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CONFÉRENCES D'ENSEIGNEMENT 2015

CONSEIL D'ADMINISTRATION DU CNP-SOFCOT SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE


ET TRAUMATOLOGIQUE (SOFCOT 2015)

Président de la SOFCOT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gilles WALCH


Premier vice-président SOFCOT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Philippe HERNIGOU
Deuxième vice-président SOFCOT . . . . . . . . . . . . . . . . . . Christian DELAUNAY
Ancien président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Norbert PASSUTI
Secrétaire général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Charles COURT
Secrétaire général adjoint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Franck FITOUSSI
Trésorier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Henry-François PARENT
Président de l'Académie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Henry COUDANE
Président du CFCOT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dominique CHAUVEAUX
Président du SNCO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Patrice PAPIN
Représentant d'Orthorisq, président . . . . . . . . . . . . . . . . Jacques TABUTIN

Représentants des sociétés associées et partenaires :


Roger Badet (CAOS), Tewfik BENKALFATE (SOO), Jean-Alain ÉPINETTE (SFHG), Bruno FERRÉ (AFCP), Pierre-
Henri FLURIN (SOFEC), Pierre GARÇON (SFCR), Jean-Noël LIGIER (SOFOP), Éric MASCARD (GETO-GSF),
Philippe MASSIN (SOFROT/SFHG), Pierre MOUTON (SFCP), Geoffroy NOURISSAT (SFA)

CONSEIL SCIENTIFIQUE DE L'APCORT (Conférences d'enseignement et OTSR – Orthopaedics and Traumatology


Surgery and Research)
Président de l'APCORT Bernard Augereau
Président de la SOFCOT Gilles Walch
Président de l'AOT Henry Coudane
Secrétaire général de la SOFCOT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Charles COURT
Secrétaire général de l'AOT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Franck FITOUSSI
Président du CFCOT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dominique CHAUVEAUX
Président du Conseil scientifique de la SOFCOT Didier Mainard
Rédacteur en Chef OTSR Philippe Beaufils
Membres pédiatres Raphaël Seringe et Jérôme Cottalorda
Président de la sous-section CNU Jean-Noël Argenson

Comité de rédaction Cahiers d'enseignement


Rédacteur en chef . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Denis HUTEN
Rédacteurs adjoints
Orthopédie pédiatrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rémi KOHLER
Orthopédie de l'adulte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Patricia THOREUX

Responsables éditoriaux des sociétés associées :


GETRAUM Thierry Bégué, AFCP Jean-Luc Besse, GETO David Biau, SOFEC Philippe Clavert, SFCR Olivier Gille,
SFHG Gérard Lecerf, SOFROT Philippe Massin, CAOS Philippe Merloz, SOFOP Philippe Wicart.
Responsables éditoriaux des sociétés partenaires :
SFA Philippe Boisrenoult, SOO Corinne Bronfen, SFCM/GEM Christian Fontaine.
Retrouvez la collection des Cahiers d'enseignement de la SOFCOT sur le site
http://www.em-consulte.com/produits/livres
→ consultez les titres, résumés et mots clés des articles composant les Conférences d'enseignement (parues depuis
1990) et les monographies (parues depuis 1995).
→ téléchargez les chapitres à l'unité ou les livres électroniques.
Cahiers d'enseignement de la SOFCOT
Collection dirigée par D. Huten

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CONFÉRENCES D'ENSEIGNEMENT
2015
Sous la direction de D. Huten

Avec la collaboration de :

A. ABID, J.-N. ARGENSON, M. BEAUSSIER, P. BOILEAU, R. BONACCORSI, N. BONNEVIALLE,


M. BONNIN, F. CANAVESE, J. CHOUTEAU, P. COLOMBET, H. COUDANE, X. FLECHER, N. GASSE,
P. GLEYZE, R. GOURON, J. GRIFFET, C. HIRSCH, D. HUTEN, E. JARDIN, Y. KERROUMI,
J.-M. LAFOSSE, J.-Y. LAZENNEC, D. LEPAGE, F. LOISEL, S. LUSTIG, S. MARMOR, L. OBERT,
M. OLLIVIER, H. PASCAL-MOUSSELLARD, M.-A. ROUSSEAU, M. ROUSSET, X. ROUSSIGNOL,
A. SAMBA, A. SAUTET, D. SCIARD, B. SONNERY-COTTET, P. TRACOL, P. VIOLAS
Cahiers d'enseignement de la Sofcot
DANGER Collection dirigée par Denis Huten, Rémi Kohler, Patricia Thoreux

LE
PHOTOCOPILLAGE
TUE LE LIVRE

Éditrice d'acquisition : Peggy Lemaire


Secrétariat de rédaction : Anne Trémeaux
Éditrice de développement : Marie-Catherine Reumaux
Chef de projet : Nathalie Morellato
Conception graphique et maquette de couverture : Véronique Lentaigne
Crédits iconographiques : les figures 2.4, 2.7, 2.9, 2.10, 2.12, 2.13, 2.15B, 3.1, 3.2, 3.8A, 7.8, 7.9, 7.16, 13.1, 13.2, 18.7,
18.8, 18.9, 18.10, 18.11, 18.12, 18.13, 18.14, 19.3, 19.4, 20.3, 20.7, 20.11, 20.12, ont été réalisées par Carole Fumat.

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domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ». Cette pratique qui s'est généralisée, notamment dans
les établissements d'enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les
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Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les
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copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
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© 2015, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-74982-7
ISBN numérique : 978-2-294-75058-8
Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex
www.elsevier-masson.fr
Liste des auteurs

Abdelaziz ABID montée B, 74370 Metz-Tessy, clinique Argonay,


Unité d’orthopédie pédiatrique, hôpital des enfants, 685, route de Menthonnex, 74370 Argonay
CHU Toulouse, 330, avenue de Grande-Bretagne,
31300 Toulouse Philippe COLOMBET
Clinique du sport, Mérignac, 2, rue Negrevergne,
Jean-Noël ARGENSON 33700 Merignac
Service d’orthopédie traumatologie, CHU Sud,
270, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille Henry COUDANE
Service arthroscopique, traumatologique et orthopédique
Marc BEAUSSIER de l’appareil locomoteur (ATOL), CHU 54035 Nancy
Département d’anesthésie-réanimation chirurgicale,
service de chirurgie orthopédique et traumatologique, Xavier FLECHER
hôpital Saint-Antoine, groupe hospitalier est-parisien, Service d’orthopédie traumatologie, CHU Sud,
APHP, Sorbonne universités, UPMC Univ Paris 06 270, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille

Pascal BOILEAU Nicolas GASSE


Service de chirurgie orthopédique et t­ raumatologie Service d’orthopédie, de traumatologie, de chirurgie
du sport, hôpital de l’Archet 2, 151, route plastique, reconstructrice et assistance main, CHRU
de ­Saint-Antoine de Ginestière, 06200 Nice Besançon & CIC IT 808, boulevard Fleming F25033
Besançon, EA 4268 « I4S », université de Franche
Raphaël BONACCORSI Comté
Service d’orthopédie, CHU Pitié-Salpêtrière,
­pavillon Gaston Cordier, 7e étage, 47–83, boulevard Pascal GLEYZE
de l’Hôpital, 75013 Paris Unité de chirurgie orthopédique et arthroscopique,
hôpital Albert Schweitzer, 201, avenue d’Alsace,
Nicolas BONNEVIALLE 68000 Colmar, Institut franco-chinois des arts du
Service d’orthopédie et traumatologie, hôpital Riquet, soin, Chengdu, Chine
place Baylac, 31059 Toulouse
Richard GOURON
Michel BONNIN Service d’orthopédie pédiatrique, CHU Amiens,
Centre orthopédique Santy, 24, avenue Paul Santy, groupe hospitalier sud 80054 Amiens cedex 1
69008 Lyon
Jacques GRIFFET
Federico CANAVESE Orthopédie pédiatrique, hôpital couple-enfant,
CHU Estaing, université d’Auvergne, service de Grenoble, université Grenoble-Alpes, unité clinique
chirurgie infantile, 1, place Lucie et Raymond de l’analyse du mouvement, Institut Rossetti, Nice
Aubrac, 63003 Clermont-Ferrand
Caroline HIRSCH
Julien CHOUTEAU Service d’orthopédie, CHU Pitié-Salpêtrière, ­pavillon
Cabinet de chirurgie orthopédique et de chirurgie du Gaston Cordier, 7e étage, 47–83, boulevard de
sport, allée de la Mandallaz, immeuble Le Périclès – l’Hôpital, 75013 Paris
VI LISTE DES AUTEURS

Denis HUTEN Matthieu OLLIVIER


CHU de Rennes, 2, rue H. Le Guilloux, 35033 Service d’orthopédie traumatologie, CHU Sud,
Rennes Cedex 9 270, boulevard Sainte-Marguerite 13009 Marseille

Emmanuelle JARDIN Hugues PASCAL-MOUSSELLARD


Service d’orthopédie, de traumatologie, de c­ hirurgie Service d’orthopédie, CHU Pitié-Salpêtrière, ­pavillon
plastique, reconstructrice et assistance main, CHRU Gaston Cordier, 7e étage, 47–83, boulevard de
Besançon & CIC IT, 808, boulevard Fleming l’Hôpital, 75013 Paris
F25033 Besançon, EA 4268 « I4S », université de
Franche-Comté Marc-Antoine ROUSSEAU
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique,
Younes KERROUMI hôpital Avicenne, APHP, université Paris 13
Service de chirurgie orthopédique, groupe hospitalier
Diaconesses Croix Saint-Simon, 125, rue d’Avron, Marie ROUSSET
75020 Paris CHU Estaing, université d’Auvergne, service de
chirurgie infantile, 1, place Lucie et Raymond
Jean-Michel LAFOSSE Aubrac, 63003 Clermont-Ferrand
Département de chirurgie orthopédique, traumato­
logique et reconstructrice, hôpital Pierre-Paul Riquet, Xavier ROUSSIGNOL
place du Docteur Baylac, TSA 40031, 31059 Toulouse Institut de la cheville et du pied, 8, rue Lacépède,
75005 Paris ; Clinique Geoffroy Saint-Hilaire,
Jean-Yves LAZENNEC 59, rue Geoffroy-Saint-Hilaire, 75005 Paris ;
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, Département Orthopédie CHU de Rouen,
hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, université Paris 6 1, rue de Germont, 76031 Rouen

Daniel LEPAGE Antoine SAMBA


Service d’orthopédie, de traumatologie, de c­ hirurgie CHU Estaing, université d’Auvergne, service de
plastique, reconstructrice et assistance main, CHRU chirurgie infantile, 1, place Lucie et Raymond
Besançon & CIC IT, 808, boulevard Fleming Aubrac, 63003 Clermont-Ferrand
F25033 Besançon, EA 4268 « I4S », université de
Franche-Comté Alain SAUTET
Département d’anesthésie-réanimation chirurgicale,
François LOISEL service de chirurgie orthopédique et traumatologique,
Service d’orthopédie, de traumatologie, de c­ hirurgie hôpital Saint-Antoine, groupe hospitalier est-parisien,
plastique, reconstructrice et assistance main, CHRU APHP, Sorbonne universités, UPMC Univ Paris 06
Besançon & CIC IT, 808, boulevard Fleming
F25033 Besançon, EA 4268 « I4S », université de Didier SCIARD
Franche-Comté Département d’anesthésie-réanimation chirurgicale,
service de chirurgie orthopédique et traumatologique,
Sébastien LUSTIG hôpital Saint-Antoine, groupe hospitalier est-parisien,
Hôpital de la Croix-Rousse, Centre Albert Trillat, APHP, Sorbonne universités, UPMC Univ Paris 06
69004 Lyon
Bertrand SONNERY-COTTET
Simon MARMOR Générale de santé, hôpital privé Jean Mermoz, Centre
Service de chirurgie orthopédique, groupe hospitalier orthopédique Santy, 69008 Lyon
Diaconesses Croix Saint-Simon, 125, rue d’Avron,
75020 Paris Philippe TRACOL
Centre chirurgical Saint-Roch, BP 65, 84302
Laurent OBERT Cavaillon cedex
Service d’orthopédie, de traumatologie, de c­ hirurgie
plastique, reconstructrice et assistance main, CHRU Philippe VIOLAS
Besançon & CIC IT, 808, boulevard Fleming Service de chirurgie pédiatrique, F-35033 Rennes,
F25033 Besançon, EA 4268 « I4S », université de université Rennes 1, faculté de médecine, F- 35043
Franche-Comté Rennes
Abréviations

AE appareil extenseur DM dispositif médical


AEEH allocation d’éducation d’enfant DPO douleur postopératoire
handicapé DSA dégénérescence du segment adjacent
Afssaps Agence française de sécurité sanitaire EMG électromyographie
des produits de santé EUDAMED EUropean DAtabank on MEdical
AG anesthésie générale Devices
AINS anti-inflammatoire non stéroïdien EVA échelle visuelle analogique
ALIF anterior lumbar interbody fusion FDA Food and Drug Administration
AM antéro-médial FLP fixation lombo-pelvienne
AMDEC analyse des modes de défaillance et de FNO fibrome non ossifiant
leur criticité FPAP fixation postérieure de l’anneau pelvien
ALR anesthésie/analgésie locorégionale GHS groupe homogène de soins
AMM autorisation de mise sur le marché GM gastrocnémien médial
ANSM Agence nationale de sécurité du médi- GMDN global medical device nomenclature
cament et des produits de santé GRAIL gait real-time analysis interactive
AO Arbeitsgemeinschaft für Osteosynthese- laboratory
fragen GT grand trochanter
AQM analyse quantifiée de la marche GUDID Global Unique Device Identification
AR arthrite rhumatoïde Database
ASA American Society of Anesthesiologists GVH greffon contre l’hôte
BIO-RSA bony-increased offset reverse shoulder HA hémi-arthroplastie
arthroplasty HAD hospitalisation à domicile
BMP bone morphogenetic protein HAS Haute Autorité de santé
BO bassin oblique HDJ hospitalisation de jour
CAO chirurgie assistée par ordinateur HON health on net
CAPP-FSIP child amputee prosthetics project-­ HRQOL health-related quality of life
functional status inventory for preschool IA interligne articulaire
children ILMI inégalité de longueur des membres
CAPP-FSI child amputee prosthetics project- inférieurs
functional status inventory IMC indice de masse corporelle
CAPP-FSIT child amputee prosthetics project- IPA infection de prothèse articulaire
functional status inventory for toddlers IRM imagerie par résonance magnétique
CE Communauté européenne ISO infection du site opératoire
CLMV correspondant local de matériovigi- IU identifiant unique
lance de l’établissement de santé KOA kyste osseux anévrismal
CNOM Conseil nationale de l’Orde des médecins KOS kyste osseux simple
COEN COmpliance and ENforcement group LCA ligament croisé antérieur
DEA déficit de l’extension active LCM ligament collatéral médial
DF dysplasie fibreuse LCR ligament collatéral radial
DI device identifier LCR liquide céphalorachidien
VIII ABRÉVIATIONS  

LCU ligament collatéral ulnaire RIA reamer irrigator aspirator


LFH long fléchisseur de l’hallux SA Staphylococcus aureus
LPFM ligament patello-fémoral médial SCBH syndrome de Claude-Bernard-Horner
MDEG Medical Device Expert Group SEG-CES segmental cement extraction system
MDPH maison départementale des personnes SFA Société française d’arthroscopie
handicapées SFAR Société française d’anesthésie et de
MDRF Medical Device Regulators’ Forum réanimation
MI membre inférieur SPL spondylolisthésis
MIO-RSA metallic-increased offset reverse shoul- SSV subjectif shoulder value
der arthroplasty ST sous-talien
MPR médecine physique et de réadaptation TA–GT (tubérosité) tibiale antérieure–gorge
MPR multiplanar reconstruction trochléenne
NNIS National Nosocomial Infections TC tendon calcanéen
Surveillance TCB total contact behring
NVPO nausées et vomissements posto­ TDM tomodensitométrie
pératoires TFCC triangular fibrocartilage complex
OI ostéogenèse imparfaite TLIF transforaminal lumbar interbody fusion
OJI ostéoporose juvénile idiopathique TQ tendon quadricipital
OPUS orthotics and prothetics users’ survey TP tendon patellaire
PAI projet d’accueil individualisé TPI tronc primaire inférieur
PB plexus brachial TPM tronc primaire moyen
PCJ pseudarthrose congénitale de jambe TPS tronc primaire supérieur
PDS perte de substance TR tendon rotulien
PI production identifier TR tête radiale
PL postéro-latéral TSAM tronc secondaire antéro-médial
PLF posterolateral fusion TSAL tronc secondaire antéro-latéral
PLIF posterior lumbar interbody fusion TT tibio-talienne
PMMA polymethyl methacrylate TTA tubérosité tibiale antérieure
POPB paralysie obstétricale du plexus brachial UDI unique device identification
PSO perte de substance osseuse UE Union européenne
PTEA prothèse totale d’épaule anatomique VL vaste latéral
PTEI prothèse totale d’épaule inversée VM vaste médial
PTG prothèse totale de genou VMO vaste médial oblique
PTH prothèse totale de hanche
3

Dégénérescence arthrosique
sus- et sous-jacente
aux arthrodèses lombaires
et lombo-sacrées
M.-A. Rousseau
M.-A. ROUSSEAU, J.-Y. LAZENNEC

Résumé montage, l'intégrité des éléments postérieurs ont une influence.


Cependant, les études sont nombreuses et parfois contradictoires.
La dégénérescence discale est un processus de vieillissement La dégénérescence du disque adjacent, définie par des critères
physiologique. Le disque adjacent à une arthrodèse rachidienne radiologiques variés dans la littérature, est majoritairement
semble être exposé à une dégénérescence accélérée, ce qui a été asymptomatique mais dans certains cas le retentissement rachi-
rapporté dans de nombreuses séries. La littérature ne permet pas dien et/ou radiculaire est avéré et peut nécessiter une nouvelle
de déterminer son taux d'incidence (5 à 70 %) mais affirme sa intervention. Les biais sont cependant nombreux et nous les sou-
réalité et renseigne sur sa précocité éventuelle. Le disque sus- lignons, au vu de notre expérience, dans une analyse critique et
jacent est plus fréquemment touché que le disque sous-jacent. Le objective de la littérature.
rationnel biomécanique de surcharge de contrainte sur le disque
limite a été étudié et démontré. Les études les plus récentes
Mots clés : Rachis. – Arthrodèse. – Disque adjacent. – Dégénération
visent à analyser les facteurs favorisants. L'étendue de l'arthro-
discale.
dèse, l'équilibre sagittal, le niveau de fixation, la rigidité du

Introduction la ­littérature des années 1980. Mais dès les années


1990 [1], il a été largement rapporté et discuté. Il est
La dégénérescence discale correspond à la perte des désormais admis, avec un niveau de preuves reconnu
propriétés mécaniques et biologiques d'un disque provenant d'études contrôlées de méthodologie
intervertébral. Le processus de vieillissement discal robuste [2–4].
est physiologique ; il est pathologique quand on le Une vision anatomique et géométrique globale
considère comme étant prématuré. Le disque peut du rachis est nécessaire à la compréhension de ces
être atteint directement par un processus infectieux ­phénomènes dégénératifs accélérés. Le rachis peut être
ou traumatique, ou indirectement par un processus assimilé à une structure semi-rigide composite faite de
mécanique, lorsque son environnement perturbe son l'alternance continue de corps rigides, les vertèbres, et
fonctionnement. C'est là la problématique de la disco- de corps déformables, les disques. La réalisation d'une
pathie du segment adjacent à une arthrodèse. Du fait arthrodèse perturbe la régularité de cette structure en
des relations disque/facettes, le disque n'est pas atteint fusionnant deux ou plusieurs vertèbres consécutives.
isolément et la dégénérescence concerne l'ensemble du Intuitivement, on peut concevoir que la rigidité seg-
segment mobile rachidien. Cependant l'atteinte discale mentaire induite modifie la cinématique rachidienne
est la plus visible et la plus documentée. En revanche, (et éventuellement la statique générale) et entraîne une
l'atteinte articulaire (hypertrophie/sténose) peut être redistribution significative des contraintes. Cette vision
à l'origine du retentissement clinique neurologique biomécanique globale ne doit pas occulter l'aspect bio-
associé. logique de la dégénérescence du disque adjacent ; tou-
Le caractère multifactoriel de la dégénérescence tefois, divers paramètres mécaniques liés au patient et
discale est bien établi. Le concept d'une dégénéres- à la technique chirurgicale peuvent expliquer la sévé-
cence discale spécifiquement liée à la présence d'une rité, la rapidité et le type des détériorations du seg-
arthrodèse a d'abord été controversé comme le montre ment adjacent. On peut s'interroger ainsi sur le poids,

Conférences d'enseignement 2015


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4 M.-A. ROUSSEAU, J.-Y. LAZENNEC

l'activité physique, l'étendue de l'arthrodèse, l'angle dégénérescence adjacente est proximale dans 88,8 %
de courbure figé par l'instrumentation, le niveau de des cas, distale dans 7,5 % et mixte dans 3,7 %.
l'arthrodèse, intéressant ou non les charnières lombo- L'étude de Park et al. [9] de 67 cas est particulièrement
sacrée et thoraco-lombaire, le sexe et l'âge lors de la intéressante car toutes les fusions (un, deux ou trois
fixation, et le recul. niveaux) se terminaient en L5 ; la DSA était proxi-
La dégénérescence du segment adjacent (DSA) male dans 34 % des cas, distale dans 19 % et double
constitue un sujet d'actualité compte tenu de l'aug- dans 6 %. Dans une cohorte de 3188 patients suivis
mentation du nombre de fusions rachidiennes, de leur à 10 ans, Ahn et al. [10] rapportaient une DSA sus-
sophistication accrue, et du nombre de patients déjà jacente dans 79,5 % des cas, sous-jacente dans 18,8 %
opérés par le passé, dont la surveillance deviendra un et mixte dans 1,8 %.
enjeu de santé publique. Ces phénomènes peuvent être
observés à court ou à moyen terme, posant la question Physiopathologie
des modalités de réalisation et du réglage des arthro-
dèses (lordose ; étendue ; rigidité ou non ; fusion anté- Études in vitro et simulations
rieure, postérieure ou circonférentielle). numériques
Il serait exagéré de parler de iatrogénie pour carac-
Les études in vitro et les simulations numériques
tériser la DSA, car il s'agit de l'évolution attendue à
concordent pour affirmer une augmentation des pres-
distance d'une intervention justifiée et dont l'histoire
sions mesurées dans le(s) disque(s) adjacent(s) après
naturelle serait plus défavorable sans intervention. On
une fixation lombaire segmentaire [11–15]. Pour Kim
sait en effet que tout dysfonctionnement discal, opéré
et al. [14] et pour Chen et al. [16], la surcharge de
ou non opéré, perturbe à terme le disque adjacent [5].
pression discale prédominait sur le disque sus-jacent
En outre, tout aspect de « discopathie » n'est pas
plutôt que sur le disque sous-jacent, ce qui concorde
forcément pathologique : on peut opposer le disque
avec les séries cliniques.
considéré comme normal et le disque dégénératif,
Les essais biomécaniques permettent de tester cer-
mais faut-il pour autant confondre normal et idéal ?
taines hypothèses. Dans une étude récente, Senteler
La notion de disque « normal pour l'âge » nous paraît
et al. [17] ont constaté une augmentation des forces
intéressante.
de cisaillement dans le disque sus-jacent, avec une
Ce travail est une mise au point et une actualisation
influence spécifique de l'équilibre sagittal lombo-­
sur les questions soulevées par la DSA à partir des
pelvien : l'augmentation du cisaillement était d'au-
données de la littérature et de leur interprétation.
tant plus marquée que la différence entre l'incidence
­pelvienne et la lordose lombaire était supérieure à 15°.
Épidémiologie L'influence du déséquilibre sagittal avait été rapportée
de manière concordante par Akamaru et al. [18], avec
Prévalence de la DSA une mobilité augmentée au niveau du disque sus-jacent
si le montage segmentaire était réalisé en hypolordose.
Les chiffres sont très variables selon les enquêtes
(tableau 1.1) en raison de facteurs méthodologiques. D'autres facteurs techniques semblent influencer le
report des contraintes sur les disques adjacents :
L'hétérogénéité des critères diagnostiques, la diver-
• pour Chosa et al. [19] et Goto et al. [20], la
sité des populations et des étiologies, les différences

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fusion intersomatique augmentait deux fois plus les
de recul sont autant de limites des méta-analyses [6].
contraintes adjacentes que la fusion postéro-latérale
L'analyse de survie apparaît plus pertinente car elle
(flexion/extension) ;
prend en compte la notion de durée d'exposition.
• des études récentes simulent numériquement
Ha et al. [7] rapportaient ainsi une courbe de survie
des implants de fixation postérieure en PEEK (ver-
(Kaplan Meier) sans DSA de 72 % à 1 an, 63 % à 2 ans
sus titane), afin de proposer des instrumentations
et 52 % à 4 ans dans une population dégénérative.
ayant un module d'élasticité plus proche de celui de
l'os [13, 21] ;
La DSA affecte-t-elle plutôt • Kim et al. [22] ont retenu l'influence de la décom-
le disque sus- ou sous-jacent pression avec facettectomie totale.
à la fusion ?
Si l'on ne retient que les séries dans lesquelles les
Études de séries cliniques
niveaux de fusion sont bien décrits, l'atteinte de l'étage Les études de séries cliniques permettent d'identifier a
sus-jacent est prédominante. Pour Cheh et al. [8], la posteriori certains facteurs favorisants.
Dégénérescence arthrosique sus- et sous-jacente aux arthrodèses lombaires et lombo-sacrées 5

Tableau 1.1
Tableau bibliographique rapportant le taux de dégénérescence du segment adjacent (classement en fonction du recul)
Auteur Année Pays Population Recul Taux DSA
radiologique
Gard [41] 2013 États-Unis 171 > 2 ans 11,7 %

Suratwala [56] 2009 États-Unis 80 > 2 ans 13,8 %

Chen [31] 2011 Chine 109 > 2 ans 22,0 %

Yang [25] 2008 Corée 217 > 2 ans 13,3 %

Lee [48] 2010 Corée 24 3 ans 33,3 %

Min [30] 2008 Corée 48 4 ans 62,5 %

Ha [7] 2014 Corée 98 moy 4 ans 44,9 %

Miyagi [40] 2013 Japon 23 moy 4 ans 60,9 %

Okuda [45] 2004 Japon 87 moy 4 ans 29,0 %

Imagama [42] 2014 Japon 52 5 ans 44,2 %

Bae [32] 2010 Corée 103 (initiale : 128) 5 ans 8,7 %

Park [9] 2009 Corée 67 moy 5 ans 59,7 %

Kumar [33] 2001 Inde 83 moy 5 ans 36,1 %

Rahm [35] 1996 États-Unis 49/60 moy 5 ans 35,0 %

Soh [27] 2014 Corée 55 > 5 ans 38,1 %

Anandjiwala [24] 2011 Corée 68/74 > 5 ans 20,6 %

Liao [49] 2011 États-Unis 107 (initiale : 122) > 5 ans 13,1 %

Videbaek [57] 2010 Danemark 95 (initiale : 148) moy 6 ans 26,0 %

Lai [39] 2004 Taiwan 101 > 6 ans 22,0 %

Ghiselli [46] 2003 États-Unis 32 7 ans 3,0 %

Cheh [8] 2007 États-Unis 188 moy 8 ans 43 %

He [36] 2014 Chine 178 (initiale : 210) > 9 ans 57,9 %


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Schutle [23] 2007 Allemagne 40 10 ans 20,0 %

Horsting [50] 2012 États-Unis 25 (initiale : 32) 10 ans 12,0 %

Choi [37] 2014 Corée 49 (initiale : 73) > 10 ans 38,8 %

Kim [38] 2013 Corée 88 (initiale : 115) > 10 ans 72,7 %

Ekman [3] 2009 Suède 77 12 ans 62,0 %

Disch [43] 2008 Allemagne 102 14 ans 26,4 %


6 M.-A. ROUSSEAU, J.-Y. LAZENNEC

La plupart des études laissent penser que la longueur tère péjoratif du manque de lordose dans l'arthrodèse.
de l'arthrodèse est un facteur favorisant [23, 24] : Certaines études s'intéressent à ce paramètre en se
• Yang et al. [25] observaient plus de dégradations basant sur l'analyse radiologique au dernier recul, en
de plus de 2 points (classification UCLA) du disque cas de DSA avérée :
adjacent dans les arthrodèses de deux et trois niveaux • pour des arthrodèses d'un seul segment (L4–L5),
par rapport à celles d'un niveau. Liao et al. [26] ont les études de Min et al. [30] et de Chen et al. [31] ne
rapporté une série d'arthrodèses dont la limite distale mettaient pas en évidence de différence de lordose
était en L5. La dégradation du score UCLA du disque segmentaire ou lombaire sur la radiographie au recul
L5–S1 était significativement plus importante pour maximum (analyses univariées) ;
les arthrodèses de trois niveaux et plus par rapport à • au contraire, Bae et al. [32] mettaient en évidence
celles de deux niveaux et moins. Park et al. [9] ont l'impact des valeurs de lordose segmentaire et lom-
rapporté des résultats équivalents ; baire par une analyse en régression logistique.
• à l'inverse pour Ha et al. [7], il n'existait pas de dif- Néanmoins, l'analyse des courbures sur la radiogra-
férence de survie sans DSA selon le nombre de niveaux phie postopératoire immédiate semble plus pertinente :
(trois ou plus versus deux ou moins) dans une popula- • pour des montages longs, Kumar et al. [33] ont rap-
tion de rachis dégénératifs. Les conclusions de l'étude porté ainsi que lorsque la plumb line en C7 passe à
de fusions de un à trois niveaux de Soh et al. [27] moins de 2,5 cm de l'angle postéro-supérieur de S1 et
étaient équivalentes. que la pente sacrée est de plus de 40°, on observe moins
Au total, on conçoit que les montages longs amplifient de DSA au dernier recul que dans les cas où la plumb
les contraintes aux extrémités puisque la mobilité est impo- line en C7 est anormale et/ou le sacrum est vertical ;
sée à un nombre de segments libres restreint. Toutefois, • Soh et al. [27] ont conclu qu'une lordose de plus
l'hétérogénéité de la littérature laisse supposer l'influence de 15° par niveau fusionné était significativement
d'autres facteurs (siège de l'arthrodèse, équilibre sagittal). associée à un moins de DSA à 5 ans ;
• pour Anandjiwala et al. [24], la lordose lombaire
Dans les fusions étendues, l'inclusion des étages était significativement plus faible dans les cas de DSA ;
« charnières  » L5–S1 et thoraco-lombaires semble toutefois les valeurs de l'incidence pelvienne n'étaient
jouer un rôle spécifique : pas mentionnées ;
• Sears et al. [28] rapportaient un risque de DSA plus • en revanche, Cheh et al. [8] n'ont pas trouvé de dif-
élevé des montages longs et des montages laissant L5– ­­ férence de lordose lombaire ou d'incidence pelvienne
S1 libre (plus courts), alors que l'épargne du disque dans les groupes avec et sans DSA ;
L4–L5 n'avait pas d'influence ; • enfin, dans une étude associant analyse de radiogra-
• Cheh et al. [8] retrouvaient l'influence de la longueur phies in vivo et étude biomécanique in vitro, Umehra
du montage, avec un caractère défavorable d'une limite et al. [34] objectivaient une tendance à compenser dans
supérieure de la fusion en L1, L2 ou même L3. Au l'étage sus-jacent la perte de lordose dans une arthro-
contraire, les montages englobant les niveaux thoraciques dèse lombaire basse. Ils concluaient qu'une arthrodèse
inférieurs (donc plus longs) étaient moins menacés. en dos plat surcharge le segment sus-jacent, avec une
Bien que peu documentée, l'influence couplée de la augmentation des contraintes facettaires dans les seg-
longueur du montage et de l'équilibre sagittal semble ments lombaires en lordose forcée.
logique car on peut supposer qu'un déséquilibre sagit-

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tal est moins bien toléré en cas de montage long. La technique chirurgicale (voie d'abord, type d'implants)
Wimmer et al. [29], dans une étude de 120 fusions et les gestes associés peuvent aussi avoir une influence.
circonférentielles pour spondylolisthésis, observaient Nous avons vu que le fait d'utiliser un implant inter-
à 3 ans plus d'instabilités secondaires en translation somatique semble moins favorable, la rigidité accrue
après arthrodèse étendue sur plusieurs niveaux que sur des niveaux fusionnés serait en cause :
un seul niveau. La décision de fixation étendue était • pour Rham et Hall  [35], la réalisation d'un PLIF
basée sur une discographie préopératoire des niveaux (posterior lumbar interbody fusion) est un facteur de
adjacents. Malheureusement, les conditions de l'équi- risque significatif pour la DSA par rapport à une PLF
libre sagittal n'étaient pas rapportées de façon précise (posterolateral fusion). Au contraire, Kumar et al. [33]
(il était uniquement précisé que la correction du glisse- et Soh et al. [27] ne rapportaient pas de différence
ment était partielle dans 50 % des cas). selon qu'un PLIF ait été pratiqué ou non ;
Intuitivement, une mauvaise restitution de l'équilibre • Min et al. [30] ont comparé les voies d'abord d'une
sagittal semble défavorable. Nous avons ainsi vu plus greffe intersomatique. Ils observaient significative-
haut que les études biomécaniques concluent au carac- ment moins d'ALIF (anterior lumbar interbody fusion)
Dégénérescence arthrosique sus- et sous-jacente aux arthrodèses lombaires et lombo-sacrées 7

avec vis pédiculaires percutanées et plus de PLIF avec n'entraînait pas de hausse significative du taux de
vis pédiculaires à ciel ouvert dans le groupe de patients DSA, bien que les patients étudiés fussent plus âgés.
avec DSA. Ils en concluaient que la voie antérieure, qui Au total, une décompression associée semble être un
évite la dissection des éléments musculaires, capsuloli- facteur de risque de DSA. Cependant la comparaison
gamentaires et articulaires postérieurs, est préférable, entre les cas avec fixation isolée et ceux avec fixation
d'autant plus que la fixation pédiculaire associée est et décompression est biaisée car ces deux stratégies ne
percutanée ; s'adressent pas aux mêmes patients.
• le mode d'implantation des vis pédiculaires a été étu- La littérature ne rapporte pas d'influence du genre
dié par He et al. [36] qui ont randomisé la technique sur la survenue d'une DSA (Schulte et al. [23], Min
de positionnement des vis à ciel ouvert. Ils observaient et al. [30], Soh et al. [27], Ananddjiwala et al. [24],
72,4 % de DSA dans 87 cas avec vis convergentes Kumar et al. [33]). Min et al. [30] ne trouvaient pas
(mamillaire) et 51,6 % de DSA dans 91 cas avec vis de différence d'indice de masse corporelle entre un
très convergentes (transversaire). Ceci démontre l'im- groupe avec DSA et un groupe sans dans une popula-
portance d'éviter un conflit entre les têtes de vis et les tion d'arthrodèses L4–L5 isolées.
facettes articulaires mobiles de la vertèbre sus-jacente
à l'extrémité crâniale des ostéosynthèses ; Imagerie
• en percutané (ALIF  + vis percutanées), Choi
et al. [37] rapportaient 49 % de détérioration facettaire Radiologie standard
postopératoire à partir d'une étude scanner. Toutefois
ils ne notaient pas d'influence significative sur la sur- Si les items retenus pour caractériser la DSA sont
venue d'une discopathie du segment adjacent ; communs aux diverses publications, les seuils de ces
• une étude originale de Kim et al. [38] a comparé critères peuvent être très différents. Ceci rend difficile
des fusions avec fixation par vis pédiculaires uni- ou la comparaison des études et la combinaison de leurs
bilatérales. Sur 147 cas revus à plus de 10 ans, le taux résultats dans des méta-analyses :
de DSA n'était pas significativement différent : 45,8 % • perte de hauteur discale : pourcentage dont la limite
en cas de vis unilatérales et 68,2 % en cas de vis bila- de positivité varie de 10 % [37] à 50 % [36, 42], voire
térales, pour des valeurs de lordose locale et régionale plus (figure 1.1).
similaires dans les deux groupes ; • déstabilisation sagittale :
• pour Lai et al. [39], l'intégrité des éléments pos- – en translation : de 3 mm [24, 40, 43–45],
térieurs aux extrémités de la fixation joue un rôle 4 mm [7, 30, 32, 36–38, 46, 47] ou 4,5 mm [48],
prédominant, notamment en haut du montage. Ces – en rotation : de plus de 5° [40 ,42, 45], 10° [7, 24,
auteurs décrivaient sur 101 fusions lombaires de un à 30 ,32, 36–38, 44, 46, 47, 49] ou 20° [48].
trois niveaux une instabilité proximale dans 24,3 % Les radiographies utilisées sont hétérogènes. Les
des cas avec laminectomie, contre 6,5 % en l'absence mesures sont faites sur un cliché statique de profil ou
de décompression. Le taux d'instabilité distale était de sur une paire de clichés dynamiques en flexion/extension
5,6 % en cas de laminectomie ; ils n'avaient observé (figure 1.2). Parfois, le diagnostic de DSA est basé sur
aucune DSA distale dans les cas sans laminectomie ; une classification qualitative (pincement, o ­ stéophytes,
• Ekman et al. [3], dans une série de fusions sur un condensation des plateaux) [37]. Ces ­éléments peuvent
niveau pour spondylolisthésis par lyse isthmique être organisés ou non selon des scores publiés, notamment
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(L4–L5 ou L5–S1), séparaient les cas d'arthrodèse le score UCLA [3, 25, 26, 31, 38, 41, 46] (tableau 1.2)
postérieure isolée (lombalgie isolée) et ceux avec lami-
nectomie (sciatalgie associée). Ils observaient une dif-
férence significative de l'incidence de DSA (2/16 cas
versus 22/47 cas) ;
• pour Sears et al. [28], la survie sans réintervention
pour DSA était influencée par la présence d'une lami-
nectomie adjacente (2,4 fois plus de risque) ;
• Miyagi et al. [40] concluaient également en défaveur
de la décompression ; mais cette étude précise mal la
technique et notamment la préservation ou non des
facettes articulaires ; Figure 1.1 Évolution du disque sus-jacent au cours du temps
• à l'inverse pour Gard et al. [41], sur 34 cas, la (préopératoire, postopératoire, dernier recul) : affaissement
laminectomie du segment sus-jacent à l'arthrodèse discal avec antélisthesis.
8 M.-A. ROUSSEAU, J.-Y. LAZENNEC

ou le score de Weiner [8]. Globalement, les auteurs uti-


lisent une description binaire (avec ou sans discopathie
IRM et scanner
dégénérative) facile à traiter statistiquement. Les critères utilisés sont plus homogènes : pour
On retiendra que la déstabilisation secondaire (prin- le disque, il s'agit principalement de la classification
cipalement rétrolisthésis de l'étage sus-jacent) et la sté- de Pfirmann (tableau 1.3) [7, 36, 37, 42, 50] et de celle
nose dégénérative sont les manifestations principales de Modic [50] ; pour les facettes c'est la classification
de la DSA [37]. de Weishaupt qui est utilisée [37].
Dans une étude récente, Imagama et al. [42] ont com-
paré radiographie standard et IRM : cette analyse mon-
trait une sensibilité plus grande et plus précoce de l'IRM.
Les études basées sur l'IRM procurent des données
plus complexes du fait de l'individualisation de stades
intermédiaires plus difficiles à traiter statistiquement
qu'une variable binaire.

Critères diagnostiques additionnels


Certains auteurs retiennent des critères diagnostiques
additionnels (figure 1.3) : présence d'une hernie
discale [7, 30, 37, 49], degré de dégénérescence
­facettaire  [32, 37, 42, 50], sténose dégénérative [32,
37, 42], voire démontage des fixations aux extrémités
Figure 1.2 Instabilité sous-jacente à une arthrodèse lombaire de montage [7], tassement osseux aux extrémités [7,
sur les clichés en flexion–extension. 30, 37] ou apparition d'une scoliose [32, 37].

Tableau 1.2
Classification UCLA de la dégénérescence discale sur les radiographies standard
Grade Perte de hauteur discale Ostéophytes Condensation des plateaux
I − − −

II + − −

III ± + −

IV ± ± +

Tableau 1.3
Classification de Pfirrmann de dégénérescence discale en IRM, séquence T2

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Grade Structure Distinction nucléus/ Intensité du signal Hauteur discale
annulus
I Homogène, blanc Bonne Hyper ou iso Normale

II Inhomogène, avec Bonne Hyper ou iso Normale


ou sans bande
horizontale

III Inhomogène, gris Douteuse Iso Normale


à légèrement
Diminuée

IV Inhomogène, gris à Mauvaise Iso à hypo Normale à très


noir diminuée

V Inhomogène, noir Mauvaise Hypo Disque collabé


Dégénérescence arthrosique sus- et sous-jacente aux arthrodèses lombaires et lombo-sacrées 9

6 mois d'amélioration après la première intervention


est retenu pour définir une dégradation clinique secon-
daire dans le cadre d'une DSA [10, 44, 45]. Elle appa-
raissait entre 13 et 21 mois dans l'étude de Okuda
et al. [45]. Pour certains, une dégradation secondaire
du syndrome rachidien contemporaine d'une DSA
est suffisante au diagnostic [47], mais pour d'autres
la réapparition d'un syndrome neurogène sur sténose
Figure 1.3 Dégénérescence sus-jacente à type de sténose rachidienne adjacente est ­nécessaire [40, 45].
arthrosique d'origine discale et facettaire.
Traitement
Clinique Il est intéressant de noter que la littérature sur les DSA
a débuté avec des cas de reprise chirurgicale [51, 52]
La DSA telle que définie radiologiquement plus haut bien avant les études longitudinales de prévalence et
est le plus souvent asymptomatique [23, 27, 30, 36, les études biomécaniques.
45]. Lorsque des manifestations cliniques sont pré- Le traitement d'une DSA symptomatique peut faire
sentes, il peut s'agir d'un syndrome rachidien ou d'un appel à la chirurgie : extension d'arthrodèse/extension
syndrome radiculaire, ou de la combinaison des deux. de recalibrage selon les cas, avec un montage plus long
Nous rapportons (tableau 1.4) la prévalence de DSA que le précédent.
symptomatique dans la littérature : elle apparaît 2 à Chaque reprise pose la question de l'équilibre sagit-
10 fois moins fréquente que la DSA radiologique iso- tal et de l'opportunité d'une ostéotomie vertébrale.
lée. Du fait de l'absence de relation anatomoclinique, Cependant la planification d'une correction sagittale,
certains auteurs préfèrent distinguer la DSA asympto- visant à obtenir les mêmes valeurs d'angle de lordose
matique (limitée à l'imagerie) et la « maladie discale lombaire et d'incidence pelvienne et un segment tho-
adjacente » (avec un retentissement clinique). Si ce racique harmonieux, doit être confrontée à la balance
concept peut sembler plus pertinent, le diagnostic de bénéfice/risque d'une telle intervention chez un patient
maladie discale adjacente est complexe. Pour certains par définition plus âgé. L'analyse du secteur sous-­pelvien
auteurs, il associe une imagerie de DSA et des scores est dans ce contexte particulièrement importante.
de lombalgie défavorables (échelle visuelle analogique, Cependant, on note que les taux de ré-intervention
score d'Oswestry, score JOA) [37]. Cependant, il est pour DSA (tableau 1.5) sont relativement faibles :
difficile d'affirmer que le m ­ auvais résultat clinique • Ahn et al. [10] rapportaient une survie sans réinter-
d'une arthrodèse en termes de lombalgie est stricte- vention pour DSA de 97 % à 5 ans et 94 % à 10 ans.
ment lié à une DSA décelée par imagerie [8]. Dans cette étude, les indications et les techniques
Il ne faut donc pas se limiter au score clinique au d'arthrodèse étaient variées et la fonction de survie
dernier recul mais recueillir les variations de score linéaire ;
clinique et celles de l'imagerie dans le même espace- • dans la publication de Sears et al. [28], la fonction
temps et discuter l'imputabilité. Un minimum de de survie sans réinvention était linéaire mais les taux
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Tableau 1.4
Tableau bibliographique rapportant les taux de dégénérescence adjacente radiologique et les taux de dégénérescence
adjacente symptomatique (classement en fonction du recul)
Auteur Année Population Recul Taux DSA Taux DSA
radiologique clinique
Okuda [45] 2004 87 Moy 4 ans 29,0 % 4,0 %

Miyagi [40] 2013 23 (40 disques) Moy 4 ans 47,5 % 22,5 %

Bae [32] 2010 103 (initiale : 128) 5 ans 8,7 % 1,9 %

Cheh [8] 2007 188 Moy 8 ans 43 % 30 %

He [36] 2014 178 (initiale : 210) > 9 ans 57,9 % 3,9 %

Choi [37] 2014 49 (initiale : 73) > 10 ans 38,8 % 12,2 %


10 M.-A. ROUSSEAU, J.-Y. LAZENNEC

Tableau 1.5
Tableau bibliographique rapportant le taux des réinterventions pour dégénérescence adjacente (classement en fonction
du recul)
Auteur Année Pays Population Recul Taux de
réintervention
pour DSA
Lee [44] 2009 Corée 1069 > 1 an 2,6 %

Okuda [45] 2004 Japon 87 Moy 4 ans 4,0 %

Cho [47] 2009 Corée 81 Moy 5 ans 11,1 %

Gillet [58] 2003 Belgique 149 (initiale : 78) > 5 ans 20,0 %

Sears [28] 2011 Australie 1000 à 5 ans 13,6 %


à 10 ans 22,2 %
à 15 ans 27,3 %

Ahn [10] 2010 Corée 3193 à 5 ans 3,0 %


à 10 ans 6,0 %

d'événements étaient plus élevés (voir tableau 1.5). Il mixte dans 1,8 %. Les ré-interventions concernaient
s'agissait de cas dégénératifs et d'une technique de PLIF. moins la jonction thoraco-lombaire (11,6 %) que la
Le sous-groupe d'étiologie dégénérative de Ahn et al. [10] jonction lombo-sacrée (88,4 %).
rejoignait cette tendance plus élevée avec un pronostic Le taux de ré-intervention reflète celui de DSA
significativement moins bon que les autres sous-groupes ; symptomatique sévère mais sous-estime probablement
• en revanche Yu et al. [53], dans une série de 63 PLIF le phénomène pathologique [8]. Les difficultés d'indi-
sur un niveau, ne rapportaient pas de différence en cation de réintervention pour DSA et la notion de fac-
fonction de l'indication (spondylolisthésis par lyse, teurs de risque de DSA étudiés permettent d'insister
spondylolisthésis dégénératif, sténose dégénérative). sur la prévention des DSA par le respect des principes
L'événement «  réintervention » comporte un biais de réalisation de l'arthrodèse initiale.
car l'indication d'une réintervention dépend à la fois
de la proposition (ou non) du chirurgien et du souhait Conclusion
(ou non) du patient déjà opéré [32]. Il s'agit pour lui
d'un échec de son intervention : tout dépend donc de L'existence d'une problématique du segment adjacent
son parcours, des suites précoces de l'arthrodèse et de à une arthrodèse est communément admise malgré une
sa relation avec le chirurgien et son équipe. Le terrain certaine discordance anatomoclinique.
et les éventuelles comorbidités peuvent aussi freiner La fréquence et les principaux facteurs de DSA ont
ou contre-indiquer une reprise (complexe) chez des été analysés dans de nombreuses études biomécaniques
patients plus âgés que lors de l'arthrodèse initiale [54] : et cliniques. Cependant son caractère multifactoriel ne

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• ainsi, dans l'étude de Bae et al. [32] sur 103 cas, permet pas de répondre clairement aux questions phy-
11 DSA étaient rapportées dont deux symptomatiques siopathologiques que nous avons posées : on retien-
menant à une laminectomie et une abstention (refus du dra que le facteur temps (recul, âge, dégénérescence
patient) ; préalable) est un point essentiel qui fait l'objet d'un
• Okuda et al. [45], sur 83 cas, rapportaient 25 DSA, net consensus dans la littérature. La dégénérescence
dont quatre symptomatiques (manifestations neurolo- est en effet un processus lié au temps et la réalisation
giques) réopérées entre 15 et 24 mois (trois laminecto- d'une arthrodèse constitue seulement une étape d'un
mies et un PLIF) ; parcours dégénératif global.
• Choi et al. [37], sur 49 cas revus à 10 ans, rappor- Le principe de l'influence de certains aspects tech-
taient 19 DSA dont six symptomatiques (EVA lombaire niques semble également établi, mais il est difficile de
ou radiculaire > 6 ou score d'Oswestry > 40 %) et deux le préciser exactement [55] : réduire la longueur du
traitées chirurgicalement (laminectomie isolée) ; montage et régler au mieux les courbures sagittales
• Ahn et al. [10] observaient une DSA sus-jacente sont des objectifs logiques et il importe de respec-
dans 79,5 % dans cas, sous-jacente dans 18,8 % et ter les facettes articulaires adjacentes aux montages
Dégénérescence arthrosique sus- et sous-jacente aux arthrodèses lombaires et lombo-sacrées 11

postérieurs. L'impact des fusions intersomatiques [8] Cheh G, Bridwell KH, Lenke LG, et al. Adjacent segment
(PLIF, ALIF) est biaisé par l'intrication avec la pro- disease followinglumbar/thoracolumbar fusion with pedicle
screw instrumentation  : a minimum 5-year follow-up. Spine
blématique sagittale et celle du rôle des éléments 2007 ; 32 : 2253–7 (Phila Pa 1976).
postérieurs. [9] Park JY, Chin DK, Cho YE. Accelerated L5–S1 segment degene-
Une question d'importance reste ouverte, celle de la ration after spinal fusion on and above L4–5 : minimum 4-year
prise ou non des charnières et plus particulièrement du follow-up results. J Korean Neurosurg Soc 2009 ; 45 : 81–4.
sacrum : faut-il inclure le segment adjacent d'emblée [10] Ahn DK, Park HS, Choi DJ, et al. Survival and prognostic
analysis of adjacent segments after spinal fusion. Clin Orthop
ou le laisser évoluer ? Ce choix peut être relativement Surg 2010 ; 2 : 140–7.
aisé pour les disques déjà pathologiques mais il peut [11] Cunningham BW, Kotani Y, McNulty PS, et al. The effect of
être difficile pour les étages discaux dont la dégrada- spinal destabilization and instrumentation on lumbar intradis-
tion est seulement intermédiaire. Cependant, la qualité cal pressure  : an in vitro biomechanical analysis. Spine 1997 ;
du disque n'est pas le seul critère de décision : d'autres 22 : 2655–63 (Phila Pa 1976).
[12] Weinhoffer SL, Guyer RD, Herbert M, Griffith SL. Intradiscal
contraintes peuvent rendre nécessaire la fixation et pressure measurements above an instrumented fusion. A cada-
contourner le raisonnement, tels le besoin de prises veric study. Spine 1995 ; 20 : 526–31 (Phila Pa 1976).
distales, un déséquilibre sagittal à corriger, une rota- [13] Abode-Iyamah K, Kim SB, Grosland N, et al. Spinal motion
tion et/ou un déséquilibre frontal, la nécessité d'un and intradiscal pressure measurements before and after lum-
recalibrage important. D'autres situations peuvent bar spine instrumentation with titanium or PEEK rods. J Clin
Neurosci 2014 ; 21 : 651–5.
amener à éviter une fixation extensive, tels l'âge et la [14] Kim HJ, Kang KT, Chun HJ, et al. The influence of intrinsic
mauvaise qualité osseuse ou une pathologie du secteur disc degeneration of the adjacent segments on its stress distri-
sous-pelvien. bution after one-level lumbar fusion. Eur Spine J 2014 ; 24 :
Les progrès de l'imagerie apportant une vision 827–37.
globale du patient, l'analyse des positions debout et [15] Yang SW, Langrana NA, Lee CK. Biomechanics of lumbo-
sacral spinal fusion in combined compression-torsion loads.
assise, une meilleure compréhension des relations Spine 1986 ; 11 : 937–41 (Phila Pa 1976).
entre le rachis et le secteur sous-pelvien sont des voies [16] Chen CS, Cheng CK, Liu CL, Lo WH. Stress analysis of the
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13

Longueur et offset du membre


inférieur dans les arthroplasties
totales de hanche
X. FLECHER, M. OLLIVIER, J.-N. ARGENSON

X. Flecher
Résumé Les chirurgiens utilisent la planification préopératoire bi- ou tri-
dimensionnelle et des repères peropératoires pour gérer l'offset et
La restauration de la biomécanique de la hanche est un objectif la longueur. La conception ou la chirurgie assistée par ordinateur
important d'une prothèse totale de hanche (PTH) favorisant la et plus récemment le système EOS procurent une plus grande pré-
récupération fonctionnelle. Le maintien ou le rétablissement de cision. Des implants modernes, éventuellement varisés, latéralisés,
l'égalité de longueur du membre opéré sont une grande préoccu- à cols modulaires ou parfois sur mesure, permettent de restaurer
pation pour le chirurgien et le patient, le but étant d'y parvenir l'anatomie, en particulier en cas de coxa vara ou valga. Il faut
sans compromettre la stabilité prothétique. également prendre en compte l'antéversion fémorale.
Les inégalités de longueur, anatomique et fonctionnelle, et les off- Les erreurs les plus fréquentes sont l'allongement et la diminution
sets fémoral et global, prenant en compte l'antéversion, sont définis. de l'offset global. En cas d'erreur symptomatique de longueur et/
L'influence de la longueur et de l'offset du membre opéré sur la ou d'offset, une révision prothétique peut être discutée.
satisfaction, la fonction de la hanche après PTH de même que la
longévité de celle-ci sont étudiées, les erreurs pouvant influencer Mots clés : Prothèse totale de hanche. – Inégalité de longueur
négativement la fonction, la qualité de vie et la survie prothé- du membre inférieur. – Offset fémoral. – Planning préopératoire.
tique et être source de conflits entre le chirurgien et le patient.

Introduction Définitions
La restauration de la biomécanique articulaire de Longueur
la hanche est un objectif important d'une prothèse
totale de hanche (PTH) favorisant la récupération Inégalité de longueur réelle
fonctionnelle [1].
Une ILMI est mesurée par la différence entre chaque côté
Le maintien ou le rétablissement de l'égalité de lon-
de la distance séparant l'épine iliaque antéro-supérieure
gueur du membre opéré sont une autre préoccupation,
et la malléole médiale ou en plaçant des planchettes
le but étant d'y parvenir sans compromettre la stabilité
d'épaisseur variable sous un pied du patient debout,
prothétique [2]. Fréquent sujet de mécontentement et
jusqu'à ce que ses crêtes iliaques soient au même niveau.
de plainte [3–10], l'inégalité de longueur des membres
inférieurs (ILMI) peut être réelle (ou anatomique)
ou fonctionnelle et une compréhension de tous les En préopératoire
facteurs intervenant dans la sensation d'inégalité est Une télémétrie de face est recommandée, la mesure
indispensable. clinique étant peu fiable [1]. L'ILMI préopératoire est
L'intérêt pour l'offset, plus récent, remonte à l'in- la différence entre les longueurs des deux membres
troduction des tiges sans ciment. Nous étudierons sa inférieurs (MI), mesurées entre le niveau du sommet
mesure, très débattue, et son influence sur la fonction. des têtes fémorales et le centre des chevilles. Cette
L'antéversion influence l'offset et doit être aussi prise mesure est modifiée en cas de flessum de la hanche et/
en compte. ou du genou. Il convient aussi de prendre en compte

Conférences d'enseignement 2015


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14 X. FLECHER, M. OLLIVIER, J.-N. ARGENSON

la hauteur des centres de rotation des têtes fémorales,


qui peut induire une ILMI alors que les longueurs des
MI sont identiques.
Il est donc conseillé de mesurer la longueur des MI
comme la longueur de la droite passant par le centre
de rotation de la tête fémorale et la ligne des crêtes
iliaques (ou, si non visibles sur la radiographie, par les
articulations sacro-iliaques) et reliant le milieu de l'in-
terligne tibio-tarsien (figure 2.1). Il faut que les deux A
MI soient alignés perpendiculairement au pelvis, sans
flessum.

En postopératoire
On prendra pour repères, sur un cliché du bassin effectué
dans ces mêmes conditions :
• la ligne bi-ischiatique [10] ou des U radiologiques [11]
au niveau du pelvis ;
• le centre des petits trochanters au niveau fémoral
(figure 2.2). B
En mesurant la distance qui les sépare avant et après
PTH, on peut déterminer la modification de longueur
induite par la PTH, qu'elle soit d'origine acétabulaire
et/ou fémorale.

Fausse inégalité de longueur


Environ un tiers des patients ont une sensation d'ILMI
après PTH [5, 12]. Dans une étude par questionnaire
C
Figure 2.2 Estimation de la différence de longueur des membres
inférieurs liée à la hanche par l'intermédiaire de : la ligne
bi-ischiatique (a) ; la ligne des U radiologiques (b). Cet indice
est plus fiable que l'obliquité du bassin : malgré l'égalisation
au niveau des hanches, le bassin est oblique (c).

de 1114 patients après PTH, 30 % rapportaient une


sensation d'ILMI mais 36 % d'entre eux seulement
­
avaient une ILMI réelle [13]. Il s'agissait dans les autres

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cas d'une ILMI dite « fonctionnelle ».
Elle peut être liée à un bassin oblique (BO). On dis-
tingue le BO de cause basse, situé au niveau des MI,
le BO de cause haute, lié à une atteinte rachidienne et
le BO de cause mixte. C'est fréquent dans les hanches
dysplasiques ou luxées, surtout unilatérales, le BO
d'abord de cause basse devenant mixte lorsque le
rachis se fixe.
Une sensation d'ILMI peut parfois être due à la ten-
sion postopératoire des muscles moyen et petit glu-
téal, éventuellement due à un allongement nécessaire ;
Figure 2.1 Mesure de la longueur des membres inférieurs
sur une télémétrie.
lorsqu'on aligne les deux membres inférieurs dans
Longueur de la droite passant par le centre de rotation de la tête l'axe du corps, le membre opéré paraît alors plus long.
fémorale (C) et reliant l'axe de la pince bimalléolaire (B) et la ligne C'est un BO de cause basse temporaire, la tension
des crêtes iliaques (CI). musculaire se normalisant dans la première année.
Longueur et offset du membre inférieur dans les arthroplasties totales de hanche 15

Une boiterie postopératoire peut aussi entraîner une de 20° minore cette erreur mais il faudrait connaître
sensation d'ILMI : la boiterie de Trendelenburg peut l'antéversion fémorale de chaque hanche pour mesurer
faire croire au patient que son MI du côté opéré est exactement son offset fémoral.
plus court. Le scanner comme l'imagerie EOS permettent de
déterminer la torsion du fémur supérieur (figure 2.4) :
• l'axe du col fémoral est l'axe passant par le centre
Offset de la tête fémorale et le milieu du col fémoral et l'angle
L'offset fémoral est la distance séparant le centre d'antéversion du col fémoral est l'angle entre l'axe du
de rotation de la hanche de la ligne d'action des col fémoral et la ligne bicondylienne postérieure ;
muscles abducteurs, perpendiculairement à celle-ci • l'axe d'hélitorsion est le grand axe de la plus grande
(figure 2.3a) [14]. coupe transversale de l'extrémité supérieure du fémur
L'offset acétabulaire est la distance séparant le (10 mm au-dessus du petit trochanter) ; l'angle d'héli-
centre de rotation de la hanche de la branche latérale torsion est l'angle entre l'axe d'hélitorsion et la ligne
du U radiographique, perpendiculairement à celle-ci bicondylienne postérieure ;
(figure 2.3b). • l'axe d'antéversion souhaité du col prothétique est
L'offset global est la somme des deux. la droite perpendiculaire à l'axe du deuxième méta-
Il n'est pas facile de mesurer l'offset fémoral. On tarsien (l'angle du pas formé par l'axe du deuxième
utilise en pratique la distance séparant le centre de métatarsien et la ligne de progression de la marche est
rotation de la tête fémorale de l'axe fémoral (axe méta- de 10 à 20°) ; l'angle α est l'angle entre cet axe et l'axe
physaire ou du canal), perpendiculairement à celui-ci d'hélitorsion.
(voir figure 2.3). Sa valeur moyenne est située entre Si on utilise une prothèse sans ciment avec une tige
41 et 44 mm [15, 16]. Elle est liée à l'angle céphalo- remplissante qui s'antéverse selon l'axe d'hélitorsion,
cervico-diaphysaire (CC′D), augmentant avec le varus son col doit faire avec cet axe un angle égal à α (voir
et diminuant avec le valgus [17]. Elle varie avec la figure 2.4).
rotation de la hanche sur les radiographies.
La valeur de l'offset fémoral augmenterait avec la
taille du fémur pour certains [18], mais il serait plutôt Pourquoi restaurer longueur
plus grand en cas de petit canal fémoral pour Pasquier
et al. [19] et enfin non lié aux dimensions fémorales
et  offset ?
dans une étude de 689 candidats à une PTH [20].
ILMI
Antéversion Elle est courante après PTH, l'allongement étant le plus
fréquent [2, 21]. Son incidence est de 1 à 50 % [8, 10,
La valeur de l'offset fémoral mesurée sur une radiogra- 22], sa valeur moyenne de 3 à 17 mm [9, 23], mais
phie de face diminue en cas d'excès d'antéversion (ou de moins de 1 cm dans 97 % des cas si l'on cherche à
en rotation externe). Une rotation interne de l'ordre l'éviter [11].
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A B
Figure 2.3 Mesure de l'offset.
a. Mesure de l'offset fémoral (1) et de l'angle d'attaque des abducteurs (2).
b. Mesure de l'offset acétabulaire et offset global comme en étant la somme.
16 X. FLECHER, M. OLLIVIER, J.-N. ARGENSON

toire plus d'une fois sur deux [5, 10]. Un allongement


de plus de 10 mm, en revanche, a été associé à une
H = 50° boiterie, une inclinaison du bassin, la nécessité d'une
compensation et un sentiment de déception [2, 5, 36].
α = 35° Une telle ILMI est rapportée dans 16 à 32 % des
cas [3–11, 13, 14, 21].
Il est probable que le ressenti d'une ILMI diffère en
fonction de la taille du patient et il serait intéressant de
ABCP’
parler de « pourcentage d'allongement ».
A = 15° Une ILMI constitutionnelle asymptomatique
jusqu'à 20 mm n'est pas rare [12, 37]. Il ne faut pas la
ABCP méconnaître en préopératoire, en informer le patient
et prendre soin de ne pas l'aggraver, ce qui pourrait
Figure 2.4 Mesure de l'antéversion et de l'hélitorsion fémorale,
rendre la situation conflictuelle.
mesure de l'angle α.
Par rapport à l'axe bicondylien postérieur (ABCP) transféré
pour les mesures au niveau du col (ABCP′), l'axe d'antéversion Offset
prothétique désiré est de l'ordre de 15° (A). Dans ce cas, l'axe
Une réduction de l'offset fémoral est souvent le fait de
d'antéversion du fémur proximal ou hélitorsion (H) est de 50°.
Afin d'avoir une antéversion définitive de 15°, il faudra que l'utilisation d'une tige à angle CC′D plus grand que
la correction dans le col prothétique ou angle α soit de − 35°, celui du patient [38]. L'angle CC′D du fémur est en
c'est-à-dire rétroversé de 35°. moyenne de 130° ± 5°, alors que l'angle CC′D d'une
tige standard est variable selon le constructeur.
Une médialisation de la cupule après fraisage réduit
Retentissement clinique l'offset acétabulaire et global (figure 2.5). Une diminu-
L'insatisfaction est courante [24] et il s'agit du litige le tion d'offset acétabulaire est favorable car elle diminue
plus fréquent après PTH [25]. Au-delà de 10 mm, elle les contraintes sur l'articulation prothétique, mais doit
souvent ressentie par le patient [16] et affecte le résul- être compensée par une augmentation de l'offset fémo-
tat fonctionnel [21, 26–28]. Elle a été associée à des ral pour ne pas diminuer l'offset global et éviter ainsi
dorso-lombalgies et des sciatiques [27], des troubles de d'avoir à allonger le membre inférieur pour prévenir
la marche [29] et une instabilité [30]. une instabilité (voir figure 2.5).
Un offset « insuffisant » peut faire boiter [39], néces-
siter une aide à la marche [14] et entraîner une ins-
Complications tabilité [40, 41]. Le fémur se rapprochant du bassin,
Bien que ce soit contesté, une ILMI a été associée à un risque
accru d'arthrose sur le membre opéré [31]. L'allongement
du membre après PTH serait aussi un facteur de risque
de descellement aseptique [32, 33]. L'ILMI peut conduire
à une révision prothétique [6, 34]. Gofton, enfin, a rap-

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porté une augmentation des contraintes dans la partie
supérieure de la cupule acétabulaire chez des patients pré-
sentant un allongement du membre opéré [31].

Limite acceptable d'une ILMI


La limite entre « acceptable » et « inacceptable » n'est Figure 2.5 Exemple de modification de l'offset acétabulaire par
pas déterminée [35]. Bien qu'Eden et al. [5] aient excès de médialisation de la cupule.
conclu que même un petit écart pouvait être une source Hanche modérément dysplasique pour laquelle logiquement
d'insatisfaction, plusieurs études ont montré qu'une le centre de rotation a été médialisé afin d'obtenir une meilleure
ILMI de 10 mm au plus est bien tolérée par la plupart. couverture osseuse de la cupule (C′h < Ch), alors que la hauteur du
centre de rotation (Cʹv = Cv) est globalement respectée. Le choix
En cas d'ILMI modérée, les patients sont gênés pen- sur l'implant fémoral s'est porté sur une tige sans ciment à angle
dant les premiers mois, avec des symptômes diminuant fixe. Afin d'obtenir une bonne stabilité articulaire, le chirurgien
au fil du temps ; 15 % cependant restent symptoma- a choisi un col extra-long (notez la tête à jupe) au prix d'un allon-
tiques [34], avec nécessité d'une semelle compensa- gement probablement infracentimétrique donc négligeable.
Longueur et offset du membre inférieur dans les arthroplasties totales de hanche 17

l'amplitude des mouvements se réduit [38, 42] et un La littérature regorge de techniques permettant de


effet came peut apparaître [43]. Un défaut de restau- prévenir l'ILMI :
ration de l'offset est une cause d'insatisfaction des • calques préopératoires ;
patients [38] et réduit significativement leur qualité • repères peropératoires sur le bassin et/ou le fémur ;
de vie. Sur une étude de marche après PTH, ceux qui • chirurgie assistée par ordinateur (CAO) ou navigation.
avaient un offset diminué de 15 % ou plus par rap-
port au côté non opéré présentaient plus de troubles de
la marche [44]. Une diminution de l'offset peut aussi Planification préopératoire
avoir une influence sur la survie des implants [45–48], Planification en deux dimensions
éventuellement par l'intermédiaire d'une usure préma-
turée du polyéthylène [38, 49]. La planification radiographique bidimensionnelle
Peu d'études rapportent les conséquences d'un off- reste une référence. La numérisation des radiographies
set excessif. Une étude cadavérique sur cinq fémurs pose des problèmes d'agrandissement mais des logi-
rapportait une augmentation des micromouvements ciels de planification permettent de s'en affranchir.
à l'interface os–implant lorsque l'offset augmentait de Le principe est de « calquer » la hanche controla-
28 à 53 mm [43]. Dans une étude d'une tige cimentée térale saine. On commence par déterminer le centre
à « high offset » (Lubinus SPII® ; angle CC′D de 117°), de rotation (figure 2.6) à l'aide de calques de cupule.
la survie à 5 ans était inférieure à celle de tiges avec des Puis on présente les calques fémoraux, ce qui informe
angles CC′D de 126° ou 135° [50]. L'augmentation sur l'offset et la longueur du MI postopératoires. On
de l'offset est souvent suivie d'une sensation d'allon- reproduit ensuite le positionnement des pièces choi-
gement du membre due à un excès de tension des sies sur la hanche anormale en utilisant des calques
muscles abducteurs, qui se normalise le plus souvent (figure 2.7). Lorsque les deux hanches sont anormales,
en quelques mois. Aucune corrélation entre un excès on peut utiliser l'indice d'Amstutz qui avait noté que
de latéralisation et des douleurs à type de tendinite des les patients ne boitaient pas lorsque cet indice était res-
muscles fessiers n'a été démontrée. pecté (figure 2.8) [32].
Dans les coxa valga où l'offset est en règle inférieur à la Cette technique est peu fiable pour égaliser les MI.
moyenne, on pourrait vouloir le « normaliser » en l'augmen- Meermans et al. ont montré que la ligne des U est plus
tant, sous réserve de connaître sa valeur « de référence ». fiable que la ligne bi-ischiatique [51], surtout en cas
d'ILMI préopératoire [11]. Des études ont montré que
la taille des composants n'était celle prévue que dans
60 % des cas [52].
Comment restaurer longueur La mesure de l'offset fémoral nécessite des radio-
et  offset ? graphies des cols fémoraux de face, hanches en rota-
tion interne au membre inférieur d'environ 20°. Cette
Bien que les erreurs de longueur et/ou d'offset ne méthode n'est pas reproductible avec une erreur
puissent être éliminées, elles peuvent être atténuées [38]. moyenne de l'ordre de 9,7 mm, soit environ 20 % pour
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Figure 2.6 Calques préopératoires de Muller standard (a), latéralisé (b) ou dysplasique (c).


18 X. FLECHER, M. OLLIVIER, J.-N. ARGENSON

ø 54 mm
ø 50 mm
c

b
t
T

R
d d

7.5
10
12.5
15
17.5
20

Figure 2.7 Règles de placement de la cupule.


Le bord inférieur de la cupule ne doit pas être plus bas que le U (a) ; son inclinaison entre 40 et 50° (b) ; sa couverture osseuse
au minimum de 80 % (c) ; elle ne doit pas être plus médiale que la ligne ilio-ischiatique (ou ligne de Köhler) (d).

A B

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D
Figure 2.8 Utilisation de l'indice d'Amstutz [32].
Lorsque la hanche controlatérale est normale, on reproduit la position du centre de rotation (a), puis le positionnement latéral
du sommet du grand trochanter (b) avant de positionner le fémur en restaurant la longueur (c). Lorsque les deux hanches sont anor-
males, le sommet du grand trochanter doit être positionné (d) tel que A/B soit supérieur ou égal à 0,5 (A : distance sommet du grand
trochanter − centre de rotation, B : distance centre de rotation − symphyse pubienne).
Longueur et offset du membre inférieur dans les arthroplasties totales de hanche 19

un offset de 40 mm [53]. De plus, une rotation interne de 3,2 mm (p < 0,0001) et de plus de 5 mm dans 28 %
de 15 à 20° n'annule pas à tous les coups l'antéversion des cas. Il serait donc logique de mesurer l'offset dans
fémorale (figures 2.9 et 2.10) très variable, même dans l'axe du col à l'aide du scanner ou de l'imagerie EOS.
la coxarthrose primitive [44, 54, 55]. Dans une étude
comparant les offsets radiographique et tomoden-
sitométrique de 50 hanches, ils étaient de 42,6 mm Planification en trois dimensions
(26,9–53,9 mm) pour la radiographie et de 45,8 mm Elle est basée sur un logiciel initialement développé
(31–56 mm) pour la tomodensitométrie [19]. L'offset pour concevoir les PTH avec tige sur mesure [54–57].
radiographique était toujours sous-estimé, en moyenne Elle pallie un mauvais positionnement du patient lors

Nulliversion Antéversion «classique» Excès d’antéversion

Me
sur

Me
ep
Mesure par scanner ar

sur
sca
nne

e
r

par
sca
nne
r
Mesure par radio Mesure par radio Mesure
par radio

A B C
Figure 2.9 Influence de la rotation fémorale sur l'offset radiographique.
Lorsque l'on met le membre inférieur en rotation interne d'une amplitude équivalente à l'antéversion fémorale (a), la mesure radiographique
est identique à la mesure par scanner. Si l'on fait une radiographie de face simple, la mesure sous-estime la valeur réelle de l'offset fémoral
(b). Dans le cas où la hanche est en rotation externe fixée, la mesure radiographique sous-estime encore davantage cette valeur (c).

Me
Me

sur
ep
sur

Mesure par scanner ar


sca
ep

nne
r
ar
scan
ne
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Mesure par radio Mesure par radio Mesure


par radio

A B C
Figure 2.10 Influence de l'antéversion naturelle du fémur sur l'offset radiographique.
En cas de nulliversion (a), la mesure radiographique est identique à la mesure par scanner. Lorsque l'antéversion est de l'ordre
de 15 à 20°, la mesure sous-estime la valeur réelle de l'offset fémoral (b). En cas d'excès d'antéversion, la mesure radiographique sous-
estime encore davantage la valeur réelle de l'offset fémoral (c).
20 X. FLECHER, M. OLLIVIER, J.-N. ARGENSON

de l'acquisition de l'image. Pour mesurer l'offset fémo- 42, 46, 61], mais il nécessite une plus grande incision
ral, l'axe du canal médullaire du quart supérieur de ou une deuxième incision.
fémur doit être identifié [40, 58]. Il est situé au centre La position de la hanche doit être reproduite avec
de la métaphyse fémorale dans les trois plans [3], ce précision dans tous les plans avant et après l'implan-
qui permet de mesurer l'offset réel (figure 2.11). tation prothétique, ce qui est difficile. Or, des varia-
Le système d'imagerie EOS pourrait être une option tions de position du fémur en abduction/adduction
pour faire des mesures précises et fiables tout en limi- de 5 à 10° induisent des erreurs de mesure de 8 à
tant l'irradiation [59]. 17 mm [62].
Aucune étude n'a précisé l'influence de la voie d'abord
et de l'installation en décubitus latéral ou dorsal sur le
Repères peropératoires contrôle de la longueur à l'aide de ces repères. Le décu-
Des tests peropératoires de tension des tissus mous et bitus dorsal nous paraît plus fiable.
de la longueur ont été décrits (shuck test de Charnley : On peut conclure que l'utilisation d'une référence pel-
traction de la hanche dans l'axe ; dropkick test : vienne stable avec un positionnement précis du membre
hanche en extension, genou fléchi à 90° ; leg to leg inférieur lors des mesures est une méthode simple [63].
test : contrôle des longueurs au niveau des talons
ou des malléoles médiales). Ces tests sont influencés Navigation assistée par ordinateur
par l'expérience du chirurgien, le type d'anesthésie et
d'autres facteurs, comme la voie d'abord ou l'instal- L'offset et la longueur du membre sont surtout influen-
lation en décubitus latéral, dorsal avec ou sans table cés par le positionnement et la taille de la tige fémorale
orthopédique, ce qui les rend peu reproductibles [60]. et peu d'études ont été publiées sur l'intérêt de la CAO
À ce jour, de nombreuses techniques ont été décrites. sur le versant fémoral.
Toutes utilisent un point de référence pelvien fixe et un Une étude prospective appariée comparant la naviga-
point de référence fémoral variable au cours de l'inter- tion à une technique conventionnelle avec une même tige
vention. Ces repères sont peu fiables car parfois retirés fémorale non modulaire droite a été menée par Manzotti
et remplacés entre les mesures. On peut aussi utiliser et al. [36]. Dans le groupe navigation, l'ILMI moyenne
un étrier assurant le parallélisme des broches [11, 17, était significativement réduite : 5,06 mm (0–12) versus

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Figure 2.11 Visualisation de l'extrémité supérieure du fémur dans les trois plans de l'espace par l'intermédiaire d'un logiciel
de planification basé sur scanner.
Longueur et offset du membre inférieur dans les arthroplasties totales de hanche 21

7,64 mm (0–20). Cinq patients (10,4 %) du groupe membre (figure 2.12b) si l'on ne dispose pas d'un implant
navigué avaient cependant une ILMI de plus de 10 mm. ­fémoral capable de reproduire l'offset (figure 2.12c).
Prendre le bassin pour référence peut induire des Dans les coxa valga, le maintien de la longueur doit
erreurs. DiGioia et al. [64] ont étudié par la navigation faire craindre une augmentation de l'offset avec un
le mouvement du bassin au cours d'une arthroplastie implant standard à col fixe (figure 2.13a). On peut
et ont retrouvé une moyenne de 23° de variation de limiter cette augmentation en « suspendant » une tige
l'orientation du bassin en abduction/adduction, 16° et en utilisant un col court (figure 2.13b). Il est plus
en flexion/extension et 40° en version. Une adduc- facile de décider du niveau d'enfoncement d'une tige
tion du bassin entraînera un allongement apparent en cimentée que d'une tige sans ciment, surtout à appui
l'absence d'erreur et inversement en cas d'abduction. métaphysaire (dite anatomique).
À défaut d'être parfaite, cette technique permet proba- Il peut être utile de disposer de cols modulaires. Si on
blement, associée à la planification, de limiter le risque veut y associer la gestion de l'antéversion sans que cette
d'ILMI majeure. Notre expérience est que la ­navigation dernière n'interfère avec la gestion de la longueur et de
permet de diminuer les écarts types au même titre
­ l'offset, on peut utiliser des cols modulaires « homo-
qu'un ancillaire fiable et/ou l'expérience chirurgicale, thétiques »  [28] (figure 2.14) voire des cols sur mesure
en particulier sur le versant acétabulaire [65]. (figure 2.15).

Choix de l'implant fémoral Révision pour correction


La gestion de l'offset et de la longueur se fait de de longueur ou d'offset
manière combinée avec un implant fémoral à col fixe,
y compris en utilisant la modularité céphalique. Il n'existe pas à notre connaissance d'études sur la
Dans les coxa vara (figure 2.12a), la tension des technique ou les résultats de révisions pour insuffi-
muscles fessiers peut être assurée par l'allongement du sance ou excès d'offset fémoral et l'on ne saurait que

OF1 OF2 OF1 OF2 OF1 OF2


Abd1 Abd2 Abd1 Abd2 Abd1 Abd2

* * * * * *

* * *
CC’D1 CC’D2 CC’D1 *
CC’D2
CC’D1 CC’D2

A B C
Figure 2.12 Gestion d'une coxa vara lors d'une PTH.
a. L'utilisation d'une tige à col standard (CC′D2 < CC′D1) diminue l'offset (OF2 < OF1) et diminue la tension des abducteurs (Abd2 < Abd1).
b. Pour avoir la même tension musculaire (Abd1 = Abd2) tout en conservant une tige à col standard (OF1 > OF2), on peut allonger
le membre.
c. Pour avoir la même tension musculaire (Abd1 = Abd2) tout en conservant la même longueur de membre, il faut utiliser une tige
latéralisée (OF1 = OF2, ou CC′D1 = CC′D2).
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OF1 OF2 OF1 OF2

**
Abd1 Abd2 Abd1 Abd1
*
* ** * *

L * * L * *
CC’D1 CC’D2 CC’D1 CC’D2

A B
Figure 2.13 Gestion d'une coxa valga lors d'une PTH.
a. L'utilisation d'une tige à col standard (CC′D2  > CC′D1) augmente l'offset (OF2 > OF1) et augmente la tension des abducteurs
(Abd2 > Abd1).
b. Cela peut être géré en suspendant la tige et en utilisant un col court (astérisque rouge).
22 X. FLECHER, M. OLLIVIER, J.-N. ARGENSON

Figure 2.14 Exemple d'utilisation d'une tige à col modulaire.


Cols modulaires capables de faire varier longueur, offset et version de façon indépendante (source : Adler Ortho®, Milan, Italie).

FA = 118°

A = 15°

H = 23°
BCP

A B
Figure 2.15 Gestion de l'anatomie extramédullaire par une tige sur mesure.
La planification se fait dans le plan du col fémoral (a), permettant d'annuler l'influence de l'antéversion. L'offset est pris en compte
indépendamment de la rotation fémorale (b).

c­ onseiller la prudence avant d'assurer au patient que – la première avec un positionnement d'un(des)
l'on ­supprimera sa boiterie en augmentant l'offset pro- composant(s) directement responsable(s) de l'allon-
thétique, même si cette révision ne comporte qu'un gement (composant acétabulaire trop bas, com-
changement de col modulaire. posant fémoral suspendu). La révision du(des)
Il y a également peu ou pas d'articles sur la tech- composant(s) en cause est alors indiquée,
nique ou les résultats de révisions pour ILMI : – la deuxième avec une erreur de positionnement d'un
• il est très rare de voir un patient présentant un composant compensée par une erreur de positionne-
accourcissement important  ; on peut observer un ment de l'autre (cupule rétroversée incitant le chirur-
allongement insuffisant dans le cadre d'une luxation gien à allonger le membre pour éviter une instabilité).
congénitale haute unilatérale. Une révision fémorale La révision des deux composants est alors indiquée.
pour allongement peut se concevoir et elle met à l'abri
Conclusion
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d'un risque de luxation. Nous ne connaissons pas
d'études sur les reprises pour allongement ;
• une reprise pour excès de longueur représentait dans À une époque où l'attente fonctionnelle et l'espérance
l'étude de Parvizi et al. [34] 0,3 % des indications d'une grande durée de vie des implants sont grandis-
(21 cas). L'indication était portée sur un allongement santes, il est crucial de prendre en compte l'anatomie
minimum de 2 cm symptomatique et la révision avait tridimensionnelle de la hanche prothétique. L'évolution
été effectuée à 8 mois en moyenne (de 6 jours à 6 ans). vers des implants fémoraux à fixation biologique
La reprise avait concerné la cupule seule dans 71 % des a modifié les pratiques et nécessite de s'intéresser à
cas, le fémur dans 14 % des cas et les deux composants l'anatomie intramédullaire mais aussi extramédul-
dans 14 % des cas. Une cupule contrainte avait été uti- laire. La restitution d'une anatomie extramédullaire
lisée deux fois (9,6 %). Un seul patient (4,8 %) avait normale influencera la restauration ou le respect de
été révisé pour instabilité chronique. Les autres avaient la longueur des membres, sous réserve d'avoir analysé
un bon résultat clinique. Les auteurs soulignaient la tous les critères au niveau ou en dehors de l'articula-
nécessité d'évaluer le(s) composant(s) à réviser en sépa- tion coxo-fémorale. Le respect de la l­atéralisation est
rant les excès de longueur en deux catégories : garant d'une fonction idéale des muscles abducteurs.
Longueur et offset du membre inférieur dans les arthroplasties totales de hanche 23

Dès à présent, et probablement de manière plus [18] Rubin PJ, Leyvraz PF, Aubaniac JM, et al. The morphology of
simple et plus accessible dans un futur proche, des the proximal femur. A three-dimensional radiographic analy-
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outils tels qu'EOS ou le scanner, par la meilleure com- [19] Pasquier G, Ducharne G, Ali ES, et al. Total hip arthroplasty
préhension de l'influence de l'antéversion, permettent offset measurement : is CT scan the most accurate option ?
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25

Ruptures tendineuses
de l'appareil d'extension
après prothèse totale du genou
M. BONNIN, S. LUSTIG, D. HUTEN

M. Bonnin

Résumé et après échec d'allogreffe, des techniques de sauvetage ont été


proposées [lambeau(x) de gastrocnémien(s) et de vaste(s)]. Quelle
Les ruptures tendineuses de l'appareil extenseur après prothèse que soit la technique utilisée, les sutures doivent être pratiquées
totale du genou sont rares mais graves. Elles entraînent un défi- en extension complète et sous tension, et la rééducation doit
cit de l'extension active qui compromet fortement la fonction être très prudente. Les séries publiées sont courtes, hétérogènes
du genou. La plupart relèvent d'un traitement chirurgical qui et manquent de recul. Quelle que soit l'option choisie, il existe
va de la simple suture à l'allogreffe de la totalité de l'appareil un taux d'échec significatif. Il faut en informer le patient et
d'extension en passant par diverses techniques (plasties à l'aide toujours garder une solution de secours. L'arthrodèse est un ultime
des tendons ou muscles voisins, ligaments synthétiques, allo- recours. Cette mise au point passe en revue les différentes tech-
greffes partielles). Les sutures simples sont grevées d'un taux niques et leurs résultats et propose une stratégie thérapeutique.
d'échec élevé et doivent être systématiquement renforcées, soit
par un tendon de voisinage, soit par un ligament synthétique. Les
résultats des allogreffes sont variables et leur taux de compli- Mots clés : PTG. – Tendon rotulien. – Tendon quadricipital. – Allogreffe.
cations à long terme est élevé. Dans les formes les plus graves

Introduction Généralités
Les ruptures tendineuses de l'appareil extenseur (AE) Les ruptures peuvent être situées en plein corps ou
après prothèse totale du genou (PTG) sont rares mais au niveau de l'insertion distale des deux tendons [7].
graves ; elles entraînent un déficit de l'extension active La rupture ou l'avulsion distale du TP est la plus
(DEA) qui compromet fortement la fonction du genou. fréquente [3, 4, 8]. Dans les ruptures chroniques, la
Elles entraînent une solution de continuité en un point rétraction quadricipitale rend la réparation directe dif-
de la chaîne fonctionnelle comprenant le tendon qua- ficile, voire impossible.
dricipital (TQ), la patella, le tendon patellaire (TP) et La rupture est volontiers rattachée à un trauma-
son insertion sur la tubérosité tibiale antérieure (TTA). tisme, net (chute sur le genou en flexion) ou mineur
La prévalence des ruptures de l'AE après PTG varie (relèvement d'une chaise, port d'une charge…), qui ne
de 0,17 à 2,5 % [1]. Elle est de 0,17 [2] à 1 % pour le fait alors que révéler une pathologie chronique ou une
TP [1, 3, 4] et de 0,1 [5] à 1,1 % [6] pour le TQ. fragilisation [3].
Il existe de très nombreuses propositions thérapeu- Au cours d'une PTG, l'AE peut être fragilisé par une
tiques, allant de la simple suture à divers types d'allo- dévascularisation liée à l'interruption des artères :
greffes en passant par les plasties, à l'aide de tendons • géniculées médiales et descendante des arthrotomies
et muscles voisins, et les ligaments synthétiques. Les médiales ;
séries publiées sont courtes, hétérogènes et manquent • géniculées inféro-latérale et tibiale antérieure récur-
de recul, ce qui rend leur analyse difficile [4] et ne per- rente d'une excision du Hoffa et de la méniscectomie
met pas de conclure à la supériorité d'une technique. latérale ;

Conférences d'enseignement 2015


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26 M. BONNIN, S. LUSTIG, D. HUTEN

• géniculée supéro-latérale d'une section du retinacu- die ; maladie lupique ; corticothérapie au long cours ;
lum patellaire latéral [1, 3, 6, 9]. insuffisance rénale chronique [1, 3, 5, 6, 8] ; infiltra-
Toute dissection étendue aggrave cette dévasculari- tions cortisoniques multiples [5]. La rupture tendi-
sation (figure 3.1). neuse peut alors survenir plusieurs années après la
Des tractions excessives sur le TP peuvent engen- prothèse [14].
drer une rupture complète ou partielle pouvant se Un déficit de l'AE a souvent des conséquences fonc-
compléter secondairement. Ainsi, tout ce qui rend tionnelles graves dues à l'impossibilité de verrouillage
l'abord articulaire difficile est un facteur de risque : du genou. Parfois, le déficit se révèle uniquement lors
raideur [1, 2, 10, 11]  ; interventions préalables des efforts ou dans les escaliers mais ailleurs, il rend
(ostéotomies tubérositaires, réalignements de l'AE [1, la marche sur terrain plat impossible sans appareil-
3, 6, 8, 10] ; ostéotomies tibiales proximales [3, 10] ; lage et entraîne des chutes à répétition. Les patients
reprise de PTG [1] ; séquelles d'infection [1, 8] ; forcent souvent leur genou en recurvatum pour le
patella infera [1, 3] ; obésité. Une mobilisation sous stabiliser lors de l'appui, ce qui menace la fixation
anesthésie générale (AG), surtout tardive, peut inter- prothétique [2, 15, 16]. Enfin, l'insuffisance de l'AE
rompre l'AE [10, 11]. expose à la luxation des prothèses postéro-stabili-
D'autres causes favorisantes ont été invoquées : sées [17, 18].
débord prothétique tibial ou patellaire [3, 8, 11] ;
coupe rotulienne excessive [1, 3, 4, 11, 12] ; ascen-
sion de l'interligne articulaire (IA) entraînant un Diagnostic
conflit entre le TP et le plateau tibial [1, 3, 4, 11, 12] ; Le diagnostic peut être évident en cas de traumatisme
abaissement de l'IA et malposition prothétique, notam- suivi d'une impossibilité de verrouillage du genou lors
ment rotatoire, augmentant les contraintes fémoro- de la marche, d'un DEA complet, avec une perte de
patellaires [1, 3, 11, 13]. substance tendineuse palpable.
Les ruptures favorisées par les difficultés et Il peut être difficile en l'absence de traumatisme ini-
erreurs techniques surviennent souvent précocement tial, avec un patient ne signalant qu'une insécurité ou
après l'intervention, de première intention ou de une instabilité. Une diminution de la force d'extension,
reprise [14]. un DEA inférieur à 20° [3, 19], une extension active
De nombreuses comorbidités ont été incriminées : complète impossible à partir de la position de flexion
rhumatismes inflammatoires  ; diabète ; hyperthyroï- maximale [5], un verrouillage en recurvatum lors de la
marche doivent y faire penser.
La comparaison des clichés successifs de profil,
genou déverrouillé en charge, peut révéler une migra-
tion progressive de la patella, proximale en cas de dis-
tension du TP et distale en cas de distension du TQ.
L'échographie est un examen de choix, particuliè-
rement dans les ruptures partielles où la clinique n'est
pas formelle. Elle renseigne également sur la qualité
Artère géniculée
tissulaire [3]. L'IRM peut également aider mais sa lec-

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supéro-médiale ture est difficile en raison des artéfacts.
Artère géniculée
supéra-latérale Il faut éliminer un déficit quadricipital d'origine neu-
rologique par l'examen clinique, éventuellement une
Artère géniculée
inféro-latérale IRM lombaire et/ou un électromyogramme.
Artère géniculée
inféro-médiale

Artère tibiale Traitements chirurgicaux


antérieure
récurante
Il en existe plusieurs, en fonction des conditions locales
(siège, caractère complet ou incomplet, ancienneté,
Figure 3.1 Vascularisation de l'appareil extenseur. interventions antérieures, antécédents infectieux), de
Source : Pawar U, et al. Scintigraphic assessment of patel- l'état général, de la gêne et de la demande fonction-
lar viability in total knee arthroplasty after lateral release. nelle mais également des possibilités de se procurer des
J Arthroplasty 2009 ; 24 : 636–40. allogreffes.
Ruptures tendineuses de l'appareil d'extension après prothèse totale du genou 27

On peut les classer en : (1) réparation simple, La suture est réalisée genou fléchi à 90° et doit réta-
(2) réparations avec renfort par un tendon de voisi- blir une hauteur rotulienne normale. Lorsque le ten-
nage, (3) reconstructions à l'aide d'un ligament artifi- don est trop court, celui du gracilis ou un lambeau de
ciel, (4) remplacements par allogreffe et (5) techniques quadriceps retourné complètent la reconstruction.
de sauvetage. Les résultats de ces techniques figurent En cas de rotule trop mince ou de mauvaise qualité,
dans le tableau 3.1. le greffon est passé à travers le TQ au bord proximal
de la patella et la reconstruction est renforcée par un
lambeau de TQ retourné.
Réparation simple Le genou est immobilisé en extension pendant
6 semaines, avec un appui soulagé par deux cannes.
Réalisée par suture directe ou transosseuse à l'aide de La flexion est limitée à 60° et une orthèse d'extension
fils non résorbables, d'ancres ou d'agrafes [2], elle doit est portée lors de la marche jusqu'à 12 semaines.
être protégée par un cerclage patello-tibial métallique Les résultats sont globalement satisfaisants, au prix
(ou à l'aide d'un gros fil non résorbable), en s'effor- d'une flexion souvent limitée [24].
çant de rétablir une hauteur patellaire normale. Le Järvela et al. ont conseillé l'utilisation des tendons
genou est le plus souvent immobilisé en extension des ST et G en double cadre, avec fixation de leur
pendant 6 semaines. La rééducation doit être très pru- terminaison par agrafe ou vis d'interférence dans
dente jusqu'à 12 semaines. un tunnel osseux [17]. Aucune immobilisation n'est
Les résultats sont médiocres. Pour le TP, Rand [2] nécessaire. Très peu de résultats ont été rapportés.
rapportait six échecs sur neuf sutures et deux échecs
sur quatre agrafages et Lynch [6] quatre échecs sur
quatre réparations directes, notamment dans les rup- Lambeau de TQ retourné
tures chroniques. Pour le TQ, Dobbs rapportait égale-
Le tiers médian du TQ est détaché jusqu'à sa jonc-
ment de nombreux échecs [5].
tion avec le muscle et basculé vers le bas. Il peut être
Les indications de réparation simple sont donc très
fixé dans un tunnel creusé dans la TTA [18] ou être
limitées : rupture peropératoire ou très récente, avec
suturé à la terminaison du TP [40]. Il est suturé aux
des tissus souples et de bonne qualité ; l'agrafage ou
restes du TP et la reconstruction est protégée par un
la suture transosseuse d'une avulsion distale peropéra-
cerclage [18, 40].
toire serait la meilleure indication [2, 8]. Néanmoins,
Le genou est immobilisé en extension pen-
en règle générale, toute réparation simple doit être
dant 3 semaines puis rééduqué avec reprise de
renforcée.
l'appui protégé par une orthèse articulée jusqu'à
12 semaines [40].
Renforts tendineux Les résultats sont hétérogènes, avec 45° de DEA
(probable insuffisance de tension de la reconstruction)
Ces techniques permettent en principe de reconstruire pour Mine [18] et un excellent résultat pour Lin [40].
mais surtout de renforcer une réparation simple à
l'aide de collagène natif : tendons du semi-tendi-
neux (ST), du gracilis (G), TQ retourné. Nous avons
Ligaments artificiels
classé les lambeaux de gastrocnémien et de vaste Ils agissent comme un renfort et un support réhabitable
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médial (VM) ou latéral (VL) dans les techniques « de par le tissu fibreux. Ces techniques présentent plusieurs
sauvetage ». avantages : simplicité, pas de prélèvement de voisinage,
absence de contrainte administrative, absence de risque
de transmission virale et coût inférieur à celui d'une
Tendon du semi-tendineux allogreffe. Leurs inconvénients sont un risque infec-
Dans la technique de Cadambi et Engh [24], le ten- tieux plus élevé, et leur faible disponibilité.
don est détaché du corps musculaire à l'aide d'un
stripper en conservant l'insertion tibiale. Il est passé
dans un tunnel transversal de 6 mm de diamètre au Ligament Leeds-Keio™
niveau du tiers distal de la patella puis suturé à lui- (Neoligaments™, Xiros, Leeds, UK)
même (figure 3.2). Une variante consiste à faire passer Il s'agit d'une bandelette de polyester tissé.
le tendon de dehors en dedans à travers la TTA avant Un cerclage en huit de chiffre est passé à travers
de le suturer à son origine. la partie distale du TQ et un tunnel transosseux au
Tableau 3.1

28
Synthèse des résultats dans les séries de la littérature
Auteur (référence) Année N Technique Localisation Recul (mois) Déficit résiduel Flexion moyenne Complications
moyen

Renfort par tissu synthétique

Fernandez- 1993 1 Dacron™ TQ 12 Aucune


Baillo [20]

Fujikawa [21] 1994 1 Leeds Keio™ TP Non précisé 5° 87° Aucune

Aracil [22] 1999 5 Leeds Keio™ 4 TP, 1 TQ 56 (38–84) 3 déficits : 5°, 98° (90°–110°) 1 infection superficielle
10°, 10°

Fukuta [23] 2004 2 Leeds Keio™ TP 38 (36–40) 1 déficit de 5° 107° (105°–110°) Aucune

Browne[16] 2011 13 Polypropylène™ TP (5 échecs 42 (11–118) 10° 103° 3 échecs réopérés


d'allogreffes) 1 infection

M. BONNIN, S. LUSTIG, D. HUTEN


Transferts tendineux et musculaires autologues

Cadambi [24] 1992 8 ST ± gracilis TP 30 (12–48) 5° 80° Aucune

Chiou [25] 1995 1 GL TP avec 18 10° 100° Aucune


nécrose cutanée

Jaureguito [26] 1997 6 GM 4 TP, 2 PSAE 33 (26–41) 24° (0°–50°) 100° (65°–130°) 1 raideur (Mobilisation
majeures avec sous anesthésie générale)
rotule absente 1 infection

Busfield [27] 2004 9 GM 4 infections 21 (7–31) 11° (0°–50°) 92° (55°–125°) 1 amputation


4 échecs 1 nécrose cutanée
d'allogreffe

Järvela [17] 2005 1 ST TP 12 0° 80° Aucune

Whiteside [28, 29] 2014 5 GM ou Échecs 39 (20–51) Aucune


GL ± vastes d'allogreffes

Allogreffes

Emerson [30] 1990 13 Complète TP 23 (6–51) 8° (0°-20°) 103° Aucune

Emerson [12] 1994 15 Complète TP 49 (26–84) 3 déficits : 20°, 106° (80°–130°) 3 ruptures itératives
25°, 40°

Zanotti [31] 1995 1 Partielle TP 24 Pas de déficit Aucune


résiduel

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Tableau 3.1
Suite

Ruptures tendineuses de l'appareil d'extension après prothèse totale du genou


Leopold [32] 1999 7 Complète Non précisé 39 (6–115) 59° (40°-80°) 108° (90°–130°) 6 ruptures secondaires
1 pseudarthrose TTA
4 réopérations

Nazarian [33] 1999 40 Complète 22 TP, 8 TQ, 3,6 (2–10) Déficit moyen: 13° 98° (89°–108°) 8 ruptures itératives
4 fractures de la 23 patients sans réopérées
patella déficit

Parker [11] 2003 7 Achille Non précisé Non précisé Non précisé

Burnett* [34–36] 2006 19 10 Achille 13 TP, 56 (24–96) 14° (0°-90°) 99° (0°–120°) 3 ruptures itératives
9 allogreffes 5 fractures de 1 réopération
complètes rotule, 1 après
patellectomie

Malhotra [37] 2008 4 Partielle TP 21 (14–30) Un déficit de 10° 95° (90°–100°) 1 infection superficielle

Ares [38] 2014 5 Achille TP 25 1,4° ± 2° 102° ± 5,7° Aucune

Diaz- 2014 29 Achille 11 TP, 15 TQ, 42 (12–90) 3 déficits : 10°, > 110°  : 11 ruptures itératives
Ledezma [39] 3 fractures de la 15°, 20° 10 patients 4 infections
patella 90°-110° :
6 patients
< 90° : 1 patient

* Séries identiques à celle de Barrack 2003.


GL : gastrocnémien latéral ; GM : gastrocnémien médial ; PSAE : perte de substance de l'appareil d'extension ; TP : tendon patellaire ; ST : semi-tendineux ; TQ : tendon quadricipital ;
TTA : tuberosité tibiale antérieure.

29
30 M. BONNIN, S. LUSTIG, D. HUTEN

1 2 3

A B C
Figure 3.2 Plastie au semi-tendineux.
a. Technique de Cadambi : 1. Gracilis ; 2. Corps musculaire du ST ; 3. Section du tendon du ST à la jonction tendino-musculaire ;
4. Insertion tibiale du ST préservée.
b. Rupture du TP, tunnel rotulien impossible (épaisseur rotulienne insuffisante).
c. Fixation du greffon dans un tunnel borgne tibial à l'aide d'une vis d'interférence.

niveau de la TTA. Le ligament est fixé à l'aide de deux


agrafes ou d'une vis à rondelle et le TP est suturé ou
réinséré [22]. Les deux extrémités du ligament peuvent
aussi être croisées en avant de la patella, suturées aux
berges du TP puis nouées l'une avec l'autre aux extré-
mités d'un tunnel transtibial [20].
La flexion est rééduquée immédiatement et l'appui
autorisé dans une orthèse en extension [22] ou différé
de 2 semaines et protégé par une attelle en extension
pendant 12 semaines [20].
Les résultats sont satisfaisants avec un faible taux de
distension secondaire mais un risque infectieux lié à la
situation superficielle du ligament [20–23].
Figure 3.3 La plaque synthétique est repliée sur elle-même
Technique de Hanssen en dix couches suturées au fil non résorbable.
Elle utilise une plaque de polypropylène monofilament
tressé (Marlex mesh™, C.R. Bard, Murray Hill, NJ,

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USA). En France, on dispose d'une plaque équivalente
en treillis de polypropylène tricoté non résorbable de
30 cm × 30 cm (Prolène™, Ethicon, Somerville, NJ,
USA) (figure 3.3).
La technique a été codifiée par Browne et Hanssen [16].
La plaque est repliée sur elle-même en plusieurs couches
de 2 à 2,5 cm de large suturées les unes aux autres. Si
la pièce tibiale est conservée, le ligament est fixé dans
une tranchée osseuse, située légèrement en dedans de
la crête tibiale en avant de la quille tibiale (figure 3.4),
à l'aide de ciment et d'une vis traversant le ligament et
le ciment. Si la pièce tibiale est changée, le ligament est
introduit en avant de la tige et ressort du tibia en avant
et en dedans. Figure 3.4 Fixation tibiale par ciment et vis.
Ruptures tendineuses de l'appareil d'extension après prothèse totale du genou 31

Figure 3.5 Un lambeau de tissu fibreux est interposé Figure 3.7 Aspect final.


entre ­ligament synthétique et plateau tibial.

Un lambeau de tissu fibreux est interposé entre le


ligament et le plateau tibial pour qu'il ne soit pas
Allogreffes
abrasé par le ligament (figures 3.5). L'utilisation d'allogreffes permet de combler d'impor-
Celui-ci est ensuite passé sous le résidu de tendon tantes pertes de substance de l'AE. Elles ont une bonne
rotulien (TR), puis à travers le retinaculum latéral et résistance mécanique et apportent une trame fibreuse qui
enfin fixé sur la patella abaissée en regard de la tro- peut être colonisée par le tissu fibreux du receveur [34, 35,
chlée prothétique (figure 3.6). 39], au prix de risques de rupture ou distension progres-
Le genou est étendu et le ligament suturé au TQ et au sive, d'infection et de transmission d'infections virales.
VL à l'aide de nombreux points de fil non résorbable. On dispose d'allogreffes « fraîches congelées » et
Le VM est ensuite libéré et avancé sur le VL auquel « lyophilisées  » 
; ces dernières, ayant une moindre
il est suturé. Le ligament est ainsi situé entre le VM en résistance mécanique et un plus grand pouvoir antigé-
avant et le VL en arrière. nique, ont été de fait abandonnées [30].
Une flexion de 45° et 60° est en règle possible une Trois types de greffes répondent à des indications diffé-
fois la fermeture effectuée (figure 3.7). rentes : tendon calcanéen (TC) avec un bloc osseux calca-
Le genou est immobilisé en extension pendant 6 à néen, allogreffes partielles (de type Kenneth-Jones) et enfin
8 semaines avec un appui contact. Le patient reprend allogreffes totales (TQ–patella–TP–TTA) (figure 3.8).
l'appui complet entre 4 et 6 semaines et la flexion est
augmentée de 10° par semaine.
Dans leur série de 13 ruptures du TP, Browne et Allogreffes de tendon calcanéen
Hanssen rapportaient neuf bons résultats, trois rup- Toutes les techniques ont en commun la fixation tibiale
tures itératives précoces et une infection [16]. d'un bloc calcanéen, rectangulaire (1,5 × 2,5 cm)
Cette technique pourrait avoir sa place si ses résul- ou trapézoïdal [39], impacté en press-fit dans une
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tats sont confirmés par de plus grands effectifs. tranchée tibiale creusée en dessous et en dedans de

A B
Figure 3.6 Le ligament est passé sous le résidu de TP, dans une ouverture du retinaculum latéral (a) puis fixé sur la patella et le TQ (b).
32 M. BONNIN, S. LUSTIG, D. HUTEN

A B
Figure 3.8 Les différents types d'allogreffe : allogreffe partielle d'appareil extenseur (a), allogreffe complète d'appareil extenseur (b).

l'insertion du TP et fixé par trois cerclages métal- Les résultats de Crosset et al. [13] et Diaz-Ledezma
liques [34–36], deux vis [38, 39] ou une vis et éven- et al. [39] (technique onlay) étaient médiocres avec
tuellement un cerclage [13]. Ares et al. ont proposé de une fréquente ascension secondaire de la patella [13].
le couper obliquement à 45° à sa partie haute (avec Les techniques comportant une imbrication de l'allo-
un éperon osseux profond) et de creuser la tranchée greffe et de l'AE étaient meilleures [15, 36, 38].
tibiale en conséquence pour s'opposer à l'ascension La meilleure indication serait une rupture du TP
du bloc [38]. En cas d'ostéolyse tibiale, la tranchée avec patella intacte et abaissable (à 1,5–4 cm de l'inter-
est creusée en aval des zones d'ostéolyse [15, 36, 41]. ligne) [13, 15, 36]. Une autre indication serait au contraire
Plusieurs techniques ont été décrites : une patella très haute et non abaissable car les allogreffes
• greffe à un faisceau fixé en avant de la patella et du de la totalité de l'AE sont alors trop courtes [15, 36].
TQ en onlay [13, 39] ou passé en arrière du TR puis à Certains [42] reprochent à ces techniques une fixa-
travers une fente dans le retinaculum latéral et enfin en tion proximale difficile en raison de l'amincissement
avant de la patella et du TQ [15, 36, 41] ; et l'élargissement progressif de la greffe et une cou-
• greffe à deux faisceaux : verture souvent incomplète de la greffe par l'AE natif.
– faufilés dans les retinacula patellaires jusqu'au
bord proximal de la patella [38]. Le faisceau laté-
ral est passé à travers la partie terminale du TQ de
Allogreffes partielles de l'AE
dehors en dedans. La patella est alors abaissée le Nous utilisons une technique dérivée de celles de
plus possible et le faisceau latéral suturé à l'AE. Le Malhotra [37] et Zanotti [31] ; elle est également utili-
faisceau médial est suturé au TQ, sée dans les ruptures du TP sur genou non prothétique,
– faufilés en huit de chiffre à travers la patella ou la avec prélèvement d'un greffon autologue sur le genou

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terminaison du TQ [11] ; controlatéral [43].
• greffe à trois faisceaux [8], dont deux faufilés dans Le greffon comporte un bloc osseux tibial, le tiers
les retinacula patellaires et le troisième dans ce qui moyen du TP, un bloc osseux patellaire et un lambeau
reste du TP avant de monter en avant de la patella. de TQ. Il doit être choisi de sorte que la longueur du TP
Les sutures doivent être réalisées sous tension, le soit la même que celle du TP controlatéral (figure 3.9). Le
genou en extension complète. bloc patellaire a une forme en sablier et le bloc tibial est
Le genou est immobilisé en extension complète pendant plus large à sa partie distale. Le bloc patellaire est fixé le
3 à 6 semaines [8, 13, 34, 36, 38, 39]. L'appui est protégé premier à l'aide de deux à trois fils métalliques. Le TQ est
pendant 3 à 4 semaines [13, 34, 39, 38] puis intensifié ensuite suturé à celui du patient ouvert longitudinalement.
progressivement pour être complet à 8 semaines [13, 39]. La fixation du bloc tibial rétablit la hauteur rotulienne.
La flexion est rééduquée progressivement par paliers Dans les techniques de Zanotti [31] et Malhorta [37],
(45° de flexion entre 4 [38] et 8 semaines [34–36], 90° le greffon ne comporte pas de TQ et sa portion patel-
entre 12 et 16 semaines [33–36]). Une attelle articu- laire est préparée en forme de bouton-pression avec
lée limitant la flexion est portée jusqu'à 8 [13], voire un plot central [31] ou de tenon vertical médian de
16 semaines [34–36, 38]. 10 mm de large [37].
Ruptures tendineuses de l'appareil d'extension après prothèse totale du genou 33

une fois la suture effectuée ;


• suture en paletot de l'AE recouvrant l'allogreffe ;
• immobilisation dans une résine [14] de 6 semaines
en extension, flexion avec un gain de 30° toutes les
2 semaines dans une attelle articulée de 6 à 12 semaines,
pas de pouliethérapie ni de travail contre résistance
avant 6 à 12 mois après ablation de la résine.
Ces principes ont été adoptés par tous [8, 44], avec une
technique désormais bien codifiée (figure 3.10) [34].
On peut néanmoins conserver et amincir la patella
afin qu'elle recouvre l'allogreffe (double patella). Très
récemment, Brown et al. [42] ont proposé une fixation
Figure 3.9 Vue opératoire d'une allogreffe partielle d'appareil
tibiale par vis plutôt que cerclages, à moins que ceux-ci
extenseur.
a. Tranchée de 10 mm en forme de sablier sur la patella receveuse ; ne passent en arrière d'une tige (en cas de changement
tranchée de 10 mm (plus large distalement) sur le tibia receveur. associé), qui a pour autre mérite de prévenir une frac-
b. Le fragment osseux rotulien est fixé en premier à l'aide de deux ou ture tibiale. Si la prothèse est changée (environ 50 % des
trois fils métalliques. Le TQ est ensuite suturé au TQ receveur. Un fil cas), ils recommandent une prothèse charnière rotatoire
métallique passé au travers de la baguette tibiale prend appui sur une en raison de fréquentes instabilités secondaires. En cas
vis à rondelle plus distale. Une bandelette de PDS renforce la greffe. d'ostéolyse tibiale proximale étendue, il est possible de
remplacer la totalité du tibia proximal avec l'AE [15].
Le genou est immobilisé en extension pendant 2 à
Cette technique est surtout indiquée dans les rup-
3 mois et l'appui est autorisé. La flexion est ensuite
tures tendineuses avec patella altérée. La récente
rééduquée progressivement.
Dans les cinq cas publiés, les résultats étaient satis-
faisants, avec extension active satisfaisante et consoli-
dation des greffons [31, 37].
Cette technique est indiquée lorsqu'il reste peu ou pas
de TP avec une patella abaissable et solide, idéalement
non resurfacée. Elle présente l'avantage d'une fixation
os–os limitant le risque de distension secondaire.

Allogreffes de la totalité de l'AE


Emerson et al. [30] ont énoncé six principes techniques :
ce qui reste du tendon ne doit pas être réséqué (1), la
greffe doit être très solidement fixée (2), doit être posi-
tionnée et tendue de manière à obtenir une extension
active et une course patellaire satisfaisantes (3), doit
être recouverte par du tissu autologue (4), ne doit pas
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être endommagée lors de sa préparation et de sa fixa- Figure 3.10 Allogreffe totale.


tion (5) et la peau doit être fermée sans tension (6). Ses a. Tranchée tibiale.
résultats [12], comme ceux de Leopold [32] utilisant la b. Fixation du bloc tibial en press-fit, par cerclages métalliques
transversaux.
même technique, étaient décevants avec d'importants
c. Passage de deux fils au niveau des bords médial et latéral du TQ,
DEA résiduels s'expliquant surtout par une tension avec deux fils de traction pour chacun.
insuffisante des sutures qui autorisait une flexion de d. Passage de deux fils de suture dans les retinacula médial et
l'ordre de 60°. La série de Burnett et al. comparant latéral de la partie distale du TQ à la jonction myotendineuse.
deux groupes de greffes tendues (13) et peu tendues (7) L'allogreffe est passée sous le quadriceps receveur et les deux fils
en a apporté la confirmation [35]. précédents sont ressortis le plus haut possible à travers le quadri-
Nazarian et Booth ont amélioré cette technique [33] : ceps ce qui permet de tirer l'allogreffe vers le haut, tandis que les
fils placés dans les retinacula permettent de tirer le quadriceps
• utilisation de greffes cryopréservées ;
vers le bas.
• absence de resurfacement patellaire ; Source : Sah AP, et al. Extensor mechanism allograft : surgi-
• excision de la patella ; cal technique. In : Bonnin M, et al. The Knee Joint – Surgical
• tension maximale de la suture proximale réalisée techniques and strategies. Paris : Springer-Verlag France ; 2012,
genou étendu, avec une flexion du genou impossible p. 1049–56.
34 M. BONNIN, S. LUSTIG, D. HUTEN

série à long terme de Brown et al. a néanmoins attiré tibia proximal et est suturé à la partie musculaire
­l'attention sur un taux d'échec de 38 % avec une sur- du(des) lambeau(x) de vaste(s).
vie de 56,2 % à 10 ans [42]. Le genou est immobilisé dans une orthèse en exten-
sion et la flexion limitée à 15° du 8e au 45e jour. Elle
est augmentée progressivement ensuite et l'orthèse est
Techniques « de sauvetage » portée jusqu'à 8 semaines.
Les résultats encourageants de cette technique ont
Lambeaux de gastrocnémien été rapportés à deux reprises [28, 29]. Elle serait
Ils apportent un tissu vascularisé sur lequel il est pos- indiquée dans les pertes de substance étendues de
sible de fixer ce qui reste de l'AE. Deux lambeaux l'AE et surtout du TQ et de la capsule proximale,
peuvent être utilisés : un lambeau de gastrocnémien ne pouvant être couvertes à l'aide d'un lambeau de
médial (GM) isolé lorsque la patella est encore présente GM et aussi après échec d'une reconstruction par
ou un lambeau de GM étendu à la moitié médiale du allogreffe [29].
TC en cas de pertes de substance de l'AE plus proxi-
male avec patella absente [25, 26].
L'incision de la PTG est étendue distalement. Le GM Particularités des ruptures
est séparé du gastrocnémien latéral (GL) jusqu'à hau-
teur des condyles tibiaux pour pouvoir être tourné en
du tendon quadricipital
avant et recouvrir la TTA. Il est suturé au fascia de Elles sont fréquemment d'origine traumatique et
la loge antérieure. Ce qui reste du TP et de la cap- peuvent être partielles.
sule médiale est suturé au GM. Une greffe de peau Les ruptures partielles [5, 7] doivent être traitées par
mince peut être nécessaire pour recouvrir une partie une immobilisation de 6 à 8 semaines en extension,
du lambeau. suivie de mobilisation très progressive.
En cas de perte de substance du TQ, patellectomie Les réparations des ruptures complètes doivent être
ou fracture patellaire, le tiers(la moitié) médial(e) du renforcées par un tissu autologue (semi-tendineux et/
TC est prélevé(e) en continuité avec le GM. Le GM ou gracilis [8], lambeau triangulaire de TQ retourné)
recouvre la partie proximale du tibia à laquelle elle est ou synthétique (Marlex mesh™ [16], Dacron™ [20],
suturée ; le TC est suturé sous forte tension à ce qui Leeds-Keio™ [21, 45]).
reste du TQ.
Le genou est immobilisé en extension pendant
6 semaines et la flexion est ensuite rééduquée progres- Arthrodèse du genou
sivement. Une orthèse articulée limite la flexion lors de
la marche jusqu'à 8 ou 10 semaines. L'arthrodèse est un recours ultime [46]. La tech-
Les résultats de Jaureguito [26] et Busfield [27] nique de la « prothèse–arthrodèse » permet d'éviter
étaient encourageants, surtout si l'on tient compte une inégalité de longueur majeure et d'autoriser
de la complexité de leurs cas, avec un DEA résiduel un appui immédiat en dépit d'une perte de subs-
moyen de respectivement 24° et 11°. tance osseuse souvent importante. Elle comporte
Cette technique est surtout une technique de sauve- un ancrage médullaire à longues tiges, cimentées ou
tage [25–27] pour des genoux multi-opérés, avec de non. L'abord est celui de la prothèse, sans se soucier

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fréquentes complications septiques, voire une perte de de l'AE déficient. Un accourcissement de quelques
substance cutanée et aussi après échec d'une recons- centimètres permet d'éviter la combinaison à un
truction par allogreffe [32, 36]. lambeau et peut aussi être utile en cas de mauvais
terrain vasculaire (figure 3.11).

Lambeaux de vaste(s) médial et/ou latéral Stratégie thérapeutique


Ils ont été décrits par Whiteside [28, 29]. Le(s) Compte tenu de la rareté des séries, de leur caractère
vaste(s) médial et/ou latéral est(sont) détaché(s) hétérogène, de leurs résultats variables et d'un recul
au niveau de son(leurs) insertion(s) distale(s) puis souvent limité, il est difficile de proposer des indica-
transféré(s) en avant et suturé(s) par des points tions précises. Par ailleurs, l'utilisation d'allogreffes
transosseux à la TTA, le vaste latéral sous le médial tissulaires est toujours limitée en France du fait d'une
si les deux sont utilisés. absence de prise en charge par l'assurance maladie.
Un lambeau de GM ou de la moitié médiale du Leur coût doit être supporté par le patient ou l'établis-
soléaire peut être associé. Il vient alors recouvrir le sement, ce qui en réduit l'usage.
Ruptures tendineuses de l'appareil d'extension après prothèse totale du genou 35

A B C
Figure 3.11 Genou multi-opéré et infecté.
a. Perte de substance osseuse grave.
b, c. Sauvetage du membre par « prothèse–arthrodèse ».

Certains points se dégagent néanmoins de l'analyse couverture de la réparation tendineuse par une
de la littérature (figure 3.12) : suture cutanée sans tension ou un lambeau
1. les ruptures partielles du TQ relèvent plutôt de musculaire, en particulier dans la région de la
l'immobilisation ; TTA ;
2. quelle que soit l'option choisie, il existe un taux 8. quelle que soit la technique utilisée, les sutures
d'échec significatif. Il faut en informer le patient et doivent être :
toujours garder une solution de secours ; – solides (la technique de Krackow [47] est la
3. les complications de ces interventions sont avant plus recommandée),
tout d'ordre infectieux et cutané et peuvent – pratiquées en extension complète et sous ten-
conduire à une amputation. Il faut en informer le sion et il vaut mieux ne plus fléchir le genou
patient, anticiper les difficultés et s'entourer d'in- ensuite ;
fectiologues et de chirurgiens plasticiens ; 9. une immobilisation en extension complète de
4. il est souvent (50 % [14]) nécessaire de changer 6 à 8 semaines, suivie par une rééducation très
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tout ou partie de la PTG avant de rétablir la conti- progressive de la flexion et une protection de la
nuité de l'AE, ce qui augmente significativement le marche jusqu'à 3 mois sont recommandées par la
poids et les risques de l'intervention ; plupart ;
5. les sutures (et réinsertions) sont grevées d'un taux 10. le caractère très limité des séries publiées témoigne
d'échec élevé ; toute suture doit donc être renfor- de la rareté de ces ruptures et de la faible expé-
cée, par un tendon de voisinage ou un ligament rience de chacun dans ce domaine. Pour cette
synthétique au risque infectieux plus élevé ; raison et du fait des difficultés logistiques (allo-
6. une tentative de réparation directe est néanmoins greffes), il paraît souhaitable de limiter cette
le premier temps de toute intervention, ce qui chirurgie aux centres spécialisés ;
incite à opérer précocement, avant que la rétrac- 11. l'arthrodèse du genou est un ultime recours qu'il
tion quadricipitale ne s'y oppose ; faut savoir utiliser dans les cas les plus sévères.
7. le risque infectieux élevé incite à enfouir le plus Une exceptionnelle arthrodèse patello-tibiale a pu
possible les matériaux étrangers et assurer la être proposée dans les ruptures du TR.
36 M. BONNIN, S. LUSTIG, D. HUTEN

Rupture ‘récente’ postopératoire *

Rupture ‘partielle’ Rupture ‘complète’


= déficit d’extension active < 20˚ = déficit d’extension active Ï 20˚

Traitement orthopédique Traitement chirurgical

Attelle rigide en extension 6 semaines


Appui autorisé avec attelle
Attelle articulée de 6 semaines à 3 mois

Rupture TR Rupture TQ Fracture rotule de type II

Rupture en Fracture ‘simple’ Fracture ‘complexe’


Avulsion Rupture en Avulsion
plein tendon avec bon stock ou mauvais stock
(haute ou basse) plein tendon rotulienne
osseux osseux

Suture avec Réinsertion Suture avec Réinsertion Ostéosynthèse a


Ostéosynthèse
renfort** transosseuse ou ancre renfort** transosseuse ou ancre minima + renfort **
selon qualité osseuse selon qualité osseuse
+ renfort** + renfort**

* La hauteur rotulienne était normale sur les clichés postopératoires et il ne s’agit pas d’un genou multi-opéré. On suppose que les tissus sont souple et non retractés.

* * Toujours préférer un renfort autologue lorsque cela est techniquement possible. Renfort supplémentaire avec cadrage métallique parfois utile.

A
Rupture ‘chronique’ ou échec d’un traitement préalable ou genou multi-opéré

Rotule haute Rotule Rotule très basse Rotule de hauteur Contexte septique
multifragmentaire ‘fixée’ ‘acceptable’

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Rotule haute Rotule haute
‘abaissable’ ‘non abaissable’

- Technique de Hanssen
TR disparu TR présent Allogreffe complète - Allogreffe partielle Arthrodèse du genou
distendu - Allogreffe de tendon d’Achille

- Allogreffe tendon d’Achille - Technique de Hansen


- Allogreffe complète - Allogreffe partielle

B
Figure 3.12 Algorithme de traitement en cas de rupture récente (a) ou ancienne (b).
Ruptures tendineuses de l'appareil d'extension après prothèse totale du genou 37

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39

Complications et reprises
des prothèses totales d'épaule
inversées
P. BOILEAU

P. Boileau

Résumé plusieurs interventions, la préservation ou le remplacement de la


PTEI est très souvent possible (dans 90 % des cas dans notre expé-
Les causes les plus fréquentes de reprise chirurgicale après pro-
rience), permettant la récupération d'une épaule fonctionnelle.
thèse totale d'épaule inversée (PTEI) sont par ordre décroissant :
Cependant, les résultats fonctionnels de ces reprises sont infé-
l'instabilité prothétique (38 %), l'infection (22 %), les descelle-
rieurs à ceux des prothèses de première intention. Ils dépendent
ments et complications humérales (21 %) incluant descellements,
de l'expérience du chirgien et du volume de prothèses inversées
dévissages intraprothétiques, fractures, et enfin les complications
qu'il a réalisé. Ceci suggère que les patients soient adressés à des
et descellements glénoïdiens (13 %). Les complications amenant
centres de référence.
à réopérer une PTEI sont souvent multiples et leur association
est sous-estimée. Il n'est pas rare que les patients soient réo-
pérés plusieurs fois du fait d'une complication persistante, de Mots clés : Prothèse totale d'épaule inversée. – Complications.
l'absence de diagnostic d'une complication associée ou de la sur- – Ré-opérations. – Révision prothétique.
venue d'une nouvelle complication. Même si elle peut nécessiter

Introduction Les complications amenant à reprendre une PTEI


sont multiples et souvent associées. Il s'agit d'une
La prothèse d'épaule inversée (PTEI) était initiale- chirurgie difficile pour laquelle la stratégie théra-
ment destinée à traiter les omarthroses à coiffe des peutique doit être mûrement réfléchie. C'est pour-
rotateurs déficiente, chez des patients âgés présentant quoi le chirurgien confronté à une ou plusieurs
une perte de l'élévation active du bras (épaule pseudo- complications après PTEI doit, avant d'envisa-
paralytique). Du fait de son succès, ses indications ont ger une reprise chirurgicale, répondre à plusieurs
été étendues à des patients plus jeunes présentant des questions :
lésions irréparables de la coiffe des rotateurs, des frac- • quelles sont les complications possibles, leur fré-
tures ou séquelles de fractures, des arthrites inflamma- quence et leurs facteurs de risque ?
toires, des échecs de prothèses anatomiques (PTEA) et • quelle doit être la stratégie chirurgicale en cas de
des tumeurs [1–3]. Au cours de la dernière décennie, complications associées ?
le nombre de PTEI implantées a augmenté de manière • est-il possible de conserver la prothèse ou
exponentielle, ce qui génère un nombre croissant de faut-il se résigner à retirer l'implant de manière
complications et de reprises chirurgicales [4]. définitive ?

Conférences d'enseignement 2015


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40 P. Boileau

• quand faut-il envisager une réimplantation en un ou Les causes les plus fréquentes de reprise après PTEI
deux temps ? étaient par ordre décroissant : l'instabilité prothétique
• en cas de changement prothétique, quel sera l'im- (38 %), l'infection (22 %), les complications humérales
pact sur le résultat fonctionnel final ? (21 %) incluant descellement et dévissage intraprothé-
C'est l'ambition de ce travail de répondre à ces tique, fracture et perte de substance osseuse (PSO), les
questions. complications et descellements glénoïdiens (13 %) et
d'autres causes plus rares (6 %) (tableau 4.2).
Au début de notre expérience, les patients ont par-
Épidémiologie fois été ré-opérés plusieurs fois du fait d'une compli-
Dans une revue de la littérature portant sur 782 PTEI cation persistante, d'une complication associée non
d'étiologies différentes (566 prothèses primaires diagnostiquée ou de la survenue d'une nouvelle com-
et 216 révisions d'hémi-arthroplastie ou PTEA), plication : 18 patients ont été réopérés plus d'une fois,
Zumstein et al. [4] ont rapporté 20 % de complica- dont quatre à quatre reprises.
tions postopé­ratoires ; 105 prothèses ont été reprises
avec 79 (10,1 %) révisions et 26 (3,3 %) ré-opérations Bilan préopératoire
(tableau 4.1).
Le taux de complications était presque trois fois plus Les complications nécessitant une ré-intervention sont
élevé dans le groupe des prothèses de révision pour multiples et leur association sous-estimée. Parmi ces
échec de prothèse anatomique que dans le groupe associations, trois au moins doivent être connues :
des prothèses de première intention (33,3 % versus • descellement prothétique et infection ;
13,4 %). • instabilité prothétique et raccourcissement huméral
Notre expérience personnelle porte sur 825 PTEI (par PSO humérale) ;
implantées entre 1996 et 2013 ; 84 ré-interventions • instabilité prothétique et médialisation excessive
dont 60 révisions ont été réalisées chez 54 patients. (glénosphère trop petite et/ou PSO glénoïdienne) [5].

Tableau 4.2
Tableau 4.1 Causes et fréquence des complications nécessitant
Taux de complications et de reprises (Zumstein et al. [4]) une reprise (expérience niçoise)

Nombre de PTEI 782 Causes des reprises (CHU de Nice, Pourcentage


1996–2013)
Complications postopératoires 164 (20,9 %)
Instabilité 38 %
Instabilité 4,7 %
Infection 22 %
Infection 3,8 %
Complications humérales 21 %
Descellement glénoïdien 3,5 %
• descellement huméral 10 %
Désassemblage glénosphère 1,5 %
• dévissage intraprothétique 7 %

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Fracture acromion/épine 1,5 %
omoplate • fracture périprothétique 4 %

Dévissage intraprothétique 1,5 % Complications glénoïdiennes 13 %

Fracture périprothétique 1,4 % • descellement glénoïdien 9 %

Descellement huméral 1,3 % • déclipsage glénosphère 3 %

Complication neurologique 1,2 % • fracture scapula 1 %

Autres 0,5 % Autres complications 6 %

Reprises 105 (13,4 %) • hématome 2 %

Ré-opérations 3,3 % • perte isolée rotation externe active 3 %

Révisions 10,1 % • raideur 1 %


Complications et reprises des prothèses totales d'épaule inversées 41

Si toutes les complications ne sont pas diagnos­


tiquées au départ, elles peuvent se manifester consécu-
Instabilité prothétique
tivement, entraînant de multiples ré-interventions [5]. L'instabilité prothétique après PTEI est la première cause
C'est pourquoi, avant toute reprise, le bilan préopéra- de reprise. C'est la complication la plus difficile à traiter,
toire doit comporter au minimum : comme en témoigne un fort taux de récidive [4, 7–11].
• une radiographie millimétrée et comparative des
deux humérus afin de quantifier la PSO et le raccour-
cissement huméral en mesurant les deux humérus
Facteurs de risque d'instabilité
selon Walch et Lädermann [6] ; Ils sont multiples et doivent être tous pris en compte
• une radiographie comparative des deux épaules avant d'envisager une ré-intervention [7, 12, 13] :
de face en rotation neutre pour quantifier une • antécédents chirurgicaux : les PTEI implantées pour
médialisation excessive de l'humérus et/ou de la échecs d'ostéosynthèse, d'hémi-arthroplastie (HA),
glène. Nous avons proposé de mesurer la distance de prothèse anatomique ou de prothèse inversée sont
entre le bord latéral de l'acromion et l'axe humé- trois fois plus instables que celles de première inten-
ral centro-médullaire (distance acromio-humérale tion (7 % versus 2 %) [8] ;
horizontale) [5] ; • voie d'abord delto-pectorale, avec 10 % d'ins-
• un scanner de l'épaule : il est indispensable pour tabilité versus 0 % pour la voie supéro-latérale
évaluer la médialisation, l'orientation des pièces dans transdeltoïdienne [8] ;
le plan axial, le stock osseux glénoïdien et huméral et • « effets came » par l'intermédiaire des parties molles
quantifier l'infiltration graisseuse des muscles de la ou de butoirs osseux :
coiffe des rotateurs ; – l'obésité protège du conflit scapulaire (scapular
• un bilan biologique (numération formule, vitesse de notching) mais entraîne un effet came par le biais
sédimentation et C-reactive protein) : il recherche une des masses graisseuses du bras et du tronc [14],
infection torpide associée. Une scintigraphie osseuse – un cal vicieux huméral ou une ossification humé-
et/ou une ponction articulaire peuvent être indiquées rale peuvent buter sur le pilier de la scapula ou la
pour en faire la preuve. glénosphère, avec un effet de levier (figure 4.1) ;
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A B
Figure 4.1 Instabilité récidivante par « effet came » médial (ossification médiale de l'humérus).
a. Radiographie.
b. Scanner.
42 P. Boileau

• les deux causes majeures sont la présence (souvent toïde dans le plan vertical (raccourcissement huméral)
associée) : et/ou le plan horizontal (médialisation excessive). Lors
– d'une PSO humérale ou glénoïdienne, de la révision, la restauration de la tension deltoïdienne
– et/ou d'une déficience des parties molles (subsca- peut être difficile car les repères de l'humérus proximal
pularis absent ou non réinséré et/ou atrophie du del- sont absents, en particulier lorsque le trochiter est lysé
toïde antérieur) [5]. ou a migré en arrière (après échec de prothèse pour
Les patients à risque sont ceux présentant : fracture de l'humérus proximal). Un bilan d'imagerie
• un raccourcissement huméral, du fait d'une PSO proxi- complet est indispensable pour déterminer :
male (migration prothétique, lyse ou excision du trochiter • la hauteur théorique de l'implant huméral de révi-
après fracture récente ou ancienne, résection humérale pour sion (tangent à la position théorique du trochiter) ;
tumeur), HA ne rétablissant pas la longueur humérale ; • si une prothèse de reconstruction et/ou une greffe
• une médialisation excessive de la glène, du fait d'une humérale sont nécessaires ;
PSO glénoïdienne et/ou de l'utilisation d'une glénos- • si le composant glénoïdien doit être latéralisé (greffe
phère de petite taille (36 mm) chez des patients de osseuse et/ou implant latéralisé).
grande taille (homme) [5, 15] ; Nous avons développé un algorithme décision-
• des erreurs de positionnement des implants dans le nel prenant en compte raccourcissement huméral et
plan horizontal (version humérale et/ou glénoïdienne médialisation excessive (figure 4.2).
identifiées en TDM) et/ou dans le plan vertical (implant
huméral trop bas et/ou implant glénoïdien trop haut). Gestion du raccourcissement huméral
Négliger ou ignorer un seul de ces facteurs amène à mal
positionner les nouveaux implants et à ne pas rétablir la S'il est inférieur à 15 mm, on peut récupérer la lon-
longueur et la latéralisation humérale, ce qui expose à la gueur humérale par adjonction d'un rehausseur métal-
récidive de l'instabilité et à de multiples ré-opérations. lique (+ 9 mm) et/ou d'un polyéthylène plus épais de
12 mm (+ 6 mm), procurant un allongement de 15 mm
sans avoir à changer les implants. Ceci n'est conce-
Conduite à tenir devant une PTEI vable qu'en l'absence de malposition ou descellement
instable huméral et de médialisation et/ou positionnement trop
haut de la glénosphère.
Luxation précoce On peut encore allonger et latéraliser l'humérus de
En cas de luxation précoce (dans les 3 premiers mois) et quelques millimètres en « jouant sur le versant glénoï-
en l'absence de PSO et d'erreur de rotation des implants, dien » grâce à : une glénosphère de plus grande taille
on sera conservateur : un ou plusieurs essais de réduc- (42 au lieu de 36 mm, par exemple) et/ou excentrée
tion à foyer fermé sous anesthésie générale doivent être vers le bas (+ 2 mm). En cas de changement glénoï-
pratiqués, avec une efficacité de 30 à 50 % [8]. dien, il faut positionner la platine glénoïdienne le plus
Après réduction, nous préconisons une immobilisa- bas possible (tangente au bord inférieur de la glène),
tion stricte sur attelle d'abduction, voire dans un plâtre avec un léger « tilt » inférieur pour améliorer la coap-
thoraco-brachial : cette position favorise le raccourcis- tation entre les deux implants.
sement deltoïdien et augmente les forces de coaptation Au-delà de 15 ou 20 mm de raccourcissement, il
prothétique. faut envisager le changement de l'implant huméral,

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Teusink et al. [16] ont confirmé cette attitude avec pour le positionner « à la bonne hauteur », c'est-à-dire
62 % de prothèses stabilisées (13/21) à 28 mois. Notre au-­dessus de la position théorique du trochiter (en se
expérience est moins satisfaisante : après tentative de basant sur la longueur mesurée de l'humérus contro-
réduction (parfois répétée), 59 % de nos prothèses latéral). Dans ce cas, il existe souvent une PSO humé-
sont restées instables. rale, dont le traitement est détaillé plus bas.
C'est essentiellement la sous-estimation du raccourcis- Au-delà de 5 cm, une greffe osseuse humérale struc-
sement huméral et/ou de la médialisation glénoïdienne, turale (ou une prothèse massive de reconstruction)
souvent associés, qui expliquent la récidive [5, 8]. permet d'améliorer la stabilité de l'épaule, en augmen-
tant la force de coaptation du deltoïde, et de neutrali-
ser les forces de descellement (figure 4.3).
Luxation tardive
En cas de luxation tardive (à plus de 3 mois), une ré-
intervention est d'autant plus indispensable qu'il existe Gestion de la médialisation excessive
des erreurs techniques corrigeables. Le plus souvent, En cas d'instabilité persistante malgré une correction
l'instabilité est due à une insuffisance de tension du del- de la longueur humérale, une médialisation excessive
Complications et reprises des prothèses totales d'épaule inversées 43

PTEI instable

Radiographie millimétrée
des deux humérus
+ RX de face des 2 épaules

Accourcissement Médialisation
huméral humérale

< 15 mm > 15 mm < 15 mm > 15 mm

PE plus épais Changement Glénosphère Changement


± implant huméral plus grande implant
Spacer (tige humérale plus (39 ou 42 mm) glénoïdien
métallique longue et plus ± (glénosphère
haute Glénosphère plus grande et
± latéralisée latéralisée)
greffe osseuse ±
humérale Greffe osseuse
(ou prothèse glénoïdienne
massive)

Figure 4.2 Algorithme thérapeutique en cas d'instabilité.


Écart de la longueur humérale < 15 mm et écart de médialisation < 15 mm : ajout d'un spacer métallique et d'un polyéthylène plus
épais avec une plus grande glénosphère.
Écart de longueur humérale > 15 mm et/ou médialisation > 15 mm : allongement par tige humérale plus longue et plus haute et/
ou augmentation de l'offset par greffe osseuse ou composant glénoïdien latéralisé.
PE : polyéthylène.

de la glène (et donc de l'humérus) est souvent en cause. • à l'aide d'une greffe osseuse sous la platine métal-
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Le chirurgien doit alors reconstruire la PSO glénoï- lique et avec une glénosphère standard (bony-
dienne et/ou latéraliser la glénosphère afin d'obtenir la increased offset reverse shoulder arthroplasty ou
stabilité. BIO-RSA) [18] ;
Devant une médialisation humérale peu importante • en implantant une glénosphère latéralisante (metal-
(< 15  mm), le changement d'une sphère de petit dia- lic-increased offset reverse shoulder arthroplasty ou
mètre (36 mm) pour une sphère plus large (39 ou MIO-RSA) ;
42 mm) est la première mesure, surtout chez un patient • en utilisant les deux artifices  : greffe osseuse
de grande taille (homme) : elle permet d'augmenter de la glène + glénosphère latéralisante (MIO
« l'angle de coaptation » du deltoïde (wrapping angle + BIO-RSA).
des Anglo-Saxons) et ainsi d'améliorer la stabilité (voir
figure 4.3) [2, 17].
Si la latéralisation est toujours insuffisante, on peut
Choix de l'implant huméral (latéralisé
améliorer la stabilité en latéralisant encore d'avantage versus médialisé)
la glénosphère pour augmenter davantage la force de Les tiges humérales de type Grammont comportent
coaptation du deltoïde soit : une cupule métallique intra-osseuse (inlay) ­médialisant
44 P. Boileau

A B C
Figure 4.3 Angle d'enroulement du deltoïde.
a. Instabilité prothétique avec PSO humérale proximale par perte de l'angle d'enroulement du deltoïde.
b. Greffe osseuse humérale proximale améliorant l'angle d'enroulement du deltoïde.
c. Greffe osseuse de la glène (BIO-RSA) latéralisant d'avantage l'humérus, avec augmentation de l'angle d'enroulement du deltoïde.

l'humérus. Il existe aujourd'hui des PTEI à plate-forme terventions [5, 19]. Les germes le plus souvent retrou-
extra-osseuse (onlay) latéralisant l'humérus. Lors d'un vés sont Propionibacterium acnes, Staphylococcus
changement prothétique, on peut augmenter la lon- epidermidis et Staphylococcus aureus [9, 20].
gueur et la latéralisation humérale en passant d'un Son incidence est probablement sous-estimée si l'on
implant inlay à un implant onlay. Les implants onlay considère que beaucoup d'épaules raides et/ou doulou-
ont habituellement une moindre inclinaison (145° reuses pourraient être infectées.
versus 155°), ce qui augmente la latéralisation humé-
rale. Certains implants plus récents intègrent une pièce Conduite à tenir
intermédiaire à « inclinaison variable ».
devant une infection
La stratégie dépend de l'état général et fonctionnel, et
Gestion des parties molles et des suites
des modalités de survenue de l'infection (postopératoire,
opératoires précoce ou tardive, hématogène). Elle doit toujours être
La réinsertion du tendon sous-scapulaire et de la cap- décidée dans le cadre d'une consultation pluridiscipli-

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sule (lorsqu'ils sont encore présents) doit être systé- naire avec les infectiologues. Un traitement antibio-
matique. Il faut en outre immobiliser le bras dans une tique, adapté et prolongé, doit toujours être associé au
attelle d'abduction pendant 4 à 6 semaines, afin de traitement chirurgical [21]. Il faut toujours faire cinq
favoriser le raccourcissement deltoïdien et ainsi aug- prélèvements peropératoires à visée bactériologique
menter les forces de coaptation prothétique. et demander des cultures prolongées à la recherche de
germes à croissance lente (Propionibacterium acnes).
Infection
Infection aiguë (au cours des 3 premiers
Facteurs de risque mois pour nous)
L'infection est la deuxième cause de reprise. Elle est L'excision des tissus infectés et le lavage apportent
plus fréquente en cas d'antécédents chirurgicaux souvent la guérison sans compromettre le résultat
(ostéosynthèse, instabilité opérée, réparation de la fonctionnel. Il faut changer au cours de l'intervention
coiffe des rotateurs ou échec de prothèse anatomique) toutes les pièces faciles à retirer (insert en polyéthylène
et le risque d'infection augmente avec le nombre d'in- et glénosphère).
Complications et reprises des prothèses totales d'épaule inversées 45

Infection chronique (au-delà du 3e mois) diens, mais l'expérience clinique a montré que les des-
cellements et complications (lyse osseuse, dévissages
Le patient doit être informé que, quel que soit le traite- intraprothétiques) sont plus fréquents du côté humé-
ment choisi, le résultat fonctionnel sera souvent com- ral [5]. C'est logique sur le plan biomécanique, car les
promis ou en tout cas inférieur à celui d'une prothèse contraintes sont diminuées du côté glénoïdien grâce à
de première intention [20]. En dehors de l'abstention la médialisation de l'implant et sont plus importantes
chirurgicale chez des patients inopérables, le chirur- du côté huméral.
gien a le choix entre trois options :
• l'excision–lavage est dépassée et vouée à l'échec ;
• l'ablation de prothèse (« épaule ballante ») est une Facteurs de risque
option de sauvetage, indiquée chez les patients fra- La PSO de l'humérus proximal est le principal facteur
giles, en cas de germes résistants et après échec d'autres de descellement huméral et/ou de dévissage intrapro-
techniques associées à une antibiothérapie adaptée. thétique. Cette situation est fréquente après PTEI pour
Les résultats fonctionnels sont inférieurs à ceux d'une fractures ou séquelles de fracture (du fait de la lyse ou
conservation ou d'un changement d'implant [5, 20] ; migration postérieure du trochiter) et après résection
• le changement prothétique : c'est l'option de choix tumorale. En l'absence de trochiter, l'implant huméral,
mais elle est plus lourde du fait de possibles compli- uniquement fixé distalement, est soumis à des forces
cations per- et postopératoires. Les difficultés tech- de rotation importantes, génératrices de descellement
niques sont liées à l'extraction des implants avec et/ou au dévissage intraprothétique (en cas d'implant
risque de fracture humérale et de PSO. Le risque de modulaire) [5, 24].
fracture humérale lors des tentatives d'extraction L'ostéoporose chez les patients âgés et l'activité phy-
augmente avec le nombre d'interventions préalables. sique plus intense chez les plus jeunes accélèrent ce
Devant une extraction prothétique probablement dif- processus.
ficile (absence de descellement), nous réalisons une À ces causes mécaniques, vient souvent s'ajouter
humérotomie de principe suivie de cerclages à l'aide l'ostéolyse réactionnelle aux débris de polyéthylène et
de fils souples (figure 4.4) [22]. de métal (granulome inflammatoire), particulièrement
fréquente en cas de conflit entre la cupule humérale et
Changement en un ou deux temps ? le pilier de la scapula (scapular notching) ou en cas de
luxations récidivantes.
Le changement en un temps procure de meilleurs
résultats fonctionnels, avec des taux de morbidité et
complications moindres, mais le risque de réveil infec-
Conduite à tenir
tieux est plus élevé. Beekman et al. [23] le pratiquent devant un descellement huméral
systématiquement alors que Jacquot et al. [20], dans ou un dévissage prothétique avec PSO
une étude multicentrique, concluaient qu'un change-
ment en un temps (pièce humérale cimentée avec du Alors que l'extraction d'une prothèse descellée ne pose
ciment aux antibiotiques) ne doit être proposé que si pas de problème, la reconstruction humérale peut
le(s) germe(s) est(sont) connu(s) en préopératoire. poser des problèmes techniques qu'il faut anticiper.
Sinon, il faut lui préférer le changement en deux
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temps (malgré sa morbidité plus élevée) avec mise en PSO humérale inférieure à 5 cm
place d'un spacer en ciment avec antibiotique(s) pour chez un patient âgé
combler l'espace mort et diffuser localement des anti-
biotiques pendant 6 à 8 semaines. C'est l'attitude que Un moyen simple et peu coûteux pour reconstruire
nous recommandons dans les infections chroniques, l'humérus proximal est de confectionner un manchon
surtout s'il existe des antécédents chirurgicaux mul- de ciment autour de la prothèse (cimentoplastie de
tiples (ostéosynthèse, HA, PTE avant la PTEI) et si les reconstruction).
germes ne sont pas connus ou multirésistants [5]. L'autre solution est une prothèse massive de
reconstruction.

Descellements et problèmes PSO humérale supérieure à 5 cm


huméraux
Dans ce cas nous privilégions, comme Chacon et
Initialement, les chirurgiens s'attendaient surtout à Frankle [17], une reconstruction par allogreffe humé-
affronter des complications et descellements glénoï- rale massive. Ceci permet de :
46 P. Boileau

A B C D

E F G H

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I J
Figure 4.4 Complications associées avec multiples ré-opérations (sept en 3 ans).
a. Luxation et démontage glénosphère.
b. Luxation prothétique.
c. Luxation et démontage cupule.
d. Reprise avec « spacer » pour infection.
e. Cerclage au fil souple après humérotomie.
f. Latéralisation par allogreffe osseuse spongieuse (Ostéopure®).
g. Luxation précoce par atonie musculaire ; réduction sous anesthéisie générale et immobilisation dans une attelle d'abduction
pendant 4 semaines.
h. Prothèse stable au dernier recul.
i, j. Résultat à 2 ans de la reprise chirurgicale : infection guérie, épaule stable et indolore.
Complications et reprises des prothèses totales d'épaule inversées 47

• restaurer le stock osseux huméral ; proximal, l'extraction de la prothèse se fait en frap-


• apporter une stabilité prothétique supplémentaire pant au marteau dans l'axe de la prothèse, à l'aide
(en restaurant la longueur humérale et en augmentant d'un chasse-greffon appuyé sur la partie médiale de
la force de coaptation du deltoïde) ; la prothèse. Un extracteur de prothèse peut être très
• réduire le risque de descellement prothétique (en utile.
diminuant les contraintes rotatoires et valgisantes). En cas de difficultés, il faut éviter une fracture
Le greffon huméral (souvent cimenté) est man- peropératoire et envisager alors une humérotomie de
chonné par un implant huméral à tige longue, implanté principe. L'humérotomie latérale « de baillement »
à frottement dur ou cimenté. Nous recommandons (lateral humeral split) est le moyen le plus simple et
de neutraliser les contraintes de rotation en réalisant le moins agressif pour extraire un implant huméral
une jonction « en marche d'escalier » entre le greffon non descellé [5, 22]. L'ostéotomie est faite en arrière
et la diaphyse (figure 4.5). En cas de résection humé- de la gouttière bicipitale, d'abord à la scie motorisée,
rale proximale importante, nous préférons un implant puis à l'ostéotome : l'objectif est de fendre l'os et le
huméral non cimenté et verrouillé par des clavettes ciment et de faire bâiller les corticales pour libérer
afin de neutraliser les forces rotatoires. l'implant. Nous n'avons pas l'expérience des autres
Le sous-scapulaire est réinséré (mais il est rarement techniques : fenêtre corticale diaphysaire selon
présent dans les reprises) et un transfert musculo-­ Cofield ou Nicholson [1] ou volet huméral selon
tendineux du grand dorsal sur l'allogreffe humérale est Gohlke [25].
réalisé en cas de déficit des rotateurs externes. La nouvelle tige humérale sera cimentée ou non
(à frottement dur, éventuellement complété par
Révision d'un implant huméral mal un verrouillage) (figure 4.6). La mesure de la lon-
positionné et non descellé gueur humérale théorique (sur les radiographies
millimétrées des deux humérus) prend alors toute
Que faire en cas d'implant huméral positionné trop son importance pour positionner cette tige à la
bas et/ou avec une erreur de rotation à l'origine de bonne hauteur [5, 6]. Nous réalisons l'ostéosyn-
complications (instabilité), mais bien scellé ? Son thèse de l'humérus à l'aide de fils souples (« sutures
explantation pose des problèmes techniques qu'il boucles ») ; nous avons abandonné les fils métal-
faut savoir anticiper. Après ablation du ciment liques et les câbles depuis plus de 10 ans.
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A B C
Figure 4.5 Descellement huméral avec PSO sévère.
a. Radiographie préopératoire.
b. Allogreffe humérale avec jonction en marche d'escalier.
c. Radiographie postopératoire.
48 P. Boileau

A B

C
Figure 4.6 Descellement huméral à 7 ans.
a. La radiographie millimétrée des deux humérus permet de quantifier la PSO et de calculer la hauteur théorique de la prothèse
humérale.
b. Radiographie postopératoire immédiate : la PSO proximale (− 5 cm) a été reconstruite par prothèse non cimentée et verrouillé
manchonnée par une allogreffe humérale.
c. Radiographie et tomodensitométrie à 2 ans montrant la consolidation de l'allogreffe avec l'humérus natif (intérêt d'une jonction
« en marche d'escalier » bloquant la rotation).
d. Résultat fonctionnel à 2 ans.

Conduite à tenir • en cas de descellement et/ou d'instabilité associés à


la fracture, un changement prothétique s'impose avec
devant une fracture humérale mise en place d'une tige longue, pontant la fracture.

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Elle peut être d'origine traumatique (chute) ou iatro-
gène (lors des tentatives d'extraction prothétique et/ou Conduite à tenir devant une perte
d'une humérotomie). Son traitement dépend de l'exis- de rotation externe active
tence d'éventuelles complications associées et du type
de fractures : La perte définitive de la rotation externe active du bras
• en cas de fracture transversale déplacée, une ostéo- est due à l'absence des muscles infraspinatus et teres
synthèse par plaque s'impose avec greffe osseuse auto- minor. Sans muscles rotateurs externes, les résultats
logue (crête iliaque) ; fonctionnels sont nettement moins bons : malgré une
• en cas de fracture transversale ou spiroïde peu élévation–abduction active normale, les patients sont
déplacée, un traitement orthopédique peut permettre incapables de positionner leur main dans l'espace et
d'obtenir la consolidation osseuse. L'immobilisation de tenir un objet (même une simple brosse à dents ou
dans une attelle en rotation neutre ou une attelle un peigne…).
d'abduction est préférable pour éviter un cal vicieux La solution est un transfert du muscle grand dor-
diaphysaire rotatoire ; sal ou un transfert des muscles grand dorsal et grand
Complications et reprises des prothèses totales d'épaule inversées 49

rond à la face postéro-latérale de l'humérus (opération cal autologue prélevé au niveau de la crête iliaque
de l'Episcopo) [5, 26, 27]. Elle n'est possible que si (figure 4.7). C'est le moyen le plus sûr de reconstruire
l'humérus proximal est intact. En présence d'une PSO la glène car une greffe autologue est susceptible de
humérale et chez des sujets jeunes, il est possible de consolider sans se résorber. La préparation du greffon
fixer le transfert musculo-tendineux sur une allogreffe se fait in situ, au niveau de la crête iliaque homo- ou
osseuse humérale. controlatérale, selon la technique de Norris [29]. Nous
utilisons pour ce faire une instrumentation guidée par
Complications et descellements broche (instrumentation BIO-RSA) comportant des
forets et une scie-cloche canulés.
glénoïdiens Nous recommandons de :
• implanter la métaglène le plus bas possible, au
Facteurs de risque niveau du pilier de la scapula et avec une inclinaison
Les désassemblages entre la glénosphère et la inférieure d'environ 10° (pour éviter les contraintes de
métaglène ont pratiquement disparu grâce aux progrès cisaillement supérieur, défavorables) ;
technologiques. • tailler la greffe osseuse tricorticale de façon à ce
Les descellements glénoïdiens aseptiques sont peu qu'elle soit autostable et inclinée vers le bas ;
fréquents ; une infection larvée sous-jacente doit être • mettre les vis à compression en supéro-inférieur et
recherchée de principe. En son absence, un descellement les vis autobloquantes en antéropostérieur ;
glénoïdien est toujours la conséquence d'erreurs tech- • utiliser une glène à plot long ou à vis longues (25, 30
niques : glène positionnée trop haut et/ou avec une incli- ou 35 mm) et des vis longues (40 à 50 mm).
naison supérieure. Ces malpositions sont à l'origine de La planification numérique de la forme et de la taille
forces de cisaillement importantes, délétères pour la fixa- de la greffe (autogreffe ou allogreffe) à partir du scan-
tion prothétique [8, 28]. En cas de greffe osseuse glénoï- ner est aujourd'hui possible grâce à des logiciels infor-
dienne lors de l'implantation, un descellement peut être dû matiques dédiés.
à l'absence de fixation de l'implant dans l'os natif (implant
à plot central court n'atteignant pas la scapula) [5, 8]. Reconstruction osseuse glénoïdienne
en un ou deux temps ?
Conduite à tenir Une réimplantation glénoïdienne est pratiquement tou-
devant un descellement glénoïdien jours possible, car la métaglène sert de plaque d'ostéosyn-
thèse pour fixer la greffe osseuse. Cependant, si la perte
avec PSO de substance glénoïdienne est sévère et si l'ostéosynthèse
En cas de descellement glénoïdien, il existe presque tou- de la greffe est précaire, la réimplantation et la réduc-
jours une PSO associée qui peut être classée en quatre tion d'un implant huméral peuvent être dangereuses du
stades, en fonction de sa localisation et de son impor- fait de sollicitations excessives sur le greffon osseux et sa
tance, jugées sur le scanner : cavitaire (A), murale anté- fixation. On a alors le choix entre trois options :
rieure (B), murale postérieure (C) ou complexe (D). • un temps opératoire à condition que la reconstruc-
tion osseuse soit stable et la réduction prothétique
facile (sans tension excessive). Il faut que trois condi-
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PSO cavitaire (type A) tions soient réunies :


Une PSO cavitaire (type A) peut être comblée par une allo- – stabilité suffisante du greffon (encastré),
greffe encastrée, évitant la morbidité liée au prélèvement – plot central (ou vis) de la métaglène implanté(e)
de crête iliaque et raccourcissant le temps opératoire. dans l'os natif de la scapula sur au moins 5 mm,
Nous utilisons volontiers les coins d'os spongieux pour – plot central (ou vis) appuyé(e) sur des vis pilotis
ostéotomie tibiale (coin de 15 mm –Ostéopur®) façonnés prenant appui dans la scapula (pilier et pied de la
et fixés à l'aide d'une platine à plot long ou de vis longues coracoïde) ;
(≥ 25 mm) implantées dans l'os natif. Il faut éviter les gref- • deux temps opératoires sont préférables si les condi-
fons morcelés dépourvus de tenue mécanique. tions ci-dessus ne sont pas réunies :
– premier temps de reconstruction osseuse par auto-
greffe iliaque, avec mise en place de la métaglène
PSO murale ou complexe (type B, C, D) (permettant de fixer la greffe) et de la glénosphère.
Une PSO murale ou complexe (type B, C, D) sera Le fraisage sphérique de l'épiphyse humérale (36 ou
reconstruite à l'aide d'un greffon osseux tricorti- 42 mm) et la réinsertion du subscapularis par points
50 P. Boileau

A B

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Figure 4.7 Descellement glénoïdien aseptique à 7 ans.
a. Implant glénoïdien trop haut avec encoche scapulaire sévère (grade 4) et PSO humérale (3 cm) et lyse trochitérienne.
b. Scanner préopératoire montrant une PSO complexe.
c. Reconstruction par autogreffe tricorticale iliaque avec glène à plot long (30 mm) ; reconstruction de l'humérus proximal par
ciment.
d. Scanner postopératoire : reconstitution du stock osseux glénoïdien et parfaite consolidation de la greffe glénoïdienne.

transosseux permettent de stabiliser la prothèse • une alternative au « deux temps » est de faire « un
en attendant le second temps opératoire. La pièce temps opératoire protégé » par immobilisation dans
humérale n'est pas implantée, ce qui entraînerait des une attelle d'abduction. Cette option, que nous pra-
contraintes glénoïdiennes excessives avec risque de tiquons souvent, ne peut se faire que si la prothèse
descellement, peut être facilement réduite. Elle évite le second
– second temps pour la mise en place de l'implant temps opératoire au prix d'une immobilisation de
huméral (3 à 6 mois plus tard), une fois la greffe 6 à 8 semaines, temps nécessaire à la consolida-
osseuse consolidée ; tion de la greffe osseuse. L'abduction sera de 60°
Complications et reprises des prothèses totales d'épaule inversées 51

pendant 3 semaines, diminuée de 20° par semaine les tion [5, 9], notamment le score de Constant et les mobili-
3 semaines suivantes. tés (tableau 4.3). Les patients évaluaient subjectivement
leur épaule à 60 % (10–95 %) d'une épaule normale au
Résultats fonctionnels des reprises dernier recul (Subjectif Shoulder Value ou SSV).

de prothèse inversée
Conclusion
Parfois au prix de plusieurs interventions, la conser-
vation ou le remplacement prothétique est possible, Les causes les plus fréquentes de reprise des PTEI sont
permettant de retrouver une épaule fonctionnelle par ordre décroissant : l'instabilité, l'infection, les
(figure 4.8) [5]. descellements et complications huméraux et les des-
Dans notre expérience, nous avons pu conserver ou cellements glénoïdiens. La reprise d'une PTEI est un
changer la prothèse chez 90 % des patients (49/54). « challenge » technique dont les résultats fonctionnels
Chez trois patients (4 %), la PTEI a été convertie en sont toujours inférieurs à ceux d'une arthroplastie
HA, tandis que chez trois autres patients âgés et fra- de première intention. Il s'agit d'une chirurgie diffi-
giles (6 %), une explantation prothétique définitive a cile et risquée, avec un taux de complications et de
été nécessaire du fait d'une infection sévère. ré-­opérations de 10 à 50 %, en fonction de l'expé-
Cependant, les résultats fonctionnels de ces reprises rience du chirurgien. Il paraît donc logique que les
sont inférieurs à ceux des prothèses de première inten- chirurgiens moins expérimentés confient leurs échecs

A B C D
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E F
Figure 4.8 Descellement bipolaire à 2 ans avec pseudo-paralysie et perte de la rotation externe active.
a, b. Radiographie et scanner préopératoires.
c, d. Radiographie et scanner postopératoires : PSO glénoïdienne reconstruite par une allogreffe spongieuse impactée dans une PSO
cavitaire ; latéralisation de l'implant glénoïdien par adjonction d'un disque d'os spongieux (BIO-RSA) ; transfert musculo-tendineux
du grand dorsal et du grand rond pour restaurer la rotation externe active.
e, f, g. Résultat fonctionnel à 2 ans. Noter la restauration de la rotation externe active.
52 P. Boileau

Tableau 4.3
Résultats fonctionnels au recul moyen de 45 mois chez 49 patients ayant toujours une PTEI
Préopératoire Dernier recul p value
45 mois
(12–177)
Score de Constant 21 47 < 0,001
(2–72) (13–78)

Constant ajusté 26 62 < 0,001


(4–80) (17–122)

Élévation antérieure active 77° 107° < 0,001


(0–140°) (40°–170°)

Rotation externe active 5° 4° NS


(− 30°–70°) (− 30°–50°)

Satisfaction 76 % satisfaits ou très satisfaits

de PTEI à des centres de référence. La sous-estimation [5] Boileau P, Melis B, Duperron D, et al. Revision surgery of
des complications associées (en particulier des PSO reverse shoulder arthroplasty. J Shoulder Elbow Surg 2013 ;
22 : 1359–70.
humérales associées et de la médialisation excessive) [6] Lädermann A, Williams MD, Melis B, et al. Objective evalua-
et l'absence de diagnostic d'infection larvée associée tion of lengthening in reverse shoulder arthroplasty. J Shoulder
(fréquente dans les PTEI pour échec d'une intervention Elbow Surg 2009 ; 18 : 588–95.
préalable) sont des causes de reprises multiples. [7] Edwards TB, Williams MD, Labriola JE, et al. Subscapularis
La préservation de la fonction de l'épaule après révi- insufficiency and the risk of shoulder dislocation after
reverse shoulder arthroplasty. J Shoulder Elbow Surg 2009 ;
sion de PTEI est possible dans 90 % des cas. La conver- 18 : 892–6.
sion d'une PTEI en hémi-arthroplastie ou la résection [8] Walch G, Wall B, Mottier F. Complications and revision of
arthroplastique ne sont indiquées que lorsque toutes the reverse prosthesis : a multicenter study of 457 cases. In :
les autres options ont été épuisées et/ou que le patient Reverse Shoulder Arthroplasty. Montpellier : Sauramps médi-
est âgé et trop fragile. La connaissance des principaux cal ; 2006. p. 335–52.
[9] Gendre P, Melis B, Duperron D, et al. Outcomes of revision sur-
facteurs de risque de complications des PTEI (raccour- gery for the faled reverse shoulder arthorplasty. Montpellier  :
cissement huméral, médialisation excessive et infec- Sauramps médical ; 2014. p. 245–58.
tions larvées) doit permettre aux chirurgiens de mieux [10] Gallo RA, Gamradt SC, Mattern CJ, et al. Instability after
implanter les prothèses de première intention. reverse total shoulder replacement. J Shoulder Elbow Surg
Déclaration de conflit d'intérêt : l'auteur déclare 2011 ; 20 : 584–90.
[11] Saltzman BM, Chalmers PN, Gupta AK, et al. Complication
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57

Ostéosynthèse des fractures


du sacrum et des luxations ­
lombo-sacrées1
H. PASCAL-MOUSSELLARD, C. HIRSCH, R. BONACCORSI
H. Pascal-Moussellard

Résumé
ou localisée à l'anneau pelvien (sacro-iliaque ou ilio-sacrée).
Les fractures du sacrum et les traumatismes de la charnière lombo- Les ostéosynthèses à foyer ouvert permettent de finaliser la
sacrée sont des lésions peu fréquentes mais graves. Souvent asso- réduction par manœuvres peropératoires sur les implants, tandis
ciées à des troubles neurologiques, elles peuvent nécessiter une que l'ostéosynthèse à foyer fermé nécessite une réduction préo-
libération neurologique avec réduction et stabilisation de la fracture. pératoire parfaite. Les complications de cette chirurgie sont fré-
Leur traitement nécessite la compréhension des traits de fracture quentes et la récupération des troubles neurologiques aléatoire.
et des manœuvres de réduction, ainsi que des techniques de fixa- Les fractures de fatigue et fractures sur ostéoporose, peu dépla-
tion qu'il faut parfois associer. cées, sont de bonnes indications de cimentoplastie isolée ou asso-
Trois classifications doivent être maîtrisées pour comprendre ces ciée à un vissage ilio-sacré.
fractures : celle de Roy-Camille individualise les fractures transver- Les traumatismes de la jonction lombo-sacrée et particulièrement
sales hautes et leur déplacement ; celle de Denis identifie la zone les luxations sont des indications chirurgicales de réduction et
du sacrum dans laquelle le trait fracturaire vertical se situe (corrélé fixation, le plus souvent à 360°.
au risque neurologique) ; celle de Tile analyse le traumatisme de Ce travail détaille l'analyse et la classification de ces fractures
l'anneau pelvien lorsqu'il s'associe à la fracture du sacrum. ainsi que les difficiles techniques de réduction et de fixation et
Le traitement, lorsqu'il est chirurgical, nécessite une installation leurs indications thérapeutiques.
soigneuse, pouvant faire appel à la table orthopédique.
La(les) manœuvre(s) de réduction peu(ven)t être déduite(s) de
la classification de la fracture. Il faut différencier les fractures Mots clés : Fractures du sacrum. – Charnière lombo-sacrée.
isolées du sacrum (« U ») et celles associées à une lésion de – Classification des fractures. – Manœuvre de réduction.
l'anneau pelvien. L'ostéosynthèse pourra être lombo-pelvienne

Introduction Rappel anatomique


Les fractures du sacrum et les traumatismes de la char- Ostéologie
nière lombo-sacrée sont des lésions peu fréquentes
mais graves. Le sacrum comporte cinq pièces sacrées qui fusionnent
Dues à des traumatismes à haute énergie ou des vers l'âge de 15 ans.
polytraumatismes, parfois méconnues, souvent asso- Le rachis sacré est en cyphose :
ciées à des troubles neurologiques, elles peuvent néces- • à sa face antérieure, on trouve quatre foramens sacrés
siter une libération neurologique avec réduction et par lesquels sortent les branches antérieures des quatre
­stabilisation de la fracture. racines sacrées (S1 à S4). Les disques sacrés fusionnés
Leur traitement nécessite la compréhension des traits forment les crêtes transversales antérieures (figure 5.1a) ;
de fracture et des manœuvres de réduction, ainsi que • à sa face postérieure :
des techniques de fixation qu'il faut parfois associer. – les épineuses sacrées fusionnées forment la crête
sacrée médiane,
– les massifs articulaires fusionnés forment la crête
intermédiaire en dehors de laquelle se trouvent les
trous sacrés postérieurs,
– les apophyses transverses fusionnées forment les
  Les dessins ont été réalisés par J. Borgese.
1
crêtes sacrées latérales (figure 5.1b).

Conférences d'enseignement 2015


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58 H. PASCAL-MOUSSELLARD, C. HIRSCH, R. BONACCORSI

Ligaments • le ligament sacro-tubéral s'insère sur tout le bord


latéral du sacrum et l'épine iliaque postéro-­supérieure.
Le sacrum est uni au rachis et à l'anneau pelvien par Ses fibres se réunissent derrière l'os coxal pour
un important système capsuloligamentaire : rejoindre la tubérosité ischiatique.
• en avant, le ligament sacro-iliaque antérieur s'insère
sur les trois premières pièces sacrées et l'os iliaque Environnement neurologique
adjacent (voir figure 5.1a) ;
• en arrière, le ligament sacro-iliaque postérieur unit la (figure 5.2)
crête sacrée postérieure à l'épine iliaque (voir figure 5.1b). Le sac dural s'arrête en S2 chez plus de 80 % des indi-
Les autres ligaments ne sont que des renforcements : vidus. Le canal sacré contient les racines sacrées qui
• le ligament ilio-lombaire unit les apophyses trans- quittent le sacrum par les quatre foramens sacrés.
verses de L4 et L5 à la crête iliaque ; Le plexus sacré est formé à partir des branches anté-
• le ligament sacro-épineux s'étend depuis l'épine rieures de S1 à S4 auxquelles s'unit le tronc lombo-
ischiatique jusqu'au bord latéral du sacrum ; sacral, réunion des branches antérieures de L4 et L5.

A B
Figure 5.1 Anatomie du sacrum.
a. Vue antérieure : 1. ligaments ilio-lombaires ; 2. trous sacrés antérieurs ; 3. ligament sacro-iliaque antérieur ; 4. ligament sacro-épineux ;
5. racine L4 ; 6. racine L5 ; 7. tronc lombo-sacral ; 8. crêtes transversales antérieures.
b. Vue postérieure : 1. crête médiane ; 2. crête intermédiaire ; 3. crête latérale ; 4. ligaments ilio-lombaires ; 5. ligament sacro-iliaque
postérieur ; 6. ligament sacro-tubéral.

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A B
Figure 5.2 Rapports anatomiques du sacrum avec les structures neurologiques.
a. Profil : 1. racine L4 ; 2. racine L5 ; 3. ligne du détroit supérieur ; 4. tronc lombo-sacré ; 5. racine S1.
b. Inlet: 1. racine L4 ; 2. racine L5 ; 3. tronc lombo-sacré ; 4. sac dural ; 5. racine S1.
Ostéosynthèse des fractures du sacrum et des luxations lombo-sacrées 59

Le plexus sacré contient également les centres de


l'innervation parasympathique des viscères pelviens
Classifications (tableau 5.1)
assurant le contrôle des sphincters et des organes Les fractures du sacrum peuvent être divisées en deux
sexuels. grandes catégories : les fractures du sacrum avec lésion
de l'anneau pelvien et les fractures isolées du sacrum.
Conséquences biomécaniques
Les principales zones de faiblesse sont l'alignement des
trous sacrés dans le plan sagittal et les crêtes sacrées Classification de Tile modifiée
antérieures dans le plan transversal.
par l'AO [8]
Épidémiologie et mécanismes Il s'agit d'une classification des lésions traumatiques
lésionnels de l'anneau pelvien qui peuvent comporter une frac-
ture sacrée :
Jusqu'à l'avènement de la tomodensitométrie (TDM), • lésion de type A :
les fractures du sacrum ont été sous- ou mal diagnos- – fracture du coccyx,
tiquées. En 1847, Malgaigne décrivait la première – fracture transverse du sacrum passant sous S2, iso-
fracture du sacrum [1]. En 1945, Bonin rapportait lée (A3.2 et A3.3) ;
l'association à une fracture du bassin dans près d'un • lésion de type B :
cas sur deux [2]. En 1988, Denis analysait 236 frac- – lésion uni- ou bilatérale type open book,
tures de l'anneau pelvien et retrouvait une fracture du – lésion en compression uni- ou bilatérale ;
sacrum associée dans 30 % des cas [3]. • lésion de type C :
Roy-Camille [4] a classé les fractures transversales – C1 : la subdivision C1.3 décrit des fractures verti-
du sacrum et démontré qu'elles sont dues à des chutes cales du sacrum passant par l'aileron sacré,
de lieux élevés, essentiellement lors de défenestrations. – C2 : fracture sacrée unilatérale associée à une
Ces fractures transversales ne représentent que 3 à lésion postérieure controlatérale de type B,
5 % des fractures du sacrum, mais sont associées à – C3 : fracture bilatérale type C pouvant comporter
des complications neurologiques (sphinctériennes, un trait sacré vertical, voire deux.
sexuelles et/ou sensitivo-motrices) sévères.

Traumatismes et lésions
neurologiques associées Tableau 5.1
Classification des fractures du bassin (Tile)
Des fractures associées sont retrouvées dans la quasi-
totalité des cas [5]. La moitié des patients présente A A1 Fracture–avulsion
une fracture de l'anneau pelvien (du bassin ou du Bassin stable
A2 Fracture de l'aile iliaque
cotyle), 30 % ont au moins une fracture du rachis ou Fracture non déplacée de
des membres inférieurs (calcanéum), près de 20 % un l'anneau (personne âgée)
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traumatisme thoracique ou, plus rarement, abdominal


(16 %) [6] et près de 11 % un traumatisme crânien. A3 Fracture du coccyx
L'atteinte neurologique est la règle dans les fractures Fracture transverse du
sacrum passant sous S2
transversales [7] et est plus rare dans les fractures
longitudinales [7]. Le tableau neurologique peut être B B1 Open book
très varié : central (paraparésie, paraplégie) en cas de Instabilité partielle
Instabilité B2 Traumatisme en
fracture du rachis sus-jacent, syndrome de la queue de
horizontale compression latérale
cheval, atteinte radiculaire ou plexique. Les atteintes
neurologiques sont plus fréquentes en cas de trauma- B3 Traumatisme type B
tisme du bassin associé et sont plus souvent radicu- bilatéral
laires que plexiques [7]. L'examen neurologique initial
C C1 Lésion unilatérale
est souvent difficile en raison des lésions associées Instabilité complète
(fractures des membres notamment) et/ou du contexte Instabilité verticale C2 Lésion bilatérale : B + C
psychiatrique qui rend difficile l'analyse des troubles
C3 Lésion bilatérale type C
urinaires, ano-rectaux et génito-sexuels.
60 H. PASCAL-MOUSSELLARD, C. HIRSCH, R. BONACCORSI

Figure 5.3 Traits de fracture : U (a), H (b), combinaisons (c, d). Figure 5.4 Zones de Denis.

Fractures isolées du sacrum


Elles surviennent essentiellement au niveau des zones
de faiblesse (figure 5.3). Il existe donc des fractures
verticales ou horizontales, totales ou parcellaires.
Nous avons retenu la classification de Denis [3] et celle
de Roy-Camille [4] qui permet de caractériser les frac-
tures transversales hautes.

Classification de Denis (figure 5.4)


Denis a proposé une classification basée sur la localisa-
tion du trait de fracture par rapport aux trous sacrés,
indépendamment de sa direction :
• zone 1 : fracture de l'aileron sacré, respectant les
trous sacrés avec environ 5 % de troubles neuro­
logiques associés (atteinte de la racine L5 et du tronc Figure 5.5 Classification de Roy-Camille.

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lombo-sacré essentiellement) ; Transversale basse (a), comminutive de S1 (b), transversales hautes
• zone 2 : fracture passant par les trous sacrés mais types I à III (c, d, e).
respectant le canal sacré avec environ 28 % de troubles
neurologiques associés (atteinte des racines sacrées et
syndrome de la queue de cheval) ; 1. fractures longitudinales : les fractures à trait ver-
• zone 3 : tical ou oblique ainsi que les fractures parcellaires
– fracture centrale atteignant le canal sacré avec (disjonction sacro-iliaque emportant une part d'ai-
environ 56 % de troubles neurologiques associés leron) ;
(syndrome de la queue de cheval), 2. fractures transversales, regroupées en deux types :
– toutes les fractures transverses. • fractures transversales basses : situées sous les arti-
culations sacro-iliaques, elles ne perturbent pas la
transmission du poids du corps aux membres infé-
Classification de Roy-Camille (figure 5.5) rieurs et sont considérées comme stables,
Elle divise les fractures du sacrum en deux grandes • fractures transversales hautes, ce sont les fractures
catégories : en U :
Ostéosynthèse des fractures du sacrum et des luxations lombo-sacrées 61

– type 1 – sacrum en position neutre : la corticale La(les) manœuvre(s) de réduction peu(ven)t être
antérieure est rompue et la cyphose du sacrum déduite(s) de la classification de la fracture.
augmentée. La corticale postérieure est intacte, il Il existe deux grands cas de figure : la fracture
s'agit d'une flexion intra-sacrée, transversale haute isolée du sacrum et les fractures du
– type 2 – déplacement postérieur : au moment de sacrum associées à une fracture de l'anneau pelvien.
l'impact, le rachis lombaire est en cyphose et le
bassin rétroversé. Les deux corticales sont rom- Fracture transversale haute isolée
pues, le fragment supérieur s'horizontalise et bas- du sacrum
cule vers l'arrière,
– type 3 – déplacement antérieur : au moment de Elle sera classée selon Roy-Camille [4]. Le déplacement
l'impact, le rachis lombaire est en hyperlordose. se fait dans le plan sagittal. La réduction est difficile. Il
Les deux corticales sont rompues et le rachis glisse faut associer des manœuvres externes d'extension des
en avant. membres inférieurs, visant à corriger la rétroversion
La fracture transversale haute du sacrum dans sa pelvienne, et des manœuvres peropératoires tentant
forme typique sépare un fragment supérieur qui reste de réduire l'hyperextension de la partie proximale du
solidaire du rachis et un fragment inférieur qui reste sacrum (distraction du foyer de fracture, accourcisse-
solidaire du bassin latéralement par les articulations ment osseux, manœuvres de « démonte-pneu »).
sacro-iliaques. Ruatti et al. [11] ont décrit une technique de réduc-
Dans les formes complètes, avec rupture des deux tion pouvant être mise en œuvre en urgence (en parti-
corticales, les traits de fracture autorisent une ascen- culier en présence de signes neurologiques). Le patient
sion et/ou rotation des hémi-bassins. est installé sur table opératoire, en décubitus dorsal et
Classiquement, les lésions pelviennes sont analysées Trendelenburg, sous anesthésie générale avec relâche-
selon la classification de Tile modifiée [9, 10] fondée ment musculaire. Une traction transcondylienne est
sur la stabilité des lésions postérieures de l'anneau pel- mise en place de chaque côté et le chirurgien applique
vien, mais celle-ci ne prend pas en compte le risque de une traction puissante dans l'axe, tandis qu'une contre-
déstabilisation de l'anneau pelvien en cas de fracture traction est réalisée au niveau des aisselles. La perception
haute du sacrum. Il faut donc y associer la classifica- d'un craquement audible atteste de la réduction qui peut
tion de Roy-Camille [4] lorsqu'il existe une fracture être complétée par une mise en hyperlordose à l'aide d'un
sacrée transversale. Nous y reviendrons. coussin placé sous le sacrum. La réduction est maintenue
par mise en place d'une traction continue au lit. Si l'état
du patient le permet, la fixation peut être pratiquée.
Traitement König et al. [12] ont proposé (chez trois patients)
d'utiliser un fixateur externe. Le patient en décubitus
Principes généraux et réduction ventral, les fiches (vis de Schanz) sont introduites par
voie percutanée d'une part dans les pédicules de L5
L'installation doit être soigneuse et permettre d'obte- et/ou S1 et d'autre part dans les crêtes iliaques pos-
nir tout ou partie de la réduction. L'utilisation de la térieures. Utilisées comme des leviers, les fiches per-
table orthopédique peut être une aide précieuse. mettent de réaliser des manœuvres de réduction et,
La réduction est d'autant plus difficile qu'elle est une fois reliées entre elles, elles maintiennent la réduc-
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réalisée plus tardivement. L'intervention est donc pra- tion le temps de mettre en place des vis ilio-sacrées.
tiquée au mieux dans les 15 jours suivant le trauma-
tisme et la réduction est illusoire après 3 semaines, ce
qui explique la fréquence des cals vicieux.
Fractures du sacrum associées
La libération est réalisée avant la fixation pour éviter à une fracture de l'anneau pelvien
l'incarcération des racines lors de la fixation. Elles seront classées dans un premier temps selon la
Il est indispensable de disposer d'un amplificateur de classification de Tile modifiée par l'AO [9] et dans un
brillance performant en peropératoire. second temps selon la classification de Roy-Camille [4]
La réduction est le temps essentiel qui permet une s'il existe un trait transversal.
ostéosynthèse en bonne position. Elle est obtenue lors La réduction de la fracture de l'anneau pelvien se fait
de l'installation du patient, par manœuvres de traction– dans le plan frontal et dans le plan horizontal :
rotation du membre inférieur et de flexion–extension • lésion de Tile A  : aucune manœuvre de réduction
de hanche selon le déplacement (ascension et/ou rota- n'est indiquée ;
tion d'un hémi-bassin), et par manœuvres peropéra- • lésion de Tile B : une manœuvre de réduction dans le
toires (compression–distraction à l'aide des implants). plan axial est nécessaire (ouverture/fermeture des ailes
62 H. PASCAL-MOUSSELLARD, C. HIRSCH, R. BONACCORSI

iliaques) ; elle associera des manœuvres externes (rota- • les fixations lombo-pelviennes (FLP) qui connectent
tion de hanche) et peropératoires (compression sacro- le rachis lombaire aux ilions ;
iliaque ou ilio-iliaque) ; • les fixations postérieures de l'anneau pelvien (FPAP)
• lésion de Tile C : il existe un mouvement de cisail- qui connectent les ailes iliaques au sacrum, avec ou
lement avec ascension d'un hémi-bassin dans le plan sans ostéosynthèse directe du sacrum.
frontal qui sera réduit par traction externe et dis-
traction lombo-pelvienne ou sacro-pelvienne peropé-
ratoire, tandis que le déplacement axial sera réduit Fixations lombo-pelviennes
comme dans une lésion de Tile B et la fracture trans- Montage lombo-bi-iliaque [14] (figure 5.6)
versale du sacrum sera réduite comme précédemment.
Installation
Le patient est installé en décubitus ventral sur quatre
Techniques coussins ou, mieux, sur table orthopédique.
L'amplificateur de brillance doit permettre les
Comme l'a proposé Bederman [13], nous considére- contrôles de face et de profil.
rons deux groupes de techniques chirurgicales :
Technique
L'abord est postérieur médian de L4 au sacrum, déga-
geant la face postérieure du sacrum jusqu'aux épines
iliaques postérieures.
L'instrumentation associe des vis pédiculaires L4 et
L5 à une ou deux vis dans l'épaisseur de l'os iliaque.
Une tige de diamètre 5,5 mm, galbée de façon à resti-
tuer la lordose lombo-sacrée de profil (figure 5.7), les
réunit. Les vis L4 et L5 sont verrouillées afin de pou-
voir réaliser une distraction segmentaire entre le bloc
L4–L5 et l'ilion, permettant de réduire la composante
frontale (cisaillement) de la fracture du sacrum et/ou de
l'anneau pelvien.
La même technique sera pratiquée du côté opposé en
cas de fracture verticale bilatérale du sacrum (U ou H).
Dans le cas contraire, seules des vis iliaques réunies
par une courte tige seront mises en place.
Figure 5.6. Montage lombo-iliaque. Deux dispositifs de traction transverse sont alors
Flèches : distraction verticale/contraction axiale. positionnés entre les deux tiges. Leur mise en compres-

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A B
Figure 5.7 Montage lombo-iliaque : correction sagittale en préopératoire (a) et postopératoire (b).
Ostéosynthèse des fractures du sacrum et des luxations lombo-sacrées 63

sion ou distraction réduit le déplacement dans le plan Une ostéosynthèse antérieure peut être associée,
axial (compression fermant le bassin en arrière = rota- améliorant la stabilisation de l'anneau pelvien.
tion externe de l'aile iliaque, distraction le fermant en
avant = rotation interne de l'aile iliaque). Il faut éviter
de comprimer de façon excessive les fractures passant Fixations postérieures de l'anneau
par les trous sacrés. En cas de troubles neurologiques pelvien
préexistants, la libération radiculaire par laminecto- Montage sacro-iliaque de Beaujon
mie sacrée est effectuée avant la mise en place des dis- Bien décrite par Hofmann et al. [18], cette technique
positifs de traction transverses. s'applique essentiellement aux disjonctions sacro-
En postopératoire, ce montage très stable permet une iliaques, mais pourrait être étendue aux fractures en
mobilisation rapide du patient. L'ablation de matériel « U » lorsque le trait de fracture vertical épargne le
à distance est utile car il n'y a pas d'arthrodèse de la pédicule de S1. Elle présente l'avantage d'éviter la fixa-
charnière lombo-sacrée. tion de la charnière lombo-sacrée.
Le patient est installé en décubitus ventral sur table
Montage en triangulation (figure 5.8) [15] ordinaire ou sur table orthopédique.
L'incision est médiane postérieure centrée sur l'épi-
Les montages en triangulation associent une neuse de L5. Le tissu sous-cutané est décollé jusqu'à
ostéosynthèse lombo-pelvienne en distraction et la crête iliaque postérieure du côté de la lésion sacro-
un vissage sacro-iliaque unilatéral ou une plaque iliaque. L'articulation L5–S1 et la face postérieure du
trans-sacrée. sacrum jusqu'à S3 sont exposées. Latéralement, la
Le patient est installé en décubitus ventral. crête iliaque postérieure est dégagée sur une longueur
Le montage en triangulation débute par une fixation de 5 cm à partir de l'épine iliaque postérieure.
lombo-pelvienne (entre une vis pédiculaire L4 ou L5 et L'instrumentation associe d'une part une vis pédi-
l'aile iliaque homolatérale). culaire en S1 et une vis divergente en S2, et d'autre
Il peut être réalisé de façon unilatérale [16], mais part deux vis introduites dans l'épaisseur de l'os
nous préférons un montage bilatéral systématique (ne iliaque. Une tige de 5,5 mm de diamètre, munie de
prenant pas l'aile iliaque, mais le pédicule de S1 en cas deux connecteurs sacro-iliaques, réunit les deux vis
de composante frontale unilatérale). sacrées.
La réduction dans le plan axial se fait par compres- Les deux montages sont ensuite connectés. Cette
sion ou distraction entre les deux tiges. Elle est ren- technique permet de réaliser de la compression sacro-
forcée soit par une tige postérieure [17] réunissant iliaque et de prévenir l'ascension d'un hémi-bassin.
les deux ailes iliaques, soit au mieux pour nous par Les masses musculaires et la crête iliaque postérieure
vissage ilio-sacré complémentaire (éventuellement un recouvrent les implants, évitant leur saillie sous la
double vissage). peau. Il s'agit d'un montage mécaniquement stable.
Le montage pédiculo-iliaque décrit par Sar et
Kiricoglu [19] peut être considéré comme une variante
de cette technique. Il ne peut être réalisé qu'en cas
d'intégrité du pédicule de S1 et de la crête iliaque pos-
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térieure. Deux tiges, connectées l'une à une vis en S1


et l'autre à une vis iliaque de 8 mm, coulissent l'une
par rapport à l'autre selon un angle fixe de 90° par
l'intermédiaire d'un connecteur. La réduction se fait
sur la vis S1 dans le plan frontal, sur la vis iliaque
dans le plan axial. Néanmoins, la stabilité obtenue est
moindre.

Technique de la Pitié [7] : shortening osteotomy


et fixation par plaque sacro-sacrée
Cette technique est indiquée pour les fractures de
type II et III de Roy-Camille et repose sur deux
principes :
• la réduction par un accourcissement sacré dans le
Figure 5.8 Montage en triangulation. foyer de fracture (ou shortening) ;
64 H. PASCAL-MOUSSELLARD, C. HIRSCH, R. BONACCORSI

• l'ostéosynthèse basée sur la situation des traits


sagittaux de la fracture en U par rapport aux trous
sacrés. Ces traits partent des trous sacrés antérieurs
et rejoignent les trous sacrés postérieurs. Une fixation
stable par plaque vissée est possible en s'appuyant sur
la crête sacrée intermédiaire du fragment central et les
ailes iliaques, après traversée des articulations sacro-
iliaques. Cette ostéosynthèse peut être réalisée de
façon bilatérale et a l'avantage de préserver le passage
des racines sacrées.
Le patient est installé en décubitus ventral sur table
orthopédique sans appui périnéal entre les cuisses, le
thorax maintenu à la table par des bandes adhésives.
L'incision est médiane postérieure descendant Figure 5.9 Vue horizontale : axe des visées.
jusqu'à la S4 afin de ménager au maximum la peau et
les masses musculaires. Les masses musculaires para-
vertébrales sont dégagées jusqu'aux apophyses trans- tement des disjonctions sacro-iliaques. Son indication
verses de L5 et aux épines iliaques postéro-supérieures, a été secondairement étendue aux fractures–­luxations
et on expose en bas les quatre trous sacrés. sacro-iliaques (crescent fracture) et aux fractures ver-
La laminectomie, facilitée par les traits de la frac- ticales du sacrum.
ture en U, relève progressivement les lames séparées Le vissage ilio-sacré percutané est réalisé sous
par la fracture. Elle est étendue en haut vers L5 et en contrôle radioscopique, voire sous contrôle tomoden-
bas jusqu'à repérer les racines S4. Latéralement, il faut sitométrique par certaines équipes [21–23]. Les nou-
dégager à la pince de Kérisson jusqu'aux trous sacrés velles technologies d'imagerie peropératoire et de
en délimitant ainsi la crête sacrée intermédiaire où le navigation [24, 25] sécuriseront ce geste.
matériel sera implanté. Planification (figures 5.10 et 5.11). La planifica-
L'accourcissement est réalisé à la demande, de tion préopératoire (sur un scanner avec reconstruction
part et d'autre du trait de fracture transversal en dite multiplanar reconstruction ou MPR dans les trois
s'aidant d'une spatule ou d'une rugine pour le plans) est indispensable.
faire bâiller. Il faut le poursuivre prudemment vers Elle permet d'analyser :
l'avant jusqu'à obtenir une mobilité suffisante des • les caractéristiques du sacrum à la recherche d'une
deux fragments. éventuelle dysplasie contre-indiquant le vissage [26] ;
L'extension de hanche, en soulevant et en tractant • les caractéristiques de la composante verticale de
les membres inférieurs, permet alors de réduire en la fracture du sacrum (zone de Denis, avec un risque
mobilisant le fragment inférieur (toujours basculé en d'incarcération de racines sacrées dans le foyer de
rétroversion) en extension par rapport au fragment fracture) ;
supérieur. • les caractéristiques de la lésion de l'anneau pelvien
L'ostéosynthèse est confiée à des plaques avec des selon Tile, une éventuelle fracture du cotyle associée,
vis de diamètre 3,5 mm. Elle est chantournée en sui- afin de déterminer les manœuvres de réduction et de

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vant la courbure du sacrum ; quatre vis principales décider d'une éventuelle ostéosynthèse antérieure asso-
sont alors mises en place : la première pédiculaire en ciée et de sa date (avant ou après le vissage ilio-sacré) ;
S1, les deux suivantes obliques en dehors et légère- • la longueur théorique de la vis.
ment en avant traversant l'articulation sacro-iliaque Installation. Le patient est installé en décubitus dor-
et la quatrième plus courte, fixée dans le renfort de la sal sur table radio-transparente, afin de pouvoir faire
crête intermédiaire (figure 5.9). Entre ces quatre vis, des contrôles radioscopiques de face et de profil, et des
des vis unicorticales peuvent être ajoutées pour ren- incidences inlet et outlet. En dehors des tables dédiées,
forcer le montage. Un montage bilatéral assure une une table orthopédique (à appuis décalés) permet géné-
bonne stabilité. ralement l'utilisation de l'amplificateur de brillance.
La verticalisation n'est pas autorisée avant le Une fois la bonne visibilité des repères osseux assu-
45e jour. rée, la hauteur de la table ne sera plus modifiée.
Réduction. La réduction est indispensable. Elle
Vissage ilio-sacré est réalisée par manœuvres externes sous contrôle
Décrite par Routt et al. [20] dans les années 1990, radioscopique (en inlet/outlet). En cas de dépla-
cette technique a été initialement proposée pour le trai- cement vertical important, une traction transcon-
Ostéosynthèse des fractures du sacrum et des luxations lombo-sacrées 65

A B C

D E
Figure 5.10 Planification, installation et repères de profil.
a. Plan de coupe. b. Coupe épaisse MPR. c. Installation. d. Radioscopie de profil : 1. détroit supérieur ; 2. grandes échancrures sciatiques.
e. Schématisation du point d'entrée (+ = point d'entrée idéal).

dylienne est très utile. Elle permet de : descendre Le premier temps est le repérage du point d'entrée
l'hémi-bassin sans transmettre de forces à l'articu- de la broche sur la table externe de l'os iliaque sur
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lation du genou ; réaliser la traction en flexion de l'incidence de profil (voir figure 5.10). Il correspond
hanche et du genou (pour détendre le nerf sciatique) ; à la projection du centre du corps de S1 et est marqué
positionner la hanche en rotation interne forcée afin sur la peau, ou mieux, repéré par une broche courte
d'entraîner l'aile iliaque dans un mouvement de fer- fichée dans la table externe. L'incidence de profil n'est
meture de l'anneau pelvien. plus utile par la suite.
En cas d'irréductibilité, un abord chirurgical peut La suite de l'intervention est réalisée sous contrôle
être réalisé par la fenêtre externe d'un abord ilio-ingui- radioscopique inlet/outlet, après avoir noté la pente
nal, donnant accès à la face antérieure du sacrum par sacrée sur le cliché de profil. Les limites antérieure et
voie endopelvienne. postérieure, ainsi que supérieure et inférieure du « che-
Le patient (ou son entourage chez un patient nal » dans lequel doit cheminer la broche correspondent
inconscient) doit être informé de cette éventualité en à des repères osseux prédéfinis sur les reconstructions
préopératoire. tomodensitométriques pour chacune des incidences.
Fixation. L'utilisation d'un ancillaire canulé facilite Les repères sont : la corticale antérieure et posté-
la mise en place d'une broche qui servira de guide pour rieure en inlet ; le premier trou sacré en outlet. En cas
le méchage, la mesure et le vissage définitif. d'anomalie transitionnelle ou de dysplasie, la vis peut
66 H. PASCAL-MOUSSELLARD, C. HIRSCH, R. BONACCORSI

Inlet Outlet
Plans de coupe

A B
Coupes épaisses MPR (aspect
radioscopique attendu)

C D
Installation

Repères et mise en place de


l'implant

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Figure 5.11 Planification, installation, repères et vissage.


Zones ombrées : « corridors » de visée.
Ostéosynthèse des fractures du sacrum et des luxations lombo-sacrées 67

être placée entre les premier et deuxième trous sacrés croissant qui nécessitent une grande force de compres-
(figure 5.12). sion, seront plus volontiers à filetage long pour les
La progression de la broche filetée se fait au moteur fractures transversales du sacrum afin d'éviter l'impac-
lent, pas à pas (voir figure 5.11). Il y a parfois très peu tion du foyer de fracture, à risque neurologique.
de résistance en cas de comminution importante ou La mesure de la vis doit tenir compte de la com-
chez le sujet âgé. pression souhaitée et le serrage se fait sous contrôle
L'extrémité de la broche est fichée en os sain, après radioscopique. Une rondelle permet de mieux répartir
le passage du foyer de fracture, juste au-delà de la les forces sur la table externe.
limite planifiée. En cas de fracture en U ou en H, la Un scanner de contrôle sera systématique (figure 5.13).
broche peut être passée à travers l'aileron controlaté- Une vis dont l'intérêt mécanique serait rendu incertain
ral voire l'articulation sacro-iliaque contro-latérale ; par un trajet erratique, même asymptomatique, doit
un vissage bilatéral peut être justifié. être ôtée en raison du risque de déplacement secondaire.
Lors du méchage, il faut s'assurer de ne pas entraîner Des fragments osseux peuvent devenir conflictuels et
la broche filetée. justifier une neurolyse du tronc lombo-sacré.
Les vis, classiquement à filetage court (6 ou 8 mm) La mobilisation postopératoire dépend de la qua-
pour les disjonctions sacro-iliaques et les fractures en lité de l'ostéosynthèse ; dans les lésions de type Tile C
même bien réduites, 6 semaines de décharge sont jus-
tifiées. Le double vissage ou une ostéosynthèse trian-
gulaire permettraient une mobilisation plus précoce.
Les avantages majeurs de cette technique sont : le faible
encombrement du matériel, son faible risque infectieux et
sa réalisation possible en décubitus dorsal. Ceci autorise
la stabilisation associée de lésions antérieures : disjonc-
tion symphysaire, fracture du(des) cadre(s) obturateur(s).

Indications et choix de la fixation


(tableau 5.2)

Une fixation n'est pas indiquée dans deux cas :


• en l'absence de troubles neurologiques, devant une
fracture stable (Tile A, Roy-Camille type I, fractures
Figure 5.12 Vis entre les trous sacrés. transversales basses) ;
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A B C

D E F
Figure 5.13 Tile C avec fracture verticale en zone 2 : plaque symphysaire puis vissage.
68 H. PASCAL-MOUSSELLARD, C. HIRSCH, R. BONACCORSI

Tableau 5.2 Résumé des indications (Roy-Camille)


Fracture transversale haute du sacrum (Roy-Camille)
Non Oui

Fracture de Non – Fracture transversale isolée (« U »)


l'anneau pelvien – Type I : traitement fonctionnel ou vissage ilio-
(Tile) sacré ± ciment
– Types II et III :
• décompression neurologique
• réduction dans le plan sagittal
• fixation (sacro-iliaque ou lombo-iliaque) en fonction de
l'intégrité des pédicules de S1

Oui À traiter comme une fracture – Tile A = idem à fracture en « U » isolée
de l'anneau pelvien : – Tile B et C =
– classée selon Tile • réduction plan horizontal (Tile B) et vertical (Tile C)
– priorité à la fixation de pour le bassin
la lésion postérieure en • réduction plan sagittal pour Roy-Camille types II et III
fonction de la réduction • décompression et fixation le plus souvent lombo-iliaque
(vissage ilio-sacré) +/- ou triangulation
ostéosynthèse antérieure

• en présence de lésions cutanées interdisant l'abord Une fracture de type I relève d'un traitement fonc-
chirurgical. tionnel. Un vissage ilio-sacré avec ou sans cimento-
Dans les autres cas, la réduction et la fixation chirur- plastie est discuté chez le sujet âgé ou ostéoporotique
gicale dépendent du type de fractures. afin de permettre une mobilisation précoce.
Il faut se poser deux questions : Les fractures de type II et III, fréquemment associées
• existe-t-il un trait transversal haut dans le sacrum ? à des troubles neurologiques et difficilement réduc-
oui/non ; tibles par manœuvres externes, relèvent d'un abord
• existe-t-il une fracture de l'anneau pelvien ? oui/non. chirurgical avec décompression et fixation (technique
Il existe alors trois cas de figure pathologique (voir de la Pitié, vissage sacro-iliaque bilatéral lorsque le
tableau 5.2). pédicule de S1 est préservé par les traits verticaux,
sinon montage lombo-iliaque). Si la réduction a été
obtenue par manœuvres externes, un vissage ilio-sacré
Pas de fracture sacrée transversale haute
peut être réalisé.
Il s'agit de fractures de l'anneau pelvien avec une frac-
ture du sacrum longitudinale passant en zone 1, 2 ou
3 de Denis. La fracture sera classée selon Tile pour Avec fracture de l'anneau pelvien
déterminer la manœuvre de réduction.

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L'association fracture sacrée transversale–fracture de
Si la réduction est obtenue par manœuvres externes,
l'anneau pelvien est le cas le plus complexe.
le vissage ilio-sacré sera toujours privilégié. Il est parfois
Les fractures de Tile A seront traitées comme des
associé à une synthèse antérieure [27]. Une cimento-
fractures en « U » isolées.
plastie est discutée chez le sujet âgé ou ostéoporotique.
Les fractures de Tile B et C nécessitent le plus sou-
Si la réduction n'est pas obtenue, un abord chirurgical
vent de compléter la réduction obtenue par manœuvres
postérieur permet de réaliser l'ostéosynthèse en privilé-
externes par des manœuvres à l'aide des implants. Il
giant les fixations sacro-iliaques par rapport aux fixations
faut réduire dans le plan sagittal pour la fracture trans-
lombo-pelviennes lorsque le pédicule de S1 est intact.
versale, dans le plan horizontal pour les fractures de
Tile B, dans le plan vertical pour celles de Tile C. Un
Fracture sacrée transversale haute montage en triangulation permet d'augmenter la stabi-
lité de l'ostéosynthèse, ainsi que la fixation antérieure
Sans fracture de l'anneau pelvien de l'anneau pelvien. C'est la place des fixations sacro-
Ce sont les fractures en « U » typiques qui seront clas- iliaques (technique de Beaujon et variantes) ou lombo-
sées selon Roy-Camille. iliaques si les pédicules sacrés ne sont pas préservés, ou
Ostéosynthèse des fractures du sacrum et des luxations lombo-sacrées 69

si la réduction est insuffisante. Les fractures de Tile C trans-iliaque ou en utilisant les deux voies de façon
nécessitent souvent une fixation lombo-iliaques. combinée. Au moindre doute, une biopsie peut être
réalisée avant injection de ciment. L'injection de
Fractures de fatigue et fractures ciment (type polymethyl methacrylate ou PMMA)
peut alors être réalisée sous contrôle radioscopique.
sur ostéoporose (figure 5.14 à 5.16) L'objectif est le remplissage sans extravasation de
Ces fractures sont l'indication préférentielle des tech- ciment. Un contrôle tomodensitométrique immédiat
niques d'injection percutanée de ciment (sacroplastie) est préférable.
qui peuvent être uni- ou bilatérales.
Le plus souvent réalisées sous simple sédation et
anesthésie locale, ces procédures sont pratiquées en
salle opératoire ou de radiologie interventionnelle.
Le patient est installé en décubitus ventral et la
région lombo-sacrée est préparée stérilement. Une
aiguille de 11 gauges est introduite dans le sacrum et
poussée à l'aide du maillet jusqu'au foyer de fracture.
L'aiguille peut être introduite par voie postérieure ou

Figure 5.14 Fracture du sujet âgé. Figure 5.15 Fracture sur bassin irradié.


1. ciment ; 2. vis de synthèse. Flèches : trait. Zones contourées : raréfaction osseuse.
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A B

C D
Figure 5.16 Fracture sacrée sur ostéoporose.
a, b. En préopératoire.
c, d. Procédure de brochage percutané + cimentoplastie.
70 H. PASCAL-MOUSSELLARD, C. HIRSCH, R. BONACCORSI

Complications et résultats
Les complications sont très fréquentes (38 %) [6].
Les complications cutanées avec désunion et sup-
puration sont le fait de la chirurgie à ciel ouvert et
nécessitent une excision et une antibiothérapie.
Des fuites de liquide céphalorachidien (LCR) sont
possibles, nécessitant une ré-intervention. Elles sont
prévenues par une suture soigneuse du fourreau dural
et l'utilisation de colle biologique.
Les complications liées au matériel d'ostéosynthèse
(mobilisation de vis ilio-sacrée ou déplacement secon-
daire) et les douleurs sur matériel d'ostéosynthèse Figure 5.17 Vis : rapports nerveux.
1. sac dural ; 2. racine S1 ; 3. racine S1 ; flèche : compression du
peuvent justifier son ablation.
foyer de fracture.
Il semble qu'un peu moins de 50 % des patients pré-
sentant des troubles neurologiques récupèrent com-
D'autres complications ont été décrites de manière
plètement [6, 7] et que la récupération soit meilleure
anecdotique : faux anévrisme de l'artère fessière [31],
lorsqu'un geste de décompression est associé. Environ
lésions digestives [32], fuite de LCR [33], lésion
30 % des patients récupèrent incomplètement. Un syn-
urétérale [34].
drome périnéal complet semble avoir peu de chance de
récupérer [6].
Les cals vicieux sont dus soit à une impossibilité de Luxations lombo-sacrées
traitement initial dans des délais raisonnables, soit à
un défaut de réduction. Il faut signaler ici le cas par- Peu de cas ont été rapportés dans la littérature.
ticulier des fractures de Roy-Camille de type 2 et 3, Elles sont généralement le fait de traumatismes à
dont le défaut de réduction (cal vicieux dans le plan haute cinétique (chute d'un lieu élevé, accident de la
sagittal) peut entraîner une modification de l'inci- voie publique).
dence pelvienne du patient. La statique globale du Le mécanisme lésionnel comporte des forces de
rachis s'en trouve perturbée, avec des ­modifications compression, rotation, flexion ou extension [35, 36],
des courbures lombaires et dorsales dans le plan appliquées sur un bassin fixé.
sagittal. Elles touchent le disque L5–S1, rendant la charnière
Les complications spécifiques du vissage ilio- lombo-sacrée instable et sont presque systématique-
sacré [20] sont les suivantes : ment associées à des troubles neurologiques sévères.
• échec de réduction et déplacement secondaire : Elles sont généralement classées selon : l'étage
– cette ostéosynthèse peut s'avérer insuffisante dans lésionnel ; la direction de la luxation (antérieure versus
le plan axial, en l'absence d'ostéosynthèse anté- postérieure) ; le statut des parties molles (fermé versus
rieure : lésion symphysaire, fracture du(des) cadre(s) ouvert) ; le caractère complet ou incomplet de la luxa-
obturateur(s), tion ; la présence de fractures associées (luxation pure
– le taux de perte de correction est plus élevé que versus fracture–luxation).

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dans d'autres techniques d'ostéosynthèse [28], Les atteintes corporéales de la dernière vertèbre
– l'articulation sacro-iliaque n'étant pas fusionnée, mobile (L5) peuvent être classées selon Magerl [37]
une mobilisation secondaire de l'implant est pos- (y compris les lyses isthmiques traumatiques), mais
sible, nécessitant l'ablation de la vis ; deux classifications ont été décrites pour les luxations
• lésions nerveuses : tronc lombo-sacré (L4–L5), racines lombo-sacrées, celle d'Aihara et al. [38] et celle de
sacrées (S1) (figure 5.17). Elles peuvent être dues à : Vialle et al. [38] (figure 5.18). Nous avons retenu cette
– une malposition d'implant à l'origine d'un déficit dernière qui a pour mérite de démembrer les associa-
neurologique iatrogénique [29], le plus souvent par tions lésionnelles et d'insister sur l'absence d'antélis-
lésion du tronc lombo-sacré, thésis systématique dans les luxations unilatérales.
– une lésion du tronc lombo-sacré lors de la ferme- Toutefois, cette classification méconnaît les formes
ture d'une disjonction sacro-iliaque, postérieures (figure 5.19).
– une compression des racines sacrées par compres- Le traitement chirurgical en urgence, associant
sion excessive du foyer de fracture lors de réduction réduction, décompression et fixation par ostéosyn-
d'une fracture verticale du sacrum [30]. thèse est la règle [36, 39, 40].
Ostéosynthèse des fractures du sacrum et des luxations lombo-sacrées 71

Il est préférable de réaliser la réduction en pero- lésion articulaire L4–L5 (identifiée sur le scanner pré-
pératoire en utilisant la prise pédiculaire en L5 et en opératoire) ou du disque L4–L5 (identifiée sur l'IRM
s'aidant de modifications de position du patient sur préopératoire).
la table (cyphose/lordose), plutôt que de tenter des En cas de fracture associée du sacrum (trait trans-
manœuvres externes, à risque neurologique. S1), il est préférable de fixer les implants dans l'aile
La réalisation d'arthrectomies partielles ou totales iliaque (vis d'extension).
peut faciliter la réduction. Il est souhaitable de dis- La greffe osseuse provient du produit de la libéra-
poser d'une IRM préopératoire afin de bien évaluer tion osseuse, mais la surface de greffe peut s'avérer
la lésion discale et réaliser l'ablation d'une éventuelle insuffisante en cas de libération extensive (lamino-­
hernie discale associée. arthrectomie de L5), poussant à l'arthrodèse
Même si de nombreuses techniques de fixation intersomatique.
ont été proposées (articulaire, interépineuse), le gold Celle-ci est controversée, mais elle est pour nous
standard est l'instrumentation pédiculaire de L5 et la règle dans ces lésions instables à fort risque de
S1, idéalement associée à une cage intersomatique pseudarthrose. Elle peut être réalisée par voie posté-
L5–S1. L'instrumentation de L4 peut être nécessaire rieure – posterior lumbar interbody fusion (PLIF) ou
pour faciliter la réduction de L5 en tractant celle-ci transforaminal lumbar interbody fusion (TLIF) – en
sur une tige fixée en L4 et S1 ou lorsqu'il existe une utilisant des cages, autorisant ainsi un seul temps
opératoire, ou par abord antérieur complémentaire
(anterior lumbar interbody fusion ou ALIF). Dans ce
dernier cas, il est impératif de disposer d'un angio-
scanner préopératoire afin de s'assurer de l'absence
de lésion vasculaire et de réaliser une embolisation si
nécessaire. Du fait du risque hémorragique, il est pré-
férable de réaliser ce second temps opératoire à dis-
tance du traumatisme initial.
La position assise basse est contre-indiquée 6 à
8 semaines. La fusion doit être contrôlée par scanner
entre les 3e et 6e mois.
Ce sont des lésions rares, pour lesquelles IRM et
Figure 5.18 Classification des luxations lombo-sacrées de Vialle. radiographies dynamiques en cas de doute diagnos-
a. Fracture–luxation bilatérale avec antélisthésis.
tique (formes frustes) sont nécessaires pour choisir le
b. Fracture–luxation bilatérale sans antélisthésis.
c. Fracture–luxation unilatérale. meilleur traitement.
d. Luxation rotatoire unilatérale. L'arthrodèse circonférentielle (voie postérieure ou
e. Luxation bilatérale avec translation. combinée) est la règle lorsque le disque est atteint
f. Luxation bilatérale avec antélisthésis. (IRM ou listhésis).
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A B
Figure 5.19 Luxation postérieure en préopératoire (a) et postopératoire (b).
72 H. PASCAL-MOUSSELLARD, C. HIRSCH, R. BONACCORSI

Conclusion [16] Tiemann AH, Schmidt C, Josten C. Triangular vertebropel-


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75

Ruptures partielles du ligament


croisé antérieur
B. SONNERY-COTTET, P. COLOMBET

B. Sonnery-Cottet
permettant de comparer les résultats de ces deux techniques.
Résumé De plus, il existe un risque de conflit entre un volume de tissu
Les ruptures partielles du ligament croisé antérieur (LCA) sont fibreux trop important et l'échancrure intercondylienne à l'ori-
connues depuis de nombreuses années, mais leur traitement reste gine d'un syndrome de cyclope.
discuté. La question est de savoir s'il vaut mieux préserver les Le but de ce travail est de : préciser les critères diagnostiques ;
fibres non rompues du LCA natif et le renforcer avec une greffe décrire une technique chirurgicale simple et reproductible assu-
ou les exciser et pratiquer une reconstruction de la totalité du rant un placement correct du tunnel fémoral sans libération
LCA. extensive de l'échancrure intercondylienne ; rapporter les résul-
Les résultats cliniques des reconstructions sélectives sont pro- tats cliniques des reconstructions partielles du LCA.
metteurs. De nombreux articles suggèrent que ces reconstruc-
tions partielles sont bénéfiques en termes de vascularisation et Mots clés : Ligament croisé antérieur. – Rupture partielle.
de proprioception. Forts de ces notions, de nombreux chirur- – Reconstruction sélective. – Faisceaux antéromédial et posté-
giens ont développé des techniques de reconstruction sélective rolatéral.
du LCA. Le placement correct du tunnel fémoral est essen-
tiel à la réussite à court et à long terme de ces reconstruc-
tions. Cependant, les études publiées ont deux limites : un
petit nombre de patients et une absence de groupe contrôle

Introduction se basant sur une association de plusieurs critères, cli-


niques, laximétriques et arthroscopiques.
Les ruptures partielles du ligament croisé antérieur De nombreux auteurs ont montré le rôle bénéfique
(LCA) sont fréquentes puisqu'elles représentent de la préservation des fibres non rompues du LCA
10 à 28 % de toutes les ruptures du LCA. Elles sont sur le plan biologique, vasculaire mais aussi laximé-
connues depuis de nombreuses années [1] mais le prin- trique [5–10]. Cette notion a fait proposer au cours de
cipe d'une greffe sélective des seules fibres rompues ces dernières années des techniques de reconstruction
est beaucoup plus récent. La principale question est sélective du LCA. L'idée est que la préservation des
en effet de savoir s'il vaut mieux préserver les fibres fibres non rompues du LCA natif favorise la cicatri-
non rompues du LCA et pratiquer une reconstruction sation et l'intégration d'une greffe sélective grâce à la
sélective du faisceau rompu ou les exciser, libérant préservation, dans l'échancrure intercondylienne, d'un
ainsi toute l'échancrure, et pratiquer une reconstruc- environnement cellulaire favorable.
tion de la totalité du LCA Les résultats cliniques des reconstructions partielles,
Il n'existe pas de consensus sur la définition des que ce soit celle du faisceau antéro-médial (AM) [11–17]
ruptures partielles du LCA. Elle comporte pour nous ou celle du faisceau postéro-latéral (PL) [18], sont géné-
l'association d'un signe de Lachman avec arrêt dur ralement excellents.
retardé, une faible laxité différentielle, un hypersignal Le but de cet article est de décrire les critères dia-
du LCA en IRM et la constatation d'une rupture par- gnostiques, la symptomatologie, l'imagerie et les
tielle en arthroscopie. Noyes [2] les a définies selon constatations arthroscopiques et de préciser la tech-
le pourcentage de LCA restant, Crain [3] selon une nique des reconstructions sélectives du LCA ainsi que
évaluation arthroscopique et DeFranco et Bach [4] en les résultats que l'on peut en espérer.

Conférences d'enseignement 2015


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76 B. SONNERY-COTTET, P. COLOMBET

Anatomie fonctionnelle du LCA retendent au-delà de 90° de flexion. De plus, le fais-


ceau PL semble être celui qui contrôle le plus la rota-
Les deux faisceaux qui composent le LCA sont dénom- tion du tibia du fait de sa position plus latérale.
més en fonction de leur insertion sur le tibia. Le fais- Lors d'une arthroscopie, le faisceau AL est visible
ceau AM est antérieur et médial sur le tibia, près de quelle que soit la position du genou. Le faisceau PL
l'épine tibiale médial, alors que le faisceau PL est pos- est plus difficile à identifier parce qu'il est détendu et
térieur et latéral sur le tibia. qu'il est en grande partie caché par le faisceau AM. Le
Les fibres du faisceau AM sont globalement isomé- faisceau PL est mieux identifié en position de Cabot
triques, tandis que celles du faisceau PL sont anisomé- (figures 6.2 et 6.3) [19].
triques. Il existe donc une variation de longueur d'une
partie des fibres du LCA au cours des mouvements de Diagnostic
flexion–extension.
Lors de la flexion, le faisceau PL s'enroule autour Aspects cliniques
du faisceau AM au niveau fémoral et l'insertion
fémorale du faisceau PL décrit donc un arc de cercle Il s'agit habituellement d'un patient jeune de 20 à 30 ans,
autour de l'insertion fémorale du faisceau AM un homme dans 70 % des cas, pratiquant une activité
(figure 6.1). sportive à risque, avec un premier traumatisme peu
Les fibres antérieures de l'AM sont les plus isomé- violent. Le délai traumatisme–consultation, assez court
triques mais elles sont néanmoins moins tendues entre comme l'a montré le symposium de la Société française
0 et 30° de flexion, ce qui leur permet de se défor- d'arthroscopie (SFA) de 2007 [20], est en moyenne de
mer (déformation à concavité supérieure) au contact 5 à 7 mois pour les ruptures partielles, alors qu'il est de
du bord antérieur de l'échancrure intercondylienne et plus d'un an pour les ruptures complètes.
d'autoriser ainsi une extension complète du genou. En Cliniquement, on retrouve un Lachman avec un
revanche entre 30 et 130° de flexion, leur tension reste arrêt dur retardé, sans pivot shift en règle, et une laxité
constante. différentielle moyenne relativement faible inférieure à
Les fibres les moins isométriques sont les fibres pos- 5 mm [15].
térieures du faisceau PL qui sont toutes parallèles et Le diagnostic, évoqué sur le tableau clinique, sera
complètement tendues en extension. Entre 0 et 90° consolidé en imagerie et par une laximétrie, mais ne
de flexion, elles se détendent progressivement puis se pourra être confirmé que par l'arthroscopie.

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Figure 6.1 Rôle des faisceaux AM et PL en flexion.


Ruptures partielles du ligament croisé antérieur 77

Figure 6.2 Identification arthroscopique du faisceau PL.


À 90° de flexion, le faisceau AM apparaît de face, antérieur au faisceau PL, en laissant une petite zone où l'insertion fémorale du PL est
visible (a). Par l'utilisation de la position de cabot (ou « figure of 4 » en anglais), le faisceau PL (b).

loppement de nouvelles séquences avec des incidences


obliques devrait dans l'avenir permettre d'améliorer la
sensibilité et la spécificité de l'IRM pour le diagnostic
des ruptures partielles.

Laximétrie
La difficulté d'affirmer le diagnostic de lésion partielle
Figure 6.3 Rupture faisceau : AM (a) ; PL (b). par le simple examen clinique a conduit à rechercher
dans la mesure instrumentale de la laxité une aide, à
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défaut de certitude diagnostique. Les mesures à l'aide


Apport de l'imagerie de l'arthromètre KT-1000® n'ont pas été contributives,
avec jusqu'à 50 % de faux négatifs [21], même dans
L'imagerie de choix de toute rupture du LCA est l'IRM. des ruptures complètes.
Celle-ci montre le LCA rompu, les signes indirects de Les mesures radiographiques à l'aide du système
la rupture comme le bone bruise du compartiment Telos® s'intéressent aux deux compartiments, permet-
latéral, et les éventuelles lésions associées (méniscales, tant ainsi d'appréhender l'aspect rotatoire de la laxité.
cartilagineuses, ligamentaires ou d'un point d'angle). L'étude de la SFA de 2007 a trouvé une forte corré-
Le diagnostic d'atteinte du LCA est facile en IRM, lation entre l'aspect arthroscopique et la mesure au
mais il est très difficile d'affirmer son caractère com- Telos® de la laxité antérieure différentielle de chaque
plet ou partiel sur une IRM standard [5, 11]. Le déve- compartiment médial et latéral sous stress [20]. La
78 B. SONNERY-COTTET, P. COLOMBET

laxité était plus faible lorsqu'il existait un faisceau res- Nous sommes donc restés fidèles à la réalisation du
tant de bonne qualité. tunnel fémoral de dehors en dedans (out-in) dévelop-
L'arthromètre GNRB® [22], plus récent, permet une pée il y a longtemps par Chambat [24]. Cette tech-
détection des lésions partielles avec une bonne sensibi- nique permet de laisser le genou fléchi à 90°, ce qui
lité (80 %) et une bonne spécificité (87 %). optimise la visualisation des insertions ligamentaires.
Par ailleurs, la préservation des fibres non rompues
Arthroscopie du LCA est optimale puisque la mèche n'est pas pas-
sée dans l'échancrure intercondylienne mais vient de
Un faisceau d'arguments permet de suspecter le l'extérieur. Cette technique permet une reconstruction
diagnostic de rupture partielle du LCA mais seule sélective du faisceau rompu avec une préservation
l'arthroscopie exploratrice permet d'affirmer avec cer- optimale du faisceau non lésé.
titude le caractère complet ou incomplet de la rupture. Le genou est fléchi à 90° pour visualiser l'insertion
Il est donc impératif de bien comprendre l'anatomie fémorale du LCA. Cette dernière est très peu libérée.
de ses deux faisceaux et plus encore la cinématique Un guide fémoral spécifique est placé sous contrôle
du LCA au cours de la flexion afin d'optimiser cette arthroscopique, par la voie d'abord instrumentale
exploration arthroscopique [16, 18, 20]. antéro-médiale (figure 6.4). On peut également utili-
Elle montre une rupture partielle du LCA avec per- ser un guide fémoral dessiné pour être introduit par la
sistance de fibres reliant le fémur au tibia et s'attachant voie antéro-latérale et qui permet de mettre en place
au niveau des zones d'insertion fémorale et tibiale du des broches guides sous contrôle de la vue par la voie
LCA. L'exploration se fait de l'extension vers la flexion antéro-médiale (figure 6.5). Le guide est positionné sur
mais aussi en position de Cabot [19], afin de bien préci- l'insertion anatomique du faisceau rompu AM ou PL.
ser l'état des deux faisceaux et quantifier l'importance Pour toutes les reconstructions sélectives du faisceau
de la rupture partielle. L'état des ménisques et des sur- AM ou PL, et quel que soit le guide fémoral, nous
faces articulaires est également évalué. utilisons un RetroDrill® (mèche équipée d'un ergot
rabattable qui permet, une fois le tunnel central foré,
Technique opératoire de créer un tunnel borgne rétrograde ; la profondeur
souhaitée atteinte, l'ergot est rabattu et la mèche est
Avant l'intervention, un testing ligamentaire, incluant retirée) de taille adaptée à celle de la greffe. Ceci per-
la recherche d'un ressaut rotatoire, est réalisé sous
anesthésie générale afin de confirmer ou d'infirmer le
diagnostic de rupture partielle du LCA.
Le patient est installé en décubitus dorsal avec un
garrot pneumatique à la racine de la cuisse.
Le temps d'exploration arthroscopique confirme le
diagnostic de rupture partielle et quantifie l'impor-
tance de la rupture.

Tunnel fémoral
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Nous conseillons la réalisation de voies arthrosco-
piques hautes permettant de préserver le ligament de
Hoffa [23].
La voie antéro-médiale a été récemment développée,
mais il nous semble que la réalisation du tunnel fémo-
ral de dehors en dedans est la plus simple et la plus
reproductible pour les reconstructions sélectives. En
effet, par la voie antéro-médiale, le tunnel fémoral est
réalisé en flexion maximale, ce qui rend la visualisa-
tion de l'insertion fémorale du LCA souvent difficile,
d'autant que l'on préserve une partie du LCA. Cette
technique in-out nécessite donc une libération un peu
Figure 6.4 Guide fémoral out-in par la voie antéro-médial clas-
plus importante de l'échancrure intercondylienne. sique avec courte incision latérale.
Ruptures partielles du ligament croisé antérieur 79

Figure 6.5 Guide spécifique par la voie antéro-latérale. Repères Figure 6.6 Vue arthroscopique du guide tibial.
arthroscopiques d'un tunnel fémoral AM avec optique par la Genou à 90° de flexion (a). Vue améliorée par translation anté-
voie antéro-médiale (a). Cible du guide positionnée selon les rieure du Hoffa en positionnant le genou à 40° de flexion (b).
repères arthroscopiques (b).

met d'une part de préserver le faisceau non rompu


et d'autre part de faire des tunnels borgnes, avec par
conséquent des greffes plus courtes. Cette technique
permet de faire la reconstruction avec le seul tendon
du semi-tendineux.

Tunnel tibial
En fléchissant le genou à 40°, le ligament de Hoffa est
translaté en avant, ce qui permet de visualiser l'inser-
tion tibiale du LCA (figure 6.6).
Les fibres résiduelles du ligament croisé antérieur
(LCA) sont ensuite inspectées. Si elles ont cicatrisé en
nourrice sur le ligament croisé postérieur (LCP) ou sur
le condyle fémoral, elles sont soigneusement mobili-
sées en conservant toute leur enveloppe synoviale.
Le guide tibial est alors introduit par la voie antéro- Figure 6.7 Tunnel tibial pour une reconstruction sélective du PL
médiale et placé sur l'insertion du faisceau que l'on (a, b) ou du faisceau AM (c, d) avec préservation du faisceau
veut reconstruire, antérieur et médial pour le faisceau résiduel.
AM (figure 6.7c et d), postérieur et latéral pour le fais- CE : condyle externe.
ceau PM (figure 6.7a et b).
Ces reconstructions sélectives du faisceau AM ou PL
sont effectuées comme une reconstruction classique du La greffe est fixée au niveau du fémur par un bouton
LCA mais en préservant le faisceau supposé intact du et au niveau du tibia par une vis résorbable (figures 6.8
LCA. Afin de préserver les fibres non rompues, nous et  6.9). La fixation est réalisée le genou proche de
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conseillons d'augmenter le diamètre des mèches pro- l'extension.


gressivement de millimètre en millimètre, jusqu'au dia-
mètre souhaité (figure 6.7). Indications
Fixation de la greffe Notion de chirurgie à la carte
Le tendon semi-tendineux prélevé sert à reconstruire Les indications de la chirurgie de reconstruction du
indifféremment le faisceau AM ou PL. Il est triplé LCA ont beaucoup évolué au cours des 15 dernières
ou quadruplé afin d'obtenir une greffe de la taille années. Ceci s'explique par un meilleur diagnos-
souhaitée. tic, une imagerie plus performante, une connais-
Il est impératif d'éviter une greffe de trop gros volume sance plus p­ récise de l'anatomie et de la cinématique
(de plus de 8 mm de diamètre) à l'origine de complications ligamentaire.
de type cyclope secondaire à un volume de tissu fibreux Les lésions sont toutes différentes et la proportion
trop important dans l'échancrure intercondylienne [16]. de lésions associées des freins secondaires (structures
80 B. SONNERY-COTTET, P. COLOMBET

cidents d'instabilité secondaires, pourvoyeurs de lésions


périphériques et surtout méniscales, dont on connaît les
conséquences délétères sur le cartilage, facteurs de han-
dicap fonctionnel et de coût sanitaire substantiel.

Indications et arbre décisionnel


Nous classons tous les patients présentant un signe de
Lachman avec arrêt dur retardé et une IRM montrant
Figure 6.8 Reconstruction isolée du faisceau AM (a) avec scan-
ner de contrôle du tunnel fémoral AM (b). une atteinte du LCA en trois groupes, selon l'impor-
tance de la laxité différentielle, l'existence ou non d'un
ressaut rotatoire et l'éventuelle pratique d'un sport à
risque :
• groupe 1 : laxité différentielle < 4 mm avec ou sans
ressaut ;
• groupe 2 : laxité différentielle < 4 mm avec ressaut
explosif ;
• groupe 3  : laxité différentielle  > 4 mm chez un
patient pratiquant une profession à risque ou un sport
à pivot.
Le traitement est conservateur pour le groupe 1,
Figure 6.9 Reconstruction isolée du faisceau PL (a) avec scan- avec un contrôle clinique et une laximétrie à 3 mois.
ner de contrôle du tunnel fémoral PL (b). Pour les groupes 2 et 3, le traitement est chirurgical
avec une reconstruction partielle basée sur le bilan
arthroscopique (figure 6.10).
soumises à une partie des forces antéro-postérieures
telles les ligaments collatéraux, les ménisques…) est Résultats et revue
très variable et certainement sous-estimée.
Les morphotypes sont également très différents, de
de la littérature
la danseuse de ballet au rugbyman. Il en est de même Il existe de très nombreuses publications de recherche
du poids, de la taille, de la laxité constitutionnelle et de fondamentale et de technique opératoire relatives à la
l'axe mécanique du membre inférieur. conservation des fibres non rompues dans les ruptures du
Les pratiques sportives, enfin, diffèrent beaucoup LCA. Ceci s'explique par un diagnostic plus précoce et
(pivot, pivot-contact, pivot-contact haute énergie). plus précis des ruptures du LCA. Ces fibres, qu'elles soient
Or, on peut penser raisonnablement qu'elles ont une intactes ou cicatricielles, sont très souvent présentes.
incidence sur les contraintes subies par les greffes Cependant, les publications sur les résultats cli-
et leur fixation, et qu'il faut les prendre en compte niques à court ou moyen terme sont peu nombreuses.
pour les exigences mécaniques des reconstructions

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ligamentaires. Recherche et sélection des articles
Plus récemment, des outils de plus en plus sophis-
tiqués de mesure de la laxité ont attiré l'attention sur Une recherche dans les bases de données suivantes,
des ratios différents des composantes de rotation et de Pubmed (www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed), Cochrane
translation de la laxité préopératoire. (www.cochrane.org) et Medline a été effectuée avec
Une chirurgie stéréotypée ne peut donc pas conve- les mots clés suivants : « ACL reconstuction and rem-
nir à une telle diversité de lésions et de patients. Une nant », « Partial bundle ACL reconstruction » et « ACL
chirurgie à la carte (personnalisée) s'est ainsi impo- augmentation ».
sée petit à petit, avec des techniques opératoires Lors de la première recherche, 816 articles ont été
modulables et adaptables, qui ont vu le jour avec identifiés. Les résumés des articles ont été lus et les
l'utilisation de plus en plus large des tendons de la articles concernant les résultats cliniques des recons-
patte-d'oie. tructions partielles du LCA avec préservation du
Cette prise en charge des ruptures partielles du LCA, faisceau non rompu ont été sélectionnés. Finalement,
enfin, doit être précoce pour prévenir bon nombre d'ac- 17 séries et trois méta-analyses ont été retenues.
Ruptures partielles du ligament croisé antérieur 81

Figure 6.10 Arbre décisionnel pour le traitement d'une rupture partielle du LCA.

Nous avons au total retenu 805 cas de reconstruc- Dans toutes les études, une amélioration significa-
tion partielle du LCA. Sur les 17 séries, cinq seulement tive des scores subjectifs et objectifs était retrouvée.
comportaient un groupe témoin où le LCA avait été Dans les cinq études avec groupe témoin, une a
excisé et une reconstruction standard réalisée [16–29] ; retrouvé une diminution significative de la laxité
les autres rapportaient les résultats d'une reconstruc- par rapport au groupe reconstruction standard [29].
tion sélective. Le nombre de patients de chaque série Aucune autre différence significative entre les diffé-
était généralement faible, avec seulement deux séries rents scores n'a été retrouvée.
de plus de 50 cas [16, 27]. Nous n'avons retrouvé qu'une seule étude multicen-
La reconstruction isolée du faisceau PL a été trique [16] de 168 reconstructions isolées du faisceau
beaucoup moins étudiée. Sur les 805 patients seule- AM avec préservation du faisceau PL : la reconstruc-
ment 145 ont eu une reconstruction du seul faisceau tion sélective du faisceau AM restaurait un genou
PL (20 %) et une seule étude ne concerne que cette stable et fonctionnel indépendamment de la greffe ou
technique [18]. de la technique utilisée.
En 2012, Pujol et al. [30] ont rapporté une étude mul-
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Résultats cliniques ticentrique prospective randomisée de la SFA, avec une


technique conventionnelle (groupe « résection ») pour
Les résultats cliniques étaient évalués selon le score 29 patients et technique sélective (groupe « conser-
IKDC (12 études), le test du pivot shift (sept études), vation ») pour 25 patients. Il s'agissait d'une étude
le score de Lysholm (huit études), le score de Tegner préliminaire avec un recul de minimum de 6 mois. Ils
(cinq études) et le Lachman test (cinq études). concluaient que les résultats cliniques étaient com-
Les arthromètres KT-1000® et KT-2000®, le Telos® parables, avec cependant un meilleur contrôle de la
et le Rolimeter® ont été utilisés pour évaluer la laxité laxité dans le groupe « conservation ». Chez les mêmes
antéro-postérieure. patients revus avec un recul de minimum 2 ans, la
Ochi et al. [12] et Adachi et al. [29], qui utilisent différence de laxité était non significative (groupe
le terme de plastie d'augmentation plutôt que de « résection » : 1,6 mm versus groupe « conservation » :
reconstruction partielle, ont été les premiers à rap- 1,1 mm), avec cependant une puissance de 80 % de
porter de meilleurs résultats de ces reconstructions l'étude en raison du nombre relativement faible de
en se basant sur la laximétrie mesurée à l'arthro- patients inclus. Il n'y avait pas de différence non plus
mètre KT-1000®. entre les scores KOOS, IKDC et Lysholm.
82 B. SONNERY-COTTET, P. COLOMBET

Park et al. [27] en 2012 ont comparé, dans une Ochi et al. [12] en 2009 ont rapporté à 2 ans les
étude prospective, la reconstruction sélective (55 cas) résultats de 45 reconstructions sélectives (37 AM et
à une reconstruction double faisceau de la totalité du huit PL), avec une excellente cicatrisation de la greffe
LCA (45 cas). Ils ne retrouvaient aucune différence en IRM.
sur la mobilité, les scores Lysholm, Tegner et IKDC. Il existe de grandes différences entre les protocoles
Il n'existait aucune différence significative entre les d'IRM et les méthodes d'évaluation des différentes
mesures de laxité. études.
Maestro et al. [26] en 2013 ont comparé la stabi- Une corrélation entre les résultats cliniques et l'IRM
lité après 39 reconstructions partielles (AM ou PL) était retrouvée dans une étude, avec ballonisation du
à celle de 36 reconstructions totales, mono-faisceau. tunnel fémoral minime, voire inexistante pour les
Le recul minimum était de 2 ans. Ils rapportaient de reconstructions du faisceau PL [18].
bons résultats des reconstructions partielles tant sur la Buda et al. [11] en 2008 ont rapporté les résultats de
translation que sur la rotation mais pas significative- 28 reconstructions partielles, selon le score IKDC et
ment meilleurs que dans le groupe contrôle. l'IRM. Le recul était de 15 à 40 mois. Le score IKDC
Fait intéressant, une étude [31] montrait des résul- moyen était de 93,8 ; 25 patients étaient classés excel-
tats satisfaisants après suture de la rupture partielle du lents et trois moyens. Il existait une bonne corrélation
LCA associée à une stimulation de la cicatrisation par entre le résultat clinique et l'aspect IRM avec dans tous
de la moelle osseuse obtenue par perforation de l'épi- les bons résultats cliniques une greffe continue et en
physe fémorale au niveau de l'échancrure intercondy- hyposignal et une absence de déformation du tunnel
lienne. Cependant, il s'agit de la seule étude utilisant tibial. Dans 79 % des cas, on pouvait reconnaître les
cette technique ce qui ne permet pas de conclure. fibres non rompues du LCA sur l'IRM postopératoire.
En 2013, Song et al. [32] ont fait une revue systéma- Dans une autre étude [33], il existait une corrélation
tique des séries de reconstruction sélective Elle regrou- entre la couverture synoviale de la greffe au moment
pait 546 patients provenant de 13 études, avec trois de l'intervention et l'index de « ligamentisation » sur
techniques différentes. Le recul moyen était de 28 mois. l'IRM postopératoire ainsi qu'une augmentation de
Dans sept études, il existait un groupe contrôle avec l'incidence de syndromes « cyclope like », c'est-à-dire
technique conventionnelle. Une seule étude a rapporté une image IRM évoquant un petit cyclope, mais sans
des résultats cliniques supérieurs pour la technique retentissement clinique.
sélective mais la méthodologie était imparfaite. Pour la série comprenant exclusivement des recons-
Une autre méta-analyse, plus intéressante, de Hu tructions isolées du faisceau PL [18], aucun cyclope
et al. [6] en 2014, ne comportait que des études compa- n'était retrouvé.
ratives avec reconstruction sélective versus technique
conventionnelle. Treize études y étaient été incluses. Évaluation arthroscopique
Dans deux études sur neuf, il existait une moindre
laxité résiduelle dans le groupe reconstruction sélec-
(second look)
tive, et dans une sur huit, les résultats sur le Lachman Trois études ont rapporté un second look arthrosco-
test et le pivot shift test étaient meilleurs. Dans les pique de reconstructions partielles du LCA [13, 19, 33]
études utilisant le score IKDC, il n'existait aucune dif- représentant un total de 64 patients. Une couverture
férence significative. À court terme, la technique sélec- synoviale correcte était rapportée dans 58 cas et une

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tive était comparable voire supérieure à la technique couverture pauvre dans six cas.
conventionnelle mais sans que la technique sélective Dans deux études totalisant 52 cas [13, 33], la ten-
puisse être recommandée en pratique courante. Dans sion et la continuité de la greffe ont été évaluées :
une série sur deux, il y avait un avantage vasculaire 36 greffes étaient considérées comme tendues, dix
et proprioceptif à conserver le faisceau respecté et le légèrement ou modérément détendues et deux déten-
tunnel tibial était moins élargi. Il n'y avait ni cyclope, dues. Les greffons étaient intacts dans 49 cas et rom-
ni raideur dans ces études. pus partiellement dans trois cas.

Évaluation IRM Évaluation proprioceptive


Dans une seule étude [25], un protocole spécifique Deux études [12, 29] ont évalué la fonction pro-
d'IRM préopératoire a été évalué et validé comme un prioceptive postopératoire. Dans celle avec groupe
outil diagnostique pour les ruptures partielles du LCA. témoin [12], la proprioception était significative-
Cinq études ont évalué l'IRM postopératoire [11, 12, ment plus importante après reconstruction sélective
16, 29, 30]. qu'après reconstruction standard.
Ruptures partielles du ligament croisé antérieur 83

Complications [3] Crain EH, Fithian DC, Paxton EW, et al. Variation in anterior


cruciate ligament scar pattern : does the scar pattern affect
anterior laxity in anterior cruciate ligament-deficient knees ?
Un syndrome du cyclope associé à un déficit d'exten- Arthroscopy 2005 ; 21 : 19–24.
sion a été retrouvé dans trois études [15, 16, 28] dont [4] DeFranco MJ, Bach Jr. BR. A comprehensive review of partial
celle avec le plus grand nombre de patients, avec neuf anterior cruciate ligament tears. J Bone Joint Surg Am 2009 ;
cyclopes sur 168 cas (5,3 %) [16]. Le syndrome du 91 : 198–208.
[5] Adachi N, Ochi M, Uchio Y, et al. Mechanoreceptors in the
cyclope était associé aux greffes larges et épaisses,
anterior cruciate ligament contribute to the joint position
notamment avec le tendon patellaire ; plusieurs auteurs sense. Acta Orthop Scand 2002 ; 73 : 330–4.
recommandent de limiter la taille du transplant afin de [6] Hu J, Qu J, Xu D, et al. Clinical outcomes of remnant pre-
limiter la quantité de tissu fibreux dans l'échancrure serving augmentation in anterior cruciate ligament recons-
intercondylienne [15, 16]. truction : a systematic review. Knee Surg Sports Traumatol
Arthrosc 2014 ; 22 : 1976–85.
Des ruptures itératives étaient retrouvées dans trois
[7] Lee BI, Kwon SW, Kim JB, et al. Comparison of clinical results
études [15, 16, 32] regroupant 257 patients avec according to amount of preserved remnant in arthroscopic
deux ruptures traumatiques survenues en postopéra- anterior cruciate ligament reconstruction using quadrupled
toire précoce (< 4 mois) [13, 15, 33]. Un taux de 3 % hamstring graft. Arthroscopy 2008 ; 24 : 560–8.
de rupture itérative est rapporté dans la plus grande [8] Lee BI, Min KD, Choi HS, et al. Immunohistochemical study
of mechanoreceptors in the tibial remnant of the ruptured
série [14, 16].
anterior cruciate ligament in human knees. Knee Surg Sports
Traumatol Arthrosc 2009 ; 17 : 1095–101.
Conclusions [9] Murray MM, Martin SD, Martin TL, et al. Histological
changes in the human anterior cruciate ligament after rupture.
J Bone Joint Surg Am 2000 ; 82 : 1387–97.
Le but théorique de la préservation des fibres du LCA
[10] Ochi M, Iwasa J, Uchio Y, et al. The regeneration of sensory
et donc des reconstructions partielles (ou augmen- neurones in the reconstruction of the anterior cruciate liga-
tations) est l'amélioration des résultats cliniques. Le ment. J Bone Joint Surg Br 1999 ; 81 : 902–6.
débat reste d'actualité car la plupart des études publiées [11] Buda R, Di Caprio F, Giuriati L, et al. Partial ACL tears aug-
portent sur un nombre limité de patients sans groupe mented with distally inserted hamstring tendons and over-the-
top fixation : an MRI evaluation. Knee 2008 ; 15 : 111–6.
contrôle permettant de comparer les résultats des aug-
[12] Ochi M, Adachi N, Uchio Y, et al. A minimum 2-year follow-up
mentations par rapport aux reconstructions standard. after selective anteromedial or posterolateral bundle anterior cru-
Néanmoins, les résultats cliniques des reconstructions ciate ligament reconstruction. Arthroscopy 2009 ; 25 : 117–22.
partielles sont prometteurs et les complications peu [13] Ohsawa T, Kimura M, Kobayashi Y, et al. Arthroscopic eva-
nombreuses. luation of preserved ligament remnant after selective ante-
romedial or posterolateral bundle anterior cruciate ligament
Pour évaluer objectivement les résultats sur la pro-
reconstruction. Arthroscopy 2012 ; 28 : 807–17.
prioception, la cicatrisation ou le remodelage de la [14] Serrano-Fernandez JM, Espejo-Baena A, Martin-Castilla B,

greffe et démontrer que ces techniques confèrent des et al. Augmentation technique for partial ACL ruptures using
avantages cliniques par rapport aux techniques clas- semitendinosus tendon in the over-the-top position. Knee Surg
siques, des études prospectives randomisées en double Sports Traumatol Arthrosc 2010 ; 18 : 1214–8.
[15] Sonnery-Cottet B, Lavoie F, Ogassawara R, et al. Selective
aveugle sont nécessaires. Cependant, l'évaluation cli-
anteromedial bundle reconstruction in partial ACL tears : a
nique à l'aide des scores que nous utilisons actuelle- series of 36 patients with mean 24 months follow-up. Knee
ment est difficile et imprécise car elle fait intervenir Surg Sports Traumatol Arthrosc 2011 ; 18 : 47–51.
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de nombreux critères souvent subjectifs comme, par [16] Sonnery-Cottet B, Panisset JC, Colombet P, et al. Partial ACL
exemple, le test du ressaut rotatoire qui est très opé- reconstruction with preservation of the posterolateral bundle.
Orthop Traumatol Surg Res 2012 ; 98 : S165–70.
rateur-dépendant. L'utilisation de systèmes objectifs
[17] Yoon KH, Bae DK, Cho SM, et al. Standard anterior cruciate
d'évaluation tridimensionnelle de la laxité est néces- ligament reconstruction versus isolated single-bundle aug-
saire pour affiner ces résultats. mentation with hamstring autograft. Arthroscopy 2009 ; 25 :
Déclaration de conflit d'intérêt : B. Sonnery-Cottet 1265–74.
déclare être consultant pour Arthrex ; P. Colombet [18] Sonnery-Cottet B, Zayni R, Conteduca J, et al. Posterolateral
bundle reconstruction with anteromedial bundle remnant preser-
déclare être consultant pour SBM, Amplitude.
vation in ACL tears : clinical and MRI evaluation of 39 patients
with 24 months follow-up. Orthop J of Sports Med 2013.
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84 B. SONNERY-COTTET, P. COLOMBET

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side-to-side differences than radiostereometric analysis before nical outcome of augmentation and standard reconstruction
and after an ACL reconstruction. Knee Surg Sports Traumatol techniques for partial anterior cruciate ligament tears. Eklem
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2012 ; 28 : 1833–41. 128–33.

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85

Place de l'arthroplastie
dans les fractures récentes
de la tête radiale chez l'adulte
N. BONNEVIALLE
N. Bonnevialle

Résumé tête radiale native, mais ne dispensent pas du traitement d'éven-


tuelles lésions associées (réinsertion du ligament collatéral radial,
Les fractures de la tête radiale sont assez fréquentes (20 % des stabilisation radio-ulnaire distale en cas de syndrome d'Essex-
traumatismes du coude). Lopresti, etc.).
La plupart relèvent d'un traitement fonctionnel (en l'absence de La taille de tête prothétique et sa hauteur d'implantation sont les
déplacement) ou d'une ostéosynthèse directe stable permettant points techniques les plus cruciaux. L'hypercontrainte sur le capi-
une mobilisation précoce du coude. tulum due à une prothèse implantée trop haut, source de raideur
Cependant, devant une fracture très comminutive avec impossi- douloureuse, et le descellement de la tige sont les complications
bilité d'obtenir une fixation stable, le remplacement prothétique les plus fréquentes, pouvant justifier l'ablation de l'implant à dis-
a été proposé à partir des années 1970. La résection arthroplas- tance du traumatisme initial. La littérature rapporte des résultats
tique simple expose en effet à l'instabilité du coude et/ou du cliniques satisfaisants dans 60 à 80 % des cas.
cadre antébrachial, surtout dans les fractures complexes avec
lésions associées.
Mots clés : Tête radiale. – Fracture. – Prothèse.
Les implants actuels (modulaires ou monoblocs, à cupule mobile
ou non) assurent une stabilité mécanique proche de celle d'une

Introduction l'apparition d'ossifications ectopiques » [5]. Depuis,


les connaissances sur la biomécanique du coude ont
Les fractures de la tête radiale (TR) sont fréquentes, progressé et les implants ont évolué, tant dans leur
retrouvées dans près de 20 % des traumatismes du dessin que dans les matériaux utilisés.
coude, typiquement à la suite d'une chute sur la main Ce travail a pour objectif de préciser le rôle biomé-
en extension avec l'avant-bras en pronation [1]. canique de la TR, déterminer la place de la prothèse
Alors que les fractures simples, isolées et non dépla- dans le traitement des fractures de la TR chez l'adulte,
cées, ne nécessitent pas de traitement chirurgical, les et évaluer ses résultats et principales complications à la
fractures déplacées requièrent chaque fois que possible lumière des données récentes de la littérature.
une réduction anatomique, une fixation stable et une
réparation des lésions associées, retrouvées dans près
de 80 % des cas [2–4]. Cependant, dans les fractures Anatomie et biomécanique
comminutives, la TR ne peut pas être reconstruite et
pour éviter de déstabiliser le coude, son remplacement
de la tête radiale
prothétique est alors discuté. La tête radiale (TR) est un élément du compartiment
La prothèse de TR a ainsi été introduite dans les latéral du coude qui constitue, avec le capitulum,
années 1970 comme une alternative à la résection l'articulation huméro-radiale. Son pourtour s'articule
simple, son but initial et historique étant « d'éviter avec l'ulna au niveau de l'incisure ulnaire pour former

Conférences d'enseignement 2015


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86 N. Bonnevialle

l'articulation radio-ulnaire proximale. Elle est, par ail-


leurs, une pièce essentielle du cadre antébrachial.
Tête radiale et stabilité du coude
Elle n'est pas cylindrique mais ellipsoïde et conique Le ligament collatéral ulnaire (LCU) est un stabilisa-
s'élargissant de proximal à distal [6]. teur primaire en valgus, tout particulièrement par son
Son grand axe (de 20 à 23 mm en moyenne) est per- faisceau antérieur qui s'insère sur la face médiale de
pendiculaire à l'incisure ulnaire de l'ulna en rotation l'apophyse coronoïde.
neutre, ce qui entraîne en supination une détente du La TR est un stabilisateur secondaire ou associé,
ligament annulaire qui la cravate (figure 7.1) [6–8]. comme l'ont montré les travaux biomécaniques de
Le col du radius mesure environ 13 mm de long Morrey [10]. Ainsi :
et forme avec la diaphyse un angle de l'ordre de 17° • une lésion isolée de la TR n'entraîne pas d'instabilité
[6, 8]. en valgus tant que le LCU est intègre (figure 7.2) ;
La vascularisation de la TR est surtout développée • une section du LCU (faisceaux postérieur et anté-
en périphérie à partir de branches artérielles métaphy- rieur) occasionne une décoaptation de seulement 6
saires, avec un réseau terminal exposant aux risques à 8° tant que la TR est intacte. Dès qu'elle est fractu-
de nécrose et pseudarthrose post-traumatique [9]. rée, le coude devient instable et se subluxe en valgus
La corticale médiale est renforcée par des travées (figure 7.3) [10].
convergentes vers la tubérosité radiale (bicipitale) ; Un implant de TR métallique permet de restituer une
cette architecture explique que des forces trauma- stabilité en valgus proche de celle que procure une TR
tiques valgisantes entraînent fréquemment un enfon- native. En revanche, la résistance biomécanique des
cement épiphyso-métaphysaire latéral. implants en silicone est insuffisante (figure 7.4) [11, 12].
Le ligament collatéral radial (LCR) participe à la sta-
bilité latérale de l'articulation huméro-ulnaire, rota-
Tête radiale et prono-supination toire en supination et en varus, tout particulièrement
Le mouvement de pronosupination est possible grâce à : par son faisceau postérieur ulnaire.
• la forme de « manivelle » du radius associant La congruence huméro-ulnaire est, elle aussi, essen-
une courbure pronatrice diaphysaire et une contre-­ tielle, aussi bien pour la stabilité rotatoire que latérale.
courbure supinatrice proximale incluant l'ensemble Une résection de plus de 50 % de l'olécrâne ou de la
TR/col du radius ; coronoïde entraîne une instabilité [13].
• la stabilité du cadre antébrachial assurée proxima- La stabilisation dynamique musculaire est controver-
lement par la TR et le ligament annulaire, le liga- sée. Le groupe des fléchisseurs–pronateurs participe à
ment carré de Dénucé, la membrane interosseuse, la stabilité du coude en valgus, et l'anconé à la stabilité
et distalement par les ligaments radio-ulnaires et en varus. Les muscles épicondyliens latéraux jouent un
triangulaire. rôle dans la stabilisation postéro-latérale [13].

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A B C
Figure 7.1 En position neutre (a), le ligament annulaire n'est pas mis en tension, l'interligne radio-ulnaire proximal est visible.
En supination (b) et en pronation (c), la tête radiale oppose son plus grand diamètre à l'incisure radiale de l'ulna, et le ligament
annulaire est mis en tension, l'espace articulaire est fermé, d'après F. Duparc [9].
GD : grand diamètre ; PD : petit diamètre.
Place de l'arthroplastie dans les fractures récentes de la tête radiale chez l'adulte 87

20
40

Varus / Valgus
15 30
Abduction - deg

20
10 TR - LCU
TR+LCUP+LCUA
TR+LCUP 10
5 TR
INTACT
0
TR Section Résect. Prothèse
0 Intacte LCU TR
0 20 40 60 80 100 120 140
Flexion coude - deg Figure 7.4 Évaluation de la stabilité en valgus apportée par
les différents modèles de prothèses de TR.
Figure 7.2 Résultats de l'étude biomécanique de Morrey
et al. [10] rapportant l'importance de l'instabilité en valgus du
coude dans les différents degrés de flexion lorsque la TR est
réséquée, en association avec une section de ligament collaté- crâne, condyle médial, latéral et TR). La perception
ral ulnaire (LCU) et en particulier de faisceau antérieur (LCUA) d'un olécrane proéminent en arrière fait suspecter
ou postérieur (LCUP). une luxation du coude, la fracture de la TR pouvant
éventuellement s'intégrer dans le cadre d'une « ter-
rible triade » (fracture de la coronoïde et de la TR
associée à une luxation postéro-latérale du coude)
25 ou d'une fracture luxation proximale des deux os de
l'avant-bras.
20 Surtout, il faut rechercher les lésions associées à la
fracture de TR :
Abduction - deg

15
• une ecchymose médiale visible peut être le signe
Contribution d'une atteinte du LCU associée (figure 7.5) ;
de la TR • une douleur, un œdème de l'avant-bras et du poignet
10
sont en faveur d'une lésion de la membrane interos-
LCU
seuse (syndrome d'Essex-Lopresti).
5

Bilan d'imagerie
0
0 20 40 60 80 100 120 140 Il comprend des radiographies standard du coude
Flexion coude - deg de face, de profil et une incidence de la TR (profil
oblique à 45°, incidence de Greenspan) [14]. Il faut
LCU+TR LCUP rechercher avec une attention particulière des lésions
LCUP+LCUA Intact associées comme une fracture de la coronoïde. Le
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déplacement et la comminution de la fracture sont


Figure 7.3 Résultats de l'étude biomécanique de Morrey souvent sous-estimés par les radiographies standard.
et al. [10] permettant d'évaluer la contribution de la stabilité La tomodensitométrie (TDM) permet de mieux les
en valgus du coude de la TR et du ligament collatéral ulnaire évaluer (figure 7.6).
ou LCU.
Une radiographie du poignet de face, au mieux
LCUA : faisceau antérieur ; LCUP : faisceau postérieur.
comparative, recherche une inversion de l'index
radio-ulnaire distal par ascension du radius dans le
Caractéristiques cliniques cadre d'un syndrome d'Essex-Lopresti, ce d'autant
que la fracture de la TR est fortement déplacée et
On retrouve souvent un traumatisme indirect avec qu'il existe une douleur et/ou un œdème du poignet
chute sur la main, coude en extension et avant-bras en (figure 7.7).
pronation, à l'origine d'une fracture de la TR. L'échographie et l'IRM ont un intérêt pour dia-
En dépit d'un œdème global du coude, l'examen gnostiquer une rupture de la membrane interosseuse,
clinique va s'attacher à palper les reliefs osseux (olé- lorsque la radiographie du poignet de face est normale.
88 N. Bonnevialle

Figure 7.5 Ecchymose interne en faveur d'une atteinte du liga-


ment collatéral ulnaire concomitante à une fracture de TR.

Figure 7.7 Radiographie du poignet de face en pronation prou-


vant l'inversion de l'index radio-ulnaire inférieur, traduisant
une instabilité du cadre antébrachial évident dans le cadre
d'un syndrome d'Essex-Lopresti.

Figure 7.6 Bilan radiographie standard et TDM reconstruite en 3D


permettant d'évaluer l'importance de la comminution fracturaire.

À l'échographie, on recherche une hernie musculaire


dans l'espace interosseux au passage de la sonde sur
l'avant-bras en supination (figure 7.8) [15].
L'IRM permet d'identifier une chondropathie du
capitulum.

Classifications Médial

La première qui a fait autorité est celle de Mason A B Antérieur

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décrite en 1954 [16]. L'auteur s'appuyant sur une Figure 7.8 Signe de la « hernie musculaire » décrit par Soubeyrand
étude de 100 fractures opérées ou non, et revues avec traduisant une rupture de la membrane interosseuse [15].
un recul de plus de 2 ans, a proposé une classification
en trois types, à visée thérapeutique :
• type I : fissure ou fracture marginale non déplacée ;
• type II  : fracture marginale déplacée, avec sépara-
tion ou impaction ;
• type III : fracture déplacée et comminutive intéres-
sant toute la TR (figure 7.9).
Un type IV associant une fracture de la TR et une
luxation du coude a été décrit secondairement par
Broberg et Morrey [17].
Hochkiss a modifié la classification de Mason, en
Type I Type II Type III
y introduisant des critères cliniques. Le type II est
défini par une fracture déplacée de la TR ou du col Figure 7.9 Classification originale de Mason.
Place de l'arthroplastie dans les fractures récentes de la tête radiale chez l'adulte 89

avec blocage mécanique ou incongruence articulaire. permettant une mobilisation précoce de l'articulation.
Le type III, caractérisé par une comminution, n'est pas Elle est ainsi une alternative à une ostéosynthèse diffi-
accessible à l'ostéosynthèse et nécessite soit une résec- cile ou à la résection arthroplastique.
tion, soit une prothèse (tableau 7.1) [18].
En dehors de la faible reproductibilité intra- et inter­ Fracture isolée multifragmentaire
observateur de ces classifications, leur principale fai-
blesse réside dans l'absence de prise en compte des de la tête radiale
lésions associées, pourtant retrouvées dans près de Ce caractère « isolé » est particulièrement difficile à
80 % des fractures multifragmentaires (en particulier affirmer avec certitude malgré les arguments cliniques
les fractures de type III) [2–4]. et paracliniques précités. Il s'agit le plus souvent de
La classification de la Mayo Clinic est exhaustive fractures en apparence isolée.
en ce sens et mérite d'être retenue (figure 7.10) [19]. De ce fait, en cas d'impossibilité de reconstruire la
Elle reprend la description de la fracture de TR de TR, la résection arthroplastique n'est pas recomman-
Mason et lui associe une lettre correspondant à une dable. En effet, il a été démontré qu'en cas de résec-
lésion associée, représentée par une majuscule si elle tion arthroplastique pour fracture multifragmentaire
est traitée. Par exemple, une fracture de TR de type III type III, il apparaît une migration proximale dans près
Lcm est une fracture de type III de Mason, avec rup- de 50 % des cas, une déviation en valgus du coude
ture du ligament collatéral radial réparée (L), fracture dans 30 % des cas et, à moyen terme, une arthrose
de la coronoïde (c) et rupture du ligament collatéral huméro-ulnaire secondaire dans 50 % des cas [21].
ulnaire (m) non traitées. L'arthroplastie prothétique est donc l'alternative
immédiate à l'ostéosynthèse stable, lorsque celle-ci est
Schéma thérapeutique impossible.
et indications
Terrible triade du coude
Les fractures de type I relèvent d'un traitement fonc-
tionnel et les fractures de type II d'une réduction et Cette triade associe une luxation postéro-latérale du
ostéosynthèse stable [2, 20]. coude, une fracture de la TR et une fracture du pro-
La prothèse de TR ne se discute que dans les frac- cessus coronoïde. La réduction simple étant souvent
tures de type III non ou difficilement accessibles à instable, un traitement chirurgical est justifié.
une réduction anatomique avec ostéosynthèse stable Son but est de reconstruire « à tout prix » la colonne
latérale du coude incluant TR et LCR, sous peine de
voir apparaître une instabilité postéro-latérale [13].
Il n'y a aucune place ici pour une résection de la TR
Tableau 7.1 lorsque l'ostéosynthèse est impossible. Il s'agit d'une
Modification de la classification de Mason
selon Hochkiss [18]
Type I Fracture de la TR ou du col du radius Classification de la Mayo Clinic

non ou peu déplacée, mobilité en


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pronosupination seulement limitée


par la douleur et l'œdème, fracture
articulaire < 2 mm ou fracture marginale Type de fractures
Lésions associées
Traitement
de la TR chirurgical
de la TR

Type II Fracture déplacée (> 2 mm) ou fracture


du col du radius angulée, mobilité I m m
II l l F
diminuée mécaniquement ou incongruence III d d X
articulaire, sans comminution sévère c c P
o o
(ostéosynthèse possible)

Type III Fracture comminutive et sévère de la Figure 7.10 Classification de la Mayo Clinic [19].


TR ou du col du radius, jugée non Type I : fracture non déplacée ; Type II : fracture déplacée
reconstructible sur critères peropératoires (> 2 mm) ; Type III : fracture comminutive ; m : ligament collatéral
médial ; l : ligament collatéral latéral ; d : dissociation longitu-
ou radiologiques, nécessitant excision pour
dinale de la radio-ulnaire distale ; c : fracture de la coronoïde ;
restituer la mobilité
o : fracture de l'olécrane ; F : fixation ; X : excision ; P : remplace-
TR : tête radiale. ment prothétique.
90 N. Bonnevialle

indication de prothèse de TR, associée à une ostéosyn- rôle de stabilisateur secondaire en valgus [10]. Enfin,
thèse de la coronoïde et à une réinsertion du LCR (au un taux élevé d'ostéolyses réactionnelles aux particules
niveau du pilier latéral, à l'aide d'ancres généralement de silicone (« siliconite ») et de fractures d'implant a
ou de points transosseux). L'abord médial pour réin- été rapporté, nécessitant une ablation plus ou moins
sertion du LCU se fait à la carte, si le coude est encore précoce de la prothèse, ce qui en fait un implant non
instable à l'issue de ce traitement [22]. recommandé actuellement [31].

Fracture proximale des deux os Implants métalliques


de l'avant-bras Il existe divers types d'implants rigides contempo-
rains dont les résultats à long terme ont été étudiés. Ils
La fracture de la TR peut dans certains cas être associée
peuvent être classés suivant trois critères principaux :
à une fracture de l'ulna proximal [23]. L'ostéosynthèse
• la mobilité intraprothétique ;
de l'ulna requiert une solide fixation par plaque afin
• la modularité ;
de s'opposer aux importantes contraintes luxantes.
• la fixation de la tige  : cimenté versus non cimenté
La colonne radiale doit être reconstituée par prothèse
versus libre dans le canal médullaire (figure 7.11).
de TR si son ostéosynthèse est impossible. En effet,
Les prothèses bipolaires ont été développées à la
il a été démontré que la consolidation de l'ulna était
suite de celle de Judet afin d'améliorer la congruence
difficilement obtenue si la colonne radiale n'était pas
radio-ulnaire proximale par autopositionnement de la
reconstituée [23].
cupule (avec diminution des contraintes locales) [32].
In vitro, les prothèses bipolaires procurent une moindre
Prothèse de tête radiale : peut-elle stabilité que celle des prothèses monoblocs, sans que
être proposée à tout âge ? cela ait été démontré cliniquement [33]. Par ailleurs,
des désassemblages de la cupule ont été rapportés du
Une fracture multifragmentaire de la TR peut être le fait d'une retentivité intraprothétique insuffisante, en
fait d'un traumatisme à haute énergie chez un sujet cas d'instabilité résiduelle du coude (figure 7.12) [26].
jeune. Il faut dans ce cas privilégier une réduction ana- La modularité prothétique a un double intérêt : choix
tomique avec une ostéosynthèse stable. Cependant, optimisé de la taille de la tête prothétique et ajustement
une ostéosynthèse « à tout prix », avec une réduction de la hauteur de la tête et du col en fonction de la hau-
imparfaite et/ou une fixation instable, nécessitant une teur de résection, ce qui est un point technique essentiel.
immobilisation complémentaire est à déconseiller ; une Certains types de prothèses offrent aussi la possibilité
prothèse de TR autorisant une mobilisation précoce de faire varier l'angle tête–col pour restituer l'anatomie
est préférable. individuelle au plus juste, ce qui est indispensable. Ceci
Dans la littérature, l'âge d'implantation de prothèse est particulièrement utile en cas d'ancrage diaphysaire
est en moyenne de 50 à 60 ans, avec une limite infé- d'une tige longue et droite (dont l'axe diffère de celui
rieure à 16 ans [24–29]. En revanche, le jeune âge du col radial, plus court que la tige).
augmente significativement le risque de révision, prin- La fixation endomédullaire fait appel à des tiges
cipalement pour descellement [24]. cimentées souvent lisses ou à des tiges sans ciment en
press-fit. Il a été démontré que leur stabilité primaire

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Caractéristiques des implants par press-fit est difficile à obtenir du fait de fréquentes
microfractures, notamment lorsque le diamètre de la
Implants en Silastic™ de Swanson tige est surdimensionné de 1 mm ou plus [34]. Par
ailleurs, un effet de déviation des contraintes (stress
Ils ont été largement utilisés dans les années 1970 à la shielding) a été rapporté comme cause d'ostéolyse
suite de l'expérience de Swanson. Semi-rigides et non proximale périprothétique précoce [34].
cimentés, ils ont été considérés par certains comme des Certains auteurs ont proposé de laisser l'implant
« espaceurs » temporaires pour éviter l'ascension du « libre » dans le fût radial proximal, sans chercher une
radius en cas d'instabilité du cadre antébrachial [30]. stabilité primaire en press-fit, afin de donner la pos-
Les avantages d'un matériau souple résidaient dans sibilité à l'implant de se positionner de lui-même en
la tolérance clinique d'un positionnement supposé face du capitulum. L'apparition inévitable d'un liséré
imparfait de la prothèse et son ablation plus aisée que périprothétique ne semble pas avoir de conséquence
celle d'un implant rigide. En revanche, en cas de lésion clinique, et les études à moyen terme rapportent des
du LCU, ces implants ne permettaient pas d'assurer le résultats satisfaisants [35].
Place de l'arthroplastie dans les fractures récentes de la tête radiale chez l'adulte 91

A B C
Figure 7.11 Exemples d'implants : (a) modulaire à cupule mobile (bipolaire) ; (b) modulaire avec angle fixe d'orientation de la
tête en pyrocarbone ; (c) monobloc.
Source personnelle

Technique opératoire : trucs


et astuces
L'abord latéral de Kocher, entre l'extenseur ulnaire du
carpe et l'anconé, est le plus utilisé. La voie de Kaplan
plus antérieure, entre extenseur radial du carpe et
extenseur commun des doigts, peut également être
empruntée.
Le ligament annulaire est préservé en vue d'une suture
éventuelle décalée en fin d'intervention et une atten-
tion particulière doit être portée à la préservation du
ligament collatéral radial (en particulier son faisceau
ulnaire) s'il n'a pas été lésé par le traumatisme initial.
La pronation de l'avant-bras permet d'éloigner le
nerf interosseux postérieur lors de l'abord du col du
radius.
En cas d'ostéosynthèse associée et première de l'olé-
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crâne par voie postérieure dans le cadre d'une fracture


proximale des deux os de l'avant-bras, il est possible
Figure 7.12 « Déclipsage » de la tête de l'implant par instabilité d'utiliser un seul abord cutané postérieur puis d'abor-
postéro-latérale résiduelle du coude. der la TR par une arthrotomie latérale ; un abord
au travers de la fracture olécrânienne est également
possible.
L'utilisation du pyrocarbone a été rapportée avec L'état du cartilage du capitulum doit être évalué lors
des résultats précoces intéressants [36]. L'avantage de de l'arthrotomie. Bien qu'il n'influence pas la décision
ce matériau réside dans sa tolérance face au cartilage thérapeutique, il constitue un des éléments pronos-
du capitulum, mais il ne pourra être validé que par des tiques à long terme.
études à plus long terme. La technique de pose d'une prothèse de TR,
Mise à part les implants de Swanson dont l'utilisa- aidée ou non par une instrumentation ancillaire,
tion est déconseillée, aucune étude clinique n'a à ce jour paraît simple mais doit respecter deux principes
prouvé la supériorité d'un type d'implants sur un autre. fondamentaux [20] :
92 N. Bonnevialle

• la restitution de l'épaisseur et du diamètre de la tête La préparation du radius très étroit doit être pru-
native ; dente pour éviter les microfractures du col. En cas de
• la restitution de la hauteur de la TR  : un implant tige cimentée, un ciment à basse viscosité semble mieux
trop bas est à risque d'instabilité résiduelle du coude, adapté. L'obturation diaphysaire par un fragment de
et un implant trop haut génère une hypercontrainte tête ou un obturateur artificiel permet un scellement
condylienne excessive. Ce défaut de positionne- sous pression et évite les fuites distales de ciment.
ment est source de détérioration articulaire rapide Enfin, la mise en place de la prothèse ne garantit pas
et raideur douloureuse du coude, d'autant plus qu'il un coude et un cadre antébrachial stables, si les lésions
existe des lésions ostéochondrales traumatiques du associées ne sont pas traitées :
capitulum [37]. • pour prévenir une instabilité du coude, la réinser-
La reconstitution sur table de la tête native, comme tion du complexe ligamentaire collatéral radial sou-
dans un « puzzle », permet d'une part d'être sûr d'avoir vent détaché en proximal et des muscles épicondyliens
extrait l'ensemble des fragments intra-articulaires, latéraux sur ancres (ou points transosseux) est néces-
d'autre part de déterminer le diamètre d'implant le saire, notamment dans la cadre de la terrible triade, au
plus proche de la TR du patient (figure 7.13). même titre qu'une fixation de la coronoïde (si le frag-
Un contrôle fluoroscopique, prothèse d'essai en ment osseux le permet). Un abord médial complémen-
place, est recommandé pour confirmer ce choix. En taire pour réinsertion du LCU puis pose d'un fixateur
cas d'hésitation entre deux tailles, mieux vaut choisir externe si celle-ci ne suffit pas, peut s'avérer utile en
la plus petite des deux ! cas d'instabilité persistante (figure 7.15) ;
La restitution de la hauteur est la seconde difficulté • pour prévenir d'une instabilité du cadre antébra-
technique et elle doit être aussi rigoureuse que possible. chial due à un syndrome d'Essex-Lopresti, la sta-
Si le cadre antébrachial est instable (syndrome d'Essex- bilisation de l'articulation radio-ulnaire distale par
Lopresti), il faut d'abord réduire et fixer l'articulation brochage en supination, associée éventuellement à la
radio-ulnaire distale par brochage avant de choisir réparation du complexe triangulaire (triangular fibro-
l'implant et sa hauteur, pour ne pas être trompé par cartilage complex ou TFCC), est recommandée afin
une ascension anormale du radius par rapport à l'ulna. de permettre une cicatrisation de la membrane inter­
Plusieurs repères anatomiques permettent d'aider au osseuse. Le diagnostic de syndrome d'Essex-Lopresti
bon positionnement en hauteur en s'aidant de la fluo- repose sur une imagerie préopératoire (échographie
roscopie (figure 7.14) : ou IRM) et surtout sur sa recherche peropératoire à
• alignement de la prothèse sur l'incisure ulnaire de l'aide du radius joystick test décrit par Soubeyrand
profil, sans la dépasser ;
• interligne huméro-ulnaire symétrique entre le ver-
sant médial et le versant latéral.
Le recours aux implants d'essai est indispensable,
afin de recouper le col du radius au niveau de l'inci-
sure radiale de l'ulna pour abaisser l'implant si celui-
ci est trop haut, ou d'augmenter la hauteur du col
prothétique grâce à la modularité de certaines tiges si
l'implant est trop bas.

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Figure 7.14 Critères de positionnement peropératoire sous


amplificateur de brillance. Les espaces huméro-ulnaire médial
Figure 7.13 Choix peropératoire de la taille de tête la plus et latéral doivent être symétriques. TR prothétique à la hauteur
proche de l'anatomie du patient. de l'incisure radiale de l'ulna.
Source personnelle
Place de l'arthroplastie dans les fractures récentes de la tête radiale chez l'adulte 93

et al. (figure 7.16) [38]. Il est possible aussi de visua-


liser cette instabilité en fluoroscopie centrée sur l'ar-
Résultats et complications
ticulation radio-ulnaire distale lors de manœuvres
dynamiques de piston du radius.
Résultats
Dans les suites opératoires, la mobilisation précoce La prothèse de TR pour fracture récente procure 60 à
dans un secteur protégé est recommandée durant les six 80 % de résultats satisfaisants (tableau 7.2). Burkhart
premières semaines, limitant les derniers degrés d'ex- et al. [40] ont montré qu'à long terme (plus de 8 ans),
tension, avant-bras en pronation si une réparation du les résultats cliniques restent satisfaisants, en dépit de
complexe ligamentaire radial a été effectuée. Ce secteur l'apparition d'une arthrose huméro-ulnaire.
protégé est respecté scrupuleusement en cas d'instabi- Duckworth et al. [24] ont récemment rapporté un
lité du coude et doit être déterminé en peropératoire. taux de révision de 28 % dans une série de 105 implants
monoblocs non cimentés au recul de plus de 6 ans. Les
risques indépendants d'échec étaient le jeune âge et
l'utilisation d'implants en silicone.
Cependant, dans la série multicentrique des
315 prothèses de TR de tous types de la SOFEC,
26 implants seulement (8 %) avaient été repris pour
échec clinique. Les modes d'échec étaient le des-
cellement, l'instabilité, la raideur douloureuse due
à un overstuffing (surcontrainte) et/ou l'arthrose
capitulo-radiale [45].

Complications
Figure 7.15 Stabilisation du coude par fixateur externe dans le Descellement aseptique
cadre d'une instabilité postéro-latérale résiduelle après traite-
Il ne semble pas y avoir de corrélation entre le des-
ment d'une « terrible triade » avec remplacement prothétique,
réinsertion du ligament collatéral radial, de la coronoïde et du cellement de la tige et l'existence de symptômes. En
ligament collatéral ulnaire. effet, un liseré périprothétique est fréquent et peut
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A B
Figure 7.16 Joystick test décrit par Soubeyrand traduisant la présence d'une lésion de la membrane interosseuse [38].
Épaule en abduction rotation interne, et avant-bras en pronation, le col du radius saisi par une pince est tiré latéralement. Le test est
négatif (a) lorsque le radius reste immobile en regard du capitulum. Il est positif (b) lorsque le radius est mobile et se translate latéra-
lement.
94 N. Bonnevialle

Tableau 7.2
Principales séries de prothèses de tête radiale mises en place dans le cadre de fractures récentes
Référence N Type Flexion/ Pronation/ Force Résultat Recul
d'implant extension supination objectif moyen
(grip test satisfaisant
(°) (°) comparatif) (%) (années)

Judet et al. 5 Bip 138/− 6 86/82 100 4


[25]

Alnot et al. 18 Bip 126/− 18 77/79 75 % 100 1,5


[28]

Dotzis et al. 12 Bip 140/− 14 87/84 90 % 83 5


[39]

Doornberg 27 Mod non 131/− 20 73/57 82 3,5


et al. [35] Bip

Flinkkilä 42 Mod non 136/− 20 75/73 85 % 62 4


et al. [27] Bip

Allavena 14 Bip 113/− 29 71/73 71 4


et al. [26]

Burkhart 9 Bip 124/− 21 64/64 100 8,8


et al. [40]

Popovic 51 Bip 130/− 14 68/71 85 % 76 8,4


et al. [41]

Grewal 26 Mod non 138/− 25 71/56 85 % 61 2


et al. [42] Bip

Moro et al. 25 Mono 140/− 8 78/68 68 3,5


[43]

Lamas et al. 47 Mod non 140/− 6 75/67 89 4


[44] Bip
Bip : bipolaire ; Mod : Modulaire ; Mono : monobloc.

rester parfaitement asymptomatique (figure 7.17). Les Instabilité du coude


douleurs liées au descellement aseptique sont générale-

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ment mécaniques, situées au niveau de l'avant-bras et L'instabilité du coude après mise en place d'une pro-
irradiant au poignet. thèse de TR est souvent le fait d'un traitement incom-
La présence d'un liseré est inévitable en cas de « tige plet des lésions associées comme dans le cas de la
libre »  [35]. En cas de tige sans ciment implantée en terrible triade : absence de réinsertion des ligaments
press-fit, il a été rapporté que les signes radiologiques collatéraux latéral et médial et d'ostéosynthèse du pro-
de descellement apparaissent en général assez préco- cessus coronoïde [22].
cement (< 12 mois), alors qu'ils surviennent plus tar- Le type d'implants peut avoir un effet sur la stabilité
divement avec des implants cimentés et bipolaires de du coude. Ainsi, les implants à cupule fixe permettent
surcroît [1, 27]. théoriquement de restaurer une stabilité du coude
En cas de retentissement fonctionnel, l'ablation de supérieure à celle obtenue avec les implants bipo-
l'implant est recommandée, plutôt qu'un changement, laires à cupule mobile [33]. En effet, en cas d'incom-
ce d'autant que les lésions associées initiales auront eu pétence du plan ligamentaire radial, la cupule mobile
le temps de cicatriser. peut se subluxer en postéro-latéral comme l'a montré
Place de l'arthroplastie dans les fractures récentes de la tête radiale chez l'adulte 95

O'Driscoll. Le désassemblage de la cupule est alors Les lésions ostéochondrales du capitulum contem-
possible [26]. poraines du traumatisme initial ne sont pas rares et
Quoi qu'il en soit, le traitement de l'instabilité rési- s'aggravent du fait de l'hyperpression prothétique. Si
duelle après implantation d'une prothèse de TR est une érosion du capitulum apparaît radiologiquement,
basé sur celui des lésions ligamentaires et osseuses asso- l'ablation de l'implant permet de soulager des dou-
ciées, et non sur la reprise de l'implant lui-même qu'il leurs (figure 7.18).
faut conserver s'il est bien positionné. La pose d'un
fixateur externe pour neutraliser les forces luxantes
peut s'avérer utile pour protéger la cicatrisation. L'arthrose
L'arthrose du capitulum est liée d'une part au trauma-
tisme cartilagineux initial, d'autre part à l'augmentation
Hyperpression capitulo-radiale des contraintes sur ce compartiment par la prothèse et/
ou overstuffing ou la persistance d'une instabilité postéro-latérale.
L'hyperpression sur le condyle huméral par la prothèse Généralement, l'arthrose progresse et atteint le com-
de TR entraîne une raideur douloureuse du coude. partiment huméro-ulnaire ; l'ablation de la prothèse de
Elle est généralement la conséquence d'une erreur de TR semble accélérer cette évolution.
positionnement de la prothèse, le plus souvent trop
haute [1, 22, 37].
Cependant, même en cas de positionnement optimal,
Conclusion
la persistance d'une instabilité du cadre antébrachial La prothèse de TR s'intègre parfaitement dans la stra-
(syndrome d'Essex-Lopresti) avec non-cicatrisation tégie thérapeutique des fractures multifragmentaires
de la membrane interosseuse peut entraîner cette de la TR non accessibles à une ostéosynthèse fiable
hyperpression. (type III).

A B
Figure 7.17 Patient jeune, à 4 ans de recul d'une fracture complexe de la TR traitée par une prothèse bipolaire cimentée.
Malgré le bon résultat clinique (a), l'implant est descellé avec une bascule de la tige dans une chambre de lyse diaphysaire (b).
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A B
Figure 7.18 Érosion majeure du capitulum liée à un implant positionné trop haut (a) avec vue peropératoire (b) au moment de la
dépose de la prothèse.
96 N. Bonnevialle

La résection arthroplastique doit être évitée en [13] Mansat P. Instabilité traumatique du coude de l'adulte. In :
urgence, tant les lésions ligamentaires sont fréquentes Conférence d'enseignement 2002. Cahier d'enseignement de la
Sofcot no 79. Paris : Expansion Scientifique ; 2002. p. 141–62.
et risquent d'occasionner une instabilité du coude et/ [14] Greenspan A, Norman A. The radial head, capitellum view :
ou du cadre antébrachial. Les implants en silicone sont useful technique in elbow trauma. AJR Am J Roentgenol
déconseillés ; il est difficile d'affirmer la supériorité 1982 ; 138 : 1186–8.
d'un type de prothèses par rapport à un autre. [15] Soubeyrand M, Lafont C, Oberlin C, et al. The "muscular her-
La technique de pose doit être rigoureuse pour ajus- nia sign" : an original ultrasonographic sign to detect lesions
of the forearm's interosseous membrane. Surg Radiol Anat
ter la hauteur prothétique et éviter l'hyperpression sur 2006 ; 28 : 372–8.
le capitulum, source de douleurs et/ou raideurs, ou à [16] Mason ML. Some observations on fractures of the head of the
l'inverse une instabilité résiduelle. radius with a review of one hundred cases. Br J Surg 1954 ; 42 :
Le traitement des lésions associées est indispensable 123–32.
pour assurer la stabilité du coude. [17] Broberg MA, Morrey BF. Results of treatment of fracture-dis-
locations of the elbow. Clin Orthop Relat Res 1987 ; 216 :
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Remerciements [18] Hotchkiss RN. Displaced fractures of the radial head : inter-
nal fixation or excision ? J Am Acad Orthop Surg 1997 ; 5 :
L'auteur remercie les professeurs P. Mansat et 1–10.
[19] Van Riet RP, Morrey BF. Documentation of associated injuries
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99

Lésions à haute énergie


du poignet
L. OBERT, F. LOISEL, E. JARDIN, N. GASSE, D. LEPAGE

L. Obert

Résumé nécessaire. La réduction de la luxation et la levée d'une com-


pression vasculonerveuse seront réalisées en urgence. Le trai-
Les lésions à haute énergie du poignet regroupent les fractures tement définitif de chaque lésion (fixation osseuse, réparation
complexes du radius distal, les luxations radio-carpiennes, les ligamentaire) pourra être réalisé dans le même temps ou reporté
luxations périlunaires et les autres luxations intracarpiennes. En en fonction du patient et des lésions. Les lésions cartilagineuses,
fonction de l'énergie traumatique et de la position du poignet au conséquences de la haute énergie traumatique, peuvent être esti-
moment de l'impact, le patient, souvent un homme jeune à haute mées par arthroscopie mais sont irréparables et font le pronostic.
demande fonctionnelle, présentera l'une de ces lésions associant L'objectif du chirurgien est la restitution des congruences arti-
fracture(s) et atteintes ligamentaires. Le traumatisme est régu- culaires qui n'évite pas la raideur, principale complication de ces
lièrement bilatéral, accompagné de lésions proximales (coude) traumatismes rares qu'il faut savoir reconnaître et traiter.
et très souvent associé à une contusion ou une compression du
nerf médian. Le diagnostic est confirmé par des radiographies du Mots clés : Fracture du radius distal. – Luxation périlunaire.
poignet qui suffisent pour la prise en charge des luxations radio- – Luxation radio-carpienne. – Haute énergie.
carpiennes et périlunaires. En cas de fracture du radius distal ou
d'autres luxations intracarpiennes, un scanner préopératoire est

Introduction (autour du scaphoïde, du capitatum, du trapèze ou


de l'hamatum).
Nous avons exclu les lésions à type de dévascularisa- Le traumatisme est très souvent associé à une contu-
tion partielle ou complète (amputation) ou de pertes sion du nerf médian et il est régulièrement bilatéral ;
de substance des parties molles où le problème n'est il faut donc systématiquement rechercher «  l'autre
plus le contrôle des lésions ostéo-articulaires mais la lésion » sur le membre controlatéral (la même ou une
survie de la main ou la réparation des téguments, des autre lésion à haute énergie) ou le même membre
tendons ou des nerfs. (lésion plus proximale au niveau du coude).
Les traumatismes à haute énergie du poignet Le diagnostic clinique est évoqué devant une défor-
regroupent plusieurs lésions qui surviennent le plus mation plus ou moins importante du poignet ; il sera
souvent chez un patient de moins de 40 ans à haute confirmé par des clichés du poignet (face, profil et trois
demande fonctionnelle. En fonction de l'énergie quarts) réalisés en urgence. Ces radiographies suffisent
­traumatique, de la position du poignet au moment pour la prise en charge des luxations radio-carpiennes
de l'impact, et du changement de direction des forces et périlunaires. Par contre, en cas de fracture du radius
traumatiques, le patient pourra présenter une ou distal ou de luxations intracarpiennes autres que péri-
plusieurs des lésions suivantes : une fracture com-
­ lunaires, le scanner est un élément décisif de l'analyse
plexe du radius distal, une luxation radio-carpienne, et de la compréhension des lésions et doit toujours être
périlunaire ou une autre luxation intracarpienne demandé en préopératoire. Un examen clinique précis et

Conférences d'enseignement 2015


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100 L. OBERT, F. LOISEL, E. JARDIN, N. GASSE, D. LEPAGE

consigné peut faire réaliser d'autres clichés à la demande


(main, coude, épaule).
En fonction du diagnostic, le parage d'une ouverture,
la réduction d'une luxation, un alignement des lésions,
la levée d'une compression vasculonerveuse doivent
être réalisés en urgence (dans les heures suivant le
traumatisme).
Le traitement définitif peut être réalisé dans le
même temps ou reporté en fonction du patient et
des lésions (dans les jours suivant le traumatisme).
Les lésions carti­lagineuses, conséquences de la haute
énergie traumatique, peuvent être estimées par
arthroscopie, mais il n'existe aucun traitement pré-
ventif de la dégradation cartilagineuse secondaire.
Néanmoins, la place de l'arthroscopie thérapeutique
dans ces lésions à haute énergie n'est pas encore clai-
rement définie.
Les objectifs du chirurgien doivent être : Figure 8.1 Exemple des trois composantes d'une fracture du
• la restitution des congruences articulaires en évitant radius distal selon Laulan : atteinte métaphysaire (M), épiphy-
toute iatrogénie ; saire (E) et ulnaire (U) avec ici une fracture du col.
• une information soigneuse du patient sur les
séquelles prévisibles du traumatisme.
Ces lésions, même bien traitées, nécessitent 6 mois
Conduite à tenir
environ pour récupérer une fonction utile du poignet, Si la fracture du radius survient dans un contexte de
au prix d'une raideur constante (perte de 30 à 50 % polytraumatisme, avec des lésions vitales à contrôler, il
de certaines amplitudes articulaires). À distance, l'ins- faut suivre les principes du damage control et tracter
tabilité est rare mais l'arthrose fréquente [1]. la fracture à l'aide d'une fixation externe. Une libéra-
tion du nerf médian au canal carpien est effectuée à la
demande.
Fracture du radius distal [2] De nouveaux clichés radiographiques et un scanner
sont réalisés dans les jours suivants, fixateur en place,
Analyse des lésions pour parfaitement identifier et analyser les lésions et
Les fractures complexes du radius distal à haute éner- les traiter au mieux en fonction de l'état du patient :
gie sont une combinaison de lésions métaphysaires adjonction de broches ou idéalement fixation interne
(« M », comminution) et épiphysaires (« E », impaction par plaque. Ce deuxième temps a lieu en règle au cours
articulaire), parfois associées à des lésions ligamen- de la première ou la deuxième semaine post-fracturaire
taires au niveau radio-carpien, médiocarpien ou de la (figures 8.2 à 8.4).
radio-ulnaire distale (« U », fracture, luxation) : classi- Par contre, si la fracture du radius est isolée, sans

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fication MEU (figure 8.1) [3]. lésion vitale, le traitement définitif peut être pra-
Elles surviennent sur un poignet en hyperextension et tiqué d'emblée mais le scanner préopératoire est
pronosupination variable. Plus l'énergie traumatique est toujours nécessaire, pour les mêmes raisons que
importante et plus il y aura de lésions métaphysaires, précédemment.
puis épiphysaires puis de luxations [4]. La contusion du Si la réduction peut être obtenue par traction dans les
nerf médian est classique mais passe inaperçue et grève plans frontal et sagittal, une fixation par plaque peut
le pronostic. En cas d'ouverture cutanée, celle-ci est le être proposée.
plus souvent du côté ulnaire, conséquence de l'accour- Si la réduction par traction n'est possible que dans
cissement du radius. un plan, un fixateur externe avec broches est discuté.
Comme dans toute fracture du radius, l'analyse Si la réduction par traction n'est possible dans aucun
exhaustive des lésions sera possible grâce au système plan, il faut discuter un abord pour réduction à ciel
PAF proposé par Herzberg [5]. ouvert, avec fixation associée à la demande.
Lésions à haute énergie du poignet 101

Place du fixateur externe


Un fixateur externe permet une traction et une réduc-
tion dans le plan où il est positionné (souvent le plan
frontal), mais il ne peut être considéré comme un
moyen de fixation. C'est une solution d'attente qui
doit toujours être suivie d'une ostéosynthèse : broches
Figure 8.2 Patient de 46 ans, polytraumatisé, dont la fracture associées au fixateur laissé en place 4 à 6 semaines,
du radius distal à haute énergie avec composante métaphysaire plaques qui permettent de retirer ou non le fixateur en
et épiphysaire est traitée en urgence par fixateur seul, permet- fonction de la stabilité obtenue.
tant une stabilisation temporaire. Le fixateur doit être facilement et rapidement mis en
place. Il peut être radio-métacarpien ou radio-radial. Il
faut le laisser entre 4 et 6 semaines. C'est l'outil théra-
peutique sans concurrence des lésions associées méta-
physaires et épiphysaires les plus graves.
Il a été accusé à tort de favoriser les syndromes
régionaux douloureux complexes de type 1 (algodys-
trophie). Après l'avoir mis en place, il faut vérifier que
l'enroulement des doigts est toujours possible et que
la distraction des articulations radio-carpiennes et
médiocarpiennes n'est pas excessive (pas plus de 50 %
de la hauteur initiale de l'interligne articulaire). Les
soins de fiches sont essentiels pour éviter les infections
habituellement bénignes mais très fréquentes [2].
Figure 8.3 La médiocrité de la réduction oblige à une fixation
interne, réalisée à J15, en un temps par plaque.
Contrôle des lésions métaphysaires :
la comminution
Il est logique en cas de comminution métaphysaire de
prévoir une greffe osseuse et il faut donc toujours prépa-
rer une crête iliaque. Cependant, les ciments injectables
proposés depuis de nombreuses années permettent de :
• éviter une anesthésie générale (nécessaire à une prise
de greffe iliaque) ;
• comme la greffe, combler la perte de substance osseuse ;
• apporter de la stabilité en s'y adaptant exactement ;
• réduire la durée opératoire [7].
Une greffe ou du ciment ne saurait néanmoins pallier
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une fixation insuffisante.


Figure 8.4 Résultats fonctionnels à 6 mois.
Prommersberger a proposé une plaque d'« arthrodèse
temporaire  » (il s'agit en fait d'une plaque pontant le
poignet, sans avivement ni recherche de la fusion radio-
En cas de fixation interne, la reconstruction première carpienne) en cas de comminution circonférentielle et d'im-
de la colonne ulnaire du radius est un point technique possibilité d'assurer la stabilité avec un fixateur externe [8].
important et comme Rikli [6], nous pensons qu'elle
doit être réalisée en premier. La combinaison d'un
abord dorsal et palmaire est parfois nécessaire pour Contrôle des lésions épiphysaires :
traiter une comminution postérieure inaccessible et l'impaction et les fractures distales
incontrôlable malgré une fixation antérieure. Il faut
néanmoins s'efforcer d'éviter ces doubles abords qui du radius
aggravent le risque de raideur et choisir le bon côté Dans les cas de fracture très distale ou de fragments arti-
d'un abord unique. culaires libres, ainsi qu'en cas d'impaction articulaire,
102 L. OBERT, F. LOISEL, E. JARDIN, N. GASSE, D. LEPAGE

un abord articulaire ou une arthroscopie sont néces- faut restituer la longueur de la diaphyse radiale ;
saires pour réduire sous contrôle de la vue et fixer à une ostéosynthèse directe par plaque est préférable
l'aide d'ostéosynthèses miniaturisées : plaques de doigts, au fixateur externe qu'il faut éviter. C'est ici que les
broches filetées, vis (figures 8.5 à 8.8). longues plaques épiphysaires palmaires trouvent leur
En cas de perte de substance chondrale, certains ont place (figures 8.9 à 8.11) [10].
proposé : En cas de fracture de la styloïde ulnaire, le résultat
• un spacer en silicone au niveau de la perte de subs- est fréquemment mauvais surtout quand la fracture
tance, retiré entre 4 et 6 mois [9] ; est proximale ou déplacée. Il ne faut la fixer que s'il
• une greffe de cartilage costal, jamais réalisée en s'agit d'une fracture proximale avec instabilité radio-
urgence et qui est un ultime recours [9]. ulnaire. La fixation de ces petits fragments osseux est
néanmoins iatrogène malgré la miniaturisation des
implants.
Contrôle des lésions de l'articulation
radio-ulnaire
Dans ces fractures à haute énergie, il faut impérative-
ment chercher une extension des lésions à la diaphyse
et/ou à l'articulation radio-ulnaire.
En cas de fracture avec extension diaphysaire et
luxation de l'articulation radio-ulnaire (lésion de
Galeazzi), qui déstabilise le cadre antébrachial, il

Figure 8.7 Aspect d'arthrose radiographique post-traumatique


à 2 ans.
Si la congruence articulaire a pu être redonnée, les lésions car-
tilagineuses ne sont pas accessibles à un traitement quelconque.

Figure 8.5 Fracture à haute énergie avec composante épiphy-


saire très distale chez un conducteur de rallye.

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Figure 8.6 Après un abord direct et une réduction par broches Figure 8.8 Résultats cliniques avec recul de 2 ans : il existe
de chaque fragment, une broche d'arthrodèse temporaire une raideur même si elle est compatible avec une utilisation
radio-ulnaire pour 6 semaines a été mise en place. quotidienne.
Lésions à haute énergie du poignet 103

En cas de fracture de la tête ou du col ulnaire, trois


solutions peuvent être proposées après réduction ana-
tomique du radius distal :
• réduire et fixer la tête, en prenant garde à l'os très
ostéoporotique ;
• réséquer la tête en urgence, chez les patients de plus
de 65 ans ;
• laisser la tête en l'état [2].
En cas de luxation radio-ulnaire, due à une lésion du
Figure 8.9 Lésion de Galeazzi ouverte avec lésions tendineuses, complexe triangulaire et de la partie toute distale de
nerveuses et vasculaires qui ont été traitées dans le même la membrane interosseuse, il faut réduire l'articulation
temps que la fracture du radius et la luxation de l'ulna.
radio-ulnaire et mettre en place une broche radio-ulnaire
temporaire pour protéger les sutures des parties molles
réalisées.

Lésions associées
Il faut aussi rechercher et traiter en urgence des lésions
associées telles qu'une fracture du scaphoïde ou une
compression du nerf médian.

Luxations radio-carpiennes
Mécanisme, diagnostic et types
lésionnels
C'est Dumontier qui a réactualisé l'analyse et la prise
en charge des luxations radio-carpiennes [11]. Ces
lésions rares sont fréquemment dorsales, 5 à 6 fois
Figure 8.10 Ostéosynthèse par une longue plaque épiphysaire plus souvent que palmaires, et surviennent lors d'une
avec arthrodèse temporaire de l'articulation radio-ulnaire dis- chute d'un lieu élevé, d'un accident industriel ou de la
tale pour 6 semaines est le principe de traitement d'une telle voie publique.
lésion. La broche doit rentrer par la tête ulnaire et un contrôle Les luxations dorsales seraient le résultat d'une
sous amplificateur est indispensable. hyperextension, avec déviation frontale et rotation du
carpe sous le radius, l'hyperextension seule étant pro-
bablement incapable de générer une luxation radio-
carpienne. La composante de rotation génère des
lésions radio-ulnaires.
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Le diagnostic repose sur les radiographies du poi-


gnet qui permettent de classer les luxations en deux
grands types (figure 8.12) :
• le type 1 où les lésions sont exclusivement ligamen-
taires. Parfois, un petit fragment cortical est détaché
ou la styloïde radiale est avulsée. Ce sont le ligament
radio-scapho-capital et les ligaments radio-lunaires
courts qui sont lésés à la face dorsale du poignet ; il
s'agit le plus souvent d'une avulsion périostée de type
lésion de Bankart que d'une rupture des ligaments
radio-carpiens dorsaux eux-mêmes. Ces lésions sont
instables et exposent à l'instabilité multidirectionnelle ;
• le type 2 comporte un fragment styloïdien repré-
Figure 8.11 Consolidation osseuse et récupération fonction- sentant au moins le 1/3 de la fossette scaphoïdienne
nelle à 6 mois. du radius distal. Le trait est toujours horizontal.
104 L. OBERT, F. LOISEL, E. JARDIN, N. GASSE, D. LEPAGE

Figure 8.13 Aspect pré- et postopératoire d'une luxation radio-


carpienne de type 2.

Figure 8.12 Schéma des zones de passage de l'énergie en cas de


luxation radio-carpienne.
Trait plein : luxation pure de type 1 ; traits en pointillé : luxation
de type 2 (fracture de la styloïde radiale) ou extension dans la
radio-ulnaire.

Les ligaments radio-carpiens étant solidaires du


fragment styloïdien, sa réduction et sa fixation per-
mettent d'obtenir la stabilité (figure 8.13). Figure 8.14 Patient de 22 ans présentant une luxation radio-
Wang propose d'ajouter un troisième type qui com- carpienne de type 1, ouverte avec lésions tendineuses asso-
ciées.
porte une lésion radio-ulnaire associée [12].
Le nerf médian est parfois comprimé ou contus,
d'autant plus que les lésions sont ouvertes, et il est plus
souvent atteint que le nerf ulnaire. Ces compressions
doivent être levées. Ces lésions nerveuses sont en règle
le fait d'une ischémie résolutive après réduction [13].
Néanmoins, la récupération est inconstante [14].

Traitement
Toutes les luxations irréductibles, ouvertes ou avec

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complications vasculonerveuses, nécessitent un traite-
ment chirurgical. La réduction orthopédique, si elle est
anatomique et stable, peut donner de bons résultats
fonctionnels quelle que soit la direction de la luxation. Figure 8.15 Fixation de la luxation–fracture de l'ulna et stabi-
Cependant il est exceptionnel que cette réduction soit lisation du carpe.
stable et les derniers travaux plaident en faveur d'une
fixation de la réduction, éventuellement par broche
radio-carpienne temporaire (figures 8.14 à 8.16) [11].
Dumontier a rappelé les trois règles du traitement :
• rétablissement de la congruence radio-carpienne ;
• identification et traitement d'éventuelles lésions
intracarpiennes ;
• réparation stable des lésions ostéoligamentaires
(fixation des fragments osseux et réinsertion par ancre Figure 8.16 Aspect clinique et radiographique à 16 mois, le
des avulsions ligamentaires). patient ayant repris le travail à 4 mois.
Lésions à haute énergie du poignet 105

La réduction de la luxation radio-carpienne se fait Comprendre le mécanisme pour prédire


par traction ; par voie palmaire, on peut ensuite réa- les lésions (figure 8.17)
liser une décompression du nerf médian au canal car-
pien et du nerf ulnaire au canal de Guyon. À la suite des travaux expérimentaux de Mayfield [16],
Dumontier a conseillé d'inspecter et laver l'interligne on avait retenu un mécanisme de supination intracar-
articulaire à travers la déchirure capsulaire antérieure, pienne après un impact sur l'éminence thénar avec une
puis d'implanter des ancres sur le radius et de passer progression des lésions du versant latéral vers le ver-
les fils dans la capsule et les ligaments antérieurs sans sant médial.
serrer les nœuds [11] s'il s'agit d'un type 2. Dans ce Cependant, Laulan a apporté la preuve d'un autre
cas, l'articulation radio-carpienne est stabilisée par la mécanisme qui a des conséquences pratiques. Il s'agit d'un
réduction et la fixation (par deux vis ou deux broches) mécanisme inverse du précédent, par pronation intracar-
du fragment styloïdien et les fils passés en avant sont pienne à la suite d'un traumatisme sur le versant ulnaire
ensuite noués. du carpe, avec un impact hypothénarien (avec fracture
S'il existe une instabilité radio-ulnaire, une réinsertion du pisiforme associée) [17, 18]. La majorité des luxations
du TFCC (triangular fibrocartilage complex) et une périlunaires résultent en fait de ce mécanisme [17, 18].
fixation doivent être pratiquées pour permettre d'obte- En extension et inclinaison ulnaires, le semi-lunaire
nir la cicatrisation de la membrane interosseuse radio- est « encastré » sous l'auvent radial. Le triquétrum est
ulnaire temporaire. en position basse, à la face antérieure de l'hamatum et
La principale complication est la raideur avec une les deux os sont alors très congruents [17, 18]. Dans
perte de 30 à 40 % de l'amplitude de flexion–­extension. cette position, un traumatisme hypothénarien sollicite
Les facteurs pronostiques péjoratifs sont les lésions en premier lieu la région triquétro-lunaire et le « déver-
ouvertes, les luxations pures de type 1, les lésions ner- rouillage » intracarpien peut se faire entre lunatum et
veuses associées, les lésions intracarpiennes associées et triquétrum (stade 1). Le triquétrum chasse vers l'arrière
les associations lésionnelles sur le même membre [11]. l'hamatum et, avec lui, la deuxième rangée. Le lunatum
étant protégé par la berge postérieure du radius, la solu-
tion de continuité passe entre lunatum et capitatum.
Le capitatum peut se luxer en arrière, alors que le
Lésions intracarpiennes scaphoïde est toujours en place sous le radius (stade 2).
C'est dans ce cas que le risque de méconnaître le dia-
Luxations périlunaires gnostic est le plus important comme en attestent les
Lésions exemples rapportés par Sochard et Birdsall [19].

La luxation périlunaire du carpe se définit comme la


perte de contact entre le capitatum et le lunatum ; elle
représente 5 à 10 % de l'ensemble des traumatismes
du carpe [15–18].
Ces luxations font suite à un polytraumatisme dans
10 % des cas et sont toujours le fait de traumatismes
à haute énergie, en hyperextension plus ou moins blo-
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quée (guidon de moto) du poignet, ou de chutes de


lieu élevé.
La rangée distale du carpe est très solidement reliée
aux métacarpiens et la rangée proximale est bloquée
entre le radius et la rangée distale ; c'est donc dans la
rangée proximale que surviennent les lésions :
• désolidarisation des deux rangées, mais aussi des os
de la première rangée ;
• diverses lésions ligamentaires  : ligaments interos-
seux courts de la première rangée, ligaments scapho-
lunaire et lunotriquétral, ligaments unissant les deux
Figure 8.17 Schéma des zones de passage de l'énergie en cas
rangées au niveau de l'articulation médiocarpienne et
de luxation périlunaire.
parfois ligaments extrinsèques radio-carpiens. Trait plein : luxation périlunaire « classique » ; traits en pointillé :
Il existe un risque de nécrose du lunatum dû aux luxation périlunaire avec passage transosseux (fracture de la sty-
lésions ligamentaires intrinsèques et extrinsèques. loïde radiale, du scaphoïde).
106 L. OBERT, F. LOISEL, E. JARDIN, N. GASSE, D. LEPAGE

Si la force vulnérante se poursuit, le scaphoïde vient


en butée sur la berge postérieure du radius et survient,
en fonction du degré d'extension et de compression,
soit une fracture du scaphoïde, soit une fracture de la
styloïde radiale, soit les deux (stade 3).
Cette connaissance des mécanismes lésionnels pos-
sibles permet de comprendre qu'en fonction du siège de
l'impact, de l'énergie du traumatisme, mais aussi de la
position du carpe sous le radius surviennent des « luxa-
tions et des fractures » des structures situées entre les
rangées ou dans une même rangée.
Il faut donc rechercher soigneusement les lésions
inapparentes, essentiellement ligamentaires :
• est-ce une dissociation scapho-lunaire isolée ? ou Figure 8.18 Luxation périlunaire postérieure avec aspect en
le premier stade d'une luxation périlunaire avec des toupie de face.
lésions triquétro-lunaires susceptibles de dominer
l'évolution ultérieure avec désaxation du carpe et Deux tiers des luxations périlunaires sont dorsales
arthrose médiocarpienne secondaire ? et associées à des fractures du scaphoïde ; dans ce cas,
• est-ce une fracture isolée du scaphoïde ? ou le pre- les forces traumatisantes étaient appliquées sur le sca-
mier stade d'une luxation périlunaire associée à des phoïde plutôt que sur le ligament scapho-lunaire.
lésions ligamentaires extensives, scapho-lunaire et Dans deux tiers des cas, il existe une autre fracture
triquétro-lunaire… ? associée due à l'importance des forces traumatisantes.
Il peut s'agir de lésions au niveau du cadre antébrachial
(luxation radio-ulnaire distale, lésion de Galeazzi) ou
Diagnostic du coude, mais aussi de lésions intracarpiennes avec
Dans un quart des cas, une luxation périlunaire posté- des fractures ostéochondrales du dôme du capitatum,
rieure passe inaperçue à cause d'un manque de rigueur de la pointe de la styloïde et des avulsions du pôle
diagnostique et/ou d'une radiographie de profil mal antérieur du triquétrum.
lue ou mal réalisée, voire non réalisée.
L'œdème et l'empâtement du poignet sont différents
de ceux des fractures du radius distal. Si le patient est Conduite à tenir
conscient, il existe des douleurs des deux faces du poi- Il existe plusieurs formes selon le délai écoulé depuis le
gnet, avec parfois des paresthésies du médian, mais le traumatisme [15, 20] :
tableau clinique est pauvre avec de petits craquements • des formes vues en urgence qui doivent être réduites
à l'examen d'un poignet peu augmenté de volume. Il et stabilisées dans les heures ou les jours suivant le
existe néanmoins un signe important : il est difficile traumatisme selon l'état du patient ;
d'étendre les doigts. • des luxations périlunaires vieillies vues avant la
Le diagnostic peut être posé sur des radiographies 6e semaine, où la réduction est parfois encore possible ;
de face (le lunatum a un aspect de toupie, les lignes de • des luxations chroniques, au-delà de 6  semaines,

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Gilula sont perturbées) et de profil (le lunatum a perdu paradoxalement bien tolérées, où la réduction sera
ses rapports normaux avec le radius et le capitatum, il quasiment toujours impossible, même au prix de la
est luxé en avant ou en arrière du radius : figure 8.18). résection des structures ligamentaires interposées ;
Mais dans un contexte de patient à réanimer, une radio- • enfin, de rares cas vus plusieurs années après le
graphie de face seule peut être trompeuse et l'absence de traumatisme, à la suite de rupture des fléchisseurs de
cliché de profil peut faire méconnaître les lésions. l'index et du 3e doigt.
Deux tiers des luxations périlunaires sont dorsales et Les objectifs de la prise en charge en urgence sont de :
associées à des fractures du scaphoïde. Dans les luxa- • faire le diagnostic d'abord ;
tions périlunaires dorsales : • analyser ensuite les radiographies afin de préciser le
• les forces traumatisantes sont appliquées sur le sca- sens du déplacement et son importance, et identifier
phoïde plutôt que sur le ligament scapho-lunaire ; les lésions associées ;
• le capitatum est déplacé en arrière du radius et le • réduire en urgence la luxation et la stabiliser pour
lunatum peut rester sous le radius (stades I et II) ou permettre une cicatrisation ligamentaire et une conso-
être luxé en avant (stade III). lidation osseuse ;
Lésions à haute énergie du poignet 107

• réduire, autant que possible, le taux de complica-


tions (raideur du poignet, nécrose du semi-lunaire
[15, 20, 21]. L'arthrose post-traumatique due aux
lésions cartilagineuses est en revanche inévitable.
Les meilleurs résultats sont le fait d'un traitement
chirurgical réalisé au cours de la première semaine. Le
traitement en urgence consiste en une réduction, une
stabilisation et une immobilisation. Le seul traitement
d'éventuelles fractures carpiennes associées ne suffit pas.

Réduction et fixation en urgence


La réduction se fait sous anesthésie générale au bloc
opératoire, avec une traction de 5 à 7 kg, à l'aide
éventuellement d'un système de traction digitale. Le
poignet fléchi, le pouce appuie en avant sur le semi-
lunaire tandis que l'index exerce une contre-pression
postérieure. Le semi-lunaire est réduit en douceur avec
le pouce et le poignet est porté en dorsiflexion. Cette
manœuvre doit être facile, mais la traction est longue
Figure 8.19 Abord dorsal qui retrouve les lésions ligamentaires
(10–15 mn). extrinsèques et capsulaires.
La stabilisation chirurgicale peut être faite idéale-
ment dans le même temps ou dans les jours qui suivent
selon l'état du patient. Même si 40 % des luxations
périlunaires réduites le restent, la stabilisation chirur-
gicale est impérative dans tous les cas.
La voie d'abord doit être postérieure, longitudinale
sur la peau ; l'arthrotomie peut être réalisée de diffé-
rentes manières ;  la voie en Z de Herzberg a notre
préférence. On identifie les brèches capsulaires et liga-
mentaires extrinsèques constantes et on fait un bilan
lésionnel (figure 8.19). Le nerf interosseux postérieur
peut être réséqué. Après contrôle de la réduction la
plus anatomique possible, de visu et sous contrôle
radioscopique, on pratique une fixation temporaire
par broches des interlignes scapho-lunaire, lunocapita-
tum, scapho-capitatum en cas de luxation périlunaire Figure 8.20 Aspect radiographique du placement des broches
sans fracture (figures 8.20 et 8.21). dans une LPL.
Le premier temps consiste à réduire le semi-lunaire entre le radius
En cas de fracture du scaphoïde associée, l'ostéosyn-
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et le capitatum. Il faut vérifier sous amplificateur de brillance


thèse première du scaphoïde permet de se passer de la bonne position de profil du semi-lunaire sous le radius et au-
brochage scapho-lunaire si le ligament scapho-lunaire dessus du capitatum et fixer cette réduction grâce à une broche
est intact. Les broches sont laissées en place 2 à 3 mois. d'arthrodèse temporaire radio-lunaire. Par la suite, des broches
Herzberg a décrit une plastie de rotation pour recons- d'arthrodèse scapho-lunaire et luno-triquétrale sont mises en
truire le compartiment des extenseurs si une suture place, contrôlées et laissées en place pour 2 à 3 mois.
directe est impossible [15, 20].
Kremer a montré qu'une voie dorsale plutôt que
combinée, une dénervation et la profession avant le Fractures–luxations autres
traumatisme (pas de travail de force) étaient les fac-
teurs pronostiques associés à un bon résultat [22] ;
que périlunaires
70 à 90 % des patients peuvent reprendre leur activité Il s'agit de lésions à haute énergie, rares, qui atteignent
professionnelle. directement le capitatum (syndrome scapho-capitate)
Herzberg a rapporté qu'à 6 ans, plus de la moitié des ou qui se produisent autour du capitatum (luxations
patients présente une arthrose post-traumatique [21]. axiales du carpe).
108 L. OBERT, F. LOISEL, E. JARDIN, N. GASSE, D. LEPAGE

Figure 8.21 Aspect peropératoire de la réduction d'une LPL.


À gauche : la réduction du scaphoïde et du triquétrum par rap-
port au semi-lunaire peut se faire grâce à la mise en place de
broches Joystick qui facilitent leur manipulation. Au milieu : des
ancres sont insérées dans les tranches de section du semi-lunaire
du scaphoïde et du triquétrum. À droite : les broches sont pous-
sées complètement et la suture des ligaments se fait avec renfor-
cement des fils des ancres.
Souvent le ligament scapho-lunaire est détaché du scaphoïde ou
du semi-lunaire, mais quand il n'est pas possible de réaliser ces
sutures, des capsulodèses sont réalisées à partir des ligaments
radio-carpiens dorsaux.
Figure 8.22 Schéma des zones de passage de l'énergie en cas
de luxation axiale.
Syndrome scapho-capitate [23]
Les fractures combinées du scaphoïde et du capitatum
sont appelées de façon abusive « syndrome scapho- • celles qui atteignent le côté radial du poignet autour
capitate ». Dans ces lésions, il existe une rotation de du trapèze, séparant la colonne du pouce du reste du
la tête du capitatum de 90 à 180°. Hamdi a actualisé carpe ;
l'analyse de cette lésion mieux connue sous le terme • celles qui atteignent le côté ulnaire autour du
de syndrome de Fenton, forme particulière de luxation triquétrum.
périlunaire dans laquelle scaphoïde et capitatum sont C'est donc autour du capitatum que se produisent
fracturés [24, 25]. ces lésions [28].
Plusieurs tableaux existent et plusieurs classifica- Les lésions qui affectent le côté ulnaire entre le capi-
tions ont été décrites selon le déplacement de la frac- tatum et l'hamatum sont les plus fréquemment rap-
ture du capitatum, ou selon la ou les fractures associées portées dans la littérature. Ces lésions rarissimes sont
d'autres os du carpe [23, 26]. Le spectre lésionnel peut la conséquence d'un traumatisme par compression
aller du syndrome de Fenton classique (luxation péri- dorsopalmaire qui agit sur la rangée distale du carpe
lunaire dorsale associée à une fracture atypique du sca- qui se luxe. Le diagnostic est le plus souvent fait grâce
phoïde et une fracture de la tête du capitatum) jusqu'à au scanner car les radiographies ne permettent souvent
une association de fractures de tous les os de la rangée que de suspecter « quelque chose d'anormal ». Ces
proximale ou distale. Les patients qui présentent une luxations ulnaires doivent être réduites à ciel ouvert.
pseudarthrose du scaphoïde sont plus à risque de pré- Les luxations radiales sont assez faciles à réduire et

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senter des lésions de la tête du capitatum. stabiliser par des broches, mais le trapézoïde est parfois
Le traitement consiste à repositionner la tête du instable et une réduction à ciel ouvert est nécessaire.
capitatum par un abord dorsal. Seules les lésions vues Dans les lésions vues tardivement, le traitement
après 2 mois peuvent faire discuter l'excision de la tête consiste en une excision de l'os avulsé.
du capitatum.
La reconnaissance des différentes lésions (de la frac-
ture de la tête du capitatum aux lésions associées intra-
Conclusion
carpiennes) est primordiale pour espérer une réduction Les lésions à haute énergie du poignet regroupent plusieurs
et une stabilisation dans les meilleurs délais. lésions ostéoligamentaires qu'il faut savoir reconnaître.
Le bilan radiographique doit être complété par un
scanner qui permet de comprendre les lésions et de pro-
Fractures luxations axiales du carpe poser le meilleur traitement possible.
(figure 8.22) [27, 28] La réduction des luxations et la levée de la compres-
C 'est Garcia Elias qui a décrit les fractures–luxations sion du nerf médian, qui est habituelle, doivent être
axiales du carpe avec deux sous-types : réalisées dans les heures qui suivent le traumatisme.
Lésions à haute énergie du poignet 109

Une fixation stable des lésions osseuses et ligamen- Garcia Elias M, Mathoulin C, editors. Articular injury of the
taires est indispensable, en urgence ou dans les jours wrist FESSH Instructionnal course book. Stugart : Thieme
Publishers ; 2014. p. 105–10.
suivants selon l'état du patient. [10] Obert L, Lepage D, Sergent P, et al. Post-traumatic malunion
Des lésions associées sur le même membre ou des of the distal radius treated with autologous costal cartilage
lésions identiques controlatérales, dues à la haute graft : a technical note on seven cases. Orthop Traumatol Surg
énergie du traumatisme, doivent être systématique- Res 2011 ; 97 : 430–7.
ment recherchées. [11] Dumontier C, Meyer zu Reckendorf G, Sautet A, et al.

Radiocarpal dislocations : classification and proposal for
Il faut expliquer à ces patients jeunes qu'en dépit treatment. A review of twenty-seven cases. J Bone Joint Surg
du traitement chirurgical (réduction et fixation tem- Am 2001 ; 83 : 212–8.
poraire des interlignes articulaires intéressés, fixation [12] Wang GX, Zhu XJ, Wang ZG, Zhou HD. Operative treatment
osseuse et réparation ligamentaires), il ne retrouvera for adult patients with simultaneous fracture and dislocation
pas une mobilité normale du poignet. of ipsilateral elbow and radiocarpal joint : 3 cases report.
Zhongguo Gu Shang 2012 ; 25 : 345–7.
Cette raideur, variable d'un patient et d'une lésion [13] Lyas AM, Mudgal CS. Radiocarpal fracture-dislocations.

traumatique à l'autre, va de pair avec une arthrose J Am Acad Orthop Surg 2008 ; 16 : 647–55.
post-traumatique quasi constante. [14] Nyquist SR, Stern PJ. Open radiocarpal fracture-dislocations.
Déclaration de conflit d'intérêt : L. Obert n'a aucun J Hand Surg Am 1984 ; 9 : 707–10.
conflit d'intérêt en lien avec le présent article, mais [15] Herzberg G, Comtet JJ, Linsheid RL, et al. Perilunate disloca-
tions and fracture-dislocations : a multicentric study. J Hand
déclare avoir des liens d'intérêts avec les sociétés Surg Am 1993 ; 18 : 768–79.
FX solutions, Zimmer, Medartis, Evolutis, Biotech [16] Mayfield JK, Johnson RP, Kilcoyne RK. Carpal dislocations :
Wright, Argo. pathomechanics and progressive perilunar instability. J Hand
F. Loisel, E. Jardin, N. Gasse, D. Lepage n'ont aucun Surg Am 1980 ; 5 : 226–41.
conflit d'intérêt en lien avec le présent article. [17] Clément P, Laulan J, Sicre G. Les lésions triquétro-lunaires
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113

Matériovigilance
et traçabilité
P. TRACOL

P. Tracol

Résumé chargée de centraliser, évaluer les déclarations de matériovigi-


La sécurité des patients exige le dépistage rapide de tout dysfonc- lance et prendre les décisions qui s'imposent. La matériovigilance
tionnement d'un dispositif médical (DM), il s'agit de la matériovi- est organisée à l'échelle européenne et internationale afin d'har-
gilance. Cette sécurité implique la nécessité de retracer le chemin moniser la législation sur les DM.
d'un dispositif tout au long de sa durée de vie, c'est la traçabilité. La traçabilité a pour objectif d'identifier rapidement les porteurs
La réglementation impose la libre circulation des DM dans toute d'un DM lorsqu'une action de rappel est nécessaire. Chaque éta-
la communauté européenne (CE), chaque état membre en assu- blissement doit organiser la traçabilité des dispositifs utilisés,
rant la sécurité sur son territoire. Les DM sont répartis en trois l'obligation de traçabilité des fabricants s'arrêtant à l'établisse-
classes de criticité croissante. Le marquage CE est obligatoire pour ment de santé ou à l'utilisateur. Le marquage CE impose des règles
tout DM circulant dans l'Union européenne (UE). Il fait office strictes d'étiquetage permettant d'assurer la sécurité d'utilisation
d'autorisation de mise sur le marché. Il est délivré pour 5 ans des dispositifs.
par un organisme notifié indépendant. Les autorités sanitaires Une modification de l'organisation de la traçabilité est en cours
ont pour mission la surveillance du marché et des incidents. Une avec : création d'un identifiant unique international (unique
nouvelle réglementation est en cours d'élaboration afin d'obtenir device identification) ; harmonisation des données d'étiquetage
plus d'efficacité et de transparence. et des codes-barres ; utilisation d'une nomenclature commune.
La matériovigilance repose sur la déclaration obligatoire d'inci- Une base de données européenne puis internationale sera créée.
dents concernant les DM. À l'échelon local, elle est organisée L'objectif est de rendre l'identifiant unique obligatoire dans l'UE
autour de correspondants locaux chargés de déclarer les évé- dès 2017.
nements à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des
produits de santé (ANSM) et prendre les mesures conservatoires Mots clés : Matériovigilance. – Traçabilité. – Dispositifs médicaux.
éventuelles. À l'échelon national, l'ANSM a pour mission d'évaluer – Identifiant unique. – Marquage CE.
la sécurité, l'efficacité et la qualité des produits médicaux. Elle est

Introduction Historique
La chirurgie orthopédique est très dépendante du maté­ Plusieurs dates jalonnent l'histoire de la matério­
riel. Le grand essor des dispositifs médicaux (DM) au vigilance :
cours des 30 dernières années a été source d'immenses • 1987  : création de la Commission nationale
progrès. En contrepartie, ces dispositifs sont de plus en d'homologation qui devait identifier les dispo­
plus sophistiqués et peuvent défaillir. sitifs potentiellement dangereux nécessitant une
La sécurité des patients exige le dépistage rapide de autorisation de mise sur le marché. La procédure
tout dysfonctionnement d'un DM afin de prendre les prévoyait que le fabricant signale tout accident ou
mesures nécessaires, il s'agit de la matériovigilance. dysfonctionnement grave survenu avec un produit
Cette sécurité implique également la nécessité de retra­ homologué ;
cer le chemin d'un dispositif tout au long de sa durée • 1990 : première directive européenne sur les dispo­
de vie, c'est la traçabilité. sitifs médicaux ;

Conférences d'enseignement 2015


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114 P. Tracol

• 1996 : naissance officielle de la matériovigilance, la passant par les prothèses articulaires. Le nombre de
Commission nationale d'homologation étant rempla­ produits commercialisés se situe entre 1 et 2 millions,
cée par : avec autant de références, pour un chiffre d'affaires de
– la Commission de matériovigilance initialement 20 milliards d'euros [1].
rattachée au ministère de la Santé puis à l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé
(Afssaps) en 1998, Homologation
– le G-Med créé à la même date pour assurer la
surveillance de la mise sur le marché des produits La réglementation et l'homologation des DM ont
de santé conformément aux règles européennes du débuté avec la directive européenne 90/385/CEE  [2]
marquage CE ; complétée en 1993 par la directive 93/42 C [3]. Celle-ci
• 1998 : création de l'Afssaps ; a défini les conditions d'utilisation des DM et a intro­
• 2012  : remplacement de l'Afssaps par l'Agence duit la notion de « nouvelle approche » à l'échelle
nationale de sécurité du médicament et des produits européenne. Ainsi, la résolution européenne du 7 mai
de santé (ANSM). 1985  [4] a imposé la libre utilisation des dispositifs
Parallèlement, la SOFCOT organise la matériovigi­ dans la communauté économique européenne (CEE) à
lance avec notamment : deux conditions :
• l'AVIO (Association pour la vigilance en matière • les normes édictées doivent assurer une garantie de
d'implants orthopédiques) de 1994 à 1999 ; qualité conforme ;
• le GEDIM (Groupe d'étude des dispositifs médi­ • chaque autorité membre doit s'assurer de la sécurité
caux) de 1999 à 2006 ; sur son territoire.
• ORTHORISQ : organisme agréé d'accréditation des Cette résolution implique une confiance mutuelle
chirurgiens orthopédistes depuis 2007 ; entre les États membres.
• la commission matériovigilance de la SOFCOT Rapidement, la réglementation, extrêmement com­
depuis 2012. plexe, impose à la Commission européenne d'éditer
Il est impossible de parler matériovigilance et tra­ une série de guides à l'attention des fabricants et des
çabilité sans évoquer la notion de DM car ces trois états membres (guide MEDDEV ou Guidelines rela-
notions sont intimement liées. Pour des raisons didac­ ting to medical devices directives) [5].
tiques, cet exposé comportera trois parties : Enfin, en matière de DM, il n'y a pas d'autorisa­
• le dispositif médical ; tion de mise sur le marché (AMM). Les conditions
• la matériovigilance ; d'utilisation sont laissées sous la responsabilité
­­
• la traçabilité. des entreprises, tandis que les pouvoirs publics se
concentrent sur des actions d'encadrement, de surveil­
lance des marchés et des incidents.
Dispositif médical (DM)
Définition Classification des dispositifs
médicaux [3]
Le Code de la santé publique (articles L.  52211-1 et

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R. 5211-1) le définit comme « tout instrument, appa­ Les dispositifs médicaux sont classés en cinq grandes
reil, équipement, matière, produit, à l'exception des catégories :
produits d'origine humaine, utilisé seul ou en associa­ • DM implantables actifs ;
tion y compris les accessoires et logiciels intervenant • DM à visée diagnostique ;
dans son fonctionnement, destiné par le fabricant à • DM sur mesure ;
être utilisé chez l'homme à des fins médicales et dont • DM destinés à la compensation du handicap ;
l'action principale n'est pas obtenue par des moyens • tous les autres DM : catégorie hétérogène qui com­
pharmacologiques ni par métabolisme, mais dont la prend les implants orthopédiques.
fonction peut être assistée par de tels moyens ». L'arrêté du 20  avril 2006 a introduit la notion de
Autrement dit, tout objet utilisé dans un but médi­ DM implantable à titre provisoire (agrafe cutanée) ou
cal et qui n'est pas un médicament est un DM. Ce permanent (prothèse articulaire).
terme s'applique à une multitude de dispositifs cou­ La classification des dispositifs repose sur des cri­
vrant toutes les disciplines et pathologies depuis la tères de risque liés à la durée d'utilisation, au carac­
simple bande de contention jusqu'au cœur artificiel en tère invasif de leur implantation et de leur localisation
Matériovigilance et traçabilité 115

anatomique. Elle comprend trois classes de criticité


croissante [6] :
Dispositif médical innovant
• classe I à faible risque, mais qui peut être l'objet de Il est difficile d'appréhender l'évaluation d'un DM
données de vigilance conduisant à des mesures correc­ innovant de la même façon qu'un médicament. En
tives (exemple des lits médicaux) ; effet, la durée d'existence d'un DM est beaucoup
• classe IIa, notamment pour les DM en contact avec plus courte (quelques années), le DM s'adresse à
les tissus ou à visée diagnostique ; une population moins importante et surtout il est
• classe IIb pour les dispositifs d'imagerie, radiothé­ opérateur-dépendant.
rapie ou les implants passifs (orthopédie traumatolo­ L'évaluation de ce type de dispositifs repose sur des
gique, ophtalmologie) ; essais précliniques d'ordre technique (tests métallur­
• classe III au plus haut niveau de risque (DM en inte­ giques par exemple) et une surveillance opérationnelle
raction avec le système cardiocirculatoire ou le sys­ du marché.
tème nerveux central notamment). En règle générale, le marquage CE suffit pour la
Les DM orthopédiques relèvent de la classe IIb à l'ex­ mise sur le marché d'un dispositif innovant ; toute­
ception des implants prothétiques de hanche, épaule et fois, suite à des événements récents, des procédures de
genou [7] qui relèvent de la classe III depuis 2005. renforcement de la surveillance des DM sont en cours
Le classement du dispositif relève du fabricant d'élaboration.
qui s'appuie pour ce faire sur la réglementation
européenne  [3] à partir des 18  règles définies par la
Commission [8]. Nouvelle réglementation
À l'occasion de l'affaire des prothèses mammaires PIP,
Marquage CE l'UE a proposé en 2012 [10] une nouvelle réglementa­
tion, amendée par le Parlement européen en 2013 [11]
Avant la mise sur le marché d'un DM, le fabricant
assurant de façon durable la sécurité des patients tout
doit obtenir un marquage CE l'autorisant à distri­
en préservant l'innovation.
buer le produit dans toute l'UE. Ce marquage CE
Son but est de renforcer l'évaluation de la sécurité,
est notifié par un organisme agréé par l'UE et dont
la performance des dispositifs avant le marquage CE
le numéro apparaîtra aux côtés du symbole CE sur
mais également la surveillance après mise sur le mar­
le dispositif.
ché, et d'améliorer la transparence ainsi que le recueil
Le marquage CE est accordé pour 5 ans, période
des informations sur le rapport bénéfice/risque.
durant laquelle le fabricant doit mettre en place un
Pour la première fois, on été instaurés un contrôle
système de surveillance post-commercialisation.
des organismes notifiés ainsi qu'une surveillance de leur
Celui-ci doit signaler tout incident ou risque d'inci­
activité. Les données des investigations cliniques ainsi
dent à l'autorité compétente du pays concerné. Enfin,
que les incidents seront colligées dans la base de don­
l'organisme notifié doit effectuer régulièrement des
nées européenne EUDAMED dont l'accès au public sera
audits de suivi du système de qualité et de surveil­
facilité. Pour cela, trois groupes de travail ont été créés :
lance du fabricant.
• le Medical Device Coordination Group ;
Afin d'obtenir un marquage CE, le dispositif doit
• le Medical Device Advisory Committee ;
satisfaire à six exigences essentielles définies par la
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• l'Assessement Committee for medical devices [12].


directive 93/42/CEE  [3]. Par exemple, l'exigence  6
Concomitamment a été développée la notion d'iden­
stipule que tout effet secondaire ou indésirable doit
tifiant unique (cf. infra) [13].
constituer un risque acceptable par rapport à la
Les directives d'application seront adoptées en 2015.
performance attendue. Il doit également satisfaire
à des exigences de conception et de réalisation, en
­particulier pour la biocompatibilité et la stérilisation.
Il appartient au fabricant d'apporter la preuve que
Matériovigilance
les risques potentiels sont acceptables au regard du
bénéfice apporté au patient. Pour les dispositifs de
Définition [14]
classe  III, le fabricant a obligation de produire des La matériovigilance a pour objet la surveillance des
données d'évaluation clinique [9]. incidents ou risques d'incident résultant de l'utilisa­
Dans chaque pays, une autorité compétente (l'ANSM tion des DM. Elle s'exerce sur les DM après leur mise
en France) est chargée de surveiller les organismes sur le marché. Son objectif est d'assurer la sécurité des
notifiés, le marché ainsi que les éventuels incidents [3]. patients, des utilisateurs ainsi que des tiers.
116 P. Tracol

Son but est d'éviter que ne se reproduisent des inci­ d'avoir entraîné la mort ou une grave dégradation de
dents graves mettant en cause des DM en prenant des l'état de santé d'un patient, de l'utilisateur, ou d'un
mesures préventives ou correctrices appropriées. tiers. Ceci inclut notamment une ré-intervention
Elle repose sur le signalement obligatoire des chirurgicale, la survenue de séquelles importantes,
incidents, une circulation rapide des informations une hospitalisation ou une prolongation de l'hospi­
ainsi qu'un enregistrement et une centralisation des talisation. Les patients peuvent également signaler un
déclarations. incident à l'ANSM directement. Dans les établisse­
Son champ d'application est extrêmement vaste, ments, le signalement se fait auprès du correspondant
elle concerne tous les DM, les consommables à usage local de matériovigilance de l'établissement de santé
unique ou non, les équipements, les implants actifs et (CLMV).
passifs (art. L. 5212 du Code la santé publique). Le risque encouru en cas de non-déclaration d'un
incident de matériovigilance est de 4 ans d'emprison­
nement et 75 000 € d'amende (art. L. 546-2 du Code
Organisation de la matériovigilance de la santé publique) [16].
(art. R. 5212-4 du Code de la santé Le rôle du CLMV est fondamental : il est l'intermé­
diaire entre l'ANSM et les utilisateurs. Il enregistre
publique) et valide tout incident déclaré par un utilisateur, il
En France, elle a été confiée à l'ANSM [15]. recommande le cas échéant les mesures conservatoires
Elle repose sur le principe de la déclaration des inci­ à prendre, il signale les incidents à l'ANSM et informe
dents, avec comme corollaire le risque de sous-déclara­ les fabricants des événements. Il doit donc être clai­
tion. Toutefois, le taux de déclaration est en constante rement identifié dans l'établissement, connu des pro­
amélioration, traduisant la prise de conscience des fessionnels et facilement joignable par une procédure
professionnels (figure 9.1). appropriée.
La matériovigilance est organisée en trois niveaux,
local, national et européen. L'enquête préliminaire
Échelon local Le CLMV est chargé de mener l'enquête préliminaire
afin de prendre les mesures conservatoires éventuelle­
Elle est organisée autour des établissements de santé, ment nécessaires.
des fabricants, ainsi que de toute personne ayant Il dispose pour ce faire d'un arbre décisionnel qui lui
connaissance d'un incident ayant entraîné un risque est fourni par l'ANSM au dos du formulaire CERFA
pour elle-même ou un tiers. Tous les incidents graves de déclaration (figure 9.2).
ou risques d'incident grave doivent être déclarés sans
délai auprès de l'ANSM (art. L. 5212-2 du Code de
la santé publique). Les autres incidents peuvent être La déclaration
déclarés de façon périodique. On définit par incident
Celle-ci se fait à l'aide de la fiche CERFA disponible
grave toute situation ayant entraîné ou susceptible
sur le site Internet de l'ANSM.
Elle doit être rédigée rapidement, de la manière la

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plus exhaustive possible.
Elle doit comprendre obligatoirement le nom du dispo­
sitif, la référence, le numéro de lot, la description de l'inci­
dent, de ses conséquences et les coordonnées du déclarant.

Les mesures conservatoires


Elles sont prises selon la règle des trois I :
• identifier les DM incriminés ;
• isoler le dispositif en quarantaine ;
• informer les utilisateurs.
Les fabricants de DM ont également obligation de
disposer d'un correspondant de matériovigilance clai­
Figure 9.1 Évolution des incidents de matériovigilance (docu- rement désigné auprès de l'ANSM. Celui-ci a les mêmes
ment ANSM). obligations que le correspondant local de l'établissement
Matériovigilance et traçabilité 117

Aide au signalement des incidents

Faits techniques et conséquences cliniques observés

Pas de déclaration à la ANSM.


Le dispositif en cause relève-t-il de l'ANSM ? NON
Déclaration à faire dans le cadre des autres A
systèmes de surveillance sanitaire.

Erreur manifeste d’utilisation ne mettant pas en cause la sécurité du DM OUI


Pas de déclaration B
ou évolution naturelle de l’état de santé d’un patient

Appréciation de la gravité
Nature des conséquences cliniques observées ? -décès
-menace du pronostic vital
-incapacité permanente ou importante
Conséquences observées non graves ou
Conséquences observées graves -hospitalisation ou prolongation d’hospitalisation
pas de conséquence (risque d’incident)
-nécessité d’intervention médicale ou chirurgicale
-malformation congénitale

C Moment de survenue des faits


Déclaration obligatoire
techniques et / ou cliniques observés

Avant utilisation du DM Pendant ou après utilisation du DM

Forcément détectable ? DM avec système de sécurité DM sans système de sécurité


couvrant l’incident couvrant l’incident

OUI NON ayant rempli sa fonction n’ayant pas rempli sa fonction Gravité ?

Fréquence incident ? Gravité ? Fréquence incident ? Gravité ? Non grave ou risque non grave Risque grave

Non grave Non grave


Incident Incidents Risque Incident Incidents Risque Incident Incidents
ou risque ou risque
isolé répétitifs grave isolé répétitifs grave isolé répétitifs
non grave non grave

Pas de Déclaration Déclaration Déclaration Pas de Déclaration Déclaration Déclaration Pas de Déclaration Déclaration
déclaration facultative facultative obligatoire déclaration facultative facultative obligatoire déclaration facultative obligatoire
D E F G H I J K L M N

Figure 9.2 Formulaire CERFA.

de santé. Il est le correspondant privilégié de l'ANSM en Elle est chargée d'évaluer la sécurité d'emploi, l'ef­
cas d'enquêtes ou travaux intéressant les DM. ficacité et la qualité des produits médicaux. Elle en
assure la surveillance et conduit des inspections sur
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Échelon national les sites de fabrication. Dans le domaine des DM,


elle intervient essentiellement après la mise sur le
Organisation marché des produits et leur marquage CE. Le rôle de
L'ANSM a été créée par la loi no  2011–2012 du l'ANSM a été renforcé par la loi de décembre 2011
22  décembre 2011  [17] dans le but de renforcer la notamment en ce qui concerne l'accompagnement
sécurité sanitaire des médicaments et DM. Il s'agit de l'innovation, ainsi que la surveillance des essais
d'un organisme autonome et indépendant qui dispose cliniques.
de prérogatives très élargies par rapport à l'agence pré­ Elle doit également assurer le suivi du rapport béné­
existante (Afssaps). La loi insiste sur : fice/risque des DM durant toute leur durée de vie,
• la transparence et la prévention des conflits ainsi que les contrôles de conformité technique et
d'intérêts ; réglementaire.
• le renforcement de la surveillance ; Dans le cadre de ses missions, l'ANSM peut rendre
• l'encadrement de la publicité ; des décisions de police sanitaire en cas de non-­
• le contrôle des spécifications techniques applicables conformité ou de danger pour la santé publique. Elle
aux DM. exerce sa mission en toute indépendance.
118 P. Tracol

En matière de DM, l'ANSM a pour mission de : • d'un point d'information de l'ANSM ;
• enregistrer et évaluer les incidents et risques d'inci­ • de la diffusion d'alertes auprès des correspondants
dent qui lui sont déclarés ; de matériovigilance des établissements ;
• informer le ou les fabricants concernés ; • d'une diffusion sur le site Internet ou par voie de
• demander toute enquête complémentaire y compris mailing auprès des abonnés et les CLMV.
auprès du CLMV ;
• prendre les décisions nécessaires ;
• informer les États membres de la Commission Échelons européen et international
européenne. La matériovigilance à l'échelle européenne repose sur
la directive 2007/47/C modifiant la directive 93/42/
CEE [18]. Il est spécifié que :
Évaluation des dossiers • les fabricants doivent mettre en place et tenir à jour
une procédure systématique d'examen des données
Elle repose sur deux modes d'expertise complémen­
acquises sur le DM depuis sa production, et mettre
taires :
en œuvre des moyens appropriés pour appliquer les
• interne par des évaluateurs appartenant à l'agence ;
mesures correctives nécessaires. Cet engagement com­
• externe par des experts mandatés.
prend l'obligation pour le fabricant d'informer les
L'évaluation des dossiers se fait en trois étapes :
autorités compétentes d'éventuels incidents dès qu'il
enregistrement, évaluation, retour d'information.
en a connaissance ;
L'évaluation doit permettre de classer les évé­
• les États membres adoptent les mesures nécessaires
nements en quatre groupes de gravité croissante
pour que les informations portées à leur connais­
(figure  9.3) : mineur, spécifique, majeur, critique,
sance concernant les incidents liés à un disposi­
en fonction de trois facteurs : la fréquence, la gra­
tif soient enregistrées et évaluées selon un système
vité ainsi que la détectabilité selon la méthode
centralisé [13].
AMDEC (analyse des modes de défaillance et de
Le Medical Device Expert Group (MDEG) est le
leur criticité).
principal groupe de l'UE dans le secteur des dispo­
Le retour après traitement peut être :
sitifs médicaux [19]. Plusieurs publications émanent
• une décision de police sanitaire prise par la direc­
du MDEG ou de sous-groupes du MDEG, notam­
tion générale de l'ANSM sous forme d'actions cor­
ment le COEN (COmpliance and ENforcement
rectrices envers le fabricant (rappels, modifications,
group) chargé d'organiser la surveillance du marché
retrait) ;
européen [1].
• des informations ou recommandations générales
Enfin, l'International Medical Device Regulators'
concernant un ensemble de DM.
Forum (MDRF) a été créé en octobre 2011. Cette orga­
Il n'y a pas de retour d'information direct auprès
nisation réunit des représentants des autorités compé­
du déclarant, celui-ci se fait en principe par l'intermé­
tentes de différents pays (Europe, États-Unis, Canada,
diaire du site Internet de l'ANSM sous la forme :
Australie, Japon) ainsi que des représentants de l'in­
dustrie afin de discuter de nouvelles orientations et de
l'harmonisation de la législation concernant les DM.

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Un cas concret : la crise des têtes
en céramique de zircone
La chronologie des faits a été la suivante :
• fin 2000  : premiers signalements de ruptures pré­
coces de têtes en céramique de zircone ;
• juin 2001 : 30 ruptures ; rappel de toutes les têtes par
le fabricant concerné ; point commun aux ruptures :
même lot de matière première. Il s'agit d'un incident coté
initialement comme majeur puis secondairement surcoté
en critique. L'enquête de l'Afssaps a suivi trois pistes :
– auprès des déclarants : y avait-il eu des problèmes
d'utilisation lors de la pose ? Y avait-il des facteurs
Figure 9.3 Classement des incidents (document ANSM). patients expliquant les ruptures ?
Matériovigilance et traçabilité 119

– auprès des fabricants : analyse des explants incri­ Que faire du dispositif incriminé ? Il est recommandé
minés par un bureau indépendant, reprise de tous aux professionnels de conserver le dispositif, de ne pas
les plans de conception et assemblage de l'interface le remettre au fabricant, sauf demande expresse de
tête–col, l'ANSM. Il doit par contre être remis pour une exper­
– en externe : nomination d'un groupe d'experts tise judiciaire.
désignés par la SOFCOT ; Faut-il informer le fabricant ? Ce n'est pas une obli­
• 10 août 2001 : 56 ruptures. Décision du directeur gation mais il est recommandé de lui faire parvenir
de l'Afssaps de suspendre toutes les têtes en céramique pour information une copie de la déclaration. Dans
de zircone. Inspection du site de production et mise en tous les cas, il sera averti par l'ANSM.
évidence d'une non-maîtrise de la fabrication suite à
une modification des processus de cuisson ;
• août 2001– mai 2002  : réflexion d'un groupe
d'experts céramistes et orthopédistes. Le groupe Traçabilité
conclut que les éléments présentés par le fabricant
sont insuffisants et que la suspension ne peut pas Définition
être levée ;
La traçabilité est définie comme étant l'ensemble
• juillet 2002  : décision de sécurité sanitaire avec
des procédures et des contrôles permettant de suivre
retrait du marché et interdiction d'utilisation des têtes
­l'historique d'un produit depuis sa fabrication jusqu'à
en céramique de zircone.
son administration au patient  [20]. Selon la norme
ISO 8402, il s'agit de « l'aptitude à retrouver l'histo­
La matériovigilance en pratique rique, la localisation ou l'utilisation d'une entité, au
moyen d'identifications enregistrées ». Elle est régie en
Qui doit déclarer ? Tous les professionnels de santé France par le décret du 29 novembre 2006 qui fixe des
exerçant à titre libéral, indépendants ou salariés ont règles particulières de matériovigilance pour certains
obligation d'informer l'ANSM de tout incident de DM [21].
matériovigilance rencontré au cours de leur exer­ La traçabilité fait partie des droits fondamentaux
cice professionnel. La non-déclaration d'un incident des patients : « Toute personne a le droit d'être infor­
expose à des sanctions pénales. mée sur son état de santé. Cette information porte sur
Que déclarer ? Tout comportement anormal d'un les différentes investigations, traitements ou actions
DM, à l'exception des conséquences d'un mésusage. de prévention qui sont proposés. (…) Lorsque, pos­
Par exemple, une révision anormalement précoce térieurement à l'exécution des investigations, traite­
et inexpliquée d'une prothèse articulaire doit être ments ou actions de prévention, des risques nouveaux
déclarée. sont identifiés, la personne concernée doit en être
Comment déclarer ? Les praticiens exerçant en éta­ informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. »
blissement de santé peuvent alerter directement leur (Art. L. 1111-2, loi no 2002-303 du 4 mars 2002.)
CMLV qui assurera la déclaration auprès de l'ANSM. La notion de traçabilité concerne essentiellement
Cette information devra être tracée. Il est possible les DM implantables, elle a pour objectif d'identifier
de déclarer directement à l'ANSM avec l'imprimé rapidement les porteurs de DM lorsqu'une action de
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Cerfa téléchargeable à l'adresse Internet suivante  : rappel est nécessaire et d'identifier les DM chez les
https://www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/ patients en cas d'incident. Elle repose sur le numéro
cerfa_10246.do Fin 2015, un portail commun des de lot.
vigilances verra le jour, simplifiant la procédure.
Pourquoi déclarer ? Un incident unique n'aura pas
d'intérêt pour la collectivité, cependant, la multiplica­
Différents types de traçabilités [20]
tion du même incident permet d'alerter les tutelles et Il existe cinq types de traçabilités, sanitaire, financière,
de mettre en œuvre les mesures sanitaires nécessaires. logistique, juridique et scientifique :
Il s'agit donc d'un devoir civique vis-à-vis de tous nos • la traçabilité financière concerne les DM rembour­
collègues et des patients. sés hors groupe homogène de soins (GHS) qui figurent
Quelles sont les suites de la déclaration ? S'il ne s'agit sur la liste des produits et prestations facturées en plus
pas d'un incident critique nécessitant une réaction (liste des produits et prestations remboursables ou
immédiate, l'ANSM enverra au déclarant un récépissé, LPPR). De cette traçabilité découle le remboursement
l'incident sera inscrit dans une base de données. En cas des frais engagés par l'établissement pour l'acquisition
de fréquence élevée, une enquête sera diligentée. du dispositif [22] ;
120 P. Tracol

• la traçabilité logistique : procédure interne à l'éta­


blissement assurant la gestion des flux et des stocks ;
Identification
• la traçabilité scientifique : la collecte d'informations Dès 2007, l'Afssaps a recommandé aux fabricants
peut servir à des enquêtes lors d'audits de qualité ou d'identifier clairement les dispositifs relevant de la
d'essais cliniques ; réglementation ainsi que de l'utilisation de l'outil
• la traçabilité juridique relative aux droits des informatique. Les fabricants doivent mettre à dispo­
malades, afin d'avoir accès aux informations person­ sition des utilisateurs un système de codification sous
nelles détenues par les professionnels des établisse­ forme d'étiquette détachable permettant l'identifica­
ments de santé [23] ; tion des DM et comportant un code-barres [25].
• la traçabilité sanitaire qui est régie par le décret du Le marquage CE impose des règles d'étiquetage [3]
29 décembre 2006 [21], lequel introduisant la notion strictes comportant différents critères obligatoires
de traçabilité ascendante et descendante pour l'en­ (figure 9.4).
semble des DMI (dispositifs médicaux implantables) Afin de simplifier la lecture de l'étiquetage et de
figurant sur une liste fixée par l'arrêté du 26 janvier s'affranchir de la traduction en plusieurs langues des
2007 [24]. Dans le domaine de l'orthopédie, les dis­ informations de l'étiquetage, le fabricant peut utiliser
positifs concernés sont essentiellement les implants et les symboles normalisés selon la norme ISO 15223.
prothèses articulaires ou ligamentaires. Sont exclus À l'issue de l'hospitalisation, le pharmacien de l'éta­
de la traçabilité les sutures, ligatures, clips et les dis­ blissement doit remettre un document aux patients
positifs d'ostéosynthèse. La traçabilité ascendante précisant : la dénomination du dispositif, son numéro
permet de retrouver les lots et donc la provenance de lot, le nom du fabricant ou de son mandataire, la
d'un dispositif utilisé chez un patient, alors que la tra­ date et le lieu de l'utilisation ainsi que le nom du méde­
çabilité descendante permet de retrouver les patients cin utilisateur. Cette mesure est un premier pas vers la
porteurs d'un DM défaillant (norme NF EN 724). Le carte d'identité d'implant.
décret précise que les données doivent être retrouvées
rapidement. Difficultés
Organisation de la traçabilité Un certain nombre de difficultés ont été identifiées au
cours du temps :
Le représentant légal de l'établissement fixe une procé­ • absence d'obligation de moyens imposée aux fabri­
dure écrite décrivant les modalités selon lesquelles les cants afin d'assurer une traçabilité efficiente ;
données de la traçabilité sont recueillies, conservées et • absence de réglementation en matière de dénomina­
rendues accessibles. Le document doit être validé par tion, classification et codification des DM. De nom­
les instances médicales de l'établissement. Les données breuses classifications nationales et internationales se
doivent être conservées pour une durée de 10 ans, por­ superposent [20] ;
tée à 40 ans si le dispositif contient des dérivés du sang. • défaut d'unité pour les codes-barres : les plus utilisés
Le pharmacien de l'établissement est responsable de sont le GS1-128 et Datamatrix mais d'autres systèmes
la traçabilité ; il enregistre l'ensemble des données rela­ peuvent être également rencontrés rendant leur lecture
tives à la délivrance des dispositifs : complexe et aléatoire ;
• chaque dispositif est identifié  : dénomination, • l'absence de carte d'identité d'implant obligatoire et

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numéro de série ou de lot, identification du fournisseur ; universelle ;
• la date de la délivrance du dispositif aux services est
enregistrée ;
• le service utilisateur est identifié ;
• le service utilisateur complète les informations et
enregistre la date d'utilisation, l'identification du
patient ainsi que celle du praticien utilisateur ;
• l'établissement doit faire figurer dans le dossier
médical l'identification complète du dispositif, la date
d'utilisation, l'identité du praticien ;
• le fournisseur doit assurer une traçabilité des lots
jusqu'à la livraison à l'établissement de santé. Il doit
être en mesure d'effectuer un rappel à la demande des
autorités sanitaires. Figure 9.4 Étiquetage marquage CE.
Matériovigilance et traçabilité 121

• l'absence d'homogénéité entre les différents pays


européens mais également entre l'UE et le continent
nord-américain.
Leurs conséquences sont les suivantes :
• absence de standardisation des libellés ;
• difficultés de reconnaissance des DM ;
• difficultés d'interprétation des libellés des fournis­
seurs ;
• variabilité interopérateur de la saisie ;
• difficultés de recherches et de visualisation ;
• difficultés d'identification de matériel lors des réinter­
ventions.
Figure 9.5 Exemple fictif d'IU fourni par le FDA.
Identifiant unique (IU) ou unique
device identification (UDI) spécifique d'un modèle (ou d'une version) du DM,
également utilisé comme « clé d'accès » aux informa­
Conscientes de ces difficultés, la Food and Drug tions stockées dans une base de données IU ;
Administration (FDA) ainsi que l'UE ont décidé d'ins­ • l'identifiant de production (production identifier
taurer le principe de l'identifiant unique pour chaque ou PI) qui est un code numérique ou alpha-numérique
DM. La révision de la réglementation sur les dispo­ permettant d'identifier l'unité de production du dispo­
sitifs médicaux a été initiée par deux directives euro­ sitif. Il doit comporter le numéro de série, le numéro
péennes en 2012 [26, 27]. de lot et la date de fabrication et/ou d'expiration. Ces
informations doivent figurer en clair et sous la forme
de codes numériques normalisés.
Objectif
L'objectif de l'IU est d'obtenir : La base de données
• une meilleure surveillance du marché ;
Il s'agit des banques EUDAMED en Europe et GUDID
• une meilleure traçabilité des dispositifs d'un pays à
aux États-Unis. À terme, une base de données interna­
l'autre afin d'améliorer l'accès aux banques de don­
tionale sera constituée.
nées européenne (EUropean DAtabank on MEdical
Devices ou EUDAMED) et internationale (Global
Unique Device Identification Database ou GUDID). Le protocole d'échange de données
Au-delà de l'amélioration de la traçabilité, l'objectif normalisées : global medical device
de l'IU est également de : favoriser l'identification des nomenclature (GMDN)
produits ; normaliser la documentation ; favoriser les
Cet identifiant doit permettre notamment d'assurer
rapports d'incident après la mise sur le marché ainsi
le signalement d'incidents graves en relation avec le
que les rappels produits. Il diminuera également les
produit et d'informer sur les mesures correctives qui
risques de contrefaçons ou d'erreurs médicales.
doivent être mises en œuvre dans le cadre de la vigi­
À terme, l'IU constituera la carte identité d'implant
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lance des dispositifs.


idéale permettant de retrouver à partir du patient la
Chaque opérateur économique ainsi que chaque éta­
nature des dispositifs implantés par consultation de la
blissement de santé acheteur doivent conserver l'iden­
base de données.
tifiant du dispositif (DI) et l'identifiant de production
Ceci induit une normalisation internationale de l'éti­
(PI) afin de permettre une traçabilité optimale des pro­
quetage et de l'identification des dispositifs (figure 9.5).
duits achetés et/ou utilisés.
La Commission européenne met en place et gère,
Principe en coopération avec les États membres de l'Union, un
Il repose sur trois piliers. système électronique d'IU dont l'objet est le rassemble­
ment de toutes les informations collectées.
Le code
Il contient deux types de données :
Obligations
• l'identifiant du dispositif (device identifier ou DI) • Les fabricants doivent attribuer au dispositif médical
qui est un code numérique ou alpha-numérique unique un IU selon les normes internationales, l'apposer sur
122 P. Tracol

chaque niveau d'emballage du DM et fournir les infor­ [3] Directive 93/42/C CEE du Conseil du 14  juin 1993 relative
mations sur l'IU afin d'alimenter la base EUDAMED. aux dispositifs médicaux. Journal Officiel des Communautés
européennes L. 169 du 12/07/1993.
• Les importateurs et les distributeurs doivent véri­ [4] Résolution du conseil du 7 mai 1985 concernant une nouvelle
fier les IU apposés par les fabricants et enregistrer l'IU approche en matière d'harmonisation technique et de norma­
des DM qu'ils détiennent dans leurs propres systèmes lisation. Résolution du conseil 85/C 136/01. Journal Officiel
d'information ainsi que les références des acheteurs du des Communautés européennes C. 136 du 4/06/1985.
dispositif. Les importateurs doivent en plus s'assurer [5] European Commission. DG health and consumers. Guidelines
on a medical devices vigilance system ; January 2013 MEDDEV
que l'IU a bien été enregistré dans EUDAMED. 2.12-1 rev 8.
• Les établissements de santé doivent enregistrer l'IU [6] Arrêté du 20 avril 2006 fixant les règles de classification des
des DM qu'ils ont acquis et être en mesure d'établir, dispositifs médicaux, pris en application de l'article R. 5211–7
pour certains types de DM, un lien entre un dispositif du Code de la santé publique.
utilisé et un patient. Ils devront se donner les moyens [7] Directive 2005/50/CE de la commission du 11  août 2005  :
reclassifications des prothèses articulaires de la hanche
de lire les étiquetages et de communiquer avec la base du genou et de l'épaule dans le cadre de la directive 93/42/
de données internationale. CEE relative aux dispositifs médicaux. Journal Officiel des
La mise en place de l'IU sera effective aux États-Unis Communautés européennes L. 210 du 12/08/2005.
pour les dispositifs de classe III dès 2015. L'objectif à [8] European Commission. DG health and consumers. Guidelines
l'échelon européen est de rendre obligatoire l'IU dès relating to the application of the council directive 93/42/e.e.c
on medical devices. June 2009. MEDDEV 2.4/1 Rev 9.
2017 pour tous les DM. [9] European Commission. DG health and consumers. Clinical
evaluation : a guide for manufacturers and notified bodies ;
Décember 2009. MEDDEV 2.7.1 Rev 3.
Conclusion [10] Regulation of the European Parliament and of the council on
medical devices, and amending Directive 2001/83/EC, Regulation
Que de chemin parcouru en 25 ans ! Grâce à l'opiniâ­ (EC) No 178/2002 and Regulation (EC) No 1223/2009.
treté de quelques chirurgiens pionniers et précurseurs, [11] European Parliament. Amendments adopted by the European
Parliament on 22 October 2013 on the proposal for a regula­
les pouvoirs publics ont pris conscience de l'impor­ tion of the European Parliament and of the Council on medi­
tance de la matériovigilance et de la surveillance des cal devices, and amending Directive 2001/83/EC, Regulation
DM. (EC) No  178/2002 and Regulation (EC) No  1223/2009,
Aujourd'hui, la matériovigilance est parfaitement COM/2012/0542 - C7-0318/2012 - 2012/0266(COD).
structurée à l'échelle nationale et européenne, avec [12] Fouretier A, Bertram D. New regulation on medical devices in
Europe : What to expect. Expert Rev Med Devices 2014 ; 11 :
une participation active des professionnels de santé. 351–9.
La nouvelle réglementation européenne a amélioré la [13] Sorenson C, Drummond M. Improving medical device regula­
sécurité autour des DM, de l'innovation et du mar­ tion : the United States and Europe in perspective. Milbank Q
quage CE. 2014 ; 92 : 114–50.
D'autres défis attendent la communauté des chirur­ [14] Décret nº 96–32 du 15 janvier 1996 relatif à la matériovigi­
lance exercée sur les dispositifs médicaux et fixant les missions
giens orthopédistes : l'exhaustivité des déclarations des correspondants locaux : articles R. 665–48 à R. 665–64.
de matériovigilance qui va nécessiter toujours plus de Journal Officiel du 17/01/1996.
pédagogie, mais surtout le développement de registres [15] Décret nº 2012–597 du 27 avril 2012 relatif à l'Agence natio­
de prothèses, seul moyen de connaître exactement nale de sécurité du médicament et des produits de santé. JORF
la sinistralité des dispositifs que nous utilisons au no 0102 du 29/04/2012, p. 7653, texte no 12.

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[16] Ordonnance no  2013-1183 du 19  décembre 2013 relative à
quotidien. l'harmonisation des sanctions pénales et financières relatives
Le développement imminent de l'identifiant unique aux produits de santé et à l'adaptation des prérogatives des
avec une base de données européenne, voire mondiale, autorités et des agents chargés de constater les manquements.
assurera une sécurité maximale de la circulation des JORF no 0295 du 20/12/2013, p. 20741.
DM dans le monde, et permettra à chaque patient une [17] Loi no 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforce­
ment de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de
prise en charge optimale en cas de difficultés. santé. JORF no 0302 du 30/12/2011, p. 22667, texte no 1.
[18] Directive 2007/47/CEE. Journal Officiel des Communautés
Références européennes L. 247 du 2/09/2007.
[19] European Commission. DG health and consumers.
[1] ANSM. Rapport au Parlement : bilan des règles applicables à Committees/Working Groups contributing to the implemen­
la sécurité des dispositifs médicaux et propositions d'amélio­ tation of the Medical Device Directives ; December 2008.
rations ; Septembre 2012. MEDDEV 2.15 Rev 3.
[2] Directives 90/385/CEE du conseil du 20 juin 1990 concernant [20] Guide de traçabilité des dispositifs médicaux 2007. Toulouse :
le rapprochement des législations des états membres relatives Euro Pharmat ; 2007.
aux dispositifs médicaux implantables actifs. Journal Officiel [21] Décret n° 2006-1497 du 29 novembre 2006 fixant les règles
des Communautés européennes L. 189 du 20/07/1990. particulières de la matériovigilance exercée sur certains dispo­
Matériovigilance et traçabilité 123

sitifs médicaux et modifiant le code de la santé publique. JORF [25] Recommandations à l'attention des fabricants de dispositifs
no 278 du 1/12/2006, p. 18096, texte no 37. médicaux concernés par la mise en place des règles de traçabi­
[22] Décret no 2005–1023 du 24 août 2005 relatif au contrat de lité précisées par le décret du 29 novembre 2006 et l'arrêté du
bon usage des médicaments et des produits et prestations men­ 26 janvier 2007. ANSM ; novembre 2007.
tionné à l'article L. 162–22-7 du Code de la sécurité sociale. [26] Communication from the commission to the European
JORF du 26/08/2005. Parliament, the Council, the European Economic and Social
[23] Décret no 2002–637 du 29 avril 2002 relatif à l'accès aux Committee and the Committee of the regions. Safe, effec­
informations personnelles détenues par les professionnels et les tive and innovative medical devices and in vitro diagnostic
établissements de santé en application des articles L. 1111–7 medical devices for the benefit of patients, consumers and
et L. 1112–1 du Code de la santé publique. JORF no 101 du healthcare professionals. Brussels, 26/9/2012 COM(2012)
30/04/2002, p. 7790, texte no 8. 540 final.
[24] Arrêté du 26 janvier 2007 relatif aux règles particulières [27] Regulation of the European Parliament and of the Council
de la matériovigilance exercée sur certains dispositifs médi­ on medical devices, and amending Directive 2001/83/
caux, pris en application de l'article L. 5212–3 du Code de la EC, Regulation (EC) No  178/2002 and Regulation (EC)
santé publique. JORF no 35 du 10/02/2007, p. 2567, texte No  1223/2009 Brussels, 26.9.2012 COM(2012) 542 final
no 26. 2012/0266 (COD).
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125

Comment informer
en orthopédie et traumatologie
Connaissances fondamentales, encadrement
médico-légal et recommandations pratiques
P. GLEYZE, H. COUDANE P. Gleyze

Résumé doit être maîtrisé et suivre les recommandations institutionnelles.


La traçabilité de l'information fournie, le délai de réflexion du
L'information des patients opérés est un soin et relève de règles patient et la preuve du contenu de l'information donnée sont
thérapeutiques et médico-légales clairement définies, en particu- essentiels. La conjonction d'une « ambiance » informative et d'un
lier par la loi du 4 mars 2002 et le Code de déontologie. Le droit à document signé permet au mieux la protection de l'exercice.
l'information est mis en œuvre par une consultation orale qui doit L'information est une obligation éthique et médico-légale mais
être parfaitement codifiée et un examen clinique adapté, suivi c'est aussi et surtout l'expression et la démonstration de la valeur
d'une information sur l'organe atteint, la pathologie, les possi- soignante de chacun et notre contribution à la réduction de l'asy-
bilités thérapeutiques, une opération éventuelle, les conditions, métrie de l'information, ciment de nos sociétés futures.
risques et résultats escomptés de cette opération. Le contenu
d'information doit être personnalisé et le plus exhaustif possible
et reprendre les éléments validés par les sociétés savantes. Mots clés : Information péri-opératoire. – Droits des patients.
L'usage des technologies les plus avancées (site Internet individuel, – Orthopédie traumatologie. – Technologie de l'information santé.
plate-formes d'information en ligne, etc.) est incontournable mais

Introduction L'information est un soin


L'information des patients est devenue un enjeu de Historique
santé publique et une composante majeure de la rela-
tion avec les « usagers de la santé » [1]. Elle est un fac- La démocratie a posé les bases culturelles d'un échange
teur essentiel de la notion de « satisfaction » des patients soignant mutuellement respectueux et consenti [10].
et de la « qualité » de l'exercice professionnel [2–5]. Il est ensuite apparu qu'on ne pouvait pas expérimen-
Les nouveaux médias, les contraintes médico-légales ter à l'insu de l'individu [11] et donc, par extension,
et l'évolution de nos sociétés font que nous ne pouvons qu'on ne pouvait pas porter atteinte à l'intégrité cor-
pas nous contenter désormais de gérer la communica- porelle d'autrui dans le cadre d'un soin sans obtenir
tion avec nos patients et leurs informations sans les de consentement, lequel ne peut se construire que par
maîtriser, sans en définir les contenus, les supports, en l'échange et l'information, désormais composantes
particulier dématérialisés, et les modalités de mise en essentielles de la santé de la personne [2].
œuvre [6–9].
Après un rappel sur la place de l'information dans L'information est un droit
l'exercice du soin, nous expliciterons les principaux
textes encadrant l'information des patients puis nous
pour le patient
proposerons des conduites à tenir pratiques qui per- Le soin est le symbole emblématique et le ciment
mettront de formaliser et de mettre en œuvre au mieux quotidien de la société qui le met en œuvre, ce qui
l'information des patients opérés. oblige le praticien à l'éthique (l'éthique générale,

Conférences d'enseignement 2015


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126 P. GLEYZE, H. COUDANE

celle qui régit les relations entre les hommes et positif, se construit la communication corticale et
l'éthique particulière, celle qui est liée aux soins) et abstraite (néo-cortex) de l'échange par l'apprentis-
donc à l'information [10]. Le praticien se doit pour sage et la compréhension des données échangées [14]
cela d'être exemplaire aux yeux du patient parce
que son pouvoir soignant lui a été concédé par la
société [2, 10–12]. La loi y est donc particulièrement
Les textes et recommandations
attentive et, de ce fait, le droit du patient à savoir est
désormais une donnée constitutive de faute médi-
La loi du 4 mars 2002 :
cale et de perte de chance, comme nous le verrons. un nouveau régime
de responsabilité médicale
Les incidences pratiques d'un défaut Les textes à connaître sont la loi du 4 mars 2002 et le
d'information Code de déontologie médicale.

Un patient non informé sur une opération est un Loi du 4 mars 2002
patient qui a peur, qui a des doutes sur le praticien
tout autant que sur sa capacité personnelle à assumer La loi du 4 mars 2002 [1], dont les articles ont été
l'épreuve que constitue cette opération. Le manque intégrés au Code de la santé publique, contient tous les
d'informations contribue largement au nomadisme, articles relatifs à l'information (encadré 1) et en par-
à la surmédicalisation de réassurance, à la baisse de ticulier l'article L. 1141–2 qui stipule que « toute per-
l'observance, aux ruptures thérapeutiques pouvant sonne a le droit d'être informée sur son état de santé.
décompenser d'éventuelles comorbidités, aux recours Cette information porte sur les différentes investiga-
médico-légaux [5, 7–9], à la déresponsabilisation, aux tions, traitements ou actions de prévention qui sont
surcoûts économiques, etc. Plus que le défaut d'infor- proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs
mation, c'est souvent un défaut de considération qui conséquences, les risques fréquents ou graves nor-
est ressenti par le patient [10]. malement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur
les autres solutions possibles et sur les conséquences
prévisibles en cas de refus ». La loi précise également
Les bénéfices attendus clairement l'obligation d'information du patient en
cas d'infection nosocomiale (art. L. 1144–4) et l'obli-
de l'information du patient gation faite au praticien et/ou à l'établissement de
Un patient bien informé sera plus actif, aura une meil- santé d'apporter la preuve qu'il(s) a(ont) bien exécuté
leure image de son praticien, de son établissement et son(leur) devoir d'information (art. L. 1111–2).
du système de soins en général. Il acceptera également
mieux les complications éventuelles et leur prise en Code de déontologie médicale
charge par le praticien [13].
Le décret no 95–1000 du 5 septembre 1995 portant
sur le Code de déontologie médicale [3] comporte un
Neuroscience de la communication certain nombre d'articles relatifs à l'information et au

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de l'information consentement du patient. Le principe général est décrit
dans l'article 35 qui précise que « le médecin doit à la
Tout contact interhumain sollicite en premier lieu personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille,
le paléo-cerveau ou cerveau du ressenti « instinctif » une information loyale, claire et appropriée sur son
générateur du « parent care » ou « pulsion parentale état, les investigations et les soins qu'il lui propose.
du soin » qui fait qu'une relation de confiance et de Tout au long de la maladie, il tient compte de la per-
protection mutuelle s'installe (ou non) par la mise en sonnalité du patient dans ses explications et veille à
commun de valeurs protectrices. Dans un échange leur compréhension ». La fin de cet article 35 du Code
où le patient présente une atteinte de son intégrité de déontologie médicale a été modifiée par le décret
corporelle, la première chose qui sera attendue sera no 2012–694 du 7 mai 2012 (art. R. 4127–35 du
donc l'expression du « parent care » du praticien. La Code de la santé publique) : « Toutefois, lorsqu'une
réussite de la consultation se joue pour l'essentiel personne demande à être tenue dans l'ignorance d'un
au moment où le patient ouvre la porte du bureau diagnostic ou d'un pronostic, sa volonté doit être res-
et découvre le praticien. Ensuite seulement, et sous pectée, sauf si des tiers sont exposés à un risque de
la condition d'un ressenti du paléo-cerveau primitif contamination. »
Comment informer en orthopédie et traumatologie 127

Encadré 1 verte du dommage ou à sa demande expresse lors


d'un entretien au cours duquel la personne peut
La loi du 4 mars 2002 relative se faire assister par un médecin ou une autre per-
aux droits des malades et à la qualité sonne de son choix. »
du système de santé dite loi Kouchner Article L. 1111–2 : « En cas de litige, il appartient au
Article L.  1141–2  : « Toute personne a le droit professionnel ou à l'établissement de santé d'appor-
d'être informée sur son état de santé. Cette ter la preuve que l'information a été délivrée à l'inté-
information porte sur les différentes investiga- ressé dans les conditions prévues au présent article.
tions, traitements ou actions de prévention qui Cette preuve peut être apportée par tout moyen. »
sont proposés, leur utilité, leur urgence éven-
tuelle, leurs conséquences, les risques fréquents
ou graves normalement prévisibles qu'ils com- Application pratique des textes
portent ainsi que sur les autres solutions pos-
sibles et sur les conséquences prévisibles en cas
Les auteurs de l'information
de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution Dans le cas particulier de l'indication opératoire en
des investigations, traitements ou actions de chirurgie orthopédique, c'est bien sûr au chirurgien
prévention, des risques nouveaux sont identifiés, orthopédiste qu'il revient d'informer le patient et ulté-
la personne concernée doit en être informée, rieurement d'apporter la preuve qu'il a bien rempli
sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette cette part du contrat [1, 15].
information incombe à tout professionnel de Nous prendrons pour exemple la réalisation d'une
santé dans le cadre de ses compétences et dans prothèse de hanche en chirurgie programmée : l'infor-
le respect des règles professionnelles qui lui sont mation est donnée par le chirurgien orthopédiste lui-
applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité même (et non pas par une infirmière ou une secrétaire)
d'informer peuvent l'en dispenser. Cette infor- lors de « la consultation préopératoire » au cours de
mation est délivrée au cours d'un entretien indi- laquelle il doit obligatoirement examiner le patient
viduel. La volonté d'une personne d'être tenue (c'est-à-dire procéder à l'examen clinique qui com-
dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pro- prend l'enquête anamnestique et l'examen physique
nostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers proprement dit) et prescrire ou analyser un nombre
sont exposés à un risque de transmission. Les minimum d'examens d'imagerie ou biologiques avant
droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle de porter l'indication opératoire proprement dite. En
mentionnés au présent article sont exercés, selon cas de litige, il est hélas encore fréquent (et regrettable)
les cas, par les titulaires de l'autorité parentale que l'expert constate que l'indication a été portée sans
ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l'information qu'aucun examen clinique n'ait été réalisé, parfois
prévue par le présent article, sous réserve des aucune radiographie étudiée, ce qui renseigne immé-
dispositions de l'article  L.  1111–5. Les intéres- diatement le juge sur la qualité de l'information…
sés ont le droit de recevoir eux-mêmes une infor- Ensuite, le patient est pris en charge par une équipe
mation et de participer à la prise de décision les pluridisciplinaire successive ou concomitante : chacun
concernant, d'une manière adaptée soit à leur des praticiens (chirurgien, anesthésiste) est légalement
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degré de maturité s'agissant des mineurs, soit tenu d'apporter une information au patient dans son
à leurs facultés de discernement s'agissant des domaine, qu'il soit prescripteur ou exécutant. Il est
majeurs sous tutelle. ». important qu'une coordination se mette en place au
Article L.  1144–4  : «  Toute personne victime sein de l'équipe médicale afin, d'une part, que l'en-
ou s'estimant victime d'un dommage imputable semble des informations soit transmis à l'ensemble de
à une activité de prévention, de diagnostic ou l'équipe et que, d'autre part, il existe un échange entre
de soins, ou ses ayants droit si la personne est les constatations de chacun des intervenants [16].
décédée ou le cas échéant son représentant légal, Ainsi, les risques encourus au cours de l'intervention
doit être informée par le professionnel, l'établis- doivent être annoncés par le chirurgien orthopédiste et
sement de santé, les services de santé ou l'orga- les risques inhérents à la prise en charge anesthésique
nisme concerné sur les circonstances et les causes par le médecin anesthésiste. Cette prise en charge glo-
de ce dommage. Cette information lui est délivrée bale est clairement rappelée dans l'article 64 du Code
au plus tard dans les 15 jours suivant la décou- de déontologie médicale [3] : « Lorsque plusieurs
128 P. GLEYZE, H. COUDANE

médecins collaborent à l'examen ou au traitement avec leur fréquence de survenue, leurs modalités thé-
d'un malade, ils doivent se tenir mutuellement infor- rapeutiques, leur évolution habituelle, la possibilité de
més ; chacun des praticiens assume ses responsabilités séquelles, etc. » [1, 15].
personnelles et veille à l'information du malade. » Si l'on reprend l'exemple d'une prothèse totale de
hanche, l'information doit porter sur les risques de :
blessure vasculaire, lésion nerveuse, fracture, mal-
Le(s) destinataire(s) de l'information position prothétique, maladie thromboembolique,
Le destinataire de l'information est le patient lorsqu'il infections nosocomiales, saignement, hématome, com-
est en état de la recevoir et d'exprimer sa volonté. À plications cardiaques ou respiratoires (pouvant entraî-
défaut, le médecin peut se retourner vers un proche ou ner la mort), hépatites transfusionnelles, luxation,
vers son entourage (art. 34, 35 et 36 du Code de déon- escarres…
tologie) ou avoir recours à la personne de confiance, Dans les complications tardives, il faut particulière-
correspondant à un « interlocuteur nouveau » (art. 11 ment insister sur la possibilité de l'« usure » et de la
de la loi du 4 mars 2002 et art. L. 1111–6 du Code de « fracture de la prothèse » qui, qu'elle qu'en soit la
la santé publique). cause (vice de pose ou défaut de fabrication), peut
Il existe des cas particuliers que nous verrons plus entraîner la mise en jeu de la responsabilité du chirur-
loin : l'urgence, le patient mineur, le patient privé de gien qui a réalisé l'intervention.
liberté, le patient sous une mesure de sauvegarde de Il ne faut pas occulter non plus le risque « mortel »,
justice. tout comme les risques « moindres » mais dont la
répercussion fonctionnelle peut être ressentie comme
un véritable handicap (inégalité de longueur par
Quand et comment informer ? exemple).
L'information doit être donnée au calme, au cours La Haute Autorité de santé (HAS) recommande que
d'un entretien individuel (art. L. 1111–2 de la loi du le contenu de l'information sur les complications soit
4 mars 2002), dans un lieu adéquat (bureau de consul- basé sur des données validées (par la SOFCOT par
tation), et surtout à distance « raisonnable » de la date exemple), mais demande aussi de privilégier la pré-
prévue pour la prothèse totale de hanche. sentation des bénéfices attendus de l'intervention par
Ce délai « raisonnable » n'est pas normé mais peut rapport à ses risques [4].
être considéré comme devant être de l'ordre de 4 à Enfin, l'information doit rester compréhensible, ce
8 semaines. qui pose le problème du niveau de compréhension des
L'information ne prend pas fin à l'issue de la consul- patients [6] et en particulier des patients étrangers et
tation, elle doit être continue, permanente et répétée, des « malentendants ».
en particulier en cas de complications secondaires ou
d'événements indésirables [7, 8, 15].
La preuve de l'information :
Le contenu de l'information : elle revient au chirurgien
une source de conflit Preuve, présomption, témoignage

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Si l'on reprend l'exemple de la prothèse de hanche, les Il existe sur le plan juridique trois moyens de démon-
trois degrés de l'information à délivrer peuvent être trer la réalité de l'information : la preuve, la présomp-
schématisés ainsi [4] : tion et le témoignage [7, 17].
• l'information générale sur la pathologie, le dia- La présomption est ce que les juges et experts pour-
gnostic et les différentes méthodes thérapeutiques raient retenir à la lecture du dossier du patient et qui
(1er  degré) ; montre que l'information a été bien exécutée même
• l'information sur la nature exacte du geste opéra- s'il n'existe pas de consentement éclairé signé. Ce peut
toire et ses conséquences (2e  degré) ; être :
• l'information sur les bénéfices et les risques des dif- • une information sur le risque de complications,
férentes méthodes thérapeutiques parfois résumée sous donnée à telle date et sous telle forme (en précisant
le terme de balance risques/bénéfices, et en particulier par exemple « dans le cadre d'un entretien de consul-
ceux de l'opération proposée (3e degré). tation », « sur des supports complémentaires remis »,
Les risques les plus fréquents, mais surtout les plus etc.) ;
graves, même exceptionnels, ainsi que les complica- • des courriers adressés aux correspondants médecins
tions « normalement prévisibles, devront être décrits et faisant mention de la déclinaison de l'information.
Comment informer en orthopédie et traumatologie 129

Une mention précisant que ceux-ci ont été dictés L'usage de documents d'information référencés, vali-
devant le patient et remis à ce dernier est un élément dés par des experts, établis avec le concours de sociétés
de preuve intéressant ; savantes et reprenant point par point les thèmes obli-
• des brochures informatives remises au patient ; gés de l'information préopératoire (cf. infra la consul-
• voire une citation de témoins « impartiaux » sur le tation informative) permet de compléter utilement
comportement habituel du chirurgien à la fois dispo- l'information orale (voir annexe 1) [4, 19].
nible et communicatif. Ces documents doivent faire l'objet d'une actualisa-
Toutefois, aucun de ces éléments ne fait intervenir tion fréquente, car toute fiche qui serait non conforme
directement le patient et n'aura donc jamais la même aux données acquises de la science orthopédique
valeur d'engagement que la signature d'un formulaire pourrait susciter la poursuite tant civile que pénale
de reconnaissance d'information (attestation d'infor- des rédacteurs, des diffuseurs et/ou des utilisateurs.
mation) et/ou de consentement éclairé, à la condition Ceci reviendrait en effet à dispenser une information
expresse que ces derniers aient été librement obtenus inexacte, sauf à considérer que l'utilisateur la corrige
dans les conditions optimales et démontrant clairement verbalement et de façon manuscrite.
que le délai de réflexion a été respecté (fourni à la date
de la consultation « informative » et signé à une date
ultérieure).
L'évaluation de la qualité
Le consentement éclairé peut reprendre les formula- de l'information
tions de la loi et du Code de déontologie (« j'ai bien
Elle peut s'envisager à trois niveaux : celui du patient,
bénéficié d'une information loyale, claire et appropriée,
celui des praticiens et celui des juges.
etc. »). Son principe est de préciser de manière « géné-
rique » les attendus de la loi (« j'ai bien bénéficié d'une
information dont le contenu correspond aux recom- Évaluation par le patient
mandations, dans des conditions appropriées, avec un Les travaux sur le sujet sont rares. Giraudet-Lequintrec
délai de réflexion raisonnable et ce document en atteste, et al. [20] ont montré toute l'ambiguïté des comporte-
etc. »). ments des patients « souhaitant être informés de tous
Mais un consentement éclairé ne peut être consi- les risques sans pour autant être inquiétés ».
déré que comme un énoncé de principe validé par le Une information parcellaire (type résumé d'infor-
patient car il ne peut pas, contrairement à une attes- mation recto verso) peut avoir un impact négatif sur
tation d'information citant des documents référencés, la relation avec le praticien, car elle génère spontané-
apporter la preuve du contenu de l'information four- ment de la défiance (49 % des cas) [13]. Ceci est dû
nie ni donner la traçabilité des conditions de cette au fait que si l'on ouvre les portes de la réflexion au
information. patient et que celui-ci, une fois seul, ne peut avoir de
La conjonction d'un document signé et d'un faisceau réponses à des interrogations et des inquiétudes ini-
d'éléments indiquant une « ambiance » de pratique tiées par ce début de connaissance, celles-ci deviennent
informative représente le « maximum » que le praticien vite incontrôlables, en particulier si elles sont associées
peut fournir comme éléments de preuves [7, 8, 17, 18]. à des recherches personnelles non encadrées (Internet,
les voisins, certains confrères…).
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Une information « exhaustive », telle que recom-


Aspects réglementaires mandée, en particulier sur les risques, pourrait
Le 25 février 1997, la 1re chambre civile de la Cour paraître « répulsive » à des patients effrayés par le
de cassation renverse la charge de la preuve dans le risque de complications. Ceci s'explique par un défaut
célèbre arrêt Hedreul/Cousin et impose l'obligation de de connaissance et de compréhension du patient (sur
la preuve de l'information au médecin, qui peut l'exé- l'anatomie, la technique opératoire, les facteurs de
cuter néanmoins par tout moyen, notion reprise par la risque associés, etc.) ainsi que des conditions inadap-
loi du 4 mars 2002 dans l'article L. 1111–2 du Code tées de prise de connaissance de cette information
de la santé publique. (consultation orale ne permettant pas la compréhen-
L'incitation au recours de la preuve écrite et signée est, sion et la mémorisation des données). Il a en effet été
dans ce contexte, assez forte considérant qu'elle permet : démontré qu'une information proche de l'exhaustivité,
• une traçabilité médico-légale ; à la condition qu'elle soit réellement assimilée, sécurise
• et également, en cas d'attestation précisant le docu- le patient (les risques sont identifiés au mieux), aug-
ment d'information utilisé, de faire la preuve du mente sa confiance dans le praticien (qui connaît et
contenu de l'information. anticipe les risques), y compris en cas de survenue de
130 P. GLEYZE, H. COUDANE

complications (il saura quoi faire) et rend le patient dire, en clair, le dossier médical dont la constitution
plus actif dans le processus de soins [13]. et la tenue revêtent un caractère réglementaire [1,
L'application des recommandations en matière 4, 7–9, 15, 17, 21]. Le patient a désormais un accès
d'importance du contenu de l'information et de sa direct à son dossier médical (art. L. 1111–7 du Code
compréhension est impossible en pratique orale exclu- de la santé publique) : il y cherchera (comme l'expert)
sive (il faudrait 3 heures d'entrevue pour une prothèse parfois vainement la notion de traçabilité de l'infor-
de hanche) [13, 19], ce qui oblige à la compléter par mation… Nous reviendrons sur ce point.
des supports destinés à prolonger la consultation, à Deux techniques d'indemnisation sont possibles :
condition que ceux-ci soient validés et maîtrisés par • dans un premier cas, le patient recherche l'indemni-
le praticien. sation globale du préjudice ;
Lors du congrès de la SOFCOT en 2000, Savornin • dans le second, il recherche l'indemnisation du pré-
et al. [21] rapportaient que la moyenne des informa- judice né du défaut d'information par l'application de
tions assimilées par une série d'opérés concernant les la théorie de la perte de chance, qui a tendance à pros-
complications chirurgicales détaillées lors des consul- pérer à partir du moment où les autres moyens sont
tations préopératoires était seulement de 28 % lors inefficaces.
de la première consultation postopératoire, ce qui Ainsi dans le contexte actuel, le dossier médical ne
confirme les travaux de Ghrea, Dumontier et al. [22]. peut plus se contenter d'être un élément nécessaire au
Lors du meeting de l'AAOS en 2002, il était indiqué suivi médical des patients. Les pièces qu'il contient, et
que ce taux de complications mémorisées n'était que sur lesquelles nous reviendrons, doivent pouvoir un
de 37 % dans l'étude anglaise de Zubairi et al. [23]. jour servir à son information, à apporter la preuve que
Enfin, l'étude canadienne de Mohamed et al. [24] l'information a bien été donnée, ou à justifier le fait
indiquait que 45 % des patients ayant participé à une que l'information n'a pas été donnée.
très sérieuse étude randomisée étaient incapables de
décrire les risques qui leur avaient été présentés orale- Cas particuliers
ment et par écrit.
Les risques nouveaux identifiés
L'article L. 1111–2 du Code de la santé publique
Évaluation des pratiques professionnelles prévoit que « lorsque, postérieurement à l'exécution
Dans le cadre de sa mission d'évaluation des pratiques des investigations, traitements ou actions de préven-
professionnelles, la HAS qui recommande « la mise en tion, des risques nouveaux sont identifiés, la personne
place d'une évaluation régulière des pratiques fondée concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossi-
sur des enquêtes auprès des patients afin de savoir si bilité de la retrouver ».
une information leur a été donnée et de quelle manière La loi ne donne aucun délai de prescription de cette
et sur l'analyse rétrospective des dossiers médicaux obligation et oblige, par là, à assurer un véritable sys-
afin de vérifier que l'information y figure ». tème de veille, de traçabilité et de suivi qui prend toute
L'information des patients est obligatoire mais elle sa valeur dans le suivi des dispositifs médicaux (c'est-
n'est certainement pas effectuée par tous [5–8, 12]. à-dire des prothèses).
Les avocats le savent et en cas de plainte pour une

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complication, ils recherchent toujours un défaut dans
l'information : « Vous verrez, c'est le meilleur moyen Les dérogations à l'obligation
de gagner à tous les coups ! », disent-ils aux patients. de l'information
Elles sont restrictives. Traditionnellement et juridique-
ment (art. 16.3 du Code civil) :
Évaluation par les juges : la « réparation • en cas d'urgence absolue qui vise les cas où l'état du
du défaut d'information » patient rend nécessaire une intervention à laquelle il ne
Lorsque le médecin ne satisfait pas à son obligation, le peut consentir. C'est schématiquement la prise charge
patient peut demander réparation du préjudice qui est en « urgence » Il faut cependant veiller à informer pour
né du défaut d'information, exclusivement au civil car une intervention « en urgence différée » ;
le défaut d'information n'est pas (encore) une infrac- • en cas d'impossibilité (malade inconscient, patient
tion pénale. Même si l'avis de l'expert ne s'impose pas présentant des troubles cognitifs, etc.) ;
au juge, ce dernier suivra en règle générale les conclu- • en cas de refus du patient d'être informé ;
sions de l'expertise judiciaire qui s'attache à analyser • en cas d'exceptionnelle nécessité estimée par le
les pièces et documents médicaux d'origine, c'est-à- chirurgien.
Comment informer en orthopédie et traumatologie 131

Cas particuliers codifié. S'obliger à réaliser des mobilisations lentes


lors de l'examen clinique, afin de transformer le senti-
Pour les mineurs, les chirurgiens pédiatres connaissent ment potentiel d'agression en un ressenti de soin et de
la difficulté de l'information, en particulier chez les bienveillance [27].
adolescents qui peuvent la comprendre mais qui ne • Donner une première information au patient, en
désirent pas forcément la partager avec leurs parents. individualisant clairement les sujets déontologique-
C'est en principe avec la personne titulaire de l'auto- ment et médico-légalement obligés [4] :
rité parentale qu'il faut résoudre ce problème, ce qui – Quel est l'organe concerné et à quoi sert-il ?
n'est pas simple dans le cas de couples séparés, de – Quelle est son affection ?
familles recomposées, etc. [16, 25]. – Pourquoi faut-il l'opérer ?
Pour les patients sous mesure de sauvegarde de jus- – Quelles sont les alternatives thérapeutiques ?
tice c'est avec, selon les cas, le curateur ou le tuteur – Comment se passera l'opération si elle a lieu ?
qu'il faut partager l'information. – Quels sont ses risques et complications ?
– Quelle est la vie après l'opération ?
Éléments de réalisation pratique • Ouvrir un questionnement encadré (« vous devez
vous demander… »), puis libre.
Consultation orale
Les supports de contenus
Gestion du temps complémentaires à l'oralité
L'attente ne doit pas être passive mais active (mise
Compte tenu de la quantité d'informations à délivrer, des
à disposition de revues, etc.). La salle d'attente doit
conditions de la communication de l'information et des
refléter au mieux les éléments de réassurance commu-
capacités de mémorisation du patient, il doit être acquis
nautaires attendus par le patient : campagnes de pré-
que l'entretien oral ne suffit en aucun cas à remplir les
vention, annonces de congrès, etc.
conditions de l'application de la loi [5, 8, 13, 19–24].
La salle de consultation doit aussi valoriser le service et
Les supports suivants sont donc incontournables :
le praticien (communications scientifiques, posters, etc.).
• feuille de papier annotée, observation manuscrite
C'est l'attente qui conditionne le ressenti de la consul-
(personnalisation) ;
tation. Le patient perd sa quiétude après 45 minutes
• textes et illustrations complémentaires en support
d'attente, puis devient progressivement agressif, ce
papier ou électronique ;
qui va altérer ses capacités de compréhension et de
• supports en ligne : ils sont incontestablement l'avenir
jugement [26].
mais leurs contenus, usages et modes de communica-
La durée attendue d'une consultation, en particulier
tion doivent encore être encadrés au mieux, en particu-
par les juges, est de 20 minutes au moins. Il est difficile
lier par les pouvoirs publics [6, 28, 29]. La charte HON
de déterminer la part qui doit être consacrée au temps
(health on net) est limitée en nombre de critères d'éva-
de l'information par rapport à celle de la prestation
luation et la multitude des sites à contrôler ne permet
diagnostique et thérapeutique, la plus attendue par le
plus, désormais, un encadrement adapté. Le site d'in-
patient. Un court exposé oral, reprenant les thèmes
formation de la SOFCOT possède un espace « grand
obligés de l'information, complété par des documents
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public » permettant une information générale sur les


remis adaptés semble être le meilleur compromis.
opérations et sur notre profession et doit être utilisé ;
• sites Internet individuels ou de cabinets permettant
Proposition de conduite pratique à chaque praticien de donner des informations « géné-
d'une consultation (figure 10.1) riques » sur son exercice. La parfaite connaissance du
• À l'entrée du patient dans la pièce : soigner l'instant livre blanc du Conseil nationale de l'Ordre des méde-
du premier contact visuel [14], montrer que l'on n'est cins (CNOM) sur le sujet [29], bienveillant et très pra-
là que pour lui. tique, est indispensable.
• En début d'interrogatoire  : s'obliger à regarder le
patient dans les yeux pour une durée de 2 à 3 secondes Formalisation de la procédure
afin de faire immédiatement la démonstration d'un
intérêt profond et humain pour l'entité qu'il consti-
d'information (figure 10.2)
tue [14, 27]. • Site Internet pour le praticien, cabinet, établisse-
• Collecter les données utiles à la prise en charge ment, présentant, par exemple, un résumé succinct des
médicale : interrogatoire précis, examen clinique opérations proposées ; il doit comporter la mention
132 P. GLEYZE, H. COUDANE

Pensées «subliminales» : Je veux/ne veux pas être opéré Mon avenir travail/loisir? Le risque? Quelle heure est-il? Oui mais c’est un accident de travail!
LE PATIENT

IMPACT
Positif : Il est bien Il sait Il me respecte Oui c’est cela Oui mon problème est...
Négatif : Il ne me plaît pas Il n’est pas sûr Il m’agresse Il ne s’occupe pas de moi Je ne peux pas dire

FORMULATIONS : Bonjour ..... ..... Comment... Oui mais...

CONTACT INTERROGATOIRE EX. CLINIQUE INFORMATION ECHANGE

ACTIONS CLÉS : DISPONIBLE 2sec dans les yeux RALENTIR Passion MONTRER INTÉRÊT
LE PRATICIEN

FORMULATIONS : Bonjour, Quel âge, etc... Allongez-vous Votre organe, 1.Vous vous demandez peut être si...
Installez-vous Votre atteinte 2. Avez-vous des questions particulières?
Les alternatives, etc...

IMPACT Il est clair, données Intéressé, j’anticipe ses


Positif : Agréable cohérentes Cohérent questions Questions logiques et adaptées
Négatif : Désagréable Il ne répond pas/ Il projète ses symptômes Il n’écoute/ n’entend pas Que veut-il? Où est la face cachée?
pas clair
Pensées «subliminales» : Quelle heure est-il? Je passe un bon/mauvais moment Il faut le dire... Je me contrôle, rester bienveillant

Figure 10.1 Support oral : la consultation soignante, modalités pratiques d'échange des informations.

explicite que cette information est d'ordre général et disponibilité ; il existe désormais des techniques permet-
ne peut se substituer à l'information qui sera donnée tant au chirurgien de s'approprier ou d'apprendre ces
par le praticien en cas de procédure opératoire. notions comportementales nouvelles [14, 27].
• Première consultation orale « informative ». L'information constitue un nouvel état d'esprit qui
• Remise d'un contenu complémentaire d'informa- doit s'adapter aux nouvelles conditions sociétales :
tion sous format papier, électronique ou par un accès cette obligation légale doit devenir une préoccu-
en ligne sur une plate-forme dédiée et sécurisée [6, pation permanente, témoin d'une réelle volonté de
28] et comportant des éléments de démonstration de notre part. Elle impose une nouvelle organisation
la personnalisation de l'information (identifications, et l'exécution de démarches nouvelles qui visent à
attestations, annotations, etc.). obtenir un dossier médical dans lequel tous les élé-
• Signature éventuelle d'une « attestation d'informa- ments constitutifs de l'information ont une place

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tion » ou d'un consentement éclairé. aussi importante que ceux consacrés aux éléments
• Deuxième consultation ou retour de document purement médicaux.
attestant de la bonne prise de connaissance des infor- L'information, c'est aussi un soin à part entière, un
mations et de l'acceptation de l'opération après un soin complexe et particulier car symbolique et emblé-
délai de réflexion « raisonnable ». matique de la valeur humaine, éthique et technique de
• À l'arrivée dans l'unité de soins : assurance que l'en- nos sociétés et de chacun d'entre nous. Le praticien de
semble des équipes médicale et paramédicale connaissent santé ne peut réduire son exercice à l'application tech-
l'information délivrée et n'en divergeront pas. nicienne du soin, mais se doit de préserver son art par
la noblesse, la beauté et l'efficacité de son raisonnement
Conclusions comme de son geste, tout autant que par l'expression
constante de son exemplarité humaine [27, 30].
La pratique de l'information revient fondamentalement, Il n'y a pas de réussite thérapeutique véritable sans
pour la majorité d'entre nous, à un changement de com- réussite morale et affective de la relation entre un soi-
portement : c'est une ambiance en consultation, un par- gnant et un soigné et l'information péri-opératoire y
ler clair et franc, la démonstration d'une plus grande contribue grandement.
Comment informer en orthopédie et traumatologie 133

Figure 10.2 Formalisation de la procédure d'information.

Il ne faut pas avoir peur de cette notion d'informa- [2] Rauch R. Histoire de la santé. Coll Que sais-je ? Paris : PUF ;
tion même si elle a bouleversé nos conditions d'exer- 1995.
[3] Article 35 du Code de déontologie médicale a été modifiée par
cice professionnel et ne pas la réduire à une prévention le décret no 2012–694 du 7 mai 2012.
exclusive d'un risque médico-légal, même si nos assu- [4] HAS. Guide méthodologique : élaboration d'un document
reurs nous y poussent. écrit d'information à l'intention des patients et des usagers du
L'Art du Soin, c'est un Homme meilleur pour des système de santé. Paris : HAS ; 2005.
soins meilleurs [27]. L'homme meilleur se construit [5] Delaunay C, de Thomasson E. Sinistralité en chirurgie ortho-
pédique, état des lieux et perspectives. Rev Chir Orthop 2006 ;
dans l'échange avec l'autre. L'information du patient 92(suppl. no 5) 2S157-2S168.
qui va être opéré en est l'opportunité la plus extraor- [6] Picard R. Rapport Technologies et connaissances en santé.
dinaire mais aussi la plus obligée et la plus efficace No 2012/11/CGEIET/SG. Conseil général de l'économie, de
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qui nous est offerte. Nous n'avons rien à perdre mais l'industrie, de l'énergie et des technologies. Ministère de l'In-
tout à gagner à y consacrer chacun un peu de temps et dustrie déc. 2013.
[7] Hureau J. Le devoir médical d'information, le consente-
d'intelligence [31]. ment ou le refus éclairé. In : Hureau J, Poitout D, editors.
Déclaration de conflit d'intérêt : P. Gleyze est le fon- L'expertise médicale en responsabilité médicale et en répara-
dateur et le gérant de la société d'édition Persomed tion du préjudice corporel. 2e éd Paris : Masson ; 2006. p.
Multimédia Santé dédiée à l'information des patients 171–852e éd.
et éditrice de l'Encyclopédie multimédia des gestes [8] Revol M, Marie Servant M. Manuel de survie du chirurgien.
Montpellier : Sauramps Médical ; 2006.
médicaux et des opérations chirurgicales (appel à pro- [9] Panorama du risque médical. Rapport annuel Groupe
jet e-santé 2 – investissements d'avenir, fonds de soli- MACSF ; nov. 2014.
darité numérique, ministère de la Santé). [10] Debru A. La source Hippocratique, continuité et création éthique.
In : Hirsch E, editor. Dir. Traité de bioéthique. Érès ; 2010.
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5 mars 2002. p. 4118. tor. Rapport Technologies et connaissances en santé.
134 P. GLEYZE, H. COUDANE

No 2012/11/CGEIET/SG. Conseil général de l'économie, information du patient, consentement, réparation. In : Reprises


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des niveaux de preuve de l'information préopératoire des patients 2e partie. Cahiers du Cercle Nicolas Andry 2010 ; no 4 : 191–
selon différentes méthodologies et supports. Experts 2008 ; 79 : 217.
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Comment informer en orthopédie et traumatologie 135
Annexe 1 Exemple de document remis de référence sur la prothèse totale de hanche.
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136
P. GLEYZE, H. COUDANE
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Comment informer en orthopédie et traumatologie 137
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139

Facteurs de risque infectieux


liés à l'hôte en chirurgie
arthroplastique
S. MARMOR, Y. KERROUMI
S. Marmor

Résumé risque infectieux. Le dépistage et la préparation préopératoire


sont multidisciplinaires mais doivent également impliquer le
Tous les patients ne sont pas égaux face au risque d'infection patient. L'information du patient doit être adaptée à son profil
postopératoire, que ce risque soit lié à l'environnement ou aux de risque infectieux. Cette mise au point passe en revue tous les
caractéristiques du patient. Les facteurs de risque infectieux facteurs de risque infectieux, modifiables et non modifiables, et
liés à l'hôte en chirurgie arthroplastique méritent une attention propose d'adapter la décision thérapeutique au risque infectieux
toute particulière lors de la consultation préopératoire car ils de chaque patient.
pondèrent la décision thérapeutique. Quatre-vingts pour cent
des patients présentent au moins un facteur de risque modi-
fiable d'infection. Ces facteurs de risque doivent dans la mesure Mots clés : Infection. – Prothèse. – Facteur de risque. – Infection
du possible être corrigés en préopératoire afin de mettre le périprothétique. – Chirurgie orthopédique.
patient dans les meilleures conditions possibles et de réduire le

Introduction breux, car ils peuvent concerner le patient (facteur


intrinsèque) ou son environnement (facteur extrin-
L'infection de prothèse articulaire (IPA) est la première sèque) et intervenir dans la période pré-, per- ou
cause d'échec des arthroplasties de genou et la troisième postopératoire.
des arthroplasties de hanche [1]. Elle prolonge la durée Le but de cette étude est de définir les facteurs de
d'hospitalisation de 12 à 20 jours, double le taux de risque d'infection sur prothèse articulaire liés aux
réhospitalisation, nécessite une ou plusieurs réinterven- patients, en distinguant des facteurs de risque modi-
tions et augmente le coût des soins de plus de 300 % [2, fiables et non modifiables. La finalité pratique est
3]. Il s'agit d'une complication redoutable et dévasta- de savoir dépister ces facteurs de risque et, dans la
trice se soldant volontiers par une mauvaise récupéra- mesure du possible, de les corriger en préopératoire
tion fonctionnelle et une qualité de vie médiocre, très ou à défaut, si le risque infectieux semble supérieur au
éloignées du résultat initialement attendu. bénéfice attendu de la chirurgie, savoir renoncer à l'in-
En France, 135 365 prothèses de hanche et 85 569 pro- tervention. Dans tous les cas, l'information du patient
thèses de genou ont été implantées en 2012, avec une doit être adaptée à son profil de risque infectieux.
estimation de 2000 à 2500 cas de prothèse infectée par Si l'implication de certains facteurs de risque est bien
an. La projection du nombre annuel d'arthroplasties démontrée dans la littérature et fait l'objet de recom-
de genou et de hanche aux États-Unis est de 4 millions mandations, le doute persiste pour de n ­ombreux
d'ici 2030 avec une augmentation de 673 % pour les autres facteurs du fait de la rareté des IPA et du
genoux et 174 % pour les hanches entre 2005 et 2030. manque d'études prospectives pertinentes. Compte
Parallèlement, les reprises de prothèses septiques pour- tenu de l'abondance de la littérature et des conclusions
raient avoisiner 35 000 cas par an [4]. parfois contradictoires des études, nous rapporterons
Compte tenu de la gravité des infections de pro- en premier lieu les conclusions des recommandations
thèse articulaire, de nombreuses études ont été françaises ou internationales, à défaut celles des méta-
menées pour identifier les facteurs de risque qui leur analyses, revues de la littérature, rapports de registres
sont associés. Ces facteurs de risque sont très nom- ou études méthodologiquement peu critiquables.

Conférences d'enseignement 2015


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140 S. MARMOR, Y. KERROUMI

Rôle de l'hôte : contrôler plus ou moins et ainsi de réduire le plus pos-


sible le risque d'infection postopératoire.
de la contamination à l'infection Parmi eux, on peut distinguer les facteurs de risque
L'infection est une situation clinique due à la réaction diminuant l'immunité du patient et ceux qui augmen-
de l'hôte en présence de germes pathogènes. Bien que tent l'inoculum bactérien.
l'infection nécessite une contamination par un micro-
organisme, la seule présence de germes n'explique
pas à elle seule l'infection puisque la contamination
Obésité
peut rester sans conséquence clinique, comme on le L'obésité est définie par un indice de masse corporelle
constate au niveau de certains sites physiologiquement (IMC) supérieur à 30 kg/m2. Il faut distinguer l'obé-
contaminés (muqueuse, peau…). sité sévère (35 < IMC < 40) et l'obésité morbide (IMC
Pour qu'un processus pathologique s'engage, une > 40). Bien que cet indice ne distingue pas la masse
perturbation de l'équilibre entre les défenses de l'hôte graisseuse de la masse musculaire, ce qui serait souhai-
et le pouvoir pathogène des bactéries doit s'instau- table, il permet d'établir clairement que l'obésité est
rer. Le passage de la contamination à l'infection est un facteur de risque qui s'explique par un état pro-­
donc un phénomène plurifactoriel, régi par l'équation inflammatoire chronique lié aux produits de dégrada-
d'Altemeier [5] : tion des graisses : les adipokines [8].
Infection = importance de la contamination × viru- L'augmentation du risque infectieux dans cette
lence des germes / résistance de l'hôte population est également liée au syndrome métabo-
Pour diminuer le taux d'infection, il faut agir sur les lique majorant la fréquence du diabète et des maladies
éléments de cette équation : cardiovasculaires (augmentant l'usage d'anticoagu-
• la lutte contre la contamination repose sur les lants et/ou la fréquence des pathologies vasculaires
mesures d'asepsie, la préparation cutanée et le contrôle associées), à la dénutrition ou encore à une antibio-
de l'aéro-contamination [6]. Lorsque les mesures clas- prophylaxie non adaptée au poids.
siques de prévention sont appliquées, cette contami- L'augmentation du temps opératoire majore aussi ce
nation est vraisemblablement marginale ; ceci explique risque : une augmentation de l'IMC de 1 kg/m2 pro-
qu'il est presque impossible d'établir un lien entre longe la durée opératoire d'environ 1 minute [9].
une nouvelle mesure préventive et le taux d'infection ; Au décours d'une arthroplastie de la hanche ou du
l'impact de cette mesure s'évalue de plus en plus par la genou, le taux d'infection est proche de 5 % chez les
présence de germes (contamination) et non par le taux obèses et de 10 % chez les obèses et diabétiques [10]. En
d'infection ; cas d'obésité sévère (IMC > 35), le risque d'infection est
• La résistance de l'hôte est une notion difficile à quan- multiplié par 6,7 pour les prothèses totales de genou (PTG)
tifier. Il faudrait en effet calculer le taux d'infection cli- et 4,2 pour les prothèses totales de hanche (PTH) [11].
nique pour un inoculum bactérien donné, ce qui ne peut L'Association américaine de la hanche et du genou
être fait en dehors d'études expérimentales. Il existe recommande, en cas d'obésité morbide (IMC > 40), de
néanmoins des facteurs liés à l'hôte reconnus pour retarder l'arthroplastie, notamment en cas de comor-
augmenter le risque infectieux. Il faut s'astreindre à les bidités associées [12] et d'attendre une perte de poids
rechercher et les corriger dans la mesure du possible, significative, sachant qu'un amaigrissement modéré

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avec l'espoir de renforcer ses capacités de défense. (5 %) est insuffisant pour diminuer le risque infec-
tieux [13]. Les patients ne perdant généralement pas
Facteurs de risque modifiables de poids après une arthroplastie [14], ceci plaide en
faveur d'un amaigrissement significatif préopératoire.
Une évaluation minutieuse est de règle, comprenant
interrogatoire, examen clinique puis bilan complémen- Diabète
taire préopératoires à la recherche d'une ou plusieurs
comorbidités ou d'un traitement en cours augmentant Le mécanisme de la vulnérabilité des patients diabé-
le risque infectieux. tiques à l'infection est mal connu ; il est très probable-
Quatre-vingts pour cent des patients candidats ment lié au dysfonctionnement des lymphocytes natural
aux arthroplasties présentent des facteurs de risque killer responsables du contrôle de l'infection [15].
modifiables. Les plus fréquents sont l'obésité (46 %), Les patients ayant un diabète méconnu ou une
l'anémie (29 %), la malnutrition (26 %) et le diabète hyperglycémie induite par l'hospitalisation sont égale-
(20 %) [7]. Leur caractère modifiable permet de les ment exposés à plus de complications postopératoires.
Facteurs de risque infectieux liés à l'hôte en chirurgie arthroplastique 141

En effet, le stress de la chirurgie et de l'anesthésie est l'adalimumab (Humira®), le certolizumab (Cimzia®) et


responsable d'une réponse endocrine antagoniste à le golimumab (Simponi®). La reprise de l'anti-TNF, quel
l'insuline et prédispose à l'hyperglycémie [16]. qu'il soit, ne pourra être effectuée qu'après cicatrisation
Les patients diabétiques ont 4 fois plus de risque complète et en l'absence formelle de toute infection. Une
d'infection après une arthroplastie, en particulier si le prudence particulière sera de mise en cas de remplace-
diabète est déséquilibré [17]. ment prothétique.
Lors des arthroplasties chez le diabétique, l'Associa-
tion américaine du diabète recommande de : stabiliser
les paramètres glycémiques (HbA1c < 7,0 %, glycémie
Intoxication tabagique
à jeun 980 à 130 mg/dL et postprandiale < 180 mg/dL), Le tabac contient plus de 4000 produits chimiques qui
programmer tôt ces patients dans la journée, reporter compromettent la consolidation osseuse et la cicatri-
l'intervention si l'équilibre glycémique n'est pas satis- sation. Chaque cigarette fumée équivaut à 2 à 3 g de
faisant et prendre en charge les comorbidités connues nicotine et 20 à 30 mL de monoxyde de carbone [24].
ou découvertes lors du bilan préopératoire [16]. La consommation de tabac modifie l'hémostase,
l'inflammation et l'oxygénation tissulaire induisant
Polyarthrite rhumatoïde hypoxie, nécrose et infection [25].
Le risque infectieux est doublé chez les fumeurs. Ce
et ses traitements risque est réversible en cas de sevrage tabagique et
La vulnérabilité à l'infection des patients ayant une diminue d'autant plus que le délai d'interruption est
arthrite rhumatoïde (AR) est due à la maladie elle- plus long : un arrêt du tabagisme 6 à 8 semaines avant
même et à ses traitements. Leur taux d'infection pos- l'intervention fait disparaître le risque de complica-
topératoire est de 3,7 % [18], le risque infectieux tions. Ce sevrage doit être prolongé jusqu'à 3 mois si
augmentant probablement avec la durée d'évolution une consolidation osseuse est attendue [24, 26].
de la maladie, son absence de contrôle et l'utilisation
d'une biothérapie [19]. Dénutrition
La gestion péri-opératoire des traitements médica-
menteux de l'AR doit être évaluée en partenariat avec La dénutrition est un facteur d'immunodépression et de
le rhumatologue et l'anesthésiste. retard de cicatrisation expliquant des suites plus difficiles
Les corticoïdes augmentent le risque infectieux et ce après une arthroplastie. Elle est fréquemment observée
risque est dose-dépendant. Si une faible dose de predni- chez les patients diabétiques, obèses, âgés et alcooliques,
sone (< 10 mg/j) augmente modérément le risque infec- en cas de pathologie digestive ou de cancer.
tieux [20], a contrario une dose supérieure à 10 mg/j Le diagnostic de dénutrition repose sur un faisceau
l'augmente d'un facteur de 4 à 7. Il paraît donc raisonnable d'arguments clinico-biologiques et doit être suspecté
d'attendre que la dose de corticostéroïde efficace soit la devant un IMC inférieur à 17, un taux d'albumine
plus faible possible et au mieux inférieure à 10 mg/j [21], sérique inférieur à 35 g/L et un taux de lymphocytes
voire à 5 mg, avant d'envisager une arthroplastie. inférieur à 1500/mm3.
Le méthotrexate n'augmente pas le risque d'infection L'optimisation du statut nutritionnel permet de
et ne doit pas être arrêté en péri-opératoire ; les don- réduire le risque infectieux [27, 28].
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nées sont plus limitées pour le leflunomide (Arava®),


l'hydroxychloroquine (Plaquenil®), la sulfasalazine Anticoagulants
(Salazopyrine®) et l'azathioprine (Imurel®) [22].
Les traitements ciblant le tumor necrosis factor-alpha La gestion de l'anticoagulation péri-opératoire
(traitements anti-TNF) ont révolutionné le traitement est une réelle difficulté en orthopédie, la marge de
des pathologies auto-immunes et auto-inflammatoires. manœuvre entre risque thromboembolique et risque
La gestion des traitements anti-TNF-α a fait l'objet ­hémorragique étant très étroite.
d'une recommandation de la Haute Autorité de santé L'anticoagulation est un facteur de risque indirect
(HAS) [23] et de fiches pratiques éditées par le Club d'infection car elle majore le risque de saignement,
Rhumatisme Inflammation (www.cri-net.com). Compte d'anémie, de transfusion, d'hématome, d'incident
tenu de leurs demi-vies respectives, il est recommandé, en cicatriciel et ainsi d'infection. La balance bénéfice/
chirurgie programmée, de stopper ce traitement au moins risque d'une anticoagulation efficace péri-opératoire
15 jours avant l'intervention pour l'étanercept (Enbrel®), doit être évaluée au cas pas cas avec l'anesthésiste et
et au moins 4 semaines pour l'infliximab (Remicade®), d'autres intervenants éventuels [29, 30].
142 S. MARMOR, Y. KERROUMI

Anémie L'évaluation de l'immunodépression est cependant


nécessaire avant d'envisager une arthroplastie : elle
Le risque infectieux est accru en cas d'anémie préo- est contre-indiquée si les lymphocytes T CD4+ sont
pératoire. Celle-ci augmente le risque de transfusion inférieurs à 400/mm3 (ou < 20 %) ou la charge virale
sanguine homologue, donc d'infection. supérieure à 50 copies/mL [38]. En cas d'intervention,
La cause de l'anémie doit être recherchée et traitée il faut autant que possible ne pas interrompre le traite-
en préopératoire [31]. ment antirétroviral [39].

Statut socio-économique Infection bactérienne à distance


Un bas niveau socio-économique est associé à une aug- L'existence d'une infection bactérienne évolutive cuta-
mentation du risque infectieux. Ceci s'expliquerait par née, urinaire, digestive, pulmonaire, dentaire… sur un
la fréquence des pathologies associées (dénutrition, autre site au moment et après de la pose de la prothèse
tabagisme) et autres comorbidités [31]. est un facteur de risque d'infection [40]. Une diffusion
hématogène est retrouvée dans environ un tiers des
Mauvaise hygiène corporelle IPA [41].
Il s'agit essentiellement d'infections staphylococ-
Elle favorise la prolifération des agents pathogènes à la ciques et streptococciques, plus rarement à bacilles
surface de la peau et des muqueuses, facteur reconnu à Gram négatif. La porte d'entrée est souvent cuta-
d'infection. Les mesures d'hygiène élémentaires (lavage née. Les chambres à cathéter implantable sont un
des mains, toilette quotidienne…) sont un moyen de foyer infectieux potentiel, elles doivent être retirées
prévention des plus efficaces. lorsqu'elles ne sont pas utilisées.
Le dépistage et le traitement des foyers infectieux
Alcoolisme préopératoires sont nécessaires mais également pen-
dant toute la vie du patient afin de limiter le risque
Les patients alcooliques présentent plus de complica-
d'infection secondaire par diffusion hématogène ou
tions postopératoires, encore que peu d'études sur ce
par contiguïté.
sujet soient disponibles en orthopédie [32]. La période
Le patient doit donc être informé et éduqué pour
de sevrage optimale préopératoire est inconnue, mais
organiser cette prévention qui repose sur une bonne
4 semaines d'abstinence semblent nécessaires pour
hygiène de vie et le traitement sans délai de tout foyer
diminuer les conséquences néfastes de la consomma-
infectieux symptomatique.
tion d'alcool. Même si le bénéfice d'un sevrage chez
les patients non dépendants est inconnu, une réduction
de la consommation d'alcool avant arthroplastie est
recommandée [33].
Infections bucco-dentaires
La relation entre les foyers infectieux bucco-dentaires
Drogues intraveineuses et les IPA est difficile à établir car la preuve bactério­
logique d'une même bactérie sur les deux sites manque
Décider une arthroplastie chez un toxicomane est dif- souvent [42].

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ficile, le taux d'infection étant particulièrement impor- Le risque de bactériémie d'origine dentaire étant aug-
tant dans cette population (25 %). Son bénéfice doit menté chez les patients dont l'hygiène bucco-dentaire
être soigneusement évalué. est déficiente, le dépistage des foyers infectieux den-
Il faut sans doute distinguer les patients aux antécé- taires reste recommandé avant une arthroplastie (bilan
dents anciens de toxicomanie de ceux non sevrés ou à clinique et examen radiographique panoramique).
risque de rechute important [34, 35]. Les traitements locaux destinés à assainir la cavité
buccale doivent être entrepris au plus tôt de façon à
Infection par le VIH ce que la cicatrisation muqueuse soit acquise avant
l'implantation prothétique, sachant qu'après une avul-
L'avènement de la trithérapie a considérablement sion dentaire, la cicatrisation muqueuse nécessite une
modifié le pronostic des patients séropositifs. À l'heure durée minimale d'une semaine et doit être contrôlée
actuelle, leur risque infectieux après arthroplastie est cliniquement [43].
identique ou modérément augmenté par rapport à Chez le sujet porteur d'une prothèse articulaire,
celui de la population générale [36, 37]. la fréquence du suivi bucco-dentaire est identique
Facteurs de risque infectieux liés à l'hôte en chirurgie arthroplastique 143

à celle recommandée pour la population générale, estimation diagnostique d'infection du site opératoire
c'est-à-dire annuelle. Dans cette population, le risque (ISO), la symptomatologie infectieuse étant moins évi-
infectieux lié aux actes pratiqués en cabinet den- dente chez les sujets âgés [48].
taire doit être relativisé. Il existe en effet beaucoup
plus de bactériémies induites par les actes de la vie
quotidienne (brossage dentaire, mastication) que par Sexe
des soins dentaires [43]. Ainsi, l'antibioprophylaxie Les données démographiques suggèrent que le sexe
n'est plus indiquée lorsqu'un geste bucco-dentaire masculin expose à une augmentation du risque
est réalisé chez un patient ayant une prothèse articu- infectieux [31].
laire [44]. En effet, le risque d'IPA n'est pas diminué par
l'antibioprophylaxie et l'analyse des bénéfices/risques
et du coût est en défaveur d'une antibioprophylaxie Prédisposition génétique
systématique [45].
Une prédisposition génétique à l'ISO pourrait exis-
ter, due à une prévalence plus élevée de certains gènes
Lésions cutanées codant des protéines impliquées dans la résorption
Il est important de prendre en compte le nombre et osseuse et un polymorphisme génétique de la réponse
la qualité des cicatrices préexistantes, la présence d'un immunitaire [49, 50]. Il n'existe aucun test de dépis-
lymphœdème, d'une trophicité cutanée médiocre, tage actuellement.
d'une vascularisation altérée ou d'un excès de tissu
adipeux. Néanmoins, l'évaluation du risque infectieux Antécédents locaux
de ces états est subjective.
De toute évidence, les foyers infectieux cutanés évo- Des antécédents chirurgicaux locaux et notamment
lutifs (érysipèle, ulcère ou folliculite) sont une contre- les reprises d'arthroplasties augmentent le risque
indication à une arthroplastie tant que ces lésions ne d'IPA [40, 51, 52], probablement par l'allongement
sont pas cicatrisées, car une infection hématogène ou de la durée opératoire, l'altération des tissus péri-arti-
par contiguïté est possible. Une prise en charge derma- culaires ou la méconnaissance d'une infection. Toute
tologique préalable est nécessaire. reprise d'arthroplastie étant suspecte d'infection, il est
Il semble que l'eczéma et l'intertrigo ne constituent prudent de réaliser systématiquement une documenta-
pas un facteur de risque s'ils sont secs et non infectés ; tion microbiologique.
le risque lié au psoriasis est discuté [46, 47].

Antécédent infectieux sur le site


Facteurs de risque opératoire
non modifiables Il faut distinguer les antécédents infectieux locaux des
Bien qu'ils ne soient pas modifiables, ces facteurs de arthrites infectieuses évolutives qui doivent être dia-
risque sont à prendre en compte pour déterminer le gnostiquées et traitées.
profil de risque infectieux lié au patient. En cas d'antécédent infectieux local, le taux d'infec-
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tion est augmenté de façon inversement proportion-


nelle à l'intervalle libre. Aucune récidive de l'infection
Âge n'était observée par Kim lorsqu'une arthrite acquise
dans l'enfance était guérie depuis plus de 10 ans [53].
Un nombre croissant de patients âgés sont candidats à Le risque infectieux serait plus important en cas d'os-
une arthroplastie prothétique. L'étude de Kaye a mon- téite associée à une arthrite (15 %) qu'en cas d'arthrite
tré que le risque infectieux augmente de 1,1 % par an isolée (4 %) [54].
entre 17 et 65 ans puis diminue de 1,2 % par an après Dans une telle situation, une arthroplastie peut être
65 ans. réalisée, idéalement 2 ans après la guérison de l'in-
Paradoxalement, l'âge élevé serait un facteur pro- fection, en prenant soin de réaliser des prélèvements
tecteur alors que ces patients sont plus fragiles et ont bactériologiques peropératoires, une synovectomie
de multiples comorbidités. Ceci pourrait s'expliquer complète et de prolonger l'antibiothérapie peropéra-
par un facteur génétique de résistance présent chez les toire jusqu'aux résultats définitifs des prélèvements
patients ayant une grande longévité et/ou une sous- bactériologiques [55, 56].
144 S. MARMOR, Y. KERROUMI

Colonisations bactériennes La colonisation urinaire ou nasale apparaît ainsi


comme un facteur de risque infectieux non modifiable
Colonisation urinaire lié à l'hôte. Si un dépistage systématique préopératoire
permettait de définir un profil de risque et d'en infor-
La colonisation urinaire (ou bactériurie asymptoma-
mer le patient, cette attitude économiquement peu
tique) est la présence d'un micro-organisme dans les
justifiée augmenterait le risque d'une antibiothérapie
urines sans manifestation clinique associée. Il n'y a pas
inutile à une époque où l'antibio-résistance est deve-
de seuil de bactériurie sauf chez la femme enceinte et la
nue un péril planétaire majeur.
leucocyturie n'intervient pas dans la définition.
Il s'agit d'une situation de portage (c'est-à-dire sans
manifestation clinique) due à des bactéries commen- Immunodépression due
sales des muqueuses qui auraient un rôle protecteur aux maladies chroniques
vis-à-vis de souches agressives.
Le dépistage systématique d'une colonisation uri- Des états d'immunodépression causés par des maladies
naire était jusqu'à présent source de controverse. Une chroniques telles que l'insuffisance rénale chronique,
étude randomisée a montré que le traitement anti- la cirrhose et les néoplasies méritent une attention
biotique des colonisations urinaires avant PTH ne particulière car elles sont associées à un risque accru
diminue pas le taux d'infection [57]. Une autre étude d'ISO [38]. Les défenses de l'hôte sont diminuées dans
évaluant le risque d'IPA chez les patients avec bactériu- ces pathologies mais il est difficile d'évaluer le niveau
rie asymptomatique a montré que la colonisation uri- d'immunodépression de ces patients.
naire était plus fréquente chez les femmes, les obèses,
les patients ASA 3 et ceux âgés de plus de 71 ans. Une Pathologie rénale chronique,
bactériurie asymptomatique préopératoire ou posto-
hémodialyse et greffe rénale
pératoire précoce augmentait le risque d'IPA, mais le
germe infectant la prothèse n'était jamais identique à Le risque infectieux chez les insuffisants rénaux
celui retrouvé dans les urines et le traitement de ces semble augmenté mais les conclusions des études sont
colonisations ne modifiait pas le taux d'IPA [58]. discordantes [38]. Il n'est pas clairement établi que les
La colonisation urinaire est donc un facteur de risque hémodialysés présentent un risque supérieur aux gref-
d'IPA bien établi, mais les urines ne sont pas la source fés rénaux [62].
de l'IPA. La colonisation urinaire apparaît comme un La vulnérabilité de ces patients serait surtout favo-
marqueur du risque d'IPA. Par conséquent, ni le traite- risée par leurs comorbidités très fréquentes [63], les
ment antibiotique, ni le report de la chirurgie ne sont traitements immunosuppresseurs, l'anémie et l'hypo-
indiqués en cas de colonisation urinaire préopératoire. natrémie secondaires à l'hémodialyse ainsi que la
La Société de pathologie infectieuse de langue fran- défaillance de leur réponse immunitaire masquant les
çaise a récemment recommandé de ne pas dépister les signes cliniques et retardant le diagnostic d'infection.
colonisations urinaires avant la pose de matériel en La décision d'une arthroplastie doit être prise en
chirurgie orthopédique [59]. Les recommandations concertation avec le néphrologue et l'antibioprophy-
internationales conseillent le dépistage et le traitement laxie doit éventuellement être adaptée à la fonction
des infections urinaires uniquement chez les patients rénale.

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présentant une infection symptomatique ou des infec-
tions urinaires récidivantes [33].
Greffe de cellules souches
Les greffes de cellules souches sont de plus en plus uti-
Portage nasal de Staphylococcus aureus lisées dans le traitement des maladies hématologiques.
La littérature est abondante mais discordante sur le L'usage des corticoïdes chez ces patients jeunes, pour
sujet. La méta-analyse de Levy a conclu que le por- traiter la maladie causale ou une éventuelle réaction
tage nasal de Staphylococcus aureus (SA) augmente le du greffon contre l'hôte (GVH), explique la fréquence
risque d'ISO à SA en chirurgie orthopédique mais sans des ostéonécroses nécessitant une arthroplastie.
preuve de l'efficacité de la décontamination chez les Le patient greffé est immunodéprimé la première
candidats à une prothèse articulaire [60]. La Société année  ; l'état de son système immunitaire dépend
française d'hygiène hospitalière a conclu qu'aucune ensuite des traitements ou de l'apparition d'une GVH.
recommandation ne pouvait être faite sur l'intérêt de Malgré une prédisposition à l'infection, les études sont
cette décontamination [61]. discordantes.
Facteurs de risque infectieux liés à l'hôte en chirurgie arthroplastique 145

Dans ces conditions, une arthroplastie peut être réa-


lisée au-delà de la première année suivant la greffe,
Profil de risque infectieux
après évaluation de l'état immunitaire, des traitements et décision chirurgicale
en cours et de la tolérance de la greffe [38]. Tous les patients ne sont pas égaux devant le risque
d'IPA. Le dépistage des facteurs de risque liés à
Cirrhose l'hôte débute lors de la consultation préopératoire
(figure 11.1). Si les orthopédistes sont les premiers
Le risque infectieux majoré des patients cirrhotiques acteurs à dépister et traiter le risque infectieux de leurs
serait dû à l'insuffisance hépatique et à l'altération patients, cette démarche doit s'organiser de façon mul-
fonctionnelle des macrophages impliqués dans la pha- tidisciplinaire, en ayant recours « à la carte » à d'autres
gocytose. La coagulopathie, en augmentant le risque spécialistes.
de saignement peropératoire, d'anémie, de transfusion Le résultat de ce dépistage permet de définir un
et d'hématome postopératoire participe à ce risque profil de risque d'infection et doit s'intégrer dans la
infectieux [38]. discussion avec le patient évaluant les bénéfices, alter-
L'infection est la complication la plus fréquente des natives et risques de l'intervention.
arthroplasties du cirrhotique, d'autant plus que le S'agissant en règle d'une chirurgie fonctionnelle non
patient est plus âgé, thrombopénique, a un score de urgente (en dehors des indications traumatologiques),
Child Pugh élevé (B ou C), des antécédents de décom- la période préopératoire est idéale pour évaluer et cor-
pensation hépatique, de saignement de varices œso- riger les facteurs de risque modifiables, optimiser les
phagiennes ou d'hépatite B. mesures préventives et faire que le patient soit opéré
L'intervention est possible chez les patients jeunes dans les meilleures conditions physiologiques possibles.
Child A sans antécédent de décompensation hépatique L'accumulation des comorbidités augmente le
ou de saignement de varices. Dans les autres cas, la risque infectieux et certains scores permettent de
plus grande prudence est nécessaire [64]. stratifier ce risque. Un score ASA (American Society
of Anesthesiologists) élevé, seule variable du score
Néoplasies NNIS (National Nosocomial Infections Surveillance)
liée à l'hôte [66], augmente le risque infectieux, mais
La présence d'un cancer ou d'une néoplasie métasta- il n'est pas spécifique des comorbidités à potentiel
tique majore le risque infectieux [53, 65]. ­infectieux  [67]. Lai estime que chaque c­omorbidité

Modifiables Non modifiables

Obésité °
Diabète °
Anticoagulation efficace ° ° Âge
Intoxication tabagique ° ° Sexe masculin
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Alcoolisme ° ° Prédisposition génétique


Polyarthrite rhumatoïde ° ° Antécédents locaux chirurgicaux
Anti-TNFα ° ° Antécédents locaux infectieux
Corticothérapie > 10mg/j ° ° Reprise d’arthroplastie
Dénutrition ° ° Colonisation urinaire
Anémie ° ° Portage nasal du Staph Aureus
Bas niveau socio-économique ° ° Immunodépression
Mauvaise hygiène corporelle ° ° Cirrhose
Drogues intraveineuses ° ° Hémodialyse, greffe rénale
Infection VIH non contrôlée ° ° Néoplasies
Infections bucco-dentaires °
Infections bactériennes à distance °
Lésions cutanées °

Figure 11.1 Check-list des facteurs de risque infectieux liés au patient en arthroplastie.


146 S. MARMOR, Y. KERROUMI

○ Facteurs de risque majoritairement non modifiables


Risque ○ Renoncer à l’intervention si le risque infectieux et ses
élevé conséquences sont supérieurs au bénéfice escompté
de l’arthroplastie

○ Facteurs de risque majoritairement modifiables


Risque ○ Correction préopératoire
modéré ○ Report éventuel de l’intervention
○ Information renforcée sur le risque infectieux

○ Absence de facteurs de risque d’infection


Risque ○ Mesures usuelles de prévention
faible ○ Information classique

Figure 11.2 Profil de risque infectieux et attitude thérapeutique.

supplémentaire augmente le risque infectieux de


35 %. Ainsi, si le risque infectieux moyen d'une pro-
Information et implication
thèse est de 1 %, un patient ayant deux comorbidités du patient
aura un risque d'infection de 1,7 % [68]. Bien que ce L'échange singulier avec le patient lors de la consul-
calcul soit facile, il ne comporte aucune pondération tation préopératoire est fondamental. Il permet de le
pour les diverses comorbidités, dont le risque infec- sensibiliser au risque infectieux, à son dépistage et sa
tieux est variable. Le score de la Mayo Clinic [69], en prévention. Il est indispensable d'impliquer les patients
revanche, pondère l'IMC, les antécédents chirurgicaux dans cette démarche afin de les informer, les éduquer et
et d'arthroplastie, l'immunodépression, le score ASA, les responsabiliser vis-à-vis de ce risque. Le surpoids et
la durée opératoire et l'existence d'un écoulement cica- l'intoxication tabagique sont des exemples de facteurs
triciel postopératoire. de risque modifiables liés à la motivation des patients.
Des outils d'évaluation ou d'autoévaluation Un contrat de perte de poids ou de sevrage tabagique
numériques du risque infectieux seront sans doute visant à réduire le risque infectieux peut leur être pro-
disponibles dans les années à venir. Bozic a ainsi déve- posé avant d'envisager une intervention.
loppé une application pour Smartphone intégrant Tout médecin est tenu de délivrer à son patient une
29 comorbidités et données démographiques per- information loyale, claire et appropriée sur les risques
mettant d'estimer le risque infectieux des 2 premières graves afférents aux soins proposés, même si ces risques
années et de mortalité des 90 premiers jours après sont minimes ou exceptionnels. L'information doit donc
l'intervention [70]. être adaptée au profil de risque infectieux du patient et

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Trois groupes de patients peuvent finalement être dis- renforcée si celui-ci est majoré. Puisque la preuve qu'une
tingués selon leur profil de risque infectieux (figure 11.2) : démarche d'information à l'égard du patient incombe au
• risque faible : absence de facteurs de risque d'infec- praticien, sa traçabilité est importante au travers du dos-
tion. Le patient sera opéré en respectant les mesures sier médical, des courriers dictés aux correspondants et/
usuelles de prévention ; ou d'un document signé.
• risque modéré  : un ou plusieurs facteurs de Une notice rédigée par la SOFCOT, Le Lien et
risque, majoritairement modifiables. Ils doivent être Orthorisq1 incite les patients à déclarer 11 situations
corrigés, l'intervention étant au besoin reportée. cliniques susceptibles de majorer le risque infectieux et
L'information du patient sur le risque infectieux sera d'être corrigées en préopératoire.
renforcée ;
• risque élevé : plusieurs facteurs de risque, majoritai-
rement non modifiables. Si le risque infectieux et ses 1
 En ligne : http://www.orthorisq.fr/rc/fr/orthorisq/nws/
conséquences sont supérieurs au bénéfice escompté de News/2012/20120216-095109-883/src/nws_fullText/fr/
l'arthroplastie, il faut renoncer à l'intervention. information%20VF2%20(3)(2).pdf
Facteurs de risque infectieux liés à l'hôte en chirurgie arthroplastique 147

Le risque infectieux étant persistant et évolutif toute [15] Berrou J, Fougeray S, Venot M, et al. Natural killer cell func-
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Surg Am 2003 ; 85-A : 198–204.
149

Nouvelles méthodes
de gestion de la douleur
en chirurgie ambulatoire
M. BEAUSSIER, D. SCIARD, A. SAUTET
M. Beaussier

Résumé cicatricielle ou intra-articulaire occupent également une place


privilégiée. La durée des blocs analgésiques doit être adaptée à
La prise en charge de la douleur postopératoire est un facteur de l'acte chirurgical. La prolongation de la durée d'action des blocs
succès déterminant de la chirurgie orthopédique. Le développe- peut être obtenue par la mise en place de cathéters périnerveux
ment des techniques de chirurgie moins invasives et les progrès continus qui peuvent être gérés à domicile, parfois avec l'aide de
réalisés tant en pharmacologie que dans les techniques d'anal- réseaux infirmiers de ville. Cependant, les adjuvants qui prolongent
gésie locorégionale permettent actuellement de procurer à tous la durée des blocs, comme la dexaméthasone, et la prochaine mise
les patients une analgésie optimale. L'analgésie pour être efficace à disposition d'anesthésiques locaux de longue durée d'action
doit être bien tolérée et facile à gérer au domicile. Le concept vont certainement réduire les indications de cathéters. Les tech-
d'analgésie multimodale assure une bonne efficacité en réduisant niques non médicamenteuses, telles que la cryothérapie, l'hypnose
le recours aux antalgiques morphiniques. Dans ce concept, l'anal- ou l'acupuncture peuvent être envisagées en complément.
gésie locorégionale est la technique de référence, permettant un
contrôle parfait de la douleur, même lors de la mobilisation, et Mots clés : Chirurgie orthopédique. – Ambulatoire. – Douleur
une accélération de la récupération fonctionnelle postopératoire. postopératoire. – Analgésie multimodale. – Analgésie locorégio-
L'usage de l'échographie assure un taux de succès très élevé et per- nale. – Bloc nerveux. – Infiltration locale.
met la réalisation de blocs distaux sélectifs, préservant au moins
en partie la mobilité des membres. Les techniques d'infiltration

Introduction optimal de la douleur postopératoire (DPO) est un fac-


teur déterminant du succès de cette prise en charge [3].
La chirurgie orthopédique réalisée en ambulatoire La chirurgie orthopédique figure parmi les actes les
connaît un essor très important et représente actuelle- plus douloureux pendant la période postopératoire [4].
ment à elle seule 38 % de la chirurgie ambulatoire en La DPO mal contrôlée est source d'inconfort, d'hospi-
France [1]. Certains actes sont déjà majoritairement réa- talisation non prévue, de réadmission, de complications
lisés en ambulatoire, tels que la chirurgie du canal car- métaboliques, de retard à la récupération fonction-
pien, dans plus de 90 % des cas, et les méniscectomies nelle et d'insatisfaction des patients. Ressentie après le
arthroscopiques du genou. Pour d'autres actes, tels que retour au domicile, elle est la plainte la plus fréquem-
la chirurgie arthroscopique de l'épaule et la chirurgie ment exprimée par les patients et la principale cause des
ligamentaire du genou, il existe d'importantes marges échecs de la prise en charge ambulatoire [5, 6].
de progression. Le transfert vers la prise en charge Il existe actuellement de nombreux moyens, phar-
ambulatoire de certaines interventions, notamment macologiques et techniques, qui permettent de pro-
d'actes considérés comme majeurs, est conditionné par curer une analgésie optimale quel que soit le geste
de nombreux facteurs tant organisationnels que médi- chirurgical pratiqué. La stratégie à adopter doit tenir
caux [2]. L'expérience chirurgicale et l'évolution rapide compte du geste opératoire, du patient et de son
des techniques opératoires vers des actes de moins en environnement social, ainsi que du contexte organisa-
moins invasifs y contribuent grandement. Le contrôle tionnel de la prise en charge [7].

Conférences d'enseignement 2015


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150 M. BEAUSSIER, D. SCIARD, A. SAUTET

Analgésie multimodale notable lorsque l'administration est lente [15]. Sa bio-


disponibilité par voie orale est limitée mais son effica-
Les stratégies de prévention et de prise en charge de la cité et sa tolérance sont démontrées [16] ;
DPO en chirurgie ambulatoire ont fait l'objet de nom- • les AINS sont dans ce domaine des antalgiques de
breux travaux [8]. Le principe général, commun à toutes référence. Leur éventuel impact négatif sur la cicatri-
les disciplines, est l'analgésie multimodale, c'est-à-dire sation et la réparation osseuse est discuté mais ne peut
l'association de différentes molécules et/ou techniques, pas, en l'état actuel, justifier de ne pas les prescrire,
intervenant tout le long des voies de conduction de la au moins sur de courtes durées et dans le respect des
douleur, de l'incision cutanée jusqu'aux structures cen- contre-indications et précautions d'emploi [17].
trales d'intégration. Le but est d'obtenir une potentialisa- En cas de douleur modérée à intense, l'admi-
tion de ces techniques les unes par les autres, permettant nistration d'un opiacé peut s'avérer nécessaire.
ainsi d'augmenter leur efficacité, de réduire les doses Le tramadol est un dérivé morphinique qui, pour
administrées et les effets secondaires qui en résultent. une analgésie équivalente, entraîne plus d'effets
Cette stratégie vise notamment à réduire, voire abo- secondaires que la morphine. C'est une prodrogue
lir, le recours aux opiacés dont les effets indésirables, et sa transformation hépatique, comme celle de la
dose-dépendants, retardent la récupération fonction- codéine, est dépendante d'un polymorphisme géné-
nelle. Il s'agit des nausées et vomissements postopé- tique et par conséquent peu prévisible [18]. De
ratoires (NVPO), mais aussi des effets sédatifs et des plus, il existe un antagonisme avec l'ondansétron
troubles de l'équilibre, particulièrement fréquents chez qui limite les effets antalgiques du tramadol [19] et
les sujets âgés, qui peuvent mettre en échec la prise en donc son intérêt en ambulatoire.
charge ambulatoire. Lorsque la douleur justifie la prescription d'un
Elle s'applique dès la période préopératoire. opiacé, le plus souvent en complément d'autres antal-
L'administration préventive de certains agents, le jour giques, les formes orales du sulfate de morphine per-
même de la chirurgie, pourrait présenter un intérêt : mettent une bonne adaptation des doses, avec le plus
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) souvent une bonne tolérance. Il persiste toutefois des
sélectifs de la COX2 (400 mg de célécoxib) ont fait difficultés inhérentes à la délivrance.
la preuve de leur bénéfice analgésique prolongé, sans Quelles que soient les stratégies pharmacologiques
risque de majoration du saignement, après arthrosco- utilisées, elles ne peuvent permettre à elles seules un
pie du genou en ambulatoire [9]. contrôle satisfaisant de la DPO après chirurgie ortho-
La gabapentine (Neurontin®), ou prégabaline, per- pédique, notamment lorsqu'une mobilisation posto-
met de réduire la douleur postopératoire, la consom- pératoire immédiate est nécessaire, par exemple après
mation d'opiacés et le risque d'apparition de douleurs arthrolyse. Seule l'anesthésie/analgésie locorégionale
chroniques postopératoires [10]. Cependant, ses effets (ALR) peut permettre d'atteindre cet objectif et est, par
anxiolytiques sont mineurs et les effets secondaires, conséquent, particulièrement bien adaptée au contexte
dont la sédation, dose-dépendante, font que son rap- de la chirurgie orthopédique en ambulatoire [20, 21].
port bénéfice/risque semble défavorable en chirurgie
ambulatoire [11]. Analgésie locorégionale
La dexaméthasone a un effet bénéfique désormais en ambulatoire
bien documenté sur l'analgésie postopératoire, la

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réduction des besoins en morphiniques, l'incidence de L'ALR peut être utilisée seule, comme technique anes-
NVPO, le raccourcissement du séjour postopératoire, thésique, ou bien à visée analgésique, en complément
l'accélération de la récupération fonctionnelle et ce, d'une sédation, voire d'une anesthésie générale. C'est
sans effet délétère sur la cicatrisation [12]. la technique analgésique à privilégier chaque fois que
Il est également important de souligner l'intérêt des possible, comme c'est clairement mentionné dans les
techniques non médicamenteuses, telles que l'hypnose, recommandations d'experts de la Société française
l'acupuncture ou la cryothérapie, qui ne doit pas être d'anesthésie et de réanimation (SFAR) sur l'anesthésie/
sous-estimé [13]. analgésie du patient ambulatoire [7].
Dans ce concept d'analgésie multimodale, l'emploi Elle permet une analgésie optimale, notamment
des antalgiques non morphiniques (paracétamol, lors de la mobilisation, une réduction significative
AINS, néfopam…) doit être privilégié [14] : des besoins en morphiniques et des effets secondaires
• le néfopam permet une réduction de 35 % des besoins qui y sont associés, et une accélération de la récupé-
morphiniques au cours des 24 premières heures après ration fonctionnelle [22]. Elle réduit significativement
une intervention orthopédique, sans effet secondaire la réaction inflammatoire au niveau du site opéra-
Nouvelles méthodes de gestion de la douleur en chirurgie ambulatoire 151

toire [23]. Plusieurs travaux montrent clairement la trouve une indication privilégiée dans la chirurgie de la
corrélation entre le développement de la pratique de cheville et du pied, permettant une reprise plus simple
l'ALR et le succès des interventions majeures du genou de la déambulation et réduisant le risque de chute par
et de l'épaule en ambulatoire [24]. rapport à des blocs nerveux du membre inférieur plus
Ces techniques d'ALR doivent évoluer et suivre le étendus [32]. Ainsi, l'injection d'un mélange de ropiva-
développement de la chirurgie vers le « mini-invasif » caïne, morphine et AINS au niveau du site opératoire
afin de conserver un rapport bénéfice/risque favorable procure une analgésie significative après chirurgie de
pour les patients. L'analgésie locorégionale évolue ainsi l'hallux valgus [33]. Ces mélanges de produits antal-
rapidement. La technique du repérage échographique giques utilisés en infiltration répondent le plus souvent
des nerfs procure actuellement un taux de succès à des habitudes locales et sont mal codifiés. À ce jour,
proche de 100 % avec des délais plus courts d'instal- il n'existe pas que très peu de preuves formelles de l'in-
lation des blocs et une réduction des risques associés térêt de produits adjuvants en complément aux anes-
(injection intravasculaire, blessure nerveuse…). thésiques locaux pour l'infiltration. Sur l'infiltration
Cette nouvelle technique de « repérage échoguidé » per- d'une cicatrice cutanée, l'intérêt de l'adjonction d'un
met également de réaliser des blocs nerveux auparavant AINS à la bupivacaïne est controversé et ne semble pas
plus difficiles à pratiquer. Ainsi, il est désormais possible être supérieur à l'administration systémique du même
de repérer aisément des troncs nerveux distaux afin de anesthésique local [34, 35]. L'adjonction d'adrénaline
procurer une analgésie plus sélective en conservant la en infiltration a été préconisée par certains afin d'aug-
motricité des membres. Ces blocs distaux semblent par- menter la durée d'action de l'anesthésique local et de
ticulièrement intéressants pour la chirurgie de l'extrémité réduire le saignement local. Avec les anesthésiques
du membre supérieur. Ainsi, lors d'un bloc axillaire, la locaux de longue durée d'action, tels que la ropiva-
réalisation d'un blocage sélectif distal avec un anesthé- caïne, le bénéfice de l'adrénaline est faible, voire inexis-
sique local de longue durée d'action au niveau des ter- tant pour les fortes concentrations [36]. En revanche,
ritoires concernés par la chirurgie elle-même offre une l'infiltration locale d'adrénaline expose au risque de
analgésie prolongée et un confort important aux patients nécrose cutanée en cas d'injection superficielle, et
opérés en ambulatoire de la main ou du poignet [25]. d'instabilité hémodynamique due à la résorption systé-
Ce concept s'applique également à l'analgésie après mique (hypertension, mais aussi hypotension artérielle
chirurgie du membre inférieur. Le bloc des segments des faibles concentrations). Pour ce qui concerne l'ins-
infrapatellaires du nerf saphène permet une analgésie tillation intra-articulaire, le bénéfice de la morphine
efficace après arthroscopie du genou, sans aucune fai- associée à la bupivacaïne par rapport à la bupivacaïne
blesse musculaire du quadriceps et avec un impact fonc- seule est prouvé, notamment sur les douleurs à la
tionnel positif allant jusqu'à plusieurs semaines après la 24e heure postopératoire [37]. De même, l'intérêt des
chirurgie [26]. Dans la chirurgie percutanée de l'hallux AINS semble plus net en instillation ­intra-articulaire
valgus en ambulatoire, les blocs distaux du pied sont qu'en infiltration cutanée [38].
d'une grande efficacité et permettent une déambulation Les durées d'action de ces blocs nerveux péri-
plus rapide qu'un bloc proximal du nerf sciatique [27]. phériques et des techniques d'infiltration locale en
Les techniques d'infiltration d'un anesthésique local, injection unique sont limitées. Elles ne couvrent le
dans une cicatrice ou une articulation, permettent plus souvent que les 12 à 24 premières heures pos-
un blocage de l'influx douloureux à son origine, au topératoires, ce qui est insuffisant pour certains actes
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niveau même du site opératoire, sans blocage moteur. chirurgicaux, mettant les patients dans une situation
Elles sont pratiquement dépourvues d'effets indé- difficile lorsque la douleur à la levée du bloc, surve-
sirables et sont donc particulièrement indiquées en nant à domicile, n'a pas été anticipée [39]. Plusieurs
ambulatoire [28]. Après ligamentoplastie du genou, solutions sont envisageables afin d'augmenter la
l'infiltration locale, combinant injection cicatricielle durée d'action de ces techniques. La mise en place
et injection intra-articulaire, est aussi efficace qu'un d'un cathéter périnerveux permettant la poursuite de
bloc fémoral [29]. La chirurgie de décompression du l'analgésie sur plusieurs jours est une solution adap-
nerf médian au canal carpien peut être réalisée sous tée qui apporte un bénéfice démontré par rapport à
infiltration locale [30]. L'infiltration intra-articulaire l'injection unique d'un anesthésique local [40]. Cette
en injection unique (pour éviter le risque de toxicité technique, qui est encore paradoxalement peu utilisée,
sur le cartilage) d'un mélange d'anesthésique local ne pose plus de problème technique grâce au repérage
de morphine et d'AINS permet une analgésie de très échographique [41]. La prolongation de cette analgé-
bonne qualité sans aucune répercussion musculaire sie locorégionale sur 2 à 3 jours permet d'accélérer la
après arthroscopie du genou [31]. L'infiltration locale réhabilitation postopé­ratoire après chirurgie majeure
152 M. BEAUSSIER, D. SCIARD, A. SAUTET

en ambulatoire [42, 43], avec des effets bénéfiques Il est recommandé de fournir aux patients des
pouvant s'étendre jusqu'à 7 jours après une inter- ordonnances antalgiques dès la consultation afin qu'ils
vention sur l'épaule, supérieurs à ceux des patients puissent disposer de ce traitement dès leur retour à
n'ayant eu qu'un bloc par injection unique [44]. Il a domicile sans avoir à ressortir de chez eux le jour de
été montré que la gestion à domicile de ces dispositifs l'intervention [7].
analgésiques était réalisable, économiquement intéres- La compréhension par le patient du déroulement et
sante et sûre [45, 46]. des enjeux de la prise en charge ambulatoire est un
La mise en place d'un cathéter permet également critère majeur de réussite. Pour les sujets âgés, le rôle
de prolonger la durée d'une infiltration cicatricielle. de l'accompagnant est primordial. Ce dernier doit être
Ceci a été démontré dans la prise en charge de la dou- présent lors de la délivrance des informations.
leur d'une prise de greffon iliaque [47] ou de la dou- La réalisation des blocs nerveux se fera au mieux dans
leur cicatricielle après intervention sur le genou ou la un espace spécifique (salle de pré-induction) afin de ne
hanche [48]. Cependant, la chondrotoxicité des anes- pas retarder le programme opératoire et occuper inuti-
thésiques locaux administrés en continu en intra-articu- lement les salles d'opération. Compte tenu des durées
laire a été incriminée dans la survenue de chondrolyses de réalisation parfois longues, notamment des blocs du
de l'épaule et doit par conséquent être formellement membre inférieur, il faut anticiper leur programmation.
évitée dans cette indication, mais probablement égale- Contrairement à des idées encore fortement répan-
ment pour toutes les autres articulations [49, 50]. dues, il est désormais possible, et même recommandé,
L'adjonction de dexaméthasone, par voie intravei- de laisser un patient sortir de l'unité d'ambulatoire
neuse ou périnerveuse, permet de prolonger signifi- avec un bloc nerveux fonctionnel, qui lui garantit une
cativement la durée d'un bloc nerveux périphérique analgésie [7]. Toutefois, cela doit s'accompagner d'une
et a, en outre, des effets anti-émétiques et stimulants information sur l'évolution temporelle de ce bloc (anti-
particulièrement bénéfiques dans le contexte de l'am- cipation du relais analgésique) et sur la prévention des
bulatoire [51]. Actuellement, ce bénéfice de la dexa- risques éventuels liés à ce blocage (blessure…). Pour
méthasone remet en cause certaines indications de la chirurgie du membre inférieur, l'apprentissage préo-
cathéters analgésiques périnerveux, par exemple dans pératoire du béquillage est particulièrement important
la chirurgie du pied [32] ou de l'épaule [52]. pour assurer la sécurité du patient.
Le développement d'anesthésiques locaux de longue La gestion des dispositifs de perfusion périner-
durée d'action (72 à 96 h), comme la bupivacaïne veuse continue à domicile ne pose pas, le plus sou-
encapsulée dans des liposomes, couvrant les premiers vent, de problème [45, 55], sous réserve d'une bonne
jours postopératoires après une seule injection en information et compréhension des patients [56].
­
infiltration locale [53], permettra également d'obtenir Toutefois, cette technique est encore peu utilisée, d'une
une analgésie optimale et prolongée, particulièrement part car d'autres solutions se développent, mais aussi
adaptée à l'ambulatoire, comme cela a été montré du fait de certaines craintes et difficultés organisation-
pour la chirurgie du pied [54]. nelles. En effet, dans notre expérience, environ 25 %
des patients ayant l'expérience des cathéters intersca-
Organisation de la prise en charge léniques après chirurgie de l'épaule en ambulatoire
­rapportent des sensations d'insécurité et une anxiété,
La réussite d'une stratégie analgésique commence par une ce qui justifie la mise en place d'un suivi à domicile par

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information de qualité délivrée aux patients. L'éducation un réseau de soins infirmiers [57].
des patients, dès la validation de l'indication d'interven- Dans notre série de patients sortis de l'unité ambu-
tion en ambulatoire, peut être faite, comme c'est déjà latoire avec un cathéter analgésique périnerveux, les
le cas dans certains établissements, par des infirmières infirmières à domicile ont eu à gérer chez 15 % d'entre
dédiées (sur le modèle des intervenants pilotes). eux divers problèmes qui, sans cette intervention,
En ambulatoire, encore plus qu'ailleurs peut-être, auraient donné lieu à une réadmission [57].
une parfaite homogénéité des informations données Des systèmes de perfusion plus simples, avec des
lors des consultations de chirurgie et d'anesthésie est pompes analgésiques de type diffuseur élastomérique
primordiale. (réservoir élastique au sein d'une coque plastique),
Le chirurgien doit noter précisément sur la fiche peuvent être gérés plus facilement. Quel que soit le
de liaison et lors de la programmation le geste qu'il dispositif de suivi mis en place, l'appel du lendemain
compte faire afin que l'équipe anesthésique puisse doit toujours avoir lieu, afin de colliger les niveaux
choisir la prise en charge analgésique la mieux de douleur, les éventuels effets secondaires et la
adaptée. satisfaction.
Nouvelles méthodes de gestion de la douleur en chirurgie ambulatoire 153

ll est probable que de nouveaux moyens de commu- [10] Mishriky BM, Waldron NH, Habib AS. Impact of pregaba-
nications (SMS, Internet, télémédecine…) entre l'hôpi- lin on acute and persistent postoperative pain : a systematic
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Ces développements et les procédures développées entre dic surgery. Br J Anaesth 2003 ; 91 : 836–41.
équipes médicales (anesthésistes et chirurgiens) et paramé- [16] Aymard G, Warot D, Demolis P, et al. Comparative pharma-
dicales participent à l'amélioration des pratiques cliniques cokinetics and pharmacodynamics of intravenous and oral
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dans tous les domaines chirurgicaux, illustrant le rôle 279–86.
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154 M. BEAUSSIER, D. SCIARD, A. SAUTET

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continuous interscalene nerve blocks decrease the time Congrès SFAR.
157

Paralysie obstétricale
du plexus brachial : conduite
à tenir au cours de la première
année
A. ABID
A. Abid

Résumé Le pronostic dépend essentiellement du niveau lésionnel (pré-


ou post-ganglionnaire), de l'étendue et de la sévérité des lésions
La paralysie obstétricale du plexus brachial (POPB) définit l'en- plexiques post-ganglionnaires, de la vitesse de récupération et de
semble des lésions d'une ou de plusieurs racines du plexus bra- la qualité de la prise en charge initiale.
chial (PB) survenant lors d'un accouchement difficile. Bien que l'évolution se fasse le plus souvent vers la récupération
La POPB est une affection relativement rare, son incidence est spontanée, certains enfants garderont des séquelles plus ou moins
restée constante au cours des dernières décennies, en raison de importantes pouvant aller jusqu'à la perte totale de la fonction
l'imprévisibilité des facteurs de risque en particulier de la dystocie du membre atteint.
des épaules. Si les publications récentes ont amélioré notre compréhension
Le diagnostic et l'évaluation de la récupération sont basés essen- des indications chirurgicales, de nombreux points restent sujets
tiellement sur l'examen clinique. L'électromyographie, d'inter- à controverse en particulier l'indication et le moment exact de la
prétation difficile chez le nourrisson, a peu d'intérêt. L'IRM du réparation nerveuse.
rachis cervical, nécessitant à cet âge une prémédication voire
une anesthésie générale, est un examen particulièrement indiqué
dans le cadre du bilan préopératoire à la recherche d'une lésion Mots clés : Plexus brachial. – Paralysie. – Obstétricale.
préganglionnaire.

Introduction mettant en cause l'origine obstétricale par traction


directe sur les racines apparaissent vers la fin du
La paralysie obstétricale du plexus brachial (POPB) xixe siècle [8]. En 1898, Duval et Guillain rapportent
est une paralysie flasque sensitivo-motrice secon- les premières études anatomiques [9]. Ils ont exa-
daire à un traumatisme d'une ou plusieurs racines du miné en particulier la direction des racines nerveuses
plexus brachial (PB) survenant lors d'un accouche- expliquant la prédominance de l'atteinte des racines
ment. C'est une affection relativement rare avec une proximales C5 et C6.
incidence comprise entre 0,04 et 0,4 % des naissances Les premières réparations chirurgicales du PB sont
vivantes [1–3]. rapportées au début du xxe siècle aux États-Unis. Elles
La description initiale est rapportée en 1764 par consistent initialement en une résection du névrome
William Smellie [4]. Cependant, le terme de « para- associée à une simple suture nerveuse directe. Les
lysie obstétricale » est utilisé pour la première fois premiers cas de greffe nerveuse sont décrits un peu
en 1872 par Duchenne de Boulogne dans son traité plus tard, en 1930, devant l'échec des techniques de
De L'électrisation localisée et de son application à suture directe. Toutefois, le traitement chirurgical
la pathologie et la thérapeutique [5]. En 1877, Erb perd rapidement de l'intérêt en raison des mauvais
décrit la paralysie obstétricale du plexus brachial résultats fonctionnels, d'une morbidité élevée ainsi
de type proximal qui depuis porte son nom [6]. que d'une mortalité non négligeable. Le traitement
Klumpke, en 1885, rapporte la première description conservateur reste donc la norme jusqu'à la fin des
d'une atteinte isolée des racines distales du plexus années 1960. Le développement de la microchirurgie,
brachial [7]. Les premiers travaux expérimentaux en particulier du plexus brachial chez l'adulte, et des

Conférences d'enseignement 2015


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158 A. Abid

techniques d'imagerie permettant une meilleure ana- rarement un rameau de T2 « plexus post-fixé ». Les
lyse préopératoire conduit à un regain d'intérêt pour racines C5 et C6 s'unissent pour former le tronc pri-
le traitement chirurgical de la POPB. En France, c'est maire supérieur (TPS), C7 forme à elle seule le tronc
à Gilbert et al. [10] que revient le mérite du déve- primaire moyen (TPM), tandis que C8 et T1 s'anasto-
loppement de la chirurgie des POPB vers la fin des mosent pour former le tronc primaire inférieur (TPI).
années 1970. Chaque tronc primaire va à son tour se diviser en deux
La POPB a déjà fait l'objet d'une conférence d'en- branches antérieure et postérieure pour participer à la
seignement par le Dr Jean-Paul Métaizeau en 1993. formation des troncs secondaires. Les deux branches
Nous ne reprendrons pas certaines parties, notamment antérieures des TPS et TPM s'anastomosent pour
l'étiopathogénie qui a été parfaitement décrite dans ­former le tronc secondaire antéro-latéral (TSAL) qui
cette conférence. Nous envisagerons principalement la va donner naissance au nerf musculo-cutané et à la
prise en charge au décours de la première année de vie racine externe du nerf médian, tandis que la branche
en insistant sur les trois éléments principaux que sont : antérieure du TPI forme à elle seule le tronc secondaire
le diagnostic lésionnel, l'évaluation du pronostic et la antéro-médial (TSAM) qui va donner naissance aux
prise en charge thérapeutique. nerfs : brachial cutané interne, ulnaire et racine interne
du médian. Les branches postérieures des trois troncs
primaires vont s'unir pour former le tronc secondaire
postérieur (TSP) et donner naissance aux nerfs axil-
Anatomie laire et radial.
Parmi les branches collatérales, il faut particulière-
Anatomie descriptive (figure 13.1) ment distinguer le nerf supra-scapulaire qui provient
du TPS. Il assure l'innervation des muscles rotateurs
Le plexus brachial est formé par l'anastomose des
externes de l'épaule.
branches ventrales des nerfs spinaux de C5 à T1 qui
Il est important de distinguer deux segments au
vont donner naissance à sept nerfs terminaux et à
plexus brachial : le segment sus-claviculaire (racines et
une dizaine de branches collatérales. Il reçoit le plus
troncs primaires) et le segment sous-claviculaire (troncs
souvent un rameau de C4 « plexus préfixé » et plus
secondaires et branches terminales). Enfin, rappelons
que le PB présente des liens étroits en proximal avec
le nerf phrénique (branche de C4) dont l'atteinte est
C5 responsable d'une paralysie diaphragmatique. En dis-
tal, il existe des connexions des deux dernières racines
C8 et T1 avec la chaîne sympathique cervicale dont
C6 TP
S 1 l'atteinte est responsable du syndrome de Claude-
Bernard-Horner (SCBH).
C7
TP

C8
M
TS
AL
Anatomie fonctionnelle (tableau 13.1)
TPI La correspondance statistique des myotomes la

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T1
TS
P 2 plus classiquement utilisée est celle de Bonnel et
TS
AM
Rabischong [11]. Cependant, il existe une très grande
3 variabilité anatomique. Plusieurs racines participent à
4 la formation d'un nerf. Une fonction peut dépendre de
plusieurs racines et une racine peut participer à plu-
5
sieurs fonctions.
6
Schématiquement, une atteinte de C5-C6 se traduit
7
par un déficit de l'abduction et de la rotation externe
Figure 13.1 Anatomie du plexus brachial. de l'épaule, et par un déficit de la flexion du coude et
1 : nerf supra-scapulaire, 2 : nerf musculo-cutané, 3 : nerf axil- de la supination. En cas d'extension de l'atteinte à la
laire, 4 : nerf radial, 5 : nerf médian, 6 : nerf brachial cutané racine C7, il s'y associe un déficit de l'extension du
interne, 7 : nerf ulnaire.
TPI : tronc primaire inférieur ; TPM : tronc primaire moyen ;
coude, du poignet et des doigts et un déficit de l'incli-
TPS : tronc primaire supérieur ; TSAL : tronc secondaire antéro-­ naison radiale. Une atteinte des racines C8-T1 entraîne
latéral ; TSAM : tronc secondaire antéro-médial ; TSP : tronc un déficit de flexion du poignet et des doigts ainsi que
secondaire postérieur. de la fonction intrinsèque de la main.
Paralysie obstétricale du plexus brachial : conduite à tenir au cours de la première année 159

Physiopathologie entraînera une atteinte dans un premier temps des


racines proximales puis secondairement des racines
Mécanisme lésionnel distales. Par conséquent, les lésions proximales sont
les plus fréquentes ;
Le mécanisme le plus commun est un étirement du • le ligament postéro-supérieur  : présent unique-
PB au cours de la deuxième étape d'un accouchement ment au niveau des racines C5 et C6, il amarre
dystocique, soit par traction sur la tête (présentation ces deux racines à l'apophyse transverse, les proté-
céphalique) soit par traction sur le membre supérieur geant ainsi des avulsions radiculaires. Au niveau des
(présentation par le siège). Les causes sont probablement racines C7-C8-T1, en l'absence de ce ligament, toute
multifactorielles mais les deux principaux facteurs de force de traction est transmise directement aux radi-
risque sont la dystocie des épaules et la macrosomie [12]. celles. Ceci explique la fréquence des avulsions au
L'accouchement avec instrumentation (forceps/ven- niveau distal et leur caractère exceptionnel au niveau
touse), le travail prolongé, la primiparité, la prématurité proximal ;
(accouchements par le siège), les antécédents de POPB • le tissu conjonctif  : élément protecteur, il est plus
lors d'une naissance précédente et une prise excessive riche au niveau des troncs qu'au niveau des racines,
du poids maternel sont également des facteurs de risque expliquant le siège plus fréquent des lésions au niveau
potentiels [13]. de racines ;
Dans de très rares cas, l'étirement du PB peut se • le PB préfixé  : la participation du rameau de C4
produire durant la phase initiale de l'accouchement peut être considérée comme facteur prédisposant aux
lors du passage du fœtus au niveau du promontoire atteintes proximales, alors que le plexus post-fixé
sacré [14]. Enfin, il a été rapporté que certaines ano- (participation d'un rameau de T2) joue plutôt un rôle
malies de l'utérus (fibrome, utérus bicorne) pouvaient protecteur des racines distales.
être responsables d'une atteinte intra-utérine du
PB [14].
Quatre caractéristiques anatomiques expliquent la Types de lésions
chronologie, le type et le siège des lésions du PB [11, 15] : Il est important, pour établir la gravité de l'atteinte, de
• l'orientation du PB  : les racines C5 et C6 ont une distinguer deux types de lésions (figure 13.2) :
direction descendante presque verticale, ce qui les rend • la lésion préganglionnaire ou avulsion, située en
plus vulnérables que les racines distales de direction amont du ganglion rachidien, est un véritable arrache-
presque horizontale. Une traction excessive sur le PB ment des radicelles au niveau de la moelle épinière.
Cette lésion, qui concerne le plus souvent les racines
C8 et D1, est particulièrement grave car elle échappe à
Tableau 13.1 toute possibilité de réparation chirurgicale directe. Elle
Représentation « schématique » de l'anatomie fonctionnelle
du plexus brachial
FONCTION RACINES
ÉPAULE :
→ Abduction – rotation externe C5-C6
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→ Adduction – rotation interne C5-T1


COUDE : C5-C6
→ Flexion C6-C7-C8
→ Extension

POIGNET :
→ Supination C5-C6
→ Extension C5-C6-C7
→ Inclinaison radiale C5-C6-C7 (1)
→ Flexion C6-C7-C8
→ Pronation C6-T1
→ Inclinaison ulnaire C7-C8
(2)
MAIN :
→ Muscles extrinsèques C7-C8-T1
→ Muscles intrinsèques C8-T1 Figure 13.2 Schéma représentant : en proximal, une lésion pré-
ganglionnaire (1) ; en distal, une lésion post-ganglionnaire (2).
160 A. Abid

doit être systématiquement recherchée par une IRM L'interrogatoire retrace l'histoire obstétricale à la
ou un myéloscanner pour une meilleure planification recherche de facteurs de risque. On retrouve souvent
opératoire ; une notion d'accouchement dystocique. Une macroso-
• la lésion post-ganglionnaire est située en aval du mie avec un poids de naissance supérieur à 4 kg est
ganglion rachidien. On en décrit trois types selon la fréquemment associée.
classification de Sunderland [16] : L'inspection retrouve une asymétrie de gesticulation
– type 1 ou neurapraxie de Seddon [17] : il cor- entre les deux membres supérieurs avec une attitude
respond à une simple élongation du PB sans inter- spontanée globale en adduction et rotation internes. Il
ruption de la continuité nerveuse entraînant une faut rechercher d'emblée des signes de gravité en par-
paralysie transitoire, spontanément résolutive, ticulier la triade du SCBH : ptosis, myosis et énophtal-
– type 2 ou axonotmésis : il correspond à une rup- mie (figure 13.3).
ture nerveuse partielle touchant l'axone avec respect La mobilisation peut être douloureuse en particulier
de la gaine. La récupération spontanée est possible la première semaine de vie. Elle permet de confirmer le
avec cependant un risque d'erreur « d'aiguillage », caractère flasque de la monoplégie. À ce stade, il n'y
– type 3 ou neurotmésis : il correspond à une rupture a aucune limitation de la mobilité passive. La mobilité
nerveuse complète avec formation d'un névrome. La active, difficile à obtenir à cet âge, peut être évaluée en
récupération spontanée est impossible mais la lésion s'aidant des réflexes archaïques (Moro pour les rota-
reste accessible à une réparation nerveuse. teurs externes de l'épaule, réflexe grasping pour les
fléchisseurs des doigts), du réflexe myotatique (contrac-
Épidémiologie tion–réponse après étirement du muscle) et de la stimu-
lation du territoire cutané en regard du muscle concerné.
Malgré les progrès dans le domaine obstétrical, l'in- La cotation musculaire, paramètre essentiel pour la sur-
cidence de la POPB est restée stable au cours de ces veillance de la récupération neurologique, peut être éva-
dernières décennies. Ceci peut être lié essentiellement luée à cet âge avec la classification du British Medical
à l'imprévisibilité de la dystocie des épaules et à l'aug- Council jusqu'au score 3 (0 : aucune contraction  ;
mentation du poids moyen de naissance [18]. 1 : contraction sans mouvement ou avec ébauche de
L'incidence de la POPB connaît une grande varia- mouvement ; 2 : contraction avec mouvement complet
bilité entre les séries et peut être estimée entre 0,04 et en apesanteur, 3 : contraction avec mouvement com-
0,4 % des naissances vivantes [1–3]. La plus grande plet contre pesanteur ; 4 : contraction contre résistance
enquête épidémiologique, réalisée à l'échelle nationale modérée ; 5 : contraction avec force normale).
aux États-Unis en 2008, rapporte un taux d'incidence Le membre supérieur controlatéral est également
de 0,15 % des naissances vivantes [1]. examiné à la recherche d'une éventuelle atteinte bila-
La fréquence de la présentation occipito-iliaque térale ou d'une fracture associée. Enfin, une origine
gauche antérieure, qui place l'épaule droite sous le centrale doit être écartée par un examen neurologique
pubis maternel, explique la prédominance des lésions général.
du côté droit. Dans 4 % des cas, l'atteinte peut être
bilatérale [18].
La paralysie proximale C5-C6 (Erb-Duchenne), de
loin la plus fréquente, représente 50 à 60 % des cas.

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Dans environ 30 % des cas, l'atteinte proximale C5-C6
est étendue à la racine C7. La paralysie totale C5-T1,
atteinte sévère laissant souvent de lourdes séquelles,
est retrouvée dans 15 à 20 % des cas [19]. La paralysie
distale C8-T1 (Klempke-Déjerine), survenant lors d'un
accouchement par le siège, est exceptionnelle et repré-
sente moins de 2 % des cas [18].

Éléments du diagnostic
Examen clinique
Le diagnostic de la POPB à la naissance est en règle Figure 13.3 Syndrome de Claude-Bernard-Horner chez un nour-
facile et repose uniquement sur l'examen clinique. risson présentant une POPB totale gauche.
Paralysie obstétricale du plexus brachial : conduite à tenir au cours de la première année 161

Au terme de ce bilan clinique, trois tableaux peuvent


être rencontrés :
• la paralysie des racines hautes avec atteinte de
C5-C6 ± C7 : elle représente plus de 75 % des POPB
avec un niveau lésionnel situé le plus souvent en post-
ganglionnaire. Le membre atteint a une attitude spon-
tanée caractéristique : épaule en adduction et rotation
interne, coude en extension contrastant avec l'hyper-
flexion physiologique à cet âge, avant-bras en prona-
tion et poignet en extension dans les atteintes C5-C6
ou en flexion et inclinaison ulnaire en cas d'atteinte
étendue à la racine C7. Les doigts gardent leur tonus
physiologique en flexion. Sur le plan de la mobilité
active, au niveau de l'épaule, le réflexe de Moro est
absent et aucune réponse n'est retrouvée à la stimu-
lation du deltoïde. Au niveau du coude, il n'existe Figure 13.5 Enfant atteint d'une POPB droite de type C5-C6-C7.
aucune flexion active. Au niveau du poignet et de la Il existe en plus des signes d'atteinte des racines C5-C6, une atti-
main, l'extension active reste conservée sauf en cas tude spontanée du poignet et des doigts en flexion.
d'atteinte associée de C7 (figures 13.4 et 13.5). Au
niveau de la main, le réflexe de grasping est présent et
la fonction des doigts est conservée. Dans ce contexte,
une paralysie de l'hémi-coupole diaphragmatique par
atteinte du nerf phrénique doit être systématiquement
recherchée par la présence d'une asymétrie abdomi-
nale lors des mouvements respiratoires ;
• la paralysie totale  : elle représente environ 20  %
des cas. Son diagnostic est encore plus aisé devant
un membre supérieur complètement inerte et ballant
(figure 13.6). Il existe des troubles sensitifs et aucune

Figure 13.6 Enfant présentant une POPB gauche totale


avec un membre supérieur gauche complètement ballant.
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mobilité active n'est possible en dehors de la présence


de quelques mouvements de l'épaule au niveau de l'ar-
ticulation scapulothoracique et d'un flexum des inter-
phalangiennes distales des doigts. Dans ce contexte, les
signes d'atteinte du contingent sympathique (troubles
vasomoteurs avec marbrure, froideur et sueur, SCBH)
sont souvent associés. Leur présence est souvent le
témoin d'une avulsion radiculaire des racines distales,
ce qui rend le pronostic encore plus sombre [20] ;
• la paralysie distale (Klumpke-Déjerine) : elle est excep-
tionnelle et représente moins de 2 % des cas [18]. Le
Figure 13.4 Enfant présentant une POPB droite de type C5-C6 mécanisme lésionnel est une traction directe sur le membre
avec attitude en adduction–rotation interne du bras, exten- supérieur, épaule en abduction. Cette situation peut se
sion du coude et avant-bras en pronation. Le poignet reste en rencontrer dans les présentations céphaliques avec main
extension. première et dans certains accouchements par césarienne.
162 A. Abid

Cliniquement, le poignet et la main sont inertes, alors que


le coude et l'épaule gardent une fonction normale.
Diagnostic différentiel
C'est principalement la fracture–décollement épiphy-
Bilan complémentaire saire de l'humérus proximal qui peut poser un problème
de diagnostic différentiel avec la POPB. En effet, cette
Phase initiale lésion, responsable d'une monopseudo-paralysie doulou-
À la phase initiale, l'examen clinique est primordial à reuse, n'est pas visible sur la radiographie car l'épiphyse
la fois pour établir le diagnostic mais également pour n'est pas encore ossifiée (figure 13.8). En cas de doute,
apprécier le niveau lésionnel. Aucun examen complé- une échographie peut être demandée. Le contrôle radio-
mentaire n'est donc indiqué dans ce sens. graphique, réalisé à distance (10 à 15 jours plus tard),
Cependant, un bilan radiologique standard sera permet de confirmer rétrospectivement le diagnostic par
utile à la recherche de lésions associées. On deman- la présence d'un cal de consolidation.
dera en particulier une radiographie de la ceinture Les autres fractures (clavicule, diaphyse humé-
scapulaire et de l'humérus à la recherche d'une éven- rale) sont facilement diagnostiquées par l'imagerie.
tuelle fracture associée de la clavicule ou de l'humérus Elles peuvent être isolées, mais aussi associées à une
qui peut cependant ne pas être visible sur la radio- POPB.
graphie s'il s'agit d'un décollement épiphysaire. Une L'ostéo-arthrite septique de l'épaule, beaucoup
radiographie du thorax peut être demandée en cas de plus rare, peut également simuler un tableau de
suspicion de paralysie phrénique. Elle montre, dans ce
cas, une surélévation de l'hémi-coupole diaphragma-
tique homolatérale associée à une inertie à l'examen
radioscopique.

En cas de non-récupération à partir


du 3e mois, deux examens
complémentaires peuvent être demandés
L'électromyographie (EMG), examen de réalisa-
tion et d'interprétation difficile chez le nouveau-né
et le nourrisson, a actuellement un rôle très limité
dans le diagnostic de POPB. La plupart des études le
qualifient souvent de « trop optimiste » du fait de la
sous-­estimation fréquente de la gravité des lésions ner-
veuses [19]. Ce manque de fiabilité le rend actuelle-
ment très peu utilisé. Cependant, il peut être demandé
comme bilan préopératoire, dans un but essentielle-
ment médico-légal, lorsqu'une exploration chirurgi-
cale du PB est jugée nécessaire. Figure 13.7 IRM rachis cervical objectivant un hypersignal en

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L'IRM du rachis cervical est un examen très utile rapport avec un pseudo-méningocèle très évocateur d'une
pour la planification préopératoire. Elle a l'avantage, avulsion au niveau des racines C8 et T1 gauches.
par rapport au myéloscanner, de permettre une visua-
lisation directe de la moelle épinière et dans certains
cas du PB lui-même. La présence à l'IRM d'un pseudo-
méningocèle (figure 13.7) est très évocatrice d'une
avulsion radiculaire. Elle peut influer d'une manière
significative sur la stratégie de réparation nerveuse. Il
existe des faux positifs et des faux négatifs dans 10 à
15 % des cas. Cependant, sa fiabilité reste proche
de celle du myéloscanner [21]. L'IRM a l'avantage
d'être un examen non invasif et de réalisation de plus
en plus facile en utilisant une simple sédation, alors
que le myéloscanner nécessite toujours une anesthésie Figure 13.8 Décollement épiphysaire obstétrical de l'humérus
générale. proximal droit. Aspect radiographique à la naissance.
Paralysie obstétricale du plexus brachial : conduite à tenir au cours de la première année 163

POPB. Mais le contexte clinique (prématurité, séjour le pronostic et permettra, par conséquent, de guider
en réanimation ou en néonatologie) et l'échogra- les indications thérapeutiques [23]. Pour cela, l'exa-
phie de l'épaule permettent rapidement d'orienter le men clinique doit être répété avec une consultation
diagnostic. planifiée au moins une fois par mois. L'évaluation de
Les anomalies congénitales du plexus brachial, affec- la récupération se basera essentiellement sur le testing
tions relativement rares, ne sont malheureusement musculaire du biceps qui reste, en particulier pour les
diagnostiquées qu'au stade d'exploration chirurgicale six premiers mois, l'indicateur de surveillance le plus
du PB. Dans notre pratique, cette situation a été ren- simple et le plus fiable. L'objectif principal de cette sur-
contrée dans deux cas. veillance est d'identifier les cas où une réparation ner-
Une atteinte neurologique centrale peut éventuelle- veuse précoce est susceptible d'apporter un meilleur
ment être évoquée mais sera rapidement écartée par un résultat fonctionnel qu'un traitement conservateur.
examen neurologique général. Au total, c'est la combinaison de ces trois facteurs
(le type et l'étendue des lésions, le SCBH et la vitesse
de récupération) qui permet de juger de l'évolution et
de guider les indications thérapeutiques.
Évolution et pronostic
Dans la littérature, l'histoire naturelle des POPB est
controversée. Les biais de sélection, l'hétérogénéité des Conduite à tenir la première
lésions du PB et la diversité des mesures d'évaluation année (figure 13.9)
peuvent bien expliquer la grande variabilité de ces
données. Conduite à tenir les trois premiers
La plupart des auteurs s'accordent sur le caractère mois
le plus souvent transitoire des lésions du PB avec un
taux de récupération complète dans 75 à 95 % des Les enfants atteints de POPB, et plus particulière-
cas [22–25]. Des études plus récentes rapportent un ment ceux qui ne récupèrent pas les deux premiers
taux plus faible de 66 %, avec un déficit résiduel dans mois, doivent être pris en charge en milieu spécialisé
20 à 30 % et une altération considérable de la fonction et entourés, dans la mesure du possible, d'une équipe
dans 10 à 15 % des cas [2, 23, 26]. multidisciplinaire.
Le pronostic final d'une POPB est directement Le traitement est d'abord conservateur. Il est basé
lié à l'étendue et au type des lésions nerveuses essentiellement sur la rééducation fonctionnelle. Il
initiales. Si l'étendue des lésions peut être appré- est conseillé, dans un premier temps, de réaliser une
ciée cliniquement, il n'existe, à l'heure actuelle, courte immobilisation coude au corps de 10 à 15 jours
aucun examen permettant d'en préciser le type dans un but antalgique et pour favoriser la cicatrisa-
lésionnel (simple élongation, rupture ou avul- tion d'éventuelles lésions neurapraxiques.
sion). L'évaluation pronostique, à la naissance, La POPB s'accompagne d'un déséquilibre musculaire
repose donc uniquement sur des critères cliniques. entre agonistes et antagonistes pouvant être responsable
Une paralysie totale et la présence d'un SCBH de rétraction et de raideur articulaire avec le développe-
constituent les principaux facteurs de mauvais ment à très court terme de déformations ostéo-articu-
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pronostic. La valeur pronostique de la paraly- laires. L'exemple type est celui rencontré au niveau de
sie diaphragmatique est, par contre, controver- l'articulation scapulo-humérale, particulièrement dans
sée. Elle est souvent citée dans les publications les atteintes partielles avec récupération incomplète.
comme un facteur de mauvais pronostic. Al-Qattan En effet, la faiblesse des muscles rotateurs externes
et al. [27], dans une étude analysant spécifiquement et abducteurs entraîne un déséquilibre musculaire en
la valeur pronostique de l'atteinte du nerf phré- faveur des rotateurs internes avec comme conséquence
nique, ont constaté qu'elle n'avait qu'une faible une fixation progressive de l'épaule en rotation interne.
valeur p ­ rédictive avec 13 % de mauvais résultats. La raideur en rotation interne de l'épaule représente
Dans notre pratique, les cas de POPB associés à une la séquelle la plus fréquente. Elle peut apparaître très tôt
paralysie phrénique, dont deux cas compliqués de et se fixer rapidement par rétraction des parties molles
détresse respiratoire ayant nécessité une hospitali- péri-articulaires. Elle est responsable d'un trouble de
sation, étaient tous de type proximal et ont tous eu croissance de l'articulation gléno-humérale entraînant
une évolution favorable sur le plan neurologique. une rétroversion de la glène et une excentration pro-
Après la naissance, c'est la qualité et surtout la vitesse gressive de la tête humérale. Ces anomalies peuvent
de récupération qui donnera le plus d'information sur apparaître dès l'âge de 5 mois et évoluer rapidement
164 A. Abid

Naissance – 2 semaines : immobilisation

Atteinte partielle
Atteinte totale

Récupération totale Récupération biceps


avant le 1er mois entre 1 et 3 mois
Pas de biceps à 3 mois

- Cas le plus fréquent - Rééducation


Deux attitudes
- Aucune prise encharge - Surveillance

Récupération totale ou séquelles minimes Rééducation / Surveillance Chirurgie nerveuse à


l’âge de 3 mois

Récupération Biceps Pas de biceps à 5 – 6 mois

Chirurgie nerveuse à
Rééducation / Surveillance
l’âge de 5 – 6 mois

Chirurgie des séquelles

Figure 13.9 Algorithme de prise en charge des POPB au cours de la première année.

vers une luxation postérieure de la tête humérale [28]. pour d'autres, elle est controversée [3] :
Elle doit donc être dépistée et traitée rapidement avant • 1re situation : la situation la plus évidente, de loin
l'installation des déformations ostéo-articulaires. La la plus fréquente, est celle où la récupération d'une
raideur siège au niveau de l'articulation gléno-humé- force du biceps à + 3 survient au cours des 4 premières
rale et le travail de mobilisation doit porter sur cette semaines. Elle est la traduction clinique d'une simple
articulation. Pour cela, il faut insister sur le travail de élongation du PB (neurapraxie) et la guérison rapide et
l'épaule en position coude au corps tout en maintenant complète est la règle ;
la scapula fixée, évitant ainsi tout mouvement parasite • 2e situation : inversement, dans les atteintes totales,
dans l'articulation scapulo-thoracique. surtout lorsqu'elles sont associées à un SCBH, l'évolu-

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La rééducation fonctionnelle est donc primordiale tion spontanée est dans la majorité des cas défavorable.
et doit être poursuivie tout au long du processus de La plupart des auteurs s'accordent pour une réparation
récupération neurologique. Elle a comme objectifs le chirurgicale précoce à l'âge de 3 mois, en l'absence de
maintien de la mobilité articulaire, la lutte contre les récupération de la fonction du biceps [29]. Pour cela,
rétractions et le renforcement musculaire. nous conseillons d'organiser le bilan préopératoire, en
Les orthèses de posture, peu efficaces et souvent mal particulier l'IRM, dès le premier mois et de commen-
tolérées par le nourrisson, gardent une place très limi- cer à préparer la famille à l'intervention chirurgicale ;
tée pendant cette phase précoce. • 3e situation : lorsque la récupération d'une force du
biceps à + 3 survient entre le premier et le 3e mois,
Conduite à tenir l'évolution est le plus souvent favorable. Cependant,
entre le 3e et le 6e mois une récupération complète de la fonction globale du
membre supérieur ne peut parfois se produire que plus
En fonction de l'évolution et en particulier de la vitesse tardivement au cours des deux premières années et
de récupération, plusieurs situations sont possibles. même lorsque celle-ci est incomplète, les séquelles res-
Pour certaines la conduite à tenir est unanime, mais teront minimes sans entraver la fonction du membre
Paralysie obstétricale du plexus brachial : conduite à tenir au cours de la première année 165

atteint. L'attitude reste résolument conservatrice avec


poursuite de la rééducation et de la surveillance [30] ;
Traitement chirurgical
• 4e situation : c'est dans le cas des paralysies proxi- L'intervention chirurgicale peut nécessiter un abord
males, où il n'existe aucune récupération du biceps au sus-claviculaire pour les atteintes proximales ou un
3e mois, que les avis sont partagés entre faire une répa- abord sus- et sous-claviculaire dans les POPB totales.
ration précoce [31, 32] ou bien attendre le 6e [33, 34] Le premier temps d'exploration permet d'établir un
voire le 9e mois pour certains [35]. bilan lésionnel et de définir la stratégie de réparation.
Parmi les défenseurs de la chirurgie précoce, Gilbert et En cas de rupture, la technique de référence reste la
Tassin [29] ont été les premiers à préconiser la chirurgie résection du névrome et la réparation microchirur-
nerveuse à l'âge de 3 mois en cas de non-récupération gicale par greffe nerveuse. La neurolyse isolée et la
de la fonction du biceps. Ils avancent comme arguments réparation directe sans greffe sont abandonnées [29,
que les enfants qui ne parviennent pas à récupérer une 33]. Les greffons habituellement utilisés proviennent
force du biceps au 3e mois sont peu susceptibles de récu- d'un ou des deux nerfs suraux. En cas d'avulsion, il
pérer complètement et qu'une chirurgie nerveuse plus n'existe actuellement aucun procédé permettant la
tardive peut compromettre le résultat fonctionnel final. réparation directe de ce type de lésions et les racines
Al-Qattan [36] propose d'attendre le 4e mois pour avulsées feront l'objet d'une neurotisation.
poser l'indication d'une intervention chirurgicale. Plusieurs montages de réparation nerveuse peuvent
D'autres auteurs préfèrent attendre jusqu'au 6e mois être réalisés en fonction du type et de l'étendue des
estimant qu'une indication chirurgicale à l'âge de lésions plexiques estimées en peropératoire. Nous
3 mois est excessive chez des enfants qui sont sus- n'évoquons ici que les situations les plus fréquentes.
ceptibles de récupérer secondairement la fonction du Dans les ruptures isolées C5-C6, on utilise géné-
biceps sans chirurgie du PB. Waters [33], dans une ralement la racine C5 pour assurer la greffe du nerf
série de 49 cas, retrouve 42 patients dont la récupéra- supra-scapulaire et du TSAL, tandis que la racine
tion du biceps s'est faite entre le 3e et le 6e mois. Smith C6 sera utilisée pour la greffe du tronc secondaire
et al. [34] rapportent, dans une étude prospective por- ­postérieur. Dans les ruptures C5-C6-C7, des torons
tant sur 170 cas de POPB, 29 enfants (17 %) n'ayant en provenance de C5 peuvent être partagés pour la
pas récupéré la fonction du biceps à l'âge de 3 mois. greffe du nerf supra-scapulaire et du TSAE. Ce der-
Dans ce sous-groupe, 20 enfants (71 %) ont repris la nier peut également recevoir des torons de C6, tandis
fonction du biceps entre l'âge de 3 et 6 mois. que la racine C7 sera utilisée pour greffer le TSP. Les
Cependant, d'autres études ont montré que lorsque techniques de neurotisations extraplexuelles (nerf spi-
le biceps a récupéré entre le 3e et le 6e mois, les enfants nal, nerfs interosseux, fascicules du nerf ulnaire) sont
présentaient une dégradation progressive des scores réservées aux exceptionnelles atteintes proximales
fonctionnels [33]. avec avulsion d'au moins deux des trois racines.
Par ailleurs, il est admis que les enfants qui ont récu- Dans les atteintes totales, avec rupture des racines
péré tardivement le biceps entre le 3e et le 6e mois ou qui proximales (C5, C6 et C7) et avulsion des deux dernières
ont eu une chirurgie nerveuse précoce, auront toujours racines (situation la plus fréquente), la récupération
une récupération incomplète. C'est d'ailleurs dans ces de la fonction de la main doit être le premier objectif de
deux situations qu'une chirurgie secondaire est le plus la stratégie de reconstruction. Dans ce cas, la branche
souvent réalisée. De plus, aucune étude ne permet de externe du nerf spinal est habituellement utilisée pour la
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comparer les résultats d'enfants dont la récupération neurotisation du nerf supra-scapulaire et les trois racines
a été spontanée et qui ont été opérés secondairement proximales seront réparties sur l'ensemble du PB. Ainsi,
avec un groupe similaire d'enfants qui ont eu à la fois la racine C5 est utilisée pour la greffe du TSAL. Le TSP
une réparation primaire et une chirurgie secondaire. est greffé à partir de C6, tandis que C7 est réservée pour
De même, il n'existe aucune étude prospective per- la greffe du TSAM. Les techniques de neurotisations
mettant de comparer les résultats des enfants opérés à extraplexuelles seront réservées aux atteintes totales
l'âge de 3 mois et ceux qui ont récupéré le biceps entre avec avulsion d'au moins quatre racines.
3 et 6 mois et qui ont eu une chirurgie secondaire. En postopératoire, les sutures nerveuses doivent
Dans notre pratique, l'absence de récupération du être protégées par une immobilisation d'une durée de
biceps à 3 mois dans les POPB proximales justifie la 3 semaines. Deux types d'immobilisation peuvent être
programmation du bilan préopératoire (IRM et EMG) utilisés : simple coquille plâtrée confectionnée en pos-
en vue d'une exploration chirurgicale. Celle-ci est réa- topératoire immédiat ou une orthèjse thermoformée
lisée entre le 5e et 6e mois si le muscle biceps n'a tou- cervico-thoracique associée à une immobilisation du
jours pas récupéré à cet âge. bras coude au corps.
166 A. Abid

Les résultats des réparations nerveuses dans les [7] Klumpke A. Contribution à l'étude des paralysies radiculaires
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cas et une récupération de la force du biceps dans 80 à [9] Duval, Guillain. Pathologie des accidents nerveux aux luxations
100 % des cas [37]. Au besoin, une chirurgie secon- et traumatismes de l'épaule. Arch Générales de Médecine 1898 ;
daire peut apporter une amélioration de ces résultats tome II : 143.
fonctionnels. [10] Gilbert A, Khouri N, Carlioz H. Exploration chirurgicale du
plexus brachial dans la paralysie obstétricale. Constatations
Dans les atteintes totales, les résultats restent anatomiques chez 21 malades opérés. Rev Chir Orthop 1980 ;
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nostic dépend essentiellement de la sévérité des lésions injury in subsequent deliveries. Ann Plast Surg 1996 ; 37 : 545–8.
initiales, de la vitesse de récupération neurologique et [14] Gherman RB, Ouzounian JG, Goodwin TM. Brachial plexus palsy :
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de type proximal, ont un meilleur pronostic avec une [15] Métaizeau JP, Gayet L, Plenat F. Les lésions obstétricales du
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évolution spontanée le plus souvent favorable les trois [16] Sunderland S. A classification of peripheral nerve injuries pro-
premiers mois. Le traitement est d'abord conservateur, ducing loss of function. Brain 1951 ; 74 : 491–516.
basé sur la rééducation fonctionnelle. En cas de mau- [17] Seddon HJ. Three types of nerve injury. Brain 1943 ; 66 :
vaise évolution, une réparation chirurgicale réalisée 238–88.
entre l'âge de 3 et 6 mois permet d'améliorer le pro- [18] Dunham EA. Obstetrical brachial plexus palsy. Orthop Nurs
2003 ; 22 : 106–16.
nostic fonctionnel dans la plupart des cas. [19] Kozin S. Brachial plexus microsurgical indications. J Pediatr
La raideur de l'épaule en rotation interne est une Orthop 2010 ; 30 : S49–52.
séquelle fréquente en cas de récupération partielle avec [20] Chuang DC, Ma H, Wei F. A new evaluation system to pre-
ou sans chirurgie nerveuse. Elle peut apparaître très dict the sequelae of late obstetric brachial plexus palsy. Plast
tôt dès le 5e mois. Elle doit être dépistée et traitée rapi- Reconstr Surg 1998 ; 101 : 673–85.
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articulaires. Les atteintes totales ont par contre un [22] Greenwald AG, Schute PC, Shiveley JL. Brachial plexus birth
mauvais pronostic. Leur prise en charge est chirurgicale palsy : a 10-year report on the incidence and prognosis.
et doit être précoce, dès l'âge de 3 mois. Cependant, J Pediatr Orthop 1984 ; 4 : 689–92.
l'étendue et la sévérité des lésions constituent souvent [23] Pondaag W, Malessy MJ, van Dijk JG, Thomeer RT. Natural
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un obstacle à une réparation nerveuse optimale expli- Dev Med Child Neurol 2004 ; 46 : 138–44.
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169

La membrane induite
chez l'enfant : technique
et indications
R. GOURON

R. Gouron
Résumé habituelles que sont les pseudarthroses jonctionnelles, la fail-
lite du matériel de stabilisation ou la résorption de la greffe.
La technique de la membrane induite est aujourd'hui tout à Cette technique devient aujourd'hui le gold standard de la
fait adaptable aux reconstructions osseuses segmentaires chez reconstruction osseuse en traumatologie et chirurgie osseuse
l'enfant. La technique est relativement superposable à celle de septique. Elle prend toute son importance chez l'enfant dans
l'adulte. Une entretoise en ciment est interposée et au cours le cadre des reconstructions en chirurgie tumorale. Le délai de
d'un second temps opératoire, survenant 6 semaines après l'in- greffe sera repoussé de manière empirique environ 8 semaines
terposition de l'entretoise, une greffe corticospongieuse mor- après la chimiothérapie. C'est enfin dans le traitement des
celée est installée dans la membrane induite autour du ciment pseudarthroses congénitales que la technique de la membrane
qui aura préalablement été retiré. Une expansion de greffe induite vient d'être introduite, semblant alléger le traitement
par allogreffe en copeaux est possible sans dépasser 30 % du conventionnel souvent long et difficile. Ce n'est que l'évalua-
volume total. La possibilité d'installation d'autogreffe sous tion a plus long terme qui confirmera la supériorité de cette
forme de baguette osseuse est intéressante au cours des recons- technique de reconstruction en pédiatrie.
tructions de longues pertes de substance et dans le cadre des
reconstructions fémorales ou métaphyso-­diaphysaires tibiales.
La rigueur d'exécution technique (recouvrement des extrémités Mots clés : Membrane induite. – Reconstruction osseuse.
osseuses par le ciment et qualité de la stabilisation osseuse) – Enfant. – Tumeur. – Pseudarthrose congénitale.
sera le garant de l'absence de survenue des complications

Introduction la technique de la membrane induite adaptée à l'enfant


sera exposé ainsi que les éléments à prendre en compte
La technique de la membrane induite, initialement pour éviter les complications habituellement rencon-
décrite chez l'adulte par Masquelet [1, 2], est devenue trées. Les principales indications chez l'enfant seront
une technique de référence chez l'enfant dans le cadre enfin abordées.
des reconstructions osseuses segmentaires [3] et permet
de reconstruire de longues pertes de substance pouvant
aller jusqu'à 30 à 50 % de la longueur totale de l'os.
Technique opératoire
La facilité de remodelage de l'os de l'enfant, ses capa- Quelle qu'en soit l'indication et malgré son apparente
cités de consolidation en ont fait une technique de facilité, la technique de la membrane induite requiert
choix dans des indications classiques de pseudarthrose une rigueur d'exécution, gage de son succès. Elle per-
septique ou de traumatologie. Mais c'est en chirurgie met la reconstruction des pertes de substance osseuse
tumorale et dans le cadre de la pathologie congénitale segmentaire en deux étapes chirurgicales (figure 14.1).
que la technique de la membrane induite prend tout son Une membrane épaisse de réaction à corps étranger
intérêt en pédiatrie [3–6]. Malgré son apparente simpli- se forme autour d'une entretoise en ciment posée au
cité, elle requiert une rigueur d'exécution sans laquelle cours d'un premier temps opératoire. Cette membrane
un certain nombre de complications maintenant bien agit comme une véritable chambre biologique qui va
connues peuvent survenir au premier rang desquelles contenir et protéger la greffe de la résorption et stimu-
se situe la pseudarthrose jonctionnelle. L'ensemble de ler la régénération osseuse (second temps opératoire).

Conférences d'enseignement 2015


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170 R. Gouron

Premier temps opératoire dante du segment osseux et de la longueur de l'os à


reconstruire. L'avantage est à la stabilisation par
Les conditions de réalisation du premier temps opéra- plaque à vissage verrouillé dans la plupart des locali-
toire sont dépendantes de la pathologie traitée. Cette sations dès lors que la couverture cutanée est suffisam-
étape initiale de la technique de la membrane induite ment épaisse et saine pour ne pas prendre un risque
peut intervenir en urgence en traumatologie ou bien d'exposition du matériel. Ce type de stabilisation est
de manière programmée dans un protocole de prise en tout particulièrement indiqué en zone métaphysaire
charge thérapeutique planifié chez des enfants parfois ou épiphysaire à l'aide de plaques en T. Pour les très
fragilisés tout particulièrement en chirurgie tumorale. grandes pertes de substance, tout particulièrement au
Cette première étape doit respecter un certain nombre tibia ou à l'humérus distal, une double stabilisation
de règles qui conditionnent la réussite de la reconstruc- par plaque médiale et latérale peut être réalisée. Chez
tion prévue. l'adolescent, lorsque les physes sont fermées, l'en-
clouage centro-médullaire verrouillé est sans doute le
mode stabilisation le plus rigide qui permettra à terme
Perte de substance osseuse une remise en charge plus rapide du patient. La stabili-
La perte de substance osseuse s'impose parfois au sation chez le tout petit enfant reste problématique [3]
chirurgien. La zone de perte osseuse doit dans tous les et peut être confiée à un embrochage centro-médullaire
cas être nettoyée et parée de tout élément nécrotique ou ou parfois un embrochage télescopique transphysaire.
infecté. L'os dévascularisé doit être excisé. Les extrémi- Néanmoins, ce mode de fixation n'est pas suffisam-
tés osseuses résiduelles doivent être en zone saine et bien ment stable pour permettre une reconstruction dans
vascularisées. Une attention toute particulière doit être de bonnes conditions et il est recommandé d'ajouter
portée à l'environnement musculaire et fascio-cutané. une immobilisation plâtrée secondairement après la
Il n'est pas concevable d'envisager une reconstruction seconde étape chirurgicale. Le ciment installé dans la
segmentaire si la couverture et l'environnement ne sont perte de substance autour des broches donne une sta-
pas optimaux. Le premier temps chirurgical n'est donc bilité primaire suffisante au montage après le premier
pas tant celui du débridement que la phase initiale de temps opératoire, rendant ainsi inutile l'immobilisa-
la reconstruction pluritissulaire. Il faudra donc parfois tion plâtrée entre les deux temps opératoires.
adjoindre dès cette étape des techniques de lambeaux Les conditions locales ou la prise en charge dans le
locaux ou lambeaux libres pour rendre optimales les cadre de l'urgence peuvent imposer une exofixation.
conditions de la reconstruction. Le choix du type de fixateur externe est bien sûr par-
fois imposé par la fracture, le délabrement ou la zone
diaphysaire ou métaphyso-épiphysaire du segment
Stabilisation osseuse osseux atteint. Néanmoins, il semble qu'un fixateur
La stabilité mécanique est un facteur essentiel pour la externe circulaire, qui favorise les contraintes en com-
réussite de la reconstruction. Elle est bien sûr dépen- pression et évite les contraintes en cisaillement, soit
plus favorable pour une technique de reconstruction
par membrane induite qu'un fixateur externe mono-
plan [3, 7]. Les contraintes en cisaillement sont en effet
peu favorables aux consolidations des jonctions proxi-

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males ou distales os/greffe. Il est par contre possible
de modifier le type de fixation externe au moment
de la greffe ou en cours de consolidation de celle-ci
si le remodelage et la densification de la greffe sont
insuffisants.
Figure 14.1 Technique de la membrane induite en deux temps
opératoire.
Reconstruction d'une perte de substance osseuse de 11,5 cm
Installation de l'entretoise
dans le cadre du traitement d'un sarcome d'Ewing du fémur. L'installation de l'entretoise ne peut intervenir qu'après
Résection tumorale sous-trochantérienne et stabilisation par une stabilisation osseuse adaptée. Depuis l'origine,
enclouage centro-médullaire (a). Mise en place de l'entretoise
c'est le ciment chirurgical disponible dans tout bloc
en ciment chirurgicale (b). Second temps opératoire consistant
en une ablation du ciment laissant une cavité tapissée par une d'orthopédie qui est utilisé. Ce dernier composé de
membrane induite (c) formant une véritable chambre biologique plusieurs substances, dont la principale est le polymé-
prête à recevoir la greffe morcelée (d). thylmétacrylate, est présenté sous forme de poudre et
La membrane induite chez l'enfant : technique et indications 171

de solvant, qui mélangés donnent en quelques minutes ciment est manipulable et non adhérent, il est moulé
une pâte malléable qui peut être moulée à la demande dans les seringues installées en prenant garde à bien
et qui durcit en une dizaine de minutes par une réaction recouvrir les extrémités osseuses tout particulièrement
chimique de polymérisation exothermique. Dans l'ex- en profondeur et en arrière dans les zones moins acces-
périence de Masquelet en chirurgie osseuse septique, sibles. Le volume de l'entretoise doit toujours être plus
le ciment utilisé est dépourvu d'antibiotique. Ainsi important en diamètre que l'os initial. Pendant la
l'entretoise joue le rôle d'une veille bactériologique là polymérisation, une irrigation régulière par du sérum
où des antibiotiques dissimuleraient une infection tor- physiologique permet un refroidissement du champ
pide [8]. D'autres utilisent un ciment accompagné de opératoire. Après durcissement, les seringues sont
gentamycine dans ces mêmes indications [9] ou pour aisément retirées laissant l'entretoise en place.
protéger le site opératoire de l'infection, tout particu- Dans certains cas, le ciment peut être remplacé par
lièrement chez des patients fragiles en chimiothérapie. des billes de ciment plus facilement instalables dans
Le site doit être préparé avant la mise en place du la zone à reconstruire avec la même efficacité qu'un
ciment. Il faut prévoir une entretoise plus volumi- ciment malléable [8].
neuse que l'os à reconstruire, recouvrant les extrémi- La reconstruction osseuse est à intégrer à la recons-
tés osseuses et la plus lisse possible pour que la future truction des appareils ligamentaires et tendineux adja-
membrane s'en détache sans difficulté. Une interface cents, tout particulièrement en zone péri-articulaire. Il
entre les tissus mous et la zone à reconstruire est instal- est possible d'intégrer des ancres dans le ciment pen-
lée. Il peut s'agir d'un morceau de gant chirurgical [8] dant la phase de durcissement. Ces ancres peuvent
ou mieux d'une demi-seringue de 50 cc découpée lon- ainsi permettre une réinsertion tendineuse sur le
gitudinalement et évasée qui réalisera un véritable ciment (ligament patellaire au tibia, moyen glutéal au
moule au ciment [3, 10]. Ce moule doit déborder les grand trochanter, tendon d'Achille au calcanéum…).
extrémités osseuses pour faciliter le recouvrement par Le tendon ainsi fixé se retrouvera de fait inséré sur
le ciment. Plusieurs demi-seringues suturées entre elles la membrane induite et donc sur l'os néofomé après
peuvent être installées pour les grandes pertes de subs- la greffe (figure 14.3). Cette réinsertion tendineuse est
tance osseuse (figure 14.2). Enfin, ces moules peuvent extrêmement solide. En l'absence d'ancre, les struc-
être évasés pour envisager une reconstruction méta- tures tendineuses ou ligamentaires peuvent aussi être
physaire. On peut s'aider de vis installées sur la plaque réinsérées par l'intermédiaire d'un tunnel réalisé au
dans la zone de perte de substance pour maintenir sein du ciment après durcissement, réalisé au moteur à
l'écartement et l'ouverture des moules. Ces vis reste- la mèche de 2 mm.
ront noyées dans le ciment [3]. Les moules ont de plus
l'avantage de protéger les tissus mous environnants de
la chaleur dégagée par la polymérisation du ciment.
Plusieurs volumes de ciment sont ensuite préparés
en fonction de la taille de la zone à combler. Quand le
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Figure 14.2 Résection d'un ostéosarcome tibial distal à l'âge


de 10 ans. Figure 14.3 Résection d'un sarcome d'Ewing trochantérien.
Stabilisation par plaque vissée verrouillée diaphyso-­métaphysaire Stabilisation cervico-diaphysaire fémorale par clou gamma
distale. Mise en place des moules réalisés à l'aide de seringues (a) long (a) et interposition de l'entretoise cimentée. Des ancres sont
et mise en place de l'entretoise (b). Les seringues ne sont pas fixées dans le ciment laissant des fils de réinsertion (b) pour repo-
adhérentes au ciment. ser le tendon du muscle moyen glutéal.
172 R. Gouron

Couverture cutanée greffe issu des deux crêtes postérieures. Le prélève-


ment de ces greffons constitue le premier temps de la
Après lavage de la zone opératoire, les tissus muscu- seconde séquence opératoire et se fera bien sûr sur un
laires sont suturés par-dessus le ciment. Un lambeau patient en décubitus ventral. Il est conseillé de préle-
local ou à distance peut être, si nécessaire, utilisé pour ver 40 à 60 mL de sang issu de la crête postérieure
recouvrir la zone opératoire tout particulièrement dans le but d'imbiber une potentielle allogreffe en
pour les reconstructions tibiales. Le drainage de la copeaux dont l'utilisation serait rendue nécessaire par
zone opératoire est à discuter en fonction de la locali- un volume d'autogreffe trop petit. Cette expansion de
sation mais n'est pas indispensable. greffe par allogreffe en copeaux doit être limitée à 30 %
du volume total, comme le préconise Masquelet [1].
Second temps opératoire Au-delà de cette proportion, l'allogreffe est visible, ce
qui signifie de fait qu'elle sera moins colonisée par les
Le second temps opératoire est le temps essentiel de cellules osseuses du patient. Une autogreffe corticale
greffe. Il consiste en la mise en place d'une greffe (tibiale ou fibulaire) peut être également ajoutée dans
osseuse morcelée dans la membrane induite, formée la membrane induite sans que son volume n'entrave
autour de l'entretoise après le retrait du ciment. la consolidation. Cette construction a été utilisée par
Biau [10], Villemagne [4] (sept cas sur douze). Nous
Date du second temps utilisons cette autogreffe corticale pour les reconstruc-
tions de plus de 40 % du segment d'os à reconstruire,
Dans la plupart des cas, le second temps opératoire
car celle-ci a le double avantage d'augmenter le volume
intervient 6 à 8 semaines après le premier. La sécré-
de greffe mais également de fournir une stabilité pri-
tion maximale de facteurs biologiques (TGF-β, VEGF
maire à la greffe puisque la baguette est encastrée aux
et BMP2) permet de penser que la membrane pourrait
deux extrémités osseuses résiduelles ou parfois vissée
être efficace dès 4 semaines [11, 12]. Mais la cicatri-
en opposition à la plaque quand ce mode de fixation a
sation des parties molles ou des lambeaux n'est sou-
été choisi (figure 14.4). Pour Masquelet [8], cette auto-
vent pas acquise avant 6 à 8 semaines, ce qui fait de
greffe corticale est indispensable aux reconstructions
cette date le délai sans doute optimal [8]. Dans le cadre
fémorales, car elle va s'opposer aux contraintes vari-
des reconstructions tumorales, les contraintes liées au
santes de ce segment.
traitement chimiothérapique adjuvant ont imposé
Le RIA (reamer irrigator aspirator) consiste à
une modification de la date de survenue du temps de
recueillir le produit d'alésage d'un fémur pour ser-
greffe. Comme dans les séries de Villemagne [4] et
vir d'autogreffe. Ce procédé semble prometteur chez
de Chotel [5], le second temps a donc été réalisé 6 à
8 semaines après la dernière cure de chimiothérapie
adjuvante de manière à diminuer l'effet antimitotique
des drogues sur les ostéoblastes et améliorer la neu-
tropénie source de risque infectieux majeur. Ce choix
de délai reste empirique. Les résultats semblent mon-
trer une reconstruction satisfaisante malgré ce délai.
Une publication récente [13], qui montre une bonne

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intégration de la greffe plusieurs années après la mise
en place du ciment, permet de relativiser cette date de
second temps opératoire.

Choix de la greffe à utiliser


Les grandes pertes de substance osseuse à combler
impliquent l'utilisation d'une importante quantité
d'autogreffe qui reste le facteur limitant tout particu-
lièrement chez les enfants très jeunes. Classiquement,
c'est la greffe issue de crêtes iliaques qui est utilisée. Le
site de prélèvement est choisi en fonction du volume
Figure 14.4 Second temps de greffe après résection d'un ostéo-
de greffe souhaité. Une crête postérieure peut suffire à sarcome tibial proximal avec conservation épiphysaire.
combler une perte de substance diaphysaire de 5 cm. Vissage d'une baguette tibiale opposée à la plaque de stabilisa-
Au-delà et très fréquemment, on utilise le volume de tion (a). Aspect radiographique postopératoire (b).
La membrane induite chez l'enfant : technique et indications 173

l'adulte [9, 14, 15] mais n'est pas utilisable chez l'en- celle-ci doit être installée dans la cavité membranaire
fant dès lors qu'il existe une croissance résiduelle. Il avant la greffe morcelée. Elle peut être encastrée à
peut être utilisé à physe fermée mais ne doit pas être chaque extrémité osseuse ou vissée en opposition à
utilisé seul, car cette greffe est très compacte et très une plaque d'ostéosynthèse grâce aux trous libres de
difficile à remodeler. Un cas de résorption massive a la plaque dans la zone à combler ou grâce aux vis qui
déjà été décrit avec ce type de greffe [3] même si une avaient été laissées dans le ciment au cours du premier
allogreffe morcelée avait été ajoutée. Le lien entre RIA temps opératoire [3].
et résorption n'est pas certain. La greffe morcelée est ensuite installée dans la cavité
membranaire, en abondance. Il faut prendre garde à ins-
taller un bon volume de greffe à chaque extrémité osseuse.
Retrait de l'entretoise La membrane est ensuite suturée par un surjet
Le ciment doit être retiré en prenant soins de la mem- étanche de fils résorbable. Ce surjet va resserrer la
brane qui l'entoure. Lors de l'abord chirurgical, il faut cavité et donc créer la morphologie définitive de la
retourner le plus directement possible sur la zone à zone greffée. Le reste des tissus est refermé classique-
reconstruire en reprenant les anciennes incisions. Il ment sur drain de Redon. Un lambeau précédemment
faut parfois soulever un lambeau réalisé au moment de réalisé est reposé. Un second temps de couverture peut
la couverture à l'opposé de son pédicule vasculaire. La également être réalisé à cet instant.
membrane est incisée dans l'axe de l'os à reconstruire.
Elle n'est pas adhérente au ciment, mais elle n'est pas
dissociable du muscle environnant. Elle s'ouvre ainsi Soins postopératoires
facilement et peut être écartée par un écarteur autos- La phase postopératoire n'a rien de spécifique. Chez
tatique. Il faut ensuite retirer le ciment sans blesser la le petit enfant, quand la stabilisation osseuse est ren-
membrane. Le ciment peut être fragmenté à la mèche due difficile par la petite taille de l'os, une immobi-
et au moteur en timbre-poste. Des ciseaux peuvent lisation plâtrée est à conseiller jusqu'à consolidation
ensuite permettre l'extraction de l'entretoise morcelée. osseuse [16].
Tous les débris de ciment doivent soigneusement être La consolidation nécessaire à la mise en charge reste
retirés manuellement ou par lavage au sérum physio- difficile à déterminer. La consolidation d'une baguette
logique. Les fils des ancres permettant d'éventuelles osseuse intramembranaire correspond probablement à
réinsertions tendineuses sont sectionnés et emportés la bonne date pour reprendre un appui. Dans le cadre
avec le ciment. En effet, les tendons réinsérés sont d'une greffe morcelée pure, la corticalisation de la
déjà à ce stade solidaires de la membrane induite. Une greffe permet un appui sans crainte.
fois retirée, l'entretoise laisse apparaître une cavité
parfaitement délimitée par la membrane luisante et
vascularisée. Les extrémités osseuses sont exposées à Dépistage des complications
l'intérieur de cette cavité. Les complications ou difficultés de cette technique de
reconstruction osseuse sont fréquentes, mais peuvent
en partie être évitées par une technique rigoureuse.
Installation de la greffe
Pseudarthroses jonctionnelles
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La greffe issue de chaque crête postérieure (une ou


deux en fonction du volume à combler) est morcelée
en greffons de toute petite taille de moins de 3 à 4 mm Les pseudarthroses aux extrémités sont très fréquentes
(au broyeur à os pour une meilleure homogénéité). de 30 à 100 % des cas selon les séries [3–5]. Elles sont
C'est à cet instant qu'une expansion de greffe peut souvent liées à des erreurs techniques. La première
être réalisée par l'adjonction d'allogreffe en copeaux cause est le défaut de recouvrement des extrémités
qui vient se mélanger à l'autogreffe et au sang prélevé osseuses par le ciment (figure 14.5). De ce fait, lors
lors de l'extraction de la greffe iliaque. Ainsi, l'allo- du second temps, l'autogreffe corticospongieuse ne
greffe prend le même aspect que l'autogreffe et le sang recouvre pas assez les berges osseuses et est probable-
imprègne l'os du donneur. ment la cause de l'absence de fusion entre l'os néo-
Avant l'installation de la greffe, il est important de formé et les berges de résection. La deuxième cause
reperméabiliser le canal centro-médullaire à chaque est parfois l'insuffisance de décortication de l'os natif
extrémité et de décortiquer en pétallisant l'os cortical ou de reperméabilisation du canal centro-médullaire
pour limiter le risque de pseudarthrose jonctionnelle. ou encore le manque de greffe au contact de cet os. Il
S'il a été fait le choix d'installer une baguette osseuse, faut donc être très soigneux lors du temps de greffe et
174 R. Gouron

une contention externe par plâtre le temps de la conso-


lidation de la greffe.
La fixation externe est parfois obligatoire en trauma-
tologie ou dans le cadre de la prise en charge d'infections
ostéo-articulaires. Dans notre expérience, la consolida-
tion est difficile à obtenir si un fixateur monoplan est
utilisé. Même si aucune comparaison statistique n'est
possible compte tenu du faible effectif des différentes
séries, il semble, comme le suggère Karger [7], que le
mode de fixation externe circulaire est à privilégier
chez l'enfant si une exofixation est choisie pour sta-
Figure 14.5 Reconstruction d'une perte de substance osseuse biliser la perte de substance osseuse. Les fixateurs cir-
de 11,5 cm dans le cadre du traitement d'un sarcome d'Ewing culaires sont préférés car ils favorisent les contraintes
du fémur. en compression favorables à la consolidation. Ils sont
Ciment mis en place après la résection (a) avec insuffisance de
d'ailleurs tout à fait adaptés aux fixations métaphyso-
manchonnage distal (flèche blanche), conduisant à une pseu-
darthrose distale à 11 mois de la greffe (b), traitée par décor- épiphysaires lors de reconstructions métaphysaires
tication–greffe aboutissant à une consolidation complète. tibiales proximales ou fémorales distales.
Aspect à 4 ans de recul (c).

insister sur les zones jonctionnelles proximales et dis-


Résorptions
tales. Enfin, la troisième cause est l'insuffisance de la Plusieurs cas de résorptions massives de greffes ont été
stabilisation osseuse. Le ciment est un élément impor- publiés [3, 17]. Il s'agit uniquement de reconstructions
tant de stabilité et dès lors qu'on le retire, l'ensemble dans le cadre de tumeurs malignes (essentiellement
des contraintes est transmis par le matériel de stabi- fémorales). Aucun point commun entre ces dossiers
lisation. Si ce dernier est insuffisamment rigide, une n'a permis de manière certaine d'identifier la cause de
mobilité préjudiciable à la fusion apparaît aux extré- la résorption, même si pour certains, l'ostéosynthèse
mités de la résection. ou le type de greffe utilisée pouvaient être discutables.
Au tibia, il est préférable d'étendre le ciment au Il convient donc d'être prudent lors de l'utilisation de
contact de la fibula au cours du premier temps opé- cette technique pour les reconstructions tumorales.
ratoire [6]. Ainsi, la greffe qui sera installée lors du Les travaux fondamentaux engagés permettront peut-
second temps, pourra être disposée dans la membrane être à terme de comprendre les mécanismes biolo-
au contact de la fibula, ce qui entraînera une véritable giques et cellulaires mis en œuvre au cours de cette
greffe inter-tibio-fibulaire et facilitera la consolidation. technique de reconstruction et ainsi de prévenir ce type
La pseudarthrose se traite par une décortication– de résorption.
greffe et parfois par une modification de l'ostéosynthèse
(changement de type de fixateur externe, dynamisation
d'un clou, remplacement par une plaque vissée…). Indications

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La technique de la membrane induite est devenue
Faillite de la stabilisation osseuse aujourd'hui le gold standard de la reconstruction bio-
logique des longues pertes osseuses segmentaires chez
La stabilisation est un point essentiel au succès de la l'enfant [3]. L'indication de ce type de reconstruction
reconstruction par la technique de la membrane induite. se fait pour des pertes de substance dépassant 4 cm
Le matériel le plus stable possible doit être choisi. Au jusqu'à plus de 25 cm, ce qui peut représenter plus de
fémur et à l'adolescence, l'enclouage centro-­médullaire la moitié d'un segment diaphysaire [18]. Les transferts
verrouillé doit être préféré. Au tibia, à l'humérus, au vascularisés ou allogreffes massives non vascularisées
fémur de l'enfant plus jeune, c'est l'ostéosynthèse par sont réservés maintenant aux échecs de la membrane
plaque à vissage verrouillé qui est le plus adapté. induite ou aux localisations particulières (reconstruc-
Le plus difficile est d'obtenir une stabilisation effi- tions articulaires).
cace chez le tout petit enfant. Dans ce cas, seules les Initialement proposée par Masquelet [1] chez
broches utilisées comme un embrochage télescopique l'adulte dans le cadre du traitement des pseudarthroses
transphysaire peuvent apporter une stabilité sur une infectées, c'est vraiment chez l'enfant que cette tech-
grande perte de substance osseuse. Il faudra y associer nique a pris le plus d'indications.
La membrane induite chez l'enfant : technique et indications 175

Chirurgie septique particularité de cette technique dans cette indication


est la date du second temps opératoire. La greffe a lieu
Masquelet a décrit la technique de la membrane 6 à 8 semaines après la fin de la chimiothérapie. Cette
induite dans le cadre de la chirurgie ostéo-articulaire date est empirique mais il convient d'opérer un enfant
septique [1]. L'entretoise en ciment sert à la fois au en bon état général, à distance des problèmes liés à
maintien de l'espace avant la greffe mais également la chimiothérapie. On convient que l'activité cellulaire
de veille bactériologique. Ce ciment sans antibiotique de la membrane induite qu'implique le remodelage des
peut ainsi être retiré en cas de sepsis non contrôlé. greffons ne peut pas être efficace en période de chimio-
Après un parage soigneux, une nouvelle entretoise thérapie. Le reste de la procédure ne présente pas de
cimentée est alors installée. Si l'infection est contrôlée, particularité.
la greffe peut alors être réalisée environ 2 mois après
la mise en place du ciment.
Chez l'enfant, de telles indications sont rares.
Pathologies congénitales
Néanmoins, des cas de pseudarthroses septiques au L'utilisation de la technique de la membrane induite
décours de fractures ouvertes sont possibles [19] et en pathologie congénitale est toute récente. C'est tout
peuvent être traités par une résection en os sain et l'in- particulièrement dans la prise en charge de la pseu-
terposition de ciment. darthrose congénitale de jambe que ce principe a été
adapté [6, 16, 21] ainsi que dans un cas de pseudar-
Traumatologie throse congénitale de la clavicule [22]. La littérature
n'expose encore que de courtes séries mais il semble
L'utilisation de la membrane induite chez l'enfant en que cette technique permet des délais de consolidation
traumatologie a été décrite dans une série de recons- courts de 45 jours à 4 mois. Une évaluation à plus long
tructions diaphysaires pédiatriques dont dix avaient été terme est nécessaire pour s'assurer de l'absence de frac-
menées par membrane induite [20] puis au sein d'une ture itérative et de difficultés de consolidation jusqu'à la
série mixte d'adultes et d'enfants [7]. Son indication fin de la croissance. Alors que l'âge d'intervention pré-
est là encore réservée aux grandes pertes de substance férable est de 3 à 5 ans pour la fibula vascularisée [23]
osseuse en urgence. L'installation de l'entretoise va per- et à partir de 5 ans pour la méthode d'Ilizarov [24], la
mettre la future reconstruction mais donne surtout une technique de la membrane induite permet d'intervenir
stabilité primaire (en association avec la stabilisation sur des patients plus jeunes. Pannier [6] conseille une
interne ou externe), élément indispensable à la recons- extension de la greffe à la fibula dans cette indication
truction pluritissulaire myo-fascio-cutanée. Parfois, où la consolidation est habituellement difficile à obte-
l'installation est réalisée dans un second temps après nir par les méthodes traditionnelles. La stabilisation
la prise en charge en urgence qui a consisté en l'ins- osseuse est difficile à réaliser chez ces enfants souvent
tallation d'une exofixation. L'installation du ciment a très jeunes. Dans ce cas particulier, l'embrochage axial
lieu quand l'environnement musculaire et cutané est télescopique peut être utilisé. À la clavicule, une stabi-
cicatrisé. C'est alors le meilleur moment pour modifier lisation par broche est suffisante [22].
l'ostéosynthèse, c'est-à-dire passer d'un fixateur mono-
plan à un fixateur circulaire ou mieux passer d'une
Conclusion
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exofixation à une stabilisation interne par plaque vis-


sée verrouillée. Le reste de la reconstruction n'a pas deInitialement utilisée en traumatologie, après résection
spécificité par rapport à celle de l'adulte. de pseudarthroses septiques, puis utilisée après résec-
tion de tumeurs malignes, la technique de la membrane
Pathologies tumorales induite permet la reconstruction de grandes pertes de
substance osseuse. Les indications s'ouvrent en ortho-
La reconstruction diaphysaires ou métaphyso-­ pédie pédiatrique à la prise en charge des pathologies
diaphysaire suivant les résections de tumeurs osseuses congénitales telles que les pseudarthroses congénitales.
était jusqu'alors confiée aux transferts osseux vascu- L'apparente simplicité de la technique nécessite
larisés plus ou moins associés à des allogreffes. C'est néanmoins une rigueur d'exécution tant sur le plan du
chez l'enfant et dans cette indication que la technique recouvrement par le ciment que sur le plan de la sta-
de la membrane induite a pris son essor [3–5, 10]. En bilité du montage. C'est à ces conditions que peut être
chirurgie oncologique, une étude multicentrique a rap- évitée la principale complication qu'est la pseudar-
porté son utilisation sur une série de 12 enfants [4] et throse. La résorption de greffe est possible mais n'est
Chotel [5] a rapporté son expérience de huit cas. La pas encore comprise.
176 R. Gouron

La technique de Masquelet paraît donc être une tors and could stimulate bone regeneration. J Orthop Res 2004 ;
méthode fiable pour répondre aux principales situa- 22 : 73–9.
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le traitement de référence. [13] Assal M, Stern R. The Masquelet procedure gone awry.

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177

Spondylolisthésis L5-S1
de l'enfant et de l'adolescent
P. VIOLAS

P. Violas

Résumé long terme sans nécessiter de compensations rachidiennes, pel-


viennes ou sous-pelviennes et avec la moindre dépense d'éner-
Le spondylolisthésis (SPL) de l'enfant et de l'adolescent est une gie possible. Les moyens pour y parvenir sont encore débattus
pathologie dont l'étiologie précise reste indéterminée mais dont dans la littérature. Les techniques chirurgicales, qu'elles soient
les origines qui semblent plurifactorielles puisent leur source dans instrumentées ou non, qu'elles cherchent à obtenir une fusion in
des adaptations anthropologiques de l'équilibre sagittal du rachis situ ou au contraire à corriger des déformations lombo-sacrées,
auxquelles s'ajoutent de possibles origines microtraumatiques, comportent toutes des risques neurologiques dont l'enfant et la
génétiques et dysplasiques. La caractérisation des paramètres famille doivent être prévenus. Ce n'est sans doute qu'en appré-
sagittaux apporte non seulement des arguments pour s'approcher ciant sur un grand recul les résultats fonctionnels (échelles de
de ces hypothèses étiopathogéniques, mais tente aussi de mieux qualité de vie) couplés aux résultats radiologiques des chirurgies
classifier les différentes formes de sévérité de cette pathologie recherchant une normalisation de l'angle lombo-sacré, qu'une
afin d'apporter des propositions thérapeutiques adaptées aux dif- supériorité de ces techniques pourra être démontrée par rapport
férentes situations cliniques et radiologiques que l'on rencontre. aux chirurgies avec fusion in situ.
Ainsi, les chirurgies devraient prétendre non seulement à stabi-
liser grâce à une arthrodèse puissante la jonction lombo-sacrée,
Mots clés : Spondylolisthésis. – Enfant. – Adolescent.
mais aussi à modifier les paramètres pelviens anormaux afin
d'espérer normaliser l'équilibre sagittal global du patient sur le

Introduction vertèbre. Le mot spondylolisthésis signifie glissement


(olisthésis) d'une vertèbre par rapport aux vertèbres
Dans sa conférence d'enseignement de 2001 sur la (spondulos) sous-jacentes, ce terme désignant à la fois
spondylolyse et le spondylolisthésis (SPL) lombo-sacré les glissements antérieurs (antélisthésis) et postérieurs
de l'enfant et de l'adolescent, J.-L. Jouve a rappelé les (rétrolisthésis). Il est exclusivement antérieur dans le
bases historiques, anatomiques et pathogéniques de chapitre qui nous concerne.
cette pathologie complexe [1] et des références com-
plémentaires pourront y être consultées. C'est donc
uniquement un bref rappel des hypothèses étiopa- Hypothèses étiopathogéniques
thogéniques qui sera proposé, ce travail cherchant à actuelles et rôle de l'équilibre
actualiser les données récentes ayant trait aux rapports sagittal
entre cette pathologie et l'équilibre sagittal global du
rachis et à proposer une mise au point sur les contro- Depuis la publication par Borkow et Kleiger en 1971
verses encore importantes concernant les indications du seul cas de SPL découvert chez un nouveau-né, tout
thérapeutiques des SPL surtout dans leur forme à laisse à penser que la survenue d'un SPL L5-S1 sur lyse
grand déplacement. La prise en charge de la spondy- isthmique ou sur dysplasie isthmique (élongation des
lolyse L5-S1 ne sera que très brièvement abordée, les isthmes sans solution de continuité) soit en très grande
points essentiels abordés par J.-L. Jouve dans sa confé- partie liée à l'acquisition de la bipédie et de la verti-
rence ne nécessitant pas de mise au point particulière. calisation. Ainsi, cette modification anatomique de la
On rappelle que la spondylolyse est une solution de jonction lombo-sacrée ne s'observe-t-elle que chez les
continuité au niveau de la pars interarticularis d'une sujets marchants en dehors des patients athétosiques.

Conférences d'enseignement 2015


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178 P. Violas

Sa fréquence est estimée à 5 % à 6 ans et semble aug- sacrum par rapport aux têtes fémorales, non sou-
menter quelque peu en fin de croissance [2]. Une part mis à variation en fonction de la posture adoptée
génétique est probable étant donné la fréquence de par l'individu [4]. Il faut néanmoins pondérer cette
survenue dans certaines ethnies ainsi que la description affirmation. Une variation de l'incidence pelvienne est
de cas familiaux. Le rôle de traumatismes, et surtout possible, notamment en postopératoire comme l'ont
de microtraumatismes ou de contraintes en hyper- montré Hresko et al. [5] avec une augmentation de
lordose à l'occasion des sports nécessitant ce type de l'incidence pelvienne après une chirurgie par fusion et
mouvement brutal et répété (gymnastique, haltérophi- correction partielle du SPL, augmentation attribuée à
lie), complète un ensemble plurifactoriel de possibles un remodelage sacré et à une mobilité au niveau des
causes de survenue de cette pathologie, à laquelle articulations sacro-iliaques.
s'ajoutent des facteurs dystrophiques locaux comme Il faut également citer la gîte sagittale en T9 (plumb
les anomalies fréquentes du raphé médian postérieur line pour les Anglo-Saxons). La vertèbre T9 est consi-
(spina bifida occulta). dérée comme le centre de gravité du tronc. Cet angle
Cette anomalie de la jonction lombo-sacrée n'appa- est constitué par la verticale abaissée sur les têtes fémo-
raissant qu'après l'âge de l'apprentissage de la marche rales et la droite reliant les têtes fémorales au milieu du
lors de la constitution de la lordose lombaire, cela a corps de T9 (valeur moyenne de 11°).
conduit peu à peu à considérer que son origine pour- Afin de caractériser ces paramètres en pédiatrie,
rait être liée à des adaptations à la fois de l'équilibre Mac-Thiong et al. [6] ont étudié ce qu'ils ont appelé
sagittal du rachis et du complexe lombo-pelvi-fémoral, la balance sagittale normale d'une population de
ainsi qu'à des adaptations de la balance dynamique 341 enfants âgés de 3 à 18 ans et ne présentant pas
sagittale du tronc. de pathologie rachidienne particulière. Les valeurs
De nombreux paramètres, dont on connaît les retrouvées étaient quelque peu différentes de celles
valeurs physiologiques [3], sont pris en compte pour d'une population adulte également sans patholo-
l'analyse de l'équilibre sagittal du rachis en condition gie [7], mais les corrélations des paramètres entre eux
normale et pathologique. Parmi ces multiples para- restaient les mêmes avec notamment la forte corréla-
mètres (figure 15.1), l'incidence pelvienne revêt une tion de l'incidence pelvienne avec la pente sacrée et
grande importance dans la compréhension de sur- à la version pelvienne. Cette corrélation est arithmé-
venue du SPL. L'incidence pelvienne est considérée tique, l'incidence pelvienne étant considérée comme la
comme un caractère anatomique fixé pour chaque somme de la pente sacrée et de la version pelvienne.
individu et qui traduit la position réciproque du D'autres paramètres angulaires comme la lordose
lombaire sont liés à l'incidence pelvienne et cette der-
nière est plus élevée chez les patients présentant un
SPL lombo-sacré [8, 9]. Ainsi, les patients ayant une
forte lordose lombaire présenteraient des contraintes
mécaniques sur la région isthmique de L5 favorables à
la survenue de cette pathologie. L'incidence pelvienne
est intimement liée à la lordose lombaire d'un indi-
vidu et certains auteurs ont proposé un calcul de la
lordose théorique idéale d'un sujet en fonction de son

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incidence pelvienne [10].
Pour une valeur d'incidence pelvienne donnée, les
modifications des autres paramètres observés chez les
patients présentant un SPL seraient liées à des stra-
tégies d'équilibre global du tronc avec si possible le
moins de recours possible à une dépense énergétique,
dépendante des possibilités d'adaptation des para-
mètres sagittaux, qu'il s'agisse du rachis ou du com-
plexe lombo-pelvi-fémoral.
Néanmoins considérer qu'une valeur d'incidence
pelvienne élevée soit à elle seule la cause de survenue
Figure 15.1 Paramètres pelviens chez un sujet normal. d'un SPL est insuffisant, des groupes témoins sans SPL
IP : incidence pelvienne, PS : pente sacrée, VP : version pel- et à forte incidence pelvienne étant retrouvés dans la
vienne. population générale.
Spondylolisthésis L5-S1 de l'enfant et de l'adolescent 179

Critères morphologiques
en imagerie médicale
Les raisonnements à mener pour le SPL qui semble intime-
ment lié à l'équilibre sagittal global du rachis et du pelvis
imposent un bilan radiographique complet en charge de
profil et de face de l'ensemble tronc–bassin et si possible
de l'ensemble du corps. Le système EOS® (EOS imaging)
est un outil permettant la réalisation de cette analyse.
Ainsi, une radiographie de profil centrée sur L5-S1 ne
suffit pas si l'on souhaite réaliser des études cherchant à
analyser l'ensemble du plan sagittal d'un sujet. Des biais
de mesure sont bien entendu possibles. Ainsi, le calcul de
l'incidence pelvienne dont nous avons vu l'importance est
une mesure fiable en l'absence de déformation, mais qui
ne l'est plus dans le cas de modifications importantes du
plateau sacré comme on peut les rencontrer avec un SPL et
une déformation en dôme du plateau sacré. Mac-Thiong
et al. [11] ont défini un néoplateau sacré par rapport aux
points de fuite des tangentes aux bords antérieur et pos- Figure 15.2 Classification de Meyerding afin de définir le pour-
térieur de S1. La ligne ainsi obtenue permet de mesurer centage de glissement antérieur de L5 par rapport à S1.
l'incidence pelvienne et la hauteur du dôme sacré. Une
déformation du plateau sacré est considérée comme signi-
ficative quand elle est supérieure à 25 % de la longueur
du plateau supérieur de S1.
Deux critères morphologiques paraissent indispen-
sables à l'appréciation à la fois du SPL mais aussi de son
risque évolutif et des décisions thérapeutiques à envisa-
ger. Il s'agit du degré de glissement antérieur de L5 par
rapport à S1 ou antélisthesis à l'origine de la classification
de Meyerding (figure 15.2) et de la cyphose lombo-sacrée
ou angle de Boxall (figure 15.3) dont la valeur normale
est comprise entre 90 et 110°. Il peut s'ajouter à cela
d'autres critères d'analyse comme des remaniements dys-
trophiques de la partie antérieure de la première vertèbre
sacrée responsables d'un aspect hypotrophique du pro-
montoire sacré. Il est possible de quantifier cette hypo-
trophie par la mesure de « l'index S1 » [12]. La présence
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d'un dôme sacré est également à observer, sa résection


lors d'une chirurgie pouvant être nécessaire comme nous
le verrons. Vialle et al. [13] comme beaucoup d'auteurs
estiment que la cyphose lombo-sacrée est un facteur pro- Figure 15.3 Mesure de l'angle lombo-sacré (LS) ou angle de
nostique ­morphologique important à prendre en compte, Boxall.
plus que ne l'est le pourcentage de glissement antérieur
de L5 par rapport à S1. Il ne s'agit néanmoins pas d'une
hypothèse récente, Boxall et al. [14] il y a 35 ans insis- radiographies standard. L'IRM montrera particulière-
taient déjà sur l'importance de la cyphose lombo-sacrée ment bien les conséquences du glissement de L5 sur la
et de sa correction en cas de chirurgie. morphologie des disques L5-S1 et L4-L5.
La réalisation d'une IRM ou d'un scanner ne doit
pas être systématique, ces deux examens étant néan-
moins très utiles pour apprécier notamment le degré
Signes cliniques
de remaniement du plateau sacré qui, lorsqu'il est très La symptomatologie liée à un SPL n'est pas propor-
dystrophique, est difficile à analyser sur de simples tionnelle au déplacement.
180 P. Violas

SPL à faible déplacement décisions sont beaucoup plus débattues. Il semble que
les défenseurs d'une chirurgie cherchant à corriger
Les SPL à faible déplacement associés à une spondy- la cyphose lombo-sacrée en l'associant à une arthro-
lolyse (ou plus rarement à une dysplasie isthmique) dèse solide argumentent leur choix sur le rétablisse-
sont de loin les plus fréquents. Les motifs de consul- ment en postopératoire d'un équilibre sagittal global
tation pourront revêtir différents aspects : tableau de du tronc satisfaisant et stable sur le long terme. Mais
lombalgies aiguës ou chroniques, isolées ou associées nous allons le voir, les choix de stratégies thérapeu-
à des sciatalgies, boiterie, attitude scoliotique ou sco- tiques sont loin d'être consensuels. Quant aux risques
liose associée (scoliose olisthésique), mais il pourra neurologiques, ils ne sont pas l'apanage uniquement
s'agir aussi de découvertes fortuites lors d'un examen des chirurgies avec instrumentation et corrections des
demandé pour un tout autre motif. déformations lombo-sacrées et ne suffisent pas à justi-
fier une attitude minimaliste.

SPL à grand déplacement


Le mode de présentation clinique d'un SPL à grand
Traitement conservateur
déplacement associe généralement tout un ensemble d'une spondylolyse ou d'un SPL
de signes cliniques même si, là encore, une découverte y compris à grand déplacement
fortuite est possible. Dans cette forme, la première
consultation pourra être motivée par un aspect « ines- Les spondylolyses aiguës témoignant de la constitu-
thétique du tronc » avec la présence d'un pli abdomi- tion d'une fracture de fatigue peuvent être traitées
nal à hauteur de l'ombilic et d'une verticalisation du soit par le repos et des antalgiques, soit pour certains
sacrum avec une hyperlordose sus-jacente voire un par lombostat pendant 3 à 4 mois. Dans ces formes,
grand dos creux. Quelquefois, la présentation clinique le plus souvent le déplacement n'est pas évolutif et la
pourra être très bruyante associant de façon variable lordose lombo-sacrée est conservée. Les SPL grade I
les signes cités précédemment auxquels s'ajoutera ou II peu symptomatiques et sans retentissement sur la
une démarche très particulière dite « guindée » avec vie quotidienne ne justifient pas non plus d'une chirur-
une forte rotation antéro-postérieure du bassin. Une gie. Quant au SPL à grand déplacement, son diagnos-
rétraction douloureuse des muscles ischio-jambiers est tic ne sous-entend pas une intervention systématique.
un signe quasi constant. Si des signes neurologiques À ce sujet, Bourassa-Moreau et al. [15] ont analysé
objectifs sont exceptionnels, une recherche systéma- lors d'une étude prospective, avec un recul minimum
tique de signes sphinctériens doit être faite à l'interro- de 2 ans et à l'aide du score HRQOL (health-related
gatoire (incontinence urinaire à l'effort). quality of life), la qualité de vie de patients présen-
La décision ou non d'un traitement chirurgical tant un SPL de haut grade opéré et non opéré. Pour
dépendra de tous ces signes cliniques et aussi de l'ana- 23 patients opérés par diverses techniques et cinq non
lyse radiologique. Une surveillance annuelle est justifiée opérés (le motif du choix des chirurgiens n'étant pas
en cas de SPL de grade I ou II et de forme lordotique. Il précisé), ils retrouvaient une amélioration significative
faut par contre conseiller un examen clinique et radio- des indicateurs de qualité de vie pour les patients opé-
graphique semestriel jusqu'à la fin de croissance en cas rés et pas de modification de ces indicateurs pour les

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de SPL supérieur à un grade II, a fortiori avec un angle patients non opérés. Ils concluaient ainsi à la possibi-
de Boxall inférieur à 90°. Un SPL s'avérant évolutif lité de proposer une surveillance attentive des patients
pourra être un argument à une décision chirurgicale. Il
faut remarquer qu'en pratique, il est finalement assez
rare de suivre une aggravation à l'aide de radiographies
successives (figure 15.4).

Traitement
Le choix du traitement chirurgical du SPL à faible
déplacement (grade I ou II) peut prêter à quelques
controverses qu'il s'agisse de la décision ou non d'opé- Figure 15.4 Exemple d'un SPL L5-S1 évolutif (aggravation de
rer, ou du choix de la technique à employer. En cas l'antélisthésis et de la cyphose lombo-sacrée) sur 1 an de recul.
de SPL à grand déplacement (grade III, IV ou V), les Source : collection de J. Sales de Gauzy, Toulouse.
Spondylolisthésis L5-S1 de l'enfant et de l'adolescent 181

peu symptomatiques avec SPL de haut grade. Harris intervention cherchent non seulement à quantifier
et Weinstein [16] sur un travail à plus grand recul se une certaine réductibilité du déplacement lombo-sacré
sont intéressés à deux groupes de patients présentant mais aussi à connaître le degré d'irritation radiculaire
un SPL de grade III ou IV ; ces auteurs ont apprécié en observant l'apparition ou non de signes neurolo-
au plus grand recul les résultats fonctionnels d'un giques du patient positionné dans le hamac.
groupe de 11 patients non opérés et de 21 autres opé-
rés d'une greffe in situ. Ils n'ont pas noté pas de dif-
férence significative au recul (18 ans pour le premier
groupe, 24 ans pour le second) tout en concluant sans Techniques chirurgicales
vraiment d'argument qu'une fusion in situ semblait Reconstruction isthmique
se justifier en cas d'anomalie de la marche et rétrac-
La reconstruction isthmique est à proposer pour des
tion des ischio-jambiers. Beaucoup plus récemment,
spondylolyses s'accompagnant de spondylolisthésis de
Lundine et al. [17] ont rapporté un travail rétrospec-
faible déplacement (grade I généralement). On ne note
tif comparant, à l'aide du questionnaire de qualité de
dans ce cas aucun facteur de gravité tel qu'une cyphose
vie (SRS-30), deux groupes de patients présentant un
lombo-sacrée. Les patients n'ont pas de problème
SPL de grade III à V, l'un opéré par des chirurgies très
neurologique mais une chirurgie est justifiée après
diverses (34 patients) l'autre pas (15 patients), le recul
qu'un traitement conservateur bien mené pendant 6 à
moyen étant de 7 ans et demi. Les patients peu ou pas
12 mois (dispense sportive, kinésithérapie, lombostat)
symptomatiques initialement et non opérés n'avaient
n'a pas permis pas de soulager les douleurs. Une ana-
pas de moins bons scores de satisfaction au recul. Les
lyse de l'absence d'anomalie discale L5-S1 par IRM
auteurs remarquaient que les moins bons pronostics
est nécessaire en préopératoire. La reconstruction
étaient liés à l'importance de la cyphose lombo-sacrée
isthmique est plutôt proposée à des patients en fin de
plus qu'au stade de glissement.
croissance.

Choix de la chirurgie Fusion in situ sans instrumentation


Plusieurs techniques et philosophies sont possibles. La greffe postéro-latérale pour fusion in situ sans ins-
Le seul point commun faisant consensus entre elles trumentation (technique de Wiltse) est réalisée par
est l'obtention d'une fusion, d'une arthrodèse parfaite deux voies paramédianes afin d'aborder les apophyses
lombo-sacrée. Pour le reste, à savoir le souhait ou non transverses en transmusculaire, une greffe iliaque
d'obtenir une réduction des déformations (antélisthé- est disposée sur l'avivement de celles-ci, des massifs
sis, angle lombo-sacré) instrumentée ou non, le choix articulaires et de la face postérieure du sacrum. Cette
des voies d'abord, les niveaux d'arthrodèse (L5-S1 ou technique ne met pas à l'abri de complications neu-
L4-S1), les questions restent débattues. Même si l'ar- rologiques malgré la volonté de ne pas déstabiliser
throdèse in situ peut se justifier pour un risque neuro- les structures musculo-capsulo-ligamentaires et verté-
logique moindre, aucune de ces techniques n'évite le brales postérieures et de ne pas chercher à modifier les
risque de complications. Si le monitoring médullaire rapports lombo-sacrés. Elle rend obligatoire l'immo-
à l'occasion de chirurgies réalisées pour des déforma- bilisation postopératoire par corset pour une durée
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tions rachidiennes comme les scolioses est très fiable minimale de 3 mois.
dans la détection de survenue d'événements électro-
physiologiques peropératoires, la surveillance radicu-
laire voire pour certains périnéale en cas de chirurgie
de SPL est beaucoup plus aléatoire, et aucune publica- Fusion in situ avec instrumentation
tion à l'heure actuelle ne peut faire état d'une recom- Son but est d'obtenir une arthrodèse lombo-sacrée
mandation d'examen peropératoire fiable. Des déficits par une greffe osseuse mais en utilisant cette fois une
peuvent apparaître secondairement en postopératoire instrumentation postérieure, le plus souvent par un
et sont liés à des phénomènes ischémiques sur les vissage pédiculaire, des tiges d'ostéosynthèse et une
racines. De nombreuses équipes proposent à ce titre greffe postérieure et postéro-latérale. Une greffe inter-
une installation postopératoire hanches et genoux flé- somatique par greffons osseux seuls ou intégrés dans
chis, avec une extension très progressive sur quelques une cage peut y être associée et complète souvent la
jours avant un lever vers le 5e jour uniquement. Dans volonté d'obtenir une greffe circonférentielle.
le même principe, les équipes installant les patients L'instrumentation peut aussi être confiée à une tech-
dans des hamacs pendant quelques jours avant une nique de vis trans-sacrée.
182 P. Violas

Fusion avec correction des déformations in situ et de rétablir un équilibre lombo-pelvien par une
arthrodèse entre L4 et S1 (figure 15.7).
Même s'il s'agit d'une technique orthopédique, une La voie antérieure instrumentée, couplée ou non
réduction peut être proposée sans instrumentation à une voie postérieure, est quasiment abandonnée,
postérieure ou circonférentielle, grâce à la notion source de beaucoup de complications [19].
de réduction partielle des déformations lombo-
sacrées en décubitus ou sur hamac. La publication de
Dubousset [18] sur les réductions des SPL en hamac Les indications et leurs résultats
suivi de fusion en est l'exemple typique. Elle est néan- L'absence de travaux comparant de manière rigoureuse
moins réalisée le plus souvent avec instrumentation, de les résultats de différentes philosophies et techniques
façon quasi exclusive par voie postérieure. Le souhait chirurgicales, de même que leur corrélation avec les
d'améliorer l'angle lombo-sacré et le glissement verté- résultats fonctionnels à long terme des patients opé-
bral fait proposer différentes techniques d'instrumen- rés, rend difficile la réalisation d'un arbre décisionnel
tation dans le but d'obtenir une fixation solide pour consensuel.
réaliser les manœuvres de réduction nécessaires. De
nombreuses techniques de réduction sont proposées.
La décompression de l'arc postérieur et la libération
des racines sont nécessaires. Un point technique semble
très important lors de la réduction de la cyphose lombo-
sacrée afin de minimiser l'importance de la traction sur
les racines : il s'agit de la résection du dôme saillant et
proéminent du plateau de S1 qui, en raccourcissant la
hauteur de S1, peut diminuer le risque d'étirement des
racines. Souvent, l'arthrodèse circonférentielle par voie
postérieure est confiée là aussi à une greffe antérieure
utilisant des cages intersomatiques (figure 15.5).
Figure 15.6 Spondyloptose L5-S1 avec ostéotomie partielle
Toujours dans l'objectif de restaurer une lordose
de L5 par voie postérieure pour une correction de la cyphose
lombo-sacrée satisfaisante, en cas de SPL majeur lombo-sacrée.
(ptose), certains proposent une exérèse partielle de Source : collection de I. Obeid, Bordeaux.
L5 par voie postérieure (figure 15.6). La décision du
niveau d'une arthrodèse est également débattue et l'ins-
trumentation ne se résume pas au niveau L5-S1. Une
arthrodèse L4-S1 peut être proposée. Il peut s'agir de la
volonté d'éviter la survenue secondaire d'un SPL L4-L5
sus-jacent mais surtout de la difficulté de correction des
SPL à grand déplacement par une fixation uniquement
entre L5 et S1. Ce choix peut aussi être motivé par le
souhait de réaliser l'équivalent d'une arthrodèse L5-S1

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Figure 15.5 Patient opéré d'une arthrodèse L5-S1 circonféren-


tielle par voie postérieure avec correction de l'antélisthésis et Figure 15.7 Arthrodèse L4-S1. Vis trans-sacrée L5-S1 et
de la cyphose lombo-sacrée. arthrodèse L4-S1 pour une correction de la cyphose lombo-
Une cage intersomatique assure la greffe antérieure. Photographie sacrée non pas entre L5-S1 mais entre L4-S1.
et radiographie à 1 an de recul. Source : collection personnelle. Source : collection de JL Jouve, Marseille.
Spondylolisthésis L5-S1 de l'enfant et de l'adolescent 183

Fusion in situ versus correction S'il s'agit de l'indication habituelle du SPL à faible
déplacement, l'arthrodèse postéro-latérale est propo-
La fusion in situ s'adresse au SPL à faible déplace- sée aussi pour tous les grades de SPL et de nombreux
ment lorsque notamment on souhaite s'amender d'une auteurs utilisent cette technique dans les SPL à grand
immobilisation trop lourde et trop longue en postopé- déplacement en justifiant leur choix par l'obtention de
ratoire, confiant au matériel d'ostéosynthèse son rôle résultats fonctionnels satisfaisants à long terme. Ainsi
de maintien dans l'attente d'une greffe osseuse solide. récemment Joelson et al. [21] ont rapporté de bons
Mais, le plus souvent, il s'agit d'une fixation posté- résultats cliniques en utilisant cette technique dans
rieure dans le cas d'un SPL avec un allongement de le cas de SPL à grand déplacement. Le recul moyen
l'isthme (isthme dysplasique), une lamino-arthrectomie de l'étude était de 25 ans (23–35), l'âge moyen étant
devant dans ce cas être réalisée, associée à une libéra- de 43 ans au recul pour des patients opérés en moyenne
tion des racines L5 dans le foramen. Malgré le terme à 15 ans (9–25). Les critères d'évaluation compor-
« in situ », la nature visco-élastique du disque interver- taient six questionnaires d'évaluation fonctionnelle et
téral pathologique L5-S1 entraîne une réduction par- d'échelle de qualité de vie, et un examen clinique. Il n'y
tielle de la déformation lombo-sacrée en décubitus et avait par contre pas de critère d'appréciation radio-
de surcroît sous anesthésie générale, ainsi une fixation logique afin de corréler les résultats cliniques avec
« in situ » apporte souvent une certaine correction en l'analyse radiologique dont l'équilibre sagittal. Dans
peropératoire sans que des manœuvres instrumentales un autre travail de 2014, Longo et al. [22] ont tenté, à
cherchent volontairement à la réaliser. Ce principe est partir d'une analyse de la littérature, de savoir si une
utilisé lors de la technique de vissage trans-sacré et supériorité pouvait être mise en évidence entre une
Bollini et al. [20] ont rapporté leur expérience avec chirurgie avec arthrodèse in situ et une chirurgie avec
cette technique. L'absence de correction importante réduction des déformations. Huit travaux publiés ont
de la cyphose lombo-sacrée ne leur permettait pas de été retenus par les auteurs (cinq séries pédiatriques,
conclure sur l'évolution à long terme de l'équilibre trois séries adultes) avec au total 165 chirurgies avec
sagittal des patients (figure 15.8), mais ils leur sem- réduction et 101 avec arthrodèse in situ. Si une pseu-
blaient que cette technique minimisait le risque de sur- darthrose était plus fréquente dans le groupe in situ
venue de complications neurologiques. Dans le même (17,8 % versus 5,5 %), le taux de déficits neurolo-
esprit, Dubousset [18] rapportait les résultats de 17 cas giques était similaire (7,8 % versus 8,9 %, p = 0,8), et
d'enfants tractés pendant 3 semaines en hamac afin de les auteurs ne pouvaient pas conclure sur la supério-
réduire progressivement les SPL puis en réalisant une rité d'une technique par rapport à l'autre. Schoenecker
fusion sans instrumentation. Pour huit d'entre eux, une et al. [23] ont rapporté douze complications avec un
fois la réduction obtenue (angle lombo-sacré > 100°), syndrome de la queue de cheval dans les suites de
une greffe postéro-latérale in situ avait été réalisée en chirurgies de type Wiltse pour des SPL de grade II à
gardant les patients immobilisés dans un plâtre jusqu'à IV, dont cinq n'ayant pas totalement régressé, alors
consolidation. Les neuf patients pour lesquels la réduc- qu'une étude récente de Lamartina et al. [24] retrou-
tion n'avait pas pu être obtenue avait été opérés par vaient un taux de complications neurologiques rela-
arthrodèse antérieure puis postéro-latérale sans ins- tivement faible (4 %) dans les suites de chirurgie de
trumentation. Ici non plus, il n'y avait pas de résultats SPL de haut grade avec correction angulaire pour un
rapportés sur l'équilibre sagittal global des patients au groupe de 25 patients.
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recul.

Arguments pour une fusion


avec correction des déformations
Plusieurs auteurs tentent d'apporter des arguments
pour justifier la nécessité ou non d'une réduction des
déformations lombo-sacrées. Ainsi Hresko et al. [25]
ont défini deux groupes de patients présentant un SPL
de haut grade. Le premier est appelé groupe « à bonne
version pelvienne » et le second « à mauvaise version
pelvienne » (balanced and unbalance pelvic version
Figure 15.8 Exemple d'une arthrodèse circonférentielle in situ en anglais) tous deux présentant des incidences pel-
par vis trans-sacrée. viennes importantes. Le premier groupe (balanced
Source : collection de G. Bollini, Marseille. pelvic version) est comparable à un groupe témoin
184 P. Violas

à forte incidence pelvienne. Le second (unbalanced lombo-sacrée dans le temps, sans complication neuro-
pelvic version) diffère des deux autres par une pente logique directe rapportée.
sacrée faible, une plus grande version pelvienne et
une cyphose lombo-sacrée plus importante. Ce qui Conclusion
semble important à remarquer dans leur travail, c'est
que 84 % des patients présentant un SPL asymptoma- La proposition d'un algorithme pour la prise en charge
tique étaient classés « à bonne version pelvienne ». Ces des SPL de l'enfant et de l'adolescent se heurte encore
auteurs préconisaient donc une stratégie cherchant à un certain nombre de controverses. Pour les patients
à corriger ou au moins à réduire la cyphose lombo- ayant un angle lombo-sacré proche de la normal et
sacrée uniquement dans les cas de SPL « à mauvaise un SPL à faible déplacement, il semble se dégager une
balance pelvienne ». Toujours en utilisant cette classi- tendance à proposer une chirurgie d'arthrodèse (ins-
fication, Labelle et al. [26] ont montré qu'à partir d'un trumentée ou non) sans correction du glissement de
groupe de 73 patients opérés (17 grade II, 40 grade III, L5 sur S1 et de cet angle. Dans le cas des SPL à grand
13 grade IV et 3 grade V) les patients « unbalanced » déplacement avec une forte cyphose lombo-sacrée, une
devenant « balanced » après l'intervention présen- chirurgie cherchant à obtenir une arthrodèse puissante
taient des modifications posturales sagittales avec une et une correction de l'angle lombo-sacré pourrait per-
diminution des valeurs de la lordose lombaire et une mettre une rééquilibration sagittale globale du tronc,
augmentation de la cyphose thoracique, valeurs ten- nécessitant le moins d'effort d'adaptation possible de
dant donc à se rapprocher de la norme. Dans l'objec- la part du patient, le choix d'une instrumentation pour
tif d'apprécier l'intérêt d'améliorer l'équilibre sagittal, y parvenir étant la technique la plus rapportée dans
Harroud et al. [27] ont cherché à évaluer l'impact de la littérature. Si les résultats de cet objectif pouvaient
l'équilibre sagittal sur la qualité de vie (questionnaire être prouvés grâce à des publications sur le long terme
SRS-22) d'enfants et d'adolescents présentant un SPL corrélant à la fois résultats cliniques et radiologiques,
(117 de bas grade, 32 de haut grade). Les SPL de haut le rôle du chirurgien et notamment de l'orthopédiste
grade et ceux entraînant un déséquilibre vers l'avant pédiatre serait plus clairement défini afin de proposer
(plumb line en avant des têtes fémorales) étaient corré- un traitement permettant d'obtenir un patient asympto-
lés aux plus mauvais scores fonctionnels. matique avec un équilibre sagittal rachidien satisfaisant
Toujours dans cet objectif, en s'inspirant de la tech- et le moins coûteux en stratégie de rééquilibration sur
nique décrite par Jackson, Illharreborde et Mazda [28] le long terme.
ont rapporté leur expérience après 19 ans de recul
(figure 15.9) avec une correction stable de la cyphose
Remerciements
L'auteur remercie pour leur participation à l'élabo-
ration de ce travail : C. Bonnard, B. Ilharreborde,
J.-L. Jouve, J. Leroux, I. Obeid, T. Odent, J. Sales de
Gauzy, R. Vialle.
Déclaration de conflit d'intérêt : aucun.

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187

Fractures pathologiques
chez l'enfant : diagnostic
et conduite à tenir
F. CANAVESE, A. SAMBA, M. ROUSSET

F. Canavese

Résumé fracture pathologique. Le traitement doit être adapté à la fracture


et à la cause sous-jacente.
Une fracture est dite pathologique quand elle survient sur un L'objectif de ce travail est de présenter la démarche diagnostique
tissu osseux modifié et remanié par un processus pathologique, et la conduite à tenir devant une fracture pathologique chez
focal ou systémique. l'enfant ; les étiologies les plus fréquentes et leurs particularités
Chez l'enfant, les fractures pathologiques peuvent être secon- seront présentées. Les fractures pathologiques dans le cadre de
daires à de nombreuses causes, allant de la maladie métabolique l'ostéogenèse imparfaite et de la maltraitance ainsi que les frac-
à l'infection, aux pathologies neuromusculaires et aux néoplasies tures de stress ne seront pas prises en compte.
bénignes et malignes.
Une anamnèse détaillée, un examen clinique précis et une analyse
attentive des images radiographiques sont essentiels pour poser Mots clés : Fracture pathologique. – Enfant. – Maladie congéni-
le diagnostic, identifier la cause et planifier le traitement d'une tale. – Infection. – Tumeur.

Introduction systémique, bénigne ou maligne – et elle est souvent


découverte dans un contexte d'urgence ; le chirurgien
Les enfants et les adolescents sont souvent victimes de orthopédiste peut évoquer le diagnostic de tumeur,
traumatismes entraînant une fracture. Le diagnostic d'infection ou de maladie métabolique suite à la
de fracture est habituellement facile. Néanmoins, il découverte d'une fracture sur un os pathologique mais
existe un certain nombre de pièges, parfois subtils, que ne pas être assez spécialisé pour décider de la bonne
le chirurgien orthopédiste doit être en mesure d'identi- indication. Il est donc très important de savoir recon-
fier et de déjouer pour ne pas méconnaître une fracture naître une fracture pathologique et d'être en mesure
sur os pathologique. d'identifier la priorité thérapeutique entre fracture
Une fracture pathologique est une fracture qui et pathologie osseuse sous-jacente. Il faudra prendre
survient sur un tissu osseux pathologique, fragile et en compte la fracture mais également la cause sous-
remanié, avec des propriétés biomécaniques et visco- jacente, et traiter les deux. Les différentes étiologies de
élastiques diminuées ou altérées. L'anomalie de la fractures pathologiques chez l'enfant sont récapitulées
structure osseuse peut être focale (locale), responsable dans le tableau 16.1. L'étiologie conditionne le choix
d'une fragilité osseuse localisée, ou systémique (dif- thérapeutique ; en cas de doute, il faudra choisir une
fuse), responsable d'une fragilité osseuse généralisée. solution qui préserve toutes les possibilités. La conso-
En règle générale, une fracture pathologique est causée lidation de la fracture sera d'autant plus aisément
par un traumatisme mineur, n'entraînant habituelle- obtenue que l'environnement biomécanique et biolo-
ment pas le type de fracture observée. gique sera physiologique. Par contre, il faudra éviter
La découverte d'une fracture pathologique est sou- tout traitement inadapté, ignorant la pathologie sous-
vent source d'inquiétude car celle-ci peut être le pre- jacente ayant favorisé la fracture. Cela pourrait mettre
mier signe d'une pathologie sous-jacente – focale ou en jeu le pronostic vital du patient, comme dans le cas

Conférences d'enseignement 2015


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188 F. CANAVESE, A. SAMBA, M. ROUSSET

Tableau 16.1
Étiologies de fracture pathologique chez l'enfant
Âge Forme Bénigne Maligne
0–5 ans Focale Ostéomyélite Radiothérapie
Granulome éosinophile Métastase isolée
Pseudarthrose congénitale du tibia (forme idiopathique) Sarcome d'Ewing
Immobilisation prolongée
Diffuse Maladie de Hand-Schuller-Christian Leucémie
Pseudarthrose congénitale du tibia (forme associée à NF-1) Maladie de Litterer-Siwe
Ostéogenèse imparfaite Tumeurs métastatiques
Ostéopétrose Tumeur de Wilms
Pycnodysostose Neuroblastome
5–10 ans Focale Fibrome non ossifiant Radiothérapie
Kyste osseux simple Métastase isolée
Kyste osseux anévrismal Ostéosarcome
Dysplasie fibreuse monostotique Sarcome d'Ewing
Enchondrome
Pseudarthrose congénitale du tibia (idiopathique)
Ostéomyélite
Immobilisation prolongée
Allongement de membre
Diffuse Dysplasie fibreuse polystotique (syndrome de McCune-Albright) Leucémie
Enchondtromatose (maladie d'Ollier, maladie de Maffucci)
Pseudarthrose congénitale du tibia (associée à NF-1)
Ostéogenèse imparfaite
Ostéopétrose
Pycnodysostose
10–15 ans Focale Fibrome non ossifiant Radiothérapie
Kyste osseux simple Métastase isolée
Kyste osseux anévrismal Ostéosarcome
Dysplasie fibreuse monostotique Sarcome d'Ewing
Chondroblastome
Tumeur à cellules géantes
Ostéome ostéoïde
Ostéomyélite
Immobilisation prolongée
Allongement de membre
Diffuse Ostéogenèse imparfaite Leucémie

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Ostéopétrose Lymphome
Pycnodysostose
0–15 ans Pathologie neuromusculaire
Traitement corticostéroïdien au long cours

d'une fracture pathologique sur os touché par un pro- qu'après avoir étudié ces différents points que le trai-
cessus tumoral malin. tement du patient peut commencer. La prise en charge
L'anamnèse, l'examen clinique et la recherche étio- thérapeutique doit donc d'abord être réfléchie, puis
logique, la confirmation du caractère pathologique de adaptée à chaque situation, particulièrement dans un
la fracture et l'établissement d'une hiérarchie théra- contexte d'urgence, pour préserver les conditions de
peutique entre la maladie causale et la fracture sont conservation du membre lorsque l'on suspecte une
les moments clés du parcours diagnostique. Ce n'est malignité.
Fractures pathologiques chez l'enfant : diagnostic et conduite à tenir 189

Fréquence des fractures de la corticale visible sur deux i­ ncidences orthogonales


pourraient être des facteurs de risque potentiels. Leurs
pathologiques et risque fracturaire rôles dans la survenue d'une fracture sur une anomalie
focale sont encore débattus [1–6]. Dans le cadre des
Chez l'enfant, la plupart des fractures sur os patholo- maladies métaboliques responsables d'une anomalie
gique sont secondaires à des lésions tumorales bénignes. diffuse de la structure osseuse, le risque fracturaire est
Les lésions pseudo-tumorales, les pathologies métabo- plus élevé, même si son estimation reste difficile.
liques et les infections osseuses peuvent être également Chez l'enfant non marchant avec paralysie cérébrale,
responsables d'une fracture pathologique (tableau 16.2). le risque de développer une fracture pathologique suite
Les fractures pathologiques secondaires à une tumeur à un traumatisme minime est estimé à 0,065 % par an.
maligne sont beaucoup plus rares. Néanmoins, cette La fréquence des fractures pathologiques est fonction
possibilité doit toujours être gardée à l'esprit. de la sévérité de l'atteinte ­neurologique [7, 8].
La présence de douleur, une lésion avec une largeur Les fractures pathologiques sur tumeur osseuse pri-
supérieure à 2,5 cm ou une longueur supérieure à mitive maligne sont rares et peuvent être secondaires à
3,5 cm, une diminution de l'épaisseur de la corticale une biopsie chirurgicale qui majore la fragilité de l'os
supérieure à 50 % ou une destruction de plus de 85 %

Tableau 16.2
Facteurs de risque de fracture pathologique
Douleur
Diminution de l'épaisseur de la corticale > 50  %
Dimensions > 2,5 × 3,5  cm

Lésion focale bénigne KOS : index de Kaelin et MacEwen


Érosion corticale > 85 % de face et de profil

FNO : dimensions > 50 % du diamètre de l'os


Taille > 33 mm de longueur

Biopsie
Lésion focale maligne
Diminution de l'épaisseur de la corticale > 50  %

Ostéomyélite chronique
Infection Séquestrectomie
Réactivation du processus infectieux

Sévérité (le risque augmente avec le stade GMFCS)


Impossibilité à la marche
Maladies neuromusculaires Rétractions musculotendineuses
Épilepsie, convulsions
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Traitement médicamenteux

Forme polyostotique
Dysplasie fibreuse Grandes lésions
Déformations associées

Zone irradiée
Irradiation Dose délivrée
Âge du patient

Étiologie congénitale de l'ILMI


Âge
Allongement par fixateur externe
Taux d'allongement
Délai avant le début de l'allongement
FNO : fibrome non ossifiant ; GMFCS : gross motor function classification system ; ILMI : inégalité de longueur des membres inférieurs ;
KOS : kyste osseux simple.
190 F. CANAVESE, A. SAMBA, M. ROUSSET

déjà pathologique. L'incidence des ostéosarcomes dia- fracturaire d'une masse tumorale, même si les deux
gnostiqués suite à une fracture pathologique est entre entraînent une augmentation de volume du segment
5 et 13 % [9, 10]. corporel touché.
Les fractures survenant sur ostéomyélite sont deve-
nues très rares, non pas que cette affection ait disparu, Recherche étiologique
mais parce que le diagnostic est fait plus précoce-
ment et le traitement antibiotique est entrepris plus Une fois l'anamnèse et l'examen clinique terminés, il
rapidement. Par contre, dans les pays en voie de est utile de se poser les trois questions suivantes :
développement, les fractures secondaires à une ostéo- • Le contexte traumatique est-il compatible avec la
myélite chronique restent relativement fréquentes fracture observée ?
et représentent environ les trois quarts des fractures • Est-ce que la localisation anatomique de la fracture
pathologiques [11]. est typique ?
• Est-ce que la fracture survient sur un os radiologi-
quement normal ?
Si la réponse est oui aux trois questions, la frac-
Anamnèse, examen clinique ture est a priori une fracture habituelle, typique ; si en
et recherche étiologique revanche, la réponse est non à au moins une de ces ques-
tions, il faudra suspecter une fracture pathologique.
Anamnèse Chez l'enfant, une fracture pathologique doit être
suspectée lorsqu'elle est causée par un traumatisme
Devant une fracture suspecte chez un enfant, la minime, quand la localisation de la fracture est inhabi-
démarche de diagnostic étiologique doit débuter par tuelle ou quand une anomalie de la trame osseuse est
une anamnèse rigoureuse. Lors de l'interrogatoire, identifiée sur l'imagerie radiographique.
en plus des questions concernant le traumatisme
(absence de traumatisme, traumatisme minime ou
lésion itérative), on recherchera d'éventuels antécé- Le contexte traumatique est-il
dents de douleur mécanique et/ou inflammatoire, de compatible avec la fracture observée ?
tuméfaction avant la survenue de la fracture, de fièvre, Une fracture sur os pathologique peut survenir en
de perte de poids et on s'intéressera à l'état général l'absence de traumatisme, ou lors d'un traumatisme
récent. Il faudra poser des questions sur la croissance, mineur ou inhabituel, n'entraînant habituellement pas
le développement psychomoteur et les habitudes ali- le type de fracture observée. Une fracture patholo-
mentaires de l'enfant. Il faudra également explorer la gique est définie comme spontanée quand elle survient
présence éventuelle de pathologies rénale (un rachi- en l'absence de tout contexte traumatique ou à la suite
tisme vitamino-résistant ou une ostéodystrophie, par d'un traumatisme minime, de très faible intensité.
exemple) ou hormonale (hyperparathyroïdie primi- Une fracture est définie comme itérative lorsqu'elle
tive, par exemple), sans oublier l'histoire familiale se produit à plus de deux reprises sur le même ­segment
à la recherche d'antécédents familiaux de dysplasies osseux. Cette survenue doit jusqu'à preuve du contraire
osseuses, maladies métaboliques, maladies neuromus- faire suspecter une fracture pathologique.
culaires ou ostéoporose. Il ne faudra pas oublier de

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demander aux parents si l'enfant a des antécédents de
néoplasie maligne (les parents ne donnent pas toujours
Est-ce que la localisation anatomique
cette information de façon spontanée). Par contre, si la de la fracture est typique ?
pathologie sous-jacente est déjà connue, on se posera La localisation de la fracture pathologique a aussi son
directement la question de la nature de la prise en importance. La partie du squelette touchée, appen-
charge. diculaire ou pas, l'os fracturé et la localisation épi-
physaire, métaphysaire ou diaphysaire de la fracture
Examen clinique pourront aider le diagnostic.

L'examen clinique suit l'interrogatoire. À l'examen


clinique, il faudra toujours étudier l'état cutané,
La fracture survient-elle
rechercher une éventuelle masse tissulaire à la palpa- sur un os radiologiquement normal ?
tion et identifier la présence de signes inflammatoires La radiographie de l'os fracturé, en entier, de face et de
locaux comme érythème, chaleur ou œdème. Il est très profil, est souvent suffisante pour juger de la qualité de
important de savoir différencier un hématome post- l'os fracturé.
Fractures pathologiques chez l'enfant : diagnostic et conduite à tenir 191

La radiographie standard permet d'identifier les


signes évocateurs d'une pathologie sous-jacente
Hiérarchie thérapeutique
comme une ostéopénie, une sclérose de la trame entre maladie causale et fracture
osseuse, un élargissement métaphysaire, un remanie- pathologique
ment épiphysaire, des calcifications des tissus mous
ou encore la présence d'une masse ou d'une réaction Une fois l'examen clinique, la recherche étiologique et
périosté. la confirmation du caractère pathologique de la frac-
Le bilan radiologique permet de déterminer si la ture réalisés, il faudra établir la priorité des prises en
pathologie sous-jacente est focale, et localisée sur un charge entre maladie causale et fracture qui peuvent
seul segment osseux, polyostotique touchant plusieurs se faire par étapes successives. Ainsi, dans le cas
segments osseux, ou systémique, et généralisée à l'en- d'une lésion focale bénigne, le traitement de la frac-
semble du squelette. ture pathologique (par exemple, une dysplasie fibreuse
monostotique ou un kyste osseux simple) peut être
entrepris d'emblée, tandis que dans le cas d'une lésion
secondaire à une pathologie systémique maligne (un
Confirmation du caractère lymphome ou une leucémie), il faudra d'abord traiter
pathologique de la fracture la pathologie causale puis, dans un deuxième temps,
la fracture.
La confirmation du caractère pathologique d'une frac- Cette hiérarchisation des priorités est fondamen-
ture est un moment de grande rigueur, basé sur un tale : la consolidation de la fracture sera d'autant
examen clinique attentif et sur une analyse minutieuse plus aisément acquise que l'environnement bioméca-
de l'imagerie radiologique. Diagnostiquer et localiser nique et biologique sera physiologique. Par contre,
la fracture, apprécier la qualité osseuse et suspecter il faudra éviter tout traitement inadapté, ignorant
le caractère pathologique de la lésion apportent éga- la pathologie de base ayant favorisé la fracture, ce
lement une première orientation diagnostique sur qui risquerait de mettre en jeu le pronostic vital du
l'éventuelle pathologie sous-jacente. patient, comme dans le cas d'une fracture patholo-
La seconde étape est la réalisation d'éventuels exa- gique sur un os touché par un processus tumoral
mens complémentaires, sélectionnés en fonction des malin.
conclusions de l'examen clinique et radiologique ini-
tial. Cette étape permettra de confirmer le caractère
pathologique de la fracture et d'établir le diagnostic de Biopsie
la pathologie sous-jacente.
La biopsie doit non seulement affirmer le caractère
pathologique de la fracture mais doit surtout per-
mettre de poser le diagnostic étiologique. Avant de
Bilan complémentaire débuter le traitement d'une fracture pathologique,
la non-­ réalisation de la biopsie est exceptionnelle.
Des examens complémentaires accompagneront les Néanmoins, lorsque la probabilité d'une lésion bénigne
informations obtenues par l'anamnèse, l'examen cli- est très forte, la biopsie peut être réalisée dans le même
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nique et l'imagerie radiologique standard. temps que le traitement de la lésion responsable d'une
Les examens biologiques à demander dans le cas fracture pathologique.
d'une fracture sur os pathologique sont une numé­ La biopsie doit être réalisée dans un centre spécia-
ration-formule sanguine, un ionogramme sanguin, la lisé, au mieux par le chirurgien qui prendra en charge
calcémie, les phosphatases alcalines, l'urée, la créati- le patient et conduira le traitement.
nine, la vitesse de sédimentation, la protéine C réac- La biopsie doit bénéficier de la même rigueur que
tive et une électrophorèse des protéines ; en deuxième toute intervention chirurgicale. Elle doit être bien
intention, les marqueurs tumoraux pourront être réalisée pour ne pas compromettre le pronostic et les
recherchés. chances de guérison.
Le scanner et/ou la résonance magnétique nucléaire Le choix entre une biopsie chirurgicale, à ciel ouvert,
(IRM) de la lésion osseuse, l'échographie abdominale, et une biopsie percutanée dépend de plusieurs élé-
le scanner pulmonaire et abdominal, la scintigraphie ments. Une biopsie percutanée est particulièrement
osseuse, l'ostéodensitométrie ou encore des radiogra- indiquée dans les tumeurs du bassin et du rachis,
phies du squelette entier seront réalisés en fonction de souvent d'accès difficiles, et dans les cas de tumeurs
l'orientation diagnostique. récidivantes. La biopsie percutanée est aussi indiquée
192 F. CANAVESE, A. SAMBA, M. ROUSSET

dans les métastases, les hémopathies et dans les cas général. Une immobilisation du membre est néces-
de sarcome d'Ewing dont le diagnostic est plus aisé. saire par un plâtre ou par un fixateur externe dont
Néanmoins, les biopsies percutanées ont un taux de les fiches seront mises à distance de la tumeur : le
succès inférieur à celui des biopsies chirurgicales. En traitement de la fracture passe alors au second plan.
effet, la petite quantité de matériel prélevé rend parfois Le diagnostic sera souvent confirmé par une biopsie,
difficiles les analyses anatomopathologiques et le gra- dont la réalisation est nécessaire avant de débuter le
ding des tumeurs malignes. traitement proprement dit.
Lors d'une biopsie chirurgicale, on utilise le garrot
pneumatique sur un membre surélevé, sans exsangui-
nation, pour travailler dans un environnement non
hémorragique. Le choix de la voie d'abord est essen- Traitement selon l'étiologie
tiel ; le trajet est habituellement le plus direct, confondu
avec celui de l'incision de l'éventuelle future résection Kyste osseux simple
de la tumeur, si cela se révélait nécessaire.
Le kyste osseux simple (KOS) est une lésion focale fré-
La fermeture doit être minutieuse, plan par plan, pour
quente (3 % environ des tumeurs osseuses bénignes). Il
éviter l'essaimage de cellules potentiellement malignes.
s'agit d'une lésion lytique, circonscrite, centrée en zone
Un drainage est autorisé, et certainement préférable
métaphysodiaphysaire. Le KOS est la cause la plus fré-
à un hématome, mais son orifice de sortie doit être
quente de survenue d'une fracture pathologique chez
proche et dans l'axe de la cicatrice pour pouvoir être
l'enfant (figure 16.1) [3, 12–14].
excisé facilement en cas de résection chirurgicale.
La découverte d'un KOS est souvent fortuite suite à
La pièce ne doit pas être fragmentée et doit être
une fracture pathologique ou à l'occasion d'une image-
envoyée au laboratoire d'anatomopathologie non
rie réalisée pour d'autres raisons. L'index de Kaelin et
fixée pour être congelée et permettre des examens de
MacEwen (aire du kyste divisé par le diamètre diaphy-
cytogénétique si nécessaire. Le chirurgien qui réalise
saire au carré) permet d'estimer le risque fracturaire [3].
la biopsie doit enfin donner à l'anatomopathologiste
Le site fracturaire le plus fréquent est l­'humérus proxi-
les informations radiologiques et peropératoires de la
mal suivi du fémur proximal [13, 14]. La priorité est la
lésion, ainsi que l'ancienneté de la fracture car l'aspect
prise en charge de la fracture.
histologique des cals osseux peut faire porter, à tort, le
diagnostic de sarcome.

Traitement : règles générales


Il est primordial de déterminer ce qui, de la fracture ou
de la pathologie sous-jacente, est prioritaire lorsqu'un
traitement doit être entrepris. L'approche thérapeu-
tique ne sera pas la même si le chirurgien est confronté
à une lésion focale bénigne (une kyste osseux simple,
par exemple) ou s'il doit prendre en charge une frac-

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ture sur une tumeur osseuse maligne (un ostéosar-
come, par exemple).
Devant une fracture pathologique secondaire à un
kyste osseux simple, la stabilisation orthopédique ou
chirurgicale de la fracture permettra l'amélioration
de la symptomatologie algique et la consolidation
osseuse. Le traitement d'une lésion focale bénigne
n'est pas une urgence thérapeutique, et il peut être
effectué secondairement. Une biopsie préalable n'est
pas toujours nécessaire.
En revanche, devant une fracture sur une tumeur
Figure 16.1 Radiographies standard d'une patiente de 12 ans,
osseuse maligne, le pronostic vital du patient est sportive de haut niveau, présentant, suite à une chute par
engagé par la tumeur primitive et sa prise en charge maladresse, une fracture pathologique de l'humérus proximal
prime sur la fracture. Une ostéosynthèse est contre- gauche sur un kyste osseux simple (a).
indiquée et peut compliquer le traitement local, voire Traitement chirurgical par curetage, greffe et ostéosynthèse (b).
Fractures pathologiques chez l'enfant : diagnostic et conduite à tenir 193

L'objectif du traitement est d'obtenir la cicatrisation


du kyste et de prévenir une nouvelle fracture. Plusieurs
options de traitements existent [15]. Les fractures peu
ou pas déplacées du membre supérieur peuvent béné-
ficier d'un traitement orthopédique. En cas de frac-
ture déplacée et/ou instable du membre supérieur et
pour les fractures du membre inférieur, un traitement
chirurgical permettra à la fois de stabiliser la fracture
et de traiter le kyste. Dans 20 à 50 % des cas, le KOS
persistera après consolidation [13]. Pour les KOS du
fémur proximal, une ostéosynthèse prophylactique
est recommandée en raison du risque de déformation
en coxa vara et de nécrose de la tête fémorale en cas
de fracture pathologique. Il existe également un guide
d'ostéosynthèse en fonction de la taille et de la locali-
sation des lésions lytiques du col fémoral élaboré par
Dormans et Pill [16].

Kyste osseux anévrismal


Figure 16.2 Radiographies standard d'un patient de 15 ans
Le kyste osseux anévrismal (KOA) est une lésion bénigne présentant un traumatisme indirect du tibia droit en sport.
focale, avec agressivité locale, relativement fréquente Fracture pathologique sur fibrome non ossifiant de petite taille
(2 % environ des tumeurs osseuses bénignes). Dans envi- situé au niveau de la métaphyse proximale du tibia (a). Devant
ron un tiers des cas, elle est responsable de fracture patho- le caractère bénin de la lésion osseuse, traitement chirurgical par
logique. Les localisations fréquentes sont le fémur, le tibia, ostéosynthèse à foyer fermé (b).
la fibula, l'humérus et la colonne vertébrale [17, 18].
Il s'agit d'une lésion lytique, excentrée, qui peut souf-
fler le périoste et mimer une lésion maligne. La biopsie
ciblée dans la zone la plus charnue (repérée par IRM) est
impérative avant tout traitement [18]. Reddy et al. ont
en outre montré que 81 % des patients ayant subi une
biopsie dans le cadre du bilan pour KOA présentaient
ensuite une résorption du kyste, dispensant ainsi d'une
chirurgie secondaire [17].
Le traitement doit associer la prise en charge de la
fracture et de la lésion tumorale. La chirurgie (résection,
curetage, greffe et ostéosynthèse) peut être nécessaire.
L'utilisation de l'ostéosynthèse dépend de la localisa-
tion et du déplacement de la fracture. L'embolisation
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n'a pas un rôle thérapeutique mais peut être réalisée en


préopératoire afin de diminuer le risque hémorragique.

Fibrome non ossifiant


Le fibrome non ossifiant (FNO) est une lésion focale
fréquente, bénigne et la plupart du temps asymp-
tomatique. La lésion est souvent de découverte
fortuite [13] ; sa découverte suite à une fracture patho- Figure 16.3 Radiographies standard d'un patient de 16 ans
logique est rare (figures 16.2 et 16.3). Il s'agit d'une présentant un accident de la voie publique avec impotence
fonctionnelle et déformation de l'extrémité distale du fémur
lésion ­métaphysaire lytique, bien définie, lobulée et droit.
excentrée. Elle privilégie la région métaphysaire des os Fracture pathologique sur un volumineux fibrome non ossi-
longs, en particulier le fémur distal [19]. La priorité est fiant (a). Traitement chirurgical par greffe et ostéosynthèse à
la prise en charge de la fracture. foyer ouvert (b).
194 F. CANAVESE, A. SAMBA, M. ROUSSET

L'objectif du traitement est d'obtenir la conso-


lidation du FNO. Les fractures sur FNO ont un
excellent potentiel de consolidation, bien que le
FNO puisse persister après la fracture et qu'une
nouvelle fracture pathologique puisse survenir.
Les fractures pathologiques impliquant un FNO
peuvent être traitées avec immobilisation plâtrée
jusqu'à consolidation. Betsy et al. recommandent
de réaliser ensuite une biopsie avec curetage et
greffe osseuse [19], alors que Ortiz et al. ne recom-
mandent pas de traitement après consolidation chez
un patient asymptomatique [5, 6, 13].
Biopsie, curetage et greffe osseuse sont indiqués pour :
les grandes lésions avec un risque élevé de fracture
pathologique ; les lésions qui sont devenues doulou-
reuses ; les lésions dont les caractéristiques radiogra-
phiques se modifient. La chirurgie est parfois nécessaire
si la fracture est instable et si le traitement orthopédique
n'est pas en mesure de garantir un bon résultat.
La nécessité de réaliser à titre prophylactique
Figure 16.4 Radiographies standard d'une déformation du
une greffe osseuse d'un FNO de grande taille reste tibia distal chez un garçon de 15 ans avec aspect en volute
discutée : les FNO supérieurs à 50 % du diamètre de fumée et en verre dépoli avec des calcifications lésion-
de l'os ou d'une longueur supérieure à 3,5 mm nelles en périphérie, évoquant un diagnostic de dysplasie
auraient un risque plus élevé de fracture patholo- fibreuse.
gique [5], néanmoins Easley et Kneisl ont montré Les limites nettes et condensées et le liseré dense périphérique
que 59 % des lésions volumineuses considérées à oriente vers une lésion bénigne.
risque par Arata et al. n'ont pas présenté de frac-
ture pathologique, suggérant qu'à la place d'une
chirurgie prophylactique, une simple surveillance extensive, de lésion volumineuse et douloureuse ou
est suffisante [20]. d'échec du traitement conservateur. Après une fracture
pathologique sur DF, forme focale ou diffuse, la lésion
ne régresse pas. Les greffes osseuses (y compris la greffe
Dysplasie fibreuse corticale) se résorbent dans l'os dysplasique [21, 22].
La dysplasie fibreuse (DF) est une pathologie bénigne Les lésions focales ont plutôt un bon pronostic
non héréditaire qui entraîne une destruction de l'os à long terme, bien que le taux de fractures patho-
normal, celui-ci étant remplacé par du tissu fibreux. logiques au niveau du fémur proximal puisse
Elle peut être de présentation focale lorsqu'elle atteindre 50 %. Les fractures pathologiques sur
touche un seul os (forme monostotique) ou diffuse lésion focale peuvent bénéficier d'un traitement
lorsqu'elle en touche plusieurs (forme polyosto- orthopédique, surtout au niveau des membres

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tique) (figure 16.4). En cas d'association avec des supérieurs et en l'absence de déformation asso-
désordres endocriniens, on parlera de syndrome de ciée [21, 22].
McCune-Albright. Les lésions diffuses sont plus grandes, associées à
Les patients avec une DF monostotique doivent béné- des déformations osseuses (coxa vara, arcature tibiale)
ficier d'une imagerie complémentaire. La radiographie et ont un risque plus important de fractures patholo-
simple permet souvent d'évoquer le diagnostic, mais la giques. L'ostéosynthèse doit être adaptée à la qualité
TDM apporte parfois une aide au diagnostic ou per- osseuse qui est médiocre [21, 22].
met d'évaluer l'extension de la pathologie.
Par ailleurs, en cas de DF polyostotique, les patients
doivent effectuer un bilan endocrinien à la recherche
Infection osseuse
de troubles associés. Les fractures sur infection osseuse, bien que rares,
Les fractures pathologiques sur DF sont rares. Un doivent toujours être gardées à l'esprit. Il s'agit de
traitement chirurgical est indiqué en cas de lésion lésions focales souvent secondaires à une séquestrec-
Fractures pathologiques chez l'enfant : diagnostic et conduite à tenir 195

tomie ayant conduit à un sacrifice osseux significatif, l'IRM de l'os atteint, doit être réalisé avant la biopsie.
à une réactivation du processus infectieux ou à un Il doit préciser les limites de la lésion tumorale, ses
traitement retardé. Le diagnostic se fait souvent avec rapports avec l'épiphyse et l'éventuelle extension aux
retard. parties molles.
La présence de signes locaux, érythème, chaleur, La biopsie est une étape obligatoire. Avant sa
œdème, permet d'évoquer le diagnostic, tandis que la ­réalisation, la fracture pathologique sera stabilisée par
biopsie permet de le confirmer, car les fractures patho- le moyen le plus adapté : plâtre, traction ou fixateur
logiques sur infection peuvent être confondues avec externe. Après la biopsie, le membre doit être protégé
une lésion tumorale maligne. et mis en décharge pour éviter la survenue d'une frac-
Il faut d'abord traiter l'infection : la restauration ture iatrogénique post-biopsie.
d'un environnement métabolique favorable permettra Si la tumeur est chimio-sensible, un traitement néo-
la guérison de la fracture. adjuvant par chimiothérapie est débuté : la fracture
sera traitée plus tard, au cours du traitement chirur-
Sarcomes gical de la tumeur primitive, le plus souvent par une
résection et une reconstruction. La consolidation
Les tumeurs primitives du tissu osseux sont des de la fracture est un signe de bonne efficacité de la
pathologies focales malignes lorsqu'elles sont locali- chimiothérapie.
sées exclusivement à l'os et aux parties molles avoi- Lorsque survient une fracture pathologique, la
sinantes ; en présence de métastases osseuses et/ou consolidation de cette fracture et la bonne réponse à la
extra-osseuses, les sarcomes sont des pathologies dif- chimiothérapie sont des éléments pronostiques favo-
fuses malignes. rables qui feront pencher le traitement en faveur d'une
Le traitement d'une fracture pathologique sur sar- résection chirurgicale conservatrice.
come doit être strict : une erreur diagnostique et/ou
une thérapeutique inadaptée peuvent mettre en jeu le
pronostic vital du patient. La survenue d'une fracture
est un élément péjoratif du pronostic vital et fonction-
nel, car il existe un essaimage des cellules tumorales
dans les tissus adjacents, voire à distance par voie
hématogène. En raison de ce risque, certains auteurs
préconisaient par le passé une amputation. Depuis
plusieurs décennies, différentes études concluent qu'il
n'est pas obligatoire de traiter radicalement par une
amputation lorsque des méthodes de sauvetage de
membre peuvent être réalisées [9, 10].
La localisation de la fracture est importante. En règle
générale, une fracture pathologique sur un fémur reste
moins problématique qu'une fracture sur une jambe
où les paquets vasculonerveux sont souvent atteints
par l'hématome tumoral.
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La fracture pathologique est rarement le mode de


découverte d'une tumeur osseuse maligne. Il s'agit de
fractures survenant pour un traumatisme mineur ou
suite à une biopsie. Néanmoins, on estime que dans
5 à 13 % des cas les sarcomes sont diagnostiqués suite Figure 16.5 Bilan d'imagerie d'un patient de 16 ans présen-
à une fracture (figure 16.5) [9]. tant suite à une chute au ski à faible cinétique, une impotence
La priorité est la prise en charge de la tumeur et son fonctionnelle de hanche droite.
bilan d'extension. L'os fracturé passe en deuxième Fracture pathologique sur lésion cotyloïdienne d'allure maligne
plan ; l'ostéosynthèse d'une fracture pathologique est à (ostéolyse à contours flous, appositions périostées) sur les radio-
graphies standard (a). Fracture du toit du cotyle et confirmation
proscrire car elle favorise la dissémination des cellules
du caractère malin de la lésion sur le scanner (b). Bilan d'extension
tumorales [9, 10]. locale IRM : lésion s'étendant à l'aile iliaque et infiltration des tis-
Le bilan d'extension (scintigraphie osseuse, scanner sus mous avec prise de contraste de la synoviale coxo-­fémorale (c).
pulmonaire), en plus de la radiographie standard et de Réalisation d'une biopsie radio-­guidée : tumeur d'Ewing.
196 F. CANAVESE, A. SAMBA, M. ROUSSET

Métastases osseuses Ostéogenèse imparfaite


Chez l'enfant, les métastases osseuses sont relative- L'ostéogenèse imparfaite (OI), ou maladie des os de
ment rares. Elles surviennent surtout dans le cadre du verre, est responsable d'une atteinte osseuse généralisée,
neuroblastome. fréquemment en relation avec un désordre constitu-
La métastase osseuse est une lésion focale maligne. tionnel du collagène de type I. C'est une cause très fré-
Le plus souvent, le cancer primitif est déjà connu au quente de fracture pathologique, mais elle ne sera pas
moment de la fracture et le patient se présente avec développée dans ce chapitre.
plusieurs lésions osseuses. Dans 1 à 4 % des cas, le
patient se présente avec une lésion osseuse unique, Maladies osseuses
sans néoplasie primitive connue.
La biopsie osseuse va permettre de faire le diagnostic ostéo-condensantes
de métastase et d'orienter le diagnostic. Le traitement L'ostéopétrose (maladie des os de marbre) et la pyc-
est souvent palliatif, intégré au traitement général de nodysostose (maladie de Toulouse-Lautrec) sont des
la maladie. pathologies osseuses généralisées ostéo-condensantes,
parfois à l'origine de fractures pathologiques. Le
Hémopathies malignes traite­ment prioritaire est la fracture même si le pro-
blème métabolique sous-jacent interfère très souvent
Chez l'enfant, les fractures pathologiques dans le cadre avec la consolidation osseuse.
d'une hémopathie maligne – leucémie, lymphome
ou maladie de Letterer-Siwe – sont rares. L'atteinte Enchondromatose
osseuse peut être focale (un seul segment osseux tou-
ché) ou polyostotique (plusieurs segments osseux Les enchondromes sont des tumeurs intra-osseuses
atteints). cartilagineuses bénignes qui se développent à proxi-
La fracture pathologique peut être une conséquence mité du cartilage de croissance.
de la pathologie, du traitement ou, le plus souvent, L'enchondromatose, ou maladie d'Ollier, est une
des deux. Comme pour les tumeurs solides et les pathologie polyostotique caractérisée par une distri-
­métastases, la biopsie est une étape fondamentale et bution asymétrique des enchondromes. Lorsqu'elle
doit orienter le traitement de la pathologie de base. est associée à des hémangiomes des parties molles, on
parle de syndrome de Maffucci.
La biopsie n'est pas obligatoire, sauf si une transforma-
Os irradié tion maligne en chondrosarcome est suspectée. Le dia-
gnostic est basé sur l'examen clinique et il est facilement
La fracture sur un os irradié est une complication qui fait avec la radiologie conventionnelle (figure 16.6). La
expose à la pseudarthrose ou à l'infection. Il s'agit priorité est le traitement de la fracture pathologique ; les
d'une lésion focale maligne. déformations secondaires seront traitées par la suite.
L'irradiation est un adjuvant thérapeutique utilisé
fréquemment dans le traitement des sarcomes des Pathologies neuromusculaires
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parties molles, des métastases osseuses et des cancers
pelviens. Les pathologies neuromusculaires sont responsables
La fragilisation du tissu osseux peut survenir 2 à d'une fragilité osseuse diffuse, de nature bénigne,
3 mois après l'irradiation et le risque de fracture secondaire à une ostéoporose importante liée à l'im-
dépend de la zone irradiée, de la dose délivrée et de mobilisation et à l'impossibilité à la marche. Des
l'âge du patient. Les sites irradiés développent une pathologies métaboliques concomitantes ou un traite­
fracture pathologique dans environ 20 % des cas. Le ment médicamenteux (par exemple les corticoïdes
taux de pseudarthrose peut atteindre 50 % et les com- dans le cadre d'une dystrophie de Duchenne) peuvent
plications infectieuses du traitement chirurgical sont amplifier la fragilité osseuse et favoriser les fractures
également très fréquentes. pathologiques. Les fractures pathologiques sont plus
Les indications d'ostéosynthèse préventive doivent fréquentes chez les patients qui présentent des convul-
être larges pour prévenir la survenue de ce type de sions et des rétractions musculo-tendineuses.
fracture ; l'ablation de matériel d'ostéosynthèse sur un La priorité est le traitement de la fracture. Le trai-
os irradié est à éviter. tement conservateur, plâtre ou traction, est souvent
Fractures pathologiques chez l'enfant : diagnostic et conduite à tenir 197

Figure 16.7 Radiographies standard d'une patiente de 7 ans


présentant dans les suites d'un allongement de jambe de
4 cm (a) une fracture de type 2 de Simpson (située à la jonction
Figure 16.6 Radiographies standard d'un patient de 7 ans pré- os/régénérat) 1 mois après l'ablation du fixateur externe (b).
sentant suite à une chute dans une aire de jeux une déforma-
tion du fémur gauche. Enfant suivi pour une enchondromatose.
Fracture pathologique médiodiaphysaire du fémur gauche sur
os pathologique (a). Traitement chirurgical par ostéosynthèse à taux d'allongement et le délai avant le début de l'allonge-
foyer fermée selon la technique de Métaizeau (b). ment influencent le risque de fracture pathologique [23].
La priorité est le traitement de la fracture et d'éviter les
troubles d'alignement. La mise en place de broches cen-
indiqué. Ces fractures consolident dans des délais nor- tromédullaires permet de diminuer le risque fracturaire.
maux. Les cals vicieux sont tolérables, dans les cas de En fonction de la localisation de la fracture par rapport
patients qui ne marchent pas. au cal osseux, Simpson et al. ont proposé une classifica-
tion en cinq stades [24].
Fracture après ablation de matériel
ou après immobilisation prolongée Ostéoporose juvénile idiopathique
L'ostéoporose juvénile idiopathique (OJI) est une patho-
Il s'agit d'une lésion focale bénigne secondaire à logie systémique rare, bénigne. Elle est responsable
une ostéoporose localisée. La fragilisation relative de fracture métaphysaire des os longs et, par la suite,
de l'os lors de l'ablation de matériel d'ostéosynthèse de déformations osseuses. La colonne vertébrale est
nécessite de délivrer des conseils de prudence au constamment atteinte, avec des vertèbres tassées respon-
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patient dans les 6 semaines environ qui suivent l'acte sables d'une cyphose dorsolombaire.
chirurgical. La reminéralisation osseuse se fait assez En cas de fracture pathologique, le chirurgien doit
rapidement. prendre en charge la pathologie systémique et la frac-
ture. L'immobilisation plâtrée prolongée peut favori-
Fracture dans les suites ser l'apparition d'une nouvelle fracture, au moment du
d'un allongement de membre déplâtrage.

Il s'agit d'une lésion focale bénigne. Selon la patholo- Pseudarthrose congénitale de jambe
gie de base, le risque de fracture pathologique, après
ablation du fixateur externe dans un programme d'al- La pseudarthrose congénitale de jambe (PCJ) est une
longement, peut aller jusqu'à 50 % (figure 16.7) ; il est lésion pseudo-tumorale focale, lorsqu'elle est isolée ou
particulièrement élevé dans les inégalités de longueurs lorsqu'elle entre dans le cadre d'une neurofibromatose
d'origine congénitale. L'étiologie, l'âge de l'enfant, le de type I (NF-I). Néanmoins, la NF-I est responsable
198 F. CANAVESE, A. SAMBA, M. ROUSSET

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comes, scoliose). ment of pathological fractures in children. Injury 2007 ; 38 :
Chez l'enfant, l'évolution locale de la PCJ est insi- 194–200.
[13] Ortiz EJ, Isler MH, Navia JE, et al. Pathologic fractures in
dieuse car elle aboutit presque inéluctablement dans les children. Clin Orthop Rel Res 2005 ; 432 : 116–26.
premières années de vie à une fracture qui ne guérira pas [14] Canavese F, Wright JG, Cole WG, et al. Unicameral bone

et évoluera vers la pseudarthrose (figure 16.8). cysts : comparison of percutaneous curettage, steroid, and
La cause de la pathologie est inconnue. La priorité autologous bone marrow injections. J Pediatr Orthop 2011 ;
doit être la consolidation de la fracture même si celle- 31 : 50–5.
[15] Dormans JP, Dormans NJ. Use of percutaneous intramedul-
ci est obtenue seulement dans 80 % des cas environ, lary decompression and medical-grade calcium sulfate pellets
indépendamment du traitement choisi par le chirur- for treatment of unicameral bone cyst of the calcaneum in
gien orthopédiste [25, 26]. children. Orthopedics 2004 ; 27 : s137-9.
[16] Dormans JP, Pill SG. Fractures through bone cysts : unica-
meral bone cysts, aneurysmal bone cysts, fibrous cortical

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Conclusions defects, and nonossifying fibromas. Instr Course Lect 2002 ;
51 : 457–67.
[17] Reddy KI, Sinnaeve F, Gaston CL, et al. Aneurysmal bone
Le diagnostic de fracture pathologique peut consti-
cysts : do simple treatments work ? Clin Orthop Rel Res 2014 ;
tuer un piège. Il faut être suspicieux et scruter minu- 472 : 1901–10.
tieusement chaque cliché de fracture. Il est impératif [18] Cottalorda J, Bourelle S. Kyste anévrysmal en 2006. Rev Chir
de poser un diagnostic avant de débuter le traite- Orthop 2007 ; 93 : 5–16.
ment : un diagnostic approprié est à la base d'un trai- [19] Betsy M, Kupersmith LM, Springfield DS. Metaphyseal

fibrous defects. JAAOS 2004 ; 12 : 89–95.
tement correct adapté à l'étiologie. Un traitement
[20] Easley ME, Kneisl JS. Pathologic fractures through nonos-
prophylactique peut être effectué pour les lésions sifying fibromas : is prophylactic treatment warranted  ?
focales bénignes. J Pediatr Orthop 1997 ; 17 : 808–13.
Chez l'enfant, les fractures pathologiques sont sou- [21] Parekh SG, Donthineni-Rao R, Ricchetti E, et al. Fibrous dys-
vent secondaires à une pathologie bénigne. Néanmoins plasia. JAAOS 2004 ; 12 : 305–13.
[22] Ippolito E, Bray EW, Corsi A, et al. Natural history and treat-
il faut toujours suspecter une étiologie maligne jusqu'à
ment of fibrous dysplasia of bone : a multicenter clinicopatho-
preuve du contraire. logic study promoted by the European Pediatric Orthopaedic
Déclaration de conflit d'intérêt : aucun. Society. J Pediatr Orthop B 2003 ; 12 : 155–77.
Fractures pathologiques chez l'enfant : diagnostic et conduite à tenir 199

[23] Launay F, Yousni R, Pithious M, et al. Fracture dans les suites [25] Shah H, Rousset M, Canavese F. Congenital pseudarthrosis
d'un allongement de membre chez l'enfant : une série de of the tibia : management and complications. Indian J Orthop
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1041–5. throsis of the tibia. J Pediatr Orthop B 2000 ; 9 : 94–102.
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203

L'amputation et l'appareillage
chez l'enfant
J. GRIFFET

J. Griffet
Résumé L'apparition sur le marché de matériaux nouveaux a b­ eaucoup
participé à cette évolution. Tout ceci amène de nouveaux
L'amputation d'un membre est toujours vécue comme une malé- critères dans la qualité et l'optimisation des moignons dont la
diction. La connaissance des principes de réalisation d'un moignon qualité devient très influente sur le résultat fonctionnel de la
adapté à un appareillage fonctionnel moderne est indispensable, prothèse.
dans une démarche pluridisciplinaire. Chez l'enfant, la préserva- L'adaptation de l'appareillage, la prise en compte des difficultés
tion de la longueur du moignon est cruciale et doit être appréciée psychologiques et sociales seront réglées en hospitalisation en
en fonction de la croissance restante. médecine physique, au sein d'une équipe médicale, soignante et
L'évolution de l'appareillage prothétique a fait modifier le socio-éducative, en utilisant les outils comme l'imagerie 3D et
concept global des emboîtures et a pour finalité trois objectifs : l'analyse de la marche.
augmentation des surfaces d'appui ; suppression des mouvements
de glissement entre peau et emboîture ; suppression des effets de
Mots clés : Amputation. – Appareillage. – Enfant.
bras de levier.

Introduction être ­reconsidérés. Notre propos sera basé sur les évo-
lutions techniques de l'appareillage, sur leurs consé-
L'amputation d'un membre, heureusement peu fréquente quences pour le choix de la technique chirurgicale et
chez l'enfant, est toujours vécue, par la famille au départ sur l'adaptation par l'équipe de MPR, en utilisant les
et par l'enfant par la suite, comme une malédiction. nouveaux outils comme l'analyse tridimensionnelle
Aussi, est-il important de bien connaître les principes des membres inférieurs (EOS) et l'analyse quantifiée
de réalisation d'un moignon adapté à un appareillage de la marche (AQM).
fonctionnel. Cette démarche s'inscrit dans une réflexion Nous nous limiterons aux amputations chirurgicales
et une collaboration pluridisciplinaire. Certes, le chirur- du membre inférieur, quelle qu'en soit l'étiologie.
gien orthopédiste pédiatre est le premier concerné, mais
la discussion est indispensable, si possible avant tout Généralités
geste chirurgical, avec un orthoprothésiste compétent en
la matière et avec l'équipe de médecine physique et de Les amputations ont des causes diverses :
réadaptation (MPR) qui prendra en charge cet enfant • traumatiques : écrasement d'un membre par le véhi-
lors de la période d'adaptation. La concertation pluri­ cule des parents ou accident par un engin agricole ou
disciplinaire se fera pour les soins de cicatrisation, le une tondeuse à gazon (figure 17.1). Le niveau d'ampu-
choix et l'adaptation de l'appareillage, et pour l'accom- tation est variable. Il faut surtout s'adapter au niveau
pagnement social, puis par la suite, en association avec de la lésion initiale ;
l'orthopédiste, pour la surveillance du développement • infectieuses dont le purpura fulminans est la
morphostatique et de la croissance, ainsi que le renou- forme la plus grave, parfois mortelle, avec septicémie
vellement de l'appareillage. Malheureusement, cette (figure 17.2). Le pronostic vital est en jeu et la prise en
amputation se décide souvent en urgence et il est alors charge est urgente avec un risque d'amputation impor-
capital que tout chirurgien connaisse les modalités de tant. Dans la gangrène gazeuse, l'amputation est un
réalisation d'un moignon adapté. acte de sauvetage. En cas d'infection, le niveau d'am-
L'appareillage évolue avec l'apparition de nouveaux putation est à définir précisément afin d'avoir une sec-
matériaux et de nouveaux modèles de prothèses de tion en zone saine et de garder un moignon assez long.
plus en plus fonctionnels et performants. Ceci a une Le risque de récidive septique locale est un piège à évi-
incidence sur les principes chirurgicaux qui doivent ter, lorsque le niveau d'amputation est « limite » sans

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204 J. Griffet

A B
Figure 17.1 Accidents de tondeuse à gazon.

selon la localisation. Mais, plus l'enfant est jeune,


meilleure sera l'adaptation. L'objectif est d'obtenir
une cicatrisation rapide, un appareillage bien adapté
pour que l'enfant reprenne une vie quasi normale.
Krajbich a résumé les grands principes d'amputation
chez l'enfant [1] :
• préserver le membre ;
• préserver le cartilage de croissance ;
• privilégier la désarticulation à l'amputation
transosseuse ;
• préserver l'articulation du genou autant que possible ;
Figure 17.2 Purpura fulminans. • stabiliser et normaliser la partie proximale du membre ;
• prendre en compte l'état général et les autres défi-
respecter une marge de sécurité satisfaisante vis-à-vis ciences de l'enfant en dehors de l'amputation.
du foyer septique initial ; Chez l'enfant, la préservation de la longueur est cru-
• tumorales, plus rares maintenant (figure 17.3). ciale, 75 % de la croissance fémorale est distale. Toute
Il faut toujours respecter une marge de sécurité sus- amputation transfémorale va aboutir à une aggrava-
jacente à la lésion tumorale, ce qui est contraignant tion du raccourcissement. Une amputation transtibiale
pour la longueur du moignon ; préserve la plaque de croissance et risque d'aboutir à
• congénitales comme dans la pseudarthrose congéni- une hypercroissance du moignon tibial. Un raccour-
tale de jambe ce qui est, parfois, le seul recours ; cissement du moignon sera souvent nécessaire, une à

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• vasculaires : rares chez l'enfant, elles sont dues à une deux fois, jusqu'à la fin de la croissance. La fibula croît
lésion vasculaire iatrogène par extravasation d'un pro- plus vite que le tibia et va faire saillie. Une autre com-
duit de contraste ou de médicaments dans les espaces plication évolutive qui peut apparaître chez l'enfant au
périvasculaires ou sous-cutanés ou, plus rarement, par niveau du fémur et du tibia correspond à l'effilement
thrombose (figure 17.4). Dans certains cas, une ampu- des extrémités qui vont perforer progressivement les
tation est inévitable. parties molles. Pour éviter ces complications, la solu-
Les amputations d'origine congénitales ou agénésies, tion idéale est la synostose fibulo-tibiale ou ostéo-
sans nécessité d'une chirurgie, dont la prise en charge myoplastie typique [2]. En l'absence de fibula, il faut
est très spécifique, ne seront pas abordées. recourir à des artifices techniques : une greffe large
osseuse avec un risque important de résorption, une
Principes généraux des amputations cimentoplastie en forme de bouchon de champagne ou
une greffe de la fibula inversée, diaphyse fibulaire dans
La majorité des techniques d'amputation pour adultes le canal médullaire en press-fit et tête du péroné en
sont utilisées chez l'enfant. Il est seulement nécessaire distal, qui permet un joli arrondi du moignon osseux
d'intégrer la future croissance du moignon, variable (stump capping procedure) [3].
L'amputation et l'appareillage chez l'enfant 205

A B
Figure 17.3 Ostéosarcome du tiers inférieur du tibia (enfant de 5 ans).

A B
Figure 17.4 Ischémie aiguë iatrogène.

Il y a toujours un risque de reprise chirurgicale, en – amputation de Gritti [4] : elle concerne le tiers


particulier lié aux troubles de la croissance, ce dont les distal de la cuisse. Peu utilisée chez l'enfant car elle
parents et l'enfant doivent être prévenus. supprime la physe distale du fémur et son potentiel
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de croissance. Très intéressante chez l'adolescent en


interposant la patella, elle permet la création d'un
Les différents types d'amputations tampon rotulien contre le fémur ;
et désarticulations acquises • la désarticulation du genou  : elle reste exception-
des membres inférieurs nelle, peut être intéressante pour les tumeurs du tibia
ou les malformations congénitales ;
Il faut différencier selon le niveau : • l'amputation du tiers proximal du tibia qui est préfé-
• la désarticulation inter-ilio-abdominale  : elle rable à la désarticulation car elle permet la mise en place
reste rare et mutilante avec un appareillage difficile d'une prothèse correcte et parfaitement tolérée à terme.
(figure 17.5) ; Lors de l'amputation de jambe, la résection de la face
• la désarticulation coxo-fémorale qui peut être mieux antéro-inférieure du tibia doit être réalisée en sec-
appareillée chez l'enfant ; tionnant la diaphyse transversalement avec un angle
• les amputations transfémorales : de 35° (angle de Farabeuf), indispensable pour éviter
– amputation du tiers proximal du fémur, la plus un conflit ostéo-cutané (figure 17.7). Ce coin antérieur
utilisée (figure 17.6), de la corticale tibiale très agressif pour la peau peut
206 J. Griffet

Figure 17.7 Angle de 35° de Farabeuf pour la coupe tibiale.


Figure 17.5 Désarticulation inter-ilio-fémorale.

Pour toutes les amputations du pied, il faut toujours


privilégier la couverture à l'aide d'une cicatrisation
dirigée puis par une greffe de peau totale et non une
greffe dermo-épidermique. En effet, la peau totale
­permet une meilleure adaptation à la croissance de
l'enfant. Parfois, les lambeaux libres restent la solution
finale de sauvetage du pied.

Évolution de l'appareillage
prothétique du membre inférieur :
incidences sur la réalisation
Figure 17.6 Amputation du tiers proximal du fémur.
du moignon chez l'enfant
Le concept global des évolutions des emboîtures a
pour finalité trois objectifs :
servir à boucher le canal médullaire et faire hémostase ; • augmentation des surfaces d'appui dans l'emboîture ;
• les amputations du pied : • suppression des mouvements de glissement entre
– de type Chopart : il faut obtenir un moignon peau et emboîture ;
stable, non douloureux, avec appui distal, appareillé • suppression de tous les effets de bras de levier entre
par une prothèse remontant jusqu'au genou. Une emboîture et segment sus-jacent.

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arthrodèse de l'arrière-pied est nécessaire avec ou L'apparition sur le marché de nouveaux matériaux
sans talectomie [1], (gels de silicone, copolymères, polyuréthane) a beau-
– à l'avant-pied, le retentissement fonctionnel est coup participé à cette évolution. Cette transformation
estimé de faible à modéré. Les récidives de l'équin ne en profondeur de l'appareillage a amené de nouveaux
sont pas rares. L'arthrodèse tibio-talo-calcanéenne critères dans la qualité et l'optimisation des moignons.
ou tibio-calcanéenne avec résection du talus permet La qualité de ces derniers devient très influente sur le
à un patient actif de récupérer toutes ses possibilités, résultat fonctionnel de la prothèse.
grâce à une prothèse bien adaptée (amputation de Pour chaque niveau d'amputation du membre infé-
Boyd [5]), rieur, nous allons analyser ces évolutions, afin de bien
– au niveau des orteils, une nécrose limitée conduit à définir quel sera le moignon, dans sa forme et dans sa
une amputation de la phalange distale, une atteinte longueur, qui donnera les meilleurs résultats pour le
plus étendue sur le gros orteil incite à une désarti- patient. Ce choix devra tenir compte de la place néces-
culation interphalagienne ; pour les autres orteils, saire, sous le moignon, pour l'adaptation du matériel
une désarticulation métatarsophalagienne est prothétique le plus approprié au patient, au moment
préférable [1]. de son amputation, mais aussi en prévoyant ce qui se
L'amputation et l'appareillage chez l'enfant 207

passera à l'âge adulte, lorsque la longueur des seg- plan sagittal. C'est cette articulation qui va comman-
ments de membre aura changé. der la prothèse. Les fausses côtes ne doivent pas tou-
cher la coque en position assise.
1er niveau : la hanche Le matériel prothétique (hanche et genou) est léger
mais peu performant pour l'enfant (figure 17.10). Ce
Le patient est assis sur son ischion, côté amputé. type d'appareillage permet la marche harmonieuse en
Celui-ci peut être guidé dans une loge pour un meil- terrain plat (montées et descentes difficiles).
leur contrôle. La suspension de la prothèse se fait par Quand l'enfant atteint une taille adulte, le choix du
un accrochage au-dessus des crêtes iliaques. matériel prothétique est beaucoup plus performant.
Cette coque enveloppe donc le massif fessier côté Il peut autoriser une démarche plus dynamique et la
amputé et se prolonge par une ceinture recouvrant descente des pentes et des escaliers en pas alternatifs.
l'hémi-bassin opposé. La face antérieure doit se rap- La course est possible mais difficile (figure 17.11).
procher le plus près possible du pubis et de la branche Ce type d'appareillage peut être confortable à la
ischio-pubienne pour laisser la place nécessaire à la marche (périmètre de marche important) mais la
pièce de hanche d'une part, et pour essayer d'obte- boiterie restera toujours perceptible et l'appareillage
nir une surface osseuse importante en contact avec la encombrant.
coque d'autre part (figure 17.8). Il y a peu d'évolution globale pour ce type d'appa-
Un capitonnage trop important de la zone amputée reillage.
limitera les possibilités de contrôle de cette coque et
empêchera d'optimiser la position de l'axe articulaire 2e niveau : le fémur
de la hanche prothétique (figure 17.9).
La qualité de l'empreinte et le choix des matériaux C'est le niveau d'amputation qui a le plus profité des
utilisés apporteront le confort au patient. Cette coque évolutions technologiques.
devra impérativement libérer la charnière lombaire Auparavant la forme des emboîtures était quadran-
pour permettre des mouvements du bassin dans un gulaire nécessitant un serrage très important au niveau

Sup Sup
Supérie
Gau
Vue frontale d’une emboiture Ant Gauche

Vue latérale d’une emboiture

Figure 17.8 La coque enveloppe le massif fessier avec prolongement par une ceinture sur l'hémi-bassin opposé.

Alignement théorique
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A B C
Figure 17.9 Alignement d'une prothèse totale du membre inférieur.
208 J. Griffet

Figure 17.10 Prothèse légère chez l'enfant, articulation de Figure 17.11 Prothèse performante avec articulation de hanche
hanche déportée, genou à biellette ou frein monté en recurva- type hélix, genou C-Leg® géré par microprocesseur, pied dyna-
tum, pied dynamique en carbone. mique carbone.
Source : Chabloz Orthopédie, adepa.fr et Ottobock.

A B
Figure 17.12 Ancienne emboîture quadrangulaire à serrage antéro-postérieur.

de la racine du moignon avec une déformation par – ce concept a en plus l'avantage de remettre ce fémur
pincement antéropostérieur (figure 17.12). en position d'adduction physiologique. L'extension
Ce serrage entraînait des troubles trophiques limitant de hanche est maintenant possible sans hyperappui
considérablement le périmètre de marche des patients. sur l'ischion et donc sans lordose de compensation
Cette conception traumatisante incitait, quand ils le (figure 17.14),

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pouvaient, les chirurgiens à réaliser une amputation avec – ces emboîtures, bien réalisées, sont très confor-
appui terminal (désarticulation de genou, Gritti) pour tables et redonnent au patient un périmètre de
permettre au patient de marcher sans souffrir de dou- marche proche de celui des valides. Elles tolèrent
leurs ischiatiques. La prothèse était de type « contact », mieux les augmentations de volume du moignon et
la mise en place était difficile et traumatisante. sont par conséquent parfaitement appropriées aux
Les solutions actuelles permettent de considérer enfants. Le serrage peut et doit être dégressif de
deux grands thèmes d'évolution : l'extrémité du moignon vers sa racine, évitant ainsi
• la forme de l'emboîture : tout trouble circulatoire. Cette absence de serrage au
– elle englobe maintenant l'ischion sur sa face interne niveau du collet de l'emboîture va participer au gain
« ischion intégré  » et autorise ainsi un très bon d'amplitude de la cuisse appareillée ;
contrôle de l'emboîture sans serrage en zone proxi- • l'utilisation d'une interface adhérente (silicone) qui
male et sans appui franc sous l'ischion. Le fémur se se déroule sur le moignon (figure 17.15) :
retrouve plaqué contre la face externe de l'emboî- – il s'agit d'un manchon réalisé pour créer un serrage
ture et devient plus performant dans le contrôle de calculé sur le moignon. Il se positionne par déroule-
la prothèse (figure 17.13), ment sur le moignon en partant de la partie distale,
L'amputation et l'appareillage chez l'enfant 209

Figure 17.13 Nouvelle emboîture à « ischion intégré ».


Figure 17.15 Manchon en silicone.

Encadré 17.1
Critères du moignon idéal
La cicatrice doit impérativement être jolie (atten-
tion aux formes en creux).
− Il n'est pas nécessaire de chercher à conserver
du volume sur le moignon, celui-ci peut entraîner
un phénomène de « pseudarthrose » entre le fémur
et l'emboîture : une faible circonférence en extré-
mité de moignon permettra un meilleur contrôle
de la prothèse.
− Il est préférable de conserver un volume de
A B masse molle sous l'extrémité du fémur (3 à 4 cm)
Figure 17.14 Emboîture : quadrangulaire ne permettant pas pour le confort en charge (ce volume est stabilisé
l'extension par conflit avec l'ischion (a) ; à « ischion intégré » par le manchon).
permettant l'extension de hanche (b). − La longueur du moignon doit laisser suffisam-
Source : Chabloz Orthopédie. ment de place pour le genou prothétique (4 à 5 cm
entre l'extrémité du moignon et l'axe articulaire
adhère au moignon et oriente le volume des masses du genou pour du matériel d'enfant et environ
molles comprimées pour recevoir l'emboîture rigide. 10 cm entre l'extrémité du moignon et l'axe arti-
Cette interface a de nombreux avantages : permet une culaire pour du matériel d'adulte).
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mise en place facile de la prothèse ; adhère au moignon − Le moignon sera toujours performant si sa lon-
et évite tout frottement entre la peau et l'emboîture ; a gueur se situe entre le tiers moyen de la cuisse et la
un effet positif sur les cicatrices (lissage, assouplisse- longueur maximale citée précédemment.
ment) ; distribue parfaitement la pression sur toute la − Attention  : cette longueur du moignon doit
surface du moignon et apporte plus de confort, tenir compte de la hauteur des masses molles
– on peut y inclure un coussin en gel de silicone si, situées sous le fémur et il ne faut pas oublier que
par exemple, l'extrémité du fémur est trop saillante, le serrage du moignon par le manchon entraîne
– par contre, il ne doit exister aucune poche d'air toujours un allongement de celui-ci de 1 ou 2 cm.
entre la peau et le manchon (cicatrice invaginée). − Parce que l'ischion est inclus dans l'emboîture,
Dans ce cas, un phénomène d'aspiration se crée un moignon court (= 10 cm) restera parfaitement
entraînant des phlyctènes (mise en place d'un man- exploitable.
chon silicone : figure 17.16).
Ce nouveau concept d'emboîture nous oblige à
revoir les critères du moignon idéal (encadré 17.1). à ischion intégré donne au patient un confort et un gui-
L'association du manchon adhérent et de l'emboîture dage de la prothèse qui lui garantissent un périmètre
210 J. Griffet

de marche souvent proche de celui des gens valides. gérer aisément toutes les situations avec des genoux
Les possibilités fonctionnelles du patient vont ensuite de conception simple. Certains parviennent même à
dépendre du matériel prothétique utilisable et utilisé. monter les escaliers.
Pour l'enfant, les genoux disponibles, correspon- En grandissant, le choix de matériels prothétiques
dant à leur taille et à leur poids, ont des fonctions limi- s'étoffe et les assistances techniques se multiplient. La
tées. Ils permettent la marche en alternatif, mais ne préflexion du genou, à l'attaque du talon, est même
­proposent pas d'assistance à la descente des pentes et reproduite et donne du confort par un léger amor-
des escaliers, encore moins pour les montées. tissement. Les patients peuvent, avec une rééduca-
Par contre, par leur adaptabilité, les enfants ayant tion spécialisée, aborder les descentes d'escalier et les
un moignon suffisamment long sont capables de pentes en toute sécurité, avec peu d'efforts musculaires
(genou C-Leg® Ottobock, référencé Sécurité sociale :
figure 17.17).
Il est possible d'adjoindre à la prothèse un absorbeur
de choc pour plus de confort, un absorbeur de torsion
pour le golf et même un rotateur au niveau du genou
pour s'asseoir en tailleur (figure 17.18).
De nouveaux genoux prothétiques permettant
de monter les escaliers arrivent sur le marché. Ils
fonctionnent par l'association de gyroscope et de
­
microprocesseurs (genou Genium® Ottobock, non
remboursé : figure 17.19). Ils assistent les patients de
façon très naturelle dans toutes les situations et pro-
mettent des perspectives très encourageantes.
Le confort obtenu avec les nouvelles emboîtures
associées à des lames de course (non-prises en charge)

Figure 17.16 Conseils pour la mise en place d'un manchon sili- Figure 17.17 Genou C-Leg® (Ottobock), référencé Sécurité
cone fémoral. sociale permettant la descente des escaliers.
Source : Chabloz Orthopédie. Source : Ottobock.

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A B
Figure 17.18 Genou avec : rotateur (a) ; absorbeur de torsion (b).
L'amputation et l'appareillage chez l'enfant 211

permet, même aux plus jeunes, de courir aisément. De


nombreux sports sont praticables avec une prothèse
3e niveau : le tibia
fémorale, mais celle-ci devra souvent être spécifique Des formes d'emboîtures plus douces
(figure 17.20). Un ensemble genou + pied spécifique et des manchons adhérents
est aussi disponible pour la pratique du ski alpin ou
du snowboard. Ce niveau d'amputation a toujours donné des résul-
tats fonctionnels étonnants. L'apparition des emboî-
tures total contact behring (TCB) réalisées sur un
manchon adhérant mince ou en gel de 6 mm, associées
à un système de suspension par crémaillère ou par
dépressurisation, a repoussé les limites de tolérance
de ces prothèses. Ce concept entraîne une absence
totale de frottements et une tenue irréprochable. Dans
cette nouvelle méthode, la distribution des pressions
devient parfaitement uniforme dans une emboîture
dont la forme devient douce, physiologique, avec un
serrage homogène (figure 17.21). Les hyperappuis
sous-­patellaire et poplité disparaissent avec les com-
plications qu'ils pouvaient engendrer (figure 17.22).
Cette emboîture est toujours associée à un manchon
adhérent qui va faire partie intégrante du système et se
place sur le moignon par déroulement, comme pour
les prothèses fémorales. Les manchons peuvent être
Figure 17.19 Genou Genium® (Ottobock) permettant la montée
des escaliers grâce à l'association de gyroscope et de micro- choisis à partir d'une gamme de tailles dans des maté-
processeurs. riaux différents (silicone, copolymères, polyuréthane)
Source : Chabloz Orthopédie, Ottobock. et avec des épaisseurs différentes (figure 17.23). Ils
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A B

C
Figure 17.20 Prothèses spécifiques adaptées à la pratique des sports pour : la course (a) ; le vélo (b) ; les sports de neige (c).
Source : Chabloz Orthopédie.
212 J. Griffet

peuvent aussi être réalisés spécifiquement à partir d'un Ce type de prothèse peut être placé dès 8 mois,
moulage si la forme du moignon l'impose. quand l'enfant commence à vouloir se mettre en appui
La prothèse n'est plus nécessairement montée en sur ses membres inférieurs (figure 17.24).
flexum, l'ensemble devient plus physiologique. Il subsiste toujours le problème de la croissance des
os qui impose en moyenne deux interventions durant
Chez les enfants la croissance.

La répartition uniforme des pressions et la facilité de Autonomie des amputés tibiaux


mise en place de la prothèse avec le manchon qui se aujourd'hui
place par déroulement sur le moignon rassurent l'en-
fant et les parents. Il n'y a en général pas de difficultés Nous pouvons dire qu'aujourd'hui, un patient
d'accoutumance. amputé tibial avec un « joli » moignon peut avoir la
L'absence d'accrochage mécanique au-dessus des vie et les activités d'une personne valide, sauf peut-
condyles semble aider au bon développement du qua- être si l'on prend des cas extrêmes. Sa prothèse de vie
driceps et la cuisse perd moins en circonférence. La quotidienne sera suffisamment performante pour le
forme de l'emboîture permet d'éviter une pression lui permettre. Cette performance se vérifiera dès le
excessive sur le tendon patellaire. plus jeune âge.

Figure 17.21 Emboîture total contact behring avec serrage Figure 17.22 Ancienne emboîture de prothèse tibiale avec
homogène. hyperappuis sous-patellaire et poplité.

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A B
Figure 17.23 Manchons : au choix (a) ; sur moulage (b).
Source : Chabloz Orthopédie, adepa.fr.
L'amputation et l'appareillage chez l'enfant 213

Ces prothèses sont, en France, intégralement prises


en charge, sauf quelques produits très spécifiques pour, contrôle et il sera préférable d'avoir un moignon
par exemple, le ski, la course… (figure 17.25). plus court si celui-ci est plus joli et mieux capi-
Des revêtements cosmétiques sont disponibles pour tonné en extrémité (n'oublions pas que la distri-
les plus coquettes, mais ils ne sont pas pris en charge bution de la charge se fait uniformément sur toute
(figure 17.26). la surface du moignon ; l'extrémité du moignon y
Le choix de matériel prothétique disponible pour ce participe…).
type d'appareillage est très vaste (encadré 17.2). Si la longueur du moignon devait être inférieure à
10 cm, la solution du coussin terminal moulé en
gel de silicone, avec inclusion dans le manchon, est
possible pour tenter de conserver un bon bras de
Encadré 17.2 levier et du confort.
Pour ce qui concerne la fibula, il est toujours
Incidences des nouveaux concepts indispensable qu'elle soit plus courte que le tibia
d'emboîtures tibiales sur les critères (environ 3 cm), mais son ablation nuirait au gui-
du moignon idéal dage de la prothèse en rotation.
Le tibia, lui, sera bien arrondi en respectant l'angle
Comme pour les moignons fémoraux, il est préfé- de Farabeuf.
rable d'avoir un moignon plutôt « sec » pour évi-
ter les phénomènes de « pseudarthrose » entre le
moignon et l'emboîture.
La longueur du moignon ne doit pas dépasser
20 cm à partir de l'interligne fémoro-tibial, à l'âge
adulte, pour pouvoir utiliser les pieds prothé-
tiques les plus performants. Cette longueur inclut
le capitonnage terminal du moignon.
Une longueur de 15 cm sera déjà très performante.
En effet, les insertions musculaires des extenseurs
et des fléchisseurs de la jambe se situent à la partie
proximale de la jambe ; la longueur du moignon
n'aura une incidence que sur le guidage et non sur
la force du moignon.
Nous l'avons vu précédemment, les emboîtures
de nouvelle génération procurent un bien meilleur Figure 17.25 Différents types de pieds.
Source : Chabloz Orthopédie et Ravel Orthomédic.
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A B
Figure 17.24 Gamme de prothèses pour enfants (a) et prothèse dès 8 mois (b).
Source : Chabloz Orthopédie.
214 J. Griffet

Il y a bien sûr toute une gamme de pieds dynamiques


en carbone, mais aussi des absorbeurs de choc ou de
Réglages et adaptation
torsion, des pieds spécifiques pour la pratique du ski de la prothèse
ou de sports aquatiques, mais ces prothèses seront, de Pour qu'une prothèse soit confortable, fonctionnelle et
toute façon, bien plus polyvalentes que les prothèses durable, il est important que la répartition des appuis,
fémorales. les axes d'alignement et la cinématique de la marche
soient optimisés. La marche doit être sécurisée dans le
4e niveau : le pied maximum de circonstances, en terrain plat mais égale-
ment accidenté, la montée et la descente des escaliers,
Les amputations transtarsiennes posent toujours des voire la course ou les activités sportives même de haut
problèmes, même avec arthrodèse. L'appareillage niveau. Pour cela, les méthodes nouvelles doivent être
devra remonter sur la jambe pour un minimum de per- utilisées, l'analyse radiologique tridimensionnelle et
formances (figure 17.27). Il sera inesthétique et tou- l'AQM.
jours moins performant qu'une prothèse tibiale, mais
l'appui au sol sans appareil demeure… Analyse tridimensionnelle
Il est aussi possible de réaliser des pieds cos- des membres inférieurs
métiques, mais il ne faut pas parler dans ce cas de
fonctionnalité. Le système EOS donne une imagerie du patient debout
Les amputations transmétatarsiennes ou partielles comprenant la totalité des membres inférieurs et du
d'avant-pied autorisent souvent la marche sans appa- rachis de face et de profil avec reconstruction tridi-
reillage. Elles donneront de meilleurs résultats fonc- mensionnelle des structures osseuses, permettant, sur le
tionnels grâce à des prothèses en silicone, combinant cliché corps entier l'analyse de l'équilibre global. Il est
l'effet d'une semelle orthopédique pour rééquilibrer ainsi possible d'analyser les véritables axes des membres
les appuis au sol avec une compensation du volume inférieurs et de régler la prothèse pour respecter ces
manquant pouvant participer à la stabilisation des
­ axes [6]. Le réglage de longueur est également effectué.
parties restantes, tout en redonnant un aspect cosmé- Ceci est le garant d'une bonne adaptation anatomique
tique au pied. Une lame fine en carbone peut dynami- (figure 17.28).
ser l'ensemble qui ne sera, malgré tout, pas forcément
aussi performant et fiable qu'une prothèse tibiale. Analyse quantifiée de la marche
Notre expérience montre que ce type d'amputation
peut poser, dans certains cas, beaucoup de problèmes L'analyse statique permet de connaître la répartition de
de suivi, surtout chez l'enfant, pendant sa croissance. la charge sur les appuis au sol (axes et pression au sol).
L'analyse dynamique fait appel à des critères ciné-
matiques et cinétiques (tableau 17.1). L'analyse ciné-
matique permet d'optimiser les réglages, en particulier
le retour du membre inférieur pendant la phase oscil-
lante et, pour le genou, la phase d'amortissement à la
phase initiale (figure 17.29). L'analyse cinétique appré-

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cie l'impact de la prothèse sur les ­articulations avec

Figure 17.26 Revêtement cosmétique. Figure 17.27 Prothèses de pied.


Source : Chabloz Orthopédie. Source : Ravel Orthomedic.
L'amputation et l'appareillage chez l'enfant 215

A B C
Figure 17.28 Radiographies avec EOS.
Analyse des axes – cliché corps entier : désarticulation du genou sur malformations congénitales (a) ; amputation fémorale chez
un enfant (b) ; amputation chez un jeune adulte : mélorhéostose diagnostiquée à l'âge de 15 ans (c).

Tableau 17.1
Paramètres spatio-temporels (GaitRite®) avec mesure du FAP (functional ambulation profile) = 100*
Paramètres Fonctional ambulation profile : 96

Distance (cm) 2086.9 Cadence (pas/min) 105.5

Temps de déambulation (sec) 15.93 Différentiel du temps du pas (sec) .08

Vitesse (cm/sec) 131.0 Différentiel de la longueur du pas (cm) .02

Vitesse moyenne normalisée 1.58 Durée du cycle (sec) .01

Paramètres Fonctional ambulation profile : 91

Distance (cm) 1982.8 Cadence (pas/min) 106.8

Temps de déambulation (sec) 14.05 Différentiel du temps du pas (sec .08


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Vitesse (cm/sec) 141.1 Différentiel de la longueur du pas (cm) 1.76

Vitesse moyenne normalisée 1.70 Durée du cycle (sec) .00


* FAP = 91 genou C-Leg , FAP = 96 genou Genium .
® ®

l'analyse des moments et le réglage de la rotation du


pied afin d'optimiser les bras de levier (figure 17.30).
Le gait real-time analysis interactiv laboratory
(GRAIL) est un outil particulièrement intéressant qui
permet d'analyser la marche du patient dans des condi-
tions variées projetées sur un écran avec feedback immé-
diat (figure 17.31). Le réglage du « genou électronique »
est optimisé par simulation de la marche en terrain varié,
Figure 17.29 Données cinématiques lors d'une : marche plus sécurisant la marche. Le temps de déverrouillage lors de
saccadée genou C-Leg® (a) ; marche plus harmonieuse genou
la descente des escaliers peut ainsi être parfaitement réglé.
Genium® (b).
216 J. Griffet

Bilans, objectifs de rééducation Et, parallèlement, il faut redonner au plus vite son
autonomie au patient pour les déplacements et les
et modalités de mise en œuvre [7–10] activités de la vie quotidienne et mettre en place un
étayage psychologique.
La phase initiale : prise Ceci s'exerce au travers :
en charge en phase précoce, • des soins infirmiers : aide à la toilette, pansements,
après l'amputation bandages compressifs du moignon avec une bande
Biflex® au début puis avec un manchon élastique taillé
Dans l'idéal, la prise de contact entre l'enfant, sa sur mesure, évaluation clinique quotidienne de la dou-
famille et le service de MPR aura eu lieu avant l'am- leur et protocoles antalgiques ;
putation. Cette consultation permettra de donner des
explications et de rassurer autant que possible sur
les capacités fonctionnelles futures avec appareillage.
Après l'amputation, le suivi en MPR se fait le plus sou-
vent dans le cadre d'une hospitalisation complète dans
la mesure où l'état de l'enfant requiert une adaptation
pluriquotidienne des soins médicaux.
Dès son arrivée dans le service, il est accueilli par
les membres de l'équipe qui vont procéder au bilan
initial : histoire médicale, circonstances de l'ampu-
tation, lésions associées en cas de polytraumatismes
ou de polyfractures ; état général (désadaptation à
l'effort, infections, anémie post-traumatique ou post-
chimiothérapie, neutropénie) ; niveau de l'amputation,
caractère bilatéral éventuel ; état local du moignon,
caractéristiques de la cicatrice, présence d'œdème du
moignon, amplitudes articulaires des articulations
sus-jacentes ; bilan d'autonomie et évaluation de l'état
thymique.
Il s'agit d'une période où l'on va dans un premier
temps assurer :
• la prévention des complications du postopératoire
immédiat et du décubitus ;
• l'installation au lit, au fauteuil roulant ;
• le suivi de la cicatrisation du moignon ;
• la gestion et la prévention de la douleur en particu-
lier neuropathique [11] ; Figure 17.30 Analyse dynamique de la marche : en bleu courbe
• la prévention d'attitudes vicieuses (flexum) ; normale, en rouge genou Genium®, en vert genou C-Leg®. Le
• la préparation du moignon à l'appareillage.

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Genium® se rapproche le plus de la courbe normale.

A B
Figure 17.31. Gait real-time analysis interactive laboratory : réadaptation avec feedback.
L'amputation et l'appareillage chez l'enfant 217

• des soins kinésithérapiques : drainage du moignon, • la poursuite et le renforcement du réentraînement à


traitement manuel ou mécanique de la cicatrice, lutte l'effort ;
contre les adhérences, mobilisation des articulations, • enfin progressivement, l'apprentissage de la course
postures de correction, verticalisation progressive sur et des sauts.
table, apprentissage de manipulation du fauteuil rou- Les contre-indications à l'appareillage sont rares,
lant dont l'usage participe au réentraînement à l'effort ; d'ordre neurologique ou psychique, d'ordre orthopé-
• du suivi psychothérapique, démarré dès que pos- dique (attitude vicieuse, état des membres supérieurs
sible, aidant le patient à inscrire cet événement dans sa ou du membre inférieur opposé), d'ordre vasculaire
trajectoire et dans sa construction psychique ; sur un état controlatéral inquiétant avec risque vital à
• du suivi éducatif : il se traduit concrètement par la court terme pour le membre restant.
régulation des relations interpersonnelles au quoti-
dien, dans la canalisation au fil de l'eau des émotions,
via la participation à des activités de loisirs, puis la La phase de réadaptation
reprise de la scolarité même partielle. Participation Elle comprend l'autonomisation complète pour les
initiée et soutenue par l'intervention des éducateurs activités de vie quotidienne, l'éducation du patient
du service et du personnel infirmiers et aides puéri- pour les soins de moignon, la mise en place de la
cultrices dont l'écoute attentive au moment des soins prothèse et de l'entretien du manchon, la gestion des
permettra de repérer des moments de souffrance et conflits cutanés, rougeurs et petites plaies, la gestion
d'angoisse. des variations morphologiques du moignon, la prépa-
ration de la sortie, en particulier la reprise de la scola­
La phase d'appareillage risation en milieu ordinaire avec un projet d'accueil
individualisé (PAI), la réinsertion sociale incluant les
Elle participe pour beaucoup à l'évolution thymique du activités sportives et de loisirs.
patient en lui permettant de retrouver son autonomie, Elle peut se dérouler en alternative à l'hospitalisation
sa station debout et progressivement la marche. C'est complète, si l'environnement familial, architectural et le
aussi le meilleur traitement des douleurs de membres réseau de soins le permettent, en proposant un suivi en
fantômes et cette phase correspond à la diminution hospitalisation à domicile (HAD), ou une prise en charge
progressive des traitements antalgiques instaurés en séquentielle avec consultations externes intermédiaires,
postopératoire. une hospitalisation de jour (HDJ), voire un simple suivi
L'appareillage se fait en plusieurs étapes en fonc- consultatif externe conjoint avec le prothésiste.
tion de l'évolution du moignon et des traumatismes Au plan social, elle sera facilitée par la mise en place
associés avec souvent confection de différents appa- des mécanismes de solidarité de la société, représentés
reillages provisoires. par :
La locomotion sera favorisée en dynamisant le • la reconnaissance du taux d'invalidité supérieur ou
patient puis en lui réapprenant la marche et l'équilibre égal à 50 %, voire 80 % ;
afin de le rendre autonome. La question de l'activité • le versement d'une allocation d'éducation d'enfant
sportive sera évoquée quand elle est possible. Chez les handicapé (AAEH) aux parents, avec une AEEH de
adolescents, elle est souvent très investie et la présence, base qui peut être augmentée par le versement d'un
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dans les actualités sportives, d'athlètes amputés rem- complément en fonction des frais liés au handicap ou
portant des succès en compétition vient rendre tan- le versement d'une prestation compensatoire du han-
gible une image de soi reconstruite et positive. Ce sera dicap (PCH) ;
le moment de faire établir un contact avec les asso- • l'attribution d'un auxiliaire de vie scolaire si l'amé-
ciations de personnes amputées qui pourront apporter nagement de la scolarité en milieu ordinaire le nécessite.
leur témoignage. Pour l'octroi de ces prestations, un dossier est à
Pendant cette période est exigée une surveillance monter à la maison départementale des personnes
attentive des points d'appui dans l'emboîture par toute handicapées (MDPH), comportant un volet social et
l'équipe de soins et de rééducation, puis par le patient administratif ainsi que médical.
ou ses parents. La demande d'exonération du ticket modérateur
La rééducation comprend : au titre de l'affection de longue durée devra être faite
• un travail de renforcement musculaire, de l'équilibre rapidement car elle viendra faciliter hospitalisation et
et du schéma de marche appareillée, dans les barres appareillage, ce dernier étant pris en charge intégra-
parallèles au début, ensuite avec canne, puis sans lement par les caisses d'assurance maladie, exception
canne ; faite des prothèses de sport.
218 J. Griffet

Le suivi à long terme Évaluation de la qualité de vie


et de l'appareillage
Consultation MPR annuelle
ou bi-annuelle selon l'âge Indispensables dans le cas de recherche clinique, les
échelles d'évaluation sont nécessaires en pratique cli-
et la période de croissance nique sous peine d'avoir quelques surprises, le patient
L'enfant amputé nécessite le suivi de son développe- n'exprimant pas toujours son vécu en consultation. Il
ment morphostatique, avec un regard sur le retentis- existe de nombreuses échelles validées chez l'adulte et
sement en termes d'équilibre du rachis et du bassin, l'enfant explorant :
d'inégalité de longueur des membres tout au long de la • la douleur : les échelles génériques sont habituelle-
croissance. La recherche de douleurs et de limitation ment suffisantes ;
des amplitudes articulaires sus-jacentes au membre • les capacités fonctionnelles (équilibre, vitesse de
amputé sera effectuée. marche, confort de marche, marche en extérieur).
Validée en français, l'échelle de Houghton, prend
en compte la marche, l'utilisation de la prothèse, la
Évolution de l'appareillage marche à l'extérieur et la stabilité du terrain. Ce ques-
tionnaire facile et rapide bénéficie d'une importante
L'appareillage de l'enfant doit suivre sa croissance et
sensibilité au changement et permet de distinguer les
être renouvelé autant que de besoin. La plupart du
amputés tibiaux des fémoraux et a été utilisé chez
temps, ceci se fait en ambulatoire, au rythme d'une
les amputés bilatéraux. Le CAPP-FSIT (child ampu-
fois par an en moyenne.
tee prosthetics project- functional status inventory
La prescription des genoux prothétiques de dernière
for toddlers), le CAPP- FSIP (child amputee prosthe-
génération de même que l'adaptation d'une prothèse de
tics project-­functional status inventory for preschool
sport nécessite une évaluation particulière avec essai sur
children) et le CAPP-FSI (child amputee prosthetics
15 jours dans un service spécialisé avec un plateau tech-
project-functional status inventory) sont des échelles
nique adapté (analyse quantifiée de la marche, marche
validées et fiables développées pour les enfants atteints
sur tapis roulant, épreuve d'effort, parcours test…).
d'agénésie des membres. Il n'existe pas de version
française ;
Évolution psychologique au fil • la qualité de vie  : outre les échelles génériques
des années de qualité de vie de l'enfant, OPUS (orthotics and
prothetics users'survey) est un auto-questionnaire
Il n'y a pas d'études publiées chez l'enfant et l'ado- qui explore à la fois l'état fonctionnel avec et sans
lescent. Il n'est pas évident que le cheminement prothèse, la qualité de vie et la satisfaction des
­
psychologique décrit chez l'adulte soit le même ­services et de l'appareillage (prothèses et orthèses)
en particulier chez le petit enfant dont les facultés chez les enfants et les adultes. Il comprend 64 items
d'adaptation paraissent parfois étonnantes et chez qui avec selon les échelles, quatre à cinq niveaux de
dominent les angoisses de séparation. L'adolescence, réponse ;
voire la préadolescence, amènera par contre la prise • le retentissement psychologique  : tests projectifs

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de conscience douloureuse de la différence même si le (Rorschard), échelle de dépression, évaluation cli-
préjudice fonctionnel en situation appareillée est peu nique, état relationnel, insertion scolaire, qualité du
présent. Il faudra être vigilant et ne pas attendre pour sommeil et de l'appétit, expression d'angoisse verba-
embrayer un travail psychothérapique parfois diffi- lisée ou non permettent d'évaluer la situation au plan
cile à faire admettre à un adolescent. Il faut garder psychique et de décider de mettre en œuvre un traite-
en tête que le travail de deuil peut être décalé dans ment spécifique.
le temps.
Conclusion
Évaluation
L'évolution de l'appareillage prothétique du membre
Évaluation de la marche inférieur offre des perspectives d'autonomie pour le
patient bien supérieures aujourd'hui.
La marche appareillée devra être étudiée sur un pla- Le soin apporté à la réalisation du moignon d'ampu-
teau d'analyse de la marche. tation sera fortement influent sur ce résultat.
L'amputation et l'appareillage chez l'enfant 219

Il est primordial que le chirurgien cerne parfai- [3] Pfeil J, Marquardt E, Holtz T, et al. The stump capping proce-
tement la finalité de son geste pour optimiser cet dure to prevent or treat terminal osseous overgrowth. Prosthet
Orthot Int 1991 ; 15 : 96–9.
appareillage et que la mise en place de la prothèse se [4] Gritti R. Annali Universali di Medicina. Milano 1857 ;
fasse en parfaite collaboration entre rééducateur et 161 : 5.
orthoprothédiste. [5] Westberry DE, Davids JR, Pugh LI. The Boyd amputation in
L'adaptation de l'appareillage, la prise en compte des children : indications and outcomes. J Pediatr Orthop 2014 ; 34 :
difficultés psychologiques et sociales seront, au mieux, 86–91.
[6] Kobayashi T, Orendurff MS, Boone DA. Effect of alignment
réglées en hospitalisation dans un service de MPR, au changes on socket reaction moments during gait in transfemo-
sein d'une équipe médicale, soignante et socio-éduca- ral and knee-disarticulation prostheses : case series. J Biomech
tive, en utilisant les outils comme l'EOS et l'AQM. 2013 ; 46 : 2539–45.
[7] Bryant PR, Pandian G. Acquired limb deficiencies. 1. Acquired
Remerciements limb deficiencies in children and young adults. Arch Phys Med
Rehabil 2001 ; 82(Suppl 1) : S3–8.
L'auteur remercie A. Eid, M.-P. de Angelis, A. Descotes, [8] Centomo H, Amarantini D, Martin L, et al. Muscle adaptation
patterns of children with a trans-tibial amputation during wal-
P. Chabloz, J. Bredin et J.-P. Flambart qui lui ont per- king. Clin Biomech 2007 ; 22 : 457–63.
mis d'appréhender les nombreux aspects liés à la mise [9] Loiret J, Paysant N, Martinet JM. Analyse de la littérature.
en place d'une prothèse. Évaluation des amputés. Ann Readapt Med Phys 2005 ; 48 :
Déclaration de conflit d'intérêt : aucun. 307–16.
[10] Treby J, Main EA. Survey of physiotherapists involved in pae-
Références diatric lower limb amputee rehabilitation in the British Isles.
Physiotherapy 2007 ; 93 : 212–7.
[1] Krajbich JI. Lower-limb deficiencies and amputations in child- [11] Fournier-Charrière E, Marec-Berard P, Schmitt C, et al.

ren. J Am Acad Orthop Surg 1998 ; 6 : 358–67. Management de la douleur neurologique chronique chez l'en-
[2] Dederich R. Ostéomyoplastie du moignon d'amputation des fant : consignes de bonnes pratiques cliniques. Arch Pediatr
membres inférieurs. Acta Orthop Belg 1966 ; 32 : 633–40. 2011 ; 18 : 905–13.
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221

Extraction des tiges de PTH


bien fixées
J.-M. LAFFOSSE

J.-M. Laffosse
Résumé pas justifiée. Cependant, on peut être amené à convertir une voie
endofémorale en voie transfémorale et il faut l'avoir anticipé en
L'extraction d'une tige bien fixée pose des problèmes techniques planifiant la longueur d'une éventuelle fémorotomie ou d'un
difficiles. L'objectif est de retirer le matériel en place mais aussi volet avec les implants de révision et le matériel nécessaire pour
de préparer la réimplantation prothétique. Une tige cimentée est réimplanter. Une expérience des différentes techniques est indis-
exceptionnellement inextirpable ; la difficulté est l'extraction du pensable, une voie extensive bien réalisée étant moins morbide
ciment et du bouchon. Le risque principal est la fausse route et, qu'une fracture ou une fausse route. On peut résumer la problé-
au moindre doute, il faut réaliser un contrôle radiographique. Les matique à trois grandes techniques que nous décrivons : extrac-
tiges sans ciment sont plus à risque de fracture. Il faut anticiper tion d'une tige sans ciment par voie endomédullaire ; extraction
les difficultés par la connaissance de l'implant et l'évaluation de d'une tige cimentée par voie endomédullaire ; extraction d'une
son ancrage et du stock osseux. La voie endofémorale suffit le plus tige par voie transfémorale avec volet. Les patients doivent être
souvent pour extraire une tige standard bien fixée cimentée ou non informés de ces difficultés et des solutions qui permettent d'y
cimentée. En dehors des reprises infectieuses, des tiges à double faire face.
courbure, des longues tiges trochantéro-diaphysaires, de la pré-
sence d'une incurvation ou angulation diaphysaire fémorale ou de
Mots clés : Révision. – PTH. – Extraction. – Tige. – Fémorotomie.
l'impossibilité de luxer, une voie transfémorale systématique n'est

Introduction toutes les pièces nécessaires (têtes d'essai et défini-


tives de différentes profondeurs et diamètres, cols
Extraire la tige fémorale bien fixée d'une prothèse de modulaires, inserts acétabulaires) et s'assurer de la
hanche est difficile [1, 2]. Le symposium SOFCOT 1999 possibilité d'associer les composants acétabulaires et
sur 1398 révisions fémorales [3] retrouvait en effet 12 % fémoraux, en prenant en compte le couple de frotte-
de fractures peropératoires et 5 % de fausses routes. ment et le(s) fabricant(s). C'est le cas, par exemple,
Pour prévenir ces complications, il faut étudier soi- d'une révision pour instabilité où on peut changer la
gneusement [4, 5] la cause de la reprise, les implants à tête et/ou le col [7] ou réviser la cupule avec implanta-
réviser et leur technique d'extraction, puis déterminer tion d'une cupule à double mobilité [8].
la voie d'abord et la prothèse à réimplanter. Il est deux cas où l'extraction s'impose :
Cette démarche permet d'élaborer une stratégie opti- • révision fémorale planifiée :
male. Sans être pessimiste, il faut toujours imaginer – une rupture de la tige ou du col (figure 18.1) est
le pire scénario pour anticiper les complications pos- une indication formelle [9],
sibles et les prévenir. – en cas d'infection chronique [10], il faut extraire le
pivot et tout le ciment en réalisant un volet trochan-
téro-diaphysaire, seul abord permettant d'accéder
Quand faut-il enlever une tige à la cavité centro-médullaire et d'exciser complète-
bien fixée ? ment les tissus infectés,
– en cas de révision acétabulaire, une ostéolyse
Dans une révision prothétique, conserver une tige bien fémorale, surtout évolutive, incite à changer la tige.
fixée diminue les risques d'aggravation des lésions L'ostéolyse risque en effet de progresser et rendre
osseuses et de complications [6]. Il faut disposer de une révision fémorale ultérieure plus difficile ;

Conférences d'enseignement 2015


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222 J.-M. Laffosse

sables [3]. Il faut obtenir le compte rendu opératoire


mais surtout les références exactes de l'implant (fiche
de traçabilité remise obligatoirement au patient depuis
le décret de matériovigilance du 29/11/2006) permet-
tant d'identifier les paramètres suivants : fabriquant,
modèle, année de fabrication, mode de fixation, par-
ticularités d'un revêtement, modularité, instrumenta-
tion d'extraction spécifique…
Il faut des radiographies du bassin et de tout le
fémur de face et profil, au coefficient d'agrandisse-
ment connu, pour préciser successivement les dix élé-
ments suivants :
1. axe du fémur et sa forme, droite ou courbe (plan
frontal ou sagittal), sommet de la courbure ;
2. axe d'implantation de la tige fémorale et sa forme
(épaulement très marqué ou au contraire très
effacé, en sabre) ;
3. forme et caractère recouvrant ou proéminent du
grand trochanter (GT) par rapport à l'axe d'im-
plantation de la tige fémorale ;
Figure 18.1 Fracture tige fémorale à col modulaire.
4. aspect remanié du GT, voire pseudarthrose ;
• révision fémorale non planifiée ; la décision n'est 5. centrage du pivot fémoral ;
prise qu'en peropératoire devant : 6. zones d'ancrage de la prothèse, fonction de sa lon-
– une révision en principe unipolaire acétabulaire gueur, sa forme, son état de surface et son revêtement ;
mais avec impossibilité de régler la longueur du 7. zones de fragilité osseuse (ostéolyse localisée ou
membre inférieur, globale) ;
– une instabilité non gérable par la modularité de la 8. bouchon de ciment, sa longueur (plus ou moins de
tête fémorale et la réorientation de la cupule (en rai- 30 mm) et son centrage, ou piédestal ;
son par exemple d'une tige trop ou insuffisamment 9. présence d'éventuels obstacles (vis, cerclages,
antéversée), matériel d'ostéosynthèse) ;
– une incompatibilité tête–cupule (col trop large 10. luxation potentiellement difficile ou à risque.
avec risque d'effet came ou diamètre céphalique non Les difficultés d'extraction dépendent de la forme
compatible avec la nouvelle cupule), (tige remplissante ou non, épaulement plus ou moins
– une tige endommagée (col ou cône morse altéré, large, courbure, collerette…) et la longueur de l'im-
tige monobloc avec tête endommagée). plant mais aussi de son état de surface (microporeux,
L'idéal est d'anticiper ces situations pour en avertir macro-reliefs…), d'un revêtement plus ou moins
le patient et préparer au mieux l'intervention (anesthé- étendu et de la qualité de la fixation.
sie, matériel).

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Problématique Quelle voie d'abord ?
Cette problématique a été traitée par Kerboull dans
Il s'agit d'élaborer une stratégie chirurgicale optimale
sa conférence d'enseignement [11]. L'abord peut être
pour retirer la tige encore bien fixée et éventuellement
orienté par la précédente intervention pour limiter les
sa gaine de ciment sans léser le support osseux, afin de
lésions des parties molles, notamment de l'appareil
réimplanter une nouvelle prothèse dans des conditions
abducteur. Il est fonction de la cause de la révision, des
satisfaisantes. Ceci nécessite de répondre au préalable
composants à réviser (fémoral au moins) et des habi-
aux questions suivantes.
tudes. Il faut anticiper la nécessité d'une voie de reprise
et donc éviter tout abord difficilement extensible.
Quelle est la difficulté prévisible
d'ablation de l'implant ? Voie transtrochantérienne
La connaissance des caractéristiques de l'implant et Elle offre une excellente exposition acétabulaire ainsi
l'analyse radiographique préopératoire sont indispen- qu'un accès au fémur proximal qui peut être travaillé
Extraction des tiges de PTH bien fixées 223

dans l'axe. L'extraction d'un implant cimenté ne pose


pas de problème une fois excisés les tissus et le ciment
recouvrant l'épaulement prothétique. L'extension de
cette voie par réalisation d'un volet fémoral est relati-
vement simple. Toute la difficulté réside dans la recons-
truction et la fixation du GT avec un risque élevé de
pseudarthrose. Elle a été abandonnée par beaucoup.

Voie postérieure
C'est la plus utilisée en raison de sa simplicité et son
adaptabilité. En cas de technique endomédullaire, un
GT proéminent peut gêner l'exposition du canal avec
un risque de fausse route ou de fracture. Son autre
inconvénient est d'augmenter le risque de luxation, très
réduit par l'utilisation d'une cupule à double mobilité.
Figure 18.2 Ancillaire d'extraction des tiges.
Système de masse coulissante (a) monté sur un système de mors
Autres voies enserrant le col (b) ou un système de tulipage (c, d) ou un cro-
chet (e) utile pour les tiges à col modulaire.
• La voie antérieure est surtout séduisante pour les
arthroplasties de première intention ; il faut une grande
expérience pour l'utiliser en ayant à extraire une tige
fémorale bien fixée.
• Les voies antéro-latérales nécessitent une désinser-
tion partielle des fessiers, ce qui les affaiblit et majore
le risque d'instabilité.

Voies étendues
Des difficultés d'extraction prévisibles peuvent faire
choisir une voie étendue d'emblée, avec volet fémoral,
comme nous le reverrons.

De quel matériel ancillaire aura-t-on


besoin ?
Aucun dispositif ne permet d'extraire toutes les tiges.
On distingue les extracteurs spécifiques, avec fixation
Figure 18.3 Instruments utiles à l'ablation des implants cimen-
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sur l'épaulement prothétique, et universels avec prise tés et du ciment.


sur le col prothétique (figure 18.2). L'extraction des Écarteur pour exposer le fémur (a, b) ; ciseaux droit, gouge et
tiges à col modulaire est plus problématique en raison drapeau (c) pour fragmenter le ciment par voie endomédullaire ;
de l'absence de zones d'accroche après retrait du col. ciseaux courts droits et courbes pour dégager le ciment dans le
Parfois il existe un filetage au fond d'une logette située travail au près (d) ; crochets (e) et curettes (f) pour remonter les
à la base du col. fragments et palper les parois du fût fémoral ; pince à ciment (g)
et pince universelle autobloquante (h).
Il faut disposer d'une instrumentation complète
d'ablation du ciment :
• divers ciseaux : droits et courbes de longueur et lar- • mèches et alésoirs de diamètres différents (figure 18.4) ;
geur différentes, gouges, « drapeau » pour fragmenter • scies avec des lames de tailles différentes, scie de
le manteau de ciment, avec un jeu de lames souples de Gigli ou scie réciproque parfois utiles ;
longueurs et largeurs différentes (figure 18.3) ; • broches longues (> 300  mm) ;
• crochets et curettes de différentes tailles pour remon- • tréphines pour retirer les implants fracturés [12] ;
ter les fragments de ciment et rechercher une fausse • mèches en tungstène, ainsi que scies ou fraises à cou-
route ; per les métaux.
224 J.-M. Laffosse

Certains matériaux d'ostéosynthèse doivent être adaptées au calibre du fémur ; en l'absence de volet,
disponibles : cerclages métalliques, plaques pour frac- le risque est de sous-dimensionner l'implant et de ne
tures périprothétiques, crochets trochantériens. pas obtenir son intégration.
Un personnel rompu à cette chirurgie est indispen-
sable car les changements de position du membre opéré,
d'instruments, voire du type de prothèse de reprise sont Choix de la technique d'extraction
fréquents et nécessitent anticipation et réactivité.
L'analyse des éléments précédents permettra de décider
a priori si on tente une extraction par voie endofémo-
Quel sera l'implant de reprise ? rale. Elle est possible dans la majorité des cas, ce qui per-
met de réimplanter une tige standard, cimentée ou non.
Quel que soit l'implant envisagé, il faut disposer
Il est des cas, néanmoins, où il est préférable de réa-
d'une tige longue press-fit ou verrouillée pour pouvoir
liser d'emblée un abord élargi transfémoral :
s'adapter à tous les types d'abord (endomédullaire ou
• tiges cimentées :
transfémoral) et pouvoir réimplanter, même en cas de
– ostéolyses proximales avec persistance d'un ancrage
complications peropératoires (fracture, fausse route).
distal,
Il existe plusieurs options :
– longs bouchons (> 30 mm), surtout en cas de tiges
• tige cimentée (standard ou de révision) :
excentrées ;
– elle suppose l'absence d'abord transfémoral qui
• tiges non cimentées :
empêcherait une cimentation sous pression, tandis
– tiges fracturées,
que le passage du ciment dans les traits de fémoro-
– tiges vissées ou revêtues de porométal (figure 18.5),
tomie empêcherait la consolidation osseuse,
– longues tiges trochantéro-diaphysaires à revête-
– certains ont proposé de recimenter une nouvelle
ment intégral,
tige à l'intérieur de tout ou partie de l'ancien man-
– perte de substance osseuse (PSO) diaphysaire
teau de ciment. Aucune complication majeure de
étendue,
cette technique n'a été rapportée [13, 14]. Il faut
– cal vicieux ou incurvation diaphysaire importante ;
disposer d'un implant peu encombrant pour qu'il
• luxation difficile ou à risque :
puisse se loger dans ce qui reste du fourreau tout en
– ascension/médialisation importante(s) de la cupule,
autorisant une couche de ciment suffisante ;
– important enfoncement de la tige,
• tige sans ciment :
– ossifications péri-articulaires abondantes, voire
– tige standard : elle suppose l'absence d'abord
ankylose osseuse,
transfémoral (volet ou fenêtre),
– fémur, en particulier GT très fragile,
– tige de révision : on choisira un implant de lon-
– révisions pour infection chronique.
gueur adaptée à ancrage distal en fémur sain, en
Le volet doit être soigneusement planifié [15]. Il vaut
tenant compte de la courbure fémorale (sagittale
mieux un seul volet pédiculisé, bien vascularisé, que
notamment),
plusieurs fragments dévascularisés qui ne consolide-
– tige de révision verrouillée, il vaut mieux faire
ront pas, voire se résorberont.
un volet d'emblée car ces prothèses doivent être

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Figure 18.4 Kit d'ostéotomes à lames souples avec barre cou- Figure 18.5 Tiges réputées inextirpables vissées (1 et 2) ou à
lissante adaptable. revêtement porométal ou équivalent (3 et 4).
Extraction des tiges de PTH bien fixées 225

Sa longueur dépend de la tige en place (figure 18.6) : alors recourir à un volet fémoral de nécessité, de mor-
• tiges sans ciment : bidité moindre que celle d'une fracture.
– avec revêtement macroporeux : le volet sera étendu On extériorise le fémur proximal avec un large écar-
à toute la hauteur de la tige, teur (cf. figure 18.3a et b) prenant appui sous le calcar
– avec revêtement microporeux sur toute sa surface : pour travailler dans l'axe sans manœuvre de force.
on peut sous-dimensionner le volet de 3 à 4 cm, L'extraction de la tige est en général facile, du moins
– avec revêtement incomplet : le volet ne concernera lorsqu'elle est lisse. Dans le cas contraire, elle peut être
que la partie revêtue ; problématique et on se trouve pratiquement ramené
• tiges cimentées : on peut respecter une distance de au cas d'une tige sans ciment ostéo-intégrée.
2 à 3 cm en amont de l'extrémité distale du bouchon, La grande difficulté est l'extraction du ciment et du
ce qui suffit pour le retirer en toute sécurité (sauf si sa bouchon [4, 16]. Ses risques sont la fausse route, les
longueur dépasse 3 cm). fractures, l'extraction incomplète du ciment avec pour
Les repères peropératoires sont le sommet du GT, le conséquence l'aggravation des lésions osseuses pou-
petit trochanter ou des éléments prothétiques (centre vant compromettre la réimplantation fémorale [3, 6].
de la tête, épaulement…).
Dans les autres cas, il faut toujours envisager le pire
scénario, à savoir commencer par une voie endomé- Ablation du ciment
dullaire tout en ayant déjà planifié une voie élargie. Il faut avancer méthodiquement, de proximal en ­distal,
Il faut informer le patient de toutes ces difficultés en de postérieur en antérieur. Les ciseaux à ciment fins
discutant le rapport bénéfices/risques et évoquer avec et droits doivent être utilisés avec prudence, la partie
lui les différents abords osseux (ostéotomie, fémoro- ­effilée vers le ciment afin de ne pas s'enfoncer dans l'os
tomie, trochantérotomie…). Ce point doit être égale- et créer une fausse route. On peut cercler le fémur sous
ment abordé avec l'anesthésiste. le petit trochanter pour prévenir une fracture mais pas
une fausse route qui se produit plus distalement. Le
contrôle visuel doit être constant, en s'aidant si néces-
Réalisation pratique saire d'un système de lavage–aspiration–éclairage.
de l'extraction Il faut fendre longitudinalement le fourreau de ciment
afin de l'extraire par gros morceaux (figure 18.7).
Extraction par voie endofémorale Les crochets et les curettes sondent la cavité et
palpent les parois tout en remontant les fragments, une
d'une tige cimentée tige-guide pour alésoirs repère le niveau du bouchon.
Extraction de la tige On perfore ensuite le bouchon à l'aide d'un foret, de
8–9 mm de diamètre, voire un peu plus (les petits dia-
On dégage soigneusement l'épaulement prothétique mètres sont pourvoyeurs de fausses routes), qui doit
de tout ce qui gêne l'extraction par voie haute (tissus rester bien centré (figure 18.8). Cette perforation est
mous, os, ciment) sous peine de fragiliser, voire frac- aisée en cas de bouchon court (15–20 mm) et de tige
turer le GT. centrée, beaucoup plus à risque s'il est long (> 30  mm)
La luxation, souvent facile, évitera toute manœuvre et/ou la tige excentrée. Ramener des fragments d'un
de force pouvant fracturer le GT. Elle est parfois diffi-
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obturateur en polyéthylène est un bon signe.


cile en dépit de la libération des parties molles. Il faut

Figure 18.6 Planification de la longueur du volet.


Tiges : à revêtement porométal (a) ; à revêtement microporeux (b) ; Figure 18.7 L'extraction du ciment doit être progressive et
à revêtement incomplet (c) ; avec bouchon long (> 30 mm) (d). méthodique de proximal en distal.
226 J.-M. Laffosse

Différents artifices ont été proposés : fait craindre une fausse route que l'on abordera.
• systèmes de visée intracanalaire  [17] ou à appui On introduit sur cette tige-guide des alésoirs motorisés
péridiaphysaire pour aléser le fémur [16] ; de taille croissante, rigides ou souples (en cas de fémur
• ultrasons qui désintègrent le ciment par échauffement. courbe), puis on passe le bouchon avec un crochet rétro-
La progression doit être lente et progressive [18]. Ils per- grade (voire un taraud) et on retire ce qui reste du bouchon.
mettent d'éviter un volet ou de réaliser un volet plus court Le ciment étant plus dur que l'os, un fragment de ciment
et de préserver l'isthme en cas de long bouchon [19] ; restant peut entraîner un alésage excentrique avec amincis-
• moteurs à rotation très rapide (Cebotome®, Conmed sement cortical, voire une fausse route ou une fracture. Au
Linvatec Hall) qui fragmentent le ciment, à manier moindre doute, on contrôlera à l'amplificateur de brillance
avec prudence ; de face et de profil la progression des alésoirs. Il arrive que
• système SEG-CES (segmental cement extraction sys- l'on repousse le bouchon distalement, ce qui n'est pas grave
tem), constitué de boulons montés sur une tige filetée, s'il ne gêne pas l'implantation de la nouvelle tige, mais pro-
qui est cimentée dans le fourreau de ciment ; on extrait blématique en cas de reprise septique. La prudence est de
ensuite l'ensemble tige–boulons–ciment [20]. faire un contrôle radiographique et si l'extraction du bou-
Le bouchon perforé, on introduit une longue tige chon s'avère indispensable, de réaliser une fenêtre.
d'alésage fine et souple dans le fémur. Une sensation de En cas de ciment et notamment de bouchon inextir-
contact osseux au niveau du fémur distal est favorable, pable, certains défendent la réalisation d'une fenêtre
alors que la sensation de contact avec les parties molles corticale (figure 18.9) [21]. Les règles à respecter sont :
• un positionnement optimal sous contrôle fluorosco-
pique, de manière à chevaucher l'extrémité distale du
bouchon sur 1 à 2 cm ;
• une longueur de 3 à 4 cm et une largeur inférieure
au quart de la circonférence du fémur ;
• un grand axe confondu avec celui du fémur ;
• des angles arrondis marqués à la mèche de 2,7 mm ;
• un cerclage immédiatement en aval de la fenêtre ;
• une tige prothétique qui doit ponter la fenêtre sur
une distance au moins égale à sa longueur [4].
Il faut tout faire pour se passer de cet artifice à
Figure 18.8 Le bouchon est perforé pour permettre l'introduc- risque de fracture et lui préférer un volet permettant
tion d'un crochet. une exposition parfaite, avec d'excellentes chances de
On peut aussi utiliser un taraud. consolidation.

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Figure 18.9 Réalisation d'une fenêtre avec mise en place un cerclage distal.


Extraction des tiges de PTH bien fixées 227

Une trochantérotomie n'est pas recommandée dans Après avoir dégagé toutes les faces de l'implant, on
ce contexte, sauf dans le cas d'une pseudarthrose alterne quelques manœuvres d'impaction et d'extrac-
trochantérienne que l'on utilisera. Le GT est alors tion pour rompre les derniers ponts osseux et retirer
souvent lytique et fragile. Il ne faut pas y associer un la prothèse à l'aide d'un système d'extraction adapté
volet qui ne ferait qu'aggraver les lésions osseuses. s'il en existe un. En son absence, on peut utiliser une
pince universelle autobloquante enserrant le col, sur
Extraction par voie endofémorale laquelle on pourra frapper.
En cas d'échec, il faut déterminer précisément les
d'une tige sans ciment bien fixée zones encore non libérées et surtout rechercher un pié-
Après la luxation, il faut exciser les tissus surplombant destal, d'accès très difficile par voie endomédullaire,
l'épaulement prothétique puis dégager le calcar pour le surtout en cas de tige anatomique courbe.
passage des ciseaux. On se fixera un temps d'essai raisonnable, de 30 à
L'objectif est de rompre tous les ponts osseux entre 45 minutes pour l'ablation. Si l'extraction s'avère
fémur et prothèse (figure 18.10). On commence par impossible, on passera à la fémorotomie.
des ciseaux fins, courts et larges à lames souples que
l'on passe de part et d'autre des faces postérieure et
antérieure de la tige, coté biseauté vers l'implant. Il Extraction par abord élargi
faut introduire prudemment le ciseau et surtout le reti- après échec par voie endofémorale
rer sans manœuvres d ­ 'extraction intempestives. On
dégage les faces latérale et médiale de l'implant avec Fémorotomie
des lames plus étroites. En cas de calcar fragilisé, on On réduit la hanche après avoir repositionné la
peut le cercler pour prévenir une fracture. tête fémorale pour ne pas endommager la cupule.
Au fur et à mesure que l'on se rapproche de l'extrémité L'incision est étendue distalement, puis le fascia lata
distale de l'implant, on utilise des ciseaux plus longs et est incisé et le vaste latéral récliné. Si nécessaire, on
plus étroits. Pour rompre les ponts osseux distaux, on peut, pour mieux exposer le fémur, dégager la ligne
introduit au moteur des broches sur les différentes faces âpre en sectionnant le grand fessier à 1 cm de l'os en
de l'implant, en s'efforçant de percevoir leur passage vue de sa réinsertion. Les insertions du vaste sont res-
au-delà de la zone d'ancrage distal. pectées pour ne pas dévasculariser le volet et conser-
ver la continuité du digastrique moyen fessier–grand
trochanter–vaste latéral.
La fémorotomie est délimitée selon la planifica-
tion par des trous de mèche de 2,7 mm. On passe
un cerclage distalement pour prévenir une fracture.
L'ostéotomie est réalisée à la scie oscillante sur la face
latérale du fémur à mi-distance entre la ligne âpre et
le bord antérieur pour pourvoir la convertir en volet
si nécessaire.
On joue prudemment sur l'élasticité osseuse
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en écartant la corticale de l'implant à l'aide de


ciseaux fins (figure 18.11) mais ses faces antérieure
et ­antéro-médiale sont peu accessibles. On peut de
nouveau tenter d'extraire la tige, avec un système
d'extraction.
En cas d'échec, on vérifiera que la fémorotomie est assez
longue. Elle peut être étendue mais il faut toujours respec-
ter l'isthme sur au moins 4 cm [12]. Si elle est assez longue
ou si elle menace l'isthme, on peut réaliser une deuxième
fémorotomie (créant ainsi une baguette osseuse). Elle
est parallèle à la première, plus antérieure, distante d'au
moins 15 à 20 mm pour limiter le risque de fracture à sa
Figure 18.10 Extraction d'une tige sans ciment par voie endo-
médullaire. partie distale ou pire, en un autre endroit, ce qui créerait
Passage de fins ciseaux puis de broches pour rompre les ponts des petits fragments osseux dévascularisés. Cependant, la
osseux. conversion en un volet fémoral est un meilleur choix.
228 J.-M. Laffosse

A B C D
Figure 18.12 Planification et réalisation d'un volet fémoral.
Marquage à la mèche de 2,7 des limites des corticotomies (a).
Corticotomie transversale en premier puis corticotomie posté-
rieure (b). La corticotomie antérieure peut être marquée par des
trous de mèches en timbre-poste (c). Le volet est prudemment
3-4 cm
relevé avec des ciseaux (d).

A B laire et appuyées sur la diaphyse. La tige fémorale est


Figure 18.11 Planification de la fémorotomie avec respect des 3 exposée et dégagée jusqu'à son extrémité distale avec
à 4 derniers centimètres (a) et extraction de la tige après avoir les mêmes instruments que pour la voie endofémorale.
placé un cerclage (b). En cas de tige bien ostéo-intégrée, on peut utiliser une
scie réciproque ou une scie de Gigli passée entre l'os et
l'implant à partir du calcar (d'utilisation difficile en cas
Volet ou trochantérotomie de tige à ailettes car la scie se bloque fréquemment). Si
étendue (figure 18.12) la tige n'est pas complètement exposée, il faut d'abord
Il est réalisé soit : rompre ses attaches osseuses à la partie distale avec des
• après l'échec de l'extraction par voie haute d'une tige ciseaux fins ou des broches. Quand la tige est complète-
non cimentée ou cimentée ou d'un bouchon de ciment ; ment dégagée, la hanche est luxée et l'implant est retiré
• après fémorotomie pour une tige non cimentée. avec un extracteur ou en tapant sur une collerette.
Il doit avoir été planifié a priori avec la première Si en dépit de ces manœuvres, la prothèse ne peut
fémorotomie, qui servira de trait postérieur. être extraite du fait d'un volet de longueur insuffi-
Le trait distal est réalisé après délimitation préa- sante, il faut réaliser une radiographie peropératoire
lable par deux trous de mèche. Le fémur est ruginé sur pour rechercher la cause de l'échec (piédestal ?). Il faut
quelques centimètres autour de cette zone pour passer éviter d'étendre le volet, ce qui détacherait un frag-
un cerclage distalement. ment cortical dévascularisé et préférer une fenêtre à
Le trait antérieur est réalisé membre inférieur en distance avec un pont osseux suffisant. Les règles à
rotation externe, en deux étapes pour préserver la respecter pour cette fenêtre sont les mêmes que précé-
vascularisation du volet. Sur la moitié distale, le vaste demment ; elle devra chevaucher la pointe de la tige sur
latéral est ruginé et l'ostéotomie réalisée à la scie oscil- 1 à 2 cm. Une autre option est de sectionner la tige au
lante. En proximal, on libère l'intervalle entre moyen niveau du trait transversal du volet avant d'extraire sa
fessier et partie haute du vaste latéral et l'ostéoto- partie distale avec une tréphine légèrement surdimen-

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mie est réalisée soit avec un ostéotome large, soit à sionnée [12], sous réserve d'avoir prévu ce matériel.
la scie d'avant en arrière, sous contrôle de la vue. Un L'association d'une fenêtre plus distale à un volet peut
autre artifice est de fragiliser la corticale antérieure à être adoptée en cas de longue tige bien fixée (cas des tiges
la mèche en timbre-poste, en s'aidant éventuellement de reprise modulaires fracturées à la jonction métaphyso-
d'un guide, à travers le vaste latéral ainsi préservé. diaphysaire) pour laquelle il n'est pas possible de réaliser
D'autres, enfin, perforent la corticale antérieure par un très long volet compromettant l'intégrité de l'isthme.
des broches introduites dans l'ostéotomie postérieure Pour les tiges cimentées, une fois le volet réalisé,
mais les broches étant repoussées en dehors de la tige, l'exposition est parfaite, permettant de retirer tout le
on risque de créer un volet trop étroit. ciment et de travailler le fémur dans l'axe sans risque de
Le volet fémoral, souvent adhérent dans la région tro- fausse route lors du forage et de l'ablation du bouchon
chantérienne, est soulevé prudemment en introduisant (figure 18.13). Il faut souligner quelques particularités :
dans le trait postérieur deux ou trois ostéotomes larges. • les coupes osseuses puis le soulèvement du volet
Il faut éviter toute fracture, notamment en sous-tro- seront plus faciles après ablation de la tige. En par-
chantérien. On mobilise le volet vers l'avant, maintenu ticulier, la corticale antérieure est sciée directement à
par des contre-coudées glissées sous sa face endomédul- travers le trait postérieur ;
Extraction des tiges de PTH bien fixées 229

Figure 18.13 Perforation puis extraction du bouchon de ciment Figure 18.14 Voie sarcophage de Doré (fenêtres successives)
après réalisation d'un volet fémoral. conservant la continuité de la corticale latérale.

• la longueur du volet doit être suffisante pour retirer extrait la tige du fémur et avant d'implanter la tige de
tout le ciment en conservant au moins 4 cm d'isthme ; reprise. Cette ostéotomie permet de réaligner le fémur
• en cas de bouchon excessivement long, il vaut mieux proximal médial sur la tige, de fermer le fémur et de
planifier un volet plus court associé à une ou deux l'amener au contact de la prothèse ;
fenêtres distales, sous contrôle radiographique, mais • implants fracturés ; la rupture de l'implant peut se
il faut alors disposer d'un implant de reprise pontant situer au niveau :
suffisamment la(les) fenêtre(s). Ici, les ultrasons sont – du col fémoral,
très utiles pour éviter ces fenêtres. – de la jonction d'un col modulaire avec la tige,
– de la jonction entre les parties proximale non
Extraction d'emblée par un abord ostéo-intégrée et distale ostéo-intégrée d'une tige
(cas des ruptures de la jonction métaphyso-diaphy-
élargi saire des prothèses modulaires de reprise).
Volet d'emblée On ne dispose pas alors de système d'extraction de
la tige bien fixée. Il faut réaliser d'emblée une fémo-
La longueur du volet planifié est reportée sur la diaphyse rotomie, voire un volet. Lorsqu'il s'agit d'une tige de
à partir des repères osseux ou prothétiques. Ce volet sera reprise très longue, on peut associer une fenêtre à un
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réalisé sans libération postérieure, sans luxer ni retirer long volet ou utiliser des tréphines.
l'implant. Ceci permet de respecter les parties molles
postérieures (pelvitrochantériens, grand fessier…) et
donc de réduire le risque de luxation postopératoire. Variantes
L'ostéotomie postérieure est réalisée un peu plus en La voie transfémorale de Picault et Vives [22] reprend
avant que celle décrite précédemment. La difficulté le principe des voies élargies avec un volet antéro-latéral
est ensuite de réaliser l'ostéotomie antérieure, surtout proche de celui décrit plus haut, ou deux volets (« technique
sur une hanche très raide peu mobilisable en rotation des trois tiers » avec un volet postérieur et un volet antéro-
externe, puis de relever le volet. latéral), voire trois (« technique des quatre quarts »). Elle
Il existe des cas où la réalisation d'un volet d'emblée comporte une décortication de la ligne âpre qui améliore
n'est pas suffisante : l'exposition et surtout stimule la consolidation osseuse.
• fémur courbe : il faut pour implanter la tige de révi- La technique du sarcophage de Doré [21] consiste en
sion réaliser une ostéotomie de réorientation. Planifiée des fenêtres successives à la face latérale du fémur, permet-
soigneusement, elle peut faciliter l'extraction de la tant de conserver une continuité corticale tout en donnant
tige. Mais il est préférable de la réaliser après avoir accès à la cavité centro-médullaire (figure 18.14). Elle
230 J.-M. Laffosse

permet ainsi de libérer l'implant de proche en proche : les


fenêtres successives sont ­réalisées à la demande, au fur
Extraction impossible
et à mesure de l'extraction de l'implant et/ou du ciment. Il faut garder la tête prothétique ou les pièces
modulaires de la prothèse que l'on voulait retirer
Complications dans des conditions de stérilité parfaite pour pou-
voir terminer une opération lorsqu'une tige s'avère
Fausse route inextirpable.
C'est sans doute une des plus graves complications,
Une simple perforation aura peu de conséquences après car on remet en place des implants endommagés par
implantation d'une tige longue pontant la PSO sur au les tentatives d'extraction tout en ayant fait courir au
moins 5 cm. En cas d'impossibilité de la ponter, une patient les risques d'une lourde intervention (infection,
ostéosynthèse est nécessaire pour prévenir une fracture. hémorragie…).
Une fausse route découverte en peropératoire sera abor-
dée et le fémur protégé par un cerclage. On en profite pour
libérer l'implant et/ou le ciment. S'il persiste beaucoup de
ciment ou s'il s'agit d'un fémur fragile, on peut réaliser un Conclusion
volet dont il faut déterminer la longueur en fonction de la
L'extraction d'une tige bien fixée peut être difficile, ce
situation de cette fausse route. Si elle est postérieure ou pos-
qui doit être anticipé.
téro-latérale, on peut l'inclure dans le volet dont la fausse
Connaître précisément la tige à retirer et analyser
route constitue le trait transversal. Si elle est antérieure ou
soigneusement un bilan radiographique complet et
antéro-médiale, il faut respecter si possible une distance de
récent permet de se prémunir contre un grand nombre
sécurité de deux diamètres entre la fausse route et ce trait.
de difficultés.
Dans notre expérience, la voie postérieure doit être
Fracture privilégiée en cas d'implant bien fixé, car elle permet
de faire face à toutes les situations y compris la surve-
En cas de fracture périprothétique, on peut profiter de
nue d'une fausse route ou d'une fracture.
la fracture, que l'on utilisera pour faire un volet.
En dehors du contexte septique, il est souvent pos-
En cas de fracture sous la prothèse, on peut faire
sible d'extraire la tige par voie endofémorale au prix
un volet sur toute la hauteur du fémur au-dessus de
d'une technique rigoureuse, d'une bonne expérience
la fracture si l'isthme n'est pas menacé. Dans le cas
chirurgicale et de patience.
contraire, il faut réduire et fixer la fracture par des
Le recours systématique à une voie extensive est
cerclages ou une plaque à vis verrouillées avec des vis
critiquable mais il faut aussi résister à un optimisme
unicorticales en regard de la nouvelle tige [23].
exagéré et savoir anticiper le pire scénario, en ayant
notamment vérifié la disponibilité de l'instrumen-
Fracture du grand trochanter tation et des implants nécessaires d’une part à un
abord élargi de nécessité (qui aura été décidé en
Si elle survient lors de la réalisation d'un volet ou peropératoire), ­et d’autre part au geste de recons-
lors de la luxation, il faut interrompre immédiate- truction. Une voie endofémorale ne peut donc être
ment le geste en cours pour limiter le déplacement et entreprise qu'après avoir déjà planifié une telle

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conserver la continuité moyen fessier–grand trochan- éventualité.
ter–vaste latéral. Il faut revenir en arrière, réduire et Il est des cas où la pratique d'un volet trochantéro-
fixer la fracture par deux ou trois broches partant du diaphysaire bien calibré est d'emblée nécessaire en
sommet du GT et prenant la corticale latérale. sachant qu'une telle voie bien réalisée a moins de mor-
Pour refermer le fémur, il faut éviter une plaque bidité qu'une complication non ou mal gérée.
qui dévascularise l'os et compromet la consolidation L'extraction d'une tige bien fixée passe donc par
osseuse et ajouter au cerclage péritrochantérien une ou la connaissance et la maîtrise des trois techniques
deux longues vis, partant du sommet du GT, passant possibles :
en arrière de la tige et prenant appui dans le petit tro- • extraction d'une tige sans ciment par voie
chanter. Les limites sont l'encombrement de la méta- endomédullaire ;
physe prothétique et la qualité de l'os. • extraction d'une tige cimentée et du ciment par voie
Dans tous les cas, l'ostéosynthèse devra être particu- endomédullaire ;
lièrement soigneuse avec un bon contact osseux et une • extraction d'une tige par voie transfémorale avec
fixation solide. volet.
Extraction des tiges de PTH bien fixées 231

Remerciements [11] Kerboull L. Choix de la voie d'abord pour une reprise de pro-
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L'auteur dédie ce travail à tous ses maîtres de chirurgie [12] Paprosky WG, Weeden SH, Bowling Jr JW. Component remo-
et tout particulièrement au Pr Jean Puget. val in revision total hip arthroplasty. Clin Orthop Relat Res
Déclaration de conflit d'intérêt : l'auteur est consul- 2001 ; 181–93.
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233

Techniques de reconstruction
du ligament patello-fémoral
médial
J. CHOUTEAU

J. Chouteau

Résumé
les classant selon leur mode de fixation, rigide ou au niveau des
Divers traitements de l'instabilité fémoro-patellaire ont été propo- tissus mous. Les difficultés techniques, les avantages et les incon-
sés (abaissement, médialisation de la tubérosité tibiale antérieure, vénients des différentes techniques sont précisés ainsi que les
section du rétinaculum latéral, plicature du rétinaculum médial, protocoles de rééducation postopératoire.
abaissement du vaste médial, trochléoplastie) mais il est difficile Une technique rigoureuse permet de prévenir les complications
d'en analyser les résultats de manière isolée car les techniques sont postopératoires au premier rang desquelles figure la raideur en
souvent combinées entre elles. flexion, due à une greffe trop tendue.
Des études anatomiques et biomécaniques récentes ont montré Un nouvel épisode d'instabilité postopératoire est rare, confir-
que le ligament patello-fémoral médial (LPFM) est le stabilisateur mant la fiabilité de ces reconstructions.
principal de la patella entre l'extension complète et la flexion à 30°.
Ceci explique l'intérêt actuel pour la reconstruction de ce liga-
ment, conforté par des premiers résultats cliniques prometteurs. Mots clés : LPFM. – Techniques chirurgicales. – Patella.
Les techniques de reconstruction du LPFM diffèrent par le choix
du transplant et la technique de fixation. Nous les décrivons en

Introduction Des études anatomiques et biomécaniques récentes


[1, 2] ont montré l'importance du rôle joué par le liga-
La luxation patellaire est définie comme la perte de ment patello-fémoral médial (LPFM) dans la stabilisa-
contact totale entre les surfaces articulaires de la tion rotulienne et les premiers résultats cliniques des
patella et celles de la trochlée fémorale. Il s'agit d'une reconstructions de ce ligament sont prometteurs [2, 3].
instabilité objective (au moins un épisode de luxation Les techniques de reconstruction du LPFM sont mul-
vraie). En cas de subluxation, on parle d'instabilité tiples et diffèrent par le choix du transplant et sa fixation.
subjective. Nous les décrirons en les classant selon leur mode de
Il existe des facteurs d'instabilité fémoro-patellaire fixation, sur l'os ou au niveau des tissus mous. Nous
principaux et secondaires. La dysplasie de la trochlée, préciserons les difficultés techniques, les avantages et les
une distance excessive entre la tubérosité tibiale anté- inconvénients des différentes reconstructions ainsi que les
rieure et la gorge trochléenne (TA–GT) et la patella protocoles de rééducation postopératoire, leurs complica-
alta sont les trois facteurs principaux d'instabilité. Une tions éventuelles et leurs premiers résultats.
antéversion fémorale excessive, un excès de torsion
tibiale latérale, le recurvatum et le genu valgum sont
les quatre facteurs secondaires. Anatomie du ligament
Divers traitements de l'instabilité fémoro-patellaire
ont été proposés : abaissement, médialisation de la
patello-fémoral médial
tubérosité tibiale antérieure, section du rétinaculum Le LPFM est situé sur la face médiale du genou et unit
latéral, plicature du rétinaculum médial, abaissement le bord médial de la patella à la métaphyse fémorale.
du vaste médial, trochléoplasties ; il est difficile d'en La face médiale du genou est recouverte par trois
analyser les résultats de manière isolée car ces tech- plans :
niques sont souvent combinées entre elles. • le plan superficiel du rétinaculum médial ;

Conférences d’enseignement 2015


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234 J. Chouteau

• le plan intermédiaire du LPFM et du ligament colla-


téral médial (LCM) ;
Indications
• le plan profond qui comporte deux structures : Du fait de son rôle dans la cinématique fémoro-
– le ligament patello-méniscal médial (LPMM) dont patellaire, le LPFM doit être reconstruit en cas d'ins-
la longueur est de 39,4 ± 3,2 mm et la largeur de tabilité fémoro-patellaire.
9,6 ± 1,2 mm, Néanmoins, les caractéristiques de l'instabilité
– le ligament patello-tibial médial (LPTM), plus peuvent nécessiter d'autres gestes, comme un abaisse-
inconstant, dont la longueur est de 54,6 ± 8,4 mm ment de la tubérosité tibiale et/ou sa médialisation (en
et la largeur de 21,8 ± 4,4 mm, cas de rotule haute et/ou de TA–GT supérieur à 20 mm),
– les deux sont présents dans 47 % des cas. une section de l'aileron externe ou une trochléoplastie
Philippot [4], dans une étude de 23 genoux cadavé- d'élévation de la joue latérale de la trochlée ou d'appro-
riques, a constamment retrouvé le LPFM. Sa longueur fondissement du sillon (dysplasies de haut grade B, C
était de 57,7 ± 5,8 mm, et sa largeur de 12,2 ± 2,6 mm ou D de Dejour).
à son insertion fémorale et de 24,4 ± 4,8 mm à son Un consensus s'est dégagé au fil du temps sur les
insertion patellaire. Il existait dans tous les cas un indications de la reconstruction du LPFM dans l'insta-
lien anatomique entre le LPFM et le vaste interne bilité patellaire chronique :
(vaste médial oblique ou VMO). Il s'agissait d'une • isolément, pour corriger une bascule patellaire
zone de transition avec un entrecroisement de fibres externe de plus de 20° ;
provenant du LPFM et du VMO, d'une longueur de • en association à un transfert inférieur et/ou médial
25,7 ± 6 mm. de la tubérosité tibiale antérieure s'il existe une patella
L'insertion fémorale du LPFM est variable [1, alta, sans engagement du cartilage patellaire sur le car-
5, 6]. Dans l'étude de Philippot [4], elle se situait à tilage trochléen sur les coupes sagittales de l'IRM [12],
10,7 ± 3,3 mm en arrière et au-dessus de l'épicondyle et/ou une TA–GT de plus de 20 mm sur le scanner ;
médial et à 11,2 ± 5,9 mm en avant et au-dessous du • en cas de récidive d'une luxation patellaire après un
tubercule de l'adducteur. transfert isolé de la tubérosité tibiale antérieure.
L'insertion patellaire est moins variable. Elle est
constamment retrouvée sur la moitié supérieure de la
berge médiale de la patella.
Le LPFM peut envoyer une expansion sur l'insertion
Techniques chirurgicales
patellaire du tendon quadricipital, voire sur le tendon de reconstruction du LPFM
quadricipital et sur le vaste médial [7–9]. Plusieurs Elles sont multiples. Elles se différencient par la greffe
études, enfin, ont montré l'existence, dans 40 % des utilisée (tendons de la patte-d'oie, tendon patellaire,
cas, d'une arcade fibreuse entre les fibres du faisceau tendon quadricipital, tendon du grand adducteur,
superficiel du MCL et le LPFM [7, 8]. voire ligament artificiel), et par les modes de fixation
fémorale et patellaire. Nous décrirons ces techniques
en fonction de leur mode de fixation.
Biomécanique du LPFM
Reconstruction du LPFM
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Amis [1], dans une étude de dix genoux cadavériques
(âge moyen 70 ans), a trouvé une résistance à la rup- avec fixation fémorale et patellaire
ture du LPFM de 208 newtons (N) en moyenne. sur les parties molles
Les forces auxquelles il est soumis durant la flexion
ont été étudiées, notamment par Elias [10]. Elles Il s'agit de la technique de V. Chassaing [3]. Elle utilise
atteignent un maximum de 20 N à 30° de flexion et le tendon du gracilis, parfois celui du semi-tendineux.
sont proches de 0 N à 90° de flexion. Elle est utilisée depuis 1993 par l'auteur. Elle est asso-
Le LPFM participe au contrôle de la translation laté- ciée à une section du rétinaculum latéral et à une pli-
rale de la patella à hauteur de 53 % pour Conlan [7], cature du rétinaculum médial.
de 60 % (41 à 80 %) pour Desio [6] et de 50 % pour Après dissection des plans tissulaires de la face médiale
Hautamaa [11]. Le LPFM est en tout cas le stabilisa- de la patella, le greffon est passé entre les 2e et 3e plans.
teur principal de la patella entre l'extension complète La fixation fémorale (figure 19.1) s'effectue sur la
et la flexion à 30°, ce qui explique le grand intérêt partie postérieure du rétinaculum médial, près de son
porté à sa reconstruction. insertion fémorale. Le repère est l'épicondyle médial.
Techniques de reconstruction du ligament patello-fémoral médial 235

Il faut tenir compte de l'élasticité du rétinaculum lors


de la mise en tension de la greffe et amarrer le tendon,
Reconstruction du LPFM avec
non pas en regard de l'épicondyle mais 1 cm plus en fixation rigide fémorale et patellaire
arrière. Pour ce faire, l'aponévrose est perforée une
première fois à l'aide d'une pince de Halstead, per-
Plastie double brin au gracilis
mettant un premier passage du greffon. L'aponévrose
de Schöttle [2]
est perforée une seconde fois, 1 cm plus distalement, Cette technique utilise le tendon du gracilis. Son ori-
permettant de réintroduire le greffon dans l'intervalle ginalité réside dans le repérage fluoroscopique de
entre les 2e et 3e plans, tout en l'amarrant solidement l'insertion fémorale décrite par l'auteur pour éviter
au point de réflexion fémoral choisi. tout excès de traction sur la greffe [13]. Schöttle [13]
La fixation patellaire est réalisée dans un tunnel sous- a montré que l'insertion anatomique du LPFM pou-
périosté. Le tendon est divisé en deux brins. Un brin vait être déterminée sur une radiographie de profil. Il
sous-périosté, après fixation à sa sortie du tunnel, est a décrit un cercle de 5 mm de diamètre, centré sur le
retourné sur lui-même et solidarisé au second brin à 45° point situé à 1,3 mm en avant de la tangente à la cor-
de flexion ; la tension adéquate est choisie après mobi- ticale fémorale postérieure et 2,5 mm en dessous de la
lisation du genou en flexion et extension, permettant perpendiculaire à cette tangente passant par le point
de juger la stabilité patellaire obtenue (voir figure 19.1). situé à la jonction entre la corticale postérieure et le
En postopératoire, le genou n'est pas immobilisé. condyle latéral (figure 19.2). Ce centre idéal du tunnel
L'appui est autorisé sous couvert de deux cannes fémoral sur le condyle latéral est repéré en peropéra-
béquilles pendant 15 jours. toire sur une image fluoroscopique du genou de profil
La fixation sur les parties molles présente plusieurs strict. Cependant, Servien [14] et al. ont montré que
avantages. Elle est suffisamment solide mais pas cette technique de repérage n'est pas très reproduc-
rigide, et cette souplesse évite l'excès de tension. Elle tible, même sous contrôle fluoroscopique.
peut être pratiquée par de courtes incisions cutanées. La fixation patellaire est faite en premier à l'aide
Elle n'expose pas au risque de fracture rotulienne d'ancres soit vissées, enfouissant l'extrémité de cha-
même en cas de petite rotule dysplasique. Elle peut cun des deux brins indépendants, soit impactées
également être utilisée avant la fin de la croissance. (voir figure 19.2). La fixation fémorale se fait ensuite
Elle est peu coûteuse, car ne nécessitant pas d'implant à l'aide d'une vis d'interférence, après passage de la
de fixation. Enfin, elle n'expose pas à des séquelles greffe dans un tunnel osseux borgne.
douloureuses, notamment au niveau fémoral. La greffe est fixée à 30° de flexion du genou. Selon
l'auteur, la tension de la greffe est jugée satisfaisante
lorsqu'elle permet d'aligner le bord latéral de la patella
et celui de la trochlée. Aucun débord de la vis au niveau
de la corticale externe fémorale ne peut être toléré sous
peine d'engendrer des douleurs secondaires dues à un
conflit avec les tissus mous.
En postopératoire :
• la remise en charge est progressive ;
• du fait de la qualité de la fixation, la contraction
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quadricipitale est autorisée et les amplitudes articu-


laires ne sont pas limitées ;
• la reprise des sports portés (cyclisme, natation, équi-
tation) est autorisée à partir de 6 semaines et toutes les
activités sportives à 3 mois.
Des variantes de cette technique ont été décrites, sur-
tout du mode de fixation patellaire. Davis et Fithian [15]
et Thaunat et Erasmus [16, 17] ont proposé une fixation
des deux brins dans des tunnels transosseux patellaires.
Ceci évite l'implantation de matériel de fixation au
niveau de la patella mais expose à partir de 6 semaines
à un risque de fracture patellaire, due à la fragilisation
osseuse secondaire au forage des deux tunnels.
Figure 19.1 Technique de Chassaing.
236 J. Chouteau

A B

C D

E
Figure 19.2 Technique de Schöttle.
a. Positionnement radiographique du tunnel fémoral.
b. Forage du tunnel fémoral sous contrôle scopique et passage de la broche guide. Cette broche guide a un trajet ascendant, oblique,

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antérieur et proximal, pour éviter toute effraction dans l'échancrure intercondylienne.
c. Passage de la greffe et fixation fémorale.
d, e. Fixation indépendante sur ancres des deux brins au niveau de la patella.

Plastie au tendon quadricipital patients. La largeur du transplant est de 10 à 12 mm.


de Fink [18] Sa longueur minimale doit être de 8 cm et son épais-
seur de 2 à 3 mm.
Le tendon du quadriceps est prélevé par une courte La greffe est laissée pédiculée sur la patella et
incision transversale supra-patellaire au moyen d'une est passée en sous-périosté au niveau de l'inser-
instrumentation spécifique qui permet de déterminer tion patellaire du LPFM. Elle est solidarisée au
la largeur, l'épaisseur et la longueur du transplant. périoste patellaire par des sutures (figure 19.3). La
Pour le prélèvement, le genou est positionné à 90° zone de fixation fémorale est repérée selon la tech-
de flexion. L'incision cutanée transversale supra- nique de Schöttle [13], précédemment décrite, avec
patellaire mesure 2 à 3 cm, selon le morphotype des forage osseux sous contrôle fluoroscopique. Après
Techniques de reconstruction du ligament patello-fémoral médial 237

introduction de la greffe dans le tunnel osseux fémo- • le genou est mobilisé de  0 à 90° dans une attelle
ral borgne, la fixation se fait par vis d'interférence articulée ;
à 20° de flexion et après cyclage, pour éviter tout • la marche est autorisée, avec appui partiel de 20 kg
excès de tension du transplant. pendant 3 semaines et appui complet ensuite ;
En postopératoire : • la reprise des sports avec pivot est autorisée entre
4 et 5 mois.
Cette technique peut aussi être réalisée chez l'ado-
lescent avant la fin de la croissance, avec fixation
fémorale sur la physe afin d'éviter une lésion du
cartilage de conjugaison et sans séquelle pour la
croissance [19].

Plastie au ligament patellaire


Il s'agit de la technique de Camanho (figure 19.4) [20].
L'abord est antéro-médial. Le tiers médian du liga-
ment patellaire (5 mm de largeur) est détaché avec le
bloc osseux tibial correspondant.
La dissection patellaire est sous-périostée et remonte
jusqu'au tiers supérieur de la patella, sans détacher
de bloc osseux. Le périoste rotulien sert de poulie de
réflexion et d'attache patellaire au transplant.
Un tunnel osseux fémoral est réalisé. Le transplant
est passé dans l'intervalle des plans tissulaires médiaux
habituels. La fixation fémorale se fait par vis d'interfé-
rence résorbables, le genou à 30° de flexion.
On termine en suturant le vaste interne au transplant
(voir figure 19.4).
En postopératoire :
• la rééducation est moins rapide que pour les autres
Figure 19.3 Technique de Fink au tendon quadricipital. techniques ;
• une attelle est nécessaire pendant 21 jours ;
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A B
Figure 19.4 Technique de Camanho au tendon rotulien.
a. Prélèvement du transplant.
b. Fixation fémorale par vis et solidarisation au vaste médial.
238 J. Chouteau

• l'appui est repris progressivement à partir de la Ces erreurs sont favorisées par le fait que tous les
­deuxième semaine  ; transplants utilisés à l'heure actuelle ont une rigidité
• la reprise sportive est autorisée à 3 mois. supérieure à celle d'un LPFM normal.
Pour éviter cette complication, plusieurs contrôles
peropératoires sont recommandés :
Reconstructions du LPFM avec fixation • le positionnement du tunnel fémoral doit être
hybride (fixations patellaire rigide contrôlé par amplificateur de brillance pour éviter
et fémorale sur les parties molles) qu'il ne soit trop proximal [23], même si le repérage
fluoroscopique n'est pas infaillible [14] ;
Elles sont fréquemment pratiquées en pédiatrie, sur • la tension de la greffe, contrôlée par tensiomètre, ne
squelette immature, afin de ne pas léser le cartilage de doit pas dépasser 20 N à 30° de flexion [24].
conjugaison fémoral [21].
Ces techniques peuvent utiliser les mêmes trans- Fracture de la patella
plants que chez l'adulte, comme le tendon du gracilis
ou du semi-tendineux, selon leur calibre. Elle peut être soit peropératoire, due à l'utilisation
La fixation fémorale peut se faire en cravatant le tiers d'ancres vissées dans des petites rotules dysplasiques,
postérieur du LCM pris pour poulie de réflexion [22]. soit postopératoire à partir de 6 semaines par fragili-
Elle peut aussi se faire par ténodèse sur le tendon du sation osseuse si des tunnels osseux patellaires ont été
grand adducteur [21]. réalisés.
Le tendon de la patte-d'oie est prélevé par une courte
incision antéro-médiale en regard de son insertion dis- Atrophie du quadriceps
tale. Yercan [21] recommande un greffon de 4 mm de
Il ne s'agit pas d'une complication spécifique de la
diamètre au moins et de 20 cm de long au moins. Les
reconstruction du LPFM  ; tous les protocoles de
deux extrémités de la greffe sont suturées l'une à l'autre.
rééducation cherchent à la prévenir par un travail
­
Une incision para-patellaire médiale est réalisée pour
musculaire précoce.
l'exposition de la berge patellaire médiale. La fixation
patellaire se fait après passage de la greffe double brin
dans un tunnel de 4,5 mm. La greffe est ensuite passée, Douleurs fémorales et le long
comme chez l'adulte, entre les 2e et 3e plans du rétina- du transplant
culum médial.
La ténodèse sur le tendon du grand adducteur se fait Les douleurs fémorales sont surtout le fait des tech-
en alignant la facette latérale de la patella et la berge niques avec tunnel osseux fémoral et fixation par vis.
latérale de la trochlée à 30° de flexion. Des douleurs le long du transplant ont été rappor-
En postopératoire, le genou est immobilisé pendant tées en cas d'excès de tension de la greffe.
2 semaines dans une attelle à 30° de flexion.
Aucune nouvelle luxation fémoro-patellaire ou rai- Nouvelle luxation fémoro-patellaire
deur postopératoire n'a été rapportée avec cette tech-
Cette complication est rare quand on respecte les indi-
nique au recul de 18 mois [21].
cations actuelles (tableau 19.1). Elle varie de 0 à 4 %

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dans la littérature [5, 23, 31, 32]. Les séries actuelles
Complications ont néanmoins un recul faible.

Raideur postopératoire Conclusion


Complication la plus fréquente, toutes les techniques Il existe actuellement plusieurs techniques de recons-
cherchent à l'éviter. Il s'agit d'une perte de flexion qui truction du LPFM selon le choix du transplant et la
peut être due à deux erreurs techniques : technique de fixation utilisée.
• une tension excessive de la greffe ; Une technique chirurgicale rigoureuse permet d'évi-
• un positionnement trop proximal du tunnel ter les complications postopératoires au premier rang
fémoral [10]. desquelles figure la raideur en flexion par excès de ten-
Leur conséquence est la même, à savoir une tension sion de la greffe.
excessive de la greffe fixée à 30° de flexion et limi- Un nouvel épisode d'instabilité postopératoire est
tant l'amplitude de flexion. Le LPFM, au contraire, rare, confirmant la fiabilité de ces reconstructions.
se relâche progressivement à partir de 30° de flexion. Déclaration de conflit d'intérêt : aucun.
Techniques de reconstruction du ligament patello-fémoral médial 239

Tableau 19.1
Comparaison des différentes techniques de ligamentoplastie du LPFM
Auteurs n Recul moyen Greffe Mode de Mode de Récidive Raideur
utilisée fixation fixation luxation
(mois) fémorale patellaire
Neri et al. [25] 90 24,3 ST Vis 2 ancres 3 6
interférence

Csintalan 56 51,6 Gra Vis Tunnel 0 Absente


et al. [26] interférence

Schöttle 15 47,5 ST Vis 2 ancres 2 0


et al. [19] interférence

Thaunat 23 28 Gra Ancres Tunnel 0 1


et al. [16]

Matthews et 25 31 Gra-ST Vis Tunnel 0 5


Schranz [27] interférence

Christiansen 44 22 Gra Vis Tunnel 1 1


et al. [5] interférence

Nomura et 27 72 Ligament Agrafe Tunnel 1 2


Inoue [28] artificiel

Howells 211 16 ST Endobutton Tunnel 0 1


et al. [29]

Deie et al. [30] 46 114 ST Passage dans Tunnel 0 0


le LCM

Chassaing et 145 20 Gra Crochetage Suture 5 3


Trémoulet  aileron périostée
patellaire
médial
Gra : gracilis ; LCM : ligament collatéral médial ; ST : semi-tendineux.

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241

Arthrodèse arthroscopique
des articulations tibio-
talienne et sous-talienne
X. ROUSSIGNOL X. Roussignol

Résumé L'arthrodèse tibio-talienne par les voies arthroscopiques pos-


térieures est encore peu pratiquée. La chambre de travail
L'outil arthroscopique est devenu incontournable pour la réalisa- postérieure est pourtant beaucoup plus importante et les pre-
tion des arthrodèses tibio-talienne et sous-talienne. On peut en mières séries montrent des taux de consolidation similaires
2015 considérer qu'il est devenu le gold standard de la technique à ceux des voies antérieures.
opératoire et que la chirurgie à ciel ouvert doit maintenant être La technique opératoire de l'arthrodèse sous-talienne postérieure
réservée aux seules contre-indications techniques de la procé- a été diffusée par Van Dijk avec la description de l'abord posté-
dure arthroscopique (ablation de matériel dans les arthrodèses rieur para-achilléen. Elle peut être difficile en présence d'ostéo-
non consolidées, ostéophytes ne permettant pas la réalisation de phytes postérieurs ou d'interligne sous-talien ankylosé (reprise
la chambre de travail, talus excentré, cal vicieux majeur, perte de d'arthrodèse non consolidée, séquelles de fracture thalamique du
substance osseuse nécessitant une greffe, déformation associée calcanéus). Elle n'est encore pratiquée que par des chirurgiens
du médio-pied…). spécialisés dans la chirurgie du pied et de la cheville.
Les premières publications des arthrodèses tibio-taliennes La double arthrodèse tibio-talienne et sous-talienne par voie
arthroscopiques datent du début des années 1990. Les taux postérieure a été décrite par Devos Bevernage. Elle est facili-
de consolidation étaient comparables à ceux de la technique à tée par l'enclouage centro-médullaire calcanéo-talo-tibial par
ciel ouvert mais avec une diminution significative des compli- voie transplantaire.
cations postopératoires (infection, nécrose cutanée…). La tech-
nique arthroscopique a longtemps été limitée aux déformations
Mots clés : Arthroscopie. – Articulation tibio-talienne. – Articulation
modérées, avec des déviations angulaires frontales ou sagittales
sous-talienne. – Arthrodèse.
inférieures à 10°. La littérature récente ne semble plus limiter ses
indications à de telles déformations et aujourd'hui, le seul facteur
limitant est l'expérience de l'opérateur.

Introduction L'arthrodèse arthroscopique de l'articulation sous-


talienne (ST) a été initialement décrite avec des points
La chirurgie arthroscopique est devenue l'alternative à d'entrée para-achilléens latéraux et péri-malléolaires
la chirurgie conventionnelle à ciel ouvert. Les premières latéraux [9, 10]. Sous l'impulsion de Van Dijk [11], elle
séries d'arthrodèses tibio-taliennes (TT) par voie anté- est maintenant réalisée en routine par voie postérieure,
rieure ont été publiées dans les années 1990 [1–4] avec avec des points d'entrée para-achiléens médial et latéral.
des taux de consolidation de 90 %, proches de ceux Le bilan clinique préopératoire doit évaluer la mobi-
des séries d'arthrodèses à ciel ouvert [3–7] et une dimi- lité des articulations TT et ST et la réductibilité des
nution significative du taux de complications cuta- déformations en équin, varus et valgus.
nées [4] et infectieuses [6]. Le bilan d'imagerie préopératoire comporte des
L'arthrodèse arthroscopique TT par voie postérieure, radiographies de la cheville de face et de profil en charge
décrite par Devos Bernevage et al. [8], est encore peu et une incidence de l'arrière-pied cerclé de Méary. Un
pratiquée. Elle présente l'avantage de comporter une bilan scannographique est également habituellement
chambre de travail arthroscopique plus importante réalisé pour préciser l'importance de la dégradation
que la voie antérieure et peut permettre une arthrodèse arthrosique des articulations TT, ST, médio-tarsienne
simultanée des articulations TT et sous-talienne (ST) et anticiper les difficultés d'accès arthroscopique à
au cours de la même séance opératoire. l'articulation (ostéophytes).

Conférences d'enseignement 2015


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242 X. Roussignol

Arthrodèse tibio-talienne
par arthroscopie antérieure
Indications
Il s'agit essentiellement de l'arthrose post-traumatique
des fractures bimalléolaires ou du pilon tibial et de l'ar-
those dans les suites d'une instabilité chronique tibio-
taliennne. Beaucoup plus rarement, il s'agit de séquelles
de fractures ostéochondrales du talus, d'ostéochondrites
du dôme talien et d'arthrites rhumatismales inflamma- Figure 20.1 Installation en décubitus dorsal simple.
toires. Les contre-indications sont les arthrites chro-
niques infectieuses, l'arthropathie de Charcot évolutive
et l'ostéonécrose massive du talus.
Il est impératif d'évaluer en préopératoire la réduc-
tibilité des désaxations dans les plans sagittal (fré-
quent équin post-traumatique) et frontal. Le dôme
talien doit être globalement centré sous la mortaise
tibio-fibulaire. Il faut aussi s'assurer que l'on pourra
créer une chambre antérieure arthroscopique (absence
d'ostéophyte tibial recouvrant la partie antérieure du
dôme talien).
La chirurgie arthroscopique doit, comme la chirur-
gie à ciel ouvert, permettre d'obtenir dans le frontal
un valgus de 5° et dans le plan sagittal un angle tibio-
talien de 105° ou en discret talus pour permettre une
mobilité globale résiduelle de 1/3 de flexion dorsale et
de 2/3 de flexion plantaire [12].

Installation
Un garrot est habituellement positionné à la racine de
la cuisse pour prévenir un équin tibio-talien dû à la Figure 20.2 Installation en décubitus dorsal avec la mise en
compression des muscles gastrocnémiens. flexion du genou.
L'utilisation d'une arthropompe à basse pression
(inférieure à 30 mmHg) est possible. Un arthroscope tibio-calcanéen ou tibio-talien, clou transcalcanéen)
de 4–5 mm angulé à 30° est habituellement utilisé. est exceptionnel dans les arthrodèses TT, la chambre
Il existe deux installations : de travail se faisant progressivement d'avant en arrière

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• en décubitus dorsal avec un coussin sous la fesse par résection du cartilage. L'utilisation de sangles sté-
homolatérale pour corriger la rotation externe du riles est possible mais leur mise en tension doit être dis-
membre inférieur : le pied doit être positionné en bout continue pour éviter les lésions des parties molles [13,
de table (figure 20.1) pour que l'opérateur puisse faci- 14]. Elles sont fixées en « 8 » autour de la cheville et
lement faire varier la position de la cheville en flexion peuvent être reliées à la table orthopédique ou à la
dorsale ou plantaire ; taille de l'opérateur.
• en décubitus dorsal avec un appui sous la cuisse per-
mettant de fléchir le genou entre 60 et 90° : la jambe
est dans le vide (figure 20.2) ou en distraction (sangle
Technique opératoire
autour de la cheville reliée à la table orthopédique, Voies d'abord (figure 20.3) : on réalise dans un pre-
clou transcalcanéen…). mier temps une injection intra-articulaire de 20 cc de
La décoaptation est habituellement réalisée par sérum physiologique afin de distendre la capsule et
traction axiale. Des mouvements complémentaires faciliter la pénétration des instruments.
en varus–valgus permettent de dégager les gouttières La voie antéro-médiale passe entre le bord latéral
malléolaires. Un distracteur externe (fixateur externe de la malléole médiale et le tendon du tibial antérieur.
Arthrodèse arthroscopique des articulations tibio-talienne et sous-talienne 243

2 6
7

Figure 20.4 Résection ostéo-ostéochondrale de l'articulation


tibio-talienne.
En rouge : résection idéale du tibia. En bleu : résection idéale du
Figure 20.3 Abord arthroscopique antéro-médial et antéro- dôme du talus. En jaune : la zone de résection est trop postérieure
latéral. car réalisée en équin de cheville.
1) Nerf fibulaire superficiel 2) Point de pénétration antéro-­
latéral 3) 3ème fibulaire 4) Point de pénétration antéro-central
5) Veine sphène 6) Point de pénétration antéro-médial 7) Tendon
droit et réséquer le cartilage en maintenant le manche
du tibial antérieur.
des instruments perpendiculairement à la crête tibiale
antérieure pour éviter une résection asymétrique du
Elle est située au niveau d'une zone de dépression en talus et du tibia.
dedans du tendon (soft point), en moyenne à 9 mm en En cas d'équin talien, une libération des gouttières
dedans de la grande veine saphène et à 7,4 mm du nerf malléolaires peut être réalisée afin d'élargir la pince
saphène [15]. Elle doit être réalisée en premier pour malléolaire, en faisant attention à ne pas fracturer la
permettre le repérage de la voie antéro-latérale par malléole médiale. Un allongement percutané du ten-
transillumination. don d'Achille ou des gastrocnémiens peut également
La voie antéro-latérale passe entre le bord médial de être nécessaire.
la malléole latérale et le troisième fibulaire en dedans. La résection du plafond de la mortaise tibiale est
Elle est située entre les branches de division du nerf habituellement réalisée avec des instruments « droits »
fibulaire superficiel [16]. Il est impératif de disciser (voir figure 20.4). La résection du 1/4 postérieur du
les parties molles à la pince de Halstead jusqu'au plan dôme talien nécessite la mise en équin de la cheville
capsulaire pour éviter une blessure nerveuse, source de et l'utilisation de curettes courbes. Le cartilage des
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névrome postopératoire. gouttières malléolaires est systématiquement réséqué


Un optique de 4–5 mm et à 30° est habituelle- (figure 20.5).
ment ­utilisé. Il faut débuter par la synovectomie de Sous contrôle d'un amplificateur de brillance, un
la chambre capsulaire antérieure, associée à la résec- brochage en croix descendant est réalisé (tibio-talien
tion des ostéophytes de la marge antérieure du tibia. médialement, tibio-fibulo-talien ou tibio-talien latéra-
L'utilisation d'une sonde de radio-fréquence peut faci- lement). On vérifie de face, avec une incidence de l'ar-
liter la libération du compartiment antérieur. La résec- rière-pied cerclé de Méary, la bonne position en valgus
tion du cartilage jusqu'en os sous-chondral saignant de l'arrière-pied. De profil, on vérifie la normalisation
(figure 20.4) doit se faire d'avant en arrière, le pied à de l'angle TT.
angle droit. Le plus simple est l'utilisation de vis canulées ayant
La résection doit débuter au centre de la mortaise des pas de vis proximal et distal asymétriques per-
à l'aide d'ostéotomes, de ciseaux et de fraises moto- mettant la mise en compression des surfaces avivées.
risées. La littérature ne montre pas de supériorité des En France, la technique d'ostéosynthèse reste influen-
instrumentations motorisées par rapport aux ostéo- cée par les écrits de Méary sur le vissage « en croix »
tomes ou ciseaux. Il faut maintenir le pied à angle des arthrodèses tibio-taliennes alors réalisées « à ciel
244 X. Roussignol

A B
Figure 20.5 Avivement TT à la curette et à la fraise motorisée.

ouvert ». Il est important, dans les vissages « en croix », Les premières séries recommandaient une sélec-
de visser de façon alternée pour éviter une déviation tion des indications en fonction de l'importance de
frontale du talus. En effet, la mise en compression du la désaxation articulaire frontale et/ou sagittale.
foyer par la vis oblique entraîne une déviation frontale Une désaxation de plus de 15° était habituellement
du talus du côté de l'ostéosynthèse (vis médiale source considérée comme la limite de la technique arthros-
de varus, vis latérale source de valgus). Le point d'in- copique [2, 22–24]. Un équin inférieur à 15° peut en
troduction des vis doit se situer 20 à 30 mm au-dessus effet être réduit par la seule libération des gouttières
de l'interligne articulaire. malléolaires et la résection du cartilage du dôme talien
Dans les arthroses simples centrées, une ostéosyn- et de la mortaise tibio-fibulaire.
thèse par deux ou trois vis canulées obliques médiales Mais d'autres ont étendu les indications de la
tibio-taliennes est possible. Yoshimura et al. [17] ont technique arthroscopique à toutes les déformations
montré, dans une série de 46 patients, que le délai de (jusqu'à 45°), la limite étant cette fois l'expérience de
fusion était moindre et le taux de consolidation meil- l'opérateur [25, 26]. En cas de déformation supérieure
leur dans le groupe des ostéosynthèses par trois vis à 15° (équin, varus, valgus), la simple ­résection du tissu
frontales obliques tibio-taliennes (diamètre 6,0 mm) chondral et la libération des gouttières m ­ alléolaires ne
que dans celui par deux vis médiales ou deux à trois suffisent pas. Il faut alors réaliser au cours de la même
vis en croix transmalléolaires. Ce vissage frontal tibio- opération et avec la limite du temps de garrot :
talien est surtout recommandé dans la littérature • l'arthrodèse tibio-talienne ;
anglo-saxonne alors qu'il est encore confidentiel dans • et des gestes associés sur les parties molles (libéra-
la littérature française. tion des gastrocnémiens, du tibial postérieur…) et l'os
La revue de la littérature ne valide pas l'intérêt d'un (ostéotomie de varisation du calcanéus, arthrodèse

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comblement de l'espace créé par l'avivement par une talo-naviculaire…).
autogreffe ou par des substituts osseux [18]. Une telle intervention doit être réservée aux opéra-
Le drainage n'est pas systématique. teurs expérimentés.
La cheville est immobilisée par une botte pour une
durée de 6 à 8 semaines avec une absence d'appui
minimale de 3 semaines. Arthrodèse tibio-talienne par voie
arthroscopique postérieure
Résultats Indications
Les séries récentes de la littérature [19–21] confirment L'arthrodèse TT par arthroscopie antérieure est bien
que la technique arthroscopique permet une diminu- codifiée et largement pratiquée. L'accès arthrosco-
tion de la durée du séjour hospitalier, une consolidation pique à la partie antérieure de l'articulation TT est
plus rapide et un taux de consolidation comparable à parfois impossible en raison des parties molles (peau
celui de la chirurgie à ciel ouvert. cicatricielle), d'ostéophytes antérieurs ou d'un maté-
Arthrodèse arthroscopique des articulations tibio-talienne et sous-talienne 245

riel d'ostéosynthèse (plaque tibio-talienne antérieure). L'instrumentation utilisée est identique à celle de
C'est dans ces cas qu'une arthroscopie postérieure peut l'arthroscopie antérieure. On débute, sous contrôle
être proposée, les limites des techniques d'arthroscopie arthroscopique, par la résection de la fibrose posté-
antérieure et postérieure étant identiques en termes de rieure, de dehors en dedans.
désaxation tibio-talienne frontale et/ou sagittale. Les deux repères essentiels sont l'os trigone et le long
fléchisseur de l'hallux (LFH) :
Installation • le LFH est la limite médiale à ne pas franchir avec
l'instrumentation. Contrairement à l'interligne sous-
Elle se fait en décubitus ventral, le pied dépassant de talien postérieur qui est facilement visible, la partie
la table d'opération ou avec un billot permettant de postérieure de l'interligne tibio-talien est recouverte
surélever la jambe (figure 20.6). Le pied doit pouvoir par la capsule, mais aussi par les ligaments tibio-­
être positionné à 90°. fibulaires postérieur et transverse, et talo-fibulaire
Un garrot est positionné à la racine de la cuisse. postérieur qui doivent être réséqués (figure 20.7) ;
• l'os trigone doit être également réséqué pour pou-
voir passer avec les instruments entre le LFH et la
Technique opératoire gouttière malléolaire médiale.
Les voies d'abord sont para-achilléennes médiale et Comme pour l'arthroscopie antérieure, il faut débu-
latérale, 1 cm au-dessus de la ligne horizontale passant ter par la résection de la partie horizontale du dôme
par la pointe de la malléole latérale. talien et du plafond de la mortaise jusqu'à exposer l'os
sous-chondral (figure 20.8). Le cartilage des gouttières
malléolaires est ensuite réséqué à la curette. La partie
antérieure du dôme talien est réséquée en mettant la
cheville en talus et en utilisant des curettes courbes. Le
paquet vasculonerveux tibial antérieur est protégé par
la capsule antérieure qui ne doit pas être excisée.
L'ostéosynthèse se fait, comme pour l'arthrodèse
antérieure, avec deux ou trois vis de diamètre supé-
rieur à 5 mm. Elles peuvent être positionnées en croix
(vissage tibio-talien et fibulo-tibio-talien) ou obliques
médiales (vissage tibio-talien).

Résultats
Figure 20.6 Installation pour arthrodèse tibio-talienne par voie Il n'existe pas actuellement de séries publiées de cette
postérieure. technique pour l'instant réservée aux contre-indications

Médial Latéral
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3
1
4

A B
Figure 20.7 Difficulté d'exposition de l'interligne TT par arthroscopie postérieure.
a. Schéma des structures ligamentaires. 1. ligament deltoïdien ; 2. ligament tibio-fibulaire postérieur ; 3.ligament transverse tibio-
fibulaire ; 4. ligament talo-fibulaire postérieur ; 5. ligament calcanéo-fibulaire b. Dissection anatomique avec (en bleu) la fibula. Le ten-
don du long fléchisseur de l'hallux a un trajet vertical descendant en arrière de la malléole médiale.
246 X. Roussignol

téro-latéral [9]. Elle a été ensuite été popularisée par


Van Dick [11] qui proposait un abord arthroscopique
exclusivement postérieur.
Le bilan préopératoire comprend des radiographies
de face et de profil en charge de la cheville. Un examen
TDM peut être utile pour prévoir la difficulté d'accès
à l'articulation ST postérieure (figure 20.10).

Installation et technique
de l'arthroscopie latérale
Le patient est positionné en décubitus dorsal ou laté-
ral, avec un billot sous la fesse homo-latérale pour lut-

Figure 20.8 Vue postérieure de la mortaise tibio-fibulaire pos-


térieure par simple distraction manuelle (fibula à gauche).

des arthroscopies antérieures. Roussignol et al. [27]


ont néanmoins décrit la technique chirurgicale basée
sur une étude cadavérique, en insistant sur l'exclusion
des équins supérieurs à 15°, car la résection de la par-
tie antérieure du dôme du talus est alors insuffisante.
Contrairement à l'arthroscopie antérieure de cheville,
le risque de lésion d'une structure nerveuse est ici Figure 20.9 Exemple d'arthrose de l'articulation ST postérieure
exceptionnel. après fracture thalamique du calcanéus.
L'expérience nous a montré qu'il s'agit d'une tech-
nique facile, sous réserve d'une expérience suffisante
de l'arthroscopie postérieure (chirurgie arthroscopique
de l'os trigone, des tendinopathies du long fléchisseur
de l'hallux, arthrodèse sous-talienne arthroscopique).
Elle a pour avantage une chambre de tra-
vail importante et une très bonne exposition des
gouttières malléolaires. Elle pourrait devenir la tech-
nique arthroscopique de première intention des arthro-

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dèses tibio-taliennes.

Arthrodèse arthroscopique
de l'articulation sous-talienne
postérieure
Indications
Il s'agit principalement des séquelles des fractures tha-
lamiques du calcanéus (figure 20.9) et du processus
latéral du talus et plus rarement de séquelles d'entorses
graves péri-taliennes ou d'arthrites ST. Figure 20.10 TDM de la cheville préopératoire montrant la dif-
L'arthrodèse arthroscopique de l'articulation ST a ficulté d'accès à l'articulation ST avec nécessité d'une résection
été initialement décrite par un abord latéral et pos- première du bloc ostéophytique postérieur talo-calcanéen.
Arthrodèse arthroscopique des articulations tibio-talienne et sous-talienne 247

I A

Figure 20.11 Points de pénétrations cutanés de l'arthroscopie


ST latérale.
A = antérieur : orifice latéral du sinus du tarse. I = intermédiaire :
10 mm en avant de la pointe malléolaire. P = postérieur : au ras
du tendon calcanéen, 5–10 mm au-dessus de la pointe malléolaire.
Figure 20.12 Exploration arthroscopique de l'articulation ST
ter contre la rotation externe du membre. Le garrot est par abord latéral.
positionné à la racine de la cuisse.
Un abord postéro-latéral est réalisé au ras du tendon
calcanéen et un ou deux abords antérieurs sont réalisés
en avant de la malléole fibulaire (figure 20.11).
L'introduction de l'arthroscope de 4 à 5 mm peut
être alternée pour permettre l'exploration complète de
l'articulation ST postérieure :
• l'arthroscopie antérieure permet de visualiser le
sinus du tarse et son contenu, l'articulation ST anté-
rieure, le récessus latéral et les 3/4 antérieurs de l'arti-
culation ST postérieure ;
• l'arthroscopie postérieure permet de visualiser la
moitié postérieure de l'articulation ST postérieure, l'os
trigone et le processus latéral du talus (figure 20.12).
Figure 20.13 Points arthroscopiques postérieurs. Cheville
Installation et technique gauche en décubitus ventral. La fibula est à gauche.

de l'arthroscopie postérieure
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Van Dick [11] a proposé de débuter par la voie d'abord


Elle a été décrite part Van Dick [11] et elle est actuelle- latérale, avec une incision cutanée d'environ 4 mm.
ment utilisée de façon préférentielle. Une pince de type Halstead y est introduite jusqu'au
Le patient est installé en décubitus ventral. Le pied plan osseux en visant l'axe de la première commissure.
est laissé libre, dépassant du bord de la table d'opé- Durant toute cette phase, la plante du pied est main-
ration ; il faut pouvoir positionner facilement le pied tenue à angle droit. On introduit ensuite un trocart à
à angle droit. Un billot peut être positionné sous la pointe mousse jusqu'au plan osseux en visant toujours
jambe pour surélever la cheville. Un garrot est posi- l'axe de la première commissure et on réalise des mou-
tionné à la racine de la cuisse. vements de haut en bas afin de préparer la chambre de
Il faut repérer la pointe de la fibula, le pied à 90°. On travail et dégager les tissus situés au contact de l'arti-
trace ensuite une ligne parallèle à la plante du pied que culation sous-talienne. L'arthroscope est alors introduit
l'on prolonge jusqu'à la face médiale de la cheville, permettant de visualiser l'interligne ST.
croisant ainsi le tendon calcanéen. Les points d'entrée L'incision médiale est alors pratiquée. Une pince de
se situent à l'intersection de cette ligne et des bords Halstead est introduite perpendiculairement à la che-
médial et latéral du tendon (figure 20.13). mise de l'arthroscope. Une fois le contact établi avec
248 X. Roussignol

celle-ci, la pince descend progressivement jusqu'au


plan osseux. Le shaver remplace la pince de Halstead,
avec quelques mouvements oscillants pour position-
ner la fenêtre du shaver vers l'avant et le dehors. Une
chambre de travail est ainsi réalisée, permettant de
visualiser l'interligne ST qui se trouve juste en dessous
du ligament talo-fibulaire postérieur. La fenêtre du
shaver dirigée vers le bas et le dehors, la chambre de
travail doit permettre l'exposition du tendon du long
fléchisseur de l'hallux.
Cette technique opératoire peut également être réali-
sée en utilisant en premier l'arthroscope par la voie pos-
téro-médiale, en visant l'os trigone. Le trocart mousse
permet, en restant au contact osseux, de créer une
chambre de travail. La voie postéro-latérale est alors
instrumentale. La fenêtre du shaver est orientée vers le
bas et le dedans. Le repère anatomique est l'os trigone.
Celui-ci doit être excisé pour faciliter l'exposition de
l'articulation ST et le long fléchisseur de l'hallux.
Un amplifacteur de brillance doit pouvoir être utilisé
Figure 20.15 Vue postéro-médiale d'une cheville gauche.
en peropératoire en cas de difficultés de repérage de Visualisation du trajet de l'instrumentation postéro-médiale,
l'interligne articulaire et pour valider le bon position- du LFH et du paquet neurovasculaire tibial postérieur.
nement des vis d'ostéosynthèse (figure 20.14).
Le risque principal de cette voie arthroscopique est
la lésion du pédicule vasculonerveux tibial postérieur. cateur de brillance permet de valider la progression
La limite médiale à ne pas dépasser lors de l'explora- (figure 20.16).
tion est le tendon LFH (figure 20.15). L'ostéosyntèse se fait habituellement par deux vis
L'avivement ST se fait jusqu'en os sous-chondral, canulées de gros diamètre, de plus de 5 mm, introduites
en utilisant des ostéotomes, des fraises motorisées et par la grosse tubérosité du calcanéus (figure 20.17). Une
des curettes. Un contrôle peropératoire par amplifi- vis peut également être introduite par le col du talus.
Une botte amovible est mise en place pour une durée
minimale de 6 à 8 semaines et l'appui n'est pas auto-
risé avant la 3e semaine.
Cette intervention est réalisable en ambulatoire.
La voie d'abord arthroscopique postérieure peut
dans certains cas être associée à une voie d'abord
antéro-latérale en regard du sinus du tarse, afin de
faciliter l'accès et la résection de la partie antérieure

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de l'articulation ST postérieure. Van Dijk [26] l'a
proposée en cas de synostose de l'articulation talo-­
calcanéenne, afin de permettre l'introduction de dila-
tateurs et de faciliter la résection de la partie antérieure
de l'articulation ST postérieure.

Résultats
Les arthrodèses ST à ciel ouvert ont un taux élevé de
complications, en particulier au niveau des parties
molles (nécrose, infection, lésion du nerf saphène) et
le taux de pseudarthrose atteint 36 % dans certaines
séries [28, 29].
Figure 20.14 Exemple de positionnement de l'amplificateur de La procédure arthroscopique (tableau 20.1) diminue
brillance. de façon significative le taux de pseudarthrose qui est
Arthrodèse arthroscopique des articulations tibio-talienne et sous-talienne 249

A B
Figure 20.16 Contrôle par amplificateur de brillance de la résection ostéochondrale de l'articulation ST postérieure et vue arthros-
copique de cette résection.

A B

Figure 20.17 Ostéosynthèse par vis canulées calcanéo-talienne avec contrôle à l'amplificateur de brillance en per-opératoire.

Tableau 20.1
Revue de la littérature des résultats des arthrodèses ST arthroscopiques
Auteur N Suivi Position Taux de Temps AOFAS AOFAS Pseudarthroses
(mois) patient fusion de fusion préopératoire postopératoire
(%) (semaines)
Tasto 25 NA DL 100 8,9 NA NA NA

Amendola 11 34 DV 91 10 36 86 1
et al.

Glanzmann 41 55 DD 100 NA 53 84 0
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et Sanhueza
Hernandez

Keun-Bae 16 30 DV 94 11 35 84 1
et al.

Ossama 10 28,4 DL 100 11,4 38 74 0


Shalzly et al.

Symposium 19 19 DV 94 6 42 72 1
AFCP
AOFAS : score de Kitaoka ; DL : décubitus latéral ; DV : décubitus ventral ; NA : non disponible.
250 X. Roussignol

inférieur à 10 % [30–32]. Ses complications vasculo-


nerveuses sont également exceptionnelles [29–33].
Comme dans les arthrodèses TT arthroscopiques, la
revue de la littérature ne valide pas l'intérêt de combler
l'espace créé avec une autogreffe, une allogreffe ou de
la BMP (bone morphogenetic protein).

Arthrodèse tibio-tibiale
et sous-tibiale par arthroscopie
postérieure
Indications
Il existe deux indications principales : les séquelles des
fractures du pilon tibial et du talus et les pathologies
inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde).

Installation
Figure 20.18 Exemple d'enclouage transplantaire après arthros-
Elle se fait en décubitus ventral avec un garrot au copie postérieure TT et ST.
niveau de la racine de la cuisse. Le pied doit dépasser
de la table opératoire pour permettre sa mobilisation
en flexion plantaire ou dorsale. Résultats
Technique opératoire La revue de la littérature se limite à des séries de
quelques cas [8, 34]. Les taux de consolidation
Elle a été décrite par Devos Bevernage et al. [8]. Elle semblent excellents. La principale limite de cette pro-
combine la technique des arthrodèses arthroscopiques cédure est la capacité de réduction de l'équin et de la
TT et ST. déformation dans le plan frontal au moment de l'in-
Elle nécessite donc la réalisation de quatre points de troduction du guide clou.
pénétration arthroscopiques para-achilléens.
Le repère anatomique essentiel est le tendon du LFH
qu'il ne faut pas dépasser à la partie médiale de l'arti-
Conclusion
culation. La résection de l'os trigone doit être systéma- L'arthroscopie est un outil qui permet de diminuer de
tique pour améliorer l'exposition de l'articulation ST façon significative les risques de complications post­
postérieure. opératoires (infection, hématome, névromes…) des
Il est important de ne pas déstabiliser l'arrière-pied arthrodèses TT et ST tout en augmentant de façon

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par une résection ostéochondrale trop généreuse qui significative leur taux de consolidation (taux de pseud­
rend difficile le positionnement du clou transplantaire. arthrose inférieur à 10 %).
Il faut réaliser dans un premier temps une résection a Ces interventions peuvent être réalisées en ambula-
minima des surfaces articulaires TT et ST. toire, sous réserve d'une analgésie locorégionale pos-
Il est ensuite conseillé d'introduire la broche trans- topératoire (à l'aide d'un cathéter poplité).
plantaire qui permet le passage des alésoirs puis du Leurs indications sont identiques à celles des arthro-
clou. La résection ostéochondrale TT et ST finale se dèses à ciel ouvert, sous réserve d'une capacité de
fait ensuite avec la broche transplantaire laissée en réduction des déformations, qui est directement corré-
place (figure 20.18). lée à l'expérience de l'opérateur. Les arthrodèses pour
Une botte amovible est mise en place pour une durée déformations supérieures à 15° dans le plan frontal ou
minimale de 2 à 3 mois. sagittal ne doivent donc être pratiquées que par des
L'appui n'est pas autorisé avant la 4e semaine. chirurgiens expérimentés.
Arthrodèse arthroscopique des articulations tibio-talienne et sous-talienne 251

La voie d'abord postérieure pour arthrodèse tibio- [16] Feiwell LA, Frey C. Anatomic study of arthroscopic portal
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