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Faculté de Médecine d’Alger

CHU Mustapha Pacha


Service de Chirurgie Thoracique

DILATATIONS DE BRONCHES
(DDB)

Cours destiné aux résidents de 3ème année de Chirurgie Générale


Année universitaire (2019-2020)

Dr S.E. BOUSSENSLA
Maître de Conférences
PLAN DU COURS
• DEFINITION
• INTERET DE LA QUESTION
• PHYSIOPATHOLOGIE
• CLASSIFICATION ANATOMO-PATHOLOGIQUE
• ETIOLOGIES
• AGENTS PATHOGENES
• CLINIQUE
• EXAMENS COMPLEMENTAIRES
• DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
• EVOLUTION
• COMPLICATIONS
• TRAITEMENT
• CONCLUSION
DEFINITION

Les bronchectasies sont définies


par une augmentation permanente
et irréversible du calibre
des bronches par destruction
de l’armature fibro-élastique
et cartilagineuse.

Leurs fonctions sont altérées


dans des territoires plus ou moins
étendus.
INTERET DE LA QUESTION

Maladie fréquente, sous-estimée, prédominance


féminine, souvent diagnostiquée chez les sujets
de plus de 50 ans.

Évolution et pronostic dépendent de l’étendue


de l’atteinte, de la précocité de la prise en
charge et du terrain.

Complications : infections; hémoptysies ;


insuffisance respiratoire chronique.
PHYSIOPATHOLOGIE

Les bronchectasies sont la conséquence de


phénomènes essentiellement locaux : agression de la
muqueuse bronchique, entraînant des dommages
tissulaires, altérants la clairance mucociliaire,
favorisant ainsi la prolifération microbienne, qui va
elle-même entraîner une agression de la muqueuse
bronchique.

Il en résulte donc un cercle vicieux, appelé« cercle


vicieux de Cole », qui entretient l’inflammation
locale et favorise le développement de DDB.
PHYSIOPATHOLOGIE

La charge bactérienne permet le relargage in situ de facteurs


chimiotactiques pour les polynucléaires

Ceux-ci libèrent des protéases qui ont un rôle délétère sur


la muqueuse bronchique et contribuent à l’entretien
de l’inflammation, de l’hypersécrétion bronchique, des lésions
épithéliales avec altération des battements ciliaires.

Ces perturbations mucociliaires expliquent l’encombrement et


l’obstruction au niveau des voies aériennes périphériques.
PHYSIOPATHOLOGIE

Les zones devenues non fonctionnelles constituent


initialement un effet shunt.
Avec l’évolution de la maladie, les résistances vasculaires
augmentent et les territoires non ventilés deviennent
également non perfusés.

La résistance vasculaire pulmonaire augmentée va


favoriser le développement d’une néo vascularisation
artérielle bronchique tortueuse et éctasique, couplée
avec l’inflammation locale chronique, va être à l’origine
des hémoptysies.
CLASSIFICATION ANATOMO-PATHOLOGIQUE

Prédominent dans les lobes inférieurs.

Trois présentations sont visibles, de gravité croissante.

Classification de REID:

les bronchectasies cylindriques (fusiformes)


les bronchectasies variqueuses (moniliformes)
les dilatations sacciformes (kystiques)
BRONCHECTASIES CYLINDRIQUES (FUSIFORMES):

dilatation régulière
des lumières bronchiques,
en amont d’un bouchon
muqueux brutalement
obstructif.
BRONCHECTASIES VARIQUEUSES (MONILIFORMES):

succession de dilatations
irrégulières des lumières
bronchiques et
de sténoses incomplètes.
BRONCHECTASIES KYSTIQUES (SACCIFORMES):

les bronches augmentent


progressivement de diamètre
et se terminent en cul-de-sac.
ASPECTS MICROSCOPIQUES

L’atteinte inflammatoire touche


la paroi bronchique : destruction de
tous ses constituants (tissu
élastique, cartilage, muscle lisse). La
cicatrisation laisse en place
du tissu fibreux.

Une hyper vascularisation


systémique est constamment
observée à l’origine d’hémoptysies
fréquentes. (Anastomoses artérielles
bronchiques et pulmonaires)
ETIOLOGIES

Conjonction de facteurs environnementaux


(infectieux et mécaniques) et d’un terrain
prédisposant.
FACTEURS INFECTIEUX

Des antécédents d’infection respiratoire sévère (coqueluche,


infection virale...) sont retrouvés dans plus de 50 % des cas.

Divers mécanismes sont imputés dans la tuberculose :


compression bronchique par une adénopathie, destruction
parenchymateuse ou traction par les tissus cicatriciels.

La rougeole, les infections à Mycoplasma pneumoniae, à VRS


ou à adénovirus et au virus de l’immunodéficience humaine
(VIH) sont incriminées.

Le diagnostic de l’aspergillose broncho-pulmonaire allergique


est évoqué devant la triade asthme, bronchectasies
proximales et hyper éosinophilie
FACTEURS MECANIQUES

Toute obstruction ou compression bronchique


peut provoquer des bronchectasies localisées :
corps étranger, adénopathie compressive,
tumeur bronchique, lésion bronchique
traumatique.

Le reflux gastro-œsophagien et l’inhalation


de produits toxiques.
FACTEURS LIES A L’HOTE

Souvent à l’origine de formes plus diffuses.

Syndromes rares : syndrome de Williams-Campbell (déficience


cartilagineuse), de Mounier-Kuhn (dilatation de la trachée et
des bronches principales, et une polypose nasosinusienne), de
Marfan etc.

Déficits immunitaires.

Anomalies de la fonction ciliaire : infections répétées ORL et


bronchiques, une stérilité masculine (syndrome de Young).

La mucoviscidose constitue une étiologie avérée des DDB.


Les maladies de système : essentiellement la PR.
DDB IDIOPATHIQUES

Pour lesquelles aucune cause n’a pu être identifiée


après les différentes investigations.

Bilatérales, prédominant sur les lobes inférieurs et


associés à des rhino sinusites chroniques.
AGENTS PATHOGENES

Par ordre décroissant de fréquence :


Haemophilus influenzae,
Pseudomonas aeruginosa,
Staphylococcus aureus,
Streptococcus pneumoniae.

Autres :
Mycobacterium tuberculosis.
Les mycobactéries atypiques.
LA CLINIQUE

L’expectoration : habituellement ancienne et quotidienne ;


l’abondance est variable. Elle peut manquer.

Les expectorations sédimentent en plusieurs couches :


spumeuse, muqueuse et purulente avec des débris.

Les recrudescences hivernales sont fréquentes :


augmentation de l’abondance des expectorations et
modification de leur aspect qui prend un caractère
franchement purulent.

L’interrogatoire permet parfois de rapporter le début de


cette bronchorrhée à l’enfance ou l’adolescence.
LA CLINIQUE

Les hémoptysies (50 à 70 %) vont du simple crachat hémoptoïque


aux hémoptysies massives. Elles peuvent constituer le premier
symptôme de la maladie dans les formes dites « sèches ».

La dyspnée qui est variable en fonction de l’étendue des


lésions.

Fréquence de l’hippocratisme digital, pauvreté des signes


généraux même en cas de suppuration ;

Auscultation : râles bronchiques, + ou – sibilants, souvent perçus


comme des « craquements » ;

Une sinusite chronique est souvent associée.


LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES

Radiographie thoracique :

N’a qu’une valeur d’orientation et sa normalité ne peut


exclure le diagnostic.
Bronchectasies cylindriques : hyperclartés par visibilité
spontanée des parois bronchiques épaissies (aspect en
rails) ou des opacités tubulées traduisant des bronches
pleines de sécrétions ;
Bronchectasies variqueuses : aspect en « pseudorayon de
miel » ;
Bronchectasies kystiques : aspect multicavitaire, parfois
niveaux liquidiens.
Des lobes ou des segments collabés peuvent se voir.
Aspect en « pseudorayon de miel »
Aspect en « rayon de miel » localisé à droite évoquant des DDB
Destruction pulmonaire droite par dilatation des bronches préférentiellement
localisées à droite.
Bronchectasies cylindriques : arbre bronchique inférieur droit présentant
un aspect typique en « rails ».
Tomodensitométrie : les critères sont

L’absence de réduction progressive de calibre des


bronches au fur et à mesure que l’on s’éloigne des hiles.
Ce signe est probablement le plus fiable ;

Le diamètre intra bronchique supérieur à celui de


l’artère associée ;

Les bronches visualisées au niveau du tiers externe du


parenchyme pulmonaire.

Aspect radiologiques : aspect en rails ; en « bague à


chaton » ; grappes de kystes...
Images en « rails » caractéristiques
Image « en bague à chaton »
Grappes de kystes
Un chapelet d’images pseudo-kystiques (bronchectasies variqueuses)
Impactions mucoïdes
Bronchographie

Abandonnée
Endoscopie trachéobronchique :
Utile pour des prélèvements bactériologiques protégés ;
Un bilan précis de l’état endobronchique ; la recherche
d’une cause locale comme un corps étranger inhalé
ou une compression extrinsèque;
Lors des hémoptysies pour localiser le saignement et
guider la conduite à tenir.

Examen cytobactériologique des expectorations :


Examen clé pour suivre la colonisation bactérienne
bronchique (plus de 3 ECBC positifs en 6 mois) et pour
contrôler l’efficacité des ATB.
Exploration fonctionnelle respiratoire (EFR) :

Doit être réalisée en état stable, en dehors


des poussées infectieuses.
Pas de profil fonctionnel particulier.

Un syndrome obstructif est observé chez la plupart


des patients ; l’association à un syndrome restrictif
est fréquente, due en général à la présence
de territoires atélectasiés ou non ventilés.
Scintigraphie pulmonaire de ventilation et/ou de perfusion :

Utile en cas d’exérèse chirurgicale, permet d’orienter


les résections en précisant si les zones cibles
sont fonctionnelles.

Examen diagnostique élégant, surtout chez l’enfant,


car l’absence d’amputation du lit vasculaire isotopique
exclut l’existence de bronchectasies
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

Clinique :
Les abcès du poumon ;
La tuberculose ;
La bronchite chronique ;
Asthme.

Paraclinique:
La maladie polykystique pulmonaire ;
La séquestration pulmonaire.
EVOLUTION, COMPLICATIONS
L’évolution et le Pc sont essentiellement fonction de l’étendue
des lésions et du terrain.

Les formes localisées: marquées par une évolution simple.


Les surinfections sont rares et bien tolérées.

Le drainage bronchique bien compris permet de limiter


le retentissement de cette affection sur la vie quotidienne.

Formes étendues et évoluées :

Les complications infectieuses sont les plus fréquentes : épisodes


de surinfection bronchique, colonisation bactérienne, infection
parenchymateuse (abcédée ou non) ou pleurale.
Les complications hémorragiques: volontiers contemporaines
d’une surinfection et récidivantes.

Insuffisance respiratoire.
TRAITEMENT

Buts
Amélioration des symptômes
Freiner l’évolution de la pathologie

Moyens
Médicaux
Embolisation
Chirurgie
Prise en charge médicale

Suppression de tout irritant bronchique, en particulier du tabac.

La prise en charge des foyers infectieux (dentaires et ORL),


un éventuel RGO.

La prévention des infections respiratoires (vaccination antigrippale


et antipneumococcique).

L’exclusion des antitussifs, somnifères et sédatifs dans les formes


évoluées.

Le drainage bronchique est prioritaire : drainage de posture et


l’expectoration dirigée. Drainage bronchique quotidien ou
pluriquotidien avec ou sans kinésithérapeute.

Boissons abondantes et fluidifiants bronchiques.


La gestion de la colonisation et des infections bactériennes,
l’antibiothérapie au long cours n’étant pas recommandée,
un traitement par ATB ne devra être instauré qu’en cas
d’exacerbation et après une documentation bactériologique
rigoureuse.

Broncho-dilatateurs de type B2 mimétiques.

Antibiotiques par aérosols est recommandée par certaines équipes


mais ne repose sur aucune étude particulière.

Les corticostéroïdes inhalés ont un intérêt théorique.


Ils permettent de réduire l’inflammation bronchique, le volume
de l’expectoration et pour certains d’améliorer le VEMS.
L’embolisation

L’embolisation des artères bronchiques se justifie


devant une hémoptysie grave.

Cette technique n’évite pas les récidives à long terme


mais a l’avantage d’être immédiatement efficace et
de pouvoir être renouvelée.

Elle n’est pas exempte de complications.


Prise en charge chirurgicale

L’intervention peut aller de la segmentectomie,


à la pneumonectomie, voire parfois à la résection
bilatérale en deux temps

Bilan préopératoire :

Un bilan préopératoire exhaustif est indispensable, car


il permet à la fois de poser l’indication chirurgicale
en précisant le geste à réaliser et de détecter les éléments
devant faire prendre des précautions particulières.

TDM Thoracique; scintigraphie pulmonaire; EFR; Fibroscopie


bronchique; ECB des crachats; Exploration cardiaques.
Préparation préopératoire :

La préparation préopératoire est fondamentale.

Elle est principalement constituée par la kinésithérapie


respiratoire intensive, aérosols : humidification, corticoïde.

Volumétrie des crachats (inf a 10cc/j) et aspect des crachats.

De nombreuses équipes proposent une antibiothérapie


préopératoire débutée entre 15 jours et quelques heures
avant l’intervention.

En cas d’exacerbation, il est recommandé de différer


l’intervention jusqu’à ce que l’infection soit contrôlée.
Cas des dilatations des bronches unilatérales :

En cas d’atteinte localisée, il est toujours préférable de réaliser


une résection anatomique, type segmentectomie, plutôt qu’une RA
(wedge), car la pathologie touche en général toute l’entité anatomique.

Le cas chirurgical le plus fréquent est celui d’une DDB symptomatique,


mais localisée à un seul lobe pulmonaire. Dans ce cas une résection
complète des lésions de DDB peut alors être aisément réalisée.

En effet, plusieurs études ont prouvé que lorsque la résection


des lésions est complète, les résultats postopératoires sont meilleurs
en terme de symptomatologie et de morbidité postopératoire.

Certaines équipes s’accordent à dire qu’il vaut mieux effectuer


une pneumonectomie, qu’une résection incomplète ayant un résultat
à distance moins bon et conduisant parfois à une nouvelle intervention
pour pneumonectomie de totalisation.
Cas des dilatations des bronches bilatérales :

Certaines équipes proposent également des résections bilatérales, le but


étant de réaliser une résection complète des lésions, tout en préservant
au maximum la fonction respiratoire.

À partir de là, différents types de résection peuvent être proposés,


en préservant au minimum deux lobes, ou six segments en tout.

En cas de résections bilatérales, le geste sera effectué en deux temps car


la résection en un seul temps expose à un risque accru de complications
respiratoires.

De plus, le côté le plus atteint sera toujours opéré en premier, car il est
difficile de prédire si le deuxième côté pourra finalement être opéré,
en fonction de l’état du patient et de sa compliance et car parfois
la résection du premier côté est suffisante pour améliorer
la symptomatologie.
Cas des dilatations des bronches diffuses :

Dans certains cas un traitement chirurgical, même incomplet, peut être


proposé en vu d’améliorer les symptômes et la qualité de vie, lorsque
le traitement médical n’est pas suffisant.

Il s’agit de patients dont la fonction pulmonaire est encore compatible


avec un geste chirurgical et qui présentent une DDB inhomogène.
Le scanner et la scintigraphie pulmonaire permettent de mettre en
évidence les zones cibles qui sont à réséquer et qui correspondent aux
secteurs où la perfusion est diminuée.

Il s’agit en général de zones de destruction kystiques, constituant


des foyers de suppuration pouvant contaminer les territoires adjacents.
Les zones les mieux perfusées sont constituées par des DDB cylindriques,
qui vont donc être les zones à conserver lors de résections limitées.

Chez les patients présentant une DDB homogène, si malgré un traitement


médical bien conduit, la pathologie évolue vers une altération de la
fonction pulmonaire avec une IR sévère, la seule alternative possible
restera la transplantation pulmonaire.
Evolution post-opératoire :

Mortalité postopératoire globale 1 % ; morbidité 16 %

Les principales complications postopératoires : le bullage prolongé,


l’atélectasie et les complications infectieuses ; plus rares : la fistule
broncho-pleurale, l’hémorragie, l’arythmie, ou l’infarctus du myocarde.

Suivi à long terme :

Pas de baisse significative du VEMS et de la CV : les zones réséquées sont,


la plupart du temps, non fonctionnelles.

Evolution : asymptomatique 70 % ; amélioré 19 % ; non amélioré 11 %.


INDICATIONS

TRT Médical:
Formes non compliquées, localisées ou diffuses.

TRT Chirurgical:
Echec du traitement médical.
Complications : • Infection récurrente
• Empyème ou l’abcès pulmonaire
• Hémoptysie
• Pneumothorax secondaire
Masse pulmonaire non diagnostiquée.

Embolisation:
En cas d’hémorragie grave (en urgence),
Pour préparer le malade pour un geste au froid.
En cas de contre-indication opératoire.
CONCLUSION
Les dilatations des bronches peuvent être confondues avec d’autres
causes de suppuration bronchique.

Cette confusion peut être évitée, en partie, par une bonne analyse
anamnestique et clinique, et surtout dans tous les cas où un doute
persiste, par le recours à des investigations radiologiques précises
et non invasives.

Le traitement repose d’abord sur le drainage bronchique régulier,


complété au besoin par le contrôle des infections bactériennes.

Les bronchectasies constituent une maladie vécue comme


invalidante par la plupart des patients, avec un retentissement
social et professionnel souvent important.

L’évolution vers l’insuffisance respiratoire est responsable


d’une diminution de l’espérance de vie chez beaucoup d’entre eux.

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