli-


que en bas et en postérieur en repérant une structure fibrillaire sous-jacente aux tendons
fibulaires qui sont, sur cette coupe, vus dans leur plan axial (et souvent hypoéchogènes
en raison de l’artefact d’anisotropie). La tension de ce ligament étant très variable d’un
sujet à l’autre, il est impératif d’effectuer une étude comparative (figure 4).

Figure 4. Ligament calcanéofibulaire ; coupe longitudinale oblique en bas et en postérieur montrant


le ligament soutenant « comme dans un hamac » les tendons fibulaires ; ce ligament normal est ici
légèrement concave en haut en dorsiflexion.

Le ligament talofibulaire postérieur n’est étudié qu’en cas de douleur postérieure par
une coupe horizontale avec une focalisation plus profonde. Il est très rarement atteint et
uniquement dans les entorses très graves avec rupture des deux autres ligaments.
Pour le plan médial, une manœuvre de valgus est réalisée permettant la mise en
tension des différents éléments. Ils sont étudiés par des coupes frontales balayant
« en éventail » toute la zone ligamentaire en prenant la malléole comme point fixe
et en faisant pivoter la sonde d’avant en arrière. La coupe la plus informative et
reproductible est celle passant par la joue médiale du talus, le ligament tibiotalien
postérieur et la sous-talienne (figure 5).

Figure 5. Coupe frontale médiale passant par la malléole, la sous-talienne et les différents faisceaux du
plan collatéral médial.
24 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

On termine l’étude de cet interligne par l’analyse, sur une coupe sagittale dorsale,
du récessus articulaire dorsal à la recherche d’un épanchement, mais aussi d’une
lésion capsulaire, voire de la présence d’une synovite ou de nodules chondromateux
(figure 6) [2,28,29].

Figure 6. Coupe sagittale antérieure montrant la capsule recouvrant le récessus articulaire antérieur.

Au niveau de l’articulation talocrurale, on retrouve les données topographiques classi-


ques avec atteinte initiale fréquente du ligament talofibulaire antérieur et très rarement du
faisceau deltoïdien. L’atteinte du faisceau calcanéofibulaire est souvent associée à celle de
l’articulation sous-talienne et est presque toujours secondaire, sauf dans deux situations :
– lors d’entorses récidivantes avec distension majeure du faisceau talofibulaire
antérieur ;
– en cas de mouvement purement varisant.
Dans ces deux circonstances, une rupture isolée du ligament calcanéofibulaire
peut être présente. Deux signes indirects faisant soupçonner une rupture de ce liga-
ment calcanéofibulaire sont systématiquement recherchés :
– l’apparition en post-traumatique immédiat d’un épanchement au sein de la
gaine des tendons des muscles fibulaires constituant un signe indirect d’at-
teinte (identique à celui observé à l’arthroscanner) (figure 7). En revanche,
lorsque le ligament est désinséré de son attache postérieure, calcanéenne, cet
épanchement au sein de la gaine n’est pas présent ;
– l’absence de soulèvement des tendons des muscles fibulaires lors de la mise en
dorsiflexion du pied (figure 8) [2,10–13,24,25].
Les atteintes des faisceaux postérieurs sont classiquement encore plus tardives et
fort rares [18,19].

Articulation tibiofibulaire inférieure

Le ligament antérieur est le seul qui soit étudié systématiquement par une coupe
axiale antérieure. Il est aisé de le repérer entre les corticales tibiale et fibulaire, plus
proximale par rapport au dôme du talus (figure 9).
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 25

Figure 7. Rupture du ligament calcanéofibulaire (LCF) et de la gaine des fibulaires expliquant le passage
de l’épanchement dans la gaine, ce qui est un bon signe indirect de rupture de ce ligament.

Figure 8. Coupe axiale en dorsiflexion montrant que le ligament calcanéofibulaire reste plaqué contre le
calcanéus ; signe indirect de rupture de ce ligament.

Figure 9. Coupe axiale antérieure du ligament tibiofibulaire antéro-inférieur.


26 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Une manœuvre de flexion dorsale de la cheville doit être effectuée en cas de


lésion de ce ligament, car on peut alors voir un écartement de l’espace tibiofibulaire
qui constitue un signe de gravité de cette entorse, témoignant d’une lésion associée
de la membrane interosseuse à l’origine d’un élargissement de la pince bimalléolaire
[2,10–13,22,32–34].
En cas de lésion du ligament antérieur, et seulement dans ce cas, le ligament posté-
rieur doit être étudié sur une coupe horizontale à la recherche d’une rupture, d’une dé-
sinsertion, mais surtout d’un décollement corticopériosté (souvent tibial), responsable
de l’écaille parfois visible sur les clichés standard au versant postérieur de l’épiphyse
tibiale dans les lésions graves de l’articulation tibiofibulaire inférieure (figure 10).

Figure 10. Coupe axiale postérieure du ligament tibiofibulaire postéro-inférieur (LTFPI) avec écaille
osseuse du décollement de son insertion tibiale.

Complexe de Chopart

Le ligament calcanéocuboïdien s’étudie sur une coupe longitudinale latérale à la


recherche d’une structure fibrillaire unissant les corticales du calcanéus et du cuboïde.
On déplace ensuite la sonde vers le versant dorsal du tarse, à la partie haute du
sinus du tarse pour l’analyse du ligament bifurqué attaché sur le rostre du calcanéus.
Il présente deux faisceaux divergents souvent hypoéchogènes en raison de l’artefact
d’anisotropie ; des arrachements y sont fréquemment présents, témoignant alors de
la gravité de cette entorse du Chopart (figure 11) [2,12,13,24,35].

Figure 11. Ligament bifurqué inséré sur le rostre du calcanéus.


RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 27

La sonde toujours positionnée dans l’axe du pied, on analyse le ligament talona-


viculaire dorsal, bien visible dans son plan longitudinal (structure fibrillaire tendue
entre les 2 corticales).
On termine par le spring ligament en positionnant la sonde parallèlement à la
portion distale du tendon tibial postérieur proximalement à son insertion sur le navi-
culaire, ce qui permet de repérer la portion superficielle du ligament qui comble en
fait l’espace séparant le tendon de la corticale talienne sous-jacente (figure 12).

Figure 12. Spring ligament ; complexe ligamentaire calcanéonaviculaire inférieur occupant l’espace
situé entre le versant profond du tendon tibial postérieur et la corticale talienne.

Articulation sous-talienne

Seule une vue de la périphérie de la sous-talienne est possible en échographie, les


ligaments talocalcanéens n’étant que partiellement accessibles à la sonde. Il s’agit
donc de repérer l’interligne latéral et surtout l’interligne médial, plus facilement ac-
cessible sur une coupe frontale passant par la malléole médiale à la recherche d’une
distension liquidienne mais aussi d’une synostose (figure 13) [2,13,24,36,37].

Figure 13. Vue frontale médiale de la sous-talienne : aspect normal montrant la joue médiale du talus, le
ligament collatéral médial, le sustentaculum tali et le versant médial de la sous-talienne.
28 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Une coupe du sinus du tarse est également systématiquement effectuée car, en


cas d’atteinte de l’articulation sous-talienne, il existe un comblement hypoéchogène
de son versant profond, le versant superficiel étant « occupé » par les insertions du
rétinaculum des extenseurs et celle du muscle court extenseur des orteils. Des images
kystiques y sont également découvertes (figure 14) [2,10,12,24].

Figure 14. Formation kystique développée au départ de la sous-talienne, bien visible au niveau
du sinus du tarse.

Seuls donc des signes indirects d’atteinte de l’articulation sous-talienne peuvent


être analysés en échographie et, s’ils sont positifs, c’est l’arthroscanner qui semble
encore à ce jour la meilleure technique susceptible de faire le bilan lésionnel de cette
articulation [37].

ASPECTS PATHOLOGIQUES DES LIGAMENTS DE LA CHEVILLE

L’œdème et l’hématome qui se développent lors de l’entorse entraînent un véri-


table contraste échographique permettant de déterminer la gravité de la lésion liga-
mentaire. L’étude échographique peut donc être effectuée à n’importe quel moment
après le traumatisme et n’est, à l’inverse de l’examen clinique, en rien gênée par le
gonflement et l’hématome [2,10–13,24,38].
Quel que soit le ligament atteint, 5 types de lésion sont essentiellement observés :
– dans les cas d’entorse bénigne, on observe une zone hypoéchogène correspon-
dant à une infiltration ecchymotique, située à l’une des insertions du ligament
ou l’infiltrant en totalité. En revanche, le ligament présente une tension nor-
male et sa continuité est respectée (figure 15) ;
– dans les cas d’entorse de gravité moyenne, 2 types de lésion peuvent être
décrits :
• un décollement (souvent proximal) de l’insertion qui peut s’accompagner
d’un arrachement périosté lamellaire, fréquent chez l’adolescent et échap-
pant souvent aux clichés standard (figure 16) ;
• une interruption ou une désinsertion partielle du ligament, voire la rupture
d’un des faisceaux d’un ligament dédoublé (figure 17).
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 29

Figure 15. Tuméfaction hypoéchogène sans rupture ni désinsertion du ligament talofibulaire antérieur qui
reste bien tendu.

Figure 16. Décollement sans rupture à l’attache proximale du ligament talofibulaire antérieur (LTFA).

Figure 17. Rupture partielle des fibres du ligament talofibulaire antérieur (LTFA) dont la continuité et la
tension sont respectées.
30 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

– dans les cas graves, on note une interruption complète du faisceau à sa portion
centrale ou une désinsertion d’une de ses attaches avec perte de la tension du
faisceau. L’expérience montre qu’en cas de désinsertion proximale du liga-
ment talofibulaire antérieur, la gravité de l’entorse est majorée, car le liga-
ment détaché a tendance à basculer en intra-articulaire (figure 18). En cas de
rupture du plan latéral, la capsule antérieure doit être analysée avec attention,
car certaines ruptures ligamentaires se prolongent parfois par une déchirure
capsulaire à l’origine d’une sensation de dérobement antérieur du pied ;
– le 5e type de lésion aiguë est constitué par l’arrachement osseux auquel le
ligament reste attaché (figure 19).
Cette classification est surtout valable pour l’articulation talocrurale. Pour l’articu-
lation tibiofibulaire inférieure et l’articulation de Chopart, on différencie : l’épanche-
ment articulaire, signe indirect d’atteinte articulaire, l’œdème ligamentaire, la rupture
et surtout l’arrachement osseux qui, dans notre expérience, constitue un signe indirect
de lésion grave [39–41].

Figure 18. Entorse grave du ligament talofibulaire antérieur (LTFA) avec : rupture en plein corps du
ligament (A) ; désinsertion proximale avec bascule du ligament en direction de l’interligne (B).

Figure 19. Arrachement osseux de l’attache distale, talienne, du ligament talofibulaire antérieur.
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 31

Pour l’articulation sous-talienne, seul un signe indirect de lésion (épanchement)


peut être observé en échographie, mais l’apophyse latérale du talus doit toujours être
soigneusement analysée car, en cas d’arrachement, le versant inférieur du trait passe
par la périphérie de l’articulation sous-talienne, ce qui constitue un facteur de gravité
important.

ASPECT ÉCHOGRAPHIQUE DE LA CICATRISATION ET DES


SÉQUELLES LIGAMENTAIRES

Au début de la cicatrisation, l’hématome hypoéchogène de voisinage persiste et


la brèche du plan capsuloligamentaire se comble (souvent en quelques jours) par
ce processus de cicatrisation ; elle devient hétérogène. En revanche, les berges de
la rupture restent bien visibles, permettant d’effectuer un examen différé de bonne
qualité [2,10,24].
La durée de la restauration de la continuité ligamentaire est fonction du traitement
instauré, mais aussi du siège exact de la lésion ; ainsi, une désinsertion de l’attache
proximale du ligament talofibulaire antérieur ou celle du ligament calcanéofibulaire
sont, dans notre expérience, des lésions mettant plus de temps à cicatriser, d’autant
plus qu’une bascule du ligament peut se produire dans ce type de lésions [2,10,24].
Dans les évolutions normales, la continuité du ligament se restaure (figure 20),
sa tension réapparaît progressivement ; il devient continu, normotendu, puis la
composante hypoéchogène périligamentaire disparaît.
À la phase séquellaire, non douloureuse, on repère un antécédent de lésion à
l’aspect du ligament : il est un peu plus épais, souvent plus échogène, il a perdu
sa structure fibrillaire et présente des versants discrètement irréguliers [2,10,24]
(figure 21).

Figure 20. Cicatrisation ligamentaire ; le défect se comble, restaurant la continuité ligamentaire mais
l’œdème hypoéchogène est encore décelé, la cicatrisation est donc encore active. LTFA : ligament
talofibulaire antérieur.
32 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 21. Aspect séquellaire ; la tension ligamentaire est restaurée, l’hypoéchogénicité de voisinage a
disparu, mais le ligament est un peu épaissi, souvent hyperéchogène et sa structure fibrillaire n’est plus
nettement décelée. LTFA : ligament talofibulaire antérieur.

ÉCHOGRAPHIE DE L’ENTORSE DE LA CHEVILLE AU


STADE CHRONIQUE

Après une ou plusieurs entorses, deux sémiologies cliniques peuvent être


observées : les douleurs résiduelles et les instabilités (qui peuvent être également
douloureuses). Le bilan de ces atteintes fait d’abord appel aux clichés standard
qui sont effectués en charge à ce stade et sont associés, en cas d’instabilité, à des
épreuves dynamiques comparatives (notamment en autovarus). L’échographie
complète idéalement ces clichés en déterminant, dans l’immense majorité des
cas, l’étiologie de cette instabilité et/ou de cette douleur résiduelle. Si le couple
radiographie–échographie reste insuffisant, c’est l’arthroscanner qui prend le relais,
à la recherche d’une pathologie articulaire [2,10,24].

En cas de douleurs persistantes

Plusieurs diagnostics peuvent être évoqués à ce stade, mais pour chacun d’eux
un diagnostic étiologique le plus précoce possible est préférable pour orienter, voire
redresser le traitement [17,18,42].

Fibrose

Quand on voit l’importance de certains hématomes après entorse, on comprend


qu’ils puissent entraîner des séquelles au stade chronique, et en particulier des réac-
tions fibreuses. En échographie, ces fibroses sont vues sous la forme d’une infil-
tration du tissu cellulaire sous-cutané, hétérogène, vascularisée au Doppler. Elles
deviennent progressivement hyperéchogènes avec épaississement des rétinacula de
voisinage lors du passage à la chronicité. C’est l’analyse comparative systématique
de l’échogénicité du tissu cellulaire sous-cutané qui est la plus informative pour
dépister cette complication (figure 22).
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 33

Cette fibrose tapisse le versant capsuloligamentaire superficiel ; elle peut englo-


ber les branches du nerf fibulaire superficiel ou filer en postérieur en comblant le
triangle de Kager, voire être à l’origine d’un syndrome du carrefour postérieur
(figure 23). Elle peut aussi épaissir le rétinaculum des tendons des muscles fibulaires
et limiter leur mobilité (figure 24).

Figure 22. Infiltration fibreuse diffuse entraînant un remaniement hyperéchogène, vascularisé au Doppler,
en superficie du ligament talofibulaire antérieur.

Figure 23. Infiltration fibreuse superficielle englobant un rameau du nerf fibulaire superficiel qui est
épaissi et serpigineux. LTFA : ligament talofibulaire antérieur.

Figure 24. Épaississement réactionnel du rétinaculum des fibulaires post-entorse. LCF : ligament
calcanéofibulaire.
34 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

En subaigu, c’est la symptomatologie douloureuse qui prédomine ; son intensité


est bien corrélée avec la vascularisation réactionnelle au Doppler. Au stade chronique,
une composante rétractile susceptible de majorer les phénomènes d’engainement
compressif peut se surajouter. Le glaçage et la compression en post-traumatique im-
médiat sont les meilleures armes pour lutter contre cette complication qui commence
à diminuer grâce à la généralisation du protocole thérapeutique RICE (rest, ice,
compression, elevation).
À noter également la possibilité d’une réaction de fibrose intra-articulaire, en par-
ticulier au niveau du récessus antérolatéral [42–44]. C’est également la vascularisa-
tion réactionnelle au Doppler puissance qui, avec la correspondance clinique, affirme
le caractère symptomatique de ces images qui peuvent faire l’objet d’une infiltration
échoguidée (figure 25).

Figure 25. Comblement fibreux du récessus antérolatéral pouvant justifier la réalisation d’une infiltration
échoguidée. LTFA : ligament talofibulaire antérieur.

Absence de cicatrisation ligamentaire

Résultant le plus souvent d’une sous-évaluation de la gravité de l’entorse à


l’origine d’un traitement mal adapté (ou mal suivi), une absence ou un retard de
cicatrisation ligamentaire peut entraîner une symptomatologie douloureuse de du-
rée inhabituelle. L’échographie objective dans ces cas la persistance d’une solution
de continuité le plus souvent hypoéchogène traversant le plan capsuloligamentaire
et mettant en communication l’interligne articulaire et le versant superficiel. Des
mouvements liquidiens (mouvements browniens) peuvent être perçus au sein de
cette rupture, confirmant son absence de cicatrisation. Une épreuve dynamique sous
échoscopie peut également montrer la persistance d’une mobilisation anormale entre
les berges de la rupture [2,10,24,42] (figure 26).

Ossifications et calcifications au sein du ligament

Une image linéaire hyperéchogène voire un nodule hyperéchogène peuvent se


développer dans l’épaisseur d’un ligament au cours de la cicatrisation. Ces zones
sont souvent entourées d’une plage hypoéchogène et sont fréquemment douloureuses
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 35

dans notre expérience. L’existence d’une séquelle d’arrachement corticopériosté peut


expliquer certaines images, mais des remaniements intraligamentaires peuvent éga-
lement survenir à distance de l’insertion (figure 27).

Figure 26. À 6 semaines, absence de cicatrisation satisfaisante du ligament talofibulaire antérieur


(aucune immobilisation n’avait été effectuée) et persistance d’un remaniement hypoéchogène diffus.

Figure 27. Calcification linéaire apparue au sein du ligament en cours de cicatrisation. LTFA : ligament
talofibulaire antérieur.

Nodules chondromateux et ostéochondromateux

Qu’ils soient chondromateux ou ostéochondromateux, ces nodules sont fré-


quents après entorse et certains d’entre eux sont bien repérables en échographie ;
d’autres sont masqués par les reliefs osseux, rendant les clichés standard indis-
pensables. Leur siège de prédilection est (comme pour la fibrose) le récessus an-
térolatéral, au niveau duquel des éléments parfois très volumineux peuvent être
enchâssés, souvent adhérents au versant profond du ligament talofibulaire antérieur
(figure 28).
36 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 28. Volumineux nodule ossifié enchâssé au versant profond d’un ligament talofibulaire antérieur
continu ; ce nodule est à l’origine d’une sensation d’instabilité, mais il n’existe pas de laxité objective.

Ces nodules sont fréquemment à l’origine de sensations d’instabilité qui sont


décrites par les patients comme des dérobements, des blocages ou de « petits » ac-
cidents itératifs. Cette notion subjective d’instabilité est complètement différente de
la laxité, celle-ci étant une mobilité accentuée objectivée cliniquement. Ces deux
éléments sémiologiques ne doivent pas être confondus : leur signification et les sanc-
tions thérapeutiques ne sont pas les mêmes [18,19,44].
Le couple radiographie standard–échographie dépiste la grande majorité de ces
nodules mais, en cas de bilan préopératoire, un complément tomodensitométrique
(pour les nodules calcifiés) et un arthroscanner (pour les nodules fibreux et cartilagi-
neux) se justifient.
On peut également citer dans ce paragraphe les séquelles d’avulsion voire de
fracture du processus latéral du talus qui échappent souvent aux clichés standard, et
sont bien repérées en échographie sur la coupe verticofrontale prémalléolaire laté-
rale. Elles peuvent être à l’origine de douleurs persistantes mais aussi d’une arthrose
sous-talienne, parfois rapidement évolutive (figure 29).

Figure 29. Fracture du processus latéral du talus bien visible sur la coupe frontale prémalléolaire.
LTFA : ligament talofibulaire antérieur.
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 37

Erreur d’articulation

Il s’agit d’une cause de plus en plus fréquente de douleurs persistantes en raison


du développement des traitements par orthèse. Ce sont le plus souvent des entorses
ignorées de l’interligne tibiofibulaire inférieur qui sont à l’origine de la symptoma-
tologie, ayant été prises à l’origine pour une pathologie talocrurale en raison de la
proximité entre le ligament talofibulaire antérieur et le ligament tibiofibulaire antéro-
inférieur (figure 30).

Figure 30. Importante tuméfaction d’un ligament tibiofibulaire antérieur non encore cicatrisé après
6 semaines d’un traitement inadapté (attelle limitant le varus-valgus, mais laissant libre la flexion
dorsale). PTI : péronéotibiale (tibiofibulaire) inférieure.

En effet, la mise en place d’un moyen de contention permettant les mouvements


de flexion dorsale–flexion plantaire pérennise l’atteinte de l’articulation tibiofibulaire
inférieure en raison d’un petit écartement de la pince bimalléolaire à chaque flexion
dorsale de la cheville. Ce dernier résulte du fait que la portion antérieure du dôme
du talus est plus large que sa portion postérieure, entraînant un écartement de la
« pince » à chaque flexion dorsale. Il n’est donc pas étonnant que ces lésions de l’ar-
ticulation tibiofibulaire inférieure restent douloureuses avec un traitement totalement
inadapté par orthèse [42].

Erreur de pathologie

Outre les pathologies articulaires douloureuses qui peuvent être suspectées par la
présence d’un épanchement sans lésion du plan capsuloligamentaire, ce sont les luxa-
tions tendineuses passées inaperçues qui constituent une cause plus rare mais impor-
tante de douleurs persistantes. Elles échappent souvent à l’examen clinique initial en
raison de la douleur à la palpation et de l’importance de la tuméfaction périmalléo-
laire, mais surtout parce que, dans l’immense majorité des cas, les tendons fibulaires en
latéral et le tendon tibial postérieur en médial se repositionnent spontanément dans leur
gouttière après l’épisode de luxation, la malposition irréductible étant en fait fort rare.
38 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

C’est pour cette raison que des épreuves dynamiques (inversion contrariée en
médial et éversion contrariée en latéral) doivent être systématiquement réalisées
lors d’un bilan échographique d’entorse et que des signes indirects évoquant un
antécédent de luxation doivent être recherchés sous la forme d’un décollement
du rétinaculum et/ou de l’existence d’une écaille corticopériostée paramalléolaire
(figure 31).

Figure 31. Écaille paramalléolaire latérale et épaississement du rétinaculum des fibulaires témoignant
d’un antécédent de luxation de ces tendons. CF : court fibulaire ; LF : long fibulaire.

Conflit antérolatéral

Même en l’absence de fibrose au sein ou autour du récessus antérolatéral, des


conflits antérolatéraux peuvent survenir lors d’une distension de ce plan capsulo-
ligamentaire, en particulier si un faisceau accessoire de Bassett est présent, car
celui-ci vient alors en conflit avec le versant antérolatéral du dôme du talus (voir
paragraphe tibiofibulaire) [31,37,42,45,46].

En présence d’une laxité anormale [10,12,42]

Les ruptures et étirements ligamentaires survenant au cours de l’entorse peu-


vent entraîner, au stade chronique, des distensions, des amincissements, voire des
disparitions de certains faisceaux ligamentaires à l’origine de laxités anormales.
Rappelons que celles-ci sont un signe clinique objectif qui diffère des sensations
subjectives d’instabilité décrites par le patient ; celles-ci peuvent en effet survenir
en cas de laxité anormale, mais également si des nodules intra-articulaires sont
présents (voir ci-dessus).
Après les épreuves dynamiques comparatives (au mieux en autovarus et en ti-
roir antérieur), l’échographie complète idéalement le bilan standard car sa spécificité
dynamique permet de mettre chaque faisceau ligamentaire en position de tension et
de comparer son aspect à celui du ligament controlatéral. D’importantes variantes
(comme pour les épreuves dynamiques) sont en effet présentes et il n’est pas rare,
par exemple, de retrouver un ligament calcanéofibulaire peu tendu en dorsiflexion de
manière bilatérale (figure 32).
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 39

Figure 32. Aspect détendu du ligament calcanéofibulaire chez une patiente asymptomatique

En cas de pathologie, on peut observer des faisceaux (talofibulaire antérieur et


calcanéofibulaire essentiellement) détendus par comparaison au côté opposé, mais
aussi de véritables disparitions du ligament talofibulaire antérieur en cas d’entorses
répétées. C’est particulièrement fréquent chez les sportifs de haut niveau (football,
volley-ball, basket-ball, etc.), ce qui explique le nombre important de joueurs jouant
avec un strapping. Rappelons encore l’importance du rôle joué par le ligament calca-
néofibulaire, car autant la disparition du ligament talofibulaire antérieur est anodine
et même parfois inaperçue, autant celle du ligament calcanéofibulaire est fréquem-
ment source d’une symptomatologie douloureuse (figure 33).

Figure 33. Entorses à répétition ayant entraîné une disparition du ligament talofibulaire antérieur
(LTFA) gauche (A), bien visible par comparaison au côté opposé (B).

De plus, il ne faut pas méconnaître la rupture persistante de la capsule antérieure,


à l’origine d’une sensation de glissement du pied vers l’avant avec importante ma-
joration du tiroir antérieur (figure 34). À noter encore les laxités du plan médial qui
sont fort rares mais souvent très invalidantes.
Au niveau des autres interlignes, c’est la lésion résiduelle de l’interligne tibio-
fibulaire antéro-inférieur qui est importante à repérer, car elle est à l’origine d’un
élargissement de la pince bimalléolaire, générateur d’arthrose. Les clichés standard
comparatifs font, en général, le diagnostic, à condition de bien rechercher le dias-
tasis au niveau de l’espace tibiotalien médial car c’est cette mesure qui est la plus
informative.
40 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 34. Rupture capsulaire antérieure prolongeant une atteinte du ligament talofibulaire antérieur à
l’origine d’une sensation de dérobement antérieur du pied.

Les laxités de l’interligne de Chopart et celle de l’articulation sous-talienne sont


plus rares et peuvent être suspectées en échographie, pour l’articulation sous-talienne,
par l’élargissement de l’interligne sous-malléolaire latéral en varus-équin, et pour le
Chopart par un bâillement calcanéocuboïdien lors de la même manœuvre.

PLACE DE L’ÉCHOGRAPHIE : QUAND ? POUR QUI ?

Si cette technique est sous-utilisée à ce jour, il est évident qu’elle ne doit pas
s’appliquer à toutes les entorses de la cheville.
En aigu, il semble logique d’en faire bénéficier les entorses graves cliniquement
et les patients pour qui le retentissement fonctionnel est essentiel (sportifs de haut
niveau, par exemple). Le rôle de l’échographie est, dans ces cas, de faire le bilan de
gravité de l’entorse en précisant surtout si le ligament calcanéofibulaire est atteint,
mais aussi de confirmer quelle est l’articulation atteinte, puisque cette précision est
parfois difficile cliniquement et peut être à l’origine d’une importante modification
de la thérapeutique.
Il est parfois difficile, pour des raisons d’organisation, d’effectuer une prise en
charge échographique en post-traumatique immédiat, mais l’œdème post-traumatique
facilitant sa réalisation, il semble plus logique qu’elle soit prescrite rapidement et,
surtout, que ses résultats soient disponibles lors du premier bilan de suivi entre le
3e et le 5e jour pour pouvoir effectuer alors un véritable bilan radio-écho-clinique.
Au cours du traitement de cette entorse, l’échographie doit être utilisée lorsque
l’évolution sous traitement n’est pas conforme aux attentes du clinicien afin de re-
dresser une erreur d’évaluation initiale. En revanche, il ne faut jamais perdre de vue à
ce stade que les lésions du spongieux ne sont pas décelables en échographie (pas plus
que sur les clichés standard) et que le recours à l’IRM est impératif si l’échographie
n’apporte pas une solution claire au problème clinique [30].
RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 41

Au stade chronique, elle est utile pour déterminer l’étiologie d’une douleur persis-
tante et, en cas de laxité (en association avec les épreuves dynamiques en autovarus)
pour préciser, grâce à sa spécificité dynamique, quels sont les ligaments détendus par
comparaison au côté opposé.

CONCLUSION

En complément des clichés standard, l’échographie est une technique très perfor-
mante pour analyser, en aigu ou en chronique, la gravité d’une lésion ligamentaire
de la cheville et du pied. Les éléments négatifs de cette méthode d’imagerie sont sa
grande difficulté et l’absence de visualisation du spongieux.
Pour l’optimiser au maximum, il faut utiliser un matériel haut de gamme et faire
des examens les plus systématisés possibles, comportant des coupes clés suffisam-
ment annotées pour pouvoir être comprises et relues a posteriori. L’échographie étu-
die les ligaments des 4 articulations de la cheville et de l’arrière-pied en vérifiant la
tension de chaque ligament comparativement au côté opposé. Elle recherche, pour
chaque faisceau, une rupture, une désinsertion ou un épaississement ecchymotique,
mais aussi un arrachement osseux, et dépiste une luxation des tendons fibulaires et
tibial postérieur. Il ne faut jamais négliger ces principes pour ne pas, par incom-
pétence, pénaliser cette technique dont les performances sont grandes et souvent
sous-évaluées.
De plus, il faut aussi se souvenir que l’échographie de l’entorse de la cheville
ne doit jamais être systématique mais réservée aux entorses graves, importantes
fonctionnellement ou d’évolution anormale, et toujours être effectuée après les
clichés standard. Elle est aussi utile en chronique, en cas de laxité ou de douleurs
persistantes.

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RÔLE DE L’ÉCHOGRAPHIE 43

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4
SUR QUELS CRITÈRES CLINIQUES
DEMANDER UNE IMAGERIE SIMPLE EN
URGENCE DANS LA PRISE EN CHARGE
DES ENTORSES DE CHEVILLE

M. BOUVARD*, O. BONNEFOY**, A. LIPPA**

INTRODUCTION

Tout traumatisme mettant en cause la cheville et le pied n’est pas une entorse simple.
Les praticiens prenant en charge en urgence un traumatisé de la cheville doivent garder
leur esprit critique et suivre une démarche diagnostique rigoureuse et codifiée. Cet effort
suppose une parfaite connaissance de l’anatomie et de la physiopathologie de la cheville
[1,2]. La bascule frontale des entorses latérales s’accompagne d’une composante rota-
toire mal explorée [1]. Les mouvements mettent tous en jeu plusieurs articulations [2,3]
dont le type et l’amplitude doivent être connus. Quatre-vingt-cinq pour cent des entorses
de cheville intéressent le compartiment latéral [4], mais l’articulation talocrurale et la
sous-talienne se partagent le rôle protecteur du ligament collatéral latéral [1,2]. L’atteinte
associée de ces deux articulations semble fréquente dans plusieurs études d’imagerie
par résonance magnétique (IRM) ou arthroscopiques [1,5]. La cheville est bien un réel
complexe ostéo-tendino-capsulo-ligamentaire [6,7], constituant régulièrement un défi
diagnostique et thérapeutique devant certains syndromes du « carrefour latéral de la che-
ville » comme l’a nommé Morvan [8]. L’efficacité de la prise en charge initiale nécessite
aussi une bonne organisation du travail médical et paramédical [5,9–12], compte tenu
de la saturation actuelle des services accueillant les blessés aux portes des structures
hospitalières publiques ou privées. Les entorses de cheville sont des traumatismes
fréquents, notamment lors des pratiques sportives. Leur nombre a été estimé, par jour, à
6000 en France [13], 24 000 aux États-Unis [14]. Plus récemment, Ferran et Maffulli
estiment à 302 000 le nombre d’entorses de cheville vues chaque année dans les services
d’urgences britanniques [4]. Ces entorses touchent aussi les enfants, et Leininger et al.
[15] rapportent plus de 18 % d’atteintes de la cheville dans les traumatismes du jeune
footballeur, les filles (21,8) étant plus touchées que les garçons [7,15].

* Centre de biologie et de médecine du sport de Pau, 64046 Pau cedex.


** Service d’imagerie médicale, centre hospitalier, 64046 Pau cedex.
CRITÈRES CLINIQUES D’UNE IMAGERIE SIMPLE EN URGENCE 45

La démarche diagnostique est avant tout clinique [3,16], mais ne saurait ignorer
les apports et les progrès considérables de l’imagerie. Trois examens (clinique,
radiographique, échographique) et 3 temps (J0, J5, J30) vont être le théâtre de 3
enjeux :
– le premier enjeu est d’évaluer aussi précisément que possible l’importance du
traumatisme [1,3,5,16]. Le risque est de sous-estimer la gravité de l’entorse ;
20 % d’entre elles sont graves, dont la moitié laisseront des séquelles en l’ab-
sence de traitement correct [6,17]. Ces entorses graves mal évaluées engen-
dreront des récidives. L’instabilité chronique douloureuse [7] sera source de
dégradation articulaire précoce, comme nous le voyons si fréquemment dans
le basket-ball professionnel ;
– le deuxième enjeu est de ne pas ignorer une lésion associée qui favoriserait
une raideur douloureuse [1,7,16]. Il est tout à fait nécessaire de se donner les
moyens d’établir le plus tôt possible un bilan lésionnel exhaustif tenant comp-
te des travaux montrant les limites des tests cliniques dans l’appréciation de
la gravité des lésions [18]. Le choix des examens d’imagerie et leur hiérarchie
seront d’autant plus performants que l’approche clinique aura été précise, at-
tentive, ne répondant pas à une attitude médicale stéréotypée. La recherche
de lésions associées doit être systématique, notamment concernant les lésions
osseuses et chondrales, tendineuses ainsi que les lésions de la tibiofibulaire
inférieure, de la sous-talienne et de la médiotarsienne [3,5,19,20] ;
– le troisième enjeu est de ne pas porter par erreur le diagnostic d’entorse de
cheville devant une grosse cheville douloureuse. Au premier rang des diag-
nostics différentiels, il faut citer les entorses des articulations voisines, les
fractures, les lésions ostéochondrales, les luxations et ruptures tendineuses
isolées [3,7,17,19,21].

IMAGERIE LORS DU BILAN INITIAL

Le bilan initial ne se conçoit aujourd’hui que dans la mesure où il s’intègre dans


une prise en charge dans le temps, nécessitant impérativement un suivi.

Interrogatoire

L’interrogatoire demeure le premier temps de l’examen clinique et précède


toujours l’examen physique. L’interrogatoire permet de faire connaissance avec le
patient, sa classe d’âge, ses antécédents. Une première question est d’importance :
la cheville traumatisée fait-elle partie de « l’outil de travail » (travailleur manuel,
sportif professionnel) ? L’interrogatoire situe les circonstances, évalue l’importance
des énergies mises en jeu. Il recherche des signes initiaux de gravité tels que le
craquement, le gonflement pré- et sous-malléolaire très précoce, l’apparition ra-
pide et extensive de l’ecchymose, la douleur insomniante [3,6,7]. Les conditions
de survenue de l’accident peuvent quelquefois orienter d’emblée le diagnostic et
inciter à demander sans tarder des examens d’imagerie. Ainsi, une cheville enflée
et douloureuse suite à une chute en canyoning, en escalade, en snowboard avec
chaussure souple doit faire évoquer respectivement une lésion ostéochondrale et/ou
une fracture du processus latéral du talus ou du calcanéus. Si la radiographie est
46 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

négative, un examen tomodensitométrique est indiqué. Si le patient est examiné à


distance avec un gonflement important suite à un traumatisme lors d’un démarrage
en sport collectif, ou en sport de raquette sans notion de torsion, il faut rechercher
de principe une rupture du tendon calcanéen ou, plus rarement, d’un tendon tibial
ou d’un tendon fibulaire, et demander une échographie. Ces diagnostics d’entorse
portés par erreur, nous les rencontrons plusieurs fois par an à la consultation ; au
stade tardif, le pronostic est bien plus sombre.

Examen physique

Trois tableaux se distinguent à ce niveau de l’enquête diagnostique.


Le premier tableau correspond à un traumatisme de la cheville s’accompagnant
d’un tel gonflement ecchymotique qu’il rend l’examen physique médiocre ou impos-
sible. La recherche de critères permettant d’éviter le bilan paraclinique est inutile à ce
stade. Il convient de demander rapidement un bilan radiographique afin de rechercher
une fracture [7,21].
Si la cheville demeure examinable, il convient de mener l’examen physique de
façon méthodique en 2 temps [5]. Le premier temps comprend l’inspection et la
palpation avec recherche des critères d’Ottawa [22]. Rappelons que ces critères, mis
au point à partir d’échantillons volumineux, permettent de porter l’indication d’un
bilan radiographique systématisé en urgence avec une très bonne sensibilité :
– patient de moins de 18 ou de plus de 60 ans ;
– impossibilité de faire 2 double pas, sans aide, dans l’heure qui suit le trauma-
tisme et dans la salle d’examen ;
– douleur à la palpation du versant postérieur (6 cm) à la pointe d’une des mal-
léoles ou du versant médial de l’os naviculaire ou à la base du 5e métatarsien.
De nombreuses études sont venues confirmer l’intérêt d’affiner les indications
du bilan radiographique [5,16,20]. Les arguments avancés sont d’ordre temporel,
avec un gain de temps escompté dans la prise en charge [5], et économique, car
30 à 45 % des radiographies sont évités. Des études plus récentes valident l’utili-
sation de ces critères chez l’enfant [23], et aussi par des infirmières spécialement
formées à cet effet [10–12]. À cette occasion, il est intéressant de noter que le
gain de temps dans la prise en charge est, dans ces études, négligeable [12] ou
nul [10].
Si l’un des critères d’Ottawa est retrouvé, le bilan radiographique initial est sys-
tématique et comprend 4 clichés (face, face en rotation interne, profil, ¾ externe
du tarse) dont la qualité doit être excellente (recherche d’arrachement lamellaire,
d’impaction osseuse, etc.) [6,16,20,22,24]. D’autres incidences viendront compléter,
si besoin est, ce bilan standardisé en fonction des données cliniques [16]. Pour mé-
moire, répétons avec Kouvalchouk que les clichés dynamiques n’ont pas leur place
dans le bilan initial d’une entorse de cheville [17].
Cependant, le clinicien doit être conscient des limites du bilan radiographique
standardisé, dans certaines lésions. Une suspicion clinique, un doute radiographique
sur une lésion du dôme du talus ou une fracture de l’environnement de la sous-talienne
(sustentaculum tali, processus latéral, etc.) doit conduire à un examen tomodensi-
tométrique programmé [17] couplé à la première consultation de suivi s’il n’est
CRITÈRES CLINIQUES D’UNE IMAGERIE SIMPLE EN URGENCE 47

pas réalisable immédiatement. Plusieurs études nous ont montré qu’ des lésions du
dôme talien, dont l’incidence atteindrait 6 % des entorses, ne sont pas visibles sur la
radiographie [6,16,20,25].
Si ces critères sont absents ou si le bilan radiographique initial est négatif, l’exa-
men physique va se poursuivre par la mise en tension des différentes structures
ligamentaires, la recherche de mouvements anormaux (varus, ballottement, tiroir),
le testing tendineux et l’examen minutieux des articulations voisines, notamment la
tibiofibulaire inférieure, la sous-talienne et la médiotarsienne [3]. Les éléments
sémiologiques retrouvés au cours de cet examen complet pourront porter l’indication
d’une imagerie simple radioéchographique au-delà des critères d’Ottawa. Enfin, cet
examen clinique n’omettra pas la recherche de lésions neurologiques périphériques
qui peuvent accompagner certaines entorses de cheville et nécessiteront une explo-
ration électrophysiologique [17].

Place de l’échographie en urgence

L’échographie est une technique connue depuis une quinzaine d’années [26,27],
mais qui a eu du mal à se développer et à se généraliser malgré ses qualités multiples
détaillées dans le présent ouvrage au chapitre précédent. Plusieurs éléments récents
plaident pour une extension des indications de l’échographie [6,18,28]. De Lécluse,
dans un travail comparant les tests cliniques et les données échographiques, a attiré
notre attention sur les limites de l’appréciation clinique concernant la gravité et
la diversité des lésions [18]. Il est connu que les désinsertions hautes du faisceau
antérieur ont un mauvais potentiel de cicatrisation ; or, il est impossible d’établir
avec certitude la topographie des lésions cliniquement [1]. Par ailleurs, l’atteinte
clinique du faisceau calcanéofibulaire doit faire craindre une lésion associée et no-
tamment des tendons fibulaires ou de leur rétinaculum [1]. Enfin, Borne et al. ont
montré sur 60 patients une mauvaise appréciation clinique des atteintes du faisceau
calcanéofibulaire alors que l’échographie était bien corrélée avec l’IRM. Dans cette
étude, l’échographie modifie l’attitude thérapeutique dans 17 % des cas par sous-
estimation de la gravité de l’atteinte ligamentaire [6]. L’échographie retrouve aussi
24 fractures non visibles à la radiographie sur 268 patients dans le travail de Wang et al.
[29], confirmé notamment par Hsu et al. [30]. En revanche, l’échographie, contraire-
ment à l’IRM, ne permet pas de visualiser les lésions chondrales et les contusions
osseuses présentes dans 35 % des entorses moyennes et sévères dans l’étude récente
de Guillodo et al. [28].
Pour l’ensemble de ces raisons, compte tenu du développement des techniques
échographiques de l’appareil locomoteur, du faible coût, l’échographie nous paraît
indiquée lorsqu’il existe une discordance radioclinique ainsi que pour toute entorse
moyenne et grave, et plus systématiquement lorsque la cheville fait partie de l’outil
de travail (travailleur manuel, sportif de haut niveau). L’accès à l’échographie im-
médiate lors de la prise en charge dans les services d’urgence n’est pas réalisable à
l’heure actuelle de façon aisée. Si l’intérêt pour l’échographie ne fait plus de doute, il
n’est pas démontré que la réalisation immédiate de celle-ci améliore le pronostic [6].
Il manque également des travaux montrant que la réalisation ciblée de cette écho-
graphie diminue les séquelles. L’échographie sera programmée facilement à J5 [6],
couplée à la première consultation de suivi, alors que le gonflement et l’hématome
auront été réduits par le traitement initial classique (RICE : rest, ice, compression,
elevation).
48 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

PREMIER BILAN DE SUIVI

Cette consultation réalisée entre le 3e et le 5e jour est fondamentale, constituant


un « second rideau défensif » dans la stratégie diagnostique [5,10–12,22]. Elle doit
être expliquée au patient et nécessite une bonne continuité dans la chaîne des soins
entre les services d’urgence et les praticiens qui assurent le suivi en consultation.
Elle donne l’occasion de réévaluer cliniquement le patient et d’orienter la stratégie
d’imagerie. Frey et al. [5] rapportent que l’évaluation initiale avait été mal appréciée
dans 30 % des entorses vues aux urgences. Trois tableaux peuvent être observés lors
de cette consultation de suivi.

Entorse bénigne

Le patient a repris une marche normale. L’examen clinique ne retrouve pas d’hé-
matome, ni de laxité. Le testing tendineux est normal. Le ligament collatéral est
sensible à la palpation et la mise en tension maximale. Il n’y a pas lieu de pro-
grammer des examens complémentaires et le traitement peut débuter. Une seconde
consultation de suivi est programmée à la fin de celui-ci.

Entorses moyennes et graves

Les entorses moyennes et graves correspondent à des tableaux comportant une


richesse croissante de symptômes et de signes cliniques. L’analyse sémiologique doit
être précise, détaillée, recherchant, comme lors du bilan initial, une lésion associée
ou une erreur de diagnostic, et évaluant la gravité de l’entorse. La mise en appui et
la marche sont perturbées. Les amplitudes articulaires sont diminuées, le gonflement
et l’hématome présents. La palpation retrouve des douleurs sur plusieurs trajets
ligamentaires. Dans ces deux tableaux, le bilan échographique couplé à la radiogra-
phie [24] doit être proposé systématiquement à notre avis, car ce sont les tableaux
dans lesquels nous rencontrerons le plus de lésions associées et de discordance sur
la gravité de l’atteinte ligamentaire. Le scanner complètera ce bilan lorsqu’une lé-
sion du talus ou du calcanéus sera suspectée. L’échographie viendra dresser un bilan
lésionnel bien plus précis et complet que ne saurait le faire l’examen clinique, et
guidera l’attitude thérapeutique jusqu’à la consultation programmée à J30.

CONCLUSION

Le choix et la programmation de l’imagerie simple lors de la prise en charge d’une


entorse de cheville en urgence doivent répondre à des impératifs précis : évaluer
la gravité de l’atteinte ligamentaire, rechercher des lésions associées, éliminer
un diagnostic différentiel. Cette démarche demande une rigueur et une attention
dans l’abord clinique qui ne saurait être éludé et demeure l’étape primordiale du
diagnostic. Mais l’examen clinique a montré ses limites dans la quête d’un bilan
lésionnel complet et d’une approche exacte de la gravité. La recherche des critères
d’Ottawa permet une approche validée des indications du bilan radiographique ini-
tial. L’échographie est indiquée soit à partir d’un point d’appel clinique précis (une
lésion tendineuse associée, une suspicion de fracture avec discordance radioclinique,
CRITÈRES CLINIQUES D’UNE IMAGERIE SIMPLE EN URGENCE 49

etc.) ou systématiquement sur une entorse qualifiée de moyenne ou grave. Cette écho-
graphie sera couplée à la première consultation de suivi à J5. Elle influencera bien
souvent l’attitude thérapeutique en complétant l’approche clinique par une évalua-
tion plus précise de la gravité des lésions ligamentaires et associées. Des études sont
à attendre confirmant l’influence de l’utilisation de l’échographie dans le pronostic à
court et à long termes des entorses de cheville. Lorsqu’une atteinte associée du dôme
du talus ou de la sous-talienne est suspectée, le bilan radioéchographique est peu
performant, et c’est l’examen tomodensitométrique qui aidera le clinicien à porter un
diagnostic pertinent. La stratégie d’imagerie dans la prise en charge des entorses ne
peut se concevoir que dans une démarche diagnostique rigoureuse, sans a priori, et
non stéréotypée compte tenu de la complexité et de la variété des lésions observées.
Cette démarche comprendra un bilan initial ainsi que deux suivis à J5 et J30.

Références

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50 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

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5
L’ARTHROSCANNER : QUAND ?
POUR QUI ?

B. ROGER*, E. ROLLAND**

ATTITUDE PRATIQUE

Devant un traumatisme de la cheville, la démarche diagnostique doit se faire


systématiquement en 3 étapes :
– en urgence, éliminer ce qui n’est pas une entorse ;
– le plus souvent après traitement d’attente (protocole RICE [rest, ice,
compression, elevation]) pendant 3 à 5 jours, préciser le type et la gravité de
l’entorse ;
– en cas d’absence d’amélioration de l’état de la cheville par le protocole RICE,
rechercher des lésions associées par l’arthroscanner.

Éliminer ce qui n’est pas une entorse

Les fractures uni- ou bimalléolaires doivent tout d’abord être dépistées par le
strict respect des règles d’Ottawa lors de l’examen initial et confirmées par un bilan
radiologique simple de la cheville. Pour les fractures ostéochondrales du dôme du
talus, un cliché de la cheville de face en rotation interne est indispensable pour bien
analyser les angles supéromédial et supérolatéral du talus et l’ensemble de l’inter-
ligne tibiotalien.
Enfin, il ne faut pas oublier la pathologie tendineuse : rupture du tendon calca-
néen, luxation des tendons fibulaires, luxation ou rupture du tendon du muscle tibial
postérieur dont les diagnostics sont le plus souvent cliniques, mais qui peuvent être
confirmés par une échographie en se méfiant toutefois des diagnostics de rupture
partielle faussement rassurants… (intérêt de l’imagerie par résonance magnétique
[IRM]).

* CETIS, 41-49, avenue du Maréchal Juin, 93260 Les Lilas.


** Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
52 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Préciser le type et la gravité de l’entorse

Il est parfois possible de préciser le type et la gravité de l’entorse lors de l’examen


en urgence si la cheville est examinable, mais le plus souvent l’existence de douleurs
diffuses et d’un gonflement important impose la réalisation pendant quelques jours
d’un protocole RICE pour permettre un examen clinique dans de meilleures condi-
tions et guider le choix des examens complémentaires.
La réalisation du protocole RICE de Ryan permet une prise en charge identique
quel que soit le degré de gravité initial. Il comprend les mesures suivantes :
– repos (rest) relatif ;
– application immédiate de froid plutôt réalisée par des vessies de glace (ice) ;
– réalisation d’un bandage compressif ou, mieux, port d’un bas de contention
(compression) ;
– surélévation (elevation) du membre inférieur atteint et utilisation de cannes
anglaises pour se déplacer (l’appui étant autorisé en fonction des douleurs).
Entre le 3e et le 5e jour, il faut réaliser un nouveau bilan clinique.
Le traitement médical consiste en la prescription d’antalgiques de niveau 1 et, éven-
tuellement, d’anticoagulants en fonction du terrain veineux du patient, alors que la
prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) est l’objet de controverses.
La prescription d’un bas de contention devrait être systématique alors que celle
de cannes anglaises est fonction des douleurs à l’appui.
La réalisation de clichés comparatifs en varus forcé ou en autovarus ne se justifie
qu’en cas d’atteinte du plan externe et après en avoir vérifié la tolérance clinique par le
praticien. Cette étude n’est le plus souvent possible qu’à distance du traumatisme.
L’échographie à ce stade est très utile pour confirmer non seulement l’existence
d’une rupture ligamentaire, mais également le siège de cette rupture (en zone capsu-
laire ou au niveau de l’insertion osseuse) et pour rechercher des lésions ligamentaires
associées (ligament en haie, ligament collatéral médial et ligaments tibiofibulaires
inférieurs [TFI]) ou tendineuses.

Rechercher des lésions associées

La persistance de douleurs, de gonflement et d’impotence fonctionnelle malgré


un traitement d’attente bien suivi doit faire rechercher des lésions cartilagineuses
intra-articulaires, des lésions osseuses péri-articulaires, voire des lésions tendineuses
partielles.
Les radiographies font un bilan osseux, mais pour étudier les atteintes ligamen-
taires, cartilagineuses et tendineuses, différentes techniques peuvent être proposées.
Certaines d’entre elles sont spécialisées et il faut tenir compte des compétences
particulières de l’imageur, mais aussi de sa disponibilité.
Le choix du bilan d’imagerie doit également se faire en fonction de son impact sur
la décision thérapeutique. Il faut ainsi distinguer une imagerie de première intention
(radiographies) et une imagerie de seconde intention (échographie, arthrographie,
tomodensitométrie [TDM], IRM).
L’ARTHROSCANNER : QUAND ? POUR QUI ? 53

Dans ce cas, l’arthroscanner, grâce à l’injection intra-articulaire d’un produit de


contraste, est l’examen le plus adapté pour étudier le cartilage en surface, montrer des
lésions chondrales pures ou des corps étrangers chondromateux intra-articulaires. C’est
également l’examen de choix pour analyser les différentes structures osseuses mal visi-
bles sur le bilan radiologique à la recherche d’arrachement osseux et de fractures par-
cellaires (malléole, articulation tibiofibulaire inférieure, apophyse externe du talus).

Conclusion

Trop souvent banalisés par les sportifs et les médecins en raison de leur fréquence
et de leur bénignité potentielle, les traumatismes de la cheville nécessitent pourtant
une démarche diagnostique rigoureuse.
L’évaluation clinique joue un rôle primordial à tous les niveaux : diagnostic positif
ou différentiel, bénignité ou gravité des lésions, intérêt de l’imagerie. Celle-ci n’est pas
toujours possible en urgence et peut nécessiter un traitement d’attente avec une place
importante à l’utilisation de bas de contention pour rendre la cheville examinable.
L’absence d’évolution favorable avec un traitement d’attente et un bilan radio-
logique normal doit faire discuter une imagerie de deuxième intention et/ou une
ponction-infiltration de la cheville.
L’échographie et l’arthroscanner sont actuellement les examens complémen-
taires les plus fréquemment prescrits pour préciser les lésions et guider un traitement
préventif des séquelles douloureuses et fonctionnelles encore trop fréquentes.

ARTHROSCANNER ET INFILTRATION

Définition

L’arthroscanner de la cheville est l’examen tomodensitométrique de l’articulation


talocrurale (parfois sous-talienne postérieure), réalisé après opacification de l’inter-
ligne articulaire. Cette opacification intra-articulaire peut se faire sur la table d’exa-
men de la TDM (avec un contrôle légèrement différé de la position intra-articulaire
de l’aiguille) ou sous contrôle scopique, permettant de vérifier en temps réel le bon
positionnement de la pointe de l’aiguille et d’effectuer des clichés de remplissage
ainsi qu’une étude arthrographique complète.
Cet examen combine les avantages des 2 techniques que sont l’arthrographie et la
TDM en potentialisant leurs résultats.
Dans les 2 cas, cette ponction-opacification intra-articulaire peut être associée à
une infiltration.

Conduite des examens

Arthrographie

Les éléments importants concernant la conduite de l’arthrographie sont les suivants :


– Matériel de ponction stérile et à usage unique – antisepsie rigoureuse.
54 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

– Patient en décubitus dorsal, genou en extension et cheville en flexion dorsale


à 90°.
– Point de ponction à la face antérieure du cou-de-pied, 1 cm sous la projection
de l’interligne articulaire, entre le tendon du muscle tibial antérieur et celui du
muscle extenseur propre de l’hallux (en dedans du pouls pédieux antérieur).
– Mise en place intra-articulaire de l’aiguille vérifiée de profil sous scopie télé-
visée et selon le contexte : évacuation d’un épanchement, test à la xylocaïne
plus ou moins Altim®, opacification iodée intra-articulaire.
– Clichés numérisés en cours de remplissage de profil, puis clichés d’ensemble
de face, de ¾ et de profil en flexion et en extension.
Les principales indications sont :
– la ponction articulaire à visée diagnostique : test anesthésique, analyse du
liquide d’épanchement, biopsie synoviale ;
– la ponction à visée thérapeutique : infiltration de corticoïdes, synoviorthèse.

Arthroscanner

L’arthroscanner fait suite à l’opacification intra-articulaire, qu’elle soit faite sous


contrôle scopique ou sous contrôle tomodensitométrique.
Les éléments importants concernant la conduite de l’arthroscanner sont les suivants :
– Étude le plus souvent unilatérale de l’articulation opacifiée (patient en décubi-
tus dorsal confortablement installé pour ne pas bouger pendant l’examen).
– Mode d’acquisition séquentielle ou hélicoïdale selon les caractéristiques
techniques de l’appareil et reconstruction anatomique de l’articulation dans
les 3 plans de l’espace.
– Coupes fines selon les appareils, de 1 à 2 mm d’épaisseur pour améliorer cette
résolution spatiale : filtre de reconstruction avec matrice élevée.
– Chaque coupe est étudiée en fenêtre « osseuse » et en fenêtre « parties molles ».
Les principales indications sont :
– l’étude des ligaments (fuite du produit de contraste dans les parties molles
péri-articulaires) ;
– l’analyse du cartilage de surface talocrural et éventuellement du cartilage de
l’articulation sous-talienne postérieure (si opacification simultanée) ;
– l’état de l’os sous-chondral (impaction, géode, sclérose, etc.) ;
– la mise en évidence de corps étrangers chondromateux et/ou osseux ;
– la recherche de lésions des tendons (taille, contours, position).

Infiltration

Lors du temps arthrographique, l’injection intra-articulaire du produit de contraste


garantit le bon positionnement intra-articulaire de l’aiguille et conforte l’efficacité
L’ARTHROSCANNER : QUAND ? POUR QUI ? 55

d’une ponction articulaire diagnostique (ponction-évacuation du liquide articulaire,


test anesthésique) et/ou thérapeutique (synoviorthèse, injection intra-articulaire de
corticoïdes).

RÉSULTATS

Pour notre part, depuis 8 ans, lors de la réalisation d’un arthroscanner de la


cheville, nous effectuons presque systématiquement au temps arthrographique une
injection intra-articulaire d’un corticoïde.
Deux cent cinquante-trois patients présentant des séquelles douloureuses d’entorse
grave de la cheville, et le plus souvent dans un contexte sportif, ont bénéficié de ce
protocole.
L’analyse des symptômes cliniques, de leur évolution et des résultats de l’image-
rie autorise plusieurs remarques :
– l’injection intra-articulaire d’un corticoïde (Altim® dans notre série) a une
valeur diagnostique en confirmant (ou en infirmant) la localisation des symp-
tômes à l’articulation talocrurale ;
– elle a également une valeur thérapeutique en entraînant le plus souvent une
diminution des symptômes avec une nette amélioration du tableau clinique ;
– elle n’interfère en aucun cas avec la réalisation de l’arthroscanner effectué
dans les suites immédiates afin de rechercher une lésion ligamentaire ou ostéo-
chondrale et de préciser l’importance des lésions dégénératives.
Ces lésions ostéochondrales sont peu fréquentes mais les signes cliniques sont
souvent très invalidants.
Ce travail rétrospectif dans un premier temps (54 patients recontactés) est
maintenant prospectif (46 patients). Il montre que l’injection intra-articulaire d’un
corticoïde lors du temps arthrographique de l’arthroscanner d’une cheville traumati-
que, dans un contexte subaigu ou chronique, se révèle particulièrement intéressante.
Elle présente des avantages certains dans la prise en charge diagnostique et théra-
peutique du patient. Aucun effet indésirable n’est à retenir à ce jour.
6
PLACE DE L’IRM DANS L’ENTORSE
RÉCENTE DE LA CHEVILLE

P. THELEN*, Y. DEMARAIS**

INTRODUCTION

Il peut paraître provocateur de proposer l’imagerie par résonance magnétique (IRM)


dans le bilan d’une entorse récente de la cheville alors que l’on essaie depuis des années
de ne plus réaliser de bilan radiologique systématique grâce au protocole d’Ottawa.
Quand il existe un doute sur une atteinte osseuse ou pour des entorses plus sévères, les
radiographies seules ou couplées à l’échographie sont souvent suffisantes.
D’un autre point de vue, on peut être étonné du nombre considérable d’IRM prati-
quées pour des entorses récentes du genou et, au contraire, du faible nombre d’examens
IRM de cheville dans le même contexte. L’IRM, grâce à sa sensibilité pour détecter
l’œdème, est plus performante lorsqu’elle est réalisée dans les premières semaines sui-
vant le traumatisme que plusieurs mois après devant une cheville douloureuse.
Alors, existe-t-il une place pour l’IRM devant une entorse récente de la cheville ?

TECHNIQUE ET RÉSULTATS

La réalisation d’une IRM de la cheville traumatique est bien codifiée : on étudie


la cheville traumatisée à l’aide d’une antenne de surface pour recueillir le meilleur
signal possible ; l’examen est centré sur l’arrière-pied et le médiopied.
Les séquences sont classiquement en FAT-SAT T2 [1] (ou STIR pour des raisons
d’homogénéisation de la saturation) dans les 3 plans, complétées par une ou des séquen-
ces T1. Ce bilan simple suffit pour faire le bilan lésionnel. Il n’est pas forcément néces-
saire d’avoir une étude comparative ni d’injecter de contraste par voie IV ou de réaliser
une opacification articulaire sur une entorse récente. L’IRM peut être faite sur une cheville
plâtrée à condition que son volume ne soit pas trop important pour l’antenne.
* Centre d’imagerie, 114, rue Nollet, 75017 Paris.
** 23, avenue Niel, 75017 Paris.
PLACE DE L’IRM DANS L’ENTORSE RÉCENTE 57

Sur les images obtenues, on recherche les lésions ligamentaires : simple épaissis-
sement, déchirure ou rupture ligamentaire avec disparition de la structure ligamen-
taire remplacée par un hypersignal liquidien [2].
L’IRM va surtout être utile pour mettre en évidence des anomalies osseuses qui
sont visibles uniquement en IRM lorsqu’il s’agit de contusions osseuses. La sémio-
logie est bien connue : ces contusions (bone bruise) ont un signal évoluant comme ce-
lui de l’eau : hyposignal T1 et hypersignal T2 renforcés par la saturation du signal de
la graisse. La localisation et l’importance de ces contusions vont permettre de préciser
le mécanisme et les articulations touchées. Pour certains [3], elles sont présentes dans
40 % des cas sur une revue d’IRM réalisées pour entorse. Il est possible que ce chiffre
soit surévalué pour l’entorse banale de cheville, car les patients bénéficiant d’une IRM
ont plus volontiers une entorse sévère. À signaler que ces modifications œdémateuses
peuvent se rencontrer chez des sujets asymptomatiques (26 % pour une série de
78 volontaires [4]) ; elles étaient alors de petite taille (< 1 cm), peut-être en rapport
avec une activité sportive récente.
En cas de fracture, le trait en plein os spongieux est visible en T2FS au sein de
l’œdème ; en revanche, il est souvent masqué en T1. Les arrachements osseux, surtout
lorsqu’ils sont de petite taille, sont mal visualisés en IRM, mais les phénomènes œdé-
mateux sont nets sur la zone d’arrachement et dans les parties molles adjacentes.

RENSEIGNEMENTS FOURNIS PAR L’IRM DANS L’ENTORSE


RÉCENTE

Atteinte talocrurale

L’IRM va permettre de préciser le mécanisme de l’entorse et sa gravité, fonction


de la sévérité des lésions ligamentaires et de la topographie des contusions osseuses.
Dans l’entorse latérale, les lésions ligamentaires peuvent aller de la simple contusion
à la rupture ligamentaire avec interruption ou désinsertion du ou des ligaments. Cette
atteinte concerne le faisceau talofibulaire, mais aussi parfois le faisceau calcanéofi-
bulaire voire, plus rarement, le faisceau postérieur. Il n’est pas rare de noter égale-
ment une participation du plan collatéral médial [5], en particulier du plan profond
(figure 1). Cette atteinte médiale, souvent négligée initialement, va allonger les délais
de guérison, source de douleurs et de raideurs voire d’instabilité secondaire.
L’IRM est surtout performante en aigu pour détecter une atteinte osseuse du talus :
simple contusion [3] qui va régresser en quelques semaines ou mois, ou véritable frac-
ture ostéochondrale antérolatérale ou postéromédiale. La présence d’une hémarthrose
va améliorer le contraste et permettre de préciser la position du fragment s’il se mobi-
lise (figures 2 et 3). Ces lésions du talus peuvent échapper au radiologue sur les clichés
de cheville faits dans le cadre de l’entorse s’ils sont sous-exposés ou en l’absence de
clichés en rotation médiale. Ils ne sont pas accessibles à l’échographie. Les atteintes supé-
romédiales, plus rares, peuvent précéder l’entorse (ostéochondrite) et être révélées par le
traumatisme, ou bien il peut s’agir de véritables lésions du dôme d’origine traumatique.
Les lésions traumatiques de la queue du talus après un mouvement en équin forcé
peuvent, de leur côté, être méconnues par le bilan radiologique initial, car le tuber-
cule postérolatéral est souvent masqué de profil. Comme pour toutes les fractures ré-
centes, le diagnostic est évident en IRM notamment sur les séquences en T2 fat-sat.
58 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 1. Rupture-désinsertion du ligament collatéral médial (séquence STIR coronale).

Figure 2. Fracture ostéochondrale du talus (séquence T2FS sagittale).


PLACE DE L’IRM DANS L’ENTORSE RÉCENTE 59

Figure 3. Fracture ostéchondrale du talus avec décollement du fragment (coupe coronale T2FS).

Lésions associées et diagnostic différentiel

L’intérêt de l’IRM est évident, car cet examen permet une étude globale de l’arrière-
pied et du médiopied. Il va donc démasquer des atteintes articulaires ou ligamentaires
associées à l’entorse de cheville ou des diagnostics différentiels. Cette capacité de
l’IRM est présente au stade aigu, mais va décroissant avec le temps comme l’évolution
de l’œdème. La réalisation d’une IRM à 6 mois d’une entorse de cheville n’apporte
pas toujours de réponse claire en l’absence d’hypersignal ligamentaire ou osseux.

Entorse tibiofibulaire

Cette lésion est prise parfois à tort pour une entorse classique de cheville. Cette
méprise est à l’origine de douleurs résiduelles ou d’autres complications en cas de
diastasis négligé. Il n’est pas rare de réaliser une IRM pour douleurs persistantes
antérolatérales à 3 mois d’une entorse pour une lésion du faisceau antérieur tibio-
fibulaire méconnue lors du bilan initial. Rappelons que le diagnostic radiologique
est impossible hormis la présence d’une fracture-arrachement ou d’un diastasis ; en
revanche, il est parfaitement accessible à l’échographie.

Atteinte sous-talienne

L’atteinte sous-talienne peut être isolée ou associée à l’atteinte talocrurale et intéresser


également la médiotarsienne. L’IRM montre des réactions œdémateuses sous-chondrales
sur la sous-talienne et l’atteinte des ligaments interosseux talocalcanéens (figures 4 et 5).
60 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 4. Entorse sous-talienne (œdème en miroir, séquence T1).

Figure 5. Importance de la réaction œdémateuse en T2FS (même patient que figure 4).

Les fractures de la partie inférolatérale du talus sont souvent masquées sur les
clichés radiologiques. Elles surviennent parfois dans un contexte évocateur (snow-
board) et sont facilement vues en IRM. Ces fractures, plus ou moins volumineuses,
s’étendent dans l’articulation sous-talienne et ont beaucoup de difficultés à consolider.
Elles sont analysées parfaitement au scanner, notamment pour la consolidation.
PLACE DE L’IRM DANS L’ENTORSE RÉCENTE 61

Atteinte médiotarsienne

Il est fréquent de diagnostiquer une atteinte médiotarsienne externe calcanéocu-


boïdienne avec arrachement osseux aux dépens du calcanéus prise au départ pour une
entorse latérale de cheville. L’atteinte peut être plus sévère avec fracture du rostre
calcanéen (visible habituellement sur les clichés de profil ou de ¾ du pied ou mise en
évidence en échographie) ou comporter une atteinte talonaviculaire.

Atteinte tarsométatarsienne

Les atteintes du Lisfranc sont plus rares et ne sont pas confondues habituelle-
ment avec des atteintes traumatiques de l’arrière-pied ; néanmoins, lors d’une entorse
grave, l’examen clinique du pied est parfois impossible. L’IRM est l’examen le plus
sensible et le plus performant pour en faire le bilan.

Atteintes tendineuses

Prises à tort pour des entorses de cheville, les atteintes des gaines et des tendons,
notamment des fibulaires, sont bien analysées en IRM : syndrome fissuraire et sur-
tout lésion du rétinaculum avec subluxation ou luxation du long fibulaire. Cependant,
l’étude des structures ligamentaires est encore plus performante en échographie.

SYNTHÈSE

La plus grande partie des entorses récentes soit n’ont pas besoin de bilan d’image-
rie, soit sont parfaitement étudiée par les clichés simples et surtout par l’échographie.
Sur les examens IRM de cheville traumatique que nous réalisons (le plus souvent à
distance du traumatisme) pour des entorses de cheville qui n’évoluent pas dans les
délais habituels, nous trouvons souvent les mêmes pathologies :
– entorse tibiofibulaire négligée ;
– atteinte conjointe du ligament collatéral médial non cicatrisée ;
– atteinte osseuse associée talienne du dôme ou de la queue ;
– autre entorse : médiotarsienne, sous-talienne.
La plupart de ces lésions sont parfaitement accessibles à l’échographie, hormis les
fractures du dôme du talus. L’échographie doit donc permettre de limiter considérable-
ment le risque d’erreurs ou de méprises. Malheureusement, c’est un examen opérateur- et
machine-dépendant dont les résultats ne sont pas toujours homogènes. L’échographie de
cheville réclame de l’habitude et des connaissances anatomiques pour être performante.
Les indications d’IRM dans l’entorse récente de cheville sont, selon nous, les
suivantes :
– les entorses avec d’emblée des signes de gravité : impotence fonctionnelle,
cheville et pied inexaminables en raison de l’œdème et de la douleur doivent,
en plus du bilan radiologique habituel, bénéficier de l’IRM pour faire un bilan
précis des lésions et des articulations touchées ;
62 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

– les entorses où il existe un doute sur une atteinte associée (osseuse, ligament
collatéral médial, sous-talienne) ;
– les entorses avec épanchement abondant ou persistant ;
– les entorses de cheville chez les sportifs de haut niveau où de toute façon le
recours à l’IRM est plus systématique.
Pourquoi faire une IRM plutôt qu’un scanner ? L’IRM est davantage sensible que
le scanner pour les lésions osseuses notamment du spongieux, et permet une étude
globale ligamentaire et tendineuse. Le scanner apparaît plus performant pour les pe-
tits arrachements osseux et pour suivre la consolidation d’une fracture.

CONCLUSION

La place de l’IRM dans l’entorse récente reste imprécise. Aujourd’hui, on a ten-


dance à la réserver aux entorses que l’on ne comprend pas et/ou qui n’évoluent pas
correctement. L’examen est alors réalisé à distance du traumatisme, parfois plusieurs
mois après. Il existe pourtant des indications d’IRM de la cheville et du pied en
traumatologie aiguë, notamment pour détecter précocement les atteintes du dôme du
talus ou des lésions associées, tout en sachant que l’IRM ne permet pas a priori de
prédire l’évolution clinique d’après l’importance des lésions [5].
Néanmoins, on peut penser que, grâce à la diffusion des IRM dédiées à l’ostéo-
articulaire, l’IRM se substituera aux clichés radiologiques de cheville (examen non
irradiant, plus sensible et global de l’arrière-pied et du médiopied) pour faire le bilan
des lésions osseuses.

Références

1 Tavernier T. IRM de la cheville et du pied. Particularités techniques et d’installation, le point sur les
séquences. Getroa Opus XXIX. Montpellier ; Sauramps Médical : 2002. p. 19-30.
2 Farooki S, Seeger LL. Magnetic resonance imaging in the evaluation of ligament injuries. Skeletal Radiol
1999 ; 28 : 61-74.
3 Labovitz JM, Schweitzer ME. Occult osseous injuries after ankle sprains : incidence, location, pattern
and age. Foot Ankle Int 1998 ; 19 : 661-7.
4 Zubler V, Mengiardi B, Pfirrmann CW, Duc SR, Schmid MR, Hodler J, Zanetti M. Bone marrow changes
on STIR MR images of asymptomatic feet and ankles. Eur Radiol 2007 ; 17 : 3066-72.
5 Klein MA. MR imaging of the ankle : normal and abnormal findings in the medial collateral ligament.
Am J Roentgenol 1994 ; 162 : 377-83.
6 Zanetti M, De Simoni C, Wetz HH, Zolinger H, Hodler J. Magnetic resonance imaging of injuries to the
ankle joint : can it predict clinical outcome ? Skeletal Radiol 1997 ; 26 : 82-8.
7
PLACE DES AINS DANS LES ENTORSES
RÉCENTES DE CHEVILLE

V. FOLTZ*, B. FAUTREL*

INTRODUCTION

L’entorse de cheville est un phénomène extrêmement fréquent. Elle représente


6 % des urgences traumatiques et 50 % de l’ensemble des entorses [1].
Pour autant, elle touche aussi bien la personne âgée qui se « tord la cheville »
que le sportif de haut niveau, et correspond à une symptomatologie et à des niveaux
de gravité extrêmement variés. De cette diversité épidémiologique et clinique vont
découler diverses prises en charge allant de la simple contention élastique (14 %)
à l’intervention chirurgicale (5 %) en passant par un traitement par plâtre (40 %)
[1]. Dans cette escalade thérapeutique, la prise en charge de la douleur est fonda-
mentale. Elle peut s’effectuer par de la physiothérapie, des antalgiques simples,
voire par des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Cependant, ces der-
niers sont de plus en plus discutés dans la phase précoce, le phénomène inflam-
matoire étant considéré par certains comme bénéfique pour la cicatrisation des
tissus lésés.

INFLAMMATION NÉCESSAIRE OU DÉLÉTÈRE ?

Que se passe-t-il après une lésion ?

Définition de l’inflammation

Quel que soit son degré de complexité, chaque être vivant organise une réac-
tion inflammatoire plus ou moins complexe en réponse à un traumatisme ou à
l’invasion d’un intrus. C’est un processus de défense à toute agression tissulaire
quelle qu’en soit la nature : infectieuses, traumatiques, chimiques. La réponse
* Service de rhumatologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013
Paris.
64 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

inflammatoire est quasi immédiate et vise à mettre en jeu de nombreux systèmes de


défense biologique qui aboutissent à un ensemble de mécanismes physiologiques
visant à circonscrire et à réparer les lésions tissulaires. Elle est en général bénéfique,
mais une activation prolongée ou forte peut entraîner des altérations plus ou moins
importantes.

Rappel sur la physiologie de l’inflammation

L’inflammation est une réaction du tissu conjonctif et des vaisseaux dans laquelle
il existe plusieurs phases successives (figure 1). On distingue l’inflammation aiguë
et l’inflammation chronique.

Figure 1. Évolution de l’inflammation aiguë.

Inflammation aiguë
L’inflammation aiguë succède directement à l’agression et permet de ponter la
brèche et d’éliminer les tissus lésés. De courte durée (quelques jours ou semaines) et
d’installation souvent brutale, elle est caractérisée par des phénomènes dits vasculo-
exsudatifs qui comprennent :
– une dilatation vasculaire responsable de la congestion tissulaire ;
– une augmentation de la perméabilité capillaire permettant le drainage de
l’œdème et le passage transtissulaire des protéines plasmatiques. Ces phé-
nomènes sont liés à la mise en jeu de différentes molécules. Certaines sont
néosynthésées par les membranes cellulaires : prostaglandines, leucotriènes,
le platelet activating factor (PAF), le tumor necrosis factor (TNF), et les
interleukines 1 et 6 (IL-1 et 6). La production des prostaglandines est à
l’origine de l’activation de multiples voies enzymatiques, notamment celles
des cyclo-oxygénases (Cox1 et Cox2) (figure 2 et encadré 1) ;
– une migration des éléments inflammatoires par diapédèse.
L’évolution favorable de l’inflammation aiguë passe par 2 phases successives :
– une phase de détersion qui correspond à l’élimination des tissus nécrosés et
de certains agents pathogènes (micro-organismes infectieux, corps étrangers)
par phagocytose, tandis que le liquide d’œdème est drainé dans la circulation
lymphatique et résorbé par les macrophages ;
PLACE DES AINS DANS LES ENTORSES RÉCENTES 65

Phospholipides membranaires corticoïdes

Phospholipase A2
-
coxibs
Acide arachidonique

-
- Cyclo-oxygénase
Cyclo-oxygénase - AINS Cox1
Cox2

-
aspirine
Endoperoxydes cycliques

Prostaglandines Thromboxane A2

Figure 2. Voies métaboliques de la cyclo-oxygénase : les prostaglandines et le thromboxane.

Action des PGs

Antalgique :
– Périphérique : augmentent la sensibilité des nocicepteurs vis-à-vis des
substances algogènes (histamine, bradykinine…).
– Centrale : facilitent la transmission de l’influx nociceptif en inhibant les
voies descendantes du contrôle de la douleur.
Vasodilatatrice
Thermostatique

Encadré 1. Action des prostaglandines.

– une phase de réparation tissulaire. La restitution totale de l’architecture et de


la fonction du tissu lésé est possible uniquement si l’atteinte tissulaire initiale
est limitée, brève, peu destructrice dans un tissu capable de régénérescence
cellulaire. Dans le cas contraire, elle aboutit à une cicatrice.
La réparation passe par la constitution d’un nouveau tissu conjonctif appelé
bourgeon charnu qui va remplacer les tissus détruits au cours de l’inflammation.
Le bourgeon charnu va progressivement évoluer soit vers une cicatrice, soit vers la
reconstitution d’un tissu conjonctif identique au tissu préexistant à l’inflammation.
La cicatrice est la marque définitive laissée par le foyer inflammatoire après la phase
de bourgeon charnu. Elle est formée d’un tissu conjonctif fibreux (prédominance
de collagène) prenant la place des tissus définitivement détruits ; sa structure va se
modifier progressivement pendant plusieurs mois.
66 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Inflammation prolongée et chronique


Lorsque le stimulus à l’origine de l’inflammation aiguë persiste ou s’aggrave, le
processus d’inflammation aiguë se trouve complété par la constitution d’une réponse
immunologique : c’est l’inflammation chronique. Ce processus comporte donc des
cellules inflammatoires de nature variée : polynucléaires neutrophiles, lymphocytes,
plasmocytes, monocytes, macrophages, parfois des polynucléaires éosinophiles ou
basophiles et des mastocytes. L’inflammation chronique peut faire suite à l’inflam-
mation aiguë si l’agent pathogène initial persiste dans les tissus (détersion incom-
plète) ou lorsqu’une inflammation aiguë récidive de façon répétée dans le même
organe en entraînant à chaque épisode des destructions tissulaires de moins en moins
bien réparées. Parfois, la phase aiguë vasculo-exsudative passe inaperçue, car elle
est brève ou asymptomatique (exemple : hépatite chronique active secondaire à une
infection par le virus de l’hépatite B ou C).

« Être ou ne pas être » délétère ?

Il est habituellement admis que les événements qui suivent une lésion, c’est-
à-dire l’inflammation, sont nécessaires pour obtenir une réparation optimale. Plusieurs
observations cliniques vont dans ce sens.
Après une lésion d’étirement, les premiers événements de la phase inflamma-
toire consistent en une activation des neutrophiles puis en leur accumulation au
sein de la lésion. Ces événements ont lieu dans les 2 heures qui suivent la blessure.
Ainsi, à la phase précoce inflammatoire, les débris cellulaires sont éliminés par les
infiltrats de neutrophiles. Cette phase est suivie d’une phase de régénérescence durant
laquelle les cellules satellites prolifèrent et remplacent les cellules endommagées et
phagocytées.
Parallèlement à leur rôle phagocytaire, les cellules neutrophiles peuvent aboutir
à la libération de radicaux libres et de protéases potentiellement délétères. En effet,
il a été montré que les neutrophiles contenaient plus de 40 enzymes hydrolytiques
et molécules toxiques, et pouvaient générer différentes molécules oxydantes. Le
complexe NADPH, localisé sur les neutrophiles activés, peut initier une « combus-
tion respiratoire » conduisant à la production d’anion superoxyde qui peut rapide-
ment se convertir en peroxyde d’oxygène. De plus, la myéloperoxidase, enzyme
présente dans les neutrophiles et macrophages, peut générer de l’acide hypochlori-
que, agent oxydant fortement réactif. Bien que les séquences exactes d’apparition
entre les cellules inflammatoires et les lésions secondaires soient débattues, les
modèles d’études récentes réalisées à partir d’un mécanisme d’étirement unique
ont souligné que la lésion tissulaire maximale était observée à l’instant où l’on
retrouvait le plus de cellules neutrophiles au sein de la lésion. Certaines théo-
ries stipulent donc que la minimisation des dommages inflammatoires pourrait se
traduire par une accélération significative du processus de guérison. En d’autres
termes, les neutrophiles et les cellules inflammatoires sont nécessaires à la cicatri-
sation, mais peuvent provoquer, dans des circonstances inconnues, des dommages
tissulaires non spécifiques qui pourraient jouer un rôle délétère au sein de la lésion
et retarder le processus de réparation. Il semble donc exister un seuil de réponse
inflammatoire en deçà duquel cette réponse est bénéfique et au-delà duquel elle est
de moins bon pronostic.
PLACE DES AINS DANS LES ENTORSES RÉCENTES 67

Quels sont les facteurs qui peuvent réguler la « force » de


la réponse inflammatoire ?

On distingue 2 types de système de modulation : le système modulateur endogène


et exogène.
Dans le système endogène, la production des cytokines pro-inflammatoires peut
être régulée de différentes façons : par la compétition du système récepteurs solubles/
autoanticorps, par la production de cytokines anti-inflammatoires (IL-4 et IL-10) par
les lymphocytes T, et enfin par la voie du cortisol et des prostaglandines [2].
Différents systèmes de régulation exogène ont été étudiés dans le processus final
de guérison, intéressant la clinique, les propriétés histologiques cicatricielles et
mécaniques du tendon. La mobilisation précoce, la traction du tendon, les stimula-
tions électriques, les facteurs de croissance et la prise d’AINS ont ainsi été étudiés
sur des modèles animaux d’entorse [3–6]. Les résultats sont en général favorables,
mais demandent à être confirmés.

À QUEL NIVEAU DE L’INFLAMMATION LES AINS JOUENT–ILS ?

Classification et propriétés

Une grande variété d’AINS est disponible sur le marché en France. Ils sont clas-
sés en différents groupes en fonction d’analogies pharmacocliniques. On distingue
ainsi très schématiquement 3 grands sous-groupes d’AINS : les AINS per os clas-
siques (pyrazolés, iniliques, aryl-carboxyliques, fénamates et oxicams), les AINS
sélectifs inhibiteurs de la Cox2 (coxibs), et les AINS locaux.
Concernant les propriétés pharmacologiques, nous ne mentionnerons que celles qui
ont été mises en évidence chez l’homme. Certaines sont communes à tous les AINS et
d’autres sont spécifiques d’une classe de médicaments. D’une manière générale, tous
les AINS ont en commun un certain nombre de propriétés pharmacologiques plus ou
moins liées à l’inhibition de la synthèse de prostaglandines par l’inhibition des cyclo-
oxygénases. Il s’agit des propriétés anti-inflammatoire, antalgique, antipyrétique et
anti-agrégante plaquettaire.

Mécanisme d’action

L’inhibition de la cyclo-oxygénase avec diminution de la synthèse des prostaglan-


dines constitue l’explication principale du mécanisme d’action des AINS [7] (figure 2).
Au début des années 1990, l’équipe de Needleman met en évidence 2 protéines ayant
l’activité enzymatique cyclo-oxygénase. Ces 2 protéines sont appelées Cox1 et Cox2.
À la suite de ces travaux, on a montré que la Cox1 et la Cox2 sont exprimées de façon
différente selon les tissus. L’inhibition spécifique de la Cox2 inductible, responsable
des manifestations inflammatoires avec respect des actions physiologiques sous la
dépendance de la Cox1, constitue l’explication de la dissociation possible entre les
effets bénéfiques de l’inhibition des prostaglandines pro-inflammatoires et la survenue
des effets indésirables digestifs liés à l’inhibition de la Cox1.
De l’inhibition de la cyclo-oxygénase va découler une action des AINS sur les
phénomènes inflammatoires précoces et une autre sur les phénomènes tardifs.
68 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Ainsi, durant les phénomènes inflammatoires précoces, lors de la phase vascu-


laire, les AINS inhibent l’augmentation de la perméabilité vasculaire. Leur action
sur les différents médiateurs (histamine, kinines, etc.) est très complexe et beaucoup
moins élucidée. À la phase cellulaire, les AINS vont inhiber la migration des polynu-
cléaires et mono-histio-macrophages.
À la phase tardive, les AINS ont un pouvoir anti-inflammatoire limité ; en parti-
culier, ils ne peuvent empêcher la formation du tissu de granulation.
En pratique, si les anti-inflammatoires ont une action délétère, ils l’auraient es-
sentiellement à la phase précoce, à l’instant où ils empêchent l’action inflammatoire,
nécessaire à la détersion et au remplacement du tissu lésé. Il n’y a, à ce jour, aucun
travail scientifique en faveur de ou contre cette hypothèse. Les AINS n’auraient a
priori pas d’action délétère à la phase tardive.

Indication en traumatologie, en particulier dans


les entorses précoces

Le traitement de l’entorse aiguë repose avant tout sur le protocole GREC : glace,
repos (relatif), élévation et contention. La rééducation doit être précoce.
L’intérêt et l’indication des AINS sont toujours théoriques, mais ceux-ci font
partie de la seconde ligne du traitement médicamenteux dans la conférence de
consensus [8]. Ils seraient prescrits dans le but de diminuer l’œdème, permettant
de retrouver une mobilité et des capacités fonctionnelles normales aussi rapidement
que possible.
Ces prescriptions partent du principe que l’inflammation est délétère, ce qui n’est
pas toujours le cas.

Résultats de la littérature sur l’intérêt des AINS in vivo

On peut classer les différents résultats en tenant compte des travaux réalisés avec
les AINS per os, ceux réalisés avec les AINS locaux et, enfin, ceux comparant les
formes per os et locale.

Problématique générale

Les différentes études posent un certain nombre de problèmes méthodologi-


ques. Le nombre de patients inclus, leur âge, la gravité des entorses, la durée des
traitements, le délai avec lequel le traitement est donné, les critères d’inclusion et
d’exclusion, les critères d’évaluation et, en particulier, les critères principaux sont
extrêmement variables d’une étude à l’autre ainsi que les moyens pour évaluer un
même critère (par exemple la douleur peut être évaluée par une échelle visuelle
analogique, une échelle visuelle verbale ou une échelle de Lickert). De plus, les
traitements annexes ne sont absolument pas codifiés (mise en décharge, rééducation,
hospitalisation, etc.). La majorité des études ont été publiées avant la conférence de
consensus de 1995, au cours de laquelle des critères diagnostiques et thérapeutiques
de prise en charge ont été élaborés, permettant théoriquement une conduite plus
standardisée et stéréotypée [8].
PLACE DES AINS DANS LES ENTORSES RÉCENTES 69

Par ailleurs, la majorité des études sont sponsorisées par le laboratoire qui produit
l’AINS étudié, rendant difficile toute interprétation.

Formes per os

Dans ces études, les produits les plus étudiés sont le diclofénac, l’indométhacine,
l’ibuprofène, le piroxicam et le naproxène.

Formes per os versus placebo


Dans une méta-analyse de 1992 [9], les auteurs ont repris les résultats de 11 étu-
des contrôlées en double aveugle contre placebo, dont l’objectif était d’évaluer l’effet
des AINS sur des lésions traumatiques aiguës. Huit de ces 11 études étaient considé-
rées comme positives, mais les conclusions des auteurs de la revue étaient beaucoup
plus modérées. Pour ces derniers, les études à court terme suggèrent que les AINS
donnés précocement après une lésion ne raccourcissent pas fondamentalement le
processus de guérison ; le bénéfice est souvent modeste, la guérison un peu plus ra-
pide et l’inflammation légèrement diminuée ; le retour au sport est parfois raccourci ;
enfin, les effets secondaires ne sont pas rares.
Concernant les quelques études spécifiques à l’entorse, les résultats sont
mitigés, certaines montrant des effets positifs sur la douleur, d’autres sur le
gonflement ou les possibilités de reprise d’activités, et d’autres, aucune différence
entre le placebo et l’AINS testé [5,10–19]. Deux études retiennent l’attention. La
première, non sponsorisée, réalisée sur 364 soldats, a comparé le piroxicam à forte
dose pendant 5 jours à un placebo dans les entorses de grade 2 [20]. À court terme,
les résultats concernant la présence d’un tiroir, les douleurs, les performances et le
nombre de jours d’entraînement perdus étaient significativement améliorés dans le
groupe AINS. Par ailleurs, les coûts étaient moindres dans le groupe AINS. La se-
conde, multicentrique et sponsorisée [21], a été réalisée sur 445 patients ayant une
entorse de cheville de grade 1 ou 2, traités par célécoxib, 400 mg, ou ibuprofène,
2400 mg, ou placebo pendant 10 jours. Les patients étaient significativement plus
améliorés sous célécoxib ou ibuprofène par comparaison au placebo.
Au total, en tenant compte des biais des différentes études et selon les résultats
obtenus, les travaux les mieux faits semblent montrer une amélioration de la douleur,
des paramètres cliniques, inflammatoires et de la fonction à court terme par rapport
à un placebo.

Formes per os versus autres AINS


Dans ces études, il n’y a en général pas de groupe placebo. Les résultats, le plus
souvent, ne montrent pas de supériorité d’un AINS sur un autre [22–26], sauf dans de
rares études [27,28]. De nombreux facteurs pourraient expliquer les résultats contra-
dictoires observés, notamment : la spécificité des AINS pour les différents isoformes
des Cox, les modalités d’administration et posologie, ainsi que les effets secondaires
propres à chacun des AINS.
Au total, les AINS peuvent influencer une multitude de facteurs clés du processus
de réparation, ou chacun semble avoir un rôle propre sur l’inflammation. Davantage
que cet effet inflammatoire, c’est peut-être leur effet antalgique qui compte avant tout
dans la récupération.
70 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Formes per os versus antalgiques


La question est de savoir si ce n’est pas le seul effet antalgique qui permet de
mieux récupérer en permettant de commencer une rééducation précoce. Quelques
études montrent que les résultats semblent aller vers une équivalence d’efficacité des
2 types de produits en ce qui concerne la douleur et la fonction. Une étude de non-
infériorité récente va dans ce sens en montrant l’équivalence entre la prise de paracétamol,
3600 mg par jour, et celle d’ibuprofène, 1200 mg par jour, en ce qui concerne le critère
principal (modification des douleurs à la marche entre J0 et J4) ainsi que les différents
critères secondaires chez 260 patients ayant une entorse de cheville [29].
Au total, l’effet antalgique plus que l’effet anti-inflammatoire semble prépondé-
rant pour la récupération clinique.
Un des avantages des antalgiques sur les AINS concerne le problème de la tolé-
rance. Les AINS ont effectivement des effets secondaires bien connus dont certains
mortels. La dernière classe d’AINS sélectifs diminue le risque d’accidents digestifs,
mais n’élimine absolument pas les risques allergiques, cardiovasculaires, rénaux...
La prescription d’un AINS en traumatologie sera toujours faite après avoir pesé
le risque par rapport aux bénéfices attendus et devra ainsi toujours être justifiée, no-
tamment par rapport à la prise d’un antalgique.

AINS topiques

De façon théorique, les AINS topiques auraient l’avantage d’agir localement sans
passage systémique, évitant tous les effets cardiovasculaires, néphrologiques, diges-
tifs, etc. Certaines études se sont intéressées au passage systémique de ces AINS
locaux et ont montré que la concentration articulaire était nettement supérieure à
celle plasmatique [30]. Néanmoins, la concentration n’était pas nulle et, en cas d’ap-
plication massive, des effets digestifs à types de brûlures, de nausées, d’hémorragies
digestives ont été constatés ainsi que des cas d’atteinte rénale et de crise d’asthme.
Les AINS topiques permettaient ainsi une action purement locale et une diffusion
rapide dans l’articulation.
Il y a trop peu d’études publiées spécifiquement dans le cadre des entorses pour
juger de l’efficacité de ces traitements locaux. La plupart se font dans un cadre plus
large de « lésions des tissus mous ». Trois études sur les 5 retrouvées spécifiquement
dédiées à l’étude de l’effet des AINS locaux dans l’entorse de cheville sont randomi-
sées avec un nombre intéressant de patients (> 100) [31–33]. Les 3 études concluent
à un bénéfice des AINS sur la douleur, le gonflement, le délai de récupération, avec
une très bonne tolérance. Les quelques effets secondaires s’observent uniquement au
niveau cutané.

CONCLUSION

Pour répondre à la question de savoir quelle est la place des AINS dans les en-
torses récentes, il faut tout d’abord arriver à répondre à celle concernant le rôle de
l’inflammation dans le processus de cicatrisation des lésions tendineuses. Il semble
néanmoins admis par l’ensemble des auteurs qu’une phase de détersion prolongée ou
PLACE DES AINS DANS LES ENTORSES RÉCENTES 71

trop intense est délétère pour la réparation. Elle se caractérise alors par la prolongation
dans le temps des signes cardinaux de l’inflammation (rougeur, chaleur, gonflement
et douleur). Dans ce cas, en respectant les contre-indications, il semblerait que les
AINS prescrits dans les 8 jours aient une efficacité. Par ailleurs, la prescription des
AINS locaux qui ont une meilleure tolérance que les AINS par voie générale doit
peut-être être préférée.
Dans tous les autres cas, et en l’absence de données histologiques chez l’homme,
les AINS ne semblent pas supérieurs aux antalgiques, lesquels doivent être prescrits
en priorité compte tenu de leur meilleure tolérance.

Références

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72 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

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8
FAUT-IL IMMOBILISER LES ENTORSES
DE LA CHEVILLE ?

A. LESPINE*

INTRODUCTION

L’entorse de la cheville est la plus fréquente des lésions de traumatologie cou-


rante et ce, en particulier, dans la pratique sportive. Elle représente 25 % de tous les
accidents sportifs [1] et on estime à 6000 le nombre d’entorses de la cheville par jour
en France.
Jamais de pathologie n’a suscité une telle multitude de solutions thérapeutiques,
allant de l’abstention thérapeutique à la chirurgie. Malgré – et surtout à cause de –
cette banalité quotidienne qu’est l’entorse de la cheville, que ce soit dans les services
d’urgences ou dans les cabinets de médecins généralistes, en particulier chez les
médecins du sport, il faut rester vigilant et proscrire tout traitement standardisé [2].
Il est en effet essentiel d’apprécier le degré de gravité de cette entorse qui va être dé-
terminant dans le choix thérapeutique. D’autres facteurs interviennent comme l’âge,
le type de pratique sportive, le contexte socioprofessionnel, la personnalité du blessé
[3].
Un choix thérapeutique initial inapproprié peut être lourd de conséquences pour
l’avenir fonctionnel de cette cheville traumatisée.
Dans le milieu sportif, le débat a toujours été vif concernant la justification et le
type d’immobilisation qu’il faut utiliser [4–6]. Ces dix dernières années, l’utilisa-
tion des orthèses stabilisatrices est devenue quasi généralisée. Une telle attitude nous
paraît critiquable. L’utilisation excessive des orthèses amovibles a débouché sur de
nombreux échecs et beaucoup de patients vont avoir des suites traînantes, avec des
séquelles douloureuses justifiant des explorations complémentaires et même parfois
des solutions chirurgicales. Bien entendu, il y aura pour ces sujets une perturbation
de l’activité sportive et, pour certains, une incidence significative sur leur carrière
sportive.

* Hôpital Édouard Herriot, service d’accueil Pavillon A, Place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03.
74 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

TRAITEMENT FONCTIONNEL

Il y a maintenant unanimité sur certains points, comme l’application, pendant les


48 à 72 premières heures, du protocole RICE (rest, ice, compression, elevation) de
Ryan ou GREC (glace, repos, élévation et contention) en français.
Il existe toutefois un flou concernant la compression qui peut être potentiellement
dangereuse si elle n’a pas été bien réalisée ; nous l’avons proscrite dans notre service
d’urgence, sauf pour les médecins du sport ou les seniors ayant l’habitude de cette
technique.
Nous utilisons volontiers des bandes non adhésives à la peau, à porter durant
quelques heures. On demande au blessé de l’enlever la nuit qui suit l’accident et de ce
fait, on choisit donc des sujets capables de comprendre l’indication qui leur est don-
née et capables d’enlever cette bande compressive selon les directives du médecin.
L’unanimité se fait également pour ne pas immobiliser les entorses bénignes.

Strapping

Le strapping, encore utilisé par beaucoup, a été proscrit dans notre pratique com-
me traitement de première intention depuis plus d’une dizaine d’années pour les
raisons suivantes :
– efficacité discutable ;
– technique de pose très variable et souvent très personnelle ;
– mauvaise tolérance cutanée fréquente ;
– compression fréquente sur le bord latéral du pied en regard de la saillie du
5e métatarsien ;
– mouvements actifs et passifs de l’arrière-pied, en particulier en varus, non ou
mal contrôlés.
Cependant, en milieu sportif, le strapping reste intéressant pour la reprise d’activité
dans certains sports.

Orthèse de stabilisation

L’utilisation des orthèses de stabilisation a pris une place grandissante ces dix
dernières années, au point que l’on a parfois l’impression d’un recours quasi sys-
tématique à cette solution pour les entorses récentes, en particulier dans le milieu
sportif.
Ce choix de traitement fonctionnel est-il toujours réellement justifié ? Une orthèse,
pour être efficace, doit empêcher tout mouvement actif ou passif de l’arrière-pied, en
particulier en varus, et ne permettre la mobilisation de l’articulation talocrurale que
dans les secteurs protégés (flexion, extension), car il a bien été démontré que cette
sollicitation mécanique protégée était favorable à la cicatrisation ligamentaire.
La mise en place et le retrait de l’orthèse doivent être faciles pour permettre l’hy-
giène, les soins locaux et la rééducation.
FAUT-IL IMMOBILISER LES ENTORSES ? 75

Nous sommes assez peu favorables à l’orthèse de stabilisation pour les raisons
suivantes :
– la pose n’est pas toujours correctement réalisée, ce qui nuit à l’efficacité de
l’orthèse ;
– le retrait est très facile, et beaucoup de blessés malheureusement ne s’en
privent pas. L’observance de l’immobilisation prescrite devient souvent
discutable ;
– on peut utiliser des chaussures souples à lacets, mais il est généralement néces-
saire d’utiliser des chaussures avec une ou deux pointures supplémentaires ; la
conformabilité à la marche n’est pas bonne.
– enfin, il est curieusement très difficile de remettre ces blessés au travail avec
ce type d’orthèse, démontrant bien la difficulté de son usage dans la vie
quotidienne normale, en particulier pour l’activité professionnelle.
Dans les structures d’urgence, nous avons l’impression que l’utilisation des or-
thèses est parfois une solution de facilité pour le prescripteur. En médecine du sport,
l’utilisation des orthèses, en particulier pneumatiques, est beaucoup plus raisonnée et
réfléchie. Le sportif, surtout d’un bon niveau, est habituellement conscient de l’im-
portance de sa cheville dans sa pratique habituelle et va donc respecter les directives
thérapeutiques ; l’observance sera effective.
En cas de signes locaux initiaux importants (œdème en particulier), il ne faut pas
hésiter à prolonger jusqu’à une semaine le protocole RICE avant d’utiliser l’orthèse
de stabilisation.

Bottillon semi-rigide

Dans le traitement fonctionnel, nous utilisons beaucoup plus souvent le bottillon


en résine semi-rigide que l’orthèse amovible, et ce pour les raisons suivantes :
– la reprise de l’appui est rapide ;
– la mobilisation est protégée ; tout mouvement de l’arrière-pied en varus-
valgus est impossible ; la conservation de la flexion-extension permet une
marche normale ;
– la sollicitation proprioceptive est effective ;
– comme pour les orthèses amovibles, il n’y a pas de nécessité de traitement
préventif du risque thrombo-embolique (sauf cas particulier) ;
– le blessé peut véritablement utiliser ses propres chaussures sans nécessité
d’une pointure supplémentaire ;
– l’absence d’arrêt de travail est beaucoup mieux acceptée avec cette solution ;
– on est certain de la stabilisation de la cheville et du respect de la
prescription ;
– la rééducation n’est pas possible comme avec l’orthèse, mais il n’est pas
certain qu’elle soit nécessaire avec cette thérapeutique ;
– le coût socio-économique de l’entorse est bien moindre.
76 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

TRAITEMENT ORTHOPÉDIQUE

Pour établir le choix entre traitement fonctionnel (orthèse amovible ou bottillon


soft cast) et traitement orthopédique, il nous semble absolument essentiel de bien
connaître le déterminisme évolutif des lésions ligamentaires.
Les lésions ligamentaires ont un potentiel de cicatrisation par fibrose, mais encore
faut-il que l’écart interfragmentaire ne soit pas trop important. Il est donc souhaita-
ble que les secteurs articulaires qui mettent en tension les structures rompues soient
immobilisés de façon satisfaisante.
Les avulsions ont un plus mauvais pronostic cicatriciel que les lésions intraliga-
mentaires.
Au cours d’un traumatisme de la cheville, le dépassement des amplitudes physiolo-
giques va entraîner des lésions ligamentaires, mais il peut également exister des dégâts
ostéoarticulaires, ceux-ci venant compliquer l’évolution de la lésion ligamentaire.
Pour la décision thérapeutique de traitement fonctionnel ou de traitement
orthopédique, il est nécessaire au préalable :
– de définir quelles sont les structures lésées ;
– de quantifier cette atteinte : rupture ou continuité ligamentaire ?
Nous allons essayer de définir pour chaque entorse du cou-de-pied à quel moment
le traitement orthopédique doit être envisagé.

Entorses de l’articulation tibiofibulaire distale

Le mécanisme habituel est une rotation latérale forcée du pied.


L’immobilisation stricte nous paraît souhaitable dès qu’il existe :
– des signes de gravité à l’interrogatoire ;
– un empâtement diffus de la face antérolatérale du cou-de-pied ;
– une palpation très douloureuse de l’articulation tibiofibulaire inférieure et an-
térieure.
L’échographie est une bonne indication.
Une rupture du ligament tibiofibulaire inférieur et antérieur non diagnostiquée ou
non immobilisée correctement va être à l’origine de douleurs séquellaires et d’une
gêne fonctionnelle résiduelle conséquente.
L’immobilisation sera de 4 à 6 semaines.

Entorses latérales de l’articulation talocrurale

Ce sont, de loin, les entorses les plus fréquemment rencontrées.


Il faut être vigilant dès qu’il existe des signes de gravité à l’interrogatoire. L’exa-
men clinique devra alors rechercher l’existence d’une laxité anormale. Cette recher-
che est capitale et doit être méthodique ; sa constatation permet d’affirmer la réalité
de la rupture ligamentaire.
FAUT-IL IMMOBILISER LES ENTORSES ? 77

À la palpation, l’atteinte du ligament talofibulaire antérieur (LTFA) est habituelle,


mais une souffrance du ligament calcanéofibulaire (LCF) doit alerter le clinicien. Il
faut vérifier l’absence de lésion de la gaine des fibulaires et faire réaliser une écho-
graphie, car il existe alors très fréquemment une atteinte associée de la sous-talienne.
Celle-ci est très habituellement à l’origine de séquelles douloureuses des entorses
talocrurales, mais la mise en évidence cliniquement de la lésion sous-talienne est
difficile. Dans ce cas, l’immobilisation stricte par traitement orthopédique nous
paraît nécessaire.
Il en est de même lorsqu’il existe une fracture-arrachement de la base du 5e mé-
tatarsien par le court fibulaire que l’on mettra en évidence par le test des fibulaires.
Cette association très fréquente d’une entorse du ligament collatéral latéral (LCL)
avec une fracture de la base du 5e métatarsien nécessite une immobilisation rigide
pour 4 semaines.

Entorses antérieures de l’articulation talocrurale

La souffrance, parfois bruyante initialement, est antérieure. On retrouve une dou-


leur provoquée à la flexion plantaire du pied. Le traitement orthopédique ne sera à
retenir que pour des lésions importantes associées à l’atteinte du LCL.

Entorses médiales de l’articulation talocrurale

On n’oubliera pas de palper soigneusement la malléole et le col de la fibula.


L’immobilisation stricte sera à retenir pour des lésions importantes, en particulier
celles associées à une atteinte du LCL. Lorsqu’une imagerie par résonance magnéti-
que (IRM) est réalisée, on découvre parfois un œdème du spongieux d’une malléole
ou des 2 malléoles par contusion du talus. Ces lésions peuvent être à l’origine de
séquelles douloureuses traînantes.

Entorses calcanéocuboïdiennes

Le traitement fonctionnel doit être retenu si l’atteinte est isolée. Si l’atteinte est
associée à celle de la talocrurale – ce qui est assez fréquent –, c’est la gravité de
l’atteinte talocrurale qui détermine la décision thérapeutique.

CHEZ L’ENFANT ET L’ADOLESCENT

L’atteinte traumatique de la cheville chez l’enfant et l’adolescent doit avant


tout faire évoquer un décollement épiphysaire. Il faut insister sur l’intérêt des
clichés comparatifs. Une fois ce diagnostic écarté, les entorses habituelles sont
des entorses latérales de l’articulation talocrurale. Les entorses bénignes de la
cheville ne doivent pas être immobilisées. Les entorses de gravité moyenne et les
entorses graves doivent être immobilisées de façon stricte par une résine pour une
durée de 4 à 6 semaines selon le degré de gravité.
78 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

CONCLUSION

Il faut proposer un traitement orthopédique :


– lorsqu’il existe une rupture du ligament talofibulaire antéro-inférieur ;
– lorsqu’il existe une atteinte du LCF, car l’atteinte de la sous-talienne sous-
jacente est fréquemment associée à cette lésion.
Il faut songer à un traitement orthopédique :
– si, à l’atteinte du LCL, s’associent des lésions d’autres articulations du cou-
de-pied ;
– chaque fois qu’il existe un arrachement ostéopériosté témoignant d’une
désinsertion ligamentaire, toujours plus à risque de séquelles qu’une rupture
en plein corps ligamentaire.
Au moindre doute sur le choix d’un traitement orthopédique, il faut demander une
échographie, car celle-ci est un élément déterminant, objectif et fiable, de la gravité
d’une entorse du cou-de-pied [7,8].

Références

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9
ENTORSE DE LA CHEVILLE : PLACE DES
TRAITEMENTS PHYSIQUES ET DE LA
RÉÉDUCATION

J.-M. COUDREUSE*, J. PARIER**

INTRODUCTION

Devant un traumatisme de la cheville, 3 traitements sont possibles :


– le traitement fonctionnel associant le port d’une orthèse stabilisatrice à des
séances de rééducation ;
– le traitement orthopédique comprenant une immobilisation stricte suivie de
séances de rééducation ;
– le traitement chirurgical comprenant une intervention suivie également d’un
programme de rééducation.
Dès 1991, Kannus et Renström [1] avaient mis en avant l’intérêt du traitement
fonctionnel par rapport au traitement orthopédique et au traitement chirurgical en
comparant un certain nombre de paramètres : la durée de l’arrêt de travail, l’instabi-
lité fonctionnelle, la douleur, la sensibilité, le gonflement, les amplitudes articulaires,
l’amyotrophie, le retour à l’état antérieur, les récidives, l’absence de laxité objective
radiologique, les complications. À la suite de cet article, un panorama thérapeutique
avait été proposé en 1996 [2].
Depuis la conférence de consensus en médecine d’urgence de 1995, on sait que
le traitement qui doit être privilégié dans une entorse de la cheville est le traitement
fonctionnel [3]. Cette conférence de consensus a été actualisée en 2004 [4], ce qui
a permis d’apporter des informations complémentaires, en particulier sur la prati-
que des médecins dans les services d’urgences. En ce sens, il a été constaté que la
conférence de consensus de 1995 est connue par 74 % des personnels des urgences
interrogés. Elle aurait induit une modification de leur pratique dans 69 % des cas.

* Service sport, Parc Salvator, 249, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille.


** 23, avenue Niel, 75017 Paris.
80 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Le traitement fonctionnel décrit consiste à limiter l’immobilisation et la décharge


du membre inférieur au strict nécessaire. Dès que les phénomènes initiaux (douleur,
œdème) ont cédé, un appui partiel ou total du membre inférieur associé à une im-
mobilisation partielle de la cheville pendant les premières semaines sont proposés.
L’actualisation au vu de 2 méta-analyses de Kerkhoffs et al. en 2003 [5] montre la
supériorité du traitement fonctionnel : la première (21 essais) compare une immo-
bilisation stricte versus un traitement fonctionnel dans l’entorse de la cheville ; et
la deuxième (70 essais), la chirurgie de première intention versus l’immobilisation
ou le traitement fonctionnel. Ces études sont fondées sur les critères suivants : récu-
pération fonctionnelle de la cheville, délai de reprise sportive ou récupération des
capacités fonctionnelles, moindre douleur, durée plus courte des œdèmes, meilleure
satisfaction du patient. Dans une deuxième revue de la littérature [6], Kerkhoffs et
al. restent plus circonspects et mettent en avant la nécessité de faire d’autres études.
Pour d’autres critères, par exemple le risque de récidive de l’entorse, il n’est pas ap-
paru de différence significative entre les méthodes comparées. Les articles en faveur
du traitement chirurgical sont moins nombreux, mais Pijnenburg et al. [7] font état
d’une étude prospective randomisée qui compare le traitement chirurgical au traite-
ment fonctionnel chez 370 patients, avec une supériorité du traitement chirurgical.
Bien qu’une méthodologie rigoureuse (en double aveugle) soit difficile à mettre en
place, de nombreux auteurs ont essayé d’évaluer l’efficacité du traitement fonctionnel.
Les résultats montrent que, globalement, ce traitement semble le plus adapté dans
la prise en charge de l’entorse de la cheville par rapport au traitement orthopédique
ou au traitement chirurgical. Les précédentes revues de la littérature [8,9] allaient
déjà dans ce sens.
Dans la plupart des cas, les études comparent le traitement fonctionnel au
traitement par immobilisation [10–15]. D’autres auteurs comme Pilardeau et al. [16],
avec une étude comportant un suivi détaillé des patients, ont mis en avant les bons
résultats du traitement fonctionnel.
La question reste donc ouverte même si, globalement, à quelques exceptions près, tout
le monde conclut à l’intérêt du traitement fonctionnel pour les lésions ligamentaires.
Le point important à souligner est que ce panorama thérapeutique ne concerne
que les lésions ligamentaires isolées du ligament collatéral latéral de la cheville et
qu’en aucun cas, on ne peut appliquer cette stratégie thérapeutique lorsque la lésion
ligamentaire s’accompagne de lésions associées, qu’il s’agisse de lésions osseuses
ou tendineuses, ou d’une autre lésion ligamentaire, comme l’entorse de l’articulation
tibiofibulaire inférieure.

DÉFICIENCE ET CAPACITÉ

Depuis la mise en place de la classification internationale du fonctionnement


(CIF) en 2001 [17], la prise en charge d’un patient blessé, qu’il soit handicapé ou
non, doit répondre à une stratégie précise. Celle-ci doit comporter dans un premier
temps un bilan des déficiences puis des capacités et enfin des activités de participa-
tion, dans le but d’améliorer la qualité de vie.
– Bilan des déficiences. La déficience (impairment) se caractérise par toute anoma-
lie ou modification physiologique, anatomique ou histologique. Dans l’entorse
PLACES DES TRAITEMENTS PHYSIQUES ET DE LA RÉÉDUCATION 81

de la cheville, on peut retrouver 3 déficiences : la douleur, le déficit de force


et la diminution des mobilités. Il faudra donc déterminer les caractéristiques de
la douleur. Puis, l’examen clinique précis permettra d’apprécier les diminutions
d’amplitude articulaire ainsi que le déficit de force musculaire par les tests iso-
métriques qui peuvent parfois, dans un deuxième temps, être complétés par un
bilan isocinétique. Il faudra être vigilant sur le fait que la diminution de force dé-
coule le plus souvent de la douleur mais que, dans certains cas, elle peut révéler
une lésion neurologique sous-jacente.
– Les capacités concernent l’individu dans sa totalité. On s’intéresse ici aux
qualités d’équilibre et de proprioception avec des tests simples permettant
d’apprécier la possibilité d’un appui ou pas, ou la possibilité de tenir en équi-
libre sur un pied. L’incapacité (disability) relève donc des altérations de ces
possibilités fonctionnelles.
– Le handicap résulte de la déficience et de l’incapacité, et limite partiellement
ou totalement l’accomplissement d’une fonction normale. C’est la relation du
patient avec son environnement qui crée le handicap.
– La qualité de vie. Enfin, il est important de connaître les souhaits du patient
concernant sa participation aux différentes activités, qu’elles concernent la
vie quotidienne (marche, montée et descente des escaliers, etc.) ou l’acti-
vité sportive. L’interrogatoire du patient est alors très important pour appré-
cier l’environnement dans lequel il vit (accession facile ou par un escalier,
isolement, etc.).

STRATÉGIE DE RÉÉDUCATION

La rééducation va s’attacher à restaurer les déficiences et les capacités, et donc


d’une part à diminuer les phénomènes douloureux, et d’autre part à restaurer progres-
sivement les amplitudes articulaires, les qualités de force musculaire et les facultés
d’équilibre.
Les principes du traitement de l’entorse de la cheville reposent sur la restauration
des déficiences, mais également sur la cicatrisation ligamentaire, bien que l’on n’ait
pas la preuve d’une corrélation entre l’évolution des différentes phases de cicatrisa-
tion et la récupération des déficiences.
De nombreux auteurs [18–20] ont étudié les phases de la cicatrisation :
– la première phase est inflammatoire et dure au moins 3 jours, même dans les
entorses de moindre gravité ;
– la deuxième phase, d’une durée de 4 à 10 jours, correspond à une période de
prolifération précoce ;
– la troisième phase, qui dure entre 11 et 21 jours, correspond à une phase de
prolifération tardive des fibroblastes ;
– la quatrième phase, qui dure jusqu’à la fin du deuxième mois, est constituée
d’une période de modelage et de maturation.
Concernant cette approche physiopathologique, la question essentielle est de
savoir si certains facteurs peuvent influencer la cicatrisation.
82 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

De nombreux travaux [21–24] ont montré que la mobilisation augmente la résis-


tance ligamentaire et accélère la cicatrisation, et permet d’obtenir un collagène de
meilleure qualité.
D’un point de vue fondamental, il semble donc acquis que le traitement fonc-
tionnel incluant une mobilisation précoce permette une meilleure cicatrisation des
lésions ligamentaires.
Si le traitement fonctionnel, fondé sur une mobilisation précoce, semble intéressant,
il manque encore des éléments concernant le contenu précis des programmes de rééduca-
tion dont on sait qu’il doit reposer essentiellement sur la restauration des déficiences.

LUTTE CONTRE LA DOULEUR ET L’ŒDÈME

D’après le rapport de la Haute autorité de santé (HAS) publié en 2000 [25], la res-
tauration des déficiences comprend la lutte contre la douleur, l’œdème, la diminution
de la mobilité, et repose sur le protocole RICE :
– Rest : repos avec réduction de la mise en charge du membre inférieur et utili-
sation de cannes anglaises lors de déplacements si l’appui est douloureux ;
– Ice : glaçage le plus précoce possible, puis 4 fois par jour tant qu’il existe des
signes cliniques ;
– Compression : compression locale par bandage élastique ou attelle avec com-
partiment gonflable ;
– Elevation : élévation du membre inférieur aussi longtemps que possible.

Cryothérapie

Le froid peut être appliqué par massage avec un glaçon, par une serviette trempée
au préalable dans de l’eau avec de la glace, par un paquet cryogène utilisant un tissu
éponge trempé dans de l’eau froide, par un générateur de froid, etc.
Le froid a une faible action sur l’œdème (grade C). En revanche, l’effet du froid
sur la douleur est indéniable. La protection de la peau fait partie des précautions à
prendre pour éviter les brûlures.
On connaît depuis longtemps les effets du froid : antalgique, anti-œdémateux et
anti-inflammatoire. L’application précoce du froid a pour but de limiter l’épanchement
sanguin, confirmé par Weston [26], mais l’action anti-œdémateuse du froid n’a pas été
démontrée clairement et les résultats sont encore contradictoires. En ce sens, une syn-
thèse récente de Struijs et Kerkhoffs [27] n’a pas retrouvé d’argument de bon niveau
de preuve pour recommander la prescription du glaçage de la cheville en cas d’entorse.
Toutefois, l’intérêt du froid semble acquis [28], en particulier au niveau antalgique.
Les modalités d’exécution sont importantes. Le froid humide serait plus efficace
que le froid sec ; mais les défenseurs de la neurocryostimulation (ou cryothérapie
gazeuse hyperbare) [29] sont en faveur du froid sec, mieux toléré et qui diffuserait de
manière plus étendue. La durée minimale d’application est de 20 minutes avec une
répétition si possible toutes les 2 heures, sauf pour la neurocryostimulation où les
séances sont très courtes.
PLACES DES TRAITEMENTS PHYSIQUES ET DE LA RÉÉDUCATION 83

Massage

Le massage est utilisé pour lutter contre la douleur et l’œdème ; il permet d’amé-
liorer la perception du pied. En ce qui concerne le problème spécifique de la douleur,
le massage transversal profond (MTP) est peu pratiqué dans l’entorse de la cheville
et, quand c’est le cas, c’est surtout en phase finale de la rééducation.
Les massages peuvent être effectués :
– dans un but antalgique, de manière indirecte, éventuellement avec une utilisa-
tion d’anti-inflammatoires locaux dont la pénétration est ainsi améliorée. Cet-
te technique peut être intéressante en début de traitement. De manière directe,
le MTP réalisé quotidiennement semble apporter une sédation de la douleur,
rarement utile plus de 15 jours ;
– dans un but vasculaire : une technique précise doit être appliquée pour une
meilleure efficacité. Les pressions glissées et les pressions statiques permet-
tent d’augmenter la vitesse de circulation du retour veineux. On peut aussi
effectuer un drainage veineux du pied avec un résultat intéressant, mais seule-
ment si la technique est rigoureuse ;
– dans un but extéroceptif : le massage du pied permet de recruter différents
récepteurs cutanés et prépare ainsi à la reprogrammation neuromusculaire.
Au total, le massage reste utile, entraînant une diminution de la douleur et de
l’œdème ainsi qu’une amélioration de la « perception du pied ».
En cas de persistance de l’œdème, la pressothérapie et le drainage lymphatique
manuel peuvent également être utilisés.
La pressothérapie est efficace dans la thérapeutique post-traumatique en phase
aiguë (grade C). Cette technique est proposée comme option thérapeutique, car la
technique manuelle est plus adaptée. Il y a peut-être un intérêt dans l’association
d’une botte à la fois réfrigérante et pressive.
L’indication du drainage lymphatique manuel ne paraît pas prioritaire dans l’en-
torse, sauf en cas d’œdème particulièrement résistant, et elle est alors utilisée dans
un second temps.

Autres techniques de physiothérapie

La stimulation électrique transcutanée n’a pas fait la preuve de son efficacité. On


peut simplement l’utiliser comme option thérapeutique pour lutter contre la douleur.
Les ultrasons ne doivent pas être utilisés dans les premiers jours, car l’effet ther-
mique favorise l’œdème et l’effet mécanique par vibrations perturbe la cicatrisation.
Ils n’ont pas non plus d’effet antalgique ou anti-œdémateux démontré (grade C).
La diathermie, la diélectrolyse et les aimants n’ont pas fait la preuve de leur effi-
cacité, mais sont parfois utilisés ainsi que les courants de basses fréquences.
Les bains écossais n’ont pas d’efficacité sur l’œdème (grade C).
L’efficacité du laser (904 nm laser) tant sur la douleur que sur la fonction n’a pas
été démontrée.
84 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Contentions

Outre leur intérêt pour la stabilité, les contentions ont une efficacité antalgique. Il
en existe différents types : les contentions légères par chevillère élastique, le strap-
ping ou taping suivant qu’on utilise des bandes élastiques souples ou rigides [30] (il
faut d’ailleurs noter qu’il existe une cotation spécifique de la Sécurité sociale pour ce
type de traitement), les orthèses stabilisatrices préfabriquées, la résine semi-rigide et
la botte plâtrée. Tous ces éléments ont été décrits par Vaes et al. [30] en 1998.
La compression est effectuée par un bandage compressif lorsque le patient n’a pas
l’autorisation d’appui. La compression qui utilise une mousse en forme de fer à cheval
périmalléolaire est plus efficace que la simple compression uniforme par bande élas-
tique (grade C). La contention adhésive ou l’orthèse semi-rigide est proposée quand
le patient reprend l’appui. Ces éléments permettent d’éviter une récidive pendant la
période de cicatrisation. Après cette période, une contention peut être proposée pour
mieux stabiliser la cheville pendant l’exercice. Si une contention adhésive est utilisée,
une sous-bande en mousse est conseillée. La contention adhésive doit permettre le
verrouillage calcanéen et limiter le varus-valgus de l’arrière-pied pour les ¾ de la
mobilité par rapport au côté sain. Les bandes de contention réalisant un huit (bandage
de secouriste) sont inefficaces (grade C). Les bandes de contention en forme de U
(basket-ball wave) et en forme de cravate sont efficaces (grade C).
Toutes les attelles « actives » de stabilisation, réalisées avec des bandes adhésives
non élastiques, sont plus efficaces que les bandes adhésives élastiques même étirées
(grade C). Elles doivent être posées en prenant garde de ne pas provoquer de douleur.
La durée de chaque contention varie en fonction de la limitation de la mobilité en
varus-valgus de l’arrière-pied.

PROGRAMME DE RÉÉDUCATION

Restauration des amplitudes articulaires

Il est noté dans le rapport de l’HAS que les mobilisations utilisées ont pour but de
récupérer une amplitude articulaire physiologique.
Les techniques de gain de mobilité sont utilisées dès que la douleur le permet.
Pope et al. [31] ont mesuré les amplitudes de flexion dorsale de 1093 recrues de l’ar-
mée australienne, soumis à un entraînement intensif ; 48 ont été victimes dans les
12 semaines suivantes d’entorse de la cheville. Il a été noté qu’une limitation d’am-
plitude en flexion dorsale de la cheville préexistante au traumatisme était un facteur
corrélé avec l’entorse. Cette étude a été réalisée en utilisant le test en charge de flexion
dorsale. Bennell et al. [32] avaient trouvé que ce test était fiable et reproductible.
Les techniques de gain de mobilité reposent sur une mobilisation précoce pas-
sive de l’articulation des différentes articulations ; les modalités de réalisation de ces
techniques décrites par Berthe [33] sont utilisées tant que la mobilité normale n’est
pas retrouvée.
PLACES DES TRAITEMENTS PHYSIQUES ET DE LA RÉÉDUCATION 85

Dans les premiers jours, on ne recherche pas les amplitudes en varus afin de ne
pas « agresser » le plan ligamentaire latéral de la cheville. Toutefois, ces techniques
de gain de mobilité permettent également de stimuler la cicatrisation ligamentaire.
Il n’existe, à notre connaissance, aucune publication traitant des techniques de
mobilisation spécifique dites de « réharmonisation ou de normalisation », utilisées
par certains thérapeutes, ni aucune étude clinique de leurs effets.
En revanche, le travail de posture, la mobilisation active, les techniques de
contracterrelâcher ou de stretching apportent un complément aux autres techniques.

Renforcement musculaire

Le travail de renforcement musculaire est probablement un des aspects les plus


importants de la rééducation de l’entorse de la cheville, car si les tests isométri-
ques restent souvent normaux ou subnormaux dans une entorse bénigne, on peut
mettre en évidence des déficits plus importants dans les entorses graves. Le plus
souvent, le testing manuel est probablement insuffisant pour apprécier des petits
déficits de force.
Les études isocinétiques ou électromyographiques mesurant la force des inver-
seurs et des éverseurs de la cheville donnent des résultats contradictoires. Kaminski
et al. [34] n’ont pas retrouvé de déficit en isométrie en concentrique et en excentrique
des éverseurs de cheville, instables par rapport à des chevilles saines. De leur côté,
Fox et al. [35], en comparant des sujets ayant des antécédents d’instabilité à des
sujets sains, ne retrouvent aucune différence statistiquement significative pour les in-
verseurs, les éverseurs et les fléchisseurs dorsaux, mais retrouvent un déficit de force
excentrique pour les fléchisseurs plantaires, ce qui, pour eux, contribue à l’instabilité
de la cheville. En revanche, on note un retard de la réponse des éverseurs par rapport
aux inverseurs. Graziani et al. [36] ont mis en évidence, lors de bilans isocinétiques,
d’importants déficits de force, en particulier lors de tests effectués sur un mode ex-
centrique après des entorses de la cheville rééduquées. Le travail excentrique des
muscles fibulaires semble donc intéressant dans l’entorse de la cheville. Toutefois,
il faut noter que l’on ne connaît pas encore avec précision l’influence de ce type de
travail sur la prévention des récidives.
Sekir et al. [37], de leur côté, ont trouvé en isocinétisme un déficit de force des
inverseurs sur des chevilles instables par rapport à des chevilles saines, et ont mon-
tré qu’un renforcement isocinétique des inverseurs en concentrique augmentait leur
force, mais également les qualités proprioceptives et fonctionnelles.
Toutes les techniques de recrutement musculaire ont pour but de préparer la re-
programmation musculaire ; le renforcement musculaire analytique est donc un élé-
ment préalable à la reprogrammation neuromusculaire.
La rééducation musculaire analytique est réalisée en appliquant une résistance ma-
nuelle sur les faces latérale, médiale, antérieure et postérieure du pied. Dans un deuxième
temps, de nombreux exercices fonctionnels globaux sont largement utilisés.
Les techniques utilisées sont classiques : travail actif analytique manuel selon
différents modes, travail statique puis concentrique et excentrique.
Des exercices sont effectués en chaîne musculaire ouverte puis semi-fermée et
enfin fermée. La rééducation musculaire globale optimise la rééducation analytique.
86 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Restauration de la stabilité

L’altération de la stabilité est la conséquence essentielle de l’entorse et favorise la


survenue de récidive. En effet, l’entorse de la cheville s’accompagne d’une modifica-
tion de l’information proprioceptive, entraînant une diminution de la stabilité de la che-
ville [38,39]. Il faut savoir que, chez le sujet sain, le jugement d’une position articulaire
est meilleur de manière passive que de manière active. En revanche, chez le sujet qui a
présenté une entorse, il n’y a plus de différence statistiquement significative entre ces
deux jugements de position. On conçoit donc l’importance de la rééducation.
Les techniques d’amélioration de la stabilité sont variées. La reprogrammation
neuromusculaire (RNM), ou rééducation proprioceptive, consiste à placer le patient
dans des positions de déséquilibre en utilisant différents outils instables afin de sol-
liciter les réactions de défense de l’organisme. Cette technique permet la reprise
précoce d’activité (grade B), améliore la stabilité (grade C) et diminue les récidives
(grade C). Elle doit être utilisée le plus précocement possible en fonction de l’indo-
lence de l’articulation (grade C).
De nombreux éléments d’appréciation de la progression sont possibles [25].
L’amélioration de la stabilité fonctionnelle, introduite dans un premier temps par
Freeman, a été reprise par de nombreux auteurs. Plusieurs travaux font état d’un effet
positif de la RNM sur la reprise précoce d’activité et de la stabilité de la cheville. Il
semble aussi que la RNM diminue le nombre de récidives. En revanche, celle-ci n’a
aucune incidence sur l’œdème et la douleur.
Les modalités physiologiques de cette reprogrammation fondées sur la réactivation
du mécanisme neuromusculaire de boucle fermée, protégeant la cheville de l’entorse,
sont actuellement très discutées. Elles avaient déjà été remises en cause depuis les tra-
vaux de Thonnard et al. [40] qui avaient montré que, dans 90 % des cas, la latence des
muscles fibulaires est supérieure à 60 ms, alors qu’il faut moins de 30 ms pour que se
produise une rupture du ligament collatéral latéral. La RNM ne consiste donc pas à
solliciter les réflexes médullaires, mais à solliciter la coordination et l’anticipation des
contractions musculaires péri-articulaires. La RNM englobe la stimulation des mécano-
récepteurs par le massage, la mobilisation passive par la stimulation analytique des mus-
cles péri-articulaires et par les exercices sur support instable type planche de Freeman.
Divers éléments de progression ont été proposés et différents outils permettant la RNM
ont été regroupés par Danowski et Chanussot [41] en 1995.

Indicateurs de surveillance

Les indicateurs de surveillance ont été bien résumés dans le rapport de l’HAS
[25]. Ils doivent comporter une surveillance de la douleur, de l’œdème, des mobilités
en décharge et en charge, de la force, de la stabilité fonctionnelle et des activités de
la vie quotidienne, le tout devant être noté dans une fiche de bilan.
Par ailleurs, il existe 2 scores d’évaluation de la stabilité fonctionnelle de l’en-
torse de la cheville : le score de Ferretti et le score de Bié.
Le rythme, le nombre et la durée des séances ne peuvent être quantifiés précisément,
car ils dépendront du bilan. Selon les recommandations de l’HAS, la kinésithérapie doit
être aussi précoce que possible (grade B), dès que la douleur l’autorise, avec une prévi-
sion de 10 à 20 séances. La reprise de l’appui s’effectue en fonction de la douleur.
PLACES DES TRAITEMENTS PHYSIQUES ET DE LA RÉÉDUCATION 87

Il existe un certain nombre d’indicateurs de surveillance qui permettent de suivre


la rééducation et donc l’évolution :
– la douleur ;
– l’œdème ;
– la mobilité mesurée en charge et en décharge : la flexion dorsale est souvent limi-
tée dans l’entorse de la cheville. Le test en charge de flexion dorsale est la seule
approche quantitative reproductible de la mobilité de la cheville. Le patient est
debout, face à un mur. On lui demande de fléchir le genou en amenant la rotule
en contact avec le mur et en gardant le talon au sol. Lorsque la flexion dorsale de
la cheville est maximale, on mesure la distance en centimètres entre l’extrémité
de son gros orteil et le mur. Une mesure angulaire est également possible à l’aide
d’un inclinomètre. La mesure est réalisée d’un côté puis de l’autre ;
– la force musculaire, qui peut être testée manuellement ou éventuellement par
bilan isocinétique ;
– la stabilité fonctionnelle, que l’on peut apprécier grâce à la réalisation d’un
certain nombre d’exercices, les yeux ouverts puis fermés, en appui unipodal,
comme la montée sur pointe du pied ou le fait de sauter sur les deux pieds
puis de sauter d’un pied sur l’autre, ou de trottiner dans l’axe puis avec des
changements de direction.
La question qui se pose souvent est de savoir quand arrêter la rééducation. On
considère qu’elle doit être arrêtée lorsque les critères de guérison et de reprise sont
tous « repassés au vert » : douleur, œdème, mobilité, force, stabilité, activités de la
vie quotidienne. Mais ces critères doivent également tenir compte des activités spé-
cifiques du patient.

CONCLUSION

Le traitement de l’entorse du ligament collatéral latéral de la cheville repose sur


la rééducation. Celle-ci doit s’attacher à lutter contre les déficiences et à restaurer les
capacités. Hormis la physiothérapie, qui est un adjuvant intéressant, les séances de
rééducation doivent comporter une récupération des amplitudes articulaires, un tra-
vail de renforcement musculaire et des exercices d’équilibre. Cette rééducation doit
être individualisée en fonction de la gravité de la lésion, des capacités de chacun et
de la nature des objectifs sportifs.

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10
PLACE DE LA CHIRURGIE DANS LES
ENTORSES LATÉRALES TIBIOTALIENNES
RÉCENTES

F. KHIAMI, A. RANGEL, K. SUPRUN, E. ROLLAND*

INTRODUCTION

L’entorse latérale de la cheville est un problème toujours d’actualité au regard du


nombre de publications récentes disponibles sur les bases de données. Cette littéra-
ture riche reflète directement la préoccupation des services d’accueil des urgences,
des médecins rééducateurs et sportifs ainsi que des chirurgiens orthopédistes, qui
sont quotidiennement concernés par ce type de pathologie et toujours soucieux d’y
apporter la thérapeutique la mieux adaptée.
On estime les entorses de la cheville à environ 6000 cas par jour en France et
presque 24 000 aux États-Unis selon les données épidémiologiques, ce qui en fait un
problème de santé publique d’une importance considérable [1].
La prise en charge de l’entorse latérale de la cheville a d’abord évolué dans son
diagnostic avec le démembrement lésionnel. Le classement en entorse bénigne,
moyenne ou grave relève d’un consensus international. La prise en charge de l’entorse
de cheville a, elle aussi, grandement bénéficié d’un consensus sur la prise en charge
des traumatismes de la cheville étiquetés « entorse ligamentaire ». L’application des
règles d’Ottawa a permis de rendre cohérente et de systématiser la prise en charge de
ces lésions ainsi que de diminuer la pratique de la radiographie à titre systématique
dans les traumatismes de la cheville.
La prise en charge thérapeutique a, elle aussi, considérablement évolué ces 30
dernières années. Peu à peu, les expériences du passé ont permis de faire évoluer les
méthodes. Les traitements chirurgicaux tendent à devenir anecdotiques et les trai-
tements fonctionnels tendent à se substituer aux traitements orthopédiques, surtout
depuis l’apparition de nouvelles orthèses, de nouvelles techniques de rééducation et
d’appareillages de plus en plus sophistiqués.

* Service de chirurgie traumatologique et réparatrice, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,


47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
CHIRURGIE DANS LES ENTORSES LATÉRALES TIBIOTALIENNES RÉCENTES 91

Les traitements conservateurs, aux suites extrêmement simples, donnent


certainement des résultats supérieurs aux traitements chirurgicaux, mais le traitement
chirurgical ne conserve-t-il pas une place dans des indications particulières ?

RÉSULTATS DES TRAITEMENTS CHIRURGICAUX ET


NON CHIRURGICAUX

Si, pour les entorses bénignes ou de gravité moyenne, le traitement est univoque
et doit être fonctionnel, quelques interrogations subsistent pour les entorses sévères.
Celles-ci peuvent être légitimement posées devant une cheville qui parfois présente
un aspect lésionnel impressionnant, voire préoccupant, faisant poser la question au
thérapeute de la nécessité d’un avis chirurgical.
Kannus et Renström [2], dans une méta-analyse de la littérature à propos de 12 étu-
des prospectives randomisées sur le traitement des entorses graves du ligament collatéral
latéral de la cheville, ont permis de formuler plusieurs conclusions qui font actuellement
consensus. Pour eux, il ne fait aucun doute que le traitement fonctionnel demeure le
traitement de choix pour les ruptures complètes de ce ligament dans les entorses graves.
Ce traitement inclut une courte période de protection avec reprise rapide d’appui, mobi-
lisation précoce et stimulation neuromusculaire, permettant d’obtenir dans presque tous
les cas la récupération et la guérison les plus rapides, avec une récupération complète
des mobilités et une reprise rapide des activités professionnelles et sportives.
Les symptômes résiduels tels que l’instabilité, la douleur, l’enraidissement ou la
faiblesse musculaire sont de loin les moins importants par rapport aux groupes des
traitements orthopédiques classiques et des traitements chirurgicaux. L’étude des
groupes de traitement fonctionnel montre que celui-ci est sans complication.
La majeure partie des auteurs [3] s’accordent à proposer, même chez les athlètes
de haut et très haut niveau, un traitement fonctionnel associé à une protection lors
de la reprise des activités sportives avec, en cas de récidive d’accident d’instabilité,
la possibilité d’opter pour un traitement chirurgical secondaire par ligamentoplastie
dont les résultats sont, eux aussi, excellents.
Enfin, le coût socio-économique du traitement fonctionnel est infiniment plus
faible que le coût des autres traitements, qu’ils soient orthopédiques ou chirurgicaux,
et doit être pris en compte à l’échelle d’une conscience socio-économique [2,4].
À titre d’exemple, la méta-analyse évoquée ci-dessus [2] comportant uniquement
des entorses graves du ligament collatéral latéral de la cheville, présentait 125 chevilles,
chez des sujets de 23 à 32 ans, dont 71 % d’hommes. Il s’agissait d’entorse aiguë inau-
gurale à chaque fois. Le recul moyen a été de 1,2 an. Tous les patients opérés l’ont été
selon une méthode de retension capsulaire. L’immobilisation était soit par plâtre pour
une période de 3 à 6 semaines, soit par bandage élastique avec mobilisation immédiate.
Les résultats sont sans appel [5] : la supériorité des traitements non chirurgicaux
et notamment du traitement fonctionnel est univoque. L’étude de facteurs tels que le
retour au travail, aux activités physiques, les mobilités articulaires, l’atrophie mus-
culaire, le retour au niveau d’activité prélésionnel a montré des résultats sensible-
ment meilleurs dans les traitements non chirurgicaux qui, par ailleurs, ne souffraient
d’aucune complication, hormis la thrombose veineuse profonde, qui, au demeurant,
n’a rien de spécifique à ce type de traitement.
92 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Kaikkonen et al. [6] présentent des résultats également sans appel dans une étude
prospective comparant le traitement fonctionnel et la chirurgie. À 9 mois du trauma-
tisme, le traitement fonctionnel donnait 87 % de bons et excellents résultats contre
60 % pour la chirurgie.
L’instabilité résiduelle et la récidive d’instabilité étaient sensiblement compara-
bles sans différence statistiquement significative entre les 2 types de thérapeutique,
hormis dans l’étude de Prins [7] qui ne retrouvait aucune récidive dans les groupes
du traitement chirurgical, et 19 % de récidive dans les traitements par immobilisation
plâtrée.
Inversement, une étude prospective randomisée par Pijnenburg et al. [8] en 2003 a
comparé le traitement chirurgical au traitement fonctionnel chez 370 patients présen-
tant une entorse de la cheville avec rupture confirmée d’au moins un des 3 faisceaux
du ligament collatéral latéral, avec un délai moyen de 8 ans. Les résultats ont montré
la supériorité du traitement chirurgical sur le plan de la stabilité, de la récidive et des
douleurs résiduelles.
Enfin, l’étude de la laxité résiduelle au dernier recul en mesurant la laxité tibio-
talienne en stress de face, ou en tiroir antérieur forcé, ne montre aucune différence
entre la réparation et le traitement fonctionnel [3].

POURQUOI LE TRAITEMENT CHIRURGICAL


A-T-IL ÉTÉ ABANDONNÉ ?

Toutes les études tendent à prouver que le traitement fonctionnel est équivalent
au traitement chirurgical en terme de résultat fonctionnel voire, pour bon nombre
d’entre elles, supérieur.
Les principaux problèmes des traitements chirurgicaux résident dans la néces-
sité d’une hospitalisation, d’une anesthésie, d’un acte opératoire parfois traumatisant
pour le patient, et dans le coût socio-économique élevé d’une intervention chirurgi-
cale dont les complications peuvent être graves.
Dans la méta-analyse de Kannus et Renström [2], 11 études sur 12 prospectives
présentaient des complications du traitement chirurgical :
– taux d’infection nosocomiale évalué à 4 % [7] ;
– nécrose cutanée ou accidents cicatriciels non exceptionnels ;
– thrombose veineuse profonde évaluée à 5 % [9] ;
– taux d’embolie pulmonaire estimé à 2 % ;
– problèmes neurologiques au premier plan, associant :
• hyperesthésie autour de la cicatrice pour 19 % des patients [10] ;
• hypoesthésie dans 12 % des cas [11] ;
• neurinome cicatriciel dans 9 % des cas [12].
La chirurgie est donc grande pourvoyeuse de problèmes neurologiques, septi-
ques, thrombo-emboliques et cutanés venant péjorer le résultat fonctionnel, au moins
CHIRURGIE DANS LES ENTORSES LATÉRALES TIBIOTALIENNES RÉCENTES 93

dans un premier temps. Il faut toujours garder à l’esprit que le traitement fonctionnel
n’est pourvoyeur d’aucune complication spécifique.
Le traitement le plus adéquat doit être celui permettant de restituer la fonction
rapidement sans générer de « dommages collatéraux » iatrogènes et, si possible, en
tenant compte des impératifs socio-économique.
Le traitement fonctionnel remplit le cahier des charges dans cette indication et
doit, comme le pensent la plupart des auteurs, demeurer le traitement de choix dans
l’entorse aiguë du ligament latéral de la cheville.

LE TRAITEMENT CHIRURGICAL CONSERVE-T-IL UNE PLACE


DANS CETTE INDICATION ?

Le consensus qui se dégage à la lumière des résultats de toutes ces séries pros-
pectives est de réserver le traitement chirurgical à la phase chronique d’instabilité
récidivante, malgré un traitement médical bien conduit.
Mais il est des cas exceptionnels dans lesquels le traitement fonctionnel ne sera
pas à même de régler certaines spécificités, et nous pensons que le chirurgien doit
impérativement être contacté dans les 3 situations décrites ci-après.

Conflits mécaniques aigus

Les conflits mécaniques aigus peuvent conduire à une aggravation de la cinémati-


que articulaire ou à une altération précoce du cartilage articulaire. Ils sont pour nous
de 2 ordres :
– il y a tout d’abord les conflits mécaniques d’origine ostéocartilagineuse avec,
dans le cadre d’une entorse, un arrachement ostéocartilagineux, le plus sou-
vent du dôme talien, mais aussi de la surface articulaire talaire du tibia, venant
s’incarcérer dans une rampe latérale et définissant un corps étranger. Après un
examen clinique rigoureux révélant souvent des craquements ou des blocages,
une analyse minutieuse du bilan radiographique standard, voire de la tomo-
densitométrie (TDM) au moindre doute, doit permettre de retrouver un corps
étranger qui nécessitera impérativement une ablation chirurgicale ;
– en marge de ces corps étrangers, les entorses du plan médial, beaucoup plus
rares, nécessitent une attention toute particulière, notamment dans le cadre
d’une luxation tibiotalienne au moment de la réduction, avec comme impératif
l’obtention d’un interligne tibiotalien harmonieux et homogène. Dans le cas
contraire, une persistance d’un diastasis à ce niveau doit faire suspecter une
incarcération du ligament collatéral médial, totalement déchiré et invaginé
entre la malléole médiale et la face médiale du talus. Cela génère une irréduc-
tibilité articulaire imposant une chirurgie urgente de désincarcération de cet
obstacle et une réduction articulaire.
Dans ces 2 cas précis de conflits mécaniques plutôt rares, il nous semble impératif
de pratiquer des examens complémentaires préopératoires de type échographie ou ima-
gerie par résonance magnétique (IRM) pour cartographier la lésion ligamentaire afin
d’adapter la voie d’abord. Il s’agit aussi de profiter de l’anesthésie et de l’intervention
94 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

pour réparer les lésions capsuloligamentaires, qu’elles soient médiales ou latérales, et


pour pratiquer une exploration-lavage articulaire.

Grandes laxités aiguës post-traumatiques avec atteinte ligamentaire


latérale et médiale

Ces grandes laxités peuvent définir un état de « préluxation » ou être démasquées


après l’obtention de la réduction d’une luxation tibiotalienne. Parallèlement à une
entorse grave du genou et, au stade ultime, à une luxation du genou, les clichés dyna-
miques peuvent mettre en valeur des laxités importantes témoignant de la sévérité de
l’atteinte ligamentaire. Le tableau radioclinique prend parfois la forme d’une quasi-
luxation tibiotalienne qui, malgré la réduction, laisse persister un bâillement ; les
traitements fonctionnel et orthopédique ne seront pas à même de réduire et de stabi-
liser ce dernier.
En cas de persistance de ce bâillement, surtout si le patient est jeune et sportif,
une intervention chirurgicale de réparation capsuloligamentaire pourrait s’imposer
après avoir vérifié l’absence de corps étrangers intra-articulaires et après avoir éva-
cué l’hémarthrose qui est souvent abondante.

Le cas du sportif de haut niveau

Le sportif de haut niveau peut, selon les équipes chirurgicales, être candidat à une
chirurgie stabilisatrice d’emblée, d’autant plus que le sport pratiqué sera un sport à
risque (handball, basket-ball, volley-ball) que le bâillement, avec la pratique de cli-
chés dynamiques, montre une laxité importante ou que le tableau d’entorse grave est
caricatural, associant une hémarthrose considérable et laissant présager des lésions
capsuloligamentaires importantes.
Ces tableaux devront impérativement s’accompagner de clichés dynamiques en
varus-valgus si le patient reste examinable, afin de guider et de conforter le théra-
peute dans son indication. L’échographie et l’IRM – dans la mesure où ces examens
peuvent être réalisés en urgence – pourront être d’une aide précieuse, notamment
pour les lésions associées. Les habitudes du thérapeute, médecin ou chirurgien,
conditionneront là encore l’attitude thérapeutique.
Si l’on décide d’une intervention chirurgicale, doit-on réparer immédiatement les
lésions capsuloligamentaires ou, au contraire, attendre que la cheville soit rééduquée
et proposer une ligamentoplastie secondaire une fois le cap aigu passé ? Le sportif
qui consulte le chirurgien en urgence pourra, s’il souffre d’une entorse grave voire
avec déjà quelques signes de laxité importante, être candidat à une immobilisation
plâtrée ou résinée pour 4 à 6 semaines. Nous pensons que, dans cette situation pré-
cise, il est judicieux et cohérent de proposer une réparation immédiate des lésions
capsuloligamentaires avec exploration et lavage articulaire.

Réparation immédiate ou ligamentoplastie différée ?

La réparation immédiate permet d’éliminer les lésions intra-articulaires et de pro-


fiter de cette période d’immobilisation pour tout faire cicatriser, sans arrière-pensée.
Les résultats avec un long recul (20 ans) semblent par ailleurs donner de meilleurs
résultats avec la réparation immédiate (tableau 1).
CHIRURGIE DANS LES ENTORSES LATÉRALES TIBIOTALIENNES RÉCENTES 95

Tableau 1- Comparaison entre la réparation capsuloligamentaire immédiate et la


ligamentoplastie différée dans les entorses graves latérales de cheville du sportif
(d’après [14])

Réparation Ligamentoplastie différée


capsuloligamentaire
Douleur 14 % 25 %
Restriction des activités 5% 23 %
Contention pendant le sport 19 % 16 %
Instabilité résiduelle 18 % 23 %
Satisfaits 91 % 94 %

Néanmoins, cette attitude doit être nuancée à la lumière de quelques études bien
menées. Lynch et Renström [3] ont montré, chez des athlètes de haut niveau souf-
frant d’entorses graves, 10 à 30 % de symptômes chroniques incluant des tendinites
associées à un enraidissement, des douleurs et des sensations d’instabilité. Quinn et
al. [13] proposent d’analyser les effets protecteurs d’une prévention de la récidive
d’entorse de la cheville chez des sujets jeunes, actifs et très sportifs, ayant déjà eu
une entorse grave traitée médicalement. Ils proposent, lors de ces activités à haut
risque d’instabilité, le port d’orthèses semi-rigides ou de type Aircast®. Le risque
de développer une nouvelle entorse latérale de la cheville en portant ces orthèses a
considérablement diminué, ainsi que la nécessité de recourir à une chirurgie différée
de stabilisation par ligamentoplastie.
Le sportif de haut niveau peut donc se satisfaire d’un traitement fonctionnel as-
socié à une reprise des activités précoces sous couvert d’une protection adaptée. La
récidive fera pratiquer une ligamentoplastie en dehors de tout contexte d’urgence,
sur une cheville préparée et rééduquée, chez un patient prévenu des suites et mis en
confiance. Lorsque le thérapeute décide une intervention, il doit toujours mettre en
valeur les complications potentielles de la chirurgie, les suites et la reprise d’activité
plus longues que le traitement fonctionnel. Il devra par ailleurs privilégier la répara-
tion immédiate à la reconstruction.

CONCLUSION

La fréquence des entorses latérales de la cheville a permis de démembrer cet-


te lésion par les équipes médicochirurgicales. Cette mise au point et les consensus
concernent le diagnostic, la classification, les diagnostics différentiels ainsi que la
prise en charge thérapeutique.
Le traitement chirurgical n’a plus sa place dans le traitement de l’entorse aiguë
classique du ligament collatéral latéral de la cheville quel que soit son degré de sé-
vérité.
Néanmoins, le chirurgien doit intervenir dans quelques cas très particuliers, som-
me toute relativement exceptionnels en comparaison avec la fréquence de ce type
de traumatisme. L’intervention chirurgicale devient impérative lorsqu’il existe un
conflit articulaire ligamentaire sur le plan médial ou lors d’une fracture ostéochon-
drale nécessitant la levée de l’obstacle et permettant, par la même voie d’abord, la
suture des éléments capsuloligamentaires.
96 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

La chirurgie demeure conseillée lors du dépistage d’une grande laxité avec état
de préluxation ou lorsqu’il existe un bâillement important tibiotalien après réduction
d’une luxation tibiotalienne sans fracture, surtout chez des sujets jeunes sportifs et
actifs.
L’indication chirurgicale est de plus en plus controversée lorsqu’il s’agit d’athlètes
de haut niveau, notamment depuis l’avènement d’orthèses, permettant de protéger la
cheville lors de la pratique des sports à risque, et au vu des complications potentielles
de la chirurgie.

Références

1 Fritschy D. Entorse de cheville. In : Conférence d’enseignement de la Sofcot. Paris : Elsevier ; 2004.


p. 129-41.
2 Kannus P, Renström P. Treatment for acute tears of the lateral ligaments of the ankle. Operation, cast, or
early controlled mobilization. J Bone Joint Surg 1991 ; 73-A : 305-12.
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versus surgical treatment. Sports Med 1999 ; 27 : 61-71.
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compression bandage in 73 patients. Acta Orthop Scand 1995 ; 66 : 529-31.
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8 Pijnenburg AC, Bogaard K, Krips R, Marti RK, Bossuyt PM, van Dijk CN. Operative and functional
treatment of rupture of the lateral ligament of the ankle. A randomised, prospective trial. J Bone Joint
Surg 2003 ; 85-B : 525-30.
9 Grønmark T, Johnsen O, Kogstad O. Rupture of the lateral ligaments of the ankle : a controlled clinical
trial. Injury 1980 ; 11 : 215-8.
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of the lateral ligament of the upper ankle joint. Randomized clinical study. Unfallchirurg 1988 ; 91 :
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1966 ; 132 : 537-50.
12 Niedermann B, Andersen A, Andersen SB, Funder V, Jørgensen JP, Lindholmer E, Vuust M. Rupture
of the lateral ligaments of the ankle : operation or plaster cast ? A prospective study. Acta Orthop Scand
1981 ; 52 : 579-87.
13 Quinn K, Parker P, de Bie R, Rowe B, Handoll H. Interventions for preventing ankle ligament injuries.
Cochrane Database Syst Rev. 2000 ; 2 : CD000018. Review. Update In : Cochrane Database Syst Rev
2001 ; 3 : CD000018.
14 Kitaoka HB, Lee MD, Morrey BF, Cass JR. Acute repair and delayed reconstruction for lateral ankle
instability : twenty-year follow-up study. J Orthop Trauma 1997 ; 11 : 530-5.
11
LÉSIONS ISOLÉES DE LA SYNDESMOSE
TIBIOFIBULAIRE

M. RAGUET*, B. BORDET**

INTRODUCTION

Les lésions de la syndesmose tibiofibulaire (STF) sont fréquentes dans les fractures
de cheville en abduction ou en rotation externe et abduction. Les lésions purement liga-
mentaires sont beaucoup plus rares. Elles intéressent les formations antérieures ou posté-
rieures. Très souvent, elles sont confondues avec une entorse classique de la tibiotalienne,
bien que le mécanisme lésionnel et l’examen clinique soient totalement différents.
Ce chapitre a pour objectif d’analyser les différents éléments permettant d’évo-
quer une lésion de la STF et le traitement en fonction des lésions et des complica-
tions. Le seul diagnostic différentiel vrai est la fracture de la malléole latérale. Le
problème essentiel des lésions de STF est l’examen clinique.

RAPPEL ANATOMOPHYSIOLOGIQUE

Anatomie

La STF fait partie de la pince bimalléolaire. Elle participe à la stabilité du talus et


ainsi de la cheville. Les surfaces articulaires sont parfaitement congruentes. Plusieurs
ligaments assurent la stabilité articulaire [1] :
– en avant, le ligament tibiofibulaire antérieur et inférieur (LTFAI). Il s’insère sur
le tubercule antérolatéral du tibia (tubercule de Tillaux) en médial et sur la par-
tie antérieure et supérieure de la malléole latérale. Son trajet est oblique en bas
et en dehors. En dessous et parallèle au LTFAI, très fréquemment, se trouve un
ligament accessoire (ligament de Basset). Ce faisceau accessoire vient recou-
vrir le dôme du talus, favorisant la stabilité et la transmission des contraintes ;

* Polyclinique Priollet Courlancy, 2, avenue du Général de Gaulle, 51000 Châlons-en-Champagne.


** Imagerie médicale du Parc, 155bis, boulevard Stalingrad, 69008 Lyon.
100 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

– en arrière, le ligament tibiofibulaire postérieur et inférieur (LTFPI) s’insère


sur le tubercule postérolatéral et le bord inférieur du tibia en médial, et sur la
partie postérieure et supérieure de la malléole latérale. Son trajet est oblique
en bas et en dehors. Il est plus puissant que le LTFAI. Comme lui, il recouvre
le dôme du talus, favorisant la transmission des contraintes ;
– au milieu, la membrane interosseuse est tendue entre le tibia et la fibula. Elle est
renforcée en bas, juste au-dessus de la syndesmose, par le ligament interosseux.

Physiologie

Le dôme du talus est plus large en avant qu’en arrière. Le mouvement de flexion
plantaire vers la flexion dorsale est possible si la pince bimalléolaire s’ouvre. Cet
écartement (en moyenne de 2 mm) se produit au niveau de la syndesmose. Cette laté-
ralisation de la malléole s’accompagne d’une rotation externe de la fibula. Blaimont
et al. [2] ont étudié les contraintes au niveau de l’articulation tibiotalienne. La surface
articulaire entre le tibia et le talus fait en moyenne 5,41 cm2 pour des contraintes de
200 kg, ce qui est nettement supérieur aux possibilités de résistance du cartilage. Les
surfaces articulaires médiale et latérale participent à la transmission des contraintes
au niveau de l’articulation tibiotalienne, faisant passer la surface articulaire à 10 cm2.
Cela nécessite une congruence articulaire normale avec un contact permanent entre la
malléole latérale et le talus. La congruence latérale ne peut être assurée que si la STF
est stable. Le LTFAI assure 36 % de la stabilité de la syndesmose, le LTFPI 42 % et la
membrane interosseuse 22 % selon Ogilvie-Harris et al. [3]. Tout diastasis ou laxité
va induire une augmentation des contraintes sur l’articulation tibiotalienne et, à long
terme, favoriser l’apparition d’une arthrose.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Les lésions de la syndesmose sont classiques dans les fractures bimalléolaires


en pronation. Les lésions ligamentaires isolées sont beaucoup plus rares et ne repré-
sentent que 1 % des entorses de la cheville [4]. Le LTFAI est le plus souvent atteint.
Plusieurs publications relèvent quelques cas dans la pratique du football américain
[5], et Assor et al. [6] ont rencontré 51 cas lors d’accidents de ski ou de surf en 6 sai-
sons. Cela représente pour eux 18 % des traumatismes de la cheville. Les atteintes
de la STF se rencontrent donc préférentiellement dans 2 types de sport : le football
américain et les sports de neige (ski, surf). En France, ces lésions peuvent se voir
dans la pratique du football et du rugby. Les sujets concernés sont le plus souvent
jeunes, sauf peut-être pour le ski.

PHYSIOPATHOLOGIE

Lésion du LTFAI : mécanisme

La pince bimalléolaire assure la stabilité du talus. Elle s’écarte en flexion dorsale


avec une mise en tension des ligaments de la syndesmose. En rotation externe et
flexion dorsale du pied, la STF est en tension maximale. En cas de rotation externe
excessive en flexion dorsale, si la malléole latérale ne se fracture pas, la syndesmose
LÉSIONS ISOLÉES DE LA SYNDESMOSE TIBIOFIBULAIRE 101

va s’ouvrir [7]. Suivant l’importance du traumatisme, les ligaments sont lésés. Com-
me pour toute entorse, les lésions vont d’une simple distension à la rupture ligamen-
taire avec diffusion plus ou moins importante des lésions. Classiquement, les lésions
commencent par le LTFAI avec une déchirure en plein corps, ou plus rarement un
arrachement sur le tibia au niveau du tubercule de Tillaux avec une petite écaille
osseuse à la radiographie. Les lésions diffusent ensuite à la membrane interosseuse
sur une hauteur plus ou moins importante. Dans ce mécanisme en rotation externe,
le LTFPI n’est pas, en principe, atteint. Les lésions de la STF peuvent être associées
à une atteinte du ligament collatéral médial qui, cliniquement, est au premier plan et
peut ainsi masquer les lésions latérales [7]. La rotation externe du segment jambier
peut induire des lésions au niveau du genou, « masquant » les lésions au niveau de la
cheville [6]. Ce mécanisme en rotation externe et flexion dorsale se rencontre dans
différentes circonstances. Il s’agit :
– soit d’un traumatisme appuyé : joueur tombé en appui sur le genou avec le bord
médial du pied sur le sol [8] – l’arrivée d’autres joueurs tombant sur lui ag-
grave la rotation externe (football américain, rugby). Proche de ce mécanisme,
il peut s’agir d’un shoot de l’intérieur du pied contré par un autre joueur ;
– soit d’un traumatisme non appuyé propre aux sports de glisse [6,9]. Le meilleur
exemple est « l’enfourchage » d’un piquet de slalom, notamment pour le ski
intérieur. Dans ce cas précis, la lésion de la syndesmose est peut-être un moin-
dre mal… Le surf [6] peut aussi induire des lésions de la STF chez des pra-
tiquants avec des chaussures de ski et des fixations à étriers, ce qui ne se voit
plus souvent. Une rotation externe forcée peut se voir au déclenchement d’un
virage en front side avec la spatule qui se plante dans la neige. L’autre mé-
canisme en surf est une chute sur les genoux avec la partie postérieure de la
spatule plantée dans la neige augmentant ainsi la rotation externe.

Lésion du LTFPI : mécanisme

Les publications sur le LTFPI sont beaucoup plus rares. Nous retiendrons celle de
Segal (cité in [11]) qui rapporte 2 cas d’arrachement osseux au niveau du tubercule
postérieur du tibia. Dans les 2 cas, il retrouve la notion de tacle sur la face latérale de
la cheville, l’un étant en appui et l’autre le pied en l’air. Il se produit un mouvement
d’inversion et de distraction de la cheville, avec une composante nette en rotation
interne (phénomène du tire-bouchon). La pression excessive de la partie postérieure
du talus sur la malléole latérale par le varus et la rotation interne ouvre la pince
bimalléolaire en arrière. Ces lésions peuvent se produire si la sous-talienne résiste au
traumatisme. Pour Segal, cette lésion se produirait en flexion plantaire.

CLINIQUE

Lésion du LTFAI

Signes fonctionnels

Les signes fonctionnels ressemblent à une « banale » entorse de cheville. La dou-


leur, toujours retrouvée, est très variable dans son intensité. Elle siège à la face anté-
rieure et latérale de la cheville avec une irradiation vers le inférieur de la jambe. Elle
102 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

s’aggrave nettement lors de la mise en charge et disparaît presque complètement en


décharge. L’impotence fonctionnelle est fonction de la douleur : soit simple gêne au
moment du pas postérieur lors de l’ouverture de la pince bimalléolaire, soit impotence
fonctionnelle absolue, témoin de la gravité des lésions et/ou d’une fracture associée.

Signes physiques

L’inspection, le plus souvent normale, peut mettre en évidence un gonflement de-


vant la malléole latérale, juste au-dessus du pli de flexion de l’articulation tibiotalienne.
Comme pour les entorses de la cheville, cet hématome est plus ou moins important.
Après quelques jours, l’hématome descend, rendant le diagnostic plus aléatoire.
La palpation est le temps essentiel. La recherche des points douloureux permet
de faire le diagnostic. La zone douloureuse n’est pas, comme pour les entorses du
ligament collatéral latéral, devant et au niveau de la pointe de la malléole, mais en
regard de l’interligne tibiofibulaire juste au niveau du pli de flexion. La palpation de
la face latérale et postérieure de la malléole est en principe indolore.
Les tests spécifiques de la STF déclenchant la douleur sont :
– la mise en flexion dorsale forcée du pied ;
– la rotation externe du pied, cheville à 90° et genou fléchi à 90° (test de Kleiger) ;
– la pression des 2 os de la jambe au niveau du moyen, qui peut déclencher
une douleur au niveau de la syndesmose (test de Hopkinson ou squeeze test
[5,10]). Ce test a moins de valeur que les 2 précédents.
La recherche des mouvements anormaux n’a pas beaucoup de valeur. Dans les
cas graves, il peut exister un ballottement du talus, mais la douleur interdit cette
manœuvre.
L’examen clinique, avec notamment le point douloureux antérolatéral sur la syn-
desmose, doit faire le diagnostic.
L’importance de l’hématome renseigne sur la gravité des lésions.

Lésion du LTFAI

Signes fonctionnels

Dans les cas rapportés par Cusimano et al. [11], le traumatisme initial a été res-
senti comme bénin sans douleur vive, sans craquement, mais avec une impotence
fonctionnelle immédiate qui semblait disproportionnée par rapport au traumatisme.
Rapidement, l’impotence a disparu, entraînant un retard de consultation.
Secondairement, devant la persistance de douleurs postérieures, le patient consulte
en évoquant une « tendinite calcanéenne ». L’inspection ne révèle rien de particulier.
La palpation retrouve des points douloureux postérieurs de chaque côté du tendon
calcanéen. La flexion plantaire forcée peut provoquer une douleur postérieure. Le
testing musculaire est normal.
L’ensemble des signes cliniques évoquent un syndrome du carrefour postérieur
survenant plusieurs semaines après un traumatisme qui a pu être oublié.
LÉSIONS ISOLÉES DE LA SYNDESMOSE TIBIOFIBULAIRE 103

IMAGERIE COMPLÉMENTAIRE

Clichés simples [12–17]

Deux vues antéropostérieures et une vue latérale de la cheville sont systématiques :


– incidence de face ;
– incidence de face en rotation interne de 20° ;
– incidence de profil strict.
La projection radiologique des tubercules varie avec le degré de rotation de la
cheville sur les incidences antéropostérieures (figure 1) :
– l’incidence de face en rotation interne, mortise view des Anglo-Saxons,
autorise généralement une bonne analyse du tubercule tibial antérolatéral de
Tillaux, plus angulaire (figure 1, flèches blanches) ;
– l’incidence de face stricte masque l’angle antérolatéral du talus, mais dégage
souvent mieux le tubercule tibial postérolatéral (figure 1, flèches noires), de
forme plus arrondie ; il est également plus long et déborde en arrière sur la
trochlée du talus, comme on le constate sur le cliché de profil.
La distance tibiofibulaire est mesurée sur la rotation interne (figure 1, trait noir
horizontal) et doit rester inférieure à 5 mm.
Le lecteur recherche des lésions de traction aux enthèses ligamentaires (arrache-
ment osseux ; figure 2A) et analyse la trochlée du talus dans la pince tibiofibulaire.
La présence d’un diastasis tibiofibulaire signe une rupture de la syndesmose.
En cas de suspicion radiologique de diastasis, il est prudent de réaliser un cliché
comparatif compte tenu de la variabilité de la distance tibiofibulaire.
Cependant, des lésions graves de la syndesmose peuvent rester muettes et les
clichés dynamiques (rotation externe, varus, flexion dorsale, etc.), en théorie plus
performants, restent peu sensibles et ne se justifient pas au stade aigu.

Figure 1. Analyse des tubercules tibiaux sur 3 rotations. A. Face rotation externe. B. Face. C. Face
rotation interne.
104 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 2. Arrachement osseux tibial du ligament tibiofibulaire postérieur et inférieur (écaille postérieure
sur le tibia sur la radiographie [A] et la tomodensitométrie [B]).

Tomodensitométrie
La tomodensitométrie (TDM) n’a pas sa place dans l’entorse simple, mais peut
compléter les clichés simples en cas de lésions ostéochondrales susceptibles de né-
cessiter un traitement chirurgical (figure 2B).
Échographie [4,18–23]
Les vues échographiques dans l’axe du LTFAI sont très informatives et l’explo-
ration doit donc se faire avec une inclinaison de la sonde à 35° par rapport à l’hori-
zontale (figure 3).
L’échographie couplée au Doppler recherche des signes de souffrance ligamen-
taire et dépiste les ruptures.
Un examen dynamique comparatif aide à visualiser la rupture de ce ligament
(flexion dorsale, squeeze test, rotation externe, etc.). Les manœuvres évaluent la
rotation externe, le glissement postérieur de la fibula et recherchent un diastasis.
Si seul le LTFAI est correctement analysable, il est touché en priorité, et la rupture
de ce ligament nécessite une mise en décharge.
Cet examen offre au prescripteur le diagnostic positif de rupture.
Également très utile en cas de mauvaise évolution, l’échographie fournit un bilan
lésionnel complet des lésions capsuloligamentaires et tendineuses potentiellement
associées.
IRM [24–27]
L’imagerie par résonance magnétique [IRM] est l’examen de choix au stade chro-
nique. Elles permet une bonne analyse des structures ligamentaires et fait le point
complet des lésions associées, très fréquentes à ce stade (ligament collatéral médial,
lésions ostéochondrales du talus, ligament collatéral latéral, etc.).
Cet examen doit être réalisé avec injection de gadolinium. Les acquisitions coro-
nales sont décrites comme les plus performantes pour l’étude du LTFAI mais l’ana-
lyse doit idéalement se faire dans les 3 plans (figure 4).
LÉSIONS ISOLÉES DE LA SYNDESMOSE TIBIOFIBULAIRE 105

Figure 3. Analyse échographique du ligament tibiofibulaire antérieur et inférieur. A. Vue de référence


dans l’axe du ligament qui est fin et fibrillaire (flèches blanches). B. Ligament épaissi, hypoéchogène avec
hyperhémie au Doppler couleur. Lésion partielle. C. Rupture ligamentaire. Perte de continuité et avulsion
tibiale dépistée à l’échographie avec coupe scannographique correspondante. D. Rupture ligamentaire
évidente en plein corps comblée par un épanchement.

Figure 4. IRM et syndesmose pathologique. A–C. Atteinte du ligament tibiofibulaire postérieur (LTFP) :
la coupe sagittale T1 (A) montre une ossification pathologique (flèche blanche) à l’enthèse tibiale
du LTFP. Rehaussement pathologique (flèches blanches) sur les séquences après injection en coupes
sagittales (B) et axiales (C). D–F. Atteinte du ligament tibiofibulaire antérieur et inférieur (LTFAI) :
épaississement et perte de son hyposignal physiologique (flèches blanches) sur les séquences axiales T1
(D) et T2 (E). Rupture et rehaussement sur les séquences axiales (F) après injection de gadolinium (flèche
blanche) avec synovite associée (flèche noire).
106 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

CLASSIFICATION DES LÉSIONS

L’examen clinique donne une bonne approche de la gravité des lésions. Les exa-
mens complémentaires affinent le bilan lésionnel. Plusieurs classifications sont pro-
posées. Nous en retiendrons 2 :
– la classification d’Assor et al. [6] est purement clinique. Elle est intéressante
si les examens complémentaires ne sont pas justifiés :
• stade I : simple gêne et reproduction de la douleur en appui monopodal et
en flexion dorsale ;
• stade II : douleur en appui bipodal avec boiterie d’esquive ;
• stade III : appui et marche impossible.
– la classification proposée par Kouvalchouk et al. [28] est anatomoclinique,
l’importance des lésions ligamentaires étant déterminée par l’échographie et la
TDM. Cette classification permet de déduire les indications thérapeutiques :
• stade I : présence de signes cliniques spécifiques, mais sans rupture liga-
mentaire ni arrachement osseux ;
• stade II : rupture du LTFAI ou arrachement d’un tubercule osseux sans dé-
placement ni diastasis. Ce stade correspond aussi à une atteinte du LTFPI
avec une écaille osseuse non déplacée ;
• stade III : diastasis au niveau de la syndesmose avec atteinte de la mem-
brane interosseuse.

ÉVOLUTION

Avec un traitement adapté aux lésions, l’évolution est le plus souvent favorable,
avec un retour plus ou moins rapide sur le terrain.
Les complications concernent essentiellement les formes graves négligées où le
traitement a été insuffisant. Ces complications sont de 2 types :
– le premier type est l’instabilité persistante de la STF. Le LTFAI n’a pas cica-
trisé ou il est distendu, autorisant un diastasis. Il existe des douleurs à la marche
avec une insécurité. L’examen retrouve un ballottement du talus dû à l’ouver-
ture de la pince bimalléolaire. La persistance d’un diastasis au niveau de la STF
provoque des lésions dégénératives du dôme du talus et, à long terme, l’ap-
parition d’une arthrose. Blaimont et al. [2] ont bien montré l’importance de la
congruence articulaire pour la transmission des contraintes avec une répartition
des forces entre le tibia, la malléole latérale et le talus. L’ouverture de la pince
bimalléolaire entraîne une bascule en valgus du talus avec mauvaise répartition
des contraintes. Les lésions prédominent sur la partie supéromédiale du dôme,
avec pincement de l’interligne, géode sous-chondrale du talus, voire nécrose.
La clinique se traduit par des douleurs de type mécanique ;
– une complication commune à toutes les entorses de cheville et quel qu’en soit le
traitement existe : les conflits antérieur et postérieur au niveau du carrefour entre
le tibia, la fibula et le talus [29]. Le plus souvent, ces conflits surviennent après
une entorse en inversion, mais dans 20 % des cas, on retrouve un mécanisme en
éversion ou en rotation externe concernant initialement la syndesmose ;
LÉSIONS ISOLÉES DE LA SYNDESMOSE TIBIOFIBULAIRE 107

• les conflits postérieurs par syndrome de la queue de l’astragale et lésion du


tendon fléchisseur de l’hallux ne sont pas concernés dans les atteintes posté-
rieures de la syndesmose. En revanche, les lésions du LTFPI peuvent donner
une fibrose cicatricielle, responsable d’un conflit postérieur avec douleur en
flexion plantaire ;
• le plus souvent, il s’agit d’un conflit antérieur dû, dans ce cas particulier des
séquelles d’entorse de la syndesmose, à un processus cicatriciel antérieur, une
ossification du bord antérieur et inférieur du tibia (figure 5) ou une atteinte
du ligament de Basset. Ce conflit peut induire des lésions ostéochondrales
du bord latéral et supérieur du talus. La traduction clinique est une douleur
chronique du cou-de-pied avec quelquefois un œdème et une instabilité sub-
jective. La flexion plantaire déclenche une douleur antérolatérale et parfois
médiolatérale qui, pour être significative, doit être reconnue par le patient.
La flexion dorsale, souvent limitée, associée à une contrainte en éversion,
est douloureuse. Dans ce cas particulier, la palpation du bord antérieur de
la syndesmose est douloureuse. La radiographie recherche une ossification
du bord antérieur et inférieur du tibia se moulant sur le talus. L’échographie
recherche des lésions cicatricielles du LTFAI. L’infiltration du bord antérieur
de la syndesmose sert de test diagnostique si la douleur disparaît ; elle peut
aussi avoir un intérêt thérapeutique définitif.

TRAITEMENT

Traitement des lésions fraîches


Le traitement dépend du stade lésionnel [28] :
– stade I : simple mise en décharge de quelques jours avec application de glace ;

Figure 5. Tomodensitométrie. Petite ossification de l’insertion tibiale du ligament tibiofibulaire antérieur


et inférieur visible sur différentes coupes.
108 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

– stade II : le ligament tibiofibulaire est déchiré avec des lésions en plein corps
ou un arrachement osseux non déplacé. Le traitement est orthopédique : im-
mobilisation dans une botte sans appui pendant 3 à 6 semaines. La décharge
semble indispensable afin d’éviter l’ouverture de la pince bimalléolaire et de
permettre une cicatrisation en bonne position ;
– stade III : le diastasis ne pouvant se réduire par un simple traitement ortho-
pédique, ces lésions sont chirurgicales. La suture directe du LTFAI est im-
possible. Le vissage d’un petit arrachement osseux n’est pas toujours facile.
La meilleure solution est le vissage de la syndesmose. La vis doit prendre la
fibula et le tibia en passant au-dessus de la syndesmose [30]. Elle est enlevée
à la 6e semaine après cicatrisation des lésions. La cheville est immobilisée
dans une botte avec appui interdit pendant les 6 semaines. La rééducation est
nécessaire après l’ablation de la vis et de la botte.

Traitement des séquelles

Les complications liées à la persistance d’un diastasis sont de traitement difficile.


Au stade d’instabilité, il faut nettoyer la syndesmose afin de redonner une congruence
articulaire entre le tibia et la fibula, mais aussi entre le talus et la malléole latérale. La
stabilisation est assurée par une vis entre la fibula et le tibia, en espérant l’apparition
d’un tissu cicatriciel de bonne qualité. La vis est enlevée à 6 semaines.
Lorsqu’il existe des lésions ostéochondrales associées au diastasis, si le traitement
conservateur est possible, il faut, comme précédemment, refaire la syndesmose en y as-
sociant éventuellement des gestes cartilagineux sur le dôme du talus (nettoyage, greffe
en mosaïque, bien qu’il ne s’agisse pas de l’indication idéale vu l’aspect des lésions).
Le traitement des conflits antérieur et postérieur est plus simple. Comme nous
l’avons déjà mentionné, il est d’abord médical en faisant 1 ou 2 infiltrations du car-
refour antérieur. En cas d’échec, le traitement est chirurgical. Il consiste à réaliser un
nettoyage antérieur ou postérieur en enlevant le tissu fibreux cicatriciel, des ossifica-
tions aberrantes ou de la synoviale hypertrophique. L’intervention est faite par abord
direct des lésions, soit par arthrotomie, soit sous arthroscopie, ce qui n’est pas tou-
jours facile surtout en cas d’ossification (figures 5 et 6). Les résultats sont en général
bons, avec reprise du sport à 3 mois.

Figure 6. Ossification importante de la syndesmose tibiofibulaire suite à un traumatisme de l’enfance.


Douleur due à l’excroissance osseuse.
LÉSIONS ISOLÉES DE LA SYNDESMOSE TIBIOFIBULAIRE 109

CONCLUSION

Les lésions isolées de la STF ne sont pas fréquentes et risquent d’être confondues
avec une atteinte du ligament collatéral latéral. Le diagnostic est clinique par la re-
cherche des points douloureux au-dessus du bord antérieur de la malléole latérale.
Les examens complémentaires permettent de classer la gravité de l’entorse de la
syndesmose et de déduire les indications thérapeutiques. Les complications sont es-
sentiellement la persistance d’un diastasis tibiofibulaire inférieur dû à un traitement
insuffisant. Les séquelles douloureuses antérieures ou postérieures ne sont pas rares.
Le plus souvent, les lésions de la STF sont de bon pronostic.

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110 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

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12
ENTORSE DU CHOPART LATÉRAL

J.-B. COURROY*

INTRODUCTION

L’entorse latérale de l’articulation transverse du tarse (ATT), ou articulation de


Chopart, est la lésion ligamentaire traumatique la plus fréquente au niveau du pied.
Sa relative méconnaissance tient au fait qu’elle passe bien souvent pour une entorse
talocrurale latérale. Il en découle une demande d’imagerie inadaptée et des prescrip-
tions thérapeutiques au minimum inutiles et parfois préjudiciables aux patients.
Sur le plan fonctionnel, l’ATT est indissociable de l’articulation sous-talienne et
forme le couple de torsion qui correspond grossièrement à l’axe du pas, et permet
l’orientation du pied dans les 3 plans de l’espace. Elle assure aussi un amortissement
élastique des forces de compression axiale, l’adaptation de la tension de la voûte
plantaire et le réglage du médiopied préparant l’impulsion.
Il est intéressant de noter l’asymétrie fonctionnelle entre les 2 articulations qui
forment le « S couché » de l’ATT :
– la partie médiale, talonaviculaire, présente une plus grande mobilité, favorisée
par l’élasticité du ligament glénoïdien solidarisant le bloc calcanéopédieux sous
le talus. Ce composant talonaviculaire-sous-talien mobile est celui de l’adap-
tabilité du médiopied aux forces de torsion en inversion-éversion. C’est à ce
niveau que se situe la faible amplitude de mobilité latérale. On rencontre donc
peu de lésions isolées, a fortiori de lésions bénignes, sur le versant médial ;
– la partie latérale, calcanéocuboïdienne, et son gainage fibreux représentent la
colonne rigide du médiotarse avec une faible mobilité du cuboïde en bas et en
dedans, et donc une faible adaptabilité aux contraintes. Cette rigidité explique
que les atteintes médiotarsiennes isolées soient beaucoup plus fréquentes sur
ce versant latéral.
Notons enfin que la réception du pied au sol se faisant toujours en position de supi-
nation, la colonne latérale se trouve exposée en premier par des forces de cisaillement
importantes et brutales, le phénomène étant accentué en cas de relief inégal du sol.

* IAL Nollet, 23, rue Brochant, 75017 Paris.


112 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

MÉCANISMES LÉSIONNELS DES ENTORSES


MÉDIOTARSIENNES LATÉRALES

Il s’agit presque toujours d’un mécanisme en supination brutale du médiotarse en


appui, dont la gravité dépend essentiellement de l’impact préalable ou non du talon
sur le sol. S’il se produit lors du déroulé sur le bord latéral du pied, le déplacement
du cuboïde est vite limité par le contact avec le sol et l’atteinte est restreinte. S’il
s’agit d’une réception directe en équin sur le bord latéral du pied, le traumatisme
est forcément beaucoup plus important et l’atteinte médiotarsienne plus grave. Dans
ce dernier cas, peuvent être associées des lésions plus ou moins significatives des
articulations talocrurale et métatarsophalangienne du 5e rayon. D’une façon générale,
une semelle de chaussure assez rigide limite les contraintes strictement médiotarsien-
nes en torsion, et les lésions les plus importantes se produisent quand la semelle est
souple, voire quand le pied est nu. En revanche, l’usage de crampons, surtout si le
sol est dur, augmente le risque de déstabilisation de l’appui médiotarsien. Au niveau
de l’interligne calcanéocuboïdien, la supination forcée entraîne la lésion du ligament
dorsal, puis celle du faisceau latéral du ligament en Y de Chopart, avant de s’étendre
au versant articulaire médial.
D’autres mécanismes lésionnels sont beaucoup plus rares : choc direct à la face
externe d’un avant-pied nu dans les sports de combat, flexion plantaire brutale de
l’avant-pied lors d’une chute vers l’avant, etc. La torsion du pied coincé dans l’étrier
est un mécanisme classique mais assez rare, et les lésions se situent plus souvent au
niveau de l’interligne de Lisfranc.

SIGNES FONCTIONNELS

Même si la concavité de l’arche externe du pied est plutôt virtuelle, le carac-


tère commun habituel de ces entorses est de réveiller une douleur constante lors de
l’appui, ce qui les distingue franchement des entorses simples de la cheville. C’est
d’ailleurs ce que l’on constate en cas d’entorse bénigne : celle-ci passe volontiers
inaperçue et se révèle quelques heures plus tard ou le lendemain matin par un appui
douloureux et une gêne à l’impulsion du pas.
Les entorses habituelles se présentent de façon plus significative : le craquement est
net et l’impotence est immédiate et sévère, car l’appui unipodal est impossible. L’œdème
ecchymotique apparaît rapidement, centré sur l’interligne calcanéocuboïdien, et il
diffuse largement à tout le pied et même au cou-de-pied, donnant en quelques jours
l’aspect d’un gros pied post-traumatique très peu spécifique. Le déplacement du
patient n’est souvent possible qu’avec l’aide de béquilles.

ÉVALUATION CLINIQUE

La difficulté de l’évaluation clinique est toujours proportionnelle à la gravité de


l’atteinte, et le premier réflexe doit être de rechercher une inégalité de longueur du pied
qui commanderait un premier bilan vasculonerveux et radiographique immédiat, à la
recherche d’une luxation, possible à différents niveaux. La présence d’une ecchymose
plantaire, surtout si elle est isolée, est un bon indicateur de la présence d’une fracture.
ENTORSE DU CHOPART LATÉRAL 113

L’examen physique est toujours plus ou moins délicat en fonction de l’importance


des phénomènes congestifs et il vaut mieux commencer par les manœuvres a priori
les moins douloureuses. Il est à même d’éliminer les principaux diagnostics différen-
tiels : entorse de la cheville, arrachement ou luxation des tendons fibulaires, etc., et
de localiser l’atteinte au niveau de l’articulation calcanéocuboïdienne.
Le plus simple, mais encore faut-il le faire, est de tester l’articulation de la che-
ville. Il est toujours possible d’empaumer de façon suffisamment précise l’arrière-
pied pour constater que le varus calcanéen n’entraîne pas de douleur et qu’il ne révèle
aucune laxité asymétrique. Il est plus délicat d’évaluer le faisceau antérieur, car le
varus en léger équin doit éviter de porter le pied en supination.
La mise en tension des muscles fibulaires doit se faire de façon strictement iso-
métrique pour éviter les cisaillements articulaires douloureux, ce qui est toujours plus
facile pour le long fibulaire que pour le court fibulaire, et en changeant éventuellement
l’angle de flexion de la cheville. L’indolence des différents tests permet d’affirmer
l’absence d’arrachement osseux (de la styloïde fibulaire ou du canal cuboïdien) ou de
lésion des tendons fibulaires.
La mobilisation articulaire manuelle débute par celle des articulations distales
du pied en remontant ensuite jusqu’à la médiotarsienne. Elle évalue les différents
axes de mobilité, mais c’est bien entendu en pronosupination que la mobilisation se
révèle la plus sensible. Il est en général possible, mais pas toujours, de localiser ainsi
l’interligne douloureux, mais sans pouvoir préjuger de la présence d’une éventuelle
fracture.
La palpation termine l’examen physique. Elle permet de retrouver constamment
la sensibilité douloureuse du ligament calcanéocuboïdien dorsal, de confirmer l’ab-
sence de zone d’arrachement ostéotendineux, et d’orienter parfois la demande radio-
graphique à la recherche d’une fracture.

IMAGERIE COMPLÉMENTAIRE

Le bilan radiographique n’est légitime qu’à partir d’un certain niveau de gravité
et comporte des incidences de face et de ¾ de l’avant-pied centrées sur l’articulation
médiotarsienne latérale. Il permet de rechercher :
– les lésions du diagnostic différentiel : fracture de la base du 5e métatarsien,
mais aussi celles, plus sournoises, situées au niveau de la base du 4e voire
du 3e métatarsien. L’arrachement du canal sous-cuboïdien peut être suspecté
lors de la mise en tension du long fibulaire. L’image caractéristique en coup
d’ongle passe facilement inaperçue si le cuboïde n’est pas entièrement déroulé
par l’incidence oblique ;
– les arrachements capsulopériostés autour de l’interligne calcanéocuboïdien,
qui signent la gravité de l’entorse ;
– une fracture corporéale du cuboïde ou de l’apophyse antérieure du cal-
canéus, dont l’image peut être confondue avec celle d’un os calcanéen
surnuméraire.
Au moindre doute, et pour certains devant toute impotence sévère, il est légitime
de pouvoir bénéficier d’une analyse osseuse plus fine par tomodensitométrie.
114 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

TRAITEMENT

L’immobilisation plâtrée d’un gros pied post-traumatique se paie toujours sur le plan
fonctionnel. Cela est encore plus dommage quand son but est de traiter une entorse de
la cheville qui n’existe pas ! Il faut tout autant redouter l’immobilisation plâtrée, surtout
abusive, que la persistance d’un état douloureux congestif post-traumatique, source de
réaction algodystrophique secondaire dont on connaît la fréquence dans ce cas.
L’immobilisation plâtrée n’est utilisée que pour une durée de 3 semaines et
seulement en cas d’arrachement capsulopériosté.
Le traitement fonctionnel paraît un compromis idéal. Il associe :
– un souci immédiat et prolongé de limitation de l’œdème et des troubles tro-
phiques : surélévation du lit, glaçages, massages de drainage, mobilisations
douces de toutes les articulations du pied ;
– un maintien des fonctions dynamiques en incitant à la mobilisation, mais en pro-
tégeant l’appui par des béquilles dans le respect strict de l’indolence. La marche
béquillée en protection d’appui paraît préférable, mais il est possible d’utiliser
de façon temporaire des chaussures à appui talonnier de type Barouk.
Quand l’appui peut être repris, le confort de la marche peut être amélioré par
l’usage de chaussures rigides avec support de l’arche interne, et éventuellement
par une contention circulaire non constrictive du pied avec rembourrage plantaire
de confort.
La rééducation ultérieure a pour seule spécificité d’insister sur les mobilisations
douces et la récupération du jeu articulaire de toutes les articulations du pied, no-
tamment médiotarsienne et sous-talienne. Elle se poursuit jusqu’à la récupération
complète des fonctions motrices (tibial postérieur, fibulaires) et proprioceptives.

SÉQUELLES DOULOUREUSES

Les douleurs séquellaires ne sont pas rares. Assez bien tolérées dans la vie cou-
rante, elles gênent principalement la reprise des sports comportant des courses et
des sauts.
Le syndrome secondaire résiduel se caractérise par la survenue de douleurs en
éclair survenant lors de la marche en terrain inégal, lors de l’impulsion du pas et, sur-
tout, de l’usage des chaussures à crampons. Il répond parfaitement bien à une série
de manipulations articulaires simples, et en général à une simple injection locale de
corticoïdes.
Les séquelles dystrophiques sont plus gênantes, car elles correspondent à un
enraidissement global des différents jeux articulaires du pied, avec une intolérance
mécanique rendant impossible toute reprise sportive. Elles sont bien souvent les
conséquences d’un traitement initial insuffisant vis-à-vis de l’œdème douloureux
post-traumatique, et sont entretenues ou aggravées par toute rééducation agressive.
La souffrance de la branche latérale du nerf fibulaire superficiel peut être secon-
daire au mouvement de supination de l’entorse ou à la fibrose cicatricielle enserrant
le nerf. Il faut y penser quand rien n’explique la gêne persistante, et rechercher soi-
ENTORSE DU CHOPART LATÉRAL 115

gneusement une douleur provoquée à la percussion sur le trajet du nerf. L’injection


locale d’un mélange anesthésique–corticoïdes permet de confirmer le diagnostic et
de faire disparaître les douleurs.
À distance, la persistance douloureuse doit faire pratiquer une étude par tomo-
densitométrie à la recherche d’une lésion ostéochondrale séquellaire. Celle-ci se
présente le plus souvent sous la forme d’un fragment para-articulaire pseudarthrosé
dont il faudra faire l’ablation chirurgicale. L’arthrose calcanéocuboïdienne post-
traumatique ne concerne pas en principe les entorses médiotarsiennes latérales isolées.
13
LUXATION RÉCENTE DES TENDONS
FIBULAIRES

H. DE LABAREYRE*, T. BOUCHET**

INTRODUCTION

Accident peu fréquent mais non exceptionnel, la luxation des tendons fibulaires
ou, plus souvent, du tendon du court fibulaire ne doit pas être méconnue.
Le diagnostic est le plus fréquemment clinique, parfois confirmé par une imagerie.
Les traitements médicaux ou chirurgicaux peuvent se discuter, à l’avantage de ces
derniers actuellement.

RAPPEL ANATOMIQUE

Le tendon du muscle long fibulaire s’insère sur la face latérale des supérieurs
de la fibula et sur la membrane interosseuse. Le tendon du muscle court fibulaire
part des inférieurs de la fibula, et s’insère en avant du long fibulaire. Les tendons
gardent les mêmes rapports et descendent obliquement vers la région postérolatérale
de la malléole latérale.
La gaine tendineuse s’épaissit en arrière de la malléole latérale et prend le nom
de rétinaculum supérieur, entre le calcanéus et la malléole latérale, environ 1 à 2 cm
au-dessus de la pointe de la malléole.
Les tendons passent dans une gouttière à la face postérieure de la malléole. Le
tendon du court fibulaire, plus large, est directement placé au fond de la gouttière,
plaqué par le tendon du long fibulaire, plus fin, en arrière de lui. L’association de la
gouttière, du ligament calcanéofibulaire, du ligament talofibulaire postérieur et du
rétinaculum supérieur forme un tunnel ostéofibreux.

* CETIS, 41-49, avenue du Maréchal Juin, 93260 Les Lilas.


** IAL Nollet, 23, rue Brochant, 75017 Paris.
LUXATION RÉCENTE DES TENDONS FIBULAIRES 117

La gouttière est limitée par un rebord médial et un rebord latéral (ou antérieur).
Le rebord médial de la gouttière est formé par les 2 ligaments cités ci-dessus, alors
que le rebord antérieur est formé par une petite excroissance osseuse (de 2 à 4 mm)
sur laquelle s’accroche le rétinaculum supérieur, lui-même siège d’un renforcement.
Ce renfort est d’apparence fibrocartilagineuse, a une épaisseur de 1 à 2 mm sur une
hauteur de 3 à 4 cm [1,2]. À l’examen microscopique, ce renfort est en fait un mé-
lange de fibres de collagène et d’élastine, fixé lâchement au périoste et sur lequel le
rétinaculum n’est également pas fixé de façon très serrée.
Après avoir contourné la pointe de la malléole, le tendon du court fibulaire se
dirige vers la base du 5e métatarsien en passant au-dessus du tubercule des fibulaires
à la face latérale du calcanéus, alors que le tendon du long fibulaire passe sous le tu-
bercule des fibulaires et va ensuite contourner le bord latéral du pied sous le cuboïde
pour aller se diriger vers la base du 1er métatarsien et le cunéiforme médial.
La gouttière rétromalléolaire peut présenter des variantes, favorisant éventuelle-
ment des accidents d’instabilité. Elle est retrouvée, peu profonde, jamais supérieure
à 3 mm dans 82 % des cas, absente dans 11 % des cas, et convexe dans 7 % des cas
[3]. Le rebord latéral est de petite taille dans 48 % des cas, et absent dans 30 % des
cas [4]. La largeur moyenne de la gouttière est de 6 mm.
Le rétinaculum est également variable. Son absence ou sa laxité ont été décrites.
Sa largeur, son épaisseur ainsi que ses insertions sont variées. La plupart des sujets
possèdent une insertion postérieure sur le tendon calcanéen, mais la plus importante
est plus basse, sur le calcanéus.

LÉSIONS OBSERVÉES

Les lésions anatomiques observées sont très différentes d’une publication à


l’autre.
Sur 73 explorations chirurgicales, Eckert et Davis [2] n’ont jamais retrouvé de
déchirure du rétinaculum à proprement parler. Ils ont en revanche décrit 3 types de
lésion :
– le grade 1 comporte un décollement du périoste par le rétinaculum avec le
tendon luxé entre le périoste et l’os à nu (51 % des cas) ;
– le grade 2 emporte en plus le renfort fibrocartilagineux (33 % des cas) ;
– le grade 3 entraîne encore en plus un arrachement osseux sur lequel s’accro-
che le renfort fibrocartilagineux (16 % des cas).
Il est impossible de déterminer le grade lésionnel cliniquement ; seul le grade 3
peut être diagnostiqué par la radiographie.
Curieusement, Ferran et al. [5] reprennent cette classification, mais montrent une
authentique déchirure du rétinaculum sur leurs schémas et ajoutent un grade 4, qui
correspond à une déchirure du rétinaculum en arrière, au niveau de son insertion
calcanéenne.
Ils insistent sur le fait que les subluxations sont souvent contemporaines de fissu-
rations longitudinales du tendon du court fibulaire et d’instabilité de cheville.
118 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Tourné et al. [6] décrivent 3 types de lésion : soit la déchirure en plein corps du
rétinaculum, soit une désinsertion au ras de la malléole, soit un décollement fibropé-
riosté. Les lésions sont à la fois plus simples et différentes des précédentes.

CIRCONSTANCES DE SURVENUE

Le traumatisme initial le plus souvent retrouvé est une dorsiflexion forcée brutale
sur un pied en inversion avec une contraction brutale des fibulaires. Dans cette situa-
tion, il existe une tension du ligament calcanéofibulaire, une diminution de la taille
du tunnel ostéofibreux et une poussée des tendons sur l’insertion du rétinaculum, en
avant [7]. Moins fréquemment, on retrouve une flexion plantaire modérée sur un pied
en éversion avec, là encore, une contraction brutale des fibulaires. Cette contraction
est nécessaire à la survenue d’une lésion du rétinaculum.
Le ski a longtemps été considéré comme le principal sport pourvoyeur ; cela est
sans doute moins vrai avec les chaussures actuelles. Des descriptions ont pu être
faites dans de nombreuses disciplines sportives.

EXAMEN CLINIQUE

Le patient raconte une pseudo-entorse latérale de cheville avec signes de gravité.


Il a ressenti un craquement ou un claquement, une impression de déchirure et parfois
une impression de déboîtement. Tous ces symptômes sont rétromalléolaires latéraux,
tout comme le gonflement qui est précoce et important. Plus tardivement, apparaîtra
une ecchymose dont le trajet suit la gouttière rétromalléolaire et descend plus ou
moins bas sur la face latérale du calcanéus.
Si l’activité est poursuivie, un ressaut ou une instabilité peuvent être perçus.
La palpation de toute la région rétromalléolaire est douloureuse. Il est rare que le
tendon soit spontanément en position luxée. Il est néanmoins possible de reproduire
la luxation en effectuant un testing des fibulaires, le pied en légère flexion plan-
taire et en éversion. On réveille au moins une douleur rétromalléolaire et la poussée
vers l’avant des tendons fibulaires par le pouce de l’examinateur peut reproduire la
luxation. La non-réalisation systématique de ce test devant une cheville traumatisée
conduit fatalement à des erreurs de diagnostic par méconnaissance de la luxation.
On peut également rencontrer des tableaux de subluxation où les symptômes sont plus
discrets (la luxation n’est pas reproduite), mais engagent les fibulaires de façon formelle.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

La radiographie montre parfois une image pathognomonique qui est une écaille
osseuse qui double la malléole latérale, 2 cm au-dessus de la pointe. Cette image est
mieux visible sur un cliché de face avec 20° de rotation interne. Inconstante, cette
image serait présente dans 15 à 50 % des cas, le chiffre bas de la fourchette nous
paraissant plus vraisemblable, surtout si l’on en croit Eckert et Davis [2].
LUXATION RÉCENTE DES TENDONS FIBULAIRES 119

L’échographie peut retrouver la chambre de décollement antérieure, et l’analyse


dynamique des images peut retrouver la luxation ou une subluxation tendineuse en
dehors et en avant du rebord antérieur de la gouttière.
Une imagerie par résonance magnétique (IRM) précoce montre des signes œdé-
mateux et inflammatoires de la région rétromalléolaire, un élargissement du tunnel
ostéofibreux et un défaut de fixation du rétinaculum sur la gorge malléolaire. La
lésion osseuse, si elle existe, sera mieux visible sur une tomodensitométrie (TDM).
Ces examens sont loin d’être nécessaires.

TRAITEMENT MÉDICAL

Le traitement médical de la luxation des tendons fibulaires consiste à essayer de


maintenir les tendons en position réduite, dans leur position anatomique normale,
pendant le temps de cicatrisation du rétinaculum.
De nombreuses modalités thérapeutiques ont été décrites. Ce sont l’abstention
complète, la protection par strappings adhésifs avec ou sans coussinets périmalléo-
laires, l’utilisation de bandages élastiques, l’immobilisation dans une botte, tout cela
avec ou sans appui et avec un programme de rééducation variable dans les suites.
Il faut souligner d’emblée que ce choix thérapeutique n’a actuellement pas bonne
presse avec, dans la littérature récente, la notion que le taux de récidive se situe entre
40 et 50 %. Ces notions sont toujours fondées sur des études anciennes qui paraissent
néanmoins parfois moins pessimistes.
Stover et Bryan [7] proposent en 1962 une botte plâtrée sans appui pendant 6 se-
maines, bien moulée derrière la malléole latérale, avec un tendon en place. Ils pro-
posent l’immobilisation en discrète flexion plantaire, pour relâcher les tendons. Ils
rapportent 5 succès. Leurs 2 échecs (luxation récidivante) ont été observés lors de
l’utilisation d’un plâtre 6 semaines avec appui et lors d’une immobilisation de 2 se-
maines seulement. Ils rapportent également 9 traitements par strapping en position
neutre à 90° : 3 cas seulement sont jugés satisfaisants.
En 1976, Eckert et Davis [2] ont utilisé le plâtre 4 fois et le strapping 3 fois, pen-
dant 4 semaines. Quatre patients ont présenté des récidives, 6 ont gardé une cheville
douloureuse. Un seul de leur patient a retrouvé une cheville stable et indolore.
En 1980, Escalas et al. [8] rapportent 74 % de mauvais résultats après une immo-
bilisation à l’aide d’un bandage de compression.
McLennan [9] a rapporté les résultats de 6 traitements médicaux pour des diagnostics
effectués entre 1 semaine et 1 mois après l’accident, en 1980. Il n’y a pas eu de protocole
précis puisque de nombreuses possibilités thérapeutiques ont été tentées. La décharge
complète avec 2 cannes anglaises pendant les 3 premières semaines a été utilisée assez
systématiquement. Les résultats ont été qualifiés 5 fois d’excellents et 1 fois de bon avec
reprise des activités sportives. Néanmoins, 3 patients ont conservé des subluxations, ce
qui n’a pas semblé entraîner de gêne fonctionnelle. La conclusion de l’auteur est de
proposer tout de même la solution chirurgicale chez les patients sportifs.
Segal et al. [10] ont publié une série de 9 cas en 1985 : 3 immobilisations plâtrées
et 6 bandages ou strappings. Un seul cas a donné un bon résultat à distance, sans
récidive de la luxation.
120 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

TRAITEMENT CHIRURGICAL

La luxation récente des tendons fibulaires est une lésion éminemment chirurgicale
en raison de résultats orthopédiques médiocres et surtout en raison des types anatomi-
ques de lésions permettant des résultats excellents à « chaud » ; les techniques, dans les
formes chroniques, étant souvent plus variées, plus complexes et plus aléatoires.
Les 3 types anatomiques sont bien connus [6] : rupture de la gaine, fracture-
arrachement du rebord osseux, décollement fibropériosté (le plus fréquent). Il existe
toujours des rares cas particuliers avec gaine « distendue » et des anomalies anato-
miques prédisposantes (gouttière non creusée, gros tendons et corps charnus des-
cendant bas, etc.) qui pourraient être diagnostiquées par l’imagerie rarement deman-
dée dans ce contexte aigu. De la même manière, les variantes anatomiques du rebord
osseux, du renfort fibrocartilagineux et du rétinaculum expliquent les différents de-
grés d’instabilité : subluxation simple, fréquence variable, etc.

Figure 1. Formes anatomiques. A. Décollement fibropériosté. B. Fracture arrachement du rebord osseux.


C. Rupture de la gaine. D. Distention de la gaine. (Dessins réalisés par Éléonore Lamoglia).
LUXATION RÉCENTE DES TENDONS FIBULAIRES 121

Indications
Selon la littérature, peu abondante, le traitement chirurgical doit être réalisé de
principe dans les formes récentes, surtout chez le sportif si on a eu la chance d’avoir
un diagnostic précoce, sauf en cas de contre-indication opératoire ou anesthésique
(âge, pathologie, etc.). Porter et al. [11] rapportent notamment une série de 14 cas
chez 13 patients sportifs à qui il a laissé le choix initial (avertis du taux d’échec du
traitement orthopédique sans que celui-ci soit précisé) ; tous ont choisi cette solution
non opératoire, mais tous ont été opérés secondairement entre 15 semaines et 12 mois
pour instabilité. Mason et Henderson [2] rapportent 9 succès sur 11 cas opérés, leur
technique opératoire comportant une butée osseuse par ostéotomie de la fibula, une
synovectomie du tendon et une réinsertion du rétinaculum supérieur.
Les 4 types lésionnels décrits (figure 1A à D) sont en faveur d’une solution chirur-
gicale de suture ou réinsertion simple, et l’on peut se poser la question de savoir s’il
existe une forme « médicale » pouvant cicatriser anatomiquement.

Figure 2. Techniques de réinsertion du décollement selon l’incision du périoste. A, B. Technique de


Meary-Roycamille : incision de la gaine directement. C, D. Variante de Saragaglia : incision première du
périoste. (Dessins réalisés par Éléonore Lamoglia).
122 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Techniques

Les techniques doivent être très simples dans les luxations récentes. Il s’agit d’une
suture simple en cas de rupture de la gaine, d’une réinsertion éventuellement avec ancres
d’un rebord osseux fracturé, ou de la réinsertion transosseuse par des points en U du
décollement de la gaine selon les techniques de Méary [4] ou de Tourné et al. [6], qui
diffèrent seulement par le siège de l’incision de cette gaine distendue (figure 2A à D).
Les suites nécessitent habituellement un plâtre sans appui 3 semaines et avec ap-
pui 3 semaines supplémentaires, souvent remplacé par des appareillages amovibles,
avec ensuite une rééducation.
Le problème du creusement de la gouttière rétropéronière ne se pose pas en prin-
cipe en aigu, mais les techniques nouvelles sont moins agressives et peuvent s’associer
aux réparations des lésions chroniques [12] que l’on veut éviter par cette chirurgie
en urgence. En effet, les techniques sont alors très variées, même si la réinsertion
transosseuse reste la base, avec des plasties ou des butées osseuses ayant évolué histo-
riquement et dont le résultat est plus aléatoire. Le principe de réparation a été codifié
par Ferran et al. [5] en 5 catégories : réinsertion anatomique de la gaine, butée osseuse,
plastie locale de renforcement, déroutement des tendons, creusement de la gouttière.

CONCLUSION

Le traitement de la luxation récente des fibulaires baigne dans une atmosphère


nettement plus chirurgicale que médicale. Les techniques sont très nombreuses, plus
ou moins complexes ; la simplicité reste préférable. L’objectif est d’éviter une insta-
bilité chronique toujours invalidante.

Références

1 Eckert WR, Davis EA. Acute rupture of the peroneal retinaculum. J Bone Joint Surg 1976 ; 58-A : 670-3.
2 Mason RB, Henderson IJP. Traumatic peroneal tendon instability. Am J Sports Med 1996 ; 24 : 652-8.
3 Edwards ME. The relation of peroneal tendons to the fibula, calcaneus and cuboideum. Am J Anat 1928 ;
42 : 213-53.
4 Méary R. Luxation récidivante des tendons péroniers. Rev Prat 1968 ; XVIII : 4559-64.
5 Ferran NA, Oliva F, Maffulli N. Recurrent subluxation of the peroneal tendons. Sports Med 2006 ; 36 :
839-46.
6 Tourné Y, Saragaglia D, Benzakour D, Bezes H. La luxation traumatique des tendons péroniers. Int
Orthop 1995 ; 19 : 197-203.
7 Stover CN, Bryan Dr. Traumatic dislocation of the peroneal tendons. Am J Surg 1962 ; 103 : 180-6.
8 Escalas F, Figueras JM, Merino JA. Dislocation of the peroneal tendons. J Bone Joint Surg 1980 ; 62-A :
451-3.
9 McLennan JG. Treatment of acute and chronic luxations of the peroneal tendons. Am J Sports Med
1980 ; 8 : 432-6.
10 Ségal P, Nivelet R, Dehoux E. La luxation des péroniers latéraux chez le sportif – à propos de 18 cas.
J Traumatol Sport 1985 ; 2 : 12-6.
11 Porter D, McCarroll J, Knapp E, Torma J. Peroneal tendon subluxation in athletes : fibular groove deepening
and retinacular reconstruction. Foot Ankle 2005 ; 26 : 436-41.
12 Benazet JP, Saillant, Ségal P, Roy-Camille R. Luxation récidivante des tendons péroniers. J Traumatol
Sport 1994 ; 11 : 26-8.
14
FRACTURES DE LA MALLÉOLE
LATÉRALE : INDICATIONS
THÉRAPEUTIQUES

Y. ROUXEL*

INTRODUCTION

La traumatologie de la cheville est particulièrement fréquente, regroupant des lé-


sions osseuses, cartilagineuses, ligamentaires et tendineuses qui peuvent être simples
ou complexes, isolées ou associées.
Cela peut être source de diagnostics imprécis avec comme risque un traitement
hasardeux, à l’origine parfois de séquelles importantes et/ou de lésions dégénératives
articulaires [1].
Les entorses latérales restent les traumatismes les plus fréquents. Leur prise
en charge est encore controversée en fonction de leur type, de leur gravité et du
terrain.
Viennent ensuite les fractures de chevilles, en constante augmentation (sports
extrêmes, vieillissement de la population). Elles comprennent les fractures isolées
des malléoles, les fractures bimalléolaires et leurs équivalents, et les lésions de la
syndesmose (lésion de l’articulation tibiofibulaire inférieure et fracture de Mai-
sonneuve). Il s’agit des fractures les plus fréquentes après celles du poignet et de
l’extrémité supérieure du fémur. Leur prévalence est estimée à 2 % au cours de la
vie [2].
Ces fractures, dont le rôle arthrogène est connu en cas d’incongruence résiduelle
et/ou de lésion associée négligée, sont donc communes, de traitement routinier, mais
parfois mal codifié. Parmi ces fractures, la malléole latérale occupe le devant de la
scène, puisqu’on la retrouve fracturée 8 à 9 fois sur 10 : 85 % des cas dans la série de
Gill et al. [3], 90 % des cas dans celle de Robin et Elis [4].

* Clinique des Lilas, 41-49, avenue du Maréchal Juin, 93260 Les Lilas.
124 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

En ce qui concerne la fracture de la malléole latérale, le problème n’est pas tant


diagnostique (une simple radiographie suffit), que thérapeutique. En effet, les enjeux
sont différents, suivant :
– la stabilité fracturaire : elle est suffisante s’il s’agit de fractures simples
(arrachement osseux, trait transversal simple) ; elle est insuffisante en cas
de lésions potentiellement instables (trait oblique, comminution), avec ris-
que de consolidation vicieuse (raccourcissement, valgus, mais aussi trou-
ble rotatoire) ;
– l’existence de lésions associées : aucun risque d’instabilité précoce de la
mortaise en cas d’atteinte unique de la console externe (le des cas, bon
résultat global quel que soit le traitement), mais risque d’instabilité immé-
diate ou différée si la fracture de la malléole latérale est associée à d’autres
lésions ligamentaires (ligament collatéral médial [LCM]–syndesmose dans
des cas) ou osseuses (fracture bimalléolaire ou trimalléolaire dans des
cas), toutes ces lésions posant des problèmes thérapeutiques propres (traitement
orthopédique ou chirurgical, durée d’immobilisation, remise en appui), avec au
final un pronostic fonctionnel plus réservé.
Au total, en cas de mauvaise prise en charge initiale ou de lésions associées mé-
connues, une fracture de la malléole latérale est potentiellement déstabilisante pour
la cheville dans 2 cas sur 3.
Dans ces conditions, le risque est triple :
– mauvais centrage de la mortaise et/ou défaut de réduction malléolaire, à l’ori-
gine de lésions dégénératives cartilagineuses ;
– morbidité propre du traitement, qu’il soit fonctionnel, orthopédique ou
chirurgical ;
– décompensation de tares sous-jacentes par un traitement non adapté au pa-
tient, qu’il soit insuffisant ou trop contraignant.

ANATOMIE

La malléole latérale descend plus bas et plus en arrière que la malléole médiale,
d’environ 1 cm (figure 1, C).
Sa face est encroûtée de cartilage. En arrière, se trouve une proéminence, le tuber-
cule d’insertion du ligament tibiofibulaire postérieur (figure 1, D). En avant, se situe
le tubercule de Tillaux.
Les moyens d’union avec l’extrémité inférieure du tibia sont représentés par les
ligaments tibiofibulaires antérieur (figure 1, A) et postérieur (figure 1, D), et le liga-
ment tibiofibulaire interosseux (figure 1, B), composé de fibres ligamentaires courtes
tendues au-dessus du récessus péronier, ce qui complète la description de la syndes-
mose tibiofibulaire.
Au niveau osseux, la face articulaire du tibia, quadrangulaire, est barrée en arrière
par la malléole postérieure de Destot (figure 1, E) et répond à la trochlée talienne,
plus large dans sa partie antérieure que postérieure.
FRACTURES DE LA MALLÉOLE LATÉRALE 125

Figure 1. Rapports anatomiques de la malléole latérale. A. Ligament tibiofibulaire antérieur. B. Ligament


tibiofibulaire interosseux. C. Malléole latérale plus basse que malléole médiale. D. Ligament tibiofibulaire
postérieur. E. Malléole de Destot.

BIOMÉCANIQUE

La cheville est une articulation fortement emboîtée, à un seul degré de liberté,


capable de supporter des forces considérables, malgré des surfaces d’union faibles
(4 à 5 cm2). Biomécaniquement, il faut retenir 2 faits essentiels [5] :
– 40 % des contraintes articulaires passent par les malléoles (faisant passer
les surfaces de contact à 10 cm2), ce qui rend ces contraintes compatibles avec
les propriétés mécaniques du cartilage [6] ;
– les ligaments de la syndesmose ont une importance fondamentale puisqu’ils
modulent et répartissent les charges sur les malléoles en fonction du degré de
flexion.
Une fracture de cheville peut donc rompre cet équilibre biomécanique précaire.
En cas d’incongruence articulaire résiduelle sur l’une ou l’autre des malléoles, en cas
de lésion de la syndesmose, en cas d’autres lésions associées (enfoncements ostéo-
chondraux, corps étrangers), les pressions unitaires augmentent sur le dôme talien,
ces hyper-pressions localisées étant à terme génératrices d’arthrose.
Expérimentalement, Thordarson et al. [7] ont prouvé ces modifications des
contraintes pour des déplacements qui peuvent sembler minimes :
– raccourcissement du péroné de 2 mm ;
– déplacement latéral du talus de 2 mm (ce qui augmente de 40 % les pressions
sur la tibiotalienne) ;
– rotation externe malléolaire de 5°.
Ces données expliquent le meilleur pronostic des fractures en inversion (trait péro-
nier simple) par rapport aux fractures en éversion où une comminution est fréquente.
Elles permettent de comprendre le fait que la réduction de la malléole latérale est la clé
de voûte de la réduction articulaire.
126 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

MÉCANISMES LÉSIONNELS

Les traumatismes directs sont rares. Il s’agit donc le plus souvent de traumatismes
indirects sur pied bloqué, le talus jouant le rôle d’agent traumatisant.
On distingue 2 grands mécanismes lésionnels, selon que le pied se met en in-
version, c’est-à-dire en dedans (adduction, supination, flexion plantaire et varus de
l’arrière-pied), ou en éversion, c’est-à-dire en dehors (abduction, pronation, flexion
dorsale de cheville et valgus de l’arrière-pied) (figure 2).

Figure 2. Mécanismes lésionnels de la fracture de la mallélole latérale.

Ces 2 types de mouvements fondamentaux sont à l’origine de lésions osseuses,


ligamentaires et cartilagineuses, aux pronostics bien différents. L’anamnèse n’étant
pas toujours aisée, le plus simple et le plus pratique est de classer les fractures de
la malléole latérale en se référant à la hauteur du trait par rapport à la syndesmose :
fracture sous-ligamentaire, interligamentaire ou sus-ligamentaire, ce qui en fait re-
prend les classifications des fractures bimalléolaires (Danis et Weber, Duparc et
Alnot) (figure 3).

EXAMEN CLINIQUE

De façon générale, les fractures de la cheville sont à traiter rapidement, notam-


ment avant l’apparition de troubles trophiques qui retarderont et compliqueront une
prise en charge ultérieure.
Pour ce qui est des fractures de la malléole latérale, on peut opposer schémati-
quement 2 tableaux, sachant qu’après quelques heures, la région du cou-de-pied est
noyée dans un œdème généralisé :
– la fracture « bénigne » sans grosse déformation avec des signes cliniques uni-
quement localisés en externe (douleurs, hématome, œdème) ;
– la fracture « grave », associant des signes internes et/ou des éléments de gravité
(grosse déformation fixée en inversion ou éversion et/ou luxation postérieure
du talus), menace ou ouverture cutanée (10 %), atteinte des axes artériels (ra-
rissime) (figure 4).
FRACTURES DE LA MALLÉOLE LATÉRALE 127

Figure 3. Moyens de classification d’une fracture de la malléole latérale.

Figure 4. Les 2 formes cliniques principales de la fracture de la malléole latérale.

Les éventuelles comorbidités associées sont également prises en compte (âge,


sexe, ostéoporose, état cutané, diabète, état vasculaire, obésité), car elles doivent mo-
duler le type de prise en charge.

BILAN RADIOGRAPHIQUE

En urgence, le bilan radiographique comporte un cliché de face en légère rotation


interne de 15 à 20° et un cliché de profil (figure 5).
Des clichés complémentaires peuvent être utiles :
– les clichés de ¾ pour dépister des enfoncements sur le pilon ou le talus, voire
des arrachements osseux au niveau des tubercules antérieurs ou postérieurs du
tibia ;
– un cliché prenant toute la jambe au moindre doute d’une lésion haute du péroné.
L’étude de ces clichés doit être attentive.
128 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 5. Principes du bilan radiographique. A. Face (20° de rotation interne). B. Profil (flèche).

De face

– On étudie le trait externe (hauteur, obliquité, degré de comminution) (figure 6, 1).


– L’état de la syndesmose s’étudie sur l’espace clair qui existe sur le cliché de
face entre le bord interne de la fibula et le bord externe du tubercule tibial
postérieur, cet espace ne devant pas être supérieur à 4 à 5 mm (figure 6, 2).
– On recherche une atteinte osseuse interne associée (figure 6, 3).
– On recherche des lésions d’impaction ostéocartilagineuse sur le pilon tibial et
le dôme talien (figure 6, 4).
– On évalue le raccourcissement de la console externe en étudiant l’angle talo-
crural, qui doit être supérieur à 105° (figure 6, 5).

Figure 6. Analyse radiographique Figure 7. Étude du trait sur la fibula,


de face. vue de profil.
FRACTURES DE LA MALLÉOLE LATÉRALE 129

De profil

On complète l’étude du trait sur la fibula (figure 7[A] ). Une lésion marginale
postérieure (tubercule de Destot) est recherchée (figure 7[B] ), de même qu’une im-
paction tibiale et/ou talienne (figure 7[C] ).
Si l’aspect de la cheville est en faveur d’une déformation importante ou d’une luxa-
tion (figure 8), il est préférable d’accompagner le patient en salle de radiographie pour
tenter de réduire la fracture. Le soulagement étant immédiat, une immobilisation pro-
visoire est ensuite mise en place, permettant la réalisation de nouveaux clichés [5].

TRAITEMENT

Le traitement vise à restaurer de façon stable la congruence articulaire et le cen-


trage talien jusqu’à consolidation tout en minimisant les séquelles.

Traitement fonctionnel

Le traitement fonctionnel autorise un appui complet ou soulagé sous couvert


d’une contention légère (attelle dynamique, résine souple, botte de marche). Il est
réservé aux atteintes modérées et stables de la console externe (arrachement osseux,
fracture engrenée, notamment sous-ligamentaire, trait transversal) (figure 9).

Traitement orthopédique

Le traitement orthopédique est réservé aux fractures à peau saine, sans altération
majeure de la continence de la mortaise. Il n’est indiqué qu’en cas de fracture non
déplacée, de réduction satisfaisante chez le patient âgé ostéoporotique, ou en cas
de contre-indication opératoire [8,9]. Le but est le centrage talien quelle que soit la
réduction malléolaire. Il n’est pas conseillé si la fracture est instable avec risque de
déplacement secondaire en cas de lésion associée malléolaire médiale, du LCM, ou
de la syndesmose, ou si une lésion paraît irréductible (incarcération du LCM dans les
équivalents de fractures bimalléolaires, fractures-enfoncements du pilon).

Figure 8. Analyse radiologique de profil. A. Trait malléolaire simple. B. Luxation de cheville


(enfoncement et fracture de la malléole postérieure). C. Fracture du pilon tibial.
130 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 9. Traitement fonctionnel.

Le traitement orthopédique est moins arthrogène que le traitement chirurgical,


conduisant souvent à une pince un peu large, source d’arthrose postéro-externe du
talus, longtemps bien tolérée [6].
Il obéit à des impératifs stricts [5] :
– sauf en cas de fracture absolument non déplacée, il s’effectue au bloc opératoire ;
– un jersey et une faible épaisseur de protection ouatée sont mis en place au
niveau de la cheville ;
– en cas de fracture non déplacée, une simple botte en résine est suffisante ;
– en cas de fracture déplacée, une réduction s’impose, conduisant à mettre la
cheville en varus et équin modéré (10°). La botte plâtrée, permettant le mou-
lage malléolaire, est préférée dans ces conditions ;
– il est nécessaire de restaurer la longueur de la fibula, d’éviter une translation
latérale de la malléole, mais aussi une hyperréduction en varus ;
– le contrôle scopique vérifie la qualité de la réduction de face (test de Skinner ;
figure 10) et de profil. Si la réduction ne peut être obtenue ou si celle-ci est
instable, le traitement chirurgical s’impose ;
– immobiliser le genou par un plâtre cruropédieux est affaire d’école mais ne
semble pas nécessaire si le pied est bien en varus équin ;
– un suivi radiographique ultérieur est nécessaire à la recherche d’un déplace-
ment secondaire ;
– la durée de la contention et la reprise d’appui dépendent du terrain et du type
fracturaire.

Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical est plus ambitieux, susceptible de faire espérer les


meilleurs résultats anatomiques et fonctionnels à distance. Il a néanmoins ses com-
plications propres, notamment cutanées, et le risque d’induire un cal vicieux. Il a
de plus en plus la faveur des orthopédistes, mais ne se conçoit que dans des mains
entraînées après analyse précise du type fracturaire.
FRACTURES DE LA MALLÉOLE LATÉRALE 131

Figure 10. Traitement orthopédique. Test de Skinner.

L’objectif est double : centrage talien et réduction anatomique des malléoles, mais
aussi réparation des lésions inaccessibles au traitement orthopédique (incarcérations,
enfoncements associés, lésions graves de la syndesmose). Il peut constituer un défi
technique dans les formes graves.
Il se discute dans 2 circonstances [6] :
– l’une, facultative, en cas de trait simple avec une précision de réduction exacte,
permettant une contention brève et une mobilisation rapide ;
– l’autre, obligatoire, en cas d’altération grave de la congruence articulaire et/ou
de fracture instable.
Il se décide en fonction du terrain (âge, état cutané, fracture ouverte, état vascu-
laire, tares associées).
La réduction sanglante et l’ostéosynthèse se font par un double abord interne et
externe (voire postéro-externe si un vissage malléolaire postérieur est nécessaire).
Les matériaux utilisés s’adaptent aux types fracturaires et restent discutés : les vis
en compression sont logiques ; les broches contrôlent mal les rotations et peuvent
induire un varus péronier ; les plaques permettent de restaurer la longueur, mais sont
menaçantes sur le plan cutané ; les matériaux résorbables et/ou ostéosynthèses « lé-
gères » sont mal évalués (figure 11). Quant à la réparation ou non de la syndesmose
lésée, elle est sujette à controverse.
Ce type de traitement ne tolère aucun défaut réductionnel et les critères radio-
graphiques habituels prennent mal en compte un éventuel trouble rotationnel [10].
Il existe donc un rôle arthrogène d’un cal vicieux malléolaire, surtout si celui-ci est
en raccourcissement, varus et/ou trouble rotatoire, comme l’a bien montré la série
de Biga et Defives [6] dans 50 % des cas (figure 12). Dans le cas des équivalents de
fractures bimalléolaires, ce type de traitement permet de définir l’attitude concernant
le LCM (abstention, abord pour désincarcération et/ou suture).
Il semble plus dangereux après 65 ans (tenue du matériel, risque de sepsis) [2].
En cas de fracture d’emblée instable, il ne modifie pas la durée de la reprise d’ap-
pui et ne permet pas de se passer d’une contention rigide post-opératoire (sous peine
d’un risque cicatriciel).
132 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 11. Exemples d’ostéosynthèses.

Figure 12. Exemples de cals vicieux. A. Incarcération du ligament collatéral médial, atteinte de la
syndesmose. B. Fibula trop courte, déplacement latéral du talus. C. Pince étroite par trouble rotationnel de
malléole latérale : pseudodiastasis.

Il permet en revanche une rééducation plus rapide (la durée de la contention peut
être raccourcie), mais aucune attitude systématique ne peut être dégagée, comme l’a
souligné la revue de la littérature faite par Petrisor et al. [11].
Chaque cas reste donc particulier, tout comme l’ablation du matériel qui n’est pas
systématique et ne se justifie qu’en cas de gêne externe (le matériel est directement
sous la peau).

INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES

En l’absence d’études prospectives [11], il est difficile de suggérer des recom-


mandations strictes (traitement orthopédique ou non, durée d’immobilisation, reprise
d’appui) en se fondant sur le seul type fracturaire.
FRACTURES DE LA MALLÉOLE LATÉRALE 133

Des tendances se dégagent néanmoins :


– en cas d’atteinte unique de la console externe (fracture sous-ligamentaire, absen-
ce d’atteinte interne), le traitement orthopédique est suffisant (résine sans appui
3 à 6 semaines). Les cas favorables (fractures basses non déplacées) peuvent bénéfi-
cier d’un traitement fonctionnel (attelle dynamique et appui immédiat) [12] ;
– en cas d’atteinte de la stabilité de la mortaise (déstabilisation par une atteinte de
la console osseuse interne et/ou postérieure, de la syndesmose, du LCM), le trai-
tement est plus prudent. Qu’il soit orthopédique ou chirurgical, l’immobilisation
stricte est nécessaire, plutôt par botte que par plâtre cruropédieux. Sa durée est
variable : de l’ordre de 4 semaines en cas d’atteinte de la malléole médiale ; pro-
longée à 6 semainess’il existe une atteinte ligamentaire (LCM, syndesmose) ou
ostéocartilagineuse (malléole postérieure, enfoncement du pilon). Cette immobi-
lisation peut être relayée par une attelle dynamique. La reprise d’appui s’effectue
en règle vers le 2e mois, voire vers le 3e mois dans les cas graves (ostéosynthèse
de la malléole postérieure, réduction d’un enfoncement).
Trois formes peuvent être individualisées en fonction de la hauteur du trait sur la
malléole latérale :
– forme sous-ligamentaire, correspondant à un mécanisme en inversion (comme
lors d’une entorse). La syndesmose est intacte, mais il existe ici une fracture
haute associée de la malléole interne, naturellement instable par absence de
butoir interne. Elle est fréquemment associée à un tassement ostéochondral
interne sur le pilon, et le traitement est exclusivement chirurgical ;
– forme interligamentaire, correspondant à un mécanisme en éversion, associée
ici à une fracture basse de la malléole interne ou à une atteinte du LCM (équi-
valent de fracture bimalléolaire). Le traitement (chirurgie ou non) dépendra de
l’importance des lésions fréquemment associées : atteinte de la syndesmose
(50 % des cas), qui peut siéger en antérieur (hémidiastasis) ou être étendue en
postérieur (minidiastasis) ; fracture marginale postérieure à l’origine d’une
subluxation du talus ; impaction ostéocartilagineuse (pilon, talus) ;
– forme sus-ligamentaire, correspondant là encore à un mécanisme en éversion,
avec une fracture basse de la malléole interne, ou à une atteinte du LCM (équi-
valent de fracture bimalléolaire). Les lésions associées sont souvent plus graves,
et le traitement volontiers chirurgical. Dans ces formes, l’atteinte de la syn-
desmose peut s’étendre à la membrane interosseuse (maxidiastasis), entraînant
une ascension et une instabilité de la malléole latérale, difficile à maintenir et
génératrice d’arthrose secondaire (vissage provisoire de la syndesmose préféra-
ble). La comminution de la fibula est fréquente (plaque vissée nécessaire pour
restaurer la longueur), de même que les fractures-tassements associées et/ou les
corps étrangers intra-articulaires par fracture ostéochondrale du dôme du talus.

RÉÉDUCATION

Le traitement de ces fractures, qu’il soit orthopédique ou chirurgical, nécessite


une rééducation adaptée au type fracturaire et au terrain. Idéalement :
– phase d’immobilisation : apprentissage du béquillage, travail trophique par
mouvements actifs, lutte contre l’amyotrophie quadricipitale, travail statique
dans le plâtre des releveurs et abaisseurs du pied ;
134 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

– phase de récupération articulaire et musculaire : travail actif aidé et surtout


passif de recherche d’amplitude, lutte contre la stase veineuse, travail mus-
culaire actif dynamique progressivement contre résistance manuelle au fur et
à mesure de la reprise de l’appui, remise en charge progressive sur tapis de
marche afin d’évoluer du pas simulé vers le pas réel ;
– phase de récupération fonctionnelle : amplification du travail musculaire, tra-
vail proprioceptif progressif sollicitant la cheville lors de différentes situations
de déséquilibre.

COMPLICATIONS

Les troubles trophiques sont fréquents en cas de fracture de cheville, notamment


du côté externe puisque la malléole latérale est particulièrement saillante et exposée.
Au stade aigu, ils justifient la réduction urgente de toute fracture déplacée ou luxée.
Ils peuvent faire différer de quelques jours une ostéosynthèse voire l’orienter (syn-
thèses a minima par broches, fixateur externe). En cours de traitement, ils peuvent se
voir chez le patient âgé en cas de traitement orthopédique, chez le sujet plus jeune en
cas de traitement chirurgical (conflit de broches avec les tendons fibulaires, désunion
cutanée [figure 13], surtout en cas de plaque vissée).
Les cals vicieux peuvent conduire à une reprise chirurgicale visant à restaurer la lon-
gueur de la fibula ou à corriger un trouble réductionnel dans le plan frontal ou rotatoire.
La raideur de cheville toucherait 30 % des patients, notamment si des lésions cap-
suloligamentaires sont associées à la fracture de la malléole latérale. La luxation ini-
tiale est également péjorative [4]. L’immobilisation post-opératoire systématique ne
semble pas être un facteur de risque de raideur et protège des complications cutanées,
des équins antalgiques et des syndromes neuro-algodystrophiques [9]. Par ailleurs,
les avantages théoriques d’une mobilisation rapide (lutte contre l’atrophie muscu-
laire, l’ostéoporose, meilleur contrôle proprioceptif) ne sont pas prouvés [13].
L’arthrose est surtout le fait des cals vicieux résiduels et des lésions initiales (en-
foncements ostéochondraux +++, fractures ouvertes [6]). Elle existe également mal-
gré une reconstitution anatomique chirurgicale [14]. Elle est souvent longtemps bien
tolérée, mais peut justifier d’une arthrodèse ou d’une solution prothétique.

Figure 13. Exemples de complications. A. Désunion cutanée. B. Cal vicieux en varus (hyperréduction de
la malléole latérale). C. Arthrose externe (défaut de réduction de la malléole latérale).
FRACTURES DE LA MALLÉOLE LATÉRALE 135

CONCLUSION

Sous le terme de fracture de la malléole latérale, on regroupe un ensemble de frac-


tures dissemblables dont les mécanismes lésionnels sont différents, les lésions ostéo-
ligamentaires variées et les pronostics à long terme inégaux.
Un tiers de ces fractures sont d’emblée stables et peuvent bénéficier d’un traite-
ment orthopédique « léger » voire d’un traitement fonctionnel durant 3 à 6 semaines.
L’appui peut même être envisagé d’emblée.
Deux tiers de ces fractures comportent en revanche des lésions associées os-
seuses et/ou ligamentaires qui les rendent instables d’emblée ou secondairement.
Certaines peuvent encore bénéficier d’un traitement orthopédique, mais la plupart
sont « chirurgicales », si le terrain le permet. Une immobilisation prolongée est
nécessaire (4 à 6 semaines) et ne semble pas compromettre le résultat fonctionnel
final. La reprise de l’appui est différée (2 voire 3 mois) ; elle est fonction de l’importance
des lésions associées.

Références

1 Rolland E, Bendahou M. Traumatisme de cheville : la démarche diagnostique. In : Traumatologie de la


cheville. 9e Journée de traumatologie de la Pitié-Salpêtrière, 2003. p. 9-22.
2 Herscovici D, Anglen J, Archdeacon M, Cannada L, Scaduto J. Avoiding complications in the treatment
of pronation-external rotation ankle fractures, syndesmotic injuries, and talar neck fractures. J Bone
Joint Surg 2008 ; 90-A : 897-908.
3 Gill JB, Risko T, Raducan V, Grimes JS, Schutt RC. Comparison of manual and gravity stress radio-
graphs for the evaluation of supination-external rotation fibular fractures. J Bone Joint Surg 2007 ; 89 A :
994-9.
4 Robin H, Elis JB. Traitement chirurgical des fractures malléolaires : comment faire mieux. In : Bilan,
évolution et perspectives en traumatologie. 10e Journée de traumatologie de la Pitié-Salpêtrière, 2004.
p. 333-9.
5 Laude F, Benazet JP. Approche thérapeutique des fractures bimalléolaires. In : Traumatologie de la che-
ville. 9e Journée de traumatologie de la Pitié-Salpêtrière, 2003. p. 77-89.
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(Elsevier, Paris). Appareil locomoteur, 14-088-A-10. 1997.
7 Thordarson D, Motamed S, Hedman T, Ebramzadeh E, Bakshian S. The effect of fibular malreduction
on contact pressures in an ankle fracture malunion model. J Bone Joint Surg 1997 ; 79-A : 1809-15.
8 Lecoq C, Curvale G. Les fractures malléolaires. Maîtrise Orthop 2002 ; 16.
9 Langlais F. Fractures bimalléolaires. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris). Techniques chirurgicales, 44-877.
1996.
10 Bonnel F, Largey A, Faure P, Roussanne Y, Faline A, Canovas F. Évaluation des critères radiographiques
après fractures bimalléolaires opérées : série prospective de 30 cas. Rev Chir Ortho 2004 ; Supp 90 : 122.
11 Petrisor B, Poolman R, Koval K, Tornetta P, Bhandari M. On behalf of the Evidence-Based Orthopaedic
Trauma Working Group. Management of displaced ankle fractures. J Orthop Trauma 2006 ; 20 : 515-8.
12 Laroche G, Dessaint P, Donneaud B, Mendolia G. Traitement des fractures isolées de la malléole latérale
par attelle pneumatique avec remise à la marche immédiate en appui complet. J Traumatol Sport 1998 ;
15 (Supp) : 1S19-22.
13 Jarde O, Vives P, Vernois J, Vimont E, Massy S. Fractures malléolaires. Critères prédictifs de l’arthrose
à long terme chez le sportif. Étude rétrospective de 28 cas. J Traumatol Sport 2001 ; 18 : 81-6.
14 Lehtonen, H, Järvinen TLN, Honkonen S, Nyman M, Vihtonen K, Järvinen M. Use of a cast compared
with a functional ankle brace after operative treatment of an ankle fracture : a prospective, randomized
study. J Bone Joint Surg 2003 ; 85 A : 205-11.
15
FRACTURES DE LA MALLÉOLE
MÉDIALE : INDICATIONS
THÉRAPEUTIQUES

P. THOREUX*

INTRODUCTION

Bien que de diagnostic plus rare que les atteintes ligamentaires de la cheville ou
les fractures de la malléole latérale, la fracture de la malléole médiale fait partie des
diagnostics à envisager systématiquement devant tout traumatisme de la cheville. Ce
diagnostic potentiel rend compte de l’un des critères de prescription d’un bilan radio-
graphique selon les critères d’Ottawa (douleur à la palpation de la partie postérieure du
relief des 2 malléoles, sur une hauteur de 6 cm à partir de la pointe).
L’épidémiologie des fractures de la malléole médiale est difficile à connaître,
surtout dans leur forme isolée. Seules les fractures malléolaires au sens large (frac-
tures bimalléolaires ou de la malléole latérale) sont largement étudiées en raison de
leur fréquence : elles sont au 3e rang des lésions traumatiques après les fractures du
poignet et de l’extrémité proximale du fémur. La malléole latérale étant fracturée
dans 85 à 90 % des cas selon les séries, la malléole médiale doit être atteinte de façon
isolée dans 10 à 15 % des cas environ.
Sur le plan biomécanique, la malléole médiale participe à la stabilité de la pince
tibiotalienne et au bon encastrement du dôme talien, élément fondamental pour la
protection de la surface cartilagineuse.
Sur le plan thérapeutique, l’obtention d’une réduction anatomique pour prévenir
le développement d’une arthrose ultérieure reste un critère de choix, même s’il est
battu en brèche par certains travaux qui privilégient le seul centrage de la mortaise.

FRACTURES ISOLÉES DE LA MALLÉOLE MÉDIALE


Les fractures unimalléollaires sont en règle générale dues à des traumatismes à
haute énergie et donc souvent déplacées.
* Hôpital Avicenne, Université Paris XIII, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny.
FRACTURES DE LA MALLÉOLE MÉDIALE 137

Différents types de fracture [1]

Les traits de fracture observés en cas de fractures isolées sont les mêmes que ceux
classiquement décrits dans le cadre des fractures bimalléolaires : arrachement de la
pointe de la malléole (type A), trait horizontal au milieu du fragment malléolaire
(type B), trait horizontal au ras de la mortaise (type C), trait vertical (type D), la sta-
bilité de la fracture diminuant au fur et à mesure (figures 1 à 5).
Le bilan thérapeutique est identique à celui des fractures de la malléole latérale ou
des fractures bimalléolaires et comprend un bilan radiographique de face en rotation
interne qui doit dégager totalement l’interligne tibiotalien, en particulier sur la joue
médiale du talus, et un bilan de profil. En cas de doute sur une impaction associée ou
sur une lésion du dôme du talus, une exploration tomodensitométrique peut être utile.

Figure 1. Différents traits des


fractures isolées de la malléole Figure 2. Fracture de type A avec avulsion
médiale. de la pointe de la malléole.

Figure 3. Fracture de type B


avec trait horizontal siégeant Figure 4. Fracture de type C avec
entre la pointe et le plafond de trait horizontal siégeant au niveau
la mortaise. du plafond de la mortaise.
138 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 5. Fracture de type D avec trait vertical partant de l’angle de la mortaise.

Options thérapeutiques

Traitement fonctionnel

Traitement de choix à l’heure actuelle de l’entorse grave de la cheville, le traite-


ment fonctionnel des fractures de la malléole latérale (appui rapidement total sous
couvert d’une orthèse de la cheville et d’une rééducation fonctionnelle adaptée) a fait
l’objet de plusieurs études et publications et peut être recommandé dans certaines
indications précises : fracture de la pointe, fracture à trait transversal stable. De façon
étonnante, aucune étude n’a été, à notre connaissance, publiée sur les avantages et les
résultats de ce type de traitement pour les fractures isolées de la malléole médiale, en
particulier dans les types A et B.

Traitement orthopédique

Le traitement orthopédique consiste en une botte plâtrée sans appui pour une
durée de 6 semaines avec contrôle radiographique régulier, comme tout traitement
orthopédique (J8, J15, ± 4 semaines et hors plâtre à 6 semaines). Le pied est parfois
positionné en discrète inversion. Le relais peut être pris selon le bilan à 6 semaines
par une orthèse de marche. Pendant la phase sans appui, un traitement thrombopro-
phylactique sera mis en œuvre.
Si l’indication est très large en cas de fracture non déplacée, certains auteurs
ont utilisé cette thérapeutique de façon systématique quelle que soit l’importance
du déplacement [2]. Herscovici et al. [1] ont montré, dans une série prospective
continue de 57 fractures isolées de la malléole médiale traitées exclusivement par
traitement orthopédique avec un recul de 2 ans, 55 consolidations sans traitement
complémentaire. Deux pseudarthroses sont à déplorer dans des fractures de
type C ; la consolidation a été obtenue en 4 mois dans les 2 cas après excision du
tissu fibreux et apport osseux. Les fractures de type A et de type D ont les meilleurs
résultats en termes de secteurs de mobilité et de scores fonctionnels. Selon les
auteurs, les seules contre-indications au traitement orthopédique sont les lésions
non isolées, les fractures ouvertes ou celles atteignant le plafond de la mortaise, les
fractures avec subluxation ou bascule frontale du talus, et les fractures de l’adoles-
cent à physe ouverte. Aucune évolution arthrosique n’a été constatée avec un recul
moyen de 36,5 mois.
FRACTURES DE LA MALLÉOLE MÉDIALE 139

Figure 6. Vue de profil des 4 différents montages testés (d’après [4]).

Traitement chirurgical

Le traitement chirurgical le plus classique dans les fractures isolées de la malléole


médiale est le traitement par vissage. Plusieurs articles récents analysent le position-
nement idéal des vis dans la malléole médiale et l’utilisation concomitante ou non
d’une plaque de neutralisation [3–5]. La priorité dans le positionnement des vis est
d’éviter le conflit en arrière avec le tendon du muscle tibial postérieur et la saillie
sous-cutanée de la tête de vis. L’utilisation d’une plaque de neutralisation, notamment
dans les fractures à trait vertical, permet d’augmenter la rigidité pour les contraintes
de chargement axial.
Les règles de positionnement des vis sont les mêmes, que celles-ci soient mises
à ciel ouvert ou par voie percutanée. La notion de zone de sécurité correspond au
antérieur de la malléole médiale, en avant de la crête antérieure [3]. Si plusieurs vis
sont nécessaires, il faut commencer par la vis la plus postérieure en contrôlant l’ab-
sence de conflit avec le tendon du tibial postérieur par ouverture du rétinaculum, puis
positionner la vis antérieure.
Dans les fractures verticales ou obliques, la fixation peut reposer sur de simples
vis ou sur des vis associées à une plaque de neutralisation. L’étude de Dumingam et
al. [4] réalisée sur 80 modèles en polyuréthane démontre les avantages de la plaque
de neutralisation correctement posée (plaque 4 trous avec une seule vis positionnée
distalement par rapport au trait de fracture) en terme de résistance aux contraintes
axiales et latérales (figure 6).
Les vis peuvent être métalliques ou en matériau résorbable. Elles peuvent être mises
à ciel ouvert, permettant ainsi la recherche de lésions associées ou iatrogènes (lésion du
tendon du tibial postérieur par exemple), ou en percutané, avec un abord punctiforme
au niveau de la pointe de la malléole. Le contrôle radiographique peropératoire, no-
tamment en cas de vissage percutané, nécessite la réalisation d’un cliché de face antéro-
postérieur enfilant parfaitement l’interligne tibiotalien médial, et non pas un cliché de
face de la mortaise qui enfile correctement l’interligne horizontal mais obliquement
l’interligne médial et fait conclure à tort à des positionnements intra-articulaires des
vis [5]. Il faut noter que les vis résorbables sont volontiers utilisées au niveau de la
malléole médiale ou comme vis de syndesmose tibiofibulaire dans le cadre de monta-
ges hybrides avec plaque et vis métalliques sur la malléole latérale [6,7].
La récupération des amplitudes peut se faire précocement en cas de montage
stable dans une fourchette d’amplitudes comprise entre 20° de flexion dorsale et
10° de flexion plantaire [8]. Plusieurs montages ont été testés expérimentalement
140 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

après réalisation d’une fracture transversale haute. Les montages par vissage (1 vis
de diamètre 4,5) et les haubans permettent la mobilisation précoce ; les montages par
2 broches de Kirchner de diamètre 2,4 ne permettent pas la mobilisation et sont donc
à éviter dans la mesure du possible.

Formes cliniques

Fractures de fatigue

La fracture de fatigue [9–11] de la malléole médiale fait partie des localisations


rares des fractures de fatigue de la cheville et du pied (loin derrière les localisations
au niveau des métatarsiens, de l’os naviculaire, des sésamoïdes de l’hallux et du
calcanéus). Elle doit être individualisée parmi les fractures de fatigue du tibia. Les
contraintes mécaniques rencontrées dans cette localisation sont souvent source de
déplacement en cas de méconnaissance. Les premières descriptions remontent à
Devas qui, en 1975, avait recensé 35 cas. La direction du trait, plus ou moins verticale,
part généralement de l’angle médial de la mortaise tibiale, expliquant la translation
médiale du fragment osseux lors des activités en charge. Les troubles statiques à type
de varus de l’arrière-pied sont souvent signalés.
Le mode d’apparition des symptômes correspond au tableau habituel des frac-
tures de fatigue : apparition progressive, souvent sur plusieurs mois, de douleurs du
compartiment médial, plutôt antérieures. La survenue d’un épisode douloureux aigu
traduit souvent l’existence d’un déplacement de la malléole médiale.
Le bilan radiographique standard doit impérativement comporter au moins 2
faces, avec des rotations différentes pour pouvoir faire un diagnostic au stade précoce
(37 à 86 % des cas selon les séries). Il faut s’attacher à déceler la plus petite encoche
linéaire radiographiquement transparente au sein de la densité normale de l’os sous-
chondral (figure 7).
La scintigraphie osseuse est toujours un examen de dépistage intéressant en cas
de bilan radiographique négatif en raison de ses qualités de grande sensibilité (exa-
men toujours positif, même à un stade très précoce). En revanche, il s’agit d’un exa-
men très peu spécifique. L’examen tomodensitométrique en coupes fines, notamment
frontales, permet un diagnostic précis et relativement précoce, car les coupes passent
forcément par la fracture (figure 8). La surveillance de la consolidation est souvent
difficile car les images ne se modifient que très lentement. L’imagerie par résonance
magnétique (IRM) peut donner précocement des signes indirects de fracture de fati-
gue (simple œdème intra-osseux malléolaire médial), le trait n’apparaissant en hypo-
signal que plus tardivement.

Figure 7. Fracture de fatigue de la malléole médiale : trait partant de l’angle médial de la mortaise,
radiographie tardive (d’après [9/10]).
FRACTURES DE LA MALLÉOLE MÉDIALE 141

Figure 8. Fracture de fatigue de la malléole médiale : trait partant de l’angle médial de la mortaise,
coupe tomodensitométrique (d’après [9/10]).

Figure 9. Radiographie de face de la cheville mettant en évidence une image en coup d’ongle évocatrice
d’une luxation des tendons fibulaires associée à une fracture de la malléole médiale (d’après [13]).

Figure 10. Agrandissement de l’image en coup d’ongle (d’après [13]).


142 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 11. Radiographie post-opératoire de face après vissage de la malléole médiale et réinsertion par
ancres de la gaine des tendons fibulaires (d’après [13]).

Les modalités thérapeutiques sont très variées et ne sont pas codifiées dans la
littérature. Le traitement fonctionnel simple avec limitation des activités sportives
(règle de la non-douleur) peut être préconisé en cas de douleurs exclusivement à
l’exercice. Il peut être potentialisé par le port d’une orthèse, mais s’étale souvent sur
plusieurs mois (4 à 6 mois). L’existence d’une douleur à la marche impose la mise
en décharge. Cette mise en décharge doit ou non être associée au port d’une orthèse
ou d’une botte plâtrée, la compliance du sujet étant souvent décisive dans le choix
des modalités proposées. La durée prévisible de la mise en œuvre du traitement est
malheureusement très floue et il n’existe pas de critères prédictifs précis. L’ostéo-
synthèse de la malléole médiale a toute sa place dans les formes où le trait est bien
visible, en particulier sur les clichés radiographiques, et lorsque le sujet est jeune et
sportif. L’attitude est systématiquement chirurgicale en cas de fracture déplacée.

Enfant et adolescent

Les fractures de la malléole médiale de l’enfant et de l’adolescent [12] sont des


fractures articulaires qui sont le plus souvent des décollements épiphysaires de
type III ou IV dans la classification de Salter et Harris. Plus rarement se rencontrent
des fractures ostéochondrales ou épiphysaires.
Elles peuvent être associées, comme chez l’adulte, à une lésion osseuse ou liga-
mentaire de la malléole latérale. Ce sont des fractures en inversion, également dé-
nommées factures de McFarland. La taille du fragment métaphysaire est très variable
et il faut savoir le rechercher. La comminution métaphysaire est un facteur souvent
péjoratif, car source d’épiphysiodèse localisée au cartilage de croissance. L’existence
d’un déplacement (écart interfragmentaire de plus de 2 mm ou décalage vertical su-
périeur à 1 mm) impose un traitement chirurgical pour obtenir une réduction anato-
mique. Le traitement de choix est la réalisation d’un vissage parallèle à l’interligne
articulaire et à la plaque de croissance, les vis pouvant être mises en percutané si la
qualité de la réduction par manœuvres externes l’autorise. Si le fragment métaphy-
saire est de taille suffisante, la ou les vis seront positionnées préférentiellement dans
la zone métaphysaire au-dessus de la plaque de croissance.
FRACTURES DE LA MALLÉOLE MÉDIALE 143

Les fractures parcellaires ou les fractures ostéochondrales de la malléole mé-


diale sont souvent des équivalents de fractures bimalléolaires. Le traitement peut
être orthopédique si la réduction est jugée satisfaisante. Dans le cas contraire, seules
des broches très fines peuvent traverser la plaque de croissance. Tout autre matériel
ne doit en aucun cas être transfixiant.

Sujet âgé

Bien que la littérature ne s’intéresse jamais à la fracture isolée de la malléole


médiale chez le sujet âgé, les indications thérapeutiques sont, à mon avis, différentes
chez le sujet âgé, chez qui l’ostéoporose fréquente peut compromettre la stabilité
d’un montage par vis. La réalisation d’un hauban peut être une solution technique
intéressante. Le montage par simple brochage n’a pas sa place, pas plus qu’il ne l’a
chez le sujet jeune.

FORMES ASSOCIÉES À D’AUTRES LÉSIONS (FRACTURES


BIMALLÉOLAIRES EXCEPTÉES)

Entorses latérales et atteinte tibiofibulaire

Le diagnostic et la prise en charge de l’entorse de cheville ont déjà été largement


débattus. La palpation systématique des repères osseux d’Ottawa et de la région du
ligament tibiofibulaire antérieur permet en toutes circonstances de diagnostiquer ces
lésions combinées. Dans les associations avec une atteinte osseuse de la malléole
médiale, l’indication thérapeutique est conditionnée par le choix concernant la mal-
léole médiale.

Luxation des tendons fibulaires

La luxation des tendons fibulaires est une étiologie rare, retrouvée dans moins de
1 % des traumatismes de la cheville. L’association avec une fracture de la malléole
médiale est encore plus exceptionnelle, mais elle est retrouvée dans la littérature
[13]. Selon Trizna et Roy, le mécanisme responsable est une adduction-inversion
forcée. Le tableau clinique associe des éléments en faveur d’une atteinte médiale
osseuse à des signes au niveau du compartiment latéral (gonflement, douleurs) sans
signes patents de fracture de la malléole latérale. L’examen dynamique des tendons
fibulaires est souvent difficile dans ce contexte. La sensation de claquement initial
du côté latéral est bien sûr évocatrice. L’analyse soigneuse du cliché radiographi-
que à la recherche de l’image en coup d’ongle pathognomonique de l’avulsion de la
coulisse des tendons fibulaires doit être systématique (figures 9 et 10). En l’absence
de cette image évocatrice, la suspicion d’une lésion associée des tendons fibu-
laires fera discuter la réalisation d’une échographie par des mains expérimentées
ou d’un CT-scan ; ces examens montrent alors l’avulsion de la coulisse des tendons
fibulaires sous forme d’une languette à charnière postérieure, les tendons pouvant
être en position luxée ou non. Cette association lésionnelle fait porter une indica-
tion chirurgicale quasi systématique, en raison du risque d’instabilité dynamique
séquellaire. Le traitement chirurgical associe une synthèse de la malléole médiale
144 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

et une réinsertion de la coulisse des tendons fibulaires sur le rebord antérieur, à


l’aide d’ancres ou de points transosseux (figure 11). Une botte plâtrée est habituelle
en post-opératoire pour une durée de 6 semaines, l’appui pouvant être repris au
bout de 3 à 4 semaines en fonction des lésions anatomiques.

Rupture du tendon du muscle tibial postérieur

L’association d’une rupture du tendon du muscle tibial postérieur et d’une frac-


ture de la cheville est rare, mais plus fréquente que les luxations des tendons fibulaires,
d’après le nombre de cas décrits dans la littérature (18 cas) [14–18]. Cette rupture
tendineuse peut s’associer à toutes les formes de fracture de la cheville, de l’atteinte
trimalléolaire à la fracture isolée de la malléole médiale (5 cas sur 18). L’examen
clinique ne pouvant être discriminant dans ce contexte de lésion fracturaire associée,
la méconnaissance de cette lésion est de règle en l’absence d’abord chirurgical du
compartiment médial et de vérification systématique de l’état tendineux. Uzel et al.
[14] décrivent 3 cas, tous de découverte fortuite en peropératoire.
Contrairement aux tendons fibulaires, la position rétromalléolaire du tendon tibial
postérieur le rend peu mobile et moins sujet aux luxations. Il est le plus médial des
tendons cheminant en arrière de la malléole médiale, et il est le plus prédisposé à la
rupture lors des traumatismes de la cheville en éversion forcée avec mise en tension
brutale du tendon. Il présente, selon Frey et al. [17], une zone avasculaire lors de son
passage en dessous et en arrière de la malléole médiale, mais qui ne semble pas être
le siège le plus fréquent de la rupture. Sur l’ensemble des observations décrites, les
constatations peropératoires font état d’un tendon sain ou pathologique, rompu en
regard du foyer de fracture (4 cas) ou au-dessus du foyer (14 cas, tous de fracture
isolée de la malléole médiale).
Dans les observations décrites, le diagnostic de lésion tendineuse n’avait jamais
été évoqué en pré-opératoire.
L’analyse des radiographies doit systématiquement faire rechercher un arrache-
ment ostéopériosté au-dessus de la malléole médiale, image en miroir de celle
que l’on connaît sur le versant latéral en cas de luxation des tendons fibulaires. Ce
fragment ostéopériosté décrit par certains auteurs [15,16] pourrait correspondre à
un arrachement partiel du rétinaculum des fléchisseurs, mais il n’est que rarement
retrouvé.
Le siège bas situé de la fracture de la malléole médiale pourrait être un facteur
favorisant, le tendon se rompant sur le bord tranchant du moignon malléolaire lors du
mouvement d’éversion forcée.
La découverte de cette lésion en peropératoire impose bien sûr la réparation du
tendon et une immobilisation pendant la phase de cicatrisation (6 semaines). Cette
réparation s’impose en raison du rôle fonctionnel majeur du muscle tibial postérieur
dans la statique et la dynamique du pied par stabilisation de l’arrière-pied et de la
voûte plantaire lors de la marche, mais aussi parce que des pseudarthroses de la
malléole médiale par interposition d’un fragment tendineux passé inaperçu ont été
décrites [18].
En conclusion, il faut garder à l’esprit que si le diagnostic et le traitement
chirurgical d’une fracture de la malléole médiale ne posent pas de difficulté par-
ticulière à qui sait palper un relief osseux et mettre une vis perpendiculairement à
FRACTURES DE LA MALLÉOLE MÉDIALE 145

un trait de fracture, il faut systématiquement rechercher les lésions associées qui


peuvent toucher tous les éléments anatomiques osseux, ligamentaires et tendineux
de voisinage.

Références

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18 Bos M. Acute disruption of the posterior tibial tendon associated with open fracture dislocation of the
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16
FRACTURES DU DÔME SUPÉROLATÉRAL
DU TALUS

J.-F. KOUVALCHOUK*

INTRODUCTION

Sans vouloir jouer les provocateurs, on peut dire d’emblée que les fractures du
dôme supérolatéral du talus ne doivent pas être classées dans « les fausses entorses »
car, dans la quasi-totalité des cas, sinon toujours, elles ne se produisent que dans
le cadre d’entorses graves de la cheville. Et, sans exagérer le paradoxe, on pourrait
même affirmer que ce sont les vraies et seules entorses graves, puisqu’elles ne peu-
vent exister que si les faisceaux antérieur et moyen du ligament collatéral latéral
(LCL) sont rompus et que s’ajoute aux lésions ligamentaires cette lésion osseuse qui
influe de façon essentielle sur la prise en charge thérapeutique initiale et qui elle-
même peut entraîner de lourdes séquelles.
Berndt et Harty [1] en ont apporté la preuve par leurs études cadavériques. Si,
pour les atteintes médiales du talus, leurs conclusions sont discutables, il n’en est pas
de même pour les lésions supérolatérales. Leurs conclusions sont claires : pour qu’il
se produise une fracture supérolatérale, il faut que le LCL soit rompu. Nous revien-
drons plus loin sur les points les plus importants de leur travail.
C’est aussi la raison pour laquelle, parmi tant d’autres, la classification de Trevino
et al. [2], bien que complexe, est sans doute la meilleure puisqu’elle isole un stade
propre (IVb) pour ce type d’association lésionnelle, ce que ne font pas les autres clas-
sifications. C’est là une source d’ambiguïté lorsqu’on lit les résultats des différentes
séries de la littérature, dans la mesure où, le plus souvent, ne sont envisagées que les
lésions ligamentaires ou les fractures du dôme talien, mais non leur association. Or,
là est tout le problème, notamment dans les formes récentes pour ce qui concerne leur
diagnostic, leur imagerie et leur traitement.
Ainsi, que l’on envisage la situation soit par le biais des lésions ligamentaires,
soit par celui de la fracture supérolatérale, il apparaît clairement que cette dernière

* Ancien chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologie du sport, hôpital Foch, 92150
Suresnes.
FRACTURES DU DÔME SUPÉROLATÉRAL DU TALUS 147

ne constitue pas une « fausse entorse », mais bien une authentique entorse grave et,
qui plus est, compliquée.

MÉCANISME LÉSIONNEL

En pratique, répétons-le, la fracture du dôme supérolatéral du talus ne peut se


produire que si les faisceaux antérieur et moyen du LCL sont rompus. L’inversion
forcée du pied comporte 3 mouvements primaires : l’extension du pied (ou flexion
plantaire), la supination et la rotation interne. Ce n’est que lorsque, par ce méca-
nisme, les faisceaux ligamentaires sont rompus que le talus bascule et tourne vers
le dedans. Le dôme supérolatéral du talus vient alors brutalement au contact de la
malléole fibulaire qui exerce un effet de cisaillement sur la crête du dôme.
Revenons sur les études cadavériques de Berndt et Harty [1]. Des contraintes pro-
gressives en inversion ont été appliquées sur des membres amputés. Dans un premier
temps, il n’existe qu’une impaction du dôme latéral du talus contre la malléole fibu-
laire, les ligaments étant encore intacts (stade I). Puis, les contraintes augmentant, le
LCL se rompt et, dès lors – mais dès lors seulement –, apparaissent les lésions os-
téochondrales : d’abord simple éclat incomplet (stade II), puis complet non déplacé
(stade III), déplacé (stade IIIa), enfin retourné de 180° mais revenu en place lors du
retour du talus dans la mortaise (stade IV).
Ainsi s’expliquent :
– la localisation exacte de la fracture talienne ;
– la morphologie de la lésion osseuse ;
– les différents types de déplacement.

FRACTURES RÉCENTES

Il est fondamental de ne pas méconnaître les fractures au stade initial, ce qui


est malheureusement trop souvent le cas, empêchant ainsi d’instituer un traitement
adapté et cohérent. Mais il est bien difficile d’en préciser la fréquence car, en dépit
des innombrables séries de la littérature consacrées aux entorses de la cheville, il
n’en est pas, à notre connaissance, qui permettent d’en établir le pourcentage. En
regard du nombre élevé d’entorses qui se produisent chaque jour (environ 6000 en
France dont 1200 considérées comme graves), ce pourcentage est sans doute faible,
source certainement de la négligence et de la méconnaissance dont ces fractures sont
l’objet.

Anatomopathologie

Le siège des fractures du dôme supérolatéral du talus est toujours identique,


conséquence de la bascule du talus et du contact de sa partie supérolatérale contre la
malléole fibulaire après la rupture ligamentaire. La fracture emporte la crête latérale
du dôme et, avec elle, la partie latérale de la poulie et la partie toute supérieure de la
joue latérale du talus. Elle est toujours située dans le segment antérieur de l’os.
148 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

C’est par un effet de « cisaillement » que la fracture se produit. Il s’agit donc


d’un fragment ostéochondral peu épais dans la très grande majorité des cas. Il se
compose du revêtement cartilagineux et d’une très mince couche sous-jacente d’os
sous-chondral et spongieux. Ce fait explique que la consolidation du fragment soit,
pour le moins, très aléatoire.
On observe parfois des contusions osseuses très bien décrites par l’imagerie par
résonance magnétique (IRM) [3]. Elles peuvent siéger dans la partie latérale du
dôme, conséquence du contact avec la malléole fibulaire (stade I de Berndt et Harty),
ou sur la partie médiale du dôme qui vient s’impacter sur le pilon tibial lors de ce
mouvement d’inversion. C’est là un problème tout différent qui, même s’il ne semble
pas avoir de conséquences à court terme [3], est peut-être à l’origine de séquelles
lointaines (nécrose partielle ou kyste intra-osseux).
Il a déjà été dit que le déplacement du fragment ostéochondral est variable. En
pratique, il est plus simple de définir ainsi les types de déplacement :
– fracture non déplacée, la plus fréquente ;
– fracture semblant non déplacée, mais retournement complet du fragment (180°) ;
– fracture déplacée avec corps étranger libre en intra-articulaire.

Clinique

Le tableau est toujours très spectaculaire. C’est celui d’un traumatisme grave de
la cheville associant tuméfaction majeure, ecchymoses très larges remontant jusqu’à
la partie inférieure de la jambe, impotence fonctionnelle marquée.
– L’interrogatoire doit préciser le mécanisme lésionnel : toujours une inversion
forcée, appuyée ou non appuyée. Tout autre mécanisme ne peut que faire évo-
quer d’autres lésions.
– L’inspection peut montrer une attitude vicieuse en inversion du pied, très évo-
catrice d’une lésion ligamentaire grave. Elle localise les ecchymoses périmal-
léolaires mais n’atteignant jamais la plante du pied (évocatrice d’une fracture
du calcanéus).
– La palpation est essentielle à la recherche des critères d’Ottawa : palpation
des malléoles et des régions sus-malléolaires. Elle est ici négative, éliminant
une fracture malléolaire. Encore faut-il préciser que, compte tenu de l’impor-
tance des manifestations locales, cette appréciation est souvent difficile.
– La recherche des mouvements anormaux est à proscrire car, devant ce tableau, on
ne peut pas toujours éliminer une fracture. À ce titre, les radiographies s’impo-
sent souvent d’emblée par précaution. De plus, en cas de fracture ostéochondrale
du dôme, cette recherche peut être cause de déplacement. Tout au plus peut-on
tester prudemment l’existence d’un mouvement de tiroir antérieur.
– L’étude de la marche révèle que le blessé, s’il peut marcher, ne peut toutefois
pas assurer les 4 demi-pas normaux qui entrent dans le cadre des critères
d’Ottawa.
Au total, cet examen clinique reste forcément limité. Même si le diagnostic d’en-
torse grave peut être posé, devant ce tableau, les radiographies s’imposent.
FRACTURES DU DÔME SUPÉROLATÉRAL DU TALUS 149

Examens complémentaires

Radiographies standard

Les radiographies standard sont, dans tous les cas, l’examen de première inten-
tion. Quatre clichés sont indispensables :
– face en rotation neutre ;
– face en rotation interne de 15°, seul moyen de parfaitement voir le dôme supé-
rolatéral du dôme et l’espace fibulotalien ;
– profil ;
– oblique externe du tarse pour étudier le médiopied et la base du 5e métatarsien.
Bien réalisées, ces radiographies standard suffisent à affirmer l’existence ou l’ab-
sence de fracture du dôme supérolatéral du talus. Dès 1977, Metges et al. [4] en avaient
bien précisé l’image radiologique : le raccordement du site fracturaire avec le dôme se
fait selon des angles obtus, contrairement aux ostéochondrites, où le raccordement se
fait selon des angles aigus (de plus, elles sont presque toujours de siège médial).
Elles suffisent aussi pour montrer si le fragment est non déplacé (figure 1),
retourné de 180° mais en place (figure 2), ou déplacé (figure 3).

Figure 1. Radiographie standard d’une Figure 2. Radiographie standard d’une


fracture non déplacée. fracture retournée de 180° mais en place.

Figure 3. Radiographie standard d’une fracture déplacée.


150 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Ces radiographies éliminent par ailleurs les fractures malléolaires ou du pilon


tibial, les arrachements osseux des insertions ligamentaires, ou encore ne font
que montrer des remaniements anciens, si fréquents dans la cheville dite « du
sportif ».

Radiographies en positions forcées

Ces radiographies sont à proscrire formellement, d’une part parce que ce se-
rait prendre un risque majeur de déplacer le fragment ostéochondral vu sur les
radiographies standard, et d’autre part parce que l’on sait maintenant leur absence
totale de fiabilité dans les entorses récentes

Échographie

Si elle est nécessaire, l’échographie est le meilleur moyen, le plus simple et le


moins cher, de préciser exactement les lésions ligamentaires, leurs types et leurs
niveaux. Cet examen a donc toute sa place, mais il ne saurait remplacer les radio-
graphies standard puisqu’une fracture du dôme ne peut être mise en évidence.

Tomodensitométrie

La tomodensitométrie (TDM) est l’examen fondamental au moindre doute. En effet,


le faible volume de l’os sous-chondral rend parfois sa visibilité incertaine sur les
clichés standard. Or, le doute ne saurait être permis et la TDM constitue l’imagerie
de certitude (figure 4).
Si les radiographies ont montré l’existence d’une fracture ostéochondrale, elle est
également indiquée. Elle en permet l’analyse très exacte : volume et déplacement.
Elle a donc, dans ce cadre, une indication majeure dont pourra dépendre la thérapeu-
tique. En revanche, au stade aigu, l’arthroscanner n’a pas sa place.

Figure 4. Tomodensitométrie d’une fracture ostéochondrale.


FRACTURES DU DÔME SUPÉROLATÉRAL DU TALUS 151

IRM

L’IRM n’offre guère d’intérêt car, si elle montre les lésions ligamentaires – ce que
fait au moins aussi bien l’échographie, plus facile d’accès et moins coûteuse –, en
revanche elle ne permet pas l’analyse osseuse précise, dans l’état actuel de la tech-
nique. Certes, il existe des modifications majeures du signal, mais dont on ne peut
déduire ni l’existence certaine d’une fracture, ni son déplacement éventuel. L’arthro-
IRM, pas plus que l’arthroscanner, n’a de place.

Traitement

Une vraie discussion s’ouvre ici, car aucune série de la littérature ne fait précisé-
ment référence au traitement initial des lésions récentes associant ruptures ligamen-
taires graves et fracture ostéochondrale. Il convient donc de faire appel au simple bon
sens et à l’expérience personnelle afin de choisir parmi les différentes méthodes celle
qui paraît la mieux adaptée pour traiter cette association lésionnelle, en en rappelant,
pour chacune, technique, avantages et inconvénients.

Traitement orthopédique

Le traitement orthopédique consiste en une immobilisation plâtrée de 6 semaines


avec l’objectif de permettre la cicatrisation ligamentaire et la consolidation du
fragment ostéochondral. Il est certain que la cicatrisation ligamentaire sera obtenue,
mais on sait bien maintenant que, pour ce faire, l’immobilisation stricte n’est pas
indispensable et, de plus, qu’elle entraîne raideur et troubles trophiques, souvent
longs à disparaître. Mais, et c’est le plus important, en raison de la distribution
vasculaire du dôme talien (voir ci-après) et du faible contingent osseux du fragment
fracturé, la consolidation est très peu probable et même impossible si le fragment
est retourné de 180°. Dans leur série d’entorses graves traitées orthopédiquement,
Tourné et al. [5] excluent de leurs indications l’association à une fracture du dôme
supérolatéral.

Traitement fonctionnel

Le traitement fonctionnel est maintenant reconnu comme étant le traitement


de choix des entorses de la cheville. Après une courte immobilisation destinée à
diminuer les manifestations locales, il consiste en une immobilisation dans une
orthèse amovible avec mobilisation et appui précoces. Là encore, la cicatrisation
ligamentaire sera obtenue, mais le fragment fracturé n’a aucune chance de conso-
lider. Certes, on peut envisager secondairement son ablation arthroscopique, mais
on ne peut méconnaître les difficultés possibles entraînées par sa présence pour un
traitement fonctionnel conduit d’emblée dans les règles, surtout s’il est de quel-
que importance ou déplacé. Dans leur remarquable travail sur le traitement des
entorses récentes qui reste une référence, Kannus et Renström [6] concluent que
le traitement fonctionnel est la meilleure indication sauf s’il existe une fracture
ostéochondrale.
152 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Traitement chirurgical

Traitement arthroscopique
Le traitement arthroscopique des lésions ostéochondrales du dôme talien a été
abondamment abordé dans la littérature, y compris celui des fractures parcellaires
récentes, pour dire qu’il est facile de réaliser l’ablation du fragment s’il est petit, ou
sa reposition s’il est de plus grande taille. Mais il n’est jamais précisé, même dans les
publications récentes [7,8] :
– s’il doit être réalisé d’emblée ou secondairement et, dans ce cas, après quel
traitement initial des lésions ligamentaires ;
– s’il est réalisé d’emblée, quel traitement choisir ensuite pour les lésions liga-
mentaires.
Pour ce qui concerne les lésions récentes, il est licite de faire quelques objections.
Tout d’abord, réaliser immédiatement une arthroscopie sur cette grosse cheville tu-
méfiée et comportant de très grosses brèches capsuloligamentaires est très discutable,
et est même susceptible d’entraîner quelques complications et, de toute façon, de re-
tarder la prise en charge fonctionnelle des lésions ligamentaires. Ensuite, on a vu plus
haut les critiques que l’on pouvait faire d’une attitude inverse : traitement des lésions
ligamentaires d’abord, et celui de la fracture ostéochondrale secondairement.

Traitement chirurgical à ciel ouvert


Ce type de traitement est, pour nous et depuis longtemps, le traitement de choix
[9]. Il permet dans le même temps, et par la même voie d’abord, de traiter :
– la lésion ostéochondrale. Dans la très grande majorité des cas, du fait de sa fai-
ble profondeur et du mince contingent osseux sous-chondral (figure 5), l’abla-
tion simple s’impose. Il est très rare qu’une ostéosynthèse soit justifiée. Par
ailleurs, le lavage articulaire permet d’évacuer d’éventuels petits fragments
cartilagineux purs ;

Figure 5. Aspect opératoire d’une fracture supérolatérale.


FRACTURES DU DÔME SUPÉROLATÉRAL DU TALUS 153

– les lésions ligamentaires, par suture simple. Il n’est plus à prouver la qualité des
résultats de la chirurgie à ce propos, puisque, pendant des décennies,
elle a été considérée comme le « gold standard » même si ce n’est plus le cas
actuellement.
Après une courte immobilisation post-opératoire de quelques jours, le traitement
fonctionnel est entrepris sous couvert d’une orthèse amovible.
Dans les quelques cas que nous avons ainsi traités, les résultats ont toujours été
excellents, vérifiés à terme cliniquement et par l’imagerie (radiographies standard,
en positions forcées et par arthroscanner) (figure 6). Mais, il faut le répéter, cette
association lésionnelle est rare, interdisant, par ce fait même, de présenter une série
statistiquement valable.

Figure 6. Radiographie de contrôle post-opératoire tardive en position forcée montrant l’absence de


laxité et l’importance minime du défect après excision du fragment ostéochondral.

FRACTURES ANCIENNES

La fracture est le plus souvent découverte à ce stade, sous la forme d’une pseu-
darthrose source de douleurs, aiguës ou chroniques, d’instabilité, de dérangements
articulaires, voire de blocages.

Anatomopathologie

Il importe de se rappeler l’anatomopathologie de la fracture et, notamment, sa pe-


tite taille et la faible épaisseur de l’os sous-chondral. Mais il s’y ajoute la particularité
de la vascularisation du dôme du talus.

Vascularisation du dôme du talus

De très nombreuses études anatomiques ont été consacrées à la vascularisation


du talus. Sans entrer dans le détail, on sait que l’essentiel de l’apport vasculaire
154 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

vient de l’artère tibiale postérieure par l’intermédiaire d’une branche pénétrant le


sinus du tarse et se distribuant dans le corps de l’os. L’artère dorsale du pied, bran-
che de l’artère tibiale antérieure, irrigue la tête, et un faible contingent vasculaire
venu de l’artère fibulaire se distribue dans la partie inférolatérale de la tête et du
col. De nombreuses anastomoses existent entre ces différents apports, notamment
dans la partie médiale du talus. Mais le fait remarquable, bien mis en évidence par
les études en micro-angiographie réalisées par Mulfinger et Trueta [10], est que la
vascularisation du dôme est terminale et, surtout, très pauvre. De plus, aucune circu-
lation de suppléance n’existe dans la mesure où il n’y a pas d’insertion musculaire,
le talus étant en majeure partie recouvert de cartilage. Cette pauvreté de l’apport
artériel est la cause des difficultés de consolidation des fractures parcellaires inté-
ressant le dôme du talus, d’autant plus que la fracture ne comporte que très peu d’os
sous-chondral.

Pseudarthrose du fragment ostéochondral

La pseudarthrose du fragment ostéochondral est l’évolution habituelle de la frac-


ture du dôme supérolatéral. Le plus souvent, le fragment est en place, parfois retourné
de 180°, comme il a déjà été dit. Plus rarement, il est déplacé soit dans l’espace tibio-
fibulaire inférieur, soit dans l’interligne talofibulaire. Parfois, surtout si l’évolution
s’est longtemps poursuivie, il existe dans la zone du talus sous-jacente à la fracture
des remaniements sous forme de géodes, évoquant des lésions dystrophiques ou
nécrotiques telles que l’on peut en observer dans les localisations supéromédiales,
secondaires à des phénomènes de contusion locale.

Clinique

Si ce n’est l’antécédent bien banal d’entorse, il n’existe pas de signes particu-


lièrement évocateurs. Tout se résume à une cheville douloureuse plus ou moins
chronique, émaillée parfois de crises articulaires plus aiguës, notamment dans les
suites de nouveaux traumatismes. Des sensations d’instabilité, des phénomènes de
blocage fugitif, des gonflements articulaires peuvent enrichir le tableau, mais, au
total, il n’y a rien de très significatif.
L’examen clinique n’est guère plus riche. Il doit se dérouler selon le protocole
complet obligatoire devant toute cheville chronique, à la recherche des pathologies
possibles, post-traumatiques ou non. Deux points sont toutefois à préciser :
– la palpation du dôme peut être douloureuse : il est accessible lorsque l’on
place le pied en extension maximale, d’autant que la lésion est toujours
antérieure ;
– la recherche des mouvements anormaux (tiroir antérieur et varus forcé) est es-
sentielle. Le plus souvent négative, car les lésions ligamentaires ont cicatrisé,
elle est parfois positive en cas de laxité chronique résiduelle. C’est l’occasion
de préciser qu’il ne faut pas confondre l’instabilité (signe fonctionnel) et la
laxité (donnée de l’examen clinique).
Le plus souvent, on se trouve donc devant un tableau bâtard. C’est dire que les
examens complémentaires sont indispensables.
FRACTURES DU DÔME SUPÉROLATÉRAL DU TALUS 155

Examens complémentaires

Radiographies standard

Toujours examen de première intention, les radiographies standard imposent de


réaliser les 4 clichés indiqués plus haut. Dans la très grande majorité des cas, ils
suffisent à affirmer le diagnostic, montrant clairement le fragment pseudarthrosé en
place ou déplacé (figure 7). Mais il ne faut pas s’arrêter à ce stade.

Figure 7. Radiographie standard d’une pseudarthrose (même patient que figure 2).

Radiographies en positions forcées

Ces radiographies ont ici toute leur place, contrairement à ce qui a été dit pour les
lésions récentes. À distance de tout traumatisme, leur interprétation est fiable, quelle
que soit la technique utilisée (manuelle, instrumentale par le Télos® ou en autovarus).
Il est en effet fondamental pour le traitement ultérieur de savoir s’il existe ou non une
laxité chronique.

Arthroscanner

Plus qu’au scanner simple qui ne ferait que montrer le contingent osseux
du fragment, c’est à l’arthroscanner qu’il faut recourir. Il est irremplaçable, car
c’est le seul moyen de prouver formellement la pseudarthrose par le passage du
liquide de contraste entre le fragment et le dôme du talus (figure 8). Il permet,
de plus, de préciser exactement sa morphologie et sa localisation. En outre,
lorsqu’il existe des remaniements dystrophiques dans le corps même du talus
au-dessous de la fracture, l’arthroscanner en apprécie parfaitement l’étendue et
la profondeur (figure 9).
156 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

Figure 8. Arthroscanner du même patient que la figure 7 montrant qu’il s’agit d’un fragment retourné
de 180°.

Figure 9. Arthroscanner d’une fracture ancienne avec remaniements de l’os sous-jacent.

IRM

Malgré tous les progrès de la technique et l’apport plus récent de l’arthro-IRM,


l’IRM ne permet pas une analyse aussi précise que l’arthroscanner (figures 10 et 11).
Pour nous, elle n’a d’intérêt que dans le cadre d’un examen global de la cheville lors-
que clinique et radiographies standard ne permettent pas de conclure. Tout comme la
scintigraphie d’ailleurs, elle localise le problème, ce qui est parfois nécessaire, mais,
à titre pré-opératoire, elle ne saurait suffire.

Traitement

La pseudarthrose étant affirmée, il n’est d’autre possibilité que chirurgicale. La


technique à choisir dépend de 2 éléments :
– existe-t-il des remaniements importants de l’os sous-jacent ?
– existe-t-il une laxité chronique associée ?
FRACTURES DU DÔME SUPÉROLATÉRAL DU TALUS 157

Figure 10. IRM d’une pseudarthrose. Figure 11. Arthroscanner du même patient
que la figure 10. Noter la différence des
informations fournies.

Traitement arthroscopique

En l’absence de laxité chronique – cas le plus fréquent – et de remaniements


graves sous-jacents, c’est l’arthroscopie qu’il faut utiliser. Sans entrer dans les détails
techniques, il suffit ici de réaliser l’ablation du fragment et d’aviver la niche. Un
tissu fibreux viendra combler le défect, toujours peu profond, sans qu’il soit besoin
de recourir à une greffe, quelle qu’elle soit. Le faible volume du fragment excisé
n’entraîne aucune séquelle sur le plan de la fonction articulaire. Tous les auteurs sont
d’accord sur ce point [7,8,11]. Cependant, si l’évolution s’est longtemps prolongée,
il peut persister une discrète limitation de la flexion du pied.

Traitement chirurgical à ciel ouvert

S’il existe une laxité chronique et/ou des remaniements graves de l’os sous-jacent,
c’est la chirurgie conventionnelle qu’il faut choisir pour, dans le même temps et la
même voie d’abord, réaliser les gestes osseux nécessaires et la plastie ligamentaire. Si
le fragment pseudarthrosé est simple, il suffit d’en faire l’ablation et d’aviver la niche.
S’il existe des lésions osseuses sous-jacentes, le curetage simple ne saurait suffire
si elles sont profondes. Dans ce cas, il existe 2 options : soit le comblement par des
greffons spongieux prélevés sur l’épiphyse tibiale inférieure [12], soit, depuis plus
récemment, le transplant de greffons ostéochondraux selon la technique de la mosaic
plasty [13]. Il reste ensuite à traiter la laxité chronique. Pour nous, il s’agira toujours
d’une retension-réinsertion, éventuellement renforcée par un lambeau de périoste. Les
plasties à partir du court fibulaire, quelle que soit la méthode, nous semblent condam-
nables puisque le prélèvement tendineux, qu’il soit partiel ou total, lèse le tendon du
seul muscle éverseur actif du pied, protecteur des contraintes en inversion.

CONCLUSION

C’est au stade aigu qu’il faut impérativement reconnaître et traiter les fractures du
dôme supérolatéral qui surviennent toujours dans le cadre d’une entorse grave de la
cheville. Des radiographies standard bien faites et bien lues suffisent au diagnostic.
158 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

C’est à ce stade que le fragment fracturé doit être enlevé. Le mieux est de le faire
chirurgicalement pour, dans le même temps, traiter les lésions ligamentaires.

Références

1 Berndt AL, Harty MT. Transchondral fractures (osteochondritis dissecans) of the talus. J Bone Joint Surg
1959 ; 41-A : 988-1020.
2 Trevino SG, Davies P, Hecht PJ. Management of acute and chronic lateral ligament injuries. Orthop Clin
North Am 1994 ; 25 : 1-16.
3 Alanen V, Taimela S, Kinnunen J, Koskinen S, Karaharju E. Incidence and clinical significance of bone
bruises after supination injury of the ankle. J Bone Joint Surg 1998 ; 80-B : 513-5.
4 Metges PJ, Delahaye RP, Mine J, Doury P, Pattin S. Un signe radiologique intéressant dans le diagnos-
tic différentiel : ostéochondrose disséquante et fracture parcellaire de l’astragale. Médecine et Armées
1977 ; 5 : 555-8.
5 Tourné Y, Corral L, Fornasiéri C, Verjux T, Charbel A, Saragaglia D. Le traitement orthopédique des en-
torses graves de la cheville : à propos d’une série continue de 90 cas. J Traumatol Sport 1999 ; 16 : 81-8.
6 Kannus P, Renström P. Current concepts review. Treatment for acute tears of the lateral ligaments of the
ankle. J Bone Joint Surg 1991 ; 73 A : 305-12.
7 Delcour JP, Messens S, Lallemand B. Arthroscopie de la cheville pour lésion articulaire chez le sportif.
In : Rodineau J, Saillant G, eds. Arthroscopie thérapeutique en traumatologie du sport. Paris : Masson ;
2005. p. 227-46.
8 Herman S, Lefevre N. Lésions ostéochondrales du dôme du talus (LODT). In : Rodineau J, Rolland E,
eds. Séquelles des traumatismes articulaires chez les sportifs. Paris : Masson ; 2007. p. 243-54.
9 Vernet P, Kouvalchouk JF. Entorses de la cheville. Discussion sur les indications thérapeutiques. J Trau-
matol Sport 1986 ; 3 : 161-9.
10 Mulfinger GI, Trueta J. The blood supply of the talus. J Bone Joint Surg 1970 ; 52 B : 160-7.
11 Bonnomet F, Clavert P, Jobard D, Lacaze F, Colin F, Kempf JF. Aspects actuels de l’arthroscopie de
cheville. J Traumatol Sport 1998 ; 15 : 91-100.
12 Kouvalchouk JF, Schneider-Maunoury G, Rodineau J, Paszkowski A, Watin-Augouard L. Les lésions
ostéochondrales du dôme astragalien avec nécrose partielle. Leur traitement chirurgical par curetage et
comblement. Rev Chir Orthop 1990 ; 76 : 480-9.
13 Hangody L, Kisch G, Szerb I, Gaspar L, Dioszegi Z, Kendik Z. Mosaic plasty for the treatment of osteochon-
dritis dissecans of the talus : two to seven years results in 36 patients. Foot Ankle Int 2001 ; 22 : 552-8.
17
FRACTURES DE LA BASE DU
5E MÉTATARSIEN : QUEL(S)
TRAITEMENT(S) ?

,
S. BESCH* ***, M. PEYRE*, J. RODINEAU**, B. RIOU***

INTRODUCTION

Les lésions de la base du 5e métatarsien se rencontrent fréquemment en trauma-


tologie en raison de la diversité des mécanismes, souvent peu violents, pouvant les
provoquer : traumatismes directs (chute d’un objet ou réception de saut d’un joueur
sur le pied de la victime), ou indirects (faux pas, mauvaise réception d’un saut, sim-
ple surcharge fonctionnelle).
Si l’examen clinique évoque facilement le diagnostic (douleurs situées au bord
latéral du médiopied, gonflement local, douleurs au cours du ½ pas postérieur,
à la contraction résistée des tendons fibulaires, douleur élective à la palpation),
l’examen radiologique est l’élément clé de la réflexion, car il permet d’affirmer
la lésion suspectée et de préciser certaines caractéristiques essentielles au choix
thérapeutique :
– fracture extra-articulaire ou non ?
– topographie exacte : apophyse styloïde ? Articulation cuboïdométatarsienne ?
Jonction épiphysométaphysaire ?
– déplacement ?
– ancienneté de la lésion ?
Ainsi, aborder le problème du traitement des fractures de la base du 5e métatar-
sien passe d’abord par la connaissance précise de la typologie de cette lésion.

* Service de médecine physique et de réadaptation, hôpital National, 14, rue du Val-d’Osne, 94410
Saint Maurice.
** Service de médecine physique et de réadaptation, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boule-
vard de l’Hôpital, 75013 Paris.
*** Service d’Accueil des Urgences, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital,
75013 Paris.
160 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

RAPPELS ANATOMIQUES [4,19,21,22,24,38,45,48,50,52,53,58]


Rapports osseux
Les 4e et 5e métatarsiens répondent aux 2 facettes du cuboïde. Le 5e métatarsien
est uni au 4e par une arthrodie.

Moyens d’union

Outre la capsule articulaire, un important réseau ligamentaire dorsal et plantaire


relie solidement le 4e métatarsien au 5e et au cuboïde. Ce puissant amarrage explique,
selon Jones, que les luxations cuboïdométatarsiennes soient bien plus exceptionnel-
les que les fractures de la base du 5e métatarsien.

Insertions

On trouve, de proximal en distal :


– une expansion de l’aponévrose plantaire qui s’étend du tubercule externe du
calcanéus jusqu’à la base du 5e métatarsien ;
– l’insertion du tendon du court fibulaire qui s’étale sur une large zone (4 fois le
diamètre du tendon) ;
– plus en aval, s’insère le tendon du péronier antérieur à la face supéro-externe
du 5e métatarsien ;
– les muscles interosseux plantaires et dorsaux, se situant au niveau de la
diaphyse du 5e métatarsien.
Comme l’a souligné Lambert [21], on ne trouve aucune insertion musculaire
à la jonction métaphysodiaphysaire, contrairement à l’épiphyse et la diaphyse, ce
qui contribue à, et/ou est la conséquence de la pauvreté du réseau vasculaire local.

Vascularisation

On reconnaît 2 réseaux autour du 5e métatarsien :


– le système extra-osseux, situé pour l’essentiel à la face médiale du 5e métatar-
sien, chargé de la circulation des tissus péri-articulaires ; il joue un rôle discret
dans la vascularisation intraosseuse ;
– le système intra-osseux, composé :
• d’un plexus périosté formant une myriade de fines artères parallèles à la
diaphyse ;
• de l’artère nourricière, pénétrant dans l’os à la jonction moyen–
proximal de la diaphyse ; elle donne de petites branches proximales et une
longue branche distale qui va jusqu’à la tête ;
• de vaisseaux métaphysaires et épiphysaires provenant de branches capsu-
laires tarsométatarsiennes et métatarsophalangiennes.
Finalement, la vascularisation de la base du 5e métatarsien n’est assurée que par
un faible réseau constitué des artères métaphysaires et de quelques branches termi-
nales de l’artère nourricière.
FRACTURES DE LA BASE DU 5E MÉTATARSIEN : QUEL(S) TRAITEMENT(S) ? 161

L’interruption par une fracture de ce système précaire, notamment au niveau de la


jonction épiphysodiaphysaire, peut contribuer à altérer le processus de consolidation.

Centre d’ossification

Il existe un foyer d’ossification secondaire au niveau de la partie proximale du


5e métatarsien, pouvant parfois être confondu avec un trait de fracture. Il apparaît en
général vers l’âge de 7 à 8 ans et est fusionné à 16 ans. Certains le disent inconstant,
absent chez plus d’l sujet sur 2.

Variantes anatomiques

Deux sésamoïdes ont été décrits, à distinguer eux aussi d’une fracture-arrachement :
– l’os peroneum, situé dans le tendon du long fibulaire, adjacent au cuboïde
présent dans environ 15 % des cas ;
– l’os vesal, situé dans le tendon du court fibulaire, plus rare, car retrouvé seule-
ment dans 0,1 % de la population.

HYPOTHÈSES BIOMÉCANIQUES [2,19,21,22,24,26,29,43,52,53,57]

Avant la description faite par Jones, les fractures de la base du 5e métatarsien


étaient considérées comme relevant d’un seul mécanisme par choc direct. Depuis, la
responsabilité d’un traumatisme indirect en flexion plantaire–inversion du pied dans
la genèse de cette fracture a été admise.
Les nombreuses observations rapportées ont permis de souligner l’existence de
3 zones fracturaires distinctes :
– fracture-avulsion extra-articulaire de la tubérosité ;
– fracture articulaire de la région épiphysaire cuboïdométatarsienne – la plus
fréquente ;
– fracture métaphysodiaphysaire, située à la limite distale entre le 4e et le 5e mé-
tatarsiens (fracture de Jones ou de fatigue).
Plusieurs hypothèses biomécaniques faites à partir d’études expérimentales ou de
constats peropératoires ont tenté d’expliquer la topographie et l’évolution possible
de ces lésions :
– l’hypothèse d’une traction excessive du court fibulaire lors d’un mouvement
d’inversion proposée par les premiers auteurs semble écartée. L’implication de
l’expansion de l’aponévrose plantaire dans la survenue des fractures de la pointe
de la styloïde ± avulsion paraît plus probable pour les raisons suivantes :
• elle s’insère là où se produisent les avulsions, tandis que l’insertion du ten-
don du court fibulaire se situe plus bas. Les constats peropératoires confir-
ment ces localisations ;
• le déplacement de l’avulsion n’est pas si fréquent, malgré une importante
force de traction du court fibulaire sur la base du 5e métatarsien ;
• l’ablation du fragment avulsé est sans conséquence sur la fonction du court
fibulaire ;
162 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

• Richli et Rosenthal [43], dans une étude cadavérique, ont provoqué une
fracture de la styloïde métatarsienne après application d’une force en
flexion plantaire et inversion à l’avant-pied, calcanéus stabilisé ; la repro-
duction du même mécanisme après section de l’aponévrose plantaire n’a
provoqué aucune lésion, tendon du court fibulaire intact ou sectionné. Les
mêmes auteurs ont pu constater que la localisation et l’orientation de la
fracture correspondaient à l’insertion de la corde latérale de l’aponévrose,
perpendiculaire à l’axe de traction ;
• Peason (cité in [22]) aurait provoqué expérimentalement des fractures-
avulsions de l’apophyse styloïde après avoir fixé le tendon du court fibu-
laire et appliqué une force d’inversion sur l’arrière-pied ;
– les fractures de Jones se situent entre l’insertion du péroné antérieur et du ten-
don du court fibulaire, à environ 2 cm de la base métatarsienne ; elles seraient
provoquées par une force verticale (lors de la marche contraintes maximales
au proximal de la diaphyse et concentrées sur la corticale externe) ou mé-
diolatérale appliquée à la face latérale du pied, le talon étant surélevé.

CLASSIFICATION DES FRACTURES DE LA BASE DU 5E


MÉTATARSIEN [21,22,34,41,52,54,55,63]

Comme pour toute fracture, une classification des lésions a été proposée. La to-
pographie a pu intéresser certains. Torg [54,55], ayant remarqué la lenteur évolutive
de certaines lésions, notamment celles situées à la jonction métaphysodiaphysaire,
a surtout insisté sur le démembrement des éléments sémiologiques et radiologiques
permettant d’établir une datation de la lésion (tableau 1).
Les cas cliniques rapportés ultérieurement lui ont donné raison : les fractures
métaphysodiaphysaires posent des problèmes diagnostiques ; c’est l’analyse fine du
contexte et de l’image qui va faire la distinction entre une lésion récente (fracture de
Jones), une fracture de fatigue « fraîche », un retard de consolidation et une pseu-
darthrose. Selon le diagnostic, les choix thérapeutiques seront différents.

TRAITEMENT

Le traitement des fractures de la base du 5e métatarsien varie selon la localisation


et l’ancienneté de la lésion.

Tableau 1 - Classification de Torg [55]


– Fracture récente
• Absence d’antécédents de fracture
• Radiographie : absence de sclérose intramédullaire, trait de fracture fin
– Retard de consolidation
• Antécédents de fracture ou de traumatisme
• Radiographie : trait de fracture large, sclérose intramédullaire
– Pseudarthrose
• Antécédents de traumatismes à répétition
• Radiographie : fracture large avec réaction périostée, fermeture complète du canal médullaire
FRACTURES DE LA BASE DU 5E MÉTATARSIEN : QUEL(S) TRAITEMENT(S) ? 163

Fracture-avulsion extra-articulaire et fracture épiphysaire


[4,8,10,13,16,22,24,32,33,38,39,42,51,53,61]

Il est parfois difficile de connaître la nature exacte des lésions étudiées dans cer-
tains travaux car ils font communément référence à des « fractures de la base » sans
aucune autre précision. Ce constat s’applique également à la plupart des publications
portant sur les fractures épiphysaires qui sont rarement dissociées des avulsions,
malgré le caractère articulaire de certaines, ce qui laisse présager des complications
potentielles fort différentes… et donc pouvant peut-être justifier de mesures théra-
peutiques plus ciblées.
Dans l’essentiel de la littérature, un certain flou existe quant à la prise en charge
de ces fractures (tableau 2). Seuls 2 auteurs se montrent plus précis dans leurs indi-
cations et/ou étude (tableau 3).
Paradoxalement, malgré la diversité des prises en charge, l’évolution de ces frac-
tures semble globalement favorable, comme le montrent les résultats et/ou constats
rapportés dans le tableau 4.
Ces résultats sont dans l’ensemble assez globaux. Les écarts importants dans les
délais de consolidation (4,7–12 semaines) soulignent l’absence de critères précis
permettant de la définir de manière homogène : indolence clinique ? Début de cal
radiologique ? Consolidation radiologique avancée ?
Par ailleurs, les complications semblent rares. Or, l’expérience montre que l’évo-
lution des fractures articulaires ne présente pas une complète similitude avec celle
des fractures extra-articulaires : déplacement secondaire plus fréquent, séquelles
douloureuses. Par conséquent, la notion de protocole standard applicable aux
2 lésions, telle qu’elle est proposée dans les publications, mérite d’être rediscutée à
partir d’études plus ciblées.
En attendant, outre les caractéristiques de chaque patient (âge, niveau d’activité,
état de santé) susceptibles d’influencer la compliance au traitement, il paraît plus
logique de proposer une immobilisation stricte aux fractures épiphysaires articu-
laires non déplacées pour une durée de 4 à 6 semaines plutôt qu’une immobilisation
relative. L’appui doit être supprimé au moins les 2 à 3 premières semaines pour
éviter tout risque de déplacement secondaire provoqué par la traction du tendon du
court fibulaire.
Les fractures articulaires déplacées doivent être réduites et fixées.
Des questions demeurent auxquelles la littérature n’apporte pas de réponse :
– devant un retard de consolidation radiologique avec séquelles douloureuses,
quel est le délai raisonnable d’attente pour obtenir une possible indolence
avant de proposer un traitement chirurgical ?
– quelle est l’évolution des patients opérés ?

Fracture métaphysodiaphysaire

Ces fractures ont fait couler beaucoup d’encre [1,3-6,7,9,11–15,17–28,30–32,35–


38,40,44,46,47,49,52,53,56,59,60,62–64]. Une des raisons principales en est la
164 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

confusion faite avec les fractures de fatigue situées dans la même région. La classifi-
cation établie par Torg a permis de faire la distinction.

Tableau 2 - Diversité des prises en charge

Auteurs Traitement conservateur Traitement chirurgical

Stewart [52] (n=51) Semelle, strapping Si fracture comminutive ou avulsion


d’un large fragment

Pearson (n=146) Bandage, chaussure à semelle Si fragment déplacé


rigide ou plâtre
Infiltration de corticoïdes
parfois préférable au strapping
ou au plâtre

Dameron [4] (n=100 Bandage élastique ± appui


fractures de la « base ») partiel si douleurs
Parfois botte plâtrée avec
appui

Rettig [42] (n=8) Traitement conservateur En cas d’échec du traitement


conservateur
Excision si microfragment
Vissage si fragment > 30 % surface
articulaire

Lawrence [24] Semelle rigide, botte plâtrée, Si fragment > 30 % surface articulaire
bandage compressif Ou déplacement > 2 mm
Excision si microfragment
symptomatique

Holubec [13] (n=32) Botte plâtrée avec appui


4 semaines

Quill [38] Bandage compressif + semelle


rigide
Ou botte plâtrée avec appui
Ou orthèse
Durée : 3 à 6 semaines

O’Shea [32] (n=13) Botte plâtrée 6 semaines, sans Si fracture articulaire avec avulsion
appui les 3 premières semaines

Clapper [3] (n=68) Chaussure à semelle rigide


Ou botte plâtrée avec appui

Wiener [61] (n=60) Botte plâtrée avec appui


partiel (cannes anglaises)
Ou strapping

Stayer [51] Botte plâtrée Si déplacement


Ou orthèse Ou avulsion > 30 % surface articulaire
Ou chaussure à semelle rigide
Appui selon tolérance
Durée : 3 à 6 semaines

Rammelt [39] Traitement initial par plâtre


jusqu’à diminution du
gonflement suivi du port d’une
orthèse pendant 6 semaines

Van Aaken [56] (n=23 dont Bandage élastique, AINS,


15 fractures-avulsions) mise en charge progressive
FRACTURES DE LA BASE DU 5E MÉTATARSIEN : QUEL(S) TRAITEMENT(S) ? 165

Tableau 3 – Protocoles plus spécifiques


Auteurs Traitement proposé

Laroche [22] – Fracture extra-articulaire non déplacée


• sujet jeune : botte plâtrée sans appui 3 semaines
• sujet âgé : contention + chaussure avec bon maintien
– Fracture extra-articulaire déplacée
• chirurgie (ancre > mini-vis) puis décharge 3 semaines
– Fracture articulaire
• non déplacée : botte plâtrée sans appui 6 semaines puis
strapping et chaussage avec bon maintien jusqu’à la fin du
3e mois
• écart interfragmentaire : chirurgie

Egol [23] (n=50) Chaussure à semelle rigide et appui selon tolérance ; pas de chaussette
50 % articulaire, 50 % extra- de contention
articulaire
34 avec déplacement < 2 mm,
16 avec déplacement > 2 mm

Fracture traumatique récente (fracture de Jones)

Pour la plupart des auteurs, cette fracture se situe à la limite distale de l’articula-
tion entre le 4e et le 5e métatarsiens, soit à environ 1,5 à 2 cm de la styloïde, en aval
de l’insertion du tendon du court fibulaire.
Le mécanisme lésionnel décrit est soit une inversion du pied avec talon surélevé
(description princeps de Jones), soit une adduction de l’avant-pied.
Deux faits caractérisent cette fracture :
– des délais souvent longs pour obtenir une consolidation, principalement avec
un traitement conservateur (tableau 5) ;
– la fréquence des complications évolutives, en particulier retard de consolida-
tion et pseudarthrose, pouvant s’expliquer par la pauvreté de la vascularisation
locale, mais aussi par les sollicitations appliquées au bord externe du pied lors
de la marche (tableau 6).
La tendance est, parmi l’ensemble des auteurs, à proposer :
– un traitement orthopédique par botte plâtrée sans appui lorsque la fracture
n’est pas déplacée pour une durée qui reste variable :
• de 6 à 8 semaines pour certains ;
• de 4 semaines sans appui puis 2 semaines avec appui pour d’autres.
– un traitement chirurgical (vissage centromédullaire, broche, agrafes) :
• soit de manière systématique pour certains, compte tenu des risques
évolutifs ;
• soit en cas de fracture déplacée, ou chez les sujets ayant une activité pro-
fessionnelle contraignante ou ne permettant pas un arrêt prolongé.
Quelques questions sont encore débattues, notamment sur la meilleure attitude
à adopter si, après la période d’immobilisation de 6 à 8 semaines, il n’existe pas de
signe de consolidation radiologique :
166 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

– faut-il prolonger l’immobilisation et pour combien de temps ?


– faut-il proposer un simple appui partiel et pour combien de temps ?
– est-ce utile de prendre le relais par une orthèse de type Dameron [31] ? de
proposer l’application de champs électromagnétiques [14] ? des ultrasons [27] ?
– faut-il simplement attendre en évitant les activités intenses et pendant com-
bien de temps ?
– faut-il d’emblée proposer une chirurgie secondaire ?

Tableau 4 – Résultats
Auteurs Constat Taux de Délai de consolidation
consolidation

Dameron [4] Marche indolore à Consolidation < 2 mois


3 semaines dans 99 % des
cas

Rettig [42] Pseudarthroses


douloureuses rares

Lawrence [24] 2 mois

Holubec [13] (n=32) 5 avec douleurs résiduelles


6 avec chaussage adapté
0 récidive

Quill [38] Déplacement secondaire


rare, même en l’absence
d’immobilisation

O’Shea [32] Pas de différence entre


traitement conservateur et
chirurgical

Clapper [3] Consolidation en


4,7 semaines sans différence
selon le traitement

Wiener [61] (n=60) Délai de récupération de Consolidation radiologique


33 jours dans le groupe en 45 à 60 jours dans les
strapping versus 46 jours 2 groupes
dans le groupe plâtre

Stayer [51] Consolidation radiologique


visible vers 8 semaines

Laroche [22] Parfois cal non visible mais Consolidation en 8 semaines


sujet asymptomatique

Egol [8] (n=50) Antalgiques initiaux 83 % de consolidation


50 % articulaire et 50 % dans 63 % des cas ; 87 % radiologique à 12 semaines
extra-articulaire d’absence ou douleurs Refus des patients
34 avec déplacement < 2 mm, légères à 6 mois/ asymptomatiques d’une
16 avec déplacement > 2 mm 90 % à 1 an nouvelle radiographie
À 6 et 12 mois, pas de
différence entre type de
fracture et résultats

Van Aaken [56] (n=23 Consolidation


dont 15 fractures-avulsions) = 7,1 sem
FRACTURES DE LA BASE DU 5E MÉTATARSIEN : QUEL(S) TRAITEMENT(S) ? 167

Tableau 5 – Délais de consolidation dans les fractures de Jones


Auteurs Traitement conservateur Traitement chirurgical

Dameron [4] (n=100 dont 12 consolidations entre 2 et


20 récentes ou fractures de 12 mois
fatigue) 3 consolidations entre 1 et 2 ans

Torg [54,55] (n=46 dont 14 guérisons en 7,4 semaines


25 récentes)

Zogby [64] (n=10 dont 3 3 consolidations cliniques en


récentes) 21 semaines

Mindrebo [28] (n=9) Consolidation radiologique en


6 semaines

Clapper [3] (n=100 dont 72 % de consolidation en


25 récentes) 21,2 semaines
28 % de chirurgie secondaire

Portland [37] (n=22 fractures Consolidation en 6,5 semaines


récentes ou fractures de fatigue)

Mologne (cité in [60]) (n=37) 8 semaines de botte plâtrée Groupe orthopédique : 56 % de


sans appui puis botte plâtrée consolidation dans un délai moyen
avec appui ou chaussure de 14,5 semaines
de marche versus chirurgie Groupe chirurgie : réduction du
(vis intramédullaire) puis délai d’indisponibilité de 50 %
2 semaines de botte plâtrée
sans appui

Van Aaken [56] (n=23 dont Consolidation en 7,3 semaines


8 fractures de Jones)

Tableau 6 – Complications des fractures de Jones


Auteurs Traitement orthopédique

Dameron [4] (n=20) 5 pseudarthroses

Torg [54,55] (n=25) 6 retards de consolidation


5 pseudarthroses

Kavanaugh [19] (n=22) 11 retards de consolidation

Fernandez (n=17 dont 8 récentes) 4 retards de consolidation

Fracture ancienne (fracture de Jones compliquée) ou fracture de fatigue

C’est le point qui fait l’objet de plus de publications et de confusion dans la litté-
rature, car la nature exacte des lésions traitées n’est pas toujours claire.
Quelques attitudes et/ou résultats d’études sont cependant assez clairement énon-
cés et sont rapportés dans le tableau 7.
Plusieurs constats peuvent être tirés de la revue de la littérature :
– à moins d’effectuer des contrôles radiologiques réguliers hebdomadaires, la
notion de retard de consolidation ne peut se définir que dans une fourchette
168 LA CHEVILLE TRAUMATIQUE

temporelle assez large (3 voire 4 mois) à partir du traumatisme initial retrouvé


à l’interrogatoire. L’espacement de la surveillance radiologique est cependant
justifié, car il est sans risque véritable pour le patient dans la mesure où aucune
prise en charge idéale n’a pu être établie ; de plus, le temps joue un rôle favo-
rable en offrant à un certain nombre de ces retards la possibilité d’aboutir à
une consolidation « spontanée » ;
– de la même façon, il est difficile de se faire une idée précise des délais de
consolidation, car les critères d’appréciation cités ne sont pas homogènes
(tantôt radiologiques, tantôt cliniques, tantôt la reprise sportive) tout comme
les lésions considérées.

Tableau 7 – Propositions de prise en charge


Auteurs Traitement proposé Résultats

Zelko [63] (n=21 dont 15 bottes plâtrées avec appui 6 à 5 guérisons, 7 retards de
seulement 3 avec images de 8 semaines consolidation
lésion récente) 2 orthèses 1 guérison
2 repos simple 2 pseudarthroses
2 chirurgies 2 guérisons en 3 mois

Torg [54,55] (n=46 dont Chirurgie pour les pseudarthroses 8 guérisons en 12,2 semaines
12 retards de consolidation et Pour les autres, soit botte plâtrée avec 4 chirurgies secondaires
9 pseudarthroses) appui 6 semaines, soit chirurgie

Acker [1] (n=3 fractures de Botte plâtrée avec appui 2 à Consolidation radiologique en
fatigue) 4 semaines 6 mois à 2 ans
La chirurgie n’est pas
systématique ; seulement si
douleurs après reprise sportive

Delee [6] (n=10 fractures de Chirurgie Reprise de l’activité quand


fatigue chez des sportifs) indolence (en moyenne 7 à
14 semaines)

Zogby [64] (n=10 dont 7 Botte plâtrée sans appui 9 semaines Consolidation clinique en
retards ou pseudarthroses) 22 semaines

Hens [12] (n=10) Chirurgie Reprise des activités à 3 mois

Lambert [21] (fracture de Chirurgie : ostéosynthèse par vis


fatigue)

De Labareyre [5] (fracture de Type I : orthopédique (même


fatigue) protocole que fracture de Jones)
Type II : chirurgie préférable
Type III : chirurgie systématique

Laroche [22] (fracture Chirurgie


itérative ou pseudarthrosée)

Glasgow [11] (retard de Chirurgie


consolidation, pseudarthrose)

Quill [38] (retard de Immobilisation chez le sédentaire,


consolidation) sinon chirurgie

Lawrence [24] (retard de Retard de consolidation : chirurgie


consolidation, pseudarthrose) si sportif, immobilisation prolongée
sans appui chez le sédentaire
Pseudarthrose : chirurgie
FRACTURES DE LA BASE DU 5E MÉTATARSIEN : QUEL(S) TRAITEMENT(S) ? 169

– Cependant, les délais d’attente souvent prolongés, nécessaires pour obtenir


une indolence, justifient d’adapter le traitement aux impératifs du patient.
C’est ainsi que le sportif se verra proposer un traitement chirurgical, le plus
souvent dès la phase aiguë, et a fortiori en cas de complication évolutive afin
d’éviter une interruption trop longue de ses activités.
– La chirurgie n’est toutefois pas dénuée de risques (névrite surale, infection
superficielle, fracture sur vis, fixation instable, etc.) et elle ne saurait être jus-
tifiée pour tous les patients.
– En cas de retard de consolidation pris en charge orthopédiquement, l’attitude
à adopter ne fait pas l’objet d’un consensus, tant sur les moyens (plâtre, ban-
dage, orthèse ?) que sur la durée.
– Diverses techniques opératoires ont été décrites (cerclage, agrafe, embrochage,
etc.) concernant les retards de consolidation et/ou les pseudarthroses. Un soin
particulier doit être apporté à la réalisation du geste afin d’éviter les lésions
du nerf sural et un positionnement approximatif du matériel source de conflit
secondaire avec la chaussure.
– Le vissage intramédullaire semble être la technique la plus adoptée, quel que
soit le calibre des vis utilisées. Les protocoles post-opératoires varient selon les
séries : botte plâtrée sans appui, avec appui, simple décharge, chaussage amé-
nagé. Chez le sportif, il semble préférable de proposer l’ablation du matériel à
distance (fin de l’activité) afin d’éviter tout risque de fracture itérative lors de
son retrait.
– Les pseudarthroses non douloureuses ne font pas toutes l’objet d’un traitement
chirurgical, ce qui semble tout à fait logique lorsque le sujet est sédentaire.
Peut-on proposer la même attitude chez le sportif ? Aucune série ne rapporte
une telle expérience.

CONCLUSIONS

Il n’existe pas une mais des fractures de la base du 5e métatarsien, qu’il convient
de bien distinguer car prise en charge et pronostic en sont fort différents.
Ce sont avant tout des arguments anamnestiques et radiologiques qui aident à
établir un diagnostic lésionnel précis.
Les fractures articulaires récentes justifient toujours de mesures thérapeutiques
conséquentes (orthopédiques ou chirurgicales) visant à favoriser la consolidation tout
en maintenant une bonne congruence articulaire.
La prise en charge des retards de consolidation et/ou des pseudarthroses va ac-
tuellement de la simple attente jusqu’à l’ostéosynthèse ; elle dépend pour beaucoup
du contexte.

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