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Syndromes médullaires
M. Barat, D. Goossens, G. Penchet, P. Dehail
La séméiologie des lésions de la moelle épinière est riche, en rapport avec ses fonctions de transmission
des informations somesthésiques du corps, de contrôle moteur de l’ensemble de la musculature striée, du
contrôle via le système nerveux végétatif des organes viscéraux des cavités thoracique et abdominale,
mais aussi de ses fonctions d’intégration sensorimotrice plus complexes. Toute lésion de la moelle épinière
engage l’avenir fonctionnel des patients, d’où l’importance d’un diagnostic précoce qui s’appuie
initialement sur le contexte, l’interrogatoire et l’examen clinique rigoureux. Les progrès de l’imagerie de la
moelle (imagerie par résonance magnétique) ont considérablement amélioré le diagnostic de nature du
processus lésionnel. Les causes des lésions de la moelle sont très nombreuses : traumatiques, vasculaires,
infectieuses et inflammatoires, tumorales, compressives, toxiques et carentielles, malformatives et
dégénératives... Chacune de ces causes évoque un aspect séméiologique et évolutif propre, abordé dans
les chapitres référents de l’EMC. Sur le plan clinique, il convient de distinguer les atteintes segmentaires
responsables des différents syndromes transverses qui s’installent généralement sur un mode aigu ou
subaigu, et les atteintes « systématisées » qui sont le fait des lésions qui touchent de façon privilégiée
certaines structures au sein de la moelle, le plus souvent sur un mode progressif. En cas de lésion uni- ou
plurisegmentaire, reconnaître et identifier par la terminologie internationale le niveau supérieur de la
lésion, apprécier l’intensité des déficits moteurs, sensitifs, viscéraux au-dessous de la lésion permettent de
préciser le syndrome anatomoclinique et, en fonction du contexte, d’orienter les examens
complémentaires. Les lésions transverses complètes au niveau cervical sont responsables de déficits
sensitivomoteurs massifs des quatre membres et du tronc et s’accompagnent, dans les formes aiguës, de
désordres végétatifs qui engagent très souvent le pronostic vital. Dans les lésions basses, l’atteinte
sensitivomotrice concerne à des degrés variables les membres inférieurs ; les troubles vésicosphinctériens,
anorectaux, sexuels sont toujours présents. L’atteinte « systématisée » de certaines structures
anatomiques de la moelle peut concerner de façon isolée ou associée la substance grise et la substance
blanche. Dans ce dernier cas, on décrit des syndromes cordonaux purs ou combinés. Il s’agit
habituellement d’atteintes progressives, relevant de causes multiples. Les syndromes médullaires de
l’enfant et de la personne âgée s’observent dans un contexte pathologique spécifique, propre à l’âge.
Enfin, même en cas de lésion non évolutive mais ayant laissé des séquelles, des phénomènes dégénératifs
secondaires, parfois tardifs, sont susceptibles de modifier le tableau clinique, imposant une vigilance et
une rigueur dans le suivi de toute personne handicapée par atteinte de la moelle épinière.
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2 3
1
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5
2
3
6
A B A B
Figure 1. Syndrome de Brown-Séquard par lésion de l’hémimoelle en Figure 2. Syndrome transverse antérieur en C8 (A, B). D’après P. Mi-
T6 (A, B). D’après P. Minaire [12]. 1. Faisceau pyramidal ; 2. faisceau naire [12]. 1. Thermoanalgésie ; 2. syndrome pyramidal ; 3. aréflexie
spinothalamique ; 3. thermoanalgésie ; 4. anesthésie totale en bande ; tendineuse.
5. syndrome pyramidal ; 6. anesthésie profonde.
Tableau 2.
Syndromes médullaires transverses.
Syndrome Lésion Symptômes et signes
Syndrome antérieur Deux tiers antérieurs de la moelle (exemple : Atteinte cordonale globale, sauf épargne des cordons postérieurs
infarctus spinal antérieur, traumatisme cervical) (sens de position, pallesthésie, tact)
Syndrome de Brown-Séquard Lésion unilatérale (traumatisme pénétrant, etc.) Paralysie sous-lésionnelle ipsilatérale
Anesthésie tactile globale, position, vibration ipsilatérale
Anesthésie douloureuse et thermique controlatérale
Syndrome central cervical Lésion centromédullaire substance grise++, Paralysie des membres supérieurs
décussation spinothalamique (traumatisme, Paralysie partielle des membres inférieurs/segments sacrés
syrinx, tumeur, etc.)
Anesthésie douloureuse et thermique suspendue
Syndrome cône médullaire Lésions L1 (vertébral) et au-dessous Paralysie distale des membres inférieurs
Syndrome de la queue de cheval Anesthésie en selle
Troubles de l’érection
Rétention vésicale ou incontinence
Incontinence fécale
Hypotonie du sphincter anal
Altération des réflexes bulbocaverneux, clitoridoanal, anal
Syndrome transverse total Lésions de tous les faisceaux au niveau d’un Déficit sensitivomoteur complet au-dessous de la lésion
segment ou plus
4 Neurologie
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L1 L1 3
L2 L2
L3 L3
L4 L4
L5
S1
S2 S2
S3 S3
S4 S4
S5 S5
4
1
A B
Figure 3. Lésions basses. D’après P. Minaire [12]. 2 5
A. Lésion de la moelle et des racines au niveau du 5e segment lombaire et
1er segment sacré. Paralysie en dessous de L4 ; persistance des réflexes A B
rotuliens ; anesthésie cutanée totale L4-S1 ; réflexe anal + ; réflexe bulboa- Figure 5. Syndrome médullaire postérieur en C7-C8 (A, B). D’après
nal et bulbocaverneux + ; vessie « centrale ». P. Minaire [12]. 1. Aréflexie tendineuse C7-C8 ; 2. paraparésie transitoire ;
B. Syndrome de la queue de cheval. Paralysie au niveau et au dessous de 3. anesthésie cutanée en bande en C7-C8 ; 4. astéréognosie des mains ;
L2 ; anesthésie cutanée totale au dessous de L2 ; aréflexie rotulienne et 5. suppression de la sensibilité profondes aux membres inférieurs.
achiléenne ; abolition de tous les réflexes périnéaux ; vessie « péri-
phérique ».
2 3
1
1 3
2
Figure 6. Représentation schématique des trois grands syndromes cer-
vicaux incomplets. 1. Syndrome central ; 2. syndrome antérieur ; 3. syn-
drome de Brown-Séquard.
A B
Figure 4. Syndrome centromédullaire en C8 (Schneider) (A, B). D’après cutané. Une paraparésie par atteinte associée des faisceaux
P. Minaire [12]. 1. Faisceau pyramidal ; 2. atteinte motrice prédominant pyramidaux est possible (Fig. 5, Tableau 2).
aux membres supérieurs et au tronc ; 3. thermoanalgésie ; 4. aréflexie.
Atteintes « systématisées »
les membres supérieurs [14, 15]. Ce syndrome survient fréquem- Sous le terme de syndromes médullaires par atteinte « systé-
ment chez les sujets âgés victimes d’un traumatisme en hype- matisée », on regroupe les tableaux cliniques consécutifs à une
rextension sur un rachis cervical rétréci par une lésion transverse uni- ou multifocale, ou diffuse (et dans ce cas
cervicarthrose [16]. En fait, l’expression clinique est fonction de le plus souvent progressive) de certaines structures anatomiques
l’extension en largeur et en hauteur de la lésion centrale de la de la moelle épinière.
moelle : de la tétraplégie « subtotale » avec une simple épargne
sensitive sacrée, au syndrome de diplégie brachiale pure avec Syndromes de la SG
anesthésie dissociée syringomyélique suspendue. Mais globale-
Syndrome de corne antérieure pur
ment, le pronostic est favorable. La récupération est plus
précoce sur les membres inférieurs, puis sur la fonction vésico- Il est lié à la destruction des motoneurones. Le tableau est
sphinctérienne et sexuelle, la racine des membres supérieurs celui d’une atrophie spinale, c’est-à-dire un syndrome neuro-
alors que les muscles intrinsèques de la main restent souvent gène moteur pur avec déficit amyotrophiant, localisé ou diffus
déficitaires (Fig. 4 à 6 et Tableau 2). et aréflexie tendineuse.
Dans la forme aiguë, le type de description en est la polio-
Syndrome transverse postérieur myélite antérieure aiguë, persistante à l’état endémique dans les
Il est exceptionnel dans sa forme pure. Il se traduit par des pays mal couverts par la prévention vaccinale : paralysies
paresthésies et des troubles de la sensibilité profonde et tactile brutales ou subaiguës avec amyotrophie rapide, de topographie
dans les territoires sous-jacents. Il peut s’y associer, si les cornes et d’extension très variables, de la tétraplégie totale avec
postérieures sont atteintes, une anesthésie globale suspendue, paralysie phrénique, aux formes monoméliques focalisées, ne
une abolition des réflexes ostéotendineux et à point de départ touchant que quelques faisceaux au sein d’un même groupe
Neurologie 5
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musculaire. De façon classique, les muscles innervés au niveau L’expression clinique est variable selon la cause et le degré
des renflements cervical et lombaire sont les plus exposés. Dans d’atteinte : de la claudication médullaire au début, à la démar-
les pays où la couverture vaccinale est ancienne, l’attention se che de « gallinacé » par prédominance de la spasticité sur les
porte sur le risque de développement du syndrome postpolio- muscles antigravidiques et les adducteurs de cuisse et faiblesse
myélitique, plusieurs décennies après l’atteinte initiale : surve- des fléchisseurs de hanches et de genoux, en passant par la
nue tardive d’une nouvelle faiblesse musculaire, avec ou sans paraplégie hyperspastique en extension rendant la marche
amyotrophie, dans des territoires a priori épargnés lors de la impossible, voire en triple flexion permanente à un stade très
période aiguë. L’interprétation du syndrome postpoliomyéliti- évolué. Les troubles vésicosphinctériens sont habituels au cours
que reste controversée : épuisement axonal, persistance et de l’évolution : pollakiurie et impériosité par hyperactivité
réactivation du poliovirus ?
vésicale, dysurie et rétention chronique liées à l’hypertonie
Dans les formes progressives (amyotrophie spinale progressive
spastique périnéosphinctérienne avec dyssynergie vésico-
[ASP]), on peut observer :
sphinctérienne.
• des atteintes diffuses, symétriques, de découverte parfois
néonatale dont l’évolution peut être rapidement mortelle ou L’atteinte pyramidale pure ou le restant pendant une longue
plus lentement évolutive selon le génotype ; période d’évolution oriente, selon le contexte, vers une sclérose
• des atteintes asymétriques ou partielles, subaiguës ou progres- en plaques progressive primaire, une paraplégie spastique
sives, accompagnées de crampes, notamment au froid, de héréditaire (PSH), ou une sclérose latérale primitive. L’hémiplé-
fasciculations, voire de myokimies, de localisations proxima- gie spinale de Mills est un tableau clinique rare et particulier qui
les et/ou distales. Aux membres supérieurs, l’atteinte distale se se caractérise par l’asymétrie de l’atteinte pyramidale et son
traduit par une main d’Aran-Duchenne, l’atteinte proximale évolution lentement ascendante.
si elle est symétrique par un syndrome de « l’homme dans le L’atteinte isolée de la voie pyramidale est attestée par les
tonneau ». Chez l’adulte, l’atteinte fait évoquer une sclérose potentiels évoqués moteurs (PEM) obtenus par stimulation
latérale amyotrophique en cas d’aggravation rapide, surtout si corticale, révélant un allongement du temps de conduction
elle s’enrichit d’un syndrome pyramidal ; mais des formes très central.
lentes et habituellement limitées (monoméliques) peuvent
évoquer une poliomyélite antérieure chronique, une téphro- Syndrome cordonal postérieur
malacie antérieure [17] avec atrophie des petits muscles de la C’est le plus fréquent des syndromes cordonaux isolés. Sa
main ou des loges antéroexternes des jambes, rapportée à description est liée au tabès dorsalis [19] . Actuellement, on
l’ischémie progressive des cornes antérieures [18]. l’observe essentiellement dans les lésions du neurone sensitif du
Dans tous les cas, l’électromyogramme confirme l’atteinte des ganglion rachidien postérieur avec dégénérescence antérograde
motoneurones. En détection au repos, on relève une activité de
des axones des cordons postérieurs (syndrome paranéoplasique
dénervation ; à la contraction, il existe des potentiels d’unités
de Denny-Brown par exemple) ou dans les atteintes inflamma-
motrices de grande largeur et de très grande amplitude avec
toires, infectieuses ou mécaniques des cordons postérieurs.
sommation temporelle. En stimulodétection, les vitesses de
La séméiologie associe :
conduction motrices et sensitives sont normales et, en particu-
lier, il n’y a pas de blocs de conduction proximaux ou distaux • une altération du sens de position articulaire et du mouve-
(diagnostic différentiel avec les neuropathies motrices multifo- ment (kinesthésie), de la sensibilité osseuse vibratoire (palles-
cales avec blocs de conduction). thésie), de la sensibilité douloureuse à la pression, et de la
sensibilité de localisation et la discrimination (deux points
Syndrome des cornes antérolatérales mobiles et immobiles au compas de Weber), de la discrimi-
Exceptionnel de façon isolée, il peut se rencontrer dans les nation tactile en cas d’atteinte cervicale (troubles de la
lésions centromédullaires très limitées ou au début d’un reconnaissance et de l’utilisation des objets en préhension
processus expansif centromédullaire (syringomyélie, épendy- « aveugle » ou astéréognosie sensitive) ;
mome... (cf. plus bas). Il s’exprime par des troubles végétatifs • des troubles sensitifs subjectifs de type cordonal : dysesthésies
(atteinte des colonnes intermédiaires internes C1-S1 et externes et paresthésies projetées aux extrémités des membres, dou-
C8-L2). leurs fulgurantes à type de décharges électriques, adoptant
Dans les lésions cervicales et thoraciques hautes, peuvent parfois une topographie pseudoradiculaire (sciatique « cordo-
s’observer un syndrome de Claude Bernard-Horner, des troubles nale »). L’atteinte de la moelle cervicale se traduit très
de la régulation tensionnelle et du rythme cardiaque (cf. souvent par un signe de Lhermitte : décharge électrique en
syndrome d’hyperréflexie autonome [HRA]). éclair lors des mouvements de la tête, surtout la flexion,
Quel que soit le niveau de l’atteinte des troubles localisés de
irradiant de la région rachidienne vers l’extrémité des
la sudation (hypersudation, sécheresse), des troubles vasomo-
membres ;
teurs (acrocyanose, dermographisme), de la régulation thermi-
• des troubles moteurs consécutifs à l’altération de la sensibilité
que locale (refroidissement), trophiques (dépilation,
algoneurodystrophie ou syndrome douloureux régional com- lemniscale : ataxie sensitive, troubles de la manipulation, de
plexe de type I) sont possibles. l’équilibre yeux fermés (signe de Romberg sensibilisé), ataxie
de la marche qui est impossible les yeux fermés ou dans
Syndrome de la corne postérieure l’obscurité.
Également exceptionnel dans sa forme pure, son expression L’étude de la conduction centrale des potentiels évoqués
se confond avec celle d’une lésion radiculocordonale postérieure sensitifs (PES) par stimulation d’un nerf sensitif des membres est
ou un syndrome syringomyélique avec anesthésie douloureuse très utile pour préciser le niveau topographique.
et thermique et interruption de l’arc réflexe ostéotendineux.
Syndrome des cordons spinocérébelleux
Syndromes de la SB : syndromes cordonaux purs La séméiologie de l’atteinte de ces cordons concerne le
Paraplégie et tétraplégie spastique contrôle du mouvement en raison de l’altération des voies de la
L’atteinte est celle du faisceau corticospinal ou pyramidal au sensibilité proprioceptive inconsciente (non lemniscale). Selon
niveau du cordon latéral. Le déficit moteur est fonction de le niveau ou le caractère diffus et extensif de la lésion, on
l’extension longitudinale de la lésion : para- ou tétraparésie puis observe une hypermétrie ou une dysmétrie (épreuves talon-
atteinte qui se complète en cas d’affection évolutive. Au déficit genou et doigt-nez), alors que les sensibilités conscientes restent
s’associent une hypertonie spastique et les autres éléments du bien perçues. La manœuvre de Stewart-Holmes explore le
syndrome pyramidal : vivacité et diffusion des réflexes ostéo- faisceau cunéocérébelleux et la manœuvre de Romberg sensibi-
tendineux, trépidation, signe de Babinski, exagération des lisée le faisceau spinocérébelleux dorsal. La marche peut être
réflexes en triple retrait, automatismes moteurs provoqués ou sévèrement altérée (ataxie de Freidreich) en l’absence de
spontanés (spasmes en triple flexion, en extension ou croisés). troubles de la force motrice.
6 Neurologie
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8 Neurologie
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Neurologie 9
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Compression médullaire et tumeurs malignes cas des neuropathies distales. La valeur d’orientation de certains
signes cliniques, témoins habituels de l’atteinte des voies
Le contexte est généralement clair puisqu’il est rare qu’une
longues médullaires à visée motrice ou sensitive, se trouve ainsi
telle compression soit révélatrice du cancer primitif. L’évoluti-
prise en défaut.
vité de la compression est rapide avec un syndrome algique
L’altération des fonctions supérieures, en rapport avec un
rachidien au premier plan et une altération de l’état général.
déclin cognitif plus ou moins évolué, constitue une difficulté
Compression médullaire dégénérative supplémentaire qui peut retarder le diagnostic syndromique et
causal d’une atteinte médullaire, en particulier lorsque celle-ci
La myélopathie par cervicarthrose atteint plutôt des sujets est d’évolution progressive. D’une manière générale, il est
masculins de plus de 50 ans, parfois aux antécédents de d’autant plus malaisé de faire le diagnostic précoce d’une
traumatisme rachidien ou de hernie discale cervicale. L’évolu- atteinte médullaire chez la personne âgée que celle-ci présente
tion est très insidieuse et rend compte du diagnostic générale- au préalable un haut niveau d’incapacité fonctionnelle. Cette
ment tardif. Plus rarement cette évolution peut être rapide avec incapacité est en effet susceptible de masquer initialement le
la constitution d’une tétraparésie en quelques semaines. Une retentissement d’une myélopathie dont certains signes clini-
claudication médullaire est l’expression clinique initiale la plus ques, notamment vésicosphinctériens, peuvent facilement être
souvent constatée avec des phénomènes douloureux rachidiens mal interprétés.
ou radiculaires bilatéraux. La tolérance de la moelle aux Sur le plan étiologique, certaines causes doivent être plus
contraintes mécaniques du rachis est faible et explique le risque particulièrement évoquées chez la personne âgée du fait de leur
important de décompensation aiguë. prévalence. Un syndrome de claudication médullaire non
douloureuse fait évoquer en premier lieu la possibilité d’une
Syndromes médullaires progressifs myélopathie cervicarthrosique. Comme précédemment évoqué,
Recouvrant de très nombreuses causes, les lésions progressives l’examen clinique neurologique peut être particulièrement
de la moelle épinière s’expriment le plus souvent par une difficile à interpréter dans cette population âgée. Des antécé-
séméiologie « systématisée » : atteinte sélective de la SG ou de dents de névralgie cervicobrachiale ou l’existence d’un syn-
la SB, ou atteinte combinée atteignant de façon plus ou moins drome radiculaire aux membres supérieurs, associés aux signes
diffuse la moelle. Les tableaux de paraparésie spastique, de d’atteinte médullaire, permettent d’orienter le diagnostic qui est
syndrome de corne antérieure, de sclérose combinée, de sclérose confirmé par l’IRM. Devant un syndrome de sclérose combinée
latérale amyotrophique, d’ataxie de Freidreich, ou encore de médullaire, la possibilité d’une carence en vitamine B12 doit
syringomyélie sont les plus fréquents. Leur progressivité est systématiquement être envisagée. Même si les atteintes du
donc dépendante de l’affection causale c’est-à-dire de la système nerveux central sont considérées comme des complica-
curabilité, opposant les maladies inflammatoires, de système, les tions rares de la carence en vitamine B12 [40], leur présence
causes toxiques ou carentielles, aux affections dégénératives et témoigne d’un déficit souvent profond. Les manifestations
héréditaires voire malformatives. L’âge de début, le contexte cliniques de la carence en vitamine B12 peuvent être particuliè-
général, les lésions extramédullaires associées impriment un rement sévères chez la personne âgée 7 [41] et le diagnostic
pronostic propre. fréquemment retardé du fait du contexte polypathologique.
L’atteinte médullaire peut parfois être visualisée en IRM sous la
forme d’un hypersignal en T2 prédominant au niveau des
■ Syndromes médullaires cordons postérieurs [42]. La carence d’apport alimentaire et la
gastrite atrophique constituent deux des causes les plus fré-
aux différents âges quentes chez la personne âgée [43, 44] et doivent être systémati-
quement évoquées.
Syndromes médullaires de l’enfant [39] Les autres cadres étiologiques habituellement évoqués chez
L’enfant est exposé à de nombreuses affections de la moelle l’adulte peuvent également être observés chez la personne âgée
épinière. La séméiologie distingue de la même façon que chez ou très âgée. Suivant le contexte, une épidurite néoplasique, des
l’adulte les syndromes transverses, les atteintes « systématisées » métastatases compressives, une myélopathie vasculaire, etc.,
et diffuses. Selon le mode d’évolution, on s’oriente vers trois constituent des causes possibles, qui doivent être confirmées par
directions. les explorations complémentaires habituelles.
Après un début aigu, vers une myélopathie transverse ou une Même si elle est rare, la possibilité d’une atteinte médullaire
compression médullaire d’origine traumatique ou tumorale. Les au cours d’une affection systémique, connue ou non, doit
myélopathies sont le plus souvent infectieuses, inflammatoires parfois être évoquée. Il s’agit en particulier du lupus érythéma-
ou postvaccinales. Une déformation rachidienne rapide et teux disséminé [45, 46], de la sarcoïdose [47] et du syndrome de
douloureuse précédant l’atteinte neurologique doit évoquer une Gougerot-Sjögren [48]. L’atteinte médullaire est exceptionnelle-
tumeur de la moelle (astrocytome). ment inaugurale dans ce type d’affection et, à un âge avancé,
Un début progressif et une évolution chronique, sous l’aspect ce diagnostic n’est envisagé que par élimination, devant
d’une paraplégie ou tétraplégie symétrique ou asymétrique fait l’association d’un syndrome médullaire, de signes d’atteinte
évoquer, selon l’âge, une ASP, un dysraphisme vertébromédul- systémique et de manifestations biologiques, caractéristiques de
laire, une maladie métabolique ou dégénérative, une PSH. l’affection causale. Le syndrome médullaire peut prendre la
La spécificité tient en fait aux syndromes médullaires laissant forme d’une myélite transverse aiguë ou d’une myélopathie
des séquelles définitives ou dans le contexte d’une affection chronique avec différentes expressions syndromiques en fonc-
évolutive. Plus jeune sera l’enfant, plus complexes seront les tion de la localisation des lésions (le plus souvent cervicales
conséquences fonctionnelles de l’atteinte de la moelle : neuro- basses ou thoraciques) et de leur étendue au sein du cordon
orthopédiques, rachidiennes, ventilatoires parfois, urinaires et médullaire.
fécales très souvent, éducatives toujours.
10 Neurologie
Syndromes médullaires ¶ 17-042-A-10
En cas de lésion transverse aiguë complète, la phase de choc d’équivalents orgasmiques, y compris à point de départ vagino-
spinal se traduit par une aréflexie du détrusor et une rétention utérin. L’anesthésie périnéale est toujours vécue de façon très
d’urine, d’autant que persiste souvent un tonus de base du péjorative.
sphincter strié urétral. La motricité colo-recto-sigmoïdienne est Dans les syndromes médullaires subaigus et/ou progressifs, la
réduite voire abolie, d’où la fréquence de l’iléus paralytique. reconnaissance, l’identification des mécanismes physiopatholo-
Dans les lésions cervicales, la constatation initiale d’un giques de ces troubles s’inscrit dans la démarche du diagnostic
priapisme est considérée comme un facteur de mauvais pronos- de nature : précoces dans les atteintes mécaniques, infectieuses,
tic, au même titre que le réflexe de Guillain (cf. plus haut). La inflammatoires de la partie basse de la moelle, plus tardifs
levée du choc spinal avec retour d’une activité automatique du généralement dans les syndromes cordonaux progressifs, absents
segment sous-lésionnel est marquée par : classiquement dans certaines atteintes « systématisées », par
• l’apparition d’un automatisme détrusorien souvent exagéré, exemple les syndromes de la corne antérieure.
avec des fuites urinaires réflexes (neurovessie centrale,
automatique, désinhibée), souvent associé à un trouble de
relaxation du sphincter strié au moment de la miction du fait ■ Aspects séquellaires
de la spasticité du plancher périnéosphinctérien (dyssynergie et pronostic/vieillissement :
vésicosphinctérienne), avec le risque de rétention chronique.
La sensation de besoin mictionnel est abolie, mais dans les aspects sémiologiques
lésions complètes hautes, il existe souvent des équivalents de
À distance d’un syndrome médullaire transverse connu et a
besoin : sensations de frissons et réactions vasomotrices du
priori non évolutif, la séméiologie clinique peut se modifier et
territoire sus-lésionnel, céphalée, etc., qui sont interprétés
faire suspecter plusieurs entités anatomocliniques et radiologi-
comme des crises d’HRA dégradées. Le retour de la motricité
ques distinctes. Quatre aspects sont individualisables selon la
colique et rectosigmoïdienne obéit au même mode (neuroin-
cause de la lésion transverse.
testin « central ») ;
• sur le plan sexuel chez l’homme, la réapparition des érections
réflexes, mais souvent instables, trop brèves pour permettre Myélomacie
un rapport. L’anéjaculation est fréquente ou l’émission Il s’agit d’une lésion à bords mal définis, hypo-intense en T1,
spermatique s’effectue de façon rétrograde. Des dissociations hyperintense en T2, généralement de petite taille et en regard
des possibilités sexuelles sont habituelles selon le niveau de la lésion d’origine.
lésionnel : chez le tétraplégique ou le paraplégique thoracique
haut, l’orgasme n’est plus ressenti ou simplement sous forme
d’équivalent, mais l’érection réflexe est de meilleure qualité et
Kyste post-traumatique intramédullaire
l’éjaculation est souvent préservée. L’activité sexuelle est Il présente des parois bien définies et un signal en T1 et en
parfois marquée par des troubles végétatifs tensionnels, T2 identique à celui du LCR, de hauteur limitée ce qui le
notamment lors de l’éjaculation (HRA). distingue de la cavité syringomyélique.
En cas de lésion transverse incomplète, les troubles sont
généralement moins sévères. Dans le syndrome antérieur, les Myélopathie myélomalacique progressive
problèmes urinaires, anorectaux et sexuels sont comparables
dans leur évolution, mais le patient conserve une sensibilité de Il s’agit d’une entité pathologique qui peut simuler un kyste
besoin mictionnel et d’exonération qui constitue une aide non intramédullaire.
négligeable pour l’accès secondaire à l’autonomie de ces
fonctions. Le syndrome central limité, le syndrome latéral de Syringomyélie postlésionnelle
Brown-Séquard sont marqués par une bonne récupération dans
La syringomyélie se définit comme une déformation centro-
ces différents domaines, même si des troubles sont présents à la médullaire secondaire à un processus pathologique, remplie de
phase aiguë. LCR, limitée par du tissu glial et/ou épendymaire et communi-
Un cas particulier concerne les lésions basses du cône termi- quant ou non avec le système ventriculaire encéphalique [49, 50].
nal et les lésions de la queue de cheval (destruction des centres L’existence d’une cavité syringomyélique implique des mécanis-
de la moelle sacrée ou lésion sous-jacente). Les troubles urinai- mes étiopathogéniques variés qui peuvent être malformatifs,
res, intestinaux, sexuels dominent la symptomatologie et circulatoires ou post-traumatiques [51] . Selon Williams, la
représentent habituellement le handicap résiduel le plus syringomyélie est un diagnostic neuroradiologique et corres-
important. L’appareil vésicosphinctérien et intestinal bas est pond à une « zone homogène intramédullaire de même inten-
privé de tout contrôle, aréactif, aréflectif ; l’hypotonie sphincté- sité que le LCR [...] aux contours définis et s’étendant au moins
rienne striée avec paralysie périnéale est la règle. L’incontinence sur deux niveaux vertébraux » [52]. Cette zone intramédullaire se
par fuites d’effort ou par regorgement lié à la rétention majeure développe dans la majorité des cas en regard de la lésion en
en est la conséquence (neurovessie et neuro-intestin « périphé- dessous et en dessous de la zone lésée [53].
riques » ou « autonomes »). En cas de lésion incomplète, le À l’étude morphologique par IRM peut être ajoutée une étude
dysfonctionnement associe des éléments dissociés ; vessie et bas vélocimétrique de flux du LCR traduisant au sein des kystes des
intestin hypo- ou aréactifs, hypertonie shpinctérienne striée obstacles fonctionnels de circulation du LCR [54].
(neurovessie ou neuro-intestin « mixtes »). Sur le plan sexuel, le Quel que soit l’aspect morphologique séquellaire, ces entités
dysfonctionnement est la conséquence de la disparition de la sont évoquées soit à partir d’un signe d’appel, soit lors d’exa-
réflectivité et de l’anesthésie dans les métamères sacrés, mais la mens systématiques de surveillance et de suivi.
préservation du centre sexuel sympathique dorsolombaire. Chez Sur le plan sémiologique, les conséquences cliniques postsyn-
l’homme, les érections nocturnes réflexes sont absentes si la drome transverse peuvent prendre des aspects multiples plus ou
lésion est complète, mais les érections psychogènes (intumes- moins bien systématisés :
cence sans rigidité) sont préservées dans un nombre non
négligeable de cas. L’éjaculation est le plus souvent impossible Douleurs lésionnelles
ou elle est baveuse, non clonique, prématurée et amputée de sa Le premier signe évocateur d’une syringomyélie postlésion-
composante expulsive. La perception de l’orgasme est toujours nelle est le plus souvent l’apparition ou l’aggravation de
émoussée. Chez la femme, la phase d’excitation sexuelle est douleurs neuropathiques dans le syndrome lésionnel. Il s’agit la
marquée dans un quart des cas par la persistance d’une lubrifi- plupart du temps de brûlures, d’allodynie ou de douleurs
cation psychogène, avec abolition de la lubrification réflexe. Il paroxystiques. Le caractère réfractaire a été également souvent
n’y a pas d’érection clitoridienne. L’orgasme rythmique du souligné. Attal décrit une résistance aux antalgiques
périnée est aboli, ce qui ne signifie pas la disparition définitive habituels [55].
Neurologie 11
17-042-A-10 ¶ Syndromes médullaires
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la moelle épinière résultent de causes extrinsèques à la moelle. [23] Bussel B, Roby-Brami A, Azouvi P, Biraben A, Yakovleff A, Held JP.
Ces causes sont dominées par les compressions traumatiques, les Myoclonus in a patient with spinal cord transection. Possible
sténoses acquises du canal rachidien, les tumeurs, un abcès ou involvement of the spinal stepping generator. Brain 1988;111(Pt5):
un hématome extramédullaire. Moins souvent, les causes sont 1235-45.
intrinsèques relevant d’infarctus, d’hémorragies intramédullai- [24] Brown P, Thompson PD, Rothwell JC, Day BL, Marsden CD. Axial
res, de myélites transverses de nature virale, bactérienne, myoclonus of propriospinal origin. Brain 1991;114(Pt1A):197-214.
parasitaire, postvaccinale, inflammatoire, toxique, ou consé- [25] Fouillet N, Wiart L, Arné P, Alaoui P, Petit H, Barat M. Propriospinal
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vitaminiques, les accidents de foudroiement, d’électrisation, de [27] Rushworth G, Lishman WA, Hughes JT, Oppenheimer DR. Intense
décompression, les myélopathies postradiothérapie, les atteintes rigidity of the arms due to isolation of motoneurones by a spinal tumour.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Barat M., Goossens D., Penchet G., Dehail P. Syndromes médullaires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Neurologie, 17-042-A-10, 2010.
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