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Année 2018/2019 N°

Thèse
Pour le
DOCTORAT EN MEDECINE
Diplôme d’État
par

Marco GUIDOTTI
Né le 8 avril 1989 à Naples (Italie)

Le toucher au cœur de l’autisme : approche


développementale et thérapeutique

Présentée et soutenue publiquement le mardi 15 octobre 2019 devant un jury


composé de :
Président du Jury :
Professeur Frédérique BONNET-BRILHAULT, Physiologie, Faculté de
Médecine-Tours
Membres du Jury :
Professeur Vincent CAMUS, Psychiatrie, Faculté de Médecine – Tours
Professeur Jean XAVIER, Pédopsychiatrie, Faculté de Médecine – Poitiers
Docteur Ugo FERRER-CATALA, Pédopsychiatrie, PH, CHU - Tours
Directeur de thèse :

Professeur Frédérique BONNET-BRILHAULT, Physiologie, Faculté de


Médecine-Tours
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Remerciements

Cette thèse vient conclure un long parcours d’études, au cours duquel j’ai pu apprendre
énormément de choses et rencontrer de nombreuses personnes. Ces dernières, des collègues,
des amis, ont enrichi ce voyage et m’ont aidé à me construire en tant que médecin, mais surtout
en tant qu’homme. Il serait long et prétentieux de remercier une par une toutes les personnes
qui m’ont accompagné pendant toutes ces années, mais sachez que je pense à vous tous au
moment où j’écris ces lignes (amis niçois, copains de Blois, ancien bureau de l’ATIPIC, …).

Mes premiers remerciements vont à mon jury :

Pr Bonnet-Brilhault : je vous remercie d’avoir dirigé ce travail et d’accepter que je


puisse poursuivre ma carrière à vos côtés. Il est difficile d’exprimer mon admiration à votre
égard et l’honneur que j’ai de pouvoir encore profiter de vos enseignements et de vos qualités
professionnelles. Croyez-moi, cela représentait mon objectif depuis longtemps…

Pr Camus : vous me faites l’honneur de participer à mon jury. Pendant tout mon internat,
j’ai pu apprécier vos qualités d’enseignement et, par l’intermédiaire de notre association, de
gestion des démarches hospitalo-universitaires. Ces expériences ont été importantes pour moi,
tant au niveau collectif qu’au niveau personnel. Merci !

Pr Xavier : je vous remercie d’avoir accepté de participer à mon jury de thèse. J’espère
pouvoir profiter de votre expertise dans l’autisme et d’avoir la possibilité de collaborer avec
vous sur des projets communs.

Dr Ferrer-Catala : votre présence à mon jury représente pour moi un vrai bonheur.
Grâce à vous et à vos enseignements, j’ai pu réellement apprécier la pédopsychiatrie et avoir
un modèle auquel me référer pendant ma carrière. Merci infiniment pour tout !

Ensuite, il me semble indispensable de citer et de remercier les différentes unités dans lesquelles
je suis passé :

l’équipe de psychiatrie adulte de Blois : Dr Boissicat, Dr Hermelin, merci de m’avoir


accompagné dans mes premières expériences en tant que psychiatre;

l’équipe de pédiatrie de Blois : Dr Dieckmann et Jessica, merci pour ce semestre pas


évident pour moi ;

la clinique de la Chesnaie : Dr Place, Dr Beligné, Margot, Magalie, merci beaucoup


pour votre soutien et votre gentillesse pendant mon stage et mes remplacements ;

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l’équipe de l’USIDATU : un grand merci au Pr Cohen d’avoir accepté mon inter-CHU
et de m’avoir permis d’apprécier vos qualités professionnelles. Au Dr Giannitelli et à sa belle
équipe : merci pour ce semestre enrichissant ! ;

le Centre Oreste : Dr Lenoir, Xavier, c’est un vrai plaisir pour moi d’avoir travaillé avec
vous et l’ensemble de votre service. Une ambiance pétillante et des énormes compétences !

Des énormes remerciements vont à l’équipe du service de pédopsychiatrie du CHRU de Tours,


avec qui j’ai eu la chance de travailler pendant 2 semestres et avec qui je continuerai mon
expérience professionnelle :

Dr Malvy, Dr Bodier, Dr Perrot, Dr Houy-Durand, Dr Saby, Dr Guimard-Brunault,


Laura et toute l’immense équipe paramédicale.

Adrien, comment oublier notre semestre passé ensemble à Clocheville ?? Merci pour ton
amitié, ta sympathie, ton humour !

Des remerciements particuliers vont à Cindy, pour sa disponibilité, ses explications, ses
conseils sur toute la partie de psychomotricité.

Par ailleurs, un grand merci va à l’équipe INSERM, m’ayant aidé et supporté pendant
mon Master 2 (Claire et Nadia).

Enfin, à ma famille, m’ayant permis d’arriver jusque-là, au prix de beaucoup d’efforts. Si je


suis médecin aujourd’hui, je le dois à vous : à votre patience, à votre soutien, à votre amour.

Roby : Questa tesi é il frutto del mio amore verso di te. Anche se spesso è complicato, il
nostro rapporto é la cosa più cara che ho e tentero’ di preservarlo in ogni modo.

Mamma : Quello in cui hai sempre creduto é in queste pagine e soprattutto in me.
Difendero’ le idee che ti hanno spinto a fare tutti gli sforzi che conosciamo per la nostra
famiglia. Ti saremo sempre grati del coraggio e della forza che hai sempre dimostrato per
noi…

Papà : Quanto mi piacerebbe ritrovarti in questa sala, mentre parlo officialmente


d’autismo… Questo traguardo e quello che sono diventato lo devo a te, ai valori che mi hai
insegnato, al sostegno che mi hai sempre dato, al modello che hai rappresentato per me. Spero
tu sia fiero di tutto questo…

Manue : Eh oui, c’est toi la dernière ! Mon moteur, ma raison, mon cœur. Tu n’imagines
pas quelle chance j’ai de t’avoir à mes côtés… je t’aime !

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Le toucher au cœur de l’autisme : approche développementale et thérapeutique

Résumé :
Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) sont des troubles du neurodéveloppement touchant environ
1% de la population générale et se manifestant par des perturbations de la relation et de la
communication sociale, ainsi que par des comportements répétitifs et stéréotypés. Depuis 2013, les
anomalies sensorielles font partie des critères diagnostiques des TSA établis par le Diagnostical and
Statistical Manual of mental disorders (DSM). Parmi ces particularités sensorielles, celles comprenant
le toucher sont souvent présentes en clinique courante et ont fait l’objet de plusieurs études. Ces
dernières mettent en évidence des troubles de la perception et des anomalies neurophysiologiques, mais
restent peu concluantes. Or, le toucher est un sens primordial dans le développement humain. Premier
sens se mettant en place au cours de la vie fœtale, il jouerait un rôle important dans les premières
interactions entre le bébé et sa mère. Pour certains auteurs, le toucher serait même un véritable organe
social, à la base de la construction du schéma corporel, du psychisme, ainsi que du développement de
l’intersubjectivité. Par conséquent, les anomalies tactiles présentes dans l’autisme pourraient être
responsables de troubles de la relation sociale observés au cours du développement. Cette hypothèse
neuropsychopathologique ouvre alors un champ thérapeutique centré sur les thérapies d’intégration
sensorielle et les différents protocoles de massages. Ces approches complémentaires permettraient
d’améliorer la perception de nos patients, mais elles pourraient aussi, compte tenu de nos observations,
avoir un impact sur leurs capacités sociales.

Mots clés : Autisme - Particularités tactiles – Schéma corporel - Intégration sensorielle - Massages

Touch at the heart of autism : a developmental and therapeutic approach


Abstract :
Autism Spectrum Disorder (ASD) is a neurodevelopmental disorder that affects approximately 1% of
the general population and is characterized by disturbances in social interaction and communication, as
well as repetitive and stereotyped behaviors. Since 2013, sensory abnormalities have been included in
the diagnostic criteria for ASD established by the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders
(DSM). Among these sensory features, those including touching are often present in current clinic and
have been the subject of several studies. These latter reveal perceptual disturbances and
neurophysiological abnormalities, but remain inconclusive. Well, touch is a primordial meaning in
human development. It’s the first sense to be put in place during the fetal life and it would play an
important role in the first interactions between the baby and his mother. For some authors, the touch
would even be a real social organ, at the base of the construction of the body image, the psyche, as well
as the development of intersubjectivity. As a result, tactile abnormalities in autism may be responsible
for deficits in social communication observed during development. This neuropsychopathological
hypothesis then opens a therapeutic field focused on sensory integration therapies and different massage
protocols. These complementary approaches would improve the perception of our patients, but they
could also, given our observations, have an impact on their social abilities.

Key words : Autism – Sensory abnormalities – Body image – Sensory integration - Massages

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Table des matières

Remerciements p. 2
Résumé/ Abstract p. 4
Introduction p. 12
I. Du toucher à l’exploration de l’environnement et à la relation à l’autre p. 13
1. Les données neurophysiologiques p. 14
a. Les récepteurs périphériques
b. Les récepteurs cutanés
c. Les voies somesthésiques afférentes
d. L’intégration centrale
e. La voie « affective »
2. Les origines embryologiques et la croissance post-natale p. 31
a. Les origines embryologiques de l’épiderme et du derme
b. La croissance post-natale
c. Le concept DOHAD
3. Le rôle du toucher dans le développement précoce de l’enfant p. 38
a. Le toucher et la construction du schéma corporel
b. Le toucher et les origines du psychisme
c. Le toucher et le développement de l’intersubjectivité
4. Etude expérimentale : Caractérisation neurophysiologique des stimuli
tactiles chez l’enfant neurotypique p. 46
a. Matériels et méthodes
b. Résultats
c. Discussion
II. Les particularités du toucher dans l’autisme p. 61
1. Le changement de paradigme : de la psychanalyse aux neurosciences p. 61
a. Autisme et psychose infantile
b. Autisme et rencontre avec l’environnement
c. Autisme et apparition du DSM
2. Les particularités sensorielles dans l’autisme p. 65
a. Définitions
b. Evolution des concepts
c. Caractéristiques des particularités sensorielles
d. Répercussions comportementales
e. Evaluation des particularités sensorielles
3. Particularités du toucher p. 76
a. Particularités cliniques
b. Mesures psychophysiques
c. Corrélations cliniques
4. Les explorations neuroscientifiques p. 83
a. Particularités structurales et fonctionnelles
b. Particularités de la voie « affective »

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c. Particularités de l’inhibition
III. Les approches thérapeutiques p. 87
1. Les différentes méthodes existantes p. 87
a. Thérapies d’intégration sensorielle
b. Protocoles de massages
c. Enrichissement sensoriel
d. Packing
e. « Hug Machine »
f. Places de l’haptonomie et du Kangaroo care
2. Mes expériences cliniques personnelles p. 96
a. Toucher et troubles du comportement
b. Toucher et enrichissement sensoriel

Conclusion p 100
Annexes p 102
Annexe 1 – Critères diagnostiques des TSA (DSM 5) p 102
Annexe 2 – Sensory Profile 2 p 103
Bibliographie p 111

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Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) sont des troubles neurodéveloppementaux
de l’enfant, ayant des répercussions sur les domaines de la communication et des
comportements. Les premières descriptions de ces troubles remontent aux observations de
Léo Kanner, définissant un « autisme infantile précoce »(1), et Hans Asperger, mettant en
avant plutôt une « psychopathie autistique ». Après la fin de la 2e guerre mondiale, des
hypothèses psychodynamiques sur la physiopathologie de l’autisme deviennent majoritaires,
mettant l’accent sur le rôle de la relation mère-bébé. Ce n’est que dans les années ‘80 que la
vision des TSA change : l’approche neuroscientifique redéfinit les TSA comme des troubles du
développement et du fonctionnement cérébral. Depuis, le nombre de publications dans ce
domaine augmente d’année en année, témoignant d’un intérêt clinique et scientifique
croissant.
La prévalence des troubles semble également avoir eu la même évolution : les TSA
auraient intéressé en moyenne 0,2% des enfants dans les années 1980 et jusqu’à 0,6% au
début des années 2000 (2). Les dernières cohortes américaines mettent en évidence une
prévalence pouvant atteindre jusqu’à 1,4% de TSA parmi les enfants de 8 ans, avec une
prédominance masculine 4 fois plus importante (3). A l’origine de cette augmentation, il
pourrait y avoir l’élargissement des critères diagnostiques et un meilleur dépistage de la part
des professionnels (2). En effet, les critères diagnostiques ont connu des changements
marquants depuis les premières versions du Diagnostic and statistical manual of mental
disorders (DSM) dans les années ’80. Anciennement appelés Trouble Global du
Développement (DSM III) et Trouble Envahissant du Développement (DSM IV), les TSA actuels
ont tendance à inclure différentes sous-catégories dans un spectre plus large et varié.
Si certains critères sont retrouvés d’une version à l’autre, d’autres apparaissent pour la
première fois et donnent une connotation différente à ces troubles et en font évoluer les
hypothèses neuropsychopathologiques. C’est notamment le cas des troubles sensoriels, inclus
pour la première fois dans les critères diagnostiques des TSA dans la dernière version du
manuel de l’Association Américaine de Psychiatrie (APA) en 2013. Cette dernière définit une
« Hyper ou hyporéactivité aux stimulations sensorielles ou intérêt inhabituel pour les aspects
sensoriels de l’environnement », qu’elle intègre dans la deuxième dimension autistique
consacrée aux comportements et intérêts restreints et répétitifs (Annexe 1). Ce nouvel
élément introduit « noir sur blanc » un aspect souvent observé en clinique courante, mais
parfois peu pris en compte dans la prise en charge des TSA : la sensorialité. Tout être vivant
utilise son système sensoriel pour répondre et réagir à son environnement, voire entrer en
relation avec d’autres organismes. Mais qu’en est-il lorsque cette sensorialité ne fonctionne
pas correctement ? Qu’en devient l’interaction au monde environnant ? L’exemple de
l’autisme nous permet de questionner cela, de repenser les interactions humaines par
l’intermédiaire de nos sens, de proposer des trajets développementaux différents, de réfléchir
à des prises en charge alternatives.

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Ce travail de thèse vient alors éclairer certains points de cette réflexion, expliquer des
mécanismes neurophysiologiques, proposer des hypothèses neuropsychopathologiques, en
se focalisant sur un sens souvent négligé : le toucher. La peau, organe complexe jouant
plusieurs rôles dans le développement d’un individu, représente probablement la base des
premières interactions et des premières expériences de conscience de soi. Certaines
expressions du langage parlé font référence à un rôle identitaire et social attribué à la peau :
« entrer dans la peau d’un personnage », « faire peau neuve », « entrer en contact », « je l’ai
dans la peau ». S’intéresser donc à cet organe et à ses rôles sensoriels reviendrait à explorer
plusieurs caractéristiques d’un même individu : son interaction avec le monde, la construction
du « soi », son monde social. Dans l’hypothèse d’un lien développemental existant entre
toucher et habiletés sociales, l’objectif de notre travail est alors de rapprocher les troubles
tactiles du développement des troubles de la communication et de la relation sociale connus
dans les TSA. Pour cela, nous allons d’abord décrire les liens existants entre toucher et
exploration de l’environnement et relation à l’autre chez l’individu neurotypique, en
proposant également une étude expérimentale de caractérisation neurophysiologique des
stimuli tactiles. Dans un second temps, nous nous attarderons sur les particularités
sensorielles présentes dans l’autisme, pour ensuite focaliser notre attention sur les troubles
tactiles. Enfin, nous présenterons les approches thérapeutiques basées sur cette modalité
sensorielle.

I. Du toucher à l’exploration de l’environnement et à la relation à


l’autre
Quand nous évoquons le toucher, c’est fréquemment pour décrire son rôle dans
l’exploration de notre environnement. Cette modalité sensorielle est en effet utile pour
caractériser la texture d’un objet, sa température, sa consistance. Cependant, le toucher a
également sa place dans la communication et la relation avec autrui. Toucher l’avant-bras de
quelqu’un et/ou lui faire un câlin peuvent être des marques de réassurance et d’affection, lui
donner un baiser un témoignage d’amour. La peau véhicule alors plusieurs informations en
fonction des modalités de son utilisation et du contexte social dans lequel nous nous trouvons.
Grace à plusieurs approches, nous allons décrire les fonctionnements neurophysiologiques du
toucher, son origine embryologique, ainsi que son rôle dans le développement précoce de
l’enfant. Enfin, nous allons exposer un protocole de recherche sur la caractérisation des
stimulations tactiles.

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1. Données neurophysiologiques (4–8)
La physiologie est une science étudiant le fonctionnement des différents organes et
systèmes du corps humain. Plus spécifiquement, la neurophysiologie s’occupe de décrire le
fonctionnement du système nerveux central (SNC) et de ses composantes périphériques.
Grâce à ces connaissances, nous allons remonter la voie somesthésique afférente, permettant
à l’information venant des récepteurs périphériques de rejoindre le SNC, où elle sera intégrée
et traitée.
a. Les récepteurs périphériques
Le système nerveux périphérique (SNP) est composé de fibres nerveuses reliant le SNC
aux différentes parties du corps. Par ces fibres, le SNC prend connaissance des informations
arrivant de l’intérieur ou de l’extérieur de l’organisme. Pour cela, les neurones afférents
disposent de récepteurs sensoriels répondant aux stimuli environnants, un stimulus étant
défini comme toute modification perceptible par le corps. Compte tenu des différentes formes
ou modalités de stimuli existants, plusieurs récepteurs spécialisés sont présents aux
extrémités, pour répondre spécifiquement à chaque stimulus perçu. Chaque récepteur va
alors convertir l’énergie reçue en signal électrique : c’est la transduction sensorielle. Les
stimuli vont alors provoquer des potentiels gradués, ou potentiels récepteurs, eux-mêmes
responsables de l’apparition de potentiels d’action dans la fibre afférente, permettant la
transmission de l’information au niveau du SNC.
Selon la nature du stimulus présenté, les récepteurs peuvent être classés de la façon
suivante, en fonction de leur spécificité de réponse :

• Photorécepteurs : sensibles à la lumière et à ses différentes longueurs d’onde ;


• Mécanorécepteurs : sensibles à l’énergie mécanique, comme l’étirement musculaire,
les ondes sonores au niveau de l’oreille interne, la pression artérielle au niveau des
parois sanguines (barorécepteurs), etc. ;
• Thermorécepteurs : sensibles à la température ;
• Osmorécepteurs : sensibles aux concentrations des substances dissoutes et aux
niveaux de pression osmotique ;
• Chimiorécepteurs : sensibles à des substances chimiques spécifiques. Ce type de
récepteurs alimente les sensations de goût et d’odorat, par exemple ;
• Nocicepteurs : sensibles aux stimuli douloureux, c’est-à-dire à toute agression
susceptible d’endommager les tissus (pincement, brûlure, déformation).
Malgré la spécificité de ces récepteurs, certains stimuli dits composites (comme le « mouillé »,
par exemple) ne possèdent pas de récepteurs propres : leur perception vient de l’intégration
centrale de plusieurs stimuli sensoriels élémentaires concomitants (pour le « mouillé » :
toucher, pression et température).
La transduction sensorielle est une étape importante de la transmission du signal de la
périphérie au SNC. Celle-ci passe par la naissance d’un potentiel récepteur gradué et

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éventuellement d’un potentiel d’action. La stimulation d’un récepteur provoque une
modification de la perméabilité de sa membrane, passant le plus souvent par l’entrée d’ions
Na+ dans la cellule : c’est la dépolarisation cellulaire. Cette dernière est à la base du potentiel
récepteur, dont l’amplitude et la durée varient avec l’énergie du stimulus et la vitesse à
laquelle il est reçu ou retiré. Plus le stimulus est intense et/ou répétitif, plus le potentiel
récepteur qui en résultera sera grand. Une fois le seuil de stimulation atteint, un potentiel
d’action est déclenché grâce à l’ouverture des canaux Na+ de la membrane du neurone
afférent adjacente au récepteur. Ce potentiel d’action aura toujours la même amplitude,
suivant la loi du tout ou rien. Ce qui reflètera l’intensité du stimulus sera alors la fréquence
des potentiels d’action du neurone afférent et le nombre de récepteurs stimulés. Nous
parlerons alors de codage en fréquence (plus le potentiel récepteur est grand, plus le potentiel
d’action est fréquent) et de codage numérique (plus le stimulus est important, plus le nombre
de récepteurs activés dans une région est grand). Cependant, un même stimulus ne donne pas
toujours naissance au même potentiel récepteur. Certains récepteurs peuvent diminuer
l’amplitude de leur potentiel récepteur (et donc diminuer la fréquence de son potentiel
d’action) malgré la persistance d’un stimulus : c’est le phénomène d’adaptation. En fonction
de leur vitesse d’adaptation, nous pouvons différencier deux types de récepteurs :

• Les récepteurs toniques : pas d’adaptation ou adaptation très lente, permettant


d’envoyer l’information au SNC sur la persistance d’un stimulus. Parmi ce type de
récepteurs, nous retrouvons les récepteurs proprioceptifs articulaires, dont la
sensibilité doit rester constante pour permettre au SNC de connaitre la position des
articulations et ainsi maintenir l’équilibre corporel ;
• Les récepteurs phasiques : adaptation rapide, renseignant le SNC sur les variations
d’un stimulus. Ce type de récepteurs répond au début du stimulus, s’adapte
rapidement si le stimulus persiste et répond à nouveau à l’arrêt de la stimulation
(réponse « off »). C’est le cas par exemple des récepteurs tactiles sensibles à la
pression exercée sur la peau, permettant au sujet de s’adapter rapidement au port de
vêtements ou de bracelets/ montre.
Une autre importante caractéristique d’un récepteur est la taille de son champ récepteur.
Dans le cas des neurones somatosensoriels, s’occupant des sensations somesthésiques, le
champ récepteur est défini par la zone limitée de la peau qui l’entourent. La taille du champ
récepteur est inversement proportionnelle à la densité des récepteurs dans la zone. Plus la
densité des récepteurs est grande, plus la taille du champ récepteur est petite et plus le
pouvoir de discrimination, appelé également acuité, est important. De façon plus pratique, la
pulpe du doigt, comptant un nombre considérable de récepteurs, a un pouvoir discriminatif
plus important que celui du coude, où les récepteurs possèdent des champs récepteurs plus
larges. Ces différences de densité et de discrimination des récepteurs créent une
hétérogénéité des afférences somesthésiques, représentées au niveau cortical par la
distorsion de l’homonculus sensitif.

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Enfin, il n’existe pas de transmission neuronale sans messager chimique. Ces messagers
portent le nom de neurotransmetteurs, substances chimiques produites par les neurones et
permettant la transmission d’un signal chimique d’un neurone à l’autre. Cette transmission
est le résultat de la libération des neurotransmetteurs par l’axone dans la fente synaptique
(espace délimité par deux neurones) et de leur fixation sur des récepteurs spécifiques. Le
couplage neurotransmetteur/récepteur donne une réponse spécifique, permettant de classer
les synapses et leurs neurotransmetteurs en fonction de leur valence en :

• Excitatrices : glutamate, acétylcholine, catécholamines, sérotonine, histamine, …


• Inhibitrices : GABA, glycine, …
La fixation du neurotransmetteur sur son récepteur provoque une modification du potentiel
de membrane postsynaptique, jusqu’à l’élimination du messager dans la fente synaptique. Un
neurone pouvant recevoir plusieurs synapses, ce n’est que la sommation des différentes
valences qui va définir l’apparition du potentiel d’action postsynaptique. Nous parlons alors
de sommation temporelle ou de sommation spatiale si le potentiel d’action est provoqué par
des modifications de potentiel de membrane rapprochées dans le temps ou dans l’espace. Par
ailleurs, certains neurones peuvent produire d’autres molécules, les neuromodulateurs, ne
provoquant pas de potentiel d’action à court terme, mais pouvant modifier lentement
l’activité d’une synapse d’une manière positive ou négative. Concernant la somesthésie,
plusieurs neurotransmetteurs et neuromodulateurs semblent être impliqués dans ses voies :
le GABA et la sérotonine (effets inhibiteurs), les opioïdes endogènes (diminution de la
douleur), la substance P (perception de la douleur), les endorphines et l’ocytocine (augmentés
lors de stimuli tactiles).

En résumé, le SNC reçoit, par l’intermédiaire du codage périphérique, trois types


d’informations sur les stimuli sensoriels entrants :

• Le type de stimulus : identifié par le type de récepteur activé et par la voie afférente
spécifique empruntée ;
• Le siège du stimulus : dépendant du champ récepteur correspondant et de la voie
afférente empruntée ;
• L’intensité et la durée du stimulus (Fig 1) : codées par la fréquence des potentiels
d’action du neurone afférent, ainsi que par le nombre de récepteurs activés.
Ces informations sensorielles peuvent alors être utilisées de différentes façons pour :

• Programmer un comportement moteur ou une activité visant à maintenir


l’homéostasie de l’organisme. Sans ce type d’afférences, toute interaction avec
l’environnement serait impossible ;
• Maintenir la vigilance et la conscience, par l’activation du système réticulé activateur ;
• Percevoir le monde extérieur ;

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• Créer une trace mnésique, pouvant être utilisée dans un second temps ;
• Provoquer une émotion.

Fig 1 : Caractérisation de la réponse d’un récepteur périphérique à un stimulus sensoriel. D’après Sherwood L,
Ectors F. Physiologie humaine. Louvain-la-Neuve: De Boeck; 2015.

b. Les récepteurs cutanés


La peau est considérée comme un organe à part entière, recouvrant l’ensemble de la
surface de l’organisme. Ses fonctions spécifiques comprennent la protection contre les agents
traumatiques externes, la thermorégulation, la sensation tactile (toucher, chaleur, pression,
douleur) et la sécrétion de lipides protecteurs, lait, etc.

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Sa structure étant variable selon la localisation, son histologie classique lui reconnait 3
couches principales :

• L’épiderme : couche épithéliale de surface, il est en contact direct avec


l’environnement extérieur ;
• Le derme : couche intermédiaire de tissu de soutien fibroélastique, synthétisé par les
fibroblastes ;
• L’hypoderme : tissu sous-cutané composé essentiellement de tissu adipeux. Couche la
plus profonde de la peau, son épaisseur et son contenu sont variables selon la
localisation.
L’épiderme est la couche de cellules la plus superficielle et protectrice de la peau. Son
architecture est complexe et souvent décrite par la présence de 4 couches, de différentes
épaisseurs en fonction de la partie du corps concernée :

• La couche de kératine : la plus externe, composée de plaques de kératine et de


kératinocytes anucléés, formant une épaisseur hydrophobe, directement en lien avec
l’environnement (donc en permanence éliminée et renouvelée) ;
• La couche granuleuse : siège des kératinocytes, cellules produisant la kératine et
d’autres substances hydrophobes destinées à la couche la plus superficielle ;
• La couche spinocellulaire : sous-jacente à la couche granuleuse, cette partie de
l’épiderme se compose de cellules à épines reliées les unes aux autres par des
desmosomes, jonctions cellulaires assurant une stabilité mécanique ;
• La couche basale : couche la plus profonde de l’épiderme, elle est responsable du
renouvellement des kératinocytes. A ce niveau, une membrane basale unit l’épiderme
du derme sous-jacent et empêche leur séparation par la présence de fibres d’ancrage
et de crêtes épidermiques (d’autant plus présentes que la peau est soumise à des
forces de cisaillement.
En plus des kératinocytes, nous retrouvons d’autres types de cellules dans l’épiderme, cellules
dites non kératinisantes : les mélanocytes, les cellules de Langerhans et les cellules de Merkel.
Les premières, présentes surtout dans la couche basale, produisent la mélanine, substance
responsable de la couleur de la peau et la protégeant des effets nocifs des rayons ultraviolets.
Les cellules de Langerhans sont des cellules immunitaires, retrouvées dans toutes les couches
épidermiques, responsables de la reconnaissance des antigènes. Enfin, les cellules de Merkel
sont des récepteurs sensibles de la couche basale, peu abondantes, faisant synapse avec des
terminaisons nerveuses périphériques. Elles peuvent être dispersées entre les kératinocytes
ou regroupées en amas en forme de disques : ce sont les récepteurs ou corpuscules tactiles.
Pour compléter notre description, nous pouvons citer les annexes cutanées présentes dans
l’épiderme. Parmi celles-ci, nous retrouvons le follicule pilosébacé, constitués du follicule
pileux (dont la papille dermique reçoit des terminaisons nerveux), de la tige du poil, des
glandes sébacées et du muscle arrecteur du poil. Cette annexe permet la production de poils

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et de sébum, sécrétion hydrophobe renforçant le caractère imperméable de la kératine.
Ensuite, une autre annexe est représentée par les glandes et canaux sudoripares eccrines, qui
permettent la sécrétion de la sueur sous le contrôle du système nerveux autonome (SNA) sur
toute la surface de la peau. Enfin, les glandes apocrines, présentes au niveau des organes
génitaux, des aisselles et de l’anus, produisent une sécrétion visqueuse légèrement laiteuse,
dont la fonction reste inconnue chez l’homme.

Situé en dessous de l’épiderme, le derme est considéré comme le tissu de soutien de la


peau. Celui-ci contient les annexes cutanées et des réseaux vasculo-nerveux et lymphatiques.
Histologiquement, deux couches cellulaires sont décrites : le derme papillaire, plus fin et
proche de la jonction avec l’épiderme, et le derme réticulaire, partie plus volumineuse située
entre le derme papillaire et le tissu adipeux sous-cutané. A ce niveau, nous retrouvons des
plexus vasculaires, participant par la régulation du débit sanguin à la thermorégulation. Le
derme contient également le réseau nerveux cutané, composé de :

• Un réseau amyélinique sous le contrôle du système nerveux autonome sympathique,


gérant les annexes cutanées et les débits vasculaires ;
• Un système myélinisé et amyélinisé afférent, appartenant au système nerveux sensitif.
Dans ce système, plusieurs terminaisons nerveuses plus ou moins spécialisées sont
reconnues :
o Les terminaisons nerveuses libres, sensibles à la douleur et à la température ;
o Les corpuscules de Pacini : spécialisés dans la pression et les vibrations et situés
principalement dans le derme profond ou dans le tissu sous-cutané des paumes
des mains et des plantes des pieds ;
o Les corpuscules de Meissner : sensibles au toucher, présents au sein du derme
papillaire et plus nombreux au niveau des mains et des pieds ;
o Les cellules de Merkel : récepteurs tactiles d’adaptation lente, décrits plus
haut.
Enfin, la troisième et dernière couche de la peau est représentée par l’hypoderme. Celui-ci
est constitué principalement de tissus adipeux, ainsi que des gros vaisseaux sanguins et nerfs
drainant le derme sus-jacent. Cette partie de la peau a des fonctions d’isolation thermique, de
stockage alimentaire et d’absorption des chocs.

Pour conclure, parmi les principaux éléments constitutifs de la peau, nous retrouvons
des récepteurs sensitifs plus ou moins spécialisés. Ces derniers constituent la première étape
de la perception d’un stimulus sensoriel, le point de départ d’une transmission nerveuse
ascendante vers le système nerveux central. La figure 2 résume les caractéristiques de ces
récepteurs cutanés, rencontrés principalement au sein de l’épiderme et du derme.

19
Fig 2 : Caractéristiques des récepteurs tactiles au sein de la peau. D’après 1. Widmaier EP, Raff H, Strang KT,
Widmaier EP, Vander AJ. Physiologie humaine : les mécanismes du fonctionnement de l’organisme : Vander.
2013.

c. Les voies somesthésiques afférentes


Les récepteurs périphériques vus précédemment s’organisent autour deux systèmes
sensoriels principaux : le système épicritique et le système protopathique. Le premier
comprend le toucher discriminatif, la vibration et la proprioception ; le second s’occupe des
modalités de température et de douleur. Les informations transmises n’étant pas les mêmes,
leurs caractéristiques diffèrent également. En effet, le système épicritique est doté de fibres
de gros calibre, rapides, permettant une forte résolution temporelle et spatiale, alors que le
système protopathique se compose de fibres de petit calibre, lentes, avec une faible
résolution temporelle et spatiale. Les trajets ascendants s’organisent autour de la voie
lemniscale pour la sensibilité épicritique et de la voie extra-lemniscale pour la sensibilité
protopathique. Ces voies se composent de trois neurones : le premier débute en périphérie
et chemine jusqu’à la moelle, le deuxième va de la moelle au thalamus et le troisième du
thalamus au cortex. Compte tenu de la différence entre les deux systèmes sensoriels, nous
allons expliciter leurs trajets et leurs projections.
20
La première étape de la transmission ascendante de l’information somesthésique se fait
au niveau de la moelle épinière : c’est le niveau segmentaire spinal. Les fibres périphériques
déjà citées dérivent des neurones du ganglion rachidien, situé dans la partie postérieure de la
moelle. Ce ganglion contient le corps cellulaire d’un ou plusieurs neurone(s) sensitif(s),
composé(s) lui- (eux-) même(s) d’un axone bifurqué, présentant deux branches : une branche
distale, définissant le champ récepteur, et une autre proximale, participant à la première
synapse au niveau médullaire. L’ensemble des champs récepteurs d’un ganglion rachidien
définit un dermatome, qui est la surface cutanée innervée par les axones sensitifs. Au niveau
de la moelle épinière, les deux systèmes sensoriels se séparent, pour suivre deux voies
ascendantes indépendantes. Comme la figure 3 nous le montre, l’ensemble des fibres
épicritiques rejoignent le cordon postérieur ipsilatéral, pour ensuite se dissocier en deux
groupes de fibres.

Fig 3 : Trajet des fibres afférentes somesthésiques jusqu’à la moelle épinière. D’après Purves D, Augustine GJ,
Fitzpatrick D, Hall WC, LaMantia A-S, White LE. Neurosciences. Paris ; de boeck supérieur; 2015.

Le premier se dirige vers la corne ventrale, sous-tendant la proprioception segmentaire, et se


projette vers les motoneurones-α, pour une fonction motrice. Le deuxième groupe emprunte
la colonne dorsale pour se projeter jusqu’aux noyaux des cordons postérieurs au niveau de la
jonction bulbomédullaire. Quant aux fibres protopathiques, elles se terminent principalement
au niveau de la corne postérieure. Dans cette région, où l’architecture neuronale est
complexe, des synapses se forment entre segments adjacents par l’intermédiaire des fibres
propriospinales. Les informations arrivant via des fibres faiblement ou non myélinisées (Aδ et
C) subissent alors des délais de transmission supplémentaires, avant de traverser le canal
central de la moelle par l’intermédiaire de la commissure antérieure et rejoindre la région
ventro-latérale controlatérale. A ce niveau, les axones montent ensuite vers le tronc cérébral
et le thalamus, en formant le faisceau spinothalamique latéral. Au niveau segmentaire spinal,
nous pouvons alors remarquer que les fibres épicritiques sont « directes », restant du même
côté que les dermatomes correspondants, alors que celles protopathiques croisent la ligne
médiane, donnant des informations controlatérales.

21
Les voies somesthésiques ascendantes se composent de différents faisceaux de fibres. Les
voies ascendantes épicritiques se concentrent autour de deux faisceaux principaux, suivant
les cordons postérieurs de la moelle jusqu’à la jonction cervico bulbaire, pour faire ensuite
synapse avec les neurones des noyaux des colonnes dorsales. On parlera alors des :

• Faisceau gracile ou de Goll : réunissant les fibres entrant en-dessous de la 6e vertèbre


thoracique et se terminant dans le noyau de même nom ;
• Faisceau cunéiforme ou de Burdach : comprenant les fibres cervicales et thoraciques
restantes et se projetant dans le noyau de même nom.
Une fois dans les noyaux de Goll et Burdach, ces fibres décussent, se projettent au niveau du
lemnisque médian controlatéral, pour ensuite monter et rejoindre le noyau ventro-postéro-
latéral (VPL) du thalamus (Figure 4). En ce qui concerne les fibres protopathiques, elles se
réunissent autour du faisceau spinothalamique latéral (Figure 5), qui se termine sur l’un des
trois sites suivants :

• La formation réticulaire bulbaire, pontique et mésencéphalique : son activation


provoque l’effet activateur (« éveillant ») des stimulations douleureuses, ainsi que
l’impact de la douleur sur le tonus musculaire ;
• La substance grise périaqueducale : en lien avec les régulations du SNC sur la
transmission nociceptive ascendante ;
• Le noyau ventro-postéro-latéral du thalamus : de ce noyau part la projection au niveau
du cortex, permettant la localisation de la douleur, mais également l’analyse
quantitative et qualitative de l’information protopathique.
Par ailleurs, une organisation différente est à noter pour la sensibilité de la face. Celle-ci
est médiée par le système trigéminal, composé par les trois branches du nerf trijumeau, décrit
comme le cinquième nerf crânien. Les récepteurs et les fibres du trijumeau sont identiques à
ceux des nerfs s’occupant du reste du corps, véhiculent des informations épicritiques et
protopathiques, et répondent à des champs récepteurs particuliers. En effet, la branche
ophtalmique du trijumeau (V1) innerve la partie supérieure du visage (de la ligne des cheveux
aux yeux), la branche maxillaire (V2) plutôt la partie centrale (nez, lèvre supérieure, joues et
intérieur de la bouche), alors que la branche mandibulaire (V3) le menton, la lèvre inférieure,
la marge inférieure de la mandibule, le plancher buccal et la langue. Ces trois fibres remontent
les informations sensorielles au niveau du ganglion de Gasser, situé sur le plancher du sinus
caverneux, représentant le « ganglion rachidien postérieur du nerf trijumeau » (Figure 4). A
partir de ce ganglion, les voies épicritiques et protopathiques se séparent :

• La plupart des fibres épicritiques font synapse dans le noyau sensitif principal du V,
dans la partie latérale du pont. Les neurones partant de ce noyau forment alors le
faisceau trigéminothalamique ventral ascendant, qui décusse et se termine au niveau
du noyau ventro-postéro-médial (VPM) du thalamus avec le lemnisque médian.

22
• Les fibres protopathiques descendent dans le tractus spinal du V et font synapse dans
le noyau caudal du trijumeau. A partir de ce dernier, elles s’unissent pour former le
faisceau trigéminothalamique, en position dorsale du lemnisque médian. Ce faisceau,
envoyant des collatérales vers la formation réticulée du tronc cérébral et la substance
grise périaqueducale, se termine également au niveau du noyau VPM thalamique.

Fig 4 : Représentation schématique des voies épicritique (voie lemniscale) et de la sensibilité de la


face. D’après Purves D, Augustine GJ, Fitzpatrick D, Hall WC, LaMantia A-S, White LE. Neurosciences.
Paris ; de boeck supérieur ; 2015.
23
Fig 5 : Représentation schématique des voies protopathiques (voie extra-lemniscale). D’après
http://bbeauvalot.free.fr/S%E9miologie%20du%20SNP/SNP%20S%E9quence%203%20-
%20sensibilit%E9,%20motricit%E9.pdf.

Les neurones-relais des noyaux thalamiques VPL et VPM, recevant donc des afférences
épicritiques et protopathiques, se projettent vers les cortex somesthésiques primaire et
secondaire, en traversant le bras postérieur et le genou de la capsule interne. Ce relais
thalamique avant l’arrivée au cortex est contrôlé par le noyau réticulaire, couche cellulaire
enveloppant le thalamus. L’activité de ce noyau est elle-même régulée par la formation
réticulée mésencéphalique, le cortex préfrontal et les régions corticales temporo-pariétales.
Ce contrôle permet de définir la source sensorielle sur laquelle le cortex sera focalisée,
participant ainsi au phénomène d’attention sélective. Ce phénomène semble avoir un rôle
considérable dans l’attention somesthésique, alors qu’il semble négligeable pour les autres
sens.
24
Comme nous avons pu le voir, les voies ascendantes sont complexes et comprennent
différentes structures. Ces deux systèmes représentent l’hémicorps controlatéral, malgré une
décussation à des moments différents. Les deux rejoignent également le thalamus, véritable
filtre sensoriel et relais obligatoire précédant l’arrivée des fibres au niveau cortical.

d. L’intégration centrale
L’intégration centrale permet le traitement des informations somesthésiques afférentes,
filtrées par le thalamus, par le cortex somesthésique. Celui-ci peut être divisé en cortex
somesthésique primaire (S1), occupant la quasi-totalité du gyrus postcentral, et en cortex
somesthésique secondaire, situé dans une petite région adjacente à la partie ventrale du gyrus
postcentral.
Le S1 comprend différentes régions, se caractérisant par des cyto-architectures variées et
spécifiques. Grâce à ces territoires, toute information somesthésique peut être décodée et
interprétée. Parmi les aires de Brodmann spécifiques du traitement somesthésique, nous
retrouvons :

• L’aire 3 : recevant les projections thalamiques, elle se divise elle-même en :


o Portion 3a : traitant les afférences musculaires et nociceptives, elle s’occupe
principalement de proprioception et de douleur ;
o Portion 3b : réservée aux afférences cutanées d’adaptation rapide et lente et
subdivisée d’une mosaïque de patchs corticaux adjacents, elle joue un rôle
dans la perception tactile (forme, taille, texture), la sensation vibratoire
(pallesthésie) et la thermoception ;
• L’aire 1 : traitant les informations cutanées provenant de l’aire 3b, cette aire est
spécialisée dans la perception de la texture ;
• L’aire 2 : recevant des projections des deux sous-unités de l’aire 3, cette aire s’occupe
plus spécifiquement de la détection de la position et des bords, de la perception de la
taille, de la perception tridimensionnelle de la forme (stéréognosie), ainsi que de la
douleur.
Ces systèmes neuronaux répondent à une organisation somatotopique précise. Chaque
territoire du gyrus postcentral traite une partie spécifique de notre corps : c’est l’homonculus
sensoriel (Figure 6). Comme nous pouvons le voir, deux régions sont fortement
représentées au sein du cortex : la main et le visage (et notamment les lèvres). Pour ces zones
corporelles, le rapport champ récepteur cortical/surface cutanée est élevé, alors que d’autres
zones possèdent moins de surface corticale dédiée. Cette somatotopie reste fluide et
modulable, dépendant des demandes et des contraintes environnementales.

25
Fig 6 : Représentation schématique de la disposition somatotopique du cortex somesthésique primaire chez
l’homme. D’après Purves D, Augustine GJ, Fitzpatrick D, Hall WC, LaMantia A-S, White LE. Neurosciences. Paris ;
de boeck supérieur ; 2015.

Le cortex somesthésique secondaire est connecté au S1 et reçoit des projections


directement du thalamus. Son activité serait particulièrement dédiée à la discrimination de la
forme et de la texture. Contrairement au S1, les deux S2 sont fortement liés par des
connexions transcalleuses. Ces liens fonctionnels pourraient être à la base de plusieurs
phénomènes, comme :

• La coordination bimanuelle
• La transmission bihémisphérique des inputs somatiques unilatéraux
• Le transfert rapide des apprentissages tactiles, comme la discrimination par le
toucher, d’une main vers l’autre
• La représentation unifiée de l’ensemble de notre surface corporelle

26
Par ailleurs, le cortex somatosensoriel associatif, représenté par les aires 5 et 7 de Brodmann,
reçoit des projections de l’aire 2 du S1. La partie caudale de l’aire 7 (7a) est également liée au
cortex visuel associatif, alors que l’aire 5 et la portion rostrale de l’aire 7 (7b) sont fortement
connectées aux régions motrices précentrales, sous-tendant ainsi l’intégration
sensorimotrice. De plus, l’aire 7 semble être à la base de l’alignement des coordonnées
spatiales centrées sur notre corps (égocentrisme) avec celles définies par l’environnement
(allocentrisme), par la convergence des informations somesthésiques et visuelles dans cette
zone corticale.

e. La voie « affective »
Dans les paragraphes précédents, nous avons décrit les voies sensorielles du toucher
exploratoire. Celui-ci recouvre la dimension sensori-discriminative, permettant la localisation
spatiale, ainsi que la reconnaissance de la nature et de l’intensité du stimulus. Parallèlement
à ces aspects, certains auteurs se sont intéressés aux dimensions motivationnelle et affective
du toucher, permettant de définir la valence (agréable ou non agréable) et la pertinence
motivationnelle d’un stimulus tactile.
Plusieurs auteurs ont exploré ces aspects affectifs du toucher. Essick et al. en 1999 (9)
s’intéressaient à l’évaluation du caractère agréable ou non de stimulations tactiles de
différents sites, avec différents matériaux et différentes rapidités de stimulation. D’autres
auteurs ont mesuré la perception d’un contact à soi-même (intrapersonnel) par rapport à un
contact à autrui (interpersonnel), sur deux sites corporels (la paume de la main et l’avant-
bras). Dans cette étude par exemple, le contact d’une autre personne était perçu comme plus
agréable qu’un contact intrapersonnel et la stimulation de l’avant-bras plus douce que celle
de la paume de la main (10). Des différences de perception sont alors progressivement
reconnues, des sites plus sensibles que d’autres caractérisés et des fonctionnements
neurophysiologiques spécifiques décrits. Comme pour les voies exploratoires, nous allons
donc aborder la localisation, les récepteurs et les afférences de ce qui est appelée de nos jours
la « voie affective ».
Les recherches concernant le toucher « dynamique » (mouvement continu d’un point
à un autre, souvent répétitif, comme une caresse ou un frottement (11)) suggèrent qu’un
toucher plutôt doux et lent peut être codé par le système nerveux de manière affective et
hédonique, et non seulement de façon purement sensorielle. A la base de ce codage, il y aurait
un type particulier de fibres nerveuses afférentes : les fibres tactiles C. Ces dernières sont
sensibles à des stimulations tactiles inoffensives (12), sont non myélinisées et possèdent un
seuil mécanique bas (13). La vitesse de la stimulation jouerait également un rôle sur leur
activation : ce type de fibres répond le mieux à des stimulations de 1 à 10 m/s. Pour des stimuli
plus rapides et plus lents, la fréquence des potentiels d’action neuronaux est moins
importante. Parallèlement, plus un stimulus est agréable, plus les décharges neuronales des
fibres C sont fréquentes, suivant une réactivité similaire à celle de la vitesse de stimulation

27
(14). Cependant, ce profil de réponse n’est pas retrouvé pour les fibres rapides Aβ, pour
lesquelles les potentiels d’action augmentent avec la vitesse de stimulation. Les différentes
réactivités de ces fibres sont résumées dans la figure suivante :

Fig 7 : Profils de réponse des fibres tactiles C (Fig A et B) et des fibres rapides Aβ (Fig C) à des stimulations tactiles
à type de frottements (à partir de McGlone et al, 2014).

Concernant leur localisation, les fibres tactiles C ont été retrouvées uniquement au
niveau de la peau poilue, la peau glabre en étant donc dépourvue ((12); (14)). McGlone et al.
(15) résument en 2014 les voies afférentes supposant transmettre les informations affectives
aux noyaux centraux. Au niveau médullaire, ces fibres suivraient le faisceau spinothalamique,
comme suggéré par les effets de privation de plaisir secondaires à une section médullaire
antérolatérale. Au niveau cérébral, un frottement doux de la peau poilue provoque l’activation
du cortex somesthésique (S1 et S2), ainsi que du cortex insulaire postérieur controlatéral.
L’insula, une aire cérébrale souvent négligée, est potentiellement responsable de
l’intéroception, ainsi que de l’intégration d’informations émotionnelles, cognitives et
motivationnelles (16). D’autres structures ont également été mises en évidence dans la voie
affective par une étude en IRM fonctionnelle : le sulcus temporal postéro-supérieur (pSTS), le
cortex préfrontal médial (mPFC) et le cortex cingulaire dorso-antérieur (dACC). Ces éléments
font partie du « cerveau social », s’occupant des perceptions et des cognitions sociales (17).
Les fibres tactiles C semblent donc spécifiques d’un traitement émotionnel et affectif de
certaines stimulations tactiles, laissant avancer l’hypothèse fonctionnelle d’un « toucher
social » (18). Cependant, malgré une certaine spécialisation dans le traitement de
l’information, les stimuli affectifs semblent également influencer la perception discriminative :
une inhibition du cortex somesthésique a été mise en évidence en IRM fonctionnelle (19) et
un rôle d’inhibition de la douleur fortement suspecté (20).

28
Enfin, le schéma suivant résume la voie affective, par opposition à la voie discriminative
du toucher. Malgré des parcours apparemment parallèles et distincts, ces deux dimensions se
croisent et s’influencent réciproquement. La complexité de ces mécanismes, encore mal
élucidés, laisse alors encore ouvert le débat sur la place réellement occupée par les
perceptions sensorielles sur nos processus affectifs et sociaux.

Fig 8 : Schéma représentant les voies affective et discriminative du toucher (d’après McGlone et al, 2014)
29
Pour conclure, le tableau suivant résume et compare les caractéristiques des deux
principales voies somesthésiques, les systèmes épicritique et protopathique, ainsi que de la
voie affective décrite précédemment :

Caractéristique Epicritique Protopathique Affective


Modalités Forme, texture, Température, Valence agréable ou
sensorielles toucher, pression, douleur, toucher non agréable
glissement, vibration,
position

Résolution Haute Basse Basse


spatiale et
temporelle
Type de fibres Gros calibre, Petit calibre, Non myélinisées, de
myélinisées, de faiblement conduction lente
conduction rapide myélinisées ou
amyéliniques, de
conduction lente
Organisation Paucisynaptique : Polysynaptique : ?
segmentaire trajet direct vers les fibres propriospinales
noyaux des cordons segmentaires
postérieurs

Faisceaux Cordons postérieurs Faisceau Faisceau


ascendants (faisceaux de Goll et spinothalamique spinothalamique
Burdach) et latéral latéral
dorsolatéraux

Latéralisation des Ipsilatérale, jusqu’à la Controlatérale ?


fibres médullaires décussation dans le (décussation
ascendantes bulbe médullaire)

Cibles des Noyaux de Goll et Formation réticulaire Noyaux thalamiques


faisceaux Burdach ipsilatéraux ; du tronc cérébral et
ascendants relais via le noyau VPL
lemnisque médian
vers le noyau VPL
controlatéral

Cibles corticales Gyrus postcentral : Gyrus postcentral : Cortex insulaire


aires 3a, 3b, 1 et 2 aires 3a et 2 postérieur

Tableau 1 : Caractéristiques des voies sensorielles épicritique, protopathique et affective ; tableau modifié à
partir de Nadeau SE, Antonelli PJ. Neurosciences médicales. Paris: Elsevier; 2006.
30
2. Les origines embryologiques et la croissance post-natale (8,21)
Comme les autres organes, la peau nait et se développe au cours de la vie
embryonnaire. Dans un premier, nous allons expliciter son origine embryologique,
particulièrement intéressante car partagée avec le SNC. Dans un second temps, nous nous
intéresserons à sa croissance post-natale, pouvant nous donner des éléments de réflexion
importants sur comment le bébé perçoit les stimulations tactiles qui lui sont adressées.
a. Les origines embryologiques de l’épiderme et du derme
La peau est le premier sens se développant au cours de la vie embryonnaire. Le début
de sa formation remonte à la 4e semaine de vie intra-utérine, lorsque l’embryon n’est qu’un
disque germinal tridermique. Ses trois couches de cellules sont représentées par l’ectoderme,
le mésoderme et l’endorme. Chacune de ces couches va donner naissance à différents organes
définitifs au cours de la vie fœtale. Au cours de la 4e semaine, l’embryon prend forme et deux
processus surviennent : le soulèvement et la neurulation. Le premier permet aux trois feuillets
déjà en place de se plisser et de prendre progressivement une forme cylindrique, par une
croissance en longueur et une fusion des couches cellulaires latérales. L’embryon est alors
tridimensionnel et un plan corporel tubulaire-intratubulaire se différencie. Parallèlement, la
neurulation va permettre la formation du tube neural, ébauche du futur système nerveux
central, à partir de la plaque neurale. Cette dernière se forme à partir de l’ectoderme pendant
la 3e semaine, au cours du processus d’induction neurale. Au cours de la 4e semaine, la plaque
neurale va donc se transformer en un tube creux, recouvert par l’ectoderme superficiel (Figure
9).

Fig 9: Représentation schématique des processus de soulèvement et de neurulation embryonnaires. D’après


Larsen WJ, Schoenwolf GC, Bleyl SB, Brauer PR, Francis-West PH, Alexandre H, et al. Embryologie humaine de
Larsen. 2017.
31
Par la suite, le tube neural va se différencier dans le sens cranio-caudal, se refermant
progressivement et permettant de mettre en évidence l’encéphale et la moelle épinière. A la
fin de la 4e semaine de vie intra-utérine, les principales régions de l’encéphale deviennent
perceptibles : le prosencéphale (cerveau antérieur), le mésencéphale (cerveau moyen) et
rhombencéphale (cerveau postérieur). Pendant la neurulation, d’autres composantes
spécialisées apparaissent et sont utiles pour illustrer notre propos : les cellules des crêtes
neurales et les dermomyotomes. Les premières dérivent de la partie dorsale du tube neural
et subissent un processus de migration important tout le long du corps de l’embryon. De ces
cellules, dérivent beaucoup de tissus embryonnaires et d’organes définitifs. Enfin, les
dermomyotomes dérivent des somites, formations segmentaires prenant forme du
mésoderme au cours de la 3e semaine.
Comme nous avons pu le voir précédemment, la peau est constituée principalement
de l’épiderme et du derme. Malgré leur proximité, ces deux couches n’ont pas la même origine
embryologique. L’épiderme dérive de l’ectoderme de surface et sa constitution débute au
début de la 4e semaine de vie intra-utérine (Figure 10).

Fig 10 : Représentation schématique de la formation de l’épiderme au cours de la vie fœtale (modifiée).


D’après Larsen WJ, Schoenwolf GC, Bleyl SB, Brauer PR, Francis-West PH, Alexandre H, et al. Embryologie
humaine de Larsen. 2017.

Initialement composé d’une seule couche cellulaire, l’ectoderme de surface prolifère et forme
une couche externe de cellules, appelée périderme. L’ancien ectoderme de surface devient
alors la couche basale, composée de cellules prolifératives séparées du derme sous-jacent par
une lame basale. Au cours de la 11e semaine, la couche basale produit une nouvelle couche
intermédiaire au niveau de la face profonde du périderme : ce sont les futures couches
externes de l’épiderme définitif, composées de kératinocytes. La couche basale, devenue
couche germinative, constitue alors l’amas de cellules souches permettant le renouvellement
du futur épiderme. Au cours de la première partie du 5e mois, le périderme s’élimine
progressivement au sein du liquide amniotique et la couche intermédiaire se différencie pour

32
laisser la place aux trois couches définitives de l’épiderme externe : les couches
spinocellulaire, granuleuse et cornée. Cette transformation se fait progressivement dans le
sens cranio-caudal et implique la migration des kératinocytes de la couche germinative
jusqu’aux couches les plus externes, incluant la production de protéines d’enveloppe et une
énucléation cellulaire dans la couche cornée. En ce qui concerne les cellules épidermiques non
kératinisantes, les mélanocytes proviennent des cellules des crêtes neurales et migrent dans
l’épiderme entre la 7e et 10e semaine, les cellules de Langherans sont produites par la moelle
osseuse et les cellules de Merkel dérivent des cellules épidermiques et peuvent être
identifiées entre le 4e et 6e mois.
Quant au derme, son origine embryologique est triple : mésoderme et dermomyotome
au niveau du tronc, cellules des crêtes neurales au niveau de la tête et du cou. Au cours du 3e
mois, la couche externe du derme en développement prolifère et donne naissance à la couche
papillaire, composée des papilles dermiques envahissant l’épiderme sus-jacent. Le système de
ces modelages de surface, spécifiques à chaque partie du corps, est établi très tôt au cours du
5e mois de la vie fœtale. Les premières crêtes cutanées apparaissent au niveau des faces
palmaires et plantaires des doigts et des orteils, au cours des 11 e et 12e semaines.
Progressivement, l’ensemble du derme se différencie au cours des 2e et 3e trimestres et,
malgré une certaine finesse à la naissance, il s’épaissit même après la vie intra-utérine, au
cours de la petite enfance et l’enfance.
Enfin, certains éléments des voies ascendantes sensorielles décrites plus haut
prennent naissance de structures embryologiques déjà citées. Il s’agit des ganglions rachidiens
postérieurs, premiers relais de l’information somesthésique, dérivant de la crête neurale
troncale. La même origine embryologique a été évoquée pour les ganglions sympathiques et
parasympathiques régissant le système nerveux autonome.

Pour conclure, nous pouvons remarquer que l’ensemble de l’épiderme et une partie
du derme ont une origine embryologique commune avec le système nerveux central, ainsi que
certaines de ses composantes périphériques et autonomes. Même s’ils ne partagent pas les
mêmes cytoarchitectures, nous pouvons supposer qu’une anomalie embryologique du
système nerveux puisse avoir des répercussions sur la mise en place de la peau. De plus, le
développement du derme plus profond, contenant les nerfs et les récepteurs sensoriels,
continue même après la naissance, nous suggérant une probable influence de
l’environnement sur cette croissance.

33
b. La croissance post-natale
La naissance est un évènement important et déterminant pour tout individu. Le fœtus,
ayant grandi pendant plusieurs mois dans un environnement liquidien et sous la dépendance
respiratoire et métabolique de sa mère, se retrouve dans un environnement aérien, où il doit
apprendre à devenir indépendant et à s’autoréguler.
La peau participe à cette adaptation post-natale par l’intermédiaire de plusieurs
mécanismes et acteurs cellulaires. Visscher et al (22) mettent en évidence plusieurs rôles et
acteurs de la peau à la naissance :

Fonctions Structures
Barrière contre :
• la perte d’eau • Couche cornée et épiderme
• la lumière • Mélanocytes (épiderme)
• les irritants • Cellules de Langerhans (épiderme)
Résilience à des traumas Derme
mécaniques
Sensation Nerfs sensitifs (épiderme et derme)
Discrimination tactile Couche cornée et nerfs sensitifs
Régulation thermique Vaisseaux sanguins et glandes eccrines (derme), tissu
adipeux (hypoderme)
Formation d’un film hydrolipidique Couche cornée et épiderme
Tableau 2 : Fonctions et structures de la peau à la naissance (d’après Visscher et al, 2015)

A la naissance, la peau présente une fine couche d’épiderme et des couches cornées
bien formées, assurant une barrière efficace contre la perte d’eau transépithéliale. Cette
dernière, faible à la naissance chez les nouveau-nés à terme, est considéré comme un bon
marqueur de l’efficacité de la barrière cutanée. Aidant la mise en place de cette fonction, le
vernix caseosa est une couche recouvrant la peau et formée d’eau (80%), de protéines (10%)
et de lipides (10%). Cette couche, mise en place lors du dernier trimestre et présente à la
naissance sous forme d’un film blanchâtre, assure une première protection contre l’eau et des
agents bactériens et fongiques les plus communs. Par ailleurs, les enfants prématurés ne
présentent pas la même maturation cutanée à la naissance. Pour les prématurés naissant
avant 30 semaines d’aménorrhée, la perte d’eau transépithéliale est supérieure à celle
mesurée chez les nouveau-nés à terme. Ceci est en lien avec une faible intégrité des couches
cornées, exposant aux risques de déséquilibres électrolytiques, instabilité thermique,
exposition accrue aux irritants et aux agents infectieux. Même si le développement cutané
post-natal est rapide chez ces enfants, la maturité est acquise plus lentement (22).
Les mois suivant la naissance, la peau subit des modifications. De manière
physiologique, l’hydratation de celle-ci change les premières semaines post-natales : une
baisse importante est constatée lors du premier jour et une augmentation progressive
observée lors du premier mois. Ces modifications sont essentielles pour assurer la plasticité

34
et la flexibilité de la peau, contribuant à l’adaptation à la vie extra-utérine (22). De plus, les 3
premiers mois, le pH de surface et la rugosité cutanée diminuent, alors que la desquamation
superficielle augmente uniquement au niveau du visage. Ces modifications ont été retrouvées
de manière égale chez les garçons et les filles (23). Enfin, Stamatas et al. (24) proposent
plusieurs différences enfant/ adulte retrouvées grâce à des explorations in vivo
(évaporimétrie, impédancemétrie, microscopie vidéo et confocale et spectroscopie). Ces
techniques ont pu mettre en évidence une couche épidermique plus fine et des cellules
cornées plus petites chez les enfants que chez les adultes au moins jusqu’à l’âge de 2 ans. De
plus, la couche cornée contient plus d’eau et les propriétés de rétention d’eau ne sont pas
matures avant la première année de vie extra-utérine. Enfin, les papilles dermiques sont plus
homogènes en taille, densité et distribution (24).
Comme nous avons pu le voir par l’exemple de la peau, les organes d’un individu se
mettent en place au cours de la vie intra-utérine, se développent et maturent plusieurs mois
après la naissance. Cette évolution dépend de plusieurs facteurs, et notamment de facteurs
génétiques et environnementaux, nous poussant à définir une autre temporalité dans le
développement humain.

c. Le concept DOHAD
Depuis plusieurs années, de nombreuses recherches s’orientent vers l’influence de
l’environnement sur notre développement corporel et psychique. Notre santé à l’âge adulte
et le développement de certaines maladies dépendraient de plusieurs facteurs intervenant in
utero et dans les premières années de vie. A la base de cette réflexion, nous retrouvons une
plasticité développementale, mise en évidence notamment chez l’animal, et des mécanismes
épigénétiques, l’épigénétique étudiant les modifications environnementales du génome (25).
Comme la Fig 11 nous le montre, l’embryon et le fœtus possèderaient un patrimoine
génétique et épigénétique hérité par ses parents. Sur cette base, la plasticité
développementale, médiée par des changements épigénétiques et morphologiques, se
conjuguerait avec des facteurs gestationnels pour créer un phénotype néonatal unique. Celui-
ci, confronté à des facteurs environnementaux divers pendant l’enfance, déterminerait un
phénotype adulte plus ou moins malade.

35
Fig 11 : Diagramme représentant les facteurs développementaux jouant un rôle dans l’apparition d’un phénotype adulte
(d’après Gluckman et al, 2008)

La prise en compte de ces déterminants s’est développée progressivement sous le nom de


Developmental Origins of Health and Disease (DOHaD), origines développementales de la
santé et de la maladie. Les études basées sur ce concept, introduit dans les années 1990, ont
essayé de définir la place de polluants, métaux, pesticides sur l’apparition de maladies
cardiovasculaires, métaboliques, cancéreuses. Dans cette optique, les recherches en
épigénétique ont connu une forte augmentation, mettant en évidence plusieurs modifications
génétiques en lien avec ces facteurs environnementaux, comme des méthylations d’ADN et
des modifications métaboliques des ARN et structurales de la chromatine (26). La
compréhension de ces mécanismes permet de mettre en valeur des véritables facteurs de
risque en lien avec l’apparition de ce qu’on appelle actuellement les « maladies non
transmissibles ». Ceci a forcément des répercussions sur la société, poussant alors des
décisions politiques dans le but de diminuer l’incidence de ces affections et la morbi-mortalité
de la population générale (27).
Les champs du neurodéveloppement et de l’autisme n’ont bien sûr pas été épargnés par cette
réflexion, visant à caractériser des mécanismes physiopathologiques et des gênes cibles,
pouvant servir de biomarqueurs de ces troubles. C’est par la figure 12 que Loke et al (28)
illustrent la conjonction de facteurs génétiques, épigénétiques et environnementaux dans
l’apparition des perturbations pré et postnatales du neurodéveloppement. Ce schéma nous
aide à comprendre le probable développement physiopathologique des TSA, intéressant des
aspects embryologiques et post-nataux, et justifiant alors l’approche DOHaD, basée sur les
1000 premiers jours de vie.
36
Fig 12 : Diagramme représentant les changements génétiques et épigénétiques pouvant être à l’origine du développement
des TSA (d’après Loke et al, 2015).

Les origines embryologiques et la croissance post-natale de la peau et de ses fonctions


restent encore mal comprises. L’approche DOHaD se révèle particulièrement intéressante
pour explorer ces aspects, nous suggérant un probable rôle de facteurs génétiques et
environnementaux dans le développement normal et pathologique des individus. Les
dysfonctionnements survenant lors de l’embryogenèse et du développement post-natal
précoce pourraient alors être à la base de mécanismes physiopathologiques observés plus
tardivement. Mais quelles seraient les conséquences de troubles tactiles survenant les
premières années de vie ? Quel est l’impact sur l’enfant du passage d’un milieu liquide (in
utero, contact peau/eau) à un milieu aérien (contacts peau/air et peau/peau) ? Autrement dit,
il est essentiel de définir le rôle que pourrait revêtir la peau dans le développement chez
l’enfant.

37
3. Le rôle du toucher dans le développement précoce de l’enfant (29–32)
Dès sa naissance, le bébé est en contact direct avec sa mère. Cette interaction a
intéressé beaucoup d’auteurs dans le passé, ayant étudié les besoins des nouveau-nés, ainsi
que les rôles de la mère. Sur ces sujets, nous pouvons citer les travaux éthologiques de Harlow
(1958), montrant un intérêt accru du bébé-singe pour une mère artificielle composée de
fourrure par rapport à une mère nourrissante faite en fer, la théorie de l’attachement de
Bowlby (1969) et les théories de Winnicott (1962). Pour ce dernier, une « mère suffisamment
bonne » se définit par trois actes nécessaires :
• Le holding : portage du bébé ;
• Le handling : manipulations/soins de l’enfant ;
• L’object presenting : présentation de l’objet, stimulant la découverte progressive du
monde.
Par ces exemples, nous pouvons aisément imaginer que la peau et ses capacités perceptives
peuvent avoir un rôle important dans les premières expériences pré- et néonatales. Pour
certains auteurs d’orientation psychanalytique, la peau et le corps seraient même au centre
de la conception du Moi, une des trois instances psychiques (avec le Ça et le Surmoi). En
suivant cette hypothèse, nous allons décrire les rôles du toucher dans le développement
précoce de l’enfant sur la construction du schéma corporel, les origines du psychisme et le
développement de l’intersubjectivité.

a. Le toucher et la construction du schéma corporel


Le schéma corporel peut être défini comme une représentation plus ou moins
consciente du corps, de sa position dans l'espace, ainsi que de la posture des différents
segments corporels. Cette représentation résulterait de l'intégration des informations
sensorielles multiples, résultant des échanges avec le monde extérieur et des perceptions de
son propre organisme. Parallèlement, le concept de proprioception définit la perception plus
ou moins consciente de la position des différentes parties du corps. A l’aide de l’apport de
différents auteurs, nous allons essayer de définir le rôle du toucher dans la construction du
schéma corporel.
André Bullinger, père du bilan sensori-moteur homonyme, s’est intéressé au
développement psychomoteur de l’enfant et a pu travailler autour de l’enveloppe et du
schéma corporels. Dans son ouvrage Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses
avatars, il met en avant des aspects sensorimoteurs et des représentations. Selon cet auteur,
l’élaboration des représentations de l’organisme dépend des matériaux que le bébé rencontre
dans ses interactions avec son milieu, et est basée sur les effets de ses gestes, ainsi que sur les
coordinations sensorimotrices. 3 niveaux de représentation sont décrits chez le bébé :
• L’interaction, ne nécessitant pas de distinction entre ce qui relève de l’organisme et ce
qui relève du reste du milieu ;
• Les habitudes/l’espace des gestes, supportées par le mouvement lui-même ;
• L’effet spatial des gestes, permettant la stabilisation, à travers un ensemble de
coordinations, des représentations indépendantes de l’action, et notamment :
o Représentations de l’organisme et de ses moyens sensori-moteurs (le corps)
o Représentations de l’objet matériel, cible des actions réalisées
38
o Un espace contenant polarisé par les moyens sensorimoteurs mis en jeu
Les espaces représentés sont donc orientés par les moyens sensorimoteurs mis en jeu pour
habiter cet espace. Dans cette perspective, l’espace n’est pas un objet du milieu, mais plutôt
le fruit des coordinations. Les représentations de l’organisme se comprennent alors comme
un ensemble d’espaces emboités et dépendants de coordinations sensori-motrices. Si celles-
ci sont retrouvées défaillantes, les flux sensoriels peuvent servir de contenant transitoire.
Plusieurs espaces sont alors construits progressivement à partir des capacités instrumentales
de l’enfant : les espaces utérin, gravitaire, oral, buste, torse, membres supérieurs, bassin et
membres inférieurs.

Un autre facteur important dans la mise en place du schéma corporel est avancé par
Geneviève Haag dans son ouvrage Le Moi corporel : la présence d’arrière-plan. In utero, celui-
ci est déjà présent : la cavité utérine touche la surface tactile la plus importante du fœtus, le
dos. Ce contact permet les premiers dialogues toniques mère-bébé : toute extension du dos
du fœtus provoque une contraction utérine visant à le remettre à sa place initiale. A la
naissance, ce plan peut être source de pleurs s’il est mis à nu et être plutôt source
d’apaisement s’il se retrouve au contact de la peau maternelle. Dans la construction de l’image
du corps, il existe alors une étape de formation de l’axe vertébral, passant par des oscillations
entre fusion et défusion de l’hémicorps du bébé sur l’hémicorps maternel. L’axe de la reliure,
axe central de l’arrière-plan, permet de concentrer et de recentrer les pliures, éléments
oscillatoires résultants des contacts avec la mère. Cet axe est la forme primitive de la capacité
contenante, une sorte d’articulation de doubles feuillets ouvrant l’image du corps et formant
la toile de fond des rêves et des pensées. Au stade primitif, aux moments de la tétée et des
échanges visuels, la structure rythmique du 1er contenant (cf plus loin) se constitue dans des
mouvements de va-et-vient de projection et d’introjection, pour laisser ensuite la place à la
peau, structure rythmique doublée des ressentis kinesthésique et moteur. La peau se
présente comme une structure à deux feuillets :

• Un feuillet externe : zone de contact entre l’individu et le groupe, assurant la


protection ;
• Un espace entre les feuillets : zone privilégiée de l’espace transitionnel, venant du
système projectif identificatoire ;
• Un feuillet interne : lieu de l’intersubjectivité, où s’accumulent les associations, les
réflexions et les représentations du monde interne.
Pour cette auteure, l’image du corps se forme donc à partir d’un axe vertébral, compris dans
un arrière-plan constant. De cet axe, se dessinent des pliures latérales, résultats des contacts
intermittents avec le corps de la mère, permettant progressivement la représentation des
deux hémicorps. Les interactions avec la mère et la perception des rythmicités sonores et
kinesthésiques permettent également des mouvements de va-et-vient de projection et
d’introjection se reflétant sur l’arrière-plan. La construction d’une peau à double feuillet s’en
suit, où se différencient un espace extérieur et un espace intérieur, siège du monde psychique
de l’enfant.

39
En complément de ces théories, Didier Anzieu proposait en 1974 le concept de Moi-
Peau. Cette notion est liée à plusieurs facteurs et prendrait naissance des premières
interactions mère-bébé. Ce dernier est fréquemment en contact avec le corps de sa mère au
moment de la tétée, mais également lorsqu’il est porté, bercé, lavé, etc. Ces comportements
maternels permettent à l’enfant de progressivement différencier une surface comportant une
face externe et une face interne. C’est une interface qui alors se forme, permettant la
distinction dehors/dedans, et dessinant un volume apportant à l’enfant l’expérience d’un
contenant. La peau est progressivement perçue à l’occasion des contacts répétés avec la
mère, dans le cadre d’une relation sécurisante d’attachement avec elle. Cette intégration
permet au bébé d’acquérir progressivement un sentiment de confiance, nécessaire à la
maitrise de ses orifices, et de percevoir les gestes maternels comme une communication. En
effet, les contacts cutanés sont d’abord vecteurs d’excitation et de plaisir, et puis de
communication : les communications préverbales précoces sont une condition préalable à
l’apparition de la parole.

En résumé, le développement du schéma corporel repose sur des stimulations tactiles


et des dialogues sensori-toniques, dans une relation sécurisante d’attachement avec la mère.
Ceci permet la construction des représentations de son propre corps, des espaces, ainsi que
la structuration de la peau en une unité à plusieurs feuillets. Celle-ci se pose en tant
qu’enveloppe de séparation avec l’extérieur et en tant que base du développement de la vie
psychique interne.

b. Le toucher et les origines du psychisme


Le Moi-Peau de Didier Anzieu introduit la notion de vie psychique interne. Dans ce
sens, le Moi-peau est défini comme une « figuration dont le Moi de l’enfant se sert au cours
des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi
contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps ». Il
apparait comme un concept opératoire précisant l’étayage du Moi sur la peau et impliquant
une homologie entre les fonctions du Moi et celles de notre enveloppe corporelle (limiter,
contenir, organiser). A ce sujet, Didier Anzieu reconnait 8 fonctions spécifiques au Moi-peau :
• Maintenance : de même que la peau soutient le squelette et les muscles, le Moi-peau
maintient le psychisme. Cette fonction dépendrait du holding maternel, c’est-à-dire de
la façon dont la mère soutient le bébé. L’intériorisation de ce portage permet
l’acquisition d’un axe vertical, utile physiquement pour l’accès à une position assise
puis debout, et psychiquement pour la mise en œuvre des mécanismes de défense
archaïques (clivage et identification projective).
• Contenance : par analogie au recouvrement cutané, le Moi-peau prend une fonction
d’enveloppement de l’appareil psychique. Celle-ci serait exercée principalement par le
handling maternel, c’est-à-dire les soins corporels et les réponses adaptées aux
besoins apportés par la mère. Dans cette dynamique, l’enveloppe tactile est doublée
par une enveloppe sonore, créée par les jeux, les imitations et les réponses verbales.
Le Moi-peau joue alors le rôle d’une écorce, permettant de contenir un noyau
pulsionnel grandissant : le Ça. La complémentarité de l’écorce et du noyau va fonder
le sentiment de la continuité du Soi.
40
• Pare-excitation : le Moi-peau a comme fonction la protection de l’appareil psychique
de facteurs étrangers environnementaux. Défini par Freud comme virtuel à la
naissance, le Moi serait composé d’une structure en double feuillet. La mère servirait
de pare-excitation auxiliaire au bébé.
• Individuation : la peau présente des caractéristiques individuelles spécifiques,
notamment par rapport à sa couleur, sa texture, son odeur. Parallèlement, le Moi-peau
recouvre une fonction d’individuation du Soi, apportant à celui-ci un sentiment
d’unicité.
• Intersensorialité : de même que la peau est au centre des autres sens, le Moi-peau
intègre toute sensation et la fait ressortir comme figure sur ce fond originaire qu’est
l’enveloppe tactile. Cette fonction d’intersensorialité aboutit alors à la constitution
d’un « sens commun », dont la référence de base se fait toujours au toucher.
• Soutien de l’excitation sexuelle : les échanges avec la mère sont vécus comme
agréables pour le bébé, faisant l’objet d’un investissement libidinal de la mère et
préparant l’auto-érotisme. Le Moi-peau devient alors une enveloppe d’excitation
sexuelle globale, où pourront être localisées des zones érogènes et où la différence
des sexes pourra être reconnue.
• Recharge libidinale : A la peau comme surface de stimulation permanente du tonus
sensori-moteur par les excitations externes répond les fonctions du Moi-peau de
recharge libidinale du fonctionnement psychique, ainsi que de maintien de la tension
énergétique interne.
• Inscription des traces : La peau, comme les autres sens, donnent des informations
directes sur le monde extérieur, permettant une réponse adaptée aux stimuli, mais
également une mise en mémoire de ceux-ci. Le Moi-peau vient alors remplir une
fonction d’inscription des traces sensorielles tactiles, d’abord biologiques puis
modulées par des aspects sociaux (incisions, tatouages d’appartenance à un groupe,
…). Cette fonction est renforcée par l’object presenting maternel, permettant les
premiers contacts avec l’environnement.

Grâce à ses origines tactiles, le Moi acquiert les capacités d’établir des barrières (devenant des
mécanismes de défense psychiques) et de filtrer des échanges (notamment avec le Ça, le
Surmoi et le monde extérieur). Par la pulsion d’attachement, la mère fournit au nourrisson les
bases pour l’intégration du Moi. Conséquence à cela : le Moi-peau fonde la possibilité même
de la pensée.

Dans son ouvrage Le Moi corporel, Geneviève Haag s’intéresse aussi aux premières
étapes de la constitution du Moi corporel chez l’enfant, se basant sur son expérience chez les
enfants autistes et leurs dessins. Elle met en avant deux idées principales pour expliquer cela :
la structure rythmique de la première contenance et la structure en double feuillet. Un
premier sentiment d’existence naitrait de la perception des rythmicités sonores et
kinesthésiques produites du dialogue tonico-émotionnel entre la mère et son bébé. En effet,
les premières interactions sont constituées d’échanges et d’adaptations toniques réciproques,
auxquels sont associées les premières réactions émotionnelles. Cette première contenance
41
aurait donc une structure rythmique, composée de sensations indifférenciées venant du
« pré-objet » et du « pré-moi ». Dans cette matrice post-natale, les formes partagées se
rempliraient de connexions préparant le clivage bon/mauvais : les sensations extrêmes
deviendraient mauvaises, alors que les sensations moyennes bonnes, à partir desquelles
s’organiserait la perception. De cette matrice, se préparerait ainsi la naissance psychologique.
Par ailleurs, les interactions mère-bébé participent à la création du psychisme de l’enfant. Le
contact avec le dos, l’interpénétration des regards et l’enveloppe sonore ont une fonction de
modulation à fort message émotionnel. Cet arrière-plan absorberait, avec l’activité du regard,
la fonction psychique primordiale de la mère de recevoir et transformer les expressions
pulsionnelles et émotionnelles. La théorie de Grotsein vient renforcer cette hypothèse,
défendant la présence d’un Objet d’arrière-plan. Celui-ci a été défini comme la
personnification du ciment assurant la cohésion de l’identité personnelle. A partir de là,
Grotsein a développé le théorème de la double voie, composée de l’identification primaire et
de l’ébauche de séparation, à la base d’une très précoce existence psychique chez le
nourrisson. L’objet d’arrière-plan d’identification primaire serait le gardien de la constance de
l’objet à l’état naissant depuis le début de la vie, jusqu’à ce que la représentation des objets
puisse remplacer la présentation des objets. A ce stade, l’objet d’arrière-plan se
transformerait alors en un concept divin associé au Surmoi et à l’Idéal du Moi.
André Bullinger souligne l’importance des composantes sensori-toniques dans les
premières phases de développement. Pour lui, toute variation d’un flux sensoriel va entrainer
une modification de l’état tonique. Les moyens de régulation de l’état tonique reposent sur 4
mécanismes, s’installant progressivement dans la petite enfance :
• la vigilance, état réglé par tout ou rien ;
• les réponses toniques consécutives à des variations des flux sensoriels atteignant
l’organisme. Un flux sensoriel contrôlé activement maintient un état tonique équilibré et
fait exister un ensemble de sensations qui stabilisent une image corporelle fragile. De
façon extrême, s’il y a trop peu de stimulations, l’image corporelle se dilue ; s’il y a trop de
stimulations, une décharge motrice est nécessaire pour métaboliser l’état tonique
excessif. La caractéristique de ce mode de régulation est de solliciter une activité
constante de la part du sujet.
• Le milieu humain, basé sur un dialogue tonique. Cette interaction entraine des
variations de l’état tonique beaucoup plus amples que celles suscitées par la modulation
des flux sensoriels. Ce dialogue polysensoriel s’accompagne souvent de verbalisations
venant de l’adulte porteur, qui donnent du sens à ces modulations toniques.
• Les représentations : elles permettent des anticipations sur l’état du milieu et ses
variations probables. Cette capacité d’anticipation participe très largement à la
stabilisation tonico-émotionnelle de l’individu.
Par ailleurs, toute modification tonique est intimement liée à une composante émotionnelle,
prenant part à un véritable dialogue avec le milieu. Les représentations qui vont découler de
cette covariation participent aux premiers ressentis sensoritoniques du bébé, formant ce que
Bullinger appelle l’enveloppe interne. Sur celle-ci repose l’enveloppe externe, se constituant
au travers des prises de sens que le milieu humain va offrir par le dialogue tonique aux signaux

42
sensoriels. Un équilibre sensoritonique va donc s’installer, dépendant des stimulations
sensorimotrices, des propriétés biologiques de l’organisme et du milieu humain. Cet équilibre
représente également la condition pour qu’une activité psychique puisse se développer et la
base des actions instrumentales. Selon Bullinger, l’activité psychique est alors alimentée par
des régularités, produites par un dialogue et un équilibre sensoritoniques constants.

Grâce à ces auteurs, nous avons pu voir comme la peau et les premières interactions
tactiles seraient à la base des premières représentations corporelles et des premiers vécus
psychiques. Le tact serait alors primordial pour développer son propre schéma corporel,
s’intriquant avec les premiers processus psychiques sous-tendant notre pensée. Compte tenu
de la place occupée dans le développement personnel du nourrisson, nous allons voir si la
peau pourrait également avoir un rôle dans la mise en place d’une intersubjectivité et des
bases de la communication avec autrui.

c. Le toucher et le développement de l’intersubjectivité


La question de l’intersubjectivité est une question complexe, ayant intéressé plusieurs
auteurs dès la fin des années 1970. C’est Trevarthen qui a décrit ce phénomène en premier,
pour expliquer le lien entre les expressions des nourrissons de 2-3 mois et celles de leurs
mères pendant une communication dyadique en face-à-face. Cet auteur définit
l’intersubjectivité comme la capacité à « adapter le contrôle subjectif à la subjectivité de
l’autre, pour pouvoir communiquer ». Quelques années plus tard, Bruner parle plutôt d’un
« processus par lequel on apprend à savoir ce que ressentent les autres et à s’adapter par
conséquent ». Il est alors question d’une expérience intersubjective, par laquelle le nourrisson
attribue un sens à sa relation avec le monde et situe les expressions, les actions et les
évènements dans l’« espace symbolique » qu’il partage avec l’adulte. A la base de ce
phénomène, il y aurait la capacité du nourrisson à reconnaitre que l’on peut partager avec un
autre individu sa propre expérience intérieure par les regards, les expressions émotionnelles
et les autres formes de contact perceptif, ainsi que par l’attention conjointe vers des objets
et/ou évènements du monde extérieur. L’intersubjectivité se place alors comme un élément
important, voire indispensable, pour le développement de tout type de communication. C’est
grâce à l’intersubjectivité que nous pouvons rentrer en relation avec l’autre et nous adapter à
ses réactions. Cependant, cette capacité reste mal connue : cela apparait les premiers mois
ou années de vie ? Quelles sont les conditions sous-tendant sa constitution ? A l’aide de deux
approches théoriques résumées par Nicolas Georgieff et Mario Speranza dans leur ouvrage
Psychopathologie de l’intersubjectivité (2004), nous allons introduire les notions de toucher et
de perception tactile dans l’apparition de l’intersubjectivité.
La première position est celle définissant l’intersubjectivité comme une caractéristique
innée, fondée sur un besoin, une propriété de l’être humain, d’entrer en relation avec l’autre
pour partager ses propres expériences. Les auteurs défendant ce point de vue placent alors
l’intersubjectivité dans les premiers jours de vie, mettant en avant l’imitation néonatale
comme première forme de l’expérience intersubjective. En effet, les observations chez les
43
nouveau-nés ont pu mettre en évidence leur capacité à reproduire des actions faciales
(ouverture de la bouche, protrusion de la langue), répétées plusieurs fois par des adultes ayant
obtenu leur attention. Parmi les théories considérant l’intersubjectivité comme innée, nous
pouvons exposer celle de Meltzoff, qui met en avant le modèle de l’équivalence soi-autre.
Reprenant l’exemple de l’imitation néonatale, selon Meltzoff, celle-ci est possible grâce à la
conceptualisation du couplage action propre-action d’autrui. Ce couplage est sous-tendu par
un dispositif neural mettant en correspondance, dans une représentation supramodale, la
vision du visage de l’autre et le ressenti proprioceptif sur son propre visage. Grâce à ce
processus, le nouveau-né « mappe » l’action de l’autre sur sa propre action, créant alors un
sentiment de lien interpersonnel. De manière plus large, cette capacité permet d’interpréter
le comportement de l’autre sur la base de son expérience mentale et de ses sensations
corporelles couplées à cette même action, ainsi que, par des mécanismes plus complexes, de
partager les émotions, l’attention et les intentions. La reconnaissance de l’équivalence soi-
autre (« tu agis comme moi et j’agis comme toi ») serait alors à la base de l’intersubjectivité,
de la communication et de la cognition sociale. La propriété innée de l’intersubjectivité et les
bases sensorimotrices suggérées par les observations néonatales (vision, motricité, toucher)
nous orientent vers l’utilisation d’un appareil sensoriel préétabli et fonctionnel :
l’intersubjectivité ne pourrait alors s’instaurer que si les sens du sujet fonctionnent
« normalement ». Autrement dit, et en suivant cette première approche, toute anomalie de
la perception sensorielle (d’origine embryologique ou néonatale) pourrait provoquer une
anomalie de l’intersubjectivité.
La deuxième position théorique place la naissance de l’intersubjectivité aux premières
expériences de communication en face-à-face, grâce à des systèmes dynamiques. Le modèle
de co-régulation de Fogel suit cette hypothèse, mettant en avant deux éléments clés de la
dynamique de développement de la relation :

• L’adaptation réciproque et continue au comportement de l’autre. Celle-ci se fait par


des ajustements posturaux, des modulations de la direction du regard, des variations
dans les gestes et les actions faciales et vocales. Cette régulation des émotions et des
actions par rapport à celles de l’autre représente une expérience d’intersubjectivité en
tant que coparticipation émotionnelle.
• Création d’émotions et de séquences d’actions partagées et répétées, permettant à
terme la mise en place de modes de communication au sein de la dyade mère/enfant.
Par la répétition de ces modes de communication, les actions partagées prennent un
« sens » dans un contexte précis, partagé par les partenaires. Fogel appelle ces cadres
de sens de l’expérience intersubjective des frames.
Pour Fogel, l’intersubjectivité dérive alors de la co-régulation, aspect dynamique et créatif de
la communication, et du framing, stabilisation de routines co-régulées. Dans cette approche,
le nouveau-né possède déjà des compétences l’ouvrant vers son environnement, lui
permettant de percevoir l’autre comme objet de communication. L’intersubjectivité de Fogel
impose donc la prédisposition innée de l’enfant à interagir avec les autres. Cette capacité
44
serait le résultat du développement psychobiologique et d’une transformation des fonctions
neurales, comme le maintien de l’attention visuelle et l’exploration des caractéristiques
internes du visage humain. Nous savons que les enfants avec TSA ont une exploration
environnementale particulière (regard fuyant, défaut de cohérence centrale), faisant que
toutes ces compétences ne seraient pas présentes à la naissance. En suivant la théorie de
Fogel, nous pouvons alors émettre l’hypothèse selon laquelle l’exploration sensorielle des
enfants TSA ne permet pas le développement d’une intersubjectivité.

Si le rôle de la peau et des stimulations tactiles dans la mise en place de


l’intersubjectivité n’est pas clairement établi, les expériences de privation maternelle sont
plus explicites.
Dans un premier temps, les observations de Spitz dans les années 1940 de nourrissons
de mères célibataires en prison font naitre les notions de dépression anaclitique et
d’hospitalisme. En effet, il a remarqué que les enfants privés de contact avec leurs mères se
dégradaient du point de vue physique et psychique, développant un détachement et une
indifférence pour les personnes et le monde extérieur, jusqu’à parfois en mourir. Ces tableaux
étaient en lien avec une carence affective plus ou moins importante et un tableau dépressif
consécutif, survenant pendant la première année de vie (33,34). D’autres observations ont
concerné les enfants roumains adoptés au Royaume-Uni et ayant grandi dans des orphelinats,
dans un contexte de privation affective et d’hypostimulation sensorielle. Certains de ces
enfants pouvaient présenter des tableaux « quasi-autistiques », dans ce que certains auteurs
ont appelé l’« autisme institutionnel ». Rutter et al ont alors constaté que les enfants adoptés
à l’âge de 6 mois ne présentaient pas de symptômes autistiques et que les « quasi-autistes »
de 4 ans s’amélioraient après 2 ans passés en famille d’adoption (35). Ces observations
cliniques mettent en avant l’importance des premières interactions et stimulations
sensorielles dans la mise en place de la communication et d’une certaine forme
d’intersubjectivité. Nous pouvons également remarquer que la première année de vie semble
être une période cruciale pour l’instauration des bases communicationnelles.
Dans un second temps, d’autres arguments viennent des expériences de Harlow, ayant
pu montrer les effets d’un isolement précoce chez les bébés macaques rhésus. Ces singes
étaient séparés de leur mère peu après leur naissance, puis placés dans des cages isolées, à
l'abri de tout contact visuel, olfactif ou sonore avec des congénères de leur espèce, ceci
pendant plusieurs mois. Dans ces conditions, ils ont développé rapidement des mouvements
stéréotypés, ainsi que des comportements d’autoagression. Vers 2-3 ans, placés avec d'autres
jeunes, ces mêmes animaux ont présenté un comportement social extrêmement perturbé :
incapacité à jouer et à interagir, prostration, épisodes d'agression extrême, sans retenue ni
inhibition, et sans aucun signal préalable de menace. Dans un deuxième protocole, les singes
ont été confrontés à un isolement partiel : ils pouvaient voir et entendre des vocalises d’autres
singes, mais ne pouvaient pas rentrer physiquement en contact avec eux. Malgré les

45
conditions moins drastiques, les singes ont développé le même tableau de repli que dans le
premier protocole. Dans ces expériences, le rôle des stimulations tactiles dans les premiers
mois de vie est clairement mis en évidence : malgré des stimulations visuelles et auditives, les
singes développaient quand même un tableau autistique (36).
L’importance des interactions mère-enfant soulignée par ces observations a permis à
certains auteurs de développer des théories centrées sur la mère et les soins qu’elle apporte
à son bébé. Comme nous le verrons dans les chapitres suivants, à partir des années ’60, la
dépression maternelle sera suspectée devant tous les tableaux d’autisme infantile.

Le tact semble donc avoir un rôle dans le développement précoce de l’enfant. Même
s’il n’a pas été étudié précisément, nous avons pu montrer que celui-ci est impliqué dans la
mise en place du schéma corporel, du psychisme et de l’intersubjectivité. Ceci nous pousse à
y accorder une importance différente en clinique courante et à l’explorer davantage pour en
faire un outil diagnostique, préventif et thérapeutique. Sur la base des explorations
neurophysiologiques, nous allons donc essayer de caractériser certains types de stimuli
tactiles chez l’enfant neurotypique.

4. Etude expérimentale : Caractérisation neurophysiologique des stimuli


tactiles chez l’enfant neurotypique
Comme nous avons pu le voir précédemment, les mécanismes neurophysiologiques
des voies somesthésiques sont assez bien connus. Ceux-ci comprennent le fonctionnement
des récepteurs périphériques, le cheminement des voies ascendantes, ainsi que le traitement
par le système nerveux central. L’ensemble de ces explorations ont utilisé plusieurs
techniques, comme l’IRM fonctionnelle et les potentiels évoqués somesthésiques,
considérées comme invasives ou nécessitant des moyens importants et coûteux. Mon projet
de recherche dans le cadre du Master 2 Cognition, Neurosciences et Psychologie au sein de
l’université de Tours a essayé d’explorer différemment le toucher, par une méthode moins
invasive, en utilisant des paramètres neurovégétatifs. Le système nerveux végétatif, ou
autonome, régit le fonctionnement automatique de l’organisme, en assurant le
fonctionnement des viscères et en participant aux réactions socio-émotionnelles en lien avec
l’environnement. Schématiquement basé sur deux systèmes (sympathique et
parasympathique), il communique avec le système nerveux central à différents niveaux,
provoquant plusieurs réactions physiologiques en réponse aux stimuli extérieurs. Appliquées
à notre raisonnement, des mesures neurovégétatives pourraient donc nous donner une
évaluation indirecte et non invasive de l’intégration des afférences somesthésiques, ainsi que
nous permettre de différencier les stimuli exploratoires et affectifs. Les trois principaux
paramètres étudiés sont :

46
• La fréquence cardiaque : reflet d’une double innervation, elle augmente si le système
sympathique et elle diminue lors d’une stimulation parasympathique ;
• Le diamètre pupillaire : sa stimulation sympathique provoque une dilatation pupillaire,
alors que les voies parasympathiques la rétrécissent ;
• La réponse électrodermale : mesure de la conductance cutanée, elle est en lien avec
la production de sueur, reflétant une stimulation uniquement sympathique.
Cette démarche est plutôt innovante et peu d’études ont été publiées sur ce sujet, rendant
également difficile le choix du protocole à instaurer. La littérature nous éclaire peu sur la
réactivité de nos paramètres neurovégétatifs en réponse à des stimulations tactiles : ces
stimulations entraînent une diminution de la fréquence cardiaque chez les enfants de 9 mois
(37); chez les nouveau-nés, des stimulations tactiles provoquent une augmentation de la
fréquence cardiaque et leur répétition provoquent un phénomène d’habituation (38) ; de
façon plus globale, le tonus vagal est augmenté lors de séances de massages (39). Pour les
autres types de stimulation sensorielle, une dilatation pupillaire est observée lors d’un son
inattendu (40) et une augmentation de l’activité électrodermale serait la conséquence de
plusieurs types d’afférences sensorielles (41). Comme nous pouvons le remarquer, un vrai
manque de connaissances semble persister sur le sujet : à ce jour, nous ne connaissons pas
les réactions neurovégétatives en lien avec des stimuli tactiles chez l’enfant. Probable
promoteur de la socialisation humaine (42,43), le toucher occupe une place importante dans
le développement typique de l’être humain et mérite donc un approfondissement théorique.
Dans le but de pouvoir transposer notre réflexion aux enfants souffrant de TSA, notre
objectif est de caractériser la réactivité autonome à des stimuli tactiles chez les enfants
neurotypiques. Cette démarche aura deux objectifs principaux : décrire la réponse
neurovégétative à une stimulation tactile et définir des corrélations entre la réactivité
neurovégétative et d’autres facteurs, comme la localisation de la stimulation, l’âge et le genre
de notre population. Notre hypothèse principale se résume à une activation du système
nerveux sympathique en réponse à une stimulation tactile, dépendante du site de stimulation
et du stade développemental de l’enfant. Les paramètres végétatifs dessineraient un profil
précis de réponse en fonction d’autres paramètres continus et indépendants.
a. Matériel et méthodes
17 enfants ont été inclus dans notre étude. L’âge moyen de ces enfants était de 9 +/-
2,5 ans et le groupe comptait 7 garçons (41%) contre 10 filles (59%). Ces sujets ont été recrutés
sur la commune de Tours selon les critères d’inclusion suivants : âge compris entre 6 et 12 ans,
absence d’antécédents personnels de maladie neurologique et/ou de troubles psychiatriques,
absence de difficultés scolaires, de retards dans la marche et/ou dans l’acquisition du langage,
absence de traitement par psychotropes et absence de troubles visuels et/ou auditifs (sauf si
corrigés). Le protocole a été accepté par le Comité de Protection des Personnes (CPP ;
protocole PROSCEA 2017-A00756-47). Chaque participant a été informé des conditions et du
déroulement de l’expérience et les parents du sujet ont signé un consentement de façon libre
et éclairée. L’inclusion était réalisée par un investigateur qualifié.
47
Afin de réaliser les stimulations tactiles, nous avons utilisé une tige de stimulation
(imprimée grâce à une imprimante 3D), équipée d’un capteur de pression et d’une texture
(fourrure). Nous avons fixé l’avant-bras des sujets à l’aide d’une orthèse taille enfant (produite
dans le service de Médecine Physique et de Réadaptation du CHRU de Tours et fixée à
l’accoudoir du fauteuil accueillant le participant grâce à une bande velcro), permettant un
accès à la face dorsale de l’avant-bras gauche, ainsi qu’à la face palmaire de la main gauche.
De plus, un rehausseur pour les enfants de plus petite taille a été proposé pour ajuster leur
hauteur par rapport à la caméra de l’Eye Tracking (Figure 13).

Fig 13 : Matériel utilisé pour les manipulations. De gauche à droite : orthèse avant-bras, tige de stimulation,
rehausseur

Pour les mesures, deux paramètres neurovégétatifs (fréquence cardiaque et réponse


électrodermale), étaient enregistrés grâce au système BIOPAC MP36® (BIOPAC Systems Inc.
Goleta, CA), appliquant un voltage constant de 0,5V. Le monitoring et l’analyse de ces données
étaient assurés par le logiciel AcqKnowledge® 4.1. L’acquisition de la fréquence cardiaque s’est
faite à l’aide de deux électrodes cutanées positionnées au niveau de l’épaule droite et du
sternum, permettant l’enregistrement d’un électrocardiogramme. La RED a nécessité la pose
de deux électrodes cutanées placées aux 2e phalanges de l’index et du majeur de la main
droite. Le diamètre pupillaire a été mesuré à l’aide d’un Eye Tracking SMI RED500® à une
fréquence d’acquisition de 500 Hz, synchronisé avec le BIOPAC. Enfin, une ceinture thoracique
a été également nécessaire pour l’enregistrement de la fréquence respiratoire.
Dans un premier temps, l’enfant était installé dans un fauteuil face à l’écran d’Eye
Tracking (résolution 1680x1050 pixels). Les différentes électrodes étaient positionnées au
niveau du sternum, de l’épaule et de la main droite, et la ceinture serrée autour du thorax à
hauteur du sternum. La distance et la hauteur par rapport à l’écran étaient réglées grâce au
logiciel IView- X et au rehausseur pour enfants. Dans un second temps, le protocole
proprement dit débutait : l’enfant, après deux courtes étapes de calibration du regard et de
mesure du réflexe photomoteur, recevait de façon passive une série de 20 stimulations
tactiles. Celles-ci comprenaient 10 stimulations de la paume de la main gauche et 10
stimulations de la face dorsale de l’avant-bras gauche, selon un ordre pseudo-aléatoire, tiré
parmi 10 ordres pour chaque participant. Le stimulus tactile durait 4 secondes à une fréquence
48
de stimulation d’environ 6 cm/s, (soit deux allers-retours pour chaque site de stimulation).
Pendant les stimulations tactiles, une image était présentée sur l’écran d’Eye Tracking. Cette
image était composée d’une croix noire centrale sur fond gris, que l’enfant avait pour consigne
de fixer le plus longtemps possible. Le décours temporel d’un essai est présenté dans la figure
14. Le sujet et l’expérimentateur étaient séparés par des panneaux, laissant uniquement le
passage pour la tige de stimulation. De plus, un dispositif cartonné était fixé entre le corps de
l’enfant et son bras gauche, de façon à masquer tout mouvement en lien avec la stimulation
(afin d’éviter des regards et un phénomène d’anticipation). Les seules consignes données aux
sujets étaient de rester immobile et de regarder le plus longtemps possible la croix affichée
au centre de l’écran.

Fig. 14 : Procédure expérimentale. Pendant toute la durée de la séquence, des mesures de la RED, des
fréquences cardiaque et respiratoire et du diamètre pupillaire sont enregistrées. Seul l’expérimentateur reçoit
les instructions sonores par l’intermédiaire d’écouteurs lui permettant de réaliser les stimulations tactiles sur le
bras ou la main et au moment approprié. Une période pré-stimulation de 4 secondes permet l’analyse de la
ligne de base. La période de stimulation dure 4 secondes. Une période de post-stimulation de 8 secondes est
ensuite fixée pour permettre l’analyse de la durée des paramètres physiologiques enregistrés. L’intervalle inter-
stimulus, durant de 12 à 16 secondes, permet d’assurer à la fois le retour à la ligne de base et, de par sa durée
aléatoire, d’éviter une anticipation de l’arrivée de la stimulation.

Pendant toute la durée de la séquence, des mesures de la RED, de la fréquence


cardiaque et du diamètre pupillaire étaient enregistrées. L’acquisition de la fréquence
cardiaque se faisait à 1 kHz pour une bande passante de 0 à 5 Hz. La fréquence cardiaque se
définit par le nombre d’ondes R de l’électrocardiogramme présentes par minute. Cette
mesure peut se résumer par l’établissement de l’intervalle RR (la durée en millisecondes
séparant deux ondes R), inversement proportionnel à la fréquence cardiaque. Nous avons

49
donc moyenné cet intervalle sur deux périodes de 4 secondes : 4 secondes durant la
stimulation et les 4 secondes après la stimulation et nous l’avons comparé à la ligne de base
(les 4 secondes avant la stimulation). Pour ce qui est de la RED, sa fréquence d’acquisition était
fixée à 1 kHz pour une bande passante de 0 à 35 Hz. Une courbe était ainsi obtenue,
présentant la conductance cutanée (en microSiemens) en fonction du temps. Pour évaluer la
réponse électrodermale en lien avec nos stimuli tactiles, trois paramètres ont été analysés :
l’amplitude de la réponse, la latence et la magnitude de celle-ci. La première, pour être
significative, doit être supérieure à 0.01 µS, alors que la 2e doit être comprise entre 1 et 3 s
après le début de la stimulation (44). Ces deux premiers paramètres semblent être les plus
couramment utilisés dans ce type d’investigation (41,44,45). En ce qui concerne la magnitude,
elle a permis de moyenner l’amplitude de chaque réponse en fonction de la totalité des
stimulations accomplies. La magnitude a été préférée à l’amplitude dans nos analyses pour
évaluer l’importance de la variation de la conductance cutanée en fonction de l’ensemble des
stimulations. La mesure du diamètre pupillaire, était enregistrée grâce à un Eye Tracking SMI
RED® à une fréquence d’acquisition de 500 Hz, synchronisé avec le BIOPAC. L’acquisition était
précédée d’une calibration binoculaire en 5 points sur le logiciel IView-X 2.8 et les données
brutes traitées sous MATLAB® (r2016a ; MathWorks). Le signal a été traité par l’application
d’un filtre médian et la suppression des clignements des yeux. Nous avons pris en compte la
variation du diamètre pupillaire (mesuré en mm) par rapport à la ligne de base. Cette dernière,
propre à chaque séquence de stimulation, correspondait à la médiane du diamètre pupillaire
avant le début de chaque stimulation. Pour chaque sujet, nous avons ainsi caractérisé une
latence du pic de dilatation, une aire sous la courbe et une amplitude maximale (extraite sur
l’ensemble de l’intervalle de stimulation). Enfin, la variation de pression de la stimulation a
été enregistrée avec une fréquence d’acquisition de 2 kHz, permettant d’avoir l’évolution de
celle-ci au cours du temps (en mV/s). Ceci nous a permis de sélectionner les 4 secondes de
stimulation à partir du moment où la pression était supérieure à 0.1 mV, pour y adapter les
autres mesures. De plus, nous avons pu contrôler l’intensité réelle appliquée lors de la
stimulation.
La normalité des distributions a été vérifiée par le test de Kolmogorov-Smirnov et
l’homogénéité des variances par le test de Levene. Un test T a permis l’analyse des variations
de la RED et du diamètre pupillaire par rapport à une valeur nulle. L’effet de la localisation de
la stimulation (main versus bras) et du moment de la stimulation (pendant (pour la RED et le
diamètre pupillaire) et également après pour l’ECG) ont été analysés par un modèle linéaire
général (incluant le site de stimulation comme facteurs intra, le sexe comme facteur catégoriel
et l’âge comme prédicteur continu) éventuellement corrigé par le test de Geiser-Greenhouse
et complété par un test post-hoc Fisher. Enfin, certains liens entre nos variables ont été décrits
grâce aux corrélations non paramétriques de Spearman.

50
b. Résultats
Nous avons mesuré nos trois paramètres neurovégétatifs sur l’ensemble de notre
population, comprenant 17 enfants âgés de 6 à 12 ans. Ensuite, nous avons rapproché nos
données d’autres facteurs pouvant nous aider à caractériser la réactivité autonome tactile de
nos participants. Ceci nous a permis de définir des effets sur les paramètres neurovégétatifs
en lien avec la stimulation tactile, l’âge et le genre des enfants, et la localisation de la
stimulation.
• Effets de la stimulation tactile
Comme mentionné précédemment, la réponse électrodermale a fait l’objet de
plusieurs analyses. Nous avons décidé d’inclure dans ce chapitre uniquement deux
paramètres : la magnitude et la latence de la réponse, après une stimulation tactile. La
stimulation tactile provoque une élévation significative de la conductance cutanée (t=5.28 ;
p<0.001) avec une magnitude moyenne de 0,32 +/- 0,06 µS. La latence de cette réponse est
de 2,04 +/- 0,1 secondes. Parmi les 17 sujets, 4 avaient une réponse inférieure à 0.1 µS et
pouvaient donc être caractérisés de non-répondeurs.

***

Stimulation

Fig 15 : Histogrammes représentant les moyennes (± erreur type) de l’intervalle RR (en s) en fonction du temps
de stimulation (avant, pendant et après celle-ci). ***p<0,001

Notre deuxième variable neurovégétative est l’intervalle RR, nous renseignant sur la
fréquence cardiaque du sujet, les deux étant inversement proportionnels. Comme nous
pouvons l’observer sur la Figure 15, l’intervalle RR varie significativement en fonction du
temps de stimulation (F1,9=14,96 ; p<0,001) : il augmente au moment de la stimulation tactile

51
pour ensuite baisser dans les 4 secondes suivant la fin de la stimulation. Nous en déduisons
une diminution transitoire de la fréquence cardiaque conséquente à notre stimulus tactile.

***

Fig 16 : Graphique représentant les mesures du diamètre pupillaire (en mm) en fonction du temps de
stimulation (500Hz = 1s) et de la localisation de la stimulation (bras ou main). ***p<0,001

La Fig. 16 illustre la variation du diamètre pupillaire au moment de la stimulation


(stimulation de 0 à 4 secondes) : la stimulation entraîne une dilatation pupillaire significative
(t=5,12 ; p<0,001), dont l’amplitude moyenne du pic est de 0,435 +/- 0,13 mm avec une latence
de 1,15 +/- 0.07 s.

En résumé de cette première partie, notre stimulation tactile provoque une


augmentation de la RED, une augmentation de l’intervalle RR, ainsi que du diamètre pupillaire.

• Effets de la localisation de la stimulation


Nous avons également étudié l’effet de la localisation de stimulation sur la réactivité
autonome de nos sujets. La localisation de la stimulation nous donne des indications sur le
type de récepteurs stimulés, ainsi que sur la voie sensorielle empruntée pour l’intégration
centrale de nos stimuli.
Nous n’avons pas retrouvé d’effet de la localisation sur la magnitude de la RED
(F1,9=2,04 ; p=0,17). De la même façon, la latence de la RED n’est pas influencée par la
localisation de la stimulation (F1,9=0,38 ; p=0,55).

52
Pour notre deuxième paramètre, nous avons pris en compte l’évolution de l’intervalle
RR sur un total de 12 secondes (4 secondes de stimulation et 4 secondes avant et après celle-
ci). Comme la Fig. 17 nous le montre, la différence de l’intervalle RR a tendance à être plus
importante lors de la stimulation de la main plutôt que celle du bras ((F1,9=3,86 ; p=0,067).
Autrement dit, la fréquence cardiaque décélèrerait moins, à la suite d’une stimulation du bras
par rapport à une même stimulation au niveau de la main.

Stim

Fig 17 : Graphique représentant les moyennes de l’intervalle RR (en s) en fonction de la localisation de la


stimulation (bras ou main) et du temps de stimulation.

Le diamètre pupillaire augmente significativement lors d’une stimulation tactile


(t=5,12 ; p<0,001) (Fig 18). De plus, la dilatation pupillaire en réponse à une stimulation du
bras est moins ample (F=1,15 ; p=0,075), avec une AUC moins importante (F1,15=6,664 ;
p=0,021) et une latence plus courte (F1,15=11,86 ; p=0,003) qu’à la suite d’une stimulation de
la main (Fig 18). La figure 19 présente les différences entre les 2 localisations de stimulation
pour les trois paramètres suivants : l’aire sous la courbe (AUC), le pic de dilatation et la latence
du pic.

53
Fig 18 : Graphique représentant les mesures du diamètre pupillaire (en mm) en fonction du temps de
stimulation (en s) et de la localisation de la stimulation (bras ou main). ***p<0,001

Fig 19 : Histogrammes représentant les moyennes (± erreur type) de l’aire sous la courbe (en mm2), de
l’amplitude maximale (en mm) et de la latence (en s) de la dilatation pupillaire en fonction et de la localisation
de la stimulation (bras ou main). *p<0,05 ;**p<0,01

En conclusion, la localisation de la stimulation semble influencer la magnitude de la RED,


la fréquence cardiaque et le diamètre pupillaire, mais seules la latence du pic de dilatation
pupillaire et l’aire sous la courbe sont affectées significativement. Ces différences ne sont pas
dues à une différence d’intensité de la stimulation en fonction de la localisation de stimulation
(p=0,39).
54
• Effets de l’âge et du genre
Pour préciser un éventuel effet du développement, nous avons inclus dans nos
analyses l’âge et le genre. Le premier pourrait nous renseigner quant aux effets de maturation
du système nerveux autonome, alors que le deuxième pourrait nous indiquer un effet sexe-
dépendant. Ce dernier serait très intéressant pour une éventuelle application clinique, les TSA
ayant une forte prévalence masculine.
Dans notre population, la latence et la magnitude de la RED ne sont pas
statistiquement influencées par l’âge (latence : F1,13=0,348 ; p=0,565 ; magnitude :
F1,14=0,774 ; p=0,394) et le genre (latence : F1,13=0,008 ; p=0,929 ; magnitude : F1,14=0,007
; p=0,935).
Des analyses plus poussées ont révélé un lien statistique entre la magnitude de la RED,
le genre et la localisation de la stimulation (F1,14=8,55 ; p=0,011). En effet, les garçons ont
une magnitude significativement plus importante pendant la stimulation du bras que lors de
la stimulation de la main. Le même constat n’est pas vrai pour les filles, pour lesquelles aucune
différence n’est mise en valeur (Fig. 20).

Variation de la magnitude en fonction du genre et de la


localisation de la stimulation

Fig 20 : Graphique représentant les moyennes de la magnitude de la RED (en µS) en fonction du genre et de la
localisation de la stimulation (bras ou main). *p<0,05

Comme la Fig. 21 nous le montre, l’intervalle RR augmente en fonction de l’âge, i.e. la


fréquence cardiaque ralentit avec l’âge (F1,14=13,13 ; p=0,003). Par ailleurs, aucun effet
significatif du sexe sur l’intervalle RR n’a été mis en évidence (F1,14=2,46 ; p=0,1).

55
Fig 21 : Graphique représentant les moyennes individuelles des intervalles RR (en s) en fonction de l’âge (en
année). **p<0,01

Pour le diamètre pupillaire, nous allons nous intéresser à plusieurs variables pour
mettre en évidence les effets de l’âge et du genre : l’aire sous la courbe, l’amplitude maximale
et la latence de dilatation. L’aire sous la courbe n’est pas influencée par l’âge (F1,14=0,413 ;
p=0,531) ou le genre (F1,14=1,563 ; p=0,232). Même constat pour l’amplitude maximale (âge
: F1,14=0,807 ; p=0,384 ; genre : F1,14=1,448 ; p=0,249). Enfin, la latence de dilatation est
également indépendante de l’âge (F1,14=0,017 ; p=0,897) et du genre (F1,14=1,106 ;
p=0,311). Cependant, une tendance statistique a été retrouvée entre la localisation de la
stimulation, l’âge et la latence de dilatation (F1,14=4.05 ; p=0.06). La latence a tendance à
varier avec le développement : la latence en lien avec une stimulation du bras diminuerait
avec le temps (F1,14=3,25 ; p=0,09). Une autre tendance a été mise en évidence pour
l’amplitude de la dilatation pupillaire : celle-ci aurait tendance à varier en fonction de la
localisation de la stimulation et du genre (F=4.08 ; p=0.06). En effet, lors d’une stimulation de
la main, l’amplitude de la dilatation pupillaire serait plus importante pour le garçon que pour
la fille (F1,14=5,52 ; p=0,03) (Fig 22).

56
genre et de la localisation
*

Garçon Fille

Fig 22 : Histogramme représentant la moyenne (± erreur type) de l’amplitude de dilatation pupillaire (en mm)
en fonction de la localisation de la stimulation (bras ou main) et du genre (garçon ou fille).

c. Discussion
Notre étude vise à caractériser la réactivité autonome à un stimulus tactile chez
l’enfant neurotypique. Cette démarche représente la première étape d’une réflexion sur les
fonctionnements physiologique et pathologique de la somesthésie humaine. Nos résultats,
résumés dans le tableau ci-dessous, nous orientent vers quatre points principaux de
discussion : le « paradoxe cardiaque », l’asymétrie localisationnelle et les effets du
développement.

RED Diamètre Fréquence


pupillaire cardiaque

Effets de la stimulation

Effets de la 0 AUC : M>B


localisation
Lat : M>B B>M (NS)
Effets de l’âge et du Magn / Ampl / Main : G>F
sexe garçons : B>M

Tableau 3 : Résumé de la caractérisation neurophysiologique des stimuli tactiles chez l’enfant


neurotypique.
57
• Le « paradoxe cardiaque »
Notre résultat principal est la réactivité de nos paramètres neurovégétatifs à une
stimulation tactile : une augmentation de la RED, une dilatation pupillaire et une
augmentation de l’intervalle RR. Les deux premières modifications sont le reflet d’une
activation du système nerveux sympathique, ce premier résultat étant en accord avec les
études précédemment citées (40,41). Cette réactivité serait en lien avec une activation
hypothalamique qui, indépendamment des voies afférentes, aurait comme conséquence une
sécrétion des glandes sudoripares de la main et une contraction du muscle dilatateur de l’iris,
par l’intermédiaire de la chaine ganglionnaire cervico-thoracique. Cependant, si ces
paramètres varient dans le même sens, nous pouvons remarquer que l’intervalle RR
augmente. Ceci équivaut à dire que la fréquence cardiaque diminue au moment de notre
stimulation tactile, réaction dépendant du système nerveux parasympathique : cette variation
de la fréquence cardiaque est donc paradoxale, compte tenu du profil dessiné par les autres
mesures. Comment peut-on expliquer ce résultat ? Pour répondre à cette question, nous
allons nous référer à d’autres études concernant le toucher. En effet, Fairhurst et al. (37)
trouvaient également une diminution de la fréquence cardiaque suite à des stimuli tactiles
effectués entre 1 et 10 cm/s, correspondant bien à ceux utilisés dans notre protocole. La
même réaction est retrouvée chez l’adulte en réponse à une stimulation tactile brève (46) et
plus longue (47). De plus, le toucher, perçu comme plaisant et vu avec une valence positive, a
tendance à faire baisser le taux d’hormone de stress et à augmenter le tonus vagal (48,49). Ce
phénomène pourrait être expliqué par la mise en jeu du noyau ambigu, structure
probablement associée aux fonctions attentionnelles, émotionnelles et communicatives (50)
et responsable de l’activation du nerf vague. Ce dernier, reconnu comme le principal acteur
parasympathique, a un effet chronotrope négatif, baissant donc la fréquence cardiaque. La
décélération du rythme cardiaque observée dans notre expérience est donc en accord avec
les résultats de la littérature et pourrait résulter d’une émotion plaisante à notre stimulus,
ainsi que d’une réaction physiologique permettant à l’enfant d’orienter son attention vers la
stimulation reçue. Nos résultats illustrent ainsi la possibilité d’avoir, en réponse à un même
stimulus, pour différents effecteurs, à la fois des activations sympathiques et
parasympathiques. Ceci a été retrouvé également dans d’autres travaux similaires (51–53).

• L’asymétrie localisationnelle
Plusieurs de nos résultats suggèrent une différence de la réactivité entre stimulation
du bras et de la main. La fréquence cardiaque tend à être plus importante pour la stimulation
du bras, alors que la dilatation pupillaire est moins précoce et plus durable pour la stimulation
de la main. Pour rappel, ces deux derniers résultats sont les seuls ayant une significativité
statistique. Le diamètre pupillaire présente deux profils d’évolution différents. En effet, nous
avons observé que, suite à une stimulation tactile de la main, la pupille est dilatée pendant
toute la durée de la stimulation, et même un peu au-delà. Contrairement à cela, la stimulation
du bras ne provoque pas le même profil de réponse pupillaire : une fois l’amplitude maximale

58
atteinte, la dilatation pupillaire semble être freinée et le diamètre semble revenir plus
rapidement à l’état de base. La réponse à une stimulation de la main pourrait ainsi être en lien
avec une activation exclusive du système sympathique, alors que la réponse à une stimulation
du bras serait plutôt liée à une activation sympathique suivie d’une activation
parasympathique ou d’une inhibition sympathique. Comment pouvons-nous alors expliquer
cette différence de profils ?
Nous savons que ce qui caractérise la surface cutanée du bras par rapport à celle de la main
est la présence des fibres afférentes lentes de type C. Ces fibres en projetant vers l’insula
seraient impliquées dans la valence émotionnelle de la perception somesthésique. Par
ailleurs, la théorie polyvagale de Porges place le SNA comme substrat neurophysiologique des
expériences émotionnelles et des processus affectifs, composantes majeures des
comportements sociaux. Selon celle-ci, l’intégration émotionnelle d’une information tactile
serait accompagnée d’une activation parasympathique. Nous pouvons donc supposer que
notre réponse pupillaire à une stimulation du bras entraine une activation parasympathique,
agissant tardivement sur le diamètre pupillaire. Celle-ci aurait donc une valence émotionnelle
positive spécifique (54). Cette activation parasympathique plus tardive pourrait être associée
à la lenteur de conduction plus importante des fibres C par rapport aux fibres Aβ. À la suite
d’une stimulation du bras, nous proposons donc qu’il y ait une activation sympathique suivie
d’un frein parasympathique, expliquant un pic de dilatation plus précoce que suite à une
stimulation de la main (pas de frein parasympathique). Enfin, le parasympathique étant
probablement majoritairement exprimé lors d’une stimulation du bras, comment peut-on
expliquer la tendance de la fréquence cardiaque à être moins décélérée pour le bras que pour
la main ? A ce sujet, nous pouvons supposer que cet effet est lié au fait que l’influence
parasympathique sur le cœur et la pupille n’émane pas des mêmes noyaux (noyau ambigu
pour le cœur et noyau d’Edinger-Westphal pour la pupille). Par ailleurs, certains paramètres
liés à la stimulation du bras ne semblent pas dépendre des facteurs autonomes, alors qu’ils
sont corrélés au profil sensoriel de nos sujets. L’inverse est vrai pour les facteurs en lien avec
une stimulation de la main.

• Les effets du développement


Nos résultats illustrent également certains effets du développement de l’enfant et du
genre du sujet sur nos paramètres autonomes. Dans un premier temps, nous avons remarqué
une augmentation de l’intervalle RR en fonction de l’âge : plus l’enfant est âgé, plus sa
fréquence cardiaque diminue. Ce résultat est en accord avec ceux d’autres études publiées
sur ce sujet (55,56). En effet, le tonus vagal augmente avec l’âge et semble associé à l’intégrité
et au degré de maturation du système nerveux autonome de l’enfant (39). Ces derniers
auteurs suggèrent également qu’un bon développement se caractériserait par une réactivité
vagale diminuée. Cette hypothèse pourrait expliquer la diminution de la latence de dilatation
pupillaire en lien avec l’âge et une stimulation tactile du bras retrouvée dans notre étude, la
prolongation de cette latence étant un bon indicateur parasympathique (57). Dans un second
59
temps, peu d’effets du genre sur nos paramètres neurovégétatifs sont observés dans nos
résultats. Seule la magnitude de la RED montre un effet significatif du genre en fonction de la
localisation de la stimulation tactile. En effet, la fille présente une magnitude peu variable
entre les deux localisations, alors que le garçon réagit de façon plus hétérogène à nos
stimulations tactiles. Compte tenu de la tendance du garçon à avoir également une amplitude
pupillaire plus importante lors d’une stimulation de la main, nous pouvons émettre
l’hypothèse que sa réactivité vagale est plus importante que celle de la fille lors d’une
stimulation de la main. Ceci pourrait être en lien avec une certaine différence de maturation
du système nerveux végétatif chez le garçon, ou bien une précocité chez la fille. En effet, nous
savons que la puberté arrive plus précocement chez cette dernière, ce qui pourrait en partie
expliquer cette asymétrie par les variations hormonales plus précoces.

• Limites de l’étude
Notre étude représente une approche originale ayant permis de décrire la réactivité
du système nerveux autonome à une stimulation tactile chez 17 enfants, âgés de 6 à 12 ans.
Malgré un effectif limité, nous avons pu extraire une réactivité moyenne, commune à
quasiment tous les sujets. Une évaluation subjective de la stimulation tactile délivrée aurait
pu être intégrée dans notre protocole et serait souhaitable pour les prochains essais. En effet,
cette dimension est importante pour évaluer la réponse émotionnelle du sujet et aurait pu
nous aider à mieux interpréter nos données. Par ailleurs, notre protocole expérimental ne
peut pas exclure un risque d’anticipation. En effet, même si plusieurs précautions ont été
prises (stimulation non visible, temps entre les stimulations variable), il se peut qu’un état
d’hypervigilance ait toujours précédé les stimulations. Ceci nous a probablement exposé à des
variations de l’état de base du sujet et donc à une variabilité probablement différente de nos
mesures. Enfin, les mesures utilisées peuvent également être critiquées, malgré une facilité
de mise en place et d’enregistrement. Les paramètres neurovégétatifs sont effectivement des
mesures indirectes de l’intégration centrale des stimuli sensoriels : ils peuvent donc subir des
influences diverses et variées.

En conclusion, l’objectif principal de notre étude était de caractériser la réactivité


autonome à des stimuli tactiles chez les enfants neurotypiques. Grâce à notre méthodologie
et aux paramètres utilisés, nous avons mis en évidence une activation sympathique globale,
ainsi qu’une réaction parasympathique au niveau cardiaque, reflétant probablement un
processus affectivo- attentionnel. Nous en déduisons une fiabilité intéressante des mesures
neurovégétatives en lien avec la réactivité somesthésique chez l’enfant. De plus, les
corrélations pratiquées dans notre étude confirment l’influence de l’âge sur l’évolution de la
fréquence cardiaque et suggèrent une différenciation des profils autonomes en lien avec la
location de la stimulation tactile. En effet, les stimulations du bras, empruntant une voie
afférente différente, semblent être influencées par un tonus parasympathique plus important,

60
probablement dépendant d’un traitement affectivo-attentionnel au niveau central. Parmi nos
variables neurovégétatives, la mesure du diamètre pupillaire semble être la plus sensible à la
différence de localisation de stimulation. Cette étude a permis de répondre aux objectifs
préalablement fixés et de valider ce type de méthodologie chez l’enfant. Dans une perspective
plutôt clinique, nous pourrons proposer ce type de protocole aux enfants souffrant de TSA,
dans l’objectif de décrire la réactivité autonome à des stimuli tactiles dans cette population.
Le but à plus long terme serait alors de comparer les deux réactivités pour en déduire les
dysfonctionnements et proposer des thérapies sensorielles ciblées. Mais, que connait-on des
particularités tactiles des enfants atteints de TSA ?

II. Les particularités du toucher dans l’autisme


Très variées en clinique courante et faisant maintenant partie du diagnostic de TSA, les
particularités sensorielles donnent des éléments diagnostiques complémentaires au clinicien
et suggèrent des prises en charge spécifiques. Compte tenu de leur importance, nous allons
donc essayer de les décrire, de les classifier et de nous focaliser sur une modalité sensorielle
particulière : le toucher.

1. Le changement de paradigme : de la psychanalyse aux neurosciences (58)


L’autisme a interrogé, et interroge encore, plusieurs cliniciens de différentes
orientations. Depuis sa première description par Kanner, le concept d’autisme a subi plusieurs
modifications et a parcouru plusieurs courants théoriques au cours de la 2e moitié du XXe
siècle. Dans le but de commencer à définir la place du toucher dans ce trouble, nous allons
reconstruire historiquement les principales théorisations sur l’autisme à l’aide de l’ouvrage de
Serafino Malaguarnera intitulé Théorisations psychanalytiques sur l’autisme et psychose
infantile (2006).
a. Autisme et psychose infantile
Le terme « autisme » est introduit au début du XXe siècle par le psychiatre allemand
Eugen Bleuler pour décrire la schizophrénie dans la psychopathologie adulte. Pour cet auteur,
le concept d’autisme indique la prévalence de la vie intérieure et une aversion active du
monde extérieur chez les patients schizophrènes. Dans la même période, Sigmund Freud
découvre et développe la psychanalyse, à partir de la description de conflits intrapsychiques
secondaires à une incompatibilité entre un évènement, une représentation ou une sensation
et le fonctionnement psychique du sujet. La manière de répondre à ces conflits, définie
comme un « mécanisme de défense », va entrainer une pathologie spécifique : la névrose ou
la psychose. Dans cette dernière, le sujet rejette la représentation insupportable ou son
substitut à l’extérieur du psychisme, provoquant ainsi une séparation de la réalité extérieure
dont l’idée est l’image psychique. Ces concepts ont été introduits par Freud par l’intermédiaire
de psychanalyses chez l’adulte, laissant peu de place aux phénomènes psychiques de l’enfant.
61
Il faudra attendre une dizaine d’années pour que la psychanalyse d’enfant se développe : c’est
Mélanie Klein qui s’intéressera en premier à cette pratique. Inspirée par les travaux de Anna
Freud, elle soutient que l’inconscient chez l’enfant se manifeste par des voies imaginaires
centrées sur le jeu, témoignant d’un phénomène de transfert, pouvant donc être interprété.
Dans cette logique, Mélanie Klein a pu décrire et interpréter le cas du Petit Dick, enfant qu’on
aurait défini beaucoup plus tard comme souffrant d’autisme. Elle pourra associer à la
symptomatologie autistique observée (exploration répétitive des objets, non considération de
l’adulte) l’interruption de l’appropriation sadique et de l’exploration du corps de la mère et
du monde extérieur (représentant le corps de la mère dans un sens plus large), entrainant une
suspension de la relation symbolique aux choses et de la relation du sujet à son entourage et
à la réalité. Compte tenu de ces phénomènes, l’enfant sera considéré comme psychotique.
En 1943, Léo Kanner reprend le terme « autisme » pour décrire un syndrome précoce
de l’enfant, illustré par l’analyse de onze cas cliniques. Les deux principaux symptômes
différenciés par Kanner sont l’extrême isolation de soi et une résistance obstinée à tout
changement. A noter que cet auteur ne parlera pas de psychose infantile pour définir
l’autisme, son but étant de définir une nouvelle entité. Le concept de psychose dans le
domaine de l’autisme est cependant repris par Margareth Mahler, contemporaine de Kanner
et première psychanalyste s’intéressant précisément à ces troubles. Pour elle, l’autisme
résulte d’une défense active contre le manque d’un besoin vital du petit enfant dans les
premiers mois de vie : la symbiose avec la mère ou le substitut maternel. Si ce besoin fait
défaut ou si les soins maternels sont caractérisés par des moments de rage, retrait et/ou
violence, l’enfant peut répondre à cela en niant le besoin de symbiose et en se mettant
définitivement en retrait. Parallèlement, l’enfant répondant à des soins maternels intrusifs et
étouffants par un attachement excessif va développer une psychose infantile. Ces types de
défense peuvent s’expliquer par le concept de « hallucination ». En effet, l’enfant autisme
nierait et gommerait son monde extérieur par une hallucination « négative », alors que
l’enfant psychotique hallucinerait « positivement » une mère toute-puissante et terrifiante,
lui permettant de maintenir l’illusion délirante d’une symbiose maternelle. D’un point de vue
thérapeutique, Mahler propose de faire retrouver à l’enfant une expérience symbiotique
satisfaisante, en établissant un contact progressif avec l’objet humain. Pour l’enfant autiste,
cette expérience doit passer par des activités rythmiques, de la musique et des stimulations
par des objets inanimés lui offrant du plaisir ; pour l’enfant psychotique, la symbiose proposée
doit comprendre une approche oblique, évitant les séparations trop brusques et les activités
de groupe.
Comme nous avons pu le voir, les premières théorisations sur l’autisme le rapprochent
d’un processus psychotique, basé sur des défenses et des hallucinations. A ces observations
centrées plus volontiers sur les mécanismes propres de l’enfant, vont suivre des descriptions
prenant en compte davantage l’environnement de l’enfant et remettant souvent en cause le
comportement d’un des principaux objets de son environnement : la mère.

62
b. Autisme et rencontre avec l’environnement
Un des premiers auteurs à interroger l’environnement des enfants autistes a été Bruno
Bettelheim dans les années 1960. Pour lui, la cause de l’autisme se retrouve dans une
rencontre défectueuse d’un être avec le monde extérieur au cours des deux premières années
de vie. Il pointe notamment une absence de mutualité dans la relation que l’enfant vit avec sa
mère, que Bettelheim n’hésitera pas à définir par ailleurs « mère réfrigérateur », voire de
désirs parentaux de non-existence de l’enfant. Ce dernier, à la suite de plusieurs expériences,
développerait alors une conviction subjective d’être menacé par l’image d’une mère
destructrice. La symptomatologie autistique serait alors un processus défensif secondaire à ce
sentiment de menace de destruction.
Quelques années plus tard, Donald Winnicott focalise davantage sa théorie sur le rôle
des soins apportés par la mère. Comme nous avons vu dans les chapitres précédents, il est à
l’origine de la définition d’une « mère suffisamment bonne » (par le holding, le handling et
l’object presenting) et de l’importance de la dyade mère-enfant. D’un point de vue
pathogénique, il situe l’origine de la psychose au stade où l’enfant est totalement dépendant
des soins de l’environnement : les insuffisances et les inadéquations des soins maternels
auraient comme conséquence la construction de défenses psychotiques de la part de l’enfant.
Dans une autre dynamique, Françoise Dolto, psychanalyste française de l’école
Lacanienne, met l’accent sur le rôle des premières interactions sur la construction progressive
d’une image corporelle et d’un sentiment de narcissisme fondamental. Lorsque des
changements de la personne nourricière surviennent, l’enfant tombe dans un « incognito »,
perdant tout repérage, toute médiation avec le monde, tout sentiment d’exister. Pour cette
auteure, la psychose infantile serait alors une maladie symbolique de la relation à l’entourage,
provoquée par une séparation et une non-réponse. A l’origine de celle-ci, Dolto relie souvent
une défaillance de la dynamique libidinale des parents, ne constituant pas le support du Moi
idéal de l’enfant.
Toujours dans l’esprit dyadique, Frances Tustin construit sa vision de l’autisme autour
de la souffrance due au « trou noir », représentant l’arrachement de l’expérience « bouche-
mamelon » et exposant l’enfant à la perte du sentiment de continuité temporo-spatiale de
soi-même. Pour lutter contre cette souffrance, l’enfant autiste nie toute séparation, toute
altérité et toute différence en utilisant des « objets autistiques », assurant une continuité de
contact, et des « formes autistiques », traces d’une sensation enveloppante (étalement
d’excréments, utilisation de sable ou de pâte à modeler). Grâce à cela, l’enfant s’enferme dans
une « coquille autistique », permettant de le protéger du monde extérieur.
D’autres théories ont suivi celles que nous venons de décrire. Nous pouvons dès à
présent citer les travaux de Didier Anzieu et de Geneviève Haag sur la construction du Moi-
peau et du schéma corporel, que nous présenterons dans les chapitres suivants. Tout ce
courant psychanalytique, très présent en France, a pu mettre en avant un rôle de la mère dans
la survenue des troubles autistiques, animant plus tard beaucoup de débats, notamment au

63
sein des associations de familles. Cependant, dans la même période, une vision plus organique
de l’autisme s’est développée, principalement aux Etats-Unis et à Tours, centre précurseur
français de cette approche. Celle-ci reconnaissait très rapidement, comme nous le verrons
dans le chapitre suivant, une origine neurosensorielle de ces troubles.

c. Autisme et apparition du DSM


Pendant qu’en France le débat psychanalytique étudiait les conséquences d’une
relation mère-enfant dysfonctionnelle, aux Etats-Unis plusieurs auteurs proposaient des
visions neurosensorielles de l’autisme. Celles-ci, à la différence des théories psychanalytiques
européennes, se concentraient plutôt sur le développement de l’enfant et sur le lien entre ses
capacités à se relationner au monde extérieur et les symptômes autistiques observés.
Une vision centrée sur l’individu s’installe alors progressivement et donne naissance
aux premiers critères diagnostiques que l’Association Américaine de Psychiatrie (APA)
explicite pour la première fois dans le DSM III en 1983 : l’autisme infantile y sera défini comme
un trouble global du développement. Cette classification va permettre aux cliniciens de poser
des diagnostics plus précis et d’uniformiser les termes utilisés. Quelques années plus tard, une
version révisée sort, propose une nouvelle dénomination et élargit ses critères : à cette
époque, l’autisme est un trouble envahissant du développement. Cette définition, se basant
sur une meilleure exploration et prise en considération du développement de l’enfant, sera
utilisée également par la Classification Internationale des Maladies (CIM) et la 4 e version du
DSM dans les années 1990 et 2000. Ces classifications introduisent des catégories
diagnostiques, permettant de mieux définir les tableaux cliniques selon des critères
spécifiques. C’est à partir de ces derniers, que des diagnostics comme syndrome d’Asperger
et syndrome de Rett apparaissent. Cependant, si la CIM10 est toujours d’actualité, le DSM a
nécessité une nouvelle mise à jour, pour mieux représenter les réalités cliniques, souvent plus
complexes et intégrant des symptômes comorbides, et rester à la page des nouvelles
recherches dans ce domaine. Nous accédons alors dans le nouveau DSM 5 de 2013 à une
classification dimensionnelle, redéfinissant l’autisme comme un Trouble du Spectre de
l’Autisme. Ses critères, plus larges que les précédents, permettent de l’inclure dans les
Troubles Neurodéveloppementaux, insistant alors sur ses origines neurologique et
développementale. Parmi les changements plus importants de cette classification, nous
retrouvons la nécessité d’avoir les deux dimensions autistiques pour poser le diagnostic
(troubles de la communication et des interactions sociales et comportements stéréotypés et
intérêts restreints), ainsi que l’introduction des troubles sensoriels au sein de la 2e dimension.
Ce dernier élément introduit un aspect peu pris en compte pendant la 2e moitié du XXe siècle,
mais omniprésent en clinique courante, permettant également d’explorer d’autres pistes
théoriques sur les origines physiopathologiques des TSA.

64
Depuis la première description par L. Kanner, l’autisme a connu plusieurs définitions
et plusieurs tentatives d’explications. Celles-ci sont progressivement passées d’une vision
centrée sur la relation mère-enfant, plutôt d’orientation psychanalytique, à une approche
axée sur le neurodéveloppement de l’enfant et ses capacités à se relationner avec le monde
qui l’entoure. Malgré une non-recommandation des thérapies psychodynamiques de la part
de la Haute Autorité de Santé (HAS) en Mars 2012, ces pratiques semblent encore d’actualité
en France et des débats toujours ouverts, tentant d’établir des ponts entre neurosciences et
psychanalyse. Un de ces ponts est représenté probablement par la place des troubles
sensoriels dans l’autisme, et notamment des particularités tactiles. Celles-ci rassemblent par
exemple les concepts de symbiose maternelle, de « coquille autistique », d’instauration de
schéma corporel, de troubles du développement, … nous suggérant un important élément
neuropsychopathologique interdisciplinaire.

2. Les particularités sensorielles dans l’autisme


Avant de nous concentrer sur les particularités tactiles présentes dans les TSA, il est
important de préciser la place des particularités sensorielles. En effet, celles-ci ont été mieux
explorées dans leur globalité et ont permis de mettre en évidence des phénomènes
s’appliquant à l’ensemble des sens d’un individu. Après un bref historique, nous essaierons
alors de les décrire et de les caractériser à l’aide de différentes sources.
a. Définitions
En 2013, la 5e et dernière version du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles
Mentaux américain (DSM 5) décrit les TSA par la présence de deux dimensions : « Difficultés
persistantes sur le plan de la communication et des interactions sociales » et «
Comportements stéréotypés et intérêts restreints » (Annexe 1). Dans la 2e dimension,
apparaît pour la première fois dans une classification concernant les TSA un item décrivant ses
particularités sensorielles, définies comme une « Hyper ou hypo réactivité à des stimuli
sensoriels ou intérêt inhabituel envers des éléments sensoriels de l’environnement ».
A partir de cette définition, nous pouvons alors différencier trois grands profils
comportementaux :
• Hyper-sensibilité : Réponse exagérée à une stimulation sensorielle du fait d’un seuil de
perception bas.
• Hypo-sensibilité : Absence de réponse ou réponse très ténue à une stimulation
sensorielle du fait d’un seuil de perception élevé.
• Recherche de sensation : Intérêt marqué, envahissant pour certaines expériences
sensorielles.
Ces trois types de réponse peuvent intéressées une ou plusieurs modalités sensorielles, créant
ainsi des profils cliniques hétérogènes et uniques.

65
Malgré leur récente apparition parmi les critères diagnostiques, les particularités
sensorielles dans l’autisme apparaissaient déjà dans les premières descriptions. Ces notions
ont subi également une évolution au fil des années, les plaçant parfois au centre du spectre.

b. Evolution des concepts


Les aspects sensoriels dans l’autisme sont des concepts récents et anciens à la fois. Ils
sont récents, puisque leur introduction dans les critères diagnostiques date de 2013, dans la
5e et dernière version du DSM. Et ils sont en même temps anciens, puisque plusieurs auteurs
s’étaient déjà intéressés à ces thématiques dans les années suivant la première description de
Kanner en 1943. Cependant, à cause d’une forte prédominance des théories psychanalytiques
en Europe, ces « nouvelles » théorisations étaient principalement développées aux Etats-Unis,
avec une seule exception française : Tours. Nous allons donc essayer de redécouvrir les
premières théories sensorielles de l’autisme, à la lumière desquelles nous pourrons
probablement réorienter et affiner notre vision moderne de ces troubles.
Un des premiers auteurs à proposer une « vision sensorielle » des TSA était Gilbert
Lelord, fondateur du service de pédopsychiatrie du CHRU de Tours. Ce pédopsychiatre et
physiologiste français montre au début des années 1960, par des outils
électroencéphalographiques (innovants à cette époque), que le cerveau des enfants avec
« schizophrénie infantile » réagit de façon incohérente. Il décrit rapidement les particularités
sensorielles de ces enfants et remarque que « quand ils regardent, ils n’entendent pas ». Il
défend alors une théorie basée sur une origine biologique de l’autisme liée à un trouble
fonctionnel du système nerveux, en contre-courant des théorisations psychanalytiques
dominant l’Europe. En 1978, il met au point avec Catherine Barthélémy (qui rejoint son équipe
en 1969) les thérapies d’échange et de développement, thérapies nouvelles dans le domaine
de la pédopsychiatrie et toujours d’actualité parmi les approches thérapeutiques modernes.
De l’autre côté de l’Atlantique, Bernard Rimland, psychologue américain, publie en
1964 le livre Infantile Autism. Dans ses travaux sur les bases de l’autisme, il propose différentes
altérations de la perception, comme par exemple : une réactivité aux stimuli externes, une
préférence pour les sens du goût, du toucher et de l'odorat, une insensibilité relative à la
douleur, une réaction excessive à la stimulation sensorielle et des effets de la privation
sensorielle. Ces perceptions seraient mal stockées en mémoire, ne permettant pas leur
relation avec les autres expériences sensorielles. Contraire aux théories psychogènes de cette
époque, Rimland avance donc une théorie neurobiologique, en lien avec des origines innées
et/ou environnementales et intéressant plus particulièrement une structure cérébrale
précise : la formation réticulée (59).
Un autre psychologue de l’époque, Eric Schopler, père de l’actuel programme de soins
TEACCH, avançait une autre théorie neurosensorielle basée sur les récepteurs. Pour lui,
l’enfant autiste ne passe pas de l’utilisation des récepteurs à distance brève (goût, odorat,
tact) à celle des récepteurs à longue distance (vision et audition), comme pourrait le faire un
66
enfant au développement typique. Cette incapacité serait en lien avec une déficience
neurologique innée, dépendant donc de causes génétiques, ayant comme résultat une
privation sensorielle (60).
A la fin des années ’60, EM Ornitz remarquait des particularités perceptives dans
l’autisme, comparables à celles des patients schizophrènes (61) et apparaissant dans les deux
premières années de vie (62). Celles-ci seraient secondaires à des troubles de la modulation
sensorielle et à des expériences perceptives inconstantes. A la base de ces phénomènes, il
décrivait des fluctuations entre des états d’hypo- et d’hyperéveil (63).
Carl Delacato publiait un livre en 1974, intitulé The ultimate stranger : the autistic child.
Ce psychologue américain exposait dans son œuvre une autre approche neurosensorielle :
l’autisme serait dû à des troubles sensoriels, eux-mêmes secondaires à des lésions cérébrales.
Il introduisait les notions d’hyper et d’hypo dans les différentes sphères sensorielles et la
notion selon laquelle les comportements répétitifs seraient des comportements
neurologiques, tentatives des enfants de normaliser leurs voies sensorielles. Suivant ses
théories, il proposait des méthodes de rééducation et de réhabilitation, dont on énoncera les
principes dans les chapitres suivants (64).
Quelques années plus tard, AJ Ayres définissait l’autisme comme un trouble de
l’intégration sensorielle : la personne avec autisme ne serait pas capable d’associer un sens
aux sensations et de les organiser en perceptions et puis en concepts (65). Ses travaux l’ont
porté à développer une thérapie d’intégration sensorielle, dont les principaux facteurs
prédicteurs positifs seraient l’hyperréactivité aux stimuli tactiles et vestibulaires (66).
Dans la même période, Antonio Damasio, éminent professeur de neurologie, proposait
un modèle neurologique de l’autisme infantile, comprenant plusieurs structures
mésolimbiques et suggérant des causes génétiques et néonatales (67).
A partir des années 1980, d’autres auteurs se sont intéressés à ces aspects et plusieurs
témoignages ont commencé à enrichir cette littérature. Parmi les premiers sujets autistes à
décrire et médiatiser ses ressentis, nous retrouvons bien sûr Temple Grandin. Auteure de
plusieurs livres et études scientifiques, elle est actuellement parmi les défenseurs les plus
actifs de la neurodiversité et de la vision neurobiologique de l’autisme.
Plus récemment, des nouvelles classifications et dénominations ont été proposées par
des auteures reconnues dans le domaine des troubles sensoriels : Lucy Jane Miller et Winnie
Dunn. La première a proposé la classification représentée dans la figure 23 (68), permettant
de définir les troubles de l’intégration sensorielle et de les différencier en :

• Troubles de la modulation sensorielle : défauts d’adaptation de la réponse


comportementale au degré, à la nature et/ou à l’intensité d’une stimulation
sensorielle ;
• Troubles sensori-moteurs : troubles sensoriels avec des répercussions motrices,
comme la dyspraxie et les troubles posturaux ;
67
• Troubles de discrimination sensorielle : interprétations dysfonctionnelles des
différentes entrées sensorielles.

Fig 23 : Nouvelle nosographie des troubles de l’intégration sensorielle (d’après Miller et al, 2007)

Par ailleurs, Dunn propose les concepts suivants : le traitement de l’information sensorielle
dépendrait du seuil de perception neurologique (bas ou élevé) et des stratégies et des
comportements d’auto-régulation (passifs ou actifs) (69). Elle en déduit alors quatre profils
différents (Tableau 4) : enregistrement faible, recherche de sensations, sensibilité sensorielle
et évitement des sensations.

Stratégies et des comportements d’auto-


régulation
Seuil de perception Passifs Actifs
neurologique
Élevé Enregistrement faible Recherche de
sensations
Bas Sensibilité sensorielle Évitement des
sensations
Tableau 4 : Traitement sensoriel selon le modèle de Dunn (d’après Dunn, 2007)

Ce rapide historique nous permet d’apprendre que les particularités sensorielles ont
intéressé plusieurs auteurs, même avant leur introduction dans les critères diagnostiques.
Compte tenu de leur complexité, nous allons essayer de les décrire et de mieux les caractériser
cliniquement.

68
c. Caractéristiques des particularités sensorielles (64,70)
Dès les premières descriptions de l’autisme, nous prenons connaissance de
comportements atypiques, parfois répétitifs, peu ou pas sociaux. Les enfants décrits très tôt
par Kanner présentent des éléments cliniques particuliers, comme par exemple : intérêt pour
des objets tournants, secousses de la tête, chuchotements répétitifs de refrains, jets d’objets
par terre pour en apprécier le son, des sautillements, …
Ces symptômes, facilement reconnaissables par les professionnels s’occupant de TSA,
dénotent un fonctionnement particulier de la personne souffrant d’autisme, mettant en jeu
sa sensorialité. Chaque individu peut avoir plusieurs modalités sensorielles touchées et
plusieurs « profils » pour une même modalité. Le tableau suivant tente de regrouper des
exemples de particularités sensorielles pouvant être présentées par une personne autiste :
Modalité sensorielle Hyperréactivité Hyporéactivité Recherche
Audition Oreille absolue Non réponse à son Attrait pour jeux
prénom et/ou à un sonores,
son soudain vocalisations
fréquentes
Vision Analyse et mémoire Attrait pour les Autostimulations
des détails visuels lumières visuelles
Toucher Port insupportable Contact fréquent Manipulations
de certains avec les surfaces d’objets,
vêtements automutilations
Goût Sélectivité Epices à chaque Mises en bouche
alimentaire repas fréquentes
Odorat Intolérance à Epices à chaque Jeux avec des
certaines odeurs, repas excréments
refus alimentaires
Equilibre Vomissements dans Tourner sur lui- Tourner sur lui-
la voiture même même, recherche
points d’équilibre
Proprioception Immobilité Recherche de Acrobaties
torsions articulaires
Tableau 5 : Particularités sensorielles de la personne avec autisme.

Olga Bogdashina essaie de lister les expériences sensorielles possibles dans l’autisme
dans son livre Sensory Perceptual Issues in Autism and Asperger Syndrome (2003). Elle décrit
les éléments suivants :
• Perception « littéraire » : voir les choses sans interprétation et sans compréhension.
La personne autiste verrait son monde environnant tel qu’il est.

• Perception « Gestalt » : incapacité à distinguer les informations de premier et


d’arrière-plan, avec peu ou pas de sensibilité aux illusions optiques. Plusieurs théories
ont été avancées pour expliquer ce phénomène : la « prédiction probable » de
Feigenberg et la « faible cohérence centrale » de Frith. La première décrit la capacité
69
du cerveau à prédire un stimulus, sans analyser toutes les afférences de celui-ci : la
personne avec autisme serait dépourvue de cette capacité, l’obligeant à traiter tous
les stimuli reçus sans prévisibilité. La deuxième propose la tendance des personnes
autistes à se focaliser sur des détails, avec l’incapacité de saisir une scène d’une
manière globale. Pourrions-nous expliquer par ces mécanismes l’incroyable capacité
de Stephen Wiltshire, autiste de haut niveau, de dessiner des paysages dans les
moindres détails? La perception Gestalt peut également toucher les autres modalités
sensorielles, ne permettant pas de différencier un stimulus singulier d’un ensemble
d’autres stimuli. Ceci peut provoquer notamment des troubles du comportement dus
à une surcharge sensorielle.

• Hyper et/ou hyposensibilité : introduite par Carl Delacato en 1974, cette notion de
sensibilité est actuellement inscrite dans les critères diagnostiques du DSM. Selon
celle-ci, toute modalité sensorielle peut avoir un seuil de détection différent : la
perception serait alors liée à une quantité plus ou moins importante de stimuli. Si une
voie sensorielle est hyposensible, il faudra plus de stimuli pour arriver à une détection
; l’inverse est vrai pour les canaux hypersensibles. Tout individu peut avoir des profils
de sensibilité hétérogènes et toute voie peut parfois présenter deux profils différents,
nous conduisant à la notion de fluctuation.

• Inconsistance de la perception (fluctuation) : la fluctuation peut concerner les états


d’hypo et d’hypersensibilité, mais également les états hypo/hyper et un état normal.
Cette dernière variation se résumerait à une alternance ON/OFF, lors de laquelle la
personne avec autisme aurait une perception normale entrecoupée d’altérations de la
sensibilité de la voie sensorielle en question. De manière imagée, nous pourrions
rapprocher ce phénomène d’une radio captant mal une station lors de la traversée
d’un tunnel.

• Perception fragmentée (perception « in bits », hypersélectivité des stimuli) : ce


concept accompagne celui de la perception Gestalt : la personne autiste, ne pouvant
pas traiter l’ensemble des informations de manière globale, se retrouve dans
l’obligation de se focaliser sur certains détails, nécessitant moins d’efforts pour être
captés. Le traitement d’un visage se retrouve donc particulièrement perturbé
(traitement des yeux puis des oreilles, …), rendant difficile toute lecture des
expressions faciales dans leur ensemble et toute communication non verbale en
général. Ce phénomène répondrait à la « faible cohérence centrale », proposée par
Feigenberg, pouvant également expliquer la recherche d’immuabilité et toute
intolérance au changement.

• Perception déformée : des changements dans la perception des formes, des espaces,
des sons, … ont pu être décrits. Ces phénomènes seraient plus importants dans les
moments d’hyperéveil et de surcharge sensorielle, exposant le sujet à des fausses
perceptions de la réalité. Les comportements répétitifs essaieraient, en suivant cette
hypothèse, de normaliser les différentes perceptions.

70
• Agnosie sensorielle (difficulté à interpréter le sens) : cette expérience permettrait à la
personne autiste d’utiliser ses sens, sans pouvoir interpréter et donner un sens à ses
perceptions. La personne serait alors « aveugle tout en voyant », ou « sourd tout en
entendant ». Cela serait la conséquence de l’absence de filtrage sensoriel et le bain de
stimulations dans lequel l’autiste se retrouverait.

• Perception retardée : ce n’est pas rare d’observer des retards de réponse à des stimuli
chez sujets autistes. Ce retard est variable et pouvant intéresser toutes les voies
sensorielles. A la base de ce phénomène, plusieurs théories ont été émises : penser et
interpréter un ensemble prendrait plus de temps et demanderait beaucoup d’efforts,
le changement de point de vue modifierait la perception et remettrait donc en
question une première interprétation, l’interprétation des stimuli serait interrompue
et retardée par des nouvelles perceptions. Ce retard de perception aurait alors comme
conséquences une absence de généralisation des perceptions (toute situation serait
perçue comme nouvelle), des difficultés d’apprentissage malgré la répétition des
stimuli et le temps consacré, et une perception temporelle déformée, avec
l’impression que le temps passe plus rapidement.

• Vulnérabilité à la surcharge sensorielle : la surcharge sensorielle peut être provoquée


par des informations sensorielles excessives ou l’incapacité de filtrer les informations
inutiles, par un traitement retardé, par les efforts accomplis pour percevoir plusieurs
canaux alors que la personne fonctionne en mono-traitement et/ou par une
perception fragmentée ou déformée créant de l’anxiété et favorisant
l’hypersensibilité. L’hypersensibilité peut apparaître indépendamment de la surcharge
ou en être le résultat direct. Celle-ci peut ensuite provoquer l’« arrêt des systèmes ».
Les stratégies pour lutter contre ce phénomène sont multiples : mono-traitement,
évitement d’une perception directe, retrait, stéréotypies.
A ces expériences, elle associe des styles perceptifs particuliers :
• Mono-traitement : le mono-traitement, ou monotropisme, est une stratégie mise en
place par certaines personnes autistes pour éviter la surcharge sensorielle, évoquée
précédemment. Ce style perceptif permet de focaliser ses perceptions sur un seul canal
sensoriel, « éteignant » les autres sens. Cela implique l’impossibilité de traiter
plusieurs informations en même temps, mais permet une meilleure efficacité sur la
modalité sensorielle choisie. Un changement de canal resterait possible pour traiter un
autre type d’information et garder un mode de fonctionnement peu énergivore.
Compte tenu de ce fonctionnement, plusieurs stimulations peuvent être proposées
pour diminuer les détails du sens choisi, notamment dans le cas de l’hypersélectivité
alimentaire (musique lors du repas, pour diminuer les sensations gustatives).

• Perception périphérique (évitement de la perception directe) : l’exemple le plus connu


de ce type de traitement est celui du contact oculaire. La personne avec autisme évite
le contact oculaire directe, car « il fait mal » : la vision centrale serait hypersensible,

71
pouvant exposer au risque de surcharge sensorielle. En effet, il existerait une
intolérance aux mouvements oculaires des personnes regardées, leurs yeux n’étant
pas immobiles. La perception directe provoquerait également une fragmentation de
l’information, alors que la perception périphérique aiderait à ce que la perception soit
plus globale et contextuelle. Pour d’autres, être regardé directement donnerait une
sensation de « toucher à distance », expérience décrite comme douloureuse.

• Arrêts des systèmes : une surcharge sensorielle peut provoquer un arrêt d’un ou
plusieurs système(s), c’est-à-dire la perte du fonctionnement normal d’un ou plusieurs
canaux sensoriels. Cette capacité serait présente très tôt dans le développement, dans
le but de faire face au « bombardement sensoriel » perçu. Ceci provoquerait des
modifications du système nerveux central, avec un hyperéveil et une hypersensibilité
secondaires aux privations sensorielles, ainsi qu’un isolement social. Trois formes
d’arrêt des systèmes ont été décrites : traitement de toutes les informations entrantes
mais impossibilité de fournir une réponse à celles-ci ; réduction partielle ou globale du
traitement des stimuli sur un ou plusieurs canaux sensoriels, temporairement ou sur
une durée plus longue ; et le maintien d’un traitement conscient et volontaire,
permettant l’accumulation d’« informations inconnues », traitées inconsciemment.

• Compensation d’un sens non fiable par les autres : l’hypersensibilité, les perceptions
fragmentées et/ou déformées, le traitement retardé ou l’agnosie sensorielle peuvent
handicapés un canal sensoriel par rapport aux autres, justifiant le recrutement d’autres
sens pour mieux identifier l’environnement proche. Ainsi, le toucher et l’odorat sont
souvent utilisés comme sens compensatoires, retenus comme les plus fiables.

• Résonance : ce style perceptif peut être décrit lorsque la personne avec autisme est
fascinée par une stimulation sensorielle. A un degré de fascination important, la
personne peut « se perdre » dans cette stimulation ou « être en résonance » avec
celle-ci. Ce serait une réelle expérience physique ou psychique, permettant parfois de
ressentir les caractéristiques d’un objet ou de vivre sur soi les expériences des autres
(pensées, douleurs, …).

• Rêverie : ce type de perception serait caractérisée par des « expériences hors du corps
non intentionnelles ». Celles-ci sont mal connues et non expliquées, pouvant être
rapprochées à un sixième sens, à une voyance, à une pré-cognition ou à une autre
forme de perception extra-sensorielle.

Par ailleurs, plusieurs études ont décrit ces atypies sensorielles dans des groupes plus
ou moins nombreux et en variant les évaluations.
La prévalence des symptômes sensoriels était calculée à 69% chez un groupe d’enfants
autistes entre 5 et 80 mois, chez lesquels une hyperréactivité était commune à un autre
groupe d’enfants avec déficience intellectuelle et un profil d’hyporéactivité était
exclusivement retrouvé (71). Dans un autre groupe, 95% des enfants autistes présentaient des
72
troubles sensoriels, calculés par le score total du Profil Sensoriel Bref de Dunn (72). Des profils
d’hyporéactivité et de recherche sensorielle étaient également plus fréquents chez des
enfants autistes non verbaux par rapport à des enfants avec du langage (72,73), avec
majoritairement des troubles du filtrage auditif et de la sensibilité tactile (72). Par ailleurs, les
adultes TSA déclaraient avoir un profil plus « hyperréactif » dans plusieurs modalités
sensorielles que des adultes normotypiques (74).
Klintwall et al. (75) décrivaient en 2011, par des évaluations parentales, des anomalies
majoritairement auditives et liées à la perception de la douleur, avec plusieurs modalités
touchées pour les cas les plus typiques de TSA. Ces anomalies sont plus fréquentes chez les
enfants souffrant de TSA que chez les enfants neurotypiques, et sont plus facilement dépistées
par les parents des sujets avec autisme (76–78). Ces particularités sensorielles sont également
plus fréquemment retrouvées chez les enfants autistes que chez les enfants avec déficience
intellectuelle, avec des sensibilités tactile, gustative et olfactive plus importantes, ainsi que
des difficultés plus accrues dans le filtrage auditif (79). Par ailleurs, le profil sensoriel des
enfants avec autisme et déficit intellectuel est plus « sensible » et « évitant » que celui des
enfants avec déficit intellectuel seul (80).
La voie protopathique semble également perturbée dans les TSA, compte tenu des
profils nociceptifs et thermoceptifs. Une méta-analyse rapportait une hyporéactivité à la
douleur chez les sujets avec autisme dans des auto- et hétéroévaluations (familiales et
cliniques), alors que les procédures expérimentales mettaient plutôt en valeur une
hyperréactivité ou une sensibilité normale aux stimuli nociceptifs (81). Dans un autre
protocole, un seuil de douleur à la pression plus bas (plus grande sensibilité à la douleur) était
mesuré dans n groupe d’enfants TSA par rapport à un groupe contrôle (82). Par ailleurs,
Duerden et al. (83) en 2015 montraient une hyporéactivité thermique chez un groupe
d’adolescents avec autisme par rapport à un groupe contrôle, alors qu’aucune différence était
retrouvée pour les seuils nociceptifs. Dans la même étude, les seuils de détection thermiques
étaient corrélés à un quotient intellectuel plus bas.
Concernant l’évolution de ces particularités sensorielles, plusieurs études
longitudinales mettent en évidence une stabilité des profils sensoriels entre 3 et 6 ans (84),
ainsi qu’entre 2 et 8 ans (85). Cette stabilité n’est pas observée chez les enfants neurotypiques,
chez qui les symptômes sensoriels, moins fréquents que dans la population TSA, diminuent au
cours du développement (85).
Enfin, d’autres auteurs ont utilisé les caractéristiques sensorielles des enfants avec
autisme pour en déduire des sous-catégories diagnostiques, pouvant être proposées pour
l’évaluation et la prise en charge. Ausderau et al (86) décrivaient en 2014 deux profils
quantitatifs (léger et mixte-extrême) et deux profils qualitatifs (affligé-sensible et atténué-
préoccupé), alors que Lane et al (87) proposaient la même année plutôt quatre autres
ensembles (adaptation sensorielle, sensibilité aux odeurs et aux goûts, inattention posturale
et différence sensorielle généralisée).

73
d. Répercussions comportementales
Les descriptions exhaustives d’Olga Bogdashina nous aident à mieux comprendre la
perception de l’environnement des sujets avec TSA. Celle-ci peut être très perturbée, pouvant
rendre difficile l’interprétation de certains stimuli sensoriels, voire de certains gestes de la part
de l’entourage. Une caresse, un câlin, une berceuse peuvent alors être insupportables pour
ces enfants. Ceci peut provoquer des réactions paradoxales (se retirer, se boucher les oreilles),
voire des véritables troubles du comportement. Ces derniers, pouvant être présents même
chez l’adulte, sont problématiques pour les familles et les institutions et méritent un aparté.
L’Anesm (Agence Nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et
services sociaux et médico-sociaux) a publié des recommandations de bonnes pratiques
centrées sur les « comportements-problèmes » des personnes handicapées (88). Ce guide
définit ces comportements, également appelés « comportements-défis », comme des «
comportements d’une intensité, fréquence ou durée telle que la sécurité physique de la
personne ou d’autrui est probablement mise sérieusement en danger, ou comme des
comportements susceptibles de limiter ou d’empêcher l’accès et l’utilisation des services
ordinaires de la cité ». Il est important de spécifier que ce type de manifestations ne sont pas
spécifiques de l’autisme, ne concernent pas l’ensemble des personnes avec handicap et sont
à différencier des comportements socialement inadaptés ou sortant de l’ordinaire. Les
comportements-problèmes sont multiples et variables ; l’Anesm propose le tableau suivant
pour les classifier et les décrire :

Tableau 6 : Classification et description des comportements-problèmes (d’après (88))

74
Nous remarquons la variabilité de ces comportements, questionnant tout clinicien sur leurs
origines. L’analyse de ces manifestations est complexe et doit tenir compte de facteurs
personnels et environnementaux : c’est le modèle écologique. Celui-ci, proposé par la CIF
(Classification Internationale du Fonctionnement), « suppose de ne plus se focaliser sur la
personne et/ou la forme du comportement, ni sur la pathologie, les déficiences, le handicap,
mais d’envisager le « comportement-problème » dans l’interaction/interrelation entre
l’individu et son environnement ». Dans cette logique, les particularités sensorielles du sujet
autiste décrites précédemment revêtent une importance capitale dans l’interprétation et
l’analyse de toute perturbation comportementale. Autrement dit, la sensorialité doit être
systématiquement prise en compte dans la prévention et la prise en charge des
comportements-problèmes, et doit faire partie de l’analyse fonctionnelle du sujet.

Pouvant déboucher sur ce type de manifestations comportementales à tout âge, les


aspects sensoriels doivent être au centre de la réflexion engagée autour du patient.
L’évaluation des particularités sensorielles est alors une démarche fondamentale pour la prise
en charge des comportements-problèmes, mais également pour la compréhension globale et
fonctionnelle de nos patients.

e. Evaluation des particularités sensorielles


L’évaluation des particularités sensorielles est une étape importante de l’examen
d’une personne avec autisme. Elle est recommandée notamment par le dernier rapport de la
Haute Autorité de Santé (HAS) en février 2018 (89), tant pour l’enfant que pour l’adulte. Celle-
ci prévoit des hétéroévaluations, accompagnées ou non d’autoévaluations, à l’aide de
plusieurs outils, le but étant de définir le profil sensoriel de nos patients.
L’évaluation la plus classique est l’hétéroévaluation clinique. Celle-ci est souvent
effectuée par des psychomotriciens et/ou des ergothérapeutes, associant des observations
directes de l’individu et/ou des mises en situation spécifiques. Ces professionnels complètent
systématiquement leur examen par un entretien familial : la famille est en effet l’acteur
principal pour évaluer les particularités sensorielles, en lien avec l’environnement quotidien
dans lequel baigne la personne avec autisme. Si le sujet à évaluer est verbal et avec un niveau
intellectuel satisfaisant, les professionnels peuvent alors accéder à des autoévaluations. Les
témoignages accessibles au public, comme par exemple ceux de Temple Grandin, nous
montrent l’unicité des sensations et des regards sur le monde environnant des personnes
autistes.

75
Plusieurs outils d’évaluation existent et sont utilisés par les professionnels pour évaluer
la sensorialité de nos patients. Ci-contre, nous trouvons une liste non exhaustive d’échelles
cliniques aidant à résumer le profil sensoriel de la personne avec autisme :

• Profil sensoriel, Winnie DUNN (adaptation française, 2010) 3 ans à 10 ans 11 mois :
Mesure l’impact du traitement de l’information sensorielle de l’enfant sur sa vie
quotidienne. Version 2, 2015, 3 ans -14 ans 11 mois (annexe 2)
• Profil Sensoriel et Perceptif Révisé, Olga BOGDASHINA (traduction, 2013) : Dessine un
profil des expériences sensorielles des enfants avec un TSA ;
• ESAA : Evaluation Sensorielle de l’Adulte avec Autisme, Claire DEGENNE-RICHARD
(thèse 2014) : Mesure de la réactivité sensorielle de l’adulte avec TSA ;
• Sensory Perception Quotient, Tavassoli, Hoekstra et Baron-Cohen (2014) : Auto-
questionnaire pour les adultes avec ou sans TSA ;
• Glasgow Sensory Questionnaire, Robertson & Simmons (2012) : Auto-questionnaire
pour les adultes ;
• Bilan sensori- moteur d’André BULLINGER (formation spécifique) : Vise à identifier des
compétences motrices et sensorielles dans une perspective cognitive, émotionnelle et
relationnelle ;
• Echelle des Particularités Sensori-psychomotrices dans l’Autisme (EPSA) : LE MENN-
TRIPI, C., VACHAUD, A., DEFAS, N., MALVY, J., ROUX, R., BONNET-BRILHAULT, F.
L’évaluation sensori-psychomotrice dans l’Autisme : un nouvel outil d’aide au
diagnostic fonctionnel (90).

La sensorialité est donc un aspect clinique compliqué, nécessitant des connaissances


spécifiques et une évaluation globale de l’individu. Si les recherches intéressent actuellement
toutes les modalités sensorielles des personnes avec autisme, la somesthésie bénéficie encore
de peu d’approfondissements cliniques et scientifiques. Celle-ci semble pouvoir revêtir un rôle
fondamental dans la physiopathologie de ces troubles, hypothèse que nous allons suivre et
développer dans les chapitres suivants.

3. Les particularités de réponse au toucher


La somesthésie est un des sens dont nous disposons pour explorer et rentrer en
relation avec notre environnement et les autres individus. Elle met en jeu plusieurs types de
récepteurs permettant d’analyser un certain type d’information sensorielle, de la « traduire »
en signal électrique et de la transmettre par les voies afférentes au système nerveux central ;
cette intégration cérébrale permet la survenue de réponses motrice et neurovégétative par
l’emprunt des voies efférentes : c’est la boucle sensori-gnosi-praxique. Dans les TSA, cette
boucle semble perturbée, donnant naissance à des comportements atypiques en réponse à
des stimuli sensoriels considérés inoffensifs par les individus neurotypiques. Sur la base des

76
comportements observés en clinique courante et sur les études expérimentales publiées sur
ce sujet, nous allons donc décrire les particularités de réponse au toucher présentes chez les
individus avec autisme. Pour cela, nous nous focaliserons uniquement sur la voie épicritique,
véhiculant les informations sensorielles sur la forme et la texture, la pression, le toucher, la
vibration et la position.

a. Particularités cliniques
Nous avons vu précédemment la multitude de profils et de particularités sensoriels
pouvant être retrouvés dans les TSA. Malgré ces descriptions, le toucher reste le moins exploré
parmi les organes de sens et ses anomalies sont peu décrites dans l’autisme, alors que la
clinique courante en est souvent riche. Par l’intermédiaire de différents auteurs et supports,
nous allons essayer de regrouper les observations cliniques permettant de mettre en évidence
les particularités tactiles chez les enfants souffrant de TSA.
Tout d’abord, de façon synthétique et didactique, nous pouvons citer une classification
proposée par Olga Bogdashina dans son livre Sensory Perceptual Issues in Autism and Asperger
Syndrome (2003) (70), basée sur les travaux plus anciens de Carl Delacato. Cette auteure décrit
un profil hyper- et un profil hypo-sensible :

Profil hyper- Profil hypo-


Ne veut pas être touché Aime la pression et les vêtements serrés
Intolérant aux nouveaux vêtements ; évite Cherche la pression en rampant sous des
de porter des chaussures objets lourds
Evite de se salir Fait des câlins fermes
N’aime pas certaines textures alimentaires Aime les jeux brutaux
Evite les personnes Est enclin aux auto-mutilations
Tableau 7 : Classification des particularités tactiles dans l’autisme (d’après (70))

Carl Delacato décrit également une 3e catégorie, celle du « bruit blanc ». Les enfants avec ce
type de profil présentent des grattages fréquents (en lien avec un prurit ou des piqûres
invisibles), des frissons (comme s’ils étaient touchés par quelque chose d’invisible) et des
explosions de comportements tactiles brutaux (coups et/ou claques envers soi-même ou les
autres) (64). Cette classification tient compte des profils de réponse, mais également des
caractéristiques tactiles atteintes. En effet, nous pouvons en déduire des anomalies de la
forme et de la texture des objets (aliments, vêtements), de la vibration (induite par les auto-
mutilations), de la pression (des vêtements) et du peau-à-peau.

77
Ensuite, dans le domaine de l’hétéroévaluation, Dunn a choisi de coter dans la 2 e version
de son profil sensoriel, considéré le gold standard de l’évaluation sensorielle, les
comportements tactiles et proprioceptifs suivants (Annexe 2) :

• Détresse pendant la toilette : par exemple, des cris et/ou des troubles du
comportement lors de la coupe des cheveux ou des ongles, ou lors du lavage du
visage ;
• Irritabilité lors du port de chaussettes ou de chaussures ;
• Réponse émotionnelle ou agressive lorsque l’enfant est touché ;
• Anxiété lors de la proximité avec les autres (par exemple, en rang) ;
• Frottements ou grattages d’une partie du corps lorsque celle-ci a été touchée ;
• Toucher les personnes ou les objets jusqu’à les agacer ;
• Nécessité de toucher des jouets, des surfaces ou des textures (pour tout sentir, par
exemple) ;
• Toucher les personnes et les objets plus que les enfants du même âge ;
• Inconscience d’être sale des mains ou du visage ;
• Raideur des mouvements ;
• Fatigue rapide, surtout si debout ou gardant le corps dans une seule position ;
• Semble avoir des muscles faibles ;
• Utilise ses mains ou un mur pour soutenir sa tête ou son corps ;
• S’accroche aux objets, aux murs ou aux rampes plus souvent que les enfants du même
âge ;
• Marche bruyamment comme si ses pieds étaient lourds ;
• Nécessité de couvertures lourdes pour s’endormir.
Dans ces exemples, nous pouvons également remarquer que la voie épicritique peut être
touchée, avec des répercussions sur l’exploration des objets, sur le ressenti corporel de
plusieurs types de contacts et sur la proprioception et les mouvements. De plus, le peau-à-
peau peut être perturbant, avec des réactions de retrait ou de contact exacerbé.
Par ailleurs, plusieurs témoignages et observations de personnes TSA mettent en
évidence des anomalies du toucher. Nous pouvons citer les difficultés de Temple Grandin,
pour qui le port de jupes et de nouveaux sous-vêtements était intolérable (elle devait attendre
plusieurs jours avant de s’y habituer) et pour qui l’étreinte par une autre personne était source
d’une vague de stimulations à travers tout le corps (91). Donna Williams, autre autiste de haut
niveau, a pu décrire une perception morcelée de son corps, retrouvant ses limites en se tâtant
et se frappant.
Enfin, certains auteurs ont pu mettre en évidence des différences de perception des
différents types de stimuli tactiles, en mesurant des aspects qualitatifs (plaisant/non plaisant)
et quantitatifs (intensité de la perception). Cascio et al. (92) en 2012 montrait une perception
différente de plusieurs textures chez les adultes TSA par rapport aux neurotypiques : les
textures plaisantes et non plaisantes étaient cotées de façon plus extrême et les cotations des
78
stimulations neutres plus variables. Une plus grande variabilité de cotation est également
retrouvée chez un petit groupe de jeunes autistes, qui ont donné des scores de rugosité des
surfaces présentées plus importants que les individus témoins (93). Enfin, une stimulation
vibrotactile était perçue comme plus chatouilleuse et intense par un groupe d’adultes
Asperger que par des adultes neurotypiques, alors que la différence entre autostimulation et
stimulation externe était perçue de la même façon (94).

En résumé, les anomalies tactiles sont nombreuses, répondant à des profils d’hypo et
d’hypersensibilité et à tous les domaines de la sensibilité épicritique. Toutes ces particularités
méritent un approfondissement physiopathologique, compte de leur fréquence
(probablement sous-estimée) et de leurs conséquences sur la vie quotidienne. Le tableau
suivant croise les données les plus fréquentes et pourrait orienter les cliniciens à une meilleure
analyse de ces aspects sensoriels :
Aspects sensibilité épicritique Profil hyper- Profil hypo-
Forme et texture Sélectivité alimentaire, Nécessité de toucher des
irritabilité lors du port de jouets, des surfaces ou des
certains vêtements textures, inconscience d’être
sale des mains ou du visage
Pression Ne supporte pas les vêtements Nécessité de couvertures
serrés, les chaussettes et/ou les lourdes pour s’endormir
chaussures
Vibration Immobilité et passivité Automutilations, sautillements,
agitation membres inférieurs
Proprioception Immobilité et passivité Recherche de torsions
articulaires, marche sur la
pointe des pieds
Toucher affectif Ne veut pas être touché, évite Touche les personnes de façon
les personnes répétée et envahissante
Tableau 8 : Classification des particularités de la sensibilité épicritique dans l’autisme.

b. Mesures psychophysiques
L’évaluation du toucher est une évaluation souvent subjective : les stimuli tactiles ne
sont pas perçus de la même façon en fonction des personnes. Cette subjectivité, personnelle
ou extérieure, se base sur un ressenti émotionnel et sur les conséquences comportementales
d’un stimulus spécifique. Cette approche expose alors à des multiples biais dans l’autisme,
compte tenu notamment des perturbations dans les champs émotionnel et comportemental
présentes dans ce trouble. Des évaluations plus « basiques » ont alors été mises en place, pour
étudier les rapports entre les faits physiques et les sensations qui en résultent : c’est la
psychophysique. Dans le domaine du toucher, deux caractéristiques ont été majoritairement
explorées grâce à des outils neurophysiologiques : la détection et l’adaptation.

79
Plusieurs équipes se sont intéressées à la détection des stimulations tactiles, en
déterminant leurs seuils. Des différences de détection entre sujets TSA et sujets
neurotypiques ont pu être mises en évidence par plusieurs études. La première a été proposé
par Blakemore et al. (94) en 2006, testant la détection de stimuli vibrotactiles de 30 et 200 Hz
et trouvant une différence uniquement pour les stimuli à 200Hz : les adultes Asperger avaient
un seuil de détection plus bas par rapport aux adultes neurotypiques. Le deuxième protocole
retrouvait également une différence de seuil : les adultes avec TSA étaient plus sensibles aux
vibrations tactiles que les adultes neurotypiques au niveau de l’avant-bras (95). Par ailleurs,
une troisième étude, plus récente et avec une population plus importante, a mis en évidence
un seuil de détection de vibrations statiques à 25 Hz plus élevés chez les enfants TSA que chez
les enfants neurotypiques. Chez ces enfants TSA, la détection des stimuli statiques était la
même que celle des stimuli dynamiques ; ces derniers étaient perçus comme plus sensibles
chez les enfants neurotypiques (96). Enfin, un groupe d’enfants TSA présentait une sensibilité
tactile plus importante au visage et à la face dorsale de la main que le groupe contrôle,
suggérant une sensibilité plus importante au niveau des aires affectives pourvus des fibres C
(82). Ces résultats n’étaient pas reproduits dans d’autres études s’intéressant aux mêmes
phénomènes. En effet, Guclu et al. (97) ne retrouvaient pas de différence de détection de
vibrations à 40 et 250 Hz entre un petit groupe d’enfants TSA et neurotypiques. De plus,
l’absence de différence de détection de stimulations au filament “von Frey” était montrée
entre un groupe d’adultes avec autisme par rapport à un groupe témoin (95). Comme nous
pouvons le remarquer, les résultats sont peu uniformes et non généralisables. En ce qui
concerne la détection, une première analyse pourrait conclure à une détection anormale des
stimuli vibratoires et des différences de détection entre stimuli statiques et dynamiques.
Les autres explorations psychophysiques se sont intéressées à l’adaptation à plusieurs
stimuli tactiles. L’effet de l’adaptation est souvent expliqué par l’induction d’un contraste
autour d’un stimulus d’intérêt, modifiant les paramètres spatiotemporaux de réponse des
neurones mis en jeu (98). Tommerdahl et al. (99) ont étudié les effets de ce phénomène sur
la discrimination spatiale de deux stimuli vibratoires. Ils ont montré, sur un faible effectif, que
les adultes avec TSA n’amélioraient pas leur discrimination spatiale après un stimulus
d’adaptation long (5 secondes), alors que cette amélioration était constatée chez les adultes
neurotypiques. Cependant, une adaptation plus courte (0,5 secondes) permettait aux adultes
TSA d’avoir des meilleures performances que les adultes neurotypiques. Une autre étude a
mis en évidence des différences de discrimination d’amplitude de deux stimuli vibratoires avec
ou sans adaptation. En l’absence de stimuli d’adaptation, les performances de discrimination
étaient équivalentes entre adultes TSA et adultes neurotypiques ; une différence apparaissait
lorsqu’un stimulus d’adaptation de 1 seconde précédé les stimuli à comparer : les adultes TSA
n’amélioraient pas leurs capacités discriminatives comme les adultes neurotypiques (100). Par
ailleurs, Puts et al. (96) montraient en 2014 des seuils de discrimination augmentés chez des
enfants TSA par rapport aux enfants neurotypiques sans adaptation, alors que cette différence
disparaissait avec des stimuli adaptatifs : les enfants neurotypiques augmentaient leurs seuils
de discrimination, et pas les enfants TSA. Enfin, d’autres auteurs ont exploré le jugement
80
d’ordre temporel, c’est-à-dire la capacité d’un individu à définir un intervalle de temps
minimum nécessaire pour différencier deux stimuli. Ce jugement reste le même chez 10
adultes autistes lorsqu’un stimulus adaptatif est rajouté au protocole, alors que la capacité
des adultes contrôles est significativement diminuée (leur intervalle inter-stimulus augmente)
dans les mêmes conditions (96). Ces différents protocoles mettent en évidence des difficultés
de discrimination en présence de stimuli adaptatifs chez les personnes avec autisme. Ces
derniers n’arriveraient pas à s’adapter à différents stimuli, contrairement à ce qu’il se passe
pour les personnes neurotypiques. Leur discrimination ne changerait pas en fonction de
l’exposition à différentes stimulations.
Les mesures psychophysiques introduisent des éléments objectifs permettant de
mettre en avant une détection anormale des stimuli tactiles et une absence d’adaptation, et
notamment de différence de discrimination après exposition à d’autres stimuli. Ces données,
pour l’instant insuffisantes et peu puissantes statistiquement, peuvent être potentiellement
en lien avec les différents profils sensoriels des participants, une maturation différente des
éléments somesthésiques ou encore une modulation de ces stimuli au niveau central. Dans le
but d’éclaircir ces liens, nous allons alors étudier les corrélations avancées par certains
auteurs.

c. Corrélations cliniques
Les particularités tactiles, et plus globalement les troubles sensoriels, sont des aspects
cliniques complexes, mettant en jeu plusieurs mécanismes et jouant un rôle non négligeable
dans le fonctionnement quotidien de nos patients. Les auteurs ayant exploré ces aspects ont
également essayé de les rapprocher d’autres facteurs cliniques, sensiblement présents dans
les TSA. Nous allons donc expliciter les corrélations proposées par certaines études, pour
mieux caractériser les particularités tactiles décrites ci-dessus.
Dans un premier temps, les troubles sensoriels centrés sur le toucher semblent être en
lien avec les autres symptômes autistiques, et notamment les troubles sociaux. Foss-Feig et
al. (101) ont étudié avec plusieurs outils les profils de 34 enfants TSA mettant en évidence
deux types de corrélations : l’hyposensibilité tactile était en lien avec les troubles sociaux et
de la communication et la recherche de stimulation avec les troubles sociaux et les troubles
de la communication non-verbale. Ces auteurs ne retrouvaient pas de lien entre
l’hypersensibilité tactile et les autres symptômes autistiques. Ce type de relation a été mise
en évidence par d’autres auteurs, retrouvant que l’hyper- et l’hyposensibilité tactile étaient
corrélées aux problèmes sociaux, alors que la sévérité de l’autisme n’était pas un bon
prédicteur de ces derniers (102). Par ailleurs, les seuils de détection de stimuli tactiles
statiques seraient des bons prédicteurs des troubles autistiques : plus les seuils seraient
élevés, plus les traits autistiques seraient nombreux (74). Enfin, les troubles sociaux et de la
communication seraient également associés aux réactions de défense à des stimulations
passives de la zone péribuccale et de l’avant-bras, deux régions innervées par les fibres tactiles

81
C, mettant alors l’accent sur la relation entre voie affective tactile et troubles de la relation
sociale (103).
Dans un second temps, en plus de la dimension sociale de l’autisme, les particularités
tactiles semblent corrélées à la seconde dimension autistique, celle liée aux comportements
répétitifs et stéréotypés. Baranek et al. (104) mettaient en lien, à l’aide de différents
questionnaires, des niveaux élevés d’évitement tactile avec trois facteurs : des
comportements rigides ou inflexibles, des verbalisations répétitives et des stéréotypies
visuelles. Aucune corrélation n’était montrée entre l’évitement tactile et les stéréotypies
motrices et objectales. Le lien entre toucher et comportements et intérêts stéréotypés était
également retrouvé dans une autre étude, mettant de plus en évidence une prévalence plus
élevée des particularités tactiles chez les enfants avec TSA par rapport aux enfants avec retard
mental (79). En considérant les mesures psychophysiques, le ratio entre seuils de détection
statique et dynamique (anormalement plus petit chez les enfants avec TSA, alors qu’il est
retrouvé plus élevé chez les enfants neurotypiques) était corrélé négativement au score de
l’ADOS sur les comportements répétitifs (105). Par ailleurs, cette association a
particulièrement intéressé André Bullinger, qui écrit dans son ouvrage Le développement
sensori-moteur de l’enfant et ses avatars (31):
« La difficulté à stabiliser une image corporelle peut amener certains enfants à
des activités répétitives qui visent à créer des flux sensoriels bien contrôlés
induisant un ensemble de sensations qui rendent présentes les frontières de
l’organisme. Elles s’observent souvent chez les enfants qui, pour des raisons
diverses, ne peuvent accéder à un mode de régulation tonique lié au dialogue
avec le milieu humain, et aux aspects représentatifs qui en découlent. […] Si les
coordinations sensori-motrices sont retrouvées défaillantes, les flux sensoriels
peuvent servir de contenant transitoire. »
Si pour Bullinger les stéréotypies sont alors des moyens de stabiliser son image corporelle,
d’autres explications se basent sur l’absence d’inhibition de certains stimuli de la part du SNC,
que nous expliciterons dans les chapitres suivants.
Enfin, les particularités tactiles sont souvent rapprochées d’éléments cognitifs et
émotionnels. Wodka et al. (106) ont évalué les aspects attentionnels et la sensibilité tactile de
57 enfants par des épreuves expérimentales et des questionnaires parentaux. Ces auteurs ont
pu mettre en évidence des fortes corrélations entre les évaluations parentales de l’attention
et des processus tactiles, faisant référence à des mécanismes communs de régulation
comportementale, et entre mesures expérimentales de l’attention et de la sensibilité tactile.
Ces dernières corrélations étaient particulièrement vraies entre la mesure des seuils de
détection tactile (reconnus comme plus élevés que ceux des enfants neurotypiques) et les
tâches attentionnelles, suggérant un rôle de l’attention dans les processus de discrimination
tactile. Une autre équipe a proposé, sur un effectif plus limité, des mesures psychophysiques
et des évaluations par questionnaires, faisant ressortir une corrélation entre les données

82
tactiles et les scores traitant des aspects émotionnels des enfants. Cette association, la seule
ayant départagé les groupes TSA et témoins, sous-entend une énième régulation centrale de
la perception tactile (97). Enfin, une étude en spectroscopie par résonance magnétique a
mesuré le niveau de GABA au niveau du cortex sensorimoteur chez 37 enfants TSA et 35
enfants neurotypiques. Les niveaux de GABA sensorimoteurs étaient diminués chez les
enfants TSA et non corrélés aux seuils de discrimination d’amplitude et de fréquence des
stimuli tactiles, alors qu’ils l’étaient chez les enfants neurotypiques. Ces mesures suggèrent
encore une fois des mécanismes corticaux dans les anomalies de sensibilité tactile,
probablement centrés sur l’inhibition centrale (107).
Comme nous avons pu le voir par l’intermédiaire de différents travaux, les
particularités tactiles sont au centre de plusieurs phénomènes intéressant la symptomatologie
autistique globale et d’autres mécanismes centraux, comme des modulations attentionnelles
et émotionnelles. Ces corrélations ne démontrent en aucun cas la causalité de l’un ou de
l’autre processus, mais certains auteurs soulignent tout de même la valeur prédictive des
particularités tactiles sur le risque d’apparition d’une symptomatologie autistique. A ce
propos, nous pouvons citer l’étude de Mammen et al. (108) montrant une corrélation positive
entre l’évitement de 561 enfants de 9 mois lors d’une activité tactile proposée par les parents
et les scores en lien avec des troubles du développement à l’âge de 18 mois. Dans ce sens, les
mesures de réponse au toucher pourraient alors être un élément prédictif objectif pour
identifier des enfants à risque de TSA.

Par l’intermédiaire de différentes approches, nous avons pu décrire les particularités


du toucher dans l’autisme et leur place dans le reste de la symptomatologique autistique, ainsi
que dans d’autres mécanismes neurologiques. Toutes ces données nous guident vers des
processus centraux, nous poussant à approfondir ce qu’il se passe au niveau du SNC par
l’intermédiaire des nouvelles explorations neuroscientifiques.

4. Les explorations neuroscientifiques


Les 20 à 30 dernières années ont vu l’utilisation de techniques de plus en plus avancées
pour explorer et décrire les mécanismes cérébraux en lien avec notre fonctionnement basal
et les processus pathologiques. L’autisme a bien sûr bénéficié de ces avancées pour mieux
comprendre certains mécanismes et réévaluer certaines théories à la lumière des nouvelles
technologiques. Grâce à différents supports, nous allons exposer les différentes recherches
ayant intéressé le toucher et ses particularités dans les TSA.

83
a. Particularités structurales et fonctionnelles
Les premières anomalies que nous pouvons décrire sont les anomalies structurales et
fonctionnelles. En effet, plusieurs études mettent en évidence des structures et des réponses
à des stimuli tactiles atypiques chez les sujets TSA.
Au niveau cortical, les réponses du cortex somesthésique primaire à des paradigmes
tactiles étaient moins amples chez 7 enfants autistes par rapport aux témoins. L’amplitude de
la réponse corticale, mesurée en magnétoencéphalographie (MEG), était directement
corrélée au score tactile du profil sensoriel des enfants TSA (109). Les représentations
corticales de certains éléments corporels semblent également perturbées. A la suite d’une
stimulation tactile passive, la distance entre les représentations corticales du pouce et de la
lèvre a été mesuré grâce à la MEG et était significativement plus grande dans le groupe
autisme que dans les cas témoins (110).
Au niveau fonctionnel, la connectivité somatosensorielle au repos n’était pas
différente entre enfants TSA et enfants neurotypiques (111), alors qu’au moment d’une
stimulation la réponse corticale et la propagation de l’activité locale étaient plus rapides dans
la population TSA ((112)). D’autres aspects de la connectivité somatosensorielle à la suite
d’une stimulation vibrotactile étaient également mis en évidence : une phase de verrouillage
de la réponse corticale plus courte et une connectivité augmentée entre S1 et S2 (113). De
manière plus générale, la connectivité longue-distance dans l’autisme semble sous-
développée, alors que la connectivité courte-distance plus hétérogène. De plus, les
stimulations à basse fréquence seraient associées aux circuits sous-développés et les
stimulations à haute fréquence plutôt aux deux types de circuits (sur et sous-développés)
(114).
Par ailleurs, Cascio et al. montraient une perception différente de plusieurs textures
par rapport à des adultes neurotypiques. A ces perceptions, étaient associées des réponses
cérébrales en IRM fonctionnelle globalement plus faibles chez les adultes TSA pour les stimuli
plaisants et neutres. Paradoxalement, des activations plus importantes que les témoins
ressortaient pour les stimuli désagréables, positivement corrélées au score des troubles
sociaux de l’ADI-R (92). Ces résultats nous poussent à mieux explorer la voie « affective » par
opposition à la voie épicritique.

b. Particularités de la voie « affective »


Comme nous avons pu le montrer dans les chapitres précédents, les voies épicritique
et « affective » sont distinctes et n’intègrent pas les mêmes noyaux centraux. Dans l’autisme,
ces voies semblent être asymétriques et ne pas fonctionner de la même manière que chez les
sujets neurotypiques.
Peu d’auteurs ont pu caractériser la voie « affective » au niveau central chez les sujets
TSA. La plus importante publication retrouvée dans ce domaine est une étude comparative,

84
essayant de distinguer les voies épicritiques et « affectives » chez 19 enfants et adolescents
TSA et 19 enfants et adolescents neurotypiques. La réponse cérébrale à une stimulation de
l’avant-bras (affective) était moins importante que celle liée à une stimulation de la paume de
la main (épicritique) chez les sujets TSA par rapport à la population contrôle. Cette
hypoactivité cérébrale, mesurée en IRM fonctionnelle, comprenait des structures du
« cerveau social » : l’insula, le sulcus temporal supérieur, la jonction temporopariétale
bilatérale, le gyrus fusiforme, l’amygdale et le cortex préfrontal ventrolatéral. De plus, une
activité corticale plus importante au niveau de S1 était mesurée chez les TSA pour le toucher
épicritique par rapport au toucher affectif (115). Par ailleurs, les voies thalamo-corticales et
intrainsulaires (entre insula postérieure et antérieure), s’occupant respectivement de la
transmission des informations discriminatives et de l’interprétation émotionnelle des stimuli
sensoriels, étaient moins intègres chez 26 enfants TSA par rapport au groupe témoin (116).
Cela suggère des moins bonnes capacités de discrimination et de jugement émotionnel de
toute stimulation tactile afférente.
Plus indirectement, Voos et al. (117) montrait que plus des adultes neurotypiques
avaient des traits autistiques, plus la réponse cérébrale sociale (intéressant le sulcus temporal
supérieur et le cortex orbitofrontal) à un toucher affectif était faible. De plus, des biopsies de
peau montraient une perte de 50% des petites fibres nerveuses, dont les fibres C tactiles, chez
4 enfants TSA souffrant d’hypoesthésie et d’allodynie (118).
L’ensemble de ces résultats suggère des anomalies de la voie « affective » sur plusieurs
niveaux et donc une atteinte du cerveau social centrée sur le toucher. Le toucher affectif serait
alors mal intégré par le cerveau des sujets TSA, expliquant probablement les troubles
relationnels apparaissant dans leur développement.

c. Particularités de l’inhibition
Une des hypothèses les plus consensuelles dans le domaine des particularités
sensorielles dans l’autisme est le défaut d’inhibition et de modulation des stimuli sensoriels.
L’acide γ-aminobutyrique, abrégé en GABA, le principal neurotransmetteur inhibiteur
du SNC, est une cible préférentielle de plusieurs protocoles expérimentaux. Celui-ci était
présent à des niveaux plus faibles dans le cortex sensori-moteur chez un groupe d’enfants TSA
par rapport à un groupe témoin (107). Le défaut de neurones GABA aurait des conséquences
sur l’organisation cellulaire du néocortex, ayant elle-même des répercussions sur le filtrage
des informations sensorielles (119). De plus, les neurones GABAergiques seraient à la base du
timing et de la plasticité cérébrale des périodes critiques, étapes de maturation cérébrale au
cours du développement permettant le phénomène de sélection synaptique. Le GABA serait
alors un des principaux acteurs de la balance excitation/inhibition, sensiblement altérée dans
l’autisme (120).

85
Ce défaut d’inhibition a été également mis en évidence par d’autres études. Gaetz et
al. (121) mettaient en évidence une diminution de la composante P50m (indice du signal
inhibitoire post-stimulation en MEG) à la suite d’une stimulation tactile au niveau des doigts
chez 15 enfants TSA par rapport une population témoin. Un défaut d’habituation à plusieurs
stimulations tactiles était retrouvé chez un groupe de jeunes autistes avec hyperréactivité
tactile, contrairement à un autre groupe de jeunes autistes sans hyperréactivité tactile. Ce
défaut d’habituation était représenté par une activation constante du cortex somesthésique
et de l’amygdale, indépendante du nombre de stimulations délivrées (122). De plus, une
variabilité des réponses à plusieurs stimulations tactiles pendant une tâche attentionnelle
étaient mise en évidence en IRMf chez des adultes TSA par rapport à un groupe neurotypique,
avec un ratio signal/bruit plus faible (93). Enfin, une autre preuve du défaut d’inhibition
viendrait d’une modulation aberrante de la connectivité entre le noyau pulvinar du thalamus,
impliqué dans l’attention et l’intégration sensorielle, et les cortex somesthésique et préfrontal
pendant une stimulation tactile dans un groupe de 19 enfants et adolescents avec TSA. La
sévérité de l’hyperréactivité sensorielle de cette population était corrélée à la connectivité du
noyau pulvinar et de l’amygdale, suggérant encore une fois l’implication de phénomènes
émotionnels (123).

En résumé, les explorations neuroscientifiques actuelles montrent des anomalies des


voies tactiles à plusieurs niveaux, suggérant la prise en compte de processus attentionnels et
émotionnels dans l’intégration sensorielle, ainsi que des origines développementales en lien
avec des phénomènes inhibitoires dysfonctionnels. Cependant, les études sont encore peu
nombreuses et statiquement peu puissantes pour définir des mécanismes
physiopathologiques précis. La recherche devra alors se coordonner avec plusieurs domaines
scientifiques, dont la génétique, pour mieux cerner les symptômes cliniques auxquels nous
sommes confrontés quotidiennement.

Ce chapitre nous a permis d’explorer les particularités tactiles dans l’autisme : leur
description, leur place dans le cortège symptomatique, ainsi que leurs bases
neurophysiologiques. Non négligeables dans le quotidien de nos patients, ces particularités
du toucher pourraient être, d’un point de vue développemental, au centre des troubles
relationnels et de la communication observés. S’y intéresser et les prendre en charge pourrait
alors non seulement moduler les perceptions et soulager nos patients, mais également
pouvoir avoir une action sur leurs compétences sociales. Pour terminer notre travail, nous
allons donc voir les prises en charge disponibles centrées sur le toucher, pouvant être mises
en place dans l’autisme.

86
III. Les approches thérapeutiques
Même si les approches thérapeutiques sont multiples et répondant à des objectifs
spécifiques, il n’existe à ce jour pas de « traitement de l’autisme » à proprement parler. Les
priorités, notamment au moment du diagnostic des troubles, sont souvent données au
développement des outils sociaux et de communication, par l’intermédiaire de méthodes
majoritairement comportementales. Dans cette démarche thérapeutique classique, les
aspects sensoriels sont parfois insuffisamment pris en compte ou même ignorés. Comme nous
avons pu le voir dans les chapitres précédents, les profils des enfants avec TSA sont multiples
et hétérogènes, en lien avec des particularités sensorielles complexes et difficilement
reconnaissables. Il est donc essentiel, avant toute intervention thérapeutique, de définir et
prendre en compte ces difficultés sensorielles. Ceci permettra au thérapeute d’adapter au
mieux l’environnement de travail, dans lequel l’enfant pourra évoluer et se sentir en sécurité.
Plusieurs approches thérapeutiques existent dans le champ de la sensorialité, mises en
place le plus souvent par le psychomotricien ou l’ergothérapeute. Dans un premier temps,
nous allons énumérer, surement de manière non exhaustive, les méthodes centrées sur le
toucher pouvant aider nos jeunes patients. Ensuite, nous allons sélectionner et décrire
certaines approches que j’ai pu observer dans ma pratique clinique.

1. Les différentes méthodes existantes


a. Thérapies d’intégration sensorielle
Davantage centrée sur l’individu, la thérapie d’intégration sensorielle a pour but de
favoriser le développement de la capacité du système nerveux à traiter les stimuli sensoriels
d’une manière « normale ». Les principes de cette approche étaient introduits par Delacato et
Ayres dans les années 1970. Pour ces auteurs, cela passe par la stimulation répétée des 5 sens,
pour la méthode Delacato, ou des 3 sens principaux selon Ayres (la proprioception, le toucher
et l’appareil vestibulaire). Olga Bogdashina en décrit différents types dans son ouvrage (70) :

• L’intégration multisensorielle, par l’utilisation intégrée de plusieurs sens à la fois.


Comme nous avons pu le voir dans les chapitres précédents, le monotraitement
viendrait empêcher la survenue d’un arrêt des systèmes, en utilisant un canal sensoriel
à la fois. Ce type de traitement serait plutôt un symptôme de l’arrêt des systèmes,
plutôt que la cause.
• La désensibilisation : cette approche procurerait chez certains enfants une
augmentation de la tolérance, de la parole et du contact oculaire, ainsi qu’une
diminution des comportements auto et hétéroagressifs. Les activités sensorielles,
proposées avec douceur par l’intermédiaire de jeux et d’exercices plaisants, ont pour
objectif de croitre le seuil d’excitation de l’enfant. Ces activités, comprenant des
aménagements environnementaux, sont choisies en fonction des besoins sensorielles
de l’enfant : c’est ce que Wilgarger appellera le « régime sensoriel » en 1995.

87
Plusieurs techniques d’intégration sensorielle existent et prennent en compte les besoins
spécifiques de l’enfant. Nous pouvons citer une méthode particulière, appelée Wilbarger
Brushing Protocol ou technique tactile proprioceptive à pression profonde, incluant un
protocole de massages avec une brosse chirurgicale et de pressions profondes. D’autres
approches comprennent l’utilisation de vestes lestées, de ballons-chaises et de techniques de
balancement. Selon Kimbal, les méthodes d’intégration sensorielle doivent comprendre les
caractéristiques suivantes (70) :

• Participation active
• Dirigée par l’enfant
• Traitement individualisé
• Activité volontaire
• Besoin d’une réponse adaptative
• Apport variant en fonction de la réponse de l’enfant
• Activité riche en stimuli proprioceptifs, tactiles et vestibulaires
• Objectifs d’amélioration du traitement et de l’organisation sensorielle (et non
d’apprentissage de compétences spécifiques)
L’application de ce type de thérapie est sous la responsabilité de l’ergothérapeute. Celui-ci se
charge de l’enseignement de ces différentes techniques aux parents (pouvant les appliquer
plusieurs fois par jour à domicile), de l’évaluation régulière des réponses de l’enfant et de
l’adaptation des protocoles.
Par ailleurs, Carl Delacato décrit son approche par une rééducation des canaux
sensoriels (64). Celle-ci se ferait par la succession de deux étapes : l’étape de survie et les soins
centraux. La première étape comprend trois objectifs principaux : comprendre les
comportements de l’enfant, se libérer des attitudes sensorielles (en agissant sur
l’environnement) et libérer l’enfant de son inclinaison sensorielle, monopolisant son
attention. Les soins centraux s’en suivent, permettant une normalisation des voies
sensorielles, une reprise du développement et une intégration sociale progressive. En ce qui
concerne le toucher, il donne des éléments pouvant aider les parents dans l’étape de survie,
en différenciant bien sûr le profil sensoriel de l’enfant. Le tableau suivant résume ses apports :

88
Changement Hyperréactivité tactile Hyporéactivité Bruit blanc
environnemental tactile
Diminution - Eliminer les vêtements - Permettre les - Eviter toute
inconfort serrés et rugueux mouvements de vibration
sensoriel - Câlins doux son corps - Lui apprendre à
- Protection de - Courir avec lui différencier les
sensations perçues - Favoriser des stimulations
comme douloureuses câlins puissants, externes et de ses
- Utiliser des serviettes des chatouilles stimulations
moelleuses « agressives » internes
- Eviter toute stimulation - Exagérer ses
par l’entourage mouvements
rythmiques
Diminution - Accepter et diversifier - Augmenter la - Montrer et
comportements des activités fréquence, expliquer chaque
sensoriels proprioceptives l’intensité, la stimulation avant
- Reproduire ses variété et la durée et pendant le geste
comportements tactiles des stimuli - Varier
et diversification - Stimuler progressivement
progressive davantage les les expériences et
- Massages avec la zones ses rythmes
paume de la main et d’automutilation - Répéter plusieurs
puis en caressant avec - Lui fournir des fois les
les doigts vibrations, des stimulations
- Arrêter toute pressions
stimulation si profondes et des
insupportable frottements
Tableau 9 : Principes de la thérapie Delacato centrée sur le toucher (d’après (64))

Mise en place et suivie par l’ergothérapeute, la thérapie d’intégration sensorielle permet de


travailler spécifiquement les aspects sensoriels de nos patients. Mais quelles sont les
retombées de ce type de prise en charge ?
Une étude récente (124) a reconnu la thérapie d’intégration sensorielle comme une
approche respectant les critères de pratique basée sur des preuves, définis par le Council for
Exceptional Children (CEC), la plus grande organisation professionnelle du monde engagée
dans le développement des résultats scolaires des personnes ayant des besoins ou des
situations particuliers. Cette thérapie serait d’autant plus indiquée que les enfants
présenteraient un profil d’hyperréactivités tactile et vestibulaire, avec un évitement tactile,
peu de mouvements et un équilibre insécure. Les hyperréactivités tactile et vestibulaire
étaient considérées comme des facteurs prédicteurs positifs de réponse à la thérapie
d’intégration sensorielle (66).

89
Par ailleurs, concernant l’efficacité de ces approches thérapeutiques, les résultats
restent mitigés. Au niveau sensoriel, des améliorations des compétences tactiles étaient
décrites chez un groupe d’enfants TSA par rapport à un groupe contrôle après 100 sessions
(environ 6 mois) de thérapie d’intégration sensorielle, et une persistance de cette évolution
constatée 2 mois après la fin du protocole (125). Des scores plus élevés dans tous les domaines
du Sensory Profile (sauf pour les « réactions émotionnelles » et les « réponses émotionnelles
et sociales ») étaient également mis en évidence dans un petit groupes d’enfants TSA ayant
bénéficié de ce type d’approche (126). Une métanalyse de 2014 intégrait 5 études traitant de
la thérapie d’intégration sensorielle, mettant en valeur uniquement des améliorations des
comportements basés sur des problèmes sensoriels, comme les autostimulations et les
automutilations (127). Plus récemment, une autre métanalyse mettait en avant des bénéfices
de ces approches sur les capacités de fonctionnement et de participation des enfants autistes,
des résultats moyens sur les comportements autistiques et des améliorations insuffisantes au
niveau du langage, des propriétés sensorimotrices et des compétences sociales (128). Enfin,
des meilleurs scores étaient rapportés, avec des faibles niveaux de preuve, dans les
compétences sensorimotrices, les capacités sociales et les mesures de soins personnels (129).
Malgré une utilisation fréquente de cette approche dans le domaine de la
psychomotricité et de l’ergothérapie, les études ne montrent pas de résultat homogène en
lien avec ce type de prise en charge. Cependant, ces études sont de faible puissance statistique
et utilisant une méthodologie hétérogène et peu rigoureuse, ne permettant pas pour l’instant
de conclure sur les apports de la thérapie d’intégration sensorielle chez nos patients autistes.

b. Protocoles de massages
La thérapie par massages est une pratique assez récente dans la médecine occidentale.
Celle-ci a pu s’appliquer dans plusieurs domaines et sur plusieurs populations. Field (130)
résume les principaux résultats de cette approche sur une population pédiatrique, parmi
lesquels une réduction des processus douloureux et un meilleur développement chez les
prématurés, une amélioration du sommeil chez les nouveau-nés à terme, des interactions
parent-bébé augmentées et une diminution du stress maternel. A la base de ces phénomènes,
il y aurait une augmentation de l’activité parasympathique (secondaire à des massages à
pression modérée) et une diminution de la production de cortisol, ayant elles-mêmes comme
conséquences un renforcement du système immunitaire et une plus forte production de
sérotonine (130). Dans l’autisme, plusieurs types de massages sont proposés par les
ergothérapeutes et les psychomotriciens, en fonction du profil sensoriel de l’enfant. Ces
massages peuvent être effectués mains nues ou à l’aide de matériels (balles à picot, tissus,
plumes, …), par un professionnel ou par les parents eux-mêmes. Au travers de quelques
études, nous allons décrire les différentes techniques et les améliorations constatées dans ce
type de prise en charge.

90
Une première technique consiste à appliquer des pressions à plusieurs parties du
corps, pour stimuler les récepteurs tactiles profonds. Ce protocole a été mis en place sur 5
points du corps (bras, mains, jambes, thorax et dos) de 20 enfants TSA, à raison de 15 minutes
par jour au moment du coucher, pendant un mois. A la suite de la thérapie, ce groupe montrait
moins de comportements stéréotypés, plus de proximité sociale pendant les jeux et moins de
problèmes de sommeil par rapport à un groupe contrôle (131). De plus, un protocole similaire
a été utilisé par Tsuji, qui a comparé les taux d’ocytocine entre une période de massages de 3
mois et une période sans massages de 4 mois. Les massages, délivrés par les parents,
comprenaient des pressions du dos, des épaules, des mains et encore du dos, pour une durée
totale de 20 minutes par jour, avant le coucher. Les taux d’ocytocine, hormone « de l’amour »
produite par l’hypothalamus et pouvant inhiber l’amygdale, étaient supérieurs chez les sept
enfants TSA et leurs mères dans la période massages que pendant la période sans massages.
Cependant, les taux avant et après une seule séance de massages n’étaient pas
significativement différents (132).
Par ailleurs, la médecine orientale privilégie d’autres types de prise en charge, parmi
lesquels nous retrouvons le Qigong. Cette technique chinoise est basée sur des théories
bouddhistes, s’appuyant sur les courants d’énergie et sur les transferts internes et externes
d’informations avec l’environnement. Malgré la rareté des études en anglais existant sur ce
sujet, une équipe américaine a pu évaluer un protocole Qigong d’une durée de 5 mois chez 25
enfants TSA, dans un essai randomisé et contrôlé. Les évaluations par les enseignants et les
parents mettaient en évidence des améliorations des capacités sociales et langagières et une
diminution des comportements autistiques chez les patients traités par rapport aux patients
ne bénéficiant pas du protocole (133). La même équipe a évalué un autre type de prise en
charge Qigong chez 8 enfants TSA de 3 à 6 ans. Après cette intervention et comparativement
à un groupe témoin, des scores plus élevés étaient rapportés dans le domaine sensoriel, dans
les capacités sociales et dans les actes de la vie quotidienne. Les problèmes de transit et de
sommeil étaient également améliorés dans ce groupe après la période de prise en charge
(134).
Une autre approche est représentée par l’effleurage, toucher superficiel de la peau
permettant de masser sans appuyer. Ce type de prise en charge est proposée chez les patients
alités ou assis avec appuis prolongés, notamment pour stimuler leur microvascularisation. Une
étude a permis de documenter cette technique sur 15 enfants TSA, à raison de 8 séances d’une
heure par semaine, en se focalisant sur les rapports parents-enfants. Les parents, initialement
incapables de se rapprocher de leurs enfants, pouvaient se sentir plus proches physiquement
et émotionnellement d’eux après l’intervention (135).
Enfin, plusieurs métanalyses mettent en évidence les bénéfices des différents
protocoles de massages dans l’autisme. Avec un faible niveau de preuve, ce type de prise en
charge permettrait de diminuer la sévérité des symptômes autistiques et des problématiques
sensorielles (129). D’autres effets ont été soulevés dans le domaine de la socialisation et des

91
capacités langagières, ainsi que des comportements adaptatifs. Cependant, les études en
question comprenaient un faible effectif et étaient à haut risque de biais (136).
Comme nous avons pu le voir, les massages ne bénéficient pas d’études suffisamment
« solides » pour mettre en avant leurs bénéfices chez nos jeunes patients. Malgré des résultats
statiquement peu puissants, ce type de prise en charge pourrait être proposée en
complément des autres outils thérapeutiques, pour avoir un impact plus important
notamment sur les aspects sensoriels et sur les rapports parent-enfant.

c. Enrichissement sensoriel
Décrit pour la première fois chez l’animal, l'enrichissement sensoriel a pour but
d’enrichir l’environnement dans lequel il se trouve pour satisfaire ses besoins, lui permettre
de mieux contrôler ses perceptions et occuper son temps. Les effets de ce type d’approche
ont pu être décrits dans des modèles animaux d’autisme. En guise d’exemple, nous pouvons
citer les améliorations retrouvées chez des rats exposés à l’acide valproïque (modèle
d’autisme le plus connu) après exposition à de l’enrichissement sensoriel : moindre sensibilité
aux stimuli non douloureux, moindre activité motrice stéréotypée, meilleure activité
exploratoire, plus grand nombre de comportements sociaux et diminution de l’anxiété (137).
Chez l’homme, peu d’études ont pu appliquer cette approche thérapeutique chez
l’enfant avec TSA. Une première étude mettait en évidence une diminution de la sévérité de
la symptomatologie autistique et une amélioration des capacités cognitives chez 13 enfants
TSA suivant 6 mois d’enrichissement sensoriel à domicile par rapport à un autre groupe
d’enfants TSA « non enrichis » (138). La même équipe a ensuite répliqué et étendu son essai
clinique : 6 mois d’enrichissement sensoriel à domicile augmentaient le quotient intellectuel,
amélioraient les performances langagières et diminuaient les réponses sensorielles atypiques
de 28 enfants TSA, comparativement à 22 enfants TSA sans enrichissement (139). Enfin, un
programme plus large et varié a permis d’évaluer l’enrichissement sensoriel chez plus de 1000
sujets. Celui-ci, délivré par internet, donnait aux parents les moyens d’« enrichir » leurs
enfants, à raison de 2 séances quotidiennes de 15 minutes chacune, et de remplir
régulièrement des questionnaires d’évolution. Les temps d’enrichissement, variables en
fonction des familles, ont mis en évidence des améliorations de plusieurs symptômes, en lien
avec l’apprentissage, la mémoire, l’anxiété, les capacités d'attention, les habiletés motrices,
l’alimentation, le sommeil, le traitement sensoriel, la conscience de soi, la communication, les
aptitudes sociales et les comportements liés à l'humeur et à l'autisme (140). Ce type de
programme est actuellement proposé sur internet sous le nom de Mendability, se déclinant
en plusieurs formules payantes en fonction de l’aide souhaitée
(https://www.mendability.com/).
L’enrichissement sensoriel bénéficie de quelques études montrant des résultats
encourageants et une applicabilité à domicile intéressante. Cependant, d’autres études sont
nécessaires pour permettre de mieux apprécier ses bénéfices chez les enfants avec autisme.
92
d. Packing
Le packing, ou enveloppement, est une technique thérapeutique d’inspiration
psychanalytique consistant à envelopper transitoirement le patient dans des draps froids et
humides ou secs. Introduite en France par Michael Woodbury dans les années 1960, cette
pratique a été reprise et promue par Pierre Delion, professeur de pédopsychiatrie au CHU de
Lille, qui est actuellement un de ses principaux défenseurs. S’inspirant des anciennes
techniques d’hydrothérapie, le packing permettrait aux patients psychotiques de retrouver
une contenance psychique par le corps et d’aménager un cadre psychothérapeutique
individuel et unique (141). Ses bases théoriques sont à relier aux concepts de moi-peau et de
schéma corporel, vus précédemment. Pour le Pr Delion, cette technique est indiquée chez les
enfants autistes sévères présentant des automutilations fréquentes (141).
Cette indication du packing dans l’autisme a été et est encore extrêmement contestée :
plusieurs associations de parents la considèrent comme une méthode inhumaine et
dégradante. En 2012, l’HAS et l’ANESM (Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des
établissements et services sociaux et médico-sociaux) publient un document officiel (142),
dans lequel elles précisent que :
« En l’absence de données relatives à son efficacité ou à sa sécurité, du fait des
questions éthiques soulevées par cette pratique et de l’indécision des experts
en raison d’une extrême divergence de leurs avis, il n’est pas possible de
conclure à la pertinence d’éventuelles indications des enveloppements
corporels humides (dits packing), même restreintes à un recours ultime et
exceptionnel. En dehors de protocoles de recherche autorisés respectant la
totalité des conditions définies par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP),
la HAS et l’Anesm sont formellement opposées à l’utilisation de cette
pratique. » (142)
De plus, une circulaire de la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées publiée en
Avril 2016 (143) interdit l’utilisation du packing dans les structures médico-sociales par le
paragraphe suivant :
« Enfin, la signature des CPOM avec des gestionnaires d’établissements et
services accueillant les personnes avec des troubles du spectre de l’autisme est
strictement subordonnée au respect d'engagements de lutte contre la
maltraitance, et donc à l’absence totale de pratique du « packing » au sein des
établissements et services médico-sociaux couverts par le CPOM. Le comité des
droits de l’enfant de l’ONU rappelle en effet, dans ses observations finales à la
suite de la cinquième audition de la France en février 2016 (observation 40), sa
« préoccupation concernant la technique du « packing » (consistant à
l’enveloppement d’un enfant avec des linges humides et froids) qui constitue
une maltraitance (…) ». Aussi, cette pratique doit être considérée comme une
mise en danger de la santé, de la sécurité et du bienêtre moral et physique des

93
personnes accompagnées par ces établissements et doit donc faire l’objet des
mesures appropriées et prévues dans le code de l’action sociale et des familles
(articles L. 331-5 et suivants). » (143)
Cependant, le packing reste d’actualité dans plusieurs centres hospitaliers français et
fait l’objet de quelques études, ayant pour objectif d’en déterminer l’efficacité au sein de la
population TSA. Pr Delion a récemment publié une étude multicentrique, comparant les deux
techniques de packing (humide et sec) chez 41 enfants TSA avec des comportements auto-
agressifs sévères. L’application de deux séances hebdomadaires de 30 à 60 minutes chacune
pendant 3 mois a permis la diminution des scores d’irritabilité de l’échelle ABC (Aberrant
Behavior Checklist) dans les deux groupes, ne mettant pas en évidence de différence
d’efficacité entre les deux méthodes (144). Le packing humide était également
statistiquement efficace dans la diminution des comportements agressifs chez 8 enfants et
adolescents TSA hospitalisés en psychiatrie (145).

e. « Hug machine » :
La machine à câlin a été inventée par Temple Grandin, autiste de haut niveau souffrant
d’une hypersensibilité tactile. Elle avait remarqué que les bovins, confinés dans un travail à
ferrer, étaient calmés par une pression qui leur était administrée. Elle construit alors une
machine délivrant une pression contrôlée par la personne elle-même, permettant d’apaiser
les tensions et l’anxiété (146). Quelques années plus tard, la machine à câlin a pu montrer sa
supériorité face au placebo dans un petit groupe d’enfants autistes : les niveaux d’anxiété et
d’éveil étaient diminués après une utilisation bihebdomadaire de 20 minutes pendant 6
semaines (147). Cette méthode serait indiquée chez les personnes présentant des troubles de
la sensibilité tactile et/ou de la régulation de l’état d’éveil. Le résultat serait une
désensibilisation, permettant ainsi que l’expérience du toucher devienne agréable.

f. Places de l’Haptonomie et du Kangaroo care


Dans les chapitres précédents, nous avons pu décrire les origines embryologiques de
la peau et expliciter le concept DOHaD, ouvrant le champ à d’autres types d’investigations
pré- et post-natales et poussant les cliniciens et les chercheurs à approfondir de nombreux
facteurs épigénétiques et environnementaux. Ce type de raisonnement peut également
s’appliquer aux approches thérapeutiques : certaines pratiques avant et après la naissance
pourraient-elles modifier le développement sensoriel de l’enfant ? Pourraient-elles avoir un
impact sur la survenue de troubles du développement ? Même si aucun lien n’a encore été
mis en évidence avec l’autisme et son apparition, nous allons décrire deux prises en charge
basées sur le toucher qui « entourent » la naissance : l’haptonomie prénatale et le kangaroo
care.
L’haptonomie, fondée par le chercheur en sciences de la vie Frans Veldman, est définie
comme « la science de l’affectivité ». Sa pratique est basée sur l’entrée en relation par le
94
toucher, décrit comme le « sens primitif de perception de la vie ». Le contact « thymotactile
affectivo-confirmant » vise à relaxer, faciliter la communication et le soin, dans une ambiance
de confiance et de sécurité. L’haptonomie prénatale se concentre alors sur les échanges entre
les parents et le fœtus, par l’affectivité et les contacts tactiles. Ceux-ci, proposés par les
parents sur le ventre de la mère, permettent les premiers échanges du fœtus avec son
environnement : ces contacts lui donnent la possibilité de s’adapter aux pressions des mains,
en se balançant ou en bougeant doucement. Le fœtus peut également réagir aux tonus du
diaphragme et du périnée maternels, sensibles à l’état affectif de la mère. Par ces échanges,
un dialogue affectif s’installe progressivement entre les parents et le fœtus, dans un cadre
apaisant et sécurisant, permettant un accompagnement de la grossesse et du développement
de l’enfant (148). Ces principes haptonomiques pourraient alors rejoindre d’autres bases
théoriques vues précédemment, comme les échanges sensori-toniques de Bullinger et la
présence d’arrière-plan de Geneviève Haag. Nous pourrions même considérer cette méthode
comme un « enrichissement tactile prénatal », aidant par exemple le fœtus à risque d’autisme
à mieux adapter ses réponses aux stimuli extérieurs et ainsi lui permettre un meilleur
développement sensoriel. Mais, pour l’instant, aucune étude ne peut conforter ces
hypothèses.
Parmi les approches post-natales, nous trouvons la méthode « mère kangourou »,
consistant à porter le nouveau-né sur son ventre dès la naissance, en contact peau-à-peau. Le
guide de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en décrit les caractéristiques et les
bénéfices (149). Réservée aux enfants prématurés et aux enfants nés à terme avec un faible
poids de naissance, les soins kangourou augmentent la prévalence et la durée de l’allaitement,
favorisent la protection thermique et le métabolisme, et diminuent le cortisol salivaire,
principal indicateur de stress. De plus, des bénéfices touchent aussi les parents de l’enfant, se
sentant plus en confiance et moins angoissés par rapport aux soins quotidiens à apporter,
améliorant ainsi les liens affectifs. Mais quel serait le lien de ces soins avec l’autisme ? Le faible
poids de naissance et la séparation maternelle pourraient contribuer à la dysbiose intestinale,
elle-même probablement associée à l’apparition des TSA (150). Nous pouvons alors émettre
l’hypothèse que ce type de prise en charge pourrait limiter ce risque chez les enfants
prématurés ou à faible poids de naissance. Cependant, des études restent nécessaires pour
en explorer la validité.

Ces prises en charge périnatales sont potentiellement applicables chez les enfants à
haut risque d’autisme et pourraient motiver plusieurs études. Même si les facteurs
étiopathogéniques des TSA ne sont pas encore élucidés, ces techniques pourraient en
concerner quelques-uns, permettant alors d’en limiter les risques d’apparition ou de dévier
des trajectoires développementales compromises.

95
Pour conclure, les approches thérapeutiques énumérées dans ce chapitre se montrent
intéressantes et certains aspects cliniques des TSA semblent réactifs à celles-ci, comme la
sensibilité tactile et les rapports parent-enfant. De plus, les comportements sociaux
pourraient tirer des bénéfices de ce type de prises en charge, mais des études plus rigoureuses
et statistiquement plus puissantes sont nécessaires. Enfin, compte tenu de leur applicabilité
et de l’absence d’effet secondaire, ces méthodes pourraient s’intégrer dans la prise en charge
globale de nos patients en tant qu’approches complémentaires, visant ainsi à « régler » leurs
perceptions tactiles.

2. Mes expériences cliniques personnelles


Pendant mon internat, j’ai eu la possibilité et la chance de découvrir deux services
prenant en charge les sujets avec TSA. J’ai d’abord découvert l’hôpital de jour et le Centre
Ressources Autisme du service de Pédopsychiatrie du CHRU de Tours, centre d’excellence
national, et l'USIDATU (Unité Sanitaire Interdépartementale d'Accueil Temporaire d'Urgence)
du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Pitié-Salpêtrière de Paris. Cette dernière est la seule
unité d’hospitalisation réservée aux enfants et adultes autistes avec des troubles graves du
comportement. Ces stages m’ont aidé à mieux connaitre la sémiologie autistique et à mieux
cerner les particularités sensorielles de ces patients. C’est pendant ces expériences que la
problématique du toucher a alimenté ma curiosité. En effet, observer des enfants évitant le
contact physique ou, au contraire, cherchant de manière indifférenciée toute stimulation
tactile m’a poussé à approfondir ce sujet. De plus, j’ai pu découvrir plusieurs types de prises
en charge dans différents contextes, me permettant alors de vous expliciter mes
considérations et de vous décrire un protocole d’enrichissement sensoriel que j’ai effectué sur
deux enfants TSA.

a. Toucher et troubles du comportement


L’USIDATU est une unité spécialisée dans la prise en charge des troubles du
comportement chez les enfants et les adultes atteints de troubles du développement avec ou
sans déficience intellectuelle. Les hospitalisations dans cette unité sont habituellement
courtes, permettant schématiquement la recherche d’une étiologie et l’adaptation de la prise
en charge thérapeutique. Les patients de l’USIDATU sont le plus souvent en crise
comportementale, nécessitant une formation de l’équipe à la prise en charge de ce type de
décompensations et des moyens de protection des patients et du personnel. La prise en
charge de ces patients est compliquée, mêlant des explorations somatiques aux hypothèses
psychiatriques, développementales et sensorielles. En plus d’une prise en charge
médicamenteuse, des évaluations et des interventions psycho-éducatives et psychomotrices
sont alors pratiquées de façon systématique. Parmi les interventions complémentaires, deux
techniques centrées sur le toucher ont retenu mon attention.

96
Dans un premier temps, j’ai découvert un outil vestimentaire, une tenue corps entier
appelée combinaison proprioceptive. Cette dernière, faite sur mesure, à manches courtes ou
longues, est très serrée et permettrait d’avoir des effets antalgiques et proprioceptives. Elle
est indiquée principalement dans le syndrome d'Ehlers-Danlos, maladie héréditaire du tissu
conjonctif se manifestant principalement par les symptômes suivants : hyperlaxité articulaire,
hyperextensibilité cutanée et fragilité tissulaire. Ce syndrome a été retrouvé chez un certain
nombre de patients TSA hospitalisés à l’USIDATU, permettant alors le port de ce type de
combinaison sur plusieurs sujets. Personnellement, je n’ai pu voir qu’un petit nombre de
patients la portant : s’ils la supportaient, elle pouvait leur apporter un meilleur tonus axial et
une diminution progressive des troubles du comportement. En effet, la combinaison
proprioceptive pourrait donner, par ses propriétés compressives, des entrées tactiles
permanentes, aidant au contrôle de la posture et du schéma corporel. De plus, l’effet
antalgique est probable, compte tenu du profil de certains enfants à s’automutiler sur des
zones déjà atteintes. Cet outil, encore en cours d’évaluation, pourrait donc être proposé chez
les patients TSA souffrant du syndrome d'Ehlers-Danlos, avec des troubles dysproprioceptifs
majeurs. Le port de cette tenue serait également à tester chez les patients TSA au profil
d’hyposensibilité tactile, leur permettant probablement d’être plus disponibles à leur
environnement et aux personnes présentes autour d’eux.
Une deuxième technique centrée sur le toucher ayant attiré mon attention est le
protocole d’immobilisation. Réservé aux crises comportementales, il permet d’apaiser le sujet
en lui fournissant une contention physique continue. Cette immobilisation peut se faire en
décubitus ventral sur un tapis, en tenant les bras et les jambes fixés au sol (minimum 3
soignants sont nécessaires). Tout mouvement du patient est contré par une pression exercée
par le soignant, permettant donc un retour tonique à toute mobilisation. L’apaisement
progressif du sujet pourrait être le résultat de plusieurs phénomènes : reprise de repères
spatiaux et corporels (perdus pendant la crise), recentrage de l’attention sur les perceptions
personnelles et isolement des stimuli extérieurs (probablement trop difficilement gérables
pendant la crise). Cette technique pouvait être tellement bénéfique pour certains patients,
qu’ils allaient la rechercher de façon répétée par des passages à l’acte fréquents (conduites
déviantes).
Pour conclure, les deux modalités de prise en charge que j’ai pu observer et tester
appliquent une pression plus ou moins homogène au niveau du corps du sujet. Cette sensation
semble apaiser les patients avec des profils d’hyposensibilité tactile et de troubles
dysproprioceptifs, permettant probablement une uniformisation et une meilleure intégration
d’entrées sensorielles diverses. Cela permet alors au patient d’orienter son attention vers son
environnement, voire de s’intéresser aux personnes autour de lui et aux interactions pouvant
être établies.

97
b. Toucher et enrichissement sensoriel
Mon stage au sein du service de pédopsychiatrie du CHRU de Tours a été une de mes
premières expériences avec les enfants TSA. Grâce à la compétence et la polyvalence de
l’équipe soignante, j’ai pu me familiariser avec la clinique de ces patients et les différentes
approches thérapeutiques. Le rapprochement avec l’ensemble des psychomotriciennes, et
notamment avec Mme Le Menn-Tripi, m’a permis d’estimer l’importance des troubles
sensoriels chez les enfants suivis dans le centre et de construire ma propre vision et mes
propres hypothèses basées sur ces problématiques. C’est dans ce cadre, et avec l’aide des
équipes médicale et paramédicale de l’hôpital de jour, que j’ai eu la possibilité (et la chance)
de mettre en place un protocole d’enrichissement sensoriel, et plus spécifiquement tactile.
Les enfants inclus dans mon protocole étaient 2 enfants de l’hôpital de jour, âgés de 8 et
10 ans. Les diagnostics de TSA étaient confirmés par les échelles ADI et ADOS et les profils
sensoriels étaient évalués par le Sensory Profile 2 de Dunn, mettant en évidence une
hyposensibilité tactile. L’enrichissement sensoriel s’étalait sur 6 semaines : 4 jours par
semaine pour un patient et 2 fois par semaine pour l’autre. Les séances quotidiennes duraient
9 minutes chacune et se divisaient en :

• 3 minutes de stimulation passive de l’ensemble du corps ;


• 3 minutes d’exploration active de différentes textures par l’intermédiaire des mains ;
• 3 minutes d’exploration active de différentes textures par l’intermédiaire des pieds.
L’enrichissement tactile avait lieu dans une salle privée de mobiliers et de stimuli extérieurs,
pouvant perturber le travail sensoriel effectué pendant les séances. Les matériaux utilisés
pour les stimulations (plastique, tissu, éponge, plume) étaient variables et changeaient tous
les jours, en diminuant ainsi l’habituation et la prévisibilité. L’évaluation comprenait 4
temps (6 semaines avant l’enrichissement, au début et à la fin du protocole, et 6 semaines
après) et 4 outils cliniques :

• ECA2 : Echelle des Comportements Autistiques – 2e version


• EC2R : Echelle des Comportements Répétés et Restreints
• Short Sensory Profile 2
• EPSA : Echelle des Particularités Sensori-psychomotrices dans l’Autisme
Le déroulement du protocole m’a permis d’en apprécier sa faisabilité. Pendant les séances,
les enfants étaient coopérants et se laissaient faire sans difficulté. Ils me reconnaissaient
lorsque j’allais les chercher sur les groupes et je constatais à plusieurs reprises leur
engagement et leur volonté de participer à l’activité. Au bout d’un certain nombre de séances,
les changements de stimulations étaient moins surprenants, voire anticipés par l’enfant. Les
bénéfices étaient perçus environ à partir de la 8e séance (fin de la 2e semaine): les stimulations
étaient plus apaisantes et parfois réclamées à la fin du créneau. Les enfants, souvent pris par
des autostimulations auditives et/ou visuelles, pouvaient être calmés par les massages
apportés. Pour le patient plus fréquemment enrichi, un phénomène nouveau a pu se produire

98
pendant les séances vers la fin du protocole : l’enfant synchronisait deux autostimulations de
différente nature (vocalise + mouvement de la main devant les yeux ou sur les oreilles). Non
expliquée par la littérature, la synchronisation observée pourrait-elle représenter la première
étape d’une réorganisation neurosensorielle? Par ailleurs, l’évolution des échelles a mis en
évidence des légers changements, mais non spécifiques à l’approche tactile proposée. En
effet, le nombre de patients étant incompatibles avec des analyses statistiques, ce type de
protocole pourrait bénéficier dans le futur d’une population plus importante et d’une
meilleure prise en compte des caractéristiques des enfants, ainsi que de leurs prises en charge.

Ces expériences cliniques ont enrichi ma pratique et m’ont permis de me rapprocher


un peu plus des ressentis des sujets avec TSA. Pour ces derniers, l’environnement peut
représenter une véritable menace, nous poussant à réfléchir autrement les milieux dans
lesquels nous vivons. Ceci doit également nous pousser à nous adapter à la personne que nous
avons en face, en tenant compte de ses caractéristiques et de ses spécificités.

99
Conclusion

L’approche moderne de l’autisme tend à le décrire comme un trouble


neurodéveloppemental centré sur le sujet, s’éloignant de plus en plus des problématiques
mère-enfant telle qu'elles étaient conceptualisées dans la 2e moitié du XXe siècle. La
sensorialité prend alors toute sa place dans cette vision, nous poussant à réfléchir, à voir
autrement et probablement même à redéfinir ce qu’est la relation à l’autre. Parmi les sens
dont nous disposons, le toucher est celui qui permet le mieux cet exercice. Défini par certains
comme l’« organe social » par excellence, le tact est le premier à se développer in utero et
probablement celui permettant les premières interactions avec la mère. Dès la naissance, son
rôle parait primordial lors des contacts avec les parents : grâce à celui-ci, le bébé est allaité,
changé, manipulé. Comme nous avons pu le voir, ces expériences tactiles seraient même
impliquées dans la construction du schéma corporel, dans les prémices du psychisme et dans
le développement de l’intersubjectivité. Le toucher serait alors à la base de phénomènes
édifiants pour le nouveau-né : la construction du sujet en tant qu’être indépendant et la
construction du sujet parmi les autres, dans un environnement précis.
Or, ce sont probablement ces aspects qui font défaut dans l’autisme et qui mettent en
évidence des spécificités dans les représentations de soi, des autres et de l’environnement.
Appliqués à l’approche développementale actuelle, les particularités tactiles pourraient alors
être à l’origine de ces atypicités : comment l’enfant peut-il se construire s’il n’arrive pas à
intégrer correctement les stimulations tactiles qu’il reçoit ? Cette hypothèse permettrait
également d’établir un lien avec les visions centrées sur la relation mère-enfant : les premières
interactions seraient effectivement essentielles, mais l’absence d’effet de celles-ci ne serait
pas due à la mère. Cette dernière ne serait pas responsable d’interactions « défectueuses »,
mais ce serait plutôt le système sensoriel de son bébé qui serait moins réceptif à celles-ci. Les
particularités tactiles dans l’autisme seraient alors le reflet des troubles de la relation, des
incapacités à rentrer en relation avec soi-même, avec les autres, avec l’environnement. De
manière provocatrice, nous pourrions même suggérer l’idée que les deux dimensions
autistiques proposées par le DSM 5 ne seraient que la conséquence des troubles sensoriels
décrits précédemment. D’un point de vue développemental, les particularités tactiles,
probablement déjà présentes à la naissance, bloqueraient la capacité de rentrer en
communication avec autrui (1ère dimension) et seraient à l’origine, par des mécanismes encore
méconnus, de comportements répétitifs et stéréotypés (2e dimension).
Compte tenu de cette hypothèse, les approches thérapeutiques centrées sur le
toucher auraient alors toutes leur intérêt. « Corriger » les particularités tactiles pourrait
améliorer la perception de nos patients, ainsi que leurs capacités relationnelles. Or, les
résultats des études que nous avons présentés ne nous permettent pas d’affirmer les
bénéfices des massages et des autres thérapies tactiles. Des efforts doivent encore être faits
pour préciser la place de ces approches dans la prise en charge globale de nos patients.

100
Cependant, si des prises en charge complémentaires peuvent et doivent être réfléchies
pour diminuer l’inconfort sensoriel de nos patients, le respect de ces particularités doit
également être primordial. En effet, si la recherche des causes et des thérapies reste
importante, le défi au XXIe siècle de l’autisme, de la psychiatrie et du psychiatre d’aujourd’hui
repose sur l’intégration des patients dans notre société. Celle-ci doit se donner les moyens de
changer, de s’adapter, d’avancer. Et pour le faire, je pense que notre rôle est bien sûr de traiter
le patient, mais surtout de faire accepter le sujet, tel qu’il est face à lui-même et tel qu’il est
face aux autres.

101
Annexes
Annexe 1 – Critères diagnostiques du TSA (DSM-5)
A) Difficultés persistantes sur le plan de la communication et des interactions sociales
(présent ou passé) (3 symptômes sur 3)
• Réciprocité socio émotionnelle, initiative, conversation sociale, partage d’intérêt, des
émotions
• Déficit de la communication non verbale, coordination des moyens de communication
verbaux et non verbaux de manière adaptée au contexte, utilisation et compréhension
du contact verbal
• Difficultés à comprendre et maintenir les relations sociales de manière adaptée à l’âge,
difficulté à adapter son comportement aux différents contextes sociaux, difficultés à
partager le jeu symbolique et imaginaire avec autrui, absence manifeste d’intérêt pour
autrui
B) Comportements stéréotypés ou intérêts restreints passé ou présent (2 symptômes sur 4)

• Utilisation de mouvements répétitifs/stéréotypés, utilisation particulière du langage


(écholalie différée, phrases idiosyncratiques, propos stéréotypés) et des objets (ex :
alignement d’objets, rotation d’objets)
• Insistance sur la similitude, adhésion aux routines et rituels verbaux ou non verbaux
(intolérance aux changements, pensées rigides, salutations stéréotypées, itinéraires,
nourriture identiques tous les jours)
• Intérêts restreints, limités ou atypiques quant à l’intensité et au type d’intérêt
(attachement excessif ou inhabituel à un objet, intérêt limité à certains sujets qui
prennent une importance excessive)
• Hyper ou hypo réactivité à des stimuli sensoriels ou intérêts inhabituels envers des
éléments sensoriels de l’environnement (ex indifférence à la température ou à la
douleur, hypersensibilité à certains sons, fascination pour certaines sources
lumineuses ou des objets qui tournent)
C) Les symptômes doivent être présents depuis la petite enfance mais il est possible qu’ils se
manifestent pleinement seulement au moment où les demandes sociales dépassent les
capacités individuelles
D) Les symptômes limitent ou altèrent le fonctionnement quotidien
E) Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un retard du développement intellectuel
ou un retard du langage.

102
Annexe 2 – Sensory Profile 2

103
104
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123
Vu, le Directeur de Thèse

Vu, le Doyen
De la Faculté de Médecine de Tours
Tours, le

124
GUIDOTTI Marco

126 pages – 9 tableaux – 23 figures

Résumé :
Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) sont des troubles du neurodéveloppement
touchant environ 1% de la population générale et se manifestant par des perturbations de la
relation et de la communication sociale, ainsi que par des comportements répétitifs et
stéréotypés. Depuis 2013, les anomalies sensorielles font partie des critères diagnostiques des
TSA établis par le Diagnostical and Statistical Manual of mental disorders (DSM). Parmi ces
particularités sensorielles, celles comprenant le toucher sont souvent présentes en clinique
courante et ont fait l’objet de plusieurs études. Ces dernières mettent en évidence des
troubles de la perception et des anomalies neurophysiologiques, mais restent peu
concluantes. Or, le toucher est un sens primordial dans le développement humain. Premier
sens se mettant en place au cours de la vie fœtale, il jouerait un rôle important dans les
premières interactions entre le bébé et sa mère. Pour certains auteurs, le toucher serait même
un véritable organe social, à la base de la construction du schéma corporel, du psychisme,
ainsi que du développement de l’intersubjectivité. Par conséquent, les anomalies tactiles
présentes dans l’autisme pourraient être responsables de troubles de la relation sociale
observés au cours du développement. Cette hypothèse neuropsychopathologique ouvre alors
un champ thérapeutique centré sur les thérapies d’intégration sensorielle et les différents
protocoles de massages. Ces approches complémentaires permettraient d’améliorer la
perception de nos patients, mais elles pourraient aussi, compte tenu de nos observations,
avoir un impact sur leurs capacités sociales.

Mots clés : Autisme - Particularités tactiles – Schéma corporel - Intégration sensorielle - Massages

Jury :
Président du Jury : Professeur Frédérique BONNET-BRILHAULT
Directeur de thèse : Professeur Frédérique BONNET-BRILHAULT
Membres du Jury : Professeur Vincent CAMUS
Professeur Jean XAVIER
Docteur Ugo FERRER-CATALA

Date de soutenance : 15 octobre 2019

126

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