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PEC Épaule: AC
PEC Épaule: AC
Les problèmes d'épaule sont parmi les motifs de consul- A travers l’analyse d’un cas de pathologie de l’épaule, cet arti-
tations les plus fréquents chez le généraliste. La physio- cle propose une revue de la littérature permettant d’effectuer
thérapie est souvent prescrite en première intention. Cet une synthèse des concepts reconnus au plan international
article décrit la prise en charge sur une période de quatre permettant une prise en charge efficace de cette patiente.
semaines d'une patiente de 52 ans souffrant depuis plu-
sieurs années de douleurs à l'épaule droite de type conflit Les douleurs d'épaules affectent environ un cinquième de
acromio-trochitérien chronique. La patiente se plaint de la population au moins une fois dans leur vie en moyenne
douleur à l'élévation du bras et une faiblesse entraînant de 7 % à 30 % selon les auteurs (1). Elles représentent la
une perte fonctionnelle de l'épaule. A l'examen clinique, deuxième (2), respectivement la troisième cause de consul-
la patiente montre une perte de mobilité de l'épaule en tation pour des problèmes musculo-squelettiques (3). Le
abduction et rotation externe active et une faiblesse des syndrome acromio-trochitérien chronique (en anglais
muscles sus-épineux, sous-épineux et long chef du biceps. Le shoulder impingement syndrome) (Étymologiquement, le
protocole de traitement comprend une approche multi- verbe latin impingere signifie : frapper contre, jeter contre
conceptuelle de thérapie manuelle et un programme (Gaffiot, 1934)) est la cause la plus fréquente de ces
d'exercices à pratiquer à domicile, incluant des étirements troubles (3 ,4, 5, 6, 7, 8). Le syndrome acromio-trochitérien, pré-
et des exercices de renforcement musculaire. Les résultats senté d'abord comme un diagnostic en soi, est maintenant
sont mesurés en comparant les amplitudes articulaires, la considéré comme un nom générique recouvrant diverses
force musculaire et les scores de deux questionnaires affections de l'épaule. Les patients présentant ce syndrome
d'évaluation fonctionnelle, avant et après onze séances. décrivent classiquement une douleur dans l'épaule, généra-
Dans le cas de cette patiente, les améliorations sont lement sur la face antéro-latérale, exacerbée lors de l'éléva-
importantes et tendent à corroborer les conclusions d'au- tion du membre supérieur et accompagnée ou non d'une
tres études quand à l'efficacité de ce type de protocole de perte fonctionnelle de l'épaule.
prise en charge. Cet article est l'occasion de synthétiser
des connaissances et de proposer un schéma de prise en L'explication patho-mécanique classique est une accumu-
charge pour ce type de patients. lation de micro-traumatismes dus à une compression répétée
des structures de l'espace sous-acromial entre la tête de de la limitation, et pas seulement dans une position de
l'humérus et l'acromion et/ou l'arc coraco-acromial. repos de l'articulation.
L'étiologie de ce syndrome est multiple mais les auteurs
définissent parmi les causes possibles: une faiblesse de la Le concept ostéopathique s'adresse aux dysfonctions
coiffe des rotateurs, une rétraction de la capsule articu- mécaniques réversibles, quelles que soient les structures
laire, généralement la partie postérieure, une atteinte du corps humain considérées. De ce fait, l'ostéopathie
dégénérative ou inflammatoire des tendons et/ou de la s'est développée en différents courants, selon que le
bourse sous-acromiale, une cinématique altérée de l'arti- champ d'application soit articulaire, crânien, viscéral, flui-
culation gléno-humérale et/ou de l'articulation scapulo- dique ou même énergétique. Le but du traitement ostéo-
thoracique, une mauvaise posture ou des variations ana- pathique est de redonner un mouvement d'amplitude
tomiques de l'acromion (1, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10). normale à la structure traitée. L'ostéopathe ne va pas seu-
lement traiter la zone dysfonctionnelle, mais aussi recher-
Certains auteurs distinguent encore un syndrome pri- cher les éventuelles adaptations et/ou compensations
maire, dû à des facteurs mécaniques ou structurels d'un induites par cette dysfonction (ou dont cette dysfonction
syndrome secondaire, dû à une instabilité ou une hyper- pourrait être la conséquence) : c'est la notion de suite
mobilité de l'articulation gléno-humérale, alors que d'au- lésionnelle. Pour traiter ces dysfonctions, l'ostéopathie
tres ne le font pas. Des aspects psychologiques comme la dispose de techniques manipulatives, structurelles ou
kinésiophobie ou le catastrophisme peuvent retarder la fonctionnelles, directes ou indirectes, allant de la sollicita-
guérison voire conduire à une chronicisation de la patho- tion avec impulsion (high velocity thrust) à des techniques
logie (11). fluidiques beaucoup plus éthérées.
Le concept Kaltenborn-Evjenth est caractérisé par des Pour effectuer des choix thérapeutiques adéquats, il est
gestes thérapeutiques influencés par une compréhension nécessaire d'effectuer une évaluation précise de la pro-
analytique de la mécanique articulaire. Le diagnostic phy- blématique du patient. Plusieurs auteurs se sont pen-
siothérapeutique se base sur les résultats d'un examen chés sur la pertinence et la validité des tests couram-
systématique. Le traitement met l'accent sur des mobili- ment utilisés pour effectuer l'examen clinique de
sations sans douleur, effectuées dans une position relâ- l'épaule, dans le but de définir un protocole d'examen
chée de l'articulation, selon un plan de glissement dont validé par les preuves.
l'orientation découle de la compréhension analytique de
l'articulation concernée. Malheureusement, du fait de l'étiologie multi-factorielle
de ce syndrome, aucun consensus pour l'utilisation de ces
Dans le concept Maitland, c'est le symptôme qui est à tests ne se dégage de la littérature. Certains auteurs ont
la base du raisonnement clinique, que ce soit une dou- cherché à évaluer la valeur diagnostique d'une série de
leur, une raideur ou un spasme musculaire. Le thérapeute tests utilisés pour évaluer des lésions de la coiffe des rotateurs,
va comparer les résultats de son examen clinique à ce basée sur une revue de la littérature (12). Ils concluent que,
qu'il sait en théorie (concept du mur de brique), pour bien que les données existantes sur ces tests soient frag-
déterminer un plan de traitement, sachant que l'aspect mentaires, certains d'entre eux ont prouvé leur utilité
clinique est prédominant. Le thérapeute doit constam- diagnostique (12). D’autres passent en revue les tests per-
ment réévaluer l'intensité du symptôme et adapter sa mettant d'évaluer le syndrome acromio-trochitérien chro-
manœuvre thérapeutique à l'évolution de ce symptôme. nique et proposent un algorithme de prise de décision cli-
La douleur n'est pas forcément une contre-indication à nique afin de guider le thérapeute et de mieux détecter
l'application d'une manœuvre. Le concept Maitland pro- les structures impliquées dans ce syndrome (13). D’autres
pose d'effectuer la manœuvre thérapeutique à l'endroit encore ont cherché à évaluer la précision diagnostique de
cinq tests fréquemment utilisés pour détecter le syndrome sence de consensus international pour évaluer la fonc-
acromio-trochitérien chronique (14). Leurs conclusions est tion de l'épaule (17). Une revue de littérature a démontré
que ces tests ont une utilité limitée dans l’établissement que seuls quatre parmi ces questionnaires avaient été
d'un diagnostic et qu'il vaut mieux se focaliser sur la ges- suffisamment étudiés pour pouvoir tirer des conclu-
tion des dysfonctions constatées que se baser sur ces sions significatives sur leur utilité clinique : le DASH
tests. Ceux-ci en effet présentent une sensibilité et une (Disabilities of Arm, Shoulder and Hand questionnaire),
spécificité non convaincantes pour établir un diagnostic le SPADI (Shoulder Pain and Disability Index), le score
en l'absence d'examen ultrasonographique. Dans une ASES (American Shoulder and Elbow Surgeon score) et
revue de la littérature, dans le but de permettre aux pra- le SST (Simple Shoulder Test). Les auteurs concluent que
ticiens de choisir des tests cliniques qui ont prouvé leur ces quatre questionnaires sont fiables, valides et qu'il
validité, 45 études ont été passées en revue et concluent n'existe pas de preuves consistantes pour en recom-
qu'il y a un manque de clarté manifeste pour démontrer mander un plutôt que l'autre (18).
l'utilité de ces nombreux tests cliniques pour différencier
les différentes pathologies de l'épaule (15). L’évaluation, la La littérature est riche en études et revues systématiques
précision diagnostique et la fiabilité de cinq tests de cherchant à définir les effets de la physiothérapie et de la
conflit acromio-trochitérien ont été examinés (Neer, thérapie manuelle sur la prise en charge du syndrome
Hawkins- Kennedy, Jobe, arc douloureux et rotation acromio-trochitérien chronique.
externe contre résistance), afin de démontrer quelles
combinaisons de tests étaient les plus utiles pour les De nombreux auteurs ont cherché à définir des critères de
cliniciens. Si trois ou plus de ces cinq tests sont posi- sélection pour permettre aux thérapeutes de choisir les
tifs, il est possible de conclure à la présence d'un syn- manoeuvres thérapeutiques les plus efficaces et adap-
drome acromio-trochitérien chronique et si moins de tées. Plusieurs revues systématiques abordent ce sujet
trois de ces tests sont positifs, on peut exclure la pré- mais leurs conclusions ne sont pas homogènes. Une des
sence de ce syndrome (3). Lors des 11e ateliers de difficultés rencontrée par les auteurs est le manque d'ho-
rééducation organisés par les Hôpitaux Universitaires mogénéité méthodologique des études sélectionnées, ne
Genevois (HUG), plusieurs intervenants ont précisé ne permettant pas des comparaisons standardisées et des
plus utiliser les tests les plus fréquemment décrits analyses statistiques. Une autre difficulté est que les critères
dans la littérature (soit le test de Neer et le test de diagnostiques du syndrome acromio-trochitérien chronique
Hawkins-Kennedy) à cause de leur manque de spécifi- ne sont pas définis suffisamment clairement et recouvrent dif-
cité. Face à cette absence de consensus, il est difficile férentes pathologies. Peu d'études ont mesuré l'efficacité des
pour le praticien de décider quels tests il va mettre au exercices thérapeutiques et des thérapies manuelles isolé-
menu de son examen clinique. ment (19). La physiothérapie est souvent évaluée en un bloc,
sans différencier les interventions, avec le risque d'aboutir à
Les tendons des muscles de la coiffe des rotateurs ne sont des conclusions erronées. Quelles que soient les lacunes
pas aussi différentiables que cela et dans les couches pro- méthodologiques pointées par les auteurs de ces études,
fondes de la coiffe, les fibres du sus-épineux, du sous- toutes convergent vers la conclusion que les exercices théra-
épineux et du sous-scapulaire sont fusionnées. peutiques présentent une efficacité moyenne à bonne dans la
prise en charge du syndrome acromio-trochitérien chronique
Finalement, pour certains auteurs, il semblerait qu'aucun en matière de diminution de la douleur et l'amélioration de la
test ne peut évaluer spécifiquement un tendon de la coiffe fonction. L'ajout de techniques manuelles améliore encore
des rotateurs et que toute réponse musculaire peut impliquer ces résultats (1, 3, 14, 19, 20, 21, 22).
un certain nombre de structures (16). Cela explique peut-être
pourquoi les résultats des nombreuses études cherchant à L'usage d'ultrasonothérapie n'a pas apporté la preuve de
évaluer la précision diagnostique des tests évaluant l'intégrité son efficacité en terme de diminution de douleur et de
des tendons des muscles formant la coiffe des rotateurs pré- l’amélioration de la fonction (1,3,21).
sentent des résultats parfois contradictoires, empêchant
l'émergence d'un consensus international. Il s'agit ensuite de déterminer les exercices et les
manœuvres de thérapie manuelle efficaces dans la prise
Au vu de l'évolution profonde de la perception de la en charge du syndrome acromio-trochitérien chronique,
maladie et du handicap, comme en témoigne la nou- en comparant des études cliniques évaluant l'effet des
velle Classification Internationale du Fonctionnement, techniques manuelles et des exercices thérapeutiques, en
du handicap et de la santé (Classification Internationale terme de diminution de la douleur, de gain de mobilité et
du Fonctionnement, du handicap et de la Santé (CIF); d'amélioration de la fonction, (4, 5, 7, 8, 9, 10, 21). Il n'est pas pos-
OMS 2001) l'évaluation purement clinique d'une sible d'établir un protocole standard validé (gold standard),
pathologie n'est pas suffisante. Il importe de pouvoir car les interventions diffèrent dans leur forme (techniques
évaluer l'impact de cette pathologie sur la qualité de vie utilisées, nombre et rythmicité des séances, protocole
du patient et donc sur la fonctionnalité de l'articula- d'exercices) même si les prises en charge se ressem-
tion. En ce qui concerne l'épaule, nombres d'outils ont blent dans les grandes lignes. Une étude abordant le
été forgés pour évaluer cet impact. 38 échelles d'éva- rôle des dyskinésies de la scapulo-thoracique dans
luation fonctionnelle de l'épaule, d'une pathologie du l'apparition des douleurs d'épaule, insiste sur l'impor-
complexe de l'épaule ou du membre supérieur ont été tance de rétablir un bon équilibre musculaire de la
recensées et analysées et leur conclusion montre l'ab- scapulo-thoracique (13).
––– 2. DESCRIPTION En juillet 2010, Mme P.G. demande à son médecin généra-
DE L’INTERVENTION ––– liste de pouvoir continuer la physiothérapie afin d'essayer
d'éliminer ses douleurs résiduelles à l'épaule. Celui-ci
2.1 Examen subjectif : l'envoie consulter un rhumatologue pour des raisons
administratives, l'assurance maladie de Mme P.G. ayant
Madame P.G. est une femme née en 1958. Divorcée, exigé une expertise avant d'autoriser la poursuite de la
elle vit avec sa fille de 18 ans. Elle a exercé la profes- prise en charge. Le rhumatologue consulté estime que
sion de secrétaire jusqu'en 2001 pour s'arrêter de tra- des infiltrations seront plus efficaces pour cette patiente
vailler ensuite. Elle est au bénéfice de l'assurance inva- que la poursuite du traitement physiothérapeutique. En
lidité depuis 2003 pour des motifs psychologiques. août 2010, il effectue deux infiltrations dans l'épaule, la
Elle est intelligente et a une personnalité sociable, première avec un accès par la face externe et la seconde
amène et relativement dynamique. Elle a un contact par la face antérieure de l'épaule ainsi qu'une infiltration
facile et les séances sont souvent joyeuses, car elle a sous scopie en regard de l'articulaire de C4-C5, présen-
une attitude plutôt positive par rapport à ses pro- tant une dysfonction douloureuse (qui avait été traitée
blèmes de santé, préférant les considérer avec un cer- par des techniques de tractions douces accompagnées de
tain humour. Elle a un bon niveau socio-culturel, com- glissés postéro-antérieurs, obtenant une bonne rémission
prend facilement les explications données et est très des douleurs et une nette amélioration de la mobilité
collaborante. mais sans arriver à réduire l'impression de postériorité à la
palpation). Ces infiltrations ont soulagé très brièvement la
Mme P.G. souffre de douleurs à l'épaule droite depuis patiente (deux jours) puis les douleurs sont revenues, plus
2004. L'apparition de ces douleurs fut subite, sans fortes qu'avant les infiltrations (VAS= 8-9/10) accompa-
facteur déclenchant identifié. Elle s'est réveillée un gnées de céphalées qui, d'occasionnelles, sont devenues
matin avec ces douleurs. En 2006, un rhumatologue quotidiennes. Actuellement, Mme P.G. présente des dou-
lui fait faire une échographie qui montre une bursite leurs qu'elle décrit en coup de couteau, fluctuantes mais
sous-acromiale et une tendinite du sus-épineux. A la permanentes, d'une intensité maximum de 8-9/10 EVA.
suite de cet examen, il prescrit à Mme P.G. des patches La douleur est globalement plus intense le soir que le
anti-inflammatoires, Mme P.G. ne supportant pas les matin. Mme P.G. éprouve une gêne importante dans ses
anti-inflammatoires per os. Ce traitement n'ayant pas activités quotidiennes. En conséquence de quoi, Mme P.G.
donné de résultats satisfaisants, la patiente a attendu a demandé à son médecin de reprendre les séances de
avant de reconsulter. A la faveur d'une consultation physiothérapie entreprises préalablement.
chez son généraliste, Mme P.G. évoque son problème
d'épaule. Le généraliste lui prescrit de la physiothéra- Les attentes de la patiente quant aux résultats du traite-
pie. Le physiothérapeute qu'elle consulte effectue un ment sont les suivantes : idéalement elle souhaiterait une
traitement de massages, ultra-sons et infra-rouges. Le rémission totale des douleurs. Cependant, elle a
traitement fait diminuer la douleur quelques temps puis conscience que, du fait de la durée de ses symptômes, il
la douleur revient avec la même intensité deux ou trois n'est pas certain que ce soit un objectif réaliste. De ce fait
mois plus tard. La patiente laisse passer du temps, car elle elle attend du traitement une nette amélioration de la
n'est pas convaincue par le traitement proposé. En 2008, fonction articulaire, une nette diminution des douleurs et
elle consulte un autre rhumatologue qui effectue deux si possible, de pouvoir reprendre la peinture.
infiltrations, avec pour résultat une amélioration transi-
toire au niveau de la douleur. Mme P.G. refait de la physio- Outre ses problèmes d'épaule, Mme P.G. souffre de lom-
thérapie en 2009, traitement consistant à nouveau en balgies chroniques accompagnées d'une faiblesse perma-
massages, application d'ultra-sons et d'infra-rouges, nente et d'une légère hypo-sensibilité du membre infé-
cette fois-ci sans résultats. rieur gauche. L'examen neurologique effectué en 2007,
explorant ces troubles de la sensibilité, oriente le diagnos-
En janvier 2010, Mme P.G. vient en consultation pour une tic plutôt vers une atteinte radiculaire L5-S1 que vers une
tendinite du poignet droit. Elle évoque à cette occasion neuropathie. Une IRM du rachis lombaire effectuée juste
ses douleurs d'épaule qu'elle estime d'une intensité de 7- après conclut à une ébauche de discopathie dégénérative
8/10. Son poignet ayant bien réagi au traitement proposé L3-L4; une discopathie avérée en L4-L5 avec une protru-
(récupération des amplitudes articulaires et indolence), sion discale circonférentielle postérieure et déchirure de
elle sollicite un traitement plus spécifique de son épaule l'annulus fibrosus et une discopathie dégénérative plus
dès la fin du mois de janvier, en parallèle à la fin du trai- importante L5-S1 associée à un spondylolisthésis du 1er
tement du poignet. La prise en charge a consisté en mas- degré secondaire à une arthrose inter-apophysaire posté-
sage, techniques manuelles appliquées sur l'épaule et le rieure plus importante à droite. Le radiologue signale que
rachis cervico-thoracique et des mobilisations neuro- l'état dégénératif s'est péjoré par rapport à une IRM
méningées. effectué en 2003. Mme P.G. se plaint aussi de cervicalgies
depuis une année, de survenue brutale, sans élément
En mai 2010, la douleur a nettement régressé (VAS = déclenchant identifié. Elle n'a pas perdu de mobilité, mais
3/10) et la récupération de la fonction de l'épaule est a mal. Cette douleur ne la réveille pas la nuit.
presque totale, à tel point que Mme P.G. envisage de
reprendre la peinture, hobby qu'elle a abandonné du fait En dehors de ces problèmes musculo-squelettiques, elle
de ses douleurs. est en bonne santé habituelle: pas de problèmes cardiaques
ni pulmonaires, elle n'a pas de diabète et pas de choles- L'examen des amplitudes actives du rachis thoracique a
térol. Elle n'a pas de problèmes de transit intestinal mais été testé debout. Le rachis cervical a été testé assis. La
reconnaît quelques troubles de digestion : elle a de la dif- mobilité de la gléno-humérale a été effectué debout, bila-
ficulté à digérer les graisses, se sent parfois nauséeuse et téralement et l'amplitude passive a été testée simultané-
souffre par moment d'acidité d'estomac (sans reflux gas- ment, en recherchant une éventuelle insuffisance fonc-
tro-œsophagien). Elle est fumeuse (1 paquet par jour tionnelle en fin d'amplitude de mouvement. La rotation
depuis 30 ans), mais ne consomme pas d'alcool ni de externe coude au corps (RE1) a été testée assise et en
drogues. Elle est allergique au fer, au nickel et au cobalt. décubitus dorsal pour voir si la position couchée et le relâ-
Mme P.G. prend du Neurontin (anti-épileptique), du chement induit modifiait les résultats. Les glissés anté-
Cymbalta (antidépresseur prescrits avec une indication rieurs et postérieurs, inférieurs et supérieurs de la gléno-
d'analgésie), du Trifico (pour dormir) et elle suit une humérale ont été testés assis.
hormonothérapie de substitution.
En l'absence de consensus international et afin de pou-
voir différencier les douleurs dues à une éventuelle irra-
2.2 Synthèse de l'examen subjectif : diation cervicale, plusieurs tests de compression acromio-
trochitérienne (impingement tests) ont été effectués.
En résumé, cette patiente présente un éventail de diffé- Parmi ces derniers :
rents troubles et il importe d'établir une liste des priorités
thérapeutiques, au risque sinon de se retrouver en pré- Le test de Neer s'effectue en élevant passivement le
sence d’un « melting pot » de traitements sans réelle effi- membre supérieur du patient dans le plan sagittal, l'omo-
cacité. Dans son cas, c'est le problème d'épaule qui est le plate étant maintenue abaissée par le thérapeute. De
sujet de sa plainte principale. L'hypothèse la plus vraisem- cette manière, les structures sous-acromiales sont compri-
blable est une chronicisation de la tendinite du sus-épi- mées entre la tête humérale et l'acromion. Le test est
neux, et de la bursite. Afin de vérifier cette hypothèse, il déclaré positif s'il y a présence d'une douleur lors de cette
conviendrait de faire une nouvelle échographie de compression. Ce test présente une bonne sensibilité mais une
l'épaule. La cervicalgie doit aussi être considérée puisque mauvaise spécificité (23). En outre, il ne semble pas avoir d'uti-
la vertèbre C4, la plus symptomatique, est justement celle lité pour poser un diagnostic fiable (15). Ce test aurait plutôt
de laquelle dépend l'innervation du territoire de l'épaule. Il une relative bonne sensibilité pour mettre en évidence une
peut s'agir d'une relation de cause à effet ascendante ou des- bursite sous-acromiale ou une rupture partielle de la coiffe
cendante. Il est à noter que la douleur d'épaule est antérieure des rotateurs mais pas pour une rupture totale (24). Pour d’au-
à la cervicalgie, tout au moins sur le plan de la symptomato- tres auteurs le test de Neer présente une bonne sensibilité
logie. Une radiographie récente du rachis cervico-thoracique pour les lésions de la coiffe des rotateurs et une sensibilité un
serait pertinente dans son cas, nous permettant peut-être de peu moindre pour mettre en évidence les bursites sous acro-
comprendre pourquoi il y a une «boule» en regard de l'arti- miales (22). D’autres encore spécifient que le test est à interpré-
culaire postérieure droite de C4 (ostéophytose?). La tendinite ter en fonction de l'endroit où s'exprime la douleur: une dou-
du poignet droit a aussi pu entretenir le mécanisme lésionnel, leur sur la face antérieure de l'épaule signe une compression
la patiente surchargeant son épaule pour compenser une sous-acromiale (subacromial impingement) alors qu'une dou-
éventuelle perte de mobilité ou par des mécanismes d'évite- leur postérieure signe une compression des ces mêmes ten-
ment de la douleur. L'aspect viscéral est à évaluer également, dons entre la tête humérale et le bourrelet glénoïdien (inter-
au vu des troubles digestifs évoqués par la patiente, surtout nal impingement) (25).
la difficulté à digérer les graisses, pouvant faire penser à une
éventuelle implication hépatique.
Le test de Hawkins-Kennedy s'effectue en amenant mais une nettement moins bonne sensibilité avec la varia-
passivement le membre supérieur en rotation médiale, ble douleur (12). Cependant, d’autres auteurs définissent
avec l'épaule à 90° de flexion, le patient étant assis. Le une sensibilité, une spécificité moyenne et une précision
test est positif si le patient décrit une douleur. Ce test seul diagnostic de l'ordre de 50 % que ce soit pour l'une ou
ne permet pourtant pas de différencier les patients l'autre des variantes et variables, la précision diagnostique
atteints ou non d'un syndrome acromio-trochitérien (23). étant plus élevée (60 %) pour les bursites (variable consi-
Ce test présente une sensibilité supérieure au test de Neer dérée : faiblesse) (14). La douleur OU la faiblesse sont des
mais une même faible spécificité (12, 15). D’autres auteurs signes sensitifs pour détecter une rupture partielle ou
considèrent que ce test est le plus précis pour diagnosti- complète du sus-épineux alors que douleur ET faiblesse
quer un syndrome acromio-trochitérien chronique et qu'il sont des signes spécifiques pour détecter une rupture
a une bonne sensibilité pour mettre en évidence les bur- complète, malgré la faible précision diagnostique de ces
sites et les lésions totales de la coiffe des rotateurs mais signes en tant que tels (27). Pour certains, l’interprétation
une sensibilité moindre pour évaluer les lésions partielles de ce test montre que le test de la canette vide signale
(14)
. Le test de Hawkins-Kennedy présente une forte sensi- une pathologie de compression de l'espace sous-acromial
bilité, légèrement meilleure cependant pour diagnosti- si le test provoque une douleur, alors que la variante
quer une bursite qu'une lésion de la coiffe des rotateurs canette pleine parle plutôt en faveur d'une atteinte de la
(25)
, alors que d’autres auteurs considèrent que ce test coiffe des rotateurs et particulièrement du sus-épineux (26).
donne une bonne indication de la présence d'un pro-
blème de compression mais peut être négatif en présence
d'une compression postérieure (internal impingement) (26).
Le test de la canette vide (empty can test), appelé aussi Le test de l'arc douloureux s'effectue en demandant au
test de Jobe, s'effectue en amenant passivement les patient de faire une abduction du membre supérieur,
membres supérieurs du patient en élévation dans le plan paume de la main dirigée vers le haut. Le test est positif
de la scapula, soit à 30° en avant du plan frontal, puis en si le patient décrit un passage douloureux entre 60° et
rotation interne complète. Il existe une adaptation de ce 120° d'abduction, avant et après lequel il n'y a pas de
test qui est alors effectué en rotation externe de gléno- douleur. Ce test est moyennement sensitif et moyenne-
humérale, appelée test de la canette pleine (full can test). ment spécifique et d'une utilité limitée pour confirmer un
Dans les deux variantes, l'examinateur exerce une pres- diagnostic de syndrome acromio-trochitérien chronique
sion sur l'extrémité des avant-bras du patient en lui don- (23)
. La comparaison des résultats de deux études fait état
nant la consigne de résister à la pression au moins deux à de preuves contradictoires quand à la précision diagnos-
cinq secondes. Le test est positif si le patient décrit une tique de ce test et concluent que, de ce fait, il n'est pas
douleur et/ou montre une faiblesse musculaire d'un côté possible d'en établir la validité sans d'autres recherches
par rapport à l'autre. L'interprétation et la valeur du test (12)
. Malgré cela, certains lui accordent néanmoins une
change d'un auteur à l'autre selon que ce test est utilisé sensibilité bonne pour les lésions de la coiffe des rotateurs
pour déterminer une compression acromio-trochitérienne et faible en cas de bursite, mais dans tous les cas une
(critère de positivité : douleur) ou une lésion de la coiffe faible spécificité (14).
des rotateurs (critère de positivité : faiblesse musculaire).
Ce test présente une bonne spécificité en considérant la Pour évaluer la musculature du complexe de l'épaule, les
variable faiblesse musculaire (23). Dans ses deux variantes tests proposés lors des 11e ateliers de rééducation orga-
(canette vide ou pleine), ce test présente aussi, pour cer- nisés par les HUG ont été pris en compte et complétés
tains auteurs, une bonne sensibilité et une bonne préci- par des manœuvres de testing classiques, telles qu’ensei-
sion si la variable faiblesse est considérée pour le positiver, gnées à l'école de physiothérapie de Genève. Le bilan
son ventre en gardant le poignet en rectitude. Lorsque le moyenne des deux scores. Les scores s'échelonnent de 0
sous-scapulaire est atteint, le patient ne peut effectuer à 100, 100 étant le pire.
cette pression qu'en reculant le coude. Une variante de ce
test, appelée aussi test de Napoléon, consiste à deman- Lorsqu'il s'agissait d'évaluer le niveau d'intensité de la
der au patient de poser sa main sur son ventre et d'avan- douleur, Mme P.G. devait donner une note entre 0 et 10 à
cer le coude sans décoller la main du ventre. L'angle son ressenti douloureux, 10 représentant la pire douleur
formé entre la main et l'avant-bras est mesurée au gonio- possible; par analogie avec l'échelle de visualisation ana-
mètre et doit être symétrique des deux côtés. Certains logique (VAS).
auteurs estiment que ce test est plus sensible, plus spéci-
fique et plus précis que le lift off test; ils affirment que les 2.3.2 / Résultats de l'examen clinique de Mme P.G. avant le
résultats comparatifs avec l'autre épaule permettent un traitement :
diagnostic préopératoire de lésion de la partie supérieure
de la coiffe alors même que le lift off test reste négatif. Ils 2.3.2.1 Inspection :
expliquent cela notamment par le fait que le lift off test
activerait plutôt les fibres basses du sous-scapulaire alors Mme P.G. porte ses épaules hautes, la droite un peu plus
que le Belly Press test activerait les fibres hautes (28,15). que la gauche. Le sillon deltoïdien est légèrement plus
creusé à droite qu'à gauche. De profil, elle présente une
On évalue la qualité du biceps en demandant au patient cyphose dorsale marquée et un changement de courbure
une flexion résistée bilatérale des coudes, avant-bras en marqué à la charnière cervico-thoracique, avec la pré-
supination, les bras le long du tronc, l'examinateur résis- sence d'un début de bosse de bison, les omoplates ne
tant à la flexion des coudes par une pression dans les sont pas décollées. De dos, on peut observer des signes
paumes du patient. La force est comparée d'un côté par d'amyotrophie de la fosse sus-épineuse à droite. Les omo-
rapport à l'autre. Ce test a été présenté lors des 11e ate- plates sont positionnées de façon symétrique.
liers de rééducation organisés par les HUG.
2.3.2.2 Palpation du rachis cervico-thoracique:
Les dysfonctions de la scapulo-thoracique peuvent
influencer les fonctions de l'épaule (13). La position des La palpation met en évidence des contractures impor-
omoplates est évaluée au repos et en actif. Pour mettre tantes du trapèze supérieur, du levator scapula, des
en évidence une éventuelle dyskinésie dans la scapulo-thora- rhomboïdes et des spinaux au niveau thoracique. Il n'y a
cique, il est demandé au patiente d'effectuer une élévation pas de troubles de la sensibilité au niveau du cou, du tho-
active du membre supérieur en tenant en main des haltères rax et des membres supérieurs.
de 1 kilogramme, cela cinq fois de suite. L'examinateur
observe la symétrie de mouvement des omoplates, s'il y a un 2.3.2.3 Mobilité du rachis:
décollement du bord interne. La mobilité passive des omo-
plates est testée en élévation, abaissement, protraction, La mobilité active du rachis cervical est dans la norme et
rétraction, sonnette interne et externe. non douloureuse. Lors des inclinaisons, la patiente fait
état de douleurs d'étirement musculaire controlatérale-
Les tests viscéraux ont été réalisés en décubitus dorsal. Le ment à l'inclinaison. L'amplitude de rotation gauche est
test pyloro-sous-hépatique a été exécuté en palpant la légèrement plus importante que la droite. En fin d'ampli-
zone de fonctionnement entre le foie et l'estomac, à tude de rotation à droite, il y a présence d'une douleur à
l'union du tiers interne et du tiers moyen de la zone sous- la charnière cervico-thoracique. La mobilité segmentaire a
diaphragmatique droite. La température, la présence été testée par des appuis postéro-antérieurs en procubi-
d'une fibrose ou d'une douleur sont évaluées. La palpa- tus. La patiente décrit une douleur lorsque la manœuvre
tion a été étendue ensuite à toute la zone sous-diaphrag- est faite sur C3 et C4. En regard de l'articulaire posté-
matique droite. Le test du fascia péri-rénal cherche à rieure de C4 droite il y a une postériorité douloureuse
percevoir la mobilité du rein en mettant en tension les (VAS = 6/10). Présence d'une raideur en C6 et C7.
fascias entre le rein, le psoas et la colonne vertébrale. Le thé-
rapeute place sa main en «pince» contre le flanc du patient Au niveau du rachis thoracique, la patiente est peu
pour maintenir le rein et effectue une extension passive de mobile en extension avec la présence d'une douleur en T3
hanche homolatérale. Le test se fait des deux côtés et est à droite et elle décrit une douleur sur la crête iliaque
positif s'il provoque une douleur (notes de cours). droite lors de l'inclinaison à droite. Pour le reste, les ampli-
tudes sont symétriques et non douloureuses. La mobilité
Le questionnaire DASH (11 items au lieu de 30), qui a été segmentaire a été testée en position assise. Le rachis tho-
validé tant pour la traduction française que pour son uti- racique est globalement raide avec la présence de dou-
lité clinique comparable à la version longue (29) et le ques- leur à la rotation droite de T1 à T5. T11 et T12 sont dou-
tionnaire SPADI, plus spécifique de l'épaule, dans sa ver- loureuses à l'appui postéro-antérieur.
sion anglaise pour sa facilité d'utilisation et d'interpréta-
tion ont été choisis. Les items du DASH interrogent plutôt 2.3.2.4 Complexe de l'épaule :
la qualité de vie du patient alors que le SPADI est un outil
d'évaluation algofonctionnel (17). Le SPADI est divisé en L'inspection, la palpation et la mobilité des articulations
deux sous-échelles, l'une interrogeant la douleur, l'autre acromio-claviculaire et sterno-costo-claviculaire sont sans
la fonction de l'épaule, le score total étant formé de la particularité.
MOBILITÉ DE LA GLÉNO-HUMERALE
GAUCHE DROITE
ACTIF PASSIF ACTIF PASSIF
Elévation antérieure (debout) 170° 170° 170° 170°
Abduction debout 170° 170° 130° (1) (3) 140° (1) (2)
Rot. Ext. Coude au corps = 70° 80° 45° 70°
RE1 (assis)
RE1 (décubitus dorsal) 80° 70°
Rot. Ext. En Abd 90° = RE2 90° 70° (1) (2)
(décubitus dorsal)
Rot. Int. Main dans le dos (niveau T6 T8 (1)
vertébral atteint par le pouce)
Rot. Int. En Abd 90° 90° 90°
Présence de : (1) = douleur (2) = raideur (3) = faiblesse
En synthèse, on observe à droite une grande différence d'amplitude active/passive en rotation externe coude au corps,
une diminution de l'amplitude active et passive en abduction, une rotation interne active moins grande à droite qu'à
gauche. La rotation externe en abduction à 90° présente une fin de course dure et douloureuse.
L'examen n'a pas mis en évidence de limitation de mouvement d'un côté par rapport à l'autre mais dans le glissé anté-
rieur et postérieur du côté droit, le mouvement donnait une impression de crantage.
Gauche Droite
Neer – +
Hawkins Kennedy – +
Arc douloureux – + à 100 °
Empty can test (Jobe) – +
Full can test – +
OK = force normale
2.3.2.10 La scapulo-thoracique :
Mme P.G. ne présente pas de dyskinésie de la scapulo-thoracique ni de décollement du bord de l'omoplate lorsqu'elle
effectue le test actif. La mobilité passive de l'omoplate est dans la norme et symétrique.
La mobilité de ses coudes et des ses poignets est dans la norme et symétrique. Présence d'une douleur en fin d'amplitude
d'inclinaison radiale de son poignet droit.
Le test pyloro-sous-hépatique est positif, avec une notion de fibrose douloureuse. Le test du fascia péri-rénal est négatif.
SPADI DASH
SPADI douleur SPADI fonction SPADI total
64 57.5 69.75 54.5
Tableau 5 : Scores obtenus par Mme P.G. aux questionnaires d’évaluation fonctionnels
. 22 . Mains Libres n° 1 . 2o13 . www.mainslibres.ch
M
_
En lisant ces résultats, il est possible de dire que la qualité Voici le traitement standard effectué à chaque séance :
de vie de la patiente est clairement altérée par son pro-
blème d'épaule, et que dans l'évaluation algofonction- • Séance 1 et 2 :
nelle, le facteur douleur prédomine sur la perte de fonc-
tion, la moyenne des deux étant élevée. 1. Massage de la région cervico-thoracique
(effleurage, pétrissage profond).
2.4 Synthèse de l'examen clinique :
2. Rachis :
Au terme de cet examen clinique, il est possible de dire • Mobilisation de la région thoracique : techniques
que Mme P.G. souffre d'une douleur à l'abduction active et Maitland (PA centrales, PA unilatérales, transverses
passive de l'épaule, limitant l'amplitude de mouvement, unilatérales ddc stade I-II si douleur prédominante,
provoquée par la compression des structures sous-acro- stade III-IV si raideur prédominante) ou ostéopa-
miales contre l'acromion; d'une limitation de la rotation thiques (screw ou DOG).
externe active, conséquence d'une diminution de force • Mobilisation de la charnière cervico-thoracique:
du sus-épineux et d'une fin de course de rotation externe techniques Maitland (PA centrales, PA unilatérales,
passive raide et douloureuse, due à la mise en tension des transverses unilatérales stades en fonction du
structures capsulo-ligamentaires inférieures. Ces douleurs bilan) ou ostéopathiques (HVT sur transverse de la
et ces limitations la gênent dans ses activités quoti- vertèbre en dysfonction)
diennes, notamment pour les activités demandant de la • Mobilisation cervicale: techniques Maitland (PA
force ou une élévation du membre supérieur. L'hypothèse unilatérale stade I-II sur C4) ou Kaltenborn (glisse-
d'une pathologie de type conflit acromio-trochitérien est ments post-ant avec piccolo-traction)
confirmée, avec une probable bursite chronique (à confir-
mer par un examen échographique) et une tendinite 3. Épaule :
chronique des muscles sus-épineux, petit-rond et long • Mobilisation traction en position de repos stade I-II
chef du biceps à droite. La postériorité douloureuse en C4 selon Kaltenborn
et les irradiations douloureuses dans le membre supérieur • Mobilisation en glissé postérieur stade III-IV selon
se prolongeant jusqu'à la main viennent compliquer le Maitland
tableau clinique en superposant des signes de cervico- • Mobilisation en glissé inférieur stade III-IV selon
brachialgie aux signes de syndrome acromio-trochitérien. Maitland
• Traction dans l'axe de l'humérus stade II selon
2.5 Objectif du traitement Kaltenborn
L'objectif du traitement est de restaurer une ciné- A chaque séance, des manœuvres spécifiques ont été
matique normale de la gléno-humérale limitant les effectuées, en corrélation avec l'examen subjectif effec-
impacts acromio-trochitérien (repositionnement de tué en début de chaque séance, soit :
la tête humérale et rééquilibrage de la balance
musculaire) et de permettre, dans la mesure du • Séance 3 : massage transversal profond des spinaux de
possible, une bonne récupération fonctionnelle de T7 à T9 à droite pour éliminer une contracture douloureuse
l'épaule (force et mobilité). La prise en charge des apparue après avoir effectué les exercices; mobilisation de
aspects inflammatoires de la pathologie ne nous l'acromio-claviculaire en glissé int. dans l'axe de la clavicule.
appartient pas.
• Séance 4 : palpé-roulé +++ sur la charnière cervico-tho-
2.6 Le déroulement du traitement : racique; ostéopathie crânienne: manœuvre de la faux du
cerveau et de la tente du cervelet dans le but de diminuer
En l'absence de consensus international, le plan de traitement les céphalées en hémi-casque à droite.
fut principalement basé sur les articles de Tate & al. (4) et
de Kuhn (21) car ces deux articles semblaient proches des • Séance 5 : réaction douloureuse très forte au niveau du
conclusions de la synthèse de cette littérature. moignon de l'épaule et de la face externe de l'omoplate
après la séance précédente, avec ressenti de grande fatigue.
La patiente a été vue trois fois par semaine pendant trois Considérant empiriquement cette réaction comme plutôt
semaines et demi, soit un total de onze séances de trente positive, les palpés roulés ont été refaits. Massage transversal
à quarante-cinq minutes. C'est un choix empirique et cir- profond sur le tendon du petit rond pour diminuer la douleur
constanciel dicté par la disponibilité de la patiente et de de la face postérieure de l'épaule. Les céphalées ont diminué
la thérapeute, la littérature ne donnant d’ailleurs pas de significativement.
consignes homogènes sur ce point. Chaque séance a été
décrite précisément dans le dossier afin d'assurer un suivi • Séance 6 : les exercices sont momentanément suspendus
rigoureux et une adaptation constante du traitement aux car exacerbant les douleurs d'épaule. Pas de réaction aux pal-
besoins de la patiente. pés-roulés cette fois. La patiente décrit une faiblesse de la
main avec une douleur remontant le long du bras jusqu'au
thorax. Le trajet de la douleur suivant le méridien de la vési-
cule biliaire tel que décrit par Shizuto Masunaga, un bilan et
un traitement viscéral est effectué: mobilisation du foie assis
Les valeurs qui ont significativement changé sont mises en évidence en rouge.
L'articulation gléno-humérale est beaucoup plus mobile, aucune fin de course n'est plus douloureuse ni dure. En
comparaison, c'est maintenant l'épaule gauche qui semble moins mobile.
Gauche Droite
Neer – –
Hawkins Kennedy – –
Arc douloureux – –
Empty can test (Jobe) – –
Full can test – –
Aucun des tests ne provoque de douleur ni ne met en évidence une faiblesse musculaire.
3.2.8 Instabilité :
3.2.10 La scapulo-thoracique :
La mobilité du coude est dans la norme. Le poignet présente toujours une douleur en inclinaison radiale.
Lors du test pyloro-sous-hépatique, il y a toujours la sensation d'une fibrose mais beaucoup moins douloureuse.
SPADI DASH
SPADI douleur SPADI fonction SPADI total 15.9
2 0 1
10
9
8
7
6
5
4
Douleur (VAS)
3
2
1
0
1ère 2e 3e 4e 5e 6e 7e 8e 9e 10e 11e
Séances
Les mobilisations neuro-dynamiques ont pour but de res- ––– BIBLIOGRAPHIE –––
taurer la mobilité normale du système nerveux. Dans le
cas de cette patiente, qui présentait des signes cliniques 1. Green S., Buchbinder R., Hetrick S., (2003) Physiotherapy interve
de cervico-brachialgie, ces mobilisations neuro-ménin- tions for shoulder pain Cochrane Database Syst. Rev. 2: CD 004258.
gées, dès le premier traitement, ont provoqué une régres- 2. Mitchell C., Adebajo A., Andrew C. (2005) Shoulder pain: diagnosis
and management in primary care. BMJ 12 November 2005; 331:
sion significative des irradiations douloureuses d'origine 1124-1128.
rachidienne dans son membre supérieur. Malgré des tests 3. Michener L.A., Walsworth M.K., Burnet E.N. (2004) Effectiveness of
du nerf médian et du nerf radial positifs, des mobilisa- rehabilitation for patients with subacromial impingement syndrome:
tions neuro-dynamiques auraient dû être entreprises au a systematic review. Journal of Hand Therapy April-June; 17 (2):
cours de la deuxième moitié du traitement, ce qui n’a pas 152-164.
pu être fait par manque de temps. Apparemment, les 4. Tate A.R., McClure P.W., Young I.A., Salvatori R., Michener L.A.
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exercices thérapeutiques réalisés ont suffisamment mobi- therapy intervention for patients with subacromial impingement
lisé les structures neuro-méningées puisque les tests sont syndrome: a case serie. Journal of Orthopaedic et Sports Physical
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placer son attention sur les groupes musculaires à réédu-
6. Bennel K., Wee E., Coburn S., Green S., Harris A., Staples M.,
quer et de proposer des exercices adaptés à la probléma- Forbes A., Buchbinder R. Efficacy of standardised manual therapy
tique du patient. Ce concept est particulièrement adapté and home exercise programme for chronic rotator cuff disease: ran-
pour évaluer et traiter les dyskinésies du complexe de domised placebo controlled trial. BMJ 2010; 340:c2756. Accès:
l'épaule, et celle de la scapulo-thoracique. Ce fut ainsi le http://www.bmj.com/content/340/bmj.c2756.fullpdf+html
cas chez une autre patiente, où, dès l'instant où un pro- 7. Dickens V., William J., Bhamra M. (2005) Role of physiotherapy in
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gramme d'exercices renforçant la musculature de l'omo- study. Physiotherapy 91:159-164.
plate et particulièrement le grand dentelé a été introduit, 8. Kachingwe A., Philips B., Sletten E., Plunkett S., (2008) Comparison
les douleurs d'épaule ont rapidement diminué et la of manual therapy techniques with therapeutic exercise in the treat-
patiente a décrit une bien meilleure fonctionnalité de son ment of shoulder imoingement: a randomised controlled pilot clinical
membre supérieur. trial. The Journal of Manual and Manipulative Therapy 16 (4) 238-247.
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––– 5. CONCLUSION ––– 10. Senbursa G., Baltaci G., Atay A. (2007) Comparison of conservative
treatement with and without manual physical therapy for patients
Cette présentation de cas permet de remettre en ques- with shoulder impingement syndrome: a prospective, randomized
tion une prise en charge documentée de patients présen- clinical trial. Knee Surg. Sports Traumatol. Arthrosc. 15: 915-921.
tant un syndrome acromio-trochitérien chronique. 11. Kromer T., Tantenhahn U., De Bie R.A., Staal J.B., Bastiaenen C.
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ment syndrome: a systematic review of the litterature. Journal of
Outre la normalisation de la position de la tête humérale Rehab. Med. 41: 870-880.
par rapport à la glène, il convient aussi de s’assurer qu’il 12. Beaudreuil J., Nizard R., Thomas T., Peyre M., Liotard JP., Boileau P.,
n’existe pas de dysfonction du rachis cervical. Il ne faut Marc T., Dromard C., Steyer E., Bardin T., Orcel P., Walch G. (2009)
pas craindre d’entreprendre un renforcement musculaire Contributin of clinical tests to the diagnosis of rotator cuff disease:
a systematic review. Joint Bone Spine 76: 15-19
adapté sur un ou des muscles présentant des signes de
13. Cools A.-M., Dewitte V., Lanszweert F., Notebaert D., Roets A.,
tendinite, signe pourtant d’une surcharge mécanique. Un Soetens B., Cagnie B. (2007) Rehabilitation of scapular muscle
bilan plus large du complexe de l'épaule, incluant le balance: wich exercises to prescribe? Am. J. Sports Med. 35: 177.
rachis cervico-thoracique, la gléno-humérale et la sca- Accès: http://ajs.sagepub.com/content/35/10/1744
pulo-thoracique s’impose dans ce type de pathologie. Il 14. Kelly S., Wrightson P., Meads C. (2010) Clinical outcomes of exer-
est primordial d’améliorer la mobilité de la gléno-humé- cise in the management of subacromial impingement syndrome: a
systematic review. Clinical Rehabilitation 24: 99-109. Accès direct à:
rale, du rachis cervical et surtout thoracique. Il faut éva- http://cre.sagepub.com/content/24/2/99
luer la force musculaire du complexe de l'épaule et pré- 15. Hegedus E.J., Goode A., Campbell S., et al. (2008) Physical exami-
voir d’entreprendre des exercices pour renforcer les mus- nation tests of the shoulder: a systematic review with meta-analysis
cles de la coiffe des rotateurs et les stabilisateurs de of individual tests. British Journal of Sports Medecine 42: 80-92.
l'omoplate tout en restant, bien sûr, attentif aux signes 16. Miller C., Forrester G., Lewis J. (2008) The validity of the lag signs in
impliquant les sphères viscérales et crâniennes. diagnosing full-thickness tears of the rotator cuff: a preliminary
investigation. Arch. Phys. Med. Rehab. 89: 1162-1168.
17. Fayad F., Mace Y., Lefèvre-Colau M.M. (2005) Les échelles d'incapa-
cité fonctionnelle de l'épaule: revue systématique. Annales de réa-
––– CONTACT ––– daptation et de médecine physique 48: 298-306.
18. Roy J.-S., McDermid J., Woodhouse L. (2009) Measuring shouder
Béatrice-Anne Keller : bakeller@bluewin.ch function: a systematic review of four questionnaires. Arthritism &
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