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PROTHÈSES D’ÉPAULE.
ÉTAT ACTUEL
Sous la direction de
Avec la collaboration de
Coordinateurs :
Pascal BOILEAU
Professeur des universités, praticien hospitalier, chirurgien orthopédiste
et traumatologique, chef de service à Nice
Gilles WALCH
Chirurgien orthopédiste et traumatologique à Lyon
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D. HUTEN
RÉSUMÉ SUMMARY
L’ère des prothèses d’épaule a débuté à la fin du XIXe siècle, avec The era of shoulder replacement began at the end of the
Péan, inspiré par les travaux de Glück. Il faut attendre les années 19th century with Péan who followed Glück’s ideas. During
1950 pour voir apparaître, notamment en France, des séries de the fifties, acrylic humeral prosthesis was used in France mainly
prothèses acryliques pour fracture de l’humérus proximal. Mais to face complex upper humerus fractures. However, history of
c’est avec Charles S. Neer que débute véritablement l’histoire des shoulder replacement really started with Charles S. Neer. He
prothèses d’épaule. Il a conçu sa première prothèse humérale en designed his first humeral prosthesis in 1951 and modified it
1951, qu’il a modifiée en 1973 pour la coupler à une pièce glé- in 1973 to match it with a glenoid component. Neer’s contri-
noïdienne. L’apport de Neer à l’arthroplastie de l’épaule est consi- bution to shoulder replacement is tremendous. He created a
dérable. Il a créé un concept d’implant peu contraint, cherchant new concept of minimally constrained implant, aiming at
à reproduire l’anatomie ; a détaillé la technique opératoire, pré- reproducing the anatomy. He also detailed the operative tech-
cisé les modalités de la rééducation et enfin, évalué ses résultats. nique of prostheses for complex fractures or arthropathies, the
Une grande partie des principes qu’il a énoncés reste d’actualité. post-operative rehabilitation and evaluated his results. Most
Ses travaux et ceux des nombreux utilisateurs de sa prothèse ont of his principles are still true today. His studies and those of
permis d’en préciser les limites : l’insuffisance de la coiffe des the many users of his prosthesis allowed to determine the
rotateurs et la précarité de la fixation glénoïdienne. Après cette limits of his concept: rotator cuff insufficiency and weakness
prothèse « monobloc », dite de première génération, d’autres pro- of glenoid fixation. Other prosthetic systems were then desi-
thèses modulaires, dites de deuxième génération ont vu le jour, gned. Modularity was applied to the humeral component to
permettant de mieux s’adapter aux variations des dimensions match the various build of patients. These so-called second
squelettiques, mais n’ont pas été un très grand progrès. Boileau generation prostheses were not really a great improvement.
et Walch, s’appuyant sur des travaux anatomiques qui mon- Boileau and Walch, after anatomical studies that demons-
traient la grande variation de l’anatomie de l’humérus proximal, trated great variations of upper humerus anatomy, introdu-
ont alors introduit un nouveau concept : l’adaptabilité prothéti- ced a new concept: prosthetic adaptability. A more complex
que. Ce concept permet, à partir d’une coupe passant par le col modularity allows, from a bone cut through the anatomical
anatomique, de reconstruire une épiphyse humérale très proche neck, to reconstruct a humeral epiphysis very close to patient’s
de celle du patient en adaptant en préopératoire la prothèse à anatomy. The third generation of anatomical humeral pros-
l’anatomie individuelle de chaque patient. Les prothèses humé- thesis was born. Many authors attempted to find solutions to
rales dites « anatomiques » de troisième génération étaient nées. the difficult problem of glenoid fixation. Operative technique
Au niveau des implants glénoïdiens, de nombreuses modifications significantly improved. Many modifications of articular and
des surfaces articulaire et non articulaire ainsi que de l’ancrage non articular surfaces and of anchorage appeared but there is
ont vu le jour, mais il n’existe pas encore de solution idéale. La no ideal glenoid implant today. Improvements of uncemented
fixation sans ciment n’a pas connu un grand développement du fixation were applied to shoulder replacement but cementless
côté huméral en France et a été abandonnée au niveau de la fixation was not very successful on the humeral side in France
glène. À côté de ces prothèses conventionnelles, d’autres types de and was abandoned on the glenoid side. Besides these conven-
prothèse ont été proposés et ont connu des succès divers. La pro- tional prostheses, other arthroplasties are now available.
thèse humérale bipolaire n’a pas fait la preuve de son intérêt. Des Fracture prosthesis are used today. Bipolar humeral prosthe-
prothèses spécifiques pour les fractures sont aujourd’hui utilisées. sis did not convince. Cup resurfacing requires an almost intact
Le resurfacement par cupule humérale suppose une épiphyse peu epiphysis and could be interesting in young patients because
ou pas altérée et pourrait avoir une place chez les sujets jeunes it is bone sparing. However, the greatest recent step forward in
surtout, car il respecte le capital osseux. La prothèse inversée de shoulder arthroplasty is the reverse arthroplasty designed by
Grammont constitue incontestablement le plus grand progrès Grammont. The concept of fixed fulcrum prosthesis is not new.
récent de l’arthroplastie d’épaule. Son succès repose sur la média- Many attempts occurred during the seventies but they failed.
lisation et l’abaissement du centre de rotation, qui permet de res- The success of the Grammont prosthesis is based on its more
taurer l’élévation active dans les arthropathies avec insuffisance medial and more distal center of rotation. It allows restoration
de la coiffe. L’absence de rotation externe active peut être palliée of the active anterior elevation despite cuff insufficiency. Lack
par un transfert musculaire. Sa survie est de loin supérieure à of active external rotation can be compensated using tendon
toutes les prévisions, mais la menace d’un descellement difficile à transfer. Survivorship is very superior to what was expected.
reprendre doit encore la faire réserver à des patients relativement This arthroplasty should be used in rather elderly patients only,
âgés. Néanmoins, le champ de ses indications s’est largement because revision surgery is difficult and uncertain. However, its
étendu, en particulier aux révisions prothétiques. indications widely spread.
Mots clés : Prothèse d’épaule. – Prothèse anatomique. – Prothèse Key words: Shoulder prosthesis. – Anatomical prosthesis. – Reverse
inversée. prosthesis.
jeune fille de 17 ans qui présentait une arthrite tuber- rales modernes.
culeuse. Il implanta au total 14 prothèses, dont 5 sont La première prothèse humérale en chrome-cobalt
documentées (3 prothèses de genou, 1 de coude et 1 du dont le dessin se rapproche de celui des prothèses
poignet, toutes pour arthrite tuberculeuse). Il recom- conventionnelles actuelles est celle de Krüger [59],
mandait l’implantation sans ciment mais il avait ima- qui possédait une courbure métaphysaire rappelant
giné la cimentation et expérimenté divers ciments. celle des prothèses fémorales. Elle possédait un déport
Il faut attendre 1914, avec König [58], pour qu’une autre médial et postérieur (figure 4) et sa tige était munie
prothèse d’épaule, toujours en ivoire, soit implantée. de logettes destinées à la repousse osseuse. Il l’avait
Boron et Sevin [22] ont proposé une modification dessinée à partir de moules d’humérus cadavériques.
de la prothèse fémorale acrylique de R. Judet en 1951 Elle fut implantée chez un marin qui présentait une
(figure 3). R. Judet a rapporté, avec Richard et René ostéonécrose en 1951.
en 1952 [90] et J. Judet et Lagrange en 1953 [55], C’est à cette époque que Neer proposa sa première
les résultats de ses 17 premiers cas (11 fractures, prothèse humérale. Neer a lui-même écrit dans la
6 D. HUTEN
Figure 2. Prothèses de Glück (G. Walch, P. Boileau. Shoulder arthroplasty. Berlin : Springer ; 1999. figure 1 de la page 4).
Vis
Diaphyse
Figure 4. Prothèse de Krüger (noter le déport médial et posté- Figure 5. Premier modèle de la prothèse humérale de Neer
rieur de l’épiphyse). (1951). Cinq diamètres de tige. Les orifices des ailerons étaient
destinés à la repousse osseuse.
littérature française [79] un article sur l’historique de et à s’opposer à la rotation (figure 5). Le rayon de la
la prothèse d’épaule dans lequel il retrace l’histoire de tête était de 44 mm, rayon moyen de 50 têtes d’hu-
ses propres prothèses. mérus secs. Elle était creuse de manière à reposer sur
l’os à une hauteur variable et ainsi rétablir la distance
trochiter-glène. Elle a été aplatie à sa partie haute,
L’apport de Charles S. Neer afin de ne pas entrer en conflit avec le tendon du
à l’arthroplastie de l’épaule [73–78] supraépineux.
La première série a été publiée en 1953 [73]. Elle
C.S. Neer s’est intéressé à l’arthroplastie de l’épaule à comportait 8 fractures à grand déplacement, 3 nécro-
partir de 1944. Après avoir étudié les résultats, déce- ses post-traumatiques et 1 omarthrose. Il est intéres-
vants, de l’ablation de la tête humérale dans les frac- sant de noter que dans les fractures, les tubérosités
tures complexes, il lui apparut qu’il était nécessaire de étaient fixées à l’humérus à peu près comme elles le
remplacer la tête humérale pour rétablir le mouvement sont aujourd’hui. Neer constata que la qualité du
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de rotation de l’humérus dans la glène et le bras de résultat dépendait des muscles périarticulaires, surtout
levier des muscles périarticulaires. Le principe du pre- de la coiffe, et donc de la consolidation des tubérosités
mier dessin était de restaurer le mieux possible l’ana- dans les fractures.
tomie, au prix d’une exérèse osseuse minime et à l’aide Pour pallier les insuffisances de la coiffe des rota-
d’une reconstruction des tubérosités et de la coiffe. teurs, il dessina avec Averill au début des années 1970
La prothèse Neer I remonte à 1951. En chrome- trois modèles de prothèse contrainte qu’il abandonna
cobalt, elle visait à restaurer l’anatomie et était fixée rapidement en raison de leurs complications mécani-
dans l’humérus à l’aide d’une longue tige. Elle possé- ques. Nous y reviendrons.
dait deux ailerons antérieur et postérieur. Elle existait En raison de cet échec et aussi de la persistance de
au départ en une seule taille mais fut disponible 2 ans douleurs chez des patients dont la glène était défor-
plus tard en trois tailles afin d’obtenir le meilleur mée ou usée, il conçut avec Averill, en 1973, le sys-
« press-fit » possible. Quatre ans plus tard, deux nou- tème Neer II (figure 6). Il fallait en effet modifier la
velles tailles étaient ajoutées, ainsi que des orifices prothèse Neer I pour pouvoir la coupler à un compo-
dans les deux ailerons, destinés à la repousse osseuse sant glénoïdien en polyéthylène ayant le même rayon
8 D. HUTEN
de courbure que la tête (44 mm). Ses rebords ont été ainsi que différents modes d’ancrage. Plusieurs de ces
arrondis pour ne pas s’accrocher sur le polyéthylène. modèles sont photographiés dans l’article de Neer de
Deux épaisseurs de tête (15 et 22 mm) permettaient de 1982 (figure 7). Parmi eux, c’est le modèle standard
rétablir la distance trochiter-glène. La tige était fixée à en polyéthylène à quille triangulaire sans rainure (en
rait qualifier ces prothèses de conventionnelles. Il a (figure 8) ont permis de mieux s’adapter aux dimensions
précisé, avec beaucoup de détails, voire de minutie, la squelettiques très variables selon les patients.
technique opératoire, en tenant compte des spécificités Elles permettent en effet :
de chaque étiologie [78]. Il a aussi précisé les modalités – de sélectionner une pièce céphalique de diamètre et
de la rééducation. Il a évalué ses propres résultats. Les d’épaisseur proches de ceux de la tête humérale résé-
nombreux utilisateurs de sa prothèse les ont confir- quée, et certains travaux ont permis de déterminer les
més en bonne partie et les ont précisés. Aujourd’hui combinaisons les plus fréquentes [13,15,53] ;
encore, une grande partie des grands principes qu’il a – de la coupler à n’importe quelle tige de taille adaptée
énoncés reste d’actualité. à celle de la cavité humérale, sans que ces deux para-
Il a été suivi par de très nombreux utilisateurs mètres soient liés l’un à l’autre.
de sa prothèse et de nombreux concepteurs se sont Elles permettent encore de retirer la tête prothétique
directement inspirés du dessin de cette prothèse [28] pour accéder facilement à une pièce glénoïdienne des-
ou de son principe [5,37,41], avec plus ou moins de cellée ou totaliser une prothèse humérale compliquée
bonheur. d’usure glénoïdienne.
10 D. HUTEN
thétique et la coiffe, et le déport postérieur, le conflit grès des prothèses et de la technique opératoire per-
avec le tendon subscapulaire. Cette modularité plus mettront de mieux faire face à cette complication et de
complexe a pu faire craindre des complications liées la traiter en temps voulu.
à la libération de particules d’usure [79]. À ce jour, Quoi qu’il en soit, il était logique de rechercher
néanmoins, elles n’ont pas été rapportées. Ce concept d’autres solutions pour le composant glénoïdien.
innovant a été, à son tour, copié.
Dans les prothèses pour fracture, les mêmes auteurs
ont tenu compte de ces données. Ils ont en outre réduit
La technique opératoire
le volume de la métaphyse prothétique afin de laisser Les progrès de la technique opératoire permettent
la place à une volumineuse greffe osseuse, et l’ont revê- indiscutablement de faire travailler la pièce glénoï-
tue d’hydroxyapatite. Ces modifications ainsi qu’une dienne dans de meilleures conditions mécaniques.
technique soigneuse d’ostéosynthèse des tubérosités – L’adaptation de la surface glénoïdienne à la sur-
leur ont permis d’améliorer leurs résultats [14]. face non articulaire de la prothèse à l’aide de fraises
rotatives est un progrès essentiel [30]. La pièce glé-
La pièce glénoïdienne noïdienne d’essai, quel qu’en soit le dessin, doit être
stable dans son logement avant toute fixation (cimen-
Contrairement à Neer, de nombreux auteurs ont rap- tée ou non).
porté des résultats peu favorables de la fixation glé- – Neer recommandait trois plots d’ancrage du ciment,
noïdienne, avec de fréquents liserés ciment-os, souvent un dans le pied de l’apophyse coracoïde, habituelle-
présents sur la radiographie postopératoire immédiate ment réalisable, un dans le pilier de l’omoplate et un
[24] ou qui apparaissent secondairement et qui s’aggra- plot moyen, qui ne sont pas toujours réalisables. Cette
vent avec le temps [24,62,107]. Ils sont constants pour technique crée d’emblée une importante perte de subs-
certains [52]. À plus long terme, ces liserés deviennent tance osseuse. Une autre proposition est au contraire
continus et de plus de 2 mm d’épaisseur ; il s’agit alors de ne pas retirer d’os spongieux et de le tasser à l’aide
de descellements aseptiques. Brems [24] a ainsi rap- d’un fantôme de l’aileron prothétique. C’est à Gazielly
porté dans une méta-analyse de 1413 prothèses totales que revient le mérite d’avoir proposé cette techni-
38,5 % de liserés et 2,9 % de reprises pour descelle- que [46], validée par l’étude de Szabo qui a comparé
ment glénoïdien aseptique à un recul moyen de plus de cette technique à celle de Neer [104]. La technique
5 ans, résultats plus inquiétants que ceux de Neer. de Gazielly est aujourd’hui couramment utilisée en
Ils sont le fait des difficultés de cimenter une pièce France [17].
prothétique dans le col de l’omoplate aux dimensions – Les erreurs de version glénoïdienne exposent à la sur-
réduites, de l’importance des forces auxquelles cette charge d’une partie (antérieure ou postérieure) de la
pièce est soumise (1 à 2 fois le poids du corps lors des glène, avec un risque d’usure et de descellement [82].
activités de la vie courante), des difficultés techniques Une inclinaison glénoïdienne en haut et en dedans
de la fixation glénoïdienne, des altérations osseuses (regardant en haut et en dehors), une prothèse humérale
et des parties molles dues à la pathologie en cause, implantée trop haut (« suspendue ») exposent à la sur-
et de l’usure du polyéthylène [99] qui se complique charge de la partie haute de la pièce glénoïdienne [17].
à l’épaule comme ailleurs d’ostéolyse périprothétique. – Les asymétries de tension des parties molles, avec un
Torchia [107] a rapporté une survie de la pièce glénoï- fréquent excès de tension des parties molles antérieu-
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dienne de Neer de 93 % à 10 ans et de 87 % à 15 ans, res ou, à l’inverse, un lâchage de la suture du subsca-
en prenant pour événement le descellement aseptique pulaire, ont les mêmes conséquences.
repris. Une technique rigoureuse est donc apparue comme
Cependant, peu de descellements sont repris. un moyen certain d’augmenter la survie de la pièce
Beaucoup sont bien tolérés. D’autres le sont moins, glénoïdienne.
mais les difficultés d’une reprise pour descellement
glénoïdien font que chirurgien et patient, d’un com-
mun accord, reculent l’échéance de cette difficile inter- Les « nouvelles » prothèses glénoïdiennes
vention, d’autant plus que le patient est plus âgé et/ou De très nombreuses modifications de la pièce glénoï-
a des exigences fonctionnelles limitées. Cette attitude dienne ont été proposées, intéressant son ancrage et
n’est pas pour autant recommandable car, de la même le dessin de ses surfaces non articulaire et articulaire
manière qu’à la hanche ou au genou, la perte de subs- [71,113]. Elles ont fait l’objet de nombreuses études
tance osseuse s’aggrave au fil du temps et avec elle les expérimentales et cliniques aux conclusions parfois
difficultés de la reprise. Il faut souhaiter que les pro- divergentes.
12 D. HUTEN
Ancrage (figure 10) d’une surface convexe rugueuse sur une surface lisse
[4]. Szabo et al. ont comparé les radiographies de
Mazas, dans les années 1970, a cherché pour le com- deux groupes de prothèses glénoïdiennes du même
posant glénoïdien un appui supplémentaire [44,69] type qui ne différaient que par ce seul paramètre et ont
sous la forme d’un prolongement sous-acromial vissé conclu eux aussi à la supériorité d’une surface convexe
dans l’acromion. Un abord postérieur est nécessaire [103].
pour le fixer.
Des plots ont été proposés à la place de l’aileron :
deux ou plus souvent trois plots alignés de haut en bas
Surface articulaire
avec un plot médian plus long. Trois plots sont plus Le composant glénoïdien de Neer était quadrangulaire
réalistes que les quatre ou cinq plots qui ont parfois et n’existait qu’en une seule taille. Dans de nombreuses
été proposés et qui pourraient aboutir à une véritable prothèses, la pièce glénoïdienne, de quadrangulaire,
fragmentation de la glène. La réalisation de trois plots, est devenue piriforme comme la glène normale, ce qui
dont un central plus long, retire moins d’os qu’un supprime le débord antérieur et postérieur de la pro-
aileron (on peut noter que ces trois plots sont grossiè- thèse à la partie haute de la glène, le risque de conflit
rement inscrits à l’intérieur d’un aileron). Les études avec la face profonde de la coiffe et avec les tubéro-
expérimentales d’Anglin [4] et Lacroix [61] concluent sités en rotation et ne semble pas engendrer plus de
à la supériorité des plots sur l’aileron triangulaire. luxations. Pour s’adapter à la diversité des dimensions
C’est l’inverse dans l’étude de Lacaze [60]. Certaines squelettiques, trois tailles de pièces glénoïdiennes, au
études de la qualité immédiate du scellement sont en moins, sont nécessaires.
faveur des plots, qu’il s’agisse d’études animales [114] Le composant glénoïdien de Neer était parfaite-
ou chez l’homme [45,62]. Le nombre et la taille des ment congruent, avec le même rayon de courbure que
plots et des trous destinés à les recevoir (donc l’épais- la tête prothétique. Ce dessin procure une grande sta-
seur du ciment) jouent un rôle. C’est ce que montre bilité prothétique, un bras de levier fixe pour les mus-
l’étude de Nyffeler [80], qui conclut à la supériorité de cles périarticulaires et une grande surface de contact
plots à ailettes et d’une couche de ciment plus épaisse. glène-tête. En revanche, il augmente la contrainte
Bien que la plupart des travaux récents soit plus en prothétique, ce qui pourrait expliquer la fréquence
faveur des plots que de l’aileron, il n’est pas encore des liserés et descellements. Neer s’appuyait sur les
possible de conclure. Des études de la survie à long études anatomiques de Soslowsky [105], qui mon-
terme de prothèses qui ne diffèrent que par le seul trent qu’une glène recouverte de cartilage et munie du
paramètre aileron ou plots (en nombre et dimensions labrum est congruente avec la tête humérale à 0,1 mm
donnés) font encore défaut aujourd’hui. près. Les travaux de Boileau et Walch [16] montrent
que cette congruence est moins importante dans le
plan frontal (différence de 2,2 mm ; 0 à 6,5 mm)
Surface non articulaire que dans le plan horizontal, ce qui autorise les petits
Elle peut être plate ou convexe. Une surface convexe mouvements de translation antéropostérieure d’une
fait retirer moins d’os en périphérie, s’oppose mieux épaule normale.
aux forces de cisaillement et transmet plus de forces Quoi qu’il en soit, de nombreux concepteurs ont
de compression qu’une surface plane [3]. Les études cherché à réduire la contrainte prothétique. Un rayon
contrainte, mais il réduit aussi la surface de contact L’insuffisance de la coiffe est rapidement appa-
entre les pièces et autorise des déplacements plus rue comme la grande limite de l’arthroplastie totale
importants de la tête humérale sur la surface glénoï- conventionnelle. De nombreux travaux ont montré
dienne, avec pour conséquence une charge excentrée que les résultats sont d’autant moins bons que la coiffe
qui pourrait être néfaste si les déplacements sont trop était plus altérée [9,78,107] et surtout que l’ascension
importants. Walch et al. ont montré qu’une incon- de la prothèse humérale entraînait une surcharge de
gruence (avec une différence de rayon comprise entre la partie haute de la prothèse glénoïdienne, condui-
6 et 10 mm) est bénéfique [110]. Il reste à mieux en sant à un descellement précoce selon le mécanisme du
préciser l’importance, ce qui est d’autant plus difficile « cheval à bascule » [29,43]. La prothèse totale avec
que dans les prothèses modulaires actuelles, le rayon réparation de la coiffe est incertaine et une hémiarthro-
de courbure céphalique varie avec la pièce choisie et plastie [87], avant l’apparition de prothèses à centre de
que l’incongruence tête-glène n’est donc pas toujours rotation fixe fiables, avait le mérite de la logique. Les
la même. Par ailleurs, l’étude des pièces retirées mon- résultats de cette technique sont souvent imparfaits,
tre que la pièce glénoïdienne s’use et finit par devenir d’autant plus que la prothèse choisie est volumineuse
congruente avec la tête humérale sur tout ou partie de et les parties molles sous tension [2].
sa surface [99] : « None of the retrieved components
had the same surface and shape as when they were La fixation sans ciment
inserted. » Ce paramètre n’a donc pas forcément l’im-
portance qu’on lui prête. La fixation humérale à l’aide de ciment a fait la preuve
de sa grande efficacité dans toutes les séries publiées
[97]. Leur implantation obéit aux règles de la cimenta-
L’absence de resurfaçage glénoïdien tion de toutes les prothèses : obturation distale, lavage
Il est logique dans les fractures récentes et les nécroses et assèchement, injection et pressurisation du ciment. La
non compliquées d’arthrose. Il cesse de l’être lorsque fixation dite en « press-fit » d’une prothèse dépourvue
le cartilage glénoïdien est altéré. d’une surface réhabitable ne peut procurer au mieux
Néanmoins, devant la fréquence des liserés et descelle- qu’un ancrage fibreux stable et peut se compliquer de
ments glénoïdiens, certains se sont délibérément orientés migration. Dans l’expérience de Sanchez-Sotelo, l’im-
vers une absence de resurfaçage glénoïdien systématique plantation sans ciment de la prothèse de Neer II s’est
[115]. Ce choix permet de réduire la durée et la difficulté compliquée de 55 % de migrations à 4 ans [98].
de l’intervention et évite les complications des prothèses La fixation sans ciment suppose à l’humérus comme
glénoïdiennes. Toutefois, les patients présentent assez ailleurs une surface réhabitable (au moins métaphy-
fréquemment des douleurs résiduelles et leur glène s’use saire pour un humérus) et éventuellement l’adjonction
au fil du temps, avec au total un taux de reprise plus d’hydroxyapatite. De telles prothèses ont été proposées
élevé. De récents travaux l’ont encore rappelé s’il en était par de très nombreux concepteurs. Leur implantation
besoin, aussi bien dans l’arthrose [91] que dans l’arthrite obéit elle aussi à des règles bien connues : stabilité ini-
rhumatoïde [101]. Burkhead [27] a proposé une techni- tiale suffisante, ce qui suppose une prothèse suffisam-
que de préparation de la glène (perforations et interposi- ment remplissante ayant des contacts osseux étendus
tion fibreuse), qui améliorerait ces résultats. (figure 11). Les risques eux aussi sont bien connus :
À côté du choix délibéré de ne pas resurfacer la fracture peropératoire et malposition, difficultés d’ex-
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glène, deux paramètres peuvent interdire l’implanta- traction si elle s’avère nécessaire. Avec de telles pro-
tion d’une prothèse glénoïdienne ou au moins la ren- thèses, c’est la tige cylindrique dans une diaphyse
dre incertaine : humérale rendue cylindrique qui détermine la position
– l’insuffisance du stock osseux glénoïdien ; de la tête prothétique. Le risque de ne pas reproduire
– l’insuffisance de la coiffe des rotateurs. l’anatomie est donc réel.
Une importante usure osseuse ne permet pas l’intro- La fixation glénoïdienne sans ciment suppose une
duction d’un aileron ou de plots dans le col de l’omo- embase métallique réhabitable fixée à l’aide de plots
plate. Les greffes osseuses sont difficiles et leur résultat et/ou vis, éventuellement à expansion [17,28]. La fixa-
aléatoire. En cas d’usure concentrique, l’hémiarthro- tion est régulièrement obtenue, mais l’évolution de
plastie procure des résultats acceptables. En cas d’usure ces prothèses est menacée par deux complications :
asymétrique, avec une glène à double concavité, il est dissociation [17] et usure avec contact métal-métal et
préférable de fraiser la glène pour la rendre congruente libération de particules métalliques sources d’ostéolyse
avec la prothèse humérale ou de la reconstruire à l’aide [19]. C’est pourquoi ces prothèses sont aujourd’hui
d’une autogreffe. abandonnées pour la plupart des auteurs.
14 D. HUTEN
A B
C D
Figure 15. Les premières prothèses inversées. A et B. Prothèses inversées de Neer et Averille (modèles Mark™ I et III). C. Prothèse
de Fenlin. D. Prothèse de Kessel.
– luxations en cas de tension insuffisante du deltoïde, De nouveaux modèles ont été proposés [42], la tech-
fracture acromiale en cas de tension excessive ; nique a progressé, les publications se multiplient comme
– insuffisance des rotations qui relèvent de plusieurs cela a été le cas pour les prothèses conventionnelles.
mécanismes et notamment de la médialisation (conflit
avec la scapula, diminution du bras de levier du deltoïde
postérieur pour la rotation externe et antérieur pour la Conclusion
rotation interne [20]) mais aussi de l’état préopératoire
de la coiffe. Certains ont proposé un transfert musculaire L’arthroplastie d’épaule a largement atteint le degré
pour pallier un manque de rotation externe active [21]. de maturité qui lui a manqué pendant longtemps. La
La survie à 10 ans est néanmoins de 91 %, en pre- confiance croissante des chirurgiens et des patients
nant pour événement le changement de prothèse, explique qu’un nombre croissant de patients en béné-
et de 84 % en prenant pour événement le descel- ficie chaque année.
lement glénoïdien [51]. Ceci incite à la réserver à Aux prothèses anatomiques se sont ajoutées les pro-
des sujets âgés, sans qu’il soit possible de fixer une thèses inversées qui permettent enfin de faire face au
limite précise. difficile problème posé par l’insuffisance de la coiffe.
La technique de la prothèse inversée est de mieux en Toutes ont évolué et devront encore évoluer pour pal-
mieux maîtrisée, ce qui explique que ses indications lier leurs imperfections.
[112] aient été élargies aux arthropathies compliquées Il reste à mettre au point des techniques et peut-être
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de rupture de la coiffe, aux fractures à quatre frag- des implants de reprise pour faire face à leurs inévi-
ments du sujet âgé [111], à la reconstruction des résec- tables complications et notamment au descellement
tions carcinologiques de l’humérus proximal. aseptique qui menace l’évolution de toute arthroplastie.
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Cinématique de l’élévation
de l’épaule normale et prothésée
Kinematics of elevation of the healthy shoulder
and with shoulder replacement
RÉSUMÉ SUMMARY
Lors de l’élévation du bras dans le plan de l’omoplate, l’articula- During active elevation in scapular plane, the glenohumeral joint
tion glénohumérale (GH) assure les trois quarts du mouvement (GH) plays an important role up to 90°. A slight upward migration
jusqu’à 90° d’élévation et moins des deux tiers ensuite. L’ascension of the humeral head during the first 30° is followed by a slighter
presque systématique de la tête pendant les 30 premiers degrés upward migration until 90° and then a downward migration. The
se poursuit jusqu’à 90° puis on note une descente modérée. La kinematics of anatomical total shoulder prostheses may be close
cinématique des prothèses peut être soit proche de la normale, to a normal rhythm. It can be very abnormal with an upward
soit très anormale avec la tête qui monte dès le début du mou- migration of the head under the acromion at the beginning of
vement, soit intermédiaire avec une mobilité scapulothoracique movement. It can be intermediate with the same mobility in the
(ST) identique mais une mobilité GH diminuée. La cinématique scapulothoracic (ST) joint but a decreased mobility of the GH
des prothèses inversées montre le rôle important de l’articulation joint. The kinematics of reversed prostheses shows the important
ST lors de l’élévation du bras et le rôle important du ratio GH/ST role of the ST joint during active elevation and the important role
en position de repos sur la survenue des encoches, lorsqu’il est of the GH/ST ratio at rest, leading to a risk of notching when it
inférieur à 1. is under 1.
Mots clés : Épaule. – Cinématique. – Rythme scapulohuméral. Key words: Shoulder. – Kinematics. – Scapulohumeral rythm.
– Arthroplastie. – Arthroplasty.
4,0 3,93
3,48 3,47 ST ++
3,0 2,88
2,0 1,97
GH ++ 1,60
1,35
1,0
0,0
0/30 30/45 45/60 60/90 90/120 120/150 MAXIMUM
ARCS
Figure 3. Rôle respectif de l’unité glénohumérale (GH) et de l’unité scapulothoracique (ST) lors de l’élévation dans le plan de
l’omoplate.
6,00
5,00
4,00
3,00
2,00
1,00
0,00 ARCS
0/30 30/45 45/60 60/90 90/120 120/150 MAX
Ratio « apparié » sans poids 2,69 3,07 3,16 2,68 1,76 1,42 1,53
Ratio « apparié » avec poids 4,01 3,97 3,64 3,06 1,45 1,28 2,55
Figure 4. L’élévation avec un poids de 1,5 kg influence surtout les premiers degrés d’élévation avec une participation accrue de
l’unité GH.
d’abduction, il existe une grande variabilité dans les La course de la tête humérale
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2,5 67 %
87 %
2
1,5
1
Milieu de ,5
la glène 0
–,5
–1
–1,5
–2 70 %
–2,5
Repos A30 A60 A90 A120 A150 Max
2,5 3,9
2 3,4
2,8
1,5 1,9
1,6 1,3
1
,5
–,5
–1
–1,5
–2
Rest–30⬚ 30⬚–60⬚ 60⬚–90⬚ 90⬚–120⬚ 120⬚–150⬚ Amax–A150
Figure 6. Relation entre la distance moyenne parcourue par le centre géométrique de la tête humérale pour chaque arc d’élévation
(en bleu) et le ratio GH/ST (en rose).
avec un changement aux alentours de 60° d’élévation. Figure 8. Schéma illustrant le rééquilibrage permanent de la ST
Lors de notre étude cinématique, nous avons également pour recentrer la tête sur la glène.
retrouvé deux zones de CIR [3], l’une correspondant à
l’arc 0–60° et l’autre à l’arc 60°–élévation maximale.
Avec une analyse plus précise mais de méthodolo- L’épaule prothésée
gie analogue, Blaimont [1] a retrouvé trois zones de
concentration des CIR, de 0 à 40°, de 40 à 60°, puis au- Cette connaissance de la cinématique de l’épaule saine
delà (figure 9). Néanmoins, tous les auteurs soulignent permet une meilleure approche de celle des épaules
la grande variabilité individuelle de ces mesures. prothésées en servant de référence et en permettant
Il ressort de ces études que la GH alterne des mouve- d’analyser les variations par rapport à la normale.
ments de glissement pur, de roulement pur et des deux Compte tenu de leur mode de fonctionnement très dif-
associés, dont l’origine se trouve dans la mise en jeu férent, les épaules ayant une prothèse anatomique ou
des groupes musculaires abaisseurs ou élévateurs au bipolaire doivent être analysées différemment de celles
cours de l’élévation. ayant une prothèse inversée.
26 L. FAVARD, J. FOURNIER, J. BERHOUET
Figure 9. Les centres instantanés de rotation selon Fisher (A), Favard (B) et Blaimont (C). Pour Fischer et Favard, le changement de
C1 à C2 s’effectue aux alentours de 60°, et pour Blaimont autour de 40° puis de 60° pour le passage de C2 à C3.
Gr 0 Gr 1 Gr 2 Gr 3 Gr 4
+ –
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GH GH
ST ST
30⬚ 30⬚
Situation A Situation B
Figure 10. Schéma illustrant la différence de ratio (situation A et B) pour un même degré d’abduction et l’influence sur l’apparition
d’une encoche du pilier de la scapula.
Cinématique de l’élévation de l’épaule normale et prothésée 27
épaules à stock osseux et tendineux très altéré (poly- gne d’un rôle prédominant de la GH mais beaucoup
arthrite rhumatoïde, « cuff tear arthropathy », séquelles moins important que dans l’épaule saine. En d’autres
de fractures) et les résultats fonctionnels obtenus sont termes, la ST joue un rôle important dans l’élévation
« à buts limités » ; du bras.
– un troisième groupe (30 %) où l’élévation se différen- – Avant 30°, l’analyse du ratio GH/ST est intéressante.
cie du groupe « normal » par une mobilité ST identique On constate qu’à un degré d’abduction équivalent, le
mais une mobilité GH diminuée. Le rythme, dans ces ratio qui compose cette abduction peut être variable
épaules, semble inversé, avec une prédominance ST au tantôt avec une prédominance de la GH, et il est alors
début, mais les résultats cliniques sont corrects. supérieur à 1, tantôt avec une prédominance de la ST,
et il est alors inférieur à 1. Or, le fait que ce ratio soit
Les prothèses bipolaires inférieur à 1 dans cette position de repos est corrélé
à un meilleur score de Constant, une meilleure éléva-
Une étude analogue a été faite par Petroff [9] avec les tion et un faible nombre d’encoches de stade 3 ou 4
prothèses bipolaires. (figures 10 et 11).
28 L. FAVARD, J. FOURNIER, J. BERHOUET
RÉFÉRENCES
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O. GAGEY, V. MOLINA
RÉSUMÉ SUMMARY
Les mécanismes de stabilisation de l’épaule restent mal élucidés. The mechanisms of shoulder stabilization are still not well dis-
Une approche systématique des différents acteurs devrait permet- covered. A systematical approach of the different actors should
tre peu à peu de proposer les modèles physiologiques cohérents permit little by little to propose physiological models which are
qui sont indispensables à la compréhension des lésions dégénéra- indispensable for the understanding of degenerative lesions and
tives et des causes de décompensation ainsi qu’à la mise en œuvre the causes of decompensation as well as the practical of the
de traitements adaptés. adapted treatments.
Mots clés : Épaule. – Muscles. – Équilibre. Key words: Shoulder. – Muscles. – Balance.
Figure 3. Anatomie du deltoïde. Le muscle entoure l’extrémité supérieure et peut donc avoir une action stabilisatrice de cette der-
nière. A. IRM en coupe coronale. B. Préparation anatomique en coupe horizontale.
32 O. GAGEY, V. MOLINA
Les ruptures dégénératives mérite réflexion. Partant du fait que, au repos, les liga-
ments de l’épaule sont détendus, ces mouvements anor-
de la coiffe des rotateurs maux devraient toujours être présents, puisqu’il n’y a
Elles sont extrêmement fréquentes. Leur taux d’inci- aucun ligament pour s’y opposer. Ces mouvements
dence varie entre 40 et 50 % de la population des per- anormaux ne sont donc explicables que par un dysfonc-
sonnes de plus de 60 ans. tionnement des muscles stabilisateurs. L’hyperlaxité
Cette fréquence permet de conclure que la douleur en constitutionnelle est donc une perturbation mixte tou-
cas de rupture de la coiffe est un phénomène rare donc chant à la fois les muscles et les ligaments.
possiblement sans lien vraiment direct avec la rupture
elle-même. Une chose reste cependant certaine, c’est
la douleur qui est l’élément déterminant des perturba- Conclusion
tions fonctionnelles. Nous étudions l’hypothèse qu’en
l’absence de douleur, le deltoïde permet d’obtenir une Les mécanismes de stabilisation de l’épaule restent mal
fonction satisfaisante de l’épaule. élucidés. Une approche systématique des différents
acteurs devrait permettre peu à peu de proposer les
L’hyperlaxité constitutionnelle modèles physiologiques cohérents qui sont indispen-
sables à la compréhension des lésions dégénératives et
Dans les grandes hyperlaxités constitutionnelles de des causes de décompensation ainsi qu’à la mise en
l’épaule, l’existence de tiroir antérieur et/ou postérieur œuvre de traitements adaptés.
RÉFÉRENCES
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D.F. GAZIELLY
RÉSUMÉ SUMMARY
L’évaluation clinique avant l’implantation d’une prothèse totale The preoperative clinical evaluation of a patient presenting with
d’épaule s’appuie sur trois éléments d’une importance égale : shoulder pathology which might be treated by an arthroplasty
l’histoire du patient et en particulier ses antécédents médicaux, consists of three equally important elements : the history, giving
l’examen clinique et l’imagerie, qui permet souvent d’avoir une information about any relevant medical conditions, the clini-
idée de l’étiologie de l’atteinte de l’articulation glénohumérale. cal examination, and the standard radiological investigations,
L’examen clinique doit être bilatéral et concerne l’ensemble du which often give information as to the etiology of the pathologi-
membre supérieur. Il permet d’évaluer les amplitudes articulaires, cal joint. The clinical examination must be bilateral and involves
passives et actives, de l’épaule et le morphotype du sujet à opérer. the whole upper limb. It allows the patient’s morphotype to be
L’intérêt pour le chirurgien est de savoir s’il existe des contre- assessed as well as the active and passive range of motion of
indications à la mise en place d’une prothèse totale d’épaule, et the shoulder. The goal is for the surgeon to be aware of any
si certaines données de l’examen peuvent influer sur des détails elements which might alter the indications for surgery or have
de technique opératoire ou des modalités de rééducation post- a direct influence on the technicalities of the operation and the
opératoire. Enfin, l’évaluation clinique permet d’établir un score postoperative functional prognosis. The clinical examination
fonctionnel préopératoire qui servira de référence pour le suivi allows a preoperative functional evaluation to be determined
postopératoire. Au total, l’évaluation clinique préopératoire per- which serves as a reference level for the follow-up period. Finally,
met d’établir une relation de confiance entre le patient et le it establishes a relationship of trust between the surgeon and
chirurgien et d’insister sur l’importance de la rééducation post- the patient thanks to the information given about the role and
opératoire dans le résultat fonctionnel final, qui dépendra aussi de duration of rehabilitation and on the functional result that can
l’âge du patient et de l’étiologie de la pathologie glénohumérale. be expected after shoulder arthroplasty depending on the age of
the patient and the etiology of his pathological shoulder.
Mots clés : Épaule. – Prothèse. – Examen clinique. Key words: Shoulder. – Arthroplasty. – Clinical evaluation.
devenue modulaire, mais c’est Boileau et Walch [3] qui Il est adressé au chirurgien soit par son médecin trai-
lui ont fait franchir une étape décisive dans les années tant, soit par un rhumatologue ou par l’intermédiaire
1990 en proposant le concept de prothèse anatomi- d’un ami, ou encore parce qu’il a reçu des informations
que au niveau huméral, en introduisant la notion de sur la prothèse d’épaule via la presse écrite ou Internet.
« déport combiné » (antéropostérieur et médiolatéral) Dans tous les cas, encore aujourd’hui, et parce que la
de la surface articulaire et d’inclinaison variable. prothèse d’épaule est moins connue que la prothèse de
L’examen clinique avant l’implantation d’une pro- hanche ou de genou, il faut dire qu’il ne vient jamais
thèse d’épaule doit permettre d’établir une relation de à la consultation avec un a priori favorable sur un
confiance entre le patient et le praticien, et de répondre implant qui lui a plutôt été décrit sans complaisance
à trois questions : quant aux résultats obtenus.
– Les conditions anatomiques permettent-elles de met- Il est important de savoir si c’est le côté dominant
tre en place, sans risque, une prothèse totale ? qui est atteint. L’atteinte des deux épaules, dans 25 %
– Quelles améliorations sur la fonction cette interven- des cas environ, peut poser un problème pour la réé-
tion va-t-elle apporter au patient ? ducation postopératoire, et notamment l’autorééduca-
– Le sujet est-il apte, sur le plan psychologique, à prendre tion en élévation passive. D’emblée, il faut le signaler
en charge une rééducation postopératoire qui sera longue au patient, car le résultat fonctionnel final peut être
et pas toujours facile, surtout au début (figure 1) ? amoindri par la bilatéralité lésionnelle.
L’âge est un facteur important de décision. Avant
Histoire clinique 50 ans, l’indication de mise en place d’une prothèse
totale d’épaule est exceptionnelle, même si on sait
Le praticien doit prendre le temps d’écouter un patient que la durée de vie d’une prothèse d’épaule s’accroît
qui vient le consulter, le plus souvent, parce qu’il a des avec l’expérience du chirurgien et la qualité du maté-
douleurs qui le gênent de plus en plus dans tous les riel. Dans notre série personnelle, le taux de survie
gestes de la vie quotidienne, mais aussi la nuit. était de 80,9 % à 200 mois [9]. Après 80 ans, il est
DIALOGUE
PATIENT CHIRURGIEN
DEMANDEUR DE L’ÉPAULE
HISTOIRE CLINIQUE
Doléances
Antécédents
EXAMEN CLINIQUE
Mobilité de l’épaule
Morphotype
Scores fonctionnels
SYNTHÈSE
Est-il possible de mettre en place, sans risque, une prothèse
totale de l’épaule chez ce patient ?
Figure 1. L’examen clinique avant l’implantation d’une prothèse totale d’épaule doit permettre de répondre aux questions que se
posent le patient et le praticien.
Examen clinique avant implantation d’une prothèse d’épaule 37
encore possible de mettre en place une prothèse totale ques en cas d’atteinte polyarticulaire, la priorité étant
d’épaule anatomique si la coiffe des rotateurs n’est donnée aux membres inférieurs dont la rééducation
pas rompue et si le stock osseux glénoïdien est satis- nécessite l’usage de cannes canadiennes qui risquent
faisant, même si la tendance actuelle est plutôt de d’endommager une prothèse d’épaule.
proposer, en cas d’impotence fonctionnelle majeure, Enfin, le chirurgien qui a de l’expérience saura éva-
une prothèse inversée. luer le profil psychologique du patient, qui a beaucoup
L’ancienneté des symptômes doit être connue, car d’importance pour les suites postopératoires immédia-
elle conditionne souvent le nombre d’infiltrations tes et à moyen terme. Il sera aussi difficile de prendre
intra-articulaires de dérivés cortisonés. en charge un patient anxieux qu’un imprudent, dyna-
La notion d’antécédents traumatiques au niveau de mique, qui ne saura pas laisser le temps au temps…
l’épaule douloureuse a son importance. S’agit-il d’une Enfin, il y a le patient dont on appréhende un aspect
simple chute ou d’une lésion plus grave au niveau de revendicatif ou procédurier et dont il faut se méfier…
la coiffe des rotateurs ? S’agit-il d’une fracture, plus ou Nous avons retenu de notre stage en 1986 chez Charles
moins ancienne, au niveau de l’extrémité supérieure Neer, au Columbia Presbytarian Hospital de New York
de l’humérus, traitée orthopédiquement ou par ostéo- [7], qu’un bon chirurgien de l’épaule doit savoir sélec-
synthèse ? Autant d’éléments qui peuvent orienter vers tionner le « bon patient » qui sera opéré d’une prothèse
l’omarthrose secondaire post-traumatique… Si le patient totale d’épaule et dont on pressent qu’il aura des suites
a été opéré il y a plusieurs années pour une instabilité de postopératoire faciles.
l’épaule, on pensera plus à une omarthrose secondaire
postinstabilité. Si le patient n’a aucun antécédent trau- Examen clinique
matique, ni chirurgical, on pensera à une omarthrose
primitive, ou à une polyarthrite rhumatoïde, pour peu L’examen clinique doit être comparatif et bilatéral.
qu’il ait déjà été opéré d’une hanche ou d’un genou. Il concerne aussi bien l’épaule proprement dite que
C’est à ce stade qu’il faut demander au patient s’il la ceinture scapulaire et les articulations du membre
dispose de radiographies simples, même si elles sont supérieur atteint, et doit être réalisé chez un patient
un peu anciennes. Le diagnostic d’omarthrose est dénudé jusqu’à la ceinture. En effet, une atteinte poly-
souvent évident et son stade reconnu selon la classifi- articulaire – épaule, coude, doigts – dans le cadre
cation de Samilson [17]. Le praticien pensera alors à d’une polyarthrite rhumatoïde peut affecter significa-
une éventuelle indication d’arthroplastie prothétique. tivement les suites opératoires. Il faut savoir éliminer
Dans d’autres cas, les radiographies mettront en évi- un syndrome du canal carpien homolatéral et ne pas
dence une ostéonécrose à un stade évolué ou un aspect hésiter à demander un électromyogramme du membre
pouvant faire penser à une polyarthrite rhumatoïde. supérieur. S’il existe une compression du nerf médian
Chez un patient qui vient chercher une solution thé- au poignet, il sera nécessaire de lever l’obstacle par
rapeutique pour ne plus avoir de douleurs au niveau de technique arthroscopique avant de mettre en place une
l’épaule et à qui l’on pense proposer une arthroplastie, prothèse d’épaule.
il est nécessaire d’en savoir plus sur ses antécédents, Puis le patient est examiné de dos, en commençant
médicaux et chirurgicaux. Des antécédents de septi- par un examen statique et dynamique du rachis cervical
cémie, une atteinte neurologique – paralysie du nerf (figure 2). Il peut souvent coexister des douleurs, dues
circonflexe ou du plexus brachial – ou une atteinte à une arthrose cervicale, qui irradient dans les deux
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poliomyélitique sont des contre-indications formel- ceintures scapulaires. Il ne faut pas hésiter dans ce cas
les. Pour nous, l’existence d’un pacemaker du côté de à demander un bilan radiographique cervical ni à sol-
l’épaule atteinte, ou des antécédents de chirurgie pour liciter l’avis d’un médecin ostéopathe. L’examinateur
cancer du sein avec curage ganglionnaire et radiothé- recherche aussi une amyotrophie au niveau des fosses
rapie le sont aussi. L’existence d’un diabète doit rendre sus- ou/et sous-épineuses, traduisant une lésion des
prudent, car il existe un risque de complications infec- tendon correspondant. L’examen clinique de dos se
tieuses ou de raideur postopératoire. La prise régu- termine par le « lift-off test », décrit par Gerber [10],
lière d’aspirine, d’anticoagulants ou d’antiagrégants qui permet d’évaluer l’état du tendon du sous-scapu-
plaquettaires n’est pas une contre-indication formelle laire. Mais le plus souvent, la limitation douloureuse
si le risque cardiovasculaire est objectivement évalué de la rotation interne main dans le dos ne permet pas
par un médecin cardiologue qui donnera son avis au de réaliser ce test.
médecin anesthésiste qui prendra en charge le patient. Le patient est ensuite examiné de face. Il est nécessaire
Enfin, l’existence d’une polyarthrite rhumatoïde fera de mesurer les amplitudes articulaires passives et actives,
discuter l’ordre logique des remplacements prothéti- au niveau des deux épaules, en utilisant un goniomètre.
38 D.F. GAZIELLY
A B C
Figure 3. L’examen bilatéral comparatif des épaules objective le plus souvent une limitation des amplitudes articulaires.
A. Limitation de l’élévation antérieure passive. B. Limitation de la rotation externe coude au corps. C. Limitation de la rotation
interne passive main dans le dos.
Examen clinique avant implantation d’une prothèse d’épaule 39
fonctionnels. Notre préférence va au score fonction- rine ou des antiagrégants plaquettaires devra faire un
nel proposé par Constant (figure 4), et accepté par bilan complet chez son cardiologue.
de nombreuses sociétés scientifiques dont la Société Enfin, il ne nous paraît pas inutile d’adresser le
Européenne pour l’Épaule et le Coude. La douleur patient au kinésithérapeute le plus proche de son
est évaluée de 0 point (douleur sévère) à 15 points domicile afin qu’il puisse faire un certain nombre de
(aucune douleur). L’appréciation du niveau d’activité séances d’assouplissement (exercices passifs en éléva-
quotidienne (20 points) est subdivisée en quatre rubri- tion antérieure, rotation externe, et rotation interne
ques : le handicap dans les activités de loisir (de 0 à mains dans le dos) qui rendront plus facile la réédu-
4 points selon l’importance du handicap), la gêne dans cation postopératoire. Le kinésithérapeute appren-
le sommeil (0 point pour une douleur insomniante à dra au patient des exercices d’autorééducation qu’il
2 pour aucune gêne), et enfin le niveau de travail avec devra faire deux fois par jour pour essayer d’assouplir
la main, depuis la taille (2 points) jusqu’au-dessus de son épaule. La motivation du patient et sa capacité
la tête (10 points). Le total peut atteindre 100 points, à comprendre le rôle essentiel de la rééducation post-
qui est le score idéal en valeur absolue. Nous n’uti- opératoire sont ainsi testées.
40 D.F. GAZIELLY
Figure 5. Bilan radiographique standard avant implantation d’une prothèse totale d’épaule. A. Incidence de face en rotation neu-
tre d’une omarthrose primitive centrée. B. Incidence de face en rotation neutre d’une épaule rhumatoïde. C. Incidence de face en
rotation neutre d’une ostéonécrose aseptique de la tête humérale de stade IV.
Examen clinique avant implantation d’une prothèse d’épaule 41
ment postérieur excessif seront une contre-indication osseux glénoïdien insuffisant ou une coiffe des rota-
au scellement d’une glène prothétique, car le risque de teurs amincie ou rompue.
descellement précoce sera majeur. La présence de géo-
des dans le massif glénoïdien, qui peut se voir dans cer-
taines omarthroses, ne sont pas une contre-indication, Synthèse : discussion
car elles peuvent être comblées par de l’os spongieux avec le patient
prélevé au niveau de la tête humérale.
Nous demandons systématiquement un arthroscan- C’est au cours de la seconde consultation que le
ner avant l’éventuelle implantation d’une prothèse chirurgien de l’épaule va faire la synthèse de tous les
totale d’épaule. L’arthroscanner est en effet l’imagerie renseignements obtenus grâce à « l’écoute du patient »,
de référence et doit être demandé préférentiellement à l’examen clinique de son épaule et les données de
l’IRM et à l’arthro-IRM [1] ; cette imagerie de seconde l’imagerie. Le patient a commencé sa rééducation avec
intention est indispensable pour apprécier quatre élé- le kinésithérapeute qui le prendra en charge après l’in-
ments (figure 6) : le stock osseux glénoïdien, l’impor- tervention et qui a eu le temps de dresser son profil
tance de l’érosion de la glène dont le type sera défini psychologique : anxieux, « indiscipliné », motivé ou
selon la classification de Walch [19], la continuité ou non. Le praticien a à sa disposition toutes les données
non des tendons de la coiffe des rotateurs, et l’aspect pour répondre aux trois questions qu’il doit se poser
du tendon sous-scapulaire dont un amincissement avant l’implantation d’une prothèse totale d’épaule.
important par un ostéophyte polaire inférieur volu-
mineux peut poser un problème de technique de réin-
sertion. N’oublions pas que le sous-scapulaire est « la
porte d’entrée antérieure de l’épaule » et que, comme Est-il possible de mettre en place,
toute porte, une fois ouverte, elle doit être fermée… sans risque, une prothèse totale
Quant à l’aspect ou à la position de la longue portion de l’épaule ?
du biceps, qu’il soit subluxé ou luxé, cela n’a aucune
importance pour nous, puisque nous pratiquons systé- L’absence de l’une des contre-indications formelles
matiquement une ténodèse avant 60 ans, et une téno- dont nous avons donné la liste auparavant, la conserva-
tomie après 60 ans. tion d’un stock osseux glénoïdien suffisant, l’existence
L’imagerie doit être de qualité, car elle va permettre d’une coiffe des rotateurs fonctionnelle et non rompue,
au chirurgien de proposer ou non une prothèse totale le contrôle des antécédents médicaux du patient (méde-
de l’épaule. Même si nous savons que la prothèse cin traitant, cardiologue, endocrinologue) permettent
totale donne de meilleurs résultats sur la douleur et la d’envisager la mise en place d’une prothèse totale de
mobilité que la prothèse humérale simple [12], nous l’épaule. Le contrôle de l’état dentaire et l’élimination
n’avons jamais mis d’implant glénoïdien dès lors qu’il d’un foyer urinaire latent avec une cytobactériologie
existait un risque de descellement induit par un stock des urines, obligatoire 10 j avant l’intervention, ainsi
qu’une préparation cutanée répondant aux normes
référentielles actuelles vont contribuer à diminuer le
risque infectieux au maximum, en sachant que le ris-
que zéro n’existe pas.
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terme est très encourageante et rassurante. Mais il Il est nécessaire de lui dire la vérité : il est certain
est évident que le risque technique glénoïdien sera qu’il va être amélioré au niveau de la douleur et de la
d’autant plus grand que le chirurgien aura une expé- mobilité, mais que le 100 % n’existe pas, et surtout que
rience réduite de la prothèse totale d’épaule. Il est pré- le pourcentage d’amélioration dépend de l’étiologie.
férable, dans ce cas, de mettre une prothèse humérale L’omarthrose centrée primitive est la meilleure indica-
simple, même si les résultats sur la douleur et la mobi- tion pour mettre en place une prothèse totale d’épaule ;
lité sont moins bons. Quant au risque technique humé- les résultats fonctionnels sont excellents dans les gran-
ral, il est limité, compte tenu de la facilité d’exposition des séries publiées dans la littérature [10] et sont sta-
de l’extrémité supérieure de l’humérus et de la qualité bles avec le recul [9]. Il est possible de reprendre une vie
du matériel ancillaire (guide de coupe, positionneur quotidienne normale, de faire du jardinage, du brico-
de tige, etc.) qui est aujourd’hui à la disposition du lage, voire du sport (natation, vélo, ski, tennis, golf…).
chirurgien. Nous voulons insister sur l’importance de Dans l’omarthrose secondaire post-traumatique, le
la réinsertion du tendon du sous-scapulaire, qui doit patient est amélioré au niveau de la douleur, mais le
être parfaitement libéré au-dessous et en amont de résultat sur la mobilité est très variable et dépend de
l’apophyse coracoïde, et rattaché solidement à l’hu- nombreux facteurs : nature, nombre et ancienneté des
mérus en s’aidant systématiquement de trois points interventions antérieures, degré de raideur post-
transosseux au fil non résorbable. Malgré le fait que, traumatique, existence ou non d’un cal vicieux post-
nous commencions dès le 2e jour postopératoire la traumatique de l’extrémité supérieure de l’humérus.
mobilisation passive de la rotation externe coude au Il est nécessaire de bien informer le patient qu’il
corps, nous n’avons jamais observé de « lâchage » de s’agit d’une chirurgie difficile dont il est impossible
la suture du sous-scapulaire… de donner le pourcentage d’amélioration au niveau
Il est nécessaire de donner au patient toutes les infor- de la mobilité [4]. Le problème est le même dans
mations sur le concept de la prothèse totale d’épaule l’omarthrose postinstabilité, chez un patient opéré
sur un modèle d’épaule synthétique, le type d’anes- antérieurement pour instabilité antérieure ou posté-
thésie (locorégionale par bloc scalénique associée ou rieure. La qualité du tendon sous-scapulaire est le
non à une anesthésie générale), la durée moyenne de facteur pronostic principal.
l’intervention, les risques potentiels, essentiellement Dans la polyarthrite rhumatoïde, la douleur est sou-
infectieux et d’étirement du plexus brachial [14], en vent sévère, et les patients sont très soulagés par la
particulier si l’épaule est très serrée. mise en place de la prothèse. Les résultats sur la mobi-
S’il n’est pas possible de mettre en place un implant lité et la fonction globale sont largement dépendants
glénoïdien, il est nécessaire d’expliquer au patient les de l’âge, de l’ancienneté de la maladie et du degré d’at-
raisons techniques et de l’informer qu’il sera dans tous teinte des parties molles et du support osseux, sans
les cas amélioré sur le plan de la douleur par la mise en oublier l’atteinte possible du coude et des doigts de la
place d’une prothèse humérale simple. main du même membre supérieur qui va gêner consi-
dérablement la rééducation postopératoire [18].
Quel pourcentage d’amélioration L’ostéonécrose aseptique de la tête humérale donne
d’excellents résultats fonctionnels sur la douleur et la
de sa fonction vais-je pouvoir mobilité pour le stade III et moins bons pour le stade
apporter au patient ? IV [16].
La prothèse totale d’épaule est encore mal connue © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
auprès du public, mais aussi du corps médical… Le patient va-t-il être capable
Combien de patients ne nous ont-ils pas avoué, que de prendre en charge
leur médecin traitant ou leur rhumatologue leur avait sa rééducation postopératoire ?
vivement déconseillé de se faire implanter une prothèse
d’épaule parce que les résultats étaient décevants… ! Il est nécessaire d’informer le patient que la rééducation
Un mauvais résultat d’une prothèse d’épaule mise en correspond à 50 % du résultat fonctionnel final et que
place et rééduquée par une équipe chirurgien-rééduca- quatre impératifs doivent être respectés : 1. mobilisa-
teur non spécialisée et incompétente est bien entendu tion passive postopératoire immédiate et « utilisation »
une contre-publicité… Il est donc logique que le patient du membre supérieur opéré dès les premiers jours
soit inquiet sur le résultat postopératoire et demande postopératoires ; 2. port obligatoire d’une « attelle de
au praticien quelle amélioration il peut attendre de protection » la nuit et pour les déplacements à l’ex-
l’intervention. térieur pendant les 6 premières semaines postopéra-
Examen clinique avant implantation d’une prothèse d’épaule 43
toires ; 3. nécessité de travailler la rééducation 3 fois Il est nécessaire pour le praticien de savoir si le patient
par semaine pendant les 3 premiers mois, puis 2 fois a bien compris l’importance de tous ces impératifs de
par semaine pendant les 3 mois suivants avec un kiné- rééducation postopératoire et s’il sera capable de les
sithérapeute ayant une bonne expérience de la réédu- assumer. Un sujet anxieux, dépressif ou vivant seul
cation de la prothèse d’épaule, avec parfois la nécessité et ne pouvant se déplacer sont autant de sources de
d’un séjour dans un centre de rééducation pendant le complications postopératoires et de déception quant à
1er mois postopératoire ; 4. et enfin obligation pour le la qualité du résultat fonctionnel obtenu. Cette notion
patient de faire des exercices d’autorééducation chez doit peser au moment de l’indication thérapeutique,
soi, au minimum 2 fois par jour [9]. car une fois la décision prise, c’est le chirurgien qui est
Le patient doit savoir qu’il devra être très prudent responsable du résultat…
pendant les 6 premières semaines postopératoires qui
correspondent au temps de cicatrisation du tendon du
sous-scapulaire. Il pourra nager, courir et conduire à la Conclusion
fin du 3e mois postopératoire, et reprendre progressive-
ment ses activités de loisir après le 6e mois postopéra- L’examen clinique avant l’implantation d’une pro-
toire. Il pourra reprendre une profession non manuelle thèse totale d’épaule, en association avec une bonne
au 3e mois postopératoire, mais il lui sera difficile, sinon connaissance de l’histoire clinique du patient et une
contre-indiqué de reprendre un travail nécessitant des imagerie de qualité, doit permettre de créer une rela-
gestes répétitifs ou le port d’objets lourds. Le patient tion de confiance entre le chirurgien et le patient, et
« oubliera » généralement son épaule à la fin de la 1re année de poser une indication thérapeutique adéquate. Le
postopératoire. C’est le délai que nous imposons entre dialogue préopératoire doit permettre de rassurer les
les deux interventions quand l’indication de mise en deux parties : le patient demandeur et le chirurgien
place d’une prothèse totale d’épaule est bilatérale. responsable.
RÉFÉRENCES
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44 H. CHIAVASSA-GANDOIS, ET AL.
RÉSUMÉ SUMMARY
Le bilan d’imagerie avant implantation d’une d’arthroplastie Imaging modalities before shoulder arthroplasty consist in
d’épaule repose essentiellement sur les radiographies standard et conventional ray and computed tomography (CT). High resolution
l’examen tomodensitométrique. La tomodensitométrie (TDM), grâce CT-scan permits to study: osseous structures —osseous quantifi-
à son excellente résolution spatiale, permet d’étudier : les structu- cation, glenoidal type and orientation— state of the rotator cuff
res osseuses des rotateurs – le capital osseux, l’aspect et l’orientation muscles, trophicity and fatty infiltration, humeral head and gle-
de la glène – ; les muscles de la coiffe des rotateurs – la trophicité et noidal position. Several measures are also realized on CT images
l’involution graisseuse – ; le positionnement de la tête humérale par The choice of prosthesis and technical chirurgical strategies are
rapport à la glène – éventuelle subluxation. Différentes mesures sont dependant of imaging accuracy.
également réalisées. Le choix du type de prothèse et la technique
chirurgicale seront facilités par cette planification pré-chirurgicale.
Mots clés : Tomodensitométrie. – Scapulométrie. – Arthroplastie Key words: Computed tomography. – Scapulometry. – Shoulder
d’épaule. arthroplasty.
Technique
Le bras à étudier est étendu le long du corps en
position neutre, le bras controlatéral est élevé au-
dessus de la tête pour éviter les artéfacts. L’examen
est réalisé sans injection de produit de contraste.
Deux acquisitions sont effectuées : une au niveau de
l’épaule, puis une au niveau de la palette humérale
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Involution graisseuse musculaire Figure 4. TDM, coupe axiale : involution graisseuse stade 2 des
muscles infraépineux et supraépineux, étudiés sur cette coupe.
L’appréciation de l’involution graisseuse (figure 4) se fait
uniquement sur des coupes axiales, et ce en plein corps
charnu musculaire, en fenêtres parties molles et fenêtres L’index de dégénérescence graisseuse globale (IDG) peut
osseuses. La graisse est objectivée par des travées hypo- également être calculé ; il correspond à la moyenne des
denses intramusculaires ; l’involution graisseuse est gradée dégénérescences graisseuses des muscles supraépineux,
selon la classification de Goutallier et Bernageau [3] : infraépineux et subscapulaire (IDG = SE + IE + SS).
– stade 0 : absence de travées graisseuses ;
– stade 1 : quelques rares travées graisseuses ;
– stade 2 : infiltration graisseuse inférieure au muscle ; Morphologie de la glène
– stade 3 : infiltration graisseuse égale au muscle ; La morphologie de la glène dans l’omarthrose est défi-
– stade 4 : infiltration graisseuse plus abondante que nie à partir de la classification de Walch. Trois types,
le muscle. A, B ou C, sont distingués selon la rétroversion de
la glène, l’aspect des érosions osseuses et l’existence
d’une luxation postérieure de la tête humérale [12]
(figure 5) :
– type A (59 %) : tête humérale centrée :
• rétroversion de la glène : moyenne 11,5° :
■ A1 : érosion mineure : 43 % ;
et ostéophyte ;
■ B2 (15 %) : glène biconcave souvent associée à
un excès de rétroversion.
– type C (9 %) :
• rétroversion de la glène : supérieure à 25° en regard
de l’érosion ;
• il s’agit de glènes dysplasiques, avec une tête humé-
rale plutôt centrée ou légèrement subluxée.
Figure 3. TDM, reconstructions MPR (multiplanar reconstruc- Selon les données de l’étude de Walch [12], certains
tion) en sagittale, coupe en Y : étude de la trophicité muscu- points restent à préciser concernant cette morphologie
laire. Atrophie des muscles subscapulaire et supraépineux. de la glène dans l’omarthrose :
Bilan d’imagerie avant implantation d’une prothèse totale d’épaule 47
Figure 5. Classification tomodensitométrique de l’usure glenoïdienne et de la subluxation postérieur humérale dans l’omarthrose
selon Walch [12].
Figure 8. TDM : mesure de l’excentration de la tête humérale Figure 9. IRM, séquence T1 en sagittal, coupe en Y : involution
dans le plan axial : b/a. graisseuse ; travées hyperintenses dans le muscle correspon-
dant à de la graisse.
Bilan d’imagerie avant implantation d’une prothèse totale d’épaule 49
Échographie Conclusion
L’échographie n’est pas indiquée dans le bilan préchi- Tout bilan d’imagerie avant arthroplastie d’épaule
rurgical avant mise en place de prothèse. Cette technique repose sur la réalisation de radiographies standard
a pour avantage d’être peu invasive, reproductive, reproductibles qui doivent être de bonne qualité.
comparative, dynamique et peu coûteuse. Un examen tomodensitométrique simple paraît suf-
Elle fournit des informations sur les tendons de fisant pour réaliser un bilan lésionnel complet et pour
la coiffe des rotateurs. Les corps musculaires sont obtenir des données morphométriques.
visualisés. Toutefois, la trophicité musculaire et l’in- L’IRM, grâce à l’excellent contraste qu’elle fournit
volution graisseuse ne peuvent être appréciées qu’au au niveau des tissus, permet une analyse intéressante
niveau des muscles supraépineux et infraépineux de l’ensemble des parties molles, des structures para-
(le muscle subscapulaire est d’analyse difficile). Les articulaires, tendineuses et musculaires ; elle n’est pas
signes d’involution graisseuse apparaissent sous la réalisée en routine dans ce bilan préopératoire.
forme de stries hyperéchogènes. Cet examen se révèle L’imagerie, dans ce type d’indication, doit fournir les
intéressant pour l’étude du tendon du long biceps, renseignements utiles au chirurgien : la morphologie des
notamment en dynamique. L’état de ce tendon est un structures osseuses, l’état du stock osseux et de la coiffe
élément qui est pris en compte pour le choix de la des rotateurs, mais surtout l’état des muscles, ainsi que
technique opératoire. des mesures scapulométriques reproductibles.
RÉFÉRENCES
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50 M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER
RÉSUMÉ SUMMARY
La connaissance des voies d’abord de l’épaule, de leurs difficultés Knowledge of the surgical approaches, including their difficulties
et de leurs dangers doit permettre à l’opérateur d’avoir un accès and dangers, must allow the shoulder surgeon to gain an opti-
facilité aux structures osseuses aux fins d’implanter correctement mal access to the bony structures in order to correctly implant
les pièces prothétiques. La voie d’abord postérieure est peu uti- a shoulder prosthesis, whatever the model chosen. The poste-
lisée, mais doit être connue. La voie supéro-externe est surtout rior approach is seldom used but must be known in case of. The
utilisée dans la mise en place des prothèses inversées en profitant superolateral approach is mostly used for the implantation of
de l’absence de coiffe. Elle permet de travailler la glène dans l’axe. reversed prosthesis as the absence of rotator cuff facilitates the
La voie deltopectorale est la plus connue, mais la connaissance exposure. This approach allows for working in the axis of the
de l’anatomie doit permettre d’en améliorer l’efficacité. Une glenoid. The deltopectoral approach is the most known ; however,
voie d’abord deltopectorale bien conduite permet de positionner the knowledge of the anatomy of the different layers and struc-
les implants, source de succès mécanique et fonctionnel à long tures does increase the quality of the exposure. A perfect delto-
terme. Les différentes voies d’abord et leurs variantes sont décri- pectoral approach allows a better positioning of the implants,
tes dans cet article. which is the key for a functional and mechanical success with
long-term follow-up. The different surgical approaches and their
variants are described in this article.
Mots clés : Prothèse d’épaule. – Voies d’abord. Key words: Shoulder arthroplasthy. – Surgical approaches.
des implants, à un déséquilibre dans la tension des par- l’exposition. La totalité du membre supérieur et du
ties molles, ou à une usure prématurée de la coiffe, moignon de l’épaule est incluse dans le champ opé-
le plus souvent liés à des défauts techniques favorisés ratoire. Toutes les précautions habituelles sont prises
par des difficultés d’exposition dans la voie d’abord. afin d’éviter des hyperappuis, notamment au niveau
De nombreuses publications proposent des artifices des ischions et des talons en position semi-assise. Il
techniques pour améliorer la pose des implants et leur n’y a pas, à l’épaule, de lignes de tension cutanée avec
survie à long terme. des axes bien définis. Ces lignes sont essentiellement
Cependant, toutes les voies d’abord ne sont pas uti- radiaires, ce qui explique, dans la voie postérieure ou
lisées avec la même fréquence ; dans la première publi- la voie d’abord deltopectorale, les risques de cicatrices
cation du groupe Aequalis, il y avait 1 voie d’abord inesthétiques. En revanche, les tissus cutanés et sous-
postérieure, 12 voies supérieures et 404 voies delto- cutanés de l’épaule sont richement vascularisés, ce qui
pectorales utilisées [14]. autorise des décollements cutanés « larges » pour faci-
liter l’abord et la zone de traversée du deltoïde.
Aide n 2
Aide n 1
Opérateur
Figure 1. Installation en décubitus latéral pour la mise en place d’une prothèse par voie postérieure. Noter l’appui arthrodèse et la
position des aides et de l’opérateur.
52 M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER
L’humérus est préparé selon la technique correspon- sitant une ostéotomie transversale de l’acromion (voie
dant au type de prothèse choisie. La glène peut être postérosupérieure de Cadenat-Debeyre, voie transacro-
préparée à ce moment et, dans les cas d’usure posté- miale de McLaughlin, voie de Kessel, voie transacromio-
rieure évoluée, cet abord sera idéal pour reconstruire claviculaire) présentent une morbidité supplémentaire,
un défect postérieur à l’aide d’un greffon osseux. sans apporter d’avantages nets, et ne semblent pas être
Une fois la prothèse définitive implantée, l’épaule est utilisées. Surtout, les voies d’abord supérieures sont
réduite par une manœuvre de rotation externe. La initialement des voies d’abord de la face superficielle
réinsertion successive des rotateurs externes puis du de la coiffe des rotateurs et non des voies d’abord de
deltoïde postérieur est essentielle (figure 4). Celle- l’articulation scapulohumérale. L’articulation est cepen-
ci se fait avec du fil non résorbable. Au niveau de dant accessible en cas de fracture céphalo-tubérositaire,
l’épine et de l’acromion, on réalisera quelques tun- pour la mise en place d’implant dans les ruptures de
nels à la mèche fine afin de réinsérer le deltoïde. coiffe non réparables (prothèses inversées notamment),
ou plus rarement moyennant une désinsertion des mus-
Suites opératoires cles de la coiffe (supraépineux ou subscapulaire). Le
principal avantage des voies supérieures est le respect
L’immobilisation postopératoire est de 5 semaines. de l’intégrité du muscle subscapulaire, principal muscle
On associe au système d’écharpe–contre-écharpe stabilisateur antérieur de l’épaule.
l’installation d’un coussin entre le membre et le tho-
rax, ce qui permet de limiter la rotation interne et Abord chirurgical de la voie
donc de favoriser la consolidation tubérositaire pour supéro-externe
les rotateurs externes. La rééducation en rotation
interne ne débutera qu’à partir de la 6e semaine. Le patient est habituellement installé en position semi-
assise [4]. Les principaux repères cutanés sont définis
Voies d’abord supérieures avant l’incision (figure 5). Il s’agit du bord externe de
l’acromion, de l’angle antéro-externe de celui-ci, de son
Parmi les voies d’abord supérieures, les voies d’abord bord antérieur et de l’articulation acromioclaviculaire,
sagittales avec section horizontale du deltoïde (Codman, dont la palpation est parfois difficile. Il est parfois plus
Judet) ou de l’acromion (Moseley, McLaughlin) sont facile de repérer le siège de l’acromioclaviculaire en
presque toutes abandonnées étant donné la fréquence de palpant son bord postérieur. Celui-ci se situe toujours
leurs complications. Les voies d’abord supérieures néces- immédiatement en avant de la dépression palpable
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Figure 4. Après la mise en place de l’implant, la fermeture de la coiffe et du deltoïde postérieur doit être soigneuse.
54 M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER
ment trochinien en avant, et de les mobiliser par l’inter- d’intervention. Nous n’avons eu, sur plus de 40 pro-
médiaire de fils tracteurs. La tête humérale est retirée de thèses posées par cette voie d’abord, que deux lâcha-
la cavité et servira de greffon pour faciliter la consolida- ges des sutures.
tion des tubérosités. La préparation du fût diaphysaire Si l’on souhaite respecter la coiffe, on peut relever
avec l’ancillaire adapté est aisée, car elle se fait dans en bloc l’insertion des tendons supra- et infraépineux
l’axe. La difficulté est celle du contrôle de la hauteur avec un fragment osseux trochitérien en repérant l’in-
de l’implant, étant donné que la mise en place de celui- tervalle des rotateurs. L’ouverture de celui-ci permet,
ci cache les repères diaphysaires. Il faut se repérer sur en arrière du biceps, de glisser un ciseau à os de 15
l’éperon cortical interne de l’humérus (calcar), très sou- mm. On peut ainsi lever un fragment osseux de taille
vent respecté, et sur la tension obtenue lors de la remise suffisante pour être réinséré de façon solide sans tou-
en place des tubérosités. Le risque principal observé cher aux muscles de la coiffe.
avec cette voie d’abord est de poser la prothèse en varus Copeland, qui utilise cette voie d’abord, sectionne
avec un effet d’abaissement de la prothèse et des tubé- le muscle subscapulaire, ce qui lui permet, en rotation
rosités. Il est en effet difficile d’apprécier, au moment du externe, de sortir la tête humérale en faisant glisser
serrage, la parfaite réduction des tubérosités et la bonne vers l’arrière les muscles de la coiffe.
position de la prothèse. C’est la raison pour laquelle il La voie d’abord supéro-externe donne un très bon
est conseillé de fixer les tubérosités l’une après l’autre, et jour sur la glène lors de la réalisation d’une arthroplas-
de façon séparée, sur la diaphyse et la prothèse. tie totale, ce qui facilite l’utilisation de greffons pos-
Quand un implant prothétique est utilisé en trauma- térieurs et/ou antérieurs. Pendant le temps huméral,
tologie, le membre supérieur ne doit pas être immobilisé la préparation du fût diaphysaire ne nécessite pas la
en abduction, car il existe alors un risque de luxation mise en rétropulsion et rotation externe forcée comme
inférieure de la tête, favorisée par la fréquente sidération dans la voie deltopectorale, ce qui protège les nerfs du
post-traumatique du deltoïde. membre supérieur qui sont souvent irrités dans cette
manœuvre et/ou les vaisseaux huméraux (risque de
Utilisation dans les arthroplasties thrombophlébite). La chirurgie de reprise est ainsi faci-
totales litée. L’ablation des ostéophytes postérieurs est facile.
En revanche, l’ablation des ostéophytes inférieurs est
Quand la coiffe est rompue (arthroplasties inversées), plus délicate. Il faut s’aider d’une pince gouge à lami-
la voie d’abord supéro-externe présente plusieurs nectomie de Kerisson. La persistance d’une limitation
avantages. de l’abduction du bras en peropératoire témoigne habi-
– La mise en place d’un guide de coupe de la tête tuellement de la persistance d’ostéophytes inférieurs
humérale est facilitée, car l’opérateur travaille dans dont il faut reprendre l’excision. Le reste de la prépa-
l’axe de l’humérus. Il contrôle la rétroversion et/ou le ration humérale ne présente pas de particularités.
déport qu’il souhaite mettre. Il faut se méfier néan- Lors de la fermeture, le deltoïde est réinséré soit
moins dans la coupe de ne pas entamer la glène avec la sur le surtout fibreux acromial, soit par des points
scie. Schématiquement, la hauteur de coupe est satis- transosseux. Nous n’avons pas eu à déplorer, à notre
faisante quand la tranche humérale arrive spontané- connaissance, de complications liées à sa désinsertion.
ment au tiers inférieur de la glène. Le caractère discrètement arciforme de l’incision per-
– La préparation de la glène, qui est face à l’opérateur, met la fermeture cutanée par un surjet. Placées sur le
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est plus facile par cette voie d’abord, ce qui augmente sommet de l’épaule, les cicatrices sont en général peu
la qualité de sa préparation. Un écarteur mousse à visibles et habituellement considérées comme esthéti-
deux dents dit de Trouilloud placé au bord inférieur quement satisfaisantes.
de la glène vient repousser en bas l’humérus et expose Deux autres voies d’abord supérieures sont proches
la totalité de la glène. de celle proposée et peuvent constituer des alternatives.
Lorsque la coiffe est intacte, et que l’on désire utiliser La voie antérosupérieure est rectiligne, ce qui favorise
la voie supéro-externe, il faut obligatoirement relever sa fermeture. Cependant, elle donne un moins bon
le supraépineux et au moins la moitié de l’infraépineux jour sur la partie postérieure de l’articulation. L’autre
(en respectant sa jonction avec le petit rond pour pou- voie d’abord supérieure est proposée par Gschwend,
voir correctement le réinsérer) pour pouvoir travailler qui réalise, à la place d’une ostéotomie de l’acromion,
correctement la glène et l’humérus. Pour ce faire, il est un lambeau musculaire digastrique comprenant le
possible de sectionner les tendons de la coiffe environ trapèze et le deltoïde. L’ensemble trapèze–deltoïde
1 cm avant leur insertion sur l’humérus, ce qui permet est dissocié en dedans et en dehors sur l’acromion et
de lever un lambeau de coiffe facilement suturé en fin désinséré avec des lamelles osseuses, ce qui conserve
56 M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER
la continuité musculaire trapézo-deltoïdienne. Cette musclé. Les repères utilisés sont le relief du processus
voie d’abord n’offre pas un jour plus important que coracoïde, qui est toujours en dehors du sillon delto-
la voie supéro-externe sur la partie tendineuse de la pectoral, et le « V » deltoïdien. Pour notre part, nous
coiffe et son seul intérêt, à notre avis, serait de per- préférons une incision cutanée rectiligne, qui part de
mettre un geste sur le muscle supraépineux. la clavicule, passe à l’aplomb de l’apophyse coracoïde
en direction du V. Sachant qu’avec cette incision nous
Voie d’abord deltopectorale sommes en dehors du sillon, le décollement sous-cutané
se fait vers le dedans, ce qui permet de mieux repérer le
La voie d’abord deltopectorale est, de loin, la voie sillon deltopectoral parfois mal délimité (figure 7).
d’abord la plus utilisée, pour laquelle chaque chirur- La veine céphalique, repère principal du sillon, est
gien a ses habitudes et ses trucs. Nous décrirons donc plus facilement repérable à la partie basse du sillon,
les temps qui nous paraissent les plus importants et/ l’épaule étant en abduction. On peut également repé-
ou utiles pour obtenir une exposition suffisante aux rer la partie toute supérieure du sillon deltopectoral
fins de placer correctement les implants. Son carac- en haut et en dedans du processus coracoïde, où se
tère habituel ne doit pas faire oublier que la forte trouve de façon constante un triangle graisseux à la
mise en rotation externe et rétropulsion de l’épaule jonction entre le deltoïde et le grand pectoral. Souvent
s’accompagne d’une souffrance nerveuse des nerfs du volumineuse et superficielle, la veine céphalique peut
membre supérieur (lors des contrôles des potentiels être dédoublée, ou située plus profondément, et sa dis-
évoqués), et a été suspectée de favoriser la création de section doit donc être précautionneuse pour éviter sa
thrombophlébites du membre supérieur, ce qui justi- lésion. La veine sera préservée et laissée en dehors, car
fie, pour certains, la prescription d’HBPM (héparine elle reçoit le maximum de collatérales par ce côté [13].
de bas poids moléculaire) en postopératoire [10].
Technique chirurgicale
Le choix de l’incision est variable et dépend des diffi-
cultés attendues et du désir d’esthétisme, les cicatrices Figure 7. L’incision deltopectorale est rectiligne pour être plus
les plus médiales étant souvent plus discrètes. La qua- esthétique. Elle est légèrement externe au sillon deltopectoral
lité de l’exposition obtenue est extrêmement varia- en passant à l’aplomb de la pointe de la coracoïde, ce qui faci-
ble et d’autant plus limitée que le patient est gros et lite la recherche de la veine qui est en dedans de l’incision.
Voies d’abord de l’épaule pour implantation prothétique 57
subluxation postérieure de la tête humérale pour exposer l’intervalle des rotateurs, et en bas en prenant soin de
la glène. Cette section fait apparaître le biceps brachial préserver le nerf axillaire. Le nerf axillaire est toujours
dans sa coulisse. Il pourra être ténodésé à cet endroit en à plus de 12 mm de l’insertion humérale du tendon
fin d’intervention lorsque le grand pectoral sera réinséré. du subscapulaire. Il existe un plan de clivage entre le
Les limites du muscle subscapulaire sont repérées. corps musculaire et la capsule sous-jacente, mais la
La limite supérieure est marquée par l’intervalle des partie distale du tendon adhère à la capsule articulaire.
rotateurs ; elle se situe à la même hauteur que la pointe Pour trouver facilement le plan de clivage, l’incision
de l’apophyse coracoïde lorsque le bras est mis en du tendon du muscle subscapulaire doit donc se faire
adduction-retropulsion. La limite inférieure est mar- à proximité de la jonction musculotendineuse. Le plan
quée par les vaisseaux circonflexes qui sont repérés de clivage est parfois délicat à repérer ; dans ce cas,
et ligaturés avec le bras en flexion-rotation externe. il faut savoir que sa mise en évidence est plus facile
Un fil tressé résistant calibre 3 est passé verticalement au tiers inférieur du muscle où il n’y a pas de tendon
dans le tendon du subscapulaire ; il servira de fil trac- d’insertion. À ce niveau, il n’y a pas d’adhérence entre
teur au moment de sa réinsertion. capsule et muscle. La capsule articulaire est visuali-
58 M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER
bloc » ne permet pas toujours d’exposer correctement au niveau de la gouttière du biceps, et des points de
la partie postérieure de la tête, car la capsule est très Masson-Allen du côté tendineux. Si une désinsertion
proche du tendon du grand dorsal (latissimus dorsi) ou une ostéotomie a été faite, le passage des points
qui limite la dissection [12]. L’idéal est de laisser le transosseux doit être fait avant la mise en place de la
bras en rotation neutre et de demander à l’aide de faire pièce humérale.
une translation externe pour bien exposer l’insertion Le tendon du grand pectoral est réinséré sur l’humé-
humérale de la capsule, et de la sectionner d’avant en rus (si sa section a concerné plus de la moitié de sa hau-
arrière avant de porter le bras en rotation externe. teur) en effectuant la ténodèse du biceps dans le même
La tête doit être vue intégralement ; un écarteur temps. La ténodèse du biceps doit toujours être effec-
contre-coudé est placé sous la coiffe (supraépineux) et tuée avec le coude en extension pour ne pas surtendre
la repousse en arrière. Les difficultés d’exposition de le tendon, ce qui pourrait être source de douleurs.
la tête peuvent être dues à une ostéophytose humérale Le sillon deltopectoral est éventuellement suturé en
postérieure qui doit être réséquée aux ciseaux à frap- veillant à ne pas léser la veine céphalique qui est laissée
per, ou à une rétraction capsulaire antéro-inférieure en superficie.
qui doit céder en effectuant un débridement capsulaire
soigneux. Dans tous les cas, en s’aidant d’écarteurs, il Cas particuliers
faut visualiser le pourtour complet du col anatomique
de manière à effectuer la résection des ostéophytes. L’extension de la voie deltopectorale peut se faire de plu-
Cette résection soigneuse doit permettre de retrouver sieurs manières. La section, partielle ou complète, du ten-
les limites du col anatomique, marquées à la partie don distal du grand pectoral permet d’agrandir la voie
inférieure par une « ligne graisseuse » qui correspond à vers le bas en réalisant, au besoin, une voie antéro-externe
la zone d’insertion du feuillet porte-vaisseaux (frenulae classique de l’humérus. En revanche, il ne faut pas agran-
capsulae). La recoupe du col anatomique est ensuite dir en décrochant le deltoïde antérieur, car sa réinsertion
effectuée selon les spécificités de l’implant choisi. fonctionnelle est en pratique impossible, ce d’autant que
Le temps glénoïdien suppose de repousser l’humérus en la désinsertion sectionne dans le même temps la branche
arrière pour exposer correctement la glène. L’exposition acromiale qui vascularise le muscle [9].
de la glène est le temps difficile dans l’abord deltopecto- Récemment, il a été proposé d’utiliser le tendon
ral. La vision de la glène a tendance à être tangentielle ; du grand dorsal et du grand rond pour améliorer la
or il est impératif de pouvoir travailler avec la glène face rotation externe des patients chez qui est implantée
à soi pour positionner correctement l’implant prothéti- une prothèse inversée par voie deltopectorale [1]. Un
que. Si tous les temps de libérations précédents ont été écarteur placé sur le grand pectoral dont la partie
effectués, la subluxation postérieure de la tête humérale supérieure du tendon d’insertion a été partiellement
ne doit pas poser de problème. Il n’y a pas de « recette » sectionnée permet d’exposer l’insertion terminale du
stricte ; il faut savoir essayer plusieurs écarteurs diffé- tendon du grand dorsal qui est conjointe avec celle du
rents, faire varier la rotation du bras, jusqu’à trouver grand rond, les deux tendons étant emportés en même
le compromis idéal. Si l’exposition reste insuffisante, il temps. Les deux tendons conjoint est sectionné de pro-
faut compléter la libération des parties molles par une che en proche en portant progressivement le bras en
capsulotomie postérieure et la section du ligament cora- rotation externe. Des fils-repères permettent de ne pas
cohuméral, puis par la ténotomie du grand pectoral en enrouler le tendon lors de son passage derrière l’épi-
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nerveuses ont ainsi été rapportés dans la chirurgie pro- l’arthroplastie. La mise en place des implants est un
thétique de l’épaule, témoignant des difficultés et des temps important, mais la qualité des résultats à court
dangers rencontrés par les opérateurs. Elle peut être et surtout à long terme dépend en grande partie de la
plus ou moins facile selon la corpulence ou la muscu- qualité de l’exposition peropératoire obtenue par une
lature du patient, mais la connaissance des difficultés, voie d’abord maîtrisée.
leur anticipation, le caractère méticuleux de la prépa- Remerciements : au Pr Olivier Gagey pour son aide
ration vont transformer, en pratique, la réalisation de dans la description de la voie postérieure.
RÉFÉRENCES
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La rééducation ambulatoire
après prothèse d’épaule
Ambulatory rehabilitation following shoulder arthroplasty
D.F. GAZIELLY
RÉSUMÉ SUMMARY
Le résultat fonctionnel que l’on peut attendre de la mise en place Regardless of etiology, the functional results that can be expec-
d’une prothèse d’épaule, humérale simple ou totale, dépend, à ted after hemi- or total shoulder arthroplasty are equally depen-
parts égales, quelle que soit l’étiologie, de la technique chirur- dent upon surgical technique paying heed to surrounding soft
gicale proprement dite, qui doit respecter les parties molles tissues and the quality of postoperative rehabilitation. This
périprothétiques, et de la qualité du programme de rééducation program proceeds through three successive stages: immediate
postopératoire. Ce programme repose sur trois phases succes- postoperative mobilization, recovery of passive and active range
sives : mobilisation passive postopératoire immédiate, récupéra- of motion and, finally, strengthening exercises. The collabora-
tion progressive des amplitudes articulaires passives et actives, tion of a well-experienced physiotherapist in shoulder rehabili-
puis renforcement musculaire. La collaboration d’un kinésithéra- tation and a motivated patient able to assume his or her home
peute ayant une solide expérience de la rééducation de l’épaule, rehabilitation program is necessary. The patient–physiotherapist
et la participation d’un patient motivé qui prendra en charge son team will achieve 50% of the final functional result and will
autorééducation, sont nécessaires. Cette équipe patient–kinési- be both immediately effective and more efficient if the team is
thérapeute fera, à elle seule, plus de 50 % du résultat fonctionnel set up before surgery. The role of preoperative rehabilitation is
final de l’arthroplastie prothétique de l’épaule, et sera d’autant to educate the patient physically and psychologically through
plus efficace qu’elle aura été constituée avant l’intervention. C’est information and exercises. With our experience of ambulatory
le rôle de la rééducation préopératoire de préparer psychologi- rehabilitation following shoulder arthroplasty, we can say that
quement et physiquement le patient en l’informant et en l’édu- it is illusory to perform shoulder arthroplasty if the postopera-
quant. Notre expérience de rééducation ambulatoire, après mise tive rehabilitation program is not previously prepared and jointly
en place d’une prothèse d’épaule, nous permet d’affirmer qu’il est conducted by the team patient–physiotherapist–surgeon.
illusoire d’envisager la réalisation d’une arthroplastie prothétique
de l’épaule si un programme spécifique de rééducation postopéra- Key words: Shoulder. – Arthroplasty. – Rehabilitation.
toire n’a pas été préparé, et n’est pas pris en charge, après l’inter-
vention, par une équipe patient–kinésithérapeute–chirurgien.
La première condition est une technique chirurgicale ambulatoire de la prothèse d’épaule, faisant intervenir
minutieuse, non délabrante dans sa voie d’abord pour une équipe patient–kinésithérapeute–chirurgien, que
les partie molles ; de ce point de vue, la voie deltopec- nous développons dans ce chapitre.
torale préconisée par Neer [9] est la voie d’abord qui
donne la meilleure exposition chirurgicale, sans néces-
sité de désinsertion du deltoïde, et imposant seulement Pourquoi une rééducation
une section verticale du tendon subscapularis dont la en ambulatoire ?
réparation minutieuse permet une mobilisation passive
postopératoire immédiate. La technique chirurgicale Il existe, pour rééduquer une prothèse d’épaule, deux
de la prothèse d’épaule est très particulière et diffé- possibilités : soit le patient est rééduqué en ambula-
rente, dans ses objectifs, de la technique de la prothèse toire par un kinésithérapeute, soit il est rééduqué dans
de hanche et de genou, puisque la stabilité de l’implant un centre de rééducation fonctionnelle [7].
est liée à un équilibre musculotendineux antéroposté- Nous préférons faire rééduquer les patients opérés
rieur alors que la stabilité est respectivement osseuse suivant un mode ambulatoire [5,6] plutôt que dans un
et ligamentaire dans les prothèses de hanche et de centre de rééducation, pour trois raisons principales.
genou. La première raison tient au fait que la préparation du
Cette différence explique le caractère incontournable patient nous paraît essentielle et qu’elle doit être faite
de la rééducation après prothèse d’épaule, et la néces- si possible par le même kinésithérapeute qui s’occupera
sité de respecter la seconde condition, qui est de faire de lui après l’intervention ; ce qui permet de constituer,
mobiliser l’épaule opérée par un kinésithérapeute ayant en préopératoire, une équipe patient–kinésithérapeute.
une bonne expérience de la rééducation manuelle de Ce type de rééducation préopératoire est difficile à
l’épaule, et en particulier de la chirurgie prothétique. organiser avec un centre de rééducation, souvent éloi-
En effet, un kinésithérapeute inexpérimenté n’osera gné du domicile du patient.
pas mobiliser immédiatement l’épaule prothésée, et il La seconde raison tient au fait que seul le chirur-
en résultera un retard souvent irréversible dans la récu- gien connaît exactement la qualité des éléments mus-
pération de la mobilité passive puis active et, à terme, culotendineux périprothétiques, et peut donner les
un résultat fonctionnel bien inférieur à celui obtenu consignes précises de rééducation postopératoire à un
par un kinésithérapeute habitué à travailler avec un kinésithérapeute avec lequel il pourra communiquer
chirurgien de l’épaule. Mais la mobilisation passive facilement s’il y a le moindre problème. Ce lien direct
postopératoire immédiate ne sera possible qu’à la et personnalisé avec le kinésithérapeute est très diffi-
condition que le patient soit informé, avant l’interven- cile à établir avec un centre de rééducation parce que le
tion, des modalités de la rééducation postopératoire et kinésithérapeute qui prend en charge le patient, n’est
du mode de fonctionnement de la prothèse qui va être le plus souvent jamais le même pendant le séjour en
mise en place au niveau de l’épaule. centre. Ceci crée une dilution des responsabilités pré-
Cette mise en confiance du patient nécessite une judiciable au suivi postopératoire.
période de rééducation préopératoire qui représente la Enfin, la troisième raison est le coût de la rééducation
troisième condition nécessaire au bon déroulement de en centre spécialisé, qui est plus élevé qu’en ambula-
la rééducation postopératoire d’une prothèse d’épaule ; toire, à un moment où l’on demande aux profession-
la rééducation préopératoire permet de préparer le nels de santé de faire des économies. Il faut ajouter que
nous demande de faire et l’évolution vers un coût glo- lui expliquer comment s’est déroulée la rééducation
bal de la pathologie nous font penser que ce choix nous postopératoire immédiate dans notre unité d’épaule
sera de plus en plus imposé. Cependant, aujourd’hui, et quelles sont les consignes particulières à suivre en
chaque équipe peut encore organiser, en pratique, la dehors du protocole habituel qu’il connaît. Le rythme
rééducation postopératoire suivant des modalités dif- des séances est de 3 fois par semaine pendant les 3 pre-
férentes, en ambulatoire ou en centre, en fonction de miers mois postopératoires, puis 2 fois par semaine à
son lieu et de son mode d’exercice. partir du 4e mois postopératoire. Le rôle du kinésithé-
rapeute pendant la phase préopératoire est d’essayer
d’assouplir l’épaule et surtout d’apprendre, 1 ou 2 fois
Modalités pratiques par semaine, au futur opéré les exercices qu’il devra
de la rééducation ambulatoire faire en postopératoire immédiat, ainsi que de le ras-
surer. Après l’intervention, son rôle sera de le masser,
La rééducation ambulatoire de l’épaule doit être organi- de contrôler le travail d’autorééducation et de gagner
sée, contrôlée, et parfaitement suivie si l’on veut qu’elle en amplitudes articulaires passives puis actives, en par-
soit efficace. Nous la scindons en deux rééducations ticulier en élévation antérieure et en rotation externe
complémentaires et indissociables : une rééducation coude au corps et main derrière la tête. L’expérience
prise en charge par le kinésithérapeute à son cabinet du rééducateur, et la confiance qu’il a dans le chirur-
et une autorééducation prise en charge par le patient gien, seront alors irremplaçables pour permettre ce
lui-même, à son domicile. gain d’amplitude en toute sécurité.
aussi perfectionnée soit-elle : aucune attelle mécani- lonnées sur la journée, qui sont préférables à une seule
sée ne peut remplacer les mains du rééducateur. Bien séance quotidienne prolongée.
entendu, l’avantage de confier le patient à un kinési- D’autre part, ces séances d’autorééducation permet-
thérapeute que l’on connaît permet la rééducation qui tent au patient de se prendre en charge et de se rendre
suit toujours le même protocole et ses différentes pha- compte qu’il participe personnellement à sa récupéra-
ses successives. tion fonctionnelle.
Le contact doit être permanent entre kinésithéra- L’épaule opérée est immobilisée, non pas en rotation
peute et chirurgien, afin que ce dernier soit informé s’il interne mais en légère abduction et en rotation neutre,
apparaît des difficultés au cours de la rééducation post- sur une attelle confortable permettant la mobilisation
opératoire. Nous communiquons par téléphone avec immédiate du coude du membre supérieur opéré. Le
le kinésithérapeute qui prend en charge le patient, tant patient peut facilement enlever son attelle pour faire
avant l’intervention, pour lui présenter le patient qu’il ses exercices d’autorééducation, et la remettre en place
devra préparer et éduquer, qu’après l’intervention, pour seul. Cette attelle est portée jour et nuit pendant les
64 D.F. GAZIELLY
8 premiers jours postopératoires, puis uniquement la à propos d’un type d’implant qui reste mal connu,
nuit du 10e au 45e jour, pour éviter, pendant le som- aujourd’hui encore, par le monde médical et le grand
meil, des mouvements qui pourraient être dangereux public.
pour la suture du sous-scapulaire. C’est aussi le moment d’organiser la période qui va
Un kit d’autorééducation peut être fourni au patient suivre immédiatement l’hospitalisation, d’une durée
pour faciliter la réalisation de ses exercices pluriquoti- moyenne de 7 j. S’il s’agit d’un patient vivant seul, il
diens : il comprend un bracelet plombé pour les exer- se posera le problème de l’autonomie fonctionnelle
cices pendulaires, un bâton de largeur variable, des postopératoire immédiate et une demande d’aide-
poignées à ventouse et une poignée avec des caout- ménagère peut être faite. Après avoir informé et ras-
choucs de résistance variable pour les exercices de suré le patient, il est nécessaire de lui expliquer que
musculation du deltoïde et des abaisseurs. Cette auto- la rééducation postopératoire fait 50 % du résultat et
rééducation ne peut pas être envisagée sans un contrôle que sa participation est indispensable pour assurer lui-
par un kinésithérapeute ayant une bonne expérience même son résultat fonctionnel.
de l’épaule. Nous avons coutume de dire que la réédu- Quelle que soit la ville ou la région où habite le
cation fait 50 % du résultat d’une prothèse d’épaule, patient, nous l’adressons uniquement à un kinési-
dont la moitié est assurée par le kinésithérapeute, et thérapeute dont on connaît l’expérience en matière
l’autre moitié par le patient lui-même. de rééducation de l’épaule. En effet, nous devons être
certains que le patient aura le protocole adéquat de
La rééducation préopératoire rééducation postopératoire.
Cette rééducation préopératoire est assez courte,
Comme d’autres auteurs [1], nous préconisons une environ 1 mois, et aura deux objectifs. Le premier est
rééducation préopératoire avant la mise en place d’une d’essayer d’assouplir une épaule souvent très enrai-
prothèse d’épaule en dehors de tout contexte traumati- die, et surtout d’éduquer le patient en lui montrant
que récent [3,4]. Cette phase préopératoire nous paraît les exercices de rééducation passive, active aidée, puis
essentielle parce qu’elle permet de préparer le patient de musculation, qu’il aura à faire en postopératoire.
psychologiquement et physiquement. Ces exercices de rééducation manuelle permettent de
Une information précise doit être donnée au patient faire comprendre au patient comment fonctionne une
sur le fonctionnement de la prothèse d’épaule et la épaule, et ils peuvent avoir un effet antalgique, conjoin-
nature des matériaux qui la constituent, sur le dérou- tement aux séances de massages décontracturants. Le
lement des différentes phases postopératoires pendant patient ayant commencé son autorééducation à domi-
son hospitalisation puis à sa sortie, et enfin sur ce qu’il cile, le kinésithérapeute apprécie sa motivation et sa
peut espérer obtenir comme résultat fonctionnel. Le compréhension des exercices. Le patient peut visionner
chirurgien doit, bien entendu, moduler le gain fonc- le vidéoclip avec le kinésithérapeute et lui poser des
tionnel que peut espérer le patient en fonction de la questions sur l’existence éventuelle de douleurs post-
pathologie – omarthrose, polyarthrite rhumatoïde, opératoires, les gestes contre-indiqués, le délai post-
ostéonécrose – et du type de prothèse, humérale ou opératoire pour conduire, faire la cuisine, etc. Ainsi va
totale. s’établir, entre le patient et le kinésithérapeute, un cli-
Les renseignements sont fournis à nos patient mat de confiance propre à va aider psychologiquement
sous la forme d’un vidéoclip qui raconte l’histoire le patient qui sait qu’il retrouvera « son » kinésithéra-
nous aborderons ensuite les programmes de rééduca- La mobilisation passive en abduction-rotation externe
tion dont la spécificité est liée à l’étiologie ou au type (position sieste) [figure 2F] n’est autorisée que si la
de prothèse (prothèse inversée). suture du sous-scapulaire a été réalisée tendon-tendon.
Il en est de même pour la rotation interne main dans
le dos, qui doit être prudente (figure 2G). La flexion
La rééducation d’une prothèse (figure 2H) et l’extension (figure 2I) actives assistées
sont travaillées debout avec un bâton.
d’épaule anatomique pour – Au 7e jour postopératoire, le patient n’a plus d’at-
omarthrose primitive telle dans la journée. On l’encourage à utiliser le mem-
bre supérieur opéré pour faire sa toilette, s’habiller,
La rééducation pendant l’hospitalisation prendre ses repas, mettre ses lunettes, lire, boire, etc.
– Le patient est hospitalisé pendant une durée moyenne (figures 2J à 2L).
de 7 j. – Le patient quitte l’unité d’épaule avec un gain déjà
– Le membre supérieur opéré est immobilisé dans une très sensible sur la douleur et sur les amplitudes arti-
attelle amovible, en légère abduction et rotation neu- culaires passives et actives. Il s’est vite rendu compte
tre. Le coude homolatéral est mobilisé. qu’il progresse rapidement s’il fait correctement et
– Du 2e au 7e jour postopératoire sont réalisés des régulièrement ses séances pluriquotidiennes d’auto-
exercices de mobilisation passive (figure 2), d’une rééducation.
part avec le kinésithérapeute qui fait une séance de
rééducation chaque jour, et d’autre part par le patient
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Figure 2. Phase I : mobilisation passive postopératoire immédiate. A. Pendulaire avec un poids de 2 kg. B. Travail en flexion passive
avec le kinésithérapeute. C. Travail de la flexion passive en autorééducation. D. Travail de la rotation externe coude au corps avec
La rééducation après le 45e jour – musculation du deltoïde antérieur (figure 4E) et pos-
postopératoire térieur (figure 4F).
Les caoutchoucs utilisés sont de résistance croissante
La récupération de la mobilité active complète est pro- pour ne pas provoquer de réactions douloureuses. Le
gressive (figure 4) et assurée avec les mêmes exercices rôle du kinésithérapeute est de montrer les exercices de
réalisés avec le même rythme, 3 fois par semaine chez le musculation et de veiller à ce qu’ils soient correctement
kinésithérapeute et 4 fois par jour en autorééducation. réalisés par le patient, chez lui. Lors de la visite du 3e mois
Des exercices de musculation sont introduits progres- postopératoire, le patient a progressé en récupération
sivement, du 45e au 90e jour postopératoire (figure 4) : de la mobilité active (figures 4A et 4B). Il est autorisé à
– musculation du grand dorsal (figure 4C) ; conduire et à nager sans plonger. La balnéothérapie, si
– musculation du grand pectoral (figure 4D) ; elle peut être réalisée dans de bonnes conditions, poten-
La rééducation ambulatoire après prothèse d’épaule 67
Figure 2. (suite) G. Travail prudent de la rotation interne passive main dans le dos avec le kinésithérapeute. H. Flexion active aidée
avec un bâton en position debout. I. Extension active aidée avec un bâton. J. Le patient s’habille seul dès les premiers jours post-
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opératoires. K. Utilisation de l’épaule opérée dans les gestes de la vie quotidienne… L. Envoi de courriels en utilisant l’ordinateur…
tialise la récupération des amplitudes articulaires actives par semaine ; ces exercices ne sont pas conseillés en
pendant les 3 premiers mois postopératoires. autorééducation car ils peuvent être mal réalisés par
le patient, à son domicile, et être alors à l’origine de
douleurs. Le patient est revu en consultation à la fin
La rééducation du 3e mois au 6e mois du 6e mois postopératoire ; il a récupéré une autonomie
postopératoire fonctionnelle complète. Dans la grande majorité des cas,
Les exercices de musculation sont progressivement il n’est pas nécessaire de continuer la rééducation chez
intensifiés, mais ils ne doivent provoquer aucune réac- le kinésithérapeute ; mais le patient doit continuer de
tion douloureuse au niveau de l’épaule opérée. Le faire 1 à 2 séances d’autorééducation quotidienne pour
kinésithérapeute peut ajouter des exercices de mus- améliorer encore la fonction de l’épaule opérée. Dans
culation des rotateurs internes et externes coude au notre expérience le gain en score absolu de Constant
corps [5] qu’il fera avec le patient, à son cabinet, 2 fois progresse entre le 6e et le 12e mois postopératoire
68 D.F. GAZIELLY
Figure 4. Phase III : La musculation est autorisée seulement quand les amplitudes articulaires actives sont récupérées. A. Récupération
de l’élévation antérieure active. B. Récupération de la rotation externe en abduction active. C. Musculation du grand dorsal.
Autorééducation. D. Musculation du grand pectoral. Autorééducation. E. Musculation du deltoïde antérieur. Autorééducation.
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témoignant du fait que la fonction de l’épaule prothé- le stade IV qui est traité par mise en place d’une pro-
sée progresse jusqu’au 12e mois postopératoire. thèse totale.
effet antalgique incontestable et la récupération de la rééducation postopératoire pour éviter tout risque de
mobilité active est variable et dépend de la gravité de luxation prothétique :
l’atteinte tendineuse. – privilégier la récupération de l’élévation antérieure
dans le plan de l’omoplate sans dépasser 140° ;
– la mobilisation en rotation externe coude au corps
Fracture de l’humérus proximal ne doit pas dépasser 20° ;
La mise en route de la rééducation est retardée, car – la mobilisation en rotation interne ne doit pas dépas-
il est nécessaire d’attendre un début de consolidation ser main-fesse ;
des tubérosités, trochiter et trochin, qui ont été syn- – les exercices de traction ou de décoaptation sont for-
thésées autour de l’implant huméral cimenté. Pendant mellement contre-indiqués.
les 6 premières semaines postopératoires, le patient Les activités quotidiennes seront progressivement
doit porter l’attelle nuit et jour ; la rééducation est autorisées au cours des 3 premiers mois, en évitant
limitée à des exercices pendulaires et de va-et-vient tout effort physique et le port de charges lourdes. La
coude au corps, en flexion et en extension [5]. La rééducation postopératoire dure en moyenne 6 mois.
flexion passive en décubitus dorsal et les mouvements
passifs de rotation externe coude au corps, rotation
interne et extension, ne sont commencés, dans notre Résultats de la rééducation
expérience, qu’après la 6e semaine postopératoire, en ambulatoire
après vérification sur un bilan radiographique de l’ab-
sence de déplacement des tubérosités. Le programme Nous avons revu cliniquement et radiologiquement
de musculation est commencé à la fin du 3e mois 110 arthroplasties de l’épaule implantées depuis 1985
postopératoire. chez 103 patients (43 prothèses humérales simples
et 67 prothèses totales), toutes étiologies confondues
(omarthrose primitive et secondaire, post-traumatique
Omarthrose excentrée avec rupture et postinstabilité, polyarthrite rhumatoïde, ostéo-
massive de la coiffe des rotateurs nécrose aseptique), fracture exclues. Trois généra-
Si l’on opte pour une prothèse non contrainte la dispari- tions de prothèses ont été utilisées : Neer II (19 cas),
tion des tendons supra- et infraépineux contre-indique Modulaires (3M) (28 cas), Anatomiques Aequalis®
formellement la mise en place d’un implant glénoïdien, (Tornier) (63 cas). L’opérateur a été le même (DFG),
qui évoluerait inéluctablement vers un descellement. Il la technique opératoire identique (voie deltopectorale,
est donc mis en place des implants huméraux dont le respect des parties molles, réparation minutieuse du
diamètre de la tête prothétique est supérieur au diamè- tendon subscapularis) et la rééducation postopératoire
tre de la tête humérale saine, permettant un appui sous similaire (mobilisation passive postopératoire, réédu-
l’arche ostéoligamentaire coracoacromiale. Le patient cation ambulatoire avec un kinésithérapeute associée
doit garder l’attelle nuit et jour pendant 6 semaines. La à une autorééducation). Les 103 patients ont été revus
rééducation doit être douce et prudente car les tendons avec un recul moyen de 5,8 ans (minimum : 2 ans,
restants, en particulier le subscapularis, sont souvent maximum : 15,5 ans). Le score de Constant global en
très fragiles. La musculation des abaisseurs de la tête valeur absolue est passé de 41 points en préopératoire
humérale et du deltoïde ne commence qu’au 4e mois à 83 points sur 100 en postopératoire. L’élévation anté-
Figure 5. L’omarthrose excentrée peut être une indication de mise en place d’une prothèse totale d’épaule inversée après 70 ans.
A. Omarthrose excentrée gauche chez une patiente de 71 ans. B, C. Contrôle radiographique 5 ans après la mise en place d’une
prothèse totale Aequalis® inversée (Tornier). D, E, F. Résultat fonctionnel à 5 ans.
mique 3M ; 1 cas de descellement glénoïdien et 1 cas la conservation d’un tendon du long biceps dégénéra-
de tête prothétique trop grosse, imposant chaque fois tif, gênant la rééducation postopératoire et provoquant
une reprise chirurgicale. Quatre patients ont été réopé- un cercle vicieux raideur-douleur. Ces 2 patients ont
rés : 1 cas de luxation postérieure survenue au cours été très améliorés par une reprise avec une ténotomie
du sommeil chez une patiente hyperlaxe, reprise avec arthroscopique du long biceps. À la suite de ces 2 repri-
plicature de la capsule postérieure et guérie ; 3 cas de ses, nous réalisons systématiquement une ténotomie
raideur postopératoire : 1 patiente opérée pour luxation du long biceps chaque fois que nous mettons en place
postérieure invétérée après électrocution et peu amélio- une prothèse d’épaule. Il faut noter l’absence, dans
rée par une arthrolyse ; et 2 patients enraidis du fait de cette série, de complications classiquement décrites
72 D.F. GAZIELLY
dans la littérature : aucune luxation antérieure de la ne sera efficace en ambulatoire que si elle a été orga-
prothèse, aucune rupture secondaire du subscapularis, nisée et structurée avant l’intervention, et si elle est
aucune infection, aucune complication neurologique. réalisée avec la collaboration d’un kinésithérapeute
Globalement, on peut dire que les résultats obtenus, ayant une bonne expérience de la rééducation de
sous couvert d’une rééducation ambulatoire, dans cette l’épaule, et la participation d’un patient informé sur
série de 110 prothèses, toutes étiologies confondues le rôle essentiel qu’il joue dans le résultat fonction-
(fractures exceptées) sont très satisfaisants et satisfai- nel final en prenant en charge son autorééducation
sants dans 85 % des cas. pluriquotidienne. Le chirurgien doit rester humble et
ne pas oublier que sa technique chirurgicale, aussi
Conclusion sûre soit-elle, ne peut pas assurer, seule, le résultat
fonctionnel optimum d’une prothèse d’épaule, mais
La rééducation postopératoire compte pour 50 % qu’elle doit être suivie d’un programme de rééduca-
dans le résultat final d’une prothèse d’épaule. Elle tion rigoureux et contrôlé.
RÉFÉRENCES
1 Brems JJ. Rehabilitation following total shoulder arthroplasty. toires, résultats. In : La prothèse d’épaule en 2005. Montpellier :
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6 Gazielly DF, Verborgt O. La prothèse anatomique dans l’omar- 11 Neer CS Jr. Shoulder rehabilitation. In : Shoulder reconstruc-
those centrée primitive : technique chirurgicale, suites postopéra- tion. Philadelphie ; WB Saunders ; 1990. p. 487-553.
RÉSUMÉ SUMMARY
Les fondements de la rééducation après prothèse d’épaule ont été Bases of rehabilitation after shoulder replacement have been
présentés en 1975 par Charles Neer : récupération des amplitudes presented in 1975 by Charles Neer. Neer’s protocol is a recovery
en élévation, rotation externe et rotation interne. En 1985, en of range of motion in elevation, external rotation and internal
centre, nous avons introduit la rééducation en piscine chaude, rotation. In 1985, into a center, we introduced warm-water pool
qui facilite, simplifie et sécurise la récupération des amplitudes, rehabilitation, which facilitates, simplifies and secures the reco-
notamment des rotations. Un séjour court de 2 à 3 semaines en very of range of motion, in particular of rotations. A 2 to 3 weeks
centre permet de mettre en place une autorééducation, à pour- short stay allows to set up self-rehabilitation, which will continue
suivre à domicile, avec les automobilisations pluriquotidiennes en at home with self-mobilizations many times a day, in elevation
élévation-rotation externe. La rééducation ambulatoire en piscine and external rotation. Ambulatory warm-water pool rehabilita-
est facultative, en fonction des possibilités. Tous les exercices, à tion is optional, according to the local possibilities. In the air or
sec et en piscine sont contrôlés par le patient en fonction du in water, all exercises are controlled by the patient according to
seuil douloureux ; la régulation automatique se fait par l’activité pain level, with an automatic regulation by the reflex myotatic
réflexe myotatique et tendineuse. Le risque de capsulite réflexe and tendineous activity. The risk of a reflex capsulitis led us to
nous a fait abandonner la mobilisation passive à visée récupéra- give up passive stretching and all kinds of mechanical techni-
trice, et toutes les formes de mécanothérapie et de travail contre ques and exercises against resistance, whatever in the air or in
résistance, à sec et en piscine. La réactivation musculaire glo- water. Global muscular awaking is obtained by resuming daily
bale est dévolue à la reprise des activités de la vie quotidienne, life activities. Aquagym and swimming are recommended. In
l’aquagym et la natation étant recommandées. Le contrôle des controlling range of motion at 1,3,6 and 12 months after sur-
amplitudes à 1,3,6 et 12 mois est l’occasion de constater et de gery, we note and resolve medical and orthopaedic difficulties.
résoudre les difficultés de récupération, médicales ou orthopé- All prostheses (humeral and total, anatomical and reverse) profit
diques. Toutes les prothèses, humérales et totales, anatomiques from this protocol. The best results are obtained according to
et inversées, peuvent bénéficier de ce protocole. L’obtention du patient compliance with continuing his daily exercises, through-
meilleur résultat possible dépend de la compliance du patient à out the regular visits during the first year after surgery. This
poursuivre ses exercices, jour après jour, visite après visite, pen- protocol is a self-performed but strictly controlled one, with a
dant au moins 1 an. C’est une autorééducation, mais contrôlée, le unique happy-end hero: the patient.
patient reste l’acteur principal de son succès.
Key words: Shoulder prosthesis. – Rehabilitation. – Self-mobili-
Mots clés : Prothèses d’épaule. – Rééducation. – Auto-mobilisation. zation protocol. – Warm-water pool program.
– Rééducation en piscine chaude.
en position couchée, amplitudes actives en position peute commence après le contrôle radiographique, la
assise. On vérifie en cours d’examen la contractilité lecture du compte-rendu opératoire et des consignes
du deltoïde, et la tonicité des rotateurs. La douleur du chirurgien.
est objectivée par le nombre d’antalgiques pris chaque Le kinésithérapeute veille à une installation confor-
jour ; la qualité du sommeil est évaluée. table au lit, buste relevé avec un oreiller de calage sur
La récupération des amplitudes s’effectue par des l’arrière du bras et un pour une position déclive du
automobilisations mains jointes en élévation, réalisées membre supérieur. Il traite les éventuels œdèmes et
en position couchée au départ. Les coudes sont fléchis, hématomes avec des applications de glace et des séan-
ce qui permet de récupérer l’élévation dans le plan de ces de cryothérapie ainsi que des séances de drainage
l’omoplate. Lorsque l’élévation auto-passive approche lymphatique manuel. L’équipe soignante aide le patient
les 130°, on a la récupération progressive et intégrée pour la toilette, l’habillage-déshabillage et les repas.
de la rotation externe en abduction (RE2). Le protocole (figure 1) donné au patient sert de sup-
Dans la foulée de l’élévation, la rotation externe port à tous les intervenants : patient, kinésithérapeute,
coude au corps (RE1) est récupérée, en position cou- médecin rééducateur. Il est adaptable à tous les types
chée au départ. Le patient va rapidement passer à la de prothèse, dans leurs différentes indications. Son
position debout, ce qui permet d’initier la récupération application nécessite beaucoup de temps de présence
de la rétropulsion et de la rotation interne main dans le du kinésithérapeute auprès de son patient, séance après
dos. Tous ces exercices sont, dès le début, réalisés sur séance, jour après jour : explications, apprentissage
le mode auto-activo-passif. des exercices, corrections, discussion sur les douleurs
Ce mode activo-passif est donc contrôlé par le patient et les difficultés, évaluation de la progression.
lui-même, en fonction du seuil douloureux. Préconisé
par Sohier [8], ce mode d’exercice est physiologique
et progressif, sans danger pour l’épaule opérée. Sont Étirements personnels
à éviter l’étirement passif par le kinésithérapeute, car
moins bien contrôlé, et le travail en abduction, rapide-
Première étape : élévation auto-passive
ment limité et douloureux.
en position couchée
Les visites postopératoires sont régulières jusqu’à La première étape est proposée dès le premier jour au
6 mois. On note dans le dossier la progression chiffrée Centre. Couché, buste légèrement redressé, le patient,
des amplitudes, on apprécie la tonicité du deltoïde et doigts entrecroisés, mains posées sur le ventre, porte
de la coiffe des rotateurs. L’amélioration fonctionnelle ses mains vers l’arrière, coudes fléchis, dans le res-
quotidienne est objectivée par la diminution puis l’arrêt pect du plan fonctionnel optimal d’élévation : c’est le
des antalgiques, et par la qualité retrouvée du sommeil. premier temps. En fin de course, sans forcer, les cou-
Les fondements de la rééducation après prothèse des se tendent : c’est le deuxième temps ; l’élévation
d’épaule ont été présentés dès 1975 par Charles Neer maximale permise est atteinte, et maintenue quelques
[1,6,7]. De 1985 à 1995, en centre, nous y avons ajouté secondes (figure 2).
la rééducation en piscine et nous avons complexifié la Le retour se fait en repliant mains, bras et cou-
rééducation [4]. À partir de 1995, nous avons conservé des vers l’avant, sur le ventre. Le patient reproduit
la piscine [3,5] et nous sommes revenus à la simplicité cet étirement toujours en deux temps, coudes fléchis
des étirements personnels. puis coudes tendus, 5 fois de suite. Le kinésithéra-
laire. Le patient, coudes fléchis, mains jointes devant cles périscapulaires. Nous proposons – sans l’imposer
son nombril, ouvre simplement les mains vers l’exté- – le masque et le tuba, afin de soulager l’extension cer-
rieur. Il faut veiller à ce que le patient ne garde pas vicale, inconfortable et douloureuse chez les patients
les coudes serrés au corps, en adduction, ce qui serait âgés. Du matériel bien adapté et un apprentissage
antagoniste de la rotation externe. Il doit donc laisser convaincant sont des gages de réussite : c’est la brasse
ses coudes libres, flottants (figure 4). coulée ! Bien des patients ont décidé ensuite d’aller
Cette rotation externe coude au corps (RE1) se fait apprendre à nager une fois rentrés chez eux.
en combinaison avec les étirements en élévation au-
dessus de la tête. La RE1 complète la composante RE2,
qui fait partie de l’élévation. Ces deux composantes
Élévation subaquatique
RE1 et RE2, mises en jeu successivement, réveillent les
avec une ceinture plombée
muscles rotateurs externes, et par diffusion, les mus- Ce n’est nullement un problème d’âge, ni même d’ha-
cles fixateurs des omoplates et les muscles érecteurs bitude d’aller dans l’eau. Pourvu qu’il soit guidé et ras-
du rachis. Les étirements deviennent une gymnastique suré par le kinésithérapeute, le patient va s’allonger
thoracique de plus en plus complète. au fond du bassin, y rester facilement avec la ceinture
76 J.-P. LIOTARD, A. PADEY
PROTOCOLE de RÉCUPÉRATION
LES ÉTIREMENTS PERSONNELS MAINS JOINTES
L’essentiel pour la souplesse
PREMIÈRE ÉTAPE
allongé(e), on s’étire en 2 temps
1) les bras basculent, coudes fléchis,
2) les coudes se tendent
Les mains sont entrecroisées.
DEUXIÈME ÉTAPE
assis(e). simplement adossé(e)
1) les mains entrecroisées vont au-dessus de la tête
2) puis entrainent les bras, qui se tendent
Retour sans freiner, en pliant les coudes,
sans lutter contre la pesanteur.
TROISIÈME ÉTAPE
position de la sieste + étirement complet
1) les mains vont par-dessus puis derrière la tête,
2) toujours entrecroisées, elles entrainent les bras
On s’étire + complètement. dans son axe :
c’est l’étirement redevenu naturel.
A B
re
Figure 2. Les étirements personnels couchés (1 étape). A. Premier temps. Les mains basculent vers l’arrière, coudes fléchis.
B. Deuxième temps. Les coudes se tendent dans l’axe du corps.
A B
A B
Rééducation en centre et en externe après prothèse d’épaule 79
plombée, et constater que les conditions sont optima- Exercices en immersion partielle
les : en apesanteur totale, de façon assez déconcer- debout dans l’eau
tante, ses bras flottent librement dans l’eau. Il s’agit
– apnée comprise – d’une excellente méthode pour Ces exercices sont intéressants à proposer au patient
lever les inhibitions postopératoires, et la peur de l’eau qui bénéficie encore en partie de l’effet thermal, et en
(figure 6). partie de l’état de pesanteur pour les bras trempant
dans l’eau (figures 7 et 8). Les mouvements alternés
en élévation/rétropulsion reproduisent le balancier
des bras au cours de la marche. Les mouvements
de rétropulsion/rotation interne main dans le dos et
d’adduction/rotation interne main sur l’épaule oppo-
sée reproduisent les manœuvres de la toilette et de
l’habillage.
A B
Figure 7. La rééducation en piscine : les exercices en immersion partielle debout dans l’eau : l’élévation (A) combinée avec la rétro-
pulsion (B) (le balancier).
80 J.-P. LIOTARD, A. PADEY
A B
Figure 8. La rééducation en piscine : les exercices en immersion partielle debout dans l’eau : rétropulsion main dans le dos (A),
combinée avec l’adduction main vers l’épaule opposée (B).
externe, chez lui, plusieurs fois par jour (figure 10). Les étirements personnels sont devenus pour (presque)
C’est la base de la récupération des amplitudes. tous une habitude d’entretien de la ceinture scapulaire.
La rééducation peut être poursuivie en piscine, en Pour certains, la pratique régulière de l’aquagym et la
Figure 10. Le protocole de récupération des amplitudes de l’épaule : au recto (A), l’étirement combiné en élévation-rotation externe.
sées, ont été étudiées. Il y a une omarthrose excentrée car non habituelle et donc non recherchée : l’ECBU et le
pour 10 des 12 inversées, centrée pour 12 des 14 anato- traitement adapté ont réglé le problème.
miques. L’élévation active au-dessus de 90° est un critère Aucune modification du protocole n’a été nécessaire
simple et significatif. À 1 mois postopératoire, 12 pro- cas par cas, avec ou sans complication : c’est le patient
thèses (5 anatomiques et 7 inversées) ne lèvent pas au- qui s’adapte au protocole. Dans cette série, 2 patients
dessus de 90° en actif. sur 26 ont refusé d’aller en piscine au centre, en raison
On retrouve 4 parésies plexiques confirmées à l’élec- d’une phobie de l’eau. Seize patients sur 26 n’ont pas
tromyogramme (EMG) (2 inversées et 2 anatomiques), poursuivi de rééducation en piscine en ambulatoire,
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2 polyarthrites rhumatoïdes (une inversée et une ana- faute de balnéothérapie proche de leur domicile. Tous
tomique), une inversée posée pour rupture massive de les patients ont poursuivi, plus ou moins assidûment,
coiffe pseudoparalytique, une inversée avec plastie du les étirements personnels.
grand dorsal, une anatomique post-traumatique, une Sept patients sur 26 ne sont pas venus à 1 an,
inversée sur cuff tear arthropathy (CTA) bilatérale, mais avaient déjà une élévation active mesurée buste
une inversée très inflammatoire sans raison reconnue contrôlé au-delà de 130°, ce qui correspond à une élé-
le jour de la visite, une anatomique douloureuse sans vation fonctionnelle libre à 150°. Sur les 19 autres, 16 ont
raison évidente. 150°. Trois patients n’ont pas ce résultat : 90° pour
Pour les 4 parésies, l’actif était acquis à 6 mois dans la prothèse inversée sur CTA bilatérale, 100° pour la
3 cas, et avant 1 an pour le dernier cas. Tous les autres prothèse anatomique sur polyarthrite rhumatoïde, et
patients ont récupéré l’actif au-dessus de l’horizontale à 110° pour une prothèse anatomique sur omarthrose
6 mois ou avant ; seule l’inversée sur CTA bilatérale atteint centrée subluxante postérieure.
les 90° mais ne les dépasse pas. L’inversée très inflamma- Les difficultés pour obtenir cette élévation fonction-
toire avait en fait une infection urinaire majeure, négligée nelle à 150° sont à l’évidence dues aux complications
82 J.-P. LIOTARD, A. PADEY
survenues et aux difficultés articulaires de départ. Les la vie quotidienne. L’étirement mains entrecroisées que
complications ont été résolues en quelques mois dans nous proposons n’est que la reproduction de l’étirement
cette série. Les résultats fonctionnels décevants restent naturel que tout un chacun peut être amené à faire pour
dus aux difficultés articulaires persistantes : invalidité se détendre ou se réveiller. L’étirement, associé au bâille-
controlatérale de la CTA, faiblesse diffuse musculoten- ment, porte le nom de pandiculation, activité réflexe
dineuse de la PR, instabilité de l’omarthrose subluxant multiquotidienne, habituelle chez tous les vertébrés [8].
postérieure. L’étirement en élévation-rotation externe est une
pandiculation systématisée, au lieu d’être instinctive.
L’activation motrice est dite distaloproximale : l’éti-
Discussion rement s’organise à partir de ce que font les mains.
Entrecroiser les mains et le faire soi-même montre que
Rééducation en centre l’étirement s’effectue sans aucune difficulté les deux
et rééducation en piscine mains ensemble, à l’unisson, car la mise en action des
mains active la zone la plus étendue au niveau du cor-
Les deux questions sont liées : c’est dans un centre tex cérébral moteur de Penfield.
de rééducation que l’on trouve des structures de bal- L’étirement se fait sur le mode auto-activo-passif,
néothérapie avec de vraies piscines de rééducation, cher à Neer et à Sohier [1,7,8]. La sécurité de ce mode
et c’est dans un centre que les kinésithérapeutes ont vient : 1) du contrôle par le patient lui-même de l’am-
le temps qu’il faut, avec le personnel soignant, pour plitude qu’il développe ; 2) de la diffusion dans une
s’occuper en permanence si nécessaire des opérés chaîne polyarticulaire fermée de l’énergie motrice pro-
récents. Pendant 2 à 3 semaines, l’assistance quoti- duite par les mains ; 3) du gainage musculaire diffus
dienne aux patients plus ou moins âgés est réellement fourni par cette chaîne polyarticulaire, gainage qui
importante. empêche tout débordement d’énergie au niveau de
Le suivi médical peut aussi se révéler substantiel. En l’épaule opérée elle-même.
effet, nous l’avons vu dans notre série, ce sont les com- À l’opposé, une manipulation passive, patient mus-
plications médicales qui entravent le plus nettement la culairement relâché, 1) ne sera pas limitée par le gai-
progression des amplitudes articulaires. Le diagnostic nage musculaire lié à l’activité myotatique réflexe ;
et la prise en charge de ces complications, y compris 2) ne sera pas limitée par le réflexe tendineux de Golgi
l’assistance encore plus prenante pour le personnel soi- si elle est faite lentement ; 3) sollicitera directement
gnant, nous font préférer sans hésitation la rééduca- à l’épaule le réflexe capsulaire de Charcot, donnant
tion postopératoire immédiate en centre. lieu de façon retardée à l’enraidissement capsulaire de
Pour les patients ne présentant pas de complication défense, limitant progressivement l’amplitude permise :
particulière, c’est l’opportunité en piscine de lever dès c’est la capsulite postopératoire.
la première séance les inhibitions postopératoires, et de
mettre en place les étirements personnels, aussi rapide- Conclusions
ment que possible. L’autonomie ainsi acquise permet
à certains patients d’écourter le séjour à 2 semaines, Le protocole de rééducation que nous utilisons après
alors que les patients en difficulté restent 4 à 5 semai- prothèse d’épaule est dans le droit-fil de ce que Charles
nes. La moyenne de séjour est de 3 semaines. Neer avait proposé dès 1975 [1]. Le séjour en centre
L’éclectisme des exercices réalisés par les patients se interne. Le patient est le mieux placé pour le faire, à
rééduquant à domicile et la naïveté des illustrations, condition qu’on lui indique quand, comment et pour-
dessins et photos, peuvent prêter à sourire si on les quoi le faire. Le kinésithérapeute, lors des séances, et
compare avec la sophistication des technologies de le médecin rééducateur, lors des consultations, sont
rééducation affichées aujourd’hui dans beaucoup de contrôleurs, moniteurs, entraîneurs, conseilleurs, etc.,
protocoles, mais les principes restent vrais. auprès d’un patient dont le temps de rééducation se
Nous pensons comme Neer que l’objectif de la passe pour l’essentiel dans la reprise des actes de la vie
rééducation doit concerner la récupération des ampli- quotidienne, puis de la vie quotidienne, et enfin des
tudes en élévation, en rotation externe et en rotation activités quotidiennes.
RÉFÉRENCES
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Rééducation Fonctionnelle, 26-210. 1995 : 23 p.
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87
RÉSUMÉ SUMMARY
La géométrique tridimensionnelle de l’extrémité supérieure de The shape of the proximal humerus is variable; much more varia-
l’humérus est relativement complexe et n’a réellement été étu- ble, in fact, than the designs of previous monobloc (first gene-
diée à des fins chirurgicales que depuis les années 1990. Les pro- ration) or modular (second generation) humeral implants would
thèses humérales monoblocs (première génération) et modulaires suggest or could accommodate. Recent anatomical studies have
(deuxième génération) ne pouvaient en reproduire ni la forme, emphasized the variable dimensions and variable shape of the
ni les dimensions. La forme complexe de l’humérus proximal est proximal humerus. The variable shape of the proximal hume-
liée à l’orientation variable de la surface articulaire (inclinaison rus is related to the variable orientation (variable inclination
et rétroversion variables) et à son excentration variable (déport and retroversion) and the variable excentration of the articular
combiné – médial et postérieur – variable). Les implants humé- surface (variable medial and posterior offset). Although relati-
raux de troisième génération, dits « anatomiques », respectent non vely good clinical results with monobloc and modular shoulder
seulement les variations de dimension de l’humérus (modula- replacement have been achieved in the past, their relatively fixed
rité), mais aussi les variations de forme de celui-ci (adaptabilité). geometry means that they were not truly anatomic when com-
L’adaptabilité prothétique est un concept récent qui permet de pared with modern anatomical findings. A third generation of
positionner correctement la tête prothétique par rapport au col humeral implant has been developed in the nineties, based on
anatomique. Pour restaurer l’anatomie de l’humérus proximal à these anatomical findings. Those modern humeral implants are
l’aide d’une prothèse, il fallait non seulement créer un nouvel not only modular but also adaptable to the individual bony ana-
implant mais aussi inventer une nouvelle technique chirurgicale. tomy. Prosthetic adaptability is a recent concept that concen-
Retrouver les limites du col anatomique en retirant la couronne trates on correctly positioning the prosthetic head in relation to
d’ostéophytes (avant de réaliser l’ostéotomie humérale) et adap- the individual anatomical neck. The surgical technique remains
ter la prothèse à l’humérus (en inclinant et excentrant la tête important: removal of the crown of osteophytes and clear iden-
prothétique) sont les innovations qui permettent aujourd’hui au tification of the anatomical neck are crucial to implant those
chirurgien de replacer le centre de rotation en position native. Les adaptable humeral implants. Resurfacing humeral implants
implants de resurfaçage et les implants sans tige doivent obéir must obey to the same technological and technical rules to pre-
aux mêmes règles techniques et technologiques pour pouvoir tend to be anatomical.
prétendre reconstruire l’anatomie de l’humérus proximal.
Mots clés : Humérus. – Prothèse d’épaule. – Inclinaison. – Rétro- Key words: Humerus. – Shoulder arthroplasty. – Inclination.
version. – Déport combiné articulaire. – Retroversion. – Combined articular offset.
grande variabilité entre les côtés droit et gauche d’un les prothèses dont nous disposions à l’époque nous
même individu. C’est de ces observations qu’est née, permettaient de reconstruire avec précision l’anatomie
en 1991, la première prothèse d’épaule de troisième de l’humérus proximal. Nous avons fait appel à des
génération, dite modulaire et adaptable : la prothèse moyens modernes d’investigation (machines de mesure
d’épaule Aequalis™ (Tornier). Ce nouveau type d’im- de précision et ordinateur avec programme de concep-
plant a permis, grâce à des innovations technologi- tion assistée) permettant de digitaliser puis de modéliser
ques originales, d’adapter la prothèse à l’anatomie les humérus à l’aide de figures géométriques simples
individuelle de chaque humérus (et donc à chaque dans lesquelles pouvait s’inscrire une prothèse humé-
patient) plutôt que d’adapter l’anatomie de l’humé- rale avec tige : sphère épiphysaire et cylindre métaphy-
rus à la prothèse utilisée (tableau 1). En même temps sodiaphysaire [2,4,6,7].
que le développement d’un nouvel implant, nos tra- En analysant de manière précise la diaphyse humé-
vaux ont abouti à proposer une nouvelle technique rale, nous avons observé que celle-ci n’est pas rectili-
d’implantation des implants huméraux. La prothèse gne mais qu’elle présente en réalité deux axes : un axe
Aequalis™ a été implantée pour la première fois à diaphysaire global et un axe métaphysodiaphysaire
Lyon (G. Walch) et à Nice (P. Boileau) en septembre proximal ou « axe orthopédique » (correspondant à
1991 ; elle a ensuite fait l’objet d’une évaluation cli- l’axe intramédullaire d’une tige prothétique) [figure 1].
nique multicentrique qui a confirmé le bénéfice de ce D’après notre étude, ce changement de courbure en
type d’implant [32]. varus se situe entre 10,3 et 15,8 cm par rapport au
Depuis, d’autres études sont venues confirmer nos sommet de la tête humérale et il faut donc en tenir
résultats et d’autres prothèses d’épaule dites « ana- compte dans le choix de la longueur d’une tige prothé-
tomiques » sont apparues au cours des années 2000 tique [6,7].
(Anatomical Shoulder System™ [Zimmer], Equinoxe™ Chaque humérus étant modélisé à partir de figures
[Exactech], 3D-Univers™ [Arthrex], Global AP™ géométriques simples (sphère épiphysaire, cylindre
[Depuy]) [7,14,16,18,24–26,29,31]. De nombreuses diaphysaire), nous avons pu déterminer avec précision
études biomécaniques et cliniques ont confirmé l’im- les différents paramètres de la surface articulaire : dia-
portance de restaurer l’anatomie normale de l’humérus mètre, épaisseur, inclinaison, rétroversion (figure 2).
proximal dans les arthroplasties totales d’épaule pour Le tableau 2 résume l’ensemble de nos résultats
permettre de rééquilibrer la balance musculoligamen- concernant la géométrie de l’humérus proximal. Plus
taire de l’épaule et ainsi espérer restaurer la mobilité que les valeurs moyennes, il est important ici de noter
et la fonction de cette articulation où les tissus mous les variations des différents paramètres mesurés.
périarticulaires jouent un rôle essentiel [10,12,17– Plusieurs autres études anatomiques, faisant appel soit
19,26,33]. à des mesures de surface, soit à des mesures intramé-
dullaires, sont venus étayer et confirmer nos résultats
[1,16,30,15,29].
Anatomie normale de l’humérus
proximal Forme et dimensions du canal
L’étude anatomique que nous avons menée, à partir de médullaire
mesures de surface sur os secs, avait pour but de définir
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avec précision les dimensions et la forme de l’extrémité Comme nous l’avons vu, le canal médullaire n’est pas
supérieure de l’humérus. L’objectif était de vérifier si rectiligne et présente un changement de courbure en
varus. Le diamètre du canal intramédullaire de l’hu-
mérus est très aléatoire et dépend du niveau de mesure
Tableau 1 [30]. La partie proximale de l’humérus est conique et la
Les trois générations de prothèses humérales section du canal médullaire au niveau diaphysaire est
ovalaire (figure 3). À la partie moyenne de la diaphyse
Prothèses de première Monoblocs humérale (approximativement en fin de queue pro-
génération thétique), le plus petit diamètre est en moyenne de
Prothèses de deuxième Modulaires 9 mm (5–11 mm) et le plus grand diamètre de 12 mm
génération (7–17 mm). Pearl et al. ont alésé manuellement le canal
médullaire à l’aide de râpes cylindriques de diamètre
Prothèses de troisième Modulaires et adaptables
croissant : le diamètre moyen du canal médullaire était
génération (« anatomiques »)
de 12 mm en moyenne (10–14 mm) [25].
90 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH
Point
charnière
Point
charnière C
C
O⬘⬘
Sphère O
O épiphysaire D
D X X⬘ α
X X⬘
Cylindre O⬘
O⬘
métaphysaire
Y Y⬘
Y Y⬘
Changement de
courbure frontale
de l’humérus
Angle entre
l’axe métaphysaire
et l’axe diaphysaire Z Z⬘
β1
Figure 1. L’axe « utile » pour la mise
V⬘ V
V⬘ en place d’un implant huméral avec
V C⬘ β2
tige s’inscrit dans un cylindre ; cet
W
W W⬘ axe (axe métaphysodiaphysaire
W⬘
proximal O’C) est différent de l’axe
diaphysaire global de l’os (d’après
Boileau et Walch [7]).
ΔM
Point
charnière
A
C H Point « charnière »
L’axe intramédullaire proximal de l’humérus arrive de
O manière constante au sommet de la surface articulaire,
F
constituant ainsi un véritable « point charnière » (figures
D
B
a 4 et 5).
E
Sphéricité et dimensions de la tête
O⬘
humérale
La surface articulaire humérale est une partie de sphère
Excentrage postérieur avec un rayon de courbure identique dans le plan
(ΔP) axial et coronal, comme l’a montré notre étude [7].
Les autres études ont confirmé cette notion de sphé-
Tableau 2
Dimensions et paramètres géométriques concernant l’humérus proximal [7]
C H
50
45
40
35
Nombre d9humérus
30
25
20
15
10
0
–1
1
– 2.5
–2
– 1.5
– 0.5
0
0.5
1.5
2
2.5
3
A Distance du point charnière (mm)
B
Figure 5. La distance entre l’axe diaphysaire proximal et le sommet de la surface articulaire (CH) est quasi nulle (A), définissant un
« point charnière » quasi constant (B) [d’après Boileau et Walch (7)].
C
19
55
F
Épaisseur de la surface articulaire (mm)
D 18
E
Diamètre de la surface articulaire (mm)
50 17
16
45
15
40
14
35
13
30 12
1 11 21 31 41 51 61 71 1 11 21 31 41 51 61 71
A Nombre d’os B Nombre d’os
55
Y = 0,778 3 + 7,318
50
45
R = 0,966
40
35
35 40 45 50 55 60
C Diamètre de la courbure (mm)
Figure 6. Distribution des diamètres et des épaisseurs de la surface articulaire de l’humérus proximal (A et B) et corrélation entre
diamètre et épaisseur de la surface articulaire (C) [d’après Boileau et Walch (7)].
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 93
Tableau 3 140
Rayons de courbure rapportés dans la littérature
Tableau 4
Épaisseurs de la tête humérale rapportées dans la littérature 125
(tableau 6). Les variations dépendent en fait de l’axe proximal est en fait plus complexe que ce que l’on
Tableau 5
Inclinaison humérale rapportée dans la littérature
β1
10
9
8
Nombre d'humérus
7
6
5
4
3
2
1
0
–5 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Figure 9. Exemple de variation de la rétroversion humérale
selon le côté droit ou gauche chez un même individu.
Rétroversion humérale
Figure 8. Variations anatomiques de la rétroversion humérale
(d’après Boileau et Walch [7]).
pouvait penser à première vue : en plus d’être incli-
née et rétroversée, la surface articulaire humérale
Tableau 6 est excentrée par rapport à la diaphyse humérale.
Rétroversion de la tête humérale rapportée dans la littérature
Autrement dit, la sphère humérale épiphysaire n’est
Études Nombre Moyenne Minimum–
pas simplement posée sur le cylindre huméral diaphy-
d’humérus ± déviation maximum (°) saire, elle est excentrée en dedans et en arrière. Ceci
standard (°) signifie que le centre de la tête humérale ne correspond
pas au centre de l’axe diaphysaire huméral proximal
Boileau, 65 17,9 ± 13,7 − 6,7–47,5 (figure 10). Il existe donc un double déport entre ces
1997 [7] deux centres, correspondant à une double excentra-
Roberts, 39 21,4 ± 3,3 tion médiale et postérieure de la sphère humérale par
1991 [29] rapport à la diaphyse. Cette double excentration de la
sphère humérale par rapport au cylindre diaphysaire
Robertson, 60 19 ± 6 9–31
constitue ce que nous avons appelé le « déport com-
2000 [30]
biné » huméral [6,7].
LATÉRAL MÉDIAL
ANTÉRIEUR
Figure 10. Le déport combiné (médial et postérieur) de la sphère épiphysaire par rapport au cylindre diaphysaire proximal corres-
pond à l’excentration de la surface articulaire (d’après Boileau et Walch [7]).
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 95
Le déport médial est défini par la distance entre l’axe Implications concernant
intramédullaire diaphysaire proximal et le centre de
rotation de la tête humérale mesuré sur une projection l’ostéotomie humérale
antéropostérieure. La figure 11 montre la distribution
anatomique de ce déport médial qui varie entre 3 et La coupe humérale est une étape cruciale lors de l’im-
11 mm (6,9 mm en moyenne) dans notre étude. plantation d’une prothèse d’épaule. Pour réaliser cette
Les valeurs du déport médial dans les différentes étu- coupe céphalique, deux philosophies s’opposent : d’un
des sont résumées dans le tableau 7. côté, les partisans d’une coupe osseuse fixe, basée sur
Le déport postérieur est défini par la distance entre les caractéristiques de l’implant utilisé, et de l’autre
l’axe intramédullaire diaphysaire proximal et le cen- côté, ceux que nous avons entraînés avec nous, par-
tre de rotation de la sphère humérale mesurée sur une tisans d’une coupe basée sur l’anatomie humérale
projection médiolatérale. La figure 12 montre la dis- individuelle de chaque patient. En fait, le choix de l’os-
tribution anatomique de ce déport postérieur qui varie téotomie humérale dépend du type d’implant utilisé :
entre – 1 et 6 mm (2,6 mm en moyenne) dans notre avec un implant de première ou deuxième génération,
étude. on pourra réaliser une ostéotomie à angle fixe, alors
Les mesures de ce déport postérieur rapportées dans qu’avec un implant de troisième génération, il faut
les différentes études de la littérature sont résumées obligatoirement réaliser une ostéotomie anatomique,
dans le tableau 8. basée sur les limites du col anatomique original.
Walch [7]).
Tableau 7
Valeurs du déport médial huméral rapportées dans la littérature
20
18 ΔP
O
16
O
14
Nombre d’humérus
12
10
Tableau 8
Valeurs du déport postérieur huméral rapportées dans la littérature
Figure 15. L’ostéotomie humérale anatomique est basée sur l’identification du col anatomique après excision de la couronne
d’ostéophytes.
A B
Figure 17. Techniques trois points. La détermination des trois points (6 h, 12 h et 3 h) permet de déterminer un plan de coupe qui
correspond à l’inclinaison et à la rétroversion de l’humérus du patient (A). L’épaisseur réséquée est habituellement minime (B).
Comme nous le verrons plus loin, cet implant devra est approximativement la moitié de celle d’un fémur,
remplir un cahier des charges complexe : inclinaison on réalise que ceci était totalement injustifié (figure
variable, déport combiné médial et postérieur, diamè- 18A). De plus, si l’on prend en compte le change-
tre et épaisseur des calottes céphaliques appropriées. ment de courbure dans le plan frontal de l’humérus
En résumé, l’ostéotomie humérale anatomique est (qui survient à environ 125 mm du sommet de la tête
destinée à adapter la prothèse à l’humérus (et non pas humérale), on réalise qu’une tige longue est inadaptée
l’humérus à la prothèse). Contrairement à ce que pen- à l’humérus (figure 1). C’est pour s’adapter au mieux
sent encore certains chirurgiens, elle n’est pas plus dif- à la forme et aux dimensions du canal médullaire et ne
ficile techniquement, bien au contraire, et elle est sans pas avoir à subir les contraintes imposées par le chan-
danger pour la coiffe des rotateurs. C’est une solution gement de courbure de la diaphyse humérale (pouvant
élégante pour le chirurgien et c’est la meilleure option entraîner une malposition de la tête prothétique) que
pour le patient, permettant de replacer le centre de nous avons intentionnellement choisi une tige courte
rotation en position anatomique. (105 mm) pour la prothèse Aequalis™ (figure 18B).
La tige humérale doit aussi ne pas être trop encom-
brante à la partie métaphysaire et être disponible avec
Implications concernant l’implant des diamètres croissants. Ceci permet un remplissage
huméral diaphysaire proximal optimal et une meilleure réparti-
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moins de flexibilité intraopératoire au chirurgien. Par seur de la surface articulaire est liée de manière statis-
ailleurs, comme à la hanche, il est important que la fixa- tiquement très forte à son diamètre. En clair, il ne peut
tion prothétique primaire d’un implant huméral se fasse y avoir qu’une seule épaisseur de tête humérale pour
au niveau métaphysaire et non pas au niveau diaphy- un diamètre donné ; il n’y a que pour les têtes humé-
saire. Le blocage diaphysaire d’un implant huméral est rales de grand diamètre que l’on observe une certaine
doublement néfaste : en peropératoire, il peut conduire dispersion des valeurs et que l’on peut admettre deux
« à suspendre » la prothèse et/ou entraîner des fractu- diamètres pour une même épaisseur (figure 6). On
res humérales diaphysaires, tandis qu’en postopéra- comprend ainsi que le concept proposé avec les pro-
toire, il peut entraîner un court-circuit (« by-pass ») thèses de deuxième génération, consistant à disposer
des contraintes, aboutissant à un pic de contrainte en de plusieurs épaisseurs de tête pour le même diamètre,
bout de tige (« stress-shielding »), là aussi à l’origine de soit complètement erroné : l’implantation d’une tête
fractures humérales diaphysaires. Quoi qu’il en soit, il prothétique trop grosse conduit forcément à contrain-
ne faut jamais oublier que l’épaisseur des corticales de dre une articulation qui, de manière physiologique, ne
glénohumérale de 23 à 30° en moyenne, en fonction du position originale, il faut aussi respecter la position de
choix de la conformité des implants glénoïdiens [14]. la surface articulaire par rapport à la diaphyse. Cet
Inversement, comme l’ont montré Jobe et Iannotti, une implant devra en particulier respecter l’inclinaison
diminution du rayon de courbure de la tête prothétique variable et le déport combiné (médial et postérieur),
réduit la surface articulaire et influence directement la lui aussi très variable.
mobilité de l’épaule [18]. Si l’on prend l’exemple d’une La possibilité pour le chirurgien d’adapter, en
tête avec un rayon de courbure moyen de 23 mm, une peropératoire, un implant huméral à l’anatomie indi-
diminution de 5 mm en épaisseur de la tête humérale viduelle de chaque patient constitue ce que nous avons
diminue l’arc de cercle de 24°, faisant passer la mobilité appelé « l’adaptabilité prothétique ». En clair, c’est la
en abduction de 160 à 136° (figure 20). possibilité pour le chirurgien, après avoir réalisé l’os-
Enfin, il faut aussi se méfier des prothèses qui aug- téotomie humérale et implanté la tige prothétique,
mentent artificiellement l’épaisseur de la tête pro- de pouvoir incliner et excentrer la tête prothétique,
thétique du fait d’un système d’assemblage par cône de façon à replacer le centre de rotation en position
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morse inadapté, où il existe un espace entre tête et tige native. L’adaptabilité prothétique est totalement dif-
[19,28]. férente (mais complémentaire) de la modularité pro-
thétique qui est la possibilité de disposer d’implants
Adaptabilité prothétique de taille et de dimensions différentes. Cette possibi-
lité de pouvoir reproduire l’anatomie individuelle de
Le choix d’une tige courte, peu encombrante, et le res- l’humérus proximal constituait une notion totalement
pect des dimensions (diamètre et épaisseur) de la tête nouvelle lorsque nous l’avons introduite en 1991
humérale sont indispensables mais insuffisants pour (figure 21).
restaurer l’anatomie de l’humérus proximal. Pourquoi ? Quatre paramètres géométriques doivent impéra-
Parce qu’il faut encore respecter la forme de l’humérus tivement être respectés pour restaurer l’anatomie de
proximal qui est beaucoup plus complexe que ce que l’humérus proximal avec un implant huméral : l’incli-
pensaient les chirurgiens dans les années 1970–1980. naison, la rétroversion et le déport médial et postérieur
Si l’on veut vraiment être anatomique avec un implant (excentration) de la surface articulaire par rapport à
huméral, c’est-à-dire replacer le centre de rotation en la diaphyse.
102 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH
Rétroversion prothétique
Il est également essentiel de préserver la rétroversion
humérale : c’est d’elle que va dépendre l’amplitude de
la rotation externe, en plus de la stabilité prothéti-
que. En pratique chirurgicale, si l’ostéotomie humé-
rale a été faite selon les limites du col anatomique,
la rétroversion est automatiquement respectée : à une
coupe osseuse correspond une seule rétroversion pos-
sible (figure 23). Certains implants huméraux de troi-
sième génération ont la possibilité de faire varier dans
l’implant la rétroversion, comme l’inclinaison ; c’est
par exemple ce que permet la prothèse Anatomica™
(Zimmer), dont la tête peut être orientée dans tous les
plans de l’espace. A priori, la variation de la rétro-
version dans l’implant lui-même n’est pas nécessaire :
une fois posé sur la coupe osseuse humérale, l’implant
respecte automatiquement la rétroversion humérale
individuelle.
Figure 21. Prothèse de troisième génération (modulaire et
adaptable) permettant de faire varier l’inclinaison et l’excen-
tration de la tête prothétique (prothèse Aequalis™, Tornier).
Excentration prothétique
Inclinaison prothétique L’inclinaison et la rétroversion humérales étant respec-
tées, il faut encore pouvoir excentrer la tête prothéti-
L’implantation d’une prothèse à inclinaison fixe peut que, de façon à respecter le déport postérieur et médial
conduire à modifier la position du centre de rotation de la surface articulaire par rapport à la diaphyse. Le
(figure 22). C’est pourquoi les variations d’inclinaison non-respect du déport médial ou du déport postérieur
doivent obligatoirement être intégrées dans la concep- va avoir des conséquences fâcheuses sur la coiffe des
tion d’un implant de troisième génération. rotateurs et sur la glène (figure 24).
A B C
Figure 22. L’utilisation d’implants huméraux à inclinaison fixe ne permet pas toujours de s’adapter à la coupe humérale (A et B),
ce qui modifie la position du centre de rotation (C).
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 103
A B
Figure 23. Une coupe humérale anatomique (selon les limites du col anatomique) détermine automatiquement la rétroversion : pour une
coupe donnée, il n’y a qu’une seule rétroversion possible (A) ; il suffit ensuite « de poser » la tête prothétique sur la coupe osseuse (B).
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Prothèses de resurfaçage
et prothèses humérales sans tige
Figure 25. Premier implant huméral respectant le déport arti-
culaire postérieur, conçu en 1950 par Krueger à partir de mou- À la suite des travaux de Copeland, les prothèses
lages endomédullaires d’humérus. humérales de resurfaçage ont été remises au goût du
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 105
jour ; plus récemment, Habermeyer a proposé une pro- truire l’humérus proximal [10,17,25,26,34]. Ces
thèse humérale avec tige épiphysaire mais qui néces- implants donnent d’excellents résultats fonctionnels
site une coupe humérale [21,13]. En théorie, ce type tout en diminuant les contraintes sur la glène et la
de prothèse n’ayant pas de tige diaphysaire permet coiffe des rotateurs, dont on connaît l’importance à
de s’affranchir d’un certain nombre de contraintes l’épaule. Les implants de resurfaçage et les implants
peropératoires liées à la géométrie du canal médul- sans tige doivent obéir aux mêmes règles techniques
laire pour reproduire l’anatomie. En pratique, les cho- et technologiques pour pouvoir prétendre reconstruire
ses ne sont pas aussi simples et il peut être difficile de l’anatomie de l’humérus proximal.
reproduire l’anatomie du fait de la difficulté de poser
l’implant après un fraisage limité de l’os sous-chon-
dral. Même avec ce type d’implant, deux impératifs
demeurent, si l’on veut replacer le centre de rotation
en position anatomique :
– la technique chirurgicale doit rester la même : il faut
déterminer les limites du col anatomique et implanter
la prothèse selon ces limites ;
– la prothèse doit respecter la relation privilégiée dia-
mètre-épaisseur.
De ce fait, il est abusif et faux de dire que les implants
de resurfaçage constituent une alternative aux implants
conventionnels et permettent une chirurgie mini-invasive.
Une exposition parfaite du col anatomique est indispen-
sable après résection des ostéophytes, comme pour les
prothèses standard. Enfin, les implants de resurfaçage
comportent eux aussi leurs limites : ils ne peuvent pas
être implantés en cas de destruction humérale impor-
tante et ne permettent pas de resurfacer la glène du fait
de l’encombrement huméral proximal. Figure 27. Autre prothèse de troisième génération : prothèse
Anatomica™ (Zimmer).
Conclusion
La géométrie tridimensionnelle de l’extrémité supé-
rieure de l’humérus est relativement complexe et n’a
réellement été étudiée à des fins chirurgicales que
depuis les années 1990. Une prothèse humérale stan-
dard, même modulaire, ne peut en reproduire ni la
forme, ni les dimensions. Pour restaurer l’anatomie de
l’extrémité supérieure de l’humérus à l’aide d’une pro-
thèse, il fallait non seulement créer un nouvel implant
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20
0
– 20 20
– 40
40
A – 20 0 20 40 B 0 20 40
Figure 30. Simulation informatique de reconstruction humérale non anatomique à l’aide d’un implant de deuxième génération (A)
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108 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE
Morphobiométrie de la scapula.
Les différents implants glénoïdiens
Morphobiometry of the scapula.
The different glenoid components
P. MANSAT, N. BONNEVIALLE
RÉSUMÉ SUMMARY
La glène a une forme de poire, légèrement rétroversée, avec une The normal glenoid presents a pear-shape aspect, with slight
orientation variable dans le plan sagittal. La surface de la glène retroversion and a variable orientation in the sagital plane. The
représente 28 % de la surface de la tête humérale avec un rayon de cartilage surface area corresponds to 28% of the area of the
courbure plus important que celui de la tête humérale. Les carac- humeral head with a radius of curvature greater than the hume-
téristiques des glènes arthrosiques sont principalement une aug- ral head. With osteoarthritis the glenoid tends to have a larger
mentation de la taille antéropostérieure, et une augmentation de size and to be more retroverted. Wear can be centric or eccen-
la rétroversion. L’usure peut être centrée ou excentrée dans le plan tric in the horizontal plane. The type of glenoid components,
horizontal. Le type d’implant glénoïdien utilisé, cimenté ou non, cemented or not, with or without mismatch, with keel or pegs
avec un rayon de courbure plus ou moins différent de celui de la will depend on modifications related to the pathology, to the
tête humérale, avec une quille ou des plots, dépendra des modifi- quality and quantity of the remaining bone stock and also on the
cations liées à la pathologie, de la qualité et de la quantité du stock surgeon’s preference. The Neer all-polyethylene keel cemented
osseux ainsi que de la préférence du chirurgien. L’implant de Neer glenoid component remains the reference.
en polyéthylène avec quille cimentée reste la référence.
Mots clés : Scapula. – Arthrose. – Prothèse. – Épaule. Key words: Scapula. – Osteoarthritis. – Arthroplasty. – Shoulder.
Inclinaison
L’angle d’inclinaison de la glène correspond à la pente
de la glène dans le plan frontal (figure 2). Gouaze
et al. [27] ont décrit trois types d’inclinaison de la
glène : ascendante de 3° (1 à 10°) dans 45 % des cas,
neutre ou verticale dans 22 % des cas, et descendante
de 4° (1 à 12°) dans 33 % des cas. Habermeyer et al.
[28], lors de l’évaluation radiographique de 100 épau-
les normales, ont montré que la glène était orientée
vers le bas avec un angle d’inclinaison de −2,2° ± 4,1°
(−12 à 7°). À l’inverse, Churchill et al. [11] ont mon-
tré que cette inclinaison était très variable, de 3,6°
± 3,5° à 5,3° ± 4,4° (moyenne : 4,2°), indiquant une
tendance à l’inclinaison ascendante. Mallon et al. [44]
Figure 1. Aspect piriforme de la surface articulaire. ont réalisé une étude radiographique sur 28 scapulas
cadavériques et 50 épaules saines, et ont retrouvé une
inclinaison inférieure de la glène de −4° en moyenne
Version de la glène (−13° à + 8° ; ± 3,7). Les résultats de la littérature sont
rapportés dans le tableau 1.
L’angle de version de la glène normale varie en fonc-
tion des moyens utilisés pour le mesurer. Pour Das Rayon de courbure et profondeur
et al. [17], en 1966, sur 50 scapulas, la rétroversion
moyenne était de 1,1° de rétroversion. Saha, en 1971 La glène est plus concave dans le plan frontal supéro-
[61], sur 50 épaules normales étudiées radiographi- inférieur, et plus plane dans le plan sagittal antéropos-
quement, trouvait que 73,5 % étaient rétroversés de térieur. McPherson et al. [50] ont retrouvé, d’après
7,4°, et 26,5 % antéversés de 2 à 10°. Cyprien et al. l’analyse radiographique de 93 épaules cadavéri-
[16] ont rapporté sur une étude radiographique de ques, que la glène présentait un rayon de courbure de
50 hommes normaux (100 épaules), une rétroversion 32,2 mm ± 7,6 sur les clichés de face, et 40,6 mm ± 14
de 7,6°. Randelli et Gambrioli [60] ont été les premiers sur les clichés en profil axillaire. La profondeur de la
à analyser la version glénoïdienne par tomodensitomé- glène était évaluée à 5 mm ± 1,1 sur les clichés de face
trie. Sur 100 épaules examinées (d’âge variant de 20 à et 2,9 mm ± 1 sur les clichés en profil axillaire, confir-
48 ans), la version était de 2 à 15° de rétroversion mant que la glène est plus concave de haut en bas.
(moyenne : 5°) dans la partie supérieure de la glène, L’arc de couverture était en moyenne de 66° ± 12 sur
alors qu’à la partie moyenne de la glène, elle était de une vue de face et seulement de 45,5° ± 15 sur le profil
0 à 8° de rétroversion (moyenne : 2°), et à la partie axillaire. La profondeur de l’os spongieux en arrière
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inférieure de 2 à 15° de rétroversion (moyenne : 7°). de la surface articulaire était similaire sur les deux inci-
Friedman et al. [23] ont utilisé également la tomoden- dences, mesurant 20,9 mm et 19,2 mm. Jobe et Iannotti
sitométrie (TDM) sur 63 épaules dépourvues de tout [32] ont également montré que les dimensions moyen-
signe d’arthrose. L’âge moyen du groupe était de 57 ans nes de la glène étaient de 40 mm dans le plan frontal,
(20 à 87 ans). Contrairement aux études précédentes, qui correspondait à un angle de couverture de la tête
la version moyenne de ce groupe était de 2 ± 5° d’an- humérale de 96° ± 8, et 29 mm dans le plan trans-
téversion, de 12° d’antéversion à 14° de rétroversion. versal, correspondant à une couverture de 74° ± 6 ;
Dans la littérature, il apparaît que les mesures effec- ces chiffres correspondent à 63° ± 10 de tête humérale
tuées sur de simples radiographies d’épaules montrent non recouverte dans le plan frontal, et 85° ± 12 dans
une plus grande rétroversion (7° ; 7,6°) que les mesures le plan transversal. La surface de la glène était esti-
effectuées par tomodensitométrie (1,1°) ou imagerie mée à 28 % de la surface de la tête humérale. Kelkar
par résonance magnétique (IRM ; 2° ; 1° ; 1,7° chez les [38] confirmait cette notion en montrant que le rayon
plus de 8 ans). L’analyse radiographique surestime la moyen de la tête humérale et de la surface articulaire
rétroversion par rapport à la TDM ou à l’IRM [57]. de la glène était de 25,5 mm ± 1,5 et 27,2 mm ± 1,6
Tableau 1
110
Auteurs Nb de Âge Méthodes Hauteur Largeur Rétroversion Inclinaison Rayon de Surface Profondeur
scapula (moyenne) de mesure (S/I) (A/P) (degrés) (degrés) courbure cartila- (mm)
(ans) (mm) (mm) (mm) gineuse
(cm2)
Testut [70] – – Manuelle 35 25 – – – – –
Das [17] 50 – Rx – – 1.1 – – – –
Saha [61] 50 – Rx 35 25 75 % rétro. – – – –
25 % anté.
Cyprien [16] 100 37.2 Rx – – 7.6 – – – –
Mallon [44] 110 – Rx–TDM 35 24 2 (RX)–6 (TDM) −4 36.6 – –
Tillmann [71] – – Manuelle 35 25 −12 to +8 9 (S/I) –
2.5 (A/P)
Randelli [60] 100 – TDM – – Supérieur : 2–15
Moyen : 0–8
Inférieur : 2–15
Friedman [23] 63 – TDM – – −2 ± 5
Iannotti [30] 140 – IRM 39 Supérieur : – –
P. MANSAT, N. BONNEVIALLE
23
Inférieur :
29
Mintzer [51] 111 – TDM/IRM 3.4
Bicknell [6] 72 70 – 41 22.9
Couteau [15] 15 TDM/MEF 8
Flatow [20] Manuelle 5–6.3
Anetzberger [2] Manuelle 7 ± 1.2
Bicos [7] 20 Manuelle 34.65 25.45
Churchill [11] 344 25.6 Manuelle 37.5 (H) 27.6 (H) 1.49 (H) 4 (H)
2.43 (F)
Auteurs Nb de Âge Méthodes Hauteur Largeur Rétroversion Inclinaison Rayon de Surface Profondeur
scapula (moyenne) de mesure (S/I) (A/P) (degrés) (degrés) courbure cartila- (mm)
(ans) (mm) (mm) (mm) gineuse
(cm2)
Gallino [24] 266 Manuelle 2.9 37° sup
Howell [29] 25 Manuelle 9 (S/I)
5 (A/P)
Jobe [32] 50 Manuelle 40 29 28 % de
la tête
humérale
Kwon [40] 12 3D–TDM 37.8 26.8 1.6 (scap.) 8.7
(Scap.) (scap.)
1 (TDM)
39.1 25.2
(TDM) (TDM)
McPherson [50] 93 Rx–TDM 33.9 28.6 32.6 (S/I) 5 (S/I)
3 (TDM)
Checroun [10] 412 58 Manuelle 37.9 29.3
Soslowsky [64] 32 72 Stereophoto- Cartilage : 5.79 (H)
grammetry
Morphobiométrie de la scapula
23.62 (F)
Os :
34.46 (H)
30.28 (F)
Von Schroeder [73] 30 Manuelle 36 29 8
Aigner [1] 20 > 60 Manuelle 6.03
DeWilde [18] 108 Manuelle 35.6 25.8
Kelkar [38] 9 50 Manuelle 27.2
Prescher [59] Manuelle 4–8 6–8
A : antérieur ; F : femme ; H : homme ; I : inférieur ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; MEF : méthodes des éléments finis ; P : postérieur ; Rx : radiographie ; S : supérieur ;
scap : scapula ; Stereo : stereophotogrammetry ; TDM : tomodensitométrie.
111
112 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE
Glène arthrosique
Les glènes arthrosiques sont caractérisées principale-
ment par une augmentation de la taille antéroposté-
Figure 3. Le rayon de courbure de la glène est plus important rieure en raison du développement d’ostéophytes, et par
que celui de la tête humérale. une usure postérieure entraînant une augmentation de
Morphobiométrie de la scapula 113
A B
Figure 4. Reconstruction 3D d’une glène normale et analyse par la méthode des éléments finis de l’ensemble de la glène (A) ou
de la coupe médiane principale (B). Noter la distribution homogène des propriétés osseuses de la périphérie (forte densité) vers le
centre (faible densité).
la rétroversion. Mullaji et al. [52], évaluant par TDM (de 12° d’antéversion à 50° de rétroversion) pour l’en-
45 épaules arthrosiques, retrouvaient une augmentation semble de la série. Les glènes de type A (59 %) pré-
du diamètre antéropostérieur de 5 à 8 mm comparati- sentaient une usure centrale avec une tête humérale
vement à des épaules normales. Les glènes arthrosiques centrée ; la version moyenne de ce groupe était de 11,5°
étaient rétroversées en moyenne de 12,5°, avec une ± 8,8 ; l’usure était minime dans le stade A1 (43 %) et
pente moyenne de 28,6° ± 10,8, significativement diffé- importante dans le stade A2 (16 %). Dans les formes
rente des glènes normales qui présentaient une rétrover- évoluées, la tête humérale se médialisait par protru-
sion moyenne de 3° et une pente de 39,9° ± 8,2. Karelse sion dans la glène. Les glènes de type B (32 %) pré-
et al. [37] confirmaient ces résultats ; les glènes arthro- sentaient une tête humérale qui se subluxait en arrière.
siques étaient rétroversées de 3,3° ± 2,7 (11° de rétro- L’analyse tomodensitométrique mettait en évidence
version à 6° d’antéversion), avec une inclinaison de 7,1° de nombreuses modifications, notamment au niveau
± 3,5 (1 à 16°). Les dimensions moyennes de la glène de la partie postérieure de la glène, avec un angle de
étaient de 35,9 mm ± 3,6 (30 à 44 mm) en hauteur et de rétroversion de 18° ± 7,2°. Deux sous-groupes ont
27,2 ± 3,0 mm (23 à 33 mm) en largeur. été individualisés : B1 (17 %), avec un pincement de
En se fondant sur une étude radiographique, l’interligne glénohuméral postérieur, une sclérose sous-
Nakagawa et al. [54] ont classé l’omarthrose primitive chondrale et une ostéophytose ; et B2 (15 %), avec un
en trois stades. Le stade de début est caractérisé par aspect de cupule postérieure donnant un aspect bicon-
la présence d’ostéophytes ou d’une sclérose de la tête cave à la glène. Dans le type B2, il existait une rétro-
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humérale ou de la glène. Le stade évolué est caractérisé version importante de la glène, ce qui n’expliquait pas
par la présence d’ostéophytes ou de lésions de sclérose pour autant la biconcavité. Les glènes de type C (9 %)
à la fois sur la tête humérale et sur la glène, ou d’un étaient définies par une rétroversion de plus de 25°. Il
pincement de l’interligne glénohuméral. Le stade termi- s’agissait de glène d’aspect dysplasique avec une tête
nal est caractérisé par la présence d’ostéophytes, d’une humérale qui restait centrée ou légèrement subluxée en
sclérose et d’un pincement de l’interligne articulaire. arrière. L’angle de rétroversion moyen était de 35,7°
Walch et al. [74], en 1999, ont été les premiers à ± 5,9°. Dans le type B, la subluxation postérieure de
classer le type d’usure de la glène par l’intermédiaire la tête humérale était en moyenne de 59 % (56,8 % à
d’une analyse tomodensitométrique de 113 épaules 61,7 %), et semblait être responsable de l’usure pos-
arthrosiques de patients de 66 ans d’âge moyen. La térieure de la glène, qu’elle soit minime (B1) ou plus
morphologie de la glène était classée en trois types en importante avec un aspect biconcave (B2). L’angle de
fonction du type d’usure, de l’angle de rétroversion rétroversion était de 14,9° dans le groupe B1 et de
et de l’éventuelle, subluxation humérale postérieure 23,4° dans le groupe B2. Habermeyer et al. [28] ont
(figure 5). L’angle de rétroversion moyen était de 16° souligné que, dans l’omarthrose, l’inclinaison de la
114 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE
Coracoid
A B C D
Figure 6. Classification des glènes arthrosiques dans le plan sagittal selon Habermeyer et al. [28].
Surface articulaire : anatomique plus importantes pour luxer l’implant [3,13]. Pour
versus ovale versus rectangulaire Checroun et al. [10], les glènes piriformes s’adap-
tent plus à l’anatomie que les glènes ovoïdes ou
Il existe deux types de dessins de glène : anatomi- rectangulaires (figure 9).
que en forme de poire, ou ovale ou rectangulaire
comme l’implant initial de Neer (figure 8). La glène Surface postérieure convexe
piriforme s’adapte plus à l’anatomie en évitant les ou plate
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Conformité articulaire
glénohumérale
Karduna et al. [34,35] ont souligné que les articulations
prothétiques avec une faible conformité reproduisaient
le plus fidèlement la translation active de l’articula-
tion normale. Les implants présentant une conformité
maximale limitent la translation glénohumérale, obli-
geant la tête humérale à rester centrée au niveau de la
glène sans translation possible, sauf si la tête est auto-
risée à sortir du centre de la glène ou si le polyéthylène
est usé [48]. Sur des implants non conformes, avec un
A rayon de courbure de la glène plus important que celui
de la tête humérale, la translation de la tête humérale
est possible sans sollicitation des bords de l’implant
[34,48]. Plus les implants sont faiblement conformes,
moins ils entraînent de forces de translation ou des
contraintes en friction [63]. De plus, l’augmentation
du rayon de courbure de la glène par rapport à celui
de la tête humérale, dans la mesure où la hauteur de
la glène est la même, n’a pas de conséquence signifi-
cative sur la stabilité glénohumérale [36]. Il est donc
possible que le caractère non conforme d’une prothèse
diminue le potentiel de descellement mécanique de
l’implant glénoïdien sans augmenter le degré d’insta-
B
bilité de l’articulation [33,35]. Walch et al. [75] ont
également démontré que le défaut de conformité arti-
Figure 7. Reconstruction 3D d’une glène arthrosique et analyse culaire était directement corrélé avec l’amélioration
par la méthode des éléments finis de l’ensemble de la glène (A) du score de descellement. Les meilleurs résultats sont
ou de la coupe médiane principale (B). Noter l’augmentation
obtenus pour un défaut de conformité de 5 à 7 mm
de la rétroversion de la glène et le renforcement de la partie
postérieure de la glène. entre l’implant huméral et l’implant glénoïdien. Wang
et al. [77] ont conçu un implant glénoïdien hybride
avec deux rayons de courbure différents : un central
parfaitement conforme avec le rayon de courbure de la
tête humérale, et un périphérique non conforme pour
permettre une certaine translation de la tête humé-
rale (figure 10). Ils démontrent que le fait d’ajouter
une partie centrale congruente ne semble pas modi-
Tableau 2
Paramètres biomorphométriques décrivant la glène arthrosique rapportés dans la littérature
Moyen :
33.3 ± 5.7
Inférieur :
31.6 ± 6.9
27.2 ± 3
Couteau [15] 16
MEF : méthodes des éléments finis ; Rx : radiographie ; TDM : tomodensitométrie.
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Figure 9. Les glènes piriformes s’adaptent plus à l’anatomie. Figure 10. Implant glénoïdien hybride avec deux rayons de
courbure différents : un central parfaitement conforme avec
le rayon de courbure de la tête humérale, et un périphérique
non conforme pour permettre une certaine translation de la
tête humérale.
Fixation cimentée versus non
cimentée. Quille versus plots
Les systèmes de fixation des implants glénoïdiens classiquement plusieurs composants comprenant une
peuvent être cimentés, non cimentés ou hybrides. embase métallique et un insert en polyéthylène. La
Concernant les implants cimentés, deux dessins de plupart des implants avec embase métallique présen-
système de fixation existent : la quille ou les plots tent un système de traitement de surface pour favoriser
(figure 11). Les glènes non cimentées comprennent la fixation biologique. Ces systèmes de fixation sont
118 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE
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122 I. SZABO, ET AL.
RÉSUMÉ SUMMARY
Le but de cette étude est de comparer les liserés glénoïdiens des The purpose of this study is to compare the radiographic results
glènes cimentées à fond plat et à fond convexe. Deux groupes de of two different glenoid component designs. This series consis-
prothèses totales d’épaule implantées pour omarthrose primitive ted of 66 shoulder arthroplasties with primary osteoarthritis
ont été comparés sur les radiographies immédiates et à 2 ans de divided into two groups based on glenoid component type. One
recul. La présence et la progression des liserés ont été analysées group consisted of shoulders receiving cemented flat back, poly-
sur des clichés réalisés sous contrôle scopique par trois observa- ethylene glenoid implants. Another group consisted of shoulders
teurs indépendants sur trois lectures successives ; les moyennes receiving cemented convex back, polyethylene glenoid implants.
des neuf lectures ont été comparées. Les résultats des prothè- Immediate postoperative and 2-year postoperative radiographs
ses polyéthylène à quille fond convexe sont supérieurs à ceux were evaluated for the presence and progression of periglenoid
des glènes à fond plat. radiolucencies, and the two groups were compared. Radiolucent
line scores were calculated and compared for each group. The
Mots clés : Prothèses glénoïdiennes. – Fond plat. – Fond convexe. keeled, convex back glenoid component radiographically outper-
– Liseré glénoïdien. formed the keeled, flat back glenoid component.
Le dessin de l’implant glénoïdien peut également un recul insuffisant (10 cas), l’utilisation d’un implant
jouer un rôle important en améliorant la conformité glénoïdien autre que ceux étudiés (2 cas de glène
avec la surface osseuse. Le comportement bioméca- métal-back vissée), l’utilisation d’une autre technique
nique de différents implants a été étudié dans le but opératoire (2 cas) et une autre étiologie (1 cas de PTE
d’optimiser le dessin de ceux-ci [2,10,13]. Différents sur omarthrose excentrée).
paramètres tels que la forme, la méthode de fixation Selon l’arthroscanner préopératoire, corrélé avec les
(cimenté, non cimenté) et l’utilisation d’un métal- constatations intraopératoires, la coiffe des rotateurs
back ont été étudiés. Malgré le nombre élevé d’études, était intacte dans 56 épaules, 4 avaient une lésion par-
aucun consensus ne se dégage. En outre, il n’a pas été tielle de la face profonde du supraépineux et 8 une
démontré de supériorité d’un implant sur l’autre au petite lésion transfixiante (< 1 cm). Aucune de ces
regard du taux de descellement ou des résultats à long lésions n’a été réparée au moment de l’implantation de
terme. la prothèse La morphologie de la glène était détermi-
Le but de cette étude est de comparer les résultats née selon la classification de Walch [23]. On retrouvait
radiographiques de deux implants glénoïdiens diffé- 34 glènes A1, 1 glène A2, 11 glènes B1, 17 glènes B2 et
rents par l’analyse des lisérés. Bien que certaines étu- 3 glènes de type C.
des biomécaniques aient montré que les implants à Tous les implants utilisés dans cette étude étaient des
fond convexe offraient de meilleures propriétés que les prothèses Aequalis® (Tornier). Trois tailles de glène ont
glènes à fond plat, il s’agit de la première étude in vivo été utilisées avec un rayon de courbure de 27,5 mm,
permettant de déterminer si les glènes à fond convexe 30 mm et 32,5 mm. Les implants polyéthylène pirifor-
donnent une plus faible incidence de liséré et d’étudier mes cimentés, à fond plat ou convexe, comportent une
leur progression [2,13]. quille identique de 4 mm d’épaisseur et 15 mm de lon-
gueur destinée à être cimentée dans le canal médullaire
de la glène. Les dimensions de la quille sont les mêmes
Matériel et méthode quelle que soit la taille de l’implant.
Critères d’inclusion La technique chirurgicale était la même pour tous
les patients. L’empreinte de la quille était préparée en
La population étudiée concernait des prothèses totales compactant l’os spongieux à l’aide d’un instrument
d’épaules primaires implantées par les deux auteurs spécifique (compacteur) de taille identique à la quille
seniors (P. Boileau et G. Walch) en utilisant la même de la glène prothétique. Le premier groupe (35 épau-
prothèse. Tous les patients ont été opérés pour omarth- les) concerne les implants glénoïdiens à fond plat
rose primitive entre 1997 et 1999. Tous les patients (figure 1A). Le second groupe (31 épaules) concerne
devaient avoir un bilan d’imagerie préopératoire com- les implants à fond convexe (figure 1B). Le type d’im-
plet incluant des radiographies de face ainsi qu’un plant était choisi par tirage au sort au moment du
arthroscanner pour l’analyse de la coiffe des rotateurs geste chirurgical. Aucune différence statistique n’était
et de la morphologie de la glène. Le bilan d’image- retrouvée entre les deux groupes au regard de l’âge, du
rie postopératoire devait comporter des radiographies sexe, du membre dominant, du statut de la coiffe des
postopératoires immédiates (dans les 3 jours suivant
l’intervention) et un cliché de face à 2 ans de recul.
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rotateurs, de la morphologie de la glène ou du mis- que zone. Ce score peut varier de 0 point en cas d’ab-
match glénohuméral. sence de liséré à 18 points en cas de liséré de plus de
Toutes les radios dans cette étude ont été réalisées sous 2 mm d’épaisseur sur chacune des six zones (figure 2 ;
contrôle fluoroscopique avec le rayon perpendiculaire tableau 1). En outre, les scores ont été calculés séparé-
au plan de l’interface os–implant repéré par deux plots ment pour la quille et l’embase, permettant d’obtenir
métalliques inclus dans le polyéthylène [11]. Trois obser- un score liséré quille et un score liséré embase.
vateurs indépendants ont relu les clichés en trois occa- Les données radiographiques ont été utilisées pour
sions différentes avec une attention toute particulière à déterminer les corrélations intraobservateurs et inter-
la présence ou la progression de lisérés à l’interface os– observateurs dans l’analyse des scores. Bien que la
ciment. L’extension des lisérés (complets ou incomplets) corrélation intraobservateur fût bonne (10 % de
affectant l’embase (portion de la glène perpendiculaire à contribution de la variance totale et coefficient kappa
la quille), la quille ou les deux était analysée. Un liséré à 80 %), la corrélation interobservateur était moins
était considéré comme présent lorsqu’il était identifié satisfaisante (52 % de contribution de la variance
par au moins deux observateurs sur trois [20]. totale et coefficient kappa à 39 %), suggérant le carac-
Les lisérés ont été analysés selon la méthode de Molé tère subjectif de l’analyse des scores lisérés. Afin de
[15]. Une valeur numérique est assignée à chacune des diminuer cet effet, nous avons utilisé la moyenne de
six zones de l’implant : 0 point s’il n’y a pas de liséré, neuf scores (trois observateurs évaluant chaque radio-
1 point pour un liséré de moins de 1 mm d’épaisseur, graphie en trois occasions).
2 points pour un liséré entre 1 et 2 mm, et 3 points Les deux groupes de patients ont été comparés au
pour un liséré de plus de 2 mm d’épaisseur. Le score regard de la présence et de l’extension des lisérés,
liséré total est obtenu en additionnant le score de cha- du score liséré, de la progression du liséré autour de
Figure 2. Radiographies postopératoire immédiate (A) et à 2 ans de recul (B) pour une glène à fond plat. Le liseré sous l’embase
ne progresse pas.
Score 1,67 0,98 < 0,0005 4,19 3,23 0,02 2,49 2,32 0,894
liseré
total
Embase 1,41 0,66 < 0,0005 2,86 2,09 < 0,0005 1,49 1,52 1,00
Quille 0,26 0,32 0,618 1,33 1,14 0,427 1,14 0,84 0,341
Résultats comparés des glènes à fond plat et à fond convexe 125
la totalité de l’implant, de la progression du liséré dans le groupe fond plat et 0,32 dans le groupe fond
autour de la quille et de la progression du liséré de convexe ; cette différence n’était pas significative avec
l’embase. De plus, les facteurs pouvant potentielle- les effectifs de l’étude. Le score liséré embase moyen
ment influencer le développement d’un liséré ont été était de 1,41 dans le groupe fond plat et de 0,66 dans
analysés (âge, sexe, membre dominant, statut de la le groupe fond convexe (p < 0,0005) (tableau 1).
coiffe des rotateurs, morphologie de la glène et taille
de l’implant). Liserés à 2 ans de recul
Étude statistique À 2 ans, un liséré sur au moins une zone, quelle que
fût l’épaisseur, était visible sur tous les implants. Les
Les données descriptives, incluant les moyennes et lisérés étaient incomplets dans 29 cas sur 35 (83 %)
déviations standard ainsi que les pourcentages, ont été dans le groupe fond plat, et dans 28 cas sur 31 dans le
calculées. Pour l’évaluation des données quantitatives, groupe fond convexe ; cette différence n’était pas signi-
l’analyse de variance était réalisée pour déterminer ficative. Les lisérés étaient limités à l’embase dans
une différence significative. Si les groupes de variance 15 cas sur 35 (43 %) dans le groupe fond plat, et dans
n’étaient pas homogènes, le test non paramétrique 18 cas sur 31 (58 %) dans le groupe fond convexe ;
de Wilcoxon était utilisé. Pour l’analyse de données cette différence n’était pas significative (figures 2 à 4).
qualitatives, le test du Chi2 était utilisé. Le coefficient À 2 ans, le score liséré moyen était de 4,19 dans
de Pearson était calculé pour évaluer une corrélation le groupe fond plat et de 3,23 dans le groupe fond
entre différentes entités. L’influence des différents fac- convexe (p < 0,02). Les scores liséré quille moyen était
teurs sur la présence et la progression des lisérés a fait de 1,33 dans le groupe fond plat et 1,14 dans le groupe
l’objet d’une analyse multifactorielle. Le seuil de signi- fond convexe ; cette différence n’était pas significa-
ficativité était fixé à p < 0,05. tive. Le score liséré embase moyen était de 2,86 dans
le groupe fond plat et de 2,09 dans le groupe fond
convexe (p < 0,0005) (tableau 1).
Résultats Afin d’analyser la progression des lisérés, la diffé-
Lisérés postopératoires immédiats rence entre le score liséré postopératoire immédiat et
à 2 ans a été calculée dans chaque groupe. La pro-
Un liséré toujours incomplet était retrouvé sous l’em- gression moyenne était de 2,49 points dans le groupe
base 22 fois sur 35 (63 %) dans le groupe fond plat fond plat et 2,32 points dans le groupe fond convexe.
et 9 fois sur 31 (29 %) dans le groupe fond convexe Cette progression pour chacun des groupes était sta-
(p < 0,01). Une relation statistiquement significative tistiquement significative. De même, cette progression
existait entre le type de glène et l’incidence des liserés était significative dans les deux groupes pour le score
autour de l’embase. liséré quille (1,14 point groupe fond plat et 0,84 point
Le score liséré moyen était de 1,67 dans le groupe groupe fond convexe, p < 0,0005) et le score liséré
fond plat et de 0,98 dans le groupe fond convexe embase (1,49 point groupe fond plat et 1,52 point
(p < 0,0005). Le score moyen liséré quille était 0,26 groupe fond convexe, p < 0,0005) (tableau 1).
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Figure 3. Radiographies postopératoire immédiate (A) et à 2 ans de recul (B) pour une glène à fond convexe.
126 I. SZABO, ET AL.
Figure 4. A. Pas de liseré sur les clichés postopératoires immédiats de cette glène fond convexe. B. À 2 ans de recul, apparition d’un
liseré sous l’embase.
La comparaison des deux groupes a montré une recul court, plus faible que celui d’autres séries. De
progression équivalente des scores lisérés totaux nombreux auteurs ont montré une tendance à la pro-
(p < 0,894), des scores lisérés embase (p < 0,999) et des gression des lisérés précoces, en accord avec nos résul-
scores lisérés quille (p < 0,341). L’analyse des facteurs tats malgré un recul différent [3,5–7,12,14,16,20,22].
potentiellement influents sur l’apparition et la progres- Deuxièmement, l’absence de consensus dans la litté-
sion des lisérés montrait que les patients avec un score rature sur l’évaluation des lisérés explique la grande
compris entre 7 et 12 étaient significativement plus jeu- variabilité des pourcentages rapportés. Norris et
nes dans le groupe fond plat. L’âge n’avait pas d’autre Lachiewicz [19] utilisent une modification d’une
influence significative sur les scores lisérés immédiats méthode d’évaluation initialement décrite par Amstutz
ou à 2 ans de recul. La progression du score liseré était [1] dans laquelle un liséré est considéré comme présent
plus importante chez les patients jeunes du groupe seulement s’il intéresse plus de 50 % d’une zone, sous-
fond convexe (p < 0,012). Cette tendance n’était pas estimant ainsi probablement leur prévalence réelle.
observée dans le groupe fond plat ou dans les deux Nous avons utilisé la classification de Molé pour
groupes étudiés ensemble. l’évaluation des lisérés qui prend en compte trois zones
Avec les effectifs disponibles, le sexe, le côté domi- autour de la quille et trois zones autour de l’embase,
nant, une atteinte de la coiffe des rotateurs, la mor- et qui prend en compte tous les lisérés quels que soient
phologie préopératoire de la glène et le mismatch leur taille [15]. Troisièmement, tous nos implants ont
glénohuméral prothétique n’avaient pas d’influence été évalués avec des clichés réalisés sous contrôle fluo-
sur les lisérés immédiats et à 2 ans ou sur la progres- roscopique, critère indispensable pour avoir une bonne
sion des lisérés. reproductibilité [6,11,15]. Nous n’avons pas analysé
les lisérés sur les clichés axillaires du fait de l’impossi-
bilité de standardiser la réalisation de cette incidence.
polyéthylène, du méthylméthacrylate et de l’os sous- qu’il n’existe pas de différence significative entre les
chondral [15]. Collins et al. ont étudié les facteurs de deux groupes sur les lisérés autour de la quille, il sem-
préparation osseuse qui pourraient améliorer la fixa- ble que les lisérés de l’embase soient les plus influencés
tion de l’implant. Ils rapportent que les forces excen- par le dessin de l’implant. L’analyse des scores lisérés a
triques physiologiques peuvent être minimisées par un montré une différence significative entre les deux des-
fraisage approprié permettant une adaptation étroite sins en faveur des fonds convexes sur les clichés pos-
entre l’implant et l’os [9]. topératoires immédiats, faisant la démonstration que
Le dessin de l’implant joue un rôle important dans ces implants offrent une meilleure conformité entre
l’amélioration de la conformité entre celui-ci et l’os. l’implant et l’os. Les scores lisérés quille étaient simi-
Anglin et al., dans une étude biomécanique, retrou- laires dans les deux groupes, ce qui peut être expliqué
vent qu’avec les implants à fond convexe, les forces par l’utilisation de la même technique opératoire dans
transmises à l’implant se font plutôt en compression chaque groupe [21].
qu’en cisaillement [2]. En outre, les auteurs démon- Les résultats radiographiques meilleurs observés
trent que les implants à fond convexe résistent mieux avec les implants à fonds convexes sont aussi retrouvés
au cisaillement. Par ailleurs, le fond convexe évite un au recul de 2 ans. Dans notre étude, la progression des
pic de stress à la jonction entre l’embase et la quille, et lisérés était similaire dans les deux groupes. L’analyse
préserve mieux le stock osseux glénoïdien. statistique n’a pas permis de dégager de facteurs déter-
Lacaze et al. ont comparé in vitro des implants à minant cette progression. Cette étude n’est pas sans
fond plat avec des implants à fond convexe [13]. Ils points faibles. Bien que la technique chirurgicale ait
retrouvent une meilleure résistance à l’arrachement été standardisée, deux chirurgiens différents ont réa-
avec les implants à fond convexe, bien que la diffé- lisé les opérations. En outre, la corrélation interobser-
rence ne soit pas statistiquement significative. vateur de l’analyse radiographique des lisérés n’était
Il n’existe pas dans la littérature d’étude clinique pas optimale ; néanmoins, elle était améliorée par l’éta-
prouvant la supériorité d’un implant sur un autre. blissement des moyennes. Les effectifs étaient faibles,
Dans notre étude, deux types de glènes polyéthylène masquant peut être l’influence d’autres facteurs sur le
ont été comparés afin d’analyser l’influence du des- développement des lisérés tels que le sexe et le mis-
sin de l’implant sur l’apparition et la progression des match prothétique [22]. Enfin, il est possible que les
lisérés périglénoïdiens. Les deux groupes de patients différences observées autour de l’embase soient dues
pour cette analyse sont homogènes et statistiquement aux différences d’analyse radiographique existant
comparables au regard des données préopératoires. La entre une embase plate et une embase convexe. Malgré
technique de préparation de la glène par compaction ces limites, ces résultats suggèrent que le dessin de l’im-
était utilisée dans tous les cas, offrant une meilleure plant glénoïdien joue un rôle primordial dans l’appari-
base osseuse pour la quille de l’implant. La technique tion et le développement des lisérés à court terme.
de fraisage utilisée était méticuleuse afin d’obtenir une
meilleure conformité entre l’implant et l’os, comme Conclusion
proposé par Collins et al. [9]. Afin de minimiser les
biais, nous n’avons inclus que des patients traités pour Il s’agit de la première étude clinique mettant en évi-
omarthrose primitive. dence un taux plus faible de lisérés avec un implant à
Cette étude comparative confirme l’influence du des- fond convexe comparé à un implant fond plat. Bien
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sin de l’implant glénoïdien sur la présence des lisérés que les glènes fond convexe aient moins de lisérés sur
postopératoires immédiats. Le pourcentage de liséré les clichés postopératoires immédiats et à 2 ans de
sur au moins une zone était significativement plus recul, la progression des lisérés apparaît similaire avec
important avec les implants à fond plat. Étant donné les deux types d’implants.
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Mismatch prothétique.
Influence sur les liserés
radiographiques glénoïdiens
Prosthetic mismatch. Radiographic glenoid lucent
lines influence
RÉSUMÉ SUMMARY
En chirurgie prothétique de l’épaule, le mismatch est défini par la In shoulder arthroplasty, mismatch is defined as the difference
différence de rayon de courbure entre la tête prothétique humé- in the diameter of curvature between the humeral head and
rale et l’implant glénoïdien. Aucune étude scientifique clinique glenoid components. Recommendations for mismatch have not
n’a évalué l’importance du mismatch. Le propos de cette étude been substantiated scientifically. The purpose of this study is to
est d’évaluer l’effet du mismatch sur les liserés glénoïdiens. Le evaluate the effect of mismatch on glenoid radiolucencies. The
groupe d’étude était constitué de 319 prothèses totales d’épaules study group was 319 total shoulder arthroplasties performed
provenant d’une étude multicentrique. L’indication unique était for primary osteoarthritis. All patients underwent arthroplasty
l’omarthrose primitive. Tous les patients ont bénéficié du même with a single type of prosthesis using a cemented, all polyethy-
type de prothèse utilisant une glène cimentée à fond plat. Trois lene glenoid component. Three sizes of glenoid components and
tailles de composant glénoïdien étaient utilisées et sept tailles de seven humeral head diameters were utilized. Radial mismatch
tête humérale de diamètre différent. Le mismatch était réparti was categorized as ≤4 mm, 4.5 to 5.5 mm, 6 to 7 mm, or ≥7 mm.
comme ≤ 4 mm, de 4,5 à 5,5 mm, de 6 à 7 mm ou ≥ 7 mm. Les Despite a preferential association recommended by the pros-
radiographies de toutes les prothèses ont été analysées avec un thesis manufacturer, surgeons were allowed to implant any size
recul moyen de 53,5 mois (24–110 mois). Les liserés radiographi- components in any combination that they believed appropriate
ques glénoïdiens étaient quantifiés (de 0 point quand il n’y avait at the time of surgery. The amount of mismatch selected was
pas de liseré à 18 points pour des liserés supérieurs à 2 mm dans not related to surgeon experience, preoperative epidemiological
les six zones). Une analyse statistique a été réalisée pour évaluer factors, or findings at surgery. Radiographs were evaluated at a
la relation entre le mismatch et les liserés glénoïdiens. Une rela- mean 53.5 months follow-up (24 to 110 months). Glenoid radio-
tion statistiquement significative a été mise en évidence entre le lucencies were scored (0 point for no radiolucency to 18 points
mismatch et le score des liserés glénoïdiens. Le score des liserés for radiolucencies exceeding 2 mm in six zones). A statistical ana-
glénoïdiens était plus faible (donc meilleur) quand le mismatch lysis, was performed to evaluate the relationship between radial
était supérieur à 5,5 mm. À partir de cette étude, le mismatch, s’il mismatch and glenoid radiolucencies. A statistically significant
est supérieur à 5,5 mm, semble optimisé pour diminuer les liserés linear relationship (mean radiolucent line score = 8.243 - 0.636
glénoïdiens. Cette étude représente la première étape permettant × radial mismatch; 95% confidence interval of slope: −0.950,
d’obtenir des arguments scientifiques cliniques pour recomman- −0.322) existed between mismatch and glenoid radiolucency
der une valeur du mismatch (de 6 × 10 mm) entre les implants score (p=0.001) with significantly lower (better) radiolucency
huméral et glénoïdien pour les prothèses totales non contraintes scores occurring with a radial mismatch of greater than 5.5 mm.
de l’épaule. In the 0 to 10 mm radial mismatch values occurring in this study,
the glenohumeral component mismatch had a statistically signi-
ficant influence on glenoid radiolucencies, which were optimized
when the mismatch was between 6 and 10 mm.
Mots clés : Prothèse totale d’épaule. – Mismatch. – Liseré Key words: Shoulder arthroplasty. – Mismatch. – Glenoid radio-
glénoïdien. – Rayon de courbure. lucencies. – Radius of curvature.
Tableau 1
Valeur du mismatch en fonction des associations implant huméral et glène
Glène
mismatch radial moyen de la série était de 5,3 mm L’évaluation du résultat clinique se faisait par le score
(0–10 mm, SD 1,6). Pour analyser l’influence du mis- de Constant [4], et le bilan radiographique comprenait
match, quatre groupes ont été créés en fonction de sa trois radiographies de face en rotations interne, neutre
valeur : groupe 1, ≤ 4 mm ; groupe 2, 4,5 à 5,5 mm ; et externe, et une radiographie de profil axillaire. Le
groupe 3, de 6 à 7 mm ; groupe 4, ≥ 7 mm. Nous avons liseré glénoïdien était analysé sur six zones (figure 1)
vérifié que ces quatre groupes créés étaient compara- et l’épaisseur du liseré était mesurée en millimètres.
bles et ne présentaient pas de différence statistique- Une absence de liseré était cotée 0 point, un liseré infé-
ment significative en termes de sexe, de côté opéré, rieur à 1 mm valait 1 point dans chaque zone où il
d’état de la coiffe des rotateurs, d’âge à l’opération, de était présent, un liseré compris entre 1 et 2 mm valait
recul postopératoire (tableau 2). 2 points, et un liseré supérieur à 2 mm valait 3 points.
Tous les patients ont été revus en consultation par L’ordinateur établissait ainsi un « score liseré » [11]
un membre de l’équipe chirurgicale qui les avait opérés compris entre 0 point (aucun liseré) et 18 points (liseré
pour un examen clinique et un bilan radiographique. supérieur à 2 mm dans les six zones) (figure 2). Un
Tableau 2
Analyse statistique ne montrant aucune différence en fonction des groupes de mismatch
< 4 mm
4,5–5,5 mm
6–7 mm
> 7 mm
Résultats
Le score liseré moyen était de 4,7 points (0–18, SD 4,8).
– 243 cas (76,2 %) avaient un score inférieur ou égal à
6 points et étaient considérés comme non descellés.
– 49 cas (15,4 %) avaient un score liseré de 7 à 12 et étaient
considérés comme ayant un descellement possible.
Figure 1. Position des six zones pour la mesure du liseré – 27 cas (8,4 %) avaient un score liseré de 13 à 18 et
glénoïdien.
étaient considérés comme radiologiquement descellés.
L’effet du mismatch sur le score liseré est apparu très
significatif (linear trend p < 0,0001). Le score liseré est
d’autant moins important que la valeur du mismatch
est élevée (tableau 3 et figure 3).
Nous avons ensuite vérifié que cette corrélation sta-
tistique n’était pas influencée par un autre paramètre
tel que les opérateurs, l’état de la coiffe des rotateurs,
la forme de la glène ou l’existence de complication
postopératoire. Pour vérifier l’influence des opérateurs,
nous avons comparé le groupe de chirurgiens ayant
envoyé plus de dix fiches et ceux ayant envoyé moins
de dix fiches. Au sein de ces deux groupes, la relation
statistique entre mismatch et score liseré existe toujours
et est statistiquement significative (tableau 4). La forme
de la glène préopératoire pouvait également avoir une
Epaisseur liseré < 1mm 1 à 2 mm > 2 mm Score liseré influence et interférer dans la relation statistique ; nous
ZONE (1 point) (2 points) (3 points) (18 points) avons retenu les 210 dossiers qui avaient eu un scanner
1 X 2 préopératoire et les avons scindés en deux groupes en
2 X 2 fonction de la concentricité ou de l’excentricité de la
3 glène [14]. Cent trois cas avaient une glène concentri-
4 X 2 que avec ou sans érosion centrale et 107 cas avaient
5 X 3 une glène de type « excentrique » avec une subluxa-
6 X 1 tion postérieure de la tête humérale, et dans la moitié
TOTAL 10/18 des cas une usure postérieure de la glène. Au sein de
ces deux groupes, la relation entre mismatch et score
Score
liseré
Groupe 1
6.4 pts (SD 5.6) 8
≤ 4mm
7
Groupe 2 6
4.5 → 5.5 mm 5.3 pts (SD 5.4)
5 N = 81
Groupe 3 4
3.8 pts (SD 3.8) N = 81
6 → 7mm
3
N = 101
N = 56
2
Groupe 4 < = 4 mm 4.5–5.5 6−7mm > 7mm
> 7 mm 3.7 pts (SD 4)
Mismatch
Figure 3. Error bar de la relation entre le mismatch et le score liseré.
Tableau 3
Valeur du score liseré en fonction des groupes de mismatch
Tableau 4
Influence du nombre de fiches envoyées par chaque opérateur sur la relation mismatch–score liseré
≤4 4,9 ± 5,4
≤4 7,1 ± 5,7
tardives (luxations antérieures ou postérieures, migra- prises individuellement : douleur, mobilité, activité et
tions supérieures de la prothèse), sur l’élévation anté- force (tableau 6). Le mismatch n’influence aucun de
rieure active, la rotation externe coude au corps, le ces paramètres excepté la rotation externe (tableau 4).
score de Constant total et ses différentes composantes La rotation externe active est statistiquement meilleure
134 A. GODENÈCHE, P. BOILEAU, G. WALCH
Tableau 5
Influence du type de glène préopératoire au scanner sur la relation mismatch–score liseré
≤4 30 6,23 ± 5,4
« Concentrique »
4,5–5,5 29 5,86 ± 5,6
103 4,8 ± 5 5,2 0,01
(A1–A2) 6–7 29 3,0 ± 3,5
≤4 29 6 ± 5,8
« Excentrique »
4,5–5,5 24 4 ± 4,9
101 4,2 ± 4,5 5,3 0,03
(B1–B2) 6–7 39 3,5 ± 3,4
>7 15 3 ± 2,5
pour un mismatch entre 4,5 et 7 mm sans que l’on de cas était trop faible, et pour les glènes métal-back,
puisse apporter d’explications. les trop nombreuses complications liées à l’implant
lui-même risquaient de fausser les résultats.
Malgré toutes ces insuffisances, il nous a paru inté-
Discussion ressant de rapporter ces résultats, car c’est la première
fois qu’une étude in vivo analyse l’influence du mis-
Cette étude rétrospective multicentrique présente match sur le liseré glénoïdien. Le mismatch radial idéal
des insuffisances puisqu’elle intègre les résultats de dans cette série pour une glène cimentée polyéthylène
42 chirurgiens différents qui ont eux-mêmes appré- fond plat à quille semble donc se situer entre 6 et
cié les résultats cliniques et radiographiques. On peut 7 mm, ce qui est plus important que les valeurs qui ont
aussi penser qu’il existe un biais quant à la techni- été recommandées jusqu’à ce jour soit intuitivement,
que opératoire propre à chaque chirurgien (fraisage, soit sur la base d’études biomécaniques in vitro.
cimentation, etc.). Cependant, le grand nombre de Les inconvénients théoriques d’un mismatch radial
cas analysé permet de gommer les insuffisances et élevé – instabilité prothétique et usure du polyéthylène
permet même de renforcer les valeurs des résultats, – ne ressortent pas à l’analyse de cette série dont le
puisqu’il compense l’influence de tel ou tel chirurgien recul moyen n’est cependant que de 54 mois.
tant en ce qui concerne la technique opératoire, le
Tableau 6
Influence du mismatch sur les complications et le résultat clinique
Groupe 4 : 14,3 % 0% 0% 3,6 % 134° 30,5° 12,5 28,9 16,8 8,2 66,5
>7
Différence p = 0,3 0,3 0,6 0,1 0,001 0,4 0,2 0,4 0,6 0,3
statistique p
Mismatch prothétique. Influence sur les liserés radiographiques glénoïdiens
EAA : Élévation antérieure active ; RE1A : Rotation externe active coude au corps ; rx : radiographie.
135
136 A. GODENÈCHE, P. BOILEAU, G. WALCH
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Préparation de la glène
dans les prothèses anatomiques
Glenoid preparation technique in total shoulder
arthroplasty
RÉSUMÉ SUMMARY
Nous avons comparé la prévalence des lisérés glénoïdiens entre We compared the prevalence of periglenoid radiolucencies
deux techniques de préparation de la glène dans les prothè- between two glenoid component preparation techniques used in
ses totales d’épaule. Soixante-douze patients consécutifs avec total shoulder arthroplasties. Seventy-two consecutive patients
omarthrose primitive ont été traités par prothèse totale d’épaule with primary osteoarthritis had total shoulder arthroplasty using
en utilisant la même prothèse avec une glène cimentée poly- one prosthetic system with cemented flat-back keeled polyethy-
éthylène à fond plat. La technique de préparation de la glène par lene glenoid components. Thirty-seven shoulders had glenoid
curetage a été utilisée dans 37 cas et la technique de prépara- implants that were cemented after standard curettage prepara-
tion par compaction de l’os spongieux a été utilisée 35 fois. Les tion of the keel slot. Thirty-five shoulders had glenoid implants
radiographies postopératoires immédiates et à 2 ans de recul ont that were cemented after using bone compaction to prepare the
été étudiées pour analyser la présence et la progression des lisé- keel slot. The immediate postoperative and 2-year postoperative
rés. Les clichés postopératoires immédiats montraient un taux de radiographs were examined to evaluate the presence and pro-
liséré autour de la quille plus important dans le groupe curetage gression of periglenoid radiolucencies. The curettage group had
(38 %) que dans le groupe compaction (11 %). Les lisérés progres- a higher rate (38%) of keel radiolucencies than the compaction
saient dans le temps dans les deux groupes, mais la progression group (11%) seen on the immediate postoperative radiographs.
était plus importante dans le groupe curetage. La préparation de Both groups had progression of periglenoid radiolucencies with
la glène par la technique de compaction offre une meilleure fixa- time. Progression of the radiolucent lines was worse in the curet-
tion des implants glénoïdiens polyéthylène à quille. tage group 2 years after arthroplasty. Preparation of the glenoid
component keel slot with the bone compaction technique seems
Mots clés : Prothèse d’épaule. – Cimentage. – Liseré glénoïdien. to achieve better fixation of flat-back keeled polyethylene gle-
– Compaction osseuse. noid components in total shoulder arthroplasties.
technique plus moderne de cimentage. Une améliora- qui met en lumière l’importance de la préservation de
tion du taux de survie et une diminution du taux de l’os sous-chondral pour supporter l’implant glénoïdien
descellement glénoïdien des PTE avec un recul moyen [10,16]. Neer a proposé de préserver l’os sous-chondral
de 5 ans ont été rapportées grâce à l’amélioration de la excepté à l’emplacement de la quille et de retirer l’os
technique de cimentage [22]. spongieux de la base de l’apophyse coracoïde ainsi
Afin d’améliorer la technique de cimentage, la techni- que sur les parties latérales de la glène [19,20]. Une
que du weep-hole a été développée, utilisant une canule autre technique a été proposée par Gazielly pour obte-
d’aspiration dont l’extrémité est placée au fond de la nir une base solide en compactant l’os spongieux au
glène grâce à un tunnel foré dans l’apophyse coracoïde. lieu de le retirer [11].
Grace à cette technique, presque tous les lisérés ont été Le but de cette étude est de comparer les résultats
éliminés sur les clichés postopératoires immédiats [12]. radiographiques de la technique de curetage décrite
Les résultats d’une étude récente ont montré que par Neer et ceux de la technique de compactage décrite
l’assèchement de la glène par différents procédés (gel par Gazielly en analysant les lisérés glénoïdiens post-
imprégné de thrombine, gaz comprimé ou lavage par opératoires immédiats et à 2 ans de recul.
solution saline) diminue la fréquence des lisérés post-
opératoires immédiats autour de la quille. Néanmoins, Matériel et méthode
aucune différence significative n’a été retrouvée entre
les trois techniques, en dehors du coût qui était signifi- Les critères d’inclusion ont été les suivants : patients
cativement plus élevé dans les groupes gel et gaz com- opérés pour omarthrose primitive par prothèse totale
parés au groupe solution saline [9]. d’épaule avec glène polyéthylène à quille et à fond plat.
Collins et al. ont étudié les facteurs de la prépara- Le bilan préopératoire indispensable comprenait des
tion osseuse qui pourraient améliorer la fixation de clichés radiographiques de face et un arthroscanner
l’implant. Ils rapportent que les forces excentriques pour analyser la coiffe des rotateurs et la morphologie
physiologiques peuvent être minimisées par un frai- de la glène. En postopératoire, des bilans radiographi-
sage mécanique approprié permettant une adaptation ques de contrôle immédiat (dans les 3 jours suivant
étroite entre l’implant et l’os. Ils suggèrent ainsi que la l’intervention) et avec un recul minimal de 2 ans
technique chirurgicale est un élément important dans étaient nécessaires pour l’inclusion.
la prévention des lisérés [8]. Les patients avec une érosion glénoïdienne ayant
Le stock osseux glénoïdien a aussi été étudié [1,10]. nécessité un greffe dans le même temps opératoire ont
Ces études ont montré que le glène ne renferme qu’un été exclus de l’étude.
petit volume de spongieux, ce qui limite la profondeur Soixante-douze PTE chez 67 patients obéissaient
disponible pour l’ancrage de l’implant, d’autant que ce aux critères d’inclusion. Vingt-six patients avaient une
volume peut être significativement réduit par la patho- prothèse bilatérale, mais seuls 5 patients parmi ceux-ci
logie initiale. ont été retenus. L’arthroscanner préopératoire et l’éva-
La résistance de l’os spongieux est variable ; la luation intraopératoire ont été utilisés pour l’identifi-
colonne centrale est la plus profonde, mais l’os est cation des lésions partielles ou totales de la coiffe des
plus résistant en avant, en arrière et en haut, offrant rotateurs. La morphologie de la glène était évaluée
théoriquement une meilleure assise pour l’implant. Il selon la classification de Walch et al. [25] (tableau 1).
a aussi été rapporté que la résistance moyenne de l’os Toutes les interventions ont été pratiquées par les
Tableau 1
Types d’usure de la glène, selon Walch [25] pour la population étudiée
Technique A1 A2 B1 B2 C
Curetage 13 3 7 13 1 37
Impaction 16 2 7 8 2 35
Total 29 5 14 21 3 72
Préparation de la glène dans les prothèses anatomiques 139
Toutes les prothèses utilisées étaient des implants dants ont relu les clichés à trois reprises. Les lectures
Aequalis® (Tornier). La glène utilisée dans cette série ont été réalisées sans connaître la technique utilisée.
est en polyéthylène, cimentée à fond plat, avec une Les lisérés ont été analysés selon la méthode de Molé
quille d’une épaisseur de 4 mm et d’une profondeur de et al. [18]. Une valeur numérique est assignée à cha-
15 mm. Trois tailles de glène ont été utilisées avec un cune des six zones de la quille et de l’embase : 0 point
rayon de courbure de 27,5 mm, 30 mm et 32,5 mm. s’il n’y a pas de liséré, 1 point pour un liséré de moins
La taille de la quille est la même pour toutes les tailles de 1 mm d’épaisseur, 2 points pour un liséré entre
de glène. 1 et 2 mm, et 3 points pour un liséré de plus de 2 mm
La même technique de pose de la prothèse a été uti- d’épaisseur. Le score liséré total est obtenu en addi-
lisée pour tous les patients, mais deux groupes ont tionnant le score de chaque zone. Ce score peut varier
été formés en fonction de la méthode de préparation de de 0 point en cas d’absence de liséré à 18 points en cas
la glène et de cimentage [3]. Dans le premier groupe de liséré de plus de 2 mm d’épaisseur sur chacune des
(37 PTE consécutives entre 1991 et 1995), l’emplace- six zones (figure 2 et tableau 2). En outre, les scores
ment pour la quille était préparé selon la technique du ont été calculés séparément pour la quille et l’embase,
curetage décrite par Neer [19,20]. L’os sous-chondral permettant d’obtenir un score liséré quille et un score
était préservé excepté à l’emplacement de la quille, et liséré embase.
l’os spongieux était retiré de la base de l’apophyse cora- Les données radiographiques ont été utilisées pour
coïde ainsi que sur les parties latérales de la glène. déterminer les corrélations intraobservateurs et inter-
Dans le second groupe (35 PTE consécutives entre observateurs dans l’analyse des scores lisérés. Bien que
1997 et 1999), la glène était préparée en utilisant la
technique de compaction développée par Gazielly et
décrite par Boileau et al. [3]. Afin d’offrir un support
plus consistant à la quille de l’implant glénoïdien, au
lieu de retirer l’os spongieux, celui-ci est compacté à
l’aide d’un instrument spécifique (compacteur) de taille
identique à la quille de la glène prothétique (figure 1).
Toutes les radiographies dans cette étude ont été réa-
lisées sous contrôle fluoroscopique avec le rayon per-
pendiculaire au plan de l’interface os–implant repéré
par deux plots métalliques inclus dans le polyéthylène
[13]. Les radiographies ont été comparées entre les deux
groupes à recul identique. Trois observateurs indépen-
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Figure 1. Afin d’obtenir une assise solide pour la quille de l’im- Figure 2. La méthode de Molé était utilisée pour le calcul du
plant, l’os spongieux est compacté à l’aide d’un instrument score liséré. Illustration des six zones d’évaluation de l’implant
spécifique de la même dimension que la quille (compacteur). glénoïdien (A).
140 I. SZABO, ET AL.
Tableau 2
Tableau du score liseré correspondant à la radiographie de la figure 2
Liserés glénoïdiens
1 X 2
2 X 2
3 0
4 X 2
5 X 3
6 X 1
Total 10
la corrélation intraobservateur ait été bonne (10 % de partielle de la face profonde du supraépineux. Huit
contribution de la variance totale et coefficient kappa épaules présentaient une lésion complète transfixiante
à 80 %), la corrélation interobservateur était moins du supraépineux de moins de 1 cm, une seule ayant fait
satisfaisante (52 % de contribution de la variance l’objet d’une réparation dans le même geste opératoire.
totale et coefficient kappa à 39 %), suggérant le carac- La coiffe des rotateurs était intacte dans 60 épaules.
tère subjectif de l’analyse des scores lisérés. Afin de Aucune différence n’a été retrouvée entre les deux grou-
diminuer cet effet, nous avons utilisé la moyenne des pes de patients pour l’âge, le sexe, le membre dominant,
neuf scores (trois observateurs évaluant chaque radio- le statut de la coiffe des rotateurs et la morphologie de
graphie en trois occasions). Pour analyser le caractère la glène. Aucune complication relative à la technique
progressif des lisérés, la différence du score liséré post- n’a été retrouvée durant la période de l’étude.
opératoire immédiat et du score à 2 ans de recul était
calculée. Lisérés postopératoires immédiats
Les deux techniques de cimentage ont été comparées
au regard de la présence et de l’extension des lisérés On retrouvait un taux de liséré postopératoire immé-
(complet ou incomplet ; embase, quille ou les deux), diat autour de la quille plus important dans le groupe
du score liséré et de la progression du score liséré de curetage que dans le groupe compaction (respecti-
tout l’implant, autour de la quille et de l’embase. Les vement 38 % versus 11 %, p = 0,011). Trois épaules
facteurs pouvant potentiellement influencer le déve- avaient un liséré complet, toutes étaient dans le groupe
loppement d’un liséré ont aussi été analysés (âge, sexe, curetage. Onze épaules (30 %) dans le groupe cure-
membre dominant, statut de la coiffe des rotateurs, tage et 4 (11 %) dans le groupe compaction avaient un
Tableau 3
Scores liserés sela la technique chirurgicale et le recul
Technique Quille Embase Total Quille Embase Total Quille Embase Total
Curetage 0.85 1.54 2.39 2.39 4.05 6.44 1.54 2.51 4.05
Compaction 0.26 1.41 1.67 1.33 2.86 4.19 1.07 1.45 2.52
Le tableau 3 compare les scores liséré postopératoires 2,86 points, p < 0,001). Le tableau 3 montre une com-
immédiats entre les deux groupes. paraison à 2 ans de recul des scores lisérés entre les
deux groupes.
Lisérés à 2 ans de recul
Progression des lisérés
Deux ans après l’implantation de la prothèse, le groupe
curetage avait une plus grande proportion de glènes Les scores lisérés progressaient dans les deux grou-
avec un liséré complet que le groupe compaction (res- pes sur la période de l’étude (p < 0,001). La progres-
pectivement, 49 % versus 17 %, p = 0,01). Un liséré sion des scores était plus importante dans le groupe
était présent sur les radiographies à 2 ans de recul sur curetage comparativement au groupe compaction
tous les implants dans les deux groupes. Le groupe (p = 0,002). Le score liséré moyen progressait en
compaction avait un taux plus important de liséré qui moyenne de 4,05 points dans le groupe curetage et
n’affectait pas la quille (37 % versus 11 % pour le de 2,52 points dans le groupe compaction. Les scores
groupe curetage, p = 0,011) (figures 3 et 4). quille et embase progressaient dans les deux groupes
Le score liséré moyen à 2 ans était plus élevé dans le (p < 0,001). Avec les effectifs disponibles, aucune dif-
groupe curetage que dans le groupe compaction (res- férence n’était retrouvée entre les deux groupes au
pectivement 6,44 points versus 4,19 points, p < 0,001). regard de la progression des scores liséré autour de la
Là encore, la différence était en relation avec un score quille. Le score liséré quille progressait en moyenne
liséré autour de la quille plus élevé dans le groupe de 1,54 point dans le groupe curetage et de 1,07 point
curetage que dans le groupe compaction (respective- dans le groupe compaction. Le score liséré sous l’em-
ment, 2,39 points versus 1,33 point, p < 0,001). À 2 ans, base progressait en moyenne de 2,51 points dans le
le score liséré sous l’embase était plus élevé dans le groupe curetage et de 1,45 point dans le groupe com-
groupe curetage (respectivement, 4,05 points versus paction (p < 0,001).
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Figure 3. Radiographies postopératoires immédiates (A) et à 2 ans de recul (B) après technique par curetage avec épais manteau
de ciment. Apparition d’un liséré complet à l’interface os–ciment à 2 ans.
142 I. SZABO, ET AL.
Figure 4. Radiographies postopératoires immédiates (A) et à 2 ans de recul (B) après technique par compaction. Aucun liséré n’est
apparu autour de la quille et le liséré derrière l’embase est resté stable.
Les patients avec un score liséré compris entre 7 et utilisé des scores lisérés moyens, car la corrélation inter-
12 points étaient plus jeunes. L’âge n’avait pas d’in- observateur des évaluations radiographiques n’était
fluence sur les scores immédiats ou à 2 ans. Avec les pas optimale. En outre, dans la mesure où un seul
effectifs disponibles, le sexe, le côté dominant, une type d’implant glénoïdien a été utilisé, nos résultats ne
atteinte de la coiffe des rotateurs, la morphologie sont peut-être pas applicables à d’autres types d’im-
préopératoire de la glène et le mismatch glénohumé- plants. Malgré ces limites, les résultats de cette étude
ral prothétique n’avaient pas d’influence sur les lisérés suggèrent que la technique de cimentage joue un rôle
immédiats, à 2 ans ou sur la progression des lisérés important dans le développement et la progression des
dans les deux groupes. lisérés glénoïdiens.
La technique par compaction offre potentiellement
Discussion plusieurs avantages pour la fixation de l’implant glénoï-
dien. Premièrement, la compaction de l’os spongieux
La présence et la progression des lisérés autour de l’im- offre une base plus stable pour l’implant glénoïdien
plant glénoïdien à l’interface ciment–os représentent que l’ablation de l’os par curetage. Deuxièmement,
un problème majeur des prothèses totales d’épaule. une logette formée d’os compacté, aux mêmes dimen-
De nombreuses études ont montré une relation directe sions que la quille de l’implant, procure une stabilité
entre les lisérés et les descellements radiographiques primaire suffisante pour éviter à l’implant de basculer.
curetage. De la même manière, on retrouvait plus de augmente sur la période de 2 ans, l’embase reste plus
lisérés extensifs dans le groupe curetage à 2 ans de recul concernée que la quille.
comparativement au groupe compaction ; environ un Notre étude retrouve une incidence de lisérés péri-
implant sur deux présentait un liséré dans toutes les glénoïdiens substantiellement plus importante que les
zones à 2 ans dans le groupe curetage. Ces résultats autres séries [6,14,18,21]. L’utilisation de radiogra-
suggèrent que la technique par compaction procure phies avec contrôle fluoroscopique a pu permettre de
une meilleure fixation glénoïdienne initiale et à moyen détecter et d’évaluer de manière plus sensible les lisérés
terme que la technique par curetage. [5,13,18]. Certains auteurs excluent un nombre impor-
Comme d’autres auteurs, nous avons retrouvé tant de patients de leur série du fait de radiographies
que l’embase de la glène était la zone principale- postopératoires non interprétables pour l’analyse des
ment concernée par les lisérés incomplets [18,24,26]. lisérés [15]. De plus, il n’y a pas de consensus sur la
Wilde et al. ont rapporté que la plupart des lisérés classification à utiliser pour l’évaluation des lisérés et,
postopératoires immédiats concernaient la région de en conséquence, une grande variabilité existe dans les
l’embase [26]. Molé et al. ont mis en cause l’usage incidences rapportées. Nous avons utilisé la classifica-
du ciment derrière l’embase et ont postulé que l’ap- tion de Molé pour l’évaluation des lisérés qui prend en
parition du liséré dans cette région était inévitable compte trois zones autour de la quille et trois zones
du fait d’un gradient dans les modules d’élasticité du sous l’embase.
polyéthylène, du méthylméthacrylate et de l’os sous- Le recul dans notre étude est substantiellement plus
chondral [18]. Torchia et al., dans une analyse des court que dans les autres séries. Les lisérés présents
résultats à long terme des prothèses totales de Neer, immédiatement après l’implantation de la prothèse
ont établi que le pourcentage de liséré derrière l’em- sont ceux qui sont les plus à même de progresser dans
base était constant dans deux séries de patients avec le temps [2,4,6,14,15,19,23,24]. Malgré notre recul
un recul moyen de 3,8 ans et de 9,7 ans, alors que les relativement court, nous confirmons que les implants
lisérés autour de la quille et les migrations d’implant qui présentent un liséré postopératoire immédiat évo-
augmentaient, suggérant ainsi un rôle prépondérant luent vers un score liséré plus important dans les 2 ans
des lisérés autour de la quille dans l’évolution vers le après la chirurgie.
descellement [24].
Mileti et al. [17] ont rapporté que seulement Conclusion
2 implants sur 19 avec un liséré de l’embase étaient à
risque de descellement comparativement à 5 implants Dans cette série de patients traités par prothèse totale
sur 10 avec un liséré autour de la quille. Il semble que d’épaule pour omarthrose primitive la technique de
la localisation du liséré soit un facteur pronostique préparation de la glène a eu une influence sur le déve-
important du descellement. Dans l’étude de Torchia loppement de lisérés radiologiques et d’un potentiel
et al., 83 % des lisérés apparaissent dans les 5 ans descellement. La technique par compaction de l’os
qui suivent la mise en place de la prothèse [24]. Dans spongieux a donné de meilleurs résultats que la tech-
notre étude, l’incidence des lisérés augmente avec le nique par curetage osseux. Cette étude a également
recul, si bien qu’à 2 ans de recul, aucun implant n’est montré que les lisérés radiologiques glénoïdiens pro-
indemne de liséré dans au moins une zone. En outre, gressent dans le temps indépendamment de la techni-
bien que le nombre de zones concernées par un liséré que de préparation de la glène.
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RÉSUMÉ SUMMARY
Le succès des prothèses d’épaule dépend essentiellement de la The success of shoulder arthroplasty is primarily dependent
technique chirurgicale. Un positionnement incorrect des implants on technique, as incorrect component positioning can lead to
peut aboutir à une instabilité prothétique, un descellement des instability, loosening and sub-optimal function. However, pro-
implants ou un mauvais résultat fonctionnel. Cependant, le pla- per implant placement can be difficult to achieve in the case of
cement des composants prothétiques en bonne position peut être severe deformity, bone loss or proximal humeral fractures, since
difficile à réaliser, surtout en cas de déformation sévère, de perte most anatomical landmarks may have been altered or lost com-
osseuse ou de fracture de l’humérus proximal. La chirurgie assistée pletely. Computer-assisted surgery may produce a more ana-
par ordinateur, qui n’en est qu’à ses débuts en chirurgie prothé- tomically accurate reconstruction, particularly in cases where
tique d’épaule, pourrait aider à obtenir une restitution anatomi- anatomic landmarks are unreliable. The application of compu-
que plus précise, surtout dans les cas ou les repères anatomiques ter navigation techniques to shoulder arthroplasty is still in its
sont peu fiables. Plusieurs auteurs ont développé des systèmes de infancy. Several authors have developed computer navigation
navigation à la fois pour les implants glénoïdiens et huméraux. techniques for both the humeral and glenoid components, using
La plupart de ces systèmes utilisent les données d’un scanner pré- preoperative CT-scan information and real-time intra-operative
opératoire de l’épaule et permettent une interaction peropéra- feedback. Cadaveric studies have shown that these techniques
toire, temps réel entre l’imagerie et l’anatomie peropératoire. Des may improve the accuracy and reliability of anatomic recons-
études cadavériques ont montré que ces techniques permettent truction in shoulder arthroplasty. Other studies have shown that
d’améliorer la précision et la reproductibilité de la reconstruction improved anatomic reconstruction with computer navigation
anatomique après arthroplastie. D’autres études ont démontré techniques in shoulder arthroplasty may allow the recreation of
que l’amélioration de la restitution de l’anatomie après prothèse glenohumeral kinematics that more accurately mimic those of
d’épaule, à l’aide de système de navigation, permet d’obtenir une the native shoulder. Finally, early clinical applications of compu-
biomécanique de l’articulation glénohumérale prothésée très ter navigation techniques to shoulder arthroplasty suggest that
proche de celle de l’articulation native. Enfin, les résultats clini- these techniques can be safely and accurately used for shoulder
ques récents de prothèses d’épaule naviguées mettent en avant le arthroplasty.
caractère sécurisant et précis de cette technique.
Mots clés : Arthroplastie. – Navigation. – Épaule. Key words: Arthroplasty. – Navigation. – Shoulder.
leur expérience chirurgicale pour positionner l’implant patient et des instruments grâce aux corps rigides, il
huméral en respectant l’anatomie de l’humérus proxi- est alors possible de visualiser sur l’écran de la station
mal. Cependant, ce positionnement peut être difficile de navigation leurs positions relatives, guidant ainsi
à réaliser en cas de déformation sévère, perte de sub- l’acte chirurgical.
stance osseuse ou fracture de l’extrémité proximale de
l’humérus, car les repères anatomiques peuvent être
altérés ou complètement absents. La reconstruction Navigation de l’implant huméral
anatomique par prothèse d’épaule reste un challenge
thérapeutique ; l’utilisation de la navigation pourrait Bicknell et al. [1] ont décrit le premier système de navi-
permettre une restauration plus précise de l’anatomie gation de l’implant huméral lors de la pose de prothèse
normale de l’épaule, particulièrement dans les cas où d’épaule. Ils ont développé un système de chirurgie
les repères anatomiques sont très modifiés ou absents. assistée par ordinateur pour le traitement des fractures
à 4 fragments de l’humérus proximal par hémiarthro-
plastie. Dans leur technique, les caractéristiques ana-
tomiques pertinentes de l’extrémité supérieure de
Principes de la navigation l’humérus sont déterminées et reconstruites à l’aide de
chirurgicale données scanner préopératoires recalées en peropéra-
toire. Cela comprend plusieurs étapes.
Le principe de la navigation est d’obtenir en per- – Détermination des caractéristiques anatomiques.
opératoire, en temps réel, des données sur l’anato- Avant de réaliser le scanner, trois sphères de nylon
mie du patient permettant de guider le chirurgien lors sont fixées sur l’humérus. Ces sphères sont des points
des différentes étapes de la procédure chirurgicale. fiables remarquables permettant l’enregistrement et
L’obtention de ces données anatomiques peut néces- le recalage entre les données scanner et les données
siter une imagerie (scanner ou fluoroscopie) ; on parle réelles peropératoires. Les informations du scanner
de système avec imagerie. Ces systèmes nécessitent un sont ensuite analysées par un logiciel qui détermine la
recalage de l’imagerie préopératoire avec l’anatomie géométrie et le positionnement optimal de l’implant
peropératoire. Pour d’autres systèmes, l’anatomie des (figure 1).
patients est obtenue en peropératoire, en palpant dif- – Calcul des systèmes de référentiel. Le positionne-
férents points remarquables (landmarks), en palpant ment de l’implant nécessite la détermination de deux
des surfaces osseuses (bone morphing) et en obtenant systèmes de référentiel 3D, un pour l’humérus et un
des centres articulaires de manière dynamique. On pour l’implant. L’interaction peropératoire temps
parle alors de système sans imagerie. Sur ces ima- réel est permise par un système de repérage par cap-
ges de l’anatomie du patient, est alors superposé le teurs couplés à une interface graphique. Ces systèmes
positionnement des implants et/ou des instruments de repérage sont des capteurs fixés sur l’humérus et
chirurgicaux afin de guider le chirurgien. l’implant. L’épicondyle médial et latéral ainsi que la
Les systèmes de chirurgie assistée par ordinateur diaphyse humérale sont utilisés pour créer les coor-
comprennent différents composants. données du référentiel huméral. L’utilisation de ce
– La plateforme informatique, appelée station de navi- système pour positionner les implants nécessite la
gation, comprend le système d’exploitation qui permet détermination de deux vecteurs dans chacun des deux
Humérus
Sphère en nylon
A B C
Figure 1. Analyse des données du scanner (d’après [1]). A. Reconstruction 3D de l’humérus avec ses trois sphères de nylon. B. Vue
3D de la numérisation de l’humérus pour déterminer ses caractéristiques anatomiques. C. Vue 3D montrant le recalage d’un cylin-
dre dans le canal médullaire de l’humérus pour calculer l’axe de la diaphyse humérale. De la même manière, une sphère est recalée
sur la tête humérale pour calculer le centre de la tête humérale et le rayon de courbure de la tête humérale.
Vecteur de la tête AP
humérale Les auteurs ont ensuite comparé cette technique
assistée par ordinateur à la technique d’hémiarthoplas-
COR
tie conventionnelle dans une étude cadavérique rando-
misée sur 7 paires d’épaule. Au début de la procédure,
plusieurs caractéristiques anatomiques (tableau 1)
SS ont été mesurées à l’aide du système de repérage. Ces
données ont été considérées comme les valeurs pré-
opératoires permettant la comparaison avec ces mêmes
données acquises en postopératoire, pour évaluer la
Vecteur diaphysaire précision de la reconstruction. Une fracture à 4 frag-
huméral ments de l’extrémité supérieure de l’humérus a alors
été réalisée ; celle-ci a été reconstruite à l’aide d’une
IS prothèse modulaire. La comparaison des différences
entre les données pré- et postopératoires a mis en évi-
dence à la fois une moyenne et une déviation standard
plus faibles, avec la technique d’hémiarthroplastie
assistée par ordinateur. Ces résultats suggérent une
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Vecteurs de la tête
humérale / l’implant
Vecteurs diaphysaire
huméral / implant
Figure 3. Interaction temps réel, peropératoire, entre le système de navigation et le chirurgien (d’après [1]). À partir de l’analyse des
données du scanner préopératoire, la localisation planifiée du vecteur de la tête humérale et du vecteur diaphysaire huméral est
donnée à partir de l’anatomie du patient. L’objectif du chirurgien est d’aligner sur l’interface de la station de navigation les deux
vecteurs correspondant (implant et humérus). Il s’agit ici d’un exemple de l’interface de la station de navigation avec les deux vues
coronale et transverse. Les deux vecteurs de la tête de l’implant et de la diaphyse de l’implant sont en gris et les deux vecteurs de
la tête humérale et de la diaphyse humérale sont en blanc, l’objectif étant de les superposer.
30
Chirurgie assistée par ordinateur (CAO)
Conventionnelle (CT)
20
15
10
0
VA IA HO HL AP GT LT
MESURES
Figure 4. Mesures des erreurs par rapport à l’anatomie normale après reconstruction prothétique (d’après [1]). Sept caractéristi-
ques de l’anatomie de l’humérus ont été mesurées pour quantifier l’erreur par rapport à l’anatomie normale après reconstruction
par hémiarthroplastie. L’erreur moyenne et sa déviation standard sont données pour les deux techniques de reconstruction prothé-
tique (conventionnelle et sous navigation). Pour le sens des abréviations, voir le tableau 1. TRANSLATION SUPÉRO-INFÉRIEUR (mm)
TRANSLATION ANTÉRO-POSTÉRIEUR (mm)
25
15
20
10 15
Inférieur
Postérieur
5 10
0 5
−5 0
30 40 50 60 70
30 40 50 60 70
ANGLE D’ ÉLÉVATION (degrées)
ANGLE D’ ÉLÉVATION (degrées)
CAO
CAO CT
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CT
Figure 6. Translation supéro-inférieure de la tête humérale
Figure 5. Translation antéropostérieure de la tête humérale (d’après [12]). Représentation de la variation de translation
(d’après [12]). Représentation de la variation de translation (moyenne ± 1 DS) supéro-inférieure après reconstruction pro-
(moyenne ± 1 DS) antéropostérieure après reconstruction pro- thétique par rapport à celle de la tête humérale intacte à 30°,
thétique par rapport à celle de la tête humérale intacte à 30°, 40°, 50°, 60° et 70° d’abduction passive.
40°, 50°, 60° et 70° d’abduction passive.
scanner préopératoire avec un recalage peropératoire imagerie (ne nécessitant pas de scanner préopératoire)
similaire à celui de Bicknell et al. pour le composant pour réaliser une prothèse d’épaule chez 27 patients.
huméral [1]. Ils utilisent un système de repérage per- Ils utilisent un dispositif de repérage appliqué sur l’hu-
mettant de guider la position des fraises ou des mèches mérus et l’apophyse coracoïde, un palpeur sur lequel
par rapport aux données de l’anatomie de la glène sont placés des capteurs afin de réaliser l’acquisition
obtenues à partir du scanner préopératoire (figure 7). de points et de surfaces permettant de reconstruire
Leur méthode de recalage, fondée sur l’anatomie de la les caractéristiques anatomiques de l’humérus proxi-
scapula, ne nécessite cependant pas la pose de points mal et de la glène. La coupe de la tête humérale et la
remarquables comme la technique de Bicknell et al. Ils préparation de la glène sont réalisées avec un contrôle
ont comparé, sur une étude cadavérique, ce système permanent peropératoire de la position des différents
de navigation à la chirurgie conventionnelle. Ils ont instruments par rapport à l’anatomie du patient. Ils
montré que le système de navigation permettait un ont démontré que ce système de navigation est sûr et
positionnement plus précis de l’implant glénoïdien à la précis pour la pose de prothèse d’épaule.
fois en termes de version et d’inclinaison. Ils concluent
donc que leur système permet un positionnement de
l’implant glénoïdien plus précis et plus reproductible Conclusion
qu’avec une technique classique.
Stindel et al. [19] décrivent quant à eux un système L’utilisation de systèmes de navigation pour la pose de
de navigation de la glène développé par un groupe de prothèse d’épaule n’en est qu’à ses débuts. Plusieurs
chirurgien français. Ce système est également à base auteurs ont montré que l’arthroplastie d’épaule navi-
scanner ; il nécessite un temps de recalage peropéra- guée permet d’améliorer la précision et la reproductibi-
toire par palpation de points et de zones remarqua- lité de la reconstruction anatomique de l’humérus et de
bles. Ce système permet ensuite de guider le fraisage, la glène [1,16]. Cela est d’autant plus important qu’il
sa profondeur, mais aussi la direction des 4 vis lors de a été montré que cette restauration anatomique après
la pose de la métaglène des prothèses d’épaule inver- prothèse d’épaule améliore la mobilité et le résultat
sées (figure 8). L’auteur décrit la technique chirurgicale fonctionnel postopératoires, tout en diminuant le risque
sans donner les résultats cliniques ou radiographiques d’instabilité et de descellement prothétiques. En outre,
des premiers patients opérés. la reproductibilité d’une reconstruction anatomique est
particulièrement importante en chirurgie prothétique
Application clinique de l’épaule car, comme l’ont montré Hasson et al., seu-
lement 3 % des chirurgiens orthopédistes réalisent au
Les premiers résultats cliniques de prothèse d’épaule moins 10 prothèses d’épaule par an. En comparaison,
assistée par ordinateur ont été publiés par Edwards plus de 40 % des chirurgiens orthopédistes réalisent au
et al. [5]. Ils ont utilisé un système de navigation sans moins 10 prothèses de hanche et de genou par an [9].
Figure 7. Ancillaire spécifique de navigation : guide de méchage et de fraisage glénoïdien (d’après [16]). Une instrumentation
spécifique a été développée pour guider à la fois le méchage et le fraisage de la surface glénoïdienne.
Navigation et prothèse totale d’épaule 151
Figure 8. Navigation de la vis supérieure d’une métaglène. Sur les différentes coupes et la vue 3D est représentée la visée de la vis
supérieure (trait noir). Sur ce trajet est représentée une échelle permettant de calculer la longueur de la vis. La navigation du plot
central et des 4 vis est réalisée selon le même principe.
D’autres auteurs ont montré que cette amélioration de ses d’épaule confirment le caractère sécurisant et précis
la restauration de l’anatomie avec des systèmes de navi- de la technique [5]. Dans un futur proche, ces systèmes
gation permet de reproduire de manière plus fiable la de navigation de prothèse d’épaule pourraient être un
cinématique normale de l’articulation glénohumérale moyen de formation des chirurgiens les moins expéri-
[12]. Enfin, les premiers résultats cliniques de cette mentés et pourraient faciliter le développement de tech-
chirurgie assistée par ordinateur appliquée aux prothè- niques mini-invasives.
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P. BOILEAU, F. BALG
RÉSUMÉ SUMMARY
Le concept de prothèse totale d’épaule inversée proposé par The reverse prosthesis designed by Paul Grammont allows to offer
Paul Grammont a permis d’offrir une véritable solution chirur- a true surgical option for patients with a deficient or destroyed
gicale pour les épaules à coiffe déficiente ou détruite. Alors que rotator cuff. Two major innovations have led to the success of
les autres prothèses inversées avaient toutes échoué au préala- the Grammont prosthesis where previous ball-and-socket pros-
ble deux innovations majeures permettent d’expliquer le succès theses have failed: (1) on the glenoid side, a large glenoid hemis-
de cette prothèse : 1) du côté glénoïdien, un large hémisphère phere with no neck and placed directly on the glenoid surface;
métallique sans col, placé au contact direct de la surface glé- (2) on the humeral side, a small humeral cup almost horizontally
noïdienne ; 2) du côté huméral, une cupule en polyéthylène oriented with a nonanatomic inclination of 155°, covering less
couvrant moins de la moitié de l’hémisphère, orientée avec une than half of the glenosphere. This original design medializes and
inclinaison non anatomique de 155°. Ce dessin original permet stabilizes the center of rotation, minimizes torque on the glenoid
d’obtenir un centre de rotation fixe et localisé au niveau de la component, stabilizes the prosthesis and helps in recruiting more
surface glénoïdienne, ce qui a pour effet de minimiser les forces fibers of the anterior and posterior deltoid to act as abductors.
de descellement au niveau glénoïdien, de stabiliser la prothèse Furthermore, the humerus is lowered relative to the acromion,
et d’améliorer la puissance du deltoïde. Le dessin de la prothèse restoring and even increasing deltoid tension. The Grammont
entraîne un abaissement relatif de l’humérus par rapport à l’acro- reverse prosthesis imposes a new biomechanical environment for
mion, ce qui restaure et même augmente la tension des fibres the deltoid muscle to act, thus allowing it to compensate for the
musculaires du deltoïde. La médialisation et l’abaissement de deficient rotator cuff muscles and thus to restore active eleva-
l’humérus permettent au deltoïde de compenser l’absence de tion. However, not all problems are solved: the reverse prosthesis
muscles de la coiffe de rotateurs et ainsi de restaurer l’élévation restores active elevation in patients with a cuff-deficient shoul-
antérieure. Pour autant, tous les problèmes ne sont pas solution- der, but rotations often remain limited, and may even be dimi-
nés : si la prothèse de Grammont restaure l’élévation active dans nished post-operatively. Prosthetic instability, humeral concerns
les épaules à coiffe déficiente, elle ne permet pas de restaurer (lysis of the tuberosities, disassembly, loosening), scapular wear
les rotations qui peuvent même être diminuées en postopéra- (notching) and polyethylene wear due to the impingement of the
toire. L’instabilité prothétique, les problèmes huméraux (lyse des humeral cup on the scapular neck are complications observed
tubérosités, dévissage, descellement), l’érosion (ou encoche) du with this type of prosthesis, and explain the current evolution
pilier de la scapula avec usure du polyéthylène par conflit médial towards technical or technological modifications.
os-prothèse sont des complications possibles observées avec ce
type d’implant. Ceci explique les évolutions actuelles qui se font
vers des modifications techniques ou technologiques.
Mots clés : Épaule. – Prothèse inversée. – Biomécanique. – Concept. Key words: Shoulder. – Reverse prosthesis. – Biomecanics. – Concept.
glénoïdiennes. Ces premières prothèses d’épaule inver- l’autre pour la partie diaphysaire.
sées se sont soldées par de fréquents échecs à cause Les résultats préliminaires ont été publiés en 1987
des contraintes excessives au niveau de l’implant glé- [21] à propos de 8 cas : 3 cas de nécrose postradio-
noïdien aboutissant à leur descellement ; de plus, elles thérapie, 1 cas d’ostéoarthrite inflammatoire et 4 cas
permettaient rarement une élévation active au-dessus de révision après échec de prothèse non contrainte.
de l’horizontale et elles étaient souvent instables mal- L’âge moyen des patients était de 70 ans et la coiffe
gré leur caractère très contraint. des rotateurs était absente ou détruite dans tous les
cas. Le recul moyen était seulement de 6 mois. Toutes
les épaules ont présenté une amélioration au niveau de
Le dessin de la prothèse inversée la douleur, mais la mobilité était très variable. Dans
de Grammont 3 cas, l’élévation active était évaluée à 110–130°, mais
dans 3 autres cas elle était inférieure à 60°. Ces mau-
Le premier modèle de prothèse inversée dessiné par vais résultats initiaux étaient dus en grande partie à la
Grammont en 1985 comportait deux composants et voie d’abord transacromiale utilisée par Grammont,
156 P. BOILEAU, F. BALG
tion avec ou sans ciment. Elle est disponible en trois lon- Principes biomécaniques
gueurs : 100 mm pour la tige standard, 150 et 180 mm
pour les tiges de révision. La pièce épiphysaire (ou col) de la prothèse inversée
est vissée sur la tige humérale. Il existe un aileron pour de Grammont
contrôler la rotation avec des orifices pour réaliser la
synthèse des tubérosités en cas de fracture. Comme la Le concept de la prothèse inversée de Paul Grammont
tige, le col est disponible en version cimentée polie, ou constitue une étape majeure dans le domaine de la
en version non cimentée, avec une surface recouverte chirurgie de l’épaule, car il est totalement différent de
d’hydroxyapatite. La cupule en polyéthylène, comme ce qui avait été proposé jusqu’alors [5]. Contrairement
la glénosphère, est disponible en deux diamètres : 36 et aux premières prothèses inversées, la prothèse de
42 mm. La cupule en polyéthylène, fixée à frottement Grammont a introduit deux innovations majeures :
dur sur le col prothétique, mesure 6 mm d’épaisseur. Un 1) au niveau glénoïdien, un large hémisphère métallique
rehausseur métallique de 9 mm d’épaisseur peut être sans col, posé directement sur la surface glénoïdienne ;
vissé sur la pièce épiphysaire pour augmenter le bras 2) au niveau huméral, une cupule en polyéthylène non
de levier huméral. La cupule humérale est également enveloppante (représentant moins d’un tiers de sphère)
disponible dans sa forme contrainte, plus creusée. orientée avec une inclinaison non anatomique de 155°.
Les prothèses Delta™ I et Delta™ II représentent les Ce dessin permet d’obtenir un centre de rotation fixe,
versions non contraintes de la prothèse Delta™ III. Les abaissé et médialisé, relativement stable, qui améliore
trois prothèses partagent la même tige et le même col. la puissance du muscle deltoïde tout en minimisant les
La prothèse Delta™ I est une hémiarthroplastie qui forces de descellement au niveau glénoïdien. De plus,
peut être convertie à partir de la Delta™ III en ajoutant l’abaissement relatif de l’humérus par rapport à l’acro-
une tête métallique sur le col, tandis que la prothèse mion restaure (et probablement augmente) la tension
Delta™ II est une prothèse totale avec un implant en des fibres du deltoïde. Cette mise en tension des fibres
polyéthylène à la place de la glénosphère. Le dessin du deltoïde, associée à la médialisation, permet à ce
de la prothèse Aequalis™ Reversed (Tornier) est basé muscle de compenser l’absence des muscles de la coiffe
sur le même concept que celui proposé par Grammont de rotateurs (figure 5).
avec quelques améliorations : métaglène et vis en titane
(au lieu d’être en inox) laissant espérer une meilleure
adhésion osseuse, vis inférieures et supérieures auto- Médialisation du centre
bloquantes à orientation variable (au lieu d’être fixes), de rotation
cupules humérales d’épaisseur variable (6, 9, 12 mm)
permettant une tension optimale du deltoïde, système Nous avons mesuré le déplacement du centre de rotation
d’ergot antirotation entre le col et la tige (pour éviter en utilisant une méthode radiologique comparable à celle
les dévissages rapportés dans la littérature) [15]. employée par Sirveaux et al. [5,39]. La médialisation
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Abaissement de l’humérus
Bien que l’abaissement du centre de rotation soit minime
(3,7 mm), l’abaissement huméral, lui, est important
à cause de l’inclinaison humérale très horizontale de
l’implant huméral (155°). Nous avons mesuré l’abais-
sement de l’humérus en mesurant l’allongement relatif
du membre supérieur par rapport au côté opposé avec
le coude fléchi en utilisant un pied à coulisse [5]. La Figure 6. Le large diamètre de la glénosphère (36 ou 42 mm)
distance entre le sommet de l’acromion et l’olécrâne en autorise davantage d’excursion de la cupule humérale autour de
position coude fléchi a augmenté de 15 mm (± 11 mm en la tête prothétique, favorisant ainsi la mobilité glénohumérale.
moyenne (IC 95 % : 10–18 mm). C’est cet abaissement
huméral qui permet de retendre les fibres musculaires
du deltoïde. L’abaissement et la médialisation de l’hu-
mérus modifient le contour de l’épaule des patients ont abouti aux échecs des premières prothèses d’épaule
porteurs d’une prothèse inversée. inversées [5,21].
La mobilité articulaire est hautement favorisée par
En résumé, les principes qui sous-tendent le concept le large diamètre de la tête prothétique (36 ou 42 mm)
de la prothèse de Grammont sont les suivants : qui autorise davantage d’excursion de la cupule humé-
– un centre de rotation fixe avec des surfaces congruen- rale autour de la demi-sphère glénoïdienne comparée
tes (rayons de courbure identiques), ce qui permet de à une petite tête prothétique (figure 6).
stabiliser l’articulation et de compenser les muscles de La stabilité articulaire est assurée par l’inversion du
la coiffe déficients ou détruits ; mécanisme de l’épaule : le placement de la sphère du
– un centre de rotation médialisé situé au niveau de côté glénoïdien transforme rapidement (au-delà de
l’interface os-prothèse, ce qui permet : 45°) les forces de cisaillement en forces compressives.
• de réduire les contraintes au niveau de la fixation La stabilité est également assurée par le large diamètre
de la glène ; de la tête prothétique ; ceci est bien connu au niveau
• d’améliorer le bras de levier du deltoïde. de la hanche, où une grosse tête prothétique est plus
– un abaissement et une médialisation de l’humérus stable qu’une petite tête de 22 mm (figure 7).
par rapport à l’acromion et à la glène, ce qui permet : La force du deltoïde est augmentée de deux manières :
• de retendre les fibres du deltoïde (et d’augmenter – dans le plan vertical, le moment d’action du deltoïde
la composante abductrice) ; moyen est amélioré par l’augmentation combinée du
CR
CR
Figure 11. Une décoaptation supérieure asymétrique de la prothèse inversée peut être considérée comme normale, car elle se réduit
habituellement lors de l’abduction. En revanche, une décoaptation globale est anormale ; elle est due à une tension insuffisante du
muscle deltoïde et peut entraîner une instabilité prothétique.
est totalement anormal, traduisant une tension insuf- omarthroses excentrées et 20 à 30 % dans les reprises
fisante du muscle deltoïde avec risque d’instabilité de prothèses, les séquelles de fracture et les tumeurs
(figure 11). [6,12,13,16,23,25,33,37,39,40,42]. L’instabilité pro-
La détermination peropératoire de la tension du thétique est plus fréquente dans les cas de chirurgie de
deltoïde est difficile et ne peut être guidée que par révision et les séquelles de fracture à cause de la perte
l’expérience chirurgicale. Les facteurs prédictifs de la osseuse épiphysaire (qui rend difficile le positionne-
stabilité prothétique sont : ment en hauteur de l’implant), de l’absence de tendons
– la restauration de la longueur humérale par le place- de la coiffe et de la fréquente atrophie ou destruction
ment de la cupule au sommet du trochiter ; du deltoïde antérieur.
– la réduction prothétique « à frottement dur » (le tendon En cas d’instabilité prothétique, il faut essayer
conjoint doit être tendu lorsque le coude est en extension d’augmenter le bras de levier de façon à restaurer la
et légèrement relâché lorsque le coude est fléchi) ; tension du deltoïde dans le plan vertical et/ou dans
– la réinsertion du sous-scapulaire sur l’humérus. le plan horizontal. Ceci peut être fait en suspendant
L’instabilité prothétique peut être secondaire à une la prothèse en hauteur, en augmentant l’épaisseur du
tension insuffisante du deltoïde et/ou à un conflit médial polyéthylène ou en insérant un rehausseur métallique
entre la cupule humérale et le pilier de la scapula. Elle mais aussi en augmentant la taille de la glénosphère
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est aussi facilitée par la médialisation de l’humérus (en mettant en place une glénosphère de diamètre 42 à
entraînant un relâchement des muscles de la coiffe des la place d’un diamètre de 36 mm), ce qui permet une
rotateurs. L’instabilité prothétique est moins fréquente certaine latéralisation.
lorsque la prothèse est insérée par voie supérolatérale D’un autre côté, une tension excessive du deltoïde
transdeltoïdienne, probablement parce que la capsule peut entraîner une fracture de l’acromion, particuliè-
et le muscle sous-scapulaire ne sont pas détachés ou rement chez les patients qui présentent une ostéopo-
seulement partiellement. La fréquente constitution d’un rose sévère avec déjà un acromion érodé ou fragmenté.
hématome au niveau de l’espace mort sous-acromial Ces fractures de l’acromion peuvent être considérées
peut aussi participer à cette instabilité. C’est pourquoi comme des « fractures de fatigue ». Notre expérience
la mise en place d’un drain est recommandée après la nous a montré que la plupart de ces patients ne se sou-
mise en place d’une prothèse inversée. viennent pas d’un traumatisme particulier et que ces
L’instabilité prothétique est un problème, dont fractures sont asymptomatiques et ne compromettent
la fréquence est comprise entre 0 et 8 % dans les habituellement pas le résultat fonctionnel.
162 P. BOILEAU, F. BALG
A B
Figure 14. Schéma montrant que l’abaissement de la glénosphère (métaglène tangente au bord inférieur de la glène) permet d’évi-
ter le conflit médial et donc l’encoche de la scapula ainsi que le conflit supérolatéral avec l’acromion (A). Radiographie montrant
l’absence d’encoche de la scapula lorsque la glénosphère est distalisée (B).
Ceci explique que les patients aient souvent du mal à que l’élévation est de réaliser un transfert musculaire
passer la main dans le dos après une prothèse inversée. dans le même temps que la prothèse inversée : soit
À côté de ces raisons biomécaniques, il existe aussi un transfert du grand dorsal par deux voies d’abord
des raisons biologiques pour expliquer le déficit ou (Gerber), soit un transfert combiné du grand dorsal
l’absence de rotation active après prothèse inversée : du grand rond par une voie unique deltopectorale
les muscles rotateurs externes peuvent être absents ou (Boileau) [7,42].
non fonctionnels à cause d’une atrophie sévère et/ou
d’une infiltration graisseuse. Notre expérience clinique
nous a montré que les patients dont le teres minor est
absent ou atrophié (déterminé par la présence d’un Problèmes huméraux : dévissages,
signe du clairon) présentent un résultat fonctionnel et descellements, résorption osseuse
une rotation externe significativement inférieurs après et fractures
prothèse d’épaule inversée [6,8].
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En l’absence de teres minor, la perte de la rotation Il faut se souvenir que la prothèse inversée de
externe active est définitive et handicapante. Cela se Grammont reste une prothèse semicontrainte : cela
traduit par la persistance ou l’apparition d’un signe signifie que si les contraintes ne sont pas situées du
du clairon. Les patients perdent le contrôle du posi- côté glénoïdien (puisque les descellements glénoïdiens
tionnement de leur bras dans l’espace : dès qu’il est sont exceptionnels), elles peuvent être présentes du côté
éloigné du corps, le bras est entrainé automatique- huméral. Notre expérience clinique nous a montré que
ment en rotation interne par son poids. Ceci est res- la fixation humérale pouvait être plus problématique
ponsable d’un handicap pour tous les gestes de la vie que la fixation glénoïdienne [11]. En dehors des forces
courante tels que manger, boire, se coiffer, se brosser de compression, il existe des forces de rotation impor-
les dents, s’habiller, ouvrir une porte, tenir un télé- tantes du côté huméral pouvant aboutir au dévissage
phone, etc. La prothèse inversée permet de restau- ou au descellement de l’implant huméral (figure 15).
rer l’élévation active mais ne permet pas de restaurer Enfin, les fractures humérales postopératoires ne sont
la rotation externe active. La solution logique pour pas rares, ainsi que les résorptions osseuses épiphysai-
restaurer la rotation externe active en même temps res (probable « stress-shielding »).
164 P. BOILEAU, F. BALG
Latéralisation prothétique
ou latéralisation osseuse ?
Plusieurs auteurs ont proposé des prothèses inversées
moins médialisées que la prothèse de Grammont, dont
le centre de rotation serait plus proche de celui de
l’épaule normale. C’est le cas de Frankle, aux États-
Unis, qui a proposé en 1998 une prothèse latéralisée
(prothèse Reverse™, Encore Medical, États-Unis). Les
résultats de sa série initiale de 60 cas revus avec plus
de 2 ans de recul montrent qu’il obtient une élévation
moindre mais des rotations meilleures [18]. La laté-
ralisation prothétique augmente incontestablement
les contraintes sur la métaglène, puisqu’il rapporte un
nombre non négligeable de complications à ce niveau :
X cas d’arrachage de la glène et X cas de fracture de
Figure 15. Dévissage d’un implant huméral (à la jonction tige-col) vis. En France, Valenti et Katz ont eux aussi proposé
à cause des contraintes en rotation. une prothèse dont le centre de rotation est latéralisé
de 3,5 mm (prothèse Arrow™, Implant Industrie,
France). Leurs résultats ne semblent pas différents de
ceux rapportés avec la prothèse Delta™. La prothèse
Évolution de la technique et du SMR™ (Lima, Italie) est également légèrement latéra-
dessin des prothèses inversées lisée. Le taux d’encoche est bien sûr minime ou quasi
nul avec ce type d’implant latéralisé (figure 16).
L’abaissement huméral et la médialisation du centre Notre évolution a été différente : plutôt qu’une laté-
de rotation de la prothèse totale d’épaule inversée ralisation prothétique, nous avons proposé une laté-
proposée par Paul Grammont contribuent à améliorer ralisation osseuse de l’implant glénoïdien (Aequalis™
le bras de levier du deltoïde et à diminuer les contrain- BIO-RSA : Bony Increased Offset Reverse Shoulder
tes sur l’implant glénoïdien. Ceci explique le succès Arthroplasty, Tornier). Notre hypothèse a été que la
de ce concept qui permet de restaurer une élévation latéralisation osseuse de la métaglène à l’aide d’un
active malgré l’absence de coiffe des rotateurs sans greffon osseux prélevé aux dépens de la tête humérale
que l’on observe de descellement glénoïdien, dont le permettrait d’éviter les complications connues (et en
taux reste très faible. D’un autre côté, la médialisation particulier le conflit avec la scapula), tandis que les
du centre de rotation est délétère [5,6]. Elle entraîne contraintes sur l’implant glénoïdien demeureraient
Figure 16. Exemples de prothèses inversées latéralisées : prothèse Arrow™ (Implant Industrie, France) : le centre de rotation laté-
ralisé de 3,5 mm n’est plus localisé au niveau de la surface glénoïdienne (A) ; prothèse Reverse™ (Encore Medical, États-Unis) [B] ;
prothèse SMR™ (Lima, Italie) [C].
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Figure 17. Prothèse inversée avec latéralisation osseuse (Aequalis™ BIO-RSA, Tornier, États-Unis). Une métaglène à plot long permet
de rajouter une greffe spongieuse prélevée au niveau de l’humérus (A) ; la métaglène sert de plaque d’ostéosynthèse (B) ; une fois
la greffe consolidée (flèche), les contraintes sur l’implant glénoïdien restent minimes car le centre de rotation reste localisé dans la
scapula (C).
que cela est dû au fait que notre technique combine Abaissement de la métaglène et/ou
latéralisation osseuse et abaissement de la métaglène. modification de la glénosphère ?
La latéralisation osseuse permet enfin d’augmenter la
stabilité prothétique (aucun cas de luxation prothé- Comme nous l’avons évoqué précédemment, Nyffeler
tique) et d’améliorer l’aspect esthétique de l’épaule. a proposé d’abaisser la glénosphère pour éviter l’enco-
Cette solution nous paraît préférable à la latéralisation che scapulaire inférieure. La technique consiste à pla-
prothétique, qui augmente les contraintes en cisaille- cer la métaglène tangente au bord inférieur de la glène
ment sur l’implant glénoïdien, source de descellement osseuse, ce qui permet de décaler la glénosphère vers le
prothétique. bas et empêche (ou du moins diminue) le contact entre
166 P. BOILEAU, F. BALG
A B
Figure 18. Glénosphère excentrée (Aequalis™ Reversed, Tornier, États-Unis) : l’excentration de la sphère vers le bas permet d’éviter
le conflit inférieur de la cupule humérale avec le pilier de la scapula (A) ; aspect radiographique (B).
solution chirurgicale dans les cas d’épaules à coiffe cellement glénoïdien, mais entraîne un conflit médial
déficiente ou détruite pour lesquelles les chirurgiens (inférieur, antérieur et postérieur) huméroscapulaire.
étaient totalement désarmés auparavant et n’avaient La restauration d’une tension suffisante du deltoïde
rien à offrir d’efficace à leurs patients. Contrairement est importante pour éviter une instabilité prothétique.
aux premières prothèses inversées qui ont toutes échoué Enfin, chez les patients dont le muscle teres minor est
dans les années 1970–1980, la prothèse de Grammont absent ou atrophique, la rotation externe demeure
a introduit deux innovations majeures : négative et ne peut être restaurée par la seule prothèse
– un large hémisphère métallique sans col au niveau inversée. Dans ce cas, on peut associer un transfert mus-
glénoïdien ; culaire du grand dorsal ou un transfert du grand dorsal
– une petite cupule en polyéthylène couvrant moins de et du grand rond dans le même temps que la prothèse
la moitié de l’hémisphère et orientée avec une inclinai- inversée ; ceci permet de restaurer à la fois l’élévation
son non anatomique de 155° du côté huméral. active et la rotation externe du bras.
Ce dessin original a permis d’obtenir un centre de Même si Paul Grammont a écrit un chapitre impor-
rotation médialisé, stable et fixe, ce qui minimise les tant de l’histoire des prothèses d’épaule inversées,
forces de descellement au niveau glénoïdien, et amé- celle-ci est loin d’être finie et des idées nouvelles se font
liore la puissance du deltoïde. C’est surtout l’abaisse- jour. L’évolution actuelle est de tenter d’en éviter les
ment huméral plus que la médialisation du centre de inconvénients et les complications, tout en essayant de
rotation qui permet au muscle deltoïde de compenser rester fidèle au concept Grammont… ou en tout cas
l’absence de muscles de la coiffe de rotateurs. de ne pas trop s’en éloigner. Les modifications consis-
Notre expérience clinique est comparable à celle de la tent à « jouer » sur l’importance de l’abaissement et/
littérature : la prothèse inversée de type Grammont res- ou la latéralisation prothétique, soit en utilisant des
taure l’élévation active au-delà de 90° chez les patients artifices techniques (abaissement de la métaglène selon
présentant une épaule à coiffe déficiente ou détruite. Nyffeler ou latéralisation osseuse selon Boileau), soit
Cependant, les rotations demeurent limitées et peuvent en modifiant le dessin des implants et en cherchant un
même être diminuées après prothèse inversée. Le dessin compromis biomécanique (centre de rotation latéra-
de la prothèse inversée de Grammont protège du des- lisé, abaissé, excentré…).
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RÉSUMÉ SUMMARY
L’objectif de cette étude est d’évaluer rétrospectivement les résul- Reverse prosthesis designed by P. Grammont has proved to be
tats d’une prothèse d’épaule inversée latéralisée. a viable option in the difficult treatment of severe rotator cuff
Entre avril 2003 et septembre 2007, 126 prothèses inversées deficiency. The goal of this retrospective study was to evaluate
latéralisées Arrow® ont été implantées pour le traitement d’une the results of a more lateralized reverse prosthesis.
épaule pseudo-paralytique secondaire à une rupture massive et Between April 2003 and September 2007, 180 consecutive
irréparable de la coiffe des rotateurs. L’âge moyen des patients lateralized reversed prostheses were performed; 126 were indica-
était de 73 ans. ted for rotator cuff deficiency with a pseudoparalysis shoulder.
Soixante-seize prothèses inversées latéralisées ont été revues The average age of these patients was 73 years and the minimal
avec un recul minimal de 2 ans et moyen de 36 mois. Tous les para- follow-up in this study was 2 years.
mètres mesurés ont été améliorés significativement (p < 0,001). Seventy-six prostheses were reviewed and analyzed with
Le score de Constant absolu moyen a progressé de 24 à 59, soit an average follow-up of 3 years. All measures improved signi-
un gain de 35 points. Soixante-quatorze patients étaient très ficantly (p < 0.001). The average Constant score improved
satisfaits ou satisfaits. Le gain en élévation active antérieure était from 24 preoperatively to 59 postoperatively and 74 of the
de 61° (65–126) et en indolence de 10 points (4–14). Le gain en 76 patients were satisfied or very satisfied. The average gain
rotation externe coude au corps était de 15° (15–30), en rotation in active external rotation with the arm at the side was 15°;
externe et en abduction de 90°, de 30° (19-49) et de 1 point en the arm in 90° of abduction was 30° and one point of medial
rotation interne (5,5–6,5). Aucun patient ne présentait une enco- rotation. Forward flexion increased from 65 to 126°. Glenoid
che au niveau du pilier de l’omoplate avec cette prothèse inversée notching was absent for all patients. There were 23 compli-
latéralisée au plus long recul. cations (18,3%): 17 were a mechanical failure of the first
Vingt-trois complications sur 126 prothèses (18 %) ont été generation of the prosthesis. Fourteen of the 17 patients were
individualisées : 10 démontages de la glénosphère, 7 déclipsa- reoperated with a second generation of prosthesis with an
ges de l’insert en polyéthylène impacté dans la tige humérale, average constant score at the last review of 58,1 point. The
2 descellements glénoïdiens, 1 infection, 1 luxation, 1 fracture de two problems were solved in 2005 with a central countersunk
l’acromion et 2 paralysies du nerf axillaire, dont 1 définitive. screw for the glenosphere and a Morse taper and screw for
La latéralisation permet d’améliorer les rotations externe et the polyethylene cup. Six other complications occurred (4,7%):
interne tout en restaurant l’élévation antérieure active. Aucune 2 glenoid loosenings, 1 infection, 1 dislocation and 2 lesions
encoche glénoïdienne au plus long recul n’a été mise en évidence. of the axillary nerve (1 transitory).
Il nous paraît trop tôt pour affirmer la longévité de cette pro- Lateralization of the reverse prosthesis can improve the gain
thèse inversée latéralisée et un plus long recul est nécessaire pour in external and medial rotation, which is useful in daily activity
confirmer ces bons résultats précoces. for older patients. Absence of glenoid notching is a positive fac-
tor for the future, but a longer follow-up is necessary to deter-
mine longevity of this reverse prosthesis.
Mots clés : Prothèse d’épaule inversée. – Latéralisation. – Rupture
massive coiffe. – Épaule pseudo-paralytique. – Encoche glénoï- Key words: Lateralized reversed prosthesis. – Cuff deficient shoul-
dienne. der. – Pseudoparalysed shoulder. – Glenoid notch.
– Le faible gain en rotation externe semble être expli- chez 122 patients (4 bilatérales) pour le traitement
qué de façon théorique par plusieurs facteurs [3] : des ruptures de la coiffe des rotateurs irréparables
une détente des muscles rotateurs externes et en parti- responsables d’une épaule pseudo-paralytique. L’âge
culier petit rond et le reste du infraépineux ; l’absence moyen de ces patients était de 73 ans (52–90) ; il y
de recrutement des fibres postérieures du deltoïde, avait 91 femmes et 35 hommes. L’atteinte du côté
qui sont plutôt vouées à l’abduction et à l’élévation dominant était la plus fréquente (86 dominants pour
active ; la potentielle lésion du nerf suprascapulaire 40 non-dominants). Nous avons exclu de cette série
lors du vissage supérieur ; le conflit postérieur méca- les prothèses inversées implantées dans les arthroses
nique entre la cupule humérale et la partie postérieure post-traumatiques, les fractures-luxations récentes,
du pilier de l’omoplate (zone de début de formation de les luxations chroniques antérieures invétérées, la
l’encoche). polyarthrite rhumatoïde et les révisions d’échec d’une
Le faible gain en rotation interne peut s’expliquer arthroplastie ou de prothèse totale anatomique. Tous
par [3] : la détente des muscles rotateurs internes et en les patients avaient bénéficié auparavant d’au moins
particulier teres major et subscapularis ; une lésion du 6 mois de rééducation et conservaient malgré cela une
muscle subscapularis et le recrutement des fibres du épaule avec une élévation active antérieure inférieure
deltoïde antérieur dédié plus à l’élévation active. à 60°. Le bilan préopératoire a comporté systémati-
quement des radiographies standard associées à un
examen tomodensitométrique avec une fenêtre sur
les parties molles. Ainsi ont pu être évalués le stock
Comment pallier les imperfections osseux glénoïdien, qui représente le facteur limitant
de la prothèse inversée « de type l’insertion de la pièce glénoïdienne, et la trophicité et
Grammont » ? le degré d’infiltration graisseuse selon la classification
de Goutallier et al. [15]. Tous les patients avaient une
Trois options thérapeutiques ont été rapportées pour rupture complète rétractée à la glène du supraépineux
diminuer le risque d’encoche glénoïdienne et améliorer et de l’infraépineux avec une dégénérescence graisseuse
les rotations : moyenne de 2,96 pour le supraépineux et de 2,91 pour
– amélioration du positionnement de l’implant glé- l’infraépineux. Le tiers supérieur du sus-scapulaire
noïdien qui doit être positionné le plus bas possible était altéré dans 30 % des cas avec une dégénérescence
[30,31] ; graisseuse à 2,20.
– amélioration du dessin de la prothèse sans modifier Nous avons contre-indiqué cette prothèse inversée
le centre de rotation, en augmentant le débord infé- aux patients présentant une paralysie du deltoïde,
rieur de la glénosphère ; une infection, une forte médialisation de la glène liée
– latéralisation de la prothèse inversée, avec ses risques à une abrasion se prolongeant jusqu’au niveau de la
accrus de descellement glénoïdien [12,33]. C’est cette coracoïde avec un acromion très recouvrant, un tra-
dernière option que nous avons choisi. vail manuel ou un âge inférieur à 60 ans, et enfin les
patients ayant besoin d’un fauteuil roulant ou de can-
nes anglaises pour se déplacer.
Résultats de la prothèse
latéralisée Arrow®
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Technique opératoire
L’objectif de cette étude rétrospective est de rapporter
les concepts et les résultats cliniques et radiographiques Tous les patients ont été opérés sous anesthésie géné-
de la prothèse inversée latéralisée Arrow® (Fournitures rale complète associée à un bloc interscalénique avec
hospitalières) implantée chez des patients présentant la pause d’un cathéter laissé en place durant 48 h pour
une épaule pseudo-paralytique secondaire à une rup- assurer l’antalgie et permettre le début de la réédu-
ture irréparable de la coiffe des rotateurs. cation. De façon préférentielle, dans cette étiologie
représentée par des ruptures massives irréparables
Patients de la coiffe des rotateurs, nous avons utilisé la voie
d’abord supéro-latérale préacromiale. Le ligament
Entre avril 2003 et septembre 2007, 126 prothèses acromiocoracoïdien a toujours été sectionné et l’acro-
inversées latéralisées Arrow® ont été implantées de mion respecté, en particulier dans les formes avec une
façon consécutive par trois chirurgiens (PhV, DK, PhS) ostéolyse déjà très avancée. Le biceps, s’il n’était pas
172 P. VALENTI, D. KATZ, P. SAUZIERES
rompu, fut ténodésé dans la gouttière bicipitale. Une tension adaptée du deltoïde lors de la pose de cette
large résection de la capsule ainsi que des tissus fibreux prothèse. Si la décoaptation était trop importante, un
dégénératifs facilite l’abaissement de la tête humérale rehausseur + 5 permet d’assurer la stabilité. La coupe
dans les omarthroses excentrées classées radiologique- osseuse étant identique à la coupe anatomique et donc
ment dans les groupes IV et V d’Hamada et Fukuda plutôt économique, l’insert huméral + 5 a été très rare-
[20]. La section du tiers supérieur du sous-scapulaire ment utilisé. La tige humérale a été cimentée chez les
facilite la descente de la tête humérale dans les formes patients très âgés présentant une ostéoporose et une
enraidies et en position antérosupérieure sous-cutanée. ostéopénie avancée. En effet, la forme de la tige humé-
La résection osseuse de la tête humérale a donc tou- rale commune à la prothèse anatomique et le respect
jours été effectuée après une large libération des par- du capital osseux métaphysaire associé à la mise en
ties molles. Cette coupe osseuse selon une inclinaison place de greffon spongieux dans la métaphyse assurent
de 135° était identique à la coupe réalisée lors de la une excellente stabilité primaire. Une rééducation pas-
mise en place d’une prothèse anatomique en raison du sive est débutée immédiatement et les patients vivant
caractère « universel » de la tige humérale. L’objectif seuls sont transférés dans un centre de rééducation dès
était de conserver le plus d’os métaphysaire possible, le 5e jour (figures 1 à 3).
assurant une fixation à frottement dur (« press-fit »)
de la tige humérale. L’angle de rétroversion choisi en
peropératoire était d’environ 20°, de telle façon que Résultats cliniques
la glénosphère et la cupule humérale travaillent dans
le même axe. Après une capsulectomie circonféren- Sur les 126 prothèses inversées latéralisées implan-
tielle au niveau de la glène, il était possible de luxer en tées entre 2003 et 2007, nous avons revu et analysé
bas et en arrière l’extrémité supérieure de l’humérus, 76 prothèses inversées latéralisées (60 %) qui avaient
facilitant ainsi l’exposition de la glène et plus parti- un recul minimal de 2 ans. Nous avons exclu les
culièrement du pôle inférieur. Le fraisage de la glène patients dont la reprise n’a pas permis de réimplan-
était toujours économique, portant essentiellement sur ter une prothèse inversée. Le recul moyen était de
le cartilage, afin de conserver l’os sous-chondral. La 36 mois (24–48). Le score de Constant absolu est
métaglène était positionnée le plus bas possible dans passé de 24 à 59, soit un gain de 35 points. Soixante-
un plan perpendiculaire à la glène ou au mieux avec quatorze patients étaient très satisfaits ou satisfaits,
une discrète orientation vers le bas (« tilt inférieur »). soit 95 %. Le gain en élévation active antérieure était
L’exposition de la glène par cette voie d’abord supéro- de 61° et le gain en indolence de 10 points. Le gain en
externe nécessite impérativement une large libération rotation externe coude au corps (RE1) était de 15°,
capsulaire et ligamentaire afin de pouvoir luxer la tête
humérale en bas et en arrière pour éviter toute malpo-
sition de l’implant glénoidïen et éviter une orientation
regardant vers le haut (« tilt supérieur »). En effet, ce
tilt supérieur est une erreur technique associée risque
de descellement précoce. Une érosion supérieure ou
postéro-supérieure de la glène devait être parfaitement
détectée en préopératoire pour éviter ce tilt supérieur.
de 30° en rotation externe, et en abduction (RE2) et – le groupe B (17 cas), caractérisé par une excentra-
de 1 point en rotation interne (tableau 1). tion de la tête humérale sans arthrose glénohumérale
Les résultats ont aussi été appréciés en fonction de (Hamada stades I, II, III) ;
l’étiologie selon la classification de Hamada et al. [20], – le groupe C (3 cas), avec une arthrose centrée,
et nous avons individualisé trois groupes : médialisée et une coiffe des rotateurs atrophique
– le groupe A (56 cas), caractérisé par une rupture avec une infiltration graisseuse supérieure à 3 et non
irréparable de la coiffe des rotateurs associée à une fonctionnelle.
excentration de la tête humérale avec arthrose gléno- Dans le groupe A, le gain en élévation active anté-
humérale (Hamada stades IV et V) ; rieure de 54° était inférieur au gain du groupe B, de
85°. En revanche, le gain en rotation externe et rota-
tion interne était dans le groupe A de 17°, supérieur
au groupe B, de 9°, et en rapport avec une dégénéres-
cence graisseuse plus élevée des muscles de la coiffe des
rotateurs (tableau 2). Cependant, il n’y avait pas de
155° différence significative au niveau du score de Constant
absolu postopératoire dans ces trois groupes. Aucune
155° différence significative n’a été retrouvée dans les résul-
tats selon l’existence ou non d’une intervention préa-
lable : en effet, 17 patients avaient été auparavant
opérés sur 76 cas revus, soit 22 %. Les résultats étaient
135° identiques dans les deux groupes et, parmi les patients
opérés, les résultats étaient indépendants du type d’in-
tervention subi (tableau 3). Aucun patient ne présen-
tait une encoche au niveau du pilier de l’omoplate avec
cette prothèse inversée latéralisée au plus long recul
(figures 4 et 5).
Delta Arrow
Complications
Figure 2. La forme métaphysaire de la tige humérale Arrow®
crée une latéralisation de l’humérus plus importante que la Nous rapporterons les complications survenues sur les
forme « trompette » de la Delta III®. 126 cas implantés de façon consécutive entre 2003 et
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Tableau 1
Résultats cliniques de 76 prothèses d’épaule inversées latéralisées Arrow® revues avec un minimum 2 ans de recul
Tableau 2
Résultats des prothèses d’épaule inversées latéralisées Arrow® en fonction du stade de la classification de Hamada et al.
IDG subscap. IDG IS IDG SS Gain élévation (°) Gain RE1 (°) Gain RE2 (°) Gain RI
(points)
Tableau 3
Résultats cliniques en fonction des antécédents chirurgicaux : pas de différence significative
Résultats postopératoires Antécédents chirurgicaux (n = 17) Épaule « vierge » (n = 59) Série globale (n = 76)
A B
Figure 4. A. Radiographie de face en position neutre d’une patiente de 74 ans présentant une omarthrose avec rupture irréparable
de la coiffe des rotateurs classée Hamada III. B. Prothèse d’épaule inversée latéralisée Arrow® (deuxième génération).
Figure 5. Résultats sur les rotations avec un recul de 2 ans d’une prothèse inversée latéralisée : la rotation externe active, coude au
corps (RE1) est de 40° et la rotation interne active (RI) permet d’atteindre L3.
2007. Vingt-trois complications (18 %) sur 126 pro- une hémiarthroplastie avec un score de Constant de 34
thèses ont été individualisées : nous pouvons distin- et 39 et une élévation active limitée à 60°, donc 2 mau-
guer deux groupes. vais résultats. Un patient a été repris pour les deux
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– Le groupe 1, comprenant 17 cas de démontage pro- complications et a développé une infection. Il est actuel-
thétique lié à une défaillance mécanique de la prothèse lement aseptique avec un spacer, mais garde une épaule
de première génération implantée entre avril 2003 et pseudo-paralytique et douloureuse. Quatre patients ont
juin 2004 nécessitant une reprise chirurgicale. Il s’agis- présenté les deux types de complication et ont néces-
sait de 10 démontages de la glénosphère du métal-back sité chacun deux révisions. La reprise chirurgicale a été
et de 7 déclipsages de l’insert en polyéthylène impacté effectuée à l’aide d’une prothèse de deuxième généra-
dans la tige humérale (figure 6). Quatorze des patients tion dont la glénosphère était impactée et vissée dans le
sur 17 ont été repris par une prothèse totale inversée de métal-back. De même, l’insert huméral fut impacté et
deuxième génération avec un score de Constant moyen vissé dans la tige humérale. Depuis l’utilisation de cette
après la révision, avec un recul supérieur à 2 ans, de prothèse deuxième génération (début 2005), aucune
58 points, donc significativement non différent des défaillance mécanique n’a été notée (figure 7).
prothèses non compliquées. De façon subjective, – Le groupe 2, regroupant 6 patients (4,7 %) :
8 patients étaient très satisfaits, 6 patients satisfaits et • 1 descellement glénoïdien précoce (inférieur à
1 patient mécontent. Deux patients ont été repris par 6 mois postopératoire) secondaire à une malposition
176 P. VALENTI, D. KATZ, P. SAUZIERES
Figure 6. Les deux complications mécaniques rencontrées avec la première génération de prothèse inversée latéralisée Arrow®. A. dis-
sociation entre la glénosphère et la métaglène. B. Déclipsage de l’insert huméral en polyéthylène (à la face externe de l’humérus).
A B
Figure 7. Prothèse Arrow® deuxième génération. A. Métaglène à fond convexe, avec une quille centrale et une patte métallique
antérieure s’appliquant sur la paroi antérieure de la glène. Deux vis divergentes (débattement de 15°) éventuellement associées
à une troisième vis antéropostérieure permettent une fixation primaire s’opposant aux forces de cisaillement. La glénosphère est
de la glénosphère avec un tilt supérieur. La patiente, sur le métal-back. Une nouvelle glénosphère avec
très âgée, n’a pas été réopérée et la glénosphère s’est métal-back a été implantée, associée à des greffons
bloquée sous l’acromion. Le score de Constant était spongieux pour avoir une fixation de qualité, et a
à 49 avec un score de douleur à 10/15 et surtout une permis avec un recul de 6 mois de récupérer une
épaule avec une limitation de l’élévation antérieure épaule indolore et une élévation active antérieure
à 60° ; à 130° ;
• 1 descellement glénoïdien tardif (4e année post- • 1 patient a présenté une luxation prothétique néces-
opératoire) aseptique se traduisant par un liseré sitant une reprise chirurgicale à l’aide d’un rehaus-
périphérique complet autour du métal-back et, cli- seur (+ 5 mm) avec un excellent résultat final ;
niquement, des douleurs et une perte de l’élévation • 1 patient a présenté une fracture de fatigue de
active antérieure (70°). Lors de la révision chirur- l’acromion qui a été traitée orthopédiquement avec
gicale, aucune repousse osseuse n’était constatée une perte de 20° d’élévation active antérieure ;
Résultats d’une prothèse d’épaule inversée latéralisée 177
• 2 patients ont présenté une paralysie axillaire dont des microdescellements glénoïdiens, non visibles radio-
l’une définitive et l’autre transitoire qui a récupéré logiquement, pourraient expliquer la chute du score de
partiellement. Constant après 6 ans de recul. Werner et al. [38], avec
un recul de 44 mois, retrouvent une influence défavo-
rable de l’encoche scapulaire sur le score de Constant.
Discussion Delloye et al. [10] rapportent la chute du score de
Constant si l’encoche atteint le plot central avec un
La prothèse inversée respectant les principes de risque de descellement glénoïdien (figure 8).
Grammont a prouvé son efficacité dans la restaura- Afin de prévenir la survenue de ces encoches scapu-
tion d’une élévation active antérieure pour les patients laires, de nombreuses recommandations ont été rap-
présentant une épaule pseudo-paralytique secondaire portées dans la littérature.
à une rupture massive irréparable de la coiffe des L. Dewilde et al. [11] rapportent une série avec
rotateurs associée à une défaillance de l’arche acro- l’utilisation d’une glénosphère de diamètre plus grand
miocoracoïdien [28,36]. Cependant, l’analyse des (42 mm). Tous les auteurs [2,26,30,31,37,38] sont d’ac-
séries de la littérature a montré que le gain en rota- cord pour positionner le métal-back le plus bas possible
tion externe et interne était très limité (tableau 4), avec en affleurant le pôle inférieur de la glène. Cependant,
de plus l’apparition d’une encoche scapulaire avec pour Guttierez et al. [19], si le pilier de l’omoplate est
une fréquence variant de 44 à 96 % en fonction des très vertical, la survenue de l’encoche est toujours pos-
séries [27,30,31,32,35,38]. Cette encoche scapulaire sible. Pour Simovitch et al. [30], une orientation vers le
a un retentissement clinique variable en fonction des bas de la glénosphère (tilt inférieur) ne prévient pas en
auteurs. Guéry et al. [18], avec un recul à long terme, théorie la survenue d’une encoche.
semblent montrer que l’encoche scapulaire quelle Boileau et al. [5] proposent d’intercaler une greffe
que soit sa gravité n’affecte pas le score de Constant. osseuse (prélevée sur la tête humérale réséquée) entre
Sirveaux et al. [31] constatent la détérioration du la métaglène et la glène osseuse native afin de latéra-
résultat clinique dans les encoches types 3 et 4 selon liser le centre de rotation pour prévenir la survenue
la classification de C. Nerot [32]. D’après ces auteurs, d’une encoche.
Tableau 4
Gain comparatifs en élévation et rotation des prothèses inversées « Grammont » et latéralisées
Auteurs Gain EAA (°) Gain RE1 (°) Gain RE2 (°) Gain RI Gain Constant
(points) (points)
0 1 2 3 4
Figure 8. Classification de l’encoche glénoïdienne (C. Nerot) : grade 0 : aucune encoche ; grade 1 : petite encoche ; grade 2 : encoche
avec condensation osseuse (stable) ; grade 3 : encoche évolutive (érosion de la vis inférieure) ; grade 4 : descellement glénoïdien
(extension de l’encoche jusqu’à la quille centrale).
En 1998, Frankle et al. [12] rapportent une prothèse âgées, nous avons fait le choix d’un dessin d’une pro-
inversée moins médialisée avec un centre de rotation thèse inversée plus latéralisée que la prothèse originelle
plus externe se rapprochant du centre de rotation de P. Grammont. Le centre de rotation est latéralisé de
d’une prothèse anatomique non contrainte. La glé- 3,5 mm en raison de l’application de la glénosphère sur
nosphère correspond aux deux tiers d’une sphère et la platine et donc sans encastrement. De plus, la forme
s’encastre dans une platine à fond plat recouvert d’hy- de la partie métaphysaire de la tige humérale crée une
droxyapatite fixé par un plot central et des vis péri- latéralisation de l’humérus plus importante que la pro-
phériques 3,5. À propos de 60 patients avec un recul thèse en forme de « trompette » de Grammont (figures
minimum de 2 ans dont l’indication était une arthro- 2 et 3). Enfin, une encoche médiale au niveau de la
pathie glénohumérale associée à une rupture massive cupule humérale en polyéthylène participe à la préven-
irréparable de la coiffe des rotateurs, Frankle et al. tion de l’encoche tout en ne diminuant pas sa stabilité,
rapportent les résultats suivants : une élévation active étant donné la profondeur supérieure de 1 mm par
antérieure de 105° (inférieure au résultat obtenu avec rapport à la cupule Delta® (figure 7). Cette latéralisa-
la prothèse de P. Grammont) et une meilleure rotation tion certes moins importante que dans la prothèse des-
externe (35,9°). En revanche, ils rapportent 17 % de sinée par Frankle et al. [12] nous a incités à proposer
complications, soit 10 patients, correspondant à un une amélioration de la fixation primaire de l’implant
descellement glénoïdien (7 cas), une fracture de fati- glénoïdien : ainsi le métaglène à fond convexe, recou-
gue du métal-back (2 cas) et 1 cas d’infection. Sur verte d’hydroxyapatite, se présente-t-elle sous trois
7 patients réopérés, 5 ont pu bénéficier d’une nou- tailles différentes pour permettre un contact optimal
velle prothèse inversée et 2 se sont transformés en avec l’os sous-chondral de la glène. Une quille centrale
hémiarthroplastie avec un mauvais résultat sur l’élé- et une patte antérieure assurent une fixation primaire
vation. Aucune encoche scapulaire n’a été retrouvée s’opposant aux forces de torsion. Cette platine est de
dans cette prothèse beaucoup plus latéralisée. Ainsi, la plus fixée par deux vis divergentes supérieure et infé-
latéralisation du centre de rotation crée d’importantes rieure pour s’opposer aux forces de cisaillement lors
forces de cisaillement à la jonction entre la platine et la du début de l’abduction. Cette latéralisation sur une
glène osseuse insuffisamment compensée par le mode série rétrospective de 76 cas avec un recul minimal
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RÉSUMÉ SUMMARY
L’omarthrose primitive constitue une indication de choix pour Primary osteoarthritis is an indication of choice for an anato-
une prothèse totale d’épaule anatomique permettant de restau- mical total shoulder replacement allowing to restore mobility
rer la mobilité et de supprimer les douleurs. Les résultats clini- and relieve pain. Clinical results are better with a total repla-
ques obtenus sont meilleurs avec une prothèse totale qu’avec cement than with hemiarthroplasty. Complications (11%) are
une hémiarthroplastie. Les complications (11 %) sont représen- represented by subscapularis tears, instabilities, glenoid erosion
tées par les ruptures du subscapularis, les instabilités, les érosions in hemiarthroplasties, loosening and the complications with
glénoïdiennes dans les hémiarthroplasties, les descellements et metal-back glenoid components, which have been abando-
les complications des glènes métal-back, qui ont été abandon- ned. Nine percent of patients had to be reoperated, mostly for
nées ; 9 % des patients ont dû être réopérés, essentiellement pour subscapularis tears and/or glenoid problems. The existence of a
des ruptures du subscapulaire et/ou des problèmes glénoïdiens. degenerative supraspinatus tear does not destabilize the shoul-
L’existence d’une rupture dégénérative du supraépineux ne dés- der, and has no influence on the clinical results, even with a
tabilisant pas l’épaule (= omarthrose centrée) n’influence pas les long follow-up. A rotator cuff repair associated with a shoulder
résultats cliniques, même avec un long recul. La réparation d’une arthroplasty for primary osteoarthritis does not improve results
rupture de la coiffe des rotateurs dans le cadre de la mise en place and is thus not necessary. The fatty infiltration of the infraspina-
d’une prothèse totale pour omarthrose centrée n’améliore pas le tus and subscapularis muscles is an essential prognostic factor
résultat et n’est donc pas nécessaire. L’infiltration graisseuse des of shoulder prostheses. Biceps tenodesis is recommended as it
muscles infraspinatus et subscapularis est un facteur pronostic allows better results.
essentiel des prothèses d’épaule. La ténodèse du long biceps est
recommandée, permettant de meilleurs résultats.
L’infiltration graisseuse préopératoire a été évaluée – le type B (42 %), où l’usure est excentrique, avec
selon Goutallier et Bernageau [25]. Il y avait au niveau subluxation postérieure de la tête humérale (B1), ou
de l’infraspinatus 80 % de dégénérescence faible associé à une cupule d’usure postérieure (B2) ;
(stade 0 ou 1), 16 % de dégénérescence de stade 2 et 4 % – le type C (4 %), qui correspond à une glène dysplasi-
de dégénérescence de stade 3. Au niveau du subsca- que avec une rétroversion excessive, supérieure à 25°.
pularis, nous avons retrouvé 82 % de dégénérescence
faible, 15 % de dégénérescence de stade 2 et 3 % de
dégénérescence importante, supérieure ou égale à 3. Complications per- et postopératoires
Toujours grâce à cette étude scanner [67], nous avons précoces (< 3 mois)
pu classer la morphologie de la glène selon Walch [64]
en trois grandes familles (figure 2) : Notées dans 4 % des cas, elles ont globalement eu une
– le type A (54 %), où l’usure est concentrique, avec influence négative sur la douleur, la mobilité, l’activité,
pincement central (A1), ou associé à une cupule cen- la force, le score de Constant absolu et pondéré ainsi
trale (A2) sans subluxation humérale ; que sur les gains de ces variables.
Figure 2. Classification tomodensitométrique des différents types d’usure de la glène dans l’omarthrose primitive selon Walch [67].
Résultats des prothèses anatomiques dans l’omarthrose primitive 185
Ces complications ont fait chuter le score de Constant pour le score de Constant absolu et de 53,5 % pour le
absolu en moyenne de 12 points et le score de Constant score de Constant pondéré.
pondéré en moyenne de 18 points. Toutes les compli- Les résultats restent stables dans le temps, même s’il
cations (12 fractures de l’humérus, 12 fractures de la existe une légère diminution des performances avec le
glène, hématomes, complications neurologiques régres- temps (tableau 1).
sives ou non, 20 luxations antérieures associées dans
87 % des cas à une rupture du subscapularis) ont eu
la même influence, à l’exception des 2 luxations pos- Résultats radiographiques
térieures qui n’ont eu que très peu d’influence sur le
résultat final. Des ossifications périprothétiques ont été retrouvées
dans 9 % des cas, dont 0,5 % étaient importantes.
Au niveau de l’humérus, on notait une migration de
Complications postopératoires l’implant dans 1,5 % des cas et un liseré dans 15 %
tardives (> 3 mois) des cas (dont 89 % faible et 11 % > 3 mm).
Résultats fonctionnels 20
Les résultats de 689 patients revus avec un recul supé-
rieur à 2 ans, et dont la prothèse n’a pas été reprise, 0
sont résumés dans la figure 3. DOULEUR MOBILITÉ ACTIVITÉ FORCE CONSTANT CONSTANT
ABSOLU PONDÉRÉ
Le score de Constant absolu était en moyenne de
Préopératoire Postopératoire
70,5 points et le score relatif de 96 %, ce qui est pro-
che de la valeur normale en tenant compte de l’âge et Figure 3. Comparaison des scores de Constant pré- et post-
du sexe des patients. Le gain absolu était de 39 points opératoires.
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Tableau 1
Résultats fonctionnels selon le recul
Résultat Gain
Délai postopératoire 25–35 mois 36–59 mois > 59 mois 25–35 mois 36–59 mois > 59 mois
Constant pondéré 98 97 92 55 53 52
186 J.-F. KEMPF, P. CLAVERT, G. WALCH, D. MOLÉ, P. BOILEAU
Tableau 4
Absence d’influence d’une rupture du supraépineux sur les résultats des arthroplasties dans l’omarthrose primitive
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Tableau 5
Absence d’influence de la réparation du supraépineux sur le résultat des arthroplasties pour omarthrose primitive
Tableau 6
Influence de l’infiltration graisseuse sur le résultat des arthroplasties pour omarthrose primitive
Tableau 7
Influence de la dégénérescence graisseuse du muscle subscapulaire sur le résultat des arthroplasties pour omarthrose primitive
Stade II 12,2 17,2 28,3 7,3 65 91 141,5 36,9 © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
(n = 84)
subscapulaire est importante, moins bon est le résultat d’avoir vis-à-vis de lui. Nous avons pu isoler 625
fonctionnel (tableaux 6 et 7). patients ne présentant pas de complication avec un
recul moyen de 3,7 ans. Vingt et un pour cent de ces
Influence du tendon du long biceps patients ont bénéficié d’une ténodèse du long biceps
lors de l’intervention. Globalement, la ténodèse a eu
Enfin, nous nous sommes attachés à étudier l’influence un effet bénéfique sur presque tous les critères clini-
du tendon du long biceps et l’attitude qu’il convient ques que nous avons étudiés et en particulier sur le
Résultats des prothèses anatomiques dans l’omarthrose primitive 189
score de Constant absolu, qui est amélioré de 4 points, a constitué l’indication préférentielle des opérateurs de
et le score de Constant pondéré, de 7 points. La dou- notre série avec 88 %. Neer [43], Mansat [38], puis
leur, le niveau d’activité, la mobilité sont très nette- Cofield et al. [11] avaient confirmé l’efficacité de la
ment améliorés par cette ténodèse. Cette différence est prothèse humérale dans le traitement de l’omarthrose
encore plus parlante si on étudie les 322 patients qui primitive. Bigliani et al. [51] ont analysé l’influence de
ont un recul supérieur à 36 mois. l’usure glénoïdienne sur les résultats des HA : il existe
un résultat plus favorable avec les glènes concentri-
ques. Dans notre série, les résultats cliniques des HA
Discussion étaient statistiquement identiques quel que soit le type
d’usure de glène. Radnay [54] a revu 23 publications
Les résultats globaux de cette série multicentrique et colligé 1952 cas revus en moyenne à 43,4 mois de
montrent que les prothèses d’épaule anatomiques recul moyen (30–116). Cette méta-analyse confirme
donnent d’excellents et bons résultats dans l’omar- la supériorité des PTE concernant la douleur, l’éléva-
throse primitive : on observe une amélioration signi- tion antérieure, la rotation externe, la satisfaction du
ficative de tous les paramètres du score de Constant. patient. Les PTE ont eu 6,5 % de reprises alors que les
De plus, ces résultats restent stables dans le temps. HA en ont eu 10,2 %. Il n’y a eu que 1,7 % de révi-
Le résultat est amélioré par l’utilisation d’un implant sions du composant glénoïdien.
glénoïdien, tant sur le plan des mobilités que sur celui Dans l’omarthrose primitive, Walch et al. [64] ont
de la douleur, confirmant donc les données de la litté- décrit sur des coupes scanner trois types de glène.
rature [18,23,32,48,56]. Parmi les différents facteurs L’appréciation et l’analyse radiologique de l’usure glé-
influençant les résultats, on retrouve une nette inci- noïdienne sont controversées. Pour les uns [38,45], le
dence du descellement glénoïdien. On retrouve 13 % profil axillaire est suffisant, pour d’autres [21,50], le
de complications réparties entre complications glénoï- scanner est indispensable afin de mesurer la rétrover-
diennes, instabilité et insuffisance de coiffe. Neuf pour sion de la glène et d’évaluer son usure. Nous parta-
cent des patients ont dû être réopérés, essentiellement geons cette opinion. Dans cette série, il n’y avait pas de
pour des ruptures du subscapulaire et/ou des problè- lien statistique entre le type de glène et les résultats cli-
mes glénoïdiens. niques des PTE. En revanche, il existait une corrélation
La fixation glénoïdienne est indiscutablement le pro- entre le type de glène et les complications postopéra-
blème essentiel à long terme [6,10,11,15,21,26,30,32, toires : l’instabilité postérieure de la prothèse consti-
38,45,63]. La majorité des reprises glénoïdiennes ont tuait la principale complication des glènes de type B2.
été effectuées pour des implants métal-back non cimen-
tés. Une étude prospective randomisée [3] sur 40 cas a
clairement confirmé la plus grande fréquence de des-
cellements, d’usures du polyéthylène, sans compter les Faut-il adapter nos indications
désassemblages spécifiques à ces implants qui ont été respectives en fonction
abandonnés. Comment diminuer la fréquence des lise- du type de glène ?
rés observée par la plupart des auteurs : de 30 % pour
Neer [42], 31 % pour Molé [40], 96 % pour Broström Dans les glènes concentriques (de type A1, A2), la mise
[7] ? Le type de composant glénoïdien en polyéthylène en place d’un implant glénoïdien est effectuée sans dif-
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scellé reste débattu : à fond plat ou à fond convexe. ficulté et doit être préférée au vu de nos résultats.
Pour Szabo et Walch [58], la fréquence des liserés est Dans les glènes excentriques (de type B1, B2), Bell
moindre si le fond est convexe. Son implantation doit [1] souligne la nécessité de restaurer une orientation
faire appel à la technique de compaction [59] avec un normale de la glène et de réaliser un « soft tissue balan-
effet « press-fit » pour la quille. Le dispositif d’ancrage cing ». Dans la majorité des cas, un fraisage antérieur
– quille ou plots – reste lui aussi débattu : l’utilisation est suffisant pour corriger l’anomalie architecturale
de plots pourrait être mécaniquement plus favorable et de la glène. Néanmoins, Clavert et Warner [8] recom-
préserver le stock osseux sous-chondral [61]. Il semble mandent de ne pas utiliser ce procédé si la rétrover-
également important d’éviter une congruence trop par- sion est supérieure à 15°. Onze fois, dans notre série,
faite entre la tête métallique et la glène prothétique : une reconstruction glénoïdienne par greffe osseuse ou
une différence de rayon de courbure (« mismatch ») de ciment a été nécessaire. La greffe osseuse a été utili-
6 à 10 mm semble souhaitable pour Walch [68]. sée 10 fois. La consolidation de la greffe osseuse a été
Dans cette série multicentrique, la prothèse humérale obtenue 7 fois (70 %) ; 3 cas (30 %) ont évolué vers
simple n’a été utilisée que dans 12 % des cas. La PTE la pseudarthrose avec lyse osseuse. Le pitonnage plus
190 J.-F. KEMPF, P. CLAVERT, G. WALCH, D. MOLÉ, P. BOILEAU
ciment a été utilisé 1 fois avec succès. L’indication et lorsqu’elle était inférieure ou égale à 20°, l’implant
l’efficacité de ce procédé technique restent à déterminer. huméral était centré 10 fois sur 12.
Neer et Morisson [44] ont décrit en 1988 de manière L’arthrose sur dysplasie de la glène (type C) est une
détaillée la technique de reconstruction glénoïdienne. entité rare (4 %). La position de l’implant huméral
Ils ont rapporté des résultats satisfaisants, mais leur est variable, souvent centrée, rarement en position de
série n’était pas homogène. Norris [49] a rapporté une subluxation postérieure. Au recul, les résultats obtenus
série de 21 cas dans laquelle il déplore 3 cas (18 %) de avec la PTE sont statistiquement meilleurs sur l’ensem-
pseudarthrose ou lyse de la greffe et 29 % de reprises ble des paramètres cliniques. La littérature reste silen-
opératoires pour descellement de l’implant glénoïdien. cieuse sur l’attitude à adopter pour ce type de glène,
Enfin, 47 % de résultats étaient considérés comme non mais notre série incite à préférer une PTE lorsque cela
satisfaisants selon les critères de Neer. Ces données et est possible.
notre expérience doivent inciter à la prudence quant à
l’utilisation d’une glène prothétique dans les usures de
glène excentrées sévères. Quelle attitude vis-à-vis de la coiffe
La seconde difficulté majeure dans les glènes excen- des rotateurs et du long biceps ?
triques est de restaurer la balance des tissus mous. La
capsulorraphie postérieure a été nécessaire 21 fois, soit Concernant l’association d’une rupture du supra-
pour prévenir une instabilité postérieure, soit pour épineux, nous confirmons que dans l’omarthrose pri-
corriger une luxation postérieure peropératoire de la mitive, il n’est pas nécessaire de réparer ces lésions
prothèse. Elle a été associée à une greffe osseuse 8 fois tendineuses dégénératives [48].
et effectuée de manière isolée 13 fois. L’efficacité de ce Si on retrouve dans la littérature [28,71] le rôle que
geste capsulaire a été partielle 11 fois (57 %). peut avoir le chef long du biceps dans la genèse des
La troisième difficulté majeure est la correction de la douleurs dans l’omarthrose centrée, aucun travail n’a
subluxation postérieure statique de l’implant huméral. encore été publié sur la ténotomie/ténodèse du long
Sa persistance en postopératoire expose au risque de biceps dans ce cadre. Dines [17] et Tuckman [62]
descellement de l’implant par mécanisme de cheval à rapportent 8 cas d’arthroscopie sur PTE douloureuse
bascule dans le plan horizontal. Un scanner de contrôle pour lesquelles ils ont réalisé 2 ténotomies et 3 téno-
postopératoire a pu être réalisé 23 fois pour analyser dèses avec succès, mais ne proposent pas dans leurs
la relation entre la rétroversion de l’implant glénoïdien conclusions la ténodèse systématique lors de l’implan-
et la subluxation postérieure du pivot huméral. Une tation. À la lumière de nos résultats, nous ne pouvons
rétroversion de la glène supérieure à 20° s’accompa- que recommander ce geste à titre systématique dans
gnait 6 fois sur 7 d’une subluxation postérieure. Mais cette indication.
RÉFÉRENCES
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RÉSUMÉ SUMMARY
Les bons résultats des prothèses d’épaules non contraintes dans Good results using nonconstrained shoulder arthroplasty in pri-
l’omarthrose primitive peuvent être compromis par une rupture mary glenohumeral osteoarthritis (OA) may be compromised by
des tendons des la coiffe des rotateurs, une infiltration graisseuse cuff tendon rupture, muscle fatty infiltration or severe glenoid
importante des muscles de la coiffe des rotateurs ou une usure erosion. The goal of this study was to evaluate the results of
glénoïdienne sévère. Le but de cette étude était d’évaluer les reverse shoulder arthroplasty (RSA) in primary OA complicated
résultats de la prothèse totale inversée dans l’omarthrose primi- by cuff or glenoid pathology. From January 1992 to December
tive compliquée d’une lésion de la coiffe des rotateurs ou d’une 2002, 457 RSAs were placed at five surgical centers. Twenty-
usure glénoïdienne. Notre série comportait 26 patients d’âge six patients were identified with primary OA. The indication to
moyen 74 ans lors de la chirurgie, 92 % des patients étant des implant a RSA was an associated massive rotator cuff tear in
femmes. L’indication de mise en place d’une prothèse inversée 6 cases, severe glenoid wear in 7 cases, and fatty infiltration
était une rupture massive de la coiffe des rotateurs dans 6 cas, greater than stage 2 of one of the cuff muscles in 13 cases.
une usure glénoïdienne sévère dans 7 cas et une infiltration grais- Patients were evaluated using pre- and postoperative range of
seuse supérieure au stade II d’un des muscles de la coiffe des motion, Constant scores and standardized radiographs. Nineteen
rotateurs dans 13 cas. Dix-neuf patients ont pu être revus clini- patients were available at an average follow-up of 37 months
quement et radiographiquement avec un recul minimal de 2 ans (range 24–77). All four components of the Constant score
et un recul moyen de 37 mois (24–77 mois). Le score de Constant showed a statistically significant improvement (p<0,05). Active
était statistiquement amélioré dans tous ces paramètres : l’éléva- forward elevation increased from an average of 87° to 142°, and
tion antérieure active était augmentée de 87° à 142° et la rota- external rotation at side was improved from 3,3° to 17,5°. There
tion externe coude au corps de 3,3° à 17,5°. Deux complications was no correlation between the state of the rotator cuff and
nécessitèrent l’ablation de la prothèse (une infection et un des- clinical outcome. RSA for primary OA yields results comparable
cellement glénoïdien). Sur le plan subjectif, 17 patients étaient to those reported in cuff tear arthropathy. Compared to the his-
satisfaits ou très satisfaits, et 2 patients ayant eu une compli- torical results of nonconstrained prosthesis, RSA results in less
cation étaient déçus. La prothèse totale inversée dans l’omarth- internal and external rotation but comparable active forward
rose primaire permet d’obtenir des résultats comparables à ceux elevation and subjective satisfaction. RSA is recommended for
obtenus dans les arthroses avec rupture massive de la coiffe des patients with primary OA complicated by massive cuff tears,
rotateurs. En comparaison avec les résultats des prothèses non fatty infiltration greater than stage 2 of the cuff muscules, or
contraintes dans l’omarthrose primaire, les rotations internes et severe glenoid wear (type B2 or C glenoid).
externes postopératoires sont moins importantes avec la prothèse
totale inversée, mais l’élévation antérieure active obtenue et les Key words: Reverse shoulder arthroplasty. – Primary osteoarthritis.
résultats subjectifs sont identiques. La prothèse totale inversée – Cuff tendon rupture.
dans l’omarthrose primaire est indiquée en cas de rupture massive
de la coiffe des rotateurs, de dégénérescence graisseuse muscu-
laire sévère de la coiffe des rotateurs (> stade II) ou d’usure glé-
noïdienne sévère (glènes type B2 ou C).
Tableau 1
Mobilité active et scores de Constant préopératoire et postopératoire
Signe du clairon 1 6
Figure 1. Omarthrose primitive avec rupture des tendons supra- – dans 13 cas, une infiltration graisseuse musculaire
et infraépineux et contact acromiohuméral. sévère (supérieure ou égale au stade 3) d’un ou de deux
muscles (figure 2).
La voie d’abord utilisée était 25 fois une voie delto-
autant de graisse que de muscle ; et le stade IV à plus pectorale ; le subscapulaire lorsqu’il était intact a été
de graisse que de muscle. Le tableau 2 décrit l’état de sectionné au niveau du col anatomique. Il a été réparé
l’infiltration graisseuse dans les 26 cas. La morpholo- par une suture transosseuse 16 fois ; il a fait l’objet
gie glénoïdienne était appréciée selon la classification d’une réparation partielle 3 fois ; et il n’a pu être réparé
de Walch et al. [19] en cinq types. Le type A1 corres- du fait d’une rétraction ou d’une disparition du ten-
pond à une tête humérale centrée avec une usure glé- don 6 fois. La voie d’abord était supéro-externe 1 fois
noïdienne minime. Le type A2 correspond à une tête (choix du chirurgien). Le subscapulaire a été partielle-
centrée avec usure glénoïdienne centrale. Le type B1 ment détaché et suturé en place.
correspond à une subluxation postérieure de la tête Aucune tentative de réparation des autres tendons
humérale sans défect osseux. Le type B2 correspond de la coiffe n’a été faite.
196 A. GODENÈCHE, B. MÉLIS, G. WALCH
Tableau 2
Données de l’imagerie pour les 26 patients
Stade de l’infiltration
État petit Type de
Coiffe des rotateurs graisseuse de la coiffe
rond glène
Sexe Âge des rotateurs [7]
Supra- Infra- Sub- Infra- Sub-
épineux épineux scapulaire épineux scapulaire
1 F 72 Oui Oui Intacte St 3 2 Normal A1
2 H 66 Oui Oui Intacte St 4 2 Normal A2
3 F 74 Oui Oui Oui St 4 4 Absent Usure ant.
4 F 79 Oui Intacte Oui St 4 2 Normal A2
5 F 78 Oui Oui Intacte St 4 3 Normal A1
6 F 74 Oui Oui Intacte St 2 2 Normal A2
7 F 68 Oui Oui Oui St 2 4 Normal A1
8 F 68 Oui Oui 1/3 sup. St 3 2 Normal B2
9 F 73 Oui Oui 1/3 sup. St 4 2 Absent B2
10 F 82 Oui Intacte 2/3 sup. St 3 1 Normal A1
11 F 75 Intacte Intacte Intacte St 2 2 Normal A2
12 F 71 Oui Oui Intacte St 4 4 Absent B2
13 H 74 Oui Intacte Oui St 3 3 Absent A2
14 F 74 Oui Oui 1/3 sup. St 2 1 Normal A1
15 H 66 Oui Oui 2/3 sup. St 4 4 Normal B1
16 F 86 Oui Oui 2/3 sup. St 4 4 Normal A2
17 F 82 Oui Oui Oui St 4 4 Normal B1
18 F 81 Oui Oui 2/3 sup. St 4 4 Normal A2
19 F 78 Oui Intacte Intacte St 3 3 Normal A2
20 F 76 Oui Oui 1/3 sup. St 4 4 Absent A2
21 F 74 Oui Oui Intacte St 4 2 Normal A2
22 F 79 Oui Oui Intacte St 4 1 Normal A2 © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
23 F 61 Intacte Intacte Intacte St 4 2 Normal B2
24 F 66 Oui Oui 1/3 sup. St 4 1 Normal B2
25 F 75 Oui Oui Intacte St 3 1 Normal B2
26 F 75 Oui Oui Oui St 3 4 Absent A2
st : stade.
Les prothèses implantées étaient 23 fois une pro- Sept malades ont bénéficié d’une greffe glénoï-
thèse Delta 3® (DePuy) et 3 fois une Aequalis Reverse® dienne ; 5 fois il s’agissait d’une greffe spongieuse de
(Tornier). La tige humérale était cimentée 23 fois et comblement prélevée sur la tête humérale et impactée
implantée sans ciment 3 fois. La taille de l’épiphyse sous l’embase métallique glénoïdienne ; à chaque fois,
était de 36 mm dans 25 cas et de 42 mm dans 1 cas. il s’agissait d’une glène de type A2 avec une érosion
Place des prothèses inversées dans l’omarthrose primitive 197
A B
Figure 2. Omarthrose primitive (A) avec dégénérescence graisseuse stade 4 (B) des muscles supra- et infraépineux.
Figure 3. Omarthrose
primitive avec érosion
centrale de la glène (A).
Prothèse totale inversée
implantée avec greffe
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centrale (figure 3). Deux patients ont bénéficié d’une cole de Liotard et al. [10]. Les mouvements actifs de la
greffe corticospongieuse prélevée sur la crête iliaque vie quotidienne étaient progressivement repris à partir
pour traiter une glène biconcave de type B2, le fraisage de la troisième semaine. Aucun renforcement muscu-
asymétrique antérieur n’ayant pas permis de faire dis- laire n’était réalisé.
paraître le défect postérieur. La greffe était fixée par
une vis postérieure et stabilisée également par les vis
d’ancrage de l’embase métallique. Résultats
Dans les suites opératoires, une écharpe simple de Complications
repos était placée pour 3 semaines et la rééducation
passive débutait immédiatement. Vingt-deux patients Une patiente a présenté une migration de l’embase glé-
ont bénéficié de rééducation en piscine selon le proto- noïdienne au 4e mois postopératoire ; elle présentait une
198 A. GODENÈCHE, B. MÉLIS, G. WALCH
glène biconcave B2 avec une sévère usure postérieure, général déficient, et 2 patients ayant présenté une
une coiffe tendineuse intacte et une infiltration grais- complication déjà analysée ont eu une ablation de
seuse stade IV de l’infraépineux. Une reconstruction leur prothèse. Dix-sept patients ont été revus clini-
glénoïdienne en un temps avec une greffe iliaque a été quement et radiologiquement avec un recul moyen
réalisée, mais le plot central de l’embase glénoïdienne de 36,6 mois (24–77 mois), avec la prothèse tou-
ne pénétrait pas la paléoglène. Au 4e mois, elle perdait jours en place. Tous les items du score de Constant
brutalement sa mobilité active et la radiographie mon- montrent une amélioration statistiquement significa-
trait une migration de l’embase et de la greffe. Une tive (tableau 1). Le gain du score de Constant est de
réintervention pour transformer la prothèse inversée 40,2 points, avec une moyenne préopératoire de 24,3
en prothèse humérale a été réalisée (figure 4). Avec un points et postopératoire de 64,5 points. L’élévation
recul de 2 ans, l’indolence a été obtenue, mais l’éléva- antérieure active moyenne passe de 87° à 142°, la
tion active est limitée à 60°. Le score de Constant est rotation externe coude au corps passe de 3,3° à 17,5°,
de 40 points ; la patiente est déçue. et la rotation interne s’améliore également.
Une autre patiente a présenté une infection 3 ans Sur le plan subjectif, les deux patients ayant présenté
après son implantation avec descellement de la pièce une complication sont déçus. Tous les autres sont satis-
humérale et de la glène qui a nécessité l’ablation de la faits ou très satisfaits.
prothèse et la transformation en résection arthroplas- Au dernier recul, 6 patients présentent un signe du
tique. Elle est indolore, ne présente plus d’infection et clairon.
ne souhaite pas être réopérée ; le score de Constant est
de 28 points. Résultats radiographiques
Résultats cliniques Une vis cassée avec déplacement de l’embase glénoï-
dienne a été mise en évidence chez un patient. Une
Cinq patients sont décédés avant la révision à 2 ans. encoche sur la partie inférieure du col de l’omoplate a
Deux patients n’ont pu être revus du fait d’un état été retrouvée dans 8 cas (47 % des 17 patients ayant eu
un suivi radiographique). Cette encoche était de grade rupture tendineuse dans cette série impliquant tou-
1 ou 2 dans 5 cas selon la classification de Sirveaux jours au moins deux tendons.
et al. [17] ; elle atteignait la vis inférieure dans 2 cas et L’infiltration graisseuse des muscles de la coiffe est
s’étendait au-dessus de cette vis inférieure dans 1 cas. également fréquente et importante, puisque 92 % ont
Un éperon glénoïdien était souvent associé à l’enco- au moins un tendon présentant une infiltration grais-
che et présent dans 10 cas. Une ossification entre la seuse supérieure ou égale au stade III.
glène et l’épiphyse humérale était présente dans 4 cas. Enfin, l’usure glénoïdienne est également anorma-
lement élevée, expliquant la crainte du chirurgien de
Corrélations proposer une prothèse glénoïdienne cimentée.
L’embase métallique de la prothèse inversée avec son
Nous n’avons pas trouvé de corrélations statistique- plot central et ses quatre vis périphériques permet de
ment significatives entre le résultat, l’état de la coiffe se passer de ciment, et sa stabilité permet de l’implan-
tendineuse ou musculaire et la forme préopératoire de ter même lorsque le stock osseux restant est limité. Les
la glène. Nous confirmons l’importance du petit rond contraintes qui s’exercent sur la glénosphère ne sont
qui, dans les 6 cas où le muscle était absent ou atrophi- pas des contraintes en cisaillement, mais très rapide-
que sur l’imagerie, a entraîné une paralysie complète ment au cours de l’élévation des contraintes en com-
de la rotation externe (signe du clairon) [22,23]. Le pression.
score de Constant moyen et le résultat subjectif res- Le système non cimenté autorise également la stabi-
taient en revanche identiques aux autres patients (62,8 lisation d’une greffe spongieuse sous l’embase métal-
points versus 65 points, 100 % satisfaits ou très satis- lique, particulièrement utile en cas d’érosion centrale
faits versus 92 %). importante (type A2). En revanche, les deux cas de
greffe corticospongieuse iliaque en un temps réalisée à la
partie postérieure de la glène ont échoué : une patiente
Discussion a présenté une migration précoce et une autre présente
une bascule de l’embase glénoïdienne avec une frac-
Cette courte série d’omarthrose primitive se distingue ture de vis. Le résultat objectif reste bon chez cette
des séries habituellement rapportées dans la littérature dernière patiente, mais on peut légitimement s’inquié-
et traitées par une prothèse non contrainte (tableau 3). ter de l’avenir. Nous avons depuis utilisé des embases
Le pourcentage de femme est plus élevé (92 %), et sur- métalliques avec un plot plus long (25 mm au lieu de
tout l’âge moyen est supérieur de près de 10 ans aux 15 mm) qui permet en cas de greffe osseuse d’assurer
autres séries. son ancrage dans la glène native. Nous ne pouvons pas
Ces différences expliquent certainement les carac- encore conclure sur l’efficacité de ce nouveau modèle
téristiques anatomiques de notre série. Alors que les et devons garder à l’esprit que la consolidation des
ruptures tendineuses sont présentes dans 5 à 10 % des autogreffes corticospongieuses postérieures pose pro-
cas dans la littérature et sont en général limitées au blème lorsque la prothèse inversée est implantée dans
supraépineux [6], 24 patients sur 26 (92 %) ont une le même temps. En revanche, les résultats cliniques et
radiographiques des greffes spongieuses centrales en
cas d’usure centrale avec une tête humérale centrée
Tableau 3 sont satisfaisants et aucune complication n’a été obser-
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Comparaison des données épidemiologiques dans les arth- vée dans cette série.
roses glénohumérales primitives Les ruptures de deux ou trois tendons font craindre
une instabilité supérieure ou antérieure des prothèses
Auteurs Nombre % de Âge à
de cas femmes l’opération
anatomiques ; nous n’avons pas observé d’instabilité
dans cette série. Edwards et al. [2] ont montré égale-
Neer, 1974 28 ? 48 ment qu’une infiltration graisseuse sévère (> stade II)
des muscles subscapulaire et infraépineux pouvait s’ob-
Walch, 1998 151 76 % 66,8
server dans cette étiologie, et influençait négativement
Walch, 1999 113 63 % 66,4 les résultats objectifs et subjectifs des prothèses non
contraintes : les scores de Constant après prothèses
Edwards, 2003 690 75 % 67
non contraintes chutent à 57,4 points et 56,4 points en
Mansat, 2002 48 71 % 65 cas d’infiltration graisseuse sévère des muscles infraépi-
neux et subscapulaire. Dans notre série où nous avons
Notre série, 2006 26 92 % 74,1
13 cas d’infiltration graisseuse sévère d’au moins un de
200 A. GODENÈCHE, B. MÉLIS, G. WALCH
ces deux muscles, le score de Constant est supérieur de de Constant et un gain de 65° d’élévation antérieure
10 points à celui rapporté par Edwards. active. Werner et al. [24] ont rapporté une augmenta-
L’usure glénoïdienne peut être centrée cupuliforme tion de 58° de l’élévation antérieure active et de 35 %
ou excentrée postérieure, et compromettre l’implanta- du score de Constant pondéré. Frankle et al. [5] ont
tion d’une glène polyéthylène à quille ou à plot : elles mis en évidence un gain similaire dans une étude
étaient présentes respectivement dans 3 et 4 cas de de 60 patients présentant une arthrose glénohumé-
notre série. Levine et al. ont montré que cette usure rale avec coiffe des rotateurs déficiente, avec un recul
était responsable de résultats non satisfaisants des pro- moyen de 33 mois postopératoires (tableau 4).
thèses humérales simples [9]. D’autres auteurs recom- La comparaison des résultats des prothèses inversées
mandent de fraiser de manière asymétrique la partie avec ceux des prothèses anatomiques dans l’omarth-
antérieure pour réorienter la version glénoïdienne, mais rose primitive (tableau 5) montre des différences en
cette solution n’est pas toujours applicable lorsque la faveur des prothèses anatomiques concernant les rota-
profondeur et la largeur glénoïdiennes deviennent trop tions externe et interne qui sont moins élevées dans les
faibles pour autoriser l’implantation d’un implant [3]. prothèses inversées. Les activités de la vie quotidienne
D’autres auteurs ont réalisé des allo- ou autogreffes du semblent également moins favorables avec la prothèse
défect postérieur, permettant l’implantation d’une pro- inversée.
thèse glénoïdienne, mais la reproduction fréquente de
l’instabilité statique peut compromettre la stabilité de Conclusion
la greffe. La prothèse inversée permet la stabilisation
d’une greffe glénoïdienne et la correction de l’instabi- Si l’on compare nos résultats avec ceux rapportés
lité statique de l’articulation glénohumérale par une par Edwards et al. [2] en cas d’infiltration graisseuse
implantation en un temps ou en deux temps. Dans sévère des muscles infraépineux et subscapulaire, les
notre série, un cas de greffe et d’implantation en un différences disparaissent et s’inversent même en faveur
temps a échoué du fait d’une erreur technique, car le des prothèses inversées.
plot central de la métaglène n’était pas dans la paléo- La comparaison du taux de complication et de
glène. Les autres cas d’usure glénoïdienne ont pu être révision est difficile compte tenu de la disparité des
traités sans greffe et, avec le recul disponible, ne pré- séries rapportées. Deux complications ayant néces-
sentent pas de signe de descellement glénoïdien. sité deux révisions sont survenues dans cette courte
Les résultats de la prothèse inversée que nous rap- série d’omarthrose primitive dont la moyenne d’âge
portons dans l’omarthrose primitive sont compara- était nettement plus élevée que les séries habituelles.
bles à ceux publiés dans le traitement des cuff tear Il apparaît que la prothèse inversée peut résoudre les
arthropathy : Sirveaux et al. [17] ont rapporté dans problèmes de ruptures ou dégénérescence de la coiffe
une série de 80 patients un gain de 44 points du score tendinomusculaire au prix d’une récupération infé-
Tableau 4
Comparaison du résultat des prothèses inversées dans l’arthrose primitive et les cuff tear arthropathies
Étiologie Arthrose primitive Cuff tear arthropathy Les deux Cuff tear arthropathy
Nombre de cas 26 80 58 60
Âge moyen 74 73 68 71
Tableau 5
Comparaison des résultats des prothèses inversées et des prothèses non contraintes dans les arthroses glénohumérales
primitives
Auteurs Notre série Godenèche [6] Mansat [11] Edwards [2] Edwards [2]
17 cas 148 cas 51 cas 18 cas* 14 cas**
rieure des rotations. La prothèse inversée offre égale- et un nombre de cas supérieurs pour savoir si la pro-
ment des possibilités de reconstruction glénoïdienne thèse inversée permettra de solutionner le problème
avec son embase métallique non cimentée. Il est cepen- des usures glénoïdiennes postérieures sévères rencon-
dant nécessaire de poursuivre les travaux avec un recul trées dans cette étiologie.
RÉFÉRENCES
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Hémiarthroplastie ou prothèse
totale dans l’omarthrose primitive ?
Analyse critique de la littérature
Hemi or total shoulder arthroplasty for primary
osteoarthritis? Critical analysis of the literature
RÉSUMÉ SUMMARY
Les indications respectives de l’hémiarthroplastie et de la pro- Shoulder replacement is an acknowledged treatment for the
thèse totale d’épaule restent débattues dans le traitement de treatment of primary osteoarthritis with significant effect on
l’omarthrose primitive. Cette controverse reflète les insuffisances pain and function; however, the indications of a hemi- or a total
propres à chacune de ces interventions. Nous avons réalisé une shoulder arthroplasty remain debated. Such controversy reflects
analyse critique de la littérature à partir de 43 articles publiés. the specific lackings of both options. We reviewed and analyzed
Nous avons retenu les critères douleur, mobilité, satisfaction, 43 articles published in the literature related to the results of
et nécessité d’une révision. L’analyse critique de la littérature hemiarthroplasty and total shoulder replacement in the treat-
permet de conclure qu’une prothèse totale d’épaule donne de ment of primary osteoarthritis. We retained the criteria of pain,
meilleurs résultats qu’une hémiarthroplastie dans le traitement mobility, patient satisfaction and the need of revision. The ana-
de l’omarthrose primitive si le stock osseux permet l’implanta- lysis of the literature allows to conclude that a total shoulder
tion d’un composant glénoïdien. Le résultat clinique d’une pro- arthroplasty is the best option for the treatment of primary
thèse totale est statistiquement meilleur en termes de douleur, de osteoarthritis if the bone stock allows the implantation of a gle-
mobilité et de satisfaction des patients. La survie des hémiarthro- noid component. The review of the literature allows to affirm
plasties est inférieure à celle des prothèses totales, en raison d’une that the clinical results of a total shoulder are better for pain,
usure symptomatique de la glène, d’apparition rapide. Les liserés mobility as well as global satisfaction rate. The long-term survi-
périglénoïdiens restent souvent asymptomatiques et ne sont pas val of hemiarthroplasties is inferior to those of total shoulders,
responsables des échecs précoces des prothèses totales. Le jeune due to glenoid wear and erosion, of early onset. Radiolucencies
âge, le coût et le taux d’usure ne sont pas non plus des éléments around the glenoid implant have few or no clinical relevance and
en défaveur d’une prothèse totale. L’indication d’hémiarthro- are not the reason of early failures of total shoulders. Age, cost
plastie dans l’omarthrose primitive ne vit que des impossibilités and polyethylene wear rate are not discouraging factors for a
techniques locales à la pose d’un implant glénoïdien. La prothèse total shoulder replacement. A hemiarthroplasty is indicated only
glénoïdienne idéale n’existe pas. Les recherches doivent se pour- if it is technically impossible to implant a glenoid component.
suivre afin d’améliorer le scellement et la résistance à l’usure des The ideal glenoid implant does not exist. Researches must be
implants glénoïdiens. continued to improve fixation and resistance to wear of glenoid
implants.
Mots clés : Épaule. – Prothèse totale. – Hémiarthroplastie. Key words: Total shoulder arthroplasty. – Hemiarthroplasty.
– Omarthrose primitive. – Primary osteoarthritis.
Mobilités
La prothèse totale d’épaule peut ici encore, faire espérer
un meilleur résultat aux patients. Selon Radnay, cette
supériorité en termes de flexion, de gain en flexion, et
Figure 2. Exemple de Prothèse totale d’épaule avec implant
glénoïdien scellé et implant huméral non scellé.
de gain en rotation externe plaide en faveur des pro-
thèses totales d’épaule. La supériorité de la rotation
externe obtenue par les prothèses totales d’épaule n’est
Résultats pas significative [37]. L’analyse de Bryant et al. n’est
venue que confirmer ces conclusions [9], tout comme
Nous avons ainsi retenu 43 articles. Pour les articles l’étude de Lo et al., sans que cette différence soit signi-
publiés de 1966 à fin 2003, nous avons utilisé la méta- ficative [27].
analyse publiée par Radnay et al. [37], après avoir L’étude multicentrique de Pfahler et al. est arrivée
revu l’ensemble des articles analysés. Cette méta-analyse aux mêmes conclusions, alors que les mobilités pré-
apporte une puissance statistique et une synthèse opératoires du groupe prothèse totale étaient signifi-
rigoureuse de l’ensemble des articles de valeur publiés cativement inférieures [36]. Dans une omarthrose très
durant cette période (tableau 1). enraidie, l’exposition difficile de la glène nécessaire à
Bryant et al. ont publié en 2005 une nouvelle méta- la pose de l’implant donnera une prothèse plus mobile
analyse de quatre études randomisées, parmi lesquelles qu’une hémiarthroplastie, techniquement plus facile.
uniquement deux sont à ce jour référencées [9]. Un patient, présentant une omarthrose primitive et
L’étude randomisée prospective de Gartsman et al., opéré d’une prothèse totale, peut donc espérer une
reprise dans la méta-analyse de Radnay et dans de flexion postopératoire meilleure, un gain en flexion
nombreux articles, permet de comparer valablement et en rotation externe meilleurs, même si la rotation
prothèses totales et hémiarthroplasties dans l’omarth- externe postopératoire ne sera pas statistiquement
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rose primitive uniquement, pour des glènes à usure significativement plus importante que s’il avait eu une
concentrique [18]. hémiarthroplastie.
Auteurs Année Type d’étude Nombre de Âge Recul Douleur Mobilités Force Satisfaction Reprises
patients moyen subjective chirurgicales
Qualité de vie
Gartsman 2000 Prospectif 51 prothèses : 65,3 ans 35 mois PTE > Rotation interne : PTE > PTE > HA ns 3 conver-
randomisé 24 HA ; (PTE) (24–72) HA s PTE (T12) > HA ns sions HA en
27 PTE 64,6 ans HA (L5) s. PTE pour
(HA) ns Antépulsion : douleurs
PTE (128°) > HA et usure
(127°) ns. Rext : de glène à
PTE (61°) = HA 19, 39 et
(61°) 48 mois
Edwards 2003 Rétrospectif 690 prothèses : 67,3 ans 43,3 PTE (12,9) Mobilité globale PTE = PTE > HA s 6 reprises
multi- 601 PTE ; (42–90) mois > HA PTE > HA s. HA HA pour
centrique 89 HA (24–110) (12,5) s Antépulsion : PTE PTE. Survie
> HA ds. Rext. PTE < HA
PTE > HA s (problème
des glènes
metal-back)
Orfaly 2003 Prospectif 65 prothèses : 63 ans 4,3 ans PTE > PTE = HA PTE > PTE > HA s 1 révision
non 37 PTE, (2–8) HA s HA s HA en PTE
randomisé 28 HA à 7 ans
J.-M. PHILIPPEAU, P. HARDY
Radnay 2007 Méta- 1952 66 ans 43,4 PTE (85,8) Antépulsion : PTE NR Patients satis- PTE (6,5 %)
et al. analyse de prothèses PTE : mois > HA (141,4°) > HA faits : PTE > HA
23 articles 65,9 ans (30– (77,6) s (124,9°) s. Gain (96,7 %) > (10,2 %
HA : 116,4) en antépulsion : HA (80,4 %) s dont 8,1 %
63,1 ans PTE (53,7°) > HA Patients totalisées)
(31°) s. Gain en mécontents :
rotation externe : PTE (3,3 %)
PTE (34,5°) > HA > HA
(25,2°) s. Rotation (19,6 %) s
externe postop.
PTE (42,7°) > HA
(42,1°) ns
Iannotti 2003 I-1 95 PTE ; 33 64 ans 46 mois PTE (14 ± NR NR PTE (15 ± 22) NR
et Norris HA, unique- (PTE) ; (24–87) 20) > HA > HA (18 ±
ment omarth- 66 ans (20 ± 24) s 24) ns
rose primitive (HA) s
Bryant 2005 Méta-ana- 112 pro- 68 ans 24 mois PTE > HA s Gain en antépul- PTE = PTE > HA s NR
et al. lyse de 4 thèses : sion : PTE > HA. HA
études ran- 62 PTE ; Rotation externe :
domisées 50 HA PTE = HA
(Garstsman,
Lo, Sandow,
Jonsson)
Lo et al. 2005 Prospectif 41 prothèses : PTE : 24 mois PTE > HA PTE > HA ns NR PTE > HA ns PTE > HA
randomisé 21 PTE, 20 HA 70,4 ans ns (4 reprises)
HA :
70,3 ans
Rispoli 2006 IV 60 HA, 59 ans 11,3 ans à 11, 3 ans : À 10,7 ans : NR 10 excellents 10 (17 %)
et al. 51 revues (37–83) 17 sans abduction = 134° réultats, révisions
douleur, (40–180) ; rota- 20 satisfaits ; à 7,6 ans
11 douleur tion externe : 49° 21 insatisfaits (2,3–14,3)
minime, (–5°–100) ; rota- en moyenne,
5 douleur tion interne : L2 pour
modérée (trochanter–T5) douleur
après effort, de glène.
9 douleur Survie :
modérée 95 % à
de repos, 5 ans, 86 %
7 douleur à 10 ans,
sévère 73 % à
15 et 20 ans.
Survie
< PTE
Pfahler 2006 IV 102 HA ; 418 63,9 ans 43 mois PTE (11,4) PTE (29,3) > HA PTE PTE (92,4 % 11,5 % révi-
et al. PTE pour (15–90) (24–110) > HA (24) s (7,8) satisfaits) > HA sions pour
omarthrose (12,5) s > HA (84,6 % satis- HA, 6,1 %
Hémiarthroplastie ou prothèse totale dans l’omarthrose primitive ?
Usure de la glène
Il s’agit d’un paramètre primordial quant au résultat
Figure 3. Hémiarthroplastie. de toute arthroplastie d’épaule. Nous avons retenu
Hémiarthroplastie ou prothèse totale dans l’omarthrose primitive ? 209
la classification de Walch et al. [42]. Cet élément Ainsi, le choix entre prothèse totale et hémiarthro-
pré- ou peropératoire est celui qui a orienté le choix plastie reste un choix « chirurgien-dépendant ». Il sera
entre hémiarthroplastie et prothèse totale de nom- d’autant plus en faveur des prothèses totales que le
breux chirurgiens dans les études rétrospectives nombre de prothèses posées par an augmente.
[15,23,24,29,33]. D’autres au contraire ont énoncé
clairement leur orientation chirurgicale en fonction de Alternatives techniques
ce paramètre. C’est le cas d’Orfaly et al. qui ont choisi
une prothèse totale d’épaule en cas d’usure de la glène, Certains auteurs, préoccupés par les échecs glénoïdiens
de glène rétroversée à plus de 15° ou d’excentration des prothèses totales, et devant les résultats satisfaisants
humérale [34]. Rispoli et al. ont retenu sensiblement la obtenus par une hémiarthroplastie, ont développé des
même indication d’une hémiarthroplastie en cas d’éro- artifices techniques dans le but d’améliorer les suites
sion concentrique de la glène [38]. des hémiarthroplasties. C’est ainsi que Matsen [12] a
Levine et al. ont insisté sur la corrélation négative décrit une nouvelle alternative de fraisage de la glène
entre usure postérieure de la glène et résultat de l’hé- associé à une prothèse humérale (« ream and run »).
miarthroplastie [26]. C’est également la conclusion Ils recommandent de pratiquer un fraisage concentri-
des travaux de Hettrich et al. et Wirth et al. qui ont que de la glène à un diamètre supérieur à celui de la
constaté un meilleur résultat des hémiarthroplasties en tête humérale prothétique. Ce geste supplémentaire a
l’absence d’érosion de la glène [22,43]. Une hémiarthro- pour but la prévention de l’instabilité prothétique et le
plastie reste légitime en cas d’usure concentrique de la développement d’un fibrocartilage glénoïdien afin de
glène (glène A1 ou A2) et en l’absence d’instabilité. ralentir l’usure de la glène. L’objectif final est d’obtenir
Gartsman et al. ont réalisé une étude randomisée entre des résultats cliniques identiques à ceux d’une prothèse
hémiarthroplastie et prothèse totale d’épaule unique- totale. Trente-cinq hémiarthroplasties associées à un
ment dans ces cas d’usures concentriques de la glène. fraisage de la glène ont été comparées à 35 prothèses
Ces conclusions ont été claires et le résultat postopéra- totales, au recul de plus de 2 ans, chez des patients d’âge
toire en termes de douleur (s), de mobilité (ns) et de satis- moyen 56 ans. Les résultats à 12, 18 et 24 mois de recul
faction (ns) sera inférieur, au prix d’un temps opératoire ont mis en évidence une supériorité des arthroplasties
plus long et d’un saignement supérieur (s) [18]. totales d’épaule, significative uniquement à 12 mois
Schématiquement, on peut considérer que cette situa- de recul [12]. Les auteurs réservent cette procédure
tion d’usure concentrique de la glène est celle où la aux patients jeunes. L’insuffisance de cette étude est
pose d’une prothèse totale aura les meilleurs résultats lié essentiellement au faible recul ne permettant pas de
et où une hémiarthroplastie aura les moins mauvais. juger d’une usure symptomatique de la glène, du nom-
L’étude de Lo et al. a randomisé hémiarthroplasties bre limité de patients et à son caractère non randomisé.
et prothèses totales quel que soit le type d’usure de Lynch et al. ont publié la même technique, à 2,7 ans
la glène, et a donc fait abstraction de ce paramètre de recul moyen (2–4), chez 38 malades d’âge moyen
dans l’interprétation des résultats [27]. Cette étude de 57 ans, avec également de bons résultats subjectifs,
regroupant 41 prothèses au faible recul de 24 mois a comparables aux prothèses totales [28].
retrouvé des scores de qualité de vie meilleurs pour la Krishnan et al. ont proposé la réalisation d’une
prothèse totale, sans que cette différence ait été signifi- hémiarthroplastie associée à une interposition biologi-
cative. En revanche, il a été noté près de 20 % d’échecs que entre pièce humérale prothétique et glène. Trente-six
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d’hémiarthroplastie dont deux reprises à court terme patients, dont 18 cas d’omarthroses primitives ont été
(12 et 18 mois). suivis au recul moyen de 84 mois (24–180). L’interface
biologique utilisée a été la capsule antérieure pour
« Effet centre » 7 malades, une bandelette iliotibiale pour 11, et des
allogreffes de tendons calcanéens pour les 18 autres.
Soixante-quinze pour cent des prothèses totales d’épaule L’âge moyen des patients était de 51 ans (30–75). Si les
sont posés par des chirurgiens qui n’en feront que deux scores de satisfaction étaient encourageants à 2 ans de
ou moins par an, alors que les résultats sont corrélés recul, les auteurs ont déploré plus de 15 % de complica-
avec le nombre de prothèses implantées par an, et à tions (6 malades), dont 2 infections, 3 instabilités, et une
l’expérience du chirurgien [5,24]. Jain et al. ont éga- atteinte plexique [25]. Les plus mauvais résultats ont été
lement démontré que plus le nombre global d’arthro- obtenus lors de l’interposition de la capsule antérieure.
plastie d’épaule augmente par an ou par hôpital, plus Bailie et al. ont publié récemment une série pros-
le nombre d’indications de prothès es totales dépasse pective de 36 « prothèses de resurfaçage », à 38 mois
celles d’hémiarthroplasties. de recul moyen (24–60), chez des patients dont l’âge
210 J.-M. PHILIPPEAU, P. HARDY
moyen est encore inférieur (42,3 ans [28–54]) [2]. satisfaction. La survie des hémiarthroplasties est infé-
L’omarthrose primitive a cependant rarement été une rieure à celle des prothèses totales, en raison d’une usure
indication dans leur étude. Seul un malade a été totalisé symptomatique de la glène, d’apparition rapide. Les lise-
à 24 mois pour douleurs persistantes. Leurs résultats rés périglénoïdiens restent souvent asymptomatiques et
sont prometteurs mais nécessitent un recul supérieur, ne sont pas responsables des échecs précoces des prothè-
et une comparaison aux prothèses classiques. ses totales. La prothèse glénoïdienne idéale n’existe pas.
La recherche doit se poursuivre afin d’améliorer le scel-
Conclusion lement et la résistance à l’usure plutôt que de développer
des alternatives au resurfaçage non prothétique.
L’analyse critique de la littérature permet de conclure Le jeune âge, le coût et le taux d’usure glénoïdien
qu’une prothèse totale d’épaule constitue la meilleure ne sont pas non plus des éléments en défaveur d’une
indication dans le traitement de l’omarthrose primitive prothèse totale. Les indications de l’hémiarthroplastie
à condition que le stock osseux permette l’implanta- sont les usures concentriques de glène du patient âgé,
tion d’un implant glénoïdien. aux besoins fonctionnels modérés. Ailleurs, l’indication
La revue de la littérature permet d’affirmer que le d’hémiarthroplastie dans l’omarthrose primitive ne vit
résultat clinique d’une prothèse totale est significative- que des impossibilités techniques locales à la pose d’un
ment meilleur en termes de douleur, de mobilités et de implant glénoïdien.
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212 L. NOVÉ-JOSSERAND
L. NOVÉ-JOSSERAND
RÉSUMÉ SUMMARY
L’ostéonécrose avasculaire est une indication peu fréquente mais Humeral avascular osteonecrosis is a « classic » but not fre-
classique de la prothèse d’épaule. Le stade V de la classification de quent indication for shoulder arthroplasty. According to the
Cruess (arthrose secondaire) relève de la prothèse totale. Dans les Cruess classification, stage V (secondary osteoarthritis) is rele-
autres stades, la prothèse humérale, voire la prothèse de resurfa- vant to total arthroplasty. In other stages, hemiarthroplasty,
çage, est indiquée sauf dans le stade IV (perte de la sphéricité de or even humeral head resurfacing, is indicated except for
la tête humérale) où les résultats ne montrent pas de différence the stage IV (loss of sphericity of the humeral head) because
entre prothèse humérale et totale. La rupture de la coiffe des results show no difference between hemi and total arthro-
rotateurs est un facteur péjoratif de la prothèse humérale avec plasty. Rotator cuff tear is a pejorative factor for the results
survenue secondaire d’un pincement gléno-huméral. L’existence of hemiarthroplasty, responsible of an evolution to secondary
d’un collapsus osseux massif responsable d’une médialisation glenohumeral narrowing. Massive bone collapse associated to
de l’humérus est aussi un facteur de mauvais pronostic. Devant medialization of the humerus is a factor of poor prognostic. In
cette forme sévère chez la personne âgée, l’indication de prothèse such a case, indication of total reverse prosthesis is required
totale inversée s’impose. L’ostéonécrose post-radique représente for older patients. In case of post-radiation osteonecrosis, indi-
une entité particulière et une indication prothétique très discutée cation of arthroplasty is debatable considering the high rate of
compte tenu du taux élevé de complications graves (25 %) severe complications (25%).
Mots clés : Ostéonécrose avasculaire. – Rupture de la coiffe des Key words: Avascular osteonecrosis. – Rotator cuff tears. – Bone
rotateurs. – Collapsus osseux. – Nécrose post-radique. collapse. – Post-radiation necrosis.
prend une forme triangulaire avec une base périphéri- sés, échappant à la description classique de Cruess. Une
que où se situe la fracture sous-chondrale irréversible. rupture de coiffe, partielle ou transfixiante, était asso-
Le stade 4 correspond à la perte de la sphéricité humé- ciée dans 19 cas. La voie d’abord a été deltopectorale
rale par effondrement de l’os chondral. L’importance dans tous les cas sauf un. L’arthroplastie a été totale dans
de l’effondrement est variable en fonction de la qualité 26 cas (33 %) et humérale dans 54 cas (67 %). Les rup-
osseuse de la tête humérale. Majeur, il peut s’agir d’un véri- tures de coiffe ont été réparées lors de l’intervention.
table collapsus osseux déstabilisant l’articulation glénohu-
mérale avec la médialisation significative de l’humérus. Résultats
Une ostéoporose locale et un âge avancé sont des facteurs
favorisant la survenue d’un collapsus osseux huméral. Le recul moyen est de 47 mois ± 21. Du point de vue
Le stade 5 correspond à une arthrose secondaire des complications, on note deux complications neuro-
conséquence de la dégradation articulaire glénohumé- logiques régressives (musculocutané). Aucun sepsis n’est
rale. La clinique associe alors douleurs et enraidisse- à déplorer. Il y a eu trois reprises chirurgicales (deux
ment articulaire. totalisations, l’une pour érosion glénoïdienne, l’autre
214 L. NOVÉ-JOSSERAND
Figure 2. A. La fracture sous-chondrale et l’effondrement osseux surviennent de façon habituelle dans la zone de la tête humérale
où les contraintes glénohumérales sont les plus élevées, en particulier à 90° d’abduction. Cet aspect caractéristique ménage une
zone saine persistante au contact du col anatomique postérosupérieur. B. Collapsus osseux majeur ayant pour conséquence la
médialisation de l’humérale. On reconnaît au sommet de la tête humérale (flèche) la persistance d’un segment osseux postérosu-
périeur caractéristique de l’ostéonécrose avasculaire.
pour une rupture du sous-scapulaire, et un débridement Les patients en activité professionnelle ont repris leurs
sous-arthroscopique avec ténotomie du biceps). activités dans les mêmes conditions dans 60 % des cas et
Sur le plan subjectif, le résultat était jugé très satisfai- sur un poste aménagé dans 24 % des cas. Il n’existe pas de
sant et satisfaisant dans 96 % des cas et décevant dans différence entre prothèse totale (score de Constant 68 ± 15
4 % des cas. Le score de Constant [3] s’améliorait de et 90 % ± 19) et prothèse humérale (score de Constant
façon significative en postopératoire (tableau 1). Les 71 ± 51 et 87 % ± 16) sur la population globale.
mobilités augmentaient dans tous les secteurs de façon À la révision, le stade de nécrose préopératoire n’in-
significative (tableau 2). fluençait pas le résultat. L’analyse en fonction du type
Tableau 1
Résultats des prothèses d’épaule anatomiques dans l’ostéonécrose avasculaire (score de Constant et mobilités)
Préopératoire Postopératoire
Mobilité/40 15 ± 9 31,6 ± 7
Tableau 2
Résultats de la chirurgie prothétique en fonction de l’existence d’une médialisation humérale ou non
de prothèse utilisée permettait quelques nuances. Au disposant déterminant dans la survenue du pincement
stade 5, les résultats sont significativement améliorés glénohuméral. En l’absence de complication ou de fac-
avec une prothèse totale. L’hémiarthroplastie donne teurs péjoratifs, le résultat est stable dans le temps tant
de meilleurs résultats dans les stades 2 et 3. En ce qui sur le plan clinique que radiologique (figure 3).
concerne le stade 4, il n’existe pas de différence entre
prothèse humérale et prothèse totale. Lésions de la coiffe des rotateurs
Les patients les plus jeunes, moins de 50 ans, obtien-
nent un meilleur résultat global, sauf pour la douleur L’existence d’une rupture de coiffe des rotateurs, com-
[17]. Cette différence n’est cependant pas retrouvée plication rapportée après chirurgie prothétique dans
lorsque l’analyse se fait en terme de gain. Ces résul- cette étiologie [2,12], est un facteur péjoratif non
tats confortent ceux de la littérature avec obtention de spécifique de l’ostéonécrose articulaire. Elle prend
résultats très satisfaisants sur la douleur mais moindre cependant une importance significative dans le cas des
sur le plan fonctionnel [2,9,14,16]. prothèses humérale simples.
Sur le plan radiographique, on note 11 % de liserés
huméraux dont deux complets, facteur péjoratif sur
le résultat (p = 0,001) (score de Constant 72 ± 15 ver- Collapsus osseux et médialisation
sus 58 ± 12). Au niveau glénoïdien, on note 43 % de de la tête humérale
liserés, dont deux seulement sont évolutifs. L’existence
d’un liseré glénoïdien n’avait pas d’influence sur le Dans les stades 4 et 5, l’effondrement osseux huméral
résultat clinique. peut être important, allant jusqu’au collapsus complet
Facteurs pronostiques
Érosion de la glène
Le résultat de la prothèse humérale diminue avec l’ag-
gravation du stade de nécrose tant sur les paramètres
subjectifs qu’objectifs (p < 0,05). L’âge n’influence pas
le résultat. Au stade 4, l’existence d’un ostéophyte
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de la tête humérale. En fonction de sa taille, cet effon- ces résultats du groupe 2. En effet, la restauration de
drement osseux peut être responsable d’une médiali- la latéralisation humérale peut être responsable d’une
sation humérale secondaire voire d’une impaction de rupture de la coiffe préalablement rétractée. La mobi-
l’humérus sur la glène. Il s’agit d’une forme évolutive lité réduite, l’absence de récupération de la force et la
particulière dont l’influence sur le résultat est péjora- survenue de glénoïdites secondaires vont dans ce sens.
tive. Nous avons comparé les résultats en fonction du La mise en place d’une prothèse totale permet d’amé-
caractère déstabilisant ou non du collapsus osseux sur liorer le résultat, mais ne semble pas éviter l’apparition
les rapports glénohuméraux. Dans le groupe 1, l’effon- d’une rupture de coiffe secondaire.
drement osseux avéré ne déstabilisait pas l’articulation L’existence d’un collapsus avec impaction humérale
glénohumérale qui conservait des rapports anatomi- contre la glène par médialisation humérale est un fac-
ques quel que fût l’état de l’interligne glénohuméral teur pronostique péjoratif indépendant du stade de
(figure 4). Il y avait 21 épaules opérées par prothèse nécrose selon la classification de Cruess. La médialisa-
humérale dans 12 cas et par prothèse totale dans 7 cas. tion humérale est la conséquence d’une nécrose mas-
La moyenne d’âge au moment de l’intervention était de sive avec une évolution rapide. La mise en place d’une
47 ans (26–77) et le score de Constant préopératoire prothèse d’épaule, qu’elle soit humérale ou totale,
était de 29 ± 13. Dans le groupe 2, l’effondrement voire peut s’accompagner de ruptures de coiffe secondai-
le collapsus osseux était responsable d’une médialisa- res par restauration de la latéralisation normale de
tion de l’humérus avec impaction de la tête humérale l’humérus. Ces ruptures de coiffe sont génératrices
sur la glène (figure 5). Il y avait 14 épaules opérées par de résultats décevants, en particulier avec prothèse
prothèses humérales dans 6 cas et par prothèses totales humérale simple.
dans 8 cas. La moyenne d’âge au moment de l’inter-
vention était de 70 ans (51–84) et le score de Constant
préopératoire était de 18,5 ± 10. Les deux groupes Formes radiocliniques
s’opposent de façon significative par la moyenne d’âge particulières
et la présentation clinique pré-opératoire (p < 0,05). En
postopératoire, les résultats du groupe 2 sont significa- Nécroses massives et rapides
tivement inférieurs au groupe 1 (tableau 2). du sujet âgé
Dans le groupe 2 avec médialisation humérale, les
résultats de la prothèse humérale sont significative- L’ensemble de notre série permet d’identifier une
ment inférieurs (score de Constant 51 ± 20 versus forme radioclinique particulière caractéristique chez
76 ± 11). On observe un pincement glénohuméral la personne âgée [17]. Dans ce cadre, l’ostéonécrose
secondaire dans 83 % des cas contre 18 % dans le est volontiers massive, responsable d’une épaule dou-
groupe 1. La survenue d’une rupture de coiffe secon- loureuse aiguë avec impotence fonctionnelle majeure,
daire est l’hypothèse la plus probable pour expliquer sans qu’une cause particulière soit retrouvée sur le
A B
Figure 4. Groupe 1 : ostéonécrose évoluée avec effondrement osseux majeur. Malgré l’effondrement épiphysaire, les rapports arti-
culaires glénohuméraux sont conservés et il n’y a pas de médialisation humérale.
Résultats des prothèses anatomique et inversée dans l’ostéonécrose avasculaire 217
Figure 6. A. Radiographie normale. B. Apparition d’une nécrose massive et rapide avec collapsus majeur responsable d’une médiali-
sation et d’une ascension de l’humérus. C. La prothèse humérale est ascensionnée avec pincement de l’espace sous-acromial témoin
d’une rupture de coiffe. Il existe également un pincement articulaire glénohuméral.
218 L. NOVÉ-JOSSERAND
Tableau 3
Résultats de la prothèse anatomique dans la forme particulière de l’ostéonécrose rapide et massive du sujet âgé
locale ou régionale [10]. La série comportait 13 fem- résultats sont émaillés de complications sévères (36 %)
mes et 1 homme. L’âge moyen au moment de l’in- nécessitant l’explantation secondaire de la prothèse
tervention était de 63 ans (40 à 76 ans). Toutes les dans 4 cas (28 %). Trois fois sur quatre, il s’agissait
patientes avaient été traitées pour une néoplasie mam- d’une infection secondaire. Les résultats des 10 pro-
maire homolatérale avec irradiation complémentaire. thèses en place restent décevants au recul de 3 ans.
Le délai moyen entre la radiothérapie et l’intervention Alors que le résultat objectif est médiocre du fait de la
était de 16,7 ans (2 à 31 ans). Le patient masculin raideur persistante, 80 % des patients se disent néan-
avait été traité pour une maladie de Hodgkin avec irra- moins « satisfaits » ou « très satisfaits » (tableau 4).
diation complémentaire 22 ans auparavant. Le tableau Les nécroses humérales après irradiation forment
clinique associait une douleur intense à une impotence une entité tout à fait particulière. Les patients doivent
fonctionnelle majeure. D’un point de vue radiologique, être informés du risque élevé de complications infec-
la nécrose n’apparaît pas caractéristique. Elle concerne tieuses. L’indication opératoire doit être mûrement
le plus souvent l’ensemble de l’extrémité supérieure réfléchie [10,14], même si les patients s’estiment amé-
de l’humérus, voire la glène. Il existait un pincement liorés malgré une fonction articulaire très limitée.
glénohuméral dans 78 % des cas, évoquant dans près
de la moitié des cas un aspect d’arthrite plutôt que de Conclusion
nécrose (figure 7). Dans un tiers des cas, l’interven-
tion a été jugée difficile sur le plan technique compte L’ostéonécrose avasculaire aseptique de l’adulte peut
tenu des modifications tissulaires périarticulaires. Les survenir à tout âge. La classification de Cruess permet
Figure 7. Exemple d’ostéonécroses postradiques. Dans le premier cas, l’aspect est évocateur d’une arthrite. A. Dans le second cas, la
nécrose est régionale, concernant également la glène. B. Cet aspect laisse présager des difficultés opératoires.
Résultats des prothèses anatomique et inversée dans l’ostéonécrose avasculaire 219
Tableau 4
Résultats de la prothèse anatomique dans l’ostéonécrose radique
de définir différents stades évolutifs. En fonction de Le stade 5 nécessite la mise en place d’une prothèse
ces stades, l’indication de la prothèse humérale ou de totale d’épaule qui permet d’obtenir de meilleurs résul-
la prothèse totale est portée. tats tant sur le plan de la douleur que fonctionnel.
La décompression osseuse chirurgicale associée ou L’existence d’une rupture de coiffe est un facteur
non à une greffe spongieuse représente l’alternative péjoratif de façon non spécifique qui prend toute son
à la chirurgie prothétique [11,15]. Cette indication importance en cas prothèse humérale. La rupture de
est réservée aux stades 1 à 3 de façon habituelle. Le coiffe augmente le risque de survenue secondaire de
remplacement prothétique est indiqué dans les stades pincements glénohuméraux responsables d’épaule dou-
4 et 5. Néanmoins, l’indication de prothèse humérale loureuse et enraidie, nécessitant parfois la totalisation
peut se discuter dans certains cas particuliers devant de la prothèse.
un stade 3 voire 2 hyperalgique résistant au traitement L’observation d’un collapsus majeur avec impaction
médical chez des personnes déjà âgées. L’objectif est de et médialisation humérale doit également faire récuser
proposer un traitement radical et d’éviter l’évolution la prothèse anatomique au profit d’une prothèse totale
vers le collapsus majeur. inversée chez la personne âgée. L’observation d’une
En ce qui concerne le stade 4, les études ne permettent médialisation humérale chez une personne plus jeune
pas de différencier, en termes de résultats, les prothè- doit faire rester prudent quant à l’indication de prothèse :
ses humérales et totales. La prothèse humérale semble le risque de survenue d’une rupture secondaire de la
le plus logique en particulier chez les patients les plus coiffe des rotateurs est élevé, avec un résultat décevant.
jeunes. Néanmoins, l’aspect du cartilage glénoïdien Enfin, la nécrose humérale postradique représente
peut être un facteur décisionnel en peropératoire. Les une indication risquée de chirurgie prothétique du fait
résultats sont stables dans le temps (figure 3). du risque infectieux important.
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Épaule rhumatoïde :
prothèse anatomique
ou prothèse inversée ?
Rhumatoid arthritis: non constrained
or reverse prosthesis?
C. LÉVIGNE
RÉSUMÉ SUMMARY
L’arthrite rhumatoïde de l’épaule comporte une destruction des Rheumatoid arthritis of the shoulder includes destruction of gle-
surfaces articulaires glénohumérales et de la coiffe des rotateurs nohumeral articular surfaces and the rotator cuff, with variable
dans un délai et à une vitesse variable selon la forme évolutive. delay and velocity according to the evolutive pattern. Radiographic
Quelle que soit la forme radiographique, le pincement complet de complete narrowing of the glenohumeral joint space is the signal
l’interligne glénohuméral constitue le signal pour la mise en place to consider shoulder arthroplasty. Retrospective analysis of the
d’une prothèse d’épaule. L’analyse rétrospective des résultats des results of arthroplasties of the Aequalis group shows, as well
prothèses du groupe Aequalis montre, comme la plupart des séries as most of the series of the literature, that nonconstrained
de la littérature, qu’un remplacement des deux surfaces articu- total arthroplasty permits to achieve better clinical results than
laires par une prothèse totale « anatomique » permet d’atteindre hemiarthroplasty unless the cuff is ruptured. If there is a com-
les meilleurs résultats fonctionnels, à condition que la coiffe soit plete rotator cuff tear, the choise be a hemiarthroplasty, with
étanche. En cas de rupture transfixiante de la coiffe, notre choix limited functional goals and acceptation of a mid-term glenoid
se discute entre l’hémiarthroplastie, dont l’objectif est seulement erosion, or a reverse arthroplasty that we reserve currently to
antalgique et l’évolution marquée par une érosion glénoïdienne, patients over 70 years. In case of associated glenoid destruction,
et la prothèse inversée que nous réservons aux patients de plus a corticocancelous autograft may be combined to either option.
de 70 ans. En cas de destruction glénoïdienne associée, une auto-
greffe peut être combinée avec l’une ou l’autre des options.
Key words: Rheumatoid arthritis. – Radiographic classification.
– Total shoulder arthroplasty. – Hemiathroplasty. – Reverse
Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde. – Classification radiographi- prosthesis.
que. – Prothèse totale d’épaule. – Hémiarthroplastie. – Prothèse
inversée.
d’une prothèse plus contrainte peut légitimement être bilité (3 antérieures, 2 postérieures), 3 cas de raideur,
discuté. Dans les années 1970–1980, de nombreux 3 cas d’infection et 2 cas de fracture de la diaphyse
modèles de prothèses « contraintes » ont conduit à des humérale en dessous de la prothèse. Deux cas de dou-
échecs précoces du fait de descellements glénoïdiens leurs persistantes ont motivé une reprise chirurgicale.
[27]. En 1987, Grammont a proposé un modèle de
prothèse inversée semi-contrainte, se distinguant des Résultats fonctionnels
précédents par une médialisation du centre de rotation
de l’épaule et un abaissement de l’humérus, ayant pour Les résultats fonctionnels ont été évalués sur 168 cas
effet d’augmenter le bras de levier du deltoïde et de revus avec un recul minimum de 2 ans ; 90 % des
diminuer les contraintes sur l’implant glénoïdien [11]. patients se disaient améliorés ou très améliorés. Le
L’utilisation de la prothèse inversée de Grammont dans score de Constant passait de 26 à 56 points, l’élévation
les arthroses avec rupture massive de la coiffe (« omarth- active de 79° à 120°, la rotation externe active de 15° à
roses excentrées ») est maintenant répandue pour les 39° ; la rotation interne permettait d’atteindre L3 dans
patients de plus de 70 ans, et les résultats fonctionnels à 67 % des cas. Le résultat est significativement affecté
moyen terme sont encourageants [3,5,12,30,36,38]. Les par les ruptures étendues à l’infraépineux (p = 0,007),
résultats des prothèses inversées se sont révélés meilleurs l’infiltration graisseuse du muscle infraépineux de stade
que ceux des hémiarthroplasties pour cette étiologie [8]. 3 ou 4 dans la classification de Goutallier (p < 0,0001),
Leur implantation dans la polyarthrite rhumatoïde a été et lorsque la distance acromiohumérale préopératoire
beaucoup plus rare, notamment du fait des craintes liées mesurée sur le cliché de face en rotation neutre est
à la fragilité de l’os rhumatoïde [28,39]. inférieure ou égale à 3 mm (p = 0,01) (figure 1).
Il était intéressant de comparer les résultats de ces Il était intéressant de comparer prothèse totale et
trois types d’implants (hémiarthroplasties, prothèse hémiarthroplastie (tableau 1). Le résultat clinique jugé
totales ou prothèses inversées dans cette étiologie. sur le score de Constant et l’élévation active est signifi-
Nous nous sommes appuyés sur l’analyse comparée de cativement meilleur avec la prothèse totale si le recul est
la littérature et sur deux séries multicentriques rétros- inférieur à 3 ans. Entre 3 et 5 ans, le résultat est égale-
pectives que nous avons menées, afin de préciser nos ment meilleur avec la prothèse totale, mais la différence
choix thérapeutiques actuels [1,17]. n’est pas significative. Après 5 ans, le résultat obtenu
dans notre série dans les deux méthodes est très compa-
rable (tableau 2). Le score de Constant a une tendance
Résultats des prothèses (non significative) à se dégrader au fil du temps avec
anatomiques la prothèse totale, alors que le résultat des hémiarthro-
plasties est stable dans le temps dans notre étude.
Notre expérience repose sur un travail du groupe La comparaison des deux méthodes selon l’état de
Aequalis à propos d’une série multicentrique et rétros- la coiffe des rotateurs est également intéressante : si la
pective de 179 prothèses anatomiques implantées pour coiffe n’est pas rompue ou si la rupture ne concerne
polyarthrite rhumatoïde, soit 9,7 % des 1842 cas de
la série globale des prothèses de première intention.
Il s’agissait de prothèses totales dans 131 cas et d’hé-
miarthroplasties dans 48 cas [1].
Tableau 1
Résultats comparatifs de l’hémiarthroplasties et des prothèses totales anatomiques dans l’arthrite rhumatoïde
Nombre 124 44
Âge (ans) 55 58 NS
Douleur préopératoire 3 3
Douleur postopératoire 12 12
Activité préopératoire 7 7
Activité postopératoire 14 14
Tableau 2
Résultat comparé des prothèses totales et des hémiarthroplasties en fonction du recul
que le supraépineux, les résultats sont équivalents avec qui n’avaient pas été scellées. Un liseré autour de l’im-
les deux méthodes (tableau 3). Lorsque la rupture est plant huméral a été observé dans 15 % des cas, com-
étendue à l’infraépineux, le résultat est plutôt meilleur plet dans 5 %, partiel dans 10 % des cas.
avec l’hémiarthroplastie qu’avec la prothèse totale. Les Concernant le versant glénoïdien, nous n’avons pas
échantillons sont cependant trop faibles pour établir des observé d’érosion glénoïdienne avec les hémiarthroplas-
corrélations. La réparation de la coiffe des rotateurs ties au recul moyen de 41 mois. En revanche, la série
(7 cas sur 29), n’a pas permis d’obtenir un meilleur résul- des prothèses totales montrait 5 % d’implants glénoï-
tat, l’élévation active étant même significativement moins diens descellés (changement de position sur deux radio-
bonne après réparation qu’en l’absence de réparation. graphies d’incidence comparable). Sur les implants non
descellés, un liseré glénoïdien était visible dans 70 %
Résultats radiographiques des cas, évolutif une fois sur deux sur des clichés consé-
cutifs. Nous l’avons mesuré selon le « score liseré »
Concernant l’implant huméral, 3 cas ont présenté une défini par Molé [25] (figure 2). Le score liseré est sta-
migration par enfoncement et il s’agit de 3 des 5 tiges ble jusqu’à 5 ans, mais augmente de façon significative
224 C. LÉVIGNE
Tableau 3
Résultat comparé des prothèses totales et des hémiarthroplasties selon l’état de la coiffe des rotateurs
Épaisseur < 1 mm
1−2 mm > 2 mm TOTAL
liseré
^
zone = 1 pt = 2 pts = 3 pts = RLL score
1
1
2 2
6 3
3
5 4
4
Figure 2. Score liseré : l’interface entre l’implant glénoïdien et l’os est divisé en 6 zones. Chaque zone peut compter de 0 à 3 points
pour un score maximal de 18 points. Un liseré de 1 mm vaut 1 point ; 1 à 2 mm : 2 points ; > 2 mm : 3 points.
après 5 ans de recul (p = 0,003). À partir de 12 points, – Des résultats cliniques sont inférieurs à ceux de
le score liseré a une corrélation négative avec le score l’omarthrose primitive [2,20,23,32,33,35]. Ils res-
de Constant (p = 0,004) et l’élévation active (p = 0,04) tent satisfaisants au recul de 2 à 8 ans, avec 90 % de
(tableau 4). Nous n’avons pas observé d’influence de patients améliorés ou très améliorés.
l’état de la coiffe sur le liseré glénoïdien. – Il existe un taux important de complications et de repri-
La distance acromiohumérale passe de 6,6 mm en ses [14,33]. La fréquence des fractures peropératoires doit
moyenne préopératoire à 6 mm au recul de notre série. Il inciter à une grande prudence, particulièrement lors de la
y a donc une tendance à l’ascension de la tête humérale, préparation humérale. Elles n’altèrent pas le résultat final
mais elle n’est significative sur la série entière qu’après si elles sont traitées dans le même temps. En revanche,
Tableau 4
Score de Constant et élévation antérieure active (EAA) selon le score liseré
Score liseré 0–5 Score liseré 6–11 Score liseré 12–18 Migration
n = 71 n = 31 n = 14 n=6
Constant (points) 61 62 44 44
culièrement celui des prothèses totales. Dans cette situa- (5,6 %). Il recommande au terme de l’analyse de sa
tion, le résultat des hémiarthroplasties est sensiblement série de 282 cas la mise en place d’une prothèse totale
meilleur que celui des prothèses totales. Contrairement par rapport à une hémiarthroplastie lorsque la coiffe
aux observations de Rozing, la réparation de la rupture est étanche ou fine [33].
n’améliore pas le résultat fonctionnel dans notre série
[29].
– La tendance à l’ascension de la tête humérale [31,32] Résultats des prothèses inversées
n’est significative sur l’ensemble de notre série qu’après
5 ans d’évolution, plus tôt si la rupture est étendue aux Il s’agit d’une série rétrospective de 9 patients (9 épau-
supra- et infraépineux. les), représentant 2 % d’une série multicentrique de 457
– Il existe un scellement glénoïdien précaire [32–34]. prothèses inversées consécutives mises en place dans
Nous avons observé un taux important de liserés radio- 5 centres spécialisés au cours de la même période [17].
graphiques et 32 % des implants glénoïdiens sont consi- L’âge moyen était de 74 ans (68–89), le score de Cons-
dérés comme descellés (score liseré ≥ 12 ou migration). tant préopératoire de 22 points (4–43). Il s’agissait
C’est un peu moins que Sojbjerg (42 %) qui a cependant d’arthrite rhumatoïde évoluée (cinq Larsen 4, quatre
un recul plus long (92 mois) sur une série de 62 prothè- Larsen 5). Tous présentaient une rupture transfixiante
ses totales. Il attribue ces descellements glénoïdiens à de la coiffe, concernant 8 fois les supraépineux et infra-
l’ascension de la tête humérale selon le mécanisme de épineux, 1 fois le supraépineux seul.
bascule décrit par Franklin et al. sans établir de lien sta-
tistique [9]. Nous n’avons pas non plus établi ce lien Complications et reprises
statistique avec le score liseré. Nous avons par ailleurs
observé que le liseré s’aggravait de façon significative Trois complications sont à déplorer. Une infection est
après 5 ans et qu’il devenait symptomatique lorsque le survenue 4 mois après l’intervention initiale (consécu-
score liseré était supérieur à 12 points. tivement à une première reprise pour dévissage de la
Le cap des 5 ans semble être un délai minimal pour sphère glénoïdienne) et persistait au dernier recul mal-
juger objectivement des résultats de la prothèse non gré deux interventions de nettoyage sans ablation de la
contrainte dans la polyarthrite, car il correspond à une prothèse. Deux fractures de l’acromion ont été identi-
dégradation significative des résultats clinique et/ou fiées 3 mois après l’intervention : il s’agissait en réalité
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Sur le plan subjectif, le seul patient mécontent cor- sons. Il s’agit souvent de patients plus jeunes que dans
respond à l’infection persistante ; les deux patients l’arthrose qui présentent parfois très tôt une altération
décédés avant 2 ans (3 mois et 15 mois) étaient satis- sévère de la coiffe des rotateurs et/ou de la glène. Par
faits du résultat avant leur décès. ailleurs, la fragilité de l’os rhumatoïde fait craindre
Compte tenu du faible nombre de patients, aucune une augmentation des risques de descellement glé-
corrélation n’a pu être recherchée. noïdien et de fracture de l’acromion. Enfin, le risque
septique chez ces patients souvent immunodéprimés
Résultats radiographiques est considéré comme plus élevé qu’avec les prothèses
anatomiques.
Les résultats radiographiques ont été jugés sur 8 cas Notre série est courte, mais elle est assez rassurante
après inclusion du cas décédé à 15 mois postopéra- sur la qualité de l’amélioration fonctionnelle avec la
toires. Le recul radiographique moyen est de 41 mois prothèse inversée. Sur des patients comparables (rup-
(14–95). Concernant l’implant huméral, un liseré ture transfixiante de la coiffe), le score de Constant et
incomplet proximal entre le ciment et l’os était visi- l’EAA (élévation antérieure active) ne sont pas signifi-
ble dans 3 cas. Concernant l’implant glénoïdien, le cativement différents entre prothèse totale anatomique,
seul cas de liseré autour des vis correspond au cas hémiarthroplastie et prothèse inversée (respectivement
septique. Aucune migration ou bascule n’a été notée. 51 points, 49 points, 52 points et 106°, 110°, 98°). En
Cinq cas présentent des signes de conflit entre le bord revanche, les rotations interne et externe sont moins
médial de la cupule humérale et l’omoplate : 2 fois améliorées avec la prothèse inversée. Les deux seules
une encoche et une usure du filetage de la vis infé- séries publiées montrent des résultats fonctionnels
rieure, 2 fois une encoche isolée, et 1 fois une usure comparables [28,39].
isolée du filetage de la vis inférieure. Deux cas déjà Dans notre série, les deux mobilisations postopératoi-
signalés présentaient une bascule d’un fragment acro- res de l’acromion n’ont pas eu d’incidence sur le résultat
mial sans répercussion clinique (figure 3). final, mais il ne s’agissait pas de réelles fractures postopé-
ratoires (un acromion bipartita et une fracture de fatigue
préopératoire) ; cette bonne tolérance est en accord avec
Discussion et comparaison Rittmeister et Kerschbaumer [28] et Woodruff et al. [39].
avec la littérature En revanche, ces deux auteurs insistent sur le risque
de descellement glénoïdien qui n’a pas été constaté
L’utilisation de la prothèse inversée dans la polyarth- sur notre série. Le seul fait marquant de notre série
rite rhumatoïde reste controversée pour plusieurs rai- concerne le risque de conflit entre la cupule humérale
Figure 3. A. Usure glénoïdienne préopératoire prédominant à la partie supérieure de la glène (forme ascendante). B. L’implant
glénoïdien a été positionné en position de tilt supérieur, favorisant un conflit de la partie médiale de la cupule humérale avec le
versant glénoïdien (usure de la cupule et du filetage de la vis inférieure de fixation glénoïdienne). Noter la bascule inférieure de
l’acromion après prothèse inversée.
Épaule rhumatoïde : prothèse anatomique ou prothèse inversée ? 227
Indications thérapeutiques
À quel moment parler Figure 4. Classification radiographique CAD en trois formes :
de la prothèse ? centrée, ascendante, destructrice. Chaque forme présente deux
stades en fonction de l’usure glénoïdienne.
Dès qu’il y a un pincement de l’interligne glénohu-
méral, la prothèse d’épaule doit être discutée dans la
polyarthrite rhumatoïde, car l’évolution peut ensuite agressivité plus importante de la maladie, à la fois sur
être beaucoup plus rapide que dans l’omarthrose. les surfaces articulaires et sur la coiffe. La prothèse
Neer avait insisté sur ce point dès 1982 et il n’a jamais totale doit être envisagée avant une destruction de la
été démenti [14,23,37]. En revanche, l’urgence de l’in- glène qui compromettrait un scellement optimal de la
dication nous paraît peut-être différente d’un sujet à glène.
l’autre, car l’agressivité de la maladie sur la coiffe et les
surfaces articulaires est variable. Neer avait également Quel type de prothèse ?
souligné ce polymorphisme des épaules rhumatoïdes
en décrivant une forme sèche peu évolutive, une forme L’idéal serait de pouvoir recourir dans tous les cas à une
humide très agressive et une forme « résorptive » carac- prothèse totale anatomique, car c’est la méthode qui nous
térisée par une médialisation de la tête humérale [22]. a permis d’obtenir les meilleurs résultats à court et moyen
Ces formes ont une expression radiographique que terme, comme à la plupart des auteurs de la littérature.
nous avions essayé de concrétiser par une classification La prothèse totale est cependant significativement
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fondée sur l’aspect de la tête humérale et de son ascen- moins favorable que l’hémiarthroplastie dans deux
sion éventuelle analysés sur la radiographie de face situations : rupture transfixiante étendue aux supraépi-
(figure 4) [16,19]. La forme centrée (forme sèche de neux et infraépineux, et distance acromiohumérale infé-
Neer) se présente comme une arthrose avec une usure rieure ou égale à 3 mm. En outre, deux autres situations
concentrique de la glène. Ces formes sont enraidissan- apparaissent défavorables pour la prothèse totale, même
tes mais évoluent lentement, ce qui relativise l’urgence si nous n’avons pu le démontrer sur le plan statistique :
de la prothèse. La forme ascendante (resorptive form les ruptures transfixiantes du supraépineux et les usures
de Neer) se caractérise par un pincement polaire supé- sévères de la glène. Avec une rupture du supraépineux,
rieur suivi parfois très rapidement d’une usure de la les résultats des deux méthodes sont très comparables au
partie supérieure de la glène (figure 5). C’est la plus recul de 4 ans, mais on peut redouter une dégradation
fréquente et mieux vaut ne pas attendre pour une avec le temps, comme l’a souligné Sperling qui préco-
prothèse totale dès qu’il existe un pincement polaire nise l’hémiarthroplastie quelle que soit l’étendue de la
supérieur. La forme destructrice (forme humide de rupture de coiffe, après une comparaison des résultats
Neer) concerne des patients plus jeunes et traduit une avec 12 ans de recul moyen [33]. En cas de défaillance
228 C. LÉVIGNE
Figure 5. Évolution en 6 mois de la radiographie de face d’une forme ascendante. Noter le pincement de l’espace sous-acromial et
la dégradation rapide du pôle supérieur de la glène.
de la coiffe, l’hémiarthroplastie est donc la moins mau- le stock osseux. Hélas, l’intégration de la greffe est
vaise solution, sachant qu’elle se complique dans un délai très aléatoire avec un implant scellé [6,13,24,26]. La
variable d’une érosion glénoïdienne et d’une migration à solution d’une glène anatomique non cimentée (vissée)
terme de la tête dans l’angle spinoglénoïdien. Dans notre serait idéale pour assurer la fixation et la consolidation
expérience, cette évolution radiographique défavorable de la greffe, mais les implants adossés à une platine
se traduit par une élévation active limitée à l’horizontale, métallique (glène metal-back) ont conduit à de nom-
mais qui est relativement bien tolérée et acceptée par les breux échecs à moyen terme par déclipsage ou usure
patients, dans la mesure où les rotations sont un peu du polyéthylène et métallose secondaire [4,21]. Nous
mieux conservées (figure 6). n’avons pas l’expérience de combiner l’hémiarthroplas-
L’hémiarthroplastie peut aussi être le choix par défaut tie avec un resurfaçage « biologique » de la glène [15].
lorsque la glène est très détruite, même avec une coiffe Dans l’état actuel de nos implants, le choix d’une pro-
non défaillante, notamment dans les formes destructri- thèse inversée est tentant pour la qualité de sa fixation
ces du sujet jeune. Un implant glénoïdien serait pourtant glénoïdienne même si sa justification première était
plus logique, avec une greffe osseuse pour reconstituer de pallier les coiffes déficientes et non les problèmes
Figure 6. Évolution d’une hémiarthroplastie sur une forme A2. Malgré l’érosion glénoïdienne, l’élévation active est à l’horizontale.
Épaule rhumatoïde : prothèse anatomique ou prothèse inversée ? 229
Figure 7. Prothèse totale avec glène scellée, mise en place pour une forme ascendante A1. A. Radiographie postopératoire : la glène
est en position basse et en tilt supérieur. B. Radiographie à 13 ans de recul : la tête est montée et la glène a basculé.
de stock osseux. On manque cependant de recul pour – Forme ascendante (âge moyen 61 ans) :
proposer cette méthode à des patients de moins de • A1 : prothèse totale anatomique, car la coiffe est
70 ans, particulièrement dans la polyarthrite. Il nous en général encore fonctionnelle, en veillant à éviter
arrive alors de combiner l’hémiarthroplastie avec une de placer l’implant glénoïdien en position basse ou
autogreffe corticospongieuse impactée ou vissée pour en tilt supérieur (figure 7).
reconstituer le stock osseux et limiter l’érosion osseuse • A2 : avant 70 ans, nous évaluons la possibilité
secondaire. Nous ne pouvons cependant pas encore en de combiner une greffe corticospongieuse vis-
rapporter les résultats avec un recul suffisant. sée dans le défect glénoïdien supérieur avec une
Le choix de la prothèse n’est donc pas toujours sim- hémiarthroplastie. Sinon, nous optons par défaut
ple. Il n’est parfois qu’un choix par élimination avec un pour une hémiarthroplastie simple avec un objec-
objectif fonctionnel limité que le patient doit compren- tif antalgique. Au-delà de 70 ans, nous proposons
dre avant sa décision. Il doit intégrer l’état de la coiffe, une prothèse inversée avec greffe osseuse du pôle
l’état de la glène et le contexte général du patient. En supérieur de la glène (figure 8).
pratique, la classification radiographique CAD nous – Forme destructrice (âge moyen 47 ans) :
sert de base pour nos indications (figure 4). • D1 : prothèse totale anatomique ;
– Formes centrée (âge moyen 58 ans) : • D2 : hémiarthroplastie avec greffe corticospon-
• C1 : prothèse totale anatomique ; gieuse impactée. Dans cette forme, les patients
• C2 : hémiarthroplastie ou prothèse inversée selon sont généralement trop jeunes pour une prothèse
l’âge (seuil à 70 ans). inversée.
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Figure 8. Forme ascendante A2 traitée par une prothèse inversée combinée avec une greffe corticospongieuse du défect glénoï-
dien supérieur.
230 C. LÉVIGNE
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232 O. LEVY, S. COPELAND
O. LEVY, S. COPELAND
RÉSUMÉ SUMMARY
La prothèse de resurfaçage huméral sans ciment est différente des Cementless surface replacement arthroplasty (CSRA) of the shoul-
prothèses avec tige par beaucoup d’aspects. Son concept est de der differs in many aspects from the non-constrained stemmed
remplacer seulement les surfaces articulaires abîmées et de restau- shoulder prostheses. The design concept is replacement only of
rer l’anatomie normale avec le minimum de résection osseuse et une the damaged joint-bearing surfaces and restoration of normal
fixation prothétique sans tige et sans ciment. Entre 1986 et 2003, anatomy with minimal bone resection and stemless, cementless
nous avons implanté 340 prothèses de resurfaçage, dont 189 pour fixation. Between 1986 and 2003, 340 CSRA were implanted in
omarthrose primitive et 103 pour polyarthrite rhumatoïde, pour les- our institution, 189 for primary osteoarthritis and 103 for rheu-
quelles nous avons respectivement un recul de 7,1 ans (4–17,8 ans) matoid arthritis with mean follow-up period of 7.1 years (range,
et 8,6 ans (4–16,3 ans). Le score de Constant moyen a augmenté de 4 to 17.8 years) and 8.6 years (range, 4 to 16.3 years) respectively.
12,3 points en préopératoire à 65,5 points (94 % pondéré) au dernier The average Constant score improved from 12.3 points preopera-
recul pour l’omarthrose primitive. Les patients avec une polyarthrite tively to 65.5 points (94% age/sex adjusted) in the last follow-up
rhumatoïde ont obtenu des résultats plus modestes avec un score de for the osteoarthritis. The rheumatoid arthritis patients showed
Constant qui est passé de 8,8 points en préopératoire à 57,2 points slightly more modest improvement from 8.8 points preopera-
au dernier recul (78 % pondéré). L’élévation active moyenne a aug- tively to 57.2 points (78% age/sex adjusted). The mean range
menté de 69 à 121° dans le groupe « omarthrose primitive » et de of active elevation improved from 69 to 121° in the “osteoar-
54 à 104° dans le groupe « polyarthrite rhumatoïde ». Les patients thritis group” and from 54 to 104° in the “rheumatoid arthri-
dans les deux groupes ont témoigné d’un taux de satisfaction très tis” group. Both groups showed very high patient satisfaction
élevé. Il n’y avait pas de liserés autour de l’implant huméral recou- rate. No lucencies were found around the hydroxyapatite coated
vert d’hydroxyapatite (Mark™ III) au bout de 12 ans. L’analyse de (Mark™ III) humeral implants for more than 12 years. Kaplan-
survie selon Kaplan-Meier a montré un taux de survie de 99 % des Meier survivorship analysis showed 99% survivorship of humeral
prothèses de resurfaçage huméral sur une période de 11 ans et de surface arthroplasty (HSA) over 11 years and 82% survivorship of
82 % pour les prothèses de resufaçage de l’humérus et de la glène. humeral and glenoid surface arthroplasty (HGSA). A reoperation
Une réopération a été nécessaire chez 32 patients (9,2 %). was done in 32 patients (9.2%).
Mots clés : Prothèse d’épaule. – Sans ciment. – Resurfaçage. Key words: Shoulder replacement. – Cementless. – Resurfacing.
– Hydroxyapatite. – Hydroxyapatite.
pour être utilisé dans l’omarthrose primitive. Dans tes et à restaurer l’anatomie normale avec le minimum
les années 1980, l’idée de développer une prothèse de résection osseuse. Le but est d’être le plus proche
de resurfaçage pour les pathologies dégénératives de possible de l’anatomie normale en replaçant seule-
l’épaule a émergé. ment les surfaces articulaires détruites. Ce rempla-
cement prothétique se fait à l’aide d’un implant non
cimenté revêtu d’hydroxyapatite comportant un pivot
Concept des prothèses central ; il s’agit de permettre une fixation biologique
de resurfaçage avec repousse osseuse [5,7–9,13]. L’os retiré de la tête
humérale est utilisé pour greffer les defects osseux au
Les prothèses de resurfaçage huméral de l’épaule diffè- niveau de la tête humérale de façon à ce qu’aucun os ne
rent par différents aspects des prothèses non contrain- soit perdu. La prothèse de resurfaçage permet de res-
tes avec tige (figure 1A,B). Le concept consiste à taurer l’anatomie normale de l’humérus proximal, en
remplacer uniquement les surfaces articulaires détrui- particulier la rétroversion, l’inclinaison et le déport de
la surface articulaire, sans avoir besoin d’utiliser une
instrumentation complexe ou sophistiquée [2,7,16].
Ce type de prothèse offre au chirurgien une flexibilité
peropératoire permettant d’adapter la prothèse à l’ana-
tomie du patient, plutôt que d’imposer l’anatomie de la
prothèse au patient. La prothèse de resurfaçage est pla-
cée in situ de façon à remplacer les surfaces articulaires
détruites. Le déport de la surface articulaire est automa-
tique, et la rétroversion et l’inclinaison sont déterminées
d’après le col anatomique original. Même en présence
d’une érosion sévère de la tête humérale, le col anatomi-
que peut être visualisé après ablation des ostéophytes, et
le guide peut être positionné et centré correctement.
A B
Figure 2. A. La perforation de la tête humérale avec de multiples trous permet d’activer la repousse osseuse. B. Greffe osseuse
impactée en mélangeant du spongieux et du sang à la face interne de la cupule de resurfaçage.
Prothèses de resurfaçage dans l’omarthrose primitive et l’arthrite rhumatoïde 235
Tableau 1
Résultats fonctionnels après hémiarthroplastie (HA) versus prothèse totale d’épaule (PTE) dans l’omarthrose primitive
1,00
0,00
0,0 2,5 5,0 7,5 10,0 12,5 15,0 17,5
Délai de Survie (années)
Prothèses de resurfaçage huméral (PRH)
A STRATA :
Prothèses de resurfaçage huméral et glénoïdien (PRHG)
1,00
Distribution del la survie
0,75
0,50
0,25
0,00
0,0 2,5 5,0 7,5 10,0 12,5 15,0 17,5
Délai de Survie (années)
Prothèses de resurfaçage huméral (PRH)
B STRATA :
Prothèses de resurfaçage huméral et glénoïdien (PRHG)
Figure 3. A. Courbe de survie de Kaplan-Meier comparant les prothèses de resurfaçage huméral (PRH) et les prothèses de resur-
façage huméral et génoïdien (PRHG), opérées entre 1987 et 2003 quel que soit le diagnostic. PRH (n = 218) : 97,3 % de survie.
Figure 4. A. Resufaçage biologique de la glène : la surface articulaire de la glène est perforée de multiples trous de 2 mm de dia-
mètre (microfracture) pour favoriser la formation secondaire d’un fibrocartilage. B. Fibrocartilage recouvrant la surface de la glène
tel qu’il est vu en arthroscopie après prothèse de resurfaçage humérale.
Tableau 2
Résultats fonctionnels de la prothèse de resurfaçage huméral sans ciment (Mark 1,2,3) dans l’omarthrose primitive et l’arth-
rite rhumatoïde. Recul moyen de 7,6 ans (4–17,8 ans)
arthrites rhumatoïdes (figure 6). Le taux de satisfac- Il y avait 59 % de liseré partiel au niveau glénoïdien
tion des patients du groupe arthrite rhumatoïde était et 5 % de descellement glénoïdien. Cependant, depuis
de 9 %, et celui du groupe arthrose de 94 %. 12 ans, aucun liseré n’a été visible autour de l’implant
huméral recouvert d’hydroxyapatite Mark 3.
Résultats radiologiques Des coupes laser de la prothèse de resurfaçage humé-
ral de Copeland sur des implants postmortem ont
Il n’y avait pas de liseré autour de l’implant humé- montré que la greffe impactée entre l’implant et la tête
ral dans 69 % des cas de la prothèse Mark 2 dans le humérale avait permis une bonne intégration osseuse
groupe des prothèses totales, alors que ce taux était de avec la formation d’os sous la cupule de resurfaçage
94 % pour le groupe hémiarthroplastie de resurfaçage. (figure 7).
Prothèses de resurfaçage dans l’omarthrose primitive et l’arthrite rhumatoïde 239
A. Préop B. Postop
Courbes de survie
Les courbes de survie de la prothèse de resurfaçage
huméral de Copeland selon Kaplan-Meier montrent
un taux de survie de 92 % à 17,5 ans pour les 340 cas
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Tableau 3
Complications postopératoires après prothèse de resurfaçage
Fracture de la tête humérale après une chute 7 Traitement conservateur – Guéri (5)
Révision par une prothèse standard (2)
Algodystrophie 1 Physiothérapie
* Il ne s’agit pas d’une complication de l’arthroplastie.
1,0
0,8
Probabilité de survie
0,6
0,4
0,2
0,0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
Temps après l’intervention (années)
Tableau 4
Survie selon Kaplan-Meier de la prothèse de resurfaçage huméral de Copeland
Tableau 5
Comparaison des mobilités actives (degrés) entre séries de prothèses de resurfaçage (PR) et de prothèses avec une tige (PTE)
Tableau 6
Comparaison des résultats de la prothèse de resurfaçage sans ciment dans l’arthrite rhumatoïde avec d’autres séries utili-
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coude et de l’épaule, il se produit un pic de contrainte Les bons résultats à long terme observés avec la
entre les 2 tiges, avec un risque de fracture périprothétique prothèse de resurfaçage huméral non cimentée de
difficile à traiter. L’utilisation de la prothèse de resurfaçage Copeland font de cette technique une procédure de
de Copeland diminue ce risque (figure 9B) [9]. choix pour le traitement de l’arthrose glénohumérale.
RÉFÉRENCES
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5 Copeland S, Funk L, Levy O. Surface-replacement arthroplasty 14 Sneppen O, Fruensgaard S, Johannsen HV, Olsen BS, Sojbjerg
RÉSUMÉ SUMMARY
L’implant Bilboquet est un système intra-osseux d’ostéosynthèse des The Bilboquet implant is an intramedullary device designed for
fractures complexes de l’humérus proximal dont l’une des caracté- osteosynthesis of complex proximal humeral fractures and one
ristiques est de pouvoir se convertir en prothèse humérale. Son uti- of its features is that it can be converted to hemiarthroplasty.
lisation par le concepteur depuis le début des années 1990 a permis Its use by the instigator since the early 90s, has showed mecha-
de constater son efficacité mécanique ainsi que l’obtention quasi nical efficiency and almost constant healing of tuberosities.
systématique de la consolidation des tubérosités. Dans les variétés Avascular necrosis was observed in one third of the cases in the
de fracture les plus sévères, une nécrose avasculaire a été observée worst category of fracture, but those avascular necroses were cli-
une fois sur trois. Mais il est apparu que ces nécroses étaient clini- nically well tolerated and there was seldom need for conversion to
quement bien tolérées et que la conversion en prothèse humérale hemiarthroplasty. Although these results were confirmed by other
était rarement nécessaire. Compte tenu des performances de l’im- surgical teams, one may wonder why such a useful device has not
plant, confirmées par d’autres utilisateurs, on peut s’interroger sur gained popularity. A simplified surgical technique was developed
la faible diffusion de cette méthode d’ostéosynthèse. Une technique and used since 2004 and the results of a study of 20 patients
opératoire simplifiée a été mise au point et utilisée depuis 2004, et operated on by this procedure are presented. Fortified by an age
les résultats d’une série de 20 patients opérés ainsi sont présentés. related Constant score of 87%, we present a new design of the
Fort d’un score de Constant pondéré de 87 % sur une population de Bilboquet implant based on the experience of the modified surgi-
70 ans d’âge moyen, un perfectionnement technique du Bilboquet, cal technique.
découlant de cette technique modifiée, est présenté.
Mots clés : Fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus. Key words: Proximal humeral fracture. – Bilboquet device. – Internal
– Implant Bilboquet. – Ostéosynthèse. fixation.
Expérience clinique
Les premières années d’implantations du Bilboquet®
ont permis de mettre en évidence une excellente conso-
lidation des tubérosités [2] et ont encouragé le pro-
moteur à poursuivre dans cette voie. Les fractures
céphalotubérositaires (CT) à trois ou quatre fragments Figure 3. Dans la technique opératoire classique, la tige est
d’abord cimentée en « bonne » position et ensuite elle est intro-
non luxées consolidaient le plus souvent de façon très
duite dans l’agrafe céphalique.
satisfaisante. Il est rapidement apparu que la conso-
lidation de la tête humérale dépendait de la présence
d’attaches tissulaires sur la tête et que l’énucléation de
la tête humérale conduisait irrémédiablement, chez les satisfaisants sur 10 CT4. Il y avait 5 cas de nécrose
personnes âgées, à la nécrose avasculaire. avasculaire dont 2 seulement étaient mal tolérées au
La technique opératoire utilisée pendant les années point de nécessiter une conversion de l’ostéosynthèse
suivantes a été celle-ci [3] : abord deltopectoral et en prothèse.
exposition du foyer de fracture ; relèvement de la tête Le Dû et Favard [7] ont publié en 2005 une revue de
humérale et impaction de l’agrafe dans le spongieux 26 FCHP. Le score de Constant absolu moyen retrouvé
céphalique ; réalisation d’orifices diaphysaires et mise était de 59,7 et le score pondéré moyen de 84,1. Ils
en place de fils de haubanage et de suture des tubé- concluent leur étude ainsi : « L’implant Bilboquet® est
rosités ; essais de positionnement de la tige d’essai à un système d’ostéosynthèse stable qui donne de bons
la hauteur et à la rétroversion satisfaisantes ; désen- résultats fonctionnels à 14 mois de recul (confirmant
gagement de la tige d’essai et scellement au Palacos- ceux obtenus par l’équipe promotrice). Il reste, en
Genta® de la tige humérale définitive dans la diaphyse attendant confirmation de ceux-ci avec plus de recul,
(figure 3) ; mobilisation de la diaphyse humérale avec une méthode d’ostéosynthèse de choix dans les fractu-
sa tige et enclavement du cône morse de la tige dans res complexes de l’extrémité supérieure de l’humérus,
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l’agrafe céphalique selon un geste qui évoque celui du sous réserve d’éliminer les fractures à risque d’ostéoné-
jeu de bilboquet. Enfin, l’intervention est terminée par crose (associées à une luxation ou à tête libre d’attache
le temps indispensable de laçage rigoureux des tubé- capsulaire chez un sujet âgé). »
rosités. Le temps le plus délicat de cette intervention Dans une étude de 61 cas opérés sur deux centres,
est le scellement de la tige avec la hauteur et la rétro- Doursounian et al. [4] rapportent les données suivan-
version correctes. Un scellement trop bas de la tige tes. Sur 27 CT3 de 75,4 ans d’âge moyen, l’antépul-
conduit à un montage « lâche » et à une malposition sion active moyenne est de 120° et il y a 22 résultats
des tubérosités (figure 4A). Un scellement trop haut satisfaisants. Sur 24 CT4 de 77,8 ans d’âge moyen,
rend impossible l’enclavement du cône dans l’agrafe l’antépulsion active moyenne est de 94° et il y a
(figure 4B). 11 résultats satisfaisants. Il y a 2 cas de pseudarthrose
Une revue de 26 cas à 2 ans a été publiée en 2000 des tubérosités. Dans les CT3, il y a 4 cas de nécrose
[3]. La moyenne d’âge était de 70,4 ans. Selon les cri- avasculaire sur 27 et dans les CT4, 9 cas de nécrose
tères d’évaluation de Huten et Duparc [5], il y avait vasculaire sur 24. Trois cas de nécrose sont mal tolérés
12 résultats satisfaisants sur 16 CT3 et 6 résultats et nécessitent une conversion en prothèse.
246 L. DOURSOUNIAN, A. KILINC, G. NOURISSAT
Figure 4. A. Tige cimentée trop basse : il n’y a plus de place pour la grosse tubérosité, les muscles sont détendus et le montage
instable. B. Tige cimentée trop haute : même avec une forte distraction, le cône morse ne peut s’engager dans l’agrafe et la réduc-
tion est impossible.
Au total, notre longue expérience de l’utilisation de – cette nécrose est souvent bien tolérée, c’est-à-dire
l’implant Bilboquet® dans les FCHP selon la technique que l’épaule perd en mobilité mais qu’habituellement
décrite ci-dessus nous a permis de tirer les conclusions elle est peu douloureuse et qu’elle reste stable ;
suivantes : – la conversion secondaire du Bilboquet® en prothèse
– ce dispositif permet de réparer toutes les variétés de s’est avérée rare mais elle est simple ; de plus, compte
coût du dispositif, supérieur à celui d’une ostéosyn- Ensuite, une tige définitive de petite taille est glissée
thèse conventionnelle mais équivalent à celui d’une dans la diaphyse et son cône morse introduit dans le
prothèse. On pourrait aussi évoquer le fait que l’im- réceptacle de l’agrafe. À ce stade, la tige flotte plus ou
plant est « perdu » après consolidation et qu’il n’y a moins dans la diaphyse et l’opérateur peut régler la
pas d’ablation de matériel possible, mais c’est aussi le réduction. Avec une pince qui saisit la tige, il exerce
cas avec une prothèse humérale. Alors, pourquoi sacri- une poussée vers le haut de la tige du Bilboquet®, pen-
fier deux têtes humérales sur trois en choisissant de dant qu’il réalise des mouvements de rotation du bras.
poser une prothèse ? Il semble que la technique de pose Le contrôle fluoroscopique permet de voir facilement
ne soit pas aussi simple que le principe. Si la mise en la meilleure position de réduction. En général, cela
place de l’agrafe dans la tête humérale est relativement correspond à une rotation interne entre 45 et 60° du
facile à réaliser, même pour quelqu’un qui découvre bras. La hauteur est réglée en observant une transition
la méthode, ce n’est pas le cas du placement de la tige anatomique entre la métaphyse et la partie interne de
diaphysaire. En effet, le réglage en hauteur et en rota- la tête humérale.
tion de la tige nécessite une certaine expérience de la Lorsque cette position est déterminée, il faut intro-
chirurgie des FCHP. La fixation de la tige se fait par duire du ciment par l’orifice supérieur de la diaphyse,
du ciment et si celle-ci est placée trop bas, les parties entre la tige et l’os. Nous utilisons du ciment Palacos-
molles sont lâches, les tubérosités ne trouvent pas leur Genta® que nous poussons par petits morceaux dans
place et le montage est instable. Si la tige est placée la diaphyse de façon à maintenir la tige bloquée dans
trop haut, l’enclavement de la tige dans l’agrafe est la position choisie. Cette modalité de cimentage n’est
impossible (figure 4). L’utilisation de la tige d’essai pas classique pour une arthroplastie mais dans le
apporte une certaine aide, mais augmente considéra- cadre d’une ostéosynthèse, avec une consolidation
blement les manipulations du foyer de fracture. C’est attendue à 6 semaines, elle est suffisante et évite toute
pourquoi, plutôt que de développer un matériel ancil- malposition.
laire sophistiqué, nous avons travaillé à simplifier la À ce stade, la mobilisation du bras par l’opérateur
technique initiale. entraîne la mobilisation de la tête humérale et la qua-
lité de la réduction et de la fixation peut être jugée
directement et par la fluoroscopie.
Technique opératoire modifiée Enfin, temps capital de la réparation, les tubérosi-
(figures 5A à 5I) tés sont suturées ; d’abord par un ou deux gros fils
(Ethibond® 5) horizontaux, allant de la petite vers la
Le patient est installé en semi-assis avec une fluoros- grosse tubérosité, ensuite par les deux fils de hauba-
copie en place. La voie d’abord est interdeltoïdienne. nage verticaux qui sont passés en haubans à travers le
Cette voie permet de s’exposer entre les tubérosités tendon du sus-épineux. Le montage est testé par des
fracturées et simplifie beaucoup leur réparation. Cette mouvements de l’épaule dans toutes les directions avec
voie doit être réalisée avec une discision prudente des contrôle fluoroscopique. Lors de la fermeture, un soin
fibres du deltoïde vers le bas afin de ne pas léser la particulier doit être porté à la suture du deltoïde anté-
portion antérieure du nerf axillaire. En cas de fracture rieur sur l’acromion.
métaphysodiaphysaire, il faut absolument emprunter L’originalité de cette technique, c’est que l’implant
la voie deltopectorale afin de pouvoir descendre son est d’abord placé sans fixation et que ce n’est qu’après
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exposition sur la diaphyse humérale. avoir obtenu une réduction satisfaisante que l’on
Après évacuation de l’hématome, la tête humérale pérennise le montage.
est relevée avec précaution, c’est-à-dire le plus souvent
avec le pouce et l’agrafe, dont il existe trois tailles, mise Résultats cliniques
en position. Le contrôle fluoroscopique permet de véri-
fier sa bonne position en sachant que le plus souvent, Une série continue de 20 patients (17 femmes et 3 hom-
l’agrafe se place de façon un peu excentrée vers le haut. mes) opérés entre 2004 et 2006 selon cette méthode
La diaphyse, en fonction du type de fracture, est plus a été revue avec un recul moyen de 29 mois. Il y a
ou moins mobilisable, mais parfois sa mobilisation 6 CT3 et 14 CT4. La moyenne d’âge est de 70 ans.
nécessite une réduction au crochet de Lambotte. Deux Le score de Constant moyen brut global est de 66 et
orifices de passage pour les fils de haubanage sont le score de Constant pondéré de 87. Il y a 5 cas de
faits sur la diaphyse, environ 1 cm sous le trait diaphy- nécrose avasculaire, mais uniquement dans les CT4.
saire. L’exposition de la diaphyse nécessite de pousser L’analyse en détail de cette série fait l’objet d’une thèse
sous le coude et de placer des écarteurs contre-coudés. de médecine.
248 L. DOURSOUNIAN, A. KILINC, G. NOURISSAT
Figure 5. La technique opératoire modifiée. A. Abord interdeltoïdien d’une CT4. B. Exposition de la tête humérale. C. Réduction de
la tête humérale. D. Mise en place de l’agrafe céphalique sous contrôle fluoroscopique. E. Réalisation des orifices de laçage. F. Mise
en place de la tige définitive de petite taille.
Cette série confirme et conforte les résultats précé- intermittentes et par une détérioration de la fonction.
dents. Le taux de nécrose de 35 % dans les CT4 se L’antépulsion active qui habituellement est autour de
situe toujours autour de 1 cas sur 3. Aucun des patients 120° se réduit à 90°.
présentant une nécrose ne souhaite à ce jour une réin- La comparaison de ces résultats fonctionnels avec
tervention (figure 6). L’apparition d’une nécrose se tra- ceux des hémiarthroplasties prothétiques [1,6,8,10]
duit autour de la 1re année par l’apparition de douleurs est très favorable au Bilboquet®. Dans ces quatre
L’implant Bilboquet® dans les fractures déplacées de l’humérus proximal 249
Figure 5. (suite) G. Réduction sous contrôle fluoroscopique. H. Fixation de la réduction par introduction de ciment de haut en bas.
I. Suture des tubérosités.
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Figure 6. Fracture à 4 fragments impactée en valgus (CT4), 65 ans. A. Aspect préopératoire. B. Aspect peropératoire. C. Nécrose
avasculaire peu symptomatique à 3 ans.
séries, les scores de Constant pondérés moyens vont une épaule stable, indolore, avec une activité au-dessus
de 64 à 74 %. de la tête et qui est satisfaite de son état (figure 7).
Au total, mis à part les cas de nécrose, le profil habi- Il faut cependant souligner que le résultat fonctionnel
tuel de la série est celui d’une femme de 70 ans qui a nécessite une rééducation de 6 mois.
250 L. DOURSOUNIAN, A. KILINC, G. NOURISSAT
Figure 7. Fracture à 4 fragments impactée en valgus (CT4), 62 ans. A. Aspect préopératoire. B. Contrôle radiologique à 36 mois.
C. Antépulsion active à 36 mois.
Nous n’avons pas observé ces résultats satisfaisants beaucoup de chirurgiens. Pour se passer de ciment, on
chez les personnes âgées auxquelles nous avons été obligé pourrait concevoir une tige qui se verrouillerait comme
de poser une prothèse humérale en traumatologie. un clou. Afin d’éviter les inconvénients du verrouillage,
nous avons préféré développer une tige autobloquante.
L’innovation : la tige-cale Il s’agit d’une tige dite « tige-cale » qui coulisse au tra-
vers d’une cale et dont la cale se verrouille sur la tige
Malgré cette simplification de la technique opératoire, à des hauteurs variables. Le principe opératoire est le
subsiste le problème du cimentage de la tige, qui rebute même que précédemment, mais la fixation de la tige
Figure 8. Fracture à 4 fragments impactée en valgus (CT4) opérée avec tige-cale sans ciment. A. Aspect préopératoire. B. Contrôle
radiographique à 2 et 4 mois.
L’implant Bilboquet® dans les fractures déplacées de l’humérus proximal 251
se fait sans ciment, grâce à la cale. En pratique, une cité qui devrait séduire tous les chirurgiens confrontés
fois la réduction de la fracture obtenue et contrôlée à ces fractures difficiles à réparer (figure 8).
par fluoroscopie, la cale est désolidarisée de la tige et
descendue par crans de 5 mm jusqu’à se bloquer dans Conclusion
la diaphyse humérale. Une vis-goupille resolidarise les
deux éléments de la tige-cale. Ce procédé, dans son L’implant Bilboquet® rend performante l’ostéosynthèse
principe, utilise un coin métallique au lieu du ciment des FCHP des sujets âgés et évite le plus souvent le recours
pour bloquer la tige. Avec cette tige-cale Bilboquet®, à l’hémiarthroplastie. La technique opératoire modifiée
l’ostéosynthèse des FCHP atteint un niveau de simpli- permet d’atteindre très simplement cet objectif.
RÉFÉRENCES
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252 P. BOILEAU, G. WALCH
P. BOILEAU, G. WALCH
RÉSUMÉ SUMMARY
Le trochiter est la « pièce maîtresse du puzzle » des fractures de The greater tuberosity is the “master piece of the puzzle” of
l’humérus proximal. Le résultat fonctionnel des prothèses d’épaule proximal humerus fractures. The functional results of shoulder
pour fracture est directement lié à la qualité de la reconstruction replacement for fractures are directly correlated to the quality of
et de la fixation du trochiter. Le positionnement du trochiter ne greater tuberosity reconstruction and fixation. The greater tube-
peut être anatomique que si la prothèse est elle-même correc- rosity can be placed in anatomical position only to the condition
tement positionnée. La technique des prothèses pour fractures that the humeral implant itself is correctly positioned. No eye-
est exigeante et ne tolère aucune approximation ou compromis. balling or compromise is allowed. At least, three conditions are
Trois conditions au moins sont nécessaires pour permettre une needed to be able to reconstruct the proximal humerus with a
reconstruction anatomique de l’humérus proximal par prothèse hemiarthroplasty: 1) the prosthesis must be low-profile (media-
et ostéosynthèse des tubérosités : 1) le dessin de la prothèse doit lised) to allow anatomical placement of the greater tuberosity
être adapté (médialisé) pour permettre le positionnement anato- and bone grafting; 2) prosthesis positioning must be accurate
mique du trochiter et l’adjonction de greffe osseuse ; 2) le posi- both for length and retroversion; use of a specific instrumen-
tionnement de la prothèse doit être précis tant en hauteur qu’en tation is helpful; 3) the tuberosities must be strongly attached
rétroversion ; il est au mieux effectué à l’aide d’une instrumen- to the prosthesis with the use of cerclage sutures and to the
tation ; 3) les tubérosités doivent être solidement amarrées à la diaphysis with the use of tension-band sutures. Greater tubero-
prothèse par des cerclages et à la diaphyse par des haubanages. Il sity migration, malunion or nonunion jeopardize the functional
n’y a qu’à ce prix que l’on peut éviter la malposition ou la migra- results of hemiarthroplasty for proximal humeral fractures and
tion secondaire du trochiter qui est la principale cause d’échec must be avoided at all cost.
des arthroplasties pour fracture.
Mots clés : Fractures de l’humérus proximal. – Prothèse d’épaule. Key words: Proximal humerus fractures. – Shoulder prosthesis.
– Migration du trochiter. – Greater tuberosity migration.
Introduction
(dont la hauteur et la rétroversion sont grossièrement
Les prothèses d’épaule pour fracture de l’extrémité estimées), mauvais positionnement du trochiter (sou-
supérieure de l’humérus sont souvent réalisées dans le vent trop abaissé et laissé trop en arrière), ostéosyn-
cadre de l’urgence par de jeunes chirurgiens qui en ont thèse sans contrôle radioscopique et sans contrôle de
peu ou pas l’expérience ; pourtant, c’est certainement la rotation du bras, absence de greffe osseuse, et enfin,
l’une des arthroplasties d’épaule les plus difficiles à réa- utilisation d’implants « massifs », inadaptés au traite-
liser. Le taux d’échec des arthroplasties d’épaule pour ment des fractures de l’humérus proximal.
fracture est très élevé (plus de 50 %) ; il est lié essentiel- Dans le but de diminuer ces complications et ces
lement à des complications tubérositaires (migrations, échecs, nous avons développé un implant huméral
cals vicieux et pseudarthroses). Ces échecs et ces com- spécifique pour les fractures de l’extrémité supérieure
plications sont dus à des problèmes techniques et tech- de l’humérus (prothèse Aequalis Fracture™, Tornier).
nologiques : mauvais positionnement de la prothèse Une instrumentation a également été développée pour
Figure 1. Migration du trochiter à cause d’une technique insuffisante et d’un implant huméral massif et inadapté au traitement des
fractures. La radiographie pourrait faire penser à une lyse osseuse ; en fait, le trochiter est migré en arrière et caché par la prothèse.
Noter l’ascension humérale (équivalent d’une rupture massive de la coiffe postérosupérieure).
254 P. BOILEAU, G. WALCH
Figure 2. Une prothèse conventionnelle, du fait de l’excès de métal à sa partie proximale, ne permet pas un positionnement ana-
tomique (latéral) du trochiter qui reste trop postérieur. De plus, elle constitue une barrière pour la consolidation des tubérosités
entre elles.
postérieure (figure 5). De même, un excès de rétrover- par deux types de fixation par sutures : les forces d’ar-
sion de la prothèse est délétère pour la synthèse du rachement en rotation doivent être neutralisées grâce
trochiter, aussi à l’origine de sa migration postérieure. à des cerclages tandis que les forces d’arrachement
La mise du bras en rotation interne dans les suites d’in- supérieures doivent être neutralisées par des haubana-
tervention va entraîner des contraintes d’arrachement ges. La technique du cerclage-haubanage constitue un
importantes sur le trochiter qui va se détacher de la montage simple, reproductible et solide.
prothèse et migrer en arrière (figure 6). Enfin, il faut comprendre que la synthèse du trochi-
ter doit être réalisée avec le bras en rotation neutre,
car c’est dans cette position qu’il y a le moins de force
Comment réduire et synthéser d’arrachement sur le trochiter. La rotation interne est
les tubérosités ? très défavorable.
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Figure 5. Une prothèse trop haut perchée empêche la consolidation des tubérosités à la diaphyse et met en tension la coiffe supé-
rieure, entraînant une migration postérieure du trochiter.
Figure 6. Une prothèse trop rétroversée entraine des forces d’arrachement importantes sur le trochiter lorsque le bras est porté en © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
rotation interne (à la fin de l’intervention) et aboutit à la migration postérieure du fragment osseux de trochiter détaché.
en Plexiglas® comprenant deux billes métalliques espa- axe : l’une passant par le sommet de la grosse tubéro-
cées de 100 mm, fixée directement sur la face externe sité, l’autre par le point le plus médial de l’épitrochlée
du bras du patient (au niveau du tiers moyen de l’hu- (figure 8). Connaissant l’agrandissement radiologique
mérus) et parallèlement à la plaque radiographique. par la mesure de la réglette sur la radiographie (l’),
Sur la radiographie ainsi obtenue, on trace l’axe du par une simple règle de trois, on détermine la longueur
canal médullaire proximal, passant par le centre du col réelle (L) de l’humérus : L = (L’ × 100)/l’.
chirurgical et du fût huméral 10 cm plus bas. On mesure La façon la plus simple, développée par Krishnan, est
ensuite la longueur humérale radiologique (L’) corres- de superposer les deux radiographies et de mesurer la
pondant à la distance entre deux perpendiculaires à cet hauteur de la tête prothétique par rapport à la diaphyse.
Prothèse d’épaule pour fracture : technique chirurgicale 257
Figure 8. Radiographie millimétrée de l’humérus entier controlatéral. Installation du patient et mesure radiographique. Exemple :
réglette de 100 mm mesurée à 102 mm (l’), longueur humérale mesurée sur la radiographie (L’) à 296 mm, ainsi la longueur
humérale réelle (L) est 296 × 100/102 = 290 mm.
258 P. BOILEAU, G. WALCH
A B
A B
Figure 10. A. Repérage du tendon long biceps. B. Abord articulaire en écartant les tubérosités et en incisant la coiffe dans le pro-
longement du trait de fracture (vertical) intertubérositaire et dans le sens des fibres tendineuses.
diaphyse. Après écartement en douceur des tubérosi- de choisir la taille la plus adaptée de la future calotte
tés, la tête humérale, libre de toute attache capsulaire, prothétique. En cas d’hésitation entre deux diamè-
est extraite de l’articulation à l’aide d’une pince de tres, il faut systématiquement choisir le plus petit :
Museux (figure 11). On mesure le diamètre de la tête l’erreur est toujours de choisir une tête prothétique
humérale extraite, à l’aide d’un pied à coulisse, afin trop grosse.
Prothèse d’épaule pour fracture : technique chirurgicale 259
A B
Figure 11. A. Extraction de la tête humérale. B. Mesure du diamètre de la tête avec le pied à coulisse ; choisir le plus petit diamètre.
À partir de la tête humérale fracturée, deux greffons que tendon, on choisit deux fils de couleur différente
d’os spongieux adaptés à la taille exacte de la fenêtre pour faciliter leur repérage ultérieur : par exemple, un
prothétique sont prélevés à l’aide d’une pince emporte- Ethibond® (vert) et un Fiberwire® (bleu). Les sutures
pièce spécialement prévue à cet effet. Le reste de la tête non résorbables, de gros diamètre, doivent être passées
est morcelé pour greffer la métaphyse (figure 12). à la jonction os-tendon et non à travers les fragments
Un fil provisoire, passé dans le tendon du sous- osseux eux-mêmes sous peine de les déchirer.
scapulaire, repère le trochin. Le trochin est écarté et Deux orifices sont forés sur la face antérolatérale de la
un écarteur fourchette est mis en place sur le rebord diaphyse, 10 à 15 mm en dessous du trait de fracture, en
antérieur de la glène. On vérifie l’état de la glène et de arrière de la gouttière bicipitale (figure 13). Deux sutu-
la coiffe des rotateurs. Le tendon du long biceps est res sont introduites dans ces orifices et serviront ultérieu-
ténodésé par suture au ligament huméral transverse et rement à l’amarrage vertical des tubérosités (haubans).
sa portion intra-articulaire est réséquée.
Le trochiter est saisi délicatement à l’aide d’une pince Implantation prothétique
non traumatisante (davier à trochiter). Deux sutures
horizontales sont passées au travers du tendon infraspi- Il n’est pas nécessaire de perdre du temps à implanter
natus et deux autres au travers du petit rond (de dehors une prothèse d’essai ; nous préférons d’emblée mettre
en dedans) ; ils serviront ultérieurement pour réaliser la prothèse définitive. L’alésage de la diaphyse humé-
des cerclages des tubérosités (figure 13). Pour cha- rale se fait bras en adduction, rotation externe et rétro-
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Figure 12. Prélèvement de deux greffons spongieux structuraux à l’aide de la pince emporte-pièce à la taille de la fenêtre prothé-
tique. Le reste de la tête est morcelé pour greffer la métaphyse.
260 P. BOILEAU, G. WALCH
Figure 13. Synthèse des tubérosités à l’aide de six sutures : deux sutures au niveau du sous-épineux, deux sutures au niveau du
petit rond et deux sutures au niveau de la diaphyse.
pulsion afin de permettre l’engagement des râpes. La à bras. Habituellement, le fait que la tête prothétique
râpe de plus gros diamètre introduite dans le canal repose sur le calcar témoigne de la bonne hauteur.
médullaire détermine le diamètre de la tige prothéti- L’excès de ciment au niveau de l’évasement méta-
que à implanter. La tête prothétique de la taille choisie physaire est retiré et remplacé par de l’os spongieux
(petit diamètre ++) est assemblée avec la tige défini- morcelé issu du restant de tête humérale. La prothèse,
tive. La tête prothétique est positionnée sur le repère D toujours connectée à l’instrumentation, est réduite
(droit) ou G (gauche) selon le côté opéré. Pour notre dans l’articulation glénohumérale. On peut alors pro-
part, nous préférons positionner la tête prothétique céder au contrôle séquentiel du positionnement de la
sur l’index 1 ou 8 (déport latéral), car cela permet de prothèse et du trochiter.
rajouter latéralement un greffon osseux en forme.
L’implant définitif est connecté à l’ancillaire
grâce à un porte-prothèse droit (D) ou gauche (G). Contrôle du positionnement
L’instrumentation fracture Aequalis™ correspond à de la prothèse
une règle coulissante et à un rapporteur connectés à un
support à bras (figure 14). Les paramètres de position- La hauteur prothétique est correcte si le bord médial
nement sont définis sur l’instrumentation : la hauteur de la tête prothétique est au contact du calcar, sauf si
déterminée grâce aux radiographies des humérus est la fracture est comminutive et emporte ce calcar avec
reportée sur la règle coulissante et la rétroversion est la tête : dans ce cas, la prothèse devra être légèrement
fixée arbitrairement à 20° sur le rapporteur. suspendue. L’erreur la plus fréquente est de trop sus-
Figure 14. Instrumentation fracture Aequalis™ composée d’une réglette télescopique et d’un rapporteur, permettant de restituer
la hauteur (par rapport à l’épitrochlée (palpeur bleu) et la rétroversion humérale à 20° (par rapport à l’axe trans-épicondylien du
coude (palpeur jaune). L’ancillaire permet également de stabiliser la prothèse pendant les essais de réduction du trochiter et le
scellement de la prothèse.
La rétroversion prothétique est habituellement cor- Dans le plan horizontal, le trochiter doit recouvrir
recte en la réglant à 20° sur le rapporteur de l’instru- la totalité de l’aileron prothétique sagittal, tandis que
mentation ; ceci correspond à 25 à 30° de rétroversion l’on maintient le bras en rotation neutre. L’erreur est
par rapport à l’avant-bras (en tenant compte du valgus d’essayer de positionner le trochiter alors que le bras
de l’avant-bras, de 8° en moyenne). est en rotation interne : le fragment osseux restera
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Il faut également veiller à ce que la prothèse soit bien alors toujours trop postérieur.
centrée dans le canal médullaire (éviter la tendance au Dans le plan vertical, le trochiter, réduit sur la diaphyse,
valgus). doit arriver au niveau de la tête prothétique ou légère-
ment en dessous (3 à 5 mm). L’erreur est de positionner
le trochiter trop bas par rapport à la prothèse, ce qui
Contrôle du positionnement met en tension le supraspinatus : « Trochiter au top est
du trochiter toujours mieux que trochiter trop bas. »
La prothèse d’essai, stabilisée par l’ancillaire, est donc Greffe osseuse et ostéosynthèse
théoriquement en bonne position. Il convient mainte- des tubérosités
nant de vérifier la position du trochiter par rapport à
la prothèse. Le contrôle du positionnement du trochi- Une fois le ciment solide, l’ancillaire est retiré et un
ter doit se faire prothèse réduite dans l’articulation, greffon d’os spongieux est introduit au sein de la fenê-
bras en rotation neutre. tre prothétique.
262 P. BOILEAU, G. WALCH
Figure 15. Autre façon de régler la hauteur prothétique : on mesure la longueur du fragment de trochiter et on reporte cette lon-
gueur à partir de la diaphyse : la prothèse doit être située 3 à 5 mm en-dessous.
Figure 16. Synthèse des tubérosités par quatre cerclages horizontaux (deux fils au niveau du sous-épineux, deux fils au niveau du
petit rond) et deux haubans verticaux (au travers de la diaphyse humérale). A. Synthèse première du trochiter sur la prothèse avec
une greffe latérale et dans la fenêtre. B. Suture du trochin sur l’ensemble trochiter/prothèse. C. Réalisation de deux haubans.
Prothèse d’épaule pour fracture : technique chirurgicale 263
A B
Figure 17. Cerclage du trochiter. A. Passage des quatre sutures horizontales autour du col de la prothèse (manœuvre du lasso).
B. Synthèse du trochiter sur une greffe latérale avec une des sutures passant à travers le sous-épineux et une des sutures passant
à travers le petit rond.
et la greffe sur la prothèse. C’est à ce moment que l’on glissés sous le trochin avant de serrer les fils, afin de
fait un contrôle radioscopique pour vérifier la position favoriser la consolidation osseuse.
du trochiter par rapport à la prothèse.
Figure 18. Le cerclage du trochiter doit absolument être fait avec le bras en rotation neutre et avec la prothèse orientée et scellée
avec 20° de rétroversion par rapport à l’axe transépicondylaire, c’est-à-dire 25 à 30° par rapport à l’avant-bras (en tenant compte
du valgus de l’avant-bras qui est d’environ 8 à 10°).
264 P. BOILEAU, G. WALCH
Figure 19. Aspect final de l’ostéosynthèse des tubérosités : deux cerclages (en jaune) passent autour du trochiter ; deux autres
cerclages passent autour des deux tubérosités (en bleu foncé) ; enfin, deux haubans verticaux complètent le montage : l’un prend
le sous-épineux et le sus-épineux (hauban postérieur, rose) tandis que l’autre prend le sus-épineux et le sous-scapulaire (hauban
antérieur, bleu turquoise).
A B
B C D
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RÉFÉRENCES
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RÉSUMÉ SUMMARY
INTRODUCTION : Le but de l’étude est d’évaluer les résultats cliniques INTRODUCTION: The goal of this study is to report the clinical and
et radiologiques de deux types d’implants huméraux utilisés dans radiological outcome of two different humeral implants for
le traitement des fractures à trois et à quatre fragments déplacées the treatment of displaced or dislocated proximal humeral
ou luxées de l’humérus proximal. fractures.
MATÉRIEL & MÉTHODE : Étude rétrospective, comparative de 60 patients MATERIAL & METHODS: Retrospective comparative study of 60
(61 épaules, 38 femmes, 22 hommes) opérés par un seul chirur- patients (61 shoulders, 38 women and 22 men) operated by the
gien entre 1991 et 2005 et revus par deux observateurs indépen- same surgeon between 1991 and 2005 and reviewed by two
dants avec un recul minimum de 2 ans. L’âge moyen au moment independent observers with a minimum of 2 years follow-up.
de l’intervention était de 67 ans (39–86). Le recul moyen était The average age at surgery was 67 years (range 39 to 86); the
de 63 mois (24–150). Les patients ont tous été opérés selon une average follow-up was 64 months (range 24 to 150).The same
technique standardisée d’ostéosynthèse des tubérosités ; une ins- standardized technique of tuberosity reconstruction was used
trumentation spécifique a été utilisée pour le positionnement de for all patients and a fracture jig was used for prosthesis posi-
la prothèse : 31 épaules ont été opérées avec un implant conven- tioning: 31 shoulders have been operated with a conventional,
tionnel « standard » ; les 30 épaules suivantes ont été opérées avec “standard implant”; the 30 next shoulders with a specific “frac-
un implant spécifique « fracture ». ture implant”.
RÉSULTATS : Neuf complications postopératoires (15 %) sont sur- RESULTS: Nine patients (15%) had a postoperative complication;
venues dont 5 (8 %) ont nécessité une réopération. Au dernier 5 of them (8%) have been reoperated. At follow-up, 92% of
recul, 92 % (55/61) des patients étaient satisfaits et très satis- the patients were very satisfied or satisfied; 8 patients (13%)
faits. Huit patients (13 %) présentaient des douleurs importan- demonstrated residual severe or important pain. The overall
tes ou sévères. L’élévation antérieure active était de 125° en functional results showed an average anterior active elevation
moyenne (30–180), la rotation latérale coude au corps de 29° of 125° (range 30 to 180), an external rotation of 29° (range
(0–60) et la rotation interne permettait d’atteindre L3 (fesse–T7). 0 to 60) and an internal rotation at the level of L3 (range
Pour la série globale, le score de Constant était de 63/100 points buttocks to T7). The average absolute Constant score was
en absolu (30–95) et 89 % en pondéré (43–136 %). Le score de 63/100 (range 30 to 95) and 89% (range 43 to 136) when
Constant était significativement meilleur lorsque le trochiter adjusted for age and gender. The Constant score was signifi-
était consolidé en position anatomique ; il était aussi significati- catively better when the greater tuberosity was healed in an
vement meilleur pour les hommes. Radiologiquement, le taux de anatomic position; it was also better for men. Radiologically,
malposition finale et de migration du trochiter était de 55 % pour the rate of greater tuberosity final malposition and migra-
l’implant standard et de 13 % pour l’implant fracture (p = 0,002). tion was 55% for the “standard” implant and 13% for the
Le score de Constant était significativement meilleur pour l’im- “fracture” implant (p=0.002). Constant score, active eleva-
plant fracture : 69 contre 54 (p = 0,001). tion and active external rotation were significantly better in
CONCLUSION : La consolidation du trochiter en position vicieuse the “fracture” group.
et/ou son absence de consolidation péjorent de façon significa- CONCLUSION: Malunion or nonunion of the greater tuberosity jeo-
tive le résultat fonctionnel des hémiarthroplasties pour fracture. pardizes the functional results of hemiarthroplasty for proximal
L’utilisation d’un implant spécifiquement destiné aux fractures de humeral fractures. Anatomical positioning and healing of the
l’humérus proximal améliore le positionnement initial et final du greater tuberosity are improved by the use of a specific “low pro-
trochiter par rapport à un implant standard. file” humeral implant.
Mots clés : Humérus proximal. – Fractures. – Prothèse d’épaule. Key words: Proximal humerus. – Fractures. – Shoulder prosthesis.
– Cal vicieux. – Pseudarthrose et migration du trochiter. – Greater tuberosity malunion. – Nonunion and migration.
mérus controlatéral, calculée en préopératoire sur une gnés de 100 mm était fixée directement sur le bras du
radiographie millimétrée de face. L’épicondyle laté- patient (et non sur la plaque radiologique) pour tenir
ral, définissant le plan biépicondylien, permet de fixer compte de l’agrandissement radiologique. On traçait
la rétroversion prothétique à 20° (correspondant à la sur ce cliché « l’axe prothétique » en repérant le milieu
valeur moyenne de rétroversion de la surface articulaire du canal médullaire au niveau du col chirurgical et
humérale supérieure). Ceci correspond à une rétrover- environ 10 cm plus bas (attention, cet « axe prothé-
sion moyenne de 25–30° par rapport à l’avant-bras. tique » représente l’axe du canal médullaire proxi-
mal et il est différent de l’axe osseux global). Cet axe
était prolongé vers chacune des extrémités proximale
Calcul préopératoire et distale de l’humérus. La longueur humérale est la
de la longueur humérale distance mesurée sur l’axe prothétique comprise entre
deux perpendiculaires à cet axe : l’une passant par la
Le calcul de la mesure de l’humérus controlatéral se tangente au trochiter et l’autre passant par le point le
faisait à l’aide d’une radiographie millimétrée de l’hu- plus médial de l’épitrochlée. Une règle de trois permet-
mérus sain effectuée sur un patient debout ou couché. tait de calculer la longueur réelle de l’humérus qui était
270 M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU
était placé dans la fenêtre prothétique et un autre assis. À partir de ces éléments, le score fonctionnel de
greffon en forme était intercalé latéralement entre Constant [14] prenant en compte la douleur, l’activité,
l’implant et le trochiter. Pour la prothèse standard, il la mobilité et la force était calculé. Ce score absolu
fallait souvent, au contraire, désépaissir le trochiter en était ensuite pondéré selon le sexe et l’âge pour élimi-
retirant du spongieux à la pince gouge pour pouvoir le ner les biais liés au « vieillissement physiologique » de
positionner correctement sur la prothèse. l’épaule.
différents (A. C., M. W.) de l’opérateur ; le recul moyen L’analyse des données a été réalisée avec le logiciel
à la révision était de 64 mois (24 à 150). Le résul- StatView™ pour Windows (version 5.0). Les résultats
tat subjectif était évalué en demandant aux patients ont été calculés en moyennes et pourcentage (± dévia-
s’ils étaient : « mécontents », « déçus », « satisfaits » tion standard). L’analyse statistique reposait sur des
ou « très satisfaits » du résultat de l’intervention. La tests de rangs signés de Wilcoxon et de Khi2. Le seuil
douleur était évaluée de deux façons : à l’aide d’une de significativité était fixé à 0,05 (p ≤ 0,05).
échelle verbale (elle était qualifiée comme « intoléra-
ble », « importante », « modérée » ou « absente ») et
d’une échelle visuelle analogique, de 0 (absente) à 15 Résultats
(intolérable). La mobilisation active en élévation anté- Complications et réopérations
rieure active, la rotation externe et interne coude au
corps étaient mesurées avec les patients assis. La force Un patient du groupe « standard » a présenté une rup-
en abduction bras tendu était mesurée en kilogrammes ture de l’artère axillaire découverte en peropératoire lors
à l’aide d’un dynamomètre également avec les patients de l’ablation de la tête humérale luxée dans le creux axil-
272 M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU
B
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Figure 5. Exemple de malposition postérieure du trochiter : le trochiter n’est visible qu’en rotation interne alors qu’il n’est plus visi-
ble en rotation neutre et rotation externe ; le scanner confirme une malposition postérieure du trochiter qui est pseudarthrosé.
Le type d’étude étant historique, le recul était forcément La figure 9 montre la répartition du sore de Constant
plus important dans le groupe standard (tableau 3). pour les deux groupes : on note des résultats hétérogè-
Au dernier recul, tous les items du score de Constant nes avec une répartition avec deux pics correspondant
étaient à l’avantage du groupe « fracture » sauf la force à des résultats très bons ou très mauvais pour les deux
(tableau 3). L’élévation antérieure active et la rotation types d’implant.
externe étaient significativement meilleures dans le
groupe « fracture » alors que pas la rotation interne Discussion
était identique (tableau 4).
La proportion de trochiters mal positionnés ou Malposition initiale et migration secondaire des tubé-
migrés était significativement plus importante dans le rosités constituent les deux principales causes d’échec
groupe « standard » (tableau 5). des prothèses implantées pour fracture de l’extrémité
274 M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU
61 prothèses
5 migrations 6 migrations
Constant 95 % 78,5 % 0,002 Notre étude n’est pas exempte de critiques, ne serait-ce
pondéré que parce qu’il s’agit d’une étude comparative rétrospec-
tive. Cependant, le faible nombre de patients opérés d’une
prothèse fracture par un seul chirurgien ne permettait pas
d’envisager une étude prospective. Le taux de révision de
Le recul était inférieur à notre série, avec un minimum 72 % de notre étude peut être considéré comme faible.
de 12 mois et une moyenne à 29 mois. L’analyse des Cependant, il s’explique d’une part par l’âge souvent élevé
résultats montrait, comme dans notre étude, un résultat au moment du traumatisme (6 patients décédés dans les
fonctionnel significativement meilleur chez les patients 2 ans postopératoires) et d’autre part, par la difficulté à
présentant une consolidation anatomique des tubéro- suivre les patients présentant une pathologie traumatique
sités. En revanche, la différence entre les deux groupes (16 patients perdus de vue avant 2 ans).
n’était pas significative pour la consolidation du trochiter L’expérience du chirurgien est bien sûr prépondé-
et le score de Constant. La différence trouvée entre les rante dans la qualité des résultats tant anatomiques
deux groupes d’implants dans notre série peut s’expli- que fonctionnels et peut constituer un biais de notre
276 M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU
Tableau 3
Épidémiologie des deux groupes
2 fractures-luxations
Tableau 4
Résultats fonctionnels selon le type d’implant
Tableau 5
Positionnement du trochiter selon le type d’implant
5 malpositions inférieures
14
Prothèse standard
12
Prothèse fracture
10
8
Effectif
0
0–10 10–20 20–30 30–40 40–50 50–60 60–70 70–80 80–90 90–100
–2
Figure 9. Répartition du score de Constant absolu
Score de constant selon le type d’implant.
ter (C).
étude. Néanmoins, on peut considérer que l’opéra- les patients et d’analyser les résultats anatomoradio-
teur avait déjà fini sa courbe d’apprentissage au début logiques.
de cette étude puisqu’il a déjà rapporté au préalable En revanche, notre étude comporte des points forts.
ses résultats avec la prothèse de Neer dans les fractu- Afin de limiter au maximum les biais de l’étude, nous
res [6]. Cependant, on ne peut exclure un biais dans avons utilisé des critères d’inclusion très stricts : les
cette étude, constitué par l’expérience du chirurgien fractures étaient toutes isolées, récentes et n’avaient
qui continue à s’améliorer avec le temps. Il est connu pas bénéficié de chirurgie préalable ; tous les patients
que le fait qu’un opérateur soit aussi concepteur d’im- ont été opérés par le même chirurgien, avec la même
plants puisse biaiser les résultats d’une étude. Dans technique chirurgicale. Le recul minimum était le
notre étude, nous pensons avoir éliminé ce biais en même pour tous les patients : un minimum de 2 ans
demandant à deux chirurgiens indépendants de revoir est souhaitable pour juger du résultat fonctionnel
278 M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU
Tableau 6
Comparaison des résultats de notre série avec ceux de la littérature
Notre 61 67 64 92 29 63 124,8 29 34
série
final [30,31]. Les deux groupes de patients étaient chirurgie. L’utilisation d’une instrumentation, systéma-
strictement comparables, sauf pour le recul qui était tique dans notre série, permet de régler précisément le
plus important dans le groupe « standard » mis à part positionnement de l’implant, de le réduire dans l’arti-
le recul plus important avec l’implant « standard ». culation pour vérifier l’absence d’erreur et au besoin de
Hormis les deux types d’implant différents, la techni- le modifier si l’on juge que la reconstruction des tubé-
que et les soins postopératoires étaient standardisés. rosités n’est pas anatomique. Une instrumentation per-
En conclusion, notre étude confirme que la qualité met aussi un cimentage facile, l’implant étant maintenu
de la reconstruction du trochiter dans le traitement des en place pendant cette étape. Les résultats de cette série
fractures de l’humérus proximal par prothèse d’épaule nous incitent à continuer dans cette voie et à utiliser un
constitue un élément clé du résultat fonctionnel. Une implant et une instrumentation spécifiques pour traiter
technique chirurgicale standardisée, réalisée par un les fractures déplacées et luxées de l’humérus proximal.
opérateur expérimenté utilisant un implant spécifique, L’expérience chirurgicale reste néanmoins prépondé-
permet d’optimiser et de fiabiliser les résultats de cette rante dans ces fractures difficiles et peu fréquentes.
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280 F. SIRVEAUX, ET AL.
RÉSUMÉ SUMMARY
La principale cause d’échec des hémiarthroplasties pour fracture The main reason for failure of hemiarthroplasty for fracture is
est l’absence de consolidation des tubérosités qui rend la coiffe failure of the tuberosity healing leading the rotator cuff functio-
fonctionnellement inefficace. Compte tenu des bons résultats des nally deficient. Thus, it appears logical to use the reverse pros-
prothèses inversées dans les omarthroses avec rupture étendue de thesis in acute fracture of the elderly patients in order to improve
la coiffe des rotateurs, il est apparu logique de proposer ce type mobility despite lack of tuberosity healing. However, tuberosity
d’implant dans les fractures du sujet âgé de manière à restaurer healing is actually needed to restore active external rotation,
la mobilité même en l’absence de consolidation des tubérosités. even for the reverse prosthesis. The purpose of this article is to
Mais la coiffe postérieure joue un rôle essentiel dans la rotation report a specific surgical technique of the reverse for fracture
externe active, et la consolidation des tubérosités est donc néces- and to analyse the previous published series. Considering the
saire y compris avec une prothèse inversée. Les auteurs décrivent short follow-up and the risk of complications, the reverse pros-
une technique spécifique de fixation des tubérosités adaptée à thesis should be indicated only for fractures in elderly patients
la prothèse inversée et rapportent les résultats des différentes who present local and general risk factors for bad results by
séries de la littérature. Compte tenu du risque de complications using an hemiarthroplasty.
et du problème du devenir à long terme de ce type d’implant, la
prothèse inversée doit être réservée aux fractures du sujet âgé Key words: Shoulder. – Fracture. – Proximal humerus. – Reverse
lorsque les conditions locales et générales ne sont pas favorables prosthesis.
à l’implantation d’une hémiarthroplastie.
rapportant les résultats d’hémiarthroplastie pour frac- utile, compte tenu de la limitation de la rotation interne
ture montrent que la principale complication est la souvent constatée après prothèse inversée. Dans tous
perte de fonction de la coiffe des rotateurs liée à une les cas, une évaluation neurologique précise doit per-
migration ou à un défaut de consolidation des tubéro- mettre d’éliminer une lésion du nerf axillaire. Le bilan
sités [2,16]. Ce défaut de consolidation des tubérosités radiographique standard doit comporter une incidence
entraîne des douleurs et une perte de mobilité souvent de face et de profil et un scanner sans injection. Le scan-
mal tolérées, même chez les sujets âgés. La prothèse ner permet de préciser le type de déplacement, l’état des
inversée peut théoriquement permettre au patient tubérosités et, indirectement, l’état de la coiffe par l’éva-
de récupérer une mobilité en élévation, même si les luation de l’infiltration graisseuse des muscles [10,20].
tubérosités n’ont pas consolidé. De plus, la prothèse En fait, les lésions de la coiffe en présence d’une frac-
inversée a montré son intérêt dans la reprise des échecs ture sont rares : entre 0 et 5 % [18,23,24]. Le scanner
d’hémiarthroplastie pour fracture [6,12,15,22]. est indispensable pour analyser l’état du stock osseux
glénoïdien et programmer le positionnement de l’em-
Indications et contre-indications base glénoïdienne au moment de l’intervention. Des
radiographies millimétrées des deux humérus en entier
Classiquement, les principales indications des remplace- peuvent être utiles pour planifier le positionnement de
ments prothétiques pour fracture sont les fractures à qua- la prothèse en hauteur, en particulier lorsqu’il existe
tre fragments déplacées, avec ou sans luxation de la tête, une comminution métaphysaire associée.
les fractures de la tête humérale emportant plus de 40 %
de la surface articulaire, et dans certains cas, les fractu-
res à trois fragments, avec un déplacement important et Technique opératoire
un os ostéoporotique. L’utilisation de la prothèse inver- Voies d’abord
sée peut se justifier chez les patients âgés qui présentent
des facteurs pronostiques de mauvais résultats avec une Les voies d’abord supérolatérale ou deltopectorale peu-
hémiarthroplastie : âge supérieur à 75 ans, comorbidité vent être utilisées. Le risque de luxation est plus élevé
associée, mauvais état des tubérosités, lésions préopéra- par voie d’abord deltopectorale [21]. Ce risque est plus
toires de la coiffe des rotateurs ou impossibilité de sup- important en cas de fracture en raison de l’hématome
porter une immobilisation prolongée et un programme et des fractures des tubérosités ne permettant plus
de rééducation spécifique [1,2,16,24]. d’avoir de repère épiphysaire. Dans les cas de fracture,
La prothèse totale d’épaule inversée est contre- nous préférons la voie d’abord supérolatérale. La voie
indiquée chez les patients jeunes et actifs, en dehors d’abord deltopectorale est utile s’il existe une extension
de situations exceptionnelles de sauvetage, en cas de la fracture au niveau de la diaphyse imposant une
d’infection ou d’atteinte du nerf axillaire. Son implan- ostéosynthèse complémentaire ou des cerclages.
tation est possible lorsqu’il existe un stock osseux Le patient est placé en position demi-assise. L’incision
glénoïdien suffisant qui doit être évalué précisément supérolatérale débute à hauteur de l’acromioclavicu-
en préopératoire par scanner. Compte tenu du risque laire, suit le bord antérieur de l’acromion et ne doit pas
particulier d’hématome après mise en place d’une pro- s’étendre à plus de 4 cm du bord latéral de l’acromion
thèse inversée du fait de l’espace mort sous l’acromion, compte tenu de la présence du nerf axillaire (figure 1A).
il est pour nous préférable d’attendre 2 à 3 jours avant Le deltoïde antérieur est détaché de l’acromion et un
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la mise en place de la prothèse pour diminuer les sai- écarteur est placé dans l’espace sous-acromial (figure 1B).
gnements peropératoires. L’hématome fracturaire est évacué. Au besoin, une
acromioplastie peut être réalisée pour faciliter l’expo-
Évaluation préopératoire sition en cas d’acromion débordant en avant. Si la voie
d’abord doit être étendue en bas, il est alors indispensa-
L’évaluation préopératoire des antécédents et de l’état ble de repérer et d’isoler le nerf axillaire au travers des
clinique du patient est très importante. Compte tenu fibres du deltoïde [30].
de l’âge des patients, il est important d’évaluer l’état Le temps suivant consiste à identifier les fragments
de santé général du patient et de détecter et traiter les osseux. L’intervalle des rotateurs est ouvert dans l’axe
comorbidités associées pouvant contre-indiquer une du trait de fracture qui sépare les tubérosités, le plus
anesthésie. La programmation du geste opératoire doit souvent en dehors de la coulisse bicipitale. Une téno-
tenir compte des éventuelles fractures associées, fré- tomie du biceps est réalisée de façon systématique.
quentes à cet âge (fracture du col du fémur, fracture du L’intervalle entre le supraépineux et l’infraépineux est
radius, etc.). L’évaluation de l’épaule controlatérale est identifié et ouvert, de manière à libérer complètement
282 F. SIRVEAUX, ET AL.
Figure 1. A. Voie d’abord supérolatérale. B. Discision des fibres et désinsertion du deltoïde antérieur.
Figure 2. Exposition du foyer de fracture et résection du Figure 3. Aspect du site opératoire après exérèse de la tête
supraépineux. humérale.
Prothèse d’épaule inversée dans les fractures de l’humérus proximal 283
Figure 4. A. Passage des fils à la jonction tendon–os du tubercule majeur. B. Passage des fils de traction au niveau du tuber-
cule mineur.
tubercule majeur autour du col de la prothèse avant nent les tubérosités autour de la prothèse. On com-
réduction. La technique de fixation des tubérosités est plète la fixation en utilisant les fils passés au travers
la même que celle décrite par Boileau et al. pour les de la diaphyse, passés à la jonction tendon–os pour
hémiarthroplasties [3]. Après réduction, le tubercule réaliser deux haubans (verticaux) (figure 8). Du fait
majeur est mobilisé et réduit temporairement autour de la médialisation de l’humérus proximal et de la
de la prothèse. Deux fils sont utilisés pour assurer résection du supraépineux, les tensions sur la coiffe
la fixation première du tubercule majeur autour de sont diminuées. La stabilité des tubérosités est testée
la prothèse (figure 6 A,B). Il est capital de réaliser la en fin d’intervention. Compte tenu du risque d’héma-
synthèse du trochiter par deux cerclages en plaçant le tome, il est important de mettre en place un drainage
bras en rotation neutre. Compte tenu de l’encombre- aspiratif dans l’espace sous-acromial pour 48 heures.
ment de la prothèse, il n’est pas nécessaire de réaliser Le deltoïde est ensuite réinséré par des points tran-
un complément de greffe. Les fils restants sont passés sosseux non résorbables au travers de l’acromion, en
autour du tubercule mineur et serrés à la face latérale veillant à prendre l’aponévrose superficielle et pro-
(figure 7 A,B). Les 4 cerclages horizontaux maintien- fonde du deltoïde [25].
Figure 7. Les deux tubérosités sont fixées autour du col de la prothèse par
4 cerclages horizontaux. A. Vue latérale. B. Vue axiale.
Prothèse d’épaule inversée dans les fractures de l’humérus proximal 285
traités par prothèse inversée pour fracture de l’extré- [29], au recul moyen de 46 mois, nous avions retrouvé
mité proximale de l’humérus obtenaient une élévation un score de Constant moyen de 55 points avec une
moyenne de 113° [28]. Globalement, les résultats élévation antérieure active moyenne de 107° et une
apparaissaient moins bons que ceux rapportés avec rotation externe moyenne de 10°. Dans cette série,
la prothèse inversée dans les omarthroses excentrées. la récupération de la rotation externe active avait été
La récupération de la mobilité en élévation est pos- possible lorsque les tubérosités étaient consolidées,
sible même s’il existe une consolidation incomplète mais le nombre de cas inclus ne permettait pas de met-
des tubérosités, alors qu’un défaut de consolidation tre en évidence de différence statistiquement significa-
des tubérosités conduit à une limitation majeure des tive. Comparés à une série de patients porteurs d’une
amplitudes avec une hémiarthroplastie. hémiarthroplastie pour la même indication, les résul-
En 2006, Cazeneuve et al. [5] ont rapporté une série tats n’apparaissaient pas significativement différents,
de 23 cas dont 16 avaient été revus avec un recul moyen mais la répartition des résultats était différente en fonc-
de 86 mois. L’âge moyen des patients était de 75 ans tion de la prothèse utilisée. Avec la prothèse inversée,
(58–90). La prothèse avait été cimentée dans tous les cas un seul patient avait une élévation inférieure à 90°,
et les tubérosités n’avaient été fixées autour de la pro- mais l’élévation active n’excédait jamais 150°, alors
286 F. SIRVEAUX, ET AL.
qu’avec l’hémiarthroplastie, 11 % des patients avaient inversée permettait d’obtenir une récupération de la
une élévation supérieure à 150°, mais 50 % avaient rotation externe active et de diminuer la fréquence
moins de 90° d’élévation. Si on considérait, avec les des signes du clairon postopératoires avec la prothèse
deux prothèses, les cas où les tubérosités n’avaient pas inversée (figure 9).
consolidé, les résultats apparaissaient meilleurs avec la La prothèse inversée peut être considérée comme une
prothèse inversée (55 points contre 41 points avec une alternative à l’hémiarthroplastie chez le sujet âgé. Elle
hémiarthroplastie). Cette étude montrait qu’une répa- permet d’espérer une récupération de la mobilité en
ration rigoureuse des tubérosités avec une prothèse élévation même si les tubérosités n’ont pas consolidé.
Prothèse d’épaule inversée dans les fractures de l’humérus proximal 287
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RÉSUMÉ SUMMARY
Les prothèses d’épaule anatomiques pour le traitement des Shoulder arthroplasty for management of posttraumatic com-
séquelles des fractures de l’humérus proximal sont des interven- plications of fracture of the proximal humerus is a technically
tions techniquement difficiles à réaliser, avec des résultats sou- demanding procedure with unpredictable results. The high rate
vent imprévisibles. Le taux élevé de complications est souvent lié of complications is often related to technical difficulties, scar-
aux difficultés techniques, aux lésions cicatricielles du deltoïde, red deltoid, adhesions of rotator cuff tendons and malunion of
aux adhérences des tendons de la coiffe des rotateurs et aux cals the tuberosities. Greater tuberosity osteotomy must be avoided
vicieux de l’humérus proximal. L’ostéotomie des tubérosités doit when possible even if there is a distorted proximal humerus. If
être évitée lorsque cela est possible, même en présence d’une dis- there is no impingement because of the tuberosity malunion,
torsion de l’humérus proximal. Lorsqu’il n’existe pas de conflit lié the shoulder arthroplasty must be adapted to the proximal
au cal vicieux tubérositaire, la prothèse d’épaule doit être adaptée humerus. The postoperative rehabilitation program is modified
à l’humérus proximal. Le programme de rééducation postopéra- according to surgical findings and the technique that has been
toire doit être adapté en fonction des constatations opératoires employed.
et de la technique chirurgicale utilisée.
Mots clés : Prothèse. – Épaule. – Arthrose. – Cal vicieux. Key words: Shoulder. – Arthroplasty. – Osteoarthritis. – Malunion.
technique chirurgicale, des résultats cliniques et radio- degré de version humérale et de version glénoïdienne
graphiques et des facteurs pronostiques. [17]. Les radiographies au recul ont permis d’évaluer
l’existence de liserés périprothétiques, la position des
implants, ainsi que la présence d’ossifications péri-
Expérience clinique prothétiques. L’usure glénoïdienne était jugée comme
concentrique ou excentrique sur le profil axillaire
Vingt-huit patients opérés d’une prothèse d’épaule [14]. Dans 18 cas, la glène était considérée comme
pour le traitement d’une arthrose post-traumatique concentrique (type A d’après Badet et Walch [2])
avec un recul minimum de 2 ans ont pu être suivis et dans 10 cas comme excentrique (type B1 d’après
et revus pour cette étude. Il s’agissait de 9 hommes et Badet et Walch [2]).
19 femmes. Le côté dominant était atteint 15 fois.
L’âge moyen de cette population au moment de l’inter-
vention était de 61 ans (36 à 79 ans). Le traumatisme Technique chirurgicale
initial était : une fracture à trois fragments de l’humé-
rus proximal dans 10 cas, et une fracture à quatre frag- Notre technique était identique à celle décrite par
ments dans 7 cas. Dans 11 cas, la nature de la fracture Neer [20]. Une prothèse totale d’épaule a été mise
initiale n’a pas pu être identifiée. Ces fractures avaient en place dans 8 cas, et une hémiarthroplastie dans
été traitées de manière non chirurgicale dans 11 cas, et 20 cas. Pour 15 patients, il s’agissait d’une prothèse
de manière chirurgicale dans 17 cas. Il s’agissait d’une Neer II® (3M™, Saint-Paul, Minnesota) dont 7 tota-
réduction par manœuvres externes avec embrochage les et 8 hémiarthroplasties, et pour 13 patients, une
centromédullaire [12] dans 9 cas, d’une réduction à prothèse Modular Shoulder® (3M™) dont 1 totale et
foyer ouvert avec ostéosynthèse dans 6 cas, et dans 12 hémiarthroplasties. L’implant huméral était cimenté
2 cas, la technique utilisée était inconnue. Les séquelles dans tous les cas. L’implant glénoïdien était un implant
étaient représentées au niveau de l’humérus proximal à quille en polyéthylène cimenté dans tous les cas.
par : une arthrose glénohumérale sans déformation Un abord deltopectoral a été utilisé dans tous les cas
de l’extrémité proximale de l’humérus dans 11 cas, sauf 1, où l’incision supérieure initiale a été reprise.
une ostéonécrose secondaire dans 7 cas, une arthrose Le deltoïde était normal dans 26 cas et atrophique
avec pseudarthrose dans 2 cas, et une arthrose avec dans 2 cas. La désinsertion du deltoïde de l’acromion
cal vicieux de l’humérus proximal dans 8 cas. Le délai n’a pas été nécessaire dans cette série. Le tendon du
entre la fracture initiale et la mise en place de l’arthro- subscapulaire était normal dans 17 cas, et cicatri-
plastie était de 96 mois en moyenne (extrêmes : 12 et ciel dans 11 cas. Pour restaurer une rotation externe
360 mois). Les patients présentaient une symptoma- fonctionnelle, la capsule était libérée tout autour
tologie douloureuse depuis 32 mois (extrêmes : 6 et de la glène, et le subscapulaire était libéré du col de
120 mois) avant la mise en place de la prothèse. l’omoplate dans 17 cas. Dans 3 cas, un allongement
en Z du tendon du subscapulaire a été nécessaire. Les
tendons de la coiffe étaient normaux chez 20 patients
Évaluation clinique et radiologique et rompus chez 8. Il s’agissait de 5 lésions isolées du
supraépineux et 3 lésions associées du supra- et de
Les patients ont été évalués en postopératoire avec le l’infraépineux. La coiffe a été réparée de manière
A B C D
Figure 1. Résultats radiographiques d’une fracture à quatre fragments impactée en valgus traitée de manière chirurgicale chez un
patient de 71 ans. A. Vue de face de la fracture. B. Vue de face après traitement chirurgical. C. Deux ans plus tard, il existe un cal
vicieux de l’humérus proximal avec ostéonécrose. D. Mise en place d’une prothèse humérale sans ostéotomie tubérositaire avec, à
5 ans, un excellent résultat d’après Neer et un score de Constant pondéré de 99 %.
292 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE, Y. BELLUMORE, M. MANSAT
de 6,2 (extrêmes : 4 à 10) à 14 points (extrêmes : 4 à moaxés, alors que l’implant était en valgus dans 4 cas,
20) en postopératoire (p < 0,001). La mobilité progres- et en varus dans 5 cas. La distance moyenne (D) entre
sait de 11 (extrêmes : 4 à 16) à 23 points (extrêmes : 2 à la tangente au bord supérieur de la tête humérale et
40) [p < 0,001]. L’élévation antérieure active passait de la partie supérolatérale du trochiter était de 6,7 mm.
71 (extrêmes : 30 à 90°) à 107° (extrêmes : 40 à 180°) Dans 3 cas, le trochiter était au-dessus de la ligne pas-
[p < 0,01]. La rotation externe mesurée coude au corps sant par le pôle supérieur de la tête humérale. Pour ces
progressait de – 8 (extrêmes : – 60 à 20°) à 20° (extrê- 3 patients, les résultats étaient excellents dans 1 cas,
mes : – 15 à 70°) [p < 0,01]. Enfin la rotation interne, satisfaisants dans 1 cas, et non satisfaisants dans
mesurée main dans le dos, passait du sacrum (extrê- 1 cas. Dans notre série, la position du trochiter n’a pas
mes : grand trochanter à L1) à la 3e vertèbre lombaire influencé le résultat final (p > 0,05). La distance acro-
(extrêmes : trochanter à T7). miohumérale (AH) était de 7 mm en moyenne (de 0 à
La force musculaire mesurée chez 14 patients à l’aide 13 mm). Quinze patients présentaient une distance AH
d’un instrument dynamométrique était estimée à 5,2 kg de moins de 8 mm. Cette distance était corrélée avec
en moyenne (extrêmes : 0 à 14,6 kg). l’activité postopératoire (p < 0,01), la mobilité post-
Le score de Constant postopératoire calculé chez les opératoire (p < 0,05) et l’élévation antérieure postopé-
14 patients ayant bénéficié de la mesure de la force était ratoire (p < 0,01). Le déport latéral de l’humérus était
de 54 points sur 100 (extrêmes : 17 à 83,6). Avec la en moyenne de 24,3 mm (de 21 à 28). Ces paramètres
pondération par âge et le sexe, le score atteignait 72 % n’avaient aucune influence sur le résultat final. Le bras
(extrêmes : 24 à 117 %). de levier du trochiter était en moyenne de 8,5 mm (de
4 à 24). Aucune corrélation n’a été retrouvée entre ce
paramètre et le résultat final.
Résultats radiographiques Des liserés autour de l’implant huméral ont été retrou-
vés dans 8 cas. Ils étaient dans tous les cas incomplets
Des ossifications périprothétiques étaient présentes et se situaient principalement sous la tête humérale.
dans 11 cas. Il s’agissait d’ossifications minimes dans Dans 3 cas, il existait des liserés autour de l’implant
6 cas, prédominant sur le versant huméral dans 3 cas, glénoïdien. Le liséré était complet dans 1 cas, et incom-
et du côté de l’omoplate dans 2 cas. Aucune corréla- plet dans 2 cas. Dans tous les cas, il s’agissait de liserés
tion n’a été retrouvée entre la présence de ces ossifica- dont la taille était inférieure ou égale à 1 mm mais non
tions et le résultat final. évolutifs. Dans notre étude, aucun cas de migration ou
La position de l’implant a été analysée par la mesure de descellement de l’implant n’a été noté.
de différents paramètres sur un cliché de face en rota-
tion neutre (tableau 1). Dix-neuf implants étaient nor-
Complications
Il n’y a pas eu de complication peropératoire dans cette
Tableau 1
série. Une reprise chirurgicale a été nécessaire pour le
Évaluation radiographique du composant huméral
traitement d’une infection profonde tardive 2 ans après
Mesures radiographiques Résultats (n = 28) la chirurgie initiale. Aucun point d’entrée n’avait été
retrouvé et la reprise chirurgicale a consisté en l’abla-
pour les arthroses post-traumatiques avec une posi- tats des prothèses d’épaule dans ce contexte et seuls
tion des tubérosités proche de la normale, comparées quelques cas cliniques ont été rapportés (tableau 3).
aux arthroses avec pseudarthrose ou cals vicieux À la lecture de la littérature, un résultat satisfaisant
majeurs qui présentaient les plus mauvais résul- peut être espéré dans 15 à 72 % des cas en fonction
tats (tableau 2). Le type de prothèse, humérale ou des séries, avec suppression des douleurs dans plus de
totale, ou le caractère monobloc ou modulaire n’ont 85 % des cas. Cependant, Frich [11], dans sa série, a
pas influencé le résultat final (figure 2). Le type de montré que le résultat sur la douleur était imprévisi-
traitement de la fracture initiale (orthopédique ou ble. La mobilité de l’épaule est souvent limitée avec
chirurgicale) n’a pas non plus influencé le résultat. une élévation antérieure active autour de 110°, et une
En revanche, la réalisation d’une ostéotomie du tro- rotation externe autour de 20°. Les résultats retrou-
chiter, réalisée chez seulement 3 patients, a eu une vés dans notre série sont en accord avec la littéra-
influence particulièrement défavorable avec un score ture, avec 85 % de patients indolores ou présentant
de Constant moyen égal à 36 points et des résultats une douleur minime, une élévation antérieure active
non satisfaisants selon Neer. progressant de 71 à 107° avec une rotation externe
progressant de – 8 à 20°. Le taux de complications
est habituellement plus élevé que pour les autres étio-
Discussion logies de prothèses d’épaule [6,23]. Le pourcentage
de complications varie de 20 à 48 % en fonction des
Les résultats des prothèses d’épaule non contraintes séries (tableau 3). Le taux de révision varie de 3,5 à
pour le traitement des séquelles traumatiques sont 35 % (tableau 3).
classiquement les moins bons par rapport aux résul- Plusieurs facteurs semblent influencer les résultats
tats des prothèses pour omarthrose primitive ou même finaux. Norris [21], sur une série de 23 cas de séquelles
pour fractures [8,16,19]. Peu d’articles dans la litté- de fractures à trois et quatre fragments de l’humérus
rature se sont particulièrement intéressés aux résul- proximal traitées par prothèse d’épaule, a souligné le
Tableau 2
Résultats cliniques au recul en fonction du type de séquelle
Cas 11 7 8 2
Score de Neer (excellent 9 sur 11 (82 %) 4 sur 7 (57 %) 4 sur 8 (50 %) 1 sur 2 (50 %)
et satisfaisant)
Score de Constant 88 % (n = 5) 69 % (n = 5) 69 % (n = 2) 45 % (n = 2)
pondéré*
Les résultats cliniques sont exprimés en fonction des critères du score de Constant [9]. *Seuls 14 patients ont eu un score de Constant
complet avec la mesure de la force musculaire.
294 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE, Y. BELLUMORE, M. MANSAT
B
Figure 2. Résultats radiographiques d’une fracture à trois fragments traitée de manière orthopédique chez un patient de 57 ans. A. Vue
de face de la fracture. B. Un an plus tard, il existe une ostéonécrose de la tête humérale. C. Une prothèse totale d’épaule a été mise en
place et à 13 ans de recul, le patient avait un résultat satisfaisant selon Neer avec un score de Constant pondéré de 70 %.
rôle fondamental du traitement de la fracture initiale post-traumatiques après fracture n’obtenaient que 45 %
sur le résultat final : les patients traités initialement de d’excellents résultats.
manière non chirurgicale ont eu un meilleur résultat Récemment, Boileau et al. [4] ont analysé les résultats
que les patients traités chirurgicalement. De même, des prothèses d’épaule pour le traitement des séquelles
pour Antuña et al. [1], les patients traités initialement de fracture. Les séquelles étaient divisées en deux caté-
de leur fracture de manière non chirurgicale présen- gories. La première catégorie comprend les séquelles
taient de meilleures mobilités après la mise en place des fractures intracapsulaires impactées (associées à la
de la prothèse par rapport aux patients ayant été opé- fois au collapsus de la tête humérale, ou à une nécrose,
rés. Aucune différence significative n’a pu être retrou- ou à une luxation chronique, ou à une luxation-frac-
vée dans notre étude entre les deux types de prise en ture). La seconde catégorie comprend les séquelles de
charge initiale sur le résultat final. fractures désimpactées extracapsulaires (associées à la
Dines [10], dans une série plus récente, a montré fois à une pseudarthrose du col chirurgical de l’humé-
que sur 20 patients traités par prothèses modulaires, rus et un cal vicieux tubérositaire). Dans la première
de meilleurs résultats étaient obtenus avec les prothè- catégorie, l’articulation peut être reconstruite sans
ses humérales par rapport aux prothèses totales avec réaliser une ostéotomie des tubérosités, alors que dans
un score de 79,7 sur 100 et 72 sur 100 respectivement la seconde catégorie, une ostéotomie tubérositaire est
en utilisant le score HSS (hospital for special surgery). souvent nécessaire (17 sur 22) pour pouvoir position-
Dans notre série, nous n’avons pas pu montrer de dif- ner convenablement la prothèse. Le score de Constant
férence significative entre les différents types de pro- pondéré était meilleur pour les séquelles des fractures
Tableau 3
Revue de la littérature concernant les résultats des prothèses d’épaule dans l’arthrose post-traumatique
Auteurs Cas PH/PTE Ostéotomie Résultats Indolence Mobilité Activité au Complica- Révisions (%)
trochiter satisfai- ou douleur postopéra- niveau ou tions (%)
sants (%) minime (%) toire (EAA/ au-dessus de
REA) (°) l’épaule (%)
de 57 % lorsqu’il existait une ostéonécrose, 50 % ment important influençant le résultat final [5,23].
en présence de pseudarthrose, et 50 % en cas de cal Pour Bosch [5], c’est la coopération du patient plus
vicieux. Le score de Constant pondéré était de 88 % que son âge qui est essentielle pour l’efficacité de la
pour les arthroses post-traumatiques sans distorsion rééducation.
des tubérosités, alors qu’il n’était que de 69 % en cas
de cal vicieux, et 45 % en cas de pseudarthrose. Une Conclusion
ostéotomie du trochiter a été réalisée pour 3 patients
dont le score moyen était de 36 % avec, dans tous Les prothèses d’épaule pour le traitement des séquel-
les cas, un résultat non satisfaisant selon Neer. Pour les des fractures de l’humérus proximal sont des inter-
Antuña et al. [1], les patients ayant présenté une ostéo- ventions techniquement difficiles à réaliser, avec des
tomie du tubercule majeur présentaient une élévation résultats souvent imprévisibles. Le taux élevé de com-
antérieure active de 86° avec une rotation externe de plications est souvent lié aux difficultés techniques,
27° comparée à 119 et 44° pour ceux qui n’en avaient aux lésions cicatricielles du deltoïde, aux adhéren-
pas eu. ces des tendons de la coiffe des rotateurs et aux cals
D’après les résultats de notre série et ceux de la litté- vicieux de l’humérus proximal. Une sélection rigou-
rature, les facteurs pronostiques qui semblent influen- reuse des patients ainsi qu’une planification préopé-
cer de manière péjorative le résultat final sont : un ratoire précise est nécessaire pour espérer obtenir un
âge élevé [10], la durée de la symptomatologie [5,22], résultat satisfaisant. L’ostéotomie des tubérosités doit
l’étiologie [4,10,19], une lésion de la coiffe des rota- être évitée lorsque cela est possible, même en présence
teurs [23], la réalisation d’une ostéotomie des tubéro- d’une distorsion de l’humérus proximal. Lorsqu’il
sités [1,3,9,22] et l’utilisation d’une hémiarthroplastie n’existe pas de conflit lié au cal vicieux tubérositaire,
par rapport à une prothèse totale de l’épaule [10]. La la prothèse d’épaule doit être adaptée à l’humérus
durée de la rééducation semble également être un élé- proximal.
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298 G. MOINEAU, ET AL.
RÉSUMÉ SUMMARY
Le diagnostic et le traitement des séquelles traumatiques de l’humé- Proximal humerus fracture sequelae remain a challenge. Three
rus proximal restent un challenge. Trois éléments clés doivent être key elements must be taken into consideration for their diagno-
évalués afin de mieux les définir, de les classer et donc de les traiter : sis and thus, their treatment: 1) the distortion of the anatomy
1) l’importance de la distorsion de l’anatomie des tubérosités (néces- of the tuberosities (rendering an osteotomy of the greater tube-
sitant ou non une ostéotomie de la grosse tubérosité) ; 2) la présence rosity necessary or not); 2) the continuity or discontinuity of the
ou non d’une continuité osseuse entre la diaphyse et 3) le massif des diaphysis and 3) the tuberosities (nonunion of the surgical neck),
tubérosités (pseudarthrose du col chirurgical), et l’existence ou non and the existence or not of a locked dislocation (anterior or pos-
d’une luxation invétérée (antérieure ou postérieure). Si la déformation terior). If the distortion is moderate, with a diaphysis-tuberosity
anatomique est modérée, avec continuité osseuse diaphyse–tubéro- continuity (Type 1 sequela) and/or a locked dislocation (Type 2
sité (séquelle de type 1) et/ou luxation invétérée (séquelle de type 2), sequela), a nonconstrained shoulder prosthesis can be implan-
une prothèse anatomique non contrainte peut être implantée avec ted with good and predictable functional results. In the case of
un résultat fonctionnel bon et prévisible. En l’absence de continuité a diaphysis-tuberosity discontinuity (Type 3 sequela) or in the
entre la diaphyse et les tubérosités (séquelle de type 3) ou en cas de case of a major distortion of the anatomy of the tuberosities
grande déformation de l’anatomie du massif des tubérosités (séquelle (Type 4 sequela), an osteotomy of the greater tuberosity is nee-
de type 4), une ostéotomie de la grosse tubérosité est nécessaire lors ded to implant the nonconstrained prosthesis. The osteotomy
de la mise en place d’une prothèse anatomique. Cette ostéotomie du of the greater tuberosity is the cause of poor functional results
trochiter est source de mauvais résultats fonctionnels à cause de la due to the onset of osteolysis, of a secondary displacement or
survenue d’une lyse osseuse, d’un déplacement secondaire ou d’une persistant nonunion. This is the reason why, in the case of these
pseudarthrose. C’est pourquoi, dans ces deux types de séquelles de two types of fracture sequelae, a treatment option other than
fracture, une autre option que la prothèse non contrainte doit être a nonconstrained prosthesis should be chosen. In the case of
choisie. En cas de pseudarthrose du col chirurgical (séquelle de nonunion of the surgical neck (Type 3 sequela), or severe tubero-
type 3), une greffe osseuse encastrée associée à une ostéosynthèse sity malunion (Type 4 sequela), a constrained (reverse) prosthesis
est recommandée. En cas de déformation sévère (séquelle de type 4), is indicated.
une prothèse contrainte (inversée) est indiquée.
Key words: Fracture sequelae. – Proximal humerus. – Classification.
Mots clés : Séquelles de fracture. – Humérus proximal. – Classification. – Treatment. – Shoulder arthroplasty.
– Traitement. – Prothèse d’épaule.
19,22,25]. L’analyse comparative de la littérature est diffi- chiter et trochin), pour lesquels, en principe, l’indica-
cile, car les séries sont courtes et très hétérogènes, mélan- tion d’une prothèse d’épaule ne se pose pas et où les
geant différentes séquelles de fracture et différents types traitements conservateurs visant à corriger le cal vicieux
de traitements chirurgicaux [1,2,8,9,12,15,18,19,22,25]. et à ostéosynthéser la tubérosité ont toute leur place.
Les patients présentant ces séquelles sont souvent plus Les séquelles de fracture sont individualisables en
jeunes et plus actifs que ceux ayant une omarthrose pri- deux grands groupes [4,6] (tableau 1).
mitive. Pour cette raison, il est primordial de connaître le Un premier groupe de séquelles est secondaire à une
véritable pronostic postopératoire des différents types de fracture intracapsulaire avec impaction céphalique de
séquelles avant de proposer un éventuel traitement chirur- l’humérus proximal. À la période séquellaire, la défor-
gical. C’est dans ce but que Boileau et al. [3,4,6,17] ont mation de l’humérus proximal est modérée avec une
décrit et validé une classification des différents types de anatomie relativement bien conservée. Il est impor-
séquelles et proposé un arbre décisionnel thérapeutique. tant de noter la continuité osseuse entre le massif des
Les objectifs de cet article sont : tubérosités et la diaphyse humérale. Du fait de cette
– d’expliquer la physiopathologie des séquelles de continuité osseuse et du cal vicieux peu important de
fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus et de l’humérus proximal, aucune ostéotomie de la grosse
décrire la classification qui en découle ; tubérosité n’est nécessaire pour implanter une prothèse
– de rapporter le résultat fonctionnel de ces séquelles de d’épaule. Dans ce premier groupe, sont individualisées
fracture avec différentes prothèses (contraintes et non les séquelles de type 1 et de type 2. Dans les séquelles
contraintes) et certains traitements conservateurs ; de type 1 (ostéonécrose et/ou collapsus céphalique), le
– de proposer des indications thérapeutiques en fonc- tubercule majeur est légèrement déplacé et le fragment
tion du type de séquelles et de donner quelques recom- céphalique est impacté (en valgus ou en varus) dans
mandations techniques fondées sur notre expérience. la diaphyse humérale, ou s’est effondré suite à une
ostéonécrose. Dans les séquelles de type 2 (luxation
ou fracture-luxation invétérées), le fragment céphali-
Physiopathologie et classification que est en position de luxation invétérée (antérieure
des séquelles traumatiques ou postérieure).
de l’humérus proximal Un second groupe de séquelles est secondaire à
une fracture extracapsulaire, désengrenée de l’humé-
Nous n’envisageons ici que les séquelles complexes de rus proximal. Au stade séquellaire, il n’existe plus de
l’humérus proximal. Nous excluons les cals vicieux ou continuité entre le massif des tubérosités et la diaphyse
pseudarthroses isolés de l’une des deux tubérosités (tro- humérale, soit à cause d’une pseudarthrose du col
Tableau 1
Physiopathologie et relations entre le mécanisme traumatique initial et le type de séquelles fracturaire
sulaire impactée médiolatérale gus ou en varus la diaphyse modérée de l’ana- nécrose céphalique
tomie de l’humé- (type 1)
rus proximal +
Compression Impaction + luxa- continuité entre la Avec luxation
antéropostérieure tion postérieure diaphyse et l’épi- céphalique invétérée
ou antérieure physe fracturée (type 2)
chirurgical de l’humérus pour les séquelles de type 3, Résultats des prothèses d’épaules
soit à cause d’un cal vicieux sévère des tubérosités
pour les séquelles de type 4. Dans ces cas, une ostéoto- non contraintes (anatomiques)
mie du trochiter est indispensable pour implanter une
prothèse d’épaule. Les résultats de 203 séquelles de fracture de l’humérus
Les principes pour classer une séquelle de fracture de proximal traitées par prothèse d’épaule non contrainte
l’humérus proximal sont simples et s’appliquent à tous (prothèse Aequalis® [Tornier]) ont été évalués à 42 mois
les types de séquelles [3,4,6]. Cette classification est de recul moyen (24 à 96 mois) [3]. L’âge moyen était de
fondée sur l’analyse de deux clichés radiographiques 61 ans et 27 % des patients avaient bénéficié initialement
(une incidence de l’épaule de face et un profil axillaire), d’un traitement chirurgical de leur fracture initiale. Il a été
au mieux complétés par un scanner, un arthroscanner réalisé 84 prothèses totales d’épaule et 119 hémiarthro-
ou une imagerie par résonance magnétique (IRM). En plasties. Une ostéotomie de la grosse tubérosité a été réa-
pratique, il faut se poser trois questions pour détermi- lisée dans tous les cas de séquelles de type 3 ou 4.
ner le type de séquelles (figure 1) : Les résultats de cette série, résumés dans le tableau 2,
– Y a-t-il une luxation invétérée (postérieure ou anté- confirment que les résultats des prothèses d’épaules ana-
rieure) de la tête humérale ? Si oui, il s’agit d’une tomiques (non contraintes) dans les séquelles de types
séquelle de type 2. 1 et 2 sont bons, de manière prévisible [13], à partir
– Y a-t-il une pseudarthrose isolée du col chirurgical du moment où aucune ostéotomie de la grosse tubé-
(discontinuité diaphyse et massif des tubérosités) ou rosité n’est réalisée. Comme Boileau et al. [3,4,6,17],
un cal vicieux ? Si oui, il s’agit d’un type 3. d’autres auteurs [1,12,22] soulignent également le
– Peut-on implanter une prothèse anatomique sans caractère péjoratif d’une ostéotomie de la grosse tubé-
réaliser d’ostéotomie du tubercule majeur sur la plani- rosité sur le résultat des séquelles de fracture. D’autres
fication préopératoire ? Si oui, il s’agit d’un cal vicieux facteurs influent sur le résultat de ce type d’implant
modéré et acceptable de l’humérus proximal et donc dans les séquelles de types 1 et 2. Les prothèses tota-
d’un type 1 ; si non, il s’agit d’un type 4 (cal vicieux les d’épaules semblent avoir de meilleurs résultats que
majeur et inacceptable de l’humérus proximal). les hémiarthroplasties [3,10], même si Mansat et al.
Cette classification simple, fondée sur la physiopa- [12] ne retrouvent pas de différence significative. L’état
thologie des traumatismes de l’extrémité supérieure de de la coiffe des rotateurs influe sur le résultat clinique
l’humérus, ne prend cependant pas en compte l’état de des prothèses totales d’épaule non contraintes dans les
la coiffe des rotateurs, qui peut être rompue, fibrosée séquelles de types 1 et 2 [12,16,26]. Enfin, il faut sou-
ou non fonctionnelle, ni d’éventuelles rétractions cap- ligner l’importance pronostique du traitement initial de
sulaires. Toutefois, elle permet de poser les indications la fracture. Les résultats des prothèses non contraintes
chirurgicales, d’anticiper les difficultés peropératoires semblent meilleurs après traitement orthopédique initial
et de connaître le pronostic postopératoire. Il est en de la fracture qu’après traitement chirurgical [1,3,18].
revanche indispensable d’évaluer l’état de la coiffe des Pour les séquelles de types 3 et 4, il a toujours été néces-
rotateurs, en pré- et peropératoire, car cela peut faire saire de réaliser une ostéotomie de la grosse tubérosité
modifier certaines indications chirurgicales. afin d’implanter une prothèse non contrainte d’épaule.
La réalisation de cette ostéotomie de la grosse tubérosité
péjore le résultat fonctionnel après ce type d’implants. Le
SÉQUELLES DE
FRACTURE IMPACTÉE, Type 1:
Type 2:
INTRACAPSULAIRE
Collapsus ou
Luxation invétérée ou
nécrose céphalique
Déformation modérée de fracture-luxation
l’anatomie
Continuité tubérosité–diaphyse
PAS D’OSTÉOTOMIE DU
TUBERCULE MAJEUR
SÉQUELLES DE
Type 3: Type 4:
FRACTURE
DÉSENGRÉNÉE, Pseudarthrose ou Cal vicieux important
EXTRACAPSULAIRE cal vicieux du massif tubérositaire
du col chirurgical
Importante déformation
anatomique + discontinuité
massive tubérosité–diaphyse
OSTÉOTOMIE DU
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TUBERCULE MAJEUR
NÉCESSAIRE
Résultats mauvais et
imprévisibles avec une prothèse
non contrainte
Tableau 2
Comparaison des résultats des prothèses non contraintes (anatomiques) et des prothèses contrain-
tes (inversées) dans les différents types de séquelles de fracture de l’humérus proximal
Séquelles de type 4 n = 18 n = 17
résumés dans le tableau 2. L’âge moyen des patients Pour les séquelles de type 4, les résultats des PTEI
était de 72 ans et 60 % des patients avaient bénéficié sont nettement supérieurs à ceux des prothèses anato-
initialement d’un traitement chirurgical de leur fracture. miques, faisant de ce type de séquelles l’indication de
Cette seconde série a permis de confirmer que les choix des prothèses inversées.
résultats des prothèses inversées sont globalement bons
dans les séquelles de fracture, sauf dans les séquelles de
type 3, où les résultats sont aussi mauvais qu’avec les Indications thérapeutiques
prothèses anatomiques. Il est donc évident que, pour dans les séquelles de fractures
les séquelles de type 3, une autre option chirurgicale de l’humérus proximal
doit être envisagée.
Pour les séquelles de types 1 et 2, les bons résultats Les résultats des deux séries présentées doivent être
des prothèses inversées doivent être mis en balance avec interprétés avec prudence, car les patients sont plus jeu-
ceux des prothèses anatomiques. En effet, les résultats nes dans la série des prothèses non contraintes (61 ans
sur la douleur et l’élévation antérieure sont comparables ; contre 72 ans) et le nombre de cas est limité dans la
en revanche, les résultats sur les rotations externes sont série des prothèses inversées. Malgré cela, ils servent de
meilleurs avec les prothèses non contraintes. Il est impor- base au raisonnement thérapeutique que nous menons
tant de prendre en compte l’état de la coiffe des rotateurs devant une séquelle de fracture de l’humérus proximal à
en pré- et peropératoire dans le choix thérapeutique. partir de notre classification, décrite ci-dessus (figure 2).
Prothèse contrainte
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Greffe encastrée
Figure 2. Indications thérapeutiques en fonction du type de séquelles post-traumatiques de l’extrémité supérieure de l’humérus.
304 G. MOINEAU, ET AL.
En plus de l’âge du patient, il est important, pour poser tout si la fracture date de plus de 6 mois, car dans ces
l’indication thérapeutique, de ne pas négliger l’état de la cas, une érosion glénoïdienne est très souvent présente
coiffe des rotateurs. ou apparaîtra secondairement. Seuls les patients pré-
Dans les séquelles de type 1, les résultats des pro- sentant une coiffe détériorée et non fonctionnelle sont
thèses inversées sont équivalents à ceux observés avec susceptibles de bénéficier d’une prothèse inversée.
les prothèses non contraintes, excepté pour la rotation Pour les séquelles de type 2, la prothèse anatomique
externe qui est inférieure. C’est pourquoi notre appro- comme la prothèse inversée peuvent être indiquées car
che actuelle est de privilégier la prothèse non contrainte leurs résultats sont proches. Une prothèse non contrainte
chez les patients présentant ce type de séquelle, afin d’es- est pour nous préférable dans les cas de luxations pos-
sayer de restaurer au mieux l’élévation antérieure, mais térieures invétérées (figure 4). En revanche, dans les
aussi la rotation externe active (figure 3). En outre, les luxations antérieures invétérées, nous privilégions la
prothèses non contraintes sont associées à un taux de prothèse inversée car, dans notre pratique, les prothèses
complication plus faible. Nous privilégions également non contraintes sont très difficiles voire impossibles à
la prothèse totale d’épaule à l’hémiarthroplastie, sur- stabiliser (figure 5).
Figure 3. Exemple de collapsus céphalique avec ostéonécrose et cal vicieux modéré en valgus du trochiter (séquelle de type 1)
traité par prothèse totale d’épaule non contrainte, sans ostéotomie de la grosse tubérosité. Bon résultat clinique prévisible avec
restauration de l’élévation antérieure et des rotations actives.
Séquelles de fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 305
Figure 4. Exemple de fracture-luxation postérieure invétérée (séquelle de type 2), traitée à 7 mois du
traumatisme par une prothèse d’épaule anatomique humérale simple sans ostéotomie de la grosse
tubérosité. Bon résultat clinique prévisible avec cette hémiarthroplastie.
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Dans les séquelles de type 3, les résultats des pro- actuellement, pour les pseudarthroses du col chirur-
thèses contraintes et non contraintes sont tous deux gical, une greffe osseuse centromédullaire encastrée,
mauvais. Le remplissage du canal médullaire par la associée à une ostéosynthèse interne (technique du
prothèse empêche la consolidation des tubérosités « bilboquet ») (figure 6). Walch et al. rapportent, sur
sur la diaphyse, pérennisant la pseudarthrose du col 20 cas traités selon cette technique, de bons résultats
chirurgical et aboutissant à une lyse, une migration ou avec 131° d’élévation antérieure et 40° de rotation
une pseudarthrose des tubérosités. Nous privilégions externe [23]. Seuls un défect osseux important ou une
Figure 6. Pseudarthrose du col chirurgical (séquelle de type 3). Le traitement recommandé dans ce type de séquelle consiste
à réaliser une greffe osseuse tricorticale encastrée prise aux dépens de l’aile iliaque (technique du « bilboquet » selon Walch).
L’ostéosynthèse complémentaire peut être réalisée avec une lame-plaque comme dans cet exemple. À noter qu’à 5 ans de recul, il
n’existe aucun signe d’ostéonécrose malgré la petite taille du fragment proximal.
Séquelles de fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 307
arthrose de la tête humérale nous font contre-indiquer du tubercule majeur. Il est important de comprendre que
le traitement conservateur. Dans ces cas, nous privi- ce n’est pas le trochiter qui est ascensionné, mais la tête
légions une prothèse moins encombrante au niveau humérale qui est impactée – la migration postérieure
métaphysaire (implant de type « fracture »), permettant du trochiter est habituellement modérée du fait de la
de réaliser une greffe osseuse métaphysaire autour de la traction divergente des muscles rotateurs externes. Très
prothèse (figure 7). souvent, seule une coupe osseuse minime est suffisante.
Pour les séquelles de type 4, le cal vicieux impor- Parfois, l’impaction de la tête est telle qu’aucune coupe
tant nécessite une ostéotomie de la grosse tubéro- n’est nécessaire, et les râpes sont passées directement
sité pour implanter une prothèse non contrainte. à travers le cartilage du fragment céphalique impacté.
Celle-ci péjore notablement le résultat des prothèses Cette coupe doit être évaluée à l’aide de calque lors
anatomiques [1,3,6,12,22]. La seule solution théra- de la planification préopératoire (figure 9). Il est pré-
peutique logique est donc la prothèse d’épaule inver- férable d’utiliser des tiges humérales cimentées de petit
sée [7], qui apporte de manière plus reproductible diamètre ou des implants fractures moins encombrants
de meilleurs résultats sur la douleur et la fonction en métaphysaire. Ces implants sont, le plus souvent,
(figure 8). Cependant, le choix d’une prothèse inver- posés en valgus et/ou latéralisés, afin de s’adapter au
sée avant l’âge de 65 ans doit être fait avec prudence. cal vicieux. En cas de déformation importante, l’uti-
Chez les patients jeunes, toutes les autres options lisation d’une tige courte permet de « tricher » encore
thérapeutiques doivent également être discutées. davantage, pour adapter la prothèse au mieux à cette
anatomie déformée (figure 10).
Recommandations techniques Pour les séquelles de type 2, en cas de luxation pos-
térieure, la prothèse non contrainte est habituelle-
Pour les séquelles de type 1, il faut tolérer le cal vicieux ment orientée avec une faible rétroversion [20,24].
du massif tubérositaire afin d’implanter une prothèse Le déport postérieur de la tête prothétique peut être
non contrainte, dont les résultats sont bons et prévi- nécessaire pour couvrir le tubercule majeur déplacé
sibles [13]. Nous conseillons l’utilisation de prothèses en arrière. En postopératoire, pour prévenir une réci-
d’épaule modulaires et adaptables [5], dont la position dive de l’instabilité postérieure, il est recommandé
de la calotte céphalique est réglable par rapport à la d’immobiliser les patients avec une attelle en rotation
diaphyse, afin de la placer au niveau ou juste au-dessus neutre ou en rotation externe, pour une durée de 4 à
6 semaines [21]. Dans le cadre de luxation antérieure
invétérée, contrairement à certains auteurs [11],
nous recommandons d’utiliser une prothèse d’épaule
inversée.
Les séquelles de type 3 sont une contre-indication aux
prothèses totales d’épaules contraintes et non contrain-
tes. Le traitement de référence doit être la greffe osseuse
intramédullaire encastrée, associée à une ostéosynthèse.
En cas d’arthrose ou de perte de substance osseuse impor-
tante associée au niveau céphalique, nous privilégions
la mise en place d’une prothèse moins encombrante en
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Figure 8. Exemple de séquelle de type 4 (distorsion sévère de l’anatomie de l’extrémité supérieure de l’humérus avec cal vicieux
sévère et/ou pseudarthrose des tubérosités) traitée par prothèse totale d’épaule inversée. Résultat clinique et fonctionnel accep-
d’éviter au maximum leur survenue. L’infection doit osseuse métaphyso-épiphysaire importante dans ce
toujours être évoquée en cas de traitement chirurgical type de séquelles. Une radiomensuration de l’humérus
de la fracture initiale. Dans cette situation, un bilan controlatéral permet d’anticiper le positionnement
biologique et scintigraphique doit être demandé pour de l’implant huméral. En cas de perte de substance
étayer le diagnostic. Au moindre doute, il ne faut osseuse proximale importante, il faut préférer l’uti-
pas hésiter à proposer une procédure opératoire en lisation d’une tige humérale longue, cimentée, car il
deux temps. Cette précaution est valable pour tous existe un risque accru de descellement. Les fractures
les types de séquelles. L’instabilité prothétique post- humérales peropératoires surviennent souvent du fait
opératoire est secondaire au positionnement trop bas de difficultés d’exposition, par rétraction médiale des
de l’implant huméral, du fait d’une perte de substance tubérosités. L’excision des tubérosités à la demande
Séquelles de fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 309
Figure 9. La planification préopératoire est importante, car elle Figure 10. Exemple de séquelle de type 1 traitée à l’aide d’un
permet d’évaluer la possibilité de mettre un implant huméral implant huméral type « tige courte ». Cet implant permet de
sans réaliser d’ostéotomie de la grosse tubérosité et d’antici- « tricher » sur le positionnement de l’implant, afin d’éviter une
per l’épaisseur souvent minime ou nulle de la coupe osseuse ostéotomie de la grosse tubérosité qui ferait passer ce type de
humérale. L’objectif doit être de positionner la tête prothétique séquelle d’un type 1 à un type 4, dont le pronostic fonctionnel
au sommet du trochiter. est moins bon.
permet d’améliorer la qualité de l’exposition. En fin de l’extrémité supérieure de l’humérus. Elle est fon-
d’intervention, une ostéosuture des tubérosités est dée sur des facteurs simples à identifier : la présence
réalisée si possible. Dans ce cas, il faut préférer un ou non d’une luxation, d’une pseudarthrose du col
implant huméral hybride (tige cimentée et épiphyse chirurgicale, et l’importance du cal vicieux des tubéro-
recouverte d’hydroxyapatite) qui favorise la conso- sités. Elle permet d’orienter l’indication chirurgicale en
lidation des tubérosités, voire une prothèse inversée- fonction de chaque type de séquelles (figure 2) et d’en
fracture qui permet, en plus, de rajouter de la greffe anticiper le résultat fonctionnel. Il est essentiel de gar-
osseuse au niveau épiphysaire. der à l’esprit que le facteur principal péjorant le résul-
tat final d’une prothèse non contrainte est l’ostéotomie
Conclusion de la grosse tubérosité. Il est donc préférable de tolérer
un cal vicieux lorsque cela est techniquement possible,
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La classification en 4 types proposée et résumée à la que de réaliser une ostéotomie de la grosse tubérosité,
figure 1 simplifie le problème des séquelles de fracture qu’il faut éviter à tout prix.
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RÉSUMÉ SUMMARY
Dans une étude multicentrique rétrospective, les auteurs ont ana- The authors present the results of a retrospective multicentric
lysé le résultat des prothèses d’épaule dans l’omarthrose excen- study of shoulder arthroplasty in cuff tear arthropathy; 136
trée secondaire à une rupture massive de la coiffe des rotateurs patients (142 shoulders) have been reviewed with 62 humeral
chez 136 patients : 62 hémiarthroplasties humérales, 80 prothèses hemiarthroplasties and 80 reversed prosthesis. The follow-up is
inversées. Le recul est voisin de 4 ans dans les deux groupes ; le 4 years in both groups. The rate of complications and revisions is
taux de complication et de reprise est similaire pour chacun d’eux. similar. The Constant Score is significantly better with the rever-
Le score de Constant est significativement meilleur après prothèse sed prosthesis; it is stable with time. The most frequent com-
inversée ; à moyen terme, il ne se dégrade pas avec le temps. Les plication is radiographic with a similar rate of scapular notch
principales complications radiographiques après prothèse inversée (62.5%) with a reversed prosthesis and subacromial osteoarth-
sont l’encoche du pilier de l’omoplate (62 %) et le descellement ritis with hemiarthroplasty (50%). This series allows to conclude
glénoïdien, dont la fréquence n’excède pas 5 %. Après hémiarthro- that the reversed prosthesis has become the gold standard
plastie, une ascension de la tête humérale et une arthrose sous- implant in cuff tear arthropathy. Technical improvements must
acromiale surviennent dans près de la moitié des cas. Cette série allow to enhance the glenoid fixation and to decrease the rate
permet de conclure que la prothèse inversée donne de meilleurs of scapular notch. The long-term results remain unknown and
résultats que les hémiarthroplasties sans être l’implant idéal dans it seems reasonable to reserve the reversed prosthesis to elderly
l’omarthrose excentrée. Les orientations techniques doivent per- patients while hemiarthroplasty, with limited functional goal,
mettre d’améliorer l’ancrage glénoïdien et de limiter l’incidence could be proposed to younger patients.
des encoches du pilier de l’omoplate avec les prothèses inversées.
La prudence conduit à en réserver l’usage chez les patients âgés Key words: Cuff tear arthropathy. – Hemiarthroplasty. – Reverse
de plus de 70 ans et à conserver l’indication d’hémiarthroplastie, à prosthesis.
but fonctionnel limité, chez les patients plus jeunes.
été utilisées par la plupart des chirurgiens. Néanmoins, l’examen clinique pré- et postopératoire ont été notés
les résultats de ces prothèses étant souvent décevants et le score de Constant, les mobilités actives et passives
« à buts limités », certains chirurgiens se sont orientés ainsi que l’appréciation subjective des patients.
vers l’utilisation de la prothèse inversée de Grammont. Lors de l’examen radiographique initial ont été ana-
Le professeur Grammont a développé en 1987 une nou- lysées la hauteur de l’espace acromiohuméral, la mor-
velle prothèse semicontrainte [10] qui associe la fixation phologie de l’acromion, de la tête humérale et de la
d’un hémisphère sur la glène et d’une cupule dans l’hu- glène. Lors de la révision, ont été analysées l’ascension
mérus. Cet implant a permis d’obtenir ainsi une stabilité de la tête humérale, la qualité du scellement huméral
correcte et modifier le centre de rotation, redonnant au et de la fixation glénoïdienne.
deltoïde un bras de levier fonctionnel. En reportant le Sur les 142 épaules opérées, 62 ont eu une hémiarthro-
centre de rotation légèrement à l’intérieur de la scapula, plastie (prothèse Aequalis®, Tornier) ; les 80 autres
les forces de cisaillement et donc les risques de descelle- ont eu une prothèse inversée de Grammont (prothèse
ment diminuent. Le but de notre étude a été de comparer Delta®, Depuy). Le choix entre les deux implants dépen-
le résultat des hémiarthroplasties à celui des prothèses dait essentiellement des convictions du chirurgien.
inversées dans le cadre des omarthroses « excentrées », L’examen clinique préopératoire a montré peu de dif-
à coiffe détruite. férences entre les deux populations (tableau 1). Ceux
qui ont eu une prothèse inversée étaient un peu plus
douloureux en préopératoire alors que les mobilités
Matériels et méthodes étaient similaires. Il n’y avait pas de différence dans
la répartition selon le sexe. Concernant l’intervention,
Il s’agit d’une étude multicentrique et rétrospective. la voie d’abord a été deltopectorale pour 90 % des
Les critères d’inclusion étaient : patient ayant une hémiarthroplasties et supérieure pour 72 % des pro-
arthropathie avec rupture massive de la coiffe des thèses inversées de Grammont. Les tiges humérales ont
rotateurs irréparable (figure 1), bilan radiographique été cimentées pour toutes les hémiarthroplasties et pour
initial complet, recul minimum de 2 ans au moment 48 % des prothèses inversées.
de la révision. Les patients ayant des antécédents de Une analyse statistique a été faite en utilisant les tests
chirurgie de la voûte acromiale ont été exclus. non paramétriques de Mann-Withney et Kruskall-Wallis.
Cent trente-six patients ont été inclus : 110 femmes
et 26 hommes, avec un âge moyen de 72,4 ± 6,4 ans
(55–86 ans). Six patients ont été opérés des deux côtés, Résultats cliniques
si bien que 142 épaules ont été analysées. Le côté domi-
nant était concerné 115 fois sur 142 (81 %). Lors de Il y a eu 6 complications précoces : 2 hématomes, 1 infec-
tion aiguë, 2 fractures de glène, 1 luxation antérieure.
Il y a eu 7 échecs nécessitant 5 reprises : 3 dans le
groupe prothèse inversée (PI) (2 reprises, 1 arthrolyse),
4 dans le groupe hémiarthroplastie (HA) (3 reprises et
1 dévissage de glénosphère).
Les patients repris n’ont pas été inclus dans l’analyse
des résultats fonctionnels puisque leur prothèse avait
Tableau 1
Comparaison de l’état préopératoire des 2 groupes de patients (hémiarthroplastie versus prothèse inversée)
Tableau 2
Comparaison des résultats postopératoires dans les 2 groupes de patients
RE1 postop. active (°) 21,9 (–30–80) 11,4 (–30–80) < 0,01
L’analyse et la comparaison des gains obtenus mon- Il y avait 9 hémiarthroplasties et 17 prothèses inver-
trent une différence significative en faveur des prothè- sées avec un recul minimum de 5 ans. Le résultat
ses inversées, notamment en ce qui concerne la force obtenu dans chaque groupe est resté stable dans le
et l’élévation antérieure active (tableau 3), mais le gain temps (tableau 4). Avec ce recul, le score de Constant
en rotation externe coude au corps était meilleur avec des prothèses inversées était significativement meilleur
les hémiarthroplasties. que celui des hémiarthroplasties.
314 L. FAVARD, D. OUDET, D. HUGUET, F. SIRVEAUX, D. MOLE
Tableau 3
Comparaison des gains obtenus dans les 2 groupes de patients (hémiarthroplastie versus prothèse inversée)
Tableau 4
Résultats selon le score de Constant et le recul dans les 2 groupes de patients
Analyse radiographique
Sur le versant huméral, il a été observé 1 liseré complet
et 10 liserés incomplets dans le groupe des hémiarthro-
plasties. Dans le groupe des prothèses inversées, 1 pro-
thèse non cimentée a présenté un enfoncement ayant
active coude au corps meilleure que la prothèse inver- groupe des hémiarthroplasties. Malgré cela, 50 %
sée. En revanche, il n’y a pas de différence entre les deux ont développé une érosion de la voûte acromiale. Or,
implants concernant les rotations à 90° d’élévation. Il Field [8] a rapporté 6 échecs sur 16 hémiarthroplas-
est également intéressant de noter que la rotation interne ties, dont 4 après chirurgie sur la voûte acromiale avec
ne diffère pas entre les deux implants, permettant dans apparition secondaire d’une subluxation antérosupé-
les deux cas d’atteindre le bas du dos. Ainsi, la critique rieure de la prothèse. La prothèse inversée est donc
habituelle faite aux prothèses inversées concernant la une meilleure indication dans ces cas.
perte de la rotation interne ne s’applique pas à cette
étude. Enfin, il faut insister sur le maintien du résultat
dans le temps, puisque les résultats restent stables au- Conclusion
delà de 5 ans pour les deux types d’implants.
Le traitement des omarthroses excentrées est difficile : Les résultats obtenus par une arthroplastie dans l’omarth-
la destruction de la coiffe des rotateurs et la mauvaise rose excentrée sont meilleurs si une prothèse inver-
qualité de l’os ne permettent pas d’obtenir des résultats sée est utilisée. Les sources d’échec et d’inquiétude
316 L. FAVARD, D. OUDET, D. HUGUET, F. SIRVEAUX, D. MOLE
RÉFÉRENCES
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RÉSUMÉ SUMMARY
Ce travail rapporte les résultats cliniques à long terme des prothè- The purpose of a first study was to analyse the dynamic com-
ses d’épaule à cupule mobile dans le traitement des omarthroses portment of bipolar shoulder arthroplasty. Active forward ele-
à coiffe détruite ainsi qu’une analyse radiocinématique du com- vation and rotations of 39 bipolar prostheses, performed for
portement prothétique en élévation antérieure et en rotation. Le glenohumeral osteoarthritis combined with massive cuff tear,
comportement radiocinématique de 39 prothèses à cupule mobile were studied by video-fluoroscopy at an average follow-up of
revues au recul de 32 mois était corrélé avec le type d’omarthrose 32 months. The results were statistically correlated with the
et le score de Constant. Un rythme scapulothoracique normal était stage of glenohumeral arthritis according to the Hamada clas-
plus fréquemment observé dans les formes centrées. Les formes sification. Normal scapulothoracic rhythm was more frequently
excentrées débutantes à glène peu arthrosique présentaient un observed in primary osteoarthritis and correlated with a good
comportement paradoxal et de mauvais résultats cliniques. Si les result. A second study analysed the long-term clinical results
résultats cliniques à long terme de 52 prothèses revues au recul of bipolar shoulder arthroplasty in 52 cases with a clinical final
de 80 mois révélaient une amélioration de tous les paramètres du follow-up of 80 months. All parameters of the Constant score
score de Constant, l’élévation moyenne limitée à 78° et le score de were improved but the average anterior elevation reached only
Constant à 45 points attestaient du bénéfice limité obtenu avec ce 78° and the final Constant score was 45 points, giving evidence
type d’implant. La dégradation évolutive du résultat clinique était of the limited goal obtained with this kind of arthroplasty.
liée à la fréquente excentration supérieure de la prothèse érodant Decreased clinical results with time were correlated with supe-
la voûte acromiale, notamment dans les stades évolués de la classi- rior migration of the prosthesis, leading to the deterioration of
fication de Hamada. Les indications restantes de ce type d’implant the coracoacromial arch, especially in advanced stages of the
nous paraissent limitées aux omarthroses centrées à coiffe détruite Hamada classification. According to these results, clinical indi-
lorsque le stock osseux n’autorise pas la mise en place d’une pièce cations of the bipolar shoulder arthroplasty seems limited to
glénoïdienne ou chez des patients fragiles à faible demande fonc- rotator cuff arthropathy with poor glenoid bone stock where gle-
tionnelle, nécessitant un geste chirurgical court. Dans ces dernières noid resurfacing is not possible and in patients with low func-
indications, la prothèse d’épaule à cupule mobile n’a pas montré sa tional demands. Bipolar shoulder arthroplasty do not give better
supériorité par rapport aux hémiarthroplasties unipolaires. results than hemiarthroplasty.
Mots clés : Épaule. – Omarthrose. – Prothèse – Rupture de la Key words: Shoulder. – Rotateur cuff tears. – Prosthesis. - Gleno-
coiffe des rotateurs. humeral osteoarthritis.
A B C D
Figure 4. Comportement cinématique « normal » d’une prothése bipolaire lors de l’élévation active : notez l’importance de la mobilté
intraprothétique présente dès le début de l’élévation (B) et qui se maintient (C, D).
patients étaient debout, le plan de la scapula paral- L’étude radiocinématique était réalisée au recul
lèle à la table. Ils effectuaient une élévation antérieure moyen de 32 mois (13–50 mois). Lors de l’enregistre-
active et maximale du bras dans le plan de la scapula, ment radioscopique, aucune prothèse ne présentait de
puis abaissaient lentement ce dernier. Pour l’étude de défaillance de son système de double articulation, car
la rotation, le plan de la scapula était perpendiculaire à toutes possédaient une mobilité intraprothétique en
la plaque. Les patients effectuaient des mouvements de élévation et/ou en rotation.
rotation interne et externe coude au corps, puis met- En élévation, trois types de comportement bioméca-
taient la main dans le dos. nique ont été individualisés.
320 C. MAYNOU, ET AL.
Tableau 1
Influence du comportement cinématique en élévation sur le
résultat fonctionnel
Score de 63 52 30
Constant
absolu
Score de 89 % 73,5 % 45 %
Constant
pondéré
– Enfin, 8 prothèses avaient un comportement « tron- cupule en raison d’un démontage observé au premier
qué », car elles fonctionnaient comme une prothèse mois postopératoire, probablement en rapport avec
monobloc. La rotation externe se limitait alors à un défaut d’assemblage lors de l’intervention initiale.
8,7° (0–30°), et la rotation interne à 4,2 points (2 à Deux patients ont été repris pour raideur de l’épaule
6 points). mise sur le compte d’un surdimensionnement de la
Il n’existait aucun lien entre le comportement bio- cupule à l’origine d’un conflit coracoïdien antérieur.
mécanique en rotation et le comportement biomécani- Dans les deux cas, la mise en place d’une cupule de
que en élévation. plus petit diamètre ne permettait pas d’améliorer le
résultat final. Enfin, un patient a été réopéré à trois
reprises pour persistance d’une impotence fonction-
Résultats cliniques à long terme nelle douloureuse aboutissant au remplacement de la
prothèse à cupule mobile par une prothèse inversée.
La série se composait de 52 prothèses de type bipo- Tous les critères du score de Constant étaient amélio-
lar shoulder hemiarthroplasty (Biomet, Warsaw, Inc.) rés de façon statistiquement significative (tableau 2).
implantées chez 48 patients (4 cas bilatéraux) entre L’élévation antérieure active moyenne était de 78,5°
1995 et 2002 dans le service d’orthopédie A du CHRU (20–170°) et la rotation latérale active coude au corps
de Lille. Les patients étaient opérés à un âge moyen de 21° (−20–60°).
de 68,8 ans (52–84). L’analyse radiologique préopé- Parmi les 37 patients qui présentaient une omarth-
ratoire permettait de distinguer 13 omarthroses pri- rose de stades 1 à 5 selon Hamada, le taux de rupture
mitives à coiffe rompue (25 %), 19 stades de Hamada de la voûte acromiale était de 32 % (12 patients) et
1, 2 et 3 correspondant à des ruptures massives sans le taux de majoration de l’usure acromiale de 19 %
arthrose glénohumérale, et 20 stades 4 et 5 de Hamada (7 patients), ce qui porte à 51 % le taux de dégradation
s’accompagnant d’une arthrose glénohumérale ou de l’arche acromio-coracoïdienne dans ce groupe.
d’une nécrose céphalique. La distance acromiohumérale Sur 47 dossiers exploitables à la révision, une usure
moyenne préopératoire était chiffrée à 4,5 mm et variait glénoïdienne dans le plan vertical était observée dans
suivant le type lésionnel : 9,3 mm pour les omarthroses 49 % des cas (n = 23). Ainsi la proportion de glènes
primitives à coiffe rompue, 4,2 mm pour les stades 1 à de type E2 ou E3 passait de 20 % en préopératoire à
3 de Hamada, et 1,9 mm pour les stades 4 et 5. 53 % à la révision.
L’usure glénoïdienne préopératoire dans le plan Le degré d’usure verticale de la glène sur les clichés
vertical était évaluée sur 50 dossiers et révélait préopératoires avait une influence statistiquement
19 glènes de type E0 (38 %), 21 glènes de type E1 significative sur le score de Constant, l’activité, la
(42 %), 9 glènes de type E2 (18 %) et une glène de force, la mobilité et particulièrement l’élévation anté-
type E3 (2 %). L’intervention était menée par voie rieure active (tableau 3). Le score de Constant était
deltopectorale dans tous les cas. La rétroversion de meilleur pour les glènes E0 et E1 (45 et 51 points) que
l’implant était notée par l’opérateur dans 35 cas et pour les glènes E2 (32 points).
était en moyenne de 29° (20–45°). La tige humérale La hauteur de l’espace acromiohuméral influençait
était implantée sans ciment dans 33 cas (63,5 %) très significativement la mobilité (p = 0,0005), l’ac-
et cimentée à 19 reprises (36,5 %) en raison d’une tivité (p = 0,0004), la force (p = 0,0037) et le score de
stabilité peropératoire jugée insuffisante ou d’un Constant (p = 0,0013), mais elle était sans influence sur
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capital osseux de médiocre qualité. Une tige de grand la douleur et la rotation latérale active en position 2.
diamètre (11 mm, 12,5 mm ou 14 mm) était préférée L’étude comparée des résultats cliniques entre le
dans 36 cas (70 %). groupe des omarthroses primitives à coiffe rompue et
De la même façon, une cupule de grand diamètre les formes Hamada 1 à 5 révélait des résultats statis-
(48 ou 52 mm) était choisie dans 32 cas (62 %), la tiquement meilleurs dans le groupe des omarthroses
plus petite taille de cupule n’étant utilisée que 4 fois. primitives, à l’exception du critère douleur.
Le col prothétique était de taille standard dans 29 cas Une analyse évolutive du résultat clinique était pos-
(56 %) de longueur +2 mm dans 16 cas (31 %) et sible sur une cohorte de 30 patients de cette série qui
extra long +4 mm à 7 reprises (13 %). avaient bénéficié d’une révision clinique à un recul
Le recul moyen à la révision était de 80 mois ; intermédiaire de 31 mois et au recul final de 99 mois,
38 patients (73 %) présentaient un recul supérieur soit à un intervalle de 5,7 ans. Cette étude révélait une
à 6 ans. Sept réinterventions ont été réalisées chez dégradation du résultat clinique significative entre les
4 patients, correspondant à un taux de reprise chirur- deux reculs. Cette détérioration affectait tous les cri-
gicale de 8 %. Un patient nécessitait un changement de tères du score de Constant sauf la douleur. Ainsi, le
322 C. MAYNOU, ET AL.
Tableau 2
Comparaison des paramètres cliniques préopératoires et postopératoires *
score de Constant brut chutait de 51 à 45 points entre quée qu’il existait une rupture de la voûte acromiale
les deux reculs, et l’élévation antérieure active baissait (−27,2 % versus −6 % en l’absence de rupture de la
de 85 à 74° (p = 0,02). voûte).
Le type de lésion initiale avait une influence significa-
tive sur l’évolution du score de Constant, car si le score
de Constant pondéré restait stable pour les formes pri- Discussion
mitives (−5,67 %) ou les stades initiaux (+0,27 %), il
se dégradait significativement pour les formes Hamada L’analyse radiocinématique réalisée au recul moyen de
4 et 5 (−19,9 %). La régression du score de Constant 32 mois révèle qu’en élévation la mobilité intraprothé-
pondéré entre les deux reculs était d’autant plus mar- tique n’est présente que dans 64 % des cas. Son ampli-
Tableau 3
Résultats fonctionnels et mobilités en fonction du type d’usure de la glène selon la classification de Favard
tude moyenne est de 22,6° (max. = 44°). Elle n’atteint trées évoluées une solution de sauvetage intéressante,
donc jamais les 50° de débattement théorique autorisé car elle permet d’obtenir le meilleur compromis entre
par la prothèse. mobilité et stabilité articulaire.
Notre étude démontre l’influence néfaste d’un contact Ce travail validait le concept de la bipolarité pour les
cupule–os incongruent sur le comportement en éléva- omarthroses à vaste rupture de coiffe d’allure centrée
tion des prothèses bipolaires. Une congruence articu- et les omarthroses excentrées évoluées de type IVb,
laire médiocre crée une instabilité frontale de la cupule invitant à une sélection plus rigoureuse des patients,
mobile, qui parasite l’ouverture du compas scapulohu- tenant compte de la morphologie de la glène afin
méral. À l’extrême, la cupule mobile glisse sur la glène d’améliorer les résultats.
dès les premiers degrés d’élévation et vient s’encastrer Nos résultats à long terme présentent le plus long
sous l’auvent acromial. La présence d’une glène peu recul de la littérature (75 % de patients revus à plus de
ou pas arthrosique semble donc favoriser la survenue 6 ans), puisque seules 4 séries rapportent les résultats à
d’un comportement en élévation paradoxal. La pro- court terme de ce type d’implant dans cette indication
thèse bipolar possède en effet un déport latéral iden- spécifique [4,10,12,17]. Le score douleur de notre série
tique à celui d’une prothèse totale, permettant en cas (12 points) confirme le caractère pérenne de l’indolence
de destruction osseuse importante de restaurer le bras obtenue avec ce type d’implant. Les résultats sur la
de levier du deltoïde. Si le stock osseux glénoïdien mobilité en élévation antérieure active restent modes-
est conservé, la remise en tension des parties molles tes (78,5°) et le score de Constant absolu de 45 points
devient excessive et engendre une raideur douloureuse atteste du bénéfice limité, observé avec ce type de pro-
de l’épaule. L’influence de la morphologie de la glène thèse à long terme. Néanmoins, dans cette population
sur la congruence articulaire et la tension des parties âgée, la demande fonctionnelle passe fréquemment au
molles explique pourquoi le comportement en éléva- second plan derrière le résultat antalgique, expliquant
tion des prothèses bipolaires dépend étroitement du le taux de 73 % de satisfaction subjective.
type d’omarthrose. Dans la série, toutes les épaules Le taux de reprise chirurgicale toutes causes confon-
à comportement « paradoxal » sont des omarthroses dues est de 8 %. Si l’on prend en compte la dégrada-
excentrées débutantes dont la principale caractéristi- tion de la voûte acromiocoracoïdienne au plus long
que morphologique est de posséder une glène plate ou recul, le pourcentage de complications est de 36,5 %.
biconcave, à stock osseux conservé. Ce type d’omarth- Au total, 51 % des formes Hamada 1 à 5 présentaient
rose constitue pour nous une contre-indication à l’utili- une détérioration de la voûte acromiale.
sation de prothèse à cupule mobile. Toutes les séries d’hémiarthroplasties mettent en
À l’opposé, les omarthroses d’allure centrée, dont évidence une usure progressive de la voûte acromiale ;
la glène est usée de façon concentrique, offrent des ainsi, Sanchez-Sotelo et al. [11] observent 46 % d’éro-
conditions anatomiques idéales au fonctionnement de sion acromiale et deux fractures acromiales sur une
ce type d’implant, permettant de conserver un rythme série de 31 patients revus au recul de 3,5 ans. Field
scapulohuméral normal dans 86 % des cas. rapporte 4 instabilités antérosupérieures (33 %) sur
En cas d’omarthrose excentrée évoluée (stade IVb), 12 hémiarthroplasties [6], et Fenlin et al. [5], 23 % de
70 % des prothèses adoptent un comportement en élé- fracture acromiale sur une série de 13 patients.
vation « intermédiaire », en raison de la réduction de Nos résultats montrent que l’utilisation d’une pro-
mobilité extraprothétique. Comme Thomazeau [15], thèse à cupule mobile ne résout pas le problème de la
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nous observons que cette mobilité extraprothétique destruction progressive de la voûte acromiale. Cette
est moins bonne lorsque la cupule mobile est en large détérioration intéresse préférentiellement les formes
appui acromioglénoïdien que dans les formes conser- d’omarthroses initialement évoluées et excentrées (sta-
vant un appui glénoïdien prédominant. Le blocage de des 4 et 5).
la cupule mobile sous la voûte acromiale prive l’épaule Le surdimensionnement de la cupule humérale pré-
d’une partie de sa mobilité glénohumérale, mais assure conisé par Swanson et utilisé dans cette série (cupules
en contrepartie une stabilité prothétique optimale. de grand diamètre dans 62 % des cas) n’a pas eu l’ef-
Field [6] souligne que le traitement de ces épaules très fet escompté dans la mesure où il n’a pas évité l’usure
remaniées par une hémiarthroplastie expose au risque de la voûte. Deux cupules ont par ailleurs été repri-
de luxation antérosupérieure, surtout lorsque la voûte ses pour des conflits douloureux coracoïdiens liés à la
acromiale est fragilisée. Parallèlement, l’implantation dimension excessive des implants.
d’une prothèse inversée est difficile, en raison de la piè- Le stade lésionnel initial, selon Hamada, avait une
tre qualité du stock osseux glénoïdien. L’arthroplastie influence significative sur le résultat clinique. Les
bipolaire représente donc pour les omarthroses excen- omarthroses primitives à coiffe rompues présentaient
324 C. MAYNOU, ET AL.
un meilleur résultat que les formes excentrées (stades se produit dans l’articulation scapulothoracique. Pour
1 à 5 de Hamada) et ce résultat se maintenait dans ces auteurs, la prothèse à cupule mobile se comporte
le temps. Le résultat final était d’autant plus médiocre comme un implant unipolaire.
que les lésions initiales étaient évoluées (stades 4 et 5 de
Hamada) et s’accompagnaient d’une altération préopéra- Conclusion
toire de la voûte acromiale et de la glène ainsi que d’une
dégénérescence graisseuse avancée de l’infraépineux. Les résultats des prothèses d’épaule à cupule mobile
L’analyse évolutive d’une cohorte de 30 patients revus dans les omarthroses à coiffe détruite peuvent être
à deux reculs successifs de 31 mois et 99 mois confir- considérés comme acceptables dans la mesure où tous
mait ces informations. La chute significative du score les paramètres du score de Constant sont améliorés.
de Constant pondéré de 71 à 61 % entre les deux reculs Les résultats sur la composante douloureuse sont satis-
était essentiellement à mettre sur le compte des stades faisants et le taux de satisfaction des patients atteint
4 et 5 qui voyaient leur score pondéré perdre 20 %. 77 %. Cependant, il existe une dégradation évolutive
La progression de l’usure glénoïdienne dans le plan du résultat clinique liée à la fréquente excentration
vertical semble infirmer l’idée d’une diminution des supérieure de la prothèse altérant la voûte acromiale,
contraintes à l’interface os–cupule qu’offriraient les notamment dans les stades évolués de la classification
implants bipolaires. En effet, nous avons observé une de Hamada. Si la mobilité prothétique persiste au
usure glénoïdienne supérieure dans 50 % des cas, recul de 88 mois, elle comporte peu d’avantages pour
favorisant l’excentration supérieure de l’implant et la la mobilité du patient avec une élévation antérieure
dégradation de la voûte acromiale. Cette constata- modeste, peu d’avantage sur la stabilité en raison des
tion était également faite par Duranthon et al. [4] qui fréquentes excentrations verticales, et elle ne prévient
rapportaient 25 % d’usure glénoïdienne progressive. pas l’usure glénoïdienne.
Dans certains cas, la cupule mobile semble avoir un L’intérêt des prothèses à cupule mobile dans le trai-
effet néfaste par encastrement dans l’articulation acro- tement chirurgical des omarthroses excentrées ne nous
mioclaviculaire, ce qui n’a jamais été observé avec les paraît pas validé par ce travail.
hémiarthroplasties sans mobilité intraprothétique. En conséquence, les indications restantes de ce type
La persistance d’une mobilité intra- et extraprothéti- d’implant nous paraissent limitées aux omarthroses
que à long terme est confirmée dans cette série. Les cli- centrées à coiffe détruite, si le stock osseux n’autorise
chés réalisés coude au corps et en abduction maximale pas la mise en place d’une pièce glénoïdienne ou chez
révèlent une mobilité intraprothétique moyenne de des patients fragiles à faible demande fonctionnelle,
17°. Cette notion n’est pas confirmée par Stavrou et al. requérant un geste chirurgical court. Dans ces dernières
[13] qui ne mesurent que 5° de mobilité intraprothéti- indications, la prothèse à cupule mobile n’a pas mon-
que sur une série de 11 prothèses à cupule mobile, et tré sa supériorité par rapport aux hémiarthroplasties
considèrent que l’essentiel de la mobilité en abduction unipolaires.
RÉFÉRENCES
11 Sanchez-Sotelo J, Cofield RH, Rowland CM. Shoulder hemiarthro- 15 Thomazeau H, Alnot JY, Guillo S, Sarrazin F, Le Bellec Y,
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326 L. FAVARD, J. BERHOUET, G. BACLE
RÉSUMÉ SUMMARY
Les résultats à long terme des prothèses inversées peuvent se faire Long term results of reverse shoulder prosthesis may be given
soit par l’analyse des courbes de survie, soit par l’analyse d’une by either analysing survival curves or analysing a series of
série de patients. Le taux de survie pour une révision de la pro- patients. The survival rate to revision of the prosthesis varies
thèse varie en fonction de l’étiologie. Il est globalement de 89 % with the etiology. The studies show a global survival rate of 89%
à 10 ans pour les omarthroses excentrées, mais en dessous de at 10 years in cuff tear arthropathy but less than 75% in others
75 % pour les autres étiologies, notamment les révisions et les etiologies (revision, rheumatoid arthritis, etc.). The majority of
polyarthrites. L’essentiel des changements de prothèses survient revisions take place during the first 4 years either because of
dans les quatre premières années soit du fait d’une infection, soit infection or glenoid loosening. The functional results decrease
du fait d’un descellement glénoïdien. Par ailleurs, le résultat fonc- with time after 7 year follows up probability in relationship with
tionnel devient moins bon à partir de 7 ans de recul, sans doute a progressive radiological deterioration.
en relation avec une détérioration radiographique de survenue
plus précoce mais d’expression clinique plus tardive.
Mots clés : Arthroplastie d’épaule. – Courbe de survie. – Résultats Key words: Arthroplasty shoulder. – Survival curve. – Long-term
à long terme. results.
Tableau 1
Recul des principales séries de prothèses d’épaule inversées publiées dans la littérature
caractère partiellement contraint font craindre pour la survie de la prothèse inversée dans le cadre des cuff
longévité de cette prothèse en termes d’usure et de des- tear arthopathies (CTA) : un taux de survie pour une
cellement. révision, une faillite ou un descellement de l’implant
L’étude des résultats à long terme peut se faire soit de 91 % à 5 ans, 75 % à 7 ans et 30 % à 8 ans, mais
par l’analyse des courbes de survie qui donne un aspect le nombre de cas avec un tel recul était faible puisque
évolutif des résultats, soit par l’analyse d’une série de seuls 17 patients avaient plus de 5 ans de recul.
patients. La série de Sirveaux [23], une des premières L’étude de Guery [11] était plus intéressante par le
publiées, a permis de rapporter des résultats à 44 mois nombre de patients revus. Cette étude était multicen-
de moyenne pour des omarthroses excentrées et de tra- trique et concernait 80 prothèses inversées implantées
cer des courbes de survie. Depuis, seules 3 études, tou- chez 77 patients pour des étiologies variées. Son but
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tes françaises, semblent intéressantes pour analyser les était l’analyse de la survie de ces prothèses. Le recul
résultats à long terme et les courbes de survie de cette moyen était de 69,6 mois (60–121 mois). Cette étude
prothèse : l’étude de Valenti [24], celle de Guery [11] faisait état des éléments suivants :
avec un recul minimal de 5 ans, et celle plus récente – un taux de survie global de 91 % à 120 mois. À 108
de la Sofcot [15] dans le cadre du symposium sur les mois, la segmentation des courbes en fonction de l’étio-
omarthroses excentrées. logie (arthropathie à rupture massive de coiffe versus
autres étiologies) montrait un taux de survie de 95 %
dans les arthropathies avec rupture massive de la coiffe
Courbes de survie et de 77 % dans les autres étiologies (figure 1). Cette
Les études différence était significative ;
– un taux de survie global de 88 % à 72 mois et 58 %
L’étude de Sirveaux [23] portant sur 80 prothèses à 120 mois vis-à-vis d’un score de Constant brut infé-
revues avec un recul moyen de 44 mois (24–97) avait rieur à 30. À 72 mois, la segmentation des courbes
permis de préciser les points suivants concernant la en fonction de l’étiologie (arthropathie avec rupture
328 L. FAVARD, J. BERHOUET, G. BACLE
Ablation de la prothèse
1,00 95 %
CTA
p < 0,05
0,80
Autres
étiologies
77 %
0,60
Survie
0,40
Break
0,20
Mois
Figure 1. Courbe de survie de 80 prothèses inversées, segmentée en fonction de l’étiologie, avec l’ablation de la prothèse comme
point de sortie. CTA : cuff tear arthopathy.
massive de coiffe versus autres étiologies) ne montrait arthropathies avec rupture massive de coiffe des rota-
pas de différence significative (figure 2). teurs. L’analyse des courbes de survie a permis d’ap-
L’étude réalisée dans le cadre du symposium de la porter les notions suivantes :
Sofcot [15], en 2006, rapportait les résultats cliniques – La courbe concernant l’ablation de la prothèse
d’une étude rétrospective, multicentrique regroupant (figure 3) ou sa transformation en hémiarthroplastie a
527 prothèses inversées mises en place à un âge moyen montré un taux de survie à 10 ans de 89 % et une rup-
de 73 ans (40 à 90 ans) revues avec un recul moyen ture de pente aux alentours de 2 puis 9 ans. Les abla-
de 52 mois. Ces prothèses ont été implantées pour des tions de prothèses, 12 au total, sont survenues au recul
Constant > 30
1,00
0,80
CTA
Non significatif
0,40 Autres
Break étiologies
0,20
Mois
Figure 2. Courbe de survie de 80 prothèses inversées, segmentée en fonction de l’étiologie, avec un score de Constant brut < 30
comme point de sortie. CTA : cuff tear arthopathy.
Résultats à long terme des prothèses d’épaule inversées 329
1,00
Disparition de la prothèse
0,89 0,90
0,80
Inversées
0,70
Taux de survie
0,60
0,50
0,40
0,30
0,20
0,10
Figure 3. Courbe de survie de 527 prothèses inversées avec l’ablation de la prothèse ou sa transformation en hémiarthroplastie
comme point de sortie (Sofcot 2006). IC : intervalle de confiance.
0,90
Constant > 30
0,72 0,80
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0,70
Taux de survie
0,60
0,50 Inversées
0,40
0,30
0,20
0,10
10 ans
Figure 4. Courbe de survie de 527 prothèses inversées avec un score de Constant brut < 30 comme point de sortie (Sofcot 2006).
IC : intervalle de confiance.
330 L. FAVARD, J. BERHOUET, G. BACLE
d’amélioration de la rotation externe coude au corps de Constant (figure 6) et chacun de ses paramètres ont
ou de la rotation interne ; montré un gain significatif (p < 0,01). Le Constant brut
– un taux de reprise de 6,25 % du fait de descelle- à la révision était de 58 (9–98). Le Constant pondéré
ments glénoïdiens, d’infections et de dévissages de la était de 85 %. De même, l’amélioration des mobilités,
glénosphère notamment du côté droit, liés initialement notamment en élévation mais aussi en rotation, était
au système de vissage ; significative (figure 7).
– et surtout, l’absence de détérioration avec le temps, Cette étude s’est également intéressée à la compa-
les 17 patients ayant un recul supérieur à 5 ans n’ayant raison des résultats entre patients ayant plus (148 cas)
pas de dégradation du résultat. ou moins (336 cas) de 5 ans de recul et n’a retrouvé
L’étude de Valenti et al. [24] a rapporté des résul- aucune différence significative. En revanche, la compa-
tats avec un recul moyen, plus important, de 84 mois raison des résultats entre patients ayant plus (69 cas)
(5 à 9 ans), mais seulement 39 patients des 138 opérés ou moins (415 cas) de 7 ans de recul montrait une
ont été revus. Cette étude concernait des omarthroses différence significative pour le score douleur et le
excentrées. Les auteurs ont constaté : Constant pondéré. Enfin, la comparaison des résultats
– une amélioration significative sur le score de Constant entre patients ayant plus (41 cas) ou moins (443 cas)
et ses différents paramètres ; de 9 ans de recul retrouvait une différence significative
– une amélioration significative de l’élévation active, pour les scores douleur, mobilité, le Constant pondéré
mais pas de notion sur la rotation externe coude au et le score de Constant brut (tableau 2).
corps ou de la rotation interne ; Parallèlement, la comparaison du taux d’anomalies
– un taux de reprise de 4,3 % du fait de descellement glé- radiographiques humérales ou glénoïdiennes, telles
noïdien, d’infection et de dévissage de la glénosphère ; que liserés, fractures de vis, migrations, etc., notait une
– un taux d’encoche de 80 %, dont un tiers était des différence significative (p < 0,05) entre les deux popu-
encoches évoluées. Dans cette étude, la présence d’une lations dès le recul de 5 ans.
encoche n’avait pas de retentissement sur le score de Enfin, concernant les encoches, il existait une dif-
Constant. L’explication donnée à la survenue d’une férence significative, avec plus d’encoches de stades
telle encoche était soit un impingement entre le poly- 3 et 4 dans les populations au plus long recul. Ainsi,
éthylène et le pilier, soit une cause biologique type gra- le pourcentage d’encoches de stades 3 et 4 passait de
nulome sur débris d’usure. 35 % avec un recul de 5 ans à 49 % avec un recul de
L’étude de la Sofcot [15] portait sur 527 prothèses, 9 ans, alors que le pourcentage des encoches de sta-
dont 148 ont été revues à plus de 5 ans. Les résultats des 1 et 2 et des encoches de stade 0 diminuait légè-
à 91 mois de recul moyen (60–206 mois) sur le score rement. Cependant, la présence d’encoches de même
Postop 12 16 24 6
Préop 3 7 12 2 Mobilité
Force
0 10 20 30 40 50 60 70
Figure 6. Résultats du score de Constant de 527 prothèses inversées revues avec un recul de 91 mois (60–206) (Sofcot 2006).
332 L. FAVARD, J. BERHOUET, G. BACLE
140
120
128
100
80
Préop
60 Postop
69
40 n = 527
42
20
23
5 11
0
EAA RE1A RE2A
Gain : 59° Gain : 6° Gain : 19°
p < 0,01 p < 0,05 p < 0,01
Figure 7. Résultats des mobilités actives en degré. EAA : élévation antérieure active ; RE1A : rotation externe active coude au corps ;
RE2A : rotation externe active en élévation à 90°.
Tableau 2
Résultats comparatifs du score de Constant [4] et de ses paramètres en fonction du recul
Recul Nombre < 5 ans/> 5 ans 336/148 < 7 ans/> 7 ans 415/69 < 9 ans/> 9 ans 443/41
stade 3 ou 4, n’avait aucune influence significative sur blème fonctionnel apparaissant de façon retardée. En
le score de Constant (figure 8). effet, plusieurs corrélations ont pu être mises en évi-
Encoche
scapula
Gr 0 Gr 1 Gr 2 Gr 3 Gr 4
Recul
> 5 ans 18 % 47 % 35 % Constant 62
Figure 8. Taux d’encoche de la scapula en fonction du recul et score de Constant pour les stades 3 et 4.
RÉFÉRENCES
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J. MATSOUKIS, G. WALCH
RÉSUMÉ SUMMARY
Les résultats de l’arthroplastie non contrainte dans le cadre des Unconstrained shoulder arthroplasty results for arthritis fol-
séquelles de l’instabilité d’épaule regroupent des situations très lowing anterior instability gather very different situations
différentes en fonction de la direction de l’instabilité (antérieure according to the instability direction (anterior or posterior), the
ou postérieure), de l’existence ou non d’une ou de plusieurs chirur- existence of a prior anterior stabilization procedure (one or seve-
gies stabilisatrices préalables et, enfin, du caractère éventuelle- ral operations), and at last the presence of a fixed dislocation.
ment fixé de la luxation. Les résultats de la chirurgie prothétique Prosthetic surgery results are good for arthritis secondary to ins-
sont bons dans l’omarthrose après instabilité antérieure non opé- tability, if there is no prior stabilization surgery or just a single
rée ou après une intervention stabilisatrice unique. En revanche, operation. On the other hand, in the context of multiple stabili-
dans le contexte d’échec de stabilisations antérieures multiples, la zation failure, surgical technique is difficult and results are less
technique opératoire est complexe et les résultats sont inférieurs satisfactory than reported in series of arthroplasty for primary
à ceux observés dans les prothèses pour arthrose primitive. Enfin, osteoarthritis. Eventually arthroplasty results in fixed shoulder
les résultats des arthroplasties pour luxation invétérées sont très dislocation are poor with limited functional improvement, lea-
inférieurs avec des objectifs fonctionnels limités, faisant discuter ding to discuss the possible choice of a reversed prosthesis.
du choix éventuel d’une prothèse inversée.
Mots clés : Épaule. – Instabilité. – Prothèse. Key words: Shoulder. – Instability. – Arthroplasty.
la survenue d’une arthrose sévère et l’antécédent de rapporté par Matsoukis et al. [10]. La technique opé-
luxation. Dans le cas de l’omarthrose après une chirur- ratoire n’a pas présenté de spécificité et les résultats
gie préalable de l’instabilité, Samilson et al. [18] et ont été excellents ou bons dans 54 % des cas selon
Walch [21] font état de facteurs arthrogènes non liés le score de Constant. Cette étude a surtout permis de
à la chirurgie : âge de première luxation, délai pre- distinguer deux sous-groupes en fonction de l’âge de
mière luxation–chirurgie stabilisatrice, âge lors de cette primoluxation. Si celle-ci est survenue avant 40 ans,
chirurgie et fracture de la glène. Les facteurs arthro- l’analyse des paramètres a montré une prédominance
gènes liés à la chirurgie stabilisatrice sont représentés masculine, un âge moyen de première luxation de
par le caractère iatrogène du matériel ou d’une butée 28 ans, un nombre moyen de luxation de 13, une lon-
débordante [24,4] et par l’excès de tension des parties gue évolution de l’omarthrose sur 28 ans, une arth-
molles antérieures, comme cela est décrit fréquemment rose constructrice lente sans rupture de coiffe, 82 %
dans la littérature anglo-saxonne [7,8]. Hovelius et al. d’arthroplastie totale, 18 % d’arthroplastie humérale,
[5] ont montré que l’incidence de l’arthrose semble et des résultats excellents ou bons dans 64 % des cas.
ne pas être modifiée dans des contextes très diffé- Si la primoluxation est survenue après 40 ans, les
rents : luxation unique, luxation récidivante avec ou paramètres sont pratiquement opposés : une prédomi-
sans opération stabilisatrice. On peut considérer avec nance féminine, un âge moyen de première luxation
Brophy et Marx [2] que l’origine de cette arthrose de 66 ans, un nombre moyen de luxation de 1,3, une
et son incidence exacte restent mal connues, la chirur- courte évolution de l’omarthrose sur 6 ans, une arth-
gie de l’instabilité ne jouant pas de rôle préventif. rose chondrolytique rapide avec une rupture de coiffe
Plus rarement, l’omarthrose peut être secondaire fréquente, 37 % d’arthroplastie totale, 63 % d’arthro-
à une instabilité postérieure avec ou sans chirurgie plastie humérale, et des résultats excellents ou bons
préalable. L’analyse de la littérature ne permet pas de seulement dans 36 % des cas.
retrouver de séries publiées dans ce cadre mais sim- Ainsi, dans cette étude, les résultats de l’arthroplas-
plement des cas isolés, probablement en raison de la tie non contrainte semblent essentiellement liés à l’âge
rareté de l’instabilité postérieure. de première luxation, celui-ci conditionnant l’état de
Enfin, on peut rapprocher de ce cadre pathologique, la coiffe des rotateurs. La technique opératoire ne
bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une présente pas de difficulté particulière. Il n’existe pas
omarthrose, les luxations invétérées antérieures ou de complication spécifique. Les résultats des prothè-
postérieures qui représentent un challenge difficile ses pour omarthrose après instabilité antérieure non
pour la chirurgie arthroplastique de l’épaule. opérée au préalable ne diffèrent pas de ceux d’une
Ces différentes situations peuvent conduire à une omarthrose centrée primitive, si la primoluxation est
chirurgie prothétique de l’épaule dans le cadre séquellaire survenue avant 40 ans (figure 1 A–D). En revanche, si
de l’instabilité. De manière à en apprécier leur fréquence celle-ci survient après 40 ans, les résultats apparaissent
respective, on peut se référer à l’étude multicentrique de nettement inférieurs en raison de l’âge et surtout de
Walch et Boileau [22], totalisant 1542 prothèses non l’association fréquente à une rupture de la coiffe des
contraintes réalisées en dehors d’un contexte fracturaire. rotateurs ; la mise en place d’une prothèse inversée est
On dénombre 73 arthroplasties dans ce cadre, soit 5 % conseillée si la coiffe des rotateurs est défaillante.
de l’ensemble des cas : 28 après instabilité antérieure non
opérée, 27 après instabilité antérieure opérée, 2 après
A B
C D
Figure 1. A et B. Omarthrose à évolution lente avec des ostéophytes de type Samilson 3, chez un homme de 55 ans (âge à l’arthro-
plastie), dont la première luxation est survenue à l’âge de 30 ans et a été suivie d’une instabilité antérieure chronique (15 luxa-
tions). C. Les coupes scannographiques montrent une usure postérieure de la glène (type B1). D. L’arthroplastie a été totale et le
score de Constant pondéré est de 90 % au recul de 5 ans.
Young et Rockwood [23] font état de 4 cas de pro- vent multi-opérés avec une dégénérescence fréquente
thèse totale après butée coracoïdienne mal réalisée du subscapulaire. Les résultats ont été mauvais avec
chez des sujets de 30 ans avec une amélioration por- un score de Constant pondéré moyen de 56 %.
tant sur la douleur et la fonction. Green et Norris [3] ont publié 17 cas associés à un
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Lusardi et al. [7] ont montré de bons résultats sur déficit sévère de la rotation externe. Il a été réalisé dans
la douleur et le gain en rotation externe sur 9 cas deux tiers des cas un allongement du subscapulaire et
d’arthroplastie réalisée dans le cadre d’une limitation dans 3 cas une reconstruction de la glène postérieure.
sévère de la rotation externe et d’une subluxation pos- Malgré trois révisions, les résultats ont été considérés
térieure dans un cas sur deux. Les auteurs insistent sur comme bons en raison de l’amélioration de la douleur,
la libération du subscapulaire et son allongement. de la rotation externe et de la fonction.
Bigliani et al. [1] ont colligé 17 cas d’arthroplastie Sperling et al. [19] ont colligé 31 cas avec un long
réalisée dans le cadre des séquelles d’opérations multi- recul de 7 ans en moyenne chez des patients âgés en
ples pour instabilité antérieure, chez des sujets jeunes moyenne de 46 ans et multi-opérés dans un tiers des
avec une limitation fréquente de la rotation externe. cas. Il a été réalisé fréquemment un allongement du
Les résultats n’ont pas été bons et sont corrélés statis- subscapulaire et dans 4 cas une reconstruction de la
tiquement avec le nombre d’opération préalable. glène. Les résultats ont été excellents ou bons, selon
Romero et Gerber [16] ont présenté un travail sur la cotation de Neer modifiée dans 45 % des cas. On
11 cas d’arthroplastie dans le contexte de patients sou- dénombre 11 révisions soit un tiers des cas.
338 J. MATSOUKIS, G. WALCH
Matsoukis et al. [11,12] ont réuni 27 cas, dont trois lésions iatrogènes et survenant très précocement. Dans
seulement étaient multi-opérés. Les résultats ont été le premier cas, celui de l’arthrose « naturelle », après
excellents ou bons dans 56 % des cas selon Constant, une intervention stabilisatrice unique réussie comme
et corrélés avec la dégénérescence du subscapulaire, en l’absence d’intervention, les résultats de la chirurgie
présente dans 45 % des cas. L’histoire naturelle de prothétique sont à rapprocher de ceux observés dans
l’arthrose a été lente de 27 ans en moyenne, entre la l’arthrose primitive (figure 2 A–C). En revanche, dans
première luxation et l’arthroplastie. On dénombre le cas des séquelles après opérations multiples et tech-
une révision et trois mauvais résultats. Il n’a pas été niquement discutables, chez des patients plus jeunes
retrouvé de différence significative quant aux résultats, présentant souvent une limitation sévère de la rotation
en comparaison avec le groupe de 28 cas de prothèses externe, les résultats sont inférieurs à ceux de l’arthro-
sur arthrose après instabilité antérieure sans chirurgie plastie dans l’omarthrose primitive du fait de l’atteinte
stabilisatrice. du subscapulaire, d’une limitation souvent sévère de
L’analyse des publications montre que les difficultés la rotation externe et, le plus souvent, d’une raideur
sont nombreuses dans le cadre de l’instabilité opérée. postopératoire sévère mal résolue par la mise en place
Sur le plan anatomopathologique, l’omarthrose est de la prothèse.
fréquemment associée à une dégénérescence graisseuse L’arthroplastie d’épaule représente donc ici un chal-
du subscapulaire, séquellaire de l’abord chirurgical lenge compte tenu des difficultés techniques prévisi-
préalable et parfois à une usure postérieure de la glène, bles. Les antécédents de chirurgie stabilisatrice rendent
consécutive dans les séries américaines à un excès de l’abord et la dissection plus difficiles, imposant le repé-
tension des parties molles antérieures. Les interven- rage systématique du nerf axillaire. L’importance de la
tions stabilisatrices multiples représentent un facteur limitation de la rotation externe préopératoire pourra
significatif pénalisant le résultat final. Les résultats sont conduire à un allongement du subscapulaire en asso-
globalement inférieurs à ceux rapportés dans l’arthro- ciation à la capsulotomie juxtaglénoïdienne et à la libé-
plastie pour omarthrose primitive. Le taux de révision ration de la fosse subscapulaire. L’équilibre des parties
apparaît plus important, les deux étiologies les plus molles est particulièrement important dans le contexte
fréquemment citées étant le descellement glénoïdien et d’une limitation franche de la rotation externe, l’al-
l’instabilité. Pour l’analyse des résultats, il faut en fait longement subscapulaire étant réalisé le plus souvent
distinguer l’arthrose secondaire à l’histoire naturelle par réinsertion du subscapulaire sur le col anatomique.
de l’instabilité, survenant en moyenne 27 ans après la Dans le cas particulier d’une perte de substance du sub-
primoluxation, de celle décrite dans les publications scapulaire, il pourrait être proposé un transfert partiel
anglo-saxonnes, consécutive le plus souvent à des du grand pectoral. Le choix du type de l’arthroplastie,
A B C
Figure 2. A. Omarthrose à évolution lente avec des ostéophytes de type Samilson 3, chez un homme de 48 ans (âge à l’arthroplastie).
La première luxation est survenue à l’âge de 24 ans. L’instabilité a nécessité une intervention de Putti-Platt à 24 ans et une butée
coracoïdienne à 37 ans. B et C. L’arthroplastie a été totale avec des implants en position anatomique, et le score de Constant pondéré
est de 90 % au recul de 7 ans.
Résultats des prothèses non contraintes dans l’omarthrose secondaire à l’instabilité 339
totale ou humérale, est plutôt en faveur d’une prothèse une rupture de la coiffe des rotateurs (figure 3 A,B).
totale selon les auteurs, en dehors de l’association à une Cependant, le jeune âge des patients ne permet pas le
rupture du supraépineux. Le jeune âge des patients est plus souvent ce type de prothèse.
problématique pour ce choix, qu’il s’agisse d’une pro-
thèse totale en raison de la pérennité du scellement glé-
noïdien ou d’une arthroplastie humérale en raison du Instabilité postérieure
risque d’érosion glénoïdienne. Il faut également prendre opérée ou non
en compte la typologie de la glène puisque l’implant
glénoïdien doit être en position anatomique et qu’il est Il n’existe pas de séries publiées dans ce cadre, mais
fréquemment décrit une subluxation postérieure secon- seulement quelques cas isolés cités (4 cas dans la
daire à la limitation de la rotation externe. S’il existe série de Walch et Boileau [22], 1 cas dans le travail
une usure postérieure modérée, les auteurs américains de Sperling et al. [19]). Il est donc bien difficile d’en
recommandent un fraisage antérieur de la glène et une apprécier les résultats. Il semble qu’en l’absence de
diminution de la rétroversion humérale de manière à chirurgie préalable, les résultats soient identiques à
limiter le risque d’instabilité postérieure. Si l’usure est ceux de l’omarthrose primitive. Si une chirurgie stabi-
plus importante, il sera nécessaire de reconstruire la lisatrice a été réalisée, on peut penser que le caractère
glène postérieure avec un fragment de tête humérale. multiple des interventions et la dégénérescence de la
Ainsi, le résultat de l’arthroplastie est dépendant de coiffe postérieure représentent des facteurs pénalisant
facteurs préopératoires (patient multi-opéré, dégéné- le résultat final.
rescence graisseuse du subscapulaire) et des difficultés
liées à la technique opératoire (équilibre des parties Luxation invétérée antérieure
molles avec libération antérieure qui est parfois asso-
ciée à un allongement du subscapulaire, positionne- L’analyse de la littérature dans ce cadre pathologique
ment anatomique de la glène prothétique, pouvant ne permet de retrouver qu’un petit nombre d’articles,
nécessiter une reconstruction osseuse dans les glènes ne concernant que des arthroplasties non contraintes.
biconcaves). Le choix d’une prothèse inversée pourrait Rowe et Zarins [17] ont rapporté les 3 premiers
se justifier chez ces patients multi-opérés présentant cas d’arthroplastie avec un très bon, un bon et un
une instabilité statique antérieure ou postérieure et mauvais résultat. Pritchett et Clark [15] font état de
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Figure 3. A. Omarthrose avec une subluxation antérieure chez une femme de 68 ans (âge à l’arthroplastie). La première luxation à
l’âge de 67 ans était associée à une fracture de glène. Six semaines après la luxation, elle était en subluxation antérieure perma-
nente et il a été réalisé une butée coracoïdienne associée à une réparation de la coiffe. B. L’échec a conduit à la réalisation d’une
arthroplastie humérale dont le résultat a été mauvais avec récidive de l’instabilité antérieure.
340 J. MATSOUKIS, G. WALCH
4 cas associés à une importante augmentation de la Pritchett et Clark [15] font état de 3 cas associés à
rétroversion de l’implant huméral. Les patients ont une importante diminution de la rétroversion de l’im-
été améliorés quant à la douleur et la fonction sans plant huméral. Les patients ont été améliorés quant à
récidive de la luxation. Matsoukis et al. [13] ont réuni la douleur et la fonction sans récidive de la luxation.
12 cas. La technique opératoire est difficile avec 4 Sperling et al. [20] ont colligé 12 cas avec un recul
reconstructions antérieures de la glène. Dans les deux minimal de 5 ans. Selon les critères de Neer modifiés,
tiers des cas, les patients ont été améliorés, bien que le les résultats ont été bons et très bons 7 fois et mauvais
nombre de complications ait été important : 4 récidi- dans 5 cas. On dénombre 3 révisions, dont deux pour
ves d’instabilité antérieure et 2 révisions. La fonction récidive de l’instabilité postérieure.
est restée limitée avec un score de Constant pondéré L’analyse est superposable à celle des luxations
moyen de 60 %. invétérées antérieures puisqu’on retrouve une techni-
Le petit nombre de cas rapportés dans ces travaux que opératoire difficile, des risques de récidive de la
rend l’analyse des résultats difficile. La technique opé- luxation, des objectifs fonctionnels limités et l’interro-
ratoire représente un challenge en raison de la libé- gation quant à l’indication éventuelle d’une prothèse
ration extensive des parties molles et de la nécessité inversée.
fréquente de reconstruction de la glène antérieure.
Les objectifs fonctionnels restent limités, avec des
résultats très inférieurs à ceux des séries sur omarth- Conclusion
rose primitive (figure 4 A–C). Pour limiter le risque
de récidive de l’instabilité, faut-il modifier la version La chirurgie prothétique de l’épaule dans les séquel-
des pièces prothétiques ou envisager un lambeau du les de l’instabilité recouvre de nombreuses situations
grand pectoral ? Enfin, faut-il recourir d’emblée et de pathologiques en fonction de la direction de l’instabi-
manière systématique à une prothèse inversée, en par- lité, de l’existence ou non d’antécédents de chirurgie
ticulier si les patients ont plus de 70 ans et si l’insta- stabilisatrice préalable, et enfin du caractère éventuel-
bilité statique a tendance à se reproduire ? D’autres lement fixé d’une luxation. Les résultats de l’arthro-
publications seront nécessaires pour répondre à ces plastie sont très différents en fonction de ces différents
interrogations. contextes. La situation la plus fréquente est représen-
tée par l’omarthrose après instabilité antérieure, pour
laquelle les résultats sont proches de ceux de l’omarth-
Luxation invétérée postérieure rose primitive en l’absence de chirurgie iatrogène
préalable, alors qu’ils sont inférieurs s’il existe des
Les séries publiées ne sont pas nombreuses, ne concer- antécédents d’interventions multiples ou une instabi-
nant également que des arthroplasties non contraintes. lité statique fixée.
Figure 4. A et B. Luxation antérieure invétérée chez une patiente de 70 ans. C. Le résultat de l’arthroplastie humérale n’a pas été
bon, avec un score de Constant pondéré à 60 % et une récidive de l’instabilité antérieure.
Résultats des prothèses non contraintes dans l’omarthrose secondaire à l’instabilité 341
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342 F. SIRVEAUX, ET AL.
RÉSUMÉ SUMMARY
L’humérus proximal est une localisation fréquente des tumeurs Proximal humerus is one of the most common sites for primary or
osseuses malignes. Le traitement chirurgical de ces tumeurs secondary malignant bone tumors. The surgical treatment requi-
impose la résection osseuse de l’humérus et le plus souvent le res to resect the proximal part of the humerus and must include
sacrifice de la coiffe des rotateurs. La reconstruction par une pro- in most of the cases the entire rotator cuff. High rate of insta-
thèse anatomique expose à des risques d’instabilité et s’accompa- bility and poor functional results have been reported by using a
gne d’une perte de mobilité. L’utilisation d’une prothèse d’épaule hemiarthroplasty. The reverse prosthesis can be used when the
inversée peut être envisagée lorsque le deltoïde est préservé et deltoid is preserved and when the glenoid bone stock is sufficient
si le stock osseux au niveau de la glène est suffisant. Les auteurs to implant the baseplate. The authors report a retrospective mul-
rapportent les résultats d’une série rétrospective multicentrique ticentric study about 15 cases of reverse arthroplasty implanted
de 15 cas de prothèses inversées après résection de l’humérus for reconstruction after proximal humeral resection for tumors.
proximal pour tumeur. Il s’agissait de trois ostéosarcomes, huit There were three osteosarcomas, eight chondrosarcomas, one
chondrosarcomes, une tumeur desmoïde et trois métastases. La desmoid tumor and three metastasis. The mean length of resec-
longueur de résection moyenne était de 10 cm. La prothèse a été tion was 10 cm. An isolated prosthesis was used in 2 cases of
utilisée seule dans 2 cas, avec un manchon de ciment proximal short resection (type A reconstruction). The proximal humerus
dans 5 cas, avec une entretoise sur mesure dans 4 cas, et avec was reconstructed by cement in 5 cases (type B), with a cus-
une allogreffe osseuse cryopréservée dans 4 cas. Parmi les com- tom made spacer in 4 cases (type C) and with a frozen allograft
plications postopératoires, on retrouvait 3 cas de luxation dont in 4 cases (type D). Concerning the complications, we noticed
deux ont nécessité une reprise chirurgicale, un cas d’infection, un 3 cases of dislocation (2 were revised), one infection, one revision
reprise pour descellement huméral, une reprise pour changement for humeral stem loosening, one revision for screw impingement
de vis et une paralysie radiale. Les résultats de 10 cas sont analy- and one radial palsy. Ten cases were available for clinical and
sés avec un recul supérieur à 2 ans. Au recul moyen de 35 mois, radiological evaluation with more than 2 year follow-up (mean
le score de Constant pondéré moyen était de 69 %, avec une élé- 35 months). The mean weighted Constant score was 69%, and
vation antérieure active moyenne de 135°. La récupération d’une the active anterior elevation averaged 135°. The recovery in
mobilité active en rotation externe n’a été possible que chez les active external rotation was obtained only for patients who had
patients ayant bénéficié dans le même temps d’un transfert du an associated latissimus dorsi and teres major transfer during
grand dorsal et du grand rond. Par comparaison aux séries de la the procedure. Comparing the results previously published in the
littérature, la prothèse inversée permet d’améliorer les résultats literature, the reverse prosthesis allowed to improve the functio-
fonctionnels. L’instabilité représente la principale complication. nal results. Instability remains the main complication.
Mots clés : Épaule. – Tumeur osseuse. – Arthroplastie. – Prothèse Key words: Shoulder. – Bone tumors. – Arthroplasty. – Reverse
inversée. prosthesis.
portance de la résection osseuse, de l’extension dans les S345 A), la reconstruction peut faire appel à une allo-
parties molles, mais doit tenir compte aussi de l’âge, de greffe massive [8,9,17], une prothèse à tige longue, ou
la demande fonctionnelle du patient et du pronostic une prothèse faite sur mesure afin de reconstruire l’hu-
vital. Dans certains cas, l’importance de la résection mérus proximal [10,18,20]. Cependant, dans deux tiers
empêche toute reconstruction et impose une amputa- des cas, la résection impose le sacrifice de la coiffe des
tion interscapulothoracique ou une résection extra- rotateurs [14,23]. Lorsque la coiffe est réséquée, l’élé-
articulaire de type Tikhoff-Lindberg avec des séquelles vation active ne dépasse généralement pas 50°, du fait
fonctionnelles majeures [1,3,5]. En cas de résection d’une migration vers le haut des implants non contraints
extra-articulaire, une reconstruction par prothèse et de phénomènes d’instabilité [2,10,20,24].
massive [20] ou une technique « clavicula prohumero » De Wilde et al. [6] et Kassab et al. [12] ont proposé
[16,19,21,22] peuvent se discuter. Lorsque la glène est l’utilisation de la prothèse inversée dans les recons-
intacte, une arthrodèse avec autogreffe ou allogreffe tructions de l’humérus proximal pour tumeur avec des
est préférable à une épaule ballante ou à un spacer si le résultats fonctionnels encourageants. Pour combler
deltoïde est réséqué (S34 ou S345 B) [11,15]. la perte de substance osseuse au niveau de l’humérus
344 F. SIRVEAUX, ET AL.
proximal, la prothèse inversée peut être utilisée avec pond à l’épiphyse humérale, la zone S4 à la métaphyse
un manchon de ciment, avec une allogreffe osseuse, et la zone S5 à la diaphyse (figure 1).
avec le segment osseux réséqué après irradiation, ou La résection tumorale était classée selon la MSTS
avec une entretoise. [14]. On dénombrait trois résections de type S3A,
Nous rapportons ici les résultats des prothèses inver- neuf S3-4A, une S3-4-5B (chondrosarcome de haut
sées pour tumeurs dans le cadre d’une étude multicen- grade initialement traité par clou centromédullaire), une
trique incluant 4 centres (Nancy, Lyon, Tours, Nice). S2-3-4-5B (métastase osseuse étendue) et une lésion
S4-S5A (métastase d’adénocarcinome prostatique du
Série multicentrique tiers supérieur de l’humérus).
Tous les patients ont été suivis et revus avec un recul
Il s’agit d’une étude rétrospective multicentrique incluant minimal de 2 ans sauf les patients décédés avant ce délai.
15 cas de prothèses inversées utilisées dans le cadre d’une
reconstruction pour tumeur de l’humérus proximal Technique opératoire
(tableau 2). Il s’agissait de 9 femmes et 6 hommes avec
un âge compris entre 18 et 79 ans lors de l’opération. L’intervention a été menée par voie d’abord deltopec-
La tumeur concernait le côté dominant dans 13 cas. torale dans 14 cas et par une voie antérosupérieure
Toutes sauf une avaient été biopsiées chirurgicalement dans un cas (patient n° 13, métastase d’adénocarci-
avant l’intervention. En effet, dans le cas n° 12, s’agis- nome prostatique). L’humérus proximal était réséqué
sant d’une diffusion plurimétastatique avec risque avec ses insertions tendineuses. La longueur moyenne
majeur de fracture pathologique, l’intervention a été de résection était de 10 cm (de 3 à 15 cm). Chez le
pratiquée en semi-urgence sans biopsie chirurgicale patient avec la métastase envahissant l’humérus proxi-
préalable de la lésion, mais l’histologie du cancer pri- mal et la glène (n° 8), la résection n’a pas pu être carci-
mitif était connue. Dans 2 cas, la lésion avait été dia- nologique. L’intervention a été réalisée pour le confort
gnostiquée précédemment comme un chondrome bénin du patient, en raison de douleurs intenses et d’une
(n° 6 et 10), traitée par simple curetage et réadressée épaule pseudoparalytique. La glène a été fixée par des
pour récidive. Du point de vue anatomopathologique, vis avec adjonction de ciment dans le défect glénoïdien
on retrouvait 3 ostéosarcomes (1 de haut grade et 2 de apparaissant après curetage de la tumeur.
bas grade), 8 chondrosarcomes (3 de haut grade et La reconstruction a utilisé une prothèse inversée de
5 de bas grade), 1 tumeur desmoïde et 3 métastases type Delta® (DePuy) dans 10 cas et une prothèse Aequalis
de carcinome. Dans un cas (n° 5), la prothèse inver- Reverse® (Tornier) dans 5 cas. Toutes les tiges à l’excep-
sée avait été proposée après échec d’une allogreffe tion d’une (n° 6) ont été cimentées. La longueur de la tige
ostéochondrale mise en place après résection d’un
chondrosarcome. Dans un cas (n° 11), la patiente
avait été traitée 3 ans auparavant par une hémiarthro-
plastie non contrainte et a été reprise pour une pro-
thèse inversée avec allogreffe. Dans un cas (n° 7), la
prothèse a été mise en place après ostéosynthèse par
enclouage centromédullaire d’un chondrosarcome de
haut grade.
Tableau 2
Tableau descriptif des cas
Cas Âge/sexe Type de tumeur Stade Longueur Type de recons- Recul Constant EAA Reprise chirurgicale Status à la révision
N° MSTS de résec- truction humé- (mois) Pondéré (degré)
tion (cm) rale
1 18/F Ostéosarcome S3-4 A 12 C *,** 43 69 180 Reprise pour descellement Vivant, NR, NM
huméral
11 48/F Chondrosarcome bas grade S3-4 A 7 D 32 58 70 Instabilité, reprise par Vivant, NR, NM
changement polyéthylène
+ lambeau grand pectoral
A, B, C, D : type de reconstruction humérale ; A : prothèse inversée seule ; B : prothèse inversée + manchon de ciment ; C : prothèse inversée + entretoise métallique ou en polyéthylène ; D : prothèse
inversée + allogreffe osseuse.
EAA : élévation antérieur active ; MSTS : Musculoskeletal Tumor Society ; M : métastase ; NM : pas de métastase ; NR : absence de récidive ; R : récidive locale ; PTE : prothèse totale d’épaule.
* Réparation de la coiffe.
** Transfert grand dorsal–grand rond.
345
346 F. SIRVEAUX, ET AL.
était de 150 mm dans 6 cas, de 180 mm dans 6 cas, de 200 modifiée, décrite par Boileau et al. [4] (figure 6). Le
dans 2 cas, de 240 dans 1 cas. Le diamètre de la sphère grand dorsal et le grand rond ont été passés autour de
était de 36 mm dans 12 cas, de 42 mm dans 3 cas. L’insert la diaphyse humérale et suturés à la prothèse et au ten-
en polyéthylène était standard dans 2 cas, latéralisé de don du grand pectoral lui-même. L’épaule a été immo-
+6 mm dans 11 cas, latéralisé de +9 mm dans 1 cas, bilisée pour une moyenne de 30 jours et un coussin
+12 mm dans 1 cas. Il était de type rétentif dans 2 cas. d’abduction a été utilisé dans 7 cas. Quatre patients
Quatre types de reconstruction de l’humérus proxi- ont reçu une chimiothérapie adjuvante postopératoire.
mal ont été utilisés. La prothèse a été utilisée seule dans Une radiothérapie postopératoire a été réalisée dans
2 cas pour une résection limitée de l’humérus proximal un cas.
(reconstruction de type A) (figure 2). L’humérus proxi-
mal a été reconstruit avec un manchon de ciment dans Résultats
4 cas de tumeurs agressives au-delà des possibilités
carcinologiques pour chirurgie palliative (reconstruc- La résection a été considérée comme large avec marges
tion de type B) (figure 3). Dans un cas (n° 14), une saines dans 11 cas et intralésionnelles dans 4 cas. Les
reconstruction cimentée a été réalisée dans un premier 4 patients dont la résection est intralésionnelle sont
temps et une réintervention est programmée secon- décédés (3 avec prothèse en place et un après dépose
dairement pour une reconstruction par allogreffe. La prothétique) au cours des deux premières années.
reconstruction a été assurée par une entretoise sur Un patient (cas n° 5) a présenté une luxation précoce
mesure dans 4 cas (reconstruction de type C) : deux réduite par manœuvre externe suivie d’une immobili-
métalliques (figure 4), et deux en polyéthylène. Dans sation de 4 semaines, sans récidive. Un patient (cas
4 cas, la prothèse a été manchonnée sur une allogreffe n° 7) a présenté une paralysie postopératoire définitive
osseuse cryopréservée (type D) (figure 5). du nerf radial. Le patient traité pour métastase éten-
Dans 4 cas, le chirurgien a tenté de réinsérer la partie due de l’humérus et de la glène (cas n° 8) a présenté
restante de la coiffe sur la prothèse ou sur l’allogreffe, une luxation compliquée d’un descellement glénoïdien
et un transfert du grand dorsal–grand rond a été réalisé et d’une infection 10 mois après l’intervention. La pro-
dans 3 cas. Le transfert musculotendineux a été effec- thèse a été déposée et le patient est décédé 4 semai-
tué par voie antérieure selon la technique de L’Épiscopo nes plus tard. Un patient a été réopéré à deux reprises
pour subluxations récidivantes avec mise en place d’un
rehausseur et lambeau de grand pectoral à j + 5 mois,
puis changement de la pièce humérale avec allogreffe
à j + 8 mois (cas n° 11). Une prothèse a été révisée pour
douleurs persistantes qui ont été attribuées à un conflit
avec la vis antérieure ; la vis a été changée pour une vis
plus courte, sans modification clinique (cas n° 4).
Une prothèse sur mesure avec l’entretoise en poly-
éthylène avec dans le même temps opératoire un trans-
fert de grand dorsal–grand rond par voie antérieure
(cas n° 1) a été reprise pour descellement huméral chez
la plus jeune patiente de la série (16 ans lors de la résec-
D E
antérieure active supérieure à 100°. En comparaison dépose pour descellement huméral reprise par allo-
avec l’état clinique préopératoire, 5 patients étaient greffe proximale (cas n° 1). Deux ans après la dernière
améliorés, 4 avaient une situation équivalente à l’état opération, le résultat clinique est excellent, sans signe
préopératoire, et un avait une dégradation fonc- de descellement sur l’imagerie.
tionnelle. Quatre patients ont récupéré une rotation La seule tige non cimentée ne montre aucun signe de
externe active (cas n° 1, 6, 9, 14) (figure 6) ; les autres descellement, et la tige cimentée utilisée dans le cas
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avaient une rotation externe active nulle avec un signe n° 9 présente un liseré radiologique qui reste stable à
du clairon (figures 3 et 5). plus de 2 ans de recul.
Concernant les résultats radiographiques, un seul Toutes les allogreffes étaient considérées comme
cas de reconstruction de type A a été revu à plus 2 ans. fusionnées avec une tige stable.
L’aspect radiographique est stable sans signe de descel-
lement. Pour les reconstructions avec ciment (type B), Discussion
2 patients sont décédés prothèse en place, et un après
dépose de la prothèse pour infection. Un cas a été revu Cette étude confirme que dans les tumeurs de l’humé-
avec 26 mois de recul et avait un aspect radiographi- rus proximal, la reconstruction de l’épaule par prothèse
que stable. Dans le cas n° 14, il existe un liseré entre inversée permet d’obtenir des résultats fonctionnels
le ciment proximal et la tige, et une réintervention est satisfaisants après résection de l’humérus proximal à
programmée pour reconstruction secondaire. Pour les condition que la glène et les muscles abducteurs puis-
reconstructions de type C (prothèses sur mesure avec sent être préservés [6,12]. Comme dans les omarthro-
entretoise métallique ou polyéthylène), on notait une ses excentrées, la prothèse inversée permet de restaurer
348 F. SIRVEAUX, ET AL.
A B C
Figure 5. Cas n° 5, reconstruction de type D par prothèse manchonnée sur une allogreffe. Résultat clinique à 2 ans. Noter l’élévation
active limiteé à 90° (B) et la perte de rotation externe active avec un signe du clairon (C).
Prothèse totale d’épaule inversée pour tumeur de l’humérus proximal 349
A B C
Figure 6. Cas n° 9, ostéosarcome parostéal. Reconstruction type C avec une entretoise en polyéthylène et transfert grand rond–
grand dorsal par voie delto-pectorale (A). Résultat clinique et radiographique à 2 ans : récupération complète de l’élévation
antérieure active et de la rotation externe active (B, C) (patient du Pr P. Boileau, Nice).
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A B C
Figure 7. Cas n° 1, reconstruction initiale par prothèse inversée avec entretoise en polyéthylène et ciment. Descellement à 18 mois
(A) ; reprise par changement de prothèse et greffe osseuse mixte (allogreffe + autogreffe morcelée + PRF). Aspect radiographique
à 2 ans avec consolidation de la greffe osseuse et reconstruction de l’humérus proximal (B, C) (patiente du Pr P. Boileau, Nice).
plus étendues, emportant l’insertion du deltoïde, la cica- s’exprime par un signe du clairon et une gêne fonc-
trisation du deltoïde sur une allogreffe manchonnant la tionnelle importante dans les mouvements de la vie
prothèse reste incertaine. quotidienne. Kassab et al. [12] l’avaient déjà souligné,
Au niveau de l’humérus proximal, la rotation externe contrairement à De Wilde et al. [6] qui ont rapporté
active est sous la dépendance des muscles infraépi- une récupération complète de la rotation externe
neux et petit rond, dont l’absence n’est pas compensée active malgré l’absence de geste associé sur les parties
par la prothèse. La perte de rotation externe active molles. Notre étude démontre l’efficacité du transfert
350 F. SIRVEAUX, ET AL.
grand dorsal–grand rond par voie antérieure tel qu’il La mise en place d’une prothèse d’épaule inversée
a été proposé par Boileau et al. [4]. Les reconstruc- pour tumeur est une indication rare. Le remplacement
tions par prothèse inversée sans reconstruction proxi- prothétique intéresse souvent des patients plus jeunes
male ou avec un manchon de ciment ne doivent être que dans les indications habituelles de prothèse inver-
envisagées que dans les résections courtes ou en situa- sée. Le recours à cet implant est justifié par les mauvais
tion palliative, compte tenu du risque de descellement résultats fonctionnels des autres procédés de recons-
précoce de la prothèse et de l’absence de cicatrisa- truction. Cependant, les avantages de la prothèse inver-
tion possible des parties molles. Cela peut être une sée doivent toujours être mis en balance avec les risques
solution d’attente si des traitements adjuvants sont élevés de complications postopératoires et de complica-
prévus, avant de faire une reconstruction secondaire tions mécaniques à long terme, en particulier chez les
de l’humérus proximal. L’utilisation d’une entretoise patients actifs.
sur mesure ou d’une allogreffe est préférable pour Remerciements. Les auteurs tiennent à remercier le
diminuer les contraintes sur la tige et augmenter les Dr Gilles Walch (Lyon), le Pr Pascal Boileau (Nice)
chances de cicatrisation des parties molles autour de ainsi que les Pr Luc Favard et Philippe Rosset (Tours)
la prothèse. qui ont fourni une partie des cas de cette série.
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RÉSUMÉ SUMMARY
Une meilleure compréhension de l’anatomie et de la bioméca- A better understanding of the anatomy and biomechanics of the
nique de l’épaule, associée aux améliorations constantes des shoulder, coupled with constant improvements of implants and
implants et des techniques, ont progressivement permis d’obtenir techniques, have progressively allowed to achieve encouraging
des résultats encourageants à long terme avec les arthroplasties long-term results with shoulder arthroplasties in degenerative
dans la pathologie dégénérative et inflammatoire. Cependant, and inflammatory pathologies. However, these procedures are
ces interventions ne sont pas dénuées de complications per- et not devoid of intra- and postoperative complications. We rea-
postopératoires. Nous avons réalisé une analyse de la littérature lized an analysis of the literature to list the complications of
afin de répertorier les complications des prothèses d’épaule non unconstrained shoulder prostheses. Based on our experience and
contraintes. En se basant sur notre expérience et sur la littérature, the literature, we analyzed the reasons of these complications
nous avons analysé les causes de ces complications afin d’aider to help avoiding them. We reviewed 47 English and French refe-
les chirurgiens à en limiter la survenue. Cette méta-analyse renced series of shoulder prostheses implanted for degenerative
regroupe 47 séries référencées de langue anglaise ou française or inflammatory pathology, with more than 2 years follow-up,
de prothèses d’épaule implantées pour pathologie dégénérative published from January 1993 to January 2008. They represent
ou inflammatoire, revues cliniquement à plus de 2 ans, publiées 4010 anatomic prostheses (2657 total and 1353 hemi) with an
entre janvier 1993 et janvier 2008. Elles représentent 4010 pro- average of follow-up of 6 years (2–25). We find 1595 compli-
thèses anatomiques (2657 totales et 1353 hémi) d’un recul moyen cations to 906 procedures for shoulder arthroplasty, the rate
de 6 ans (2–25). Nous retrouvons 1595 complications pour 906 of complications is 22.6%. Revision surgery was necessary in
interventions pour arthroplastie d’épaule, soit un taux de com- 451 cases (11.2%) and a revision of at least one of the implants
plications de 22,6 %. Une reprise chirurgicale a été nécessaire in 317 cases (7.9%). These complications include: intra-operative
dans 451 cas (11,2 %) et une révision d’au moins un des implants fractures, humeral and glenoid complications, instability, soft tis-
317 fois (7,9 %). Ces complications regroupent : les érosions et sue complications, infection, stiffness and sympathetic dystrophy,
les descellement glénoïdiens, les fractures peropératoires et les regional and general complications. Most of these complications
complications humérales, l’instabilité, les complications des par- can be avoided by keeping in mind their three main categories:
ties molles, les complications septiques, les raideurs et syndro- wrong indications, technical faults and errors in rehabilitation.
mes algoneurodystrophiques, et les complications régionales et However, some problems remain independent of surgical tech-
générales. niques. The analysis of a large cohort with a follow-up of more
Une grande partie de ces complications peut être évitée à travers than 10 years is necessary to understand our errors. A better
trois grandes catégories : les mauvaises indications, les fautes tech- knowledge of complications and implant survival rates will allow
niques et les erreurs de rééducation. Certains problèmes restent us to improve techniques and our choice of indications.
cependant indépendants de la technique chirurgicale. L’analyse
de grandes cohortes à plus de 10 ans de recul est nécessaire à la Key words: Shoulder arthroplasty. – Unconstrained prosthesis.
compréhension de nos échecs. Une meilleure connaissance des – Complications. – Revisions.
complications et des taux de survie des implants nous permettra
probablement d’améliorer les techniques et de mieux cibler nos
indications.
Tableau 1
Récapitulatif des complications
la rotation externe forcée du bras peut entraîner des Fractures glénoïdiennes peropératoires
fractures humérales ; il s’agit habituellement de fractu-
res diaphysaire oblique ou spiroïde. Des fractures du Cette complication ne concerne que les prothèses tota-
tubercule majeur sont aussi décrites après ce méca- les. Nous n’avons retrouvé que 5 séries relatant une frac-
nisme. L’alesage du canal médullaire peut entraîner une ture glénoïdienne peropératoire [23,24,39,84,108,113].
fausse route suivie d’une fracture, le plus souvent par- Elles sont au nombre de 8 sur 2657 PTE, soit un taux
tielle, métaphysaire ou du tiers supérieur de la diaphyse. de survenue de 0,3 %. Elles ont nécessité une ostéo-
Enfin, le scellement des implants peut aussi se compli- synthèse peropératoire dans 6 cas, 5 fois par des vis
quer d’une fracture transverse, située en dessous du et 1 fois par des broches. Dans les 2 derniers cas, la
niveau de la tige prothétique. Ces fractures sont souvent fracture a été stabilisée par le ciment de l’implant glé-
découvertes en postopératoire sur le cliché radiologique noïdien. Une greffe a été nécessaire 1 fois et le recours
de contrôle (figures 1a et 1b). à une HEMI a été choisi 2 fois.
Le traitement de ces fractures humérales peropéra- Cette complication est listée dans les précédentes
toires est habituellement basé sur la classification des revues de la littérature sans que sa fréquence soit connue
lésions de Wright et Cofield [129]. Les fractures méta- [6,116,126,127].
physaires non déplacées peuvent être traitées orthopé- Lors d’une étude multicentrique en 2001 [118], nous
diquement, mais les fractures déplacées doivent être avions retrouvé 22 fractures de glène peropératoire sur
synthésées. Les fractures des tubérosités (type A) peu- 856 arthroplasties totales d’épaule. Ceci représente un
vent être suturées. Pour les fractures autour de la tige taux de complication de 2,6 %. Ces fractures étaient
(type B), il est préférable d’utiliser des cerclages. Enfin, majoritairement des perforations antérieure ou posté-
les fractures sous la tige prothétique (type C) doivent rieure du col lors du méchage. Dans 7 cas, il s’agissait de
bénéficier au mieux de la mise en place d’une prothèse fractures complètes. Par 2 fois, le chirurgien a dû renon-
à tige longue ou à défaut d’une synthèse par plaque. cer à la mise en place d’une glène prothétique. Cinq fois,
Les plaques à vis verrouillées peuvent être utiles en la quille de l’implant a été coupée pour permettre sa mise
permettant une prise unicorticale périprothétique. en place et dans 6 cas une greffe de tête humérale associée
Les fractures humérales peropératoires au cours d’une à une ostéosynthèse a été nécessaire (figures 2a et 2b).
arthroplastie d’épaule compromettent globalement le Ces perforations ou fractures sont en général la consé-
résultat fonctionnel final. Une attention toute parti- quence d’une mauvaise orientation et/ou d’un mauvais
culière lors de la manipulation du bras, le respect du placement de la fraise ou de la mèche (figures 3a et 3b).
point d’introduction de la râpe ainsi que sa direction L’usure postérieure fréquente dans les omarthroses pri-
doivent permettre d’en limiter le risque de survenue. mitives ou les arthrites rhumatoïdes augmente le risque
A B
Figure 1. Fracture humérale peropératoire. A. Fracture périprothétique, traitée par reprise par tige longue et cerclage. B. Fracture
non déplacée, extériorisation de ciment au niveau de la diaphyse, découverte sur les radiographies postopératoires.
Complication des prothèses d’épaule non contraintes 357
Antérieur
A Complications humérales
postopératoires
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Certains auteurs continuent de défendre les implants che ; il existe un descellement proximal métaphysaire
sans ciment, comme Rahme et al. [92] qui, en 2006, de la tige et une fixation persistante au niveau diaphy-
ont publié une série comparative randomisée d’im- saire. Cela engendre des contraintes pouvant entraî-
plant huméraux avec et sans ciment. Ils ne retrouvent ner une fracture de fatigue de l’implant à la jonction
aucun descellement dans les deux groupes. Cependant, de sa fixation.
cette série n’a que 2 ans de recul. Cofield et Sperling
[19,104] défendent la conception d’implant spécifique
à revêtement particulier (« ingrowth components »). Ils Complications glénoïdiennes
rapportent de bons résultats à court et moyen terme
de ce type d’implant. Malgré cela, ils continuent de post-opératoires
penser que l’utilisation d’implants cimentés reste pré- Prothèses totales d’épaule
férable en cas d’arthroplastie totale.
Dans notre série multicentrique de 1542 implants Nous dénombrons 417 complications glénoïdiennes
[8], nous avons observé que le risque de descellement postopératoires. Rapporté au nombre de PTE de l’étude
d’un implant non cimenté est presque 10 fois plus élevé (2657), le taux de survenue d’une complication glénoï-
que celui d’un implant cimenté. Cette augmentation dienne est de 15,7 %. Cela représente 25,5 % des com-
du taux de descellement des implants huméraux sans plications retrouvées (figures 6a et 6b).
ciment est retrouvée dans les différentes études de la lit- L’immense majorité des complications glénoïdiennes
térature, notamment dans les études comparant spéci- résident dans le descellement de l’implant. Il est défini
fiquement les deux modes de fixation [49,64,69,98]. par une migration de l’implant ou un liseré de 2 mm
L’écart se creuse lorsque l’on s’intéresse aux résul- ou plus autour de l’implant.
tats à long terme. Sojberg et al. [102] retrouvent, avec Nous en avons dénombré 379, soit un taux de des-
un recul minimum de 5 ans, 5 tiges descellées sur cellements de 14,3 % (24 % des complications retrou-
12 sans ciment (41,7 %) et aucun descellement sur les vées). Il a nécessité une reprise 108 fois (28,5 % des
50 cimentées. Sperling et al. [106] en 2004, avec un descellements).
minimum de 15 ans de recul, retrouvent 24 descelle- Les facteurs influençant la présence d’un liseré puis
ments sur 91 implants sans ciment (26,4 %) et en 2007 d’un descellement de l’implant glénoïdien sont particu-
[108], à 11,6 ans de recul, 62 sur 215 (28,8 %). Enfin, lièrement nombreux : le type d’implant, polyéthylène
Torchia et al. [114] ont observé, à 12,2 ans de recul, ou avec métal-back, cimenté ou non, à quille ou à plot,
40 implants sans ciment descellés sur 83 (48,2 %). le type de polyéthylène, la technique de cimentation,
L’utilisation de ciment pour la fixation de l’implant l’instrumentation de fraisage, l’exposition, l’usure de
huméral nous paraît être la référence dans les prothè- la glène, la stabilité glénohumérale, l’état de la coiffe
ses d’épaule en pathologie chronique. des rotateurs…
Concernant l’influence entre les deux grandes
familles d’implants, nous avons répertorié les glènes
Complications mécaniques à polyéthylène et les glènes à « métal-back ». Seules
des implants huméraux 6 séries [3,23,31,43,54,103] parmi les 47 retenues
La rupture d’implant huméral ainsi que le désassem- ne décrivent pas le pourcentage de répartition entre
blage entre tête et col prothétique sont des complica- implants polyéthylènes et « métal-back », ainsi que
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tions exceptionnelles avec un taux de 0,05 %. le taux de répartition de descellement entre les deux.
Seule 1 série [8] de notre revue décrit un cas de Notre étude concerne 1593 glènes à polyéthylène et
désassemblage entre tête et col. À notre connaissance, 851 implants à « métal-back ». Nous avons retrouvé
un seul autre article reporte dans la littérature une telle 217 (13,6 %) descellements dans le groupe polyéthylène
complication [21]. L’instabilité glénohumérale semble contre 142 (16,7 %) dans le groupe « métal-back ».
être la cause de ce type de complications des prothèses Hormis les descellements glénoïdiens, nous avons
modulaires. retrouvé 38 autres complications mécaniques de la glène
La rupture d’un implant huméral a été retrouvée (2,4 % des complications retrouvées), soit un taux de
une seule fois dans notre revue. Verborgt et al. [117] 1,4 %. Toutes ont nécessité une reprise. Dans le groupe
rapportent la fracture d’une tête en céramique d’un des implants polyéthylènes, nous avons retrouvé 1 seul
implant huméral. cas de rupture de l’implant polyéthylène [114]. Dans
Enfin, Zuckerman et al. [130] ont rapporté en 2003 le groupe des implants « métal-back », nous avons
une rupture d’une tige humérale. Le mécanisme est retrouvé 15 désassemblages entre le polyéthylène et le
similaire aux ruptures décrites au niveau de la han- métal-back, 14 usures de polyéthylène sans usure du
360 J.-F. GONZALEZ, F. BAQUE, P. BOILEAU
« métal-back », 6 usures de polyéthylène avec usure du Enfin, l’état de la coiffe des rotateurs reste certaine-
métal-back et 2 ruptures d’implant « métal-back ». ment le facteur qui influence le plus le descellement
Le taux de complications globales des implants poly- glénoïdien [26]. C’est Franklin et al. [30] qui ont décrit
éthylènes est donc de 13,7 %, contre 21,0 % dans le pour la première fois en 1988 l’effet du « cheval à bas-
groupe « métal-back ». Cela conforte les données de cule » (« rocking horse effect ») [figure 6c]. Lors d’une
la littérature [6,15,27,45,63,121] et l’étude que nous rupture massive de la coiffe des rotateurs, l’implant
avions publiée en 2002 [7]. huméral migre vers le haut, la tête humérale vient alors
L’utilisation d’implants totalement en polyéthylène s’appuyer sur la partie supérieure de l’implant glénoï-
cimentés nous paraît être la référence dans les PTE. dien qui bascule. Nous observons un taux élevé de des-
L’amélioration de la technique à travers l’instrumen- cellement glénoïdien lorsqu’il existait une rupture de
tation et le mode de cimentation sous pression a fait la la coiffe des rotateurs en peropératoire et à la révision
preuve de son efficacité [47,82,88]. [98,102].
Walch et al. ont montré qu’il existait une diminu- La rupture massive de la coiffe des rotateurs est une
tion du taux de liseré si la différence entre le rayon de contre-indication à une PTE anatomique. Le choix de
la tête et celui de la courbure de l’implant glénoïdien l’implant prothétique se portera alors plus volontiers
(« radial mismatch ») était supérieure à 5,5 mm [119]. vers une prothèse d’épaule inversée.
L’usure de la glène ou la dysplasie sont des facteurs Le descellement glénoïdien est une cause fréquente
importants qui peuvent nécessiter une greffe préalable d’échec des PTE. Il péjore le résultat fonctionnel et
à l’implantation de la glène prothétique [25,38]. nécessite dans plus d’un quart des cas une reprise
A B
pour révision de l’implant ou la transformation en De plus, il n’existe pas de consensus à travers les séries
hémiarthroplastie. La révision de glène est un chal- de diagnostic de cette complication. Certains auteurs
lenge technique et ses résultats fonctionnels sont tou- comme Parsons et al. [87] ont proposé une méthode
jours inférieurs à ceux d’une arthroplastie de première de mesure de l’espace articulaire glénohuméral à par-
intention [2,24,81,100]. Une attention particulière tir de radiographies numérisées, protocolisées, et d’un
doit être apportée à l’indication des PTE, à la techni- appareillage de mesure. Ils ont montré une corrélation
que utilisée mais aussi au choix des implants afin de entre la diminution de l’espace articulaire et les résul-
limiter la fréquence de cette complication. tats fonctionnels. Ils rapportent une diminution de
l’interligne articulaire de 0,9 mm/an. L’érosion glénoï-
Prothèses humérales simples dienne est inévitable selon les auteurs et le quart des
HEMI nécessiteront une totalisation entre 4 et 5 ans
L’érosion glénoïdienne est l’apanage des hémiarthro- postopératoires.
plasties. C’est la complication la plus fréquente et celle L’érosion glénoïdienne survenant dans les HEMI est
qui nécessite le plus de réintervention. Nous avons cause de douleur. La plupart des séries ou revues de
retrouvé 279 érosions glénoïdiennes sur 1353 HEMI la littérature comparant HEMI et PTE retrouvent des
(20,6 %). Elles représentent 17,6 % des complica- résultats fonctionnels inférieurs chez les HEMI, des
tions décrites. Cette érosion glénoïdienne a nécessité taux de complications plus importants et des taux de
une reprise pour totalisation dans 84 cas (30,1 %). survie inférieurs à ceux des PTE [8,27,31,33,35,87,89,
Une totalisation a été nécessaire dans 6,3 % des HEMI 91,94,106,107]. Totaliser une HEMI est une interven-
(figures 7a et 7b). tion souvent difficile. De plus, les résultats fonction-
La survenue d’une érosion glénoïdienne est proba- nels de ces prothèses « totalisées » sont inférieurs aux
blement une complication sous-estimée. En effet, plu- PTE de première intention [14,110].
sieurs séries d’HEMI ne s’intéressent pas à ce problème. Toutefois, compte tenu des complications à long
terme des glènes prothétiques, l’HEMI reste pour
de nombreux auteurs une indication de choix chez
les sujets jeunes. Des techniques de préparation de
la glène ont été élaborées afin de diminuer l’érosion
glénoïdienne par des greffes de tissus mous [11,52].
D’autres auteurs préconisent de fraiser la glène afin de
diminuer les douleurs postopératoires [17,58]. La PTE
reste pour nous l’implant de référence dans les patho-
logiques chroniques à coiffe des rotateurs conservée.
Instabilité
L’épaule est l’articulation la plus instable du corps
humain. Sa stabilité est le résultat d’un équilibre
dynamique entre les surfaces articulaires, les tensions
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comme antérieure 65 fois et comme postérieure 55 fois. Le traitement de l’instabilité antérieure après pro-
Quelle que soit la direction de l’instabilité, le résultat thèse d’épaule est difficile. La rééducation ne donne
fonctionnel des prothèses instables est compromis. aucun résultat. La chirurgie de reprise donne des résul-
tats inégaux [6,10,75,99,118,123,127]. Plusieurs trai-
Instabilité antérieure tements sont utilisés : réparation du sous-scapulaire
direct ou par greffe, changement d’implant pour
Les causes de l’instabilité antérieure sont le plus souvent repositionnement ou changement de taille. Sanchez-
multifactorielles. Les causes retrouvées sont : un trou- Sotelo et al. [99] ont publié en 2003 la plus large
ble de rotation de l’implant huméral, une tête humé- série de reprises chirurgicales pour instabilité après
rale surdimensionnée, un déséquilibre de tension des prothèse de première intention. Parmi 33 reprises,
parties molles, un dysfonctionnement du deltoïde, une seulement 14 étaient stables à la révision. Moekel
défaillance du sous-scapulaire, une usure de la glène et al. [75] ont montré que même si une stabilité était
ou une rééducation trop agressive [6,10,37,41,118, retrouvée après reprise, le résultat fonctionnel était
123,127]. Dans notre expérience comme dans celle de médiocre.
B. Miller [73], la défaillance du sous-scapulaire est la Par ailleurs, l’arthrose glénohumérale postinstabi-
cause principale de l’instabilité antérieure (figure 8). lité ne semble pas être un facteur prédictif d’instabilité
L’instabilité antérieure s’associe fréquemment à des des arthroplasties [32,65–68,103]. Le seul traitement
complications glénoïdiennes, usure, descellement, dis- chirurgical logique et efficace est le plus souvent une
sociation du polyéthylène d’un métal-back [118]. révision par prothèse inversée.
Figure 8. Instabilité antérieure. Prothèse anatomique instable suite à une rupture du sous-scapulaire avec usure du polyéthylène
et métallose. Reprise par prothèse inversée.
Complication des prothèses d’épaule non contraintes 363
Figure 9. Instabilité postérieure. A. Luxation postérieure traumatique 2 mois après l’arthroplastie. B. Subluxation postérieure dans
le cadre d’une glène B2, usure asymétrique du polyéthylène et contact métal-métal.
364 J.-F. GONZALEZ, F. BAQUE, P. BOILEAU
Des réinterventions proposant des traitements conser- douleurs dégradent le résultat fonctionnel de l’arthro-
vateurs ont été réalisées dans la majorité des cas : acro- plastie. Tuckman et Dines [115] ont rapporté une série
mioplastie, suture de coiffe voire transfert musculaire de 8 ténodèses à ciel ouvert ou ténotomie sous arthros-
ou lambeau. Certaines équipes ont proposé une révi- copie après arthroplastie avec d’excellents résultats.
sion prothétique par transformation d’une PTE en Le tendon du long biceps est anormal dans plus 30 %
HEMI avec une tête de plus grand diamètre. D’autres des omarthroses primitives : délamination, prérupture
ont préféré réaliser une arthrodèse glénohumérale ou ou hypertrophie [118]. Ainsi, la ténodèse peropéra-
une résection arthroplastique. Seule la reprise chirurgi- toire améliore le résultat sur la douleur. Nous la prati-
cale pour mise en place d’une prothèse totale inversée quons systématiquement lors d’une arthroplastie.
a donné un résultat satisfaisant [118].
Dysfonctionnement
Rupture secondaire du tendon du muscle deltoïde
sous-scapulaire Un dysfonctionnement du muscle deltoïde peut être
Nous avons retrouvé 45 ruptures secondaires du ten- secondaire à une lésion du nerf axillaire ou à une
don du muscle sous-scapulaire, représentant un taux désinsertion musculaire iatrogène. L’insuffisance mus-
de survenue de 1,1 % (2,8 % des complications obser- culaire qui en résulte compromet sévèrement le résul-
vées). Une réintervention a été réalisée dans 33 cas, tat fonctionnel de l’arthroplastie d’épaule.
soit dans 73 % des ruptures. Cette complication n’a été relevée que 5 fois parmi
Ce chiffre sous-estime certainement cette complica- les 47 séries. Cela représente un taux de complication
tion ; seules 10 séries sur 47 la répertorient. S. Miller de 0,1 %. Ce chiffre sous-estime très certainement
et al. [74] ont étudié spécifiquement la fonction du la réalité, puisque 17 lésions du nerf axillaire ont été
sous-scapulaire après prothèse d’épaule. Il a été noté observées dans le même temps.
comme inefficace dans 67 % des cas. Neer et Kirby [78], en 1982, retrouvaient un sévère
Le diagnostic est le plus souvent clinique, devant une dysfonctionnement du muscle deltoïde chez 92 % des
rotation externe exagérée, un lift-off ou un press-belly patients opérés par voie d’abord supérieure avec déta-
test positif. Une chirurgie préalable de l’épaule semble chement du muscle deltoïde ou voie deltopectorale
être un facteur favorisant à la rupture secondaire du réduite. Les résultats fonctionnels de cette série sont
sous-scapulaire : antécédents de chirurgie pour instabi- catastrophiques.
lité d’épaule, séquelles de fracture céphalotubérositaire. Les insuffisances musculaires du deltoïde compro-
La rupture secondaire du tendon sous-scapulaire mettent les résultats des arthroplasties d’épaule. Il
expose à une instabilité antérieure. B. Miller et al. [73] paraît donc nécessaire de réaliser une voie d’abord res-
ont revu 7 patients présentant une rupture secondaire pectant les insertions deltoïdiennes et préservant le nerf
du sous-scapulaire après prothèse d’épaule. Ils présen- axillaire. La voie d’abord deltopectorale nous semble
taient tous une instabilité antérieure. Ils ont tous été être la voie la plus sûre et la moins délabrante pour
traités chirurgicalement, dont 4 par transfert du grand réaliser une arthroplastie anatomique de l’épaule.
pectoral. Les résultats fonctionnels après reprise sont
médiocres et 2 épaules restent instables. Cette compli-
résultat fonctionnel dans leur série. Sperling et al. [105] gicalement. En cas d’infection aiguë postopératoire
ont recherché spécifiquement ces constatations radio- (< 2 mois) ainsi qu’en cas d’infection aiguë secondaire
graphiques dans une série de 58 prothèses. Ils en ont par voie hématogène, un débridement et un lavage soi-
dénombré 14, mais aucune de stade III. Leur présence gneux doivent être entrepris rapidement. En cas d’in-
n’a pas influencé le résultat. Ces ossifications apparais- fection subaiguë (2 mois à 1 an) ou chronique (> 1 an),
sent dans la majorité des cas dans les 2 premiers mois l’ablation des implants reste la meilleure solution pour
postopératoires et n’évoluent plus par la suite. traiter l’infection. Le changement en un ou deux temps
rapprochés (6 à 8 semaines) constitue le meilleur com-
Complications septiques promis pour guérir l’infection et conserver la fonction
[22].
L’infection postopératoire est une complication redou- La nécrose radique camporte un risque important
table en chirurgie prothétique. Nous avons retrouvé d’infection après prothèse pouvant aller jusqu’à 25 %
46 infections avérées, représentant un taux de complica- [1,22]. La chirurgie de reprise, les séquelles de frac-
tions de 1,1 % (2,9 % des complications retrouvées). Une ture et la chirurgie pour instabilité constituent aussi
réintervention a été pratiquée 37 fois, dont 32 ablations des facteurs de risque infectieux. Même avec un traite-
d’implants et seulement 7 reposes en un ou deux temps. ment bien conduit, le taux de guérison des infections
Les germes retrouvés sont en premier lieu les staphy- de prothèse reste décevant et le pronostic fonctionnel
locoques dorés et à coagulase négative, puis le Propioni- souvent compromis.
bacterium acnes (exemple : figures 10a et 10b).
Les options thérapeutiques décrites sont multiples et
variées : certains auteurs sont favorables à un traite- Raideurs et syndrome
ment médical par antibiothérapie seule ou associé à algoneurodystrophique
un lavage avec débridement. Parfois les implants sont
conservés et parfois ils sont enlevés définitivement. Ce chapitre regroupe les complications qui ont été éti-
Souvent, un changement d’implant en un ou deux quetées comme algoneurodystrophie, douleurs inexpli-
temps sera choisi, avec mise en place d’un espaceur quées et raideur. Ces symptômes sont peu fréquents ;
provisoire au ciment imprégné d’antibiotique. Plus nous en avons dénombré 35, représentant un taux de
rarement, des arthrodèses et des amputations ont aussi complication de 0,9 %.
été proposées dans la littérature [22,40,55,70,90,93, Parmi ces 35 complications, 6 ont été qualifiées de
101,111,127]. syndromes algoneurodystrophiques. Elles ont bénéfi-
La stratégie thérapeutique doit être basée sur le dia- cié d’une prise en charge en rééducation. Leur sympto-
gnostic précose de l’infection. Une ponction articulaire matologie s’est améliorée et le résultat final a été bon.
peut aider à l’identification du germe pathogène. Une Les autres patients ont bénéficié d’un traitement plus
collaboration avec des infectiologues est souhaitable. Il agressif : mobilisation sous anesthésie, débridement et
faut être agressif et ne pas hésiter à réintervenir chirur- arthrolyse arthroscopique ou à ciel ouvert. Dans 9 cas,
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Figure 10. Complications septiques. A. Changement de prothèse d’épaule en deux temps. B. Espaceur imprégné d’antibiotique laissé
en place après ablation d’une prothèse d’épaule.
366 J.-F. GONZALEZ, F. BAQUE, P. BOILEAU
un changement d’implant a été réalisé : totalisation maximum cette complication : être attentif à l’instal-
d’HEMI, changement de la tête pour une taille plus lation de son patient en surveillant les points d’appui,
petite et même révision complète des deux implants. la position de la tête, respecter une abduction modérée
Les résultats fonctionnels finaux de ces patients n’ont du bras, réaliser une dissection prudente avec identifi-
en général pas été satisfaisants. cation du nerf axillaire afin de le protéger. Pendant la
Une analyse précise clinique, biologique et radiolo- dissection, il faut rester proche de l’humérus et éviter
gique doit être entreprise devant un tableau doulou- de léser le nerf axillaire. Enfin, la dissection ne devra
reux avec raideur postopératoire. Si celui-ci s’avère pas s’étendre médialement à la zone limitée par une
négatif, les diagnostics d’algoneurodystrophie ou de ligne verticale passant par l’apophyse coracoïde.
capsulite rétractile doivent être évoqués. Seul un traite-
ment médicamenteux associé à une rééducation douce Hématomes
avec balnéothérapie semble apporter un bénéfice. Ces
algodystrophies sont en fait souvent le résultat de com- Plusieurs séries américaines [23,29,33,72,85,97,106,
plications méconnues d’origine mécanique (implants 107] mentionnent des hématomes postopératoires. Il
trop volumineux, malpositionnés, incarcérations intra- s’agit en général de volumineux hématomes qui ont
articulaires du long biceps et/ou d’origine biologique : souvent nécessité une nouvelle intervention pour éva-
infections larvées…). cuation ou drainage. Ils représentent 0,3 % des com-
plications de la revue. Ces hématomes peuvent parfois
avoir des conséquences générales : deux volumineux
Complications régionales hématomes thoraciques compressifs après prothèse
d’épaule ont été rapportés par Keyurapan et al. [44].
et générales Ces hématomes ont eu un retentissement sur la fonc-
Lésions nerveuses tion cardiaque et respiratoire.
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RÉSUMÉ SUMMARY
L’adjonction d’une glène à la pièce humérale d’une prothèse d’épaule A glenoid component enhances the result of a shoulder pros-
en améliore le résultat fonctionnel et peut être recommandée dans thesis but remains its weak point. All the comparative published
la pathologie dégénérative. La pièce glénoïdienne reste cependant series show that total shoulder arthroplasty provides better
le point faible de l’arthroplastie du fait de la constatation radiogra- outcome than hemiarthroplasty in degenerative glenohumeral
phique de liserés à l’interface ciment-os qui sont parfois évolutifs pathology. Radiolucent lines (RLL) and glenoid loosenings are
et peuvent conduire au descellement. La fréquence des liserés varie, mostly radiographic features without clinical relevance, but they
selon les séries étudiées, entre 68 et 100 % des cas. Les liserés sous remain a concern. RLL occur in 68 to 100% of the cases; the
l’embase n’ont pas de signification ; les liserés autour de la quille RLL located under the baseplate have no significance while the
traduisent, en revanche, l’évolution vers le descellement. Le taux de RLL located around the keel are evolutive and lead to loosening.
descellement varie entre 0 et 58 % des cas ; il évolue avec le temps ; The loosening rate varies between zero and 58% of the cases;
le taux de réintervention est cependant faible, compris entre 4 et it increases with time and follow-up. At this stage, the rate of
8 %. La technique opératoire (cimentage par compaction osseuse revision is low. The operative technique (compaction of cancel-
dans l’orifice de quille), le choix approprié de l’implant (glène à lous bone in the keel hole) as well as the accurate choice of the
fond convexe, quille ou plots), l’utilisation de rayons de courbure implant (convex glenoid, pegs or keel) and the adapted mistmach
appropriés et la poursuite de la réflexion sur les glènes hybrides ou of the humeral and the glenoid radii of curvature allow to limit
sans ciment permettent de limiter l’incidence des liserés et des des- the occurrence of both RLL and loosenings. The functional out-
cellements. La qualité du résultat fonctionnel obtenu par prothèse come of total shoulder arthroplasty and the mobility allowed by
d’épaule, l’amélioration des amplitudes permise par les prothèses new generation implants are better; the patients are younger;
de dernière génération, et l’âge de plus en plus jeune des patients all these factors lead to a higher level of glenoid constraints and
incitent à poursuivre la recherche d’une glène idéale en termes oblige us to continue to look for the ideal glenoid.
d’ancrage et de longévité.
Key words: Shoulder arthroplasty. – Glenoid implant. – Radiolucent
Mots clés : Glène. – Prothèse d’épaule. – Liserés. – Descellements. lines. – Loosening.
résultats se maintiennent dans le temps ; les taux de reconnu de liserés périglénoïdiens dans les différentes
survie [52,53,57] sont de 97 % à 5 ans, de 93 % à séries publiées. L’interprétation des liserés nécessite des
10 ans et de 87 % à 15 ans ; ils placent la prothèse radiographies faites sous contrôle à l’amplificateur de
totale d’épaule parmi les plus efficaces des prothèses brillance, avec vérification de l’orientation du rayon (40°
ostéoarticulaires et leurs résultats parmi les plus dura- d’obliquité postérieure), parallèle à l’embase glénoïdienne
bles. L’enthousiasme est cependant tempéré par la mise [45]. Havig et al. [18], dans une étude cadavérique, mon-
en évidence, sur les radiographies de contrôle, d’un trent qu’un liseré inférieur à 2 mm cesse d’être visible
taux important de liserés glénoïdiens et par l’évolu- lorsque l’angle d’inclinaison du rayon varie de plus de
tion avec le recul du taux de descellements glénoïdiens. 10° avec celui de l’embase ; ce point est crucial. Kelleher
Pour Matsen et Lippitt, 59 % des patients insatisfaits et al. [24] considèrent que 56 % des bilans radiographi-
de leur prothèse totale d’épaule le sont en raison d’un ques effectués sans amplificateur de brillance sont inin-
descellement glénoïdien [32]. terprétables. Dans deux études multicentriques, Lazarus
et al. [26] et Molé et al. [36] ont été contraints d’éliminer
Liserés glénoïdiens respectivement 33 % et 21 % des bilans radiographiques
pour qualité défectueuse. Szabo et al. [56] insistent par
Les liserés se définissent comme des espaces clairs, ailleurs sur l’intérêt de la relecture des clichés ; chacune
radiotransparents, à l’interface ciment–os (figure 1). de ses radiographies est lue à trois reprises par trois exa-
Leur fréquence, les modalités d’évaluation, leur signi- minateurs différents, ce qui lui vaut d’aboutir à un taux
fication, leur évolution et les facteurs de survenue sont de liseré de 100 %. Pour Gerber et al. [15], l’avenir est à
aujourd’hui plus précis. Initialement décrits par Neer l’utilisation du scanner pour la détection et la surveillance
[38] dans 30 % des cas, les liserés sont beaucoup plus des liserés avec des taux de survenue qui seront certaine-
fréquents dans les séries plus récentes (68 % pour ment plus conséquents (figure 2).
Pfahler [47], 84 % pour Torchia et al. [57], 94 % pour
Lazarus et al. [27], 100 % pour Szabo et al. [56]). Siège et classification
Diagnostic De nombreuses classifications [24,26,36,37,45,47,57]
des liserés ont été décrites prenant en compte leur siège
Le défaut de rigueur dans la réalisation et l’interpréta- (partie supérieure, moyenne ou inférieure de l’embase
tion des radiographies explique la variation du taux et de la quille) et leur épaisseur (mm). Le nombre de
zones ainsi défini varie de 2 à 8 [2,12,24,26,37,57].
L’épaisseur est considérée selon qu’elle est inférieure
ou supérieure à 1,5 ou 2 mm. Sont par ailleurs pris
en compte, pour certains [26,37], des grades (0 à 5)
établis en fonction du siège et de la continuité. Le pro-
blème se trouve à nouveau posé de la comparaison des
différentes études, compte tenu des méthodes d’éva-
luation utilisées.
Nous avons défini une classification en six zones
(trois à l’embase, trois à la quille) et trois épaisseurs
Facteurs de survenue
Parmi les facteurs favorisant la survenue des liserés péri-
glénoïdiens, certains sont indépendants du chirurgien,
tels l’âge (les liserés sont plus fréquents chez les patients
âgés [45,52,53]), le niveau d’activité (fréquence accrue
chez les patients jeunes [52,53]), ou l’étiologie (poly-
arthrite rhumatoïde [28,36]). D’autres dépendent des
choix chirurgicaux et requièrent toute notre attention :
Figure 2. Visualisation d’un descellement glénoïdien au scanner. technique opératoire, choix des implants, gestion de la
1 X 2
2 X 2
4 X 2
5 X 3
6 X 1
pour Neer [40], leur signification mécanique était stabilité prothétique avec, d’une façon générale, une
incertaine ; pour Brems [5], ils pouvaient traduire un plus grande fréquence des liserés à la partie basse de la
piégeage liquidien au moment du scellement, non pré- glène [12,45] en raison des déficiences de la coiffe des
occupant dans la mesure où 69 % d’entre eux étaient rotateurs et de l’influence des phénomènes d’instabi-
présents dès les clichés postopératoires. Barrett et al. lité antéropostérieure [15,63]. Dans la série de Torchia
[2] furent les premiers à distinguer les liserés sous l’em- et al. [57], qui revoient 113 cas à 12 ans de recul, le
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base des liserés autour de la quille, au nombre respec- délai moyen d’apparition du liseré est de 27 mois, avec
tif de 38 % et de 36 % ; seuls les seconds pouvaient 20 % de liserés présents sur les radiographies postopé-
traduire une micromobilité de l’implant et l’évolution ratoires, 52 % de liserés apparaissant dans la première
vers son descellement. Les études plus récentes [47,57] année et 13 %, seulement, au-delà de la 5e année.
montrent de façon indéniable que, comme à la hanche,
les liserés traduisent un défaut d’ancrage et évoluent Descellements glénoïdiens
dans le temps vers un descellement progressif. Cette
interprétation tardive est liée à l’absence, longtemps Les descellements glénoïdiens correspondent à la perte
constatée, de relation entre liseré radiographique de l’ancrage à l’interface os–ciment et se manifestent,
et résultat fonctionnel [45]. Les séries plus récentes, sur le plan radiographique, par une extension progres-
à plus long recul [35,47,52,57], montrent de façon sive et un élargissement du liseré ou dans un nombre
désormais claire la relation liseré–douleur au-delà de non négligeable de cas, par une mobilisation brutale de
10 ans, lorsque le score liseré est supérieur à 12, ou l’implant glénoïdien indépendante du « score liseré »
lorsque les incidences radiographiques successives préalable ; dans sa série de 48 cas revus à 5,3 ans de
374 D. MOLÉ, ET AL.
recul moyen, Nagels et al. [37] constatent 27 % de de recul moyen, à 44 % chez les mêmes patients revus
descellements parmi lesquels 10 % se traduisent par à un recul moyen de 12 ans.
une extension du liseré et 17 %, soit plus de la moitié, La seule analyse radiographique minimise certaine-
par une mobilisation brutale de la prothèse. ment la fréquence des descellements ; deux études en
RSA (radio stereophotogrammetric analysis) montrent
Diagnostic la fréquence des migrations d’implant supérieures à
1 mm, présentes dans 30 à 60 % des cas, non corrélées
Les termes utilisés dans la littérature (descellement pos- avec la présence ou l’importance des liserés.
sible, potentiel, probable, etc.) traduisent la difficulté Après avoir été mis en doute dans les premières étu-
d’être affirmatif, en ce qui concerne la seule évaluation des, le retentissement fonctionnel des descellements est
du liseré radiographique. Pour nous [36,47,56,60], aujourd’hui certain [40,45]. Pfahler [47] a montré la
l’utilisation du « score liseré » permet de considérer corrélation entre le « score liseré » [36] et le score fonc-
que la pièce glénoïdienne est descellée lorsque le score tionnel de Constant qui se détériore de façon significa-
est supérieur ou égal à 12. Pour Nagels et al. [37], le tive lorsque le score est supérieur à 12. Torchia et al.
descellement se définit par un liseré évolutif et continu [57] ont montré une aggravation des douleurs, en cas
d’épaisseur supérieure à 2 mm. Pour O’Driscoll et al. de glènes descellées. Le doute est donc levé, doute qui
[45], un liseré continu supérieur à 1,5 mm fait considé- ne concernait pas les descellements par migration bru-
rer l’implant comme étant « à risque » de descellement. tale d’implants, qui se traduisaient par une impotence
Pour Torchia et al. [57], le descellement est considéré fonctionnelle immédiate.
comme minime en présence d’un liseré de moins de En dépit de la fréquence des descellements radiogra-
2 mm concernant moins d’un tiers de la quille ; comme phiques et de leur retentissement fonctionnel, le taux
possible en présence d’un liseré de moins de 2 mm inté- de réintervention pour changement de la pièce glénoï-
ressant plus d’un tiers de la quille ; comme probable en dienne est faible (4,4 % à 8 % [52,57]) et le taux de
présence d’un liseré complet de moins de 1,5 mm ; et survie à long terme reste élevé (87 % à 15 ans). Les
comme certain en présence d’un liseré complet supé- exigences fonctionnelles de patients opérés plus jeu-
rieur à 1,5 mm. L’évaluation des radiographies, de leur nes pourraient modifier la fréquence des révisions.
qualité, la méthodologie des séries publiées rendent Pour Sperling et al. [52], le délai moyen écoulé entre
également discutable leur comparaison pour évaluer l’arthroplastie et la reprise chirurgicale pour descelle-
le risque de descellement. Fullilove et al. [13] effec- ment de glène est de 8,6 ans.
tuent une méta-analyse de la littérature et revoient 51
publications, considérant trois critères scientifiques Facteurs de descellement
d’acceptabilité : un recul supérieur ou égal à 5 ans,
l’appréciation des descellements selon les critères habi- Le descellement est multifactoriel, et ses facteurs de
tuellement établis (descellement certain en présence survenue sont diversement appréciés, au-delà de la
d’une migration d’implant, d’une fracture du ciment, technique chirurgicale et du choix des implants, dont
ou d’un liseré complet supérieur ou égal à 2 mm), et il sera question ultérieurement. Parmi les facteurs cités :
des radiographies axiales faites sous contrôle de l’am- le jeune âge et le niveau d’activités [52], le grand âge
plificateur de brillance ; parmi les publications étudiées, [45], le sexe masculin [45], les antécédents chirurgi-
32 (63 %) ne répondent à aucun des trois critères, 18 caux [17], l’étiologie (polyarthrite rhumatoïde [28,47],
Orientation du composant
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et al. [50] ont démontré qu’il n’était pas possible de noïdienne passe de 33° en préopératoire à 4° au final ;
corriger, par modification de la version du composant il y a 3 pseudarthroses ou lyses de greffe, et 5 descelle-
huméral, la subluxation postérieure engendrée par la ments de glène, soit au total 47 % d’échecs. En revan-
rétroversion du composant glénoïdien. che, Steinmann et Cofield [54] en colligent 28 cas avec
La technique opératoire, adaptée à la planification 80 % de bons résultats et à 5 ans de recul un taux de
préopératoire, a donc pour objectif le positionnement liseré (54 %) et de descellement (14 %) similaire aux
orthogonal de la pièce glénoïdienne dans le plan trans- prothèses standard.
versal (figure 5). Le moyen d’y parvenir est le fraisage La position de la glène dans le plan frontal est éga-
asymétrique aux dépens du rebord antérieur saillant lement importante, corrélée avec la fonctionnalité et le
de la glène. Le risque d’un tel fraisage est d’appauvrir devenir de la coiffe des rotateurs ; Boileau et al. [4,49]
le stock osseux et de rendre impropre la glène préparée considèrent que le positionnement le plus défavora-
à la réception de la quille prothétique. La différence ble est celui dans lequel la glène regarde en haut et en
de profondeur d’une glène normale et d’une quille est dehors.
d’environ 1 cm ; Kelly et Norris [25] ne conseillent Hopkins et al. [22] utilisent la méthode des éléments
donc d’utiliser cette technique que lorsque l’usure pos- finis pour considérer qu’une pièce glénoïdienne centrée
térieure est inférieure à 1 cm. Au-delà, certains artifices a une meilleure tenue, que l’ancrage d’une glène anté-
sont encore possibles : adapter un défaut de contact versée est meilleur que celui d’une glène rétroversée,
postérieur qui ne doit pas excéder 25 % de la surface qu’une bascule antéropostérieure est plus nuisible à la
de l’implant [9], accepter quelques degrés de version tenue d’une glène qu’une bascule supéro-inférieure.
résiduels, ou raccourcir la quille [54] ; pour Bicknell et
al. [3], la qualité de l’ancrage n’est pas corrélée avec la Dessin et ancrage de l’implant
taille de la quille.
Warner et al. [62] fixent à 20° la limite de rétrover- La prothèse convexe en polyéthylène, cimentée, à
sion compatible avec l’utilisation d’une glène. Au-delà quille, et décrite par Neer il y a plus de 30 ans [39] est
de cette limite, le choix s’offre au chirurgien entre l’hé- aujourd’hui encore la prothèse de référence, car les des-
miarthroplastie ou le recours à une greffe osseuse du cellements en sont tardifs, peu symptomatiques et ne
rebord de glène, prélevée aux dépens de la tête humé- justifient que rarement une réintervention. Cependant,
rale, fixée par vissage après avivement. Décrites par la fréquence des liserés étant préoccupante, les recher-
Neer [40], ces greffes représentent une technique dif- ches se poursuivent d’une glène idéale dont l’ancrage
ficile, qui n’est, heureusement, qu’exceptionnellement serait fiable dans le temps et la surface résistante à
nécessaire. Hill et Norris [21] en colligent une série de l’usure. Nous n’aborderons pas la question des maté-
17 cas, revus à 6 ans de recul moyen ; la version glé- riaux utilisés ; le polyéthylène haute densité continue
de constituer, avec la calotte humérale métallique, le
couple de frottement unique ; les essais d’une densité
accrue (Hylamer®) ont abouti à des problèmes de stéri-
lisation [48] et de fractures d’implants [34].
66 cas d’arthrose opérés par les deux mêmes chirur- crage des glènes à plots est plus performant que celui
giens et comparent 35 glènes à fond plat à 31 glènes des glènes à quille, et qu’il est amélioré par la rugosité
à fond convexe, les glènes étant équipées d’une quille de l’embase ainsi que par le travail de surface des plots.
de taille identique (longueur 15 mm, épaisseur 4 mm), Trail et al. [58] démontrent par RSA, chez 20 patients
mises en place selon les techniques recommandées de avec un recul de 18 mois, que les micromouvements
cimentage moderne (compaction osseuse). Le « score des glènes à quille sont plus importants que ceux des
liseré » [36] est significativement en faveur des glènes à glènes à plots. Lippitt et al. [29] démontrent enfin que
fond convexe ; il est chiffré, pour les fonds convexes, à le retentissement thermique du ciment est moindre en
0,98 en postopératoire et à 3,23 à 2 ans ; il est, pour les présence de plots qu’en regard d’une quille.
glènes à fond plat, de 1,67 en postopératoire et de 4,19 En revanche, pour d’autres auteurs [5,34,43,65],
à 2 ans. Il est intéressant de constater que la différence les plots n’améliorent pas l’ancrage obtenu par une
initiale se maintient dans le temps et que le « score quille.
liseré » progresse d’environ 2,4 points dans les deux Les études cliniques et radiographiques comparati-
premières années, quelle que soit sa valeur initiale. ves sont rares et ne permettent pas encore de se faire
Au final, les glènes à fond plat n’ont pas permis une idée précise. Lazarus et al. [26] analysent dans une
l’amélioration espérée et les glènes à fond convexe res- étude rétrospective multicentrique les radiographies de
tent préférables ; au préalable, il avait été établi que 328 patients pour lesquels le « score liseré » est favo-
l’adjonction d’un revêtement métallique [38] n’amé- rable aux glènes à plots (1,3 versus 1,8) ; cette compa-
liorait pas l’ancrage [5], et qu’un fond rugueux était raison porte, cependant, sur 289 cas de glènes à plots
plus performant qu’un fond lisse [1]. comparées à 39 cas de glènes à quille…
La littérature ne permet donc pas d’éclairer notre
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Rayon de courbure
La différence de rayon de courbure entre la calotte pro-
Figure 8. Prothèse de glène sans ciment. thétique humérale et la surface articulaire de la pièce
Liserés et descellements de la glène dans les prothèses totales anatomiques 379
glénoïdienne (radial mismatch des Anglo-Saxons) est complications ; la rotation externe active est cependant
un point crucial du dessin des implants. L’anatomie de supérieure dans les groupes 2, 3 et 4, soit lorsque la dif-
l’épaule normale nous montre une différence de rayon férence de rayon de courbure est supérieure à 4 mm. En
osseux d’environ 10 mm aux dépens de la tête humé- revanche, le « score liseré » est significativement supé-
rale, compensée par le revêtement cartilagineux et le rieur dans les groupes 1 et 2 ; Walch conclut à la préfé-
bourrelet glénoïdien qui rétablissent la congruence. La rence qui doit être donnée à une différence de rayon de
translatation est cependant, par phénomène de glisse- courbure supérieure ou égale à 5,5 mm.
ment, d’environ 4 mm entre les mouvements extrêmes.
La reproduction de l’anatomie étant considérée [44] Conclusion
comme l’objectif final, le choix est offert. Une pro-
thèse congruente à rayon de courbure huméral et glé- La pièce glénoïdienne d’une prothèse d’épaule est un
noïdien identique, tel que décrite par Neer [40], offre élément déterminant de son résultat, mais elle est éga-
une meilleure garantie de stabilité, mais expose, en lement son point faible. Les glènes à quille, cimentées,
s’opposant au mouvement de translation, au risque de en polyéthylène restent les prothèses de référence. Les
contrainte et d’usure. Une prothèse non congruente, à résultats ont progressé au cours de la dernière décen-
rayon de courbure glénoïdien supérieur, offre la pos- nie face à l’amélioration des implants et de la tech-
sibilité d’une translation et d’une meilleure mobilité, nique de pose ; dans notre pratique quotidienne, la
mais expose au risque de cisaillement, de point d’hy- technique de compaction spongieuse dans l’orifice
perpression et d’usure marginale. de quille représente le progrès le plus spectaculaire
Pour Karduna et al. [23], le mismatch idéal est de en terme de taux de liserés à court et moyen terme.
4 mm, considérant qu’une différence inférieure à 5 mm Les glènes à fond convexe sont probablement supé-
n’altère pas la stabilité prothétique. Parmi les modèles rieures aux glènes à fond plat ; il est possible que l’an-
de prothèse proposés, à l’heure actuelle, des différen- crage par plots soit plus performant que l’ancrage par
ces conséquentes existent ; la différence de rayon de quille ; la seule prothèse qui ait véritablement permis
courbure entre tête et glène est de 3 à 5 mm dans le de diminuer le taux de liseré (et de descellement ?) est
système Global (De Puy) ; elle est de 5 à 7 mm dans le la prothèse sans ciment à revêtement de surface, mal-
système Aequalis (Tornier). heureusement exposée à d’autres complications telles
L’étude de référence, en la matière, est celle de Walch que le risque d’usure ou de dissociation du polyéthy-
et al. [60], qui analysent 319 cas de prothèses totales, lène. La glène idéale n’est pas encore décrite, mais elle
implantées pour arthrose, dans le cadre d’une étude mul- pourrait découler de ce principe ; la quasi-absence de
ticentrique, avec un recul moyen de 54 mois ; ils distin- descellement de la pièce glénoïdienne sans ciment dans
guent 4 groupes de mismatch, autorisés par l’utilisation les prothèses inversées confirme cette orientation et
de prothèses modulaires ; la différence de rayon de cour- l’importante que revêt la stabilité dans les contraintes
bure est inférieure ou égale à 4 mm dans le groupe 1, imposées à la glène. Il n’est pas inutile, en conclusion,
comprise entre 4,5 et 5,5 m dans le groupe 2, entre 6 et de citer Matsen et Lippitt [32] qui rappellent qu’à
7 mm dans le groupe 3, supérieure à 4 mm dans le groupe l’épaule plus qu’ailleurs les résultats de la chirurgie
4 ; aucune différence n’est constatée entre les 4 groupes, de reprise sont décevants et que tout doit être mis en
concernant le score de Constant, la mobilité, le taux de œuvre pour le succès de la chirurgie primaire.
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382 C. PELEGRI, N. JACQUOT, J.-S. COSTE, P. BOILEAU
RÉSUMÉ SUMMARY
L’infection après prothèse d’épaule est une complication majeure qui Infection after shoulder arthroplasty is a major complication
met en cause le pronostic fonctionnel et parfois vital. Nous avons which jeopardizes the functional and sometimes vital progno-
étudié deux séries multicentriques de 2343 prothèses anatomiques sis. For the nonconstrained prostheses, the rate of infection was
et 457 prothèses inversées. Pour les prothèses anatomiques, le taux 1.8% for primary shoulder replacement and 4% in revision sur-
d’infection est de 1,8 % pour les prothèses primaires et 4 % pour les gery. For the reverse prostheses, it was 3 and 7% respectively.
révisions. Pour les prothèses inversées, ce taux est respectivement There is a higher risk of infection in avascular necrosis (25%),
de 3 et 7 %. Certaines pathologies sont associées à un risque accru : fracture sequelae (4–7%) and previous surgery (4–7%).
l’ostéonécrose postradique (25 % d’infection), les séquelles de frac- Diagnosis of the infection is often delayed because of a bet-
ture (3,6 à 7 %) et les antécédents de chirurgie préalable (4 à 7 %). ter tolerance of prosthetic infection in the shoulder than in the
Le diagnostic est souvent tardif : étant donné la meilleure tolé- hip or knee. Patients usually presented with a stiff and painful
rance d’une infection prothétique à l’épaule qu’à la hanche ou shoulder. Bacteriological result show a predominance of staphy-
au genou, celle-ci se manifestant principalement par un tableau lococci and Proprionibacterium acnes (23–40%). A low-grade
d’épaule raide et douloureuse. Les prélèvements bactériologi- infection should always be considered in the case of prosthe-
ques retrouvent une prépondérance de staphylocoques et de tic loosening. A fluid drain must be realized whenever possible
Propionibacterium acnes (23 à 40 %). La possibilité d’une infec- and the management of the infection needs a multidisciplinary
tion « larvée » en cas de descellement supposé aseptique ne doit approach (surgeons, anesthesiologists, infectiologists and bac-
jamais être exclue. Une ponction articulaire doit être réalisée si teriologists). Prognosis of recovery is globally good with 71 to
possible et la prise en charge doit être multidisciplinaire (chirur- 80% of infections cured, all treatments taken into account.
giens, anesthésistes, infectiologues, bactériologistes). Surgical lavage with antibiotherapy can be proposed in the
Le pronostic infectieux est relativement bon avec une guérison case of acute infection (< 2 months) in the absence of loose-
de l’infection dans 71 à 80 % des cas, tous traitements confondus. ning, when the germ is identified and sensitive. In subacute
Un nettoyage chirurgical associé à une antibiothérapie peut (> 2 months) or chronic (> 12 months) infections, the implants
être proposé en cas d’infection aiguë (< 2 mois), en présence d’im- must be removed.
plants non descellés avec un germe identifié et sensible ou en cas Resection arthroplasty gives good results for pain and infec-
d’infection hématogène. En cas d’infection subaigüe (> 2 mois) ou tion, but bad ones for function, with anterior elevation under
chronique (> 12 mois), l’ablation des implants est indispensable. 90In the case of neurological lesions, an arthrodesis can be
Une résection arthroplasique donne un résultat satisfaisant sur proposed. A prosthetic revision in one or two stages (6–8 weeks
la douleur et l’infection, mais un mauvais résultat fonctionnel avec interval) is the best compromise to cure the infection and to
une élévation inférieure à 90En cas de lésions neurologiques, une restore function. Revision with a reverse prosthesis improved the
arthrodèse peut être proposée. Un changement prothétique en functional prognosis following infection.
un ou deux temps (6–8 semaines) est le meilleur compromis pour
guérir l’infection et restaurer la fonction. La reprise par prothèse
inversée a transformé le pronostic fonctionnel de ces infections.
Mots clés : Prothèse d’épaule. – Infection. – Prise en charge. Key words: Shoulder replacement. – Infection. – Management.
Tableau 1
Taux d’infection en fonction de l’étiologie des prothèses non contraintes
Tumeur 30 0 0
Ostéonécrose postradique 16 4 25
Tableau 4
Résultats en fonction du type de traitement
1 Antibiothérapie 5 23 49 60 0
seule
2 Résection 10 16 30 30 0
arthroplastique
3 Débridement 8 26 27 12 63
4 Révision en 3 35 66 0 0
1 temps
5 Révision en 10 15 35 40 10
2 temps
6 Espaceur 3 26 38 0 0
Autre 3 16 45 33 66
Total 42 20 38 29 14
Révision de prothèse 94 7 7
Quinze prothèses (3 %) se sont compliquées d’infec-
tion dans cette série [7]. Total 457 15 3
Les pathologies initiales et le nombre d’infections
sont résumés dans le tableau 5.
Il s’agissait dans 8 cas d’une prothèse de première
intention et dans 7 cas d’une prothèse de révision (1 pro- initiale, 3 fractures humérales dont 2 lors d’une révision
thèse bipolaire, 4 hémiarthroplasties, 1 prothèse totale et 2 fractures de glène (toujours en cas de révision). Trois
et 1 prothèse inversée). Trois patients avaient déjà été complications étaient survenues en postopératoire immé-
opérés avant la première prothèse, pour une fracture ou diat et traitées pendant le 1er mois : 1 luxation antérieure
une séquelle de fracture. traitée par changement du polyéthylène, 1 hématome éva-
Il s’agissait d’une prothèse Delta® III (Depuy) dans cué et 1 débricolage de la glénosphère.
12 cas et d’une prothèse Aequalis® Reversed (Tornier) dans Il s’agissait de 10 femmes et 5 hommes. L’âge moyen
3 cas. Les tiges étaient cimentées dans 13 cas (87 %). Cinq à la révision était de 71 ans (52–85). L’épaule domi-
complications avaient été recensées pendant la procédure nante était concernée dans 12 cas.
386 C. PELEGRI, N. JACQUOT, J.-S. COSTE, P. BOILEAU
Tableau 7
Résultats fonctionnels selon le type de traitement
Total 15 33 ± 9 11 ± 4 70 ± 31 3/15
Infection des prothèses d’épaule : spécificité et prise en charge 387
Certaines étiologies présentent des risques accrus d’arguments cliniques et prélèvements négatifs) ne
d’infection après prothèse d’épaule : les antécédents peut jamais être exclue [5,12].
chirurgicaux, les séquelles de fracture, la polyarthrite Il se dégage de ces deux séries la variabilité de la
rhumatoïde et les antécédents de radiothérapie (25 %). prise en charge de ces infections et la difficulté de pro-
La chirurgie de révision prothétique présente un risque poser un arbre décisionnel (figure 4).
élevé d’infection : 4 % pour les prothèses anatomiques Un simple nettoyage chirurgical, associé à une anti-
et 7 % pour les prothèses inversées. D’autres facteurs biothérapie, ne peut être envisagé qu’en cas d’infection
moins spécifiques ont été retrouvés : le diabète et les aiguë prise en charge en urgence (dans les 2 premiers
complications per- et postopératoires. Dans la chirur- mois). En effet, les résultats sont mauvais dans les
gie de reprise prothétique, une infection larvée doit infections chroniques. Cela reste une option accepta-
toujours être évoquée et conduire à une prise en charge ble lorsque les implants sont non descellés avec des
en deux temps au moindre doute. parties molles de bonne qualité et lorsque le germe est
Le traitement de l’infection est efficace dans 71 % identifié et sensible. Il en est de même en cas d’infec-
des cas pour les prothèses anatomiques et dans 80 % tion hématogène prise en charge rapidement.
388 C. PELEGRI, N. JACQUOT, J.-S. COSTE, P. BOILEAU
CRITÈRES DÉCISIONNELS
Figure 4. Stratégie et options thérapeutiques devant une suspicion d’infection sur prothèse d’épaule.
Une résection arthroplastique a été proposée dans recours lorsque la réimplantation d’une prothèse n’est
26 cas avec un score de Constant moyen de 31 points techniquement pas possible ou refusé par le patient.
au dernier recul. Ces résultats correspondent à ceux Après une prothèse inversée infectée, les lésions osseu-
de la littérature [1,9,17] avec un résultat satisfaisant ses et celles des parties molles dues à l’infection et à
sur la douleur mais avec une élévation antérieure l’ablation des composants ne permettent pas toujours
inférieure à 90°. Il s’agit d’un traitement de dernier une réimplantation. La résection arthroplastique est
Infection des prothèses d’épaule : spécificité et prise en charge 389
souvent la seule solution. En cas de lésions du deltoïde sont décevants avec une élévation active moyenne à
ou du nerf axillaire, une arthrodèse peut éventuelle- 89°. Ils déplorent surtout 14 complications dont deux
ment être proposée. fractures lors de la dépose prothétique.
Pour les prothèses de hanche et de genou, le change- Lors d’un changement en deux temps, la mise en place
ment en un ou deux temps est le meilleur compromis d’un espaceur antibiotique permet de préserver une enve-
entre la préservation de la fonction et la guérison bac- loppe périprothétique comble « l’espace mort » et facilite
tériologique [22]. Au niveau de l’épaule, cette prise en la chirurgie de reprise [14]. Chez des patients avec une
charge n’est pas toujours possible. Un changement de demande fonctionnelle minime et un état général pré-
prothèse a été réalisé 13 fois après prothèse anatomi- caire, la mise en place définitive d’un espaceur antibio-
que, avec une persistance de l’infection dans 30 % des tique a été proposée [13]. Themistocleous et al. [19] ont
cas mais avec des résultats fonctionnels intéressants. présenté récemment une série de 11 cas avec une guéri-
La limitation de la technique vient de l’état de la coiffe son infectieuse dans 9 cas, une sédation des douleurs et
des rotateurs, qui nécessite souvent de passer à une une fonction tolérable pour les activités quotidiennes.
prothèse inversée [10,11].
Deux séries rapportent des changements en un Conclusion
temps. Sperling et al. [17], sur 2 cas, ont retrouvé un
échec (résection arthroplastique 9 mois plus tard) et Les résultats de la prise en charge des infections sur
un résultat satisfaisant. Ince et al. [6], sur 16 cas, ont prothèse d’épaule sont globalement satisfaisants sur
retrouvé une guérison infectieuse dans tous les cas mais l’infection, au prix d’un résultat fonctionnel incertain
un score de Constant moyen de 34 points seulement. et le plus sont mauvais.
Plusieurs séries rapportent des changements en deux Une ponction articulaire doit être réalisée si possible
temps. Codd et al. [2], sur une série de 4 patients, pour isoler un germe et définir une stratégie thérapeuti-
ont retrouvé de meilleurs résultats qu’après résection que dans le cadre d’une prise en charge multidisciplinaire
arthroplastique. Sperling et al. [17] ont rapporté 3 cas (chirurgiens, anesthésistes, infectiologues, bactériolo-
avec une guérison de l’infection et un résultat fonc- gistes). Dans les infections aiguës ou hématogènes, une
tionnel satisfaisant. Seitz et al. [15], sur 8 cas, ont prise en charge rapide permet de conserver les implants
retrouvé une guérison fréquente de l’infection mais en cas de germe sensible. Dans les infections subaiguës
une fonction limitée. Dans une communication orale et chroniques, l’ablation des implants est nécessaire
(2004 AAOS Closed Meeting, New York), Crosby a pour guérir l’infection. Seule une réimplantation (en un
rapporté 14 changements en deux temps avec une ou deux temps) permettra de récupérer une fonction
guérison de l’infection et un score ASES passant de satisfaisante. La reprise en deux temps (6 semaines) à
18 à 72. Récemment, Strickland et al. [18] ont rap- l’aide d’une prothèse totale d’épaule inversée a trans-
porté les résultats d’une série de 19 changements en formé le pronostic fonctionnel dans notre expérience.
deux temps. Ils concluent à une guérison de l’infection C’est l’option que nous choisissons chaque fois que cela
dans 63 % des cas, mais leurs résultats fonctionnels est possible.
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RÉSUMÉ SUMMARY
Le diagnostic étiologique d’une hemiarthroplastie douloureuse et Etiologic diagnosis of a painful and stiff hemiarthroplasty
raide reste difficile. L’érosion glénoïdienne peut en être la cause ; remains difficult. Glenoid erosion can be the cause and is rela-
elle est due à la combinaison de causes mécaniques et biologi- ted to a combination of biological and mechanical factors. Its
ques. Son incidence est sous-estimée. Si l’érosion peut s’observer incidence is probably underestimated. Even if this erosion can
très rapidement après le remplacement huméral, elle est le plus be observed shortly after the humeral replacement, it is radio-
souvent observée radiologiquement au cours des deux premières logically observed within the first two years, and becomes clini-
années postopératoires, et devient cliniquement symptomatique cally symptomatic after a mean time of 5 years. Clinical series
à partir de la cinquième année. Les données de la littérature res- of glenoid replacement for glenoid erosion remain limited in the
tent relativement limitées concernant les résultats cliniques des literature. It leads to pain relief and a gain in mobility. However,
reprises pour totalisation d’une prothèse d’épaule ; la douleur est results are lower than primary TSA. Preexisting lesions of the
améliorée, tout comme la mobilité. Cependant ces résultats res- cartilage of the glenoid are increasing in time. Glenoid erosion
tent inférieurs aux arthroplasties totales implantées d’emblée. Les associated with rotator cuff tear or insufficiency shoulder lead
lésions cartilagineuses préexistantes ont tendance à s’aggraver to revise the hemi with a reverse shoulder arthroplasty. Such
dans le temps. Une lésion glénoïdienne lors de la primo-inter- lesions observed during the initial procedure require immediately
vention impose la réalisation d’une prothèse totale d’épaule. Une a total shoulder arthroplasty.
érosion glénoïdienne associée à une coiffe déficiente ou rompue
doit conduire à une révision par prothèse totale d’épaule inversée. Key words: Gelnoid erosion. – Failure. – Glenoid.
une incidence de 3,6 %. Le dessin des implants glénoï- Le bilan radiologique doit comprendre des radiogra-
diens et les techniques de cimentage permettent d’es- phies standard de face, en rotation médiale neutre et
pérer une longévité prothétique prolongée et un risque latérale, en double obliquité, ainsi qu’un profil axillaire.
de reprise diminué [9]. Les érosions glénoïdiennes proprement dites se
Souvent, en cas de prothèse non modulaire, l’ex- caractérisent par différents types d’usure de sévérité
traction de la tige humérale devient nécessaire. Une variable (figures 1 et 2). Pour planifier l’intervention,
humérotomie peut alors être nécessaire pour limiter les un arthroscanner doit être réalisé pour caractériser
dégâts de l’humérus proximal. Le développement de les lésions et, surtout, évaluer le stock osseux restant
prothèses modulaires de deuxième, puis de troisième selon la classification de Walch et al. [30].
génération doit théoriquement faciliter la totalisation L’usure prédomine le plus souvent en arrière et en
d’une hémiarthroplastie. La tête humérale peut être haut, imposant un fraisage asymétrique antérieur pour
retirée pour limiter l’encombrement et faciliter la mise corriger la rétroversion. Une distension capsulaire pos-
en place de l’implant glénoïdien, et être repositionnée térieure et une fibrose des structures antérieures sont
en fin d’intervention, permettant d’éviter toute reprise souvent associées.
de la tige humérale.
Expérience française
Diagnostic préopératoire La série rétrospective de Nice 2001, rapportée par
En cas d’arthroplastie douloureuse, le diagnostic étio- Hertel et Lehmann [14], a permis de colliger 34 dos-
logique préopératoire reste toujours difficile. Un exa- siers d’érosion glénoïdienne après hémiarthroplastie,
men clinique soigneux du patient est indispensable, à concernant 10 femmes et 24 hommes, d’âge moyen
la recherche de déformations, de modifications locales de 60 ans au moment de la chirurgie (20–84 ans).
et récentes de la peau et des cicatrices. Un examen neuro- Les indications initiales d’hémiarthroplastie étaient :
logique soigneux s’impose, complété au besoin par un 14 patients avec omarthrose primitive, 10 cals vicieux
électromyogramme. Plus spécifiquement, la stabilité post-traumatiques, 3 cas de fracture fraîche, et 8 cas de
de la prothèse doit être évaluée, tout comme l’intégrité pathologie d’épaule autres. Dans 7 cas, il préexistait une
de la coiffe des rotateurs. Un bilan biologique complé- lésion de la coiffe des rotateurs. Quatre patients avaient
mentaire sera demandé à la recherche d’une infec- une ostéoporose avancée du fait d’une pathologie endo-
tion larvée. crinienne ou d’un traitement par corticostéroïdes.
Figure 1. Érosion glénoïdienne concentrique. A. Absence d’interligne glénohumérale sur la radiographie standard de face.
B et C. Au scanner : prédominance de l’érosion postérieure mais coiffe des rotateurs conservée.
Érosions glénoïdiennes après hémiarthroplastie : totalisation ou prothèse d’épaule inversée ? 393
Figure 2. Érosion glénoïdienne excentrique associée à une rupture de la coiffe des rotateurs : prédominance de l’érosion supérieure.
Trente et un patients présentaient des lésions cartila- totalisation d’une prothèse d’épaule par usure glénoï-
gineuses radiographiques. Des signes radiographiques dienne.
d’arthrose étaient présents chez 14 patients (condensa- Clayton et al. [6] ont les premiers rapporté l’exis-
tion sous-chondrale, kyste, ostéophytes). Dans 6 cas, tence d’érosion glénoïdienne après hémiarthroplas-
la rétroversion glénoïdienne était supérieure à 10° tie. Sur une série de 14 prothèses totales d’épaule, ils
(figure 1). ont rapporté une érosion glénoïdienne cliniquement
La prothèse utilisée était monobloc dans 4 cas, à tête asymptomatique. A contrario, avec un recul moyen,
modulaire dans 2 cas, et avec un implant de troisième Neer [19] n’a pas noté d’érosion glénoïdienne sur une
génération dans 28 cas. série de 47 hémiarthroplasties.
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Le suivi moyen était de 56 mois (24–133 mois). Bell et Gschwend [4] ont observé 7 érosions glénoï-
L’érosion glénoïdienne était jugée sur les radiographies diennes sur 17 patients avec un recul de 16 mois. Ils
conventionnelles et, dans certains cas, à l’aide d’un ont trouvé que l’érosion apparaissait en premier lieu en
scanner. La plupart des lésions sont apparues peu de regard de la partie la plus basse de la tête humérale,
temps après l’intervention, nécessitant une reprise mais s’étendait par la suite à la partie haute de la glène.
rapide. Sur 34 patients, 32 ont été réopérés (figure 3). Koorevaar et al. [15] ont trouvé 9 érosions sur
En postopératoire, les douleurs et la mobilité ont été 15 épaules atteintes de polyarthrite rhumatoïde, s’ex-
améliorées, ce qui va dans le même sens que les consta- primant principalement sous forme de douleurs, sans
tations de Sperling et Cofield [26]. que le niveau de ces douleurs soit corrélé avec le degré
d’usure.
Données de la littérature Sperling et Cofield [26] ont analysé rétrospective-
ment 18 dossiers de patients repris pour totalisation
Les données de la littérature restent relativement limi- de leur hémiarthroplastie par usure glénoïdienne. Les
tées concernant les résultats cliniques des reprises pour résultats cliniques de cette petite cohorte sont peu satis-
394 P. CLAVERT, ET AL.
Discussion
Si l’on se réfère à l’expérience de la hanche, les deux
facteurs principaux influençant l’érosion de la surface
articulaire non prothésée sont : le niveau d’activité du
patient et la durée de suivi [23]. Si l’érosion peut s’ob-
server très rapidement après le remplacement huméral
(3 mois), elle est le plus souvent observée radiologique-
ment entre 1 an et 2 ans de suivi ; elle devient cliniquement
symptomatique à partir de la 5e année postopératoire,
associant des douleurs et une diminution progressive
des amplitudes articulaires. Il faut donc considérer que
l’érosion glénoïdienne peut être une complication pré-
coce ou tardive de l’hémiarthroplastie.
Parson et al. [22] ont évalué l’érosion glénoïdienne à
partir d’une série de 8 patients âgés de 21 à 60 ans, sur
Figure 3. Totalisation de l’hémiarthroplastie par prothèse une période de 43 mois. L’espace glénohuméral a été
anatomique. L’implant glénoïdien reste médialisé avec une mesuré sur une série de radiographies de profil (pro-
subluxation postérieure de l’implant huméral. fil axillaire). L’usure glénoïdienne a été constatée pour
les 8 patients, et a été en moyenne de 2 mm, corres-
pondant à 68 % de l’espace initial. Cette diminution
faisants pour 7 patients sur 18. Ils ont déploré 3 com- était corrélée avec le résultat clinique évalué à l’aide du
plications nécessitant 2 réinterventions : une infection, score de Constant pondéré. En cas d’espace articulaire
une instabilité et une lésion transitoire du plexus bra- inférieure à 1 mm, le score de Constant chutait signifi-
chial. La douleur a significativement été améliorée par cativement aux alentours de 50 %.
la totalisation, mais 3 patients ont gardé des douleurs L’érosion glénoïdienne est multifactorielle, associant
modérées : un par rupture de coiffe et deux du fait des causes mécaniques et biologiques. La cause méca-
d’une instabilité prothétique, dont une a été reprise. La nique principale est la raideur glénohumérale, que ce
mobilité a également été améliorée, principalement en soit par arthrolyse peropératoire insuffisante ou du
rotation latérale et en abduction, mais pas en rotation fait d’une raideur postopératoire acquise. Les autres
médiale. Radiologiquement, 7 patients présentaient facteurs mécaniques péjoratifs sont l’existence de
biologiques, par exemple la polyarthrite rhumatoïde, Pour éviter une usure glénoïdienne, il faut que
sont considérés comme étant les principaux facteurs l’arthrolyse périglénoïdienne peropératoire soit la plus
de l’érosion, par résorption de l’os sous-chondral et large possible, que la reconstruction soit anatomique,
des travées osseuses. et que les facteurs de centrage de la tête soient respec-
Gérer des douleurs résiduelles après hémiarthroplas- tés. En cas de lésion glénoïdienne asymétrique, la mise
tie d’épaule constitue un challenge pour le chirurgien. en place d’une prothèse totale est donc préférable à la
Il faut tout d’abord déterminer quel est ou quelles sont réalisation d’une hémiarthroplastie, à condition que la
les causes de ces douleurs. Les diagnostics différentiels rétroversion de la glène soit corrigée.
sont alors nombreux : infection, conflit, lésion de la
coiffe des rotateurs, descellement de l’implant humé- Conclusion
ral, instabilité, et enfin érosion glénoïdienne. Certains
auteurs ont suggéré que le niveau des lésions cartilagi- L’érosion glénoïdienne cliniquement symptomatique
neuses préopératoires était un facteur déterminant de est certainement plus fréquente que les estimations
l’usure glénoïdienne [27]. Cela n’est pas confirmé par publiées. De telles lésions peuvent être observées dans
Hertel et Lehmann [14]. Certains auteurs estiment que les mois qui suivent la réalisation de l’hémiarthroplas-
l’apparition d’une lésion glénoïdienne ne modifie en tie, et sont dues à la combinaison d’un certain degré
rien le résultat clinique [1,15]. Ensuite, la conversion de raideur articulaire et d’une excentration statique ou
d’une hémiarthroplastie en prothèse totale suppose dynamique de la tête humérale. La mise en place d’un
que le patient va être amélioré sur plan antalgique et implant glénoïdien est donc préférable, à condition
fonctionnel. Malheureusement, dans certains cas, la que la coiffe des rotateurs soit intacte. Cependant, les
totalisation d’une hémiarthroplastie en prothèse totale résultats cliniques des totalisations pour érosion glé-
d’épaule doit être considérée comme une intervention noïdienne sont moins bons que les arthroplasties tota-
de sauvetage, dont les résultats sont inférieurs à ceux les primaires. Il s’agit d’une chirurgie techniquement
de prothèses totales implantées immédiatement [5]. difficile, car le chirurgien est souvent confronté à une
Les avantages avancés pour le choix d’une hémiarthro- érosion asymétrique de la glène, à un tendon du mus-
plastie plutôt que d’une prothèse totale sont la pré- cle subscapulaire scléreux ou rompu et rétracté.
servation du stock osseux glénoïdien pour une reprise Les difficultés techniques et les résultats incertains
ultérieure et l’utilisation d’une prothèse modulaire en termes de mobilité et de soulagement de la douleur
humérale pour faciliter cette reprise. Les données de doivent être expliqués au patient en préopératoire. En
la littérature suggèrent le contraire, car l’usure glé- cas de coiffe des rotateurs déficient ou compromise,
noïdienne observée devient un facteur limitant les mieux vaut opter pour une ablation de l’hémiarthro-
possibilités de reprise et rend ce geste d’autant plus plastie et mise en place d’une prothèse totale d’épaule
difficile. inversée.
RÉFÉRENCES
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C. LÉVIGNE
RÉSUMÉ SUMMARY
L’encoche scapulaire est un signe radiographique spécifique de la Scapular notching is a specific radiographic sign of the reversed
prothèse d’épaule inversée de type Grammont. C’est une érosion shoulder prosthesis based on biomechanical Grammont princi-
osseuse du col de la scapula résultant d’un conflit avec le bord ples. It is an erosion of the scapular neck resulting of an impin-
médial de la cupule humérale en adduction. Elle est présente dans gement with the medial rim of the humeral cup in adduction. It
65 % des cas avec un recul moyen de 4 ans. Elle apparaît précoce- is observed in 65% of cases with 4 years of follow-up. It appears
ment, 4 fois sur 5 au cours de la première année, mais son évolu- early, 4 times out of 5 in the first postoperative year, but its evo-
tivité est ensuite variable. Son retentissement clinique est minime lutivity is variable. There is no major clinical consequences with
au recul de 4 ans, mais elle s’accompagne de liserés significative- 4 years of follow-up, but associated radiolucent lines around
ment plus fréquents autour des implants huméral et glénoïdien. humeral and glenoid components. It is then essential to try to
Il paraît donc essentiel de tout faire pour l’éviter. Parmi les dif- avoid it. Among significantly related factors, the preoperative
férents facteurs d’encoche, le type d’usure glénoïdienne préopé- pattern of glenoid erosion seems to be determinant and we think
ratoire apparaît déterminant, sûrement parce qu’il influence la that it is because it influences the surgical glenoid preparation
préparation glénoïdienne et le positionnement chirurgical de la and baseplate positioning. Nyffeler confirmed experimentally
platine. Nyffeler a confirmé expérimentalement qu’une position that low craniocaudal position, flushing with inferior glenoid
affleurant le bord inférieur de la glène diminuait le risque d’enco- rim, reduced the risk of notching. We think that superior tilt has
che. Nos études radiocliniques ont montré que le tilt supérieur de definitely to be avoided.
la platine est délétère : il doit absolument être évité.
Key words: Shoulder arthroplasty. – Scapular notching. – Osteolysis.
Mots clés : Prothèse d’épaule inversée. – Encoche scapulaire. – Ostéolyse.
Évaluation radiographique
de l’encoche et classifications
L’analyse radiographique de l’encoche n’est pas tou-
jours facile. La difficulté la plus fréquente est d’ali-
gner le rayon dans le plan horizontal sur le bord
médial de la platine glénoïdienne. Si le patient est
trop de face, l’encoche est masquée par la sphère glé-
noïdienne (figure 2). Si le patient est trop tourné du
côté de la prothèse, on est gêné de surcroît par une
superposition du gril costal sur la zone de l’encoche.
Un repérage radioscopique est donc indispensable.
Par ailleurs, dans le plan sagittal, le rayon ne doit
pas être descendant (cranio-caudal) mais horizontal,
car l’encoche est située au pôle inférieur de la glène,
voire en position postéro-inférieure (le pilier naît le
plus souvent juste en arrière du pôle inférieur) (figure 3).
Figure 8. Classification simplifiée en 2 grades : le grade 0 correspond à l’absence d’encoche, le grade 1 à une encoche n’atteignant
pas la vis inférieure, le grade 2 à une encoche atteignant ou dépassant la vis inférieure.
Encoche scapulaire dans les prothèses inversées 401
%
100
90 encoche
80 (%)
70
60
50
40 Figure 10. Classification radiographique du type d’usure glé-
30 noïdienne selon Favard [8]. E0 : ascension de la tête sans usure
20 glénoïdienne. E1 : usure concentrique de la glène. E2 : usure
10 glénoïdienne limitée au pôle supérieur. E3 : usure globale mais
0 prédominant au pôle supérieur. E4 : usure glénoïdienne prédo-
2–3 ans 3–4 ans 4–5 ans 5–6 ans 6–10 ans
Recul n = 136 n = 69 n = 45 n = 48 n = 38 minant au pôle inférieur.
(figure 11). Il est au contraire recommandé de posi- pilier, et la vis supérieure au-dessous de la base de la
tionner la platine en position basse, comme Nyffeler coracoïde, ce qui n’est pas souhaitable pour la fixa-
et al. l’ont confirmé expérimentalement [14]. Nous tion glénoïdienne. Par ailleurs, une position basse de
n’avons pu le démontrer cliniquement sur ces deux l’implant n’empêche pas toujours un conflit avec la
séries, car nous ne disposions pas alors de méthode vis inférieure de fixation, notamment si la glène est
fiable et reproductible pour mesurer la position de positionnée avec un tilt supérieur (figure 13).
l’implant glénoïdien en hauteur. Actuellement, nous Nous pensons également que le type d’usure préopé-
mesurons sur une radiographie standardisée de face ratoire influence l’inclinaison frontale de la platine du
la distance séparant le bord inférieur de la glène fait de la tendance naturelle de l’opérateur à préparer
osseuse et le point le plus bas de la sphère glénoï- la glène selon la même orientation. Ainsi, lorsque la
dienne (figure 12) [11]. Le contrôle doit être fait tôt glène est usée en haut, l’orientation frontale de la glène
après l’intervention, idéalement avant 3 semaines, est en valgus (en tilt supérieur) et la tendance est de
pour éviter toute modification liée à une encoche positionner la platine dans la même position, provo-
précoce. Le positionnement bas de l’implant glénoï- quant un chevauchement du bord interne de la cupule
dien est certainement le paramètre le plus important humérale sous la sphère glénoïdienne (figure 14).
et permet probablement d’éviter la plupart des enco- Inversement, lorsque la glène est usée en bas, l’orienta-
ches, comme l’ont déjà souligné Werner et al. [22]. tion frontale de la glène est en varus (en tilt inférieur)
En pratique, nous nous efforçons de positionner le et la tendance est de positionner la platine avec la
bord inférieur de la platine au raz du bord inférieur même orientation. L’humérus étant toujours aligné sur
de la glène, de façon à ce que la sphère le dépasse la ligne gravitaire, il y a peu ou pas de chevauchement
de 4 mm. Il ne faut cependant pas exagérer, car une du bord interne de la cupule humérale sous la sphère
position trop basse de l’implant peut avoir des incon- glénoïdienne (figure 15). La position de la platine en
vénients : la vis inférieure est parfois en dessous du inclinaison (varus-valgus) nous paraît être un para-
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Tableau 1
Fréquence de l’encoche selon les principales étiologies dans la série de Nice 2006 [11]
Total 309
402 C. LÉVIGNE
Figure 11. Exemple d’encoche associée à une implantation glénoïdienne en position trop haute (B), peut-être favorisée par une
usure glénoïdienne préopératoire prédominant en haut (glène E3) (A).
Figure 14. Lorsque la glène est usée en haut (glènes E2 ou E3), l’inclinaison frontale est en valgus (A) et la tendance chirurgicale
est de positionner la platine avec un tilt supérieur (B), ce qui favorise le chevauchement de la cupule humérale sous la sphère
glénoïdienne et peut-être le risque d’encoche.
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Figure 15. Lorsque la glène est usée en bas (glène E4), l’inclinaison frontale est en varus (A) et la tendance chirurgicale est de posi-
tionner la platine avec un tilt inférieur (B), ce qui diminue le chevauchement de la cupule humérale sous la sphère glénoïdienne
et peut-être le risque d’encoche.
supérieur). En pratique, nous adaptons le fraisage cela de pratiquer un positionnement bas pour éviter
de la glène à l’inclinaison glénoïdienne préopératoire, de laisser un rebord osseux. Nous sommes d’accord
mesurée selon les mêmes règles sur le cliché standardisé avec Werner et al. sur le fait que cette méthode altère
préopératoire de face : si l’inclinaison préopératoire est un peu le stock osseux à la partie inférieure de la glène,
neutre (verticale) ou en varus (par usure inférieure ou mais elle nous semble acceptable, surtout si cela peut
constitutionnelle), nous fraisons uniformément la sur- contribuer à éviter une future encoche [22].
face de la glène sans essayer de changer l’orientation ; Parmi les paramètres peropératoires, les deux séries
si l’inclinaison préopératoire est en valgus (par usure montrent que les inserts huméraux latéralisés ont un
supérieure ou constitutionnelle), nous fraisons préfé- taux d’encoche significativement plus faible que les
rentiellement le bord inférieur de la glène pour réta- inserts non latéralisés (p = 0,05). Il est possible que
blir une inclinaison neutre. Il est essentiel en faisant l’insert latéralisé favorise une tension articulaire plus
404 C. LÉVIGNE
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arthropathies de l’épaule à coiffe détruite. À propos d’une série 1476-86.
G. WALCH, L. NOVÉ-JOSSERAND
RÉSUMÉ SUMMARY
L’instabilité est la principale complication des prothèses inversées Postoperative instability instability is the most frequent compli-
à partir d’une série multicentrique de 457 prothèses implantées ; cation after reverse shoulder arthroplasty. Our goal was to ana-
nous avons analysé ses causes et son traitement. Quatre-vingt- lyze its causes and treatment in a large series of 457 prosthesis
quatorze prothèses ont été implantées par voie supérolatérale et implanted. Ninety-four prosthesis were implanted through a
363 par voie deltopectorale. Les luxations des prothèses inversées superolateral approach, 363 through a deltopectoral approach.
sont dues à la large libération antérieure du subscapulaire et des The main cause of instability of the reverse shoulder arthroplasty
ligaments glénohuméraux antérieurs. Les autres facteurs – dispa- is the large anteroinferior release performed through the delto-
rition du subscapulaire, effet came inférieur, anté- ou rétrover- pectoral approach (subscapularis and inferior glenohumeral liga-
sion excessive de la pièce humérale, restauration d’une mobilité ment). The other factors —shortening of the subscapularis, inferior
subnormale – ne sont que des facteurs favorisants : ils ne sont pas came effect, excessive ante- or retroversion of the humeral stem,
responsables de luxations, car on les retrouve aussi bien pour les hyperactivity with restoration of almost normal motion, subsca-
voies d’abord supérieures que pour les voies d’abord deltopecto- pularis insufficiency (absence, no repair, failure of repair)— are
rales. Dans ces dernières, il est essentiel de restaurer la longueur only contributing factor as they are not responsible for instability
de l’humérus et de freiner la rééducation pendant 45 jours lors- in the superolateral approach. With the deltopectoral approach it
que le subscapulaire est absent. L’utilisation de glénosphère de is crucial to restore a normal length of the humerus, to immobilize
42 mm (plutôt que 36 mm) est aussi utile pour lutter contre une the patient for 4 to 6 weeks in case of subscapularis insufficiency.
médialisation excessive de l’humérus. Use of a 42 mm glenosphere (instead of 36 mm) is also usefull to
avoid an excessive medialization of the humerus.
Mots clés : Luxation. – Prothèse d’épaule. – Prothèse inversée. Key words: Instability. – Reverse arthroplasty. – Prosthesis.
Tableau 1
Incidence de l’instabilité dans les différentes séries de prothèses totales inversées rapportées dans la littérature
pour reprise après une prothèse humérale dans 65 cas, muscle dans 2 cas, autant de graisse que de muscle dans
pour reprise après une prothèse totale non contrainte 2 cas et une dégénérescence sévère dans 8 cas.
dans 24 cas, après séquelles de fracture ou luxation La coupe humérale se situait au-dessus du col ana-
dans 51 cas, après fracture récente dans 15 cas et pour tomique dans 6 cas et au niveau du col anatomique
chirurgie tumorale dans 10 cas. Dans 14 cas l’étiologie dans 2 cas. Dans 5 cas de reprise de prothèse et le cas
était variée ou multiple. L’intervention était menée par de fracture récente, le niveau de coupe (ou équivalent)
voie deltopectorale dans 363 cas et par voie supéro- était en dessous du col anatomique. Dans 8 cas, aucune
latérale dans 94 cas. coupe humérale n’a été réalisée ; l’implant huméral
Une instabilité postopératoire a été observée chez
22 patients (4,8 %). Il s’agissait de 14 hommes et
8 femmes. L’âge moyen au moment de l’intervention
était de 67,7 ans (44–83). Il y avait 14 côtés droits et
autant de côtés dominants.
L’étiologie des patients présentant une instabilité
était une cuff tear arthropathy dans 6 cas, une rup-
ture massive de la coiffe des rotateurs dans 1 cas, une
pseudarthrose de l’extrémité supérieure de l’humérus
(col chirurgical) dans 4 cas (figure 1), une fracture
récente dans 1 cas, une reprise de prothèse humérale
Tableau 2
Incidence de l’instabilité en fonction de la voie d’abord et de l’étiologie
Tumeur 0 0 10 1 cas 10 %
était scellé dans la diaphyse sans repère osseux méta- tation inférieure permanente dans 3 cas (figure 2).
physaire ou épiphysaire (figure 1). L’analyse radiographique des luxations montrait que
La taille des implants utilisés était toujours 36. celles-ci pouvaient être antérieures (figure 3), posté-
L’implant polyéthylène était toujours latéralisé +6 mm, rieures (figure 4) latérales ou médiales (figure 5).
et dans un cas il était d’emblée associé à un rehausseur.
La rétroversion de l’implant huméral était connue dans Début de l’instabilité
8 cas et variait de 0° à 30°. À la fin de l’intervention, le
subscapulaire était réinséré dans 7 cas, en comptant la L’instabilité survenait de façon immédiate dans les
synthèse des tubérosités pour la fracture récente. 48 premières heures postopératoires dans 5 cas. Elle
Dans 2 cas, une instabilité intraopératoire était était précoce au cours du premier mois dans 11 cas.
observée. Dans le premier cas, l’instabilité en rotation Dans 4 cas, elle apparaissait au cours de la première
externe était corrigée par la réinsertion du subscapu- année et dans 2 cas au-delà d’un an.
laire. Dans l’autre cas, l’instabilité secondaire à un effet
came inférieur a été traitée par un coussin d’abduction
pour 6 semaines.
En fin d’intervention, l’épaule était placée 16 fois
dans une attelle coude au corps pour 30 jours, et dans
6 cas sur une attelle d’abduction (à 20° une fois et à
60° dans 5 cas) pour 45 jours. La rééducation était
débutée de façon passive et douce dans 17 cas.
Les résultats portent sur 19 cas revus à plus de 2 ans
de recul (recul moyen 37 mois [9–81]. Deux patients
sont décédés avant la révision des 24 mois (revus à 9 et
11 mois) et 1 patient a été perdu de vue.
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Résultats
Fréquence
La fréquence de l’instabilité était de 4,8 % sur l’ensem-
ble de la série et de 6 % en considérant uniquement les
cas opérés par voie deltopectorale.
Type d’instabilité
Figure 2. Instabilité inférieure persistante. Il s’agissait d’une
L’instabilité se manifestait sous forme d’une luxation patiente qui présentait initialement un défect huméral impor-
prouvée radiologiquement dans 17 cas, sous forme de tant débordant sur la diaphyse et qui n’a pas été corrigé par la
subluxation dans 2 cas et sous forme d’une décoap- mise en place de la prothèse inversée (trop basse).
410 G. WALCH, L. NOVÉ-JOSSERAND
Récidive
Après traitement, l’instabilité persistait dans 8 cas.
Dans 3 cas, il s’agissait des patients non réopérés pré-
sentant une décoaptation inférieure permanente. Dans
5 cas, l’instabilité a récidivé sous forme de subluxa-
tions ou luxations spontanément réduites provoquées
Figure 3. Instabilité prothétique antérieure.
par une hyperactivité chez des patients ayant conservé
un niveau fonctionnel élevé (figure 5).
Dans 2 cas, l’instabilité était secondaire à un événe-
ment traumatique précis, alors que dans les autres cas Résultats en fonction
aucune cause précise ou élément déclenchant n’était du début de l’instabilité
retrouvé.
Les 5 patients ayant présenté une instabilité immédiate
Traitement de l’instabilité (48 heures postopératoires) ont été traités par réduc-
tion sous anesthésie générale dans 3 cas et par reprise
Dans les 3 cas de décoaptation inférieure, aucun traite- chirurgicale pour mise en place d’un rehausseur dans
ment particulier n’a été proposé ; les patients ont pré- 2 cas. Dans les suites, les épaules ont été immobilisées
féré rester en l’état. sans rééducation pendant 4 à 6 semaines. Il n’y avait
L’instabilité a été réduite par autoréduction dans aucune récidive. Le score de Constant moyen à la révi-
2 cas de subluxation et par manœuvre externe sans sion était de 52 ± 12 et de 68 % ± 17 pour le score pon-
anesthésie générale dans 1 cas de luxation. déré, avec une élévation antérieure moyenne de 118°.
Figure 4. Instabilité prothétique postérieure. Figure 5. Instabilité latérale récidivante chez un patient âgé
mais hyperactif et sportif pratiquant le crawl. Malgré l’instabi-
lité autoréduite, le résultat fonctionnel est très bon.
Instabilité de la prothèse totale inversée de l’épaule 411
Figure 6. Radiographie comparative des humérus mettant en Figure 7. Effet came inférieur. La glène a été implantée trop
évidence un humérus court du côté de la prothèse. Le rétablis- haut et il existe un contact entre le bord inférieur de la glène
sement d’une longueur humérale correcte est nécessaire pour et l’implant huméral qui joue un rôle de levier potentialisateur
stabiliser la prothèse. pour provoquer l’instabilité.
Les 6 patients présentant une instabilité ayant débuté une réduction sanglante simple dans l’autre cas. Il y a
après le premier mois postopératoire n’ont pas été eu quatre récidives. Parmi les récidives, on retrouve les
réopérés. Tous sont restés instables, trois sous forme 3 patients présentant une hyperactivité et une patiente
de subluxations récidivantes et trois par décoaptation ne présentant pas de cause particulière. Le score de
inférieure. Constant moyen à la révision était de 62 ± 16 et de
Parmi les 11 patients ayant débuté leur instabilité au 81 % ± 25 pour le score pondéré, avec une élévation
cours du premier mois postopératoire, on retrouve des antérieure moyenne de 140° ± 35.
traitements et des résultats variables. Lorsque le bord supérieur de la prothèse humérale
était au-dessous du trochiter, en fonction de la pré-
sence ou non de la métaphyse, on distinguait deux
Résultats en fonction populations.
de la longueur humérale – Lorsque la prothèse restait en position métaphysaire
(5 cas de reprises de prothèse et un cas de fracture
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Nous ne disposions pas, pour cette étude, de radiogra- récente), l’instabilité était toujours survenue avant la
phies millimétrées des humérus. Nous avons analysé le fin du premier mois postopératoire. Le traitement avait
positionnement en hauteur de l’implant huméral pour les consisté en une réduction avec anesthésie générale une
voies d’abord deltopectorales sur les radiographies sim- fois et avec une reprise chirurgicale pour mise en place
ples de face : lorsque le bord supérieur de l’implant métal- d’un rehausseur dans 4 cas. Il n’y avait aucune réci-
lique était situé au niveau ou au-dessus du trochiter, le dive. Le score de Constant moyen à la révision était de
positionnement était jugé correct. S’il était au-dessous, il 44 ± 12 et de 58 % ± 23 pour le score pondéré, avec
était jugé incorrect, avec un « humérus court » (figure 6). une élévation antérieure moyenne de 121° ± 16.
Lorsque le positionnement en hauteur de l’implant – Lorsqu’il n’y avait plus de métaphyse et que l’implant
huméral était correct, l’instabilité est survenue dans huméral avait été mis en place dans la diaphyse (8 cas),
6 cas lors du premier mois postopératoire. Le traite- l’instabilité est survenue dans 4 cas lors du premier
ment avait consisté en une réduction sans anesthésie mois postopératoire. Le traitement proposé 5 fois avait
générale 3 fois et avec anesthésie générale 3 fois. Une consisté en une réduction avec anesthésie générale 2 fois
reprise chirurgicale était nécessaire 2 fois, pour mise et avec une reprise chirurgicale dans 3 cas. Il y avait qua-
en place d’un rehausseur dans le premier cas et pour tre récidives. Le score de Constant moyen à la révision
412 G. WALCH, L. NOVÉ-JOSSERAND
était de 38 ± 17 et de 52 % ± 25 pour le score pondéré, rale) ; mais cela ne suffit pas pour expliquer la surve-
avec une élévation antérieure moyenne de 41° ± 56. nue de l’instabilité.
Dans 2 cas, il existait une fracture de l’acromion L’analyse des causes de l’instabilité est difficile compte
(une préopératoire, une postopératoire) : un patient tenu de la disparité des cas observés.
présentait des subluxations récidivantes non opérées et La première remarque évidente est l’absence totale
le deuxième une luxation récidivante ; la responsabilité d’instabilité dans les voies supérolatérales. De cette
de la détente deltoïdienne pouvait être suspectée mais simple constatation, force est d’admettre que la rétro-
ne pouvait être prouvée. version, un éventuel effet came inférieur ou postérieur
(figure 7), une rupture ou une dégénérescence du
subscapulaire ne peuvent pas être reconnus comme
Discussion une cause essentielle d’instabilité, puisqu’on retrouve
tous ces cas de figure dans les voies supérolatérales. La
Nous rapportons 22 cas d’instabilité sur une série seule différence que l’on retrouve entre les deux voies
de 457 prothèses totales inversées (4,8 %). Seule la d’abord est le très large release antérieur et inférieur
voie d’abord deltopectorale utilisée dans 80 % des cas que l’on est conduit à faire par voie deltopectorale
est en cause ; les 94 patients (20 %) opérés par voie pour exposer la glène et implanter correctement les piè-
supérolatérale n’ont présenté aucune instabilité (0 %). ces prothétiques glénoïdiennes. Ce release comprend
Ainsi, pour les 363 patients opérés par voie deltopec- le muscle subscapulaire et le ligament glénohuméral
torale, le taux d’instabilité est de 6 %. inférieur, qui est bien souvent réséqué. La réinsertion
Quatre étiologies sont en cause avec des fréquences du subscapulaire est dans ces conditions un élément
différentes : les changements de prothèse non contrain- capital. La réinsertion du subscapulaire, chaque fois
tes (10,7 %), les séquelles de fracture (9,2 %) et les cuff que possible, doit être prônée et protégée en post-
tear arthropathies (4 %) ; au sein des tumeurs opérées, opératoire. Lorsque cette réparation du subscapulaire
1 patient (10 %) a présenté une instabilité. n’est pas possible (absence, disparition des tubérosités,
Nous avons mis en évidence trois types d’instabilité rétraction à la glène), une immobilisation postopéra-
très différents. toire soit coude au corps, soit sur un coussin d’abduc-
– Les décoaptations inférieures en relation avec une tion, en fonction des constatations opératoires, pour
insuffisance nette de longueur humérale surviennent une période de 3 à 6 semaines est à recommander.
au cours de la première année postopératoire. Dans Les autres facteurs que nous avons identifiés comme
les 3 cas, il existait un raccourcissement préopératoire possible cause de l’instabilité ne peuvent agir qu’en tant
qui n’a pu être corrigé que partiellement en intraopé- que potentialisateur de ce large release antéro-inférieur.
ratoire du fait de la tension excessive des parties mol- Le principal est l’insuffisance de la longueur de l’humé-
les et en particulier du deltoïde. Il semble donc que la rus et par voie de conséquence de tension du deltoïde.
tension des parties molles et du deltoïde ne soit pas L’atteinte du deltoïde lui-même n’a été mise en évidence
définitive lorsqu’il existe une fibrose cicatricielle et, qu’une seule fois et son origine était multifactorielle
spontanément, le deltoïde récupère sa longueur au (sclérose par radiothérapie, atteinte du nerf circonflexe
détriment de sa tension, faisant apparaître la décoap- radiothérapique ou iatrogène). Il est évident qu’en cas
tation inférieure. de paralysie du deltoïde, la prothèse totale inversée ne
– Les subluxations et luxations récidivantes auto- peut fonctionner et c’est une contre-indication à son
Il faut également remarquer que la désinsertion d’une la vie quotidienne, ce qui nous fait dire que c’est pro-
partie du deltoïde antérieur dans les voies supérolatéra- bablement plus l’absence de « fibrose » ou « raideur »
les ne semble présenter aucun effet délétère vis-à-vis de la cicatricielle qui est à l’origine de ces subluxations. Sur
stabilité. De même, la responsabilité d’une perte de ten- le plan thérapeutique, le traitement des subluxations
sion du deltoïde par fracture de l’acromion [8], comme récidivantes a toujours été orthopédique dans notre
cela a été observé 2 fois dans cette série d’instabilité, ne série sans que cela influence notablement les résultats.
peut être considérée comme une preuve puisqu’elle a Le fait que les instabilités après PTEI surviennent
été observée à de très nombreuses reprises dans la série essentiellement chez les hommes et le fait que les gléno-
générale sans aucune instabilité. On peut cependant sphères de 36 mm aient été utilisées doit nous faire
admettre que la diminution de tension du deltoïde a un réfléchir au problème de la médialisation humérale
rôle favorisant ou potentialisateur dans certains cas. excessive qui en résulte. La latéralisation de l’humérus
Les cas sévères de raccourcissement de l’humérus permisse par l’implantation de glénosphère de 42 mm
démontrent que tension intraopératoire du deltoïde et permet au deltoïde de jouer son rôle de coaptation sur
longueur doivent être dissociées. Les 3 cas de décoap- la glène et doit être préférée chez les hommes. C’est
tation inférieure rapportés ont eu une correction aussi un moyen de stabiliser une PTEI instable (chan-
insuffisante de longueur humérale parce qu’en intra- ger la glénosphère 36 pour une 42)
opératoire la tension des parties molles en général et Concernant la décoaptation inférieure, il s’agit de
du deltoïde en particulier était telle qu’il était impos- cas complexes multi-opérés ; aucun de nos 3 cas n’a
sible d’allonger plus l’humérus. Il faut donc prévoir été réopéré, les patients ayant préféré se contenter du
dans ces cas un éventuel deuxième temps opératoire résultat antalgique. La compromission du deltoïde et
pour égaliser la longueur de l’humérus. À côté de ces les doutes sur sa valeur fonctionnelle conduisent le
cas extrêmes, dans 11 cas nous avons mis en évidence chirurgien à une attitude de prudence face à ces cas
une position basse de la prothèse humérale, et cela extrêmes qui sont sans doute à la limite des indications
concerne essentiellement les cas de reprise de prothèses de la prothèse inversée.
et les séquelles de fracture de l’humérus proximal où les Face à une luxation prothétique, il est conseillé de
repères métaphysaires voire diaphysaires ont disparu. faire une mesure comparative de la longueur humé-
La hauteur de la pièce humérale dans notre série a rale. En cas de perte de longueur, un rehausseur ou des
rarement été prédéfinie par un planning préopératoire inserts en polyéthylène plus hauts peuvent permettre de
et c’est souvent la tension intraopératoire et la diffi- compenser jusqu’à 21 mm de longueur mais pas plus.
culté à réduire qui ont déterminé le positionnement. Au-delà, il faudra avoir recours à des pièces diaphy-
Or cette difficulté intraopératoire dépend de la fibrose saires d’allongement. Si la longueur est correcte, la
et de la rétraction des parties molles qui, nous l’avons réduction sous anesthésie générale, suivie d’une immo-
vu, ne semblent pas définitives. Il est donc capital dans bilisation de 3 à 6 semaines sur un coussin d’abduc-
ces deux étiologies de faire un planning préopératoire tion ou une écharpe en fonction des constatations sous
avec une radiographie millimétrée comparative pour anesthésie générale, sera suffisante pour restaurer une
être sûr de rétablir exactement la longueur humérale stabilité correcte au détriment de la mobilité.
quelle que soit la tension des parties molles. Il faut
régler la longueur de telle sorte que, sur l’humérus
sain, la pièce humérale métallique soit au-dessus du Conclusion
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RÉFÉRENCES
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Révisions humérales :
options thérapeutiques
Humeral stem removal: surgical technique
F. JOUVE, G. WALCH
RÉSUMÉ SUMMARY
Lors d’une reprise de prothèse d’épaule, le temps de révision In revision shoulder arthroplasty, the management of the hume-
humérale est souvent une étape clé. Un planning préopératoire ral prosthesis is a difficult step during the procedure. The surgi-
approfondi permet de guider la stratégie chirurgicale. En fonc- cal strategy is conditioned by the preoperative planning. In each
tion des situations rencontrées, sont détaillées les options thé- case, a solution can be proposed. Humeral osteotomy is an alter-
rapeutiques. Les différentes techniques d’ostéotomie humérale native to help facilitate the extraction of the humeral stem, and
sont décrites afin de permettre l’extraction de la tige humérale several techniques have been described.
en préservant le stock osseux.
Mots clés : Humérotomie. – Révision. – Prothèse d’épaule. Key words: Humeral osteotomy. – Revision. – Shoulder arthroplasty.
Prévision du matériel
En plus du matériel d’extraction prothétique, le
chirurgien doit prévoir tout le matériel nécessaire pour
affronter une éventuelle complication : ciseaux pour
ablation du ciment, matériel d’ostéosynthèse en cas de
fracture. Il faut également prévoir le système prothéti-
que de révision avec des tiges humérales de longueur
supérieure (150, 180, 210 mm). Figure 1. Voie deltopectorale élargie vers le bas.
Révisions humérales : options thérapeutiques 417
Après avoir retiré le maximum de ciment proximal, on tige sans dommage majeur. En cas de tige humérale
tente de retirer la tige en utilisant des instruments tels impossible à extraire, mieux vaut une ostéotomie
que chasse-greffon, masselotte, extracteur standard humérale bien faite qu’une mauvaise fracture diffi-
ou extracteur spécifique de la prothèse que l’on aura cile à ostéosynthéser.
commandés auparavant. L’ancillaire se fixe à la partie Plusieurs techniques d’ostéotomie humérale ont été
proximale de la tige humérale. L’extraction est rendue décrites ; elles sont passées en revue ci-après.
possible par l’action d’une masselotte coulissant sur
un axe de la même manière qu’un extracteur de clou
centromédullaire (figure 2). Techniques d’humérotomie
Toutes ces manœuvres doivent être effectuées pru- Humérotomie verticale simple
demment en ayant toujours présent à l’esprit le risque
de fracture humérale. Si l’extraction échoue, il faut C’est la technique qui a notre préférence et que nous
passer à l’étape suivante. utilisons dans cette situation [4].
418 F. JOUVE, G. WALCH
Humérotomie en volet
Dodson et al. [2] ont proposé cette technique afin
Figure 5. Ouverture du trait d’humérotomie à l’aide d’un ostéo- de retirer une tige humérale bien fixée. La technique
tome en utilisant l’élasticité de l’os. nécessite un abord extensif de la diaphyse en réalisant
une libération des insertions deltoïdienne et du grand
pectoral. Après avoir réalisé des pré-trous à la mèche,
les traits d’ostéotomie sont réalisés en emportant un
tiers de la circonférence de la corticale (figure 9). Cette
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Figure 6. Radiographie mettant en évidence une fuite de ciment Figure 7. Fenêtre humérale médiale (en pointillé).
diaphysaire après fracture humérale peropératoire. Figure 8. Fenêtre humérale antérieure (en pointillé).
420 F. JOUVE, G. WALCH
1/3
Reconstruction humérale
Ciment Afin de préserver au maximum le stock osseux, il
n’est pas nécessaire de retirer le fourreau de ciment en
Tige entier, sauf en cas de sepsis. Une fois la tige déposée, il
convient de mettre en place la tige de révision.
La longueur et le diamètre sont déterminés en fonc-
A tion du stock osseux, de la présence d’une ostéoto-
mie ou d’une fracture. En théorie, il faut ponter le
trait d’ostéotomie ou de fracture par au moins deux
fois la largeur de la diaphyse afin d’obtenir une sta-
Ciment
bilité suffisante (figure 10). On est régulièrement
amené à utiliser des tiges intermédiaires ou longues.
Tige
En fonction des habitudes de l’opérateur, la tige
sera cimentée ou implantée sans ciment. En prati-
B que, dans les situations de reprise, il est plus difficile
Figure 9. A et B. Humérotomie en volet emportant un tiers de d’obtenir une bonne stabilité primaire de l’implant
la circonférence osseuse. que lors de la chirurgie de première intention, et il
est recommandé de cimenter le pivot. L’utilisation
d’un ciment aux antibiotiques est conseillée dès lors
technique présente l’avantage d’une excellente vision qu’il s’agit d’une reprise opératoire où les taux d’in-
endomédullaire et permet de pratiquer un nettoyage fection rapportés sont toujours plus élevés que pour
optimal de l’interface ciment–os comme l’avaient les prothèses primaires.
Figure 10. A. Tige humérale sans ciment sur un humérus ostéoporotique avec corticales fines. B. Reconstruction de l’humérus avec
cerclages des fragments osseux sur la tige humérale utilisée comme tige centromédullaire. C. Deuxième temps : une fois la conso-
lidation acquise, implantation du reste de la prothèse.
Révisions humérales : options thérapeutiques 421
Le réglage de la hauteur est parfois délicat et c’est Idéalement, la rééducation postopératoire est super-
souvent la partie médiale du col huméral qui est le posable à celle des prothèses de première intention,
meilleur repère quand elle a pu être conservée. mais pourra être modulée en fonction des paramètres
En cas de fracture comminutive n’autorisant pas la énoncés ci-dessus.
repose dans le même temps, on peut se servir de la tige
humérale de reprise comme d’un clou centromédul- Conclusion
laire sur lequel on peut cercler les différents fragments
osseux par des cerclages. Dans un deuxième temps, Le temps huméral dans les reprises de prothèses d’épaule
après consolidation de la diaphyse, le reste de la pro- est une étape difficile qu’il convient d’aborder avec la
thèse peut être implanté (figure 10). meilleure stratégie possible. Le but est de pouvoir réa-
liser l’ablation de la tige humérale tout en préservant
le stock osseux. À l’avenir, on pourrait s’affranchir de
Suites opératoires cette étape critique grâce au développement de tiges
modulaires permettant une révision sans dépose, par
Le type et la durée d’immobilisation dépendent de la exemple en passant d’un concept de prothèse anatomi-
qualité de la tenue de l’implant huméral, de la solidité que à prothèse inversée (« tige universelle »). Ces avan-
de l’éventuelle ostéosynthèse et de la stabilité prothéti- cées ne permettront pas, cependant, de s’affranchir de
que. Le type d’immobilisation est également dépendant tous les problèmes rencontrés lors d’une révision humé-
du type de prothèse utilisée : immobilisation coude au rale d’une prothèse d’épaule tels que les malpositions
corps ou coussin d’abduction. (erreur de version ou de hauteur) et les infections.
RÉFÉRENCES
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422 L. NEYTON, G. WALCH
L. NEYTON, G. WALCH
RÉSUMÉ SUMMARY
L’état du stock osseux glénoïdien est un des éléments détermi- Glenoid bone stock appears to be one of the key factors influen-
nants du résultat d’une prothèse de l’épaule aussi bien dans la cing the result of primary shoulder arthroplasty as well as revision
chirurgie de première intention que dans les reprises. L’évaluation arthroplasty. Preoperative evaluation is mandatory to anticipate
préopératoire de la glène (radiographies, scanner) aide au choix appropriate option (X-rays, CT scan). In primary arthroplasty,
de l’option thérapeutique la plus appropriée. Dans les prothèses some rare cases of significant bone wear preclude glenoid com-
primaires, de rares cas d’usure importante de la glène nécessitent ponent implantation. Significant glenoid wear is more frequent
une reconstruction osseuse. Cette situation est beaucoup plus fré- in revision surgery. After a previous failed arthroplasty different
quente en cas de reprise après échec d’arthroplastie. Différentes options are available. In the younger population, the surgeon
options thérapeutiques sont possibles. Chez les patients jeunes, la must keep in mind to protect or reconstruct the glenoid bone
priorité est de reconstruire le stock osseux par une greffe. Chez stock by grafting. In the frailed and elderly patients, simple pro-
les patients âgés et plus fragiles, une procédure moins invasive cedure and pain relief are the main goals of revision surgery. The
(hémiarthroplastie, ablation simple) peut apporter un soulage- possibility to graft the glenoid defect and to solve the problem of
ment des douleurs. En chirurgie de reprise, la prothèse inversée deficient rotator cuff tears in one stage by implanting a reverse
a permis changer le pronostic. Cette option permet de palier une prosthesis has changed the pronostic of glenoid revisions.
déficience de la coiffe des rotateurs et autorise une greffe glénoï-
dienne le plus souvent en un temps. Key words: Glenoid. – Bone stock. – Graft.
d’implants metal-back non cimentés [3,4,11,14,22,24]. du bord postérieur de la glène en regard du point de
Néanmoins les résultats à moyen terme de ces implants contact de la tête humérale, sans usure significative,
ont rapidement montré la présence de lisérés progres- représente le type B1. Ce type de glène ne pose pas de
sifs, d’ostéolyse sévère, d’usure du polyéthylène, de problème de gestion du stock osseux, mais plutôt celui
déclipsage du polyéthylène et de fracture du metal-back de l’avenir de l’implant glénoïdien du fait de la subluxa-
et ou des vis. Bien que l’utilisation de ces implants ait été tion postérieure contre laquelle il est difficile de lutter.
rapidement limitée du fait de ces complications, ceux-ci Le type B2 se caractérise par la présence d’une cupule
représentent toujours aujourd’hui une cause possible de postérieure. À la manière d’une cupule tibiale formée
reprise chirurgicale. sous le condyle fémoral dans l’arthrose du genou, la
Alors que le taux de complication lié à la glène semble glène postérieure s’use en regard de la tête humérale
augmenter avec le recul, le taux de reprise pour descelle- subluxée en arrière. Si l’usure est faible (2 ou 3 mm)
ment est difficile à évaluer et les causes de reprise d’une avec une petite marche d’escalier, un fraisage asymé-
prothèse totale d’épaule sont souvent multifactorielles. trique permet de retrouver une surface plane prête à
Dès lors, les options de reprise d’un implant glénoïdien, recevoir l’implant (glène B2 « light »). À l’inverse, si la
si elles sont influencées par l’état du stock osseux glénoï- cupule postérieure est plus profonde, un comblement
dien, doivent également prendre en compte les éventuels de la perte de substance par une greffe osseuse est
problèmes associés tels qu’une instabilité prothétique, nécessaire. Là encore, il est difficile voire impossible
une rupture de coiffe, un sepsis aigu ou à bas bruit, ou d’obtenir une « réduction » de la subluxation de la
un descellement de l’implant huméral. Nous nous limi- tête et le risque de complications est important. La
terons dans ce chapitre aux options techniques pour plupart du temps, la tête prothétique va se position-
répondre à une perte de substance osseuse de la glène. ner sur le bord postérieur de l’implant glénoïdien.
Une greffe iliaque de reconstruction vissée combinée
Prothèses primaires avec la mise en place d’un implant glénoïdien est pos-
sible au prix d’un taux de descellement élevé à long
L’indication la plus fréquente pour un resurfaçage de la terme [8] si l’implant est cimenté. Si l’implant est
glène est l’omarthrose primitive. Le statut de la glène metal-back, une usure du polyéthylène va se produire
dans l’omarthrose primitive a été décrit par Walch en avec production de débris à l’origine du classique
3 types [23] (figure 1). Le type A se caractérise par une descellement sur granulome avec ostéolyse. Notre
usure centrée, assez limitée (glène A1), ou plus impor- expérience est en faveur de l’utilisation d’un implant
tante avec formation d’une cupule centrale par usure semi-contraint (prothèse inversée) qui, seul, permet
et production d’ostéophytes antérieurs et postérieurs de lutter contre la subluxation postérieure lorsque
(glène A2). Les glènes de type A1 ainsi que les glènes celle-ci est importante et que l’usure postérieure est
A2 ne posent généralement pas de problèmes majeurs sévère. En outre, en cas de nécessité de reconstruction
de gestion du stock osseux. Dans de rares cas, une glène osseuse, la platine vissée permet une greffe en un ou
A2 avec cupule très profonde peut diminuer la profon- deux temps (figure 2).
deur du cône glénoïdien et ne pas permettre la mise en Enfin, les glènes dysplasiques (type C) sont rares, mais
place d’un implant à quille. Les options thérapeutiques posent le même problème que les glènes B2 avec cupule
incluent l’absence de resurfaçage (hémiarthroplastie), importante. Il n’est généralement pas recommandé de
l’utilisation d’un implant à plots (plus courts qu’une mettre un implant glénoïdien en cas de prothèse non
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Figure 2. Greffe en deux temps en utilisant de la crête iliaque. A. (1 et 2) Glène B2 sévère avec importante usure et perte de subs-
tance postérieure. Subluxation postérieure de la tête humérale. B. Greffe iliaque tricorticale vissée. Seule la coupe a été réalisée
sur le versant huméral. C. Restauration du stock osseux autorisant, 6 mois plus tard, la mis en place d’un implant glénoïdien dans
de bonnes conditions.
si le stock osseux restant a permis sa mise en place © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
[12]. L’utilisation d’une prothèse inversée permet dans
cette indication de reconstruire la glène par une greffe
osseuse et de lutter contre l’instabilité antérieure.
une reprise chirurgicale avant progression vers des dégâts centrer la tête humérale. Cette option peut être le premier
osseux plus importants doit être discutée. temps avant réimplantation une fois la greffe intégrée.
Si la greffe osseuse est reconnue comme efficace dans le
comblement des pertes de substance, le type de greffe reste
Ablation simple de l’implant descellé débattu. Plusieurs options sont possibles : greffe morce-
Lorsque le patient est fragile et n’est pas candidat à une lée ou structurelle, allogreffe, autogreffe (crête iliaque),
chirurgie de reprise lourde, l’ablation simple de l’implant os synthétique (demineralized bone matrix [DBM]).
descellé est possible. L’implant est extrait à ciel ouvert ou Antuna et al. [1] relatent leur expérience de la greffe
sous arthroscopie, l’articulation étant nettoyée parallèle- spongieuse impactée (allogreffe) et notent une média-
ment à l’ablation du ciment. La perte de fonction obser- lisation moyenne significative (7,5 mm) de la tête
vée dans les suites est liée à la diminution du bras de humérale sur la glène. Malgré cette médialisation, une
levier d’action de la coiffe et du deltoïde par médialisa- réimplantation dans un second temps a été possible
tion de la tête humérale et usure de la glène restante. En dans 3 cas. Néanmoins, le stock osseux reconstruit et
outre, cette usure du stock osseux compromet la possibi- disponible au moment de la réimplantation n’était pas
lité ultérieure de réimplantation d’une glène [17]. équivalent à la greffe initialement impactée.
426 L. NEYTON, G. WALCH
Frankle et Long [5] rapportent les résultats de 14 nouveau dans les 3 ans pour douleur persistante avec
allogreffes massives de reconstruction lors de chirurgie réimplantation d’une glène.
de reprise. Onze patients ont été suivis radiographi- Notre expérience [18] dans l’utilisation d’allogreffe
quement chez lesquels il a été retrouvé une résorption est similaire avec compression et/ou résorption de la
de l’allogreffe et une médialisation de la tête humérale greffe, médialisation de la tête humérale et perte de
4 fois. l’élévation antérieure dans l’année suivant la reprise.
Norris et al. [8,14,20] recommandent de mixer Ces résultats nous ont incités à l’utilisation d’auto-
l’allogreffe avec du DBM. De nombreuses formes greffe structurelle d’origine iliaque avec la surface cor-
commerciales peuvent être utilisées : Allomatrix cus- ticale faisant face à la tête humérale afin de fournir une
tom® (Wright Medical Technology Inc., Memphis, résistance mécanique à la médialisation.
Tennessee), Dynagraft® (IsoTis OrthoBiologics US,
Irvine, California), Grafton® (Osteotech, Eatontown, Perte de substance osseuse cavitaire
New Jersey) ou Opteform® (Exactech, Gainsville,
Florida). Les résultats rapportés sont satisfaisants en Le greffon est impacté dans la cavité glénoïdienne avec
terme de soulagement des douleurs, mais avec une le versant cortical face à la tête prothétique [9]. De l’os
faillite progressive de la greffe dans un nombre élevé spongieux peut être ajouté à la demande pour combler
de cas. Treize pour cent des patients ont été opérés à les petits espaces restants (figure 5).
Réimplantation d’une glène non Antuna et al. [1] rapportent 8 cas de reprise avec un
implant glénoïdien non cimenté non contraint. Trois
cimentée metal-back vissée avec n’ont pas nécessité de greffe (pas de perte du stock
ou sans greffe spongieuse osseux ou perte de substance centrale non significa-
tive) et 5 ont été implantés avec greffe spongieuse.
Cette option est la plus satisfaisante, permettant une Bien que l’efficacité sur la douleur soit satisfaisante, un
reconstruction du stock osseux ainsi que la remise en liséré périprothétique était retrouvé dans 42 % des cas
place d’un implant. à moyen terme. Cette option n’est valide qu’en cas de
A B
C1 C2
Figure 7. Technique « in situ » selon Norris. A. Fraisage in situ sur la crête iliaque. B. Crête iliaque préparée. C. (1 et 2) Mise en place
de la platine métallique à plot long sur la crête iliaque.
Usure et perte de substance glénoïdienne dans les prothèses d’épaule : options techniques 429
coiffe intacte. En outre, l’utilisation d’un implant glé- iliaque sont impactées, et une platine à plot standard
noïdien metal-back avec une prothèse non contrainte ou long est utilisée. Il est primordial que le plot central
pose le problème déjà connu d’une usure fréquente et soit ancré dans la glène native et pas seulement dans
rapide du polyéthylène. la greffe ; nous avons observé deux cas d’échec précoce
La combinaison d’une greffe osseuse glénoïdienne pour ne pas avoir respecté ce principe. Si la tenue pri-
avec une prothèse inversée est une nouvelle option maire de l’embase métallique n’est pas suffisante pour
issue des succès obtenus avec cette prothèse dans les supporter les forces dues à l’implant semi-contraint, la
reprises. La platine métallique permet la mise en place sphère est mise en place, mais l’implantation de la tige
d’une greffe et la fixation par les 4 vis périphériques humérale est différée de 3 à 6 mois après intégration
[16,19]. de la greffe. Notre expérience de cette technique est
En cas de perte de substance minimale et centrale, des satisfaisante tant sur le plan clinique que radiologique
« chips » spongieuses prélevées aux dépens de la crête à moyen terme.
430 L. NEYTON, G. WALCH
En cas de perte de substance centrale importante ou lité précaire de la reconstruction. Norris recommande
d’atteinte des parois, il est recommandé de reconstruire le perçage, le fraisage et la mise en place de l’implant
le stock osseux par une greffe massive corticospon- in situ sur la crête iliaque. Le prélèvement de la crête
gieuse iliaque. Cette reconstruction peut être réalisée iliaque se fait ensuite autour de l’embase et l’os peut
aussi bien en deux temps qu’en un temps comme pro- ensuite être modelé à la demande pour s’adapter à la
posé par Norris [19]. Le perçage et le fraisage de la perte de substance. Là encore, il est nécessaire d’uti-
greffe tricorticale nécessaire avant la mise en place de liser une embase à plot long (25 ou 30 mm) afin que
l’embase sont rendus très difficiles du fait de la stabi- celui-ci soit situé dans la glène native (figure 7).
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Transferts tendineux
et prothèses d’épaule
Tendon transfers and shoulder replacement
Y. ROUSSANNE, P. BOILEAU
RÉSUMÉ SUMMARY
Les muscles de la coiffe des rotateurs ont un rôle primordial dans Rotator cuff muscles play a cardinal role in the function of the
le fonctionnement de l’articulation glénohumérale. L’épaule pro- glenohumeral joint. Shoulders with a replacement are no excep-
thésée n’échappe pas à cet impératif. Certaines lésions tendino- tion to this rule. Some tendinous-muscular lesions can jeopar-
musculaires peuvent perturber le fonctionnement et la longévité dize the function and the survival of the prosthesis. Muscle and
de l’épaule prothétique. Les transferts tendinomusculaires peu- tendon transfers can allow in given indications to « save » a non-
vent permettre dans certaines indications de « sauver » une pro- constrained prosthesis. Associated to reverse prostheses, these
thèse anatomique. Associés aux prothèses inversées, ils peuvent transfers allow the improvement of functional results when the
permettre d’améliorer le résultat fonctionnel en cas d’atteinte posterior cuff is affected by restoring external rotation. Lastly, in
de la coiffe postérieure en restaurant la rotation externe. Enfin, the case of tumor surgery, if the removal of the cuff is necessary,
en cas de chirurgie carcinologique où l’excision de la coiffe des they are part of the arsenal of treatment for the reconstruction
rotateurs est nécessaire, ils font aujourd’hui partie de l’arsenal of a functional shoulder.
thérapeutique pour la reconstruction d’une épaule fonctionnelle.
Mots clés : Épaule. – Arthroplastie. – Transfert tendineux. Key words: Shoulder. – Arthroplasty. – Tendon transfer.
resurfaçage) et d’autre part les prothèses inversées, Cette rupture peut être favorisée par des antécédents
semicontraintes et non anatomiques. Les indications de chirurgicaux [1,2], par la mauvaise qualité des tendons
chaque type d’implant sont aujourd’hui bien définies retrouvée au cours des pathologies inflammatoires. La
et les causes d’échec sont également mieux connues. technique de réinsertion du tendon ou un surdimen-
Plus récemment, l’essor des prothèses inversées a sionnement des implants ont également été incriminés
reporté au second plan ces transferts devant les résul- [16]. Enfin, une rééducation inadaptée ou trop agres-
tats encourageants à court et à moyen terme, même si sive est parfois en cause. Rarement, il peut s’agir d’une
tous les problèmes ne sont pas résolus et si le taux de véritable rupture traumatique [28]. La rupture peut
complications reste élevé [7,36,40]. passer totalement inaperçue lorsqu’elle survient sur une
La place des transferts tendinomusculaires en associa- prothèse mise en place depuis plusieurs mois. Mais elle
tion avec une prothèse d’épaule est aujourd’hui encore est souvent suivie d’une dégradation fonctionnelle, par
mal définie. Il s’agit la plupart du temps de solution l’apparition de douleurs et la survenue d’une subluxa-
de sauvetage lorsqu’ils sont proposés en association tion prothétique. Lorsque la rupture est aiguë, elle est
avec une arthroplastie anatomique. Dans le cadre des ressentie par le patient comme une douleur et parfois
prothèses inversées, ils peuvent permettre d’améliorer un craquement. La rupture s’accompagne d’une aug-
le résultat fonctionnel, que ce soit pour des ruptures mentation de l’amplitude de la rotation externe passive
non réparables de la coiffe des rotateurs ou pour des signant la rupture tendineuse. Cliniquement, le « lift-
reconstructions après résection tumorale. off sign » ainsi que le « belly press test » sont positifs
Le but de ce chapitre est de décrire les différentes et une sensation d’instabilité est parfois retrouvée. Le
techniques et indications des transferts tendineux asso- diagnostic clinique de rupture du sous-scapulaire peut
ciés aux prothèses d’épaule. ne pas être évident du fait de la positivité fréquente de
ces signes cliniques en période postopératoire, ce qui
explique que le diagnostic est souvent retardé [12,20].
Prothèses anatomiques Toute luxation antérieure prothétique doit être consi-
et transferts tendineux dérée comme associée à une rupture du tendon du
sous-scapulaire [16].
L’intégrité fonctionnelle de la coiffe des rotateurs est un En cas de rupture récente, la réparation doit être
des prérequis indispensables à la mise en place d’une tentée compte tenu de difficultés à effectuer la répa-
prothèse anatomique afin d’assurer le fonctionnement ration à distance [11,25,30,32]. D’autre part, la répa-
et la longévité des implants [28,32,34,42,43]. Le prin- ration précoce semble apporter de meilleurs résultats
cipe de la stabilité articulaire est le même que sur les [19,20]. Malheureusement, la réparation tendineuse
épaules natives : dans le plan horizontal, il existe un n’est pas toujours possible du fait de la mauvaise qua-
équilibre entre les rotateurs internes et les rotateurs lité des tissus ou à cause de la rétraction. En cas de
externes qui assure le centrage de la tête humérale dégénérescence graisseuse avancée (stade III ou IV)
[16]. Dans le plan vertical, les muscles de la coiffe du sous-scapulaire, la réparation n’est habituellement
des rotateurs stabilisent la tête humérale en évitant la pas réalisable ni souhaitable, car le risque de rerup-
migration proximale. La rupture d’un des éléments ture est élevé [32]. C’est dans ce cas qu’un transfert
de la coiffe entraîne un déséquilibre de ce système et tendineux peut être nécessaire, afin de stabiliser la
peut aboutir à l’excentration de la tête humérale et à prothèse. En cas de subluxation prothétique, aucun
[42–44] pour le traitement des ruptures irréparables du La rééducation est débutée de façon précoce en pen-
sous-scapulaire dans le cadre du traitement des instabi- dulaire. La rotation externe doit être evitée (rotation
lités glénohumérales. Ce transfert permet de restaurer neutre) pendant toute cette période.
la fonction et d’améliorer les douleurs. Il a également Les résultats de ces transferts réalisés de façon isolée
un rôle stabilisateur de l’articulation. Le reproche que ont été publiés par Vidil et Augereau, Resch et Gerber
l’on peut faire à ce transfert est que les caractéristiques [18,35,37]. Ils rapportent des résultats sur la force qui
biomécaniques du PM ne sont pas exactement identi- sont modestes, mais l’amélioration est essentiellement
ques à celles du sous-scapulaire. En effet, son insertion au niveau de la douleur et de la diminution de la sen-
à la face antérieure de la cage thoracique et son trajet sation d’instabilité. Il n’existe à ce jour aucune série
font qu’il ne peut pas avoir un rôle de stabilisation de la littérature rapportant les résultats de ce transfert
identique à celui du sous-scapulaire. Vidil et Augereau associé à une prothèse.
[37] ont proposé de ne prendre que la portion clavi- Pour nous, les indications de transfert du PM après
culaire du PM. Resch et Warner [35,39] ont proposé arthroplastie anatomique doivent être réservées aux rup-
de modifier la technique en passant le tendon à la face tures récentes du sous-scapulaire et doivent être consi-
profonde du coracobiceps afin de rapprocher le trans- dérées comme une solution de sauvetage. Si la rupture
fert du centre de rotation de l’articulation et d’aug- est ancienne, s’il existe une subluxation ou une luxation
menter ainsi le rôle stabilisateur. Ariane Gerber et antérieure prothétique fixée, la révision prothétique par
J.J. Warner ont, eux, proposé une technique associant une prothèse inversée est la seule solution permettant
un transfert du teres major et de la partie sternale du d’obtenir une articulation à la fois stable et mobile.
PM [17] dans le but de remplacer les deux portions du
sous-scapulaire. Les travaux biomécaniques réalisés
par cette équipe comparant les différentes modalités Prothèses inversées
du transfert du PM ont mis en évidence que les caracté- et transferts tendineux
ristiques biomécaniques du transfert combiné du teres
major et de la partie sternale du PM sont celles qui se La prothèse inversée, développée à partir du concept
rapprochent le plus de celles du sous-scapulaire. de Paul Grammont, a permis d’apporter une solution
aux arthropathies avec ruptures irréparables de la
coiffe des rotateurs (« cuff tear arthropathy ») [8,40].
Transfert du pectoralis major pour Elle redonne à la fois l’indolence et permet d’espérer
une restauration de l’élévation active. La fonction défi-
rupture irréparable du muscle ciente d’abduction du supraépineux est assurée par le
subscapulaire deltoïde, dont le moment d’action verticale est trans-
formé en moment d’abduction par la médialisation du
La voie d’abord est deltopectorale. Elle est élargie en centre de rotation de l’articulation et l’abaissement
distal pour visualiser la totalité de l’insertion humé- huméral [8,24].
rale du PM. Une excision des tissus cicatriciels à la Le transfert du PM peut aussi être associé à une pro-
face antérieure de l’articulation doit être réalisée. Le thèse inversée, lorsque celle-ci présente une instabilité
moignon tendineux est repéré et libéré de ses adhéren- antérieure. Si les résultats sur l’abduction des PTEI
ces. En cas de rupture récente, la réparation tendineuse sont bons, ce type de prothèse ne permet pas de restau-
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peut être tentée après libération extensive du tendon et rer la rotation externe active lorsque celle-ci est défi-
du corps musculaire. Le tendon du PM est détaché de ciente. On observe même une diminution habituelle de
son insertion humérale et le corps musculaire est libéré la rotation externe active après ce type d’arthroplas-
de ses adhérences sur 8 cm ; la face profonde du cora- tie. En cas d’atrophie des muscles rotateurs externes,
cobiceps est libérée et le nerf musculocutané est repéré. et notamment d’extension postérieure des lésions de
Le transfert est passé à la face profonde du coracobi- la coiffe à l’infraépineux et surtout au teres minor,
ceps et fixé au niveau du trochin par des points trans- les patients conservent un déficit de rotation externe
osseux ou à l’aide d’ancres appuyées sur la gouttière active malgré la restauration de l’élévation (figures 1A
du long biceps. La ténodèse de la longue portion du à 1E). Dans notre expérience, lorsque le teres minor est
biceps, si elle n’a pas été réalisée lors de la mise en absent ou atrophique, la fonction de rotateur externe
place de la prothèse, est fixée à ce niveau par les sutu- de la portion postérieure du deltoïde reste insuffisante
res après résection de la portion intra-articulaire du pour autoriser une rotation externe active [7,9].
tendon. L’immobilisation postopératoire se fait dans Bien que rare, la perte de la rotation externe active
une écharpe en rotation interne pendant 6 semaines. entraîne un handicap important dans les actes de la vie
434 Y. ROUSSANNE, P. BOILEAU
A B D
Figure 1. Exemple d’une patiente déçue après une prothèse inversée : en dépit du
bon positionnement de la prothèse sur les radiographies (A) et de la restauration
complète de l’élévation (B), la patiente est déçue à cause d’un signe du clairon
persistant (C) et par une incapacité à contrôler son bras dans l’espace. Elle pré-
sente une rotation externe coude au corps (RE1) négative (D). Le scanner préopé-
ratoire met en évidence une infiltration graisseuse sévère (stade 4 de Goutallier)
E du teres minor.
quotidienne : donner une poignée de main, se coiffer ou Nous avons décrit une technique de transfert des
s’habiller deviennent des gestes très difficiles et même muscles teres major et latissimus dorsi par voie del-
parfois impossibles à réaliser. Il existe une impossibi- topectorale unique [3,4,6] inspirée de la technique
lité pour le patient à contrôler la position du membre décrite en 1934 par L’Episcopo. Ce transfert, initia-
dans l’espace, qui a une tendance à la rotation interne lement proposé dans le traitement des séquelles de
automatique sous l’action de la gravité. Cliniquement, paralysies obstétricales du plexus brachial, était alors
un signe du clairon et un signe du portillon sont systé- réalisé par deux voies d’abord distinctes. Le principe
matiquement retrouvés. La rotation externe active est consiste à transformer le teres major et le latissimus
la rotation externe active [13]. Cette étude confirme négative associée à un « dropping sign », un signe du
que le transfert doit idéalement être fixé au niveau de portillon et un signe du clairon positifs. Ces symptô-
l’insertion du teres minor. mes cliniques, décrits par Walch [38], sont associés sur
les examens d’imagerie (arthroscanner et/ou IRM) à
une infiltration graisseuse de l’infraépineux et à une
Transfert combiné du latissimus absence ou atrophie du teres minor [15]. En pratique
dorsi et du teres major associé et d’après notre expérience, cela correspond à environ
à une arthroplastie inversée 1–10 % des cas d’indication de prothèse inversée [3].
L’intégration du transfert est longue, notamment
Le patient est installé en position semi-assise (« beach chez les patients âgés, mais nous n’avons pas, contrai-
chair position »). Le champage stérile laisse le bras rement à certains auteurs [17], fixé de limite d’âge
libre pendant toute l’intervention. La voie d’abord est pour la réalisation de cette procédure. Le patient doit
deltopectorale. Le tendon du PM est sectionné par- être capable de s’investir afin d’intégrer et de faire
tiellement à la jonction tendinomusculaire au niveau fonctionner le transfert et il doit également supporter
de sa moitié supérieure, afin de visualiser l’insertion l’immobilisation dans l’attelle d’abduction pendant
commune du teres major et du latissimus dorsi. Le les 6 semaines nécessaires à la cicatrisation (figure 3).
moignon tendineux restant inséré au niveau huméral Dans notre expérience, l’exclusion des patients âgés de
permet la réinsertion en fin d’intervention et le renfor- plus de 70 ans exclurait la plupart des personnes chez
cement de la fixation du transfert. qui ce transfert est indiqué. D’autre part, le bénéfice de
La longue portion du biceps est exposée à ce niveau ce transfert sur la rotation externe existe même lors-
et réfléchie latéralement afin de compléter l’exposition que le transfert n’agit pas de façon active par l’effet
des deux tendons. La ténodèse du biceps est effectuée ténodèse qui atténue la tendance à la rotation interne
au niveau de la gouttière sans ouvrir celle-ci. automatique de l’épaule. Les contre-indications sont
Le bord supérieur du tendon du latissimus dorsi donc relatives, car le geste de transfert ne rallonge
est situé immédiatement en dessous des vaisseaux que peu la durée d’intervention et il est effectué par
axillaires antérieurs et de la portion inférieure, la même voie d’abord. L’un des inconvénients est la
musculaire, du muscle sous-scapulaire. Le bord possible limitation de la rotation interne.
inférieur est visualisé à la partie distale de l’incision
grâce à la mise en place d’un écarteur à valve. Le
bras est mis en rotation externe maximale. Les ten- Transferts tendineux et
dons sont mis sur fils et détachés de leur insertion arthroplastie pour reconstruction
osseuse humérale. après résection tumorale
La libération du transfert est un temps important de
l’intervention pour obtenir une course tendineuse opti- Le traitement chirurgical des tumeurs osseuses primiti-
male. Elle est effectuée de proche en proche à l’aide ves ou secondaires de l’extrémité proximale de l’humé-
de tampons montés. Des adhérences au niveau de sa rus fait appel dans la majorité des cas à une résection
partie inférieure doivent être également levées délica- tumorale étendue qui comprend l’excision de la tota-
tement en contrôlant le nerf radial. Après libération, lité de la coiffe des rotateurs.
l’excursion du transfert est testée et doit permettre une La reconstruction est assurée par des prothèses de
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course d’au moins 4 cm (figure 2A). reconstruction de type inversé. Elles comprennent
La mise en place de la prothèse est classique. Le une tige longue sur laquelle il est possible de réin-
transfert est facilité par l’absence fréquente de coiffe sérer des tendons. Ici encore, le résultat fonctionnel
postérieure. Il est passé en arrière de la diaphyse humé- sur l’abduction est en général acceptable, mais il est
rale, à la face profonde du triceps qui n’est pas détaché grandement péjoré par l’impossibilité pour le patient
(figure 2B). Il est fixé bras en rotation neutre en lieu de mettre la main à la bouche et d’effectuer les gestes
et place du site d’insertion du teres minor, à la partie nécessitant une rotation externe active de l’épaule.
postérieure du trochiter, avant réduction des implants De la même façon que dans les lésions étendues de
(figure 2C). La fixation est assurée par des sutures la coiffe, nous pensons qu’un transfert du latissimus
transosseuses mises en place avant le scellement de dorsi et du teres major est une intervention qui permet
l’implant huméral définitif ainsi que des sutures pas- d’obtenir un gain fonctionnel important, ce d’autant
sant autour de la prothèse. que parfois les patients présentant ces tumeurs sont
Nous réservons cette indication aux patients pré- jeunes et actifs. Nous avons réalisé un transfert de
sentant en préopératoire une rotation externe active type L’Episcopo dans 3 cas avec succès [4] au cours
436 Y. ROUSSANNE, P. BOILEAU
A B
d’une chirurgie en un seul temps et par voie deltopec- long terme des prothèses. Les transferts tendineux
torale unique. peuvent, dans certains cas spécifiques de rupture du
La reconstruction après exérèse tumorale fait tendon du sous-scapulaire, permettre un sauvetage
aujourd’hui appel en priorité à l’utilisation de prothèses d’une prothèse anatomique à condition que la rupture
inversées avec des tiges longues, qui permettent d’espé- soit diagnostiquée avant que ne survienne l’excentra-
rer un résultat fonctionnel acceptable. Le bénéfice d’un tion prothétique. Dans les autres cas, le recours à une
transfert restaurant la rotation externe réalisé au cours arthroplastie inversée est préférable.
du même temps opératoire, par la même incision que En parallèle, l’expérience des prothèses inversées a
celle réalisée pour l’exérèse tumorale, est indéniable. montré qu’elles ne permettaient pas d’obtenir la satis-
faction des patients dans tous les cas. L’utilisation de
transfert permettant de restaurer une rotation externe
Conclusion active en cas d’extension postérieure des lésions de la
coiffe des rotateurs a permis de solutionner un pro-
Les progrès réalisés dans l’arthroplastie d’épaule l’ont blème qui était jusqu’alors non résolu.
été grâce au développement d’implants anatomiques, Ces techniques palliatives ne doivent pas nous faire
modulaires et adaptables, permettant d’approcher au oublier l’importance du diagnostic lésionnel préopé-
mieux la physiologie articulaire de l’épaule native. Ils ratoire, qui repose sur la clinique et l’imagerie, et doit
sont également le fruit de la compréhension de l’im- guider l’indication chirurgicale afin d’éviter la chirurgie
portance des structures musculaires dans la survie à itérative dont les résultats sont toujours plus incertains.
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A. DJAHANGIRI, C. GERBER
RÉSUMÉ SUMMARY
L’implantation d’une prothèse totale d’épaule inversée est indi- Reversed total shoulder arthroplasty (RTSA) is indicated for the
quée devant une épaule douloureuse, non fonctionnelle, avec une treatment of massive irreparable rotators cuff tears associa-
coiffe non reconstructible. L’indication était initialement réservée ted with glenohumeral osteoarthritis. The indication was ini-
à l’omarthrose excentrée du sujet âgé, mais elle a été progressive- tially reserved for elderly patients with cuff tear arthropathy.
ment élargie aux épaules pseudoparalytiques ainsi qu’aux fractures Progressively, the success of RTSA has led to extension of the
déplacées de l’humérus proximal du sujet très âgé et aux séquel- indication to shoulder pseudoparesis due to irrecoverable rotator
les des fractures. Elle peut également représenter une solution de cuff deficiency, to fractures of the proximal humerus, to fracture
sauvetage lors d’échec d’hémiarthroplastie ou de prothèse totale sequelae and to the salvage of failed hemi- or total shoulder
d’épaule. Grâce aux bons résultats rapportés à court et moyen arthroplasty. Due to the good short- and medium-term results
terme, l’engouement autour de cette prothèse grandit avec des reported in the literature, the use of RTSA is rapidly increasing.
indications opératoires de plus en plus élargies. Les taux de com- Yet, specialized centers for shoulder surgery report a complica-
plication rapportés par des centres de référence pour la chirurgie tion rate of between 6 and 50%. The most frequent complica-
d’épaule sont pourtant entre 6 et 50 %. Les complications les plus tions observed are infection, glenoid problems (loosening and
fréquentes sont les infections, les problèmes glénoïdiens (descelle- disassembly), instability and acromion fractures. Most of these
ment et désassemblage), les instabilités et les fractures de la voûte complications are related to problematic operative indication or
acromiale. La majorité des complications, surtout dans les prothèses suboptimal surgical technique. These complications often require
inversées de première intention, sont en relation avec une erreur revision surgery and have little impact on the final result if the
d’indication ou une faute de technique opératoire. Leur traitement prosthesis can be retained. Conversely, if the prosthesis has to
nécessite en règle générale une reprise chirurgicale. Au cas où la be removed, a flail arm is the inevitable consequence. Scapular
prothèse peut être retenue, le résultat fonctionnel n’est pas grave- notching, which has an incidence of up to 60%, is not included
ment compromis. En revanche, si l’ablation de la prothèse s’avère in this presentation. The occurrence of scapular notching has
nécessaire, il résulte un bras ballant non fonctionnel. Les encoches nevertheless a poor functional prognostic value. Most of compli-
scapulaires, dont le taux dépasse 60 %, ne sont pas comptabilisées cations and scapular notching could be prevented with a rigo-
parmi les complications. Elles représentent néanmoins un facteur rous operative indication and surgical technique.
de mauvais pronostic fonctionnel. Les complications, tout comme
les encoches scapulaires, peuvent, dans la grande majorité, être évi-
tées par une indication et une technique opératoire rigoureuses.
Mots clés : Rupture de coiffe irréparable. – Prothèse d’épaule Key words: Irreparable cuff tear. – Reversed shoulder arthroplasty.
inversée. – Complication. – Complication.
pratiquée compte tenu des bons résultats rapportés à antibiothérapie uniquement, 1 par changement de pro-
court et moyen terme [9,22]. L’indication opératoire thèse en deux temps avec mise en place d’espaceur en
est progressivement élargie aux épaules pseudopara- ciment, et 2 prothèses n’ont pu être conservées. Seule,
lytiques ainsi qu’aux fractures déplacées de l’humé- dans ces 2 derniers cas, la complication a eu un effet
rus proximal du sujet âgé, aux séquelles des fractures négatif sur le résultat fonctionnel final. Lors du sym-
et aux reprises des échecs d’hémiarthroplastie ou de posium de la SOFCOT 2006, Molé et al. relèvent que
prothèse totale d’épaule [11]. Il faut toutefois ne pas ce taux d’infection dans les arthroplasties inversées de
négliger le caractère technique de cette chirurgie qui l’épaule est probablement le plus élevé parmi toutes
peut être source de nombreuses complications. Le les prothèses articulaires [13]. Sur les 27 cas infectieux
taux de complication rapporté par des centres de réfé- (5,1 % d’un collectif de 527 excluant toute reprise de
rence pour la chirurgie d’épaule varie entre 6 et 50 % prothèse), seul un tiers des patients avaient des antécé-
[3,7,21,22]. Il faut toutefois préciser que ces taux, qui dents chirurgicaux témoignant du fait qu’un taux d’in-
paraissent importants, englobent des complications fection particulièrement inquiétant vaut aussi pour les
mineures ne péjorant pas le résultat fonctionnel final, prothèses inversées primaires.
ceci à condition de pouvoir retenir la prothèse [3]. Les facteurs susceptibles d’expliquer ce taux d’in-
Grâce à de meilleures compréhension et maîtrise de la fection élevé sont surtout l’espace mort sous-acromial
technique chirurgicale, ce taux de complications pré- créé par l’abaissement de l’humérus, mais peut-être
coces est néanmoins en constante diminution. Dans la aussi l’âge avancé des patients et la fréquence extra-
série la plus large, qui est la série multicentrique revue ordinaire d’infiltrations multiples qui peuvent précéder
pour le symposium sur les omarthroses excentrées de la la prothèse. Le germe le plus fréquemment incriminé
SOFCOT 2006, le taux de complication sans compter n’est ni le staphylocoque doré, ni le staphylocoque à
les encoches scapulaires était de 21,5 % avec un taux coagulase négative, mais le Propionibacterium acnes.
de reprise chirurgical de 13,6 % [13]. Ce dernier taux Le traitement conservateur par débridement chirur-
est également en amélioration en comparaison avec gical et antibiothérapie ne peut être efficace que lors
des séries publiées auparavant, qui rapportent des taux d’infection précoce (dans les 3 premiers mois). Un
compris entre 5 et 60 % [4,6,17,19,20]. Notre objectif changement prothétique en deux temps, avec mise en
est de revoir les complications les plus fréquentes après place d’un espaceur en ciment provisoire et antibio-
prothèse totale d’épaule inversée. Nous analyserons thérapie dirigée, est recommandé lors d’infections tar-
ensuite leurs étiologies dans le but de définir et préve- dives (figure 1). L’antibiothérapie doit pourtant être
nir les situations à risque de complications. d’une durée de 3 à 6 mois et les paramètres biologi-
ques de l’infection devraient être normalisés lors de
l’implantation de la prothèse définitive. Une infection
Complications prothétique traitée avec succès, suivie d’une implanta-
L’infection tion d’une nouvelle prothèse inversée, peut produire
un résultat fonctionnel comparable à celui d’une pro-
Il s’agit de la complication la plus redoutée et la plus thèse non infectée [22].
délétère. On relève des taux variables dans les séries
publiées entre 1,3 et 10,3 %. Sirveaux et al. [19] rap- Le descellement glénoïdien
portent 1 cas sur 77 (1,3 %) d’infection précoce chez
Figure 1. Traitement en deux temps d’une infection par mise en place d’un espaceur provisoire puis réimplantation de la prothèse.
cas, il s’agissait d’erreur technique : une glène a été symposium de la SOFCOT 2006 relève 4,1 % de des-
implantée avec un tilt supérieur et la quille centrale cellements glénoïdiens avec un recul moyen de 52 mois
d’une seconde n’a pas été ancrée dans la glène native en [13]. Après déduction des descellements septiques, ce
raison de la mise en place d’un greffon iliaque pour une taux est ramené à 3,4 %. Les facteurs de risque sont
usure osseuse postérieure glénoïdienne. Guery et al. [9] les patients jeunes et actifs, de sexe féminin, souvent
décrivent un cas de descellement, également sur erreur plus ostéoporotiques, et la voie d’abord supérieure qui
technique, sur un collectif de 60 patients et un recul est associée aux difficultés techniques à créer un tilt
moyen de 69 mois. Werner et al. [22] rapportent 3 cas inférieur de 10–15° de la métaglène. Il est intéressant
sur 58 (5,1 %) de descellement avec un recul moyen de relever que la plupart des descellements surviennent
de 38 mois. Tous ont été traités par conversion de la précocement (55 % des cas avant 2 ans) et que leur
prothèse en hémiarthroplastie. À plus large échelle, le étiologie est le plus souvent une erreur technique par
442 A. DJAHANGIRI, C. GERBER
tilt supérieur de la glène ou une erreur d’indication Une réduction fermée, sous anesthésie générale, est
opératoire par un stock osseux insuffisant et mauvaise tentée en tout premier lieu par une manœuvre de traction
tenue des vis. en flexion-rotation interne d’épaule. Il n’existe aucune
directive dans la littérature quant à la durée d’immobili-
sation après réduction, mais l’on recommande une attelle
L’instabilité d’abduction afin d’améliorer la coaptation prothétique.
La tentative de réduction fermée pouvant se solder par
Avec un taux compris entre 3,3 et 8,6 %, il s’agit d’une un échec, il faudra être prêt à convertir en réduction à
complication fréquente dont la prise en charge peut ciel ouvert. L’instabilité est plus fréquente dans les indi-
s’avérer difficile [9,22,5]. La direction de la luxation est cations plus complexes. Avant de décider d’un traite-
toujours antérieure ou antérolatérale et un traumatisme ment à ciel ouvert, il convient d’analyser précisément les
n’en est que rarement la cause. Leur survenue est le plus éventuels vices de position des implants. Une prothèse
souvent précoce (60 % survenus dans les 3 mois) et leur inversée correcte rallonge le membre supérieur (mesuré
taux de récidive est d’autant plus élevé que la luxation de l’acromion à l’épicondyle huméral) d’approximati-
est précoce. Il est rapporté 50 % de récidive dans les vement 2 cm. Tout raccourcissement doit être corrigé.
luxations précoces, c’est-à-dire dans les 3 mois suivant La stabilité optimale est obtenue avec une rétrotorsion
Figure 3. Luxation d’une prothèse inverse révisée chirurgicalement par remise sous tension des tissus.
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Les fractures de la voûte acromiale blement la mise sous tension du deltoïde sur une voûte
acromiale ostéoporotique et un bras de levier augmenté
Il est important de différencier les lésions de la voûte du deltoïde. Il s’agit souvent d’une « fracture de fati-
acromiale préopératoire acquises ou constitutionnelles gue », mais il n’est pas rare de retrouver un épisode
(mésoacromion) des fractures de la voûte acromiale traumatique. La survenue moyenne de cette complica-
acquise en postopératoire. De plus, les fractures de tion est rapportée entre 1 et 6,9 % [5,22]. Le traitement
l’acromion sont complètement différentes des factures chirurgical de la fracture de l’acromion est difficile et
de l’épine de l’omoplate. rarement indiqué : il donne de plus mauvais résultats
Dans le premier cas de figure, elles n’ont pas d’effet que le traitement conservateur (figure 4) [13,22]. La
sur le résultat fonctionnel final, et par conséquent, ne difficulté de l’ostéosynthèse de l’acromion est d’ailleurs
représentent ni une contre-indication à une prothèse bien illustrée par Rittmeister et al. [17], qui rapportent
inversée [14], ni une complication de l’intervention. un taux élevé de pseudarthrose acromiale après voie
Dans le deuxième cas de figure, l’étiologie est proba- transacromiale. Une ostéosynthèse de l’acromion est
444 A. DJAHANGIRI, C. GERBER
donc indiquée uniquement lorsque son tilt inférieur portées et ne sont pas toujours diagnostiquées lors de
entraîne un conflit sous-acromial. l’intervention. La survenue de cette complication en
Quant à la fracture de l’épine scapulaire, elle doit postopératoire pénalise le résultat fonctionnel final
être considérée comme une complication sévère, compte [13]. Le traitement conservateur est le traitement de
tenu de son importance pour la fonction du muscle del- premier choix. Son indication dépend de la stabilité de
toïde. Contrairement aux fractures d’acromion, le la fracture, du scellement de la prothèse et de la capa-
traitement conservateur des fractures de l’épine donne de cité du patient à supporter une immobilisation prolon-
mauvais résultats. Une ostéosynthèse est donc recom- gée. Si ces conditions ne sont pas réunies, une révision
mandée, même si son efficacité est difficile à prouver chirurgicale s’impose. La tige humérale sera changée
compte tenu du petit nombre de cas décrits dans la pour une plus longue en cas de descellement.
littérature [13,22].
Les complications neurologiques
Les hématomes Les lésions neurologiques sont essentiellement dues
L’espace mort sous-acromial créé par l’abaissement de aux mécanismes de traction. Il est rapporté un taux
l’humérus est propice à la collection d’hématomes après entre 1 et 2,2 % [3,22]. Les lésions les plus fréquentes
prothèse inversée. Il s’agit toujours d’une complication sont l’atteinte du nerf axillaire, l’atteinte du nerf mus-
précoce qui, fort heureusement, n’a pas d’effet sur le culocutané et les atteintes globales du plexus brachial.
résultat fonctionnel à moyen et long terme. Leur sur- Leur pronostic est bon avec une récupération sponta-
venue peut néanmoins nécessiter une aspiration, voire née complète dans plus de 80 % [13].
nouveaux systèmes, des défauts d’assemblage avec une 36,7 % lors de révisions. Dans cette étude également,
impaction incomplète de la glénosphère [12]. Si toute- seul 3,5 % des résultats fonctionnels à moyen terme
fois cette impaction incomplète est stable, elle n’a pas ont été négativement influencés par une complication.
d’influence sur le résultat final, et, par conséquent, ne En totalisant toutes les complications, y compris celles
nécessite pas de révision [21]. n’ayant pas d’influence sur le résultat final, on arrive à
la conclusion que seules les complications ne permet-
Le descellement huméral aseptique tant pas de retenir la prothèse ont un effet significatif
négatif sur le résultat fonctionnel final [13].
Le descellement prothétique est décrit comme une La principale cause de perte de prothèse est l’infection
mobilisation et/ou migration de la tige humérale. Wall prothétique non contrôlée. Le taux d’infection est éton-
et al. [21] décrivent 2 cas sur 191 (1 %) avec un recul namment comparable entre les prothèses primaires et les
moyen de 51 mois. Une reprise chirurgicale a été néces- révisions [13]. Ce taux, qui est particulièrement élevé,
saire dans 1 cas. Werner et al. [22] rapportent 1 cas sur est expliqué par l’âge des patients, l’espace mort sous-
58 (1,7 %) à 38 mois et Boileau et al. [3] également acromial et les infiltrations multiples préopératoires.
1 cas sur 60 (1,7 %) à 40 mois. Le descellement asepti- En sélectionnant avec rigueur les patients et les indica-
que survient souvent avant la 1re année et nécessite une tions opératoires, une diminution sensible de ce taux
révision. Le descellement tardif paraît mieux supporté est envisageable. Une ponction articulaire préopé-
et sans retentissement fonctionnel réel [13]. Il faut ratoire est, par conséquent, impérative chez tout
toutefois se rendre compte que le centre de rotation de patient suspect et il faut évoquer de faire des biopsies
la prothèse inversée est très loin de la tige, imposant tissulaires avant d’instaurer l’antibioprophylaxie dans
un long bras de levier, et qu’en plus, la fixation méta- des cas de chirurgie de deuxième intention. Les compli-
physaire de l’implant, surtout dans les reprises, peut cations glénoïdiennes (descellement et désassemblage)
être absente, de telle sorte que des forces considérables sont la deuxième cause de perte de prothèse. Dans
doivent être absorbées par une interface tige-humérus ces cas de figure également, une indication opératoire
(trop) courte. Il faut donc s’attendre dans le futur à (stock osseux glénoïdien suffisant et bonne tenue des
voir des descellements huméraux qui nécessiteront des vis) et une technique chirurgicale rigoureuse (tilt infé-
reprises chirurgicales. rieur de 10–15° de la métaglène) permettraient d’éviter
un bon nombre de descellements glénoïdiens précoces.
Autres complications Les complications humérales sont plus rares (fractu-
res et descellements) et n’aboutissent, en général, pas
D’autres complications plus rares peuvent survenir, à la perte de la prothèse mais à une révision de la tige
comme la luxation de l’insert en polyéthylène [22], humérale tout au plus.
toutes les complications inhérentes aux voies d’abord L’encoche scapulaire pourrait être considérée comme
(fracture de la clavicule après voie supérieure, arthro- une complication mais a souvent été étudiée à part. Il
pathie acromioclaviculaire après voie deltopectorale, a déjà été démontré que l’encoche peut être respon-
pseudarthrose acromiale après voie transacromiale) sable de la formation de débris de polyéthylène et
[13]. La thrombose veineuse profonde du membre d’une inflammation chronique pouvant aboutir à une
supérieur, voire la thromboembolie, ont été décrites ostéolyse au contact de la métaglène [16]. Simovitch
mais sont rarissimes. et al. [18] ont démontré l’effet négatif de l’encoche
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62 % d’encoche, preuve que le problème n’est pas trée, mais également dans toutes les pathologies avec
totalement résolu [10,18]. Cuff et al. [5] ont tenté de rupture irréparable de la coiffe des rotateurs de la
le résoudre en latéralisant le centre de rotation. Ils ne personne âgée. L’engouement face à cette prothèse ne
rapportent pratiquement aucun cas d’encoche, mais doit toutefois pas faire oublier le caractère technique
observent une augmentation des contraintes sur le et demandant de cette intervention, source de com-
scellement de la métaglène. L’effet de cette contrainte plications. Une meilleure compréhension des problè-
sur le descellement reste toutefois à démontrer à moyen mes a permis de baisser significativement ce taux, qui
et long terme. reste toutefois élevé. Les complications tout comme les
Grâce aux progrès réalisés et aux bons résultats rap- encoches scapulaires peuvent, dans la grande majorité,
portés, la prothèse d’épaule inversée est devenue le être évitées par une indication opératoire et une tech-
traitement de choix dans les cas d’omarthrose excen- nique chirurgicale rigoureuses.
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Prothèse d’épaule :
passé, présent et futur
Shoulder arthroplasty: past,
present and future
P. BOILEAU, G. WALCH
RÉSUMÉ SUMMARY
Les chirurgiens disposent aujourd’hui de prothèses d’épaule Today surgeons have at their disposal a variety of shoulder
variées et diverses, adaptées aux différentes pathologies ren- prostheses adapted to the different pathologies encountered.
contrées. Lorsque la coiffe des rotateurs est conservée, l’objectif When the rotator cuff is intact, the goal is to restore the bony
est de restaurer l’anatomie osseuse, en repositionnant le centre anatomy by repositioning the center of rotation of the hume-
de rotation humérale en position native et en évitant de dépla- rus in its original position and avoiding any displacement of the
cer l’interligne articulaire gléno-humérale. Les prothèses totales gleno-humeral joint offset. Non constrained anatomical pros-
d’épaule, dites anatomiques sont celles qui répondent au mieux theses are those which reply best to these requirements. Humeral
à ce contrat. Les prothèses de resurfaçage huméral permettent head resurfacing prostheses also permit to place the humeral
également de replacer le centre de rotation huméral en position rotation center in its original position, but they do not allow the
native ; en revanche, elles ne permettent pas de resurfacer la resurfacing of the glenoid. Fracture prostheses are low profile
glène. Les prothèses fractures sont des prothèses dont l’encom- implants which allow the correct positioning of tuberosities and
brement proximal a été réduit afin de permettre un positionne- the addition of a bone graft. Reverse prostheses, by medializing
ment correct des tubérosités et d’y associer une greffe osseuse. the center of rotation and lowering the humerus, render possible
Les prothèses inversées, en médialisant le centre de rotation et for the deltoid alone to provide the active elevation of the arm
en abaissant l’humérus, permettent au seul deltoïde d’assurer despite rotator cuff deficiency. While the non cemented glenoid
l’élévation active du bras malgré l’absence ou la déficience de la of reverse prostheses stays well fixed due to compression for-
coiffe des rotateurs. Alors que la glène non cimentée des prothè- ces, glenoid resurfacing implants, whether cemented or not, are
ses inversées reste bien fixée du fait de forces de compression, la exposed to shearing forces which are detrimental to its fixation.
glène, cimentée ou non, des prothèse anatomiques est soumise à Current works are directed towards the improvement of the fixa-
des contraintes en cisaillement fortement néfaste à sa fixation. tion of anatomical glenoid implants and towards the search of
Les travaux actuels sont tournés vers l’amélioration de la fixa- new friction surfaces. The development of universal implants
tion des implants glénoïdiens anatomiques et vers la recherche de (anatomical and reverse), as well as the improvement of implant
nouveaux couples de frottement. Le développement d’implants positioning by way of robotics and navigation are the current big
universels (anatomiques et inversés), ainsi que l’amélioration du projects and the source of progress in a near future.
positionnement des implants grâce à la robotique et à la naviga-
tion sont les grands chantiers actuels, source de progrès dans un
futur proche.
totale d’épaule non contrainte. Le traitement prothéti- rentes épaisseurs pour le même diamètre, les chirurgiens
que des pathologies dégénératives et inflammatoires a pu avaient souvent tendance à implanter des têtes prothé-
alors véritablement débuter. C’est Neer qui, le premier, tiques trop volumineuses. Des études anatomiques ont
a montré qu’une prothèse non contrainte ne pouvait montré depuis qu’il existe une relation linéaire entre
fonctionner qu’en présence d’une coiffe des rotateurs l’épaisseur et le diamètre de la tête humérale, de telle
fonctionnelle et qu’il fallait être méticuleux dans sa pré- façon qu’à un diamètre correspond une seule épaisseur,
servation et sa réparation. C’est lui aussi qui a montré sauf pour les larges têtes, au-delà de 50 mm de diamètre.
que la voie d’abord deltopectorale était atraumatique et Pearl a montré que l’implantation de ces prothèses dites
que la rééducation était au moins aussi importante pour de deuxième génération aboutissait souvent à déplacer
obtenir une récupération fonctionnelle optimale. Après le centre de rotation huméral. Ainsi, en dépit de leur
cette époque des pionniers, est survenue une seconde modularité, ces prothèses modulaires n’ont pas permis
époque au cours de laquelle les chirurgiens ont essayé de reproduire l’anatomie de l’humérus proximal et ont
d’améliorer l’implant original proposé par Neer : dans même créé de nouveaux problèmes (rupture du sous-
les années 1980 sont apparues les prothèses modulai- scapulaire et/ou de la coiffe postérosupérieure, érosion
res, dont l’objectif était de proposer différentes tailles de glénoïdienne) qui n’avaient pas été rencontrés avec la
tête et de tiges prothétiques afin de mieux répondre aux prothèse de Neer. Il a clairement été démontré que les
variations de taille rencontrées chez les patients. C’est têtes prothétiques trop volumineuses ou mal position-
dans les années 1990, à la suite de la prothèse Aequalis®, nées sont préjudiciables sur le plan biomécanique, car
que sont apparues les prothèses dites de troisième géné- elles limitent la mobilité glénohumérale et entraînent
ration, à la fois modulaires et adaptables à l’anatomie de une surtension de la coiffe supérieure entraînant des
chaque patient. Il s’agissait véritablement des premières ruptures de la coiffe supérieure et/ou du sous-scapulaire
prothèses anatomiques. Les prothèses de resurfaçage ont réparé. De plus, elles aggravent l’usure du cartilage en
été remises au goût du jour à la fin des années 1990 avec cas d’hémiarthroplastie et du polyéthylène en cas de
le même objectif, tout en s’affranchissant des contraintes prothèse totale et peuvent aussi aboutir à des instabili-
chirurgicales imposées par la présence d’une tige humé- tés antérieures par rupture du sous-scapulaire.
rale. Dans le même temps sont apparues les prothèses Au début des années 1990, les travaux anatomiques
fractures, implants spécifiquement conçus pour permet- de Boileau et Walch ont montré que la géométrie de
tre le positionnement et la consolidation des tubérosi- l’humérus proximal était complexe et que l’inclinaison
tés dans les fractures de l’humérus proximal. Enfin, à la et la rétroversion de la surface articulaire de l’humérus
suite des travaux de Paul Grammont, la première pro- étaient très variables selon les individus et même d’un
thèse totale d’épaule inversée a pu voir le jour et a connu côté à l’autre chez un même individu. Ces travaux ont
un succès important en apportant une solution pour les aussi montré que la surface articulaire de l’humérus pré-
épaules à coiffe déficiente ou détruite. sentait un double déport médial et postérieur (ou déport
combiné) par rapport à l’axe intramédullaire proximal.
Ni les prothèses monoblocs de type Neer, ni les prothè-
Prothèses anatomiques ses modulaires ne pouvaient reproduire cette géométrie
complexe de l’humérus proximal, d’autant plus que les
Neer avait la conviction que les implants d’épaule pou- chirurgiens les implantaient le plus souvent sans ciment,
vant reproduire au mieux l’anatomie normale de l’hu- donc sans possibilité de « jouer » avec la position de
de la surface articulaire, ce type de prothèse permet de L’infiltration graisseuse des muscles de la coiffe des
repositionner très précisément le centre de rotation en rotateurs a un impact direct sur les résultats des prothè-
position native et ainsi de restaurer la physiologie nor- ses d’épaule. Une infiltration sévère de l’infraspinatus
male de l’articulation glénohumérale. À la suite de ces (Goutallier stade 3 ou 4) est associée à une diminution
travaux, d’autres prothèses anatomiques ont vu le jour significative du résultat fonctionnel dans l’omarthrose.
entre-temps et ont permis, 50 ans plus tard, d’exaucer La déformation et l’usure de la glène ont été classées
le vœu de Charles Neer. Ces prothèses anatomiques à en trois types par Walch. Il a été montré que les résul-
tige peuvent être implantées avec ou sans ciment, selon tats fonctionnels sont significativement moins bons en
la préférence des chirurgiens. cas de glène dysplasique (glène de type C) et que le
taux de complications et de réintervention sont signi-
ficativement plus importants en cas d’usure biconcave
Facteurs pronostiques de la glène avec subluxation postérieure de l’humérus
des prothèses anatomiques (glène de type B2). L’évaluation de l’usure glénoïdienne
et de l’infiltration graisseuse musculaire grâce à un
Les résultats des prothèses anatomiques dans la plu- scanner en préopératoire est donc fondamentale.
part des pathologies dégénératives et inflammatoires de La technique chirurgicale et l’expérience du chirur-
l’épaule sont bons ou excellents et ont confirmé le bien- gien sont également des facteurs pronostiques impor-
fondé de ce concept de « prothèse anatomique ». Plusieurs tants. La majorité des chirurgiens réalisaient moins
études cliniques ont permis de mettre en évidence un cer- de 5 à 10 prothèses d’épaule par an. Il a clairement
tain nombre de facteurs pronostiques pouvant influen- été montré que les résultats fonctionnels, le taux de
cer le résultat des prothèses d’épaule anatomiques. complications et de révision sont nettement meilleurs
Le type de pathologie pour lequel une prothèse est pour les chirurgiens qui réalisent un volume annuel
implantée est bien sûr un facteur pronostique impor- important de chirurgie prothétique de l’épaule. Un
tant. Les meilleurs résultats des prothèses d’épaule ana- chirurgien non expérimenté aura tendance à poser
tomiques sont observés dans l’omarthrose primitive une hémiarthroplastie tandis qu’un chirurgien expéri-
et dans les nécroses ; ils sont significativement moins menté n’aura pas d’état d’âme à implanter une pro-
bons dans l’arthrite rhumatoïde et dans les omarthroses thèse totale dont on sait que les résultats fonctionnels
à coiffe détruite (« cuff tear arthropathy »). Ils sont sont meilleurs. Le déplacement du centre de rotation,
franchement mauvais dans les fractures aiguës et leurs du fait d’une technique ou d’un implant inadapté, peut
séquelles. L’omarthrose primitive, dite centrée, consti- entraîner un fonctionnement anormal des muscles
tue l’indication de choix des prothèses anatomiques. abducteurs et changer le bras de levier de l’articula-
La présence d’une rupture de la coiffe des rotateurs tion glénohumérale. Nyffeler et al. ont montré que si
dans l’omarthrose primitive est rare dans notre expé- le centre de la tête se trouve trop haut (prothèse trop
rience multicentrique (7 % de ruptures partielles et haute ou trop perchée), les muscles subscapularis et
7 % de ruptures transfixiantes). La réparation de ce infraspinatus deviennent des muscles adducteurs au
type de lésions dégénératives de la coiffe des rotateurs lieu d’être des muscles abducteurs, augmentant les
ne modifie en rien le résultat fonctionnel. Elles peuvent contraintes sur le muscle supraspinatus. De la même
donc être négligées et aucune acromioplastie ne doit façon, le changement de la rétroversion peut entraîner
être réalisée sous peine de déstabiliser l’articulation des contraintes asymétriques sur les implants glénoï-
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Prothèses de resurfaçage huméral des usures précoces avec débris de polyéthylène et ostéo-
lyse majeure aboutissant au descellement prothétique,
À la suite des travaux de Copeland, la prothèse de obligeant à la révision chirurgicale des patients. Dans le
resurfaçage a connu un développement important ces futur, on peut penser que d’autres matériaux seront tes-
dernières années. La prothèse Mark™ II (Biomet) est tés, en particulier les couples de frottement métal-métal,
utilisée depuis 1990. Il a été montré que ce type de ou céramique-céramique, comme au niveau de la hanche
prothèse donne des résultats équivalents aux prothèses ou du genou. L’utilisation du pyrocarbone est également
avec tige, avec un taux de révision de 8 % à 10 ans. une possibilité pour le futur.
Ces prothèses de resurfaçage sont implantées sans Quille ou plots ? Bien que les études biomécaniques
ciment et l’implant comporte une surface recouverte soient en faveur des plots, aucune étude clinique n’a
d’hydroxyapatite qui permet une adhésion osseuse démontré la supériorité des implants glénoïdiens à
secondaire. Les contre-indications de ce type d’im- plots par rapport aux implants à quille.
plant sont l’absence de tête humérale, comme dans les Implant à surface convexe ou plate ? Il est mainte-
nécroses avasculaires, et/ou une distorsion de l’ana- nant bien établi qu’un implant convexe donne un taux
tomie trop importante, comme dans les séquelles de de liserés et de descellements moins important qu’un
fracture. L’autre inconvénient essentiel des prothèses implant plat pour les prothèses non contraintes.
de resurfaçage huméral est qu’elles ne permettent pas, Quel rayon de courbure entre la glène et la tête humé-
ou difficilement, un resurfaçage de la glène : le volume rale ? Une différence de rayon de courbure de 5–6 mm
restant de la tête humérale ne permet pas de s’exposer apparaît comme la plus favorable, se traduisant par un
correctement pour resurfacer la glène. Copeland, dans taux de liseré glénoïdien minime.
ce cas, recommande une technique d’avivement et de Glène cimentée ou sans ciment ? Dès 1986, Cofield
perforations de la surface glénoïdienne. a été l’un des pionniers des prothèses d’épaule sans
ciment. Il est maintenant clairement établi que les pro-
thèses métal-back sans ciment aboutissent à une usure
Prothèse de resurfaçage précoce du polyéthylène avec des descellements pro-
de la glène thétiques ou des disassociations du polyéthylène de
l’embase métallique. L’usure rapide du polyéthylène
La première prothèse de resurfaçage de la glène, proposée dans les implants métal-back est la conséquence d’au
par Neer en 1972, était en polyéthylène avec une surface moins quatre facteurs plus ou moins associés :
rectangulaire concave et une quille triangulaire destinée – insuffisance d’épaisseur du polyéthylène ;
à être cimentée. Bien qu’il soit maintenant admis que le – rigidité due au métal-back qui augmente l’usure du
résultat fonctionnel des prothèses totales est supérieur à polyéthylène ;
celui des hémiarthroplasties, la présence et la progres- – épaisseur excessive de l’implant glénoïdien qui ne
sion de liserés radiologiques au niveau de l’implant glé- permet pas une laxité articulaire suffisante ;
noïdien restent une préoccupation. La fréquence de ces – récidive possible de la subluxation postérieure malgré
liserés glénoïdiens varie entre 30 et 100 % et augmente la réorientation de la surface articulaire qui entraîne
avec le temps. Heureusement, cette découverte radiolo- une usure asymétrique (postérieure) du polyéthylène.
gique banale n’est pas corrélée avec la nécessité d’une Amélioration de la technique d’implantation et de
révision chirurgicale qui reste faible. Les résultats à long fixation des implants glénoïdiens ? Il est maintenant
polyéthylène cimentée avec une surface concave reste huméral, une petite cupule avec une inclinaison non
le meilleur choix. Une différence de rayon de courbure anatomique de 155°, ne couvrant que partiellement la
optimale de 5–6 mm entre l’implant glénoïdien et l’im- glénosphère. Ce dessin original permet de médialiser le
plant huméral représente le meilleur compromis pour centre de rotation, d’abaisser l’humérus, de stabiliser
éviter les liserés et les descellements glénoïdiens. l’articulation et de diminuer les contraintes sur l’im-
Quoi qu’il en soit, il est maintenant clairement plant glénoïdien. La prothèse inversée, en modifiant
démontré que les prothèses totales d’épaule permettent l’environnement biomécanique de l’épaule, permet au
d’obtenir un excellent résultat fonctionnel sur la dou- deltoïde de redonner une élévation active malgré l’ab-
leur, la mobilité et la force dans les différentes patho- sence des muscles de la coiffe des rotateurs.
logies dégénératives et inflammatoires de l’épaule. Une L’expérience clinique a confirmé le bien-fondé de ce
hémiarthroplastie n’est donc indiquée que dans des concept biomécanique qui permet de restaurer une élé-
circonstances particulières : vation active au-delà de l’horizontale chez des patients
– lorsque la surface glénoïdienne est totalement intacte, présentant une épaule à coiffe déficiente ou absente.
comme dans les fractures de l’humérus proximal ou Les rotations externe et interne demeurent malheureu-
dans les stades précoces de nécrose avasculaire ; sement limitées après prothèse d’épaule inversée et elles
– lorsque l’implant glénoïdien ne peut pas être inséré pour peuvent même être diminuées. Ce manque de rotation
des raisons techniques, en particulier en cas de dysplasie est dû en grande partie à la médialisation du centre de
de glène, et qu’une greffe osseuse n’est pas techniquement rotation et de l’humérus, qui entraîne un conflit glénoï-
possible, ou dans les cas évolués d’arthrite rhumatoïde, dien antérieur et postérieur, limitant la rotation de la
quand il y a une perte osseuse importante et une rétrac- cupule humérale autour de la glénosphère. Cette média-
tion concentrique des tissus mous périarticulaires ; lisation détend aussi les muscles de la coiffe restante,
– lorsque le risque d’usure et de descellement glénoï- les rendant moins efficaces, et limite les possibilités du
dien est important, en particulier chez le sujet jeune et deltoïde postérieur et antérieur. L’encoche du pilier de
actif qui présente une omarthrose. la scapula est également la conséquence de cette média-
Dans ce groupe, l’hémiarthroplastie évite les problè- lisation de l’épaule. La prothèse de Grammont est sus-
mes éventuels observés avec le polyéthylène. Copeland ceptible de présenter des complications, telles qu’une
recommande le forage et la perforation de la surface instabilité prothétique qui peut résulter d’une tension
articulaire pour encourager la formation d’un néo-fibro- insuffisante du deltoïde et d’un conflit médial ; elle est
cartilage. Le resurfaçage biologique de la glène, à l’aide aussi facilitée par la médialisation de l’humérus et le
d’une membrane d’interposition (capsule articulaire, fas- relâchement des muscles restants de la coiffe des rota-
cia lata, allogreffes méniscales ou Graftjacket®), tel qu’il teurs. L’implant huméral peut également être l’objet de
a été proposé par Burkhead, est une autre option théra- complications du fait d’un enfoncement, d’une rotation
peutique chez les patients jeunes pour lesquels un implant ou d’une ostéolyse, ou encore d’une fracture postopé-
glénoïdien ne peut pas être utilisé ou s’avère risqué. ratoire. Cependant, les descellements glénoïdiens sont
rares, pour ne pas dire exceptionnels, et sont presque
toujours la conséquence d’erreurs techniques. Le pla-
Prothèses totales d’épaule cement très inférieur de la glénosphère et/ou la latéra-
inversées lisation par autogreffe osseuse permettent d’éviter les
encoches scapulaires par conflit médial.
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Les arthropathies secondaires à des destructions mas- Malgré quelques complications possibles, la prothèse
sives et irréparables de la coiffe des rotateurs s’accom- inversée permet d’offrir une véritable solution à des
pagnent d’épaules douloureuses et pseudoparalytiques situations cliniques pour lesquelles les options théra-
pour lesquelles les prothèses non contraintes ne per- peutiques étaient très limitées ou inexistantes au préa-
mettent pas d’obtenir de bons résultats fonctionnels. lable. C’est le cas des arthroses avec rupture massive et
Alors que les prothèses contraintes proposées dans irréparable de la coiffe des rotateurs, des séquelles de
les années 1970–1980 ont toutes échoué, la prothèse fractures, des tumeurs et des révisions après échec de
inversée de Paul Grammont a changé la donne en prothèses non contraintes. En cas de perte définitive
permettant de restaurer l’élévation active de patients de la rotation externe, du fait d’une atrophie ou d’une
qui ne présentaient plus de coiffe des rotateurs. infiltration graisseuse irréversible, il est possible de réa-
Grammont a introduit deux innovations majeures qui liser un transfert musculotendineux du grand dorsal ou
ont permis le succès de la prothèse inversée : 1) du côté du grand dorsal et du grand rond (L’Episcopo modifié)
glénoïdien, un large hémisphère sans col ; 2) du côté en même temps que la prothèse inversée.
454 P. BOILEAU, G. WALCH
Prothèses fractures montré que ce type d’implant donne des résultats supé-
rieurs en termes d’élévation active, mais que les rotations
Depuis que Neer a rapporté, en 1970, ses résultats des demeuraient limitées. Afin d’améliorer les résultats sur les
prothèses d’épaule pour fractures, ce traitement chirur- rotations, il est capital de réinsérer les tubérosités autour
gical est indiqué dans les fractures à quatre fragments de la prothèse et d’obtenir la consolidation. Il existe
déplacées, luxées, ou avec séparation de la tête humé- aujourd’hui des prothèses d’épaule inversées fractures
rale. Malgré tout, les résultats fonctionnels des prothèses dont le dessin a été revu pour laisser plus de place pour le
non contraintes pour fractures ont été décevants, voire positionnent et la consolidation des tubérosités. Ce type
mauvais : aux États-Unis comme en Europe, les chirur- d’implant permet, là aussi, de réaliser une greffe osseuse
giens n’ont pas été capables de reproduire les résultats en même temps que l’ostéosynthèse des tubérosités.
rapportés par Neer dans les prothèses pour fractures.
La malposition initiale du trochiter, sa migration Conclusion
postérieure et/ou son absence de consolidation consti-
tuent les complications majeures expliquant l’échec de Plus d’un siècle après la prothèse d’épaule de Péan,
ces prothèses pour fractures. La migration du trochi- et plus de 50 ans après les innovations apportées par
ter, son absence de consolidation ou sa consolidation Neer, l’évolution des prothèses d’épaule a été impor-
en position vicieuse sont l’équivalent d’une rupture tante, permettant aujourd’hui de traiter l’ensemble
massive de la coiffe des rotateurs intéressant trois ten- des pathologies dégénératives, inflammatoires, trau-
dons et muscles majeurs de l’épaule : le supraspinatus, matiques ou tumorales de l’épaule avec des résultats
l’infraspinatus et le teres minor. Dans ces conditions, fiables et reproductibles. D’une part, lorsque la coiffe
la balance musculaire de l’épaule est rompue et il n’est des rotateurs est intacte, on est capable de reproduire
pas possible d’obtenir une élévation active du bras. avec précision l’anatomie normale de l’épaule en
Il s’agit d’une intervention difficile, pour laquelle le ayant recours à des implants sophistiqués, à la fois
chirurgien n’a plus de repères pour positionner la pro- modulaires et adaptables ou grâce à des implants
thèse en hauteur et en rétroversion. de resurfaçage. D’autre part, on sait aussi s’éloigner
Les progrès obtenus au niveau des prothèses pour totalement de l’anatomie et inverser la physiologie de
fracture sont venus de quatre directions différentes : l’épaule afin de permettre à des patients de relever le
– modification du dessin de l’implant huméral. L’excès bras malgré une coiffe des rotateurs absente ou non
de métal a été reconnu comme responsable de l’ab- fonctionnelle. Les fractures de l’humérus proximal,
sence de consolidation des tubérosités. Il a donc été qui restent l’une des pathologies des plus difficiles
conçu des prothèses médialisées permettant d’incorpo- à traiter en chirurgie de l’épaule, peuvent bénéficier
rer des greffons osseux et ainsi d’espérer une meilleure d’implants spécifiques (contraints ou non contraints).
consolidation osseuse des tubérosités ; Le maillon faible des prothèses d’épaule reste l’im-
– utilisation d’instrumentation pour améliorer le posi- plant glénoïdien des prothèses anatomiques, dont la
tionnement en hauteur et en rétroversion des implants fixation demeure précaire du fait de contraintes en
huméraux dans les fractures ; cisaillement importantes. D’autres travaux seront
– amélioration et simplification de la technique d’os- nécessaires pour permettre d’améliorer la fixation des
téosuture des tubérosités ; implants glénoïdiens. L’évolution va se faire également
– ralentissement des protocoles de rééducation post- vers le développement d’implants universels (anato-