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Déformations du rachis d’origine


neurologique et musculaire :
stratégies thérapeutiques
N. Khouri, R. Vialle, L. Miladi, J. Bataille, M. Hamida, J. Dubousset, M. Guillaumat

Les stratégies thérapeutiques utilisées pour traiter les déformations rachidiennes d’origine neurologique
ou musculaire sont différentes de celles utilisées pour traiter les déformations comme les scolioses
idiopathiques. Chez les patients présentant une pathologie neurologique ou musculaire, le but du
traitement orthopédique est de freiner l’évolution de la déformation, particulièrement durant la période
de croissance du rachis, et ainsi de retarder au maximum l’issue chirurgicale. Le traitement orthopédique
est ainsi débuté le plus souvent très tôt, et nécessite une surveillance et un encadrement très attentifs.
L’évolution rapide de la déformation au cours de la période pubertaire de croissance rapide du rachis rend
bien souvent nécessaire une stabilisation chirurgicale relativement précoce. Les stratégies chirurgicales
sont également souvent spécifiques des affections neurologiques et musculaires. Les arthrodèses sont
souvent plus précoces, plus étendues et posent des problèmes techniques parfois délicats. Il est souvent
nécessaire d’étendre l’arthrodèse rachidienne jusqu’au bassin, soit en raison de la faiblesse du contrôle
postural de ces patients, soit en raison d’une obliquité pelvienne déjà constituée. L’évaluation
préthérapeutique et la prise en charge postopératoire sont les éléments-clés de la prise en charge de ces
patients souvent fragiles. Malgré les progrès réalisés dans ces domaines, la morbidité et le taux de
complications postopératoires restent élevés.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Déformation rachidienne ; Scoliose ; Maladie neurologique ; Maladie neuromusculaire ;


Myopathies ; Infirmité motrice d’origine cérébrale

Plan (IMOC), des contractions involontaires des muscles des mem-


bres inférieurs. Ces contractions simultanées des muscles
¶ Stratégies thérapeutiques communes aux différentes étiologies agonistes et antagonistes, également appelées « co-contrac-
neurologiques et musculaires des déformations rachidiennes 1 tions », entravent le mouvement dans un sens comme dans
Traitements orthopédiques 1 l’autre et aboutissent à un « raidissement » du segment consi-
Traitements chirurgicaux 3 déré. Lorsque le patient présente de tels troubles, il ne peut
Indications 7 contrôler ces cocontractions en position assise, c’est-à-dire
¶ Stratégies thérapeutiques spécifiques en fonction fléchir suffisamment les hanches et les genoux. Il en résulte une
des différentes étiologies neurologiques ou musculaires rétroversion du bassin et une attitude en cyphose globale du
des déformations rachidiennes 9 tronc, compensatrice, plus ou moins accentuée. Cette attitude
Déformations d’origine neurologique centrale 9 cyphotique peut être majorée par l’hypotonie axiale globale du
Déformations d’origine neurologique périphérique 15 tronc contrastant avec les contractures des membres.
Déformations d’origine neurologique mixte, centrale et Chez l’enfant porteur d’une pathologie neuromusculaire où
périphérique 20 l’hypotonie est prédominante (tétraplégie flasque, amyotrophie
Déformations d’origine neuromusculaire 23 spinale, myopathie), l’attitude en cyphose globale du tronc,
avec effondrement soit antérieur, soit le plus souvent antérola-
téral, est également au premier plan des problèmes rencontrés
lors du maintien prolongé de la position assise.
■ Stratégies thérapeutiques communes Ces attitudes observées depuis le plus jeune âge risquent
d’entraîner des déformations en cyphose. La correction passive
aux différentes étiologies de cette attitude est possible par la mobilisation durant les
neurologiques et musculaires premières années, mais progressivement les possibilités d’exten-
sion du rachis diminuent, principalement dans le secteur
des déformations rachidiennes thoracique, en même temps que la déformation devient évi-
dente, tant cliniquement que sur les examens radiologiques.
Traitements orthopédiques Il faut donc insister sur la nécessité d’une prise en charge
avant tout préventive de ces situations. Elle consiste à dévelop-
Postures et maintien en position assise per très précocement le contrôle de la flexion et de l’extension
Dans de nombreux cas il existe, principalement chez les des hanches et des genoux, tout en assurant le maintien
patients présentant une infirmité motrice d’origine cérébrale postural du tronc.

Appareil locomoteur 1
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15-878-A-10 ¶ Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques

Figure 1.
A, B. Le siège moulé est réalisé sur mesure. L’addi-
tion d’un plot central d’abduction et d’une sangle de
rappel avec un plastron de maintien évite que l’en-
fant ne soit déséquilibré et glisse vers l’avant.

Ces acquisitions sont parfois longues et difficiles à obtenir. De Corsets


plus, les cocontractions réapparaissent souvent, chez les enfants
IMOC, à l’occasion des activités manuelles ou lorsque l’enfant La décision de corseter un patient présentant une pathologie
est soumis à des sollicitations diverses. Dans ces situations, le neuromusculaire n’est jamais facile. Lorsque le handicap
déséquilibre postural peut alors survenir ou se majorer. neurologique et/ou moteur est important, le port d’un corset est
souvent vécu par le patient et par son entourage comme un
Le sanglage sur un siège adapté aux mesures de l’enfant peut
frein supplémentaire à son autonomie et à ses acquisitions. La
être utile dans ces situations. Le sanglage empêche le glissement
réalisation des plâtres et des corsets nécessite une collaboration
des fesses vers l’avant mais ne suffit pas pour corriger la
étroite entre le médecin et l’appareilleur.
rétroversion du bassin. La position anormale du bassin dans
l’espace et le maintien de la colonne vertébrale en bonne On peut être amené à prescrire un corset antieffondrement,
position peuvent être obtenus par l’utilisation d’un siège moulé, même en l’absence de scoliose structurale, lorsque cet effondre-
réalisé sur l’enfant placé en bonne position. Souvent réalisé en ment limite la ventilation spontanée, favorise les infections
plâtre par le passé, il est désormais confectionné dans de bronchiques à répétition, majore le reflux gastro-œsophagien
nombreux matériaux plastiques, généralement thermodéforma- (RGO), et pérennise une attitude asymétrique qui favorise
bles. Le siège moulé peut ensuite s’adapter sur des sièges l’apparition des rétractions. Le plus simple est le corset thermo-
existants ou des fauteuils roulants. L’adjonction d’un « plot » formable antieffondrement de type thoracolumbosacral orthosis
central, entre les cuisses, permet de lutter contre l’attitude (TLSO), fréquemment utilisé car de maniement facile. Il néces-
vicieuse des hanches en adduction et empêche l’enfant de site une surveillance accrue de la tolérance cutanée et peut être
glisser vers l’avant (Fig. 1). La hauteur du dossier est fonction responsable d’une aggravation du RGO.
de la composante plus ou moins hypotonique du tronc avec En raison de l’hypotonie fréquente du tronc de ces patients,
effondrement en cyphose du rachis thoracolombaire et thoraci- les corsets courts, en particulier lombaires, sont rarement
que, et peut comporter une têtière lorsque le maintien du port utilisés.
de tête est difficile ou impossible. La réalisation du siège moulé Lorsque l’évolutivité de la déformation est sévère et que
doit être adaptée au cas par cas dans le cadre d’une coopération l’enfant est trop jeune pour recourir à la chirurgie, le corset de
étroite entre l’appareilleur, le prescripteur, l’enfant et son type « garchois » est le seul moyen de freiner l’évolutivité en
entourage. attendant l’âge de l’arthrodèse (Fig. 2). Le corset garchois,
développé par l’équipe de Mme Duval-Beaupère, présente de
nombreux avantages chez le patient neurologique. [1] Il permet
Plâtres
un très bon maintien du bassin et lutte efficacement contre
Comme dans les cas des déformations rachidiennes idiopa- l’effondrement du tronc grâce aux appuis, aux chambres libres
thiques, le corset plâtré fait partie intégrante du traitement et à la têtière. N’exerçant que peu de contraintes sur la cage
orthopédique des déformations d’origine neuromusculaire. Son thoracique, il est de mise en place et de retrait relativement
efficacité, en termes de correction immédiate, est là aussi bien aisés. Sa confection dans un plastique transparent permet de
souvent supérieure aux corsets orthopédiques amovibles. Chez surveiller l’état cutané. Il est nécessaire de surveiller la tolérance
l’enfant porteur d’une affection neuromusculaire, la correction et de réadapter le corset si nécessaire, au moins une fois tous les
par le corset plâtré est souvent importante, particulièrement si 3 mois. Parallèlement, il faut réaliser une rééducation quoti-
le tronc est hypotonique, si la courbure scoliotique est longue, dienne pour assouplir progressivement le tronc et favoriser son
souple et régulière, et si le plâtre comporte une minerve. bon positionnement dans le corset. Cette période d’« adapta-
Néanmoins, ces corrections cessent bien souvent dès que le tion » est également importante pour le patient et son entou-
plâtre est retiré et l’évolutivité de la déformation reprend alors rage (famille, soignants) qui apprend ainsi à se familiariser avec
rapidement. On pourrait donc être incité à entreprendre des l’appareillage. Progressivement, chez les enfants présentant une
traitements prolongés par corsets plâtrés. Or, ceux-ci sont bien déformation importante avec un lourd handicap, le corset
souvent encombrants et, même s’ils sont bivalvés pour permet- garchois, souvent mal accepté au début, est perçu favorablement
tre de sortir l’enfant plusieurs heures par jour, ils limitent car il permet de maintenir une position ergonomique et propice
considérablement les possibilités fonctionnelles, surtout s’ils aux échanges relationnels avec l’entourage. [2] La mentonnière
comportent une têtière. Il est donc souvent délicat d’imposer à est plus difficile à faire accepter chez les enfants très hypotoni-
un enfant, souvent lourdement handicapé, et à son entourage, ques, mais le seul appui occipital, en contrôlant la position de
les difficultés prolongées d’une telle situation. la tête, limite les fausses routes alimentaires.

2 Appareil locomoteur

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Bilan cardiologique d’opérabilité


Il n’existe actuellement aucun consensus permettant d’adap-
ter les indications chirurgicales lorsqu’une dysfonction ventri-
culaire gauche est apparue. [3] Des travaux chez l’adulte
ischémique ont permis par comparaison d’aider à poser les
indications à l’intervention. Ceci reste évidemment critiquable
puisque aucune des cardiopathies envisagées n’est secondaire à
une atteinte coronaire. Ainsi, le risque de survenue d’événe-
ments cardiovasculaires graves engendrés par ce type de chirur-
gie en périopératoire serait dans ces cas de 2 à 5 %. Une fraction
d’éjection ventriculaire gauche isotopique (FEVG) inférieure à
35 % prédirait la survenue d’un accident myocardique avec un
risque relatif compris entre 3 et 4. Dans une série personnelle
de 25 patients opérés, porteurs d’une myopathie de Duchenne,
le taux de complications cardiovasculaires a été de 8 %. Il
apparaît que, actuellement, en l’absence de travaux ciblés seule
compte l’expérience personnelle des différentes équipes. Dans ce
cadre, une FEVG inférieure à 45 % est habituellement retenue
comme une contre-indication à l’intervention. De plus, on tient
le plus grand compte du niveau de la réserve contractile, de
l’existence de troubles du rythme, du traitement en cours et en
particulier de l’existence ou non d’un traitement par inhibiteur
de l’enzyme de conversion ou bêtabloquants. Les enfants
Figure 2. porteurs d’une maladie comportant un risque élevé de troubles
A, B. Le corset « garchois » permet de freiner l’évolutivité de la déforma- du rythme et de la conduction (Steinert, Emery-Dreifuss)
tion en attendant l’âge de l’arthrodèse. La valve pelvienne permet un bon doivent bénéficier d’une prise en charge dans une consultation
positionnement du bassin. L’adjonction d’une têtière est nécessaire lors- rythmologique spécialisée.
que l’hypotonie du tronc et de la région cervicale ne permet pas sponta-
nément le maintien du port de tête. Bilan nutritionnel d’opérabilité
Une intervention nutritionnelle préopératoire doit être
envisagée chez les patients dénutris présentant une perte de
Chez les patients présentant des déformations importantes en poids significative supérieure ou égale à 10 % dans les 3 à
cyphose, la minerve est indispensable mais doit être ajustée avec 6 derniers mois, ou une cassure et un fléchissement importants
des courbes de poids-taille. [4, 5]
soin. Il est important de ne pas trop tarder à instaurer le
Une albuminémie basse inférieure à 30 g/l et une préalbumi-
maintien de tête par minerve, avant que la rétraction des
némie inférieure à 0,150 g/l constituent des critères supplémen-
muscles extenseurs de la nuque ne pose trop de problèmes pour
taires de dénutrition prédictifs d’une augmentation de la
obtenir l’horizontalité du regard.
mortalité et de la morbidité postopératoires, et renforcent les
indications de renutrition préalable. [4]
Traitements chirurgicaux L’état cutané global, la fragilité de la peau en regard des
points d’appui, des zones de contact d’orthèses pourtant
Bilan général et local d’opérabilité correctement adaptées, des déformations orthopédiques, l’atro-
Bilan respiratoire d’opérabilité phie cutanée en regard de la zone d’arthrodèse, sont autant
d’éléments qui peuvent, en soi, faire aussi poser l’indication
En l’absence de troubles de la déglutition importants, l’insuf- d’une renutrition préalable.
fisance respiratoire restrictive, même grave, n’est pas une contre-
indication à la chirurgie. Cependant, l’hypercapnie doit être Place de la chirurgie des parties molles
corrigée avant l’intervention par une assistance ventilatoire Nous insistons sur l’importance de cette chirurgie de libéra-
mécanique. Une ventilation non invasive (VNI), type ventila- tion des parties molles dans le traitement chirurgical de
tion nasale nocturne à l’aide d’un relaxateur de pression ou de l’obliquité pelvienne.
volume, l’interface étant en général un masque nasal, doit être
préférée de prime abord à la trachéotomie. Ainsi la trachéoto- Dans les causes basses des bassins obliques
mie est-elle indiquée toutes les fois que la VNI s’avère inefficace, Pour les patients « ambulants », l’existence d’une rétraction
n’est pas techniquement réalisable ou que le malade s’avère plus ou moins importante des fléchisseurs de hanche entraîne
dépendant de la ventilation plus de 10 heures par jour. La un flessum et parfois un abductum des hanches qui justifient
chirurgie pour arthrodèse vertébrale n’est pas en soi une un geste de libération des parties molles, car ils sont souvent
indication à la trachéotomie car, à moyen terme, au contraire responsables d’une obliquité pelvienne dans le plan sagittal, [6]
elle améliore la capacité vitale si la prise en charge postopéra- néfaste pour la verticalisation. L’attitude asymétrique en « coup
toire en milieu spécialisé est adéquate. En revanche, lorsque de vent » latéral, conséquence d’une rétraction des adducteurs
l’évolutivité de la maladie et des paramètres respiratoires de hanche d’un côté, et des abducteurs et fléchisseurs de
coïncide avec la chirurgie, il est licite de proposer la trachéoto- hanche de l’autre côté, peut être responsable d’une excentration
mie au décours de la période postopératoire. En cas de troubles progressive, voire d’une luxation de la hanche positionnée en
de la déglutition graves, la VNI est contre-indiquée. La trachéo- adduction. [7] Cette attitude en coup de vent est responsable, en
tomie est alors indiquée en préopératoire, ce qui diminue en position assise, d’une obliquité pelvienne dans le plan horizon-
outre le risque infectieux dans les suites de l’intervention. tal, avec un recul de l’appui ischiatique du côté de la hanche en
Chez l’enfant polyhandicapé, la trachéotomie est actuelle- adduction. Par ailleurs, on note fréquemment une rotation
ment seulement proposée comme une alternative à l’échec de progressive du bassin autour de l’axe de gravité, ce qui peut
l’extubation en postopératoire. Ce fait doit peser très fortement augmenter notablement les contraintes exercées en torsion
dans l’indication chirurgicale même, ainsi que dans celle de la d’une arthrodèse postérieure instrumentée jusqu’au bassin. Ces
stratégie opératoire. Certaines situations intermédiaires (Rett), réflexions portées sur les rétractions des parties molles autour du
où les troubles de déglutition évoluent rapidement, posent des bassin expliquent la nécessité fréquente, sinon constante, de
problèmes similaires. L’arthrodèse doit alors être envisagée le traiter au maximum les causes basses des bassins obliques. Il
plus précocement possible. La prise en charge des troubles faut néanmoins prendre garde à la situation de certains patients,
ventilatoires pendant le sommeil est faite au cas par cas. où la stabilité verticale, la verticalisation et les transferts sont

Appareil locomoteur 3
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rendus possibles du fait des rétractions musculotendineuses.


Dans ce cas, la libération des parties molles doit obéir à un
compromis. [8]
Dans les causes hautes des bassins obliques
Si la cause haute la plus importante du bassin oblique est
représentée par l’évolution de la courbure rachidienne, en
particulier lombaire et thoracolombaire, celle-ci est majorée par
les rétractions asymétriques des parties molles unissant le rachis
au bassin. On constate notamment des rétractions musculaires
et ligamentaires des angles iliolombaires, [9] là encore dans les
trois plans de l’espace, mais principalement dans le plan
coronal et dans le plan sagittal.
Nous avons pratiqué par le passé des libérations isolées des
parties molles iliolombaires associant libération ligamentaire,
myotomies et capsulotomies, chez des enfants jeunes présentant
des courbures rapidement évolutives. L’enfant était par la suite
placé en traction bipolaire asymétrique afin de corriger l’obli-
quité pelvienne, puis immobilisé dans un plâtre réalisé sous
anesthésie en position de correction maximale. Bien que les
premiers résultats aient été plutôt encourageants, le résultat à
long terme était fréquemment décevant, avec une récidive de la Figure 3. La libération extensive des parties molles des angles iliolom-
déformation nécessitant de recourir à une arthrodèse instru- baires est la clé d’une bonne correction de l’obliquité pelvienne. Elle doit
mentée. Les conditions de la libération chirurgicale itérative des intéresser les masses musculaires sacrolombaires (1), les capsules articu-
angles iliolombaires étaient de surcroît rendues plus difficiles du laires (2) et se prolonger par la résection osseuse des massifs articulaires
fait du geste réalisé préalablement. lombosacrés (3).
Nous recommandons donc actuellement de pratiquer cette
libération des angles iliolombaires lors de la correction chirur-
gicale par voie postérieure avec arthrodèse instrumentée
jusqu’au bassin (Fig. 3). Lorsqu’il existe une forte rétraction de iliaques par l’intermédiaire de tiges de Harris-Luque, [10] de
l’angle iliolombaire avec une obliquité pelvienne peu réductible, Galveston, [11] de vis d’extension iliaques ou de vis
la libération des parties molles est difficile mais doit être iliosacrée. [12-14] Quelle que soit la méthode de fixation sacrée,
extensive, prolongée très loin vers l’avant en sectionnant le
il est nécessaire de faire toujours une construction rectangulaire
ligament iliolombaire (Fig. 4) jusqu’à pouvoir palper et visualiser
avec un dispositif de traction transverse placé entre les deux
la graisse de l’espace rétropéritonéal. Latéralement, il faut
tiges.
également poursuivre la libération jusqu’au milieu de la crête
iliaque, aux dépens des masses musculaires sacrolombaires. Il Le choix du type de fixation est le plus souvent lié aux
faut prendre grand soin de conserver toute la graisse sous- habitudes de l’équipe chirurgicale. Nous avons pour notre part
cutanée bien attachée au plan cutané, en disséquant d’emblée une préférence pour l’utilisation des vis iliosacrées (Fig. 5),
en profondeur sous l’aponévrose. raccordées aux tiges par un système de connecteurs polyaxial.
Cette technique permet d’obtenir une bonne fixation pelvienne,
Extension au bassin même lorsque l’os est de qualité médiocre, comme chez certains
La fixation du bassin peut faire appel à une instrumen- patients grabataires porteurs d’affections neurologiques ou
tation sacrée comme des vis pédiculaires ou s’étendre aux ailes musculaires.

Figure 4. Le ligament iliolombaire doit être sec-


tionné. Ceci doit être réalisé avec prudence après
avoir correctement dégagé les processus transver-
ses de L5. Il faut veiller à ne pas aller trop loin en
avant, dans la graisse rétropéritonéale (flèches) (A)
afin de ne pas risquer de léser des éléments vascu-
laires ou nerveux. 1. Crête iliaque ; 2. sacrum.
Noter comment le ligament iliolombaire peut être
individualisé avec un dissecteur avant d’être sec-
tionné (B).

4 Appareil locomoteur

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Figure 6. Représentation sché-


matique de l’effet de vilebrequin
entraîné par la persistance de la
croissance antérieure du rachis
alors que la partie postérieure de
la colonne a été préalablement
fusionnée.

phénomène constaté était bien sûr d’autant plus important que


le potentiel de croissance résiduel au moment de l’arthrodèse
postérieure était important.
Physiopathologie
Pour bien comprendre ce phénomène, il faut se rappeler la
disposition des cartilages de croissance vertébraux dans les trois
dimensions de l’espace, ainsi que leur évolution dans le temps.
Cette évolution chronologique de l’organisation spatiale des
Figure 5. L’utilisation des vis iliosacrées permet une bonne fixation zones de croissance des corps vertébraux représente la « qua-
pelvienne, même chez les patients grabataires présentant une déminéra- trième dimension » sans laquelle l’analyse de l’évolution de la
lisation osseuse importante. déformation structurale du rachis reste incomplète. C’est cette
disposition des zones de croissance vertébrale qui est d’ailleurs
utilisée dans les épiphysiodèses et arthrodèses pratiquées pour
corriger certaines malformations congénitales du rachis. Dans
Phénomène du vilebrequin ces indications très particulières, il est bien démontré que l’âge
Historique au moment de l’épiphysiodèse, la qualité de l’arthrodèse et son
étendue sont les critères principaux de la réussite du traitement
La description du phénomène du vilebrequin a découlé de de la déformation. [16]
l’observation dans les années 1970 de l’évolution de trois
courbures scoliotiques d’étiologies différentes (congénitale, Conditions de survenue d’un phénomène de vilebrequin
idiopathique et paralytique) ayant été traitées par arthrodèse après arthrodèse postérieure précoce
postérieure isolée chez des enfants encore très loin de la Les facteurs de risque de survenue d’un effet vilebrequin après
maturité osseuse. Il était observé dans chaque cas une dégrada- une arthrodèse postérieure isolée restent discutés dans la
tion de la correction angulaire obtenue, en l’absence de pseud- littérature. [17] Chez l’enfant porteur d’une scoliose secondaire à
arthrose postérieure (vérifiée radiologiquement et chirur- une pathologie neurologique ou musculaire, trois conditions,
gicalement), mais accompagnée dans chacun des cas de défor- parfois associées, doivent faire craindre ce phénomène :
mations associées de la cage thoracique, de déformations des • une rotation vertébrale axiale apicale supérieure ou égale à
corps vertébraux de la zone fusionnée et d’un amincissement 10° (méthode de Perdriolle) ;
considérable des espaces discaux intéressés par la déformation. • un angle de Cobb supérieur ou égal à 20° ;
L’explication était donnée par l’asymétrie de croissance créée • un important potentiel résiduel de croissance du rachis.
par l’arthrodèse postérieure sur un rachis « tordu » dans l’espace Ce troisième et dernier facteur est le plus difficile à évaluer.
du fait de la poursuite de la croissance antérieure des corps Classiquement, il correspond à un test de Risser inférieur ou
vertébraux par rapport à la croissance des éléments postérieurs égal à 1. En fait, ce critère est éminemment variable d’un sujet
stoppée sur les lames et les massifs articulaires. Le nom de à l’autre et dépend de l’importance toujours difficile à mesurer
« vilebrequin » a été choisi pour décrire le mouvement réalisé du potentiel de croissance d’un individu. [18]
dans l’espace par la zone arthrodésée, par analogie avec la pièce
de mécanique automobile (Fig. 6). Ce phénomène, logique- Déformations anatomiques secondaires au phénomène
ment, devrait exister dans tous les cas répondant aux critères du vilebrequin
nécessaires (scoliose vraie avec donc une rotation des corps Les déformations anatomiques relevées peuvent être nom-
vertébraux, arthrodèse postérieure, jeune âge avec immaturité breuses. On note en particulier :
osseuse). De fait, il a été observé par la suite de manière • l’augmentation de l’angle de Cobb, toujours mesuré entre les
constante, quelle que soit l’étiologie, de par le monde entier, et mêmes niveaux dans la zone arthrodésée ; ce phénomène
a fait l’objet d’une publication sur 40 cas en 1989. [15] Il n’est toutefois pas constant ;
s’agissait d’une étude portant sur de jeunes patients traités aux • l’augmentation de l’angle de Cobb « global » de la courbure
États-Unis par arthrodèse postérieure instrumentée ou non. Le avec inclusion d’un ou deux niveaux supplémentaires, soit

Appareil locomoteur 5
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15-878-A-10 ¶ Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques

vers le bas (le plus fréquent), soit vers le haut (plus rare) ; ce
phénomène a été appelé par certains auteurs anglo-saxons le
phénomène d’« adding-on » ; il est en réalité la conséquence
du phénomène de vilebrequin (« crankshaft phenomenon ») et
traduit le fait que l’évolutivité de la rotation vertébrale
scoliotique n’a pas été stoppée par l’arthrodèse postérieure
précoce ;
• l’augmentation de la gibbosité (qui peut être parfois sévère et
anguleuse) ;
• la diminution de la distance latérale corps-côtes (fermeture de
l’angle iliocostal) du côté convexe ; elle traduit la poursuite de
la déformation du tronc et la poursuite de la rotation verté-
brale ;
• l’apparition ou l’accentuation d’un déséquilibre global du
Figure 7. La position ventrale sur une « luge » dépourvue d’appui
rachis, du côté convexe ; ceci est rencontré le plus fréquem-
thoracique est précieuse en pré- et postopératoire chez l’infirme moteur
ment en cas d’arthrodèse précoce thoracolombaire avec, dans
d’origine cérébrale.
les cas instrumentés, une désaxation progressive du matériel
d’instrumentation par rapport à l’axe de gravité du tronc ;
• la récidive de l’obliquité pelvienne dans l’espace dans les cas préalable a été mauvaise ou insuffisante [23]. C’est ainsi l’occa-
où le bassin avait été inclus dans l’arthrodèse précoce initiale. sion de rappeler l’importance du suivi en consultation multidis-
Plus généralement, pour l’ensemble de ces déformations et ciplinaire. Lorsqu’une ventilation de nécessité est indiquée (VNI
leur sévérité, on note que la déformation est d’autant plus ou ventilation sur trachéotomie), il est bien rare de pouvoir
sévère et évolutive que l’âge de l’enfant est jeune au moment arthrodéser ces malades avant les 6 à 8 mois qui suivent cette
de l’arthrodèse et que le nombre de vertèbres concernées par initiation à la ventilation. Dans le cas où seule une prise en
cette arthrodèse est important. charge efficace kinésithérapique avec hyperinsufflation par
relaxateur de pression est requise, un travail correct durant 1 à
Comment prévenir le phénomène du vilebrequin ?
2 mois suffit. Cette prise en charge vise aussi à préparer ces
C’est logiquement qu’il a été proposé d’effectuer simultané- malades à la période postopératoire où cette technique est
ment à l’arthrodèse postérieure une arthrodèse antérieure de la essentielle pour conserver et améliorer le statut respiratoire
zone concernée pour s’opposer à la croissance antérieure en cas antérieur. Les séances d’hyperinsufflation ont lieu trois fois par
d’arthrodèse postérieure isolée. L’efficacité de cette méthode a jour pendant un minimum de 20 à 30 minutes. La kinésithéra-
été parfaitement démontrée quelle que soit l’étiologie de la pie respiratoire est, idéalement, quotidienne. Lorsque l’IPV
déformation scoliotique. [19] (intrapulmonary percussive ventilation) peut être utilisée chez les
Un fait doit être signalé en cas d’arthrodèse circonférentielle malades encombrés, [24] le temps de traitement est de 20 minu-
pour scoliose thoracique chez des enfants très jeunes, avant tes trois ou quatre fois par jour à fréquence rapide, puis basse
l’âge de 8 ans ou en cas d’arthrodèse étendue (plus de sept à par périodes continues de 5 minutes environ. Cette prise en
huit vertèbres). En effet, dans ces cas, la déformation du thorax charge intensive nécessite une structure adaptée, une éducation
peut néanmoins continuer à s’accentuer avec un aspect en des familles et des soignants. En cas de mise en place de plâtre
« lame de sabre ». Ce phénomène vient en partie de la crois- de détraction ou de halotraction, il est impératif de surveiller
sance costale persistante qui se trouve limitée dans son expan- très régulièrement la capacité vitale qui peut être gravement
sion latérale par la rigidité du rachis. amputée par ces méthodes, en particulier à chaque nouveau
plâtre ou augmentation du poids de la traction. Beaucoup
Programmes avec abords combinés antérieurs d’enfants polyhandicapés qui présentent souvent un encombre-
et postérieurs ment important peuvent bénéficier de postures sur « luge » dans
la période postopératoire, évitant ainsi les réintubations
La raideur et l’importance de certaines courbures rachidiennes itératives si l’état orthopédique le permet (Fig. 7). Il peut donc
rendent parfois nécessaire de recourir à des temps combinés de être intéressant de leur en faire l’expérience en préopératoire.
libération antérieure et postérieure du rachis. Les indications Pour le cœur, l’adaptation des traitements visant à améliorer
électives d’une chirurgie antérieure chez les patients porteurs la FEVG, aidée éventuellement par la surveillance de scintigra-
d’une affection neurologique ou musculaire restent l’épiphysio- phies d’éjection, est faite sur une période de 8 à 12 mois. Quant
dèse antérieure chez les patients très immatures sur le plan aux enfants présentant un cœur pulmonaire chronique secon-
squelettique [19] et la persistance d’un déséquilibre du tronc sur daire à l’insuffisance respiratoire chronique, ils doivent être en
les clichés dynamiques. [20] Il faut cependant garder à l’esprit règle trachéotomisés 1 an avant l’intervention, les signes droits
que le taux de complications, notamment respiratoires, reste devant totalement s’amender avec la ventilation et
très important chez ces patients après chirurgie antérieure. [21] l’oxygénation.
Selon les équipes, les deux temps chirurgicaux antérieur et
postérieur peuvent être réalisés soit le même jour, dans la même Préparation digestive et renutrition
séance opératoire, soit en deux séances opératoires distinctes, En cas de dénutrition confirmée, la prise en charge nutrition-
avec ou sans réveil du patient entre les deux temps. Le choix de nelle consiste en une supplémentation orale par des produits
tel ou tel type de stratégie est bien souvent dicté par la dispo- nutritionnels hypercaloriques. En cas d’absence d’amélioration
nibilité des équipes chirurgicales et anesthésiques. clinique et biologique des paramètres de surveillance nutrition-
La comparaison de cohortes de patients opérés en deux temps nelle au bout de 4 à 6 semaines, un programme de nutrition
consécutifs le même jour et à quelques jours d’intervalle reste artificielle entérale [25] par sonde nasogastrique ou gastrostomie
difficile tant les habitudes diffèrent d’une équipe à l’autre. Dans peut être débuté sous couvert d’une formation préalable de
les deux cas, le taux de complications reste important chez ces l’entourage. Cette nutrition doit être idéalement poursuivie
patients fragiles. Il semble pour certains que le risque de jusqu’à la récupération du poids antérieur estimé par rapport à
complications soit inférieur lorsque les deux temps chirurgicaux la cassure de la courbe pondérale. La gastrostomie est plus facile
sont réalisés dans la même séance opératoire. [20, 22] à gérer par les familles. Elle n’aggrave ni n’améliore le RGO, et
elle est particulièrement indiquée quand la nutrition entérale
Préparation du patient à l’opération doit être longtemps poursuivie après l’intervention et/ou quand
il existe des troubles déjà graves de la déglutition. La sonde
Préparation respiratoire
nasoduodénale est moins bien tolérée. Elle expose à autant de
La question d’une préparation du patient à l’opération sur le risques de pneumopathies par régurgitation que la sonde
plan ventilatoire ne se pose que lorsque la prise en charge nasogastrique et elle se déplace facilement. Elle ne peut être

6 Appareil locomoteur

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Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques ¶ 15-878-A-10

remise en place à domicile. La jéjunostomie qui protège Infections postopératoires


également du RGO n’est envisageable qu’en milieu hospitalier
et n’a pas d’indication en période préopératoire de cette Les infections postopératoires sont fréquentes après chirurgie
chirurgie. [26] du rachis chez les patients porteurs d’affections neurologiques
Un geste chirurgical antireflux associé à la gastrostomie doit et musculaires. Elles peuvent concerner de 5 à 10 % des
être discuté en cas d’accidents respiratoires répétés par inonda- patient. [33, 34] Les facteurs de risque sont essentiellement
tion bronchique aiguë ou chronique, surtout s’il existe des l’existence d’une altération importante des fonctions supérieures
troubles importants de la déglutition malgré un traitement et la complexité du programme thérapeutique (incluant le
médical bien conduit. L’insuffisance respiratoire sévère n’est pas nombre de jours d’hospitalisation, la répétition des temps
une contre-indication à la cœlioscopie ; cependant, en cas de chirurgicaux, l’étendue de la zone d’arthrodèse, etc.). Les
cardiopathie évoluée, il faut craindre une baisse du retour infections rachidiennes sont souvent précoces et polymicro-
veineux par cette technique générant ainsi des accidents biennes. [33] On note ainsi la fréquente association de germes
cutanés (staphylocoque doré) et digestifs (Enterobacter, Escheri-
cardiovasculaires graves. Enfin, en préopératoire immédiat, chez
chia coli). Dans ce cas, il est nécessaire de pratiquer rapidement
les enfants présentant une stase fécale importante, une prépa-
une reprise chirurgicale et d’instaurer une antibiothérapie
ration colique équivalente à celle réalisée en vue d’une colono-
prolongée, adaptée au(x) germe(s).
scopie par polyéthylène glycol est entreprise au minimum dans
les 5 jours précédant l’intervention, associée à un régime sans Dans les cas d’infections tardives, il est souvent nécessaire de
résidus afin de limiter le risque de bactériémies peropératoires et pratiquer l’ablation du matériel d’ostéosynthèse.
de greffes septiques au site de l’arthrodèse. Nous avons rappelé l’importance du nursing postopératoire
dans la prévention de ces complications infectieuses. Cette
prévention passe avant tout par le maintien d’un bon état
Spécificités techniques peropératoires trophique, la lutte contre la dénutrition postopératoire et par la
Nous insistons principalement ici sur la gestion du saigne- réduction, autant que possible, de la lourdeur du programme
ment peropératoire. Plusieurs études ont montré que le taux de thérapeutique.
complications après chirurgie rachidienne était statistiquement
corrélé à l’importance du saignement peropératoire. [20-22]. Ceci Indications
est particulièrement vrai en association avec le terrain du
patient neurologique. Les interventions chirurgicales, notam- Faut-il opérer ? Limites techniques,
ment par voie postérieure, sont responsables d’un saignement limites éthiques (J. Dubousset)
peropératoire plus important chez le patient porteur d’une
affection neurologique ou musculaire que lorsqu’il s’agit d’une Disons d’emblée que l’importance de cette discussion est à la
scoliose idiopathique. [27, 28] Des troubles de l’hémostase ont fois considérable dans son aspect relation humaine, familiale et
ainsi été suspectés, mais il est vraisemblable que la durée plus médicale, mais également dans son aspect relationnel avec la
importante des interventions associée à une libération souvent société. Elle reste néanmoins extrêmement simple car elle est
extensive des parties molles jusqu’au bassin et une grande dans la droite ligne du serment d’Hippocrate.
fragilité osseuse soient également, au moins partiellement, Le développement de la génétique et du diagnostic anténatal
responsables. d’un grand nombre de maladies incurables apporte déjà une
Il est donc nécessaire de prendre une grande attention au réponse. À condition que la relation entre le clinicien et le
saignement peropératoire. L’hémostase doit être pratiquée avec généticien soit permanente, on peut en effet diagnostiquer
soin, à tous les temps de l’intervention. La récupération avant la naissance des conditions peu compatibles avec une vie
peropératoire du sang par les systèmes de type cell-saver ne doit normale. Cela n’est pas difficile lorsque l’on a la certitude d’un
pas faire oublier que le tamponnement des gouttières paraver- développement anormal, non seulement orthopédique, mais
tébrales est préférable et réduit considérablement le saignement surtout neurologique et mental associé. Là, l’interruption
par rapport à l’usage de l’aspiration. thérapeutique de la grossesse proposée par le médecin paraît
L’avivement osseux pratiqué en fin d’intervention doit être justifiée.
précautionneux en raison de la grande fragilité de l’os souvent Lorsque, en revanche, un développement mental normal
ostéoporotique. paraît possible mais que les conditions d’une vie relationnelle et
fonctionnelle normale vont être extrêmement altérées, là encore
l’interruption de la grossesse (sauf opposition expresse de la
Prise en charge postopératoire
famille, rare mais toujours possible) paraît être parfaitement
La prise en charge postopératoire de ces patients doit être le « éthique », même pour un médecin avec une croyance reli-
résultat d’une collaboration étroite entre les équipes soignantes gieuse affirmée.
(infirmières, kinésithérapeutes), les anesthésistes-réanimateurs et Mais il faut bien le dire, dans un grand nombre de cas, le
les chirurgiens. Ainsi, le nursing doit être particulièrement diagnostic anténatal de l’affection, s’il peut approcher l’état
attentif afin d’éviter toute souillure de la plaie opératoire et tout physique et fonctionnel futur, est rarement capable de prédire
problème de souffrance cutanée. La rééducation respiratoire est l’état mental du fœtus. C’est là un grand dilemme dans la
indispensable et doit être pratiquée précocement, particulière- conscience médicale, mais c’est un plus grand dilemme encore
ment après un premier temps antérieur de libération. dans la conscience des parents. Lorsque la maladie dont le futur
L’analgésie postopératoire est le prérequis indispensable aux nouveau-né va être porteur est clairement annoncée aux
deux mesures énumérées plus haut. [29] Elle requiert un savoir- parents, comment refuser leur demande d’interruption de
faire acquis bien souvent au fil des années chez les patients grossesse ? Est-ce que leur refuser est « éthique » ? Personnelle-
présentant des troubles des fonctions supérieures. Chez ces ment, je ne le crois pas.
enfants polyhandicapés, l’usage des techniques d’analgésie Je ne peux m’empêcher à ce sujet de rapporter l’histoire
autocontrôlée (patient-controlled analgesia [PCA]) reste d’un suivante : à la suite du diagnostic anténatal d’une luxation
emploi difficile [30], et l’évaluation de la perception douloureuse congénitale du rachis, l’explication était donnée aux parents des
doit être réalisée le plus souvent avec l’aide de la famille et de diverses possibilités fonctionnelles. L’enfant pourrait ne souffrir
l’entourage. [31] d’aucun trouble neurologique (fût-ce au prix d’une intervention
Rappelons ici une complication fréquente chez les enfants chirurgicale majeure stabilisatrice), souffrir d’une paraplégie
présentant une scoliose ou une cyphose importantes dont la incomplète sans troubles sphinctériens ou d’une paraplégie
correction peut entraîner une compression du duodénum par la complète avec troubles sphinctériens. Pour préciser la situation,
pince aortomésentérique. [32] La persistance d’un météorisme et on a réalisé une nouvelle échographie, qui a montré des
de vomissements postopératoires, particulièrement si l’enfant mouvements des jambes apparemment « normaux ». On a donc
présente un morphotype longiligne, doit faire évoquer le déconseillé aux parents de recourir à une interruption théra-
diagnostic. peutique de la grossesse. L’enfant est né avec une paraplégie

Appareil locomoteur 7
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15-878-A-10 ¶ Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques

complète associée à une spasticité et à des troubles sphincté- et les risques vitaux, lorsqu’ils existent, doivent être pris en
riens. Le couple a par la suite abandonné l’enfant. commun. Lorsque survient une complication mettant en jeu le
Était-il « éthique » que je conseille la poursuite de cette pronostic vital, comme chez les nouveau-nés, il faut savoir ne
grossesse ? Chaque cas est un cas particulier, mais il faut avoir pas réanimer de manière excessive. Accepter une complication
en tête pour le médecin non seulement le moment présent mais fatale est un acte éthique, parfois ressenti comme un soulage-
également l’avenir. ment par la famille et les soignants dans les cas les plus terribles
Lorsque l’enfant est né et que l’on constate des anomalies de polyhandicap. C’est la raison pour laquelle les relations avec
neurologiques ou neuromusculaires majeures, le rôle du méde- la famille, quel que soit le handicap, quelle que soit la gravité
cin est bien entendu d’abord de protéger la vie, mais c’est là où de l’intervention envisagée, doivent être d’une transparence
l’on doit aussi discuter ce que risque d’être le futur. Ce n’est pas complète à tous les niveaux. En particulier, afin d’éviter les
parce qu’il y a parfois de bonnes surprises qu’il faut considérer erreurs dues à la multiplicité des interlocuteurs, il est recom-
que cela va justement être le cas pour le malade que l’on a en mandé que le médecin responsable du malade soit l’interlocu-
face de soi. teur privilégié, voire unique, de la famille.
C’est dans ce type de situation que l’on touche les limites de C’est là encore que la relation conscience-confiance est tout
la réanimation exagérée, voire intempestive. aussi importante entre le médecin, le malade et sa famille. Cette
Il n’est pas question ici de pratiquer l’euthanasie, mais de ne relation est tout aussi cruciale au sein de l’équipe soignante
pas pousser au maximum la réanimation lorsque l’équipe dont les membres doivent être en communication (j’allais dire
soignante a la certitude que l’état neuromusculaire ou neurolo- « communion ») permanente.
gique est incompatible avec une vie acceptable.
Je ne prendrai comme exemple que les cas d’amyotrophie Quand faut-il opérer ?
spinale infantile de type I néonatale justifiant une trachéotomie À la différence de l’enfant ou de l’adolescent présentant une
et une ventilation permanente pour toute la vie. C’est par déformation rachidienne qualifiée d’idiopathique, le problème
l’expérience faite avec le maximum de technicité, d’humanité et rachidien du patient présentant une pathologie neurologique ou
de sollicitude pour l’enfant et sa famille que la conclusion musculaire est rarement l’élément « central » du tableau
collégiale a été de ne pas forcer la réanimation de tels nouveau- clinique. Ces patients sont généralement suivis pour leur
nés. C’est la prise de conscience du médecin qui jamais ne affection, depuis de nombreuses années, au sein d’équipes
décide seul mais en équipe, si possible multidisciplinaire, pour spécialisées de neurologie, pédiatrie et rééducation. Ainsi, la
prendre une telle décision. décision de pratiquer un traitement chirurgical intervient au
Dans tous les cas, comme me l’a si bien appris mon maître sein d’une prise en charge plus globale du patient et de la
Pierre Petit, il n’est pas éthique de « demander son avis » à la pathologie causale.
famille, car cela la responsabiliserait et la culpabiliserait pour Plusieurs cas de figures peuvent alors être rencontrés.
toute la vie quelle que soit l’issue des soins prodigués à l’enfant. La déformation rachidienne est évolutive et le traitement orthopé-
Il paraît beaucoup plus « éthique » ou « moral » si l’on veut, de dique ne parvient pas à freiner efficacement la dégradation fonction-
dire à la famille que l’état de l’enfant est au-delà de toute nelle. L’enfant peut ainsi perdre progressivement la marche, la
ressource thérapeutique dans l’état actuel de la science. position assise. Des complications respiratoires, digestives,
La science est bien sûr source de progrès, et la lutte contre la cutanées, peuvent survenir. Le traitement chirurgical est alors à
prématurité est une action salutaire et bénéfique. La course à la considérer afin de mettre un terme à l’aggravation clinique et
survie du nouveau-né prématuré de tout petit poids demeure permettre le retour à une situation fonctionnelle satisfaisante.
néanmoins une source de dérives et de graves dangers tant pour En fonction de l’âge de l’enfant et des éléments de stratégie
l’état neurologique de l’enfant que pour la stabilité des familles, opératoire que nous avons développés, il est nécessaire de
comme on l’a constaté tellement souvent. Il faut bien sûr recourir à une arthrodèse instrumentée postérieure, plus ou
poursuivre les recherches pour évaluer, autrement que par moins étendue et associée ou non à un temps antérieur com-
l’imagerie, le cerveau de ces enfants et dépister les cas où les plémentaire (Fig. 8).
lésions paraissent non seulement majeures, mais également La déformation rachidienne est évolutive mais n’est pas encore
irréversibles, à seule fin de ne pas poursuivre une réanimation responsable d’une dégradation fonctionnelle incontrôlable. En
et mieux annoncer à la famille l’extrême gravité du pronostic revanche, la pathologie neurologique ou musculaire est, elle
neurologique. Savoir cesser la réanimation sans responsabiliser aussi, évolutive et peut être responsable à court ou moyen terme
et culpabiliser les parents est un acte foncièrement éthique d’une dégradation importante de l’état général pouvant contre-
lorsque la décision a été prise de manière collégiale et concertée. indiquer un geste chirurgical lourd de correction-fusion du
Point n’est besoin d’alerter les médias, encore moins d’édicter rachis. Il est alors nécessaire de discuter d’un geste chirurgical
de nouvelles lois lorsque l’on suit les directives hippocratiques, réalisé précocement et de manière préventive. En effet, la
bien sûr adaptées à notre temps, qui restent les bases les plus dégradation de l’état général (cardiaque ou respiratoire comme
pures de l’éthique médicale. dans l’évolution de certaines formes de myopathies) pourrait
Lorsque l’enfant est plus âgé, parfois même à l’adolescence, rendre impossible le traitement chirurgical de la déformation
et que se posent des indications thérapeutiques, en particulier rachidienne lorsque celui-ci va devenir indispensable.
chirurgicales, là encore la réponse est simple. Le médecin a le La déformation rachidienne, son évolutivité et le retentissement
devoir de soigner les malades du mieux qu’il peut et quel que fonctionnel justifient un traitement chirurgical. En revanche, l’état
soit l’état mental du malade. Ceci pose le problème des défor- général du patient rend la stratégie chirurgicale envisagée
mations rachidiennes survenant chez les patients poly- périlleuse. C’est le cas de certains patients dont la fonction
handicapés. respiratoire ou cardiaque s’est progressivement dégradée au
Ne rien faire, on le sait, peut aboutir à des situations de point de mettre en jeu le pronostic vital au cours ou au décours
douleurs atroces, d’impossibilité de s’asseoir pour ceux qui ne d’une intervention chirurgicale. Il est nécessaire dans ces
peuvent tenir debout et même à des états grabataires où, non situations toujours complexes et délicates de mener une
seulement la propre vie du malade est terrible, mais où même discussion claire et argumentée avec l’ensemble des
la vie des personnes qui s’occupent de lui (famille et soignants) intervenants.
devient de plus en plus difficile et éprouvante. C’est pour cela La famille, l’entourage médical et paramédical du patient,
qu’il est nécessaire de les traiter lorsque l’on sait que l’absten- l’équipe anesthésique et les réanimateurs doivent être informés
tion est encore plus nuisible. de la stratégie chirurgicale envisagée, de ses objectifs, mais aussi
Bien évidemment, la concertation avec les médecins de ses limites. Les risques, y compris les risques vitaux, doivent
anesthésistes-réanimateurs pour prendre le maximum de être annoncés avec clarté. Il convient ensuite de décider de la
précautions lors de la réalisation du geste chirurgical est stratégie chirurgicale la plus appropriée qui doit toujours
nécessaire. Elle ne doit pas aboutir à une opposition autour de prendre en compte les risques encourus et les bénéfices escomp-
la question de l’indication thérapeutique. Nos collègues et amis tés. Il est parfois raisonnable de renoncer à un programme
anesthésistes sont des médecins comme le sont les chirurgiens, chirurgical complexe, en plusieurs temps, ou à une extension de

8 Appareil locomoteur

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Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques ¶ 15-878-A-10

Figure 8. Le but de la prise en charge de ces


patients est de stabiliser la déformation du rachis,
durablement et avec un équilibre du tronc satisfai-
sant. Il est parfois nécessaire de recourir à des
programmes thérapeutiques lourds, surtout lors-
que l’obliquité pelvienne est importante comme
chez ce patient.
A. Radiographie préopératoire de face en position
couchée.
B. Radiographie de face, 18 mois après la correc-
tion chirurgicale.
Iconographie due à l’obligeance du Dr Morin.

l’arthrodèse vers le bassin au profit d’un geste opératoire plus « Motrice » signifie que l’autonomie est d’abord limitée par
court, moins hémorragique, avec des suites opératoires plus les perturbations neuromotrices. Cela élimine les cas dans
simples. lesquels le retard d’autonomie est d’abord lié à un retard
mental.
Infirmité motrice d’origine cérébrale (IMOC). Au départ,
l’IMOC regroupait les IMC et les encéphalopathies, mettant
■ Stratégies thérapeutiques l’accent sur les similitudes des complications orthopédiques
dans l’une et l’autre formes de handicap. Certains limitent
spécifiques en fonction aujourd’hui la définition aux formes comportant un retard
des différentes étiologies mental moyen ou profond. C’est une déviation.
« Cerebral palsy ». La paralysie cérébrale des Anglo-Saxons
neurologiques ou musculaires ne recouvre pas exactement les mêmes entités selon les pays. Le
terme équivalent français est l’IMOC.
des déformations rachidiennes Cérébrolésé. Ce terme générique désigne un sujet porteur
d’une lésion cérébrale sans préjuger de l’évolutivité ni de l’âge
Déformations d’origine neurologique de survenue. Il mêle les séquelles cérébrales fixées et les
affections évolutives. Il est imprécis et à éviter.
centrale Polyhandicap. Ce terme recouvre toutes les atteintes physi-
ques (motrices mais aussi sensorielles) par lésion cérébrale
Infirmité motrice d’origine cérébrale néonatale ou acquise, associées à un retard mental sévère.
(« cerebral palsy »)
Particularités cliniques
Cadre nosologique. Définitions
Les déformations rachidiennes consécutives à une encéphalo-
Infirmité motrice cérébrale (IMC). Le terme d’IMC a été pathie statique sont l’étiologie actuelle la plus fréquente des
créé par Tardieu dans les années 1950 : « l’infirmité motrice déformations rachidiennes d’origine neurologique.
cérébrale est due à des atteintes cérébrales survenues dans la période L’atteinte neurologique est responsable de contractions
périnatale qui entraînent des troubles de la posture ou du mouvement (spasticité), de rétractions des parties molles, d’atteintes
sans caractère évolutif. Ces atteintes cérébrales ont suffisamment articulaires, de troubles des fonctions supérieures, de la vision,
préservé les facultés intellectuelles pour permettre une scolarisation ». de l’audition et enfin de problèmes respiratoires ou digestifs.
« Infirmité » s’oppose à « maladie » : il s’agit d’une séquelle L’évaluation et la prise en charge de l’ensemble du « ter-
neurologique non évolutive. En revanche, les conséquences rain » sont essentielles pour la bonne conduite du traitement de
orthopédiques peuvent être évolutives. la déformation rachidienne.

Appareil locomoteur 9
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15-878-A-10 ¶ Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques

Figure 9. Patient présentant une diplégie spas-


tique des membres inférieurs et une hypotonie
axiale du tronc. Celle-ci est responsable d’une at-
titude en cyphose globale (A). Après correction
chirurgicale (B), l’équilibre sagittal du tronc per-
met de maintenir une position assise plus confor-
table.

Figure 10.
A. Patient présentant une infirmité motrice d’origine cérébrale responsable d’une déformation rachidienne avec hyperlordose lombaire.
B. La correction chirurgicale permet de redonner une statique correcte dans le plan sagittal et une position assise confortable.

Les déformations rachidiennes sont beaucoup plus fréquentes Les déformations rachidiennes sont le plus souvent des
chez les patients souffrant d’une atteinte corporelle globale avec scolioses associées ou non à des cyphoses (Fig. 9). Les hyperlor-
tétraparésie spastique (de 65 à 70 %) que dans les cas de doses sont plus rares et sont liées à l’hypertonie des muscles
diplégie ou d’hémiplégie spastique (moins de 10 %). [35] postérieurs du rachis plus ou moins associée à un flessum de
Les déformations rachidiennes sont souvent posturales avant hanche (Fig. 10).
d’être structurales. Les déformations posturales sont liées au
déséquilibre frontal ou sagittal du tronc secondaire aux asymé- Le retentissement de la déformation rachidienne est d’autant
tries d’application des forces musculaires. plus marqué que l’atteinte neurologique est importante.

10 Appareil locomoteur

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Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques ¶ 15-878-A-10

“ Point fort
Retentissement des attitudes vicieuses des han-
ches sur le rachis
• Attitudes vicieuses sans retentissement rachidien.
Celles qui sont symétriques à condition qu’elles ne
retentissement pas sur le statut fonctionnel.
Exemples :
C limitation du volant d’abduction ;
C rotation prédominante dans un secteur ;
C flessum modéré ;
• Attitudes vicieuses avec retentissement rachidien.
Attitudes vicieuses en extension :
C perturbent la station assise ;
C entraînent une déformation en cyphose ;
Bassin oblique de cause basse :
C déformation tridimensionnelle ;
C entraîne une courbure scoliotique.
• Faut-il traiter les attitudes vicieuses de hanches ?
C Oui pour mener au mieux le traitement
orthopédique ou chirurgical de la déformation
Figure 11. Les radiographies de profil du bassin en position d’extension rachidienne.
maximale de la hanche permettent de quantifier le flessum de hanche de C Mais il n’est pas démontré que le traitement des
manière fiable et reproductible. Ce flessum est quantifié par l’angle formé attitudes vicieuses de hanche influence l’évolutivité
entre la droite unissant la partie antérieure du promontoire sacré et le de la déformation rachidienne. Cependant, la
centre géométrique des têtes fémorales et la droite matérialisant l’axe de
suppression des causes basses néfastes permet un
la diaphyse fémorale.
meilleur positionnement du bassin et facilite le
traitement de la déformation rachidienne.
Ces patients présentent du fait de la déformation rachidienne
des difficultés de plus en plus grandes à maintenir la position
assise, nécessitant l’attention permanente de l’entourage.
Le mauvais équilibre rachidien en position assise entraîne des permettent de guider au mieux les enfants hypotoniques.
complications cutanées (ischions, grands trochanters) et surtout Parfois, le passage à un système plus contraignant par un corset
perturbe l’équilibre global du tronc en position assise avec de type garchois est impératif en raison de l’évolutivité de la
toutes ces conséquences fonctionnelles. Il faut souligner que les déformation. Chez les sujets présentant une déformation sévère
conséquences fonctionnelles ne sont pas seulement d’ordre que le terrain, trop mauvais, rend inopérable, l’emploi d’un
orthopédique, mais aussi respiratoires ou digestives ... siège moulé selon les contours de la déformation permet de
À la différence de l’évolutivité des scolioses idiopathiques qui prolonger la position assise rendue difficile.
s’accentuent lors du pic de croissance pubertaire, l’évolutivité Le traitement chirurgical ne se discute pas chez le patient
est souvent plus précoce, dès l’âge de 7 ou 8 ans. Cette évolu- ayant un intellect correct et à plus forte raison si ses capacités
tivité est également plus longue et peut se poursuivre après l’âge de déambulation ou de transfert sont conservées. Lorsque la
de 20 ans, et même à l’âge adulte (persistance des facteurs de déformation est évolutive, qu’elle risque d’entraîner une
déséquilibres musculaires). [36] détérioration du rachis lombaire inférieur ou qu’elle est respon-
L’évaluation radiographique est parfois difficile et nécessite sable d’un déséquilibre rachidien, les règles sont les mêmes que
l’investissement du chirurgien ou du rééducateur aux côtés du pour les déformations idiopathiques. Il faut intervenir suffisam-
radiologue et des manipulateurs. Le positionnement du patient ment tôt pour éviter d’enraidir la charnière lombosacrée et ainsi
qui présente parfois des déformations pelviennes dans les trois risquer d’altérer les capacités motrices du patient.
plans de l’espace doit être méticuleux afin d’interpréter correc- En revanche, chez les patients les plus graves, lourdement
tement la déformation rachidienne. L’évaluation du flessum des handicapés et dont les fonctions sont fortement atteintes, la
hanches peut bénéficier d’examens radiologiques en décubitus décision d’un traitement chirurgical reste soumise à de nom-
latéral et en extension de hanche. Il est ainsi possible de breux débats et controverses. [37] Pour notre part, nous pensons
quantifier le flessum de manière reproductible (Fig. 11). que, lorsque la qualité de vie de ces patients se dégrade du fait
La réductibilité de la déformation de face, de profil et de de l’évolutivité de la déformation rachidienne, il est licite
l’obliquité pelvienne fait appel à de nombreux clichés dynami- d’intervenir lorsque l’état général du patient le permet. Cette
ques en inclinaison forcée frontale ou sagittale. Quand elle est dégradation fonctionnelle peut comporter des douleurs, des
faisable, la radiographie sur cadre en traction est de grande troubles de la déglutition plus fréquents, des difficultés rencon-
utilité. trées par l’entourage lors des soins, une perte progressive de la
Le concept de vertèbres « pelvienne » ou « intercalaire » station assise etc.
permet de mieux comprendre et traiter l’interface hanches- Dans tous les cas, l’équipe médicale doit rester à l’écoute du
rachis. patient et de son entourage, et savoir proposer à chaque cas
particulier une solution mesurée et adaptée. Il faut savoir
Particularités thérapeutiques proposer une solution chirurgicale qui procure, certes au bout
Le traitement orthopédique est important chez l’enfant d’un cheminement thérapeutique parfois long et difficile, une
immature qui présente une déformation rachidienne évolutive. réelle amélioration fonctionnelle.
Les postures et la confection d’un appareillage adapté pour Lorsqu’une décision chirurgicale est prise chez ces patients, il
lutter contre un mauvais positionnement du tronc, du bassin et s’agit le plus souvent d’une longue arthrodèse instrumentée
des membres inférieurs sont précocement entreprises pour depuis le rachis thoracique supérieur jusqu’au bassin à l’aide de
canaliser au mieux le tronc et les membres. Les sièges moulés l’un des nombreux matériels segmentaires dérivés de l’instru-
avec ou sans têtière sont de plus en plus performants et mentation de type Cotrel-Dubousset.

Appareil locomoteur 11
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15-878-A-10 ¶ Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques

Il peut être nécessaire de pratiquer un premier temps de métabolisme de l’acide linoléique. [40] Le couplage complet entre
libération antérieure, parce que la courbure principale est l’anomalie génétique causale et son expression clinique reste
particulièrement raide ou que l’obliquité pelvienne n’est pas encore soumis à de multiples controverses.
suffisamment réductible [38], ou que l’enfant est encore imma- La forme classique de l’ataxie de Friedreich (nous ne
ture (risque d’effet vilebrequin). détaillons pas ici les multiples tableaux cliniques des autres
L’utilisation de substituts osseux ou de greffons autologues ataxies héréditaires) comporte plusieurs signes cliniques cons-
permet de gagner sur la durée de la chirurgie chez les patients tamment présents et d’autres qui peuvent être inconstants.
les plus fragiles. Ainsi, les symptômes débutent toujours avant l’âge de 25 ans et
La fixation sacrée est parfois difficile chez ces patients comportent une ataxie progressive des membres, visible lors de
souvent très ostéoporotiques et nous avons pour notre part une la marche, et une dysarthrie. Les examens électrophysiologiques
préférence pour la fixation par vissage iliosacré. mettent constamment en évidence une diminution de la
L’association d’une déformation rachidienne et d’une attitude vélocité de conduction des potentiels moteurs, associés à une
vicieuse des hanches pose au chirurgien une question fonda- faible amplitude, voire une absence, des potentiels sensitifs. De
mentale : à quel moment traiter les hanches (avant ou après le manière inconstante, ce tableau clinique s’accompagne d’une
traitement de la déformation rachidienne) ? déformation rachidienne, d’une hypertonie pyramidale et d’une
perturbation de la sensibilité arthrokinesthésique des membres
inférieurs, d’une aréfléxie tendineuse des membres supérieurs et
d’anomalies électrocardiographiques. Les signes oculaires,
l’association à un diabète ou à un pes cavus (pied creux) sont

“ Point fort beaucoup plus rares.


Dans la forme typique de l’ataxie de Friedreich, la prévalence
des déformations rachidiennes de type scoliotique est voisine de
Association d’une déformation rachidienne et 100 %. Dans certaines séries où la prévalence rapportée est
d’une attitude vicieuse des hanches : à quel moindre, il est vraisemblable que d’autres ataxies héréditaires,
moment traiter les hanches (avant ou après le moins sévères, sont également prises en compte.
traitement de la déformation rachidienne) ? À la différence des scolioses idiopathiques, les garçons sont
aussi représentés que les filles et les courbures à convexité droite
Les hanches doivent être traitées avant le rachis dans les
sont aussi nombreuses que les courbures à convexité gauche. En
attitudes vicieuses en extension de hanche revanche, le type de courbure rencontré est plus proche des
Les hanches doivent être traitées après le rachis en cas de scolioses idiopathiques que des déformations d’origine neuro-
flessum important perturbant la fonction ou les musculaire. Ainsi, la grande courbure unique thoracolombaire,
installations classique chez le patient neurologique, n’est retrouvée que dans
Dans les cas d’obliquité supra- et infrapelvienne, la environ 20 % des cas, alors que la courbure combinée thoraci-
correction des attitudes vicieuses de hanches est au mieux que et lombaire représente plus de 50 % des déformations [41].
réalisée après fixation rachidienne sur un tronc équilibré Les scolioses rencontrées chez les patients porteurs d’une ataxie
par rapport au bassin incorporé dans la fixation-fusion de Friedreich sont radicalement différentes de celles rencontrées
La chirurgie des hanches peut être programmée avant ou par exemple chez les patients souffrant d’IMOC. En particulier,
la rotation des vertèbres apicales est beaucoup moins
après le rachis dans les bassins obliques d’origine mixte
prononcée.
Il est fréquent de diagnostiquer précocement les déformations
rachidiennes chez ces patients dont le suivi est régulier dès que
le diagnostic est posé. Les courbures sont souvent initialement
modérées, inférieures à 20°, avec une faible rotation vertébrale,
Ataxie de Friedreich
traduisant les difficultés de maintien de la posture assise ou
L’appellation de « maladie de Friedreich » ou ataxie de érigée entraînées par l’ataxie. Le suivi clinique et radiologique
Friedreich a été proposée par l’école neurologique française en doit être particulièrement attentif car l’évolutivité de la défor-
1882, année de la disparition de Nikolaus Friedreich. La mation rachidienne peut être très rapide, particulièrement si la
description clinique initiale est toujours d’actualité et est maladie est rapidement évolutive, chez un enfant ou un
commune à l’ensemble des pathologies entraînant une dégéné- adolescent.
rescence héréditaire de l’axe spinocérébelleux. Ainsi, si l’ataxie En raison du pronostic redoutable de l’affection, entraînant le
de Friedreich est la forme la plus fréquente de dégénérescence plus souvent le décès du patient au cours de la troisième
spinocérébelleuse progressive et héréditaire, au total, plus de décennie, l’évolutivité de la déformation rachidienne n’est pas
cinquante syndromes ataxiques héréditaires sont dénombrés à forcément au premier plan des impératifs thérapeutiques. Ainsi,
ce jour. seulement un tiers des patients va présenter une aggravation
La classification nosologique de ces ataxies héréditaires, sévère de sa scoliose nécessitant un traitement actif, orthopédi-
proposée par Barbeau [39], fait appel au mode de transmission que ou chirurgical. Il est donc nécessaire de surveiller ces
génétique de l’affection (dominant, récessif, lié ou non aux patients, particulièrement au cours de la poussée de croissance
chromosomes sexuels), l’évolutivité ou non de l’affection, l’âge pubertaire, afin de dépister les scolioses rapidement évolutives,
de début des symptômes, l’existence d’une hyperréflectivité ou pouvant bénéficier d’un traitement précoce.
au contraire d’une aréflexie ostéotendineuse, et enfin le type Les traitements orthopédiques par corsets sont généralement
d’ataxie qui peut être « pure », traduisant une atteinte relative- peu efficaces lorsque la scoliose est très évolutive. De nombreu-
ment isolée de la voie spinocérébelleuse, ou associée à une ses séries confirment la tolérance médiocre du port de corset
atteinte plus diffuse du système nerveux central. L’ataxie de chez ces patients. Tout au plus peut-on insister à traiter
Friedreich peut ainsi être définie comme une ataxie de trans- orthopédiquement les enfants présentant des déformations
mission autosomique récessive, d’évolution progressive, surve- rachidiennes très précoces et ainsi leur permettre de poursuivre
nant précocement dans l’enfance, avec hyporéflexie ou aréflexie un certain temps une croissance rachidienne avant de recourir
ostéotendineuse et une atteinte prédominante de l’axe à l’arthrodèse. [41]
spinocérébelleux. Le traitement chirurgical comporte une correction de la
Depuis la découverte de l’anomalie chromosomique en cause déformation et une arthrodèse, le plus souvent instrumentée par
dans la survenue de la maladie de Friedreich (siégeant sur le un matériel segmentaire. Il n’est pas nécessaire de recourir
bras long du chromosome 9), plusieurs mécanismes étiopatho- forcément à de longues arthrodèses prenant le bassin, sauf bien
géniques ont été mis en évidence. Il s’agit essentiellement de évidemment s’il existe une courbure lombosacrée structurale ou
perturbations métaboliques cellulaires, comme des anomalies du une forte obliquité pelvienne. En revanche, bien que le plus
complexe de la pyruvate déshydrogénase ou un trouble du souvent les limites de l’instrumentation soient déterminées

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Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques ¶ 15-878-A-10

selon la même stratégie que dans la scoliose idiopathique, il est


prudent de pratiquer une arthrodèse remontant assez haut
jusqu’en T2 ou T3 afin d’éviter l’apparition d’une cyphose
thoracique supérieure, au-dessus du segment rachidien fusionné.
Le véritable enjeu de ce traitement chirurgical est la prise en
charge du terrain général qui peut être très défavorable.
Le bilan, en particulier cardiaque, peut venir contre-indiquer
formellement la chirurgie, ce qui est un élément notable de la
décision de ne pas trop tarder à opérer ces patients lorsque l’on
a le sentiment que la situation rachidienne se détériore.
Signalons chez ces patients l’impossibilité de pratiquer une
surveillance peropératoire des potentiels évoqués sensitifs. Il est
néanmoins possible de pratiquer la surveillance à l’aide des seuls
potentiels évoqués moteurs et, si cela est nécessaire, par le test
du réveil peropératoire selon Stagnara.
Il est prudent de maintenir le port d’un corset thoracolom-
baire de protection durant 4 à 6 mois après l’intervention
chirurgicale. En effet, les chutes sont fréquentes en raison de
l’ataxie, particulièrement chez les patients ayant conservé une
marche autonome.

Syringomyélie
La constitution d’une cavité syringomyélique peut être la
conséquence de nombreuses pathologies au premier rang Figure 12. L’imagerie par résonance magnétique réalisée chez cette
desquelles on retrouve les malformations de Chiari, les cloison- patiente met en évidence sur des coupes sagittales de la charnière
nements méningés post-traumatiques et les tumeurs médullai- craniorachidienne réalisée en pondération T1 une cavité syringomyélique
res. Les pathologies méningées de la base du crâne tout comme importante étendue sur l’ensemble de la moelle cervicale (1) et associée à
les pathologies du filum terminale responsables d’une moelle une cavité syryngobulbique (2). L’examen clinique de cette patiente était
attachée en position basse peuvent également être responsables normal à l’exception de quelques fasciculations linguales.
de la constitution d’une syringomyélie. [42]
Un trouble de la circulation du liquide cérébrospinal (LCS)
entre les citernes de la base du crâne et le canal rachidien serait Une fois que le diagnostic de syringomyélie est établi, le
à l’origine de la cavitation progressive de la moelle. L’hypothèse traitement de sa cause devient impératif en cas de signes
formulée par Gardner fait référence à la persistance d’un canal
neurologiques ou de déformation rachidienne évolutive. En
central permettant la communication entre le canal épendy-
effet, il n’est pas envisageable de pratiquer une correction ou
maire et la partie la plus caudale du quatrième ventricule. Dans
une fusion, même partielle, de la déformation du rachis alors
les cas d’obstruction des voies habituelles d’écoulement du LCS
que la moelle est en situation précaire au sein du canal
depuis le quatrième ventricule, les pulsations répétées du LCS
seraient responsables de la cavitation médullaire progressive au médullaire. Le traitement fait appel à une décompression du
départ de ce canal central. foramen magnum dans les cas de malformations de Chiari, à
La présentation clinique de ces patients est extrêmement une section du filum terminale en cas de moelle attachée
variable. La constitution du tableau clinique peut passer basse ou à des procédures plus complexes de dérivations
relativement inaperçue tant elle peut être lente et progressive. lorsqu’il existe par exemple des synéchies méningées de causes
Dans les cas de malformations de Chiari, il peut être difficile de diverses.
distinguer les signes proprement imputables à la cavité syringo- Le traitement orthopédique est difficile lorsque la déforma-
myélique et ceux secondaires à la protrusion des tonsiles tion rachidienne est thoracique supérieure, voire cervicothora-
cérébelleuses. En effet, il existe parfois une extension craniale de cique. Dans ce cas, seul un appareillage dérivé du corset de
la cavité syringomyélique au tronc cérébral responsable d’une Milwaukee peut avoir une certaine efficacité. Lorsque la défor-
« syringobulbie ». Le signe clinique le plus classique est l’exis- mation est fortement évolutive, le recours au traitement
tence d’un déficit sensitif, suspendu, touchant principalement la chirurgical est souvent nécessaire avant la fin de la croissance
voie nociceptive, et associe des douleurs cervicales et occipitales. du rachis. [45]
Ce déficit peut être asymétrique. Classiquement les perturba- Le traitement chirurgical peut être dangereux, particulière-
tions de la sensibilité thermique et algique sont associées à une ment si la régression de la cavité synringomyélique et des signes
sensibilité tactile et proprioceptive conservée. Dans les formes cliniques est incomplète après traitement de la pathologie
sévères, une faiblesse motrice des membres supérieurs et causale, ce qui représente la situation la plus fréquente. Il est
l’existence d’arthropathies neuropathiques (arthropathies de prudent, particulièrement lorsque la déformation est raide, de
Charcot) peuvent être associées.
réaliser une période préalable de préparation en traction par
Une association nette entre syringomyélie et scoliose est
halocranien pendant environ 3 semaines. Cette période préala-
retrouvée dans la littérature. De 20 à 25 % des patients présen-
ble a pour but d’obtenir une correction douce et progressive de
tant une syringomyélie développent une scoliose. [43] Il s’agit le
la déformation tout en surveillant de près le statut neurologique
plus souvent de scoliose thoracique supérieure, à convexité
du patient.
gauche (Fig. 12). Il est donc nécessaire de rechercher une
anomalie médullaire devant ce type de courbure et ne pas la Chez le jeune enfant ou lorsque les conditions techniques ou
qualifier de « scoliose idiopathique ». L’imagerie par résonance mécaniques ne sont pas favorables à la réalisation d’une
magnétique (IRM) est l’examen morphologique par excel- ostéosynthèse (par exemple, en cas de courbure cervicothoraci-
lence. [44] Elle permet de faire le diagnostic de syringomyélie, que), une arthrodèse isolée, circonférentielle ou non, peut être
mais également d’en préciser la cause (malformation de Chiari, réalisée sous couvert d’une immobilisation de plusieurs mois par
tumeur, moelle attachée basse etc.). Les séquences récentes un dispositif de halocorset. Il est prudent de mettre en place le
permettant l’étude des flux de LCS entre les citernes de la base système de halocorset quelques jours avant l’arthrodèse afin de
du crâne et le canal médullaire sont d’une aide précieuse dans surveiller l’état neurologique du patient, puis de réaliser
la compréhension des mécanismes en cause comme les troubles l’arthrodèse en place, sans pratiquer de manœuvres de correc-
de la circulation du LCS. tion intempestives (Fig. 13).

Appareil locomoteur 13
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15-878-A-10 ¶ Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques

Figure 13. Les pathologies médullaires comme la syrin-


gomyélie sont fréquemment responsables de déforma-
tions thoraciques supérieures ou cervicothoraciques qui
peuvent être très sévères. Cette adolescente présentait
une scoliose cervicothoracique droite sévère (A). Noter
l’aspect de cyphose, essentiellement rotatoire, sur l’inci-
dence de profil (B).

L’ostéosynthèse des courbures thoraciques supérieures ou 6 mois et l’âge de 3 ans. L’évolution peut ensuite se faire selon
cervicothoraciques est techniquement difficile. Il existe un plusieurs phases, d’abord de stagnation des acquisitions
risque important de faillite mécanique, notamment sur les (stade I), puis de régression rapide du développement psycho-
implants de la partie supérieure du montage. Il faut également moteur (stade II), suivie d’une période « pseudo-stationnaire »
signaler les cervicalgies fréquentes que présentent ces patients à (stade III) et enfin d’une détérioration motrice tardive (stade IV).
la contre-courbure sus-jacente d’équilibration. Il ne paraît
Le plus souvent, la déformation rachidienne est une longue
toutefois pas raisonnable de proposer de principe une arthro-
courbure thoracolombaire avec obliquité pelvienne, avec un
dèse étendue en raison du retentissement fonctionnel occa-
sionné par l’enraidissement du rachis cervical. effondrement du tronc en cyphose. Parfois, une hypocyphose,
voire une lordose thoracique peut être observée, avec des
Syndrome de Rett courbures présentant des angulations plus faibles. [47]
Le syndrome de Rett est une affection neurologique progres- Chez certains patients conservant des possibilités de déambu-
sive touchant exclusivement les filles. Sa prévalence reste rare lation autonome, l’évolutivité de la scoliose est parfois forte et
(entre 1 et 1,5 cas pour 10 000 habitants). Il s’agit d’une responsable de déformations importantes du tronc et d’un
affection dont la survenue est habituellement imprévisible au déséquilibre. Dans ces conditions, un traitement efficace doit
sein d’une fratrie, bien qu’une origine génétique, liée au sexe, être proposé.
semble incontournable. [46] Le traitement orthopédique est parfois décevant. Incapable de
Les manifestations cliniques sont relativement homogènes, contenir la forte évolutivité de la majorité de ces courbures, il
avec apparition progressive d’un retard mental avec une est le plus souvent une solution d’attente avant la chirurgie.
régression des acquisitions psychomotrices sur un mode de
Peu d’auteurs rapportent des séries importantes de patients
comportement autistique, une perte de la coordination motrice
traités chirurgicalement. Bien que l’évolution de la maladie se
et de l’utilisation des membres supérieurs qui sont progressive-
ment remplacées par une motricité de type ataxique et stéréo- fasse rapidement vers la dépendance complète et la perte de la
typée. La marche est également profondément altérée et marche, le traitement chirurgical, principalement des courbu-
ataxique. Enfin, on constate le développement progressif d’une res sévères avec un déséquilibre frontal ou sagittal important,
microcéphalie alors que le périmètre crânien était normal à la peut amener à une amélioration transitoire des possibilités de
naissance et dans les premières années de vie. Ce qui est déambulation. [48] Il faut signaler, chez les patients présentant
remarquable dans cette affection, c’est la normalité de l’examen une obliquité pelvienne, la fréquente nécessité de réaliser des
clinique de ces enfants, et par conséquent la parfaite mécon- fusions étendues vers le bas jusqu’au bassin. Dans ce cas, le
naissance du diagnostic, dans les premiers mois de vie. Les but à atteindre est de rétablir l’équilibre du tronc en position
premiers signes cliniques débutent habituellement entre l’âge de assise.

14 Appareil locomoteur

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Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques ¶ 15-878-A-10

Déformations d’origine neurologique


périphérique
Poliomyélite
La poliomyélite antérieure aiguë est secondaire à l’atteinte
virale des motoneurones de la corne antérieure de la moelle
épinière et du tronc cérébral par l’un des trois types de polio-
virus répertoriés à ce jour. Fort heureusement, la très grande
majorité de ces infections n’entraîne que des signes digestifs
mineurs, mais environ 1 % sont responsables de formes sévères
avec déficits neurologiques.
La poliomyélite est restée au centre des préoccupations de
santé publique jusqu’à l’arrivée de la vaccination en Europe et
en Amérique du Nord dans les années 1950. Bien que l’éradica-
tion complète de la maladie ait été proclamée dès l’année 2000,
quelques foyers sporadiques de la maladie sont encore réperto-
riés dans les pays du tiers monde. En outre, cette affection
entraînant des déficits neurologiques définitifs, une multitude
de patients demeurent définitivement handicapés et nécessitent,
encore pour plusieurs décennies, une prise en charge
orthopédique. [49]
C’est notamment le cas des déformations rachi-
diennes secondaires à l’infection poliomyélitique. Ainsi, plus de
60 000 scolioses dues à cette infection seraient recensées sur le
seul territoire chinois. L’incidence de survenue de déformations
scoliotiques reste relativement imprécise, probablement de
l’ordre de 20 %, et est avant tout l’apanage des formes sévères
de la maladie touchant les muscles du tronc.
La topographie des courbures rencontrées dépend directement
de l’étendue et du siège des paralysies musculaires.
Le type de courbure le plus fréquemment rencontré est la
courbure lombaire (Fig. 14). [50] Celle-ci peut être due à une
paralysie asymétrique des muscles de la paroi abdominale,
responsable d’un déséquilibre de la balance musculaire autour
du rachis en croissance. Le plus souvent, une obliquité pel-
vienne de cause basse est également à l’origine de la déforma-
tion rachidienne. La cause « basse » d’obliquité pelvienne peut
être une inégalité de longueur des membres inférieurs lorsque
ceux-ci présentent des paralysies ou une rétraction asymétrique
des muscles périarticulaires de la hanche. Une contre-courbure
thoracique sus-jacente est habituellement présente, mais
d’amplitude plus modérée.
La classique courbure thoracolombaire est rencontrée dans les
formes avec paralysie moins étendue.
Les courbures combinées thoraciques et lombaires sont dues
à des atteintes étendues de toute la musculature du tronc. Dans
ce cas, il existe une hypotonie majeure avec effondrement du
tronc en cyphose, le plus souvent à la jonction des deux
courbures. Il s’agit là d’une réelle cyphose dans le plan sagittal
et la rotation vertébrale reste généralement modérée. Ces formes
très hypotoniques sont fort heureusement le plus souvent
réductibles, ce qui peut être apprécié sur les clichés en traction.
Les courbures thoraciques isolées sont secondaires à des Figure 14. Aspect préopératoire de face (A) et de profil (B) d’une
paralysies musculaires touchant les régions scapulaires. Elles scoliose lombaire chez une patiente présentant une séquelle de poliomyé-
s’associent fréquemment à des contre-courbures thoraciques lite antérieure aiguë ayant touché le tronc et les membres inférieurs. Cette
supérieures et inférieures d’équilibration. déformation sévère, responsable d’une obliquité pelvienne, est assez
L’évolutivité de ces déformations est sans doute moins forte correctement corrigée de face (C) et de profil (D) après réalisation d’un
que dans beaucoup d’affections neurologiques ou musculaires, temps de libération antérieure de la région lombaire suivi d’une
particulièrement lorsque celles-ci entraînent une aggravation correction-fusion par voie postérieure avec prise du bassin par des vis
progressive des déficits. Dans la poliomyélite, le caractère stable iliosacrées.
et fréquemment peu étendu des paralysies des muscles du tronc
a donné aux déformations scoliotiques secondaires leur relati-
vement bonne réputation. longueur des membres inférieurs, une déformation des pieds,
Il reste indispensable de surveiller de près ces scolioses, une raideur de hanche, etc. Comme toujours lorsque l’on parle
particulièrement lombaires, qui peuvent rapidement se détério- d’une affection neuromusculaire, le but à atteindre est un tronc
rer et être responsables d’une obliquité pelvienne et d’une perte stable et équilibré, au-dessus d’un bassin bien orienté et
des capacités de déambulation. Cette surveillance doit bien permettant de conserver les possibilités d’autonomie et de
entendu être poursuivie durant toute la vie, même à l’âge déambulation les meilleures possibles.
adulte ! L’intérêt du traitement orthopédique reste limité aux seules
La prise en charge thérapeutique de ces patients revient à courbures évolutives de l’enfant. Dans ce cas, il permet de
résumer l’ensemble de l’orthopédie ! Le traitement d’une ralentir la progression et de conserver un équilibre du tronc
déformation rachidienne est indissociable des problèmes relativement correct. Il faut veiller au retentissement respiratoire
rencontrés chez ces patients pour traiter une inégalité de de l’immobilisation par corset, particulièrement s’il s’agit

Appareil locomoteur 15
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15-878-A-10 ¶ Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques

d’enfants jeunes présentant une atteinte paralytique des muscles


respiratoires. Le traitement par corset apporte généralement une
bonne amélioration des courbures avec effondrement hypoto-
nique du tronc en cyphose, mais il faut là encore veiller au
retentissement respiratoire.
Le traitement chirurgical permet de corriger et de stabiliser la
déformation rachidienne. [51] Il doit être proposé avec prudence
chez les patients présentant une atteinte sévère des muscles
respiratoires et peut être alors précédé d’une phase de prépara-
tion par halotraction. [52]
Depuis l’expérience du Rancho Los Amigos Hospital associant
préparation par halotraction et correction-fusion postérieure à
l’aide du matériel de Harrington, de nombreux progrès ont été
réalisés. Les instrumentations segmentaires de type Cotrel-
Dubousset permettent de pratiquer des corrections chirurgicales
meilleures et de tenir compte du profil sagittal du rachis,
particulièrement en zone lombaire.
Les indications restent classiques, réservées aux courbures
évolutives ou responsables d’un déséquilibre frontal ou sagittal. Figure 15.
Lorsqu’une obliquité pelvienne est associée, il peut être néces- A, B. Patient de 9 mois, assis dans une coque moulée.
saire de réaliser une arthrodèse avec correction étendue jusqu’au
bassin. Ceci doit être mis en balance avec la perte de l’autono-
mie de déambulation, parfois précaire, engendrée par l’enraidis- L’atteinte rachidienne est fréquente, à type de scoliose
sement de la colonne. paralytique à grand rayon, pouvant être associée à un bassin
Il faut enfin insister sur le caractère très particulier de la oblique chez les patients qui ont déjà perdu la marche. Elle peut
discussion thérapeutique entre les médecins et les patients apparaître précocement, dès les premières années de la vie,
porteurs de cette affection. Le plus souvent, ces patients ont nécessitant un traitement orthopédique par un corset de type
développé une autonomie et une maturité particulièrement garchois, le mieux adapté pour le traitement des scolioses
poussées au travers de leur handicap. Les avantages et les neuromusculaires, car il respecte parfaitement la liberté des
inconvénients de la chirurgie, la complexité du programme mouvements de la cage thoracique, d’autant plus que ces
chirurgical, la nécessité de prendre en compte le problème du patients ont une fonction respiratoire plus ou moins altérée ; il
rachis mais également celui des autres articulations périphéri- est en outre facile à mettre en place et à retirer pour les parents
ques, tous ces éléments qui font la complexité de l’orthopédie et pour le personnel soignant de ces enfants (Fig. 16). Il est
appliquée à la poliomyélite sont bien souvent parfaitement quelquefois nécessaire de le faire précéder par un corset plâtré
perçus par le patient. C’est ce qui fait ce côté parfois « difficile » correcteur, pour une durée de 2 à 3 mois, pour rattraper une
mais le plus souvent très « attachant » de la prise en charge de déformation déjà assez évoluée.
tels malades.
Certaines formes de scolioses très évolutives répondent mal
au traitement orthopédique et peuvent nécessiter un traitement
Amyotrophies spinales chirurgical précoce, par une instrumentation rachidienne
postérieure sans greffe, en attendant l’âge de l’arthrodèse
Les déformations rachidiennes dans les amyotrophies spinales
vertébrale définitive. L’instrumentation sans greffe est un
infantiles sont très fréquentes ; elles surviennent plus ou moins
complément du traitement orthopédique par le plâtre et le
précocement, en fonction du type de la maladie. [53] Il existe en
corset ; elle nécessite des interventions chirurgicales périodiques
effet quatre types d’amyotrophies spinales infantiles, selon la
répétées, de remise en tension de l’instrumentation, tous les 6
date d’apparition des troubles, avec des degrés de gravité
à 12 mois, pour accompagner la croissance rachidienne du
croissante. [54]
patient jusqu’à l’âge de l’arthrodèse définitive. Elle est souvent
Type I associée à une épiphysiodèse vertébrale antérieure convexe
(Fig. 17).
C’est la forme la plus sévère, connue sous le nom de maladie
L’arthrodèse vertébrale postérieure avec instrumentation est
de Werdnig-Hoffmann, dont les signes apparaissent dès les
réalisée à la puberté ; elle est souvent étendue de la première ou
premiers mois de la vie, voire en anténatal, se traduisant sur le
la deuxième vertèbre thoracique jusqu’au bassin, qui est lui-
plan orthopédique par une hypotonie majeure du tronc, chez
même plus ou moins oblique (Fig. 18). [55, 56] Elle peut être
un enfant qui ne peut même pas tenir sa tête et qui s’enroule
précédée par une chirurgie antérieure convexe, soit à visée de
sur lui-même, quand on essaye de l’asseoir, à un âge où il
libération dans les formes très évoluées, soit à visée d’épiphy-
devrait normalement tenir assis seul.
siodèse convexe dans les formes à faible maturité squelettique.
Le pronostic vital de ces enfants est souvent réservé, du fait
de la gravité de l’atteinte des muscles respiratoires, renvoyant au La chirurgie rachidienne dans ce groupe de patients est
second plan les problèmes orthopédiques et en particulier délicate du fait de l’altération de leur fonction respiratoire et
rachidiens, qui font l’objet tout au plus de la confection d’une pour certains cas du fait de l’existence de troubles ventilatoires
coque thoracopelvienne moulée, soit en plâtre, soit en maté- secondaires à la déformation rachidienne, en particulier dans les
riaux thermoformables, qui permet de les asseoir (Fig. 15). Rares lordoses thoraciques, qui peuvent provoquer une compression
sont dans ce groupe les enfants qui atteignent l’âge de pouvoir de la trachée ou des bronches souches, nécessitant une chirurgie
porter un corset orthopédique, pour maintenir l’effondrement de décompression antérieure dans un premier temps avant de
de leur colonne. pouvoir réaliser la chirurgie postérieure instrumentée
(Fig. 19). [57] L’examen complémentaire de choix pour recher-
Type II cher les compressions des voies aériennes est le scanner thora-
C’est la forme intermédiaire d’amyotrophie spinale infantile, cique, qu’il faudrait ainsi demander au moindre doute dans le
dont le diagnostic est fait entre 6 et 18 mois, sur une faiblesse cadre du bilan préopératoire (Fig. 20).
et une atrophie musculaire d’évolution lente, chez un enfant Par ailleurs, il faut être très vigilant lors de l’installation de
qui a souvent acquis la marche. ces patients sur la table d’opération, afin de placer correctement

16 Appareil locomoteur

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Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques ¶ 15-878-A-10

Figure 16. Figure 17.


A, B. Fille de 4 ans portant un corset garchois. A, B. Scoliose thoracolombaire droite chez un enfant de 8 ans opéré d’une
épiphysiodèse antérieure convexe, associée à une instrumentation sans
greffe.

Appareil locomoteur 17
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Figure 18.
A, B, C, D. Scoliose à double courbure à prédominance thoracique, opérée d’une arthrodèse vertébrale postérieure avec une instrumentation étendue de
T2 jusqu’au bassin.

Figure 19. Vues de profil clinique (A, B) et radiologique (C, D), d’une patiente de 14 ans présentant une importante lordose thoracique, ayant nécessité une
chirurgie antérieure de décompression bronchique, avant instrumentation postérieure.

18 Appareil locomoteur

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que pour les instrumentations des scolioses idiopathiques et ne


s’étend donc pas jusqu’au bassin. (Fig. 21).
Type IV
Ce sont les formes qui se manifestent à l’âge adulte et
entraînent peu de problèmes orthopédiques ; elles requièrent
généralement très peu ou pas de traitements spécifiques pour
des déformations rachidiennes.

Neuropathies héréditaires motrices et sensitives


(NHMS) [60]
La classification actuelle des NHMS fait appel au type de
lésion anatomopathologique (atteinte des axones ou atteinte de
leur gaine de myéline), aux manifestations électrophysiologi-
ques (essentiellement les vitesses de conductions motrices et
Figure 20. Coupe de scanner montrant la compression des voies aé- sensitives) et leur mode de transmission.
riennes par la déformation du rachis thoracique en lordose. Le type I (NHMS I) comporte essentiellement la maladie de
Charcot-Marie-Tooth également appelée atrophie musculaire
péronière. Les déformations des pieds et les perturbations de la
les appuis thoraciques et éviter ainsi de graves problèmes marche font généralement poser le diagnostic durant la pre-
ventilatoires peropératoires, qui pourraient gêner voire faire mière décennie. L’examen clinique met en évidence une
arrêter le déroulement de l’intervention. atrophie musculaire prédominant sur la loge latérale de la
D’autre part, ces patients doivent systématiquement faire jambe et sur les muscles intrinsèques de la main. Il existe le plus
l’objet, en postopératoire immédiat, d’une rééducation respira- souvent une aréflexie ostéotendineuse. Les perturbations
toire intensive et prolongée, dans un service de réanimation sensitives sont généralement difficiles à mettre en évidence.
respiratoire spécialisé, et pour un certain nombre d’entre eux Le type II (NHMS II) est cliniquement très semblable mais de
une trachéotomie préalable à la chirurgie s’avère indispensable, survenue plus tardive. Le tableau clinique est plus tardif,
pour pouvoir leur apporter l’assistance respiratoire nécessaire en habituellement durant la troisième décennie. L’aréflexie ostéo-
fonction de l’importance de leur déficit. [58, 59]. tendineuse et les déformations des pieds sont plus rares dans le
type II que dans le type I. Il est possible de distinguer le type I
Type III
du type II par la réalisation d’examens électrophysiologiques.
Encore appelé maladie de Kugelberg-Welander, elle survient Bien que certaines formes sévères soient responsables de réels
après l’âge d’acquisition de la marche. Elle est moins pour- handicaps, beaucoup de patients présentant les types I et II de
voyeuse de déformations rachidiennes. Ces dernières peuvent NHMS mènent une vie normale. Certains cas ne sont d’ailleurs
apparaître soit à l’enfance, soit à la puberté ; elles sont généra- jamais diagnostiqués. Le tableau clinique initial portant le plus
lement peu évolutives et répondent bien au traitement ortho- souvent sur le pied et la cheville, celui-ci peut occulter la
pédique par corset de type Milwaukee ou garchois. surveillance et la prise en charge d’une éventuelle pathologie
Un faible nombre de ces patients relève d’un traitement des hanches ou du rachis. Il faut retenir que près de 20 % des
chirurgical par une arthrodèse vertébrale postérieure souvent patients présentant une NHMS de type II et 80 % des enfants
isolée, dont l’instrumentation répond aux mêmes règles de base présentant une NHMS de type I vont présenter une scoliose

Figure 21.
A, B, C, D. Patiente de 16 ans opérée d’une instrumentation postérieure s’arrêtant sur L3.

Appareil locomoteur 19
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15-878-A-10 ¶ Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques

évolutive, et que celle-ci doit être dépistée et convenablement Déformations d’origine neurologique mixte,
traitée. On remarque dans les séries rapportées la prédominance
des courbures thoraciques gauches, fréquemment associées à
centrale et périphérique
une déformation de profil en cyphose. Le traitement orthopé- Lésions médullaires
dique et chirurgical de ces déformations répond aux mêmes
principes que dans le cas de scolioses dites « idiopathiques ». Le Le propos de ce chapitre n’est pas de présenter la prise en
traitement orthopédique par plâtre puis corset aboutit éventuel- charge immédiate ou même secondaire d’un patient présentant
lement en fin de croissance à une correction-fusion vertébrale un traumatisme médullaire. Nous ne traitons pas en effet de la
de la déformation. « déformation rachidienne » initiale secondaire aux lésions
osseuses ou ligamentaires du rachis.
Le type III (syndrome de Dejérine-Sottas ou neuropathie
En revanche, il nous semble indispensable d’exposer ici le
hypertrophique de l’enfance) comporte bien souvent une
problème posé par les déformations rachidiennes qui se déve-
atteinte plus sévère, avec la perte de l’autonomie de la marche
loppent secondairement après les lésions médullaires, principa-
dès l’adolescence. Les quelques cas rapportés de déformations
lement traumatiques.
rachidiennes sont des scolioses avec cyphose hypotonique du Ces déformations peuvent être de causes multiples :
tronc. • l’instabilité chronique, responsable d’une déformation
Le type IV ou maladie de Refsum est beaucoup plus rare. Des progressive du segment rachidien où a eu lieu la lésion
cas sporadiques de déformations rachidiennes ont été rapportés, initiale ;
associées aux autres anomalies osseuses fréquentes dans ce • la faiblesse des muscles périrachidiens, responsable d’un
syndrome. effondrement du tronc en cyphose associée ou non à une
Les types V (entraînant une paraplégie spastique), VI et VII déformation scoliotique ;
(associés à des manifestations oculaires) n’ont pas fait l’objet • chez l’enfant, les lésions des zones de croissance des vertè-
d’une attention particulière quant à leurs éventuelles consé- bres, responsables d’épiphysiodèses asymétriques et de
quences rachidiennes. Comme toute affection neurologique, il déviations rachidiennes évolutives ;
est nécessaire de surveiller ces enfants au cours de leur dévelop- • enfin, également principalement chez l’enfant, les déforma-
pement, et de détecter et traiter précocement toute déformation tions secondaires du rachis après laminectomie, souvent à la
rachidienne évolutive. charnière thoracolombaire ou au-dessus.
Les déformations progressives secondaires à une instabilité
chronique du segment rachidien lésé obéissent aux lois méca-
Neuropathies héréditaires sensitives
niques bien connues en traumatologie rachidienne. Les règles
et végétatives (dysautonomies familiales) [60] de prise en charge orthopédique ou chirurgicale, notamment du
Les neuropathies héréditaires sensitives sont rares et leur risque de cyphose évolutive avec apparition ou aggravation de
diagnostic de certitude est souvent difficile à obtenir. troubles neurologiques, sont connues et largement développées
La forme la plus connue, décrite par Riley et Day (neuropa- dans la littérature.
thie héréditaire sensitive de type III), est caractérisée par son L’apparition d’une scoliose paralytique associée ou non à une
cyphose est une éventualité toujours possible chez l’adulte.
incidence prédominante dans les populations juives ashkénazes
Particulièrement chez le tétraplégique ou le paraplégique haut,
(de 0,5 à 1 cas pour 10 000 naissances). Cette forme se caracté-
l’effondrement du tronc secondaire à l’hypotonie des muscles
rise par la prédominance des symptômes végétatifs (sécheresse
peut conduire à des déformations évolutives avec un retentisse-
oculaire, hypersudation, hypertension ou hypotension
ment fonctionnel important. [62]
orthostatique). [61]
Il faut souligner la survenue d’arthropathies neuropathiques
Les signes cliniques précoces sont parfois discrets ou peuvent du rachis (également appelées maladie de Charcot du rachis)
comporter une hypotonie, des fièvres inexpliquées et des chez des patients paraplégiques ou tétraplégiques. [63, 64] Cette
troubles de la déglutition avec pneumopathies. Plus tardive- pathologie, peu connue, est responsable d’une destruction d’un
ment, les ulcérations cornéennes, un retard de développement ou plusieurs corps vertébraux et d’une déformation évolutive
staturopondéral, des anomalies de la sensibilité, doivent faire avec dislocation progressive du rachis (Fig. 22). L’hypothèse
évoquer le diagnostic. étiopathogénique serait une perte des réflexes proprioceptifs de
Sur le plan orthopédique, l’évolution des neuropathies protection rachidienne du fait de la lésion médullaire, respon-
héréditaires sensitives de type III est sévère. Ces enfants sable d’une destruction progressive d’origine microtraumatique.
présentent fréquemment des troubles de la sensibilité profonde Nous avons pour notre part constaté la survenue de cette lésion
responsables d’arthropathies neuropathiques destructrices chez des patients pratiquant une activité sportive soutenue, ce
(arthropathies de Charcot). Les déformations rachidiennes qui conforterait cette hypothèse. [65]
touchent la grande majorité des patients. Les scolioses sont les Le traitement de cette pathologie, souvent à l’origine de
déformations les plus fréquentes, associées dans plus de la destructions osseuses et d’une instabilité importante, est
moitié des cas à une cyphose thoracique. On note la prédomi- toujours chirurgical. Il faut parvenir à une fusion osseuse, ce qui
nance des scolioses thoraciques à convexité gauche. impose bien souvent de réaliser une arthrodèse circonférentielle
Le début souvent précoce (entre 5 et 10 ans) et la raideur associée à une ostéosynthèse (Fig. 23). Enfin, certains patients
importante de ces scolioses rend leur traitement parfois difficile. peuvent présenter plusieurs localisations successives d’arthropa-
Le traitement orthopédique par corset de type Milwaukee est thies neuropathiques du rachis, touchant préférentiellement les
zones adjacentes à l’arthrodèse initiale et la charnière
souvent insuffisant pour contenir l’évolution en cyphose du
thoracolombaire. [65]
rachis thoracique et de la charnière thoracolombaire. Le
Chez l’enfant, la survenue d’une lésion médullaire avec un
traitement chirurgical doit alors être envisagé. Par ailleurs, les
déficit neurologique est fréquemment à l’origine d’une défor-
complications respiratoires et cutanées sont fréquentes, et
mation scoliotique secondaire évolutive au cours de la crois-
doivent être anticipées et dépistées au cours du traitement sance (Fig. 24). Ainsi, l’incidence de ces déformations est voisine
orthopédique ou chirurgical. de 100 % pour les lésions médullaires survenues avant l’âge de
Quatre autres formes de neuropathie héréditaire sensitive 10 ans pour ne concerner plus que 12 % des enfants dont le
(types I, II, IV et V) ont été décrites. Les formes de type II et V traumatisme est survenu à l’âge de 17 ans. La spasticité,
se caractérisent par une atteinte diffuse, bien que les membres, particulièrement si celle-ci est asymétrique, est un facteur
la face et le tronc puissent être touchés à des degrés variables. favorisant tout à fait majeur. En outre, l’existence de rétractions
Classiquement, ces atteintes neurologiques ne sont pas évoluti- et de contractions musculaires secondaires de la ceinture
ves. Les cas rapportés dans la littérature sont plus sporadiques, pelvienne peut être responsable d’une obliquité pelvienne de
particulièrement concernant la prise en charge des déformations cause basse. La prévention des déformations rachidiennes après
rachidiennes. lésion médullaire doit donc être rappelée. Elle passe d’abord par

20 Appareil locomoteur

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Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques ¶ 15-878-A-10

Figure 22. Exemple d’un patient présentant


une paraplégie traumatique de niveau T7 ayant
développé une maladie de Charcot du rachis
responsable d’une dislocation rachidienne L3-L4.
La destruction rachidienne est importante et ra-
pide, de face (A) et de profil (B). On note, comme
souvent dans les arthropathies neuropathiques
du rachis, l’importante mobilité résiduelle de la
déformation sur les clichés en traction de face (C)
et de profil (D).

le traitement adéquat de la lésion rachidienne initiale. Ensuite, Myéloméningocèles


la lutte contre les attitudes vicieuses du tronc et surtout des Les déformations rachidiennes sont très fréquentes chez les
membres inférieurs doit être entreprise et poursuivie sur le long
patients présentant une myéloméningocèle. Ces déformations
terme. La lutte contre la spasticité, notamment au moyen de
sont de survenue et d’évolutivité précoces. Elles peuvent être la
médicaments, fait également partie de cette stratégie
conséquence des anomalies de fermeture plus ou moins étendues
thérapeutique.
de l’arc vertébral. De nombreuses anomalies vertébrales ou
Le traitement orthopédique de ces déformations est rarement
médullaires peuvent être associées, comme des hémivertèbres, une
suffisant pour contenir une courbure évolutive. Tout au plus
permet-il de gagner du temps, par exemple chez des enfants diastématomyélie, une syringomyélie ou des barres congénitales.
encore jeunes, et d’attendre le moment le plus propice pour le Les anomalies parfois associées du système nerveux central,
traitement chirurgical. Il faut particulièrement porter attention responsables de paralysies ou de spasticités parfois asymétriques,
aux problèmes cutanés rencontrés chez ces patients présentant sont également des causes fréquentes de déformations rachi-
de fréquents troubles de la sensibilité. Les patients obèses ou diennes chez ces patients (Fig. 25). [65]
présentant des courbures déjà raides ont notamment un risque Le plus souvent, ces déformations rachidiennes surviennent
très élevé de développer des escarres cutanées en cas de traite- très précocement, vers l’âge de 2 ou 3 ans. Comme dans les
ment orthopédique. Il est parfois donc plus raisonnable de déformations rachidiennes d’origine congénitale, la stratégie
proposer soit une abstention thérapeutique, soit un traitement thérapeutique doit donc tenir compte de l’important potentiel
chirurgical. de croissance du rachis.

Appareil locomoteur 21
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Figure 23. Arthrodèse circonférentielle et os-


téosynthèse postérieure dans le cas d’une dislo-
cation vertébrale complète par arthropathie neu-
ropathique du rachis. La déformation est impor-
tante, principalement en cyphose sur la radiogra-
phie de profil (A). L’imagerie par résonance ma-
gnétique préopératoire met en évidence l’impor-
tance de la destruction osseuse (B). Le traitement
chirurgical a comporté une arthrodèse antérieure
par un greffon tibial, visible sur la radiographie
postopératoire de profil (C). L’ostéosynthèse
postérieure doit être étendue et de bonne qualité
(D).

Comme chez les patients présentant une IMOC, une hyper- explorations restent toutefois d’interprétation difficile lorsque la
lordose lombaire isolée peut parfois survenir, le plus souvent déformation rachidienne est sévère en raison de la tortuosité du
associée à un flessum des hanches. Ces hyperlordoses peuvent canal rachidien.
également être la conséquence d’un shunt ventriculopéritonéal Le traitement orthopédique est licite chez l’enfant très jeune,
mis en place pour traiter une hydrocéphalie . [66] en cas de déformation rachidienne relativement souple. Chez
Le plus souvent néanmoins, ces patients présentent des ces patients présentant des troubles de la sensibilité, la prudence
scolioses, d’autant plus fréquentes que le site du déficit neuro- doit être extrême devant le risque de complications cutanées
logique est proximal. Ainsi, la totalité des patients présentant lors du port de l’appareillage. [67]
une paraplégie de l’étage thoracique supérieur vont présenter
La majorité de ces patients nécessitent une correction
une scoliose au cours de leur croissance. Les scolioses peuvent
chirurgicale et une arthrodèse vertébrale à un âge précoce. Les
être liées à la paralysie du tronc et des membres inférieurs. Il
s’agit alors généralement de la classique courbure thoraco- limites de l’instrumentation et de la fusion obéissent aux
lombo-sacrée avec obliquité pelvienne. mêmes règles que pour l’instrumentation des autres types de
La scoliose, volontiers thoracique ou thoracolombaire, peut scolioses. [68] Rappelons que, par le passé, les difficultés
être le signe révélateur d’une syringomyélie ou d’une hydro- d’obtenir une fixation des vertèbres comportant l’anomalie de
myélie associée à la myéloméningocèle. C’est également le cas fermeture de l’arc postérieur ont fait pratiquer de nombreuses
pour les pathologies associées du cône terminal (moelle attachée arthrodèses étendues jusqu’au bassin. Actuellement, avec les
basse ou lipome par exemple). L’ensemble du névraxe doit donc techniques d’instrumentations segmentaires et de vis pédicu-
être scrupuleusement analysé à l’aide de l’IRM afin de dépister laires, il est parfois possible d’éviter l’arthrodèse du secteur
l’ensemble des cofacteurs pouvant être intriqués. Ces lombosacré. Néanmoins, la prise du bassin doit être

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Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques ¶ 15-878-A-10

Figure 24. Exemple d’un enfant ayant


présenté à la naissance une paraplégie trau-
matique de niveau T5 et présentant une
scoliose rapidement évolutive. Cliché initial
montrant une fracture-luxation T4-T5 (A).
Radiographies de face à 6 mois (B), puis à
5 ans (C), et enfin à 19 ans après traitement
chirurgical (D). Iconographie due à l’obli-
geance du Dr Kaelin.

maintenue en cas d’obliquité pelvienne ou d’hypotonie remaniées peuvent entraîner des désunions cutanées avec
majeure du tronc avec absence de verrouillage de la charnière exposition du matériel d’ostéosynthèse.
lombosacrée en position assise. [69]
Rappelons que les escarres ischiatiques, sacrées ou trochanté- Déformations d’origine neuromusculaire
riennes, fréquentes chez ces patients, doivent impérativement
être traitées avant d’envisager une quelconque stratégie chirur- Arthrogrypose [60]
gicale de correction de la déformation rachidienne. En effet, le
taux de complications infectieuses est particulièrement élevé. La traduction littérale du terme « arthrogrypose » est « articu-
Ces patients sont par ailleurs fréquemment sujets à des infec- lation incurvée ». Stern a regroupé dès 1923 sous l’appellation
tions urinaires chroniques. Enfin, les zones cutanées cicatriciel- d’arthrogrypose (ou arthrogryposis multiplex congenita) un
les secondaires à la fermeture à la naissance de la myélo- syndrome comportant une atteinte touchant plusieurs articula-
méningocèle posent parfois des problèmes en cas d’abord tions, dès la naissance. La définition actuellement reconnue est
postérieur du rachis. En effet, ces zones cutanées fragiles et celle d’une atteinte congénitale et généralement non évolutive

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Figure 25. Exemple d’une patiente présentant


une déformation scoliotique cervicothoracique
sévère à convexité droite bien documentée par
les reconstructions tridimensionnelles obtenues
grâce au scanner (A). Les reconstructions sagitta-
les du scanner (B) mettent en évidence une myé-
loméningocèle thoracique proximale (flèche) as-
sociée à une barre congénitale concave. L’image-
rie par résonance magnétique met en évidence,
sur les coupes axiales pondérées en T2, une du-
plicité médullaire (diastématomyélie) compli-
quée à l’étage thoracique proximal (C) d’une
double cavité syringomyélique (flèches). À l’étage
thoracique inférieur (D), les deux cordons médul-
laires ne présentent pas de cavitations (flèches).

d’au moins deux articulations dans deux régions distinctes du Les scolioses lombaires et thoracolombaires sont les formes les
corps, et entraînant une limitation des mobilités de ces articu- plus fréquentes. Elles sont souvent associées à une hyperlordose
lations. Sous cette description vaste sont répertoriées près de lombaire et à une obliquité pelvienne. Ceci peut être la consé-
150 entités cliniques, plus ou moins bien définies sur le plan quence du flessum de hanche qui touche plus de la moitié des
génétique, et dont l’étiopathogénie reste souvent partagée entre formes sévères d’arthrogrypose et qui peut être responsable
les anomalies du tissu conjonctif et une plus ou moins grande d’une luxation de hanche dans un tiers des cas. L’hyperlordose
participation d’anomalies de la commande nerveuse. lombaire peut également être le résultat d’une adaptation à la
Le terme « amyoplasie », lui-même descriptif, a été utilisé raideur du membre supérieur. Chez les patients présentant une
pour dénommer la forme classique, extensive, de l’arthro- impossibilité d’antépulsion du membre supérieur en raison
grypose, fréquemment rencontrée lorsqu’il existe un retentisse- d’une raideur des épaules, la compensation du tronc en hyper-
ment orthopédique important. C’est dans cette forme, dont lordose permet de gagner en élévation du membre supérieur.
l’incidence estimée est de 1 sur 10 000 naissances, que l’on Peu d’études décrivent l’histoire naturelle de ces scolioses et
rencontre le plus souvent les déformations rachidiennes. Des en particulier leur évolutivité. Herron [71] rapporte une évoluti-
formes plus localisées comme l’arachnodactylie contracturée du vité rapide, de 7° par an, dans une série portant sur des enfants
syndrome de Beals, les formes se traduisant par l’existence d’un immatures présentant des déformations rachidiennes précoces.
pterygium colli ou poplité, ou le syndrome de Freeman- Bien que de nombreux auteurs s’accordent sur le caractère très
Sheldon, sont plus rarement associés à des anomalies rigide de ces déformations rachidiennes à l’âge adulte, l’évolu-
rachidiennes. tivité reste inéluctable lorsque la scoliose survient à un âge
L’incidence de survenue d’une scoliose chez le patient précoce, avant maturité squelettique.
présentant un syndrome arthrogrypotique est évaluée de 10 à Le traitement conservateur par assouplissement progressif du
30 %. [70] Cette variabilité selon les études est secondaire à tronc par des manœuvres d’étirement est proposé dès la
l’inhomogénéité fréquente des séries étudiées, regroupant des naissance par certains auteurs. Plusieurs courtes séries rappor-
patients présentant diverses formes d’arthrogrypose. Dans la tent l’utilisation de corsets de type Milwaukee ou TLSO. [72]
forme sévère avec amyoplasie, l’incidence de survenue d’une Néanmoins, aucune série ne démontre clairement l’efficacité de
scoliose est de 35 %. Il faut noter que dans 10 % des cas ces techniques de traitement conservateur dans la prévention de
d’amyoplasie il existe des anomalies structurales de la paroi l’évolutivité des courbures scoliotiques chez les enfants souffrant
abdominale qui peuvent être à l’origine d’une déformation de formes sévères d’arthrogrypose.
rachidienne structurale évolutive dès le plus jeune âge. L’évolution souvent rapide et enraidissante de ces déforma-
Il est classique de considérer la scoliose dans l’arthrogrypose tions rachidiennes a fait recommander par certains auteurs de
comme n’étant pas une scoliose « malformative ». En effet, il pratiquer la correction chirurgicale suffisamment tôt pour
n’existe pas classiquement de malformations vertébrales asso- profiter de la souplesse résiduelle du rachis [73] Il faut toutefois
ciées à l’arthrogrypose. faire remarquer que l’enraidissement progressif de la colonne

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Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques ¶ 15-878-A-10

permet aux patients parvenus à l’âge adulte avec un équilibre Figure 26.
rachidien relativement correct de face et de profil de conserver A, B. Garçon de 3 ans traité par un
une déformation relativement stable en l’absence de tout corset garchois pour une cyphose
traitement chirurgical. thoracolombaire d’effondrement.
Le traitement chirurgical est peu documenté. La correction et
la fusion de la déformation rachidienne, instrumentée autrefois
à l’aide du matériel de Harrington et plus récemment par des
instrumentations segmentaires, sont difficiles. [73] En effet, il
s’agit de déformations souvent très raides, ce qui explique les
corrections souvent modestes rapportées dans la littérature.
L’abord chirurgical est souvent plus hémorragique chez ces
patients chez qui la dissection est difficile en raison des
remaniements des plans musculaires et des parties molles
périrachidiennes.
Lors de l’intervention chirurgicale, l’installation du patient est
parfois rendue difficile par les raideurs et les rétractions des
articulations, particulièrement des hanches. Ces articulations
enraidies, fréquemment associées à une ostéoporose sévère,
exposent au risque de fractures lors du nursing post-
opératoire. [74]
Le choix d’un traitement chirurgical enraidissant le rachis
doit être discuté avec prudence chez les patients présentant une
fonction limitée des membres supérieurs. En effet, il ne faut pas
limiter les possibilités de compensation offertes par la souplesse
du tronc pour pallier les rétractions et les raideurs des membres
supérieurs. En outre, l’extension de la fusion rachidienne
jusqu’au bassin doit être réservée, mais cela est valable dans de
nombreuses autres pathologies, aux patients non marchants.

Myopathie de Duchenne
C’est la plus fréquente des myopathies de l’enfant ; elle
touche un garçon sur 3 000 naissances. C’est une maladie
génétique, à transmission récessive liée au chromosome X : seuls
les garçons sont atteints ; les filles transmettent l’affection.
La myopathie de Duchenne atteint l’ensemble des muscles,
aussi bien squelettiques que le muscle cardiaque, ce qui en fait
la gravité. Elle se déclare généralement après l’âge de 3 ans, par
des chutes fréquentes et des difficultés au relèvement. La
faiblesse musculaire s’aggrave progressivement et aboutit
habituellement à la perte définitive de la marche vers l’âge de
10 à 12 ans.
Les déformations rachidiennes, d’abord à type de cyphose
thoracolombaire globale d’effondrement, puis de scoliose plus
ou moins évolutive, apparaissent parfois avant, mais le plus
souvent après, la perte de la marche. [75]
face antéro-interne des tibias au début de l’intervention, avant
Un traitement orthopédique d’attente par un corset de type
le retournement du patient, en respectant bien sûr la continuité
Milwaukee ou garchois est habituellement débuté dès que
des crêtes tibiales (Fig. 28). [76]
l’hypotonie du tronc devient manifeste (Fig. 26).
D’autre part, nous préférons installer le patient sur la table
Il est relayé par un traitement chirurgical de correction et de
d’opération avec une légère traction. Pour ce faire, nous nous
fixation rachidienne, par une instrumentation postérieure, au
servons habituellement d’un halo crânien, mis en place au
début de la puberté, et en tout cas avant la dégradation de la
début de l’anesthésie ; il apporte un très grand confort aussi
fonction cardiaque, qui survient plus ou moins précocement à
bien pour le patient que pour le chirurgien et pour l’anesthé-
l’adolescence. En effet, l’indication de l’arthrodèse vertébrale est
siste, en lui laissant notamment libre l’accès aux vaisseaux
habituellement posée au début de la puberté, même si la
cervicaux, en cas de besoin, ce qui n’aurait pas été le cas avec
déformation rachidienne n’est pas très évoluée, car la chirurgie
une mentonnière (Fig. 29).
risque de ne plus pouvoir être supportée par le cœur du patient
Les instrumentations rachidiennes utilisées de nos jours et les
à un âge plus avancé, alors que la déformation rachidienne a
techniques de leur ancrage pelvien sont devenues suffisamment
continué à s’aggraver de façon plus ou moins rapide.
solides pour pouvoir dispenser le patient de toute contention
L’instrumentation rachidienne doit être étendue de la pre-
externe en postopératoire et lui permettre une reprise précoce
mière ou la deuxième vertèbre thoracique jusqu’au bassin,
de la station assise, dès que son état général et respiratoire l’y
même si ce dernier n’est pas très oblique, faute de quoi on voit
autorise (Fig. 30). Mais cela n’empêche qu’une rééducation
apparaître une obliquité pelvienne inéluctable, d’autant plus
prolongée dans un service de réanimation respiratoire spécialisé
que le patient a perdu la marche ( Fig. 27). [56]
est nécessaire, pour une meilleure qualité de récupération de la
L’intervention est souvent très hémorragique ; elle nécessite
fonction ventilatoire.
les plus grands soins dans l’installation du patient pour éviter
toute compression abdominale qui risque de potentialiser le
saignement et de rendre la chirurgie encore plus difficile.
Autres dystrophies neuromusculaires
Le geste chirurgical doit être simple et rapide ; le temps Les progrès accomplis par les études génétiques ces dernières
d’avivement osseux doit être réalisé seulement en fin d’inter- années ont permis d’individualiser un grand nombre de dystro-
vention, en raison du saignement qu’il provoque ; il est parfois phies musculaires qui étaient jusqu’à un passé assez récent plus
limité, voire annulé. ou moins confondues du fait d’une certaine similitude dans
Par ailleurs, pour améliorer la qualité de la greffe et augmen- leurs manifestations cliniques.
ter les chances de fusion, nous réalisons systématiquement un On peut ainsi citer, outre la maladie de Becker déjà connue
apport osseux par un ou deux greffons corticaux prélevés sur la depuis 1955, les dystrophies musculaires congénitales sans

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Figure 27. A,B,C,D. Cyphoscoliose lombaire gauche traitée par une arthrodèse vertébrale postérieure instrumentée de D2 jusqu’au bassin.

Figure 28. Un greffon tibial est prélevé sur la face antéro-interne de chaque jambe au début de l’intervention (A), puis posé dans la région lombosacrée en
fin d’intervention (B).

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Figure 29. Installation du patient sur la table d’opération utilisant un


halo crânien.

atteinte nerveuse centrale, les dystrophies musculaires des


ceintures distinguées par leur mode de transmission génétique
et par l’anomalie protéique en cause, la myopathie à bâtonnets
ou némaline myopathie, la myopathie congénitale à central core,
la myopathie congénitale centronucléaire, la myopathie congé-
nitale myotubulaire et d’autres dystrophies musculaires qui sont
régulièrement individualisées, en fonction des découvertes
génétiques récentes.
Ces différentes dystrophies musculaires donnent des tableaux Figure 31.
cliniques plus ou moins graves en fonction de l’âge d’apparition A, B. Patiente de 18 ans atteinte d’une dystrophie musculaire congéni-
des signes et des groupes musculaires touchés. La fréquence des tale, traitée par un corset pour une scoliose peu évolutive.
déformations rachidiennes est variable ; elles apparaissent
souvent de façon tardive et progressent plus lentement que
celles rencontrées dans la dystrophie musculaire de Duchenne à la correction de la déformation et à la conservation ou à la
de Boulogne. [77] restauration d’un bon profil rachidien, ce qui est primordial
La plupart des patients scoliotiques relèvent d’un traitement pour préserver l’équilibre frontal et sagittal de ces patients et
orthopédique isolé, pendant leur adolescence (Fig. 31). Un leur permettre de conserver la marche.
certain nombre d’entre eux nécessite le recours à la chirurgie de Il faut par ailleurs signaler qu’il peut apparaître, chez certains
fixation rachidienne, par une instrumentation vertébrale patients plus ou moins âgés, des difficultés de plus en plus
postérieure qui épargne habituellement le bassin, d’autant plus marquées de tenue de la tête, secondaires à l’aggravation
qu’ils conservent, pour la plupart, longtemps une marche de la faiblesse des muscles de la nuque qui ne peuvent plus
autonome (Fig. 32). supporter le poids de la tête, les obligeant à la tenir par la main
Le principe de base de ces instrumentations est proche de (Fig. 33). Ce problème, de plus en plus récurrent avec l’amélio-
celui des scolioses idiopathiques. Il faut particulièrement veiller ration de la prise en charge orthopédique de ces patients,

Figure 30. Vues cliniques préopératoires (A et B) et postopératoires (C et D) d’un patient remis assis dès la deuxième semaine postopératoire.

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Figure 32.
A, B, C, D. Patiente de 15 ans opérée d’une scoliose thoracique évolutive, par une arthrodèse vertébrale postérieure instrumentée jusqu’à L4.

Figure 33. Aspect clinique d’un patient de 17 ans présentant une lordoscoliose thoracique (A et B), opéré dans un premier temps par une instrumentation
postérieure étendue de D3 à L4, puis repris dans un deuxième temps pour une extension du montage vers le haut jusqu’à C2 (C et D) suite à des difficultés de
tenue de la tête.

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Déformations du rachis d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques ¶ 15-878-A-10

Figure 34. Même patient que sur la Figure 33. Aspect radiologique préopératoire (A et B), après la première intervention (C et D) et après l’extension de
l’arthrodèse au rachis cervical (E et F).

peut nécessiter l’extension de l’instrumentation rachidienne [13] Arlet V, Marchesi D, Papin P, Aebi M. The ’MW’sacropelvic construct:
postérieure à l’étage cervical, pour leur stabiliser la tête an enhanced fixation of the lumbosacral junction in neuromuscular
(Fig. 34). pelvic obliquity. Eur Spine J 1999;8:229-31.
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N. Khouri, Chirurgien.
R. Vialle, Chirurgien (ravialle@noos.fr).
Service d’orthopédie pédiatrique, Hôpital Armand Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France.
L. Miladi, Chirurgien.
Service d’orthopédie pédiatrique, Hôpital Saint-Vincent de Paul, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France.
J. Bataille, Médecin réanimateur.
M. Hamida, Médecin réanimateur.
Service de pédiatrie-réanimation infantile et rééducation neurorespiratoire, Hôpital Raymond Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches,
France.
J. Dubousset, Chirurgien.
Service d’orthopédie pédiatrique, Hôpital Saint-Vincent de Paul, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France.
M. Guillaumat, Chirurgien.
Service de chirurgie orthopédique, Fondation Hôpital Saint-Joseph, 185, rue Raymond-Losserand, 75647 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Khouri N., Vialle R., Miladi L., Bataille J., Hamida M., Dubousset J., Guillaumat M. Déformations du rachis
d’origine neurologique et musculaire : stratégies thérapeutiques. EMC (Elsevier SAS, Paris), Appareil locomoteur, 15-878-A-10, 2006.

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