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PLACE DE LA REEDUCATION

DANS LES MALADIES NEUROMUSCULAIRES

I. INTRODUCTION

Les maladies neuromusculaires (MNM) à prédominance motrice regroupent plusieurs


entités nosologiques différentes, le plus souvent d’origine génétique. Elles sont dues à une
atteinte d’un élément de l’unité motrice à savoir le muscle qui conduit à un déficit moteur.
Actuellement, il n’existe pas de traitement curatif. En revanche, la rééducation est
toujours indiquée vu le caractère évolutif de la plupart de ces maladies. La rééducation prend
en charge les symptômes moteurs ; elle est axée sur la prévention des troubles fonctionnels.

II. PRINCIPALES MNM ET LEURS DEFICITS MOTEURS 

A. DYSTROPHIE MYOTONIQUE DE STEINERT

La dystrophie myotonique de Steinert est la plus fréquente à l'âge adulte [1]. Elle atteint
en premier lieu les muscles distaux puis secondairement les muscles proximaux. Elle touche
également les muscles du rachis et de la face.
Les troubles de la marche et de l’équilibre sont une des conséquences fonctionnelles des
déficiences liées à la dystrophie myotonique, particulièrement fréquente, pouvant entrainer
des chutes. Ces difficultés peuvent être secondaires à un déficit des releveurs du pied, à
l’atteinte du triceps sural, et surtout à celle du quadriceps ; parfois celui-ci est seulement
dystonique. L’évolution peut se faire vers l’installation de rétractions (notamment
achilléennes) avec équin bilatéral des pieds [2].
Le déficit des muscles axiaux est à l’origine de cyphose, de ptose abdominale mais
surtout de lombalgies chroniques fréquentes avec ou sans irradiation, souvent invalidantes.
La prise en charge en rééducation consiste à prévenir les rétractions par une rééducation
posturale et proprioceptive. Le recours à des appareillages peut passer par la mise en place
de systèmes releveurs avec ou sans chaussage adapté.

B. DYSTROPHIE MUSCULAIRE DE DUCHENNE

Le symptôme le plus caractéristique de la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) est


l'atteinte progressive des muscles proximaux avec notamment une pseudo-hypertrophie des
mollets.
Cliniquement, cette atteinte se manifeste par une stratégie compensatoire dénommée
communément « signe de Gowers », le patient est obligé de s'aider de ses bras pour
compenser la faiblesse des extenseurs de hanches et de genoux pour passer d'une position
agenouillée à la position debout.
La prise en charge de la DMD est en grande partie symptomatique : rééducationde la
marche avec ou sans aide technique, prévention et surveillance de l'apparition d'une scoliose,
mise en place d'une kinésithérapie respiratoire pour le désencombrement bronchique.

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C. DYSTROPHIE MUSCULAIRE DE BECKER

La dystrophie musculaire de Becker (DMB) est similaire à la DMD en ce qui concerne la


distribution des muscles atteints qui est principalement proximale, mais la vitesse
d'évolution est nettement atténuée, avec un âge d'apparition des symptômes en moyenne
autour de 12 ans. Certains patients ne présentent aucun symptôme avant un âge plus avancé.
La perte de la marche se produit de façon variable à partir de l'adolescence.

D. DYSTROPHIE MUSCULAIRE FACIO-SCAPULO-HUMERALE

La maladie atteint initialement les muscles de la face et de la scapula, viennent ensuite les
fléchisseurs de la cheville et les muscles de la ceinture pelvienne. Il y a une asymétrie nette
de l'implication des muscles d'un côté à l'autre.

E. DYSTROPHIE MUSCULAIRE DES CEINTURES

Les dystrophies musculaires des ceintures sont une famille de dystrophies musculaires
hétérogènes tant sur le plan des gènes altérés que des symptômes cliniques. Ces pathologies
se caractérisent par une atteinte initiale des muscles des ceintures scapulaires et/ou
pelviennes avec uneprogression secondaire aux muscles des autres parties du corps [3].

III. BILAN CLINIQUE EN VUE D’UNE PRISE EN CHARGE EN


REEDUCATION

Avant de prendre en charge un patient présentant une MNM, un bilan rééducatif est
effectué afin de déterminer les objectifs de la rééducation.

A. BILAN MUSCULAIRE

Les MNM se caractérisent par une dégénérescence lente et progressive de la fonction


motrice. La localisation des muscles atteints varie d’une MNM à l’autre [4,5].
Le testing musculaire permet d’apprécier la localisation et la sévérité de l’atteinte
musculaire. Il est réalisé selon l’échelle internationale allant de 0 à 5. Ce bilan est effectué
périodiquement lors du bilan initial et lors du suivi médical afin d’apprécier l’évolution de la
maladie et d’adopter le programme de rééducation. Il est préférable qu’il soit pratiqué par le
même examinateur pour une meilleure appréciation.
L’atrophie et plus rarement l’hypertrophie sont appréciées par la mesure du périmètre des
membres à différents niveaux de façon comparative à l’aide d’un mètre ruban.
Le bilan musculaire est complété par l’examen des réflexes, du tonus et de la sensibilité.

B. BILAN OSTEO-ARTICULAIRE

Il permet d’apprécier les troubles orthopédiques dus à un déséquilibre musculaire entre


les agonistes et les antagonistes de certains groupes musculaires.
Ces troubles peuvent toucher la colonne vertébrale (scoliose, cyphose et hyperlordose) et
les membres supérieurs et inférieurs (flexum, reccurvatum).
Il permet aussi d’évaluer les amplitudes articulaires des membres supérieurs et inférieurs
en degré à l’aide d’un goniomètre selon les règles usuelles.

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Ce bilan est complété par une lecture radiographique ostéo articulaire.

C. BILAN DE LA DOULEUR

Les MNM peuvent induire des douleurs, aiguës ou chroniques, impactant la qualité de vie
des patients et ce quelle que soit le niveau de l’atteinte [6,7].
La douleur est évaluée de 0 à 10 selon l’échelle visuelle analogique (EVA) ou numérique
(EVN) en précisant le siège et le type mécanique ou inflammatoire.
Ces douleurs sont plurifactorielles, dues généralement à des postures anormales, à des
techniques de rééducation comme les étirements entre autres.

E. BILAN RESPIRATOIRE

Certaines MNM s'accompagnent d'une perte lente et progressive de la capacité


respiratoire par atteinte des muscles respiratoires (diaphragme, muscles intercostaux,
abdominaux) qui engage le pronostic vital. D’où la nécessité d’une surveillance spécifique
visant à :
 Rechercher la notion de toux, de sécrétion bronchique, de dyspnée. La dyspnée est
évaluée par différentes échelles (Sadoul, Borg, MCR).
 Déterminer le type de respiration (thoraco-abdominale, buccale ou nasale), la
fréquence respiratoire et la notion de tirage.
 Apprécier la souplesse thoracique par la mesure du périmètre thoracique par
l’indice de Hirtz.
 Apprécier à l’auscultation les murmures vésiculaires.

Ce bilan est complété par les explorations fonctionnelles : téléthorax, EFR, gaz du sang…

F. BILAN CARDIAQUE

La MNM est caractérisée par une atteinte des muscles squelettiques mais elle peut
intéresser également le myocarde. Elle se traduit soit par une insuffisance cardiaque de type
dilatation ou hypertrophique, soit par des troubles du rythme, comme au cours de la maladie
de Steinert et des dystrophies musculaires congénitales. La survenue de ces complications
doit être régulièrement dépistée et faire l’objet d'une prise en charge spécialisée en
cardiologie.

G. BILAN FONCTIONNEL

La MNM retentit sur l’équilibre et la marche, plusieurs adaptations posturales permettent


de maintenir l’équilibre, en associant un reccurvatum des genoux, une hyperlordose
lombaire et une rétropulsion des épaules.
Le patient marche avec un steppage vu l’atteinte des releveurs des pieds et une boiterie à
cause du déficit des moyens fessier.

H. EVALUATION DE LA MALADIE NEUROMUSCULAIRE

La mesure de la fonction motrice (MFM) est une échelle d’évaluation précise,


standardisée et validée. Elle permet d’apprécier les capacités motrices fonctionnelles des
patients porteurs d’une MNM, de suivre l’évolution de la maladie et de juger de l’efficacité

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des programmes de rééducation afin d’ajuster la rééducation et de proposer des adaptations
environnementales.
La MFM permet d’évaluer la posture et les mouvements actifs de la tête, du tronc, des
membres supérieurs et inférieurs dans la plupart des maladies neuromusculaires quel que
soit leur degré de sévérité. Elle nécessite la participation active du patient et la
compréhension de consignes très codifiées.

IV. PRISE EN CHARGE EN REEDUCATION

A. OBJECTIFS

 Limiter les rétractions musculaires et les déformations orthopédiques.


 Lutter contre les phénomènes douloureux.
 Maintenir la force musculaire nécessaire aux activités de la vie quotidienne.
 Prévenir les encombrements bronchiques, source d’infection broncho-pulmonaire.
 Améliorer l’autonomie et le confort social.

B. PRINCIPES

La rééducation neurologique est lourde ; elle doit être précoce, personnalisée et continue
compte tenu de l’évolutivité de la MNM qui s’aggrave avec le temps. Il est indispensable
d’adapter régulièrement le protocole de rééducation tout en tenant compte de l’état de santé
du patient et de sa fatigabilité. Il faut donc veiller à ne pas épuiser le patient lors des
séances ; par ailleurs, les exercices contre résistance sont contre indiqués.

C. MOYENS

La prise en charge est pluridisciplinaire, nécessitant plusieurs intervenants comme le


kinésithérapeute, l’ergothérapeute et l’appareilleur.

D. PROTOCOLE DE REEDUCATION
1. Sur le plan de la douleur
- Prévenir les douleurs en luttant contre l’immobilité, en préconisant des mobilisations
passives, des séances de balnéothérapie chaude et des orthèses de repos.
- Prescrire des antalgiques de palier 1 et 2.
- Prescrire les séances de physiothérapie telles que le TENS (neurostimulation
électrique transcutanée) les ondes infra-rouges et les ondes courtes.
- Modifier les protocoles de rééducation générateurs de douleur en les fractionnant et en
les adaptant.

2. Sur le plan orthopédique


La prise en charge orthopédique est importante. Elle est réalisée tout au long de
l’évolution de la maladie. Elle vise à :
- Prévenir les déformations en évitant les attitudes vicieuses.
- Lutter contre les raideurs par des mobilisations passives des différentes articulations,
des étirements manuels doux des articulations concernées par la maladie comme les
chevilles en cas de rétraction du tendon d’Achille, les genoux en cas de flexum et les

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hanches en cas de rétraction des tenseurs du fascia-lata et des fléchisseurs. Ces
étirements doivent être complétés par des postures segmentaires en bonne position :
extension, adduction et rotation neutre de la hanche ; extension du genou et pied à
angle droit.
- Corriger les déformations résultant d’un déséquilibre musculaire secondaire à une
faiblesse musculaire par l’utilisation d’orthèses de membres.
- Stabiliser les déformations rachidiennes grâce à une rééducation vertébrale et au port
de des corsets de maintien.

3. Sur le plan musculaire


Le renforcement musculaire se fait en dynamique, intéressant un muscle ou un
groupe musculaire. Un renforcement musculaire trop intensif dans les dystrophies
musculaires pourrait précipiter l'évolution de la maladie [8,9,10].
L’entretien et le renforcement musculaire, le réentrainement à l’effort ou l’activité
physique ludique sont utiles pour lutter contre la perte de force musculaire et le
déconditionnement physique. Le travail dynamique à intensité même basse, est conseillé
dans les formes évoluées.
L’électrostimulation est utilisée pour renforcer les muscles dont la force ne permet
pas le mouvement.

4. Rééducation respiratoire
Au début de l’évolution de la maladie, les exercices respiratoires insistent sur le
travail expiratoire comme l’augmentation du flux expiratoire et surtout sur la mobilisation
costale. Lorsque l’atteinte respiratoire s’intensifie, il est essentiel d’éduquer le patient à la
toux et à l’expectoration afin d’effectuer un drainage bronchique efficace dès les premiers
signes d’encombrement. Il est également important d’apprendre au patient la respiration
thoraco-abdominale.

5. Appareillage
L’appareillage est un élément essentiel dans la prise en charge des maladies
neuromusculaires. Il contribue largement à la prévention des complications orthopédiques.
L’appareillage du tronc est préconisé pour limiter l’évolution de la scoliose en
utilisant le corset Garchois. Pour corriger une hyperlordose, l’orthèse thoraco-lombo-sacrée
(TLSO) est indiquée.
L’appareillage des membres supérieurs privilégie les orthèses de fonction pour
faciliter les préhensions dans les activités de la vie quotidienne.
L’appareillage des membres inférieurs est de deux types : soit des orthèses de posture
comme l’orthèse fémoro-pédieuse limitant le flexum du genou et l’équin du pied, préconisé
surtout la nuit ; soit des orthèses de marche comme les releveurs du pied pour corriger
l’équin de pied. Les releveurs sont renforcés par des chaussures orthopédiques : des
chaussures de ville à tige montante si équin dans l’axe, chaussures orthopédiques si
déformation complexe du pied [11].
Les aides techniques (cannes, déambulateurs) peuvent être d’un appoint précieux
pour la stabilité à un stade plus avancé de la maladie.

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Corset Garchois

6. Rééducation de la marche et Rééducation proprioceptive


La rééducation de la marche comporte le travail du passage du pas avec l’attaque du
talon au sol, le déroulement du pas et la longueur du pas. Elle consiste à rééduquer la marche
sur terrain plat, puis accidenté avec différents obstacles et la montée et descente des
escaliers, ainsi que les différents transferts (couché-debout, debout-assis…) en sollicitant au
maximum les compensations [12].
La reprogrammation neuromusculaire appelée communément rééducation
proprioceptive est indispensable pour l’équilibre statique et dynamique afin de prévenir les
chutes. Elle consiste en un travail sur terrain stable puis instable en appui bipodal puis
unipodal.

V. CONCLUSION

La prise en charge des maladies neuromusculaires doit être pluridisciplinaire pour un


meilleur suivi, afin d’apprécier l’évolution de la maladie et de détecter précocement les
déficiences, les incapacités et le handicap.
La rééducation occupe une place importante dans le but de prolonger le plus longtemps
possible les capacités fonctionnelles et l’autonomie, de maintenir l’adaptation cardiaque à
l’effort et de préserver la qualité de vie.

VI. BIBLIOGRAPHIE

1. Antoine Dany. Développement de mesures rapportées par les patients atteints de


maladies neuromusculaires génétiques. Santé publique et épidémiologie. Thèse de
doctorat,Université de Reims - Champagne Ardenne, Ecole doctorale science
technologie, soutenue le 11 octobre 2016.

2. Estournet B, Bassez G, Laforêt P. Maladies neuromusculaires de l’enfant et de l’adulte.


Dystrophie myotonique de Steinert et amyotrophie spinale infantile. Actes des 20èmes
Entretiens de la Fondation de Garches. Paris: Frison Roche; 2007, p. 9–84.

6
3. Medline Plus. Limb-girdle muscular dystrophies. U.S. National Library of Medicine;
Accessed: 2016-07-11.

4. Emery AE. The muscular dystrophies.BMJ. 1998oct ;317(7164):991995.

5. Emery AE. The muscular dystrophies. The Lancet. 2002 feb ;359(9307):687695.

6. Tiffreau V, Viet G, Thévenon A. Pain and Neuromuscular Disease. American Journal of


Physical Medicine & Rehabilitation. 2006 sep ;85(9):756766.

7. Padua L, Aprile I, Frusciante R, Iannaccone E, Rossi M, Renna R, et al. Qualityof life


and pain in patients with facio-scapulo-humeral muscular dystrophy. Muscle & Nerve.
2009 aug ;40(2):200205.

8. Petrof BJ. The molecular basis of activity-induced muscle injury in Duchenne muscular
dystrophy. Molecular and Cellular Biochemistry. 1998 ;179(1-2):111123.

9. Lim JH, Kim DY, Bang MS. Effects of exercise and steroid on skeletal muscle apoptosis
in themdx mouse. Muscle & Nerve. 2004 ;30(4):456462.

10. Jansen M, de Groot IJ, van Alfen N, Geurts AC. Physical training in boys with
Duchenne Muscular Dystrophy: the protocol of the No Use is Disuse study. BMC
Pediatr.2010 aug ;10(55):115.

11. Sackley CD, Turner-Stokes PB, Wade L, Brittle DT, Hoppitt NT. Rehabilitation
interventions for foot drop in neuromuscular disease (review). Cochrane Database Syst
Rev 2009 ;8:3CD003908.

12. Thoumie, Ph., & Missaoui, B. (2011). Rééducation de l’équilibre et affections


neuromusculaires de l’adulte. Journal de Réadaptation Médicale : Pratique et Formation
En Médecine Physique et de Réadaptation, 31(3-4), 157–161.

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