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Myosites
Encyclopédie Pratique de Médecine

P Cherin

L es polymyosites et dermatomyosites sont des affections dysimmunitaires caractérisées par une atteinte
inflammatoire des muscles squelettiques. Malgré les progrès réalisés dans la compréhension de ces maladies
et les récents développements thérapeutiques, ces myosites constituent des affections redoutables, nécessitant une
prise en charge par des équipes spécialisées.
© Elsevier, Paris.


surtout pelviennes. Le caractère bilatéral, symétrique Atteinte cardiaque
Introduction et non sélectif de ce déficit moteur permet de le Sa fréquence est diversement appréciée ; de 30 à
distinguer du déficit musculaire des myopathies. 70 % selon les critères retenus. Cependant, une
L’intensité de la faiblesse musculaire est variable symptomatologie clinique cardiaque ne s’observe
Les myosites (ou myopathies inflammatoires) d’un sujet à un autre, allant d’une simple gêne que chez 10 à 15 % des myosites, pouvant être
primitives sont des affections d’un grand fonctionnelle à une véritable paralysie diffuse. Son responsables de mort subite. Plusieurs types de
polymorphisme clinique et évolutif, caractérisées par mode d’installation est variable : aigu voire brutal, manifestations cardiaques ont été rapportées :
une atteinte inflammatoire des muscles striés. Elles notamment dans les formes sévères, ou plus anomalies purement électriques, les plus fréquentes
regroupent principalement les polymyosites (PM), les insidieux et progressif, principalement dans les PM (bloc de branche, bloc auriculoventriculaire (BAV)...),
dermatomyosites (DM) et les myosites à inclusions de l’adulte. troubles du rythme (extrasystoles, fibrillation
sporadiques. Des désordres immunitaires sont à L’atteinte des muscles périrachidiens concerne auriculaire, tachycardies supraventriculaires et
l’origine de ces affections. Leurs étiologies essentiellement les muscles de la nuque, aggravant ventriculaires), vascularite coronaire ou des
demeurent encore inconnues, associant facteurs le pronostic fonctionnel. Le déficit des muscles vaisseaux intramyocardiques, myocardite
environnementaux et génétiques. Des progrès abdominaux, du diaphragme et des muscles inflammatoire, insuffisance cardiaque congestive...
considérables ont été réalisés ces dernières années intercostaux participe aux manifestations Le caractère volontiers silencieux de l’atteinte
dans la compréhension de ces maladies. respiratoires. cardiaque justifie des explorations systématiques :
L’atteinte de la musculature striée du pharynx et ECG, holter et échocardiogramme systématiques,


de la partie supérieure de l’œsophage, observée puis en fonction de la symptomatologie, pouvant
Épidémiologie chez 25 à 30 % des sujets, se traduit par une aller jusqu’à la biopsie endomyocardique.
dysphagie et des troubles de la déglutition qui
conditionnent le pronostic vital. La musculature Atteintes pulmonaires
Les PM et les DM touchent préférentiellement la oculaire n’est jamais intéressée.
Des manifestations pulmonaires surviennent
femme, avec un sex-ratio de 2 pour 1. Elles peuvent Les myalgies spontanées ou provoquées, notées dans 5 à 45 % des myosites et correspondent à
survenir à n’importe quel âge avec cependant deux dans 25 à 70 % des myosites, peuvent être au différents mécanismes.
discrets pics de fréquence : l’enfant entre 5 et 14 ans premier plan, notamment dans les formes aiguës. ■ Une pneumopathie de déglutition est notée
où l’on observe principalement des DM ; et l’adulte L’aspect des muscles touchés est généralement dans 10 à 20 % des séries, représentant à l’heure
dans la 5e et 6e décennie chez qui la PM prédomine. normal à l’examen clinique. Dans les formes actuelle l’une des principales causes de mortalité des
Ce sont des collagénoses rares dont l’incidence évolutives et prolongées, peut apparaître une myosites. Elle est liée à une atteinte de la
annuelle est estimée entre 5 et 10 cas par million amyotrophie souvent associée à des rétractions musculature pharyngo-œsophagienne et doit être
d’habitants et la prévalence de 6 à 7 cas pour musculotendineuses. prévenue systématiquement dès l’apparition des
100 000 personnes. premiers troubles de la déglutition.
Manifestations articulaires ■ L’insuffisance ventilatoire par faiblesse des


Les manifestations articulaires sont notées chez muscles respiratoires (diaphragme, muscles
Manifestations cliniques 15 à 30 % des patients atteints de myosite pure. Il intercostaux, muscles respiratoires accessoires) est
s’agit essentiellement d’arthralgies inflammatoires notée dans 4 à 8 % des cas.
intéressant principalement les poignets, genoux, ■ La pneumopathie interstitielle s’observe chez
‚ Polymyosite épaules, interphalangiennes proximales (IPP) et 10 à 15 % des patients. Elle est inaugurale dans
métacarpophalangiennes (MCP). Elles réalisent en 50 % des cas. Le tableau peut être particulièrement
Syndrome musculaire
© Elsevier, Paris

règle une atteinte oligoarticulaire. Les arthrites sont brutal et symptomatique. En règle, la présentation
Le déficit moteur touche la musculature striée de exceptionnelles et évoluent favorablement en est moins parlante, voire totalement infraclinique.
façon bilatérale et symétrique. Il s’agit d’un déficit de quelques semaines. Il n’y a habituellement ni Cette pneumopathie interstitielle s’observe dans 50
type myogène, prédominant sur les muscles déformation, ni destruction ostéoarticulaire en à 65 % des syndromes des antisynthétases. Sa
proximaux, notamment les ceintures scapulaires et dehors du syndrome des antisynthétases. survenue aggrave considérablement le pronostic.

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■ D’autres manifestations pulmonaires ont été Il s’agit de calcifications sous-cutanées, retrouvées au constituant le syndrome anti-JO1 ou antisynthétase.
rapportées : bronchiolite oblitérante, hypertension sein des muscles, ou au voisinage des articulations. Il Les antigènes HLA DR3, DRw52 et DQa4 seraient
artérielle pulmonaire (HTAP)... ; et les complications s’agit de dépôts granuleux de calcium, sous forme de plus fréquents dans ce sous-groupe.
liées aux thérapeutiques, notamment infections cristaux d’apatite ou d’hydroxyapatite, entourés ■ Les anticorps anticytoplasmiques non
(éventuellement opportunistes) favorisées par d’une réaction inflammatoire. Cette calcinose antisynthétases, dirigés contre les protéines de
l’immunodépression et toxicité pulmonaire des respecte les viscères et est indépendante du signal de reconnaissance de particules (SRP),
immunosuppresseurs. squelette, ce qui permet de la distinguer des assurent le transport des protéines nouvellement
myosites, ossifiantes et des calcifications synthétisées du cytoplasme vers le réticulum
Autres atteintes
métastatiques. Initialement asymptomatique, elle est endoplasmique. Ces anticorps anti-SRP sont notés
Les signes généraux sont très variables d’un sujet
uniquement visible sur les radiographies, donnant dans 5 % des myosites, associées à des myalgies
à l’autre, en fréquence et en intensité. On peut
une image « en os de seiche ». Cette calcinose peut importantes, avec palpitations et myocardite. Ce
observer une fièvre élevée dans les formes aiguës
devenir rapidement invalidante, réalisant un sous-groupe, peu sensible au traitement, semble de
très rapidement évolutives. L’amaigrissement peut
blindage sous-cutané pierreux des membres. Ces plus mauvais pronostic (25 % de survie à 5 ans). Il
être difficilement chiffrable lorsqu’il est masqué par
nodules peuvent s’ulcérer ou se fistuliser à la peau. serait associé à HLA DR5, DRw52 et DQa3.
l’œdème.
■ Des anticorps antinucléaires dirigés contre
Les atteintes digestives se résument le plus Vascularites une protéine de 220 kDa a du complexe nucléaire
souvent à une dysphagie et aux troubles de la
Une vascularite peut s’observer, principalement et de fonction actuellement inconnue : les anticorps
motilité œsophagienne (anomalies péristaltiques du
dans les formes infantiles, pouvant aboutir à des anti-Mi-1 et anti-Mi-2. Ces anticorps s’observeraient
bas œsophage).
ulcérations et nécroses cutanées. L’atteinte digestive dans 5 à 10 % des DM classiques, très corticosen-
L’atteinte rénale au cours des myosites est en
par endartérite oblitérante est fréquente, à l’origine sibles à l’origine d’un excellent pronostic. Ces DM
règle purement biologique avec hématurie
d’ulcérations intestinales pouvant se compliquer seraient plus fréquemment associées à HLA DR7,
microscopique, leucocyturie ou protéinurie, de
d’hémorragies et de perforations. DRw53 et DQa2.
fréquence estimée entre 5 et 70 % selon les auteurs.
■ Enfin, d’autres anticorps anticytoplasmiques
La survenue d’une glomérulopathie est
ont été récemment rapportés dans les myosites : les


exceptionnelle, notée dans moins de 1 à 5 % des
anticorps anti-Mas, Fer, ou KJ, observés dans 1 à 5 %
cas. Examens complémentaires des cas.
‚ Dermatomyosite L’électromyogramme (EMG) permet de mettre
Outre les manifestations cliniques décrites dans la en évidence des anomalies très évocatrices dans les
PM et retrouvées avec une égale fréquence dans les Les signes biologiques sont inconstants. La VS est territoires cliniquement atteints : les potentiels
DM, on observe constamment des manifestations augmentée chez 50 à 60 % des patients, d’unités motrices sont de faible amplitude,
cutanées caractéristiques, qui permettent de généralement de façon modérée. nombreux, brefs et polyphasiques avec recrutement
distinguer cliniquement les deux myosites. L’élévation des enzymes musculaires, notée dans précoce associés à des potentiels de fibrillation ; un
75 à 85 % des PM/DM [aldolase, LDH, transami- aspect d’irritabilité membranaire lors de l’insertion de
Syndrome cutané
nases et surtout créatine kinase (CK ou CPK)], l’aiguille et enfin, des décharges spontanées de
La survenue de manifestations cutanées haute fréquence pseudomyotonique. Il objective par
témoignent de la nécrose musculaire. Certains
caractérise la DM. Elles peuvent précéder parfois ailleurs deux signes négatifs importants : l’absence
dosages, telles la créatine urinaire, la lactacidémie et
d’assez longtemps les manifestations musculaires. Il d’aspect neurogène et la normalité des vitesses de
les transaminases, ne semblent pas spécifiques. La
s’agit essentiellement d’un érythrœdème, c’est-à-dire conduction nerveuse.
myoglobine semble représenter un index sensible et
de l’association d’un érythème et d’un œdème.
précoce de nécrose musculaire. L’isolement des La biopsie musculaire est l’examen déterminant,
L’érythème, rose ou violacé, est photosensible chez
iso-enzymes MM ou MB des CPK ne permet pas de sous réserve de la qualité des prélèvements et de
l’adulte et prédomine sur les parties découvertes
différencier une éventuelle atteinte myocardique (les l’analyse de la biopsie. La biopsie doit être étudiée en
(visage, face antérieure du cou, épaules, face
fibres musculaires en cours de régénération recourant à des techniques morphologiques, et
d’extension des membres). L’érythème orbitaire en
sécrètent l’iso-enzyme MB). éventuellement histoenzymologiques et ultra-
lunettes, responsable d’une coloration lilacée
Les facteurs rhumatoïdes sont positifs dans 20 % structurales, qui nécessitent un laboratoire spécialisé
prédominant sur les paupières supérieures est
des PM/DM. Les facteurs antinucléaires et dont le concours doit être assuré avant le
évocateur. Les papules de Gottron sont présentes
anticytoplasmiques sont présents dans 30 à 50 % prélèvement.
dans 30 % des cas, sous forme de plaques
des cas : anticorps dirigés contre les protéines Les radiographies articulaires sont normales,
érythémateuses ou violacées, légèrement surélevées
musculaires (anticorps antimyosine et anticorps avec l’absence de déformation ou de destruction
de la face dorsale des articulations interphalan-
antimyoglobine) non spécifiques, et anticorps ostéoarticulaire, sauf en cas d’arthrite au cours d’un
giennes et métacarpophalangiennes, plus rarement
rencontrés dans de nombreuses affections syndrome des antisynthétases.
aux coudes et genoux. Ces papules de Gottron
auto-immunes (anticorps anti-RNP, anti-PM-Scl, L’électrocardiogramme peut mettre en évidence
peuvent persister après une poussée évolutive de la
anti-SSA et anti-SSB, anti-Ku). une atteinte cardiaque infraclinique fréquente. Toute
maladie. Enfin, l’érythème périunguéal, douloureux
Les anticorps plus spécifiques de myosite peuvent anomalie de conduction à l’ECG systématique justifie
à la pression (signe de la manucure) est très
être divisés en trois groupes majeurs constituant des l’exploration du faisceau de His.
évocateur de DM. L’œdème cutané, parfois
entités « clinico-épidémio-immunologiques ». La radiographie thoracique systématique
prédominant, peut masquer l’amyotrophie.
■ Des anticorps dirigés contre les enzymes recherche des complications pulmonaires
Un syndrome de Raynaud, en règle modéré, est
aminoacyl-ARNT-synthétase permettent de fixer infracliniques. La découverte d’un syndrome
présent dans 10 à 15 % des PM et des DM et peut
chaque acide aminé à son ARNT lors de la synthèse interstitiel justifie des investigations pulmonaires. Les
parfois précéder la maladie de plusieurs années. Il
protidique. Il s’agit des anticorps anti-JO1 explorations fonctionnelles respiratoires objectivent
peut s’accompagner d’un aspect sclérodermiforme
(histidyl-ARN), PL7 (thréonyl ARNT), PL12 (alanine alors un syndrome principalement restrictif généra-
des doigts au cours des DM associées à une
ARNT), OJ (isoleucil ARNT) et EJ (glycyl ARNT). Ces lement précédé d’une altération de la DLCO. Le
sclérodermie (scléro-DM).
anticorps rencontrés dans 10 à 30 % des cas lavage bronchoalvéolaire montre une hypercellu-
Calcinose sous-cutanée s’observent plus volontiers dans les PM, ou plus larité faite essentiellement de lymphocytes alors
La calcinose universelle est une complication rarement les DM, avec arthrite, pneumopathie accessibles à une thérapeutique, puis de
redoutable qui s’observe quasi exclusivement chez interstitielle, syndrome de Raynaud, et polynucléaires neutrophiles, et enfin à un stade
l’enfant, où elle serait notée dans 30 à 50 % des cas. hyperkératose desquamante et fissurée des mains tardif séquellaire, d’éosinophiles et de macrophages.

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Les biopsies pulmonaires objectivent des lésions


interstitielles alvéolaires associant, à des degrés
Dermatomyosite
variables selon le stade évolutif, fibrose et infiltrats ✔ Nécroses et infiltrats inflammatoires centrés par les vaisseaux musculaires,
inflammatoires. présence de lésions endothéliales, disparition progressive des capillaires, artérioles
La résonance magnétique nucléaire musculaire et veinules musculaires.
permet de différencier les zones inflammatoires ✔ Dépôts d’Ig et de complément, notamment fragment terminal C5b−C9.
actives et les zones fibreuses (remplacement du ✔ Infiltrat inflammatoire constitué de lymphocytes B, CD4 et macrophages.
muscle par un signal graisseux). La RMN permettrait ✔ Il s’agit d’une maladie à immunité humorale dirigée contre les capillaires
également de différencier PM et DM. Il semble musculaires et responsable d’une ischémie musculaire.
exister une corrélation correcte entre les aspects IRM Polymyosite
et l’histologie musculaire.
✔ Nécroses et infiltrats diffus partout dans le muscle, pas de lésions vasculaires, pas
de dépôts endothéliaux.
✔ Infiltrat inflammatoire constitué de lymphocytes cytotoxiques CD8, de cellules NK


Histologie dans les myosites et de macrophages.
✔ Il s’agit d’une maladie à immunité cellulaire avec présence de lésions
cytotoxiques dirigées contre la fibre musculaire, probablement les myofibrilles.
‚ Immunohistologie cutanée
Dans les DM, la biopsie cutanée en peau lésée
montre un épiderme épaissi en zone œdémateuse
avec prolifération conjonctive et infiltrats
inflammatoires. Dans les zones ulcérées, le derme

Forme clinique :
la dermatomyosite amyopathique

Facteurs éventuellement associés
aux myosites

est nécrosé et œdémateux, avec présence d’une


artérite, d’une nécrose fibrinoïde du collagène et des Les DM amyopathiques constituent une entité Cancer
infiltrats inflammatoires sous-épidermiques et récemment décrite, caractérisée par l’existence de ✔ Association dans 15 à 20 % des cas
périvasculaires. Ils sont essentiellement constitués de manifestations cutanées caractéristiques de DM, à un cancer (surtout les DM après
évoluant depuis plus de 2 ans, sans atteinte 40 ans).
lymphocytes T (surtout CD4+), et de macrophages.
musculaire associée. Les problèmes sont d’ordre ✔ Le cancer représente la première
Les lymphocytes B sont rares ou absents. On
nosologique et thérapeutique. L’absence d’atteinte
cause de décès des DM de l’adulte
n’observe généralement pas de lésion en peau (moyenne de survie après
saine. musculaire est définie pour la majorité des auteurs
diagnostic : 11 à 20 mois).
par l’absence de déficit moteur et d’élévation des
✔ Surtout les cancers du poumon, de
‚ Immunohistologie musculaire enzymes musculaires. L’EMG et la biopsie la prostate et du côlon chez l’homme.
musculaire, s’ils sont pratiqués, mettent en ✔ Cancer du sein, de l’utérus et de
La biopsie musculaire constitue un critère
évidence une atteinte myogène caractéristique. Le l’ovaire chez la femme.
essentiel de diagnostic de myosite. Les anomalies
diagnostic repose sur l’aspect clinique ✔La DM précède l’apparition du
musculaires associent une triade caractéristique
caractéristique, l’histologie cutanée, et cancer dans 70 % des cas.
constituée de zones de nécrose des fibres
éventuellement la capillaroscopie. L’évolution vers ✔ Syndrome cutané souvent
musculaires associées à des foyers de régénération,
une DM typique avec atteinte musculaire est inaugural, parfois nécrotique.
et des infiltrats inflammatoires interstitiels de cellules
possible. Le traitement des DM amyopathiques ✔ Délai moyen entre la survenue des
mononucléées. On différencie désormais PM et DM, deux affections : le plus souvent
repose sur l’hydroxychloroquine et lesphotoprotec-
sur les plans histo-immunologiques et physiopatho- inférieur à 1 an.
teurs, la corticothérapie ne devant être proposée
géniques (tableau I).
que dans les formes cutanées sévères. Virus
✔Rôle évoqué des entérovirus,
notamment de type Coxsackie, dans le
tableau I. – Caractéristiques distinctives entre polymyosite et dermatomyosite. déclenchement des myosites, mais pas
de preuve formelle.
Caractéristiques Polymyosites Dermatomyosites
✔ Fréquence des PM au cours
Âge de début Adulte Enfant ou adulte d’infections à rétrovirus, notamment
Manifestations cutanées Absentes Présentes VIH et HTLV1
Médicaments et toxiques
Terrain génétique HLA DR3, DR5 HLA DR7
✔ Certains médicaments et toxiques
Virus VIH, HTLVI, Non prouvé peuvent être responsables de PM,
coxsackies ? notamment : D-pénicillamine,
cimétidine, implants dermiques de
Capillaroscopie Normale Anomalies capillaires silicone ou de collagène, certains
Autoanticorps Anticytoplasmiques : Antinucléaires : toxiques (colles au cyanoacrylate,
antisynthétases, anti-SRP anti-Mi-1 et Mi-2 exposition à la silice).
Collagénose
Biopsie musculaire Nécroses et infiltrats diffus, Nécroses et infiltrats centrés
pas de lésions vasculaires, par les vaisseaux, ✔ Les myosites s’associent à une
Pas de dépôts endothéliaux, lésions endothéliales, autre connectivite dans 10 à 20 %
infiltrat CD8, macrophages, NK dépôts d’Ig et de complément, des cas (syndromes de
infiltrat B, CD4 et macrophages chevauchement), notamment :
Mécanismes Immunité cellulaire : lésions cyto- Immunité humorale dirigée contre sclérodermie, syndrome de Sjögren,
toxiques dirigées contre la fibre les capillaires musculaires respon- lupus érythémateux systémique,
musculaire sable d’une ischémie musculaire polyarthrite rhumatoïde, thyroïdites.

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(0,5 à 0,7 mg/kg/semaine par voie intramusculaire De multiples traitements ont été tentés sans
Pronostic ou intraveineuse). Plusieurs publications en étude succès dans les calcinoses de l’enfant. Les poussées
ouverte non comparative font état d’une efficacité inflammatoires peuvent être en partie contrôlées par
dans 50 à 60 % des cas pour ces deux thérapeu- les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou la
Avant l’ère de la corticothérapie, les myosites
tiques. Leur utilisation permet en règle une épargne colchicine. En fait, seule la chirurgie plastique peut
constituaient un groupe d’affections particulièrement
cortisonique. être utile dans les formes ulcérées ou volumineuses.
graves, dont les taux de survie spontanée étaient
La ciclosporine est efficace dans 50 à 70 % des
inférieurs à 40 %. En l’absence de pathologie
myosites corticorésistantes, notamment DM de


tumorale sous-jacente, les myosites de l’adulte
l’enfant. Son action semble cependant purement
constituent désormais des affections de pronostic
suspensive, la maladie réapparaissant à la
Myosites à inclusions sporadiques
favorable (survie de 90 % à 5 ans). Les facteurs de
diminution ou l’arrêt des doses. La ciclosporine
mauvais pronostic sont : une pathologie tumorale
semble également intéressante en traitement de
associée, un âge avancé, une dysphagie, une Les myosites à inclusions sporadiques sont des
première intention dans la DM de l’adulte.
atteinte cardiaque, une pneumopathie interstitielle maladies musculaires inflammatoires lentement
Certains auteurs ont publié des succès limités du
ou une faiblesse des muscles respiratoires progressives, d’étiologie inconnue, caractérisées sur
cyclophosphamide en association avec la
accessoires, un début brutal et très fébrile, une le plan histologique par des vacuoles bordées
prednisone dans les myosites avec pneumopathie
thérapeutique initiale inadéquate ou tardive, visibles à l’intérieur des fibres musculaires, et
interstitielle.
l’appartenance à la race noire, la présence contenant en microscopie électronique des
d’anticorps antisynthétases ou anti-SRP. Une inclusions éosinophiliques, constituées de filaments
Immunoglobulines intraveineuses
rémission complète n’est cependant observée que de 16 à 20 nm de diamètre.
chez 30 à 50 % des patients, avec persistance d’un Plus récemment, a été mis en évidence l’intérêt
Deux formes de myosites à inclusions ont été
déficit fonctionnel variable chez les patients restants. des immunoglobulines polyvalentes intraveineuses
rapportées : d’une part, une maladie familiale
(IgIV) dans les myosites corticorésistantes. Leur
pouvant toucher le sujet jeune et liée au


efficacité est estimée à 60-70 % des PM/DM. Les IgIV
chromosome 9, et d’autre part les formes
Traitement sont utilisées à la dose de 2 g/kg/cure de façon
sporadiques, de loin les plus fréquentes. Celles-ci
mensuelle avec un nombre moyen de 3 à 6 cures.
touchent le plus souvent l’homme (sex-ratio 3 pour
Une amélioration clinique est généralement notée
‚ Traitement étiologique 1), généralement après 50 ans (âge moyen 62 ans).
après la seconde cure. Les IgIV permettent une
Les manifestations cliniques de la myosite à
Corticothérapie épargne cortisonique et d’éviter, diminuer ou
inclusions sont peu spécifiques. Le tableau associe
Les PM-DM sont des affections rares mais graves retarder les immunosuppresseurs. Les IgIV peuvent
typiquement un déficit et une atrophie musculaire
dont la mortalité spontanée s’élève à 70 %. Leur être actuellement proposées en seconde intention,
d’installation progressive voire insidieuse, bilatérale,
traitement reste encore à l’heure actuelle empirique. en alternative aux immunosuppresseurs, ou en cas
souvent asymétrique, à la fois proximal et distal,
La corticothérapie à forte dose (1 mg/kg/j de d’échec de ceux-ci. Les IgIV en première intention
mais restant prédominant aux ceintures. Les
prednisone) constitue le traitement de première doivent se limiter aux formes viro-induites et aux cas
myalgies et une dysphagie sont rares. Le tableau
intention, active dans plus de 70 % des PM/DM. Une de contre-indication aux corticoïdes.
peut être en fait tout à fait superposable à celui d’une
efficacité clinique survient en 1 à 6 semaines, mais
Échanges plasmatiques polymyosite classique, expliquant les retards
des améliorations retardées jusqu’à 3 mois sont
diagnostiques, en moyenne de 5 ans (extrêmes de
possibles. En cas d’échec, une augmentation de la De nombreuses études ouvertes ont montré 3,5 à 9,5 ans), rapportés dans la littérature.
posologie à 1,5 voire 2 mg/kg/j est parfois efficace. l’intérêt éventuel des plasmaphérèses dans les
Les enzymes musculaires sont normales ou le
Ces fortes doses doivent être maintenues myosites. Une étude comparative randomisée
plus souvent modérément augmentées. On ne
plusieurs semaines (6 à 8 semaines), jusqu’à concluait à leur inefficacité dans les myosites
retrouve pas de syndrome inflammatoire ni de
régression de l’ensemble des signes cliniques et chroniques. Les plasmaphérèses peuvent être
manifestations de dysimmunité. L’électromyo-
nette diminution (voire normalisation) du taux des indiquées dans les myosites aiguës et graves, après
gramme montre un tracé de type myogène ou mixte
enzymes musculaires. Une décroissance lente de la échec des thérapeutiques classiques, associées à un
avec la présence inconstante d’un processus
corticothérapie peut alors être entreprise, en limitant agent immunosuppresseur pour éviter tout effet
neurogène associée. Les vitesses de conduction
au maximum celle-ci à 10 % de la dose prescrite tous rebond à l’arrêt des plasmaphérèses.
nerveuse sont normales.
les 10 jours, en se basant sur la récupération de la
Le diagnostic repose sur la biopsie musculaire qui
force musculaire et les taux sériques des enzymes Autres thérapeutiques
met en évidence en microscopie optique les
musculaires. Cette décroissance sera poursuivie L’irradiation corporelle totale a été utilisée avec vacuoles bordées, de 3 à 30 lm de diamètre, en
jusqu’à une dose minimale efficace à maintenir quelques succès, en règle transitoires, dans les nombre variable, siégeant soit dans le cytoplasme,
durant une à plusieurs années. La survenue d’une myosites sévères et rebelles. La survenue d’effets soit dans le noyau des cellules musculaires. Elles
rechute clinique aux testings musculaires répétés secondaires parfois graves, voire mortels, doit contiennent des granulations basophiles aux
justifie la réascension des doses de prednisone, fortement limiter ces indications. colorations standard. D’autres anomalies sont
après élimination d’une myopathie cortisonique. Enfin, l’hydroxychloroquine peut être utile dans également présentes : infiltrats inflammatoires
Les bolus de méthylprednisolone, même s’ils sont les lésions cutanées de DM, mais ne possède aucune lympho-histiocytaires modérés périmysiaux et
fréquemment utilisés en pratique clinique dans les action sur les manifestations musculaires. périvasculaires, fibres musculaires hypertrophiques.
formes sévères avec atteinte du carrefour pharyngé,
En revanche, on observe rarement des foyers de
n’ont jamais fait la preuve absolue de leur intérêt. ‚ Traitement symptomatique nécrose et de régénération, à l’inverse des PM-DM.
En cas de résistance primitive ou secondaire,
La survenue de troubles de la déglutition impose La microscopie électronique met en évidence des
d’intolérance ou de dépendance aux corticoïdes,
l’arrêt de l’alimentation par voie orale, une structures tubulofilamentaires de 15 à 18 nm de
différentes alternatives thérapeutiques peuvent être
alimentation entérale ou parentérale et une diamètre, à l’intérieur de ces vacuoles, soit rectilignes,
proposées.
surveillance en milieu réanimatoire. soit en lamelles irrégulières correspondant aux
Agents immunosuppresseurs La prévention des pneumopathies d’inhalation, la granulations basophiles. L’étiologie de la maladie
Les immunosuppresseurs sont actuellement les kinésithérapie (passive et douce lors des poussées ainsi que l’origine des inclusions sont inconnues.
plus employés en seconde intention : notamment inflammatoires) et l’ergothérapie sont indispensables Les cellules mononuclées des infiltrats
azathioprine (2 à 3 mg/kg/j per os) et méthotrexate dans la prise en charge de ces patients. inflammatoires sont principalement constituées de

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macrophages et de lymphocytes T, notamment – Cimetidine, ipecac. – Anomalies du métabolisme des hydrates de


CD8+, témoignant d’une immunité prédominante à – Cocaïne, penicillamine. carbone : Mc Ardle, déficit en phosphofructokinase,
médiation cellulaire. On observe également une – Colchicine, procaïinamide. déficit en maltase acide, autres...
expression anormale de l’antigène de classe I sur le – Corticostéroïdes, zidovudine (AZT). – Anomalies du métabolisme des lipides : déficit
sarcolemme des fibres musculaires. Cette possible en carnitine, déficit en carnitine palmitoyl transférase.
origine T cytotoxique restreinte au MHC de classe I ‚ Myopathies infectieuses
– Anomalies du métabolisme des purines : déficit
rapprocherait les myosites à inclusions des PM – Virales (influenzae, Epstein-Barr virus, VIH, VHB, en myoadenylate déaminase.
chroniques. Échovirus, Coxsackie...).
Certains auteurs évoquent une anomalie du – Bactériennes (Staphylococcus, Streptococcus,
système de protéolyse cellulaire (ubiquitine) à Clostridia, Legionellae...).
‚ Anomalies électrolytiques
l’origine de cette maladie, associée à des dépôts de – Parasitaires (toxoplasmose, trichinose,
protéines amyloïdes notamment bêta-amyloïde. schistosomiase, cysticercose...). – Hypokaliémie.
Actuellement, aucune thérapeutique n’a montré – Hypocalcémie.
son efficacité, qu’il s’agisse de corticoïdes, ‚ Maladies endocriniennes – Hypercalcémie.
plasmaphérèses, immunosuppresseurs, immunoglo- – Hypothyroïdie. – Hypomagnésémie.
bulines intraveineuses ou irradiation corporelle – Hyperthyroïdie.
totale. Quelques succès modérés ont parfois été – Syndrome de Cushing.
notés avec l’association corticoïdes-méthotrexate. – Maladie d’Addison. ‚ Divers
Cependant, dans la plupart des cas, les traitements
restent décevants. ‚ Affections neuromusculaires – Pseudopolyarthrite rhizomélique.
– Dystrophies musculaires. – Sarcoïdose, maladie de Crohn.


– Dystrophies myotoniques. – Collagénoses : lupus érythémateux systémique,
Diagnostic différentiel – Amyotrophie spinale. syndrome de Sjögren, sclérodermie, maladie de
des myopathies inflammatoires Sharp.
– Myasthénie et syndrome de Lambert-Eaton.
– Sclérose latérale amyotrophique (SLA). – Vascularites.
‚ Myopathies toxiques – Neuromyopathie paranéoplasique.
– Alcool, éthanol. ‚ Myopathies métaboliques – Syndrome éosinophilie-myalgie.
– Chloroquine, hypocholestérolémiants. – Myopathies mitochondriales. – Fibromyalgie.

Patrick Cherin : Chef de clinique-assistant,


service de médecine interne I du Pr Herson, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Cherin. Myosites. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 5-0290, 1998, 5 p

Références

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