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INSTITUT de FORMATION REGIONAL aux METIERS de la

REEDUCATION et READAPTATION
54, rue de la Baugerie – 44230 SAINT-SEBASTIEN SUR LOIRE

Prise en charge masso-kinésithérapique d’un


patient sportif après une subluxation d’épaule, en
phase de cicatrisation, dans un contexte algique
pour optimiser un test isocinétique

Gaëlle CORNUAILLE
ème
3 année en Masso-Kinésithérapie

REGION DES PAYS DE LA LOIRE


REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier l’ensemble des personnes qui ont contribué à l’élaboration de ce mémoire,
et tout particulièrement :

 M. M., mon patient pour sa patience et sa collaboration pour la réalisation de travail


écrit,

 Mon tuteur de mémoire pour son temps et son aide précieuse dans la rédaction de ce
mémoire,

 Mon référent de stage pour ses conseils et le temps qu’il a bien voulu me consacrer,

 L’équipe soignante du centre de rééducation « Le Normandy » à Granville,

 Mes proches qui m’ont encouragée pendant ces 3 années.


RESUME

Ce travail écrit relate la prise en charge masso-kinésithérapique d’une durée de 2 semaines


d’un homme de 30 ans, droitier, 4 semaines après un épisode de subluxation de l’épaule
gauche. Nous sommes donc en phase de cicatrisation. Le patient présente une impotence
fonctionnelle importante. La rééducation a tenu compte de la présence de la douleur, de
l’appréhension du patient et de la faiblesse musculaire en s’appuyant sur les effets de la
balnéothérapie pour faciliter la récupération en salle. Les exercices proposés ont permis de
gagner en mobilité et stabilité active. Malgré un déficit d’amplitude active encore présent,
l’objectif est de préparer le patient à un test isocinétique afin d’entreprendre une rééducation
spécifique à cet outil.

MOTS CLES – KEYWORDS

 Subluxation d’épaule – Shoulder subluxation


 Douleur – Pain
 Impotence fonctionnelle – Functional disability
 Travail actif – Active work
 Test isocinétique – Isokinetic test
SOMMAIRE

1. Introduction ........................................................................................................................ 1

2. Subluxation de l’épaule et isocinétisme ............................................................................. 2

2.1 Epidémiologie .............................................................................................................. 2

2.2 Intérêts, modalités et conséquences de l’immobilisation ............................................ 2

2.3 Isocinétisme comme outil d’évaluation ....................................................................... 4

3. Prise en charge masso-kinésithérapique à partir du référentiel HAS ................................. 8

3.1 Différentes techniques et moyens pour lutter contre la douleur .................................. 8

3.2 Proprioception de l’épaule ......................................................................................... 11

3.3 Renforcement musculaire .......................................................................................... 12

4. Cas clinique ...................................................................................................................... 13

4.1 Bilan initial masso-kinésithérapique 4 semaines après la subluxation (J0)............... 13

4.2 Bilan diagnostic kinésithérapique .............................................................................. 18

4.3 Traitement masso-kinésithérapique ........................................................................... 19

4.4 Résultats et Analyse des résultats à J16..................................................................... 24

5. Discussion ........................................................................................................................ 28

6. Conclusion ........................................................................................................................ 30

Références bibliographiques et autres sources

Annexes 1 à 4
1. INTRODUCTION

Depuis les années 80, si l’acquisition d’appareils d’isocinétisme par les structures sanitaires
n’a cessé d’augmenter, cet engouement a été moindre en France puisque le nombre
d’appareils répertoriés en 2000 n’est que de 165. Ceci correspond à 2,71 à 3,89 machines par
million d’habitants. D’autres pays tels que l’Allemagne sont de plus grands utilisateurs entre
1200 et 1500 machines, soit 14,6 à 18,29 machines par million d’habitants (1). Des facteurs
culturels et économiques peuvent expliquer cet écart. La France resterait attachée à un savoir-
faire manuel, alors que d’autres pays s’orientent davantage vers la médecine physique avec un
taux d’équipement plus important. Dans les premières applications, l’isocinétisme se limitait à
l’articulation du genou, et plus particulièrement aux mouvements de flexion/extension.
Actuellement, grâce à de nombreuses évolutions, l’isocinétisme permet d’évaluer et de
rééduquer une grande quantité d’articulations. Cependant, une difficulté est apparue lors de
l’exploitation de la machine pour l’épaule en raison du nombre d’articulations mis en jeu. Le
complexe de l’épaule comprenant l’association de cinq articulations permet des mouvements
combinés : rotations, flexion/extension, abduction/adduction. L’avantage de cette machine par
rapport au testing manuel est une plus grande rigueur des mouvements analytiques et des
mesures de force et de fatigue de groupes musculaires précis (2). Le testing manuel apprécie
la force en statique en restant subjectif alors que l’isocinétisme est objectif et s’intéresse à la
force en dynamique, à une vitesse constante déterminée par l’opérateur. En revanche,
certaines limites sont signalées. Le prix des appareils d’isocinétisme varie de 42 700 € à 91
500 €, selon les modèles auquel il faut rajouter les coûts liés à leur utilisation : les coûts de
fonctionnement, de maintenance, de personnel et de sa formation ainsi que l'amortissement
des appareils (1). Il faut également rajouter le matériel spécifique à chaque articulation.
L’installation sur la machine d’isocinétisme est également une limite, en effet, la littérature
répertorie 5 positions différentes pour l’épaule (3).
C’est au centre de rééducation « Le Normandy » à Granville que j’ai été confrontée à
l’utilisation d’un appareil d’isocinétisme dans le contexte d’un patient sportif avec une épaule
pathologique. Le patient présente une subluxation antéro-interne gauche. Une luxation
d’épaule peut entraîner des complications vasculaires (lésion de l’artère axillaire),
neurologiques (lésions du nerf axillaire ou du plexus brachial) et osseuses (fractures du bord
inférieur de la glène, du trochiter, du col anatomique…). Il est douloureux, et se positionne
dans une attitude de protection. Les lésions ligamentaires sont récentes, le traumatisme est
arrivé 4 semaines auparavant. Avant que M. M ne rencontre le médecin rééducateur du centre,
nous avons réalisé son bilan kinésithérapique et isocinétique afin d’orienter la prise en charge
rééducative. A ce stade, aucune vitesse demandée n’a été atteinte par le patient. Les résultats
obtenus ne permettent pas une prise en charge isocinétique. 4 semaines suite à ce
traumatisme, la prescription médicale s’oriente vers la restauration de la stabilité et de la
mobilité active de l’épaule lésée.
Comment éviter tout risque de récidive ? D’une part, la rééducation s’orientera vers la
récupération et la protection de l’épaule ; et d’autre part l’optimisation du test isocinétique
permettra une prise en charge isocinétique. En quoi l’appareil d’isocinétisme est utile en

1
complément d’une prise en charge kinésithérapique ? Quelles sont les intérêts et limites de
son utilisation ?
L’isocinétisme est un outil reconnu d’évaluation et de rééducation participant à la
récupération de la force musculaire. Il permet ainsi d’obtenir une force satisfaisante pour
permettre la stabilité active de l’articulation gléno-humérale. Cependant, la restauration de la
mobilité active de l’épaule du patient à minima et non douloureuse reste un préambule
indispensable à son utilisation.
Ceci nous amène à considérer l’outil d’évaluation isocinétique et les délais de sollicitation de
l’épaule à partir de l’exemple de ce patient dans le cadre de la luxation antéro-interne.

2. SUBLUXATION DE L’EPA ULE ET ISOCINETISME

2.1 EPIDEMIOLOGIE

La luxation est le déplacement permanent de 2 surfaces articulaires l’une par rapport à l’autre.
Elle nécessite l’intervention d’une tierce personne pour la réduire. Par contre, la subluxation
se remet en place spontanément au bout de quelques secondes. La luxation d’épaule est la
luxation la plus fréquente de l’organisme, elle représente 11% des traumatismes de l’épaule
(4). L’instabilité antéro-interne représente 98% des instabilités d’épaule (5) (6). Cette dernière
touche 1 à 2% de la population. Sa récidive est fréquente, surtout chez les sujets jeunes (âgés
de moins de 25 ans) (4). La luxation gléno-humérale est plus fréquente chez l’homme que
chez la femme (deux à trois hommes pour une femme). Elle est exceptionnelle chez l’enfant
qui a plutôt tendance à se fracturer la clavicule et est beaucoup plus rare chez le sujet âgé qui
se fracture le col de l’humérus. La subluxation est généralement secondaire à un traumatisme
indirect lors d’un mouvement forcé dans la position de l’armer du bras, associant abduction,
rétropulsion et rotation latérale (RL) (7).

2.2 INTERETS, MODALITES ET CONSEQUENCES DE


L’IMMOBILISATION

2.2.1 Place de l’immobilisation dans la prise en charge


Il existe 3 différents traitements : la chirurgie, l’immobilisation et la non-immobilisation.
Les conclusions des études sont contradictoires sur l’utilité de l’immobilisation post-luxation
en raison du taux de récidive. Les études comparent le taux de récidive lors d’une
immobilisation (la durée est variable en fonction des auteurs) et lorsqu’il n’y a pas
d’immobilisation. Les revues de littérature (8) (9) ont répertorié les différentes études faites à
ce sujet, elles concluent que la petite taille des échantillons et les biais de méthodologie (des
groupes non équitables…) ne permettent pas de se prononcer sur les intérêts de
l’immobilisation. A ce jour, quand la chirurgie n’est pas indiquée, le traitement par
immobilisation du bras est quasi systématique. Même si aujourd’hui l’efficacité de cette
immobilisation sur la prévention des récidives est remise en question, elle favorise une
cicatrisation ou fibrose du plan capsuloligamentaire qui limite au moins les récidives précoces
tant que l’épaule n’est pas sollicitée (10). Hovelius et ses collaborateurs (11) ont comparé le
2
taux de récidive lors d’une immobilisation coude au corps pendant 3 à 4 semaines avec
l’épaule placée en écharpe jusqu’à ce que le patient n’y trouve plus d’intérêts (niveau de
preuve I). L’étude a commencé en 1978. Un suivi après 25 ans a été effectué. Il consistait à
répondre au questionnaire DASH et à un entretien personnel. Les patients ont été questionnés
sur l’histoire de la douleur, les récidives de luxations, les luxations controlatérales, les
opérations chirurgicales dues à l’instabilité. L’étude conclut que le taux de récidive est de
moitié. La moitié des patients jeunes (20-25 ans) a acquis une stabilité active avec le temps et
n’a pas eu besoin de stabilisation chirurgicale.
Peu d’écrits comparent l’intérêt de la chirurgie par rapport à un traitement traditionnel
d’immobilisation. Une étude prospective de 40 patients souffrant d’une première luxation
antérieure d’épaule (niveau de preuve II, en aveugle) a été réalisée. Un groupe a été
immobilisé coude au corps pendant 3 semaines et l’autre groupe a été également immobilisé 3
semaines suite à une chirurgie. Tous ont ensuite suivi le même programme de réadaptation.
Le suivi de ces patients sur plus de 6 ans (79 mois) a permis de conclure que le traitement
traditionnel peut épargner une partie importante de patients du risque et de l’inconfort
associés à la chirurgie (7 patients sur 19 du groupe « traditionnel » ont subi une chirurgie)
(12).
M. M a 30 ans, il ne se situe donc pas dans la catégorie « patient jeune ». Il aurait moins de
risque de récidive que les patients jeunes. Le patient a suivi un traitement traditionnel par
immobilisation.
Après avoir exposé les intérêts des trois différents traitements possibles, les différentes
positions et durées d’immobilisation vont être décrites.

2.2.2 Positions et durées d’immobilisation


Aucun consensus n’existe quant à la position d’immobilisation (8). En 2003 et 2007, Itoï et
ses collaborateurs ont réalisé des études comparatives entre l’immobilisation coude au corps
en rotation médiale (RM) et celle en RL de 10° (niveau de preuves II). L’étude de 2007 (13)
s’appuie sur un panel de 198 patients d’une moyenne d’âge de 67 ans (de 12 à 90 ans)
constitué majoritairement d’hommes (136
hommes). Les résultats après 2 ans d’étude ont mis
en évidence une meilleure assiduité des patients
immobilisés en RL bien que celle-ci soit plus
encombrante. L’immobilisation en RL de 10°
pendant 3 semaines diminue le taux de récidive de
38.2% comparé au risque en RM, après une
première luxation (Fig. 1). C’est d’autant plus
bénéfique si la personne a moins de 30 ans. Des
études IRM ont étudié la meilleure immobilisation
après une primo-luxation de l’épaule (14). Ils en
concluent que l’immobilisation en RL a un effet Figure 1: Immobilisation en rotation
positif sur la réduction de l’hémarthrose antérieur, latérale de 10°
du décollement capsulaire antérieur ainsi que sur
les lésions labrales. Cependant, le niveau de preuve est de IV.
3
La durée d’immobilisation varie d’une étude à l’autre, elle peut aller de 1 à 8 semaines.
Aucun consensus n’est établi à ce sujet. Plusieurs études ont nuancé leur conclusion en
affirmant que le taux de récidive ne dépend pas de la durée d’immobilisation mais plutôt de
l’âge de survenue du premier épisode de luxation (7). Le taux de récidive est d’autant plus
important si l’âge est inférieur à 20 ans. Une durée de trois semaines est la plus courante.
M. M a été immobilisé 3 semaines coude au corps en RM.

2.2.3 Conséquences d’une immobilisation


Les conséquences les plus courantes de l’immobilisation sont les déficits d’amplitudes en
abduction et RL (15). Malgré une immobilisation prolongée, une instabilité peut persister.
Celle-ci peut engendrer une persistance de la douleur et donc la diminution du niveau des
activités et de la qualité de vie (12). Sur ces points, les écrits manquent de précision. Les
auteurs comme Forthomme B., Kirkley A. s’intéressent particulièrement à la douleur et à la
limitation de la mobilité passive et active.
Les conséquences de l’immobilisation de M. M sont une douleur mécanique, des déficits
d’amplitudes et une impotence fonctionnelle. Ces conséquences sont le motif de consultation
du patient.
Des critères existent pour reprendre une activité sportive à risque. Ils concernent l’absence de
douleur, la sensation subjective de stabilité, la normalisation des amplitudes articulaires et du
bilan de force isocinétique (5).

2.3 ISOCINETISME COMME OUTIL D’EVALUATION

Avant l’utilisation de l’isocinétisme, un respect des délais de cicatrisation des éléments


capsulo-ligamentaires est fixé à 5-6 semaines après une première luxation (16). D’autres
auteurs préconisent un délai de 8 à 12 semaines avant d’évaluer sur machine d’isocinétisme
(5). Pour réaliser le test isocinétique, il faut d’abord choisir la position, les vitesses à tester, le
débattement articulaire, le mode de contraction et ensuite les paramètres à interpréter.
Il existe de nombreuses possibilités d’évaluation en fonction de la position, du plan de
mouvement et de l’axe de rotation utilisé mais à ce jour pas de consensus à propos de la
position de référence. La position du sujet doit être la même pour chaque test car les résultats
des paramètres varient en fonction de la position (1). L’épaule étant une articulation complexe
à 3 degrés de liberté, la rotation serait le mouvement engendrant l’alignement axial le plus
correct. Il faut obtenir un alignement de l’axe de l’articulation sur l’axe de rotation du
dynamomètre, aussi parfait que possible.

2.3.1 Modalités du test isocinétique


Cinq positions de test sont décrites dans la littérature (2) (3):
- Le sujet est en décubitus dorsal, le bras est à 90° d’abduction dans le plan frontal, le
coude est fléchi de 90°:
Les avantages sont la diminution de l’effet de la pesanteur engendrant une augmentation de la
force des RL ainsi qu’une reproductibilité satisfaisante, une meilleure stabilisation du tronc et
4
une limitation des compensations. La position est proche de celle des sports d’armer ou de
frappe de balle. Les inconvénients sont une mise en tension des structures capsulo-
ligamentaires et des risques de conflit sous-acromial pouvant être source de douleur ou
d’appréhension.
- Le sujet est debout avec le coude au corps fléchi à 90°, le tronc n’est pas maintenu :
Les avantages sont l’élimination de l’effet de pesanteur, la diminution de l’appréhension du
sujet et la diminution des conflits du supra-épineux. Les inconvénients sont un faible
débattement articulaire, des compensations importantes du tronc qui pourront être diminuées
grâce à un travail de gainage lombopelvien.
- Le sujet est debout ou assis avec le bras en abduction de 25 à 45° dans le plan de
l’omoplate (dérivée de celle de Davies, position
la plus couramment utilisée) (Fig. 2) :
Les avantages sont une plus grande rigueur
d’installation, une diminution des compensations par les
sangles, une limitation des risques de conflit sous-
acromial et de douleur. La position est plus fonctionnelle
et moins traumatisante car les mouvements sont réalisés
dans le plan de la scapula. Les muscles sont en course
moyenne, la relation tension-longueur est optimale. Les
structures passives tendino-capsuloligamentaires se
trouvent ainsi détendues. Cette position favorise le côté
fonctionnel et les RM sous l’effet de la gravité. Les
inconvénients sont une restriction de l’amplitude en RM,
Figure 2: La position de Davies
une difficulté pour le sujet à amener le bras en RL. La modifiée
reproductibilité est discutée, l’installation demande une
précision de l’examinateur.
- Le sujet est debout ou assis avec le bras à 90° d’abduction (cette position est peu
utilisée) :
Aucun avantage n’est constaté. Les inconvénients sont une absence d’élimination de l’effet de
pesanteur, l’existence de nombreuses compensations et la présence de conflits.
- Le sujet est en décubitus dorsal avec le bras à 45° d’abduction dans le plan frontal :
Les avantages sont une réduction de la sensation de gêne supérieure et de l’appréhension à
l’instabilité, une augmentation du confort du sujet. Les inconvénients sont la position non
fonctionnelle car les mouvements sont réalisés dans le plan frontal.
Le mode de contraction le plus utilisé est le concentrique même si les études s’intéressent de
plus en plus au mode excentrique (17). Que ce soit pour les 2 modes, la résistance développée
par la machine s’adapte instantanément à l’effort fourni par le patient au cours de la
contraction, afin de maintenir une vitesse angulaire constante. Le mode concentrique
correspond à un mouvement durant lequel les points d’insertions musculaires se rapprochent
alors qu’en excentrique ceux-ci s’éloignent. La puissance développée, à vitesse égale, est plus
importante en excentrique qu’en concentrique (2).
Le choix des vitesses est différent selon les auteurs, aucun consensus n’est proposé à ce sujet.
Les vitesses les plus couramment utilisées pour le mode concentrique sont 60, 120 et 180°/sec

5
(17). En mode concentrique, la force développée par le patient est inversement
proportionnelle à la vitesse. En effet, plus la vitesse est lente, plus le patient va devoir forcer.
A l’inverse, en excentrique, la force développée croît avec la vitesse (2).
Les différents écrits recommandent d’utiliser une course angulaire identique des deux côtés
droite/gauche et de conserver cette amplitude pour tous les tests. Le débattement articulaire
doit être non douloureux (17).

2.3.2 Paramètres chiffrés


A la fin du test isocinétique, plusieurs paramètres sont donnés :
- Le moment de force maximal (MFM) ou le pic de couple en newton mètre,
- Le travail total en joule dépend directement de l’amplitude globale du mouvement et
oblige donc à choisir un débattement articulaire identique des deux côtés,
- Le ratio agonistes-antagonistes est le reflet de la balance musculaire de l’articulation ;
- La puissance moyenne en watt est le travail produit par unité de temps,
- L’angle de survenue du MFM en degrés permet de noter l’endroit précis où un muscle
est capable de développer son couple maximal. Ce paramètre est sensible au
débattement articulaire et nécessite donc des amplitudes similaires,
- La force explosive en newton/mètre est le couple de force développé par un muscle
après un laps de temps court et suivant le début du mouvement. Cette force varie selon
les matériels.
Il est conseillé de prendre en compte le MFM, le ratio et le travail total, les autres paramètres
sont moins pertinents car ils sont insuffisamment reproductibles. (17)

2.3.3 Analyse de courbe


Caractéristiques d’une courbe normale (Fig. 3)
La phase ascendante correspond au TDTM (temps de développement de tension
maximale), temps écoulé entre le début de la contraction et le pic de couple. Elle est plutôt
orientée perpendiculairement à l’abscisse, se situant dans les 30 premiers degrés de l’angle
formé par les deux axes.
Le pic de couple (PC) se situe au sommet
de la courbe et correspond au couple
maximal développé par le sujet. Sa valeur,
son délai d’apparition et l’angle auquel il
est développé sont variables en fonction
de la vitesse du mouvement, de l’âge et du
sexe du sujet et du type d’activité pratiqué
par celui-ci, et enfin, pour certaines Figure 3: Courbe normale
articulations en fonction de la position des segments TDTM : temps de développement
de membre. de tension maximale ;
PC : pic de couple ;
La partie descendante de la courbe correspond au TDF : taux de décroissance de la
TDF (taux de décroissance de la force) qui est le force ;
reflet de la capacité du sujet à maintenir une TIR : temps d’inhibition
contraction maximale jusqu’à la fin du mouvement. réciproque.

6
Cette partie est convexe ou plate chez le sujet normal.
Le TIR (temps d’inhibition réciproque) correspond à l’intervalle de temps écoulé entre la
contraction des muscles agonistes et antagonistes. Chez les sujets sportifs, le temps peut être
raccourci de quelques centièmes de secondes (2).

Aspects pathologiques de la courbe (Fig. 4)


Les tests d’endurance permettent l’apparition ou la
meilleure visualisation d’anomalies minimes de
courbes, peu flagrantes lors de tests conventionnels.
La répétition peut ainsi faire apparaître ou majorer
certains aspects pathologiques.
Il n’est pas possible de définir des modifications des
tracés pathognomoniques d’une affection quelle
qu’elle soit. Il apparaît que les tests isocinétiques
sont insuffisants face à une pathologie précise pour
porter un diagnostic lésionnel. Il faut au préalable
une réalisation correcte du test et une entière
participation du patient.

Lors de déficits musculaires, l’aspect observé est un


étalement de la courbe avec une phase ascendante
plus inclinée sur l’horizontale, un aspect crénelé
(Fig. 4a). Le déficit musculaire, bien que souvent
plus marqué lors des tests à vitesse lente s’observe à
toutes les vitesses.
 Les déficits du TDTM (Fig. 4b) se caractérisent Figure 4: Courbe pathologique,
par un aplatissement ou un aspect concave de la déficit musculaire
première partie de la courbe et témoignent a : déficit global, aspect étalé de la
d’une difficulté à produire rapidement, en début courbe ;
de contraction musculaire, un pic de couple. b : déficit du TDTM ;
c : déficit du TDF.
Cette anomalie peut relever de deux causes
différentes mais difficiles à différencier parfaitement dans l’état actuel des connaissances.
Il peut s’agir d’un déficit électif d’un chef musculaire ou d’un des muscles d’un groupe
musculaire synergique dont l’efficacité est habituellement maximale en début de
contraction. Il peut s’agir également d’un déficit prédominant sur les fibres rapides de
type II, préférentiellement impliquées dans la force explosive du muscle. L’anomalie
serait alors plus nette aux vitesses rapides. L’accident transitoire correspond à une
incurvation significative et reproductible de la courbe sur tous les tracés. Il témoigne
habituellement d’une inhibition nociceptive de la contraction musculaire dans un secteur
angulaire précis.
 Les déficits du TDF (Fig. 4c) se traduisent soit par un aspect concave, soit par un aspect
rectiligne, vertical de la 2e partie de la courbe. Ces modifications de la courbe traduisent
habituellement l’incapacité du muscle à maintenir une contraction maximale durant tout le
mouvement. Elles peuvent aussi, comme précédemment, témoigner d’un déficit électif
7
d’un chef musculaire ou d’un muscle en fin de mouvement. Une courbe disharmonieuse
correspond à une modification du tracé sur plus de 40% de l’amplitude du mouvement et
s’observe en cas de processus algiques et/ou de dysfonctions articulaires.
 L’augmentation du TIR s’observe plus fréquemment lors d’affections neurologiques que
dans les atteintes orthopédiques. Pour être considéré pathologique, cet allongement du
TIR doit être constant durant tous les tests. Les TIR allongés de façon intermittente
peuvent signifier un repos musculaire des sujets entre deux contractions. Un tracé
irrégulier et saccadé s’observe parfois dans le cadre d’une amyotrophie importante ; il
peut également illustrer une pathologie neurologique caractérisée par un tremblement
essentiel ou de la spasticité.
 Les déficits du MFM se caractérisent par une non-superposition des courbes. Celle-ci
s’identifie soit à une dispersion aléatoire, caractérisant la compréhension ou la
collaboration insuffisante du sujet, soit à une augmentation progressive des performances
au cours de l’épreuve lors d’un apprentissage inadapté de l’effort isocinétique, soit à un
échauffement incomplet ou encore à la levée progressive des mécanismes d’inhibition.
Une réduction progressive du niveau de force au cours de l’exercice peut s’expliquer par
plusieurs phénomènes : l’apparition d’une fatigue physiologique ou anormale résultant
d’une pathologie neuromusculaire.
Les accidents de courbe témoignent habituellement d’une inhibition douloureuse de la
contraction musculaire dans un secteur angulaire précis. Ils n’ont aucune valeur diagnostique
mais corrélés aux données cliniques, ils permettent de localiser précisément le secteur
angulaire douloureux (2).

3. PRISE EN CHARGE MASSO -KINESITHERAPIQUE A PARTIR DU


REFERENTIEL HAS

Pour utiliser l’isocinétisme comme outil de rééducation, il faut au préalable que l’épaule soit
non douloureuse sur des amplitudes articulaires suffisantes avec une mobilité et stabilité
actives acquises. La prise en charge s’oriente donc selon 3 axes de rééducation : lutter contre
la douleur, développer la proprioception de l’épaule et reprendre l’activité musculaire.

3.1 DIFFERENTES TECHNIQUES ET MOYENS POUR LUTTER CONTRE


LA DOULEUR

« L’intensité de la douleur n’est pas directement en relation avec la gravité des lésions. La
douleur n’est pas en soi une contre-indication à la kinésithérapie, elle doit être interprétée
(accord professionnel) » (18).
Les différentes techniques à disposition sont le massage, le repos, les mouvements
pendulaires. Les différents moyens sont la cryothérapie, l’électrostimulation transcutanée
(TENS), les ultra-sons, le low laser, la balnéothérapie…
Un seul type de massage est mentionné dans la littérature, et l’utilisation de ces techniques n’a
fait l’objet d’aucune étude. Le massage décontracturant de l’épaule, de la scapula et de la
région cervicale est ainsi utilisé, notamment en début de séance (10). Sa pratique est le plus

8
souvent bien appréciée par le patient. Le massage permet un contact à distance des structures
lésées et douloureuses, de diminuer les contractures musculaires et de mobiliser
progressivement en passif la région de l’épaule (18).
Le massage à la glace et l’application de froid sont des adjuvants qui n’ont fait l’objet
d’aucune étude précise. La cryothérapie au cours du traitement de kinésithérapie n’est pas
recommandée (accord professionnel) (18). L’application de froid peut être utilisée localement
après la séance de rééducation, elle prévient une flambée inflammatoire réactionnelle (15).
L’électrostimulation transcutanée (TENS) peut être utilisée avec des courants de basse
fréquence antalgiques (fréquences de 50 à 150 Hz ou de 4 à 8 Hz) (15). L’utilisation se fait
généralement au début de prise en charge kinésithérapique à chaque séance. Van der Heijden
a mesuré l’effet de l’électrothérapie sur la douleur (grâce à l’utilisation d’un courant bipolaire
de basse fréquence) en comparant les effets obtenus dans quatre groupes de sujets traités
différemment. L’organisation des groupes est ainsi :
- Groupe 1 : électrothérapie + ultra-sons
- Groupe 2 : ultra-sons + électrothérapie placebo
- Groupe 3 : ultra-sons placebo + électrothérapie placebo
- Groupe 4 : groupe témoin
Aucune différence significative n’a été retrouvée sur l’évolution de la douleur entre les
groupes (grade C). Le peu d’écrits sur le sujet ne permet pas de recommander l’utilisation du
TENS (18).
Les ultra-sons sont habituellement utilisés pour leurs effets antalgique et anti-inflammatoire.
L’effet des ultrasons (en mode pulsé) sur la douleur a été comparé à celui d’un appareil
débranché. Dans tous les cas aucune différence significative n’a été retrouvée sur la
diminution de la douleur. Ces études s’intéressent à la douleur et non à la cicatrisation des
tissus. En l’état actuel des connaissances l’utilisation des ultrasons n’est pas recommandée
(18).
Les mouvements pendulaires associent la relaxation, la décoaptation
de l’articulation gléno-humérale et l’assouplissement des structures
péri-articulaires permettant d’obtenir un effet antalgique très
efficace (10). Ces mouvements peuvent être réalisés dès le début de
la prise en charge. Le sujet est positionné le tronc penché en avant,
le bras lésé ballant. L’autre membre supérieur est en appui sur une
table. Les mouvements réalisés sont circulaires et pendulaires
relâchés sans charge ou lestés d’1 à 2 kg (15) (Fig. 5).
En l’état actuel des connaissances, l’utilisation de Figure 5: Mouvements
l’électromagnétothérapie et le low laser ne sont pas recommandés. pendulaires

L’application de source de chaleur au cours du traitement n’est pas


recommandée. Certaines études la conseillent car la chaleur augmente l’extensibilité
musculaire et peut ainsi faciliter les étirements des structures péri-articulaires. L’utilisation de
chaleur peut s’effectuer en dehors des séances (18).

9
La mise au repos de l’épaule est seulement recommandée pendant les crises hyperalgiques
(18).
La balnéothérapie est utilisée pour ses effets
antalgiques, décontracturants et rassurants. Elle est
réalisée en eau chaude (en moyenne 35°C). Dans les
phases douloureuses ou en cas d’impotence marquée, la
kinébalnéothérapie permet un travail actif aidé. La
balnéothérapie peut à la fois travailler en actif aidé, en
actif et en actif résisté à l’aide de raquettes ou de
palmes. Le patient commencera par être positionné
l’épaule immergée dans l’eau jusqu’à immersion
complète du bras (10).
Il faut tout d’abord bien connaître la biophysique et les
effets physiologiques de l’immersion. La pression
hydrostatique est directement proportionnelle à la
profondeur et la densité du liquide. Le corps immergé Figure 6: Incidence de la position
est soumis à 2 forces verticales mais de directions d'un segment sur le moment de la
opposées. La pesanteur est appliquée au centre de poussée d'archimède
A’B= segment immergé ;
gravité. La poussée d’Archimède est appliquée au centre
Fa= poussée d’Archimède ;
de poussée de la partie immergée. A= centre de poussée ;
La pression d’Archimède influence le déplacement des d= bras de levier
segments (Fig 6). Le mouvement d’un segment autour d’un point fixe induit par une force se
traduit par le déplacement du bras de levier autour de ce point. Par exemple, en immersion
sternale, si le coude est fléchi, le moment de la poussée d’Archimède est faible et l’abduction
est peu facilitée. Sur un coude en extension, le moment augmente et l’abduction est ainsi
facilitée.
La température de l’eau (environ de 35°) a pour effets :
- Une vasodilatation périphérique responsable d’une diminution de la tension artérielle,
une légère tachycardie…,
- Une diminution généralisée du tonus musculaire, facilitant la mobilisation,
- Une élévation du seuil de la douleur autorisant la réalisation d’exercices trop agressifs
lorsqu’ils sont réalisés à sec.
Il ne faut pas négliger les effets psychologiques. Les possibilités fonctionnelles s’améliorent
en immersion. L’épaule bouge avec moins de souffrance. La sensation d’être momentanément
libéré de son handicap entraîne chez le patient un désir de mouvement, prélude à la
récupération de la fonction.
Les objectifs de rééducation sont :
- Améliorer la détente globale, des cervicales, des ceintures scapulaires…,
- Gagner en mobilité en utilisant l’effet de la poussée d’Archimède sur le segment à
mobiliser. La mobilisation peut être passive exercée par le kinésithérapeute ou active
aidée en utilisant l’effet de la poussée d’Archimède,

10
- Améliorer la proprioception en affinant le sens du mouvement en statique puis en
dynamique. Un travail précoce du recentrage actif de la tête humérale peut être
entrepris à l’aide de bras de levier adapté : du coude fléchi au coude tendu,
- Augmenter la force musculaire en ajoutant des accessoires lestés ou raquettes…
En conclusion, l’immersion dans une eau à 35° a des effets myorelaxants et antalgiques. La
kinébalnéothérapie permet un travail précoce du recentrage actif et d’exercices trop difficiles
lorsqu’ils sont réalisés à sec. Les paramètres sur lesquels la progression peut jouer sont le
niveau d’immersion, le bras de levier et les différents accessoires (de flottaison, lestage…)
(19).

3.2 PROPRIOCEPTION DE L’EPAULE

« Actuellement il n’y a pas de consensus sur l’intérêt de l’abaissement actif de la tête


humérale. Si ces techniques semblent être justifiées au moins sur le plan théorique, des études
complémentaires sont nécessaires » (18).
Le sub-scapulaire forme le verrou antérieur de l’épaule. Sa faiblesse dans les suites de
luxations d’épaule peut retentir sur la stabilité de l’articulation. De plus, il a été montré
l'existence de troubles des sens positionnel et arthrokinétique suite à une subluxation (20).
Il faut savoir que des études histologiques ont montré qu’au sein du bourrelet, de la capsule,
de la peau et des ligaments, des mécanorécepteurs de différents types à adaptation rapide et
lente sont présents. De nombreux nocicepteurs sont localisés, notamment dans les tendons de
la coiffe des rotateurs (21). Les informations afférentes cheminent jusqu’au système nerveux
central (SNC). La réponse efférente du SNC se manifeste sous la forme d’une contraction
musculaire réflexe et d’une régulation de la tension musculaire. Une lésion, des sensations
nociceptives ou la survenue d’une fatigue musculaire génèrent des perturbations
proprioceptives, ce qui altère le contrôle neuro-musculaire (5). C’est la raison pour laquelle
les douleurs doivent être à minima pour travailler la proprioception ; l’endurance (avec une
fatigue musculaire) sera donc un facteur de progression dans les exercices.
La rééducation proprioceptive a pour objectif une réponse musculaire adaptée, rapide et
automatique appropriée à la situation et au niveau de fatigue (10). La rééducation évolue selon
la tolérance individuelle. Il existe différents types d’exercices proprioceptifs : de stabilisation
rythmique, en fonction des chaines (ouverte, fermée, pliométrique)… Pour récupérer un
rythme scapulo-huméral, le patient est guidé pour « placer » sa scapula au cours des
mouvements d'élévation latérale, le but étant d'utiliser un équilibre entre la mobilité scapulo-
humérale et scapulo-thoracique. Comme pour le centrage actif, il est demandé d'abaisser le
moignon de l'épaule (sonnette médiale de la scapula) avant d'effectuer l'élévation latérale (18).
Les exercices de stabilisation rythmique sont réalisés suivant cette progression (5):
- Positionnelle : de la position de l’épaule la plus stable, bras en légère abduction et
rotation neutre vers la plus instable, position d’armer du bras,
- Cinétique : par des sollicitations de plus en plus brèves et rapprochées,
- Proximo-distale : par application de poussées déstabilisantes de plus en plus éloignées
de l’articulation gléno-humérale en augmentant le bras de levier,

11
- La chaîne cinétique fermée favorise la coaptation et la stabilité adéquate de la tête
humérale dans la cavité glénoïde, grâce à la cocontraction musculaire et à la force
compressive dirigée vers le centre de la cavité. Puis les exercices en chaîne ouverte
sont exécutés,
- La suppression du feedback visuel diminuant une entrée sensorielle (en fermant les
yeux).
Toutes les positions intermédiaires de l’épaule sont intéressées par ce type de rééducation
pour solliciter l’ensemble des mécanorécepteurs. En effet, le contrôle proprioceptif semble
moins efficace en position intermédiaire où les fuseaux neuromusculaires sont recrutés
préférentiellement, alors qu’en positions extrêmes l’ensemble des mécanorécepteurs est mis
en jeu. (20)

3.3 RENFORCEMENT MUSCULAIRE

« Il est recommandé d'inclure dans tous les protocoles de kinésithérapie des techniques de
renforcement musculaire (accord professionnel) » (18).
Le but de la rééducation est de protéger le plan capsulo-ligamentaire antérieur fragilisé par un
renforcement musculaire adapté. Pour cela, le travail du rééquilibrage des forces musculaires
(agonistes et antagonistes) doit être entrepris. Ceci assure la stabilité active et le contrôle dans
le placement de la tête humérale dans la cavité glénoïdale. Il faut également renforcer les
muscles faibles retrouvés lors du bilan (18). Celui-ci peut se faire de deux manières, soit par
un travail analytique d’un groupe musculaire (la coiffe des rotateurs) permis par
l’isocinétisme, soit par un travail musculaire global.
Ce dernier commence par le travail des muscles antérieurs (grand pectoral, sous scapulaire).
Les fixateurs de la scapula (serratus) sont également importants par leur action stabilisatrice et
mobilisatrice de la scapula en sonnette latérale. Le deltoïde, le biceps sont également
renforcés, les muscles abaisseurs de la tête humérale sont travaillés (coiffe des rotateurs et
abaisseurs longs). Un travail musculaire dynamique et statique est exécuté. Ce renforcement
musculaire ne doit pas entraîner de douleur. Ces exercices suivront comme progression : sans
puis avec l’effet de pesanteur, contre résistance manuelle et enfin à l’aide de bandes
élastiques, de poids (10).
Toutes les techniques permettant d’obtenir la contraction musculaire désirée sont utilisables
(courants excito-moteurs, les techniques de contraction en chaîne…).
Aucun des différents modes de contraction ne paraît plus particulièrement privilégié. Aucune
modalité (concentrique, isométrique, excentrique, isocinétique) n'a démontré sa supériorité.
L’excentrique demande plus de force au sujet, le mode concentrique sera privilégié au début
de la prise en charge.
La rééducation isocinétique offre la possibilité d’un contrôle de l’harmonie du couple RL/RM
par des rapports chiffrés et comparatifs. L’intérêt de l’isocinétisme est de pouvoir utiliser tous
les modes de contraction, de maitriser les intensités, les vitesses et les amplitudes d’exercices.
Le renforcement est programmé en fonction des résultats du test initial et revisité au 2ème test,
15 séances plus tard et ainsi de suite (2). 3 séances par semaine sont programmées. 5 séries
d’une trentaine de contractions séparées d’une minute de repos peuvent commencer un
12
programme de renforcement. Par la suite, les contractions peuvent aller de 10 séries de 60 à
100 contractions séparées d’une minute de repos. La rééducation commence par des
contractions concentriques qui développent une force moindre et représentent un risque
moindre d’accident. Le mode excentrique n’est réalisé qu’en fin de programme car la
résistance de la machine demandera trop de force aux muscles. Des effets délétères risquent
d’apparaître.
Certaines équipes proposent de faire varier la vitesse au cours d’une séance de musculation
sur un mode « pyramidal » (exemple : 90, 120, 150, 180, 180, 150, 120, 90°/sec) (22).
D’autres auteurs comme M. Codine préconisent une « pyramide inversée » allant d’une
vitesse élevée, propice à l’échauffement à une vitesse lente pour revenir ensuite à une vitesse
élevée. Au début, cette progression respecte l’état d’impotence de l’épaule et la vitesse varie
de 240°/sec pour le maximum à 180°/sec pour la vitesse minimale. Progressivement, la
pyramide est abaissée entre les valeurs extrêmes de 210°/sec et 90°/sec. Les vitesses lentes
sont ensuite choisies pour la progression et pour permettre de recruter plus de force par le
patient. Lorsque le gain en concentrique plafonne, le travail excentrique peut commencer en
allant des vitesses les plus lentes où le contrôle du mouvement est plus aisé aux vitesses les
plus élevées. La vitesse maximale est de 120°/sec et le temps de repos est doublé (2).

4. CAS CLINIQUE

4.1 BILAN INITIAL MASSO-KINESITHERAPIQUE 4 SEMAINES APRES


LA SUBLUXATION (J0)

4.1.1. Interrogatoire
Ce bilan a été réalisé 4 semaines après sa subluxation d’épaule. J0 correspond au début de sa
prise en charge masso-kinésithérapique.
Mr M. est âgé de 30 ans (né le 18/03/1981), droitier, pèse 80 kg pour 1m73. L’indice de
masse corporelle est de 26,73. Chez les sportifs, l’IMC peut être élevé sans obésité. M.M
n’est pas considéré en surpoids. (23) Il est officier de la marine nationale à Lorient. Pacsé, il
n’a pas d’enfant.
Le 9 septembre 2011, lors d’un entraînement, Mr. M. sautait pour attraper une corde située
entre 2 poutres. Il a alors senti un craquement non douloureux au niveau de l’épaule gauche.
Par la suite, il grimpe sur un obstacle et son épaule se luxe. Le patient se réceptionne sur ses
membres inférieurs. M. a subi une luxation antéro-médiale avec réduction spontanée. C’est la
1ère fois qu’il subit une subluxation. Il est en arrêt de travail depuis cette date. Suite à cette
subluxation, son bras a été mis en écharpe (coude au corps en RM) pendant 3 semaines.
Le patient présente comme antécédent une fracture du scaphoïde droit. Ses loisirs sont le
kickboxing, le footing, la natation et les arts martiaux.
Malgré le traitement mis à sa disposition : dafalgan (antalgique) et ibuprofène (AINS), le
patient ne le prend pas en considération.

4.1.2. Examen morphostatique


Dans le plan sagittal, les courbures cervicales, thoraciques et lombaires sont respectées.

13
Dans le plan frontal, le moignon de l’épaule gauche est plus élevé de 3 cm par rapport au côté
droit (Fig 7).
Dans le plan transversal, une sonnette médiale est plus importante du côté gauche (Fig 8)
[Tableau 1]. L’épine de la scapula à gauche est plus saillante (Fig 9).

Figure 7: Figure 8: Attitude


Elévation morphostatique, vue de dos.
spontanée du Les mains sont placées sur
moignon gauche. les cuisses.
Figure 9: Position morphostatique dans
le plan sagittal.
Tableau 1: Mesures centimétriques
Repères (en cm)/ côté Gauche Droite Gauche par rapport à droite
Angle supéro-interne de la scapula (1) 9.5 10 -0.5
Prolongement de l’épine de la scapula (2) 8.5 9 -0.5
Angle inférieure de la scapula (3) 11 12.5 -1.5
Il n’existe pas de normes, ces valeurs étant propres à chaque individu.

4.1.3. Examen de la douleur


Au repos, le patient ne présente aucune douleur spontanée.
Lors du mouvement d’élévation du membre supérieur gauche, une douleur mécanique est
ressentie cotée à 3/10 sur l’EVN (échelle verbale numérique) à type de gêne, localisée « à
l’intérieur » de l’articulation gléno-humérale. Cette douleur est calmée lorsque le patient
positionne son bras le long du corps. Aucun traitement médicamenteux n’est pris pour ces
douleurs.
Une douleur mécanique nocturne est parfois ressentie lors de changements de position, cotée
à 3/10 sur l’EVN, calmée par un meilleur positionnement de l’épaule gauche.
Le patient ne présente pas de douleur à la palpation (dans les fosses épineuses, fixateurs de
l’omoplate…).
Le test de Constant est largement influencé par la douleur avec un score global de 17/100
(valeur absolue) comprenant un score de 8/15 concernant la douleur, 1/10 pour le niveau
d’activités quotidiennes, 4/10 pour le niveau de travail avec la main, 4/40 pour la mobilité
active et 0/25 pour la force musculaire (Annexe 1). L’ANAES propose des normes concernant
ce test en fonction de l’âge, le sexe et le côté atteint. La norme pour M. M est de 99/100. La
valeur « normalisée » est alors de -82. Ce test est difficilement interprétable en raison d’une
douleur persistante (18).

14
4.1.4. Examen cutané trophique circulatoire
L’épaule gauche ainsi que toute la ceinture scapulaire ne présentent ni rougeur, ni chaleur, ni
adhérence. Une amyotrophie est retrouvée dans les fosses supra et infra épineuses à gauche.
Cet examen a été comparé au côté sain. Le patient ne présente aucun trouble de la sensibilité
cutanée.

4.1.5. Examen de la mobilité


Les mesures goniométriques sont réalisées avec le patient en décubitus dorsal, détendu
permettant d’obtenir des amplitudes passives. Les mesures répertoriées dans le tableau 2 sont
limitées par la douleur.
Tableau 2: Amplitudes passives des deux épaules
Mouvements dans l’articulation Gauche Droite Type d’arrêt
gléno-humérale (scapula bloquée) à gauche
Abduction 60° 80°
RL1 (coude au corps) 20° 70°
RM Pouce à hauteur de la crête Th8
iliaque contro-latérale
Extension 0° 30°
Arrêt
Flexion 60° 80°
douloureux
Mouvements de l’épaule (gléno-
humérale + scpaulo-thoracique)
Abduction 80° 160°
Flexion 110° 180°
Extension NT (non testé) 30°
La mesure goniométrique de l’abduction gléno-humérale (scapula bloquée) est réalisée. La
valeur trouvée à gauche est de 60° avec un arrêt douloureux. A droite, l’abduction gléno-
humérale est de 80°. L’abduction globale est de 80° à gauche et de 160° à droite.
La RL gauche est de 20° (à droite, la RL est de 70°). La RM permet de mettre la main sur le
ventre du patient avec le pouce à hauteur de la crête iliaque droite. Une restriction de la
mobilité n’a pas permis de tester les rotations hautes en position 2 et 3.
L’extension gléno-humérale est de 0°. L’extension globale n’est pas testée en raison de
l’appréhension du sujet. La flexion gléno-humérale à gauche est de 60° et à droite de 80°. La
flexion globale est de 110° à gauche et de 180° à droite.
Aucune restriction de mobilité n’est retrouvée au niveau des articulations sus et sous jacentes
en comparaison au côté sain.

4.1.6. Examen musculaire


Au niveau des fosses épineuses, la consistance musculaire est atonique du côté gauche mais
élastique et tonique du côté droit. Les muscles fixateurs de l’omoplate sont toniques en
bilatéral (trapèzes, rhomboïdes).
Le patient ne peut utiliser son membre supérieur gauche que dans un cône de mobilité de 10°
sans douleur autour de la verticale. Les amplitudes actives des rotations sont de 60° pour la
rotation médiale (RM1) et de 0° en rotation latérale (RL1).

15
La force musculaire et les tests actifs ne peuvent être évalués car ils sont limités par la douleur
et les appréhensions du sujet.
Le rythme scapulo huméral est difficile à apprécier en raison de la douleur.
L’évaluation musculaire se fait également par un test isocinétique décrit ensuite.

4.1.7. Examen isocinétique


La décision de réaliser un test isocinétique à ce stade de la prise en charge provient de
l’équipe médicale. L’installation du patient adoptée par l’équipe s’inspire de la position
décrite par Davies. Le patient est assis, la chaise est tournée de telle façon que le bras se place
dans le plan de la scapula à 45° d’abduction. Le coude est fléchi à 90°, l’avant bras est en
supination et le poignet en légère extension pour prendre la poignée (3) (17) (Fig. 10, 11 et
12). La course angulaire est choisie de telle sorte que le patient ne ressente pas de douleur.

Figure 12: Installation du sujet


dans le plan frontal
Figure 10: L'assise est Figure 11: Le bras se situe
tournée par rapport dans le prolongement de
au plan transversal. l’épine de la scapula

Le bilan est d’abord réalisé du côté sain à droite. Le mode choisi est le concentrique étant
donné que le mode excentrique sollicite davantage la puissance. La présence d’éventuelles
compensations par le tronc est surveillée. Afin de les éviter, le patient doit placer ses deux
épaules en bas et en arrière. Le bilan commence par 3 séries d’échauffement de 7
mouvements réalisés à une vitesse de 210°/s. Une pause de 30 secondes est octroyée après
chaque série. Ensuite, le test est effectué. Une vitesse de 210°/s est d’abord choisie pour
réaliser le bilan comprenant 5 répétitions. Une pause de 30 secondes est réalisée entre deux
séries. Par la suite, les vitesses de 180, 150, 120 et 90°/s sont effectuées.
L’épaule gauche est ensuite testée. L’échauffement est identique au côté droit. Une vitesse de
30°/s est choisie pour commencer le bilan comprenant 5 répétitions et 30 secondes de repos
entre les séries. Les vitesses de 60 et 90°/s sont ensuite effectuées. Des vitesses lentes ont été
choisies pour une meilleure stabilité active de l’épaule.
Résultats du test (Annexe 2):
Le débattement articulaire non douloureux est moindre à gauche de 30° par rapport au côté
droit. Aucune étude n’a permis de mettre en évidence une différence entre le membre

16
dominant et non dominant, ce qui nous autorise à prendre comme valeurs de référence celles
obtenues du côté sain. La vitesse maximale moyenne atteinte par les RM gauches est de
30°/sec contre 210°/sec à droite. En ce qui concerne les RL gauches, une vitesse de 20°/sec
est atteinte contre 180°/sec. Aucune vitesse demandée par le test n’a été atteinte par le patient,
cela montre un important déficit. La différence de la position du pic de vitesse s’explique par
des amplitudes de travail moindres à gauche. Le ratio RL/RM dépend de la dominance, du
sexe, de l’âge et de la spécificité fonctionnelle du sujet. Dans la littérature, un ratio RL/RM à
0.7 est retrouvé pour ce type de sujet (2). De plus, dans ses activités sportives, il n’utilise pas
plus un membre supérieur que l’autre, nous allons prendre comme référence le ratio à droite,
soit 0.74. Les valeurs du couple et de la position du pic de couple sont difficilement
interprétables en raison de la faiblesse de la puissance et de la vitesse atteintes. Il est difficile
d’interpréter ces résultats, la douleur due à la contraction musculaire diminue les
performances de cet examen.
Tableau 3: Résultats de l'examen isocinétique
Gauche Droite
Amplitude de travail 0/11/62 13/0/68
RM RL RM RL
Vitesse max moyenne demandée atteinte (en °/sec) / / 210 180
Moment de force maximal (MFM en Nm) 3.2 -2.4 24.6 -21
Travail total (en J/kg) 0.02 0.01 0.31 0.28
Puissance moyenne (en Watt) 0.4 0.3 36.3 30.7
Angle de survenue du MFM (en degrés) -12.7 -60.5 -46.2 0.8
Ratio RL/RM 0.81 0.74

4.1.8. Limitations d’activités


Le patient n’utilise pas son membre supérieur gauche dans les activités de la vie quotidienne
telles que la toilette, douche, conduite… Pour définir les limitations d’activités de M. M, le
test fonctionnel de Jully a été réalisé (Tableau 4) (24). Les cases jaunes du tableau montrent
les gestes validés par M. M. Le patient peut amener sa main au niveau du côté droit (de
l’inférieur au supérieur). Par contre, du côté gauche et antérieur, le sujet ne peut amener sa
main en supérieur. La main du patient n’arrive pas dans le plan postérieur.
Tableau 4: Test fonctionnel de Jully.
Elévation complète au dessus de la tête
Main - épaule Main - vertex Main - oreille Main – nuque Supérieur
opposée
Main - taille Main – poitrine Main - taille Main – dos Moyen
opposée
Main - poche Main - ceinture Main – poche Main - fesse Inférieur
opposée
Médial Antérieur Latéral Postérieur

Le questionnaire Quick Dash est rempli par le patient (25) (Annexe 3). Le score du Quick
Dash est de 54.5/100, le module professionnel a un score de 100/100 et le module sport a
100/100. Plus le score est haut, plus le patient a des difficultés dans les activités de la vie

17
quotidienne. Il lui est impossible de pratiquer ses sports de combat et de travailler. Ces scores
permettent un suivi de la prise en charge rééducative.

4.1.9. Restrictions de participation


Depuis le 9 septembre 2011, le patient est en arrêt de travail et de ses activités sportives. La
conduite automobile lui est impossible.

4.1.10. Profil psychologique


D’une part le patient est motivé, impatient de reprendre son activité, impliqué dans sa
rééducation, de l’autre il redoute et appréhende les douleurs de son épaule gauche. M. M
s’interroge sur la durée de sa prise en charge rééducative. Il a peur de ne pas pouvoir
reprendre son niveau antérieur d’activités sportives.

4.2 BILAN DIAGNOSTIC KINESITHERAPIQUE

4.2.1 Diagnostic masso-kinésithérapique


M. M âgé de 30 ans a subi une subluxation antéro-interne il y a 4 semaines. La prescription
médicale s’oriente vers la restauration de la mobilité et de la stabilité active de l’épaule
gauche.
Le patient présente des lésions capsulo-ligamentaires antérieures de la tête humérale, ce qui a
engendré une immobilisation coude au corps en RM pendant 3 semaines. La non-utilisation
de cette épaule pendant l’immobilisation entraîne une amyotrophie des fosses supra et infra
épineuses avec une consistance atonique, ce qui explique une épine de scapula plus saillante à
gauche. Le patient ne présente pas de troubles neurologiques. La sollicitation active de cette
épaule entraîne des douleurs mécaniques, cotées à 3/10 sur l’EVN à type de gêne, localisées
« à l’intérieur » de l’articulation gléno-humérale. En raison de ces douleurs et de
l’appréhension du sujet, il maintient son membre supérieur gauche le long du corps. Cette
position maintenue explique l’hypertonicité des fixateurs de l’omoplate et donc une sonnette
médiale plus marquée à gauche. La douleur à la mobilisation explique des déficits
d’amplitudes passives sollicitant les éléments anatomiques lésés par la tête humérale dans un
délai de cicatrisation non acquis. L’appréhension du sujet à revivre l’épisode luxant après 3
semaines d’immobilisation coude au corps est un facteur limitant de la mobilité active.
Le test isocinétique a montré un débattement articulaire à gauche moins important de 30°. Les
RM atteignent une vitesse maximale de 30°/sec contre 210°/sec à droite et 20°/sec pour les
RL gauche et 180°/sec à droite. Aucune vitesse demandée par l’opérateur n’est atteinte. Tous
les résultats sont largement diminués à gauche dont le MFM, ils sont obtenus en absence de
douleur. Ce test ne permet donc pas une prise en charge isocinétique. Le score de Constant de
17/100 et celui du Quick Dash de 54.5/100 montre les limitations d’activités en raison de
l’importance de cette douleur (toilette, conduite…). Les modules optionnels de ce second
score confirment les restrictions de participation telles que l’arrêt du travail et des activités
sportives (sports de combats, natation...). Le patient n’est pas en attente immédiate de reprise
sportive mais il souhaite retrouver son niveau antérieur.

18
4.2.2 Objectifs
Nous sommes donc confrontés à la problématique suivante :
Comment adapter la prise en charge rééducative du patient dans le gain en stabilité et mobilité
actives de l’épaule compte tenu du contexte algique et de l’appréhension du patient afin de
valider un test isocinétique fiable permettant la proposition d’une rééducation spécifique avec
cet outil ?
Objectifs du patient :
 Récupérer une mobilité active non douloureuse de l’épaule gauche pour utiliser son
membre supérieur gauche dans les activités de la vie quotidienne,
 Pouvoir reprendre progressivement une activité sportive telle que la natation…,
 Reprendre son niveau d’activité sportive antérieur et son travail.
L’objectif principal à ce stade de la prise en charge: Lutter contre les douleurs et les
appréhensions afin que le patient puisse utiliser son membre supérieur dans les activités de la
vie quotidienne et pour lui permettre de retrouver une activité physique adpatée.
Avant une prise en charge sur machine d’isocinétisme, les objectifs secondaires sont :
 Diminuer les douleurs mécaniques lors des mobilisations passives et actives,
 Retrouver une mobilité et stabilité actives d’épaule dans des amplitudes non
douloureuses afin de protéger le système capsulo-ligamentaire fragilisé,
 Diminuer l’appréhension du patient en le rassurant.
A partir d’un test isocinétique validé:
 Renforcer la coiffe des rotateurs sur machine d’isocinétisme à l’aide d’un programme
de renforcement adapté au patient,
 Poursuivre les objectifs précédents adaptés aux attentes du patient,
 Récupérer une mobilité et stabilité optimale permettant de reprendre les activités
physiques antérieures sans douleur.

4.2.3 Moyens
 Plateau technique de rééducation classique
 Techniques manuelles
 Appareil d’isocinétisme « Con-Trex ®» (Annexe 4)
 Balnéothérapie et matériel adapté (flotteurs…)
 Arthromoteur d’épaule
 Matériel de physiothérapie

4.3 TRAITEMENT MASSO-KINESITHERAPIQUE

4.3.1 Principes
 Rester infra-douloureux,
 Respecter les délais de cicatrisation des tissus lésés par la subluxation,
 Eviter tout mouvement sollicitant les structures lésées par la subluxation.

19
4.3.2 Techniques masso-kinésithérapique
La journée type de M. M (5x/semaine) débute par une séance de kinésithérapie en salle
divisée en deux séances de 30 minutes (mn). La 1ère séance est destinée à soulager les
douleurs par des massages, des mobilisations actives aidées. La kiné-balnéothérapie de 20 mn
est intercalée entre ses deux séances en salle. Cette 2ème séance a pour but de travailler en
actif. 20 mn d’arthromoteur s’ensuivent afin d’entretenir le gain d’amplitude. La journée se
conclut par 20 mn d’électrostimulation transcutanée pour soulager le patient. En parallèle, une
séance musculaire de 30 mn avec l’aide physique adaptée (APA) est indiquée 3 fois par
semaine pour l’entretien musculaire des membres inférieurs.

Les techniques pour diminuer les douleurs mécaniques à la mobilisation et les


appréhensions du sujet
Les premières séances à sec débutent par une technique de massage décontracturant des
élévateurs de la scapula pour avoir une première prise de contact rassurante pour le patient. Il
s’en suit des techniques de massage-mobilisation pour commencer à mobiliser la région de
l’épaule. Une mobilisation lente et passive analytique est difficilement réalisable due au
manque de relâchement du patient. Une mobilisation active aidée est donc privilégiée. Le
patient doit s’arrêter quand la douleur apparaît.
Pour ses effets antalgiques (diminution du seuil de la douleur), décontracturants (diminution
du tonus musculaire) et rassurants (les possibilités fonctionnelles s’améliorent en immersion),
la balnéothérapie est utilisée. Ce milieu permet un travail actif aidé et la diminution des
appréhensions du sujet. La plupart des exercices actifs aidés puis actifs sont initiés en piscine.
Pour un entretien articulaire non douloureux, l’arthromoteur est utilisé. L’installation se fait
coude fléchi à 30°. Les amplitudes permises sont de 50° à 80° d’abduction dans le plan de la
scapula. La séance d’arthromoteur se déroule après la séance kinésithérapique et dure 20
minutes.
Des séances d’électrostimulation transcutanée (TENS) ont été mises en place une fois par jour
pendant 20 minutes. Le mode choisi est le gate-control afin de stimuler le système nerveux
périphérique par les voies sensitives dans le but de moduler la douleur. Les paramètres utilisés
sont : une fréquence de 80Hz avec une longueur d’impulsion de 100µs. L’intensité est
modérée par le patient, il doit ressentir des fourmillements. Les électrodes sont localisées sur
le territoire douloureux du moignon de l’épaule gauche, dans un champ antéro-postérieur.
Les mouvements pendulaires sont expliqués au patient afin de diminuer la douleur. Ces
mouvements peuvent être réalisés quand il le souhaite et ressent le besoin. Cet exercice
permet d’assouplir les structures péri-articulaires, de relâcher l’épaule. Le sujet est positionné
le tronc penché en avant, le bras lésé ballant. L’autre membre supérieur est en appui sur une
table. Les mouvements réalisés sont circulaires et pendulaires relâchés sans charge.

Les techniques pour gagner en mobilité et stabilité actives d’épaule


La mobilisation active des articulations sus et sous jacentes est commencée en piscine. Le
patient est debout avec les deux épaules immergées. Concernant l’articulation scapulo-
thoracique, les mouvements d’élévation/abaissement du moignon sont demandés. Pour les

20
mouvements de flexion/extension du coude, les épaules sont au préalable maintenues
abaissées. Le travail de gainage de l’épaule est ainsi renforcé. Ces exercices sont réalisés
simultanément en bilatéral pour éviter toute compensation.
Le travail actif aidé en abduction dans le plan de la scapula est ensuite réalisé. La contraction
des abaisseurs lors des mouvements d’abduction renforce le sentiment de sécurité du patient
et permet un gain en mobilité. Le mouvement est lent afin de diminuer la résistance
hydrostatique pour que l’eau porte davantage le membre supérieur. Cet exercice sera réalisé
ultérieurement en salle.
Le travail actif aidé de la coiffe des rotateurs est commencé. L’épaule gauche du patient est
dans une position analogue au test isocinétique de telle façon qu’elle soit à 30° d’abduction et
30° d’antéposition. Le coude est fléchi à 90°. Le kinésithérapeute maintient le coude du
patient. Celui-ci réalise un mouvement de RL/RM dans un même plan en restant infra
douloureux.

En salle, le travail en actif aidé dans les diagonales de Kabat


est entrepris pour avoir un réveil musculaire et travailler la
coordination musculaire. Le pivot choisi est l’épaule. Le mode
est concentrique. Les diagonales sont choisies de telle sorte
qu’elles n’entraînent pas une contraction préférentielle du
triceps. En effet, ce muscle engendre une ascension de la tête
lors de sa contraction, les muscles stabilisant la tête dans la
glène sont donc privilégiés (coiffe des rotateurs, muscles
antérieurs). Les diagonales travaillées sont donc de A vers B
(abaissement interne) et de D vers C (élévation interne) (Fig.
13). Le patient est installé en décubitus dorsal. Le
kinésithérapeute encadre l’épaule gauche.
La position de départ A correspond à une épaule en flexion, Figure 13: Diagonales de
abduction et RL. Le coude est en extension, l’avant-bras est Kabat
en supination et le poignet est en extension et en inclinaison radiale. Le pouce et les doigts
sont relâchés.
La position d’arrivée B correspond à un bras en extension relative, adduction et RM. Le coude
reste en extension. L’avant-bras est en pronation, le poignet est en inclinaison ulnaire et
flexion. Le pouce et les doigts sont fléchis.
Cette diagonale d’abaissement interne permet la contraction privilégiée des muscles suivants :
petit pectoral, sous clavier, subscapulaire, grand pectoral…
La position initiale D correspond à un bras gauche en extension, abduction, légère RM avec le
coude en extension. L’avant-bras est en légère pronation, le poignet est en extension,
inclinaison ulnaire et les doigts sont relâchés avec le pouce au zénith.
La position finale C correspond à une épaule en flexion, adduction, RL avec un coude
légèrement fléchi. L’avant-bras est en supination, le poignet est en flexion, inclinaison ulnaire
et les doigts et le pouce sont fléchis.

21
Cette diagonale d’élévation interne permet le recrutement du serratus, grand dentelé, infra-
épineux, petit rond, deltoïde antérieur, coraco-brachial, grand pectoral (faisceau
claviculaire)… (26)

Le travail en actif aidé de l’élévation antérieure est


réalisé en position debout afin de se rapprocher des
activités quotidiennes (exemple : attraper un objet
en hauteur). Le but est d’utiliser le membre
supérieur droit sain pour monter le gauche. En
position assise, la paume gauche (en supination) est
placée dans la paume droite (Fig. 14). Il est
demandé au patient de pousser la main droite dans
la gauche pour ainsi monter les bras. La position en
supination de l’avant-bras assure un meilleur
confort chez ce patient. Il peut ainsi aller à 90° Figure 14: Elévations mains
d’élévation antérieure. jointes

Renforcement musculaire sans résistance ajoutée


En position debout, l’apprentissage de la flexion du bras est entrepris pour venir attraper le
mur. Le but de cet exercice est de solliciter les muscles protégeant l’épaule dans des situations
de la vie quotidienne.

Figure 15: Apprentissage de la flexion du bras

Le patient fléchit l’épaule et y associe une flexion de coude pour diminuer le bras de levier
puis le retend. Lors de la descente du bras, une élévation du moignon gauche est constatée
avec l’apparition d’un début de douleur. La main gauche du kinésithérapeute est donc placée
au niveau du coude gauche du patient afin qu’il réalise une poussée longitudinale pour éviter
toute compensation d’élévation du moignon. La main droite du kinésithérapeute est juste
posée sur le moignon pour contrôler les compensations. Dans un 1er temps, le retour se fait
dans le cheminement inverse (Fig. 15).

Progressivement, cet exercice est utilisé pour atteindre le visage (Fig. 16 p.23). Cet exercice
se rapproche d’une situation de la vie quotidienne (par exemple lors de la toilette). Le patient
est debout, il commence par balancer son bras gauche puis il l’élève avec le coude tendu et
enfin le coude se fléchit pour que la main atteigne le visage du patient.

22
Figure 16: la main du patient atteint son visage

Le travail de la coiffe des rotateurs dans une position proche d’une installation sur machine
d’isocinétisme est entamé en stimulant la stabilisation active. C’est un préambule à la
rééducation sur la machine d’isocinétisme. Le patient est assis sur une chaise avec un dossier.
L’épaule est placée de telle façon que l’abduction soit dans le plan de la scapula est de 45°.
Avant tout mouvement de RM/RL, la poussée longitudinale est sollicitée par la main du
kinésithérapeute située sous le coude gauche du patient. Aucune résistance n’est ajoutée par le
soignant. Cet exercice permet de renforcer également l’activité des abaisseurs extrinsèques.

Proprioception
Après avoir stimulé la stabilisation active lors de différents mouvements, la proprioception est
ensuite développée (Fig. 17).
Les exercices vont d’abord suivre une progression positionnelle. Le patient est en décubitus
dorsal avec le bras en coude au corps (RM1). Ensuite, le bras est placé en RL1. La consigne
est de maintenir son bras statique. Il maintient son bras lors de déstabilisations engendrées par
le kinésithérapeute.
Des poussées déstabilisantes de plus en plus éloignées de l’articulation gléno-humérale
poursuivent la progression.

Figure 17: Déstabilisations éloignées de l’épaule dans une position


proche du coude au corps puis dans une position de RL basse

23
Les sollicitations sont d’abord lentes puis brèves. Petit à petit, le patient n’est plus prévenu
lors des poussées. Les exercices suivent la progression déjà décrite (paragraphe 3.2 p.11 à 13).
L’ensemble de cette prise en charge a permis de réaliser une séance-type de rééducation
isocinétique.

Séance-type d’entrainement isocinétique


D’après le bilan isocinétique réalisé à J14, les RM valident la vitesse de 90°/sec et les RL
60°/sec. La position d’installation est identique à celle du test. Le débattement articulaire
choisi est l’amplitude non douloureuse retrouvée lors du test de 18/10/11, c’est-à-dire
0/6°/65°. L’objectif est que les RL atteignent 90°/sec. Pour cela, le protocole mis en place
est l’alternance de séries de 7 contractions et de 30 sec de repos. Le renforcement commence
par une alternance de 2 séries à 90°/sec et de 60°/sec. Le protocole se termine par une
séquence à 90°/sec et enfin à une vitesse de 120°/sec.

4.4 RESULTATS ET ANALYSE DES RESULTATS A J16

Les résultats sont obtenus 16 jours après le début de la prise en charge kinésithérapique.
4.4.1 Déficits de fonction
 Dans le plan frontal, les moignons des épaules sont à présent à la même hauteur. Une
élévation gauche de 3 cm n’est plus constatée.
Dans le plan transversal, l’épine de la scapula à gauche est encore saillante. La position de la
scapula est quasi identique des deux côtés [Tableau 5]. Les différences de 0.5 cm ne sont pas
significatives.
Tableau 5: Mesures centimétriques.
Repères (en cm)/ côté Gauche Droite Gauche par rapport à droite à
J0 J16 J0 J16 J16
Angle supéro-interne de la scapula 9.5 9 10 9.5 -0.5
Prolongement de l’épine de la scapula 8.5 8.5 9 9 -0.5
Angle inférieure de la scapula 11 12 12.5 12 /

 Une douleur mécanique est ressentie lors de « faux mouvement » par inattention du
patient lors de sollicitation active. Elle est localisée à l’intérieur de l’articulation gléno-
humérale. Cette douleur est vive, cotée à 7/10 sur l’EVN, calmée par le changement de
position. La même douleur mécanique est ressentie lors de l’élévation de la main cotée à
3/10 sur l’EVN. Aucun traitement médicamenteux n’est pris pour ces douleurs.

 A J16, le score de Constant a doublé. (Annexe 1) Cela donne un total de 33/100 (à J0 :


17/100) réparti à 10/15 concernant la douleur (à J0 : 8/15), à 1/10 pour le niveau
d’activités quotidiennes (identique à J0), à 8/10 pour le niveau de travail avec la main (à
J0 : 4/10), 14/40 pour la mobilité active (à J0 : 4/40) et à 0/25 pour la force musculaire
(identique à J0). Le score est pondéré en fonction de l’âge, du sexe et du côté atteint,
amenant la valeur « normalisée » de -66 pour atteindre la valeur de 99/100 (18).

24
 Les mesures goniométriques sont réalisées avec le patient en décubitus dorsal, détendu
permettant d’obtenir des amplitudes passives. Les mesures répertoriées dans le tableau 6
sont limitées par la douleur.

Tableau 6: Amplitudes passives des deux épaules


Mouvements dans Gauche Droite Type
l’articulation gléno-humérale A J0 A J16 Gain d’arrêt à
(scapula bloquée) J0-J16 gauche
Abduction 60° 80° 20° 80° /
RL1 20° 30° 10° 70°
RM Pouce à la Dos de la main au / Th8
hauteur de la niveau de la fesse Arrêt
crête iliaque gauche douloureux
contro-latérale
Extension 0° 10° 10° 30°
Flexion 60° 80° 20° 80° /
Mouvements de l’épaule
(gléno-humérale + scapulo-
thoracique)
Abduction 80° 100° 20° 160°
Arrêt
Flexion 110° 120° 10° 180°
douloureux
Extension NT (non testé) 20° / 30°
Les amplitudes d’abduction et de flexion gléno-humérale deviennent identiques au côté sain.
La RL1 gagne 10° mais reste limitée avec 30° à gauche. La RM gauche permet l’accès de la
main au niveau de la fesse homolatérale alors qu’à J0, le pouce était à hauteur de la crête
iliaque contro-latérale. L’extension gléno-humérale reste limitée de 20° par rapport au côté
sain. La flexion globale s’est améliorée de 10°, elle est de 120°. L’abduction globale est de
100° avec une progression de 20° par rapport à J0. L’extension gauche reste limitée de 10° et
est de 20°.

 Les amplitudes actives sont elles aussi limitées par la douleur. Des mesures
goniométriques sont alors retrouvées : l’abduction active est de 50°. La flexion coude
tendu est de 65° et coude fléchi de 75°. L’élévation antérieure mains jointes est
différente selon le positionnement des mains : main gauche sur main droite 120° et
main droite sur main gauche 110°. A J0, le cône de mobilité était de 10° par rapport à
la verticale. La RM active permet d’amener la main sur le ventre soit 70° (à J0 : 60°).
La RL active est passée de 0 à 10°.

 La force musculaire et les tests actifs ne peuvent être évalués car ils sont limités par la
douleur et les appréhensions du sujet. La position initiale des tests actifs est
difficilement tenue, il est alors impossible d’exercer une résistance.

25
 Le patient est assis avec le membre supérieur droit
reposant sur une table. Dans cette position est apprécié le
rythme scapulo-huméral (Fig. 18). Avant tout mouvement
d’élévation antérieure ou latérale, le patient stabilise son
épaule par une poussée dans l’axe huméral. Une élévation
de l’humérus associée à une sonnette latérale de la
scapula est observée.

 Examen isocinétique à J14 du début de sa prise en charge


masso-kinésithérapique , à 6 semaines de sa subluxation
(Annexe 2) (Fig. 19)
L’installation du patient est identique à celle du bilan initial. La Figure 18: Position
course angulaire est choisie de telle façon que le patient ne dans laquelle est étudié
ressente pas de douleur. Le bilan est réalisé seulement du côté le rythme scapulo-
gauche. Cela commence par 3 séries d’échauffement de 7 huméral
mouvements réalisés à une vitesse de 210°/s. Une pause de 30 secondes est réalisée après
chaque série. Ensuite, le test est effectué selon le mode concentrique. Une série à une vitesse
de 30°/s est choisie pour commencer le bilan comprenant 5 répétitions et 30 secondes de
repos entre les séries. Une série à une vitesse de 60°/sec puis une autre à 90°/s sont ensuite
effectuées.
Résultats du test:
Le débattement articulaire non douloureux est moindre à gauche de 22° par rapport à droite.
La vitesse maximale moyenne demandée atteinte par les RM gauches est de 90°/sec contre
210°/sec à droite et pour les RL gauches une vitesse de 60°/sec est atteinte contre 180°/sec. La
différence de la position du pic de vitesse s’explique par des amplitudes de travail moindres à
gauche. Les valeurs du couple et de la position du pic de couple sont difficilement
interprétables car la puissance et la vitesse atteintes sont faibles. Le couple (MFM) doit être
plus important pour des vitesses lentes que pour des vitesses rapides. Lors de ce test, le MFM
à gauche est très inférieur à celle de droite. Le ratio RL/RM est identique des deux côtés, il est
donc proportionnel à celui de droite mais la force développée n’est pas la même.
L’interprétation des résultats restent encore difficile : la douleur due à la contraction
musculaire diminue les performances de cet examen.

Tableau 7: Résultats de l'examen isocinétique à J14


Gauche Droite
Amplitude de travail 0/6/65 13/0/68
RM RL RM RL
Vitesse max moyenne demandée atteinte (en 90 60 210 180
°/sec)
Moment de force maximal (MFM en Nm) 10.2 -6.7 24.6 -21
Travail total (en J/kg) 0.09 0.06 0.31 0.28
Puissance moyenne (en Watt) 5.8 3.3 36.3 30.7
Angle de survenue du MFM (en degrés) -27.2 -40.1 -46.2 0.8
Ratio RL/RM 0.75 0.74

26
Figure 19: Résultats isocinétiques J0-J14

 M. M. est conscient de ses progrès mais il souhaiterait que la rééducation « avance


plus vite ». Il angoisse à l’idée de ne pas pouvoir reprendre ses activités sportives et
professionnelle antérieures.

4.4.2 Limitations d’activités et restrictions de participation


 Le patient utilise son membre supérieur gauche dans les activités de la vie quotidienne
telles que la toilette, douche, vaisselle… la manutention de charges lui est impossible.

 A J16, la main du patient atteint le vertex, l’oreille, la nuque et la fesse (24). Il ne peut
toujours pas accéder à son dos (Tableau 8 p.28) (fond jaune : test validé, écriture
rouge : nouvelles zones atteintes).

27
Tableau 8: Test fonctionnel de Jully
Elévation complète au dessus de la tête
Main - épaule Main - vertex Main - oreille Main – nuque Supérieur
opposée
Main - taille Main – poitrine Main - taille Main – dos Moyen
opposée
Main - poche Main - ceinture Main – poche Main - fesse Inférieur
opposée
Médial Antérieur Latéral Postérieur

 Le questionnaire Quick Dash est renseigné par le patient. Un score total de 54.5/100
est retrouvé. Le module professionnel et le module sport ont toujours un score de 100
(Annexe 3). Si les réponses à certaines questions sont différentes à J16, le score reste
identique à J0. Si son sommeil est de meilleure qualité, la douleur de l’épaule le
contrarie davantage dans la vie sociale. Son niveau de douleur l’handicape toujours
dans les activités de la vie quotidienne (se laver le dos…).

 Depuis le 9 septembre 2011, les restrictions de participations sont les mêmes.

4.4.3 Analyse des résultats


A J16 de la prise en charge masso-kinésithérapique, l’élévation du moignon gauche n’est plus
constatée. Cela peut être dû à une diminution de l’appréhension de la douleur. La douleur
mécanique en élévation est encore actuelle avec la même cotation et localisation. Elle peut
vraisemblablement être causée par un défaut de centrage actif de la tête huméral. La douleur
lors de « faux mouvement » s’explique en raison d’un manque de vigilance dans le maintien
de la stabilité active. Le score de Constant doublé est expliqué par une diminution de la
douleur, une augmentation de la mobilité active et du niveau de travail de la main. Le niveau
dans les activités quotidiennes est resté identique à J0. Lors de ce score, la force musculaire
n’a pas été testée car le patient ne peut pas maintenir le bras en abduction horizontale. Les
amplitudes articulaires se sont améliorées en raison d’une diminution de la douleur de
l’appréhension du sujet. En effet, l’abduction et la flexion gléno-humérale sont identiques au
côté sain. Si les autres amplitudes ont progressé, elles sont toujours limitées par la douleur. Le
progrès de la mobilité active peut s’expliquer par une amélioration de la mobilité passive, par
l’apprentissage de la stabilité active de la tête humérale et par la cicatrisation des tissus lésés.
L’analyse du rythme scapulo-huméral montre que l’intégration de la stabilité active de la tête
humérale par le patient n’est pas encore automatisée. Lors du test isocinétique, le patient
valide certaines des vitesses demandées par l’opérateur. Ces vitesses restent inférieures à
celles validées par le côté droit. L’objectif d’un test isocinétique positif atteint permet
d’entreprendre un renforcement isocinétique. Le cône de préhension a augmenté en relation
avec le gain en mobilité active.

5. DISCUSSION

Comme nous l’avons constaté, l’appréhension du patient joue un rôle important. Aucun
moyen n’a été mis en place pour quantifier cette appréhension, cette angoisse. Il aurait été

28
intéressant de proposer au patient un questionnaire sur l’anxiété (tel que Beck Depression
Inventory ou Profile Mood State). Cela permet à la fois de suivre l’évolution des troubles
anxieux du patient et de constater les répercussions émotionnelles de la douleur (27). Seule la
douleur nociceptive a été évaluée dans la prise en charge. A J16 de sa prise en charge masso-
kinésithérapique, le patient reste douloureux. Le délai de cicatrisation est acquis mais
cependant les amplitudes passives et actives restent limitées. Les aprioris du patient ne lui ont
pas permis le traitement antalgique disponible. L’éducation du patient sur les effets du
traitement médicamenteux sur la douleur aurait peut-être fait évoluer ses aprioris.
D’autre part, le score de Constant montre ses limites dans le cas de M. M. En effet, ce test
dépend essentiellement de la douleur. Or, à 4 semaines de la subluxation, la douleur est
encore présente. Ce score a plus d’intérêt à distance de l’accident quand les douleurs
diminuent. Le nouveau score Standardised index of shoulder function (FI2S) permettrait de
suivre davantage les progrès en phase douloureuse. Comme le score de Constant, le FI2S se
compose de 4 parties : douleur, mobilité active, fonction et force d’élévation du bras. De plus,
le FI2S explore davantage la douleur (prise d’antalgiques, douleur nocturne…), la force
(pondération de la valeur mesurée en fonction de l’âge et du sexe)... (28)
Le test isocinétique permet d’évaluer la force musculaire en quantitatif, de suivre l’évolution
de cette force et d’orienter la prise en charge masso-kinésithérapique. La rééducation
isocinétique, quant à elle, permet un renforcement analytique du groupe musculaire de la
coiffe des rotateurs en utilisant un feedback visuel. Mais ses inconvénients restent le prix de la
machine d’isocinétisme, la formation du personnel… Concernant M. M, le 1er test
isocinétique a été réalisé à 4 semaines de sa subluxation. En fonction des auteurs, le délai
avant de réaliser un test isocinétique varie entre 5 et 12 semaines afin de respecter la
cicatrisation des éléments capsulo-ligamentaires lésés (5) (16). Le choix de l’équipe médicale
a été de le réaliser avant la cicatrisation complète des tissus étant donné les activités sportives
et professionnelles du patient.
Deux études comparatives randomisées, menées chez des sujets sains montrent l’efficacité du
renforcement musculaire sur machine isocinétique est supérieure aux autres techniques de
rééducation (pliométrie…) (29) (30). Heiderscheit et al. ont comparé l’efficacité d’un
programme de renforcement musculaire sur appareil d’isocinétisme et un entrainement par
pliométrie de 8 semaines chez 78 collégiens sédentaires sains. Les résultats montrent un gain
du pic de couple en concentrique et excentrique sur les RM dans le groupe rééduqué par
l’isocinétisme (p<0,001) alors qu’il n’y a d’amélioration du pic de couple ni dans le groupe
rééduqué en pliométrie, ni dans le groupe contrôle non rééduqué (29). Il est difficile
d’apprécier les effets de l’isocinétisme car la taille de la population est faible, les sujets sont
sains… Il peut être conclu que l’isocinétisme contribue au renforcement de la coiffe des
rotateurs. A ce jour, aucune étude ne compare les effets du renforcement musculaire
isocinétique en complément d’une rééducation de l’épaule traditionnelle.
A la fin de la prise en charge, M. M atteint certaines des vitesses demandées, 60°/sec pour les
RL et 90°/sec pour les RM. La rééducation lui a permis d’améliorer la mobilité et la stabilité
actives nécessaire à l’utilisation de l’isocinétisme mais seulement pour des vitesses lentes. La
stabilité active n’est plus assurée lors de vitesses rapides et des douleurs apparaissent.

29
Compte-tenu de l’ensemble des protocoles à ce jour, il est difficile pour le soignant
d’appréhender le protocole le plus adapté. Un consensus sur le protocole à suivre adapté au
patient aurait été intéressant pour ainsi mieux appréhender cette rééducation. Mont et ses
collaborateurs proposent de faire varier la vitesse au cours d’une séance de musculation sur un
mode « pyramidal » (exemple : 90, 120, 150, 180, 180, 150, 120, 90°/sec) (22). D’autres
auteurs comme Codine préconisent une « pyramide inversée » allant d’une vitesse élevée,
propice à l’échauffement à une vitesse lente pour revenir ensuite à une vitesse élevée (2). Pour
d’autres, le choix du protocole dépend du type de patient (athlètes ou sédentaires) et de
l’objectif à atteindre (travail en force ou en endurance). Dans le cas de M. M, la force de la
coiffe des rotateurs est à privilégier. Ils préconisent pour les athlètes un travail sur le mode
concentrique et excentrique. Etant donné que la lésion est récente, il faut privilégier le mode
concentrique. Le protocole propose donc 6 séries de 10 contractions à des vitesses de 60 à
180°/sec (l’ordre n’est pas indiqué). Un repos de 30sec à 1 minute est intercalé entre les séries
(31).

6. CONCLUSION

Le manque d’expérience a motivé des recherches littéraires professionnelles. Celles-ci ont


influencé les modalités de la prise en charge du patient. Suite à une subluxation d’épaule, la
rééducation est longue et est principalement caractérisée par des douleurs, des limitations
d’amplitudes ainsi qu’un défaut de mobilité et de stabilité actives. A ce jour, très peu de
protocoles existent à propos de la rééducation isocinétique. Ce dernier étant pour l’instant trop
souvent un outil d’évaluation ponctuelle, guidant la rééducation manuelle (32). D’une part, le
masseur-kinésithérapeute prépare le patient à l’utilisation de l’isocinétisme en améliorant la
mobilité et stabilité active de l’épaule et d’autre part, il utilise des techniques antalgiques et
améliore la proprioception.
A ce jour, M. M continue sa prise en charge rééducative au centre de rééducation « Le
Normandy » à Granville. Le 9 mars 2011, un nouveau test isocinétique a été réalisé pour
évaluer les progrès effectués. Les vitesses demandées atteintes à gauche sont identiques au
côté sain. Le ratio RL/RM gauche reste élevé avec 0,93 contre 0,75 à droite. Des points
restent à améliorer tels que l’explosivité de la réponse musculaire pour les vitesses rapides, le
travail des RM pour diminuer le ratio. Le travail excentrique n’est pas encore commencé. La
progression du patient confirme la prise en charge et la pertinence des choix de l’équipe de
soins. Mais ces résultats sont obtenus à 8 mois de sa subluxation. Une prise en charge
chirurgicale a été écartée 3 mois après son accident.
Cette expérience m’a permis de comprendre le rôle du masseur-kinésithérapeute dans
l’utilisation de l’isocinétisme en tant qu’outil d’évaluation et de rééducation.

30
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQ UES ET AUTRES SOURCES
1. (ANAES), Haute Autorité de Santé. Les appareils d'isocinétisme en évaluation et en
rééducation musculaire: intérêts et utilisation. Février 2001.
2. Codine, P et Pocholle, M. Isocinétisme et médecine sportive. Paris : Masson, 1998. p. 174.
3. Edouard, P et al. Mise au point sur les positions d’évaulation isocinétique des muscles
rotateurs de l’épaule. Sciences et sports. 2009, 24, pp. 207-209.
4. Marc, T et al. Rééducation de l'épaule instable. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Encyclopédie médico-chirurgicale. 26-209-A-10, 2010.
5. Codine, P et Hérisson, C. Instabilité de l’épaule et médecine de rééducation. s.l. : Masson,
2007. Vol. Collection de pathologie locomotrice et de médecine.
6. Sims, K et al. Traumatic anterior shoulder dislocation :a case study of nonoperative
management in a mixed martial arts athlete. J Can Chiropr Assoc. 2009, Vol. 53 (4), 261-271.
7. Allain, J et al. Traumatismes de l’épaule et du bras. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Encyclopédie Médico-chirurgicale, Médecine d’urgence. 25-200-F-10, 2007.
8. Besch, S. Immobilisation des luxations glénohumérales. Journal de Traumatologie du
Sport. 2010, 27 : 94-98.
9. Smith, T. Immobilisation following traumatic anterior glenohumeral joint dislocation, A
literature review. Injury, international journal of the care of the injured. 2006, 37: 228-37.
10. Flurin, PH et al. Rééducation de l’épaule non opérée. EMC (Elsevier Masson SAS,
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ANNEXE 1 : SCORE DE CONSTANT
ANNEXE 2 : RESULTATS ISOCINET IQUES J0 ET J14
ANNEXE 3 : QUESTIONNAIRE QUIC K DASH
ANNEXE 4 : FICHE TECHNIQUE « CON-TREX ®»

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