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Annales de réadaptation et de médecine physique 50 (2007) 564–569

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Article original

Intérêts des évaluations isocinétiques du genou avant et après


reconstruction du ligament croisé antérieur chez le footballeur

Benefit of isokinetic evaluations of knee before and after


anterior cruciate ligament reconstruction in soccer players
N. Oliviera,b,c,*, J. Rogeza,b, B. Masquelierb
a
Service de rééducation, polyclinique de Riaumont, Rue entre-deux-monts, 62800 Lievin, France
b
Centre de rééducation les Hautois, 62590 Oignies, France
c
LEMH–EA3608, université Lille-II, 59790 Ronchin, France

Reçu le 27 novembre 2006 ; accepté le 5 mars 2007

Résumé

Objectif. – Cette étude a pour but d’analyser, à partir d’évaluations isocinétiques, l’évolution des performances musculaires des fléchisseurs et
extenseurs du genou en pré- et postopératoire chez des footballeurs ayant bénéficié d’une ligamentoplastie du genou (Kenneth-Jones).
Protocole. – Deux évaluations isocinétiques ont été effectuées sur 18 footballeurs, l’une réalisée quelques jours avant l’intervention chirurgi-
cale et la seconde quatre mois postchirurgie.
Résultats. – L’évaluation initiale montre que les muscles stabilisateurs du genou sont touchés différemment après la rupture du ligament croisé
antréroexterne. À la différence des fléchisseurs, les performances musculaires des extenseurs du genou de la jambe lésée sont significativement
moins élevées comparées à la jambe saine (pic de couple à 90°/s : –16 %, puissance à 180°/s : –14 %, travail à 240°/s : –11 %). Même si à quatre
mois postchirurgie ce déficit s’accentue (pic de couple à 90°/s : –26 %, puissance à 180°/s : –23 %, travail à 240°/s : –19 %), les résultats
préopératoires des extenseurs du genou ne conditionnent pas les performances postopératoires.
Conclusion. – La programmation régulière d’évaluations isocinétiques du genou après rupture du LCAE nous semble pertinente dans le suivi
du sportif blessé. L’évaluation avant la chirurgie peut servir de référence mais elle est surtout intéressante d’un point de vue psychologique, cette
évaluation permettra en outre une mise en confiance du sportif pour sa future prise en charge. La programmation d’une seconde évaluation à
quatre mois postopératoire aura pour objectif de quantifier le déficit musculaire afin d’orienter les exercices de rééducation.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract

Aim. – The aim of this study was to analyse the evolution of the isokinetic performance of the knee flexor and extensor muscles in soccer
players before and after intra-articular anterior cruciate ligament reconstruction (Kennet-Jones).
Methods. – Two isokinetic evaluations were carried out before surgery and after rehabilitation (i.e. 4 months later) in 18 soccer players.
Results. – The initial evaluation showed that the stabilizing muscles of the knee were affected differently after lesion of the external anterior
crossed ligament. At the opposite of the flexor muscles, the performance of the knee extensor muscles of the injured leg was significantly reduced
as compared with that of the healthy leg (peak torque at 90°/s, –16%; power at 180°/s, –14%; total work at 240°/s, –11%). Even if 4 months after
surgery, this deficit was accentuated (peak torque at 90°/s, –26%; power at 180°/s, –23%; total work at 240°/s, –19%), the preoperative results of
the knee extensor muscle do not condition the postoperative performance.

* Auteurcorrespondant.
Adresse e-mail : oliviern@neuf.fr (N. Olivier).

0168-6054/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.annrmp.2007.03.004
N. Olivier et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 50 (2007) 564–569 565

Conclusion. – After a rupture of the external anterior crossed ligament, a regular program of isokinetic evaluation of the knee seems to be
relevant in the follow-up of the wounded athlete. The evaluation before surgery can be used as reference, and from a psychological point of view,
this evaluation can create confidence in the athlete during hospitalization. A second evaluation 4 months after surgery can be used to quantify the
muscular deficit to direct the exercises of rehabilitation.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Chirurgie ; Kenneth-Jones ; Sportifs ; Performances musculaires

Keywords: Surgery; Kenneth-Jones; Athletes; Muscle performance

1. Introduction 2. Matériels et méthodes

La rupture du ligament croisé antréroexterne (LCAE) repré- 2.1. Population


sente, dans les sports de ballon, la blessure la plus importante
de par sa fréquence et sa gravité [23]. La lésion du LCAE Dix-huit footballeurs de niveau régional ont participé à cette
entraîne une instabilité du genou et une impotence fonction- étude. Sont présentés dans le Tableau 1, les mesures anthropo-
nelle. La réparation chirurgicale est alors vivement conseillée. métriques des sujets et le temps écoulé entre le traumatisme
Afin de limiter les complications postopératoires, l’acte chi- initial, et l’intervention chirurgicale. Ces sportifs se sont bles-
rurgical s’effectue sur une articulation ayant retrouvé ses fonc- sés lors d’un match, le diagnostic était pour tous une rupture du
tions élémentaires, l’objectif est la récupération d’un genou ligament croisé antérieur isolée. Le traitement proposé était une
indolore, sec et mobile [17]. Depuis quelques années, l’utilisa- ligamentoplastie du LCAE sous arthroscopie selon la technique
tion de méthodes objectives permettant de quantifier les résul- de Kenneth-Jones réalisé par le même chirurgien.
tats notamment ceux de la force [3,8] constitue un paramètre En préopératoire, ces sportifs ont suivi une rééducation
directement en rapport avec les performances fonctionnelles du d’entretien et préventive chez leur kiné respectif en ville. En
genou. La mesure isocinétique de la force musculaire des mus-
postopératoire, chaque patient a bénéficié d’une prise en charge
cles de la cuisse fait partie de l’évaluation objective des résul-
de huit semaines dans notre établissement en hôpital de jour du
tats de reconstruction du LCAE.
lundi au vendredi à raison de cinq heures quotidiennes. Ces
Les évaluations isocinétiques préopératoires mettent en évi-
premières semaines étaient caractérisées par des déplacements
dence une diminution significative des performances musculai-
en béquilles avec orthèse, l’objectif prioritaire étant une remise
res des extenseurs (quadriceps) et fléchisseurs (ischiojambiers)
en charge progressive du patient avec une récupération des
du genou avec une prédominance de déficit de la jambe lésée
fonctions élémentaires du genou : amplitudes articulaires, ver-
[13]. La laxité préopératoire serait responsable d’un dysfonc-
rouillage actif en extension, fonction musculaire minimale. Sur
tionnement dynamique de l’articulation se traduisant par une
le plan musculaire, le réveil quadricipital (électrostimulation,
perturbation des performances musculaires. Quel que soit le
mobilisation active) est entrepris pour obtenir rapidement le
type de rééducation proposé en pré- et postchirurgie, un déficit
verrouillage du genou. Les cocontractions quadriceps ischio-
des muscles contrôlant le genou est systématiquement enregis-
jambiers sont débutées, d’abord de façon statique puis en
tré quatre mois après l’intervention chirurgicale [7]. Il apparaît
chaîne cinétique fermée [30]. Des étirements des ischiojam-
donc que l’évaluation musculaire en préopératoire apporte peu
biers sont également pratiqués et un éveil proprioceptif est
d’intérêt au niveau rééducatif, d’autant plus que certaines don-
entrepris en décharge stricte. La physiothérapie, le drainage
nées de la littérature ont montré que les performances muscu-
lymphatique sont utilisés pour favoriser la régression de
laires des fléchisseurs et extenseurs du genou en préopératoire
ne conditionnaient pas la récupération postopératoire [10,12]. l’œdème des parties molles, de l’épanchement intra-articulaire
Pourtant, pour certains auteurs, les résultats de la rééducation et de la stase veineuse. À cinq semaines postopératoires, un
postopératoire seraient dépendants de l’état physique initial du travail en balnéothérapie est entrepris si l’état de la cicatrice
patient [4,22,26]. Selon Shelbourne et al. [28], la chirurgie dif- le permet. Pendant toute cette période, la sollicitation en rota-
férée peut permettre d’éviter les complications en postchirur- tion du genou opéré est formellement contre-indiquée que ce
gie. Ainsi, les avis divergent sur l’intérêt de quantifier le déficit soit à sec ou dans l’eau (ciseaux de jambes, mouvement de
musculaire des fléchisseurs et extenseurs du genou en préopé- brasse), en appui ou non. Les sensations de douleur du genou
ratoire. Néanmoins, sur le plan psychologique, cette évaluation que ressentent les patients sont des indicateurs qui limitent les
pourrait être pour le patient un moment privilégié de mise en exercices.
confiance, avec l’élaboration d’un échéancier se rapportant à Après ces huit semaines, la rééducation est poursuivie en
des objectifs rééducatifs précis [29]. libéral. Quelle que soit la prise en charge (libéral/centre de
L’objectif de cette étude, est d’analyser à partir d’évalua- Tableau 1
tions isocinétiques, l’évolution des performances musculaires Caractéristiques anthropométriques des footballeurs
des fléchisseurs et extenseurs du genou en pré- et postopéra- Âge Taille Poids Délai entorse/
toire chez des footballeurs ayant bénéficié d’une ligamento- (années) (cm) (kg) chirurgie (jours)
plastie du genou. 27 ± 5 178 ± 4 77 ± 3 101 ± 12
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rééducation), les exercices et techniques mis en place étaient vitesse. En revanche, le travail total est un indicateur fiable
identiques de façon à standardiser la rééducation. de la fatigabilité musculaire lors d’évaluation à vitesse rapide
Les critères d’inclusion étaient les suivants : personne de (240°/s) composée d’au moins 20 répétitions [14]. Ce paramè-
sexe masculin, footballeur, le temps écoulé entre le trauma- tre a donc été étudié dans cette condition. Les caractéristiques
tisme initial et la chirurgie ne devait pas excéder six mois et anthropométriques des patients sont restées homogènes durant
la technique chirurgicale utilisée pour la reconstruction du le protocole, les résultats n’ont donc pas été normalisés en
LCAE devait être la méthode de Kenneth-Jones. L’expérimen- fonction du poids.
tation a été effectuée uniquement avec des volontaires ayant eu
une information sur les modalités du protocole et les procédu- 2.4. Statistiques
res utilisées. Cette étude a reçu l’accord du comité médical de
l’établissement. Les calculs statistiques ont été effectués avec le logiciel
SYSTAT 7.0. Les moyennes et les écarts-types ont été calculés
2.2. Protocole expérimental pour l’ensemble des variables mesurées et calculées.
L’ensemble des paramètres enregistrés a été comparé à l’aide
Les mesures ont été réalisées à la polyclinique de Riaumont du test de Student pour échantillons appariés et les corrélations
de Liévin (France). Deux évaluations isocinétiques des fléchis- ont été réalisées par le test de Spearman. Le seuil de significa-
seurs et extenseurs du genou ont été effectuées sur chaque tion a été fixé à p inférieur à 0,05.
sportif. Le premier test a été réalisé quelques jours avant
l’intervention chirurgicale, le second quatre mois postchirurgie. 3. Résultats
Les données chiffrées des performances musculaires du mem-
bre inférieur sain étaient systématiquement comparées à celles 3.1. Évaluation préopératoire
du membre inférieur lésé.
À la différence des ischiojambiers, les performances muscu-
2.3. L’évaluation isocinétique laires des extenseurs du genou de la jambe lésée sont signifi-
cativement moins élevées comparées à la jambe saine. Le pic
Chaque test était précédé d’un échauffement d’une quin- de couple à 90° par seconde (Fig. 1), la puissance à 180° par
zaine de minutes sur cycloergomètre et d’une phase de familia- semaine (Fig. 2) et le travail à 240° par seconde (Fig. 3) sont
risation. Les évaluations se sont réalisées sur un Cybex Norm respectivement inférieurs de 16, 14, et 11 %. Le ratio : fléchis-
System préalablement calibré. Toutes les évaluations sont réa- seurs/extenseurs est significativement plus élevé du côté lésé
lisées sur ce même appareil par le même thérapeute [27]. (Fig. 4).
Afin de réduire l’avancée du plateau tibial sous les condyles
le système antitiroir a été systématiquement utilisé [24]. Les 3.2. Évaluation postopératoire
évaluations se sont réalisées en position assise, le siège sur-
élevé de 5° et le dossier incliné de 20°, le bassin, le thorax et À quatre mois postopératoires, les performances des fléchis-
la cuisse étant sanglés. Les mains étaient agrippées au siège par seurs sont similaires entre les deux jambes. En revanche, les
des poignées latérales. L’enregistrement s’est réalisé sur un données des extenseurs de la jambe lésée sont toujours infé-
secteur angulaire de 90°, l’extension active correspondant à rieures (p < 0,05) à celles de la jambe saine (pic de couple à
0°, la correction de gravité s’est effectuée à 45°. 90°/s : –26 %, puissance à 180°/s : –23 %, travail à 240°/s :
Au cours de l’épreuve, le patient n’a reçu aucune informa- –19 %). Le ratio fléchisseur/extenseur est toujours plus élevé
tion visuelle susceptible de le renseigner sur le niveau de force du côté lésé (Fig. 4).
développé, en revanche il bénéficie systématiquement d’encou-
ragements verbaux [2]. Les tests se sont réalisés en mode
concentrique, le protocole utilisé était celui de l’établissement à
savoir : trois répétitions à 90°/s, six répétitions à 180°/s et 20
répétitions à 240°/s. Chaque répétition était précédée de plu-
sieurs essais et le temps de repos entre chaque répétition était
de 60 secondes. Le coefficient de variation devait être inférieur
de 10 % pour que les données soient validées.
Afin de faciliter l’interprétation et l’analyse des données,
seuls trois paramètres ont été pris en compte. Étant donné
que la tension musculaire développée est inversement propor-
tionnelle à la vitesse d’exécution du mouvement, le pic de cou-
ple a été enregistré à une vitesse lente (90°/s) permettant ainsi
d’apprécier la force maximale musculaire. À des vitesses plus
faibles, les contraintes sont plus élevées et l’effort est moins
bien toléré [5]. L’enregistrement de la puissance s’est effectué Fig. 1. Évaluations isocinétiques des fléchisseurs et extenseurs du genou (pic de
à 180°/s, cette donnée est reproductible quelle que soit la couple 90°/s), avant et après ligamentoplastie. (n = 18) *p < 0,05.
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Fig. 5. Relation du déficit musculaire des extenseurs de la jambe lésée en pré- et


postopératoire (pic de couple 90°/s) (n = 18).

significativement en baisse (Figs. 1,2,3). Au niveau du quadri-


Fig. 2. Évaluation isocinétique des fléchisseurs et extenseurs du genou ceps de la jambe opérée, aucune corrélation (R2 = 0,39) n’a été
(puissance 180°/s), avant et après ligamentoplastie. (n = 18) *p < 0,05. trouvée entre les déficits musculaires pré- et postopératoires au
niveau du pic de couple à 90° par seconde (Fig. 5).

4. Discussion

Pour faciliter les interprétations, ont été présentées les


valeurs les plus représentatives. Cependant, toutes les données
enregistrables évoluaient de la même façon et apportaient les
mêmes conclusions.

4.1. Évaluation préopératoire

Les techniques classiques d’évaluation de la fonction mus-


culaire sont insuffisantes et l’utilisation de l’isocinétisme appa-
raît intéressante [1,27]. Cette technique s’adapte aux potentia-
lités du patient [6], elle permet entre autres de quantifier un
déficit musculaire [3,8]. Aucun des sujets testés n’a présenté
Fig. 3. Évaluations isocinétiques des fléchisseurs et extenseurs du genou une réaction douloureuse au cours de cet exercice, il nous
(travail 240°/s), avant et après ligamentoplastie. (n = 18) *p < 0,05.
semble donc possible en accord avec Fossier et al. [20], de
proposer avant la chirurgie une évaluation maximale de la
force musculaire dynamique.
Cette évaluation initiale nous montre que les muscles stabi-
lisateurs du genou, après la rupture du LCAE, sont touchés
différemment, chaque groupe musculaire évolue de façon indé-
pendante [12]. Nous n’avons enregistré aucune différence de
performances des ischiojambiers. Nos résultats confirment
que les exercices de rééducation préopératoire chez le footbal-
leur ne doivent pas nécessairement porter sur ce groupe mus-
culaire. Les données doivent probablement varier suivant la
discipline sportive. Certaines études ont montré au niveau de
la jambe lésée une grande variabilité de performance des
Fig. 4. Évolution du ratio : fléchisseurs (fle)/extenseurs (ext) du genou (pic du ischiojambiers. Dans certains cas les ischiojambiers du côté
couple 90°/s), avant et après ligamentoplastie. (n = 18) *p < 0,05. lésé étaient même plus forts que ceux du côté sain témoignant
de l’adaptation fonctionnelle de ce groupe musculaire à mini-
3.3. Comparaison des évaluations pré- et postopératoires miser le tiroir antérieur [11,19].
En revanche, comme Fostier et al. [19], nous observons que
Les performances musculaires des ischiojambiers sont iden- les performances du quadriceps de la jambe opérée sont signi-
tiques quelle que soit la jambe testée (Figs. 1,2,3). Les valeurs ficativement moins importantes comparées au côté controlaté-
des extenseurs de la jambe saine sont aussi similaires. En ral. La diminution des capacités musculaires résulterait d’une
revanche, comparées aux valeurs préopératoires, les perfor- amyotrophie mais aussi d’une diminution réflexe de l’appareil
mances postopératoires des extenseurs de la jambe lésée sont extenseur du genou entraînant une incapacité à développer
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l’effort maximal [11]. Cette diminution de force est plus mar- de bons résultats postopératoires (Fig. 5). Au vue de ces résul-
quée à vitesse lente, ce qui confirmerait le phénomène d’inhi- tats, le renforcement musculaire avant la chirurgie ne semble
bition réflexe. pas d’un intérêt majeur s’il vise à prévenir le déficit musculaire
postopératoire.
4.2. Évaluation postopératoire En revanche, compte tenu de la spécificité du test isociné-
tique, la reproductibilité des mesures augmente avec le nombre
À quatre mois postopératoires, les performances musculai- d’évaluations, les séances préliminaires d’apprentissage sont
res des ischiojambiers sont identiques entre la jambe saine et la nécessaires [1,9,27]. Ainsi, ce premier test préopératoire per-
jambe lésée. Les valeurs sont aussi similaires à celles obtenues mettrait au patient d’appréhender plus sereinement les prochai-
en préopératoire. Les patients que nous avons évalués ont tous nes évaluations.
été opérés selon la technique de Kenneth Jones, le prélèvement Il nous semble aussi que cette évaluation est importante sur
du transplant s’est effectué sur l’appareil extenseur, les ischio- le plan psychologique [19,29]. En effet, c’est un moment pri-
jambiers ont été épargnés. Fostier et al. [19], ont montré que vilégié pour le futur patient, il pourra faire connaissance avec
les déficits musculaires sur les fléchisseurs étaient générale- l’équipe de rééducation, visiter le plateau technique et poser
ment présents chez des patients présentant une laxité posté- des questions sur l’intervention à venir et ses suites opératoires.
rieure, dans notre protocole n’ont été inclus que des sujets
ayant une laxité antérieure isolée, ce qui pourrait expliquer 5. Conclusion
nos résultats. De plus, Osternig et al. [25], ont montré que
chez les opérés du LCAE le déficit des fléchisseurs était impor- Après rupture du LCAE, la programmation régulière
tant en mode excentrique. Il aurait été intéressant d’évaluer les d’évaluations isocinétiques nous semble pertinente dans le
fléchisseurs du genou en excentrique d’autant plus que chez le suivi du sportif blessé. Même si les résultats de l’évaluation
footballeur les ischiojambiers sont très sollicités sur ce mode des fléchisseurs et extenseurs du genou préopératoire ne condi-
de contraction. Ce protocole pourrait faire l’objet d’une future tionnent pas les performances postopératoires. Nous pensons
investigation. qu’une évaluation initiale avant la chirurgie est intéressante
En revanche, au quatrième mois postopératoire, les perfor- d’un point de vue psychologique, elle permettra en outre une
mances des extenseurs du genou de la jambe opérée sont tou- mise en confiance du patient pour sa future prise en charge. À
jours déficitaires. Ce déficit s’est accentué comparé aux don- quatre mois postopératoires, les performances des quadriceps
nées préopératoires, entraînant ainsi un plus grand déséquilibre de la jambe lésée sont toujours déficitaires, quantifier le déficit
de la balance musculaire de la jambe lésée (Fig. 5). Ces résul- musculaire à cette période est intéressant afin d’orienter la
tats sont en accord avec les données de la littérature [7,27]. rééducation.
L’amyotrophie du quadriceps et la diminution des performan-
ces musculaires résultent de l’immobilisation et du non-usage Références
du membre opéré. Même si les protocoles de rééducation pré-
conisent de limiter les phases d’immobilisation [13], la chirur- [1] Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. Les appareils
d’isocinétisme en évaluation et en rééducation musculaire : intérêt et
gie et les contre-indications postopératoires engendrent inévita-
utilisation ; 2001.
blement une phase d’inactivité fonctionnelle entraînant un [2] Baltzopoulos V, Williams JG, Brodie DA. Source of error in isokinetic
déconditionnement musculaire [18]. En réalité, cette réduction dynamometry: effect of visual feedback on maximum torque measure-
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