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PROTHÈSES D’ÉPAULE.

ÉTAT ACTUEL
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BUREAU DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE


ET TRAUMATOLOGIQUE (SOFCOT 2008)
Président de la SOFCOT. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jean PUGET
Premier vice-président SOFCOT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Laurent SEDEL
Deuxième vice-président SOFCOT . . . . . . . . . . . . . . . . . Gérard BOLLINI
Ancien président : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bernard TOMENO
Secrétaire général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Christian GARREAU DE LOUBRESSE
Secrétaire général adjoint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Alain SAUTET
Trésorier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Philippe LANDREAU
Trésorier adjoint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Alain BLAMOUTIER
Membres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Philippe BEAUFILS, Jean-Luc CLÉMENT,
Christian DELLOYE, Jean NORTH, Guy PIETU

Représentants de l’AOT (Académie d’orthopédie traumatologie) :


Président de l’Académie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Denis HUTEN
Premier Vice-président de l’Académie . . . . . . . . . . . . . . Yves CATONNÉ
Deuxième Vice-président de l’Académie . . . . . . . . . . . . . Jacques CATON

Représentants du CFCOT (Collège Français des chirurgiens orthopédistes et traumatologues) :


Président du CFCOT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dominique CHAUVEAUX
Secrétaire général du CFCOT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Christophe GLORION

Représentants du SNCO (Syndicat National des chirurgiens orthopédistes) :


Président du SNCO . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Patrice PAPIN

CAHIERS D’ENSEIGNEMENT DE LA SOFCOT


Comité de rédaction
Rédacteur en chef . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Jacques DUPARC
Secrétaires de rédaction
Orthopédie pédiatrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Rémi KOHLER
Orthopédie de l’adulte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Denis HUTEN
Secrétaire général de la Sofcot. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Christian GARREAU DE LOUBRESSE
Comité de lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bernard AUGEREAU, Paul BONNEVIALE,
Philippe BURDIN, Jean-Michel CLAVERT, Jérôme
COTTALORDA, Jean-Pierre COURPIED, Bruno DOHIN,
Joaquin FENOLLOSA, Christophe GLORION,
Cécile JEANROT, Thierry JUDET, André KAELIN,
Frantz LANGLAIS†, Roger LEMAIRE, Pierre MARY,
Emmanuel MASMEJEAN, Philippe NEYRET, Jacques-
Yves NORDIN, Hervé OLIVIER, Michel POSTEL,
Raphael SERINGE,
Jean-Michel THOMINE, Bernard TOMENO,
Éric VANDENBUSSCHE, Jean-Marc VITAL
Cahiers d’enseignement de la SOFCOT
Collection dirigée par J. DUPARC

PROTHÈSES D’ÉPAULE.
ÉTAT ACTUEL
Sous la direction de

Pascal BOILEAU et Gilles WALCH

Avec la collaboration de

S. AUDEBERT, G. BACLE, F. BALG, F. BAQUE, D. BELLAN, Y. BELLUMORE, J. BERHOUET,


R.T. BICKNELL, N. BONNEVIALLE, N. BRASSART, M. CARLES, H. CHIAVASSA-GANDOIS,
A. CIKES, P. CLAVERT, S. COPELAND, J.-S. COSTE, A. DENIS, C. DEZALY, A. DJAHANGIRI,
L. DOURSOUNIAN, C. DUMONTIER, L. FAVARD, J. FOURNIER, O. GAGEY, D. GAZIELLY,
C. GERBER, A. GODENÈCHE, J.-F. GONZALEZ, P. HARDY, D. HUGUET, D. HUTEN,
N. JACQUOT, F. JOUVE, D. KATZ, J.-F. KEMPF, A. KILINC, C. LÉVIGNE, O. LEVY,
J.-P. LIOTARD, O. LOUSTAU, M. MANSAT, P. MANSAT, J. MATSOUKIS, C. MAYNOU,
B. MÉLIS, H. MESTDAGH, G. MOINEAU, D. MOLÉ, V. MOLINA, P. MOREEL, A. MULLIEZ,
S. NAUDI, G. NAVEZ, L. NEYTON, G. NOURISSAT, L. NOVÉ-JOSSERAND, D. OUDET,
A. PADEY, C. PELEGRI, É. PETROFF, J.-M. PHILIPPEAU, H. QUINTARD, J.-J. RAILHAC,
O. ROCHE, Y. ROUSSANNE, N. SANS, P. SAUZIERES, F. SIRVEAUX, M. SOUBEYRAND,
I. SZABO, O. TOUCHARD, C. TROJANI, P. VALENTI, M. WINTER
Cahiers d’enseignement de la SOFCOT
Collection dirigée par Jacques Duparc

Prothèses d’épaule. État actuel

Coordinateurs :
Pascal BOILEAU
Professeur des universités, praticien hospitalier, chirurgien orthopédiste
et traumatologique, chef de service à Nice

Gilles WALCH
Chirurgien orthopédiste et traumatologique à Lyon

Prothèses d’épaule. État actuel


Responsable éditoriale : Marie José Rouquette
Secrétaire de rédaction : Évelyne Lambert
Editeur : Nathalie Humblot
Chef de projet : Françoise Méthiviez
Conception graphique et maquette de couverture : Véronique Lentaigne

© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex
http://www.elsevier-masson.fr/

L’éditeur ne pourra être tenu pour responsable de tout incident ou accident, tant aux personnes qu’aux biens, qui pourrait
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the publisher.

Photocomposition : SPI Publisher Services, Pondichéry, Inde ISBN : 978-2-84299-935-3


Imprimé aux Pays-Bas par Wilco, Vanadiumweg 9, 3812 PX Amersfoort, Holland ISSN : 0338-3849
Dépôt légal : novembre 2008
Liste des auteurs

AUDEBERT Stéphane BERHOUET Julien


Ancien chef de clinique assistant des hôpitaux Interne des hôpitaux
de Lille, chirurgien orthopédiste et traumatologique Service de chirurgie orthopédique et traumatologique 2
Clinique du Cambraisis CHU Tours-Hôpital Trousseau
102, boulevard Faidherbe Route de Loches
59400 Cambrai, France 37044 Tours, France

BACLE Guillaume BICKNELL Ryan T.


Interne des hôpitaux Praticien hospitalier, chirurgien orthopédiste
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique 2 et traumatologique
CHU Tours-Hôpital Trousseau Department of Orthopaedic Surgery
Route de Loches Kingston General Hospital, Nickle 3
37044 Tours, France 76 Stuart Street
Queen’s University
BALG Frédéric Kingston, Ontario, K7L 2V7, Canada
Praticien hospitalier, chirurgien orthopédiste
et traumatologique BOILEAU Pascal
Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke Professeur des universités, praticien hospitalier,
3001, 12e Avenue Nord chirurgien orthopédiste et traumatologique,
Sherbrooke, Québec, J1H 5N4, Canada chef de service
Service de chirurgie orthopédique
BAQUE François et traumatologie du sport
Chef de clinique assistant, chirurgien orthopédiste CHU de Nice-Hôpital de l’Archet
et traumatologique 151, route de Saint-Antoine-de-Ginestière
CHU de Nice 06200 Nice, France
Hôpital Saint-Roch
5, rue Pierre-Devoluy BONNEVIALLE Nicolas
06000 Nice, France Chef de clinique assistant, chirurgien
orthopédiste et traumatologique
BELLAN Damien Service d’orthopédie-traumatologie
Interne des hôpitaux CHU de Toulouse-Hôpital Purpan
Clinique de traumatologie et d’orthopédie Place du Docteur-Baylac
49, rue Hermite 31059 Toulouse, France
54000 Nancy, France
BRASSART Nicolas
BELLUMORE Yves Chef de clinique assistant, chirurgien
Praticien hospitalier, chirurgien orthopédiste orthopédiste et traumatologique
et traumatologique Service de chirurgie orthopédique
Service d’orthopédie-traumatologie et traumatologie du sport
Centre hospitalier universitaire Toulouse-Purpan CHU de Nice-Hôpital de l’Archet
Place du Docteur-Baylac 151, route de Saint-Antoine-de-Ginestière
31059 Toulouse, France 06200 Nice, France
VIII LISTE DES AUTEURS

CARLES Michel DJAHANGIRI Ali


Praticien hospitalier, médecin anesthésiste-réanimateur Chirurgien orthopédiste et traumatologique
Service d’anesthésie-réanimation Uniklinik Balgrist
CHU de Nice-Hôpital de l’Archet 340 Forchstrasse
151, route de Saint-Antoine-de-Ginestière 8008 Zürich, Suisse
06200 Nice, France
DOURSOUNIAN Levon
CHIAVASSA-GANDOIS Hélène Professeur des universités, praticien hospitalier,
Praticien hospitalier, radiologue des hôpitaux chirurgien orthopédiste et traumatologique
Service d’imagerie médicale Hôpital Saint-Antoine
CHU de Toulouse-Hôpital Purpan 184 rue du Faubourg Saint-Antoine
Place du Dr-Baylac 75012 Paris, France
31059 Toulouse, France
DUMONTIER Christian
CIKES Alec Professeur associé au collège de médecine
Chef de clinique assistant, chirurgien orthopédiste des hôpitaux de Paris
et traumatologique Service d’orthopédie
Hôpital cantonal d’Yverdon Hôpital Saint-Antoine
Rue d’Entremonts 11 184, rue du Faubourg Saint-Antoine
1400 Yverdon, Suisse 75571 Paris cedex 12, France
Institut de la main (groupe de l’épaule)
CLAVERT Philippe 6, square Jouvenet
Praticien hospitalier, maître de conférences, 75016 Paris, France
chirurgien orthopédiste et traumatologique
Hôpital de Hautepierre FAVARD Luc
Avenue Molière Professeur des universités, praticien hospitalier,
67098 Strasbourg, France chirurgien orthopédiste et traumatologique,
chef de service
COPELAND Stephen CHU Tours-Hôpital Trousseau
Chirurgien orthopédiste et traumatologique Route de Loches
Reading Shoulder Unit 37044 Tours, France
Royal Berkshire Hospital
Reading, Royaume-Uni FOURNIER Joseph
Interne des hôpitaux
COSTE Jean-Sébastien Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique 2
Ancien chef de clinique assistant de Nice, ancien CHU Tours-Hôpital Trousseau
praticien hospitalier contractuel, chirurgien Route de Loches
orthopédiste et traumatologique 37044 Tours, France
Clinique Jean-Causse

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Traverse de Béziers GAGEY Olivier
34400 Colombiers, France Professeur des universités, praticien hospitalier,
chirurgien orthopédiste et traumatologique
DENIS Aymeric CHU de Bicêtre,
Chef de clinique assistant Université Paris-Sud
Service d’imagerie médicale 78, rue du Général-Leclerc
CHU de Toulouse-Hôpital Purpan 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France
Place du Dr-Baylac
31059 Toulouse, France GAZIELLY Dominique
Ancien assistant des hôpitaux, chef de clinique,
DEZALY Charles chirurgien orthopédiste et traumatologique
Interne des hôpitaux Unité d’épaule, Institut de la main
Clinique de traumatologie et d’orthopédie Clinique Jouvenet
49, rue Hermite 6, square Jouvenet
54052 Nancy cedex, France 75016 Paris, France
LISTE DES AUTEURS IX

GERBER Christian JOUVE Franck


Professeur des universités, chirurgien orthopédiste Ancien chef de clinique assistant, chirurgien
et traumatologique, chef de service orthopédiste et traumatologique
Uniklinik Balgrist Clinique Saint-George
340 Forchstrasse 2, avenue de Rimiez
8008 Zürich, Suisse 06100 Nice, France

GODENÈCHE Arnaud KATZ Denis


Ancien chef de clinique assistant, chirurgien Ancien chef de clinique assistant, chirurgien
orthopédiste et traumatologique orthopédiste et traumatologique
Centre orthopédique Santy Clinique du Ter, chemin de Kerbernes
24, avenue Paul-Santy 56270 Ploemeur, France
69008 Lyon, France
KEMPF Jean-François
GONZALEZ Jean-François Professeur des universités, praticien hospitalier,
Chirurgien des hôpitaux des Armées, chirurgien orthopédiste et traumatologique,
adjoint au chef de service, chef de service
chirurgien orthopédiste et traumatologique Hôpital de Hautepierre
Service de chirurgie orthopédique Avenue Molière
et traumatologie, HIA Legouest 67098 Strasbourg, France
57998 Metz Armées, France
KILINC Alexandre
Chef de clinique assistant, chirurgien
HARDY Philippe
orthopédiste et traumatologique
Professeur des universités, praticien
Hôpital Saint-Antoine
hospitalier, chirurgien orthopédiste
184, rue du faubourg Saint-Antoine
et traumatologique
75012 Paris, France
Hôpital Ambroise Paré
CHU Paris Île-de-France Ouest
LÉVIGNE Christophe
92100 Boulogne, France
Ancien chef de clinique assistant, chirurgien
orthopédiste et traumatologique
HUGUET Dominique Clinique du Parc
Ancien chef de clinique assistant, ancien Boulevard Stalingrad
praticien hospitalier au CHU de Nantes 69006 Lyon, France
Polyclinique de l’Atlantique
Avenue Claude-Bernard BP 419 LEVY Ofer
44819 Saint-Herblain, France Professeur, chirurgien orthopédiste
et traumatologique
HUTEN Denis Reading Shoulder Unit
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Professeur des universités, praticien hospitalier, Royal Berkshire Hospital


chirurgien orthopédiste et traumatologique Reading, Royaume-Uni
Service d’orthopédie-traumatologie
CHU de Rennes LIOTARD Jean-Pierre
16, boulevard de Bulgarie Médecin rééducateur
35203 Rennes, France Centre orthopédique Santy
24, avenue Paul-Santy
JACQUOT Nicolas 69008 Lyon, France
Ancien chef de clinique assistant des hôpitaux
de Nice, chirurgien orthopédiste LOUSTAU Olivier
et traumatologique Praticien hospitalier, radiologue des hôpitaux
Institut monégasque de médecine et chirurgie Service d’imagerie médicale
sportive (IM2S) CHU de Toulouse-Hôpital Purpan
11, avenue d’Ostende Place du Docteur-Baylac
98000 Monaco, Monaco 31059 Toulouse, France
X LISTE DES AUTEURS

MANSAT Michel MOLÉ Daniel


Professeur des universités, praticien hospitalier, Professeur des universités, praticien hospitalier,
chirurgien orthopédiste et traumatologique chirurgien orthopédiste et traumatologique,
Service d’orthopédie-traumatologie chef de service
CHU de Toulouse-Hôpital Purpan Clinique de traumatologie et d’orthopédie
Place du Docteur-Baylac 49, rue Hermite
31059 Toulouse, France 54000 Nancy, France

MANSAT Pierre MOLINA Véronique


Professeur des universités, praticien hospitalier, Praticien hospitalier, chirurgien orthopédiste
chirurgien orthopédiste et traumatologique et traumatologique
Service d’orthopédie-traumatologie CHU de Bicêtre
CHU de Toulouse-Hôpital Purpan Université Paris-Sud
Place du Docteur-Baylac 78, avenue du Général Leclerc
31059 Toulouse, France 94270 Le Kremlin Bicêtre, France

MATSOUKIS Jean MOREEL Philippe


Praticien hospitalier, chirurgien orthopédiste Chef de clinique assistant, chirurgien
et traumatologique orthopédiste et traumatologique
Hôpital du Havre Service d’orthopédie du Pr Levai
76083 Le Havre, France Hôpital Gabriel-Montpied
58, rue de Montalembert
63003 Clermont-Ferrand cedex, France
MAYNOU Carlos
Professeur des universités, praticien hospitalier,
MULLIEZ Arnaud
chirurgien orthopédiste et traumatologique,
Chef de clinique assistant, chirurgien
chef de service
orthopédiste et traumatologique
Service d’orthopédie A
Service d’orthopédie A
CHRU de Lille-Hôpital Salengro
CHRU de Lille-Hôpital Salengro
Rue du Pr-Émile-Laine
Rue du Pr-Émile-Laine
59037 Lille, France
59037 Lille, France
MÉLIS Barbara NAUDI Stéphane
Chirurgien orthopédiste et traumatologique Chef de clinique assistant, chirurgien
Centre orthopédique Santy orthopédiste et traumatologique
24, avenue Paul-Santy Service d’orthopédie A
69008 Lyon, France CHRU de Lille-Hôpital Salengro
Rue du Pr-Émile-Laine
MESTDAGH Henri 59037 Lille, France

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Professeur des universités, praticien hospitalier,
chirurgien orthopédiste et traumatologique NAVEZ Grégory
Service d’orthopédie A Chef de clinique assistant, chirurgien
CHRU de Lille-Hôpital Salengro orthopédiste et traumatologique
rue du Pr-Émile-Laine Clinique de traumatologie et d’orthopédie
59037 Lille, France 49, rue Hermite
54000 Nancy, France
MOINEAU Grégory
Chef de clinique assistant, chirurgien NEYTON Lionel
orthopédiste et traumatologique Ancien interne des hôpitaux de Nancy, ancien chef
Service de chirurgie orthopédique de clinique assistant des hôpitaux de Nice,
et traumatologie du sport chirurgien orthopédiste et traumatologique
CHU de Nice-Hôpital de l’Archet Centre orthopédique Santy
151, route de Saint-Antoine-de-Ginestière 24, avenue Paul-Santy
06200 Nice, France 69008 Lyon, France
LISTE DES AUTEURS XI

NOURISSAT Geoffroy Rue Pierre-Dévoluy


Praticien hospitalier, chirurgien orthopédiste 06000 Nice, France
et traumatologique
Hôpital Saint-Antoine RAILHAC Jean-Jacques
184, rue du faubourg St Antoine Professeur des universités, praticien hospitalier,
75012 Paris, France chef de Service
Service d’imagerie médicale
NOVÉ-JOSSERAND Laurent CHU de Toulouse-Hôpital Purpan
Ancien chef de clinique assistant, chirurgien Place du Docteur-Baylac
orthopédiste et traumatologique 31059 Toulouse, France
Centre orthopédique Santy
24, avenue Paul-Santy ROCHE Olivier
69008 Lyon, France Praticien hospitalier, chirurgien orthopédiste
et traumatologique
OUDET Didier Clinique de traumatologie et d’orthopédie
Ancien Interne des hôpitaux, ancien chef 49, rue Hermite
de clinique assistant des hôpitaux de Tours, 54000 Nancy, France
chirurgien orthopédiste et traumatologique
Chirurgie orthopédique ROUSSANNE Yannick
Clinique Saint-Grégoire, Rue Groison Ancien chef de clinique assistant des hôpitaux,
37100 Tours, France chirurgien orthopédiste et traumatologique
Orthod’Oc, cabinet de chirurgie orthopédique
PADEY Annick et traumatologique
Kinésithérapeute 5, rue Gerhardt
Unité Épaule 34000 Montpellier, France
Centre hospitalier de Hauteville
01110 Hauteville, France SANS Nicolas
Professeur des universités, praticien hospitalier,
PELEGRI Cédric radiologue des hôpitaux
Chef de clinique assistant, chirurgien Service d’imagerie médicale
orthopédiste et traumatologique CHU de Toulouse-Hôpital Purpan
Service de chirurgie orthopédique Place du Docteur-Baylac
et traumatologie du sport 31059 Toulouse, France
CHU de Nice-Hôpital de l’Archet
151, route de Saint-Antoine-de-Ginestière SAUZIERES Philippe
06200 Nice, France Ancien chef de clinique assistant, chirurgien
orthopédiste et traumatologique
PETROFF Éric Institut de la main
Ancien chef de clinique assistant des hôpitaux, 6, square Jouvenet
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chirurgien orthopédiste et traumatologique 75016 Paris, France


Service orthopédie
Clinique de Flandre, 300, rue des Forts SIRVEAUX François
59210 Coudekerque-Branche, France Professeur des universités, praticien hospitalier,
chirurgien orthopédiste et traumatologique
PHILIPPEAU Jean-Marie Clinique de traumatologie et d’orthopédie
Interne des hôpitaux 49, rue Hermite
Hôpital Ambroise-Paré 54000 Nancy, France
CHU Paris Île-de-France Ouest
92100 Boulogne-Billancourt, France SOUBEYRAND Marc
Chef de clinique assistant
QUINTARD Hervé Service d’orthopédie du Pr Gagey
Praticien hospitalier, médecin réanimateur Hôpital du Kremlin-Bicêtre
Service de réanimation polyvalente 78, rue du Général-Leclerc
Hôpital Saint-Roch 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France
XII LISTE DES AUTEURS

SZABO Istvan VALENTI Philippe


Praticien hospitalier, chirurgien orthopédiste Ancien chef de clinique assistant, chirurgien
et traumatologique orthopédiste et traumatologique
Université de Pécs Institut de la main
Service d’orthopédie, 13 Ifjúsá u. 6, square Jouvenet
7643 Pécs, Hongrie 75016 Paris, France

TOUCHARD Olivier WALCH Gilles


Chef de clinique assistant, chirurgien orthopédiste Chirurgien orthopédiste et traumatologique
et traumatologique Centre orthopédique Santy
Clinique de traumatologie et d’orthopédie 24, avenue Paul-Santy
49, rue Hermite 69008 Lyon, France
54052 Nancy cedex, France
WINTER Matthias
TROJANI Christophe Chef de clinique assistant
Professeur des universités, praticien hospitalier, Service de traumatologie
chirurgien orthopédiste et traumatologique Hôpital Saint-Roch
Service de chirurgie orthopédique 5, rue Pierre-Devoluy
et traumatologie du sport 06000 Nice, France
CHU de Nice-Hôpital de l’Archet
151, route de Saint-Antoine-de-Ginestière
06200 Nice, France

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3

Historique des prothèses d’épaule


The history of shoulder replacement

D. HUTEN

RÉSUMÉ SUMMARY
L’ère des prothèses d’épaule a débuté à la fin du XIXe siècle, avec The era of shoulder replacement began at the end of the
Péan, inspiré par les travaux de Glück. Il faut attendre les années 19th century with Péan who followed Glück’s ideas. During
1950 pour voir apparaître, notamment en France, des séries de the fifties, acrylic humeral prosthesis was used in France mainly
prothèses acryliques pour fracture de l’humérus proximal. Mais to face complex upper humerus fractures. However, history of
c’est avec Charles S. Neer que débute véritablement l’histoire des shoulder replacement really started with Charles S. Neer. He
prothèses d’épaule. Il a conçu sa première prothèse humérale en designed his first humeral prosthesis in 1951 and modified it
1951, qu’il a modifiée en 1973 pour la coupler à une pièce glé- in 1973 to match it with a glenoid component. Neer’s contri-
noïdienne. L’apport de Neer à l’arthroplastie de l’épaule est consi- bution to shoulder replacement is tremendous. He created a
dérable. Il a créé un concept d’implant peu contraint, cherchant new concept of minimally constrained implant, aiming at
à reproduire l’anatomie ; a détaillé la technique opératoire, pré- reproducing the anatomy. He also detailed the operative tech-
cisé les modalités de la rééducation et enfin, évalué ses résultats. nique of prostheses for complex fractures or arthropathies, the
Une grande partie des principes qu’il a énoncés reste d’actualité. post-operative rehabilitation and evaluated his results. Most
Ses travaux et ceux des nombreux utilisateurs de sa prothèse ont of his principles are still true today. His studies and those of
permis d’en préciser les limites : l’insuffisance de la coiffe des the many users of his prosthesis allowed to determine the
rotateurs et la précarité de la fixation glénoïdienne. Après cette limits of his concept: rotator cuff insufficiency and weakness
prothèse « monobloc », dite de première génération, d’autres pro- of glenoid fixation. Other prosthetic systems were then desi-
thèses modulaires, dites de deuxième génération ont vu le jour, gned. Modularity was applied to the humeral component to
permettant de mieux s’adapter aux variations des dimensions match the various build of patients. These so-called second
squelettiques, mais n’ont pas été un très grand progrès. Boileau generation prostheses were not really a great improvement.
et Walch, s’appuyant sur des travaux anatomiques qui mon- Boileau and Walch, after anatomical studies that demons-
traient la grande variation de l’anatomie de l’humérus proximal, trated great variations of upper humerus anatomy, introdu-
ont alors introduit un nouveau concept : l’adaptabilité prothéti- ced a new concept: prosthetic adaptability. A more complex
que. Ce concept permet, à partir d’une coupe passant par le col modularity allows, from a bone cut through the anatomical
anatomique, de reconstruire une épiphyse humérale très proche neck, to reconstruct a humeral epiphysis very close to patient’s
de celle du patient en adaptant en préopératoire la prothèse à anatomy. The third generation of anatomical humeral pros-
l’anatomie individuelle de chaque patient. Les prothèses humé- thesis was born. Many authors attempted to find solutions to
rales dites « anatomiques » de troisième génération étaient nées. the difficult problem of glenoid fixation. Operative technique
Au niveau des implants glénoïdiens, de nombreuses modifications significantly improved. Many modifications of articular and
des surfaces articulaire et non articulaire ainsi que de l’ancrage non articular surfaces and of anchorage appeared but there is
ont vu le jour, mais il n’existe pas encore de solution idéale. La no ideal glenoid implant today. Improvements of uncemented
fixation sans ciment n’a pas connu un grand développement du fixation were applied to shoulder replacement but cementless
côté huméral en France et a été abandonnée au niveau de la fixation was not very successful on the humeral side in France
glène. À côté de ces prothèses conventionnelles, d’autres types de and was abandoned on the glenoid side. Besides these conven-
prothèse ont été proposés et ont connu des succès divers. La pro- tional prostheses, other arthroplasties are now available.
thèse humérale bipolaire n’a pas fait la preuve de son intérêt. Des Fracture prosthesis are used today. Bipolar humeral prosthe-
prothèses spécifiques pour les fractures sont aujourd’hui utilisées. sis did not convince. Cup resurfacing requires an almost intact
Le resurfacement par cupule humérale suppose une épiphyse peu epiphysis and could be interesting in young patients because
ou pas altérée et pourrait avoir une place chez les sujets jeunes it is bone sparing. However, the greatest recent step forward in
surtout, car il respecte le capital osseux. La prothèse inversée de shoulder arthroplasty is the reverse arthroplasty designed by
Grammont constitue incontestablement le plus grand progrès Grammont. The concept of fixed fulcrum prosthesis is not new.
récent de l’arthroplastie d’épaule. Son succès repose sur la média- Many attempts occurred during the seventies but they failed.
lisation et l’abaissement du centre de rotation, qui permet de res- The success of the Grammont prosthesis is based on its more
taurer l’élévation active dans les arthropathies avec insuffisance medial and more distal center of rotation. It allows restoration
de la coiffe. L’absence de rotation externe active peut être palliée of the active anterior elevation despite cuff insufficiency. Lack

Prothèses d’épaule. État actuel


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4 D. HUTEN

par un transfert musculaire. Sa survie est de loin supérieure à of active external rotation can be compensated using tendon
toutes les prévisions, mais la menace d’un descellement difficile à transfer. Survivorship is very superior to what was expected.
reprendre doit encore la faire réserver à des patients relativement This arthroplasty should be used in rather elderly patients only,
âgés. Néanmoins, le champ de ses indications s’est largement because revision surgery is difficult and uncertain. However, its
étendu, en particulier aux révisions prothétiques. indications widely spread.

Mots clés : Prothèse d’épaule. – Prothèse anatomique. – Prothèse Key words: Shoulder prosthesis. – Anatomical prosthesis. – Reverse
inversée. prosthesis.

Introduction Les travaux de Boileau et Walch [12–21] ont alors


mis l’accent sur les grandes variations anatomiques
Longtemps décriées, les prothèses d’épaule sont de l’humérus proximal et sur l’existence d’un déport
aujourd’hui le traitement de choix des arthropathies céphalique médial et postérieur du centre de l’épiphyse
invalidantes de l’épaule. par rapport à l’axe de la diaphyse. Ils ont imaginé une
C’est à Neer [73–79] que revient le mérite d’avoir modularité et un système d’orientation céphalique ori-
proposé les premières prothèses d’épaule fiables, ginaux permettant de reconstruire anatomiquement
humérales puis totales, et d’avoir énoncé les principes l’épiphyse humérale. Il s’agit de la troisième généra-
techniques fondamentaux de cette chirurgie dont il est tion des prothèses humérales qui permet, à partir d’une
le pionnier incontestable. Neer a amélioré sa prothèse coupe passant par le col anatomique et non pas d’une
à plusieurs reprises mais sans en modifier les caracté- coupe imposée par le dessin d’une prothèse, de rétablir
ristiques fondamentales. Elle a été largement copiée. le centre de rotation de l’humérus et les bras de levier
La modularité tête-tige a été appliquée aux prothèses musculaires. Dans les prothèses pour fracture, ils ont
humérales, permettant de coupler des têtes de diamè- réduit le volume de la métaphyse prothétique afin de
tre et d’épaisseur variables à des tiges de longueur et laisser la place à la reconstruction osseuse et l’ont revê-
de diamètre variables. Ces prothèses dites de deuxième tue d’hydroxyapatite. Ces modifications et aussi une
génération ont permis de mieux s’adapter aux dimen- technique soigneuse d’ostéosynthèse des tubérosités
sions squelettiques très variables des patients, mais leur ont permis d’améliorer leurs résultats.
n’ont pas été une contribution essentielle. À côté de ces prothèses conventionnelles, d’autres
De nombreux auteurs se sont attachés à étudier les propositions ont vu le jour :
résultats de ces prothèses que l’on pourrait qualifier – la prothèse humérale bipolaire n’a pas vraiment fait
de conventionnelles. Dans les prothèses pour fracture, la preuve de son intérêt ;
ils ont mis en évidence la grande difficulté de réduire, – la cupule humérale, couplée ou non à un composant
fixer et faire consolider les tubérosités en bonne posi- glénoïdien, a le mérite de respecter la cavité médullaire
tion. La fixation humérale, en règle cimentée, a fait la de l’humérus. L’expérience en est limitée, mais elle est
preuve de sa grande longévité mais dans les prothèses de plus en plus utilisée chez les sujets jeunes dont l’épi-
totales, l’attention a été rapidement attirée par la fré- physe globalement respectée peut offrir un appui suf-

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quence des liserés glénoïdiens, qui s’aggravent au fil des fisant à la cupule ;
années. La technique de l’implantation glénoïdienne a – la prothèse inversée : après les échecs des nom-
été améliorée. D’autres modes d’ancrage glénoïdien ont breux modèles de prothèse à centre de rotation fixe,
été proposés et font encore l’objet de débats contradic- Grammont [10,11,50] a mis au point une prothèse
toires. L’accent a rapidement été mis sur l’insuffisance inversée qui, avec la prothèse de Neer, est proba-
des résultats en présence d’une insuffisance de la coiffe blement la plus grande contribution à l’arthroplas-
et, à un moindre degré, sur les ruptures secondaires de tie de l’épaule. Longtemps combattue et après des
la coiffe des rotateurs, favorisées par le conflit entre la améliorations, elle connaît un succès international.
partie supérolatérale de la tête humérale et les tendons Elle permet de faire face aux arthropathies compli-
de la coiffe. L’insuffisance de la coiffe, quelle qu’en soit quées de large rupture ou d’insuffisance de la coiffe,
la cause, conduit à l’ascension de la prothèse humérale problème majeur que les prothèses conventionnelles
qui appuie sur la partie haute du composant glénoïdien n’avaient pas permis de résoudre. Elle est devenue
et favorise son descellement. incontournable.
Historique des prothèses d’épaule 5

Nous rappellerons les grandes étapes de l’histoire des


prothèses d’épaule : celle des premières prothèses, l’ap-
port de Neer et l’évolution depuis Neer. Cette dernière
période a vu naître de très nombreuses propositions
qui traduisent le grand intérêt que suscite cette arthro-
plastie. Certaines ont déjà disparu alors que de nou-
velles apparaissent. L’histoire de la prothèse d’épaule,
en effet, continue et elle avance plus rapidement que
jamais, grâce aux progrès d’une technique de plus en
plus pratiquée, de la technologie, des biomatériaux et
de la recherche expérimentale.

Les premières prothèses


Les premiers pas de la prothèse d’épaule ont fait l’ob-
jet de plusieurs travaux [8,36,95].
On sait que c’est à Péan [83] que revient le mérite
d’avoir pratiqué la première prothèse d’épaule, à Paris,
en 1893, chez un homme de 37 ans qui présentait une
arthrite tuberculeuse destructrice de l’épaule et refu-
sait la désarticulation. Figure 1. Prothèse fabriquée pour Péan par le dentiste Michaëls.
La prothèse fut pratiquée en deux temps, selon une
stratégie qui ne serait pas désavouée aujourd’hui : un
temps d’excision de l’os et des tissus infectés, puis
un deuxième temps d’implantation prothétique. La 5 séquelles d’ostéoarthrite tuberculeuse et 1 arthrite
prothèse avait été fabriquée par le dentiste parisien rhumatismale). Il a été suivi dans cette voie par de
Michaëls. La diaphyse était en platine et la tête en nombreux auteurs [31,35,39,85,86,93,108], pour la
caoutchouc (figure 1). Elle fut retirée 2 ans plus tard plupart français, et notamment par Edelmann [35],
en raison d’une infection. Poilleux et Courtois-Suffit [86] qui ont surtout utilisé
Mais c’est Glück [49], un chirurgien allemand, un cette prothèse dans les fractures et fractures-luxa-
véritable précurseur, qui a eu le premier l’idée du rem- tions complexes. La fracture des tubérosités n’était
placement prothétique. Il traitait les fractures et les pas prise en compte et la tige n’était pas cimentée.
pseudarthroses à l’aide de clous centromédullaires en Les modes d’échec de ces prothèses ont été décrits
ivoire. Il dessina et fit réaliser diverses prothèses arti- par De Anquin [33], Lynn et al. [67], et Monteleone
culaires, également en ivoire, qui prenaient appui dans [72]. Des prothèses métalliques au dessin identique,
l’os par le biais d’une tige centromédullaire (figure 2). c’est-à-dire avec tige très courte, ont également été
Il implanta une prothèse de genou en 1890, chez une utilisées. Il s’agit des précurseurs des cupules humé-
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jeune fille de 17 ans qui présentait une arthrite tuber- rales modernes.
culeuse. Il implanta au total 14 prothèses, dont 5 sont La première prothèse humérale en chrome-cobalt
documentées (3 prothèses de genou, 1 de coude et 1 du dont le dessin se rapproche de celui des prothèses
poignet, toutes pour arthrite tuberculeuse). Il recom- conventionnelles actuelles est celle de Krüger [59],
mandait l’implantation sans ciment mais il avait ima- qui possédait une courbure métaphysaire rappelant
giné la cimentation et expérimenté divers ciments. celle des prothèses fémorales. Elle possédait un déport
Il faut attendre 1914, avec König [58], pour qu’une autre médial et postérieur (figure 4) et sa tige était munie
prothèse d’épaule, toujours en ivoire, soit implantée. de logettes destinées à la repousse osseuse. Il l’avait
Boron et Sevin [22] ont proposé une modification dessinée à partir de moules d’humérus cadavériques.
de la prothèse fémorale acrylique de R. Judet en 1951 Elle fut implantée chez un marin qui présentait une
(figure 3). R. Judet a rapporté, avec Richard et René ostéonécrose en 1951.
en 1952 [90] et J. Judet et Lagrange en 1953 [55], C’est à cette époque que Neer proposa sa première
les résultats de ses 17 premiers cas (11 fractures, prothèse humérale. Neer a lui-même écrit dans la
6 D. HUTEN

Figure 2. Prothèses de Glück (G. Walch, P. Boileau. Shoulder arthroplasty. Berlin : Springer ; 1999. figure 1 de la page 4).

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Prothèse
acrylique

Vis

Diaphyse

Figure 3. Prothèse humérale en acryli-


que dérivée de la prothèse fémorale
de Judet.
Historique des prothèses d’épaule 7

Figure 4. Prothèse de Krüger (noter le déport médial et posté- Figure 5. Premier modèle de la prothèse humérale de Neer
rieur de l’épiphyse). (1951). Cinq diamètres de tige. Les orifices des ailerons étaient
destinés à la repousse osseuse.

littérature française [79] un article sur l’historique de et à s’opposer à la rotation (figure 5). Le rayon de la
la prothèse d’épaule dans lequel il retrace l’histoire de tête était de 44 mm, rayon moyen de 50 têtes d’hu-
ses propres prothèses. mérus secs. Elle était creuse de manière à reposer sur
l’os à une hauteur variable et ainsi rétablir la distance
trochiter-glène. Elle a été aplatie à sa partie haute,
L’apport de Charles S. Neer afin de ne pas entrer en conflit avec le tendon du
à l’arthroplastie de l’épaule [73–78] supraépineux.
La première série a été publiée en 1953 [73]. Elle
C.S. Neer s’est intéressé à l’arthroplastie de l’épaule à comportait 8 fractures à grand déplacement, 3 nécro-
partir de 1944. Après avoir étudié les résultats, déce- ses post-traumatiques et 1 omarthrose. Il est intéres-
vants, de l’ablation de la tête humérale dans les frac- sant de noter que dans les fractures, les tubérosités
tures complexes, il lui apparut qu’il était nécessaire de étaient fixées à l’humérus à peu près comme elles le
remplacer la tête humérale pour rétablir le mouvement sont aujourd’hui. Neer constata que la qualité du
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de rotation de l’humérus dans la glène et le bras de résultat dépendait des muscles périarticulaires, surtout
levier des muscles périarticulaires. Le principe du pre- de la coiffe, et donc de la consolidation des tubérosités
mier dessin était de restaurer le mieux possible l’ana- dans les fractures.
tomie, au prix d’une exérèse osseuse minime et à l’aide Pour pallier les insuffisances de la coiffe des rota-
d’une reconstruction des tubérosités et de la coiffe. teurs, il dessina avec Averill au début des années 1970
La prothèse Neer I remonte à 1951. En chrome- trois modèles de prothèse contrainte qu’il abandonna
cobalt, elle visait à restaurer l’anatomie et était fixée rapidement en raison de leurs complications mécani-
dans l’humérus à l’aide d’une longue tige. Elle possé- ques. Nous y reviendrons.
dait deux ailerons antérieur et postérieur. Elle existait En raison de cet échec et aussi de la persistance de
au départ en une seule taille mais fut disponible 2 ans douleurs chez des patients dont la glène était défor-
plus tard en trois tailles afin d’obtenir le meilleur mée ou usée, il conçut avec Averill, en 1973, le sys-
« press-fit » possible. Quatre ans plus tard, deux nou- tème Neer II (figure 6). Il fallait en effet modifier la
velles tailles étaient ajoutées, ainsi que des orifices prothèse Neer I pour pouvoir la coupler à un compo-
dans les deux ailerons, destinés à la repousse osseuse sant glénoïdien en polyéthylène ayant le même rayon
8 D. HUTEN

Figure 6. Deuxième modèle de la prothèse


humérale de Neer (deux épaisseurs de tête).
Modèles standard (a,b et c)
Prothèses à longue tige (d)
« Mini-prothèses » (e).

Figure 7. Prothèses glénoïdiennes de Neer.


Premier modèle
Modèle standard actuel tout polyéthylène
(a,b)
Modèle « Metal-backed » (abondonné) (c)
Modèles à prolongement supérieur (abon-
donnés) (d,e).

de courbure que la tête (44 mm). Ses rebords ont été ainsi que différents modes d’ancrage. Plusieurs de ces
arrondis pour ne pas s’accrocher sur le polyéthylène. modèles sont photographiés dans l’article de Neer de
Deux épaisseurs de tête (15 et 22 mm) permettaient de 1982 (figure 7). Parmi eux, c’est le modèle standard
rétablir la distance trochiter-glène. La tige était fixée à en polyéthylène à quille triangulaire sans rainure (en

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l’aide de ciment acrylique, apparu à la fin des années raison du risque de rupture) qui a donné les meilleurs
1960, et trois tailles ont été jugées suffisantes. Cette résultats. Neer a rapporté, à plus de 2 ans, 32 % de
tige était effilée afin de pouvoir être retirée en cas de liserés [78] et 0,8 % de reprises [94] pour descelle-
reprise. À peu près à la même époque, Kenmore [56], ment glénoïdien aseptique. Se basant sur ces résultats,
Zippel [118] et Stellbrinck [37] avaient eu la même il considère que la fixation glénoïdienne est fiable. Les
idée, mais ils avaient couplé un composant glénoïdien taux de liserés et descellements du modèle « metal-
à une prothèse Neer I. backed » cimenté sont plus élevés, ce qui s’explique,
Après 8 années d’utilisation contrôlée, le système comme les études expérimentales l’ont montré [82],
Neer II a été mis sur le marché. Pendant cette période, par le fait que le métal transmet intégralement à l’os
d’autres composants glénoïdiens ont été testés : modè- les forces excentrées du fait de sa rigidité. La technique
les « metal-backed », semicontraints à prolongement de cimentation de Neer, partie intégrante de ses résul-
supérieur (200 et 600 %), à surface non articulaire tats, mérite d’être rappelée : assèchement de la cavité
plate ou convexe, de faible ou grande épaisseur, asymé- osseuse, injection à la seringue du ciment pressurisé à
triques pour combler une perte de substance osseuse, l’aide d’un fantôme de la quille recouvert d’un morceau
Historique des prothèses d’épaule 9

de gant en caoutchouc humide, nouvelle application de Évolution des prothèses


ciment à la main, scellement sous pression de la pièce,
vérification de la stabilité du composant ainsi scellé. conventionnelles depuis Neer
Dans les prothèses humérales pour fracture, Neer a
insisté à juste titre sur la nécessité de rétablir la lon- À la fin des années 1980, les résultats et les limites
gueur humérale, la rétroversion céphalique, d’obtenir de la prothèse de Neer étaient connus. La principale
une fixation stable de la tige et de réduire exactement limite était l’insuffisance de la coiffe des rotateurs,
et fixer solidement les tubérosités fracturées pour les qui contre-indiquait l’implantation d’un composant
faire consolider à l’humérus en bonne position. Il glénoïdien menacé de descellement par l’ascension de
existe une très abondante littérature sur cette arthro- la tête humérale. Par ailleurs, de nombreux auteurs
plastie qui était de loin la plus pratiquée jusque dans un avaient constaté la présence de liserés glénoïdiens
passé assez récent. Les résultats des nombreuses séries évolutifs et s’interrogeaient sur la longévité de la fixa-
publiées sont divergents et on a longtemps opposé les tion glénoïdienne. Les concepteurs ont alors cherché
séries nord-américaines, aux résultats favorables, aux d’autres solutions. Ils disposaient d’outils de recher-
autres séries, notamment européennes, aux résultats che et d’évaluation et d’une technologie plus perfor-
moins homogènes. mants. De nombreux types de prothèses sont apparus
On a invoqué la grande fragilité osseuse, la com- et continuent à apparaître, de sorte que le marché
minution de nombreuses fractures et le manque de de la prothèse d’épaule est devenu concurrentiel
coopération de ces patients souvent âgés et débilités comme l’était déjà celui de la prothèse de hanche ou
pour expliquer la qualité moyenne, voire médiocre, du genou. Ces prothèses font l’objet chaque année de
des résultats obtenus en Europe où les indications sont très nombreux travaux, et il existe aujourd’hui une
moins sélectionnées qu’outre-Atlantique. Ces facteurs très abondante littérature qui témoigne des impor-
jouent un rôle indiscutable. Néanmoins, il est très dif- tants progrès réalisés au cours des 15 à 20 dernières
ficile, on le sait, de remplir le cahier des charges d’une années. Nous ne pourrons que les évoquer, mais c’est
prothèse humérale pour fracture, et ceci explique que cette partie de l’historique de ces prothèses qui est
les résultats des prothèses pour fracture ne soient pas la plus intéressante, car c’est celle que nous vivons
toujours à la hauteur des espérances. Les impératifs aujourd’hui.
techniques de cette intervention ont été bien précisés
[14,18]. Néanmoins, le manque de compréhension des
problèmes posés par ces fractures complexes, la diffi- Prothèses humérales
culté de ces interventions et aussi un désir de rééduquer
trop précocement et trop énergiquement les patients
Modularité céphalique des prothèses
expliquent une grande partie de nos échecs. Déçus par
de deuxième génération
ceux-ci, certains s’orientent aujourd’hui vers les pro- La modularité céphalique et de la tige, largement utili-
thèses inversées, nous y reviendrons [111]. sée à la hanche, a été appliquée aux prothèses d’épaule
L’apport de Neer à l’arthroplastie de l’épaule a (prothèses de type Neer, Select™ de Burkhead, Global™
été considérable. Il a créé un concept d’implant peu de Matsen et Rockwood, de Fenlin…). Après la prothèse
contraint, qui visait à reproduire l’anatomie normale de Neer, prothèse « monobloc » de première génération,
et qui est devenu la référence, de sorte qu’on pour- les prothèses dites modulaires « de deuxième génération »
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rait qualifier ces prothèses de conventionnelles. Il a (figure 8) ont permis de mieux s’adapter aux dimensions
précisé, avec beaucoup de détails, voire de minutie, la squelettiques très variables selon les patients.
technique opératoire, en tenant compte des spécificités Elles permettent en effet :
de chaque étiologie [78]. Il a aussi précisé les modalités – de sélectionner une pièce céphalique de diamètre et
de la rééducation. Il a évalué ses propres résultats. Les d’épaisseur proches de ceux de la tête humérale résé-
nombreux utilisateurs de sa prothèse les ont confir- quée, et certains travaux ont permis de déterminer les
més en bonne partie et les ont précisés. Aujourd’hui combinaisons les plus fréquentes [13,15,53] ;
encore, une grande partie des grands principes qu’il a – de la coupler à n’importe quelle tige de taille adaptée
énoncés reste d’actualité. à celle de la cavité humérale, sans que ces deux para-
Il a été suivi par de très nombreux utilisateurs mètres soient liés l’un à l’autre.
de sa prothèse et de nombreux concepteurs se sont Elles permettent encore de retirer la tête prothétique
directement inspirés du dessin de cette prothèse [28] pour accéder facilement à une pièce glénoïdienne des-
ou de son principe [5,37,41], avec plus ou moins de cellée ou totaliser une prothèse humérale compliquée
bonheur. d’usure glénoïdienne.
10 D. HUTEN

– il existe une relation mathématique entre le diamètre


de la sphère humérale, le diamètre de la tête humérale
(43,3 mm en moyenne ; de 36,5 à 51,7) et l’épaisseur
de la tête humérale (15,2 mm ; de 12,1 à 18,2).
– l’inclinaison moyenne du col anatomique est de
129,6° (de 123,2 à 135,8°) ;
– la rétroversion moyenne de l’épiphyse humérale est de
17,9° (de – 6,5° d’antéversion à 47,5° de rétroversion) ;
– il existe dans le plan frontal un déport médial moyen
du centre de la tête humérale de 6,9 mm (− 2,9 à
10,6 mm) et, dans le plan sagittal, un déport posté-
rieur moyen de 2,6 mm (−0,8 à 6,1 mm), également
démontré par Roberts et al. [92].
Il existe donc pour tous ces paramètres une très
grande dispersion des résultats qui nécessite une modu-
larité spécifique (à trois éléments et avec un système
d’orientation céphalique original dans la prothèse
des auteurs), permettant de reproduire l’anatomie du
patient à partir d’une coupe osseuse passant par le col
anatomique (figure 9). Les prothèses des deux géné-
Figure 8. Prothèse modulaire (prothèses de deuxième généra-
tion). rations précédentes comportaient une coupe cervicale
adaptée au dessin de la prothèse. C’est l’inverse dans
cette troisième génération de prothèses humérales, qui
La possibilité d’utiliser une tête dont les dimensions permet de rétablir le centre de rotation de l’humérus
sont proches de celle du patient est probablement le et les bras de levier musculaires. Le rétablissement du
principal avantage de ces prothèses. Elle a pour incon- déport médial a supprimé le conflit entre la tête pro-
vénient théorique d’exposer à la production de particu-
les d’usure délétères et surtout à la dissociation, car le
membre supérieur travaille en suspension. Cette com-
plication, rare mais possible, menace surtout les pro-
thèses à cône morse femelle. La modularité céphalique,
toutefois, ne constitue pas en soi un nouveau concept
de prothèse, car elle ne change rien au dessin d’une pro-
thèse donnée. Leurs résultats ont été décevants.

Prothèses humérales de troisième


génération
C’est à Boileau et Walch que revient le mérite d’avoir

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introduit un nouveau concept de prothèse humérale,
non seulement modulaire mais aussi « adaptable »
[13,15]. Il faut comprendre par ce terme : adaptable à
l’anatomie du patient, que l’intervention s’efforce de
rétablir. Le but poursuivi est en effet le même que
celui que poursuivait Neer : le rétablissement d’une
anatomie humérale la plus proche possible de celle du
patient, avec une restauration du centre de rotation.
Ce concept repose sur une étude anatomique dont le
but était de déterminer les dimensions et la forme de
l’humérus proximal [15]. Les principaux résultats de
cette étude sont les suivants :
– la tête humérale représente le tiers d’une sphère dans Figure 9. Prothèse humérale anatomique (prothèses de troi-
90 % des cas ; sième génération) à inclinaison et déport variables.
Historique des prothèses d’épaule 11

thétique et la coiffe, et le déport postérieur, le conflit grès des prothèses et de la technique opératoire per-
avec le tendon subscapulaire. Cette modularité plus mettront de mieux faire face à cette complication et de
complexe a pu faire craindre des complications liées la traiter en temps voulu.
à la libération de particules d’usure [79]. À ce jour, Quoi qu’il en soit, il était logique de rechercher
néanmoins, elles n’ont pas été rapportées. Ce concept d’autres solutions pour le composant glénoïdien.
innovant a été, à son tour, copié.
Dans les prothèses pour fracture, les mêmes auteurs
ont tenu compte de ces données. Ils ont en outre réduit
La technique opératoire
le volume de la métaphyse prothétique afin de laisser Les progrès de la technique opératoire permettent
la place à une volumineuse greffe osseuse, et l’ont revê- indiscutablement de faire travailler la pièce glénoï-
tue d’hydroxyapatite. Ces modifications ainsi qu’une dienne dans de meilleures conditions mécaniques.
technique soigneuse d’ostéosynthèse des tubérosités – L’adaptation de la surface glénoïdienne à la sur-
leur ont permis d’améliorer leurs résultats [14]. face non articulaire de la prothèse à l’aide de fraises
rotatives est un progrès essentiel [30]. La pièce glé-
La pièce glénoïdienne noïdienne d’essai, quel qu’en soit le dessin, doit être
stable dans son logement avant toute fixation (cimen-
Contrairement à Neer, de nombreux auteurs ont rap- tée ou non).
porté des résultats peu favorables de la fixation glé- – Neer recommandait trois plots d’ancrage du ciment,
noïdienne, avec de fréquents liserés ciment-os, souvent un dans le pied de l’apophyse coracoïde, habituelle-
présents sur la radiographie postopératoire immédiate ment réalisable, un dans le pilier de l’omoplate et un
[24] ou qui apparaissent secondairement et qui s’aggra- plot moyen, qui ne sont pas toujours réalisables. Cette
vent avec le temps [24,62,107]. Ils sont constants pour technique crée d’emblée une importante perte de subs-
certains [52]. À plus long terme, ces liserés deviennent tance osseuse. Une autre proposition est au contraire
continus et de plus de 2 mm d’épaisseur ; il s’agit alors de ne pas retirer d’os spongieux et de le tasser à l’aide
de descellements aseptiques. Brems [24] a ainsi rap- d’un fantôme de l’aileron prothétique. C’est à Gazielly
porté dans une méta-analyse de 1413 prothèses totales que revient le mérite d’avoir proposé cette techni-
38,5 % de liserés et 2,9 % de reprises pour descelle- que [46], validée par l’étude de Szabo qui a comparé
ment glénoïdien aseptique à un recul moyen de plus de cette technique à celle de Neer [104]. La technique
5 ans, résultats plus inquiétants que ceux de Neer. de Gazielly est aujourd’hui couramment utilisée en
Ils sont le fait des difficultés de cimenter une pièce France [17].
prothétique dans le col de l’omoplate aux dimensions – Les erreurs de version glénoïdienne exposent à la sur-
réduites, de l’importance des forces auxquelles cette charge d’une partie (antérieure ou postérieure) de la
pièce est soumise (1 à 2 fois le poids du corps lors des glène, avec un risque d’usure et de descellement [82].
activités de la vie courante), des difficultés techniques Une inclinaison glénoïdienne en haut et en dedans
de la fixation glénoïdienne, des altérations osseuses (regardant en haut et en dehors), une prothèse humérale
et des parties molles dues à la pathologie en cause, implantée trop haut (« suspendue ») exposent à la sur-
et de l’usure du polyéthylène [99] qui se complique charge de la partie haute de la pièce glénoïdienne [17].
à l’épaule comme ailleurs d’ostéolyse périprothétique. – Les asymétries de tension des parties molles, avec un
Torchia [107] a rapporté une survie de la pièce glénoï- fréquent excès de tension des parties molles antérieu-
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dienne de Neer de 93 % à 10 ans et de 87 % à 15 ans, res ou, à l’inverse, un lâchage de la suture du subsca-
en prenant pour événement le descellement aseptique pulaire, ont les mêmes conséquences.
repris. Une technique rigoureuse est donc apparue comme
Cependant, peu de descellements sont repris. un moyen certain d’augmenter la survie de la pièce
Beaucoup sont bien tolérés. D’autres le sont moins, glénoïdienne.
mais les difficultés d’une reprise pour descellement
glénoïdien font que chirurgien et patient, d’un com-
mun accord, reculent l’échéance de cette difficile inter- Les « nouvelles » prothèses glénoïdiennes
vention, d’autant plus que le patient est plus âgé et/ou De très nombreuses modifications de la pièce glénoï-
a des exigences fonctionnelles limitées. Cette attitude dienne ont été proposées, intéressant son ancrage et
n’est pas pour autant recommandable car, de la même le dessin de ses surfaces non articulaire et articulaire
manière qu’à la hanche ou au genou, la perte de subs- [71,113]. Elles ont fait l’objet de nombreuses études
tance osseuse s’aggrave au fil du temps et avec elle les expérimentales et cliniques aux conclusions parfois
difficultés de la reprise. Il faut souhaiter que les pro- divergentes.
12 D. HUTEN

Ancrage (figure 10) d’une surface convexe rugueuse sur une surface lisse
[4]. Szabo et al. ont comparé les radiographies de
Mazas, dans les années 1970, a cherché pour le com- deux groupes de prothèses glénoïdiennes du même
posant glénoïdien un appui supplémentaire [44,69] type qui ne différaient que par ce seul paramètre et ont
sous la forme d’un prolongement sous-acromial vissé conclu eux aussi à la supériorité d’une surface convexe
dans l’acromion. Un abord postérieur est nécessaire [103].
pour le fixer.
Des plots ont été proposés à la place de l’aileron :
deux ou plus souvent trois plots alignés de haut en bas
Surface articulaire
avec un plot médian plus long. Trois plots sont plus Le composant glénoïdien de Neer était quadrangulaire
réalistes que les quatre ou cinq plots qui ont parfois et n’existait qu’en une seule taille. Dans de nombreuses
été proposés et qui pourraient aboutir à une véritable prothèses, la pièce glénoïdienne, de quadrangulaire,
fragmentation de la glène. La réalisation de trois plots, est devenue piriforme comme la glène normale, ce qui
dont un central plus long, retire moins d’os qu’un supprime le débord antérieur et postérieur de la pro-
aileron (on peut noter que ces trois plots sont grossiè- thèse à la partie haute de la glène, le risque de conflit
rement inscrits à l’intérieur d’un aileron). Les études avec la face profonde de la coiffe et avec les tubéro-
expérimentales d’Anglin [4] et Lacroix [61] concluent sités en rotation et ne semble pas engendrer plus de
à la supériorité des plots sur l’aileron triangulaire. luxations. Pour s’adapter à la diversité des dimensions
C’est l’inverse dans l’étude de Lacaze [60]. Certaines squelettiques, trois tailles de pièces glénoïdiennes, au
études de la qualité immédiate du scellement sont en moins, sont nécessaires.
faveur des plots, qu’il s’agisse d’études animales [114] Le composant glénoïdien de Neer était parfaite-
ou chez l’homme [45,62]. Le nombre et la taille des ment congruent, avec le même rayon de courbure que
plots et des trous destinés à les recevoir (donc l’épais- la tête prothétique. Ce dessin procure une grande sta-
seur du ciment) jouent un rôle. C’est ce que montre bilité prothétique, un bras de levier fixe pour les mus-
l’étude de Nyffeler [80], qui conclut à la supériorité de cles périarticulaires et une grande surface de contact
plots à ailettes et d’une couche de ciment plus épaisse. glène-tête. En revanche, il augmente la contrainte
Bien que la plupart des travaux récents soit plus en prothétique, ce qui pourrait expliquer la fréquence
faveur des plots que de l’aileron, il n’est pas encore des liserés et descellements. Neer s’appuyait sur les
possible de conclure. Des études de la survie à long études anatomiques de Soslowsky [105], qui mon-
terme de prothèses qui ne diffèrent que par le seul trent qu’une glène recouverte de cartilage et munie du
paramètre aileron ou plots (en nombre et dimensions labrum est congruente avec la tête humérale à 0,1 mm
donnés) font encore défaut aujourd’hui. près. Les travaux de Boileau et Walch [16] montrent
que cette congruence est moins importante dans le
plan frontal (différence de 2,2 mm ; 0 à 6,5 mm)
Surface non articulaire que dans le plan horizontal, ce qui autorise les petits
Elle peut être plate ou convexe. Une surface convexe mouvements de translation antéropostérieure d’une
fait retirer moins d’os en périphérie, s’oppose mieux épaule normale.
aux forces de cisaillement et transmet plus de forces Quoi qu’il en soit, de nombreux concepteurs ont
de compression qu’une surface plane [3]. Les études cherché à réduire la contrainte prothétique. Un rayon

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expérimentales de Lacaze et d’Anglin concluent à la de courbure glénoïdien plus grand que celui de la tête
supériorité d’une surface convexe [3,60] et à celle prothétique humérale diminue effectivement cette

Figure 10. Prothèses glénoïdiennes. Noter


(à gauche et à droite) le dessin en forme
de poire adapté à la forme de la glène.
Trois modes d’ancrage (au milieu de gau-
che à droite : aileron, deux plots, embase
métallique vissable).
Historique des prothèses d’épaule 13

contrainte, mais il réduit aussi la surface de contact L’insuffisance de la coiffe est rapidement appa-
entre les pièces et autorise des déplacements plus rue comme la grande limite de l’arthroplastie totale
importants de la tête humérale sur la surface glénoï- conventionnelle. De nombreux travaux ont montré
dienne, avec pour conséquence une charge excentrée que les résultats sont d’autant moins bons que la coiffe
qui pourrait être néfaste si les déplacements sont trop était plus altérée [9,78,107] et surtout que l’ascension
importants. Walch et al. ont montré qu’une incon- de la prothèse humérale entraînait une surcharge de
gruence (avec une différence de rayon comprise entre la partie haute de la prothèse glénoïdienne, condui-
6 et 10 mm) est bénéfique [110]. Il reste à mieux en sant à un descellement précoce selon le mécanisme du
préciser l’importance, ce qui est d’autant plus difficile « cheval à bascule » [29,43]. La prothèse totale avec
que dans les prothèses modulaires actuelles, le rayon réparation de la coiffe est incertaine et une hémiarthro-
de courbure céphalique varie avec la pièce choisie et plastie [87], avant l’apparition de prothèses à centre de
que l’incongruence tête-glène n’est donc pas toujours rotation fixe fiables, avait le mérite de la logique. Les
la même. Par ailleurs, l’étude des pièces retirées mon- résultats de cette technique sont souvent imparfaits,
tre que la pièce glénoïdienne s’use et finit par devenir d’autant plus que la prothèse choisie est volumineuse
congruente avec la tête humérale sur tout ou partie de et les parties molles sous tension [2].
sa surface [99] : « None of the retrieved components
had the same surface and shape as when they were La fixation sans ciment
inserted. » Ce paramètre n’a donc pas forcément l’im-
portance qu’on lui prête. La fixation humérale à l’aide de ciment a fait la preuve
de sa grande efficacité dans toutes les séries publiées
[97]. Leur implantation obéit aux règles de la cimenta-
L’absence de resurfaçage glénoïdien tion de toutes les prothèses : obturation distale, lavage
Il est logique dans les fractures récentes et les nécroses et assèchement, injection et pressurisation du ciment. La
non compliquées d’arthrose. Il cesse de l’être lorsque fixation dite en « press-fit » d’une prothèse dépourvue
le cartilage glénoïdien est altéré. d’une surface réhabitable ne peut procurer au mieux
Néanmoins, devant la fréquence des liserés et descelle- qu’un ancrage fibreux stable et peut se compliquer de
ments glénoïdiens, certains se sont délibérément orientés migration. Dans l’expérience de Sanchez-Sotelo, l’im-
vers une absence de resurfaçage glénoïdien systématique plantation sans ciment de la prothèse de Neer II s’est
[115]. Ce choix permet de réduire la durée et la difficulté compliquée de 55 % de migrations à 4 ans [98].
de l’intervention et évite les complications des prothèses La fixation sans ciment suppose à l’humérus comme
glénoïdiennes. Toutefois, les patients présentent assez ailleurs une surface réhabitable (au moins métaphy-
fréquemment des douleurs résiduelles et leur glène s’use saire pour un humérus) et éventuellement l’adjonction
au fil du temps, avec au total un taux de reprise plus d’hydroxyapatite. De telles prothèses ont été proposées
élevé. De récents travaux l’ont encore rappelé s’il en était par de très nombreux concepteurs. Leur implantation
besoin, aussi bien dans l’arthrose [91] que dans l’arthrite obéit elle aussi à des règles bien connues : stabilité ini-
rhumatoïde [101]. Burkhead [27] a proposé une techni- tiale suffisante, ce qui suppose une prothèse suffisam-
que de préparation de la glène (perforations et interposi- ment remplissante ayant des contacts osseux étendus
tion fibreuse), qui améliorerait ces résultats. (figure 11). Les risques eux aussi sont bien connus :
À côté du choix délibéré de ne pas resurfacer la fracture peropératoire et malposition, difficultés d’ex-
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glène, deux paramètres peuvent interdire l’implanta- traction si elle s’avère nécessaire. Avec de telles pro-
tion d’une prothèse glénoïdienne ou au moins la ren- thèses, c’est la tige cylindrique dans une diaphyse
dre incertaine : humérale rendue cylindrique qui détermine la position
– l’insuffisance du stock osseux glénoïdien ; de la tête prothétique. Le risque de ne pas reproduire
– l’insuffisance de la coiffe des rotateurs. l’anatomie est donc réel.
Une importante usure osseuse ne permet pas l’intro- La fixation glénoïdienne sans ciment suppose une
duction d’un aileron ou de plots dans le col de l’omo- embase métallique réhabitable fixée à l’aide de plots
plate. Les greffes osseuses sont difficiles et leur résultat et/ou vis, éventuellement à expansion [17,28]. La fixa-
aléatoire. En cas d’usure concentrique, l’hémiarthro- tion est régulièrement obtenue, mais l’évolution de
plastie procure des résultats acceptables. En cas d’usure ces prothèses est menacée par deux complications :
asymétrique, avec une glène à double concavité, il est dissociation [17] et usure avec contact métal-métal et
préférable de fraiser la glène pour la rendre congruente libération de particules métalliques sources d’ostéolyse
avec la prothèse humérale ou de la reconstruire à l’aide [19]. C’est pourquoi ces prothèses sont aujourd’hui
d’une autogreffe. abandonnées pour la plupart des auteurs.
14 D. HUTEN

Figure 12. Prothèse bipolaire.

Figure 11. Prothèse humérale sans ciment. Noter la volumi-


neuse métaphyse avec surface rugueuse.

Autres prothèses d’épaule


Prothèse humérale bipolaire
Son principe est identique à celui des prothèses fémo-
rales pour fracture (figure 12). Elle a été proposée à Figure 13. Cupule de resurfaçage huméral de Copeland (modèle
l’épaule par Swanson [106] et popularisée par Worland Mark™ III).
[7,116].
Le modèle le plus utilisé est celui de Worland, qui
possède comme les prothèses fémorales une modula- l’épaule. Il a vu le jour au cours des années 1980 avec
rité permettant de latéraliser le trochiter par le biais les cupules de Copeland [64,65,96], Jonsson [54],
de billes de profondeur variable et donc de rétablir un Steffee [102]. Ces cupules, implantées sans ciment, ont
bon bras de levier pour le deltoïde. bénéficié secondairement de l’apport des revêtements
L’existence d’une mobilité intraprothétique laissait d’hydroxyapatite.
espérer une meilleure sédation des douleurs et une Isolée (hémiarthroplastie) ou moins fréquemment
moindre usure de la glène que celles des prothèses combinée à un resurfaçage glénoïdien (arthroplastie

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humérales standard. totale), une cupule peut être indiquée dans toutes les
Ces prothèses ont surtout été utilisées dans les arthropathies sous réserve qu’elles respectent l’essen-
omarthroses [34,84] et plus rarement les arthrites rhu- tiel de l’épiphyse humérale [64,65]. Elle permet une
matoïdes [23] avec large rupture de la coiffe des rota- reprise par prothèse conventionnelle ou arthrodèse
teurs. Leurs résultats ne sont pas apparus supérieurs dans de bonnes conditions.
à ceux des prothèses humérales conventionnelles au La cupule de Copeland (figure 13) a été la plus utili-
prix d’une modularité plus complexe. Comme pour les sée dans l’arthrose comme dans l’arthrite rhumatoïde.
prothèses humérales, il a été constaté qu’il ne faut pas Ses résultats sont pour le concepteur comparables à
surdimensionner la taille de la cupule [23]. ceux des prothèses conventionnelles et ses indications
sont les mêmes, à l’exclusion des arthropathies détrui-
Cupule humérale de resurfaçage sant la tête humérale. Ses résultats ont incité d’autres
concepteurs à proposer des implants du même type. Le
Le concept de resurfaçage céphalique avec sacrifice faible sacrifice osseux incite certains à l’utiliser chez
osseux minimal a été appliqué à la hanche bien avant des sujets jeunes.
Historique des prothèses d’épaule 15

Prothèses contraintes « inversées »


et « non inversées »
Certains [6,68,78] ont conçu des pièces glénoïdiennes
« acétabulisées », à prolongement supérieur plus ou
moins étendu fixé dans l’acromion ou appuyé sur lui.
Elles n’ont pas fait, loin s’en faut, la preuve de leur
efficacité et ont été abandonnées.
Les concepteurs se sont pour la plupart orientés vers
des prothèses à centre de rotation fixe. On peut distin-
guer les prothèses contraintes « non inversées » dans
lesquelles l’élément sphérique plein est situé du côté
huméral et les prothèses « inversées » dans lesquelles il
est situé du côté scapulaire. Il faut y ajouter les prothè-
ses comportant deux éléments sphériques réunis par
une sphère (donc « à trois éléments »). Selon Neer, plus
de 22 modèles de telles prothèses ont été conçus au
cours des années 1970 [79].
Citons pour les prothèses contraintes « non inver-
sées » celles de Stanmore [32,63], Reeves [36,37,89],
Reese [88] (figure 14) et parmi les prothèses inversées
(figure 15) celles de Gérard [47,48], Neer et Averill Figure 14. Exemple de prothèse contrainte « non inversée »
(modèles Mark™ I et III) [79], Kessel [25,116], modi- (Similaire à une prothèse de hanche).
fiée par Bayley [1], Kölbel [57], Fenlin [40] et la pro-
thèse Liverpool de Beddow dont la pièce scapulaire Le génie de Grammont [50] réside dans la médialisa-
rappelle une prothèse fémorale. tion du centre de rotation et aussi l’abaissement huméral.
Certains modèles possédaient même deux pièces Un centre de rotation fixe et médialisé procure au
sphériques pleines réunies par une pièce intermédiaire deltoïde une meilleure efficacité, ce qui lui permet
sphérique creuse : prothèses de Buechal et Pappas [26], d’animer la prothèse à lui seul, d’assurer sa stabilité, et
Gristina [109] et Mark™ II de Neer [79], de Gonon et de réduire le risque de descellement glénoïdien.
Carret (figure 16). La première prothèse conçue en 1985 comportait
Toutes n’ont pas été implantées. Leurs résultats ne sont deux pièces, l’une glénoïdienne ou « glénosphère »,
pas parfaitement connus. Toutes ont été abandonnées en métallique, qui représentait les deux tiers d’une sphère,
raison de leurs mauvais résultats et de leurs complica- qui était cimentée, et l’autre humérale, en polyéthylène,
tions mécaniques. En dehors de la prothèse de Stanmore, qui représentait le tiers d’une sphère et était également
leur centre de rotation était latéralisé, diminuant le bras cimentée (figure 17A). Les résultats de 8 cas ont été
de levier du deltoïde et augmentant celui des forces qui publiés en 1987 [50]. Le centre de cette prothèse était
tendent à desceller le composant glénoïdien. encore trop latéral, ce qui a conduit Grammont à faire
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évoluer sa prothèse vers une demie-sphère.


Prothèse inversée de Grammont La deuxième prothèse, conçue en 1989, est la pro-
thèse « Delta™ III » [10], dont le nom rappelle qu’elle
Grammont a imaginé, fait réaliser et implanté la pre- n’est animée que par le seul muscle deltoïde (figu-
mière prothèse inversée performante. Il a persisté en re 17A). La première implantation remonte à 1991. La
dépit de critiques qui se sont avérées infondées avec le prothèse, modulaire, comporte quatre pièces origina-
recul. Le succès actuel de ce type de prothèse, sa dif- les avec lesquelles nous nous sommes familiarisés au fil
fusion dans le monde entier, sa place croissante dans du temps : métaglène (sans ciment), glénosphère (tiers
la chirurgie de l’épaule et la multiplicité des travaux de sphère et non deux tiers), tige humérale et cupule
qu’elle suscite témoignent de l’apport de cette prothèse humérale. La métaglène est fixée à l’aide d’un plot cen-
à l’arthroplastie de l’épaule. Elle est la réponse aux tral et de quatre vis dont deux, supérieure et inférieure,
arthropathies compliquées d’insuffisance de la coiffe, divergentes, sont essentielles pour neutraliser les forces
auxquelles les prothèses conventionnelles ne permet- de cisaillement. L’ostéointégration de la métaglène
tent pas de faire face d’une manière efficace. est favorisée par un revêtement d’hydroxyapatite.
16 D. HUTEN

A B

C D

Figure 15. Les premières prothèses inversées. A et B. Prothèses inversées de Neer et Averille (modèles Mark™ I et III). C. Prothèse
de Fenlin. D. Prothèse de Kessel.

cône morse sécurisé par une vis centrale, ce qui a fait


disparaître cette complication. Dans le troisième et
dernier modèle, la tige humérale a été améliorée et
une modularité humérale est apparue, permettant de
mieux s’adapter aux variations des dimensions sque-

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lettiques. Les tiges peuvent être cimentées ou non (et
alors revêtues d’hydroxyapatite).
Le recul de cette prothèse est de plus de 15 ans. Ses
résultats ont été évalués par de nombreux auteurs
[11,20,100] et ont fait l’objet en France d’un récent sym-
posium de la SOFCOT en 2006 [38]. Les résultats sur la
douleur sont comparables à ceux des prothèses conven-
Figure 16. Prothèse contrainte à trois éléments (prothèse de tionnelles. Les résultats sur l’élévation active sont les plus
Gonon et Carret). brillants que l’on ait jamais obtenus en l’absence de coiffe
des rotateurs (120 à 130° d’élévation active moyenne).
Des complications spécifiques ont été observées :
Un premier modèle comportait une glénosphère – encoche scapulaire souvent précoce qui traduit un
vissée sur la métaglène, modularité qui s’est compli- conflit entre la cupule humérale et le pilier de l’omo-
quée de dévissages [70]. Dans le deuxième modèle, plate. Une implantation basse de la métaglène permet
la glénosphère était fixée à la métaglène à l’aide d’un d’en réduire l’importance [81] ;
Historique des prothèses d’épaule 17

Figure 17. Prothèses inversées


de Grammont. A. Modèle origi-
nel. B. Delta™ III.

– luxations en cas de tension insuffisante du deltoïde, De nouveaux modèles ont été proposés [42], la tech-
fracture acromiale en cas de tension excessive ; nique a progressé, les publications se multiplient comme
– insuffisance des rotations qui relèvent de plusieurs cela a été le cas pour les prothèses conventionnelles.
mécanismes et notamment de la médialisation (conflit
avec la scapula, diminution du bras de levier du deltoïde
postérieur pour la rotation externe et antérieur pour la Conclusion
rotation interne [20]) mais aussi de l’état préopératoire
de la coiffe. Certains ont proposé un transfert musculaire L’arthroplastie d’épaule a largement atteint le degré
pour pallier un manque de rotation externe active [21]. de maturité qui lui a manqué pendant longtemps. La
La survie à 10 ans est néanmoins de 91 %, en pre- confiance croissante des chirurgiens et des patients
nant pour événement le changement de prothèse, explique qu’un nombre croissant de patients en béné-
et de 84 % en prenant pour événement le descel- ficie chaque année.
lement glénoïdien [51]. Ceci incite à la réserver à Aux prothèses anatomiques se sont ajoutées les pro-
des sujets âgés, sans qu’il soit possible de fixer une thèses inversées qui permettent enfin de faire face au
limite précise. difficile problème posé par l’insuffisance de la coiffe.
La technique de la prothèse inversée est de mieux en Toutes ont évolué et devront encore évoluer pour pal-
mieux maîtrisée, ce qui explique que ses indications lier leurs imperfections.
[112] aient été élargies aux arthropathies compliquées Il reste à mettre au point des techniques et peut-être
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de rupture de la coiffe, aux fractures à quatre frag- des implants de reprise pour faire face à leurs inévi-
ments du sujet âgé [111], à la reconstruction des résec- tables complications et notamment au descellement
tions carcinologiques de l’humérus proximal. aseptique qui menace l’évolution de toute arthroplastie.

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21

Cinématique de l’élévation
de l’épaule normale et prothésée
Kinematics of elevation of the healthy shoulder
and with shoulder replacement

L. FAVARD, J. FOURNIER, J. BERHOUET

RÉSUMÉ SUMMARY
Lors de l’élévation du bras dans le plan de l’omoplate, l’articula- During active elevation in scapular plane, the glenohumeral joint
tion glénohumérale (GH) assure les trois quarts du mouvement (GH) plays an important role up to 90°. A slight upward migration
jusqu’à 90° d’élévation et moins des deux tiers ensuite. L’ascension of the humeral head during the first 30° is followed by a slighter
presque systématique de la tête pendant les 30 premiers degrés upward migration until 90° and then a downward migration. The
se poursuit jusqu’à 90° puis on note une descente modérée. La kinematics of anatomical total shoulder prostheses may be close
cinématique des prothèses peut être soit proche de la normale, to a normal rhythm. It can be very abnormal with an upward
soit très anormale avec la tête qui monte dès le début du mou- migration of the head under the acromion at the beginning of
vement, soit intermédiaire avec une mobilité scapulothoracique movement. It can be intermediate with the same mobility in the
(ST) identique mais une mobilité GH diminuée. La cinématique scapulothoracic (ST) joint but a decreased mobility of the GH
des prothèses inversées montre le rôle important de l’articulation joint. The kinematics of reversed prostheses shows the important
ST lors de l’élévation du bras et le rôle important du ratio GH/ST role of the ST joint during active elevation and the important role
en position de repos sur la survenue des encoches, lorsqu’il est of the GH/ST ratio at rest, leading to a risk of notching when it
inférieur à 1. is under 1.

Mots clés : Épaule. – Cinématique. – Rythme scapulohuméral. Key words: Shoulder. – Kinematics. – Scapulohumeral rythm.
– Arthroplastie. – Arthroplasty.

Introduction la « position zéro fonctionnelle » décrite par Saha [12],


où humérus et scapula sont coplanaires sans torsion
Au niveau de la hanche, le mouvement concentrique de la capsule inférieure et où les muscles ont un aligne-
de la tête fémorale dans le cotyle est facile à étudier. ment optimal. C’est pourquoi l’élévation de l’épaule
Au niveau du genou, l’incongruence des surfaces arti- est intéressante à étudier dans ce plan. Lors de cette
culaires rend cette analyse plus difficile. Cependant, élévation, trois notions sont importantes à analyser :
les mouvements de roulement-glissement des condyles le rythme scapulohuméral, la course de la tête humé-
sur le tibia sont étudiés depuis longtemps et leur rela- rale sur la glène (ou excursion) et l’analyse des centres
tion avec les insertions ligamentaires est bien établie. instantanés de rotation (CIR). Ces analyses ont sou-
Le problème est plus difficile au niveau de l’épaule, vent fait appel à des études cadavériques ou statiques
où interviennent simultanément les articulations sca- [6,7,10,11,13] ne reflétant qu’imparfaitement la ciné-
pulothoracique (ST) et glénohumérale (GH), et où les matique d’une articulation en perpétuel équilibre du
relations physiologiques entre la tête humérale et la fait de sa stabilisation essentiellement musculaire et de
glène sont mal connues. Le plan le plus fonctionnel la mobilité de la ST. Les études dynamiques numérisées
est le plan de l’omoplate. C’est celui qui permet l’élé- [1,3,4] permettent une approche plus réaliste, où les
vation maximale, contrairement à l’abduction. Cette images obtenues sont des instantanés d’un mouvement
position d’élévation maximale correspond également à physiologique dont la cinétique n’est pas rompue.

Prothèses d’épaule. État actuel


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22 L. FAVARD, J. FOURNIER, J. BERHOUET

L’épaule saine arc donné correspond à l’excursion de la tête humérale


(figure 2). La somme de ces excursions correspond à la
Technique d’analyse et mesure course de la tête humérale.
Enfin, les CIR entre deux positions peuvent être
La technique employée est en général la suivante [3]. étudiés en utilisant la technique de Poppen et Walker
Le patient est debout ou assis et doit lever son bras [11].
contre la pesanteur, éventuellement avec un poids sup- L’équipe de Blaimont [1], ainsi que la nôtre, ont
plémentaire. Un repérage scopique est effectué, pour effectué de telles études sur des épaules saines. Les
enfiler strictement l’interligne GH et avoir ainsi le plan résultats en sont les suivants.
de l’omoplate comme plan de référence. Puis, l’éléva-
tion du bras dans le plan de l’omoplate est enregistrée Le rythme scapulohuméral
sur un appareil radiographique numérique à la cadence
de 6 à 8 images/s. Cette élévation est effectuée de façon Au repos, 82 % des glènes regardent vers le bas avec
ininterrompue en 8 à 10 secondes de la position de un angle ST moyen de 4,1° par rapport à la verticale
repos à l’élévation maximale, contre pesanteur, pouce alors que l’humérus fait un angle (AGH) de 4° avec
dirigé vers le haut. la verticale. L’angle global (AGB) de repos est signifi-
Sur chaque séquence filmée, les images sont sélec- cativement supérieur chez les femmes (58,23°), contre
tionnées. Les angles et les arcs mesurés, en référence 3,16° chez les hommes, et plus important du côté
au travail de Poppen et Walker [11], permettent de gauche.
connaître la participation respective de la GH et de la Au cours de l’élévation, le ratio moyen est de 2,67,
ST dans l’élévation (figure 1). mais il est plus important pendant les 60 premiers degrés
Sur chaque image sélectionnée, la projection du cen- et moins important ensuite. L’articulation GH assure
tre géométrique de la tête humérale sur la tangente les trois quarts du mouvement jusqu’à 90° d’élévation
à la glène peut être analysée. Les coordonnées de ce et moins des deux tiers ensuite (figure 3). La tenue d’un
point sont exprimées en référence au point milieu de la poids augmente significativement la participation de la
tangente à la glène. La variation de ce point pour un GH au début du mouvement (figure 4).
Ces résultats diffèrent un peu de ceux qui utilisent des
techniques statiques ou cadavériques. Si le ratio moyen
rapporté est proche de ceux de la littérature, les varia-
tions observées au cours de l’élévation sont différentes.
Inman [7] estime qu’au cours des 30 premiers degrés

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Figure 2. L’excursion E correspond au déplacement successif de


Figure 1. Tracé des angles. GH = angle glénohuméral, ST = la projection du centre géométrique de la tête humérale (Oh1,
angle scapulothoracique. Global = GH + ST. Oh2…) sur la tangente à la glène.
Cinématique de l’élévation de l’épaule normale et prothésée 23

RATIO GH/ST Ratio moyen = 2,67


5,0

4,0 3,93
3,48 3,47 ST ++
3,0 2,88

2,0 1,97
GH ++ 1,60
1,35
1,0

0,0
0/30 30/45 45/60 60/90 90/120 120/150 MAXIMUM

ARCS

Figure 3. Rôle respectif de l’unité glénohumérale (GH) et de l’unité scapulothoracique (ST) lors de l’élévation dans le plan de
l’omoplate.

Arc 0–308 : p < 0,05

6,00

5,00

4,00

3,00

2,00

1,00

0,00 ARCS
0/30 30/45 45/60 60/90 90/120 120/150 MAX

Ratio « apparié » sans poids 2,69 3,07 3,16 2,68 1,76 1,42 1,53
Ratio « apparié » avec poids 4,01 3,97 3,64 3,06 1,45 1,28 2,55

Figure 4. L’élévation avec un poids de 1,5 kg influence surtout les premiers degrés d’élévation avec une participation accrue de
l’unité GH.

d’abduction, il existe une grande variabilité dans les La course de la tête humérale
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mouvements ST, et qu’entre 30° et 170° d’abduction, la


mobilité GH est le double de la mobilité ST selon un rap- Au repos, la projection du centre de la tête humérale
port constant égal à 2 (GH/ST = 2/l). Les études ultérieu- est située en moyenne 0,96 mm au-dessous du centre
res de Freedman et Munro [6] et de Poppen et Walker de la glène, avec des variations individuelles impor-
[10,11] retrouvent la constance du rapport GH/ST au tantes. Pendant les 30 premiers degrés d’élévation,
cours de l’élévation antérieure, mais avec des valeurs l’excursion est de 1,02 mm en moyenne vers le haut
différentes. Pour Freedman et Munro [6], il existe 3° de et 87 % des sujets ont une tête qui monte. De 30 à
mobilité GH pour 2° de mobilité ST (GH/ST = 3/2), tan- 90°, l’ascension se poursuit mais de façon moindre,
dis que pour Popper et Walker [10,11], il existe 5° de 0,72 mm en moyenne et pour 70 % sujets. De 90 à
mobilité GH pour 4° de mobilité ST (GH/ST = 5/4). Ces 120°, on note une descente de la tête humérale de
données contradictoires pourraient être dues à la diffé- 0,3 mm en moyenne chez 67 % des sujets, puis une
rence de plan de référence choisi [7,8] et aux variations certaine stabilité de 120 à 150°. Enfin, de 150° à l’élé-
individuelles très importantes, mais aussi et surtout au vation maximale, on note à nouveau une ascension
fait qu’il ne s’agissait pas d’étude dynamique. minime chez deux tiers des patients (figure 5).
24 L. FAVARD, J. FOURNIER, J. BERHOUET

2,5 67 %
87 %
2
1,5
1

Milieu de ,5
la glène 0
–,5
–1
–1,5
–2 70 %
–2,5
Repos A30 A60 A90 A120 A150 Max

Figure 5. Schématisation de l’excursion de la tête humérale sur la glène lors de l’élévation.

2,5 3,9
2 3,4
2,8
1,5 1,9
1,6 1,3
1

,5

–,5

–1

–1,5

–2
Rest–30⬚ 30⬚–60⬚ 60⬚–90⬚ 90⬚–120⬚ 120⬚–150⬚ Amax–A150

Figure 6. Relation entre la distance moyenne parcourue par le centre géométrique de la tête humérale pour chaque arc d’élévation
(en bleu) et le ratio GH/ST (en rose).

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L’étendue de l’excursion, représentant la distance tude est de 9,11°. En résumé, on peut schématiser
entre excursion maximale et excursion minimale, est le tracé moyen de la tête au cours de l’élévation en
de 3,29 mm. Aucune différence significative n’a pu dessinant artificiellement une petite tête et une grande
être mise en évidence au niveau du côté dominant ou glène (figure 7).
non, du sexe ou du sens de l’excursion. Par rapport aux études cadavérique de Inman [7] ou
Si on analyse la distance moyenne parcourue par statique de Poppen et Walker [11], ce travail présente
le centre géométrique de la tête humérale pour cha- l’avantage d’analyser un vrai mouvement dynamique.
que arc d’élévation, on obtient une courbe dont la Malheureusement, il n’étudie ce mouvement que dans
comparaison avec celle du ratio GH/ST montre une un plan. Cette étude permet de faire les constatations
similitude frappante (figure 6). On constate, en effet, suivantes :
qu’il y a une relation significative entre l’amplitude – l’importance des variations individuelles, déjà
de la mobilité ST et le sens de l’excursion. Lorsque constatée par Poppen [11] et Blaimont [1], rend par-
l’excursion est positive, l’amplitude de la ST est en fois difficiles l’interprétation et la compréhension des
moyenne de 7,82° ; lorsqu’elle est négative, l’ampli- rapports tête-glène ;
Cinématique de l’élévation de l’épaule normale et prothésée 25

Repos 308 608 908 1208 1508 Max

Glène verticale Glène horizontale

Figure 7. Schématisation du roulement-glissement de la tête humérale et de l’orientation de la glène lors de l’élévation.

– l’ascension presque systématique de la tête pen-


dant les 30 premiers degrés se poursuit jusqu’à 90°,
puis on note une descente modérée. Ce phénomène
pourrait s’expliquer facilement par la stabilisation
musculaire active de l’épaule avec un deltoïde initia-
lement élévateur du bras jusqu’à 90°, puis abaisseur
au-delà ;
– face à cette tendance de la tête à monter et descen-
dre, la ST semble intervenir comme un élément régu-
lateur, gardant la glène verticale lorsque la tête monte,
comme pour la freiner dans son ascension, et horizon-
talisant la glène lorsque la tête descend, comme pour
éviter une descente trop rapide. La ST rappelle en ce
sens les équilibristes qui anticipent la chute de leurs
ustensiles (figure 8).

Les centres instantanés de rotation


Ils ont été bien analysés par Fischer et al. [5], qui retrou-
vaient deux zones de concentration des CIR, distinctes,
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avec un changement aux alentours de 60° d’élévation. Figure 8. Schéma illustrant le rééquilibrage permanent de la ST
Lors de notre étude cinématique, nous avons également pour recentrer la tête sur la glène.
retrouvé deux zones de CIR [3], l’une correspondant à
l’arc 0–60° et l’autre à l’arc 60°–élévation maximale.
Avec une analyse plus précise mais de méthodolo- L’épaule prothésée
gie analogue, Blaimont [1] a retrouvé trois zones de
concentration des CIR, de 0 à 40°, de 40 à 60°, puis au- Cette connaissance de la cinématique de l’épaule saine
delà (figure 9). Néanmoins, tous les auteurs soulignent permet une meilleure approche de celle des épaules
la grande variabilité individuelle de ces mesures. prothésées en servant de référence et en permettant
Il ressort de ces études que la GH alterne des mouve- d’analyser les variations par rapport à la normale.
ments de glissement pur, de roulement pur et des deux Compte tenu de leur mode de fonctionnement très dif-
associés, dont l’origine se trouve dans la mise en jeu férent, les épaules ayant une prothèse anatomique ou
des groupes musculaires abaisseurs ou élévateurs au bipolaire doivent être analysées différemment de celles
cours de l’élévation. ayant une prothèse inversée.
26 L. FAVARD, J. FOURNIER, J. BERHOUET

Figure 9. Les centres instantanés de rotation selon Fisher (A), Favard (B) et Blaimont (C). Pour Fischer et Favard, le changement de
C1 à C2 s’effectue aux alentours de 60°, et pour Blaimont autour de 40° puis de 60° pour le passage de C2 à C3.

Gr 0 Gr 1 Gr 2 Gr 3 Gr 4

+ –
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GH GH
ST ST

30⬚ 30⬚

Ratio : GH/ST = 0,8 Ratio : GH/ST = 4

Situation A Situation B
Figure 10. Schéma illustrant la différence de ratio (situation A et B) pour un même degré d’abduction et l’influence sur l’apparition
d’une encoche du pilier de la scapula.
Cinématique de l’élévation de l’épaule normale et prothésée 27

L’enregistrement de l’élévation active a permis de dis-


tinguer trois types de comportement biomécanique très
proches de ceux décrits par Boileau [2] :
– un premier groupe présentait un comportement bio-
mécanique normal, permettant une élévation moyenne
de 134° en deux temps : prédominance initiale de la
mobilité GH puis de la ST. Le mouvement GH faisait
intervenir chronologiquement la mobilité intraprothé-
tique (entre tête et cupule) au début de la phase d’élé-
vation, puis la mobilité extraprothétique (entre cupule
et os) ;
– le second groupe présentait un comportement bio-
mécanique paradoxal en deux temps : lors du premier
temps, la prothèse venait s’encastrer sous l’auvent acro-
mial sans faire intervenir la mobilité GH, puis une élé-
vation limitée était possible grâce à l’articulation ST.
La participation GH à ce mouvement était très faible,
voire nulle ;
– entre ces deux groupes existait un groupe inter-
médiaire au comportement mixte : le premier temps
débutait par une ouverture GH très modérée, puis la
prothèse humérale venait rapidement se caler sous la
Figure 11. Exemple d’une position de repos favorable avec un voûte acromiohumérale, mettant alors en jeu la ST.
ratio GH/ST très élevé et un risque d’encoche moindre. La participation intraprothétique au mouvement GH
était variable et sans chronologie.
Les prothèses anatomiques
Seul Boileau [2] rapporte une étude de cette élévation
Les prothèses inversées
dans le plan de l’omoplate et avec un enregistrement Les prothèses inversées ont été analysées par Favard
continu. Il observe ainsi trois types de comportement : [4] selon une technique identique. Cette étude menée
– un groupe proche de la normale, avec un rôle pré- sur 13 épaules mobiles et indolores permet de faire les
dominant de la GH au début du mouvement jusqu’à remarques suivantes.
50° puis de la ST jusqu’à 110° et à nouveau avec une – Au repos, la glène regarde vers le haut avec un
prédominance de la GH ; angle moyen de 9,2° et l’abduction moyenne dans la
– un groupe avec un mouvement très anormal où la GH est de 14,2°. Ainsi, en position de repos coude au
tête, dans un premier temps, s’ascensionne et vient corps, la moyenne de l’abduction est de 23,4°, c’est-
sous l’acromion, puis le mouvement d’abduction s’ini- à-dire bien supérieure à ce qui est observé sur les
tialise essentiellement dans la ST et de façon limitée épaules saines. Par ailleurs, le ratio est pratiquement
jusqu’à 80° en moyenne. C’était surtout le cas des constant au-delà de 30° et égal à 1,5, ce qui témoi-
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épaules à stock osseux et tendineux très altéré (poly- gne d’un rôle prédominant de la GH mais beaucoup
arthrite rhumatoïde, « cuff tear arthropathy », séquelles moins important que dans l’épaule saine. En d’autres
de fractures) et les résultats fonctionnels obtenus sont termes, la ST joue un rôle important dans l’élévation
« à buts limités » ; du bras.
– un troisième groupe (30 %) où l’élévation se différen- – Avant 30°, l’analyse du ratio GH/ST est intéressante.
cie du groupe « normal » par une mobilité ST identique On constate qu’à un degré d’abduction équivalent, le
mais une mobilité GH diminuée. Le rythme, dans ces ratio qui compose cette abduction peut être variable
épaules, semble inversé, avec une prédominance ST au tantôt avec une prédominance de la GH, et il est alors
début, mais les résultats cliniques sont corrects. supérieur à 1, tantôt avec une prédominance de la ST,
et il est alors inférieur à 1. Or, le fait que ce ratio soit
Les prothèses bipolaires inférieur à 1 dans cette position de repos est corrélé
à un meilleur score de Constant, une meilleure éléva-
Une étude analogue a été faite par Petroff [9] avec les tion et un faible nombre d’encoches de stade 3 ou 4
prothèses bipolaires. (figures 10 et 11).
28 L. FAVARD, J. FOURNIER, J. BERHOUET

Conclusion aux dépens de la GH, et seule la ST continue d’assurer


une partie de l’élévation. La position de l’omoplate au
L’analyse de l’épaule saine est une référence impor- départ du mouvement d’élévation semble également
tante pour apprécier les modes de fonctionnement des être un élément important. Enfin, l’application de
prothèses. Ces dernières permettent dans certains cas ces méthodes aux épaules à rupture massive de coiffe
l’obtention d’une cinématique proche de la normale, pourrait permettre de comprendre pourquoi certaines
et c’est dans ces cas que les résultats sont les meilleurs. sont pseudo-paralytiques et d’autres non, alors que les
Dès que le fonctionnement est perturbé, cela se fait lésions tendineuses semblent identiques.

RÉFÉRENCES

1 Blaimont P, Taheri A, Vanderhofstadt A. Displacement of the 7 Inman VT, Saunders JB, Abbott LC. Observations of the
instantaneous center of rotation of the humeral head during function of the shoulder joint. 1944. Clin Orthop 1996 :
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3 Favard L, Desperiez M, Alison D. Kinematics of anterior ele- 9 Petroff E, Mestdagh H, Maynou C, Delobelle JM. Arthroplasty
vation in the normal shoulder. In : Walch G, Boileau P, éds. with a mobile cup for shoulder arthrosis with irreparable rota-
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4 Favard L, Guery J, Bicknell R, Bacle G, Berhouet J. A radio- Rev Chir Orthop 1999 ; 85 : 245-56.
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In : Nice Shoulder Course, éd. Reverse shoulder arthoplasty. abduction. Clin Orthop 1978 : 165-70.
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5 Fischer LP, Carret JP, Gonon GP, Dimnet J. Cinematic study shoulder. J Bone Joint Surg Am 1976 ; 58 : 195-201.
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phic study. J Bone Joint Surg Am 1966 ; 48 : 1503-10. Orthop Scand 1971 ; 42 : 491-505.

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29

Les équilibres musculaires


de l’épaule
Muscular balance of the shoulder

O. GAGEY, V. MOLINA

RÉSUMÉ SUMMARY
Les mécanismes de stabilisation de l’épaule restent mal élucidés. The mechanisms of shoulder stabilization are still not well dis-
Une approche systématique des différents acteurs devrait permet- covered. A systematical approach of the different actors should
tre peu à peu de proposer les modèles physiologiques cohérents permit little by little to propose physiological models which are
qui sont indispensables à la compréhension des lésions dégénéra- indispensable for the understanding of degenerative lesions and
tives et des causes de décompensation ainsi qu’à la mise en œuvre the causes of decompensation as well as the practical of the
de traitements adaptés. adapted treatments.

Mots clés : Épaule. – Muscles. – Équilibre. Key words: Shoulder. – Muscles. – Balance.

Introduction est l’illustration la plus probante. Au début de l’éléva-


tion, la stabilisation de l’articulation est donc assurée
Les équilibres musculaires de l’épaule sont un sujet clé presque uniquement par les muscles. Au-delà de 90°,
pour la compréhension du fonctionnement de cette les ligaments entrent progressivement en action.
articulation, dont l’absence de congruence articulaire Considérant l’anatomie ligamentaire, il est évident
est bien connue. L’absence de congruence a une raison que leur résistance mécanique n’est pas à la hauteur de
d’être : assurer une mobilité maximale (circumduc- la tâche de stabilisation : l’épaisseur de l’ensemble cap-
tion) du bras dans l’espace. sulo-ligamentaire est en effet au maximum de 4 à 5 mm
In fine, seules les performances du système de au voisinage de la glène et diminue progressivement en
contrôle moteur permettent d’expliquer l’efficacité et direction de l’humérus pour n’être plus que de 1 à 2 mm
la finesse de gestion de cet équilibre. C’est pour l’ins- à ce niveau (figure 1) [3]. Les ligaments articulaires de
tant un domaine fort peu connu qui se prête mal à la glénohumérale sont donc incapables d’assurer à eux
démonstration. Nous centrerons donc cet exposé sur seuls la stabilité de l’épaule. Cela permet de rappeler
les aspects morphologiques et mécaniques, qui per- deux données fondamentales concernant les ligaments
mettent malgré tout, de mieux entrer dans la compré- articulaires en général : les ligaments sont des palpeurs
hension du phénomène. qui informent le système nerveux de leur mise en ten-
sion. Ces informations déclenchent la mise en œuvre
Le défi mécanique de l’épaule des muscles chargés de la stabilisation effective. La
stabilisation articulaire est toujours l’œuvre de couples
Il est maintenant établi qu’entre 0 et 60° d’élévation synergiques muscle-ligaments.
dans la glénohumérale, aucun ligament articulaire n’est L’instabilité antéro-inférieure de l’épaule est précisé-
tendu. L’absence de congruence osseuse est tout à fait ment expliquée par l’existence d’une position de l’ar-
évidente, seul le labrum procure un minimum de stabi- ticulation où la mise en jeu de ce couple synergique
lité passive et l’on sait maintenant que les lésions dégé- peut être mise en défaut. Il s’agit du point faible, situé
nératives du labrum sont fréquentes et n’entraînent pas entre 4 et 6 h, qui est démasqué en abduction et rota-
de réelle déstabilisation de l’épaule. La décoaptation tion externe par le glissement vers le haut et en arrière
de la tête humérale lors de l’ouverture articulaire, qui du subscapulaire, glissement qui laisse la capsule sans
témoigne de l’existence d’un vide intra-articulaire, en soutien musculaire.

Prothèses d’épaule. État actuel


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30 O. GAGEY, V. MOLINA

Figure 1. Ensemble capsule-ligament articulaire prélevé par


désinsertion de la glène et de l’humérus. Cet ensemble forme
une nappe continue dont l’épaisseur varie de 5 à 2 mm de
dedans en dehors. Figure 2. La coiffe de traction. Les renforcements tendineux ont
été reconstruits à partir d’IRM à haute résolution ; ils illustrent
Cette prépondérance des muscles de la coiffe des rota- l’action de la coiffe sur la tête humérale.
teurs au début et la mise en jeu des ligaments à la fin
de l’élévation sont bien illustrées par les phénomènes de muscle et d’une bourse séreuse à ce niveau le prouve.
déstabilisation de la tête humérale. Les lésions de coiffe L’enroulement autour du processus coracoïde provo-
des rotateurs provoquent une déstabilisation de la tête que une mise en tension importante du muscle et de
humérale (dans le sens vertical) au début de l’élévation, son tendon ; cela réalise un véritable butoir antérieur
tandis que les laxités ligamentaires s’expriment, elles, (ou effet de sangle) pour la tête humérale et participe à
lorsque le bras est au-dessus de l’horizontale. la stabilisation de cette dernière.
Le rôle du ligament coracoacromial (LCA) ne doit
pas être sous-estimé. Ce ligament précontraint com- La fonction de rotation externe
porte de nombreux récepteurs proprioceptifs [7]. De
plus, la face supérieure du tendon du supraépineux Outre cette importante fonction de stabilisation, la
présente une métaplasie hyaline [11] qui atteste de coiffe des rotateurs exerce une autre fonction essen-
l’existence d’un frottement avec le LCA. Ce ligament tielle : la fonction de rotation externe. La rotation
représente certainement, via les pressions transmises externe de l’humérus, lorsque ce dernier est un tant
par le tendon du supraépineux, une source d’informa- soit peu en élévation, correspond à une élévation de
tion pour le contrôle moteur de l’épaule. la main dans l’espace. Les conséquences fonctionnelles
de l’absence de rotation externe active sont parfaite-
ment illustrées par le signe du clairon.
La coiffe des rotateurs Il faut souligner le paradoxe existant entre l’impor-
tance de cette fonction de rotation externe et le fait
Sa fonction peut être décrite de plusieurs manières. qu’elle est assurée par un seul muscle, le muscle infra-

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épineux (le petit rond joue un rôle secondaire du fait
Une coiffe de traction (figure 2) d’un bras de levier moindre). De plus, il est intéres-
sant de noter que les ruptures isolées de l’infraépineux
Les quatre muscles qui la composent supraépineux, sont rarement douloureuses. Cela est peut-être dû à
infraépineux, subscapulaire et petit rond, vont tirer sur l’absence de bourse séreuse en regard de la face post-
la tête humérale pour l’appliquer contre la glène scapu- érieure du tubercule majeur.
laire. Cette fonction de coaptation met à profit la pré-
sence du bourrelet pour trouver toute son efficacité.
Déséquilibre entre rotateurs
L’effet de sangle du subscapulaire externes et rotateurs internes
Lors de mouvements d’élévation de l’épaule, le subs- C’est un phénomène à ne pas négliger en matière de
capulaire coulisse sous le processus coracoïde. La rééducation. Fruit de la phylogenèse, ce déséquilibre
présence du renforcement tendineux supérieur du représente les nécessités anciennes de la quadripédie,
Les équilibres musculaires de l’épaule 31

qui imposaient de très puissants muscles adducteurs La notion de double coiffe


et rotateurs internes pour assurer la stabilité des anté-
rieurs. Ce déséquilibre peut affecter la régulation de la L’extrémité supérieure de l’humérus est donc stabilisée
position de la scapula et modifier l’orientation de la dans les trois plans de l’espace par une double coiffe,
glène et la physiologie de la glénohumérale. l’une en traction (la coiffe au sens classique du terme),
l’autre en compression (le deltoïde). Le deltoïde a bien
évidemment un rôle moteur absolument essentiel,
La fonction du muscle comme le prouve la structure multipennée du deltoïde
deltoïde (figure 3) moyen [8]. Ces deux coiffes emboîtées en « poupée
russe » sont séparées, au moins en regard du supraépi-
Nos travaux sur la physiologie du deltoïde nous ont neux, par la bourse séreuse sous-deltoïdienne [5]. Des
conduits à accorder à ce muscle un rôle dominant dans travaux ont établi que les feuillets de la bourse séreuse
la physiologie de l’articulation glénohumérale. contenaient des terminaisons nerveuses libres et qu’en
L’anatomie du deltoïde montre à quel point ce mus- cas d’épaule douloureuse simple, il y avait une augmen-
cle entoure de près l’extrémité supérieure de l’humérus tation de la substance P dans le liquide prélevé [10].
et l’origine de la coiffe des rotateurs. Il y a une large Cet espace entre les deux coiffes forme la cinquième
surface de contact entre cette dernière et la face pro- articulation de l’épaule décrite par de Sèze. Il dispose de
fonde du muscle. fait de tous les attributs d’une articulation : congruence
Cette anatomie très particulière nous a conduits à parfaite, appareil de glissement synovial, appareil pro-
chercher en direction d’une caractérisation des effets prioceptif. Dans cette perspective, la notion de conflit
de surface du muscle qui, jusqu’à aujourd’hui, n’a été de Neer [9] mérite – au moins – d’être reformulée.
considéré que comme un « muscle ficelle ». Un premier L’étroitesse de l’espace n’est pas en soi une cause de
travail purement statique [6] a permis de conclure que douleur, pas plus que ne l’est le bord antérieur de l’acro-
la composante ascensionnelle du deltoïde, considérée mion ou le bord libre du LCA. C’est un dérèglement de
comme une des causes de rupture de la coiffe, devait la fonction de cette articulation qui est cause des dou-
être revue à la baisse. Dans certains cas, le deltoïde leurs (vraisemblablement par le truchement de la bourse
pouvait même être considéré comme abaisseur de la séreuse sous-deltoïdienne). Les causes précises de l’en-
tête humérale, comme le suggéraient les expériences de trée dans le cycle douloureux restent à déterminer.
Duchenne de Boulogne [4]. Un travail de modélisation
plus élaboré [1,2] et des expérimentations anatomi-
ques directes ont permis d’établir que le deltoïde est Perturbations des équilibres
capable à lui seul (sans coiffe des rotateurs active) de musculaires de l’épaule
stabiliser correctement l’humérus dans le plan vertical
et dans le plan horizontal. Deux d’entre elles méritent d’être analysées brièvement.
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Figure 3. Anatomie du deltoïde. Le muscle entoure l’extrémité supérieure et peut donc avoir une action stabilisatrice de cette der-
nière. A. IRM en coupe coronale. B. Préparation anatomique en coupe horizontale.
32 O. GAGEY, V. MOLINA

Les ruptures dégénératives mérite réflexion. Partant du fait que, au repos, les liga-
ments de l’épaule sont détendus, ces mouvements anor-
de la coiffe des rotateurs maux devraient toujours être présents, puisqu’il n’y a
Elles sont extrêmement fréquentes. Leur taux d’inci- aucun ligament pour s’y opposer. Ces mouvements
dence varie entre 40 et 50 % de la population des per- anormaux ne sont donc explicables que par un dysfonc-
sonnes de plus de 60 ans. tionnement des muscles stabilisateurs. L’hyperlaxité
Cette fréquence permet de conclure que la douleur en constitutionnelle est donc une perturbation mixte tou-
cas de rupture de la coiffe est un phénomène rare donc chant à la fois les muscles et les ligaments.
possiblement sans lien vraiment direct avec la rupture
elle-même. Une chose reste cependant certaine, c’est
la douleur qui est l’élément déterminant des perturba- Conclusion
tions fonctionnelles. Nous étudions l’hypothèse qu’en
l’absence de douleur, le deltoïde permet d’obtenir une Les mécanismes de stabilisation de l’épaule restent mal
fonction satisfaisante de l’épaule. élucidés. Une approche systématique des différents
acteurs devrait permettre peu à peu de proposer les
L’hyperlaxité constitutionnelle modèles physiologiques cohérents qui sont indispen-
sables à la compréhension des lésions dégénératives et
Dans les grandes hyperlaxités constitutionnelles de des causes de décompensation ainsi qu’à la mise en
l’épaule, l’existence de tiroir antérieur et/ou postérieur œuvre de traitements adaptés.

RÉFÉRENCES

1 Billuart F, Devun L, Gagey O, Skalli W, Mitton D. 3D kinema- 7 Gohlke F, Müller T, Jansen E, Leidel J, Eulert J. Distribution
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2 Billuart F, Gagey O, Skalli W, Mitton D. Biomechanics of the 8 Lorne E, Gagey O, Quillard J, Hue E, Gagey N. The fibrous
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6 Gagey OJ, Hue E. Mechanics of the deltoideus, a new approach. 12 : 182.
Clin Orthop 2000 ; 375 : 250.

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35

Examen clinique avant implantation


d’une prothèse d’épaule
Clinical evaluation prior to total shoulder arthroplasty

D.F. GAZIELLY

RÉSUMÉ SUMMARY
L’évaluation clinique avant l’implantation d’une prothèse totale The preoperative clinical evaluation of a patient presenting with
d’épaule s’appuie sur trois éléments d’une importance égale : shoulder pathology which might be treated by an arthroplasty
l’histoire du patient et en particulier ses antécédents médicaux, consists of three equally important elements : the history, giving
l’examen clinique et l’imagerie, qui permet souvent d’avoir une information about any relevant medical conditions, the clini-
idée de l’étiologie de l’atteinte de l’articulation glénohumérale. cal examination, and the standard radiological investigations,
L’examen clinique doit être bilatéral et concerne l’ensemble du which often give information as to the etiology of the pathologi-
membre supérieur. Il permet d’évaluer les amplitudes articulaires, cal joint. The clinical examination must be bilateral and involves
passives et actives, de l’épaule et le morphotype du sujet à opérer. the whole upper limb. It allows the patient’s morphotype to be
L’intérêt pour le chirurgien est de savoir s’il existe des contre- assessed as well as the active and passive range of motion of
indications à la mise en place d’une prothèse totale d’épaule, et the shoulder. The goal is for the surgeon to be aware of any
si certaines données de l’examen peuvent influer sur des détails elements which might alter the indications for surgery or have
de technique opératoire ou des modalités de rééducation post- a direct influence on the technicalities of the operation and the
opératoire. Enfin, l’évaluation clinique permet d’établir un score postoperative functional prognosis. The clinical examination
fonctionnel préopératoire qui servira de référence pour le suivi allows a preoperative functional evaluation to be determined
postopératoire. Au total, l’évaluation clinique préopératoire per- which serves as a reference level for the follow-up period. Finally,
met d’établir une relation de confiance entre le patient et le it establishes a relationship of trust between the surgeon and
chirurgien et d’insister sur l’importance de la rééducation post- the patient thanks to the information given about the role and
opératoire dans le résultat fonctionnel final, qui dépendra aussi de duration of rehabilitation and on the functional result that can
l’âge du patient et de l’étiologie de la pathologie glénohumérale. be expected after shoulder arthroplasty depending on the age of
the patient and the etiology of his pathological shoulder.

Mots clés : Épaule. – Prothèse. – Examen clinique. Key words: Shoulder. – Arthroplasty. – Clinical evaluation.

Introduction simples sont indiquées dans certains cas particuliers :


sujet jeune, stock osseux glénoïdien insuffisant, coiffe
Nous nous limiterons volontairement, dans cet article, non fonctionnelle.
à l’examen clinique avant une prothèse d’épaule dite Quant à la prothèse inversée, certes, elle est « totale »,
« anatomique », c’est-à-dire un implant prothétique puisqu’elle comporte deux pièces, humérale et glénoï-
comportant deux composants, huméral et glénoïdien, dienne, mais, même si le nombre de prothèses inversées
et nécessitant une coiffe des rotateurs fonctionnelle implantées augmente chaque année, il n’en reste pas
pour assurer un roulement-glissement harmonieux. moins qu’il s’agit d’indications très particulières, voire
Dans le cadre des pathologies dégénératives néces- exceptionnelles : omarthrose excentrée avec rupture
sitant un remplacement prothétique, et en particulier massive de coiffe, épaule pseudo-paralytique avec rup-
dans l’omarthrose centrée, primitive ou secondaire, ture massive de coiffe résistant à un traitement fonc-
la prothèse totale d’épaule est la référence et est tionnel bien conduit, ou reprises de prothèses totales
aujourd’hui préférée à la prothèse humérale simple, d’épaule.
car elle donne de meilleurs résultats sur la douleur, la La prothèse totale d’épaule a évolué depuis le concept
mobilité et la stabilité [6,12]. Les prothèses humérales original proposé par Neer [15]. De monobloc, elle est

Prothèses d’épaule. État actuel


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36 D.F. GAZIELLY

devenue modulaire, mais c’est Boileau et Walch [3] qui Il est adressé au chirurgien soit par son médecin trai-
lui ont fait franchir une étape décisive dans les années tant, soit par un rhumatologue ou par l’intermédiaire
1990 en proposant le concept de prothèse anatomi- d’un ami, ou encore parce qu’il a reçu des informations
que au niveau huméral, en introduisant la notion de sur la prothèse d’épaule via la presse écrite ou Internet.
« déport combiné » (antéropostérieur et médiolatéral) Dans tous les cas, encore aujourd’hui, et parce que la
de la surface articulaire et d’inclinaison variable. prothèse d’épaule est moins connue que la prothèse de
L’examen clinique avant l’implantation d’une pro- hanche ou de genou, il faut dire qu’il ne vient jamais
thèse d’épaule doit permettre d’établir une relation de à la consultation avec un a priori favorable sur un
confiance entre le patient et le praticien, et de répondre implant qui lui a plutôt été décrit sans complaisance
à trois questions : quant aux résultats obtenus.
– Les conditions anatomiques permettent-elles de met- Il est important de savoir si c’est le côté dominant
tre en place, sans risque, une prothèse totale ? qui est atteint. L’atteinte des deux épaules, dans 25 %
– Quelles améliorations sur la fonction cette interven- des cas environ, peut poser un problème pour la réé-
tion va-t-elle apporter au patient ? ducation postopératoire, et notamment l’autorééduca-
– Le sujet est-il apte, sur le plan psychologique, à prendre tion en élévation passive. D’emblée, il faut le signaler
en charge une rééducation postopératoire qui sera longue au patient, car le résultat fonctionnel final peut être
et pas toujours facile, surtout au début (figure 1) ? amoindri par la bilatéralité lésionnelle.
L’âge est un facteur important de décision. Avant
Histoire clinique 50 ans, l’indication de mise en place d’une prothèse
totale d’épaule est exceptionnelle, même si on sait
Le praticien doit prendre le temps d’écouter un patient que la durée de vie d’une prothèse d’épaule s’accroît
qui vient le consulter, le plus souvent, parce qu’il a des avec l’expérience du chirurgien et la qualité du maté-
douleurs qui le gênent de plus en plus dans tous les riel. Dans notre série personnelle, le taux de survie
gestes de la vie quotidienne, mais aussi la nuit. était de 80,9 % à 200 mois [9]. Après 80 ans, il est

DIALOGUE
PATIENT CHIRURGIEN
DEMANDEUR DE L’ÉPAULE

HISTOIRE CLINIQUE
Doléances
Antécédents
EXAMEN CLINIQUE
Mobilité de l’épaule
Morphotype
Scores fonctionnels

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IMAGERIE
État de la coiffe des rotateurs
Stock osseux glénoïdien

SYNTHÈSE
Est-il possible de mettre en place, sans risque, une prothèse
totale de l’épaule chez ce patient ?

QUESTIONS Quel pourcentage d’amélioration de sa fonction vais-je QUESTIONS


pouvoir lui apporter ?
RÉPONSES RÉPONSES
Ce patient est-il capable de prendre en charge sa
rééducation postopératoire ?

Figure 1. L’examen clinique avant l’implantation d’une prothèse totale d’épaule doit permettre de répondre aux questions que se
posent le patient et le praticien.
Examen clinique avant implantation d’une prothèse d’épaule 37

encore possible de mettre en place une prothèse totale ques en cas d’atteinte polyarticulaire, la priorité étant
d’épaule anatomique si la coiffe des rotateurs n’est donnée aux membres inférieurs dont la rééducation
pas rompue et si le stock osseux glénoïdien est satis- nécessite l’usage de cannes canadiennes qui risquent
faisant, même si la tendance actuelle est plutôt de d’endommager une prothèse d’épaule.
proposer, en cas d’impotence fonctionnelle majeure, Enfin, le chirurgien qui a de l’expérience saura éva-
une prothèse inversée. luer le profil psychologique du patient, qui a beaucoup
L’ancienneté des symptômes doit être connue, car d’importance pour les suites postopératoires immédia-
elle conditionne souvent le nombre d’infiltrations tes et à moyen terme. Il sera aussi difficile de prendre
intra-articulaires de dérivés cortisonés. en charge un patient anxieux qu’un imprudent, dyna-
La notion d’antécédents traumatiques au niveau de mique, qui ne saura pas laisser le temps au temps…
l’épaule douloureuse a son importance. S’agit-il d’une Enfin, il y a le patient dont on appréhende un aspect
simple chute ou d’une lésion plus grave au niveau de revendicatif ou procédurier et dont il faut se méfier…
la coiffe des rotateurs ? S’agit-il d’une fracture, plus ou Nous avons retenu de notre stage en 1986 chez Charles
moins ancienne, au niveau de l’extrémité supérieure Neer, au Columbia Presbytarian Hospital de New York
de l’humérus, traitée orthopédiquement ou par ostéo- [7], qu’un bon chirurgien de l’épaule doit savoir sélec-
synthèse ? Autant d’éléments qui peuvent orienter vers tionner le « bon patient » qui sera opéré d’une prothèse
l’omarthrose secondaire post-traumatique… Si le patient totale d’épaule et dont on pressent qu’il aura des suites
a été opéré il y a plusieurs années pour une instabilité de postopératoire faciles.
l’épaule, on pensera plus à une omarthrose secondaire
postinstabilité. Si le patient n’a aucun antécédent trau- Examen clinique
matique, ni chirurgical, on pensera à une omarthrose
primitive, ou à une polyarthrite rhumatoïde, pour peu L’examen clinique doit être comparatif et bilatéral.
qu’il ait déjà été opéré d’une hanche ou d’un genou. Il concerne aussi bien l’épaule proprement dite que
C’est à ce stade qu’il faut demander au patient s’il la ceinture scapulaire et les articulations du membre
dispose de radiographies simples, même si elles sont supérieur atteint, et doit être réalisé chez un patient
un peu anciennes. Le diagnostic d’omarthrose est dénudé jusqu’à la ceinture. En effet, une atteinte poly-
souvent évident et son stade reconnu selon la classifi- articulaire – épaule, coude, doigts – dans le cadre
cation de Samilson [17]. Le praticien pensera alors à d’une polyarthrite rhumatoïde peut affecter significa-
une éventuelle indication d’arthroplastie prothétique. tivement les suites opératoires. Il faut savoir éliminer
Dans d’autres cas, les radiographies mettront en évi- un syndrome du canal carpien homolatéral et ne pas
dence une ostéonécrose à un stade évolué ou un aspect hésiter à demander un électromyogramme du membre
pouvant faire penser à une polyarthrite rhumatoïde. supérieur. S’il existe une compression du nerf médian
Chez un patient qui vient chercher une solution thé- au poignet, il sera nécessaire de lever l’obstacle par
rapeutique pour ne plus avoir de douleurs au niveau de technique arthroscopique avant de mettre en place une
l’épaule et à qui l’on pense proposer une arthroplastie, prothèse d’épaule.
il est nécessaire d’en savoir plus sur ses antécédents, Puis le patient est examiné de dos, en commençant
médicaux et chirurgicaux. Des antécédents de septi- par un examen statique et dynamique du rachis cervical
cémie, une atteinte neurologique – paralysie du nerf (figure 2). Il peut souvent coexister des douleurs, dues
circonflexe ou du plexus brachial – ou une atteinte à une arthrose cervicale, qui irradient dans les deux
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poliomyélitique sont des contre-indications formel- ceintures scapulaires. Il ne faut pas hésiter dans ce cas
les. Pour nous, l’existence d’un pacemaker du côté de à demander un bilan radiographique cervical ni à sol-
l’épaule atteinte, ou des antécédents de chirurgie pour liciter l’avis d’un médecin ostéopathe. L’examinateur
cancer du sein avec curage ganglionnaire et radiothé- recherche aussi une amyotrophie au niveau des fosses
rapie le sont aussi. L’existence d’un diabète doit rendre sus- ou/et sous-épineuses, traduisant une lésion des
prudent, car il existe un risque de complications infec- tendon correspondant. L’examen clinique de dos se
tieuses ou de raideur postopératoire. La prise régu- termine par le « lift-off test », décrit par Gerber [10],
lière d’aspirine, d’anticoagulants ou d’antiagrégants qui permet d’évaluer l’état du tendon du sous-scapu-
plaquettaires n’est pas une contre-indication formelle laire. Mais le plus souvent, la limitation douloureuse
si le risque cardiovasculaire est objectivement évalué de la rotation interne main dans le dos ne permet pas
par un médecin cardiologue qui donnera son avis au de réaliser ce test.
médecin anesthésiste qui prendra en charge le patient. Le patient est ensuite examiné de face. Il est nécessaire
Enfin, l’existence d’une polyarthrite rhumatoïde fera de mesurer les amplitudes articulaires passives et actives,
discuter l’ordre logique des remplacements prothéti- au niveau des deux épaules, en utilisant un goniomètre.
38 D.F. GAZIELLY

indolores. Une limitation importante des amplitudes


articulaires peut laisser présager qu’il sera difficile de
rendre au patient une mobilité active complète avec une
prothèse totale d’épaule, car les parties molles sont alors
souvent rétractées depuis longtemps. Il faudra informer
le patient sur ce point. Enfin, la mobilisation passive en
élévation antérieure et en rotation externe s’accompa-
gne parfois de craquements audibles traduisant l’érosion
cartilagineuse.
Après l’étude de la mobilité active, il est nécessaire
de mesurer la force musculaire au niveau de l’épaule
douloureuse. La diminution de la résistance à la rota-
tion externe coude au corps et à l’élévation antérieure
contrariées, traduisant une rupture du tendon infra-
épineux et du supraépineux, est très difficile à mesu-
rer du fait de la douleur. Enfin, la mesure de la force
musculaire selon Constant [5] doit être faite de façon
rigoureuse avec un dynamomètre, en livres (maximum :
25 points pour 25 livres ou 12,5 kg). Les valeurs de la
force musculaire sont toujours faibles (4 à 5 points)
Figure 2. Examen systématique du rachis cervical. du fait de la douleur et difficiles à déterminer avec pré-
cision du fait de la diminution de la mobilité en éléva-
tion antérieure.
Il est conseillé d’inscrire au fur et à mesure les amplitu- Le morphotype du patient est évalué. Un sujet longi-
des mesurées sur une fiche évaluant le score de Constant ligne peu musclé et plutôt laxe sera plus facile à opérer
en valeur absolue (figure 3). Successivement, l’exami- qu’un sujet bréviligne, musclé, et volontiers raide, et
nateur mesure les amplitudes articulaires, passives et récupérera sans doute une meilleure mobilité active
actives, en élévation antérieure (figure 3A), en rotation postopératoire.
externe coude au corps (figure 3B), et en rotation interne C’est à l’issue de la première consultation que le
main dans le dos (figure 3C). Rappelons que le score chirurgien va pouvoir évaluer la fonction globale de
de Constant mesure les amplitudes articulaires actives l’épaule douloureuse. Il existe de nombreux scores

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A B C

Figure 3. L’examen bilatéral comparatif des épaules objective le plus souvent une limitation des amplitudes articulaires.
A. Limitation de l’élévation antérieure passive. B. Limitation de la rotation externe coude au corps. C. Limitation de la rotation
interne passive main dans le dos.
Examen clinique avant implantation d’une prothèse d’épaule 39

ÉPAULE H CL lisons pas les tables de pondération avec l’âge et le


H = homolatéral = côté atteint
CL = contro-latéral
sexe proposées par Constant [5]. Le score de Constant
DOULEUR
préopératoire sera comparé avec celui obtenu 1 an,
Rien
15
Légère Moyenne Sévère = D1
10 5 0
2 ans, 5 ans et plus après l’intervention.
Nous utilisons un second score fonctionnel proposé
SUBTOTAL / 15
par Matsen : le Simple Shoulder Test (SST). Le SST
NIVEAU D’ACTIVITÉ correspond à 12 questions qui permettent d’évaluer
1. Handicap professionnel/occupationnel
(0 pts à 4 pts) la fonction de l’épaule du patient. L’utilisation d’un
2. Handicap activités loisirs
(0 pts à 4 pts) tableur informatique Excel permet d’apprécier la fonc-
3. Gêne dans le sommeil
(0 pts à 2 pts)
tion de l’épaule avant et après la mise en place d’une
4. Niveau de travail avec main (10 pts)
Taille 2
prothèse totale d’épaule pour une population pathologi-
Xiphoïde 4 que déterminée. Le SST complète parfaitement le score
Cou 6
Tête 8 de Constant en matière d’évaluation fonctionnelle de
Au-dessus 10
l’épaule.
SUBTOTAL / 20 Globalement, à la fin de la première consultation, le
MOBILITÉ ACTIVE chirurgien connaît la pathologie qui est à l’origine de
⇒ Flexion (10 pts)…….° la gêne fonctionnelle douloureuse parce que le patient
0–30° (0 pts) / 3–60° (2 pts)
60–90° (4 pts) / 90–120° (6 pts) vient souvent avec une imagerie, même si elle est
120–150° (8 pts) / 150–180° (10 pts)
ancienne ou insuffisante. Il sait qu’il peut rendre
⇒ Abduction (10 pts)…..….° service au patient en mettant en place une prothèse
0–30° (0 pts) / 3–60° (2 pts)
60–90° (4 pts) / 90–120° (6 pts) d’épaule anatomique. Mais, dans certains cas, il existe
120–150° (8 pts) / 150–180° (10 pts)
des contre-indications : affection neurologique affec-
⇒ Rotation externe (10 pts)…..….° (RE1)
– Main derrière la tête coude en avant (2 pts)
tant la ceinture scapulaire, existence d’un pacemaker
coude en arrière (2 pts) ou antécédents de chirurgie pour cancer du sein
– Main sur la tête coude en avant (2 pts)
coude en arrière (2 pts) du même côté. Un traitement fonctionnel est alors
– Main au dessus de la tête (2 pts)
conduit. Dans le cas où la mise en place d’une prothèse
⇒ Rotation interne (10 pts)
(Dos de la main sur)
totale d’épaule n’est pas contre-indiquée, il est néces-
– Cuisse (0) – Fesse (2) saire de revoir le patient avec un bilan radiographi-
– Sacrum (4) – L3 (6)
– Th 12 (8) – Th 7 (10) que standard actualisé. Une imagerie complémentaire
SUBTOTAL / 40
type arthroscanner, qui est l’imagerie de référence en
matière de prothèse d’épaule, permet d’apprécier l’état
FORCE MUSCULAIRE
(Abduction statique en Kg x 2) des tendons de la coiffe des rotateurs et le stock osseux
SUBTOTAL / 25 glénoïdien.
TOTAL I.C. / 100 points Le délai nécessaire pour obtenir cette imagerie
DIFFÉRENCIELLE (CL-H)
peut être utilisé pour demander au patient de voir
Figure 4. Score fonctionnel de Constant. son chirurgien dentiste afin d’éliminer tout foyer api-
cal latent source d’infection au niveau de la prothèse
(panoramique dentaire obligatoire). Un patient ayant
des antécédents cardiovasculaires et prenant de l’aspi-
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fonctionnels. Notre préférence va au score fonction- rine ou des antiagrégants plaquettaires devra faire un
nel proposé par Constant (figure 4), et accepté par bilan complet chez son cardiologue.
de nombreuses sociétés scientifiques dont la Société Enfin, il ne nous paraît pas inutile d’adresser le
Européenne pour l’Épaule et le Coude. La douleur patient au kinésithérapeute le plus proche de son
est évaluée de 0 point (douleur sévère) à 15 points domicile afin qu’il puisse faire un certain nombre de
(aucune douleur). L’appréciation du niveau d’activité séances d’assouplissement (exercices passifs en éléva-
quotidienne (20 points) est subdivisée en quatre rubri- tion antérieure, rotation externe, et rotation interne
ques : le handicap dans les activités de loisir (de 0 à mains dans le dos) qui rendront plus facile la réédu-
4 points selon l’importance du handicap), la gêne dans cation postopératoire. Le kinésithérapeute appren-
le sommeil (0 point pour une douleur insomniante à dra au patient des exercices d’autorééducation qu’il
2 pour aucune gêne), et enfin le niveau de travail avec devra faire deux fois par jour pour essayer d’assouplir
la main, depuis la taille (2 points) jusqu’au-dessus de son épaule. La motivation du patient et sa capacité
la tête (10 points). Le total peut atteindre 100 points, à comprendre le rôle essentiel de la rééducation post-
qui est le score idéal en valeur absolue. Nous n’uti- opératoire sont ainsi testées.
40 D.F. GAZIELLY

Imagerie préopératoire récessus coracoïdien, afin de les extraire en totalité et


d’éviter qu’ils ne s’interposent entre la tête prothétique
L’imagerie préopératoire est indissociable de l’histoire et la glène. Une ascension de la tête humérale et son
et de l’examen clinique du patient avant l’implantation corollaire, la diminution de l’espace sous-acromial,
d’une prothèse totale d’épaule. sont de mauvais pronostic, car elles traduisent une
Le bilan radiographique standard doit comporter lésion dégénérative du tendon infraspinatus, qui est
trois incidences de face (rotation neutre, externe et une contre-indication à la mise en place d’un implant
interne) et deux incidences de profil (profil axillaire glénoïdien voué à un descellement précoce par effet
et profil de coiffe). Il est utile de comparer ces cli- « rocking-chair ». Mais, mise à part la mise en évidence
chés récents avec les précédents afin d’apprécier le d’une omarthrose excentrée qui fera plus pencher l’in-
stade évolutif, en particulier s’il s’agit de l’atteinte dication en faveur d’une prothèse d’épaule inversée,
glénohumérale d’une polyarthrite rhumatoïde [13] c’est l’étude du capital osseux glénoïdien qui pourra
ou d’une ostéonécrose aseptique de la tête humérale permettre de répondre à la question : une glène pro-
[16]. thétique est-elle implantable sans risque de descelle-
L’étude des clichés simples permet d’avoir une idée ment à court terme, c’est-à-dire : va-t-on proposer au
précise du degré de destruction, humérale et glénoï- patient la mise en place d’une prothèse totale ou d’une
dienne, et du pincement de l’interligne glénohuméral prothèse humérale simple ? Qu’il s’agisse d’un implant
(figure 5). La présence d’un très volumineux ostéo- glénoïdien en polyéthylène à quille, qui a notre préfé-
phyte polaire inférieur laisse présager un tendon du rence, ou d’une glène à plots, un support osseux mini-
sous-scapulaire laminé depuis plusieurs années et donc mum est nécessaire pour permettre l’implantation de
aminci et fragile. Il est nécessaire de visualiser les corps la glène prothétique. Donc toute diminution du capi-
étrangers intra-articulaires, souvent situés dans le tal osseux glénoïdien dans sa globalité, ou un écule-

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Figure 5. Bilan radiographique standard avant implantation d’une prothèse totale d’épaule. A. Incidence de face en rotation neu-
tre d’une omarthrose primitive centrée. B. Incidence de face en rotation neutre d’une épaule rhumatoïde. C. Incidence de face en
rotation neutre d’une ostéonécrose aseptique de la tête humérale de stade IV.
Examen clinique avant implantation d’une prothèse d’épaule 41

ment postérieur excessif seront une contre-indication osseux glénoïdien insuffisant ou une coiffe des rota-
au scellement d’une glène prothétique, car le risque de teurs amincie ou rompue.
descellement précoce sera majeur. La présence de géo-
des dans le massif glénoïdien, qui peut se voir dans cer-
taines omarthroses, ne sont pas une contre-indication, Synthèse : discussion
car elles peuvent être comblées par de l’os spongieux avec le patient
prélevé au niveau de la tête humérale.
Nous demandons systématiquement un arthroscan- C’est au cours de la seconde consultation que le
ner avant l’éventuelle implantation d’une prothèse chirurgien de l’épaule va faire la synthèse de tous les
totale d’épaule. L’arthroscanner est en effet l’imagerie renseignements obtenus grâce à « l’écoute du patient »,
de référence et doit être demandé préférentiellement à l’examen clinique de son épaule et les données de
l’IRM et à l’arthro-IRM [1] ; cette imagerie de seconde l’imagerie. Le patient a commencé sa rééducation avec
intention est indispensable pour apprécier quatre élé- le kinésithérapeute qui le prendra en charge après l’in-
ments (figure 6) : le stock osseux glénoïdien, l’impor- tervention et qui a eu le temps de dresser son profil
tance de l’érosion de la glène dont le type sera défini psychologique : anxieux, « indiscipliné », motivé ou
selon la classification de Walch [19], la continuité ou non. Le praticien a à sa disposition toutes les données
non des tendons de la coiffe des rotateurs, et l’aspect pour répondre aux trois questions qu’il doit se poser
du tendon sous-scapulaire dont un amincissement avant l’implantation d’une prothèse totale d’épaule.
important par un ostéophyte polaire inférieur volu-
mineux peut poser un problème de technique de réin-
sertion. N’oublions pas que le sous-scapulaire est « la
porte d’entrée antérieure de l’épaule » et que, comme Est-il possible de mettre en place,
toute porte, une fois ouverte, elle doit être fermée… sans risque, une prothèse totale
Quant à l’aspect ou à la position de la longue portion de l’épaule ?
du biceps, qu’il soit subluxé ou luxé, cela n’a aucune
importance pour nous, puisque nous pratiquons systé- L’absence de l’une des contre-indications formelles
matiquement une ténodèse avant 60 ans, et une téno- dont nous avons donné la liste auparavant, la conserva-
tomie après 60 ans. tion d’un stock osseux glénoïdien suffisant, l’existence
L’imagerie doit être de qualité, car elle va permettre d’une coiffe des rotateurs fonctionnelle et non rompue,
au chirurgien de proposer ou non une prothèse totale le contrôle des antécédents médicaux du patient (méde-
de l’épaule. Même si nous savons que la prothèse cin traitant, cardiologue, endocrinologue) permettent
totale donne de meilleurs résultats sur la douleur et la d’envisager la mise en place d’une prothèse totale de
mobilité que la prothèse humérale simple [12], nous l’épaule. Le contrôle de l’état dentaire et l’élimination
n’avons jamais mis d’implant glénoïdien dès lors qu’il d’un foyer urinaire latent avec une cytobactériologie
existait un risque de descellement induit par un stock des urines, obligatoire 10 j avant l’intervention, ainsi
qu’une préparation cutanée répondant aux normes
référentielles actuelles vont contribuer à diminuer le
risque infectieux au maximum, en sachant que le ris-
que zéro n’existe pas.
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À côté du risque infectieux, il y a le risque technique


qui est minimisé par l’expérience du chirurgien. En
effet, il n’est pas toujours facile de mettre en place
un implant glénoïdien, surtout si le sujet est brévili-
gne et l’épaule serrée. Le remplacement prothétique
de la glène est ce que nous appelons une « one-shot
surgery ». L’implantation doit être parfaite, ce qui
suppose une bonne exposition avec une libération
capsulaire nécessaire et suffisante, afin de donner à
la glène prothétique une survie maximale. Nous som-
Figure 6. L’arthroscanner est l’imagerie de référence qui per- mes très satisfaits par l’implantation d’une glène en
met d’évaluer le stock osseux glénoïdien et la continuité de la polyéthylène à quille avec notre technique de compac-
coiffe des rotateurs, ainsi que de confirmer la possibilité d’im- tion de l’os spongieux, prélevé dans la tête humérale.
plantation d’une glène prothétique. L’absence de liserés périglénoïdiens à court et moyen
42 D.F. GAZIELLY

terme est très encourageante et rassurante. Mais il Il est nécessaire de lui dire la vérité : il est certain
est évident que le risque technique glénoïdien sera qu’il va être amélioré au niveau de la douleur et de la
d’autant plus grand que le chirurgien aura une expé- mobilité, mais que le 100 % n’existe pas, et surtout que
rience réduite de la prothèse totale d’épaule. Il est pré- le pourcentage d’amélioration dépend de l’étiologie.
férable, dans ce cas, de mettre une prothèse humérale L’omarthrose centrée primitive est la meilleure indica-
simple, même si les résultats sur la douleur et la mobi- tion pour mettre en place une prothèse totale d’épaule ;
lité sont moins bons. Quant au risque technique humé- les résultats fonctionnels sont excellents dans les gran-
ral, il est limité, compte tenu de la facilité d’exposition des séries publiées dans la littérature [10] et sont sta-
de l’extrémité supérieure de l’humérus et de la qualité bles avec le recul [9]. Il est possible de reprendre une vie
du matériel ancillaire (guide de coupe, positionneur quotidienne normale, de faire du jardinage, du brico-
de tige, etc.) qui est aujourd’hui à la disposition du lage, voire du sport (natation, vélo, ski, tennis, golf…).
chirurgien. Nous voulons insister sur l’importance de Dans l’omarthrose secondaire post-traumatique, le
la réinsertion du tendon du sous-scapulaire, qui doit patient est amélioré au niveau de la douleur, mais le
être parfaitement libéré au-dessous et en amont de résultat sur la mobilité est très variable et dépend de
l’apophyse coracoïde, et rattaché solidement à l’hu- nombreux facteurs : nature, nombre et ancienneté des
mérus en s’aidant systématiquement de trois points interventions antérieures, degré de raideur post-
transosseux au fil non résorbable. Malgré le fait que, traumatique, existence ou non d’un cal vicieux post-
nous commencions dès le 2e jour postopératoire la traumatique de l’extrémité supérieure de l’humérus.
mobilisation passive de la rotation externe coude au Il est nécessaire de bien informer le patient qu’il
corps, nous n’avons jamais observé de « lâchage » de s’agit d’une chirurgie difficile dont il est impossible
la suture du sous-scapulaire… de donner le pourcentage d’amélioration au niveau
Il est nécessaire de donner au patient toutes les infor- de la mobilité [4]. Le problème est le même dans
mations sur le concept de la prothèse totale d’épaule l’omarthrose postinstabilité, chez un patient opéré
sur un modèle d’épaule synthétique, le type d’anes- antérieurement pour instabilité antérieure ou posté-
thésie (locorégionale par bloc scalénique associée ou rieure. La qualité du tendon sous-scapulaire est le
non à une anesthésie générale), la durée moyenne de facteur pronostic principal.
l’intervention, les risques potentiels, essentiellement Dans la polyarthrite rhumatoïde, la douleur est sou-
infectieux et d’étirement du plexus brachial [14], en vent sévère, et les patients sont très soulagés par la
particulier si l’épaule est très serrée. mise en place de la prothèse. Les résultats sur la mobi-
S’il n’est pas possible de mettre en place un implant lité et la fonction globale sont largement dépendants
glénoïdien, il est nécessaire d’expliquer au patient les de l’âge, de l’ancienneté de la maladie et du degré d’at-
raisons techniques et de l’informer qu’il sera dans tous teinte des parties molles et du support osseux, sans
les cas amélioré sur le plan de la douleur par la mise en oublier l’atteinte possible du coude et des doigts de la
place d’une prothèse humérale simple. main du même membre supérieur qui va gêner consi-
dérablement la rééducation postopératoire [18].
Quel pourcentage d’amélioration L’ostéonécrose aseptique de la tête humérale donne
d’excellents résultats fonctionnels sur la douleur et la
de sa fonction vais-je pouvoir mobilité pour le stade III et moins bons pour le stade
apporter au patient ? IV [16].

La prothèse totale d’épaule est encore mal connue © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
auprès du public, mais aussi du corps médical… Le patient va-t-il être capable
Combien de patients ne nous ont-ils pas avoué, que de prendre en charge
leur médecin traitant ou leur rhumatologue leur avait sa rééducation postopératoire ?
vivement déconseillé de se faire implanter une prothèse
d’épaule parce que les résultats étaient décevants… ! Il est nécessaire d’informer le patient que la rééducation
Un mauvais résultat d’une prothèse d’épaule mise en correspond à 50 % du résultat fonctionnel final et que
place et rééduquée par une équipe chirurgien-rééduca- quatre impératifs doivent être respectés : 1. mobilisa-
teur non spécialisée et incompétente est bien entendu tion passive postopératoire immédiate et « utilisation »
une contre-publicité… Il est donc logique que le patient du membre supérieur opéré dès les premiers jours
soit inquiet sur le résultat postopératoire et demande postopératoires ; 2. port obligatoire d’une « attelle de
au praticien quelle amélioration il peut attendre de protection » la nuit et pour les déplacements à l’ex-
l’intervention. térieur pendant les 6 premières semaines postopéra-
Examen clinique avant implantation d’une prothèse d’épaule 43

toires ; 3. nécessité de travailler la rééducation 3 fois Il est nécessaire pour le praticien de savoir si le patient
par semaine pendant les 3 premiers mois, puis 2 fois a bien compris l’importance de tous ces impératifs de
par semaine pendant les 3 mois suivants avec un kiné- rééducation postopératoire et s’il sera capable de les
sithérapeute ayant une bonne expérience de la réédu- assumer. Un sujet anxieux, dépressif ou vivant seul
cation de la prothèse d’épaule, avec parfois la nécessité et ne pouvant se déplacer sont autant de sources de
d’un séjour dans un centre de rééducation pendant le complications postopératoires et de déception quant à
1er mois postopératoire ; 4. et enfin obligation pour le la qualité du résultat fonctionnel obtenu. Cette notion
patient de faire des exercices d’autorééducation chez doit peser au moment de l’indication thérapeutique,
soi, au minimum 2 fois par jour [9]. car une fois la décision prise, c’est le chirurgien qui est
Le patient doit savoir qu’il devra être très prudent responsable du résultat…
pendant les 6 premières semaines postopératoires qui
correspondent au temps de cicatrisation du tendon du
sous-scapulaire. Il pourra nager, courir et conduire à la Conclusion
fin du 3e mois postopératoire, et reprendre progressive-
ment ses activités de loisir après le 6e mois postopéra- L’examen clinique avant l’implantation d’une pro-
toire. Il pourra reprendre une profession non manuelle thèse totale d’épaule, en association avec une bonne
au 3e mois postopératoire, mais il lui sera difficile, sinon connaissance de l’histoire clinique du patient et une
contre-indiqué de reprendre un travail nécessitant des imagerie de qualité, doit permettre de créer une rela-
gestes répétitifs ou le port d’objets lourds. Le patient tion de confiance entre le chirurgien et le patient, et
« oubliera » généralement son épaule à la fin de la 1re année de poser une indication thérapeutique adéquate. Le
postopératoire. C’est le délai que nous imposons entre dialogue préopératoire doit permettre de rassurer les
les deux interventions quand l’indication de mise en deux parties : le patient demandeur et le chirurgien
place d’une prothèse totale d’épaule est bilatérale. responsable.

RÉFÉRENCES

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44 H. CHIAVASSA-GANDOIS, ET AL.

Bilan d’imagerie avant implantation


d’une prothèse totale d’épaule
Imaging studies before shoulder prosthesis
implantation

H. CHIAVASSA-GANDOIS, N. SANS, A. DENIS, O. LOUSTAU,


P. MANSAT J.-J. RAILHAC

RÉSUMÉ SUMMARY
Le bilan d’imagerie avant implantation d’une d’arthroplastie Imaging modalities before shoulder arthroplasty consist in
d’épaule repose essentiellement sur les radiographies standard et conventional ray and computed tomography (CT). High resolution
l’examen tomodensitométrique. La tomodensitométrie (TDM), grâce CT-scan permits to study: osseous structures —osseous quantifi-
à son excellente résolution spatiale, permet d’étudier : les structu- cation, glenoidal type and orientation— state of the rotator cuff
res osseuses des rotateurs – le capital osseux, l’aspect et l’orientation muscles, trophicity and fatty infiltration, humeral head and gle-
de la glène – ; les muscles de la coiffe des rotateurs – la trophicité et noidal position. Several measures are also realized on CT images
l’involution graisseuse – ; le positionnement de la tête humérale par The choice of prosthesis and technical chirurgical strategies are
rapport à la glène – éventuelle subluxation. Différentes mesures sont dependant of imaging accuracy.
également réalisées. Le choix du type de prothèse et la technique
chirurgicale seront facilités par cette planification pré-chirurgicale.

Mots clés : Tomodensitométrie. – Scapulométrie. – Arthroplastie Key words: Computed tomography. – Scapulometry. – Shoulder
d’épaule. arthroplasty.

Introduction tomodensitométrique ; parfois, mais plus rarement, un


arthroscanner est préconisé par certaines équipes. Nous
Le but de l’imagerie préopératoire des prothèses discuterons de l’intérêt éventuel de l’imagerie par réso-
d’épaule est d’apprécier au mieux les lésions : d’une nance magnétique (IRM) dans ce type d’indication.
part les éléments osseux, avec étude de la glène, de
la tête humérale, du stock osseux, et d’autre part les ten- Radiographies standards
dons et les muscles de la coiffe des rotateurs. L’imagerie
permettra ainsi d’évaluer les possibilités techniques afin La radiographie est effectuée en incidence de face, en
de planifier au mieux la chirurgie, de définir le type de position neutre puis en rotation interne et externe. Sur ce
prothèse, et ce dans le but de restituer une anatomie et cliché de face, en rotation neutre, on pourra apprécier la
une biomécanique les mieux adaptées possible [7]. hauteur de l’espace sous-acromial, celui-ci étant respecté
Les principales indications d’arthroplastie d’épaule dans l’omarthrose centrée. La radiographie standard
sont représentées essentiellement par l’omarthrose, permet d’apprécier indirectement l’état de la coiffe par
qu’elle soit de type centré (à coiffe conservé) ou excen- l’évaluation de l’espace sous-acromial [2]. On précisera
tré (à coiffe détruite). Les autres indications sont la présence d’ostéophytes, leur situation, l’existence d’un
constituées de pathologies inflammatoires (polyarth- pincement glénohuméral, les signes d’ostéocondensation
rite rhumatoïde), traumatiques et plus rarement de sous-chondrale, de géodes sous-chondrales, une défor-
l’ostéonécrose aseptique. mation de la tête humérale [5]. On recherchera l’exis-
Les radiographies standard sont réalisées en première tence d’un ostéophyte acromial. En cas d’omarthrose
intention, puis le bilan est complété par un examen excentrée, la tête humérale est ascensionnée.

Prothèses d’épaule. État actuel


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Bilan d’imagerie avant implantation d’une prothèse totale d’épaule 45

Ce cliché permettra de mettre en évidence d’éven-


tuels corps étrangers intra- ou périarticulaires.
Sur l’incidence de face, il faudra être particulière-
ment attentif à l’analyse de la jonction entre la glène et
la scapula, rechercher une exagération de l’angulation
entre ces deux structures qui doit être prise en compte
avant une éventuelle implantation de prothèse totale
inversée [1,9].
En ce qui concerne l’incidence de profil de l’épaule,
un profil axillaire et/ou un profil de Lamy sont préco-
nisés par la majorité des équipes. Cependant le profil
axillaire nécessite une abduction de l’épaule qui est
parfois impossible ; on peut alors préconiser un pro-
fil de coiffe. Le profil axillaire permet de mettre en Figure 2. L’incidence de Railhac permet de mesurer l’espace
évidence une éventuelle subluxation postérieure de la sous-acromial (évaluation indirecte de l’état de la coiffe des
tête humérale, de définir l’orientation de la glène et de rotateurs) et l’articulation acromioclaviculaire.
préciser l’existence d’une éventuelle érosion postérieur
de la glène (figure 1).
En complément, est réalisé un cliché de face, le
patient en décubitus, avec un rayon directeur droit, ou Examen tomodensitométrique
incidence de Railhac. Cette incidence permet de bien
dégager l’espace sous-acromial et d’analyser l’articula- Cet examen va permettre l’étude de la coiffe des rota-
tion acromioclaviculaire (figure 2). teurs, la trophicité musculaire et l’involution graisseuse.
Il faudra s’attacher à étudier l’importance du capital
osseux et la morphologie de la glène. Par ailleurs, des
mesures seront réalisées sur les coupes tomodensito-
métriques afin de réaliser un bilan morphométrique ou
scapulométrique.
Tous ces éléments permettront d’adapter le choix du
matériel prothétique.

Technique
Le bras à étudier est étendu le long du corps en
position neutre, le bras controlatéral est élevé au-
dessus de la tête pour éviter les artéfacts. L’examen
est réalisé sans injection de produit de contraste.
Deux acquisitions sont effectuées : une au niveau de
l’épaule, puis une au niveau de la palette humérale
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du coude sans modifier la position du bras. Elles


sont reconstruites en filtre « osseux » (avec fenê-
tre osseuse) et en filtre « mou » (avec fenêtre partie
molle) afin d’étudier les structures osseuses et les
structures musculaires. Secondairement, les images
sont reconstruites sur le mode multiplanaire dans le
plan sagittal et frontal.
Grâce à un logiciel intégré au scanner, deux cou-
pes vont être superposées sur la même image ; il
s’agit de la coupe passant par le plan biépicondy-
lien du coude et de la coupe passant au niveau de la
moitié de la hauteur de la glène. À partir de l’image
Figure 1. Radiographie standard, profil axillaire : géodes et pin- obtenue, on calculera la version de la tête humérale
cement glénohuméral. (voir figure 7).
46 H. CHIAVASSA-GANDOIS, ET AL.

Étude du capital osseux


L’évaluation du stock osseux est fondamental dans le
choix de la prothèse, notamment au niveau de la zone
d’implantation sur la glène. Cette appréciation reste
toutefois objective ; elle consiste à définir au mieux le
nombre de géodes, leur situation et leur taille.

Trophicité musculaire de la coiffe


des rotateurs
La trophicité des muscles supraépineux, infraépineux
et subscapulaire est étudiée sur la coupe dite en « Y »,
qui correspond à une coupe dans le plan sagittal pas-
sant par le « pied » de la coracoïde (figure 3).

Involution graisseuse musculaire Figure 4. TDM, coupe axiale : involution graisseuse stade 2 des
muscles infraépineux et supraépineux, étudiés sur cette coupe.
L’appréciation de l’involution graisseuse (figure 4) se fait
uniquement sur des coupes axiales, et ce en plein corps
charnu musculaire, en fenêtres parties molles et fenêtres L’index de dégénérescence graisseuse globale (IDG) peut
osseuses. La graisse est objectivée par des travées hypo- également être calculé ; il correspond à la moyenne des
denses intramusculaires ; l’involution graisseuse est gradée dégénérescences graisseuses des muscles supraépineux,
selon la classification de Goutallier et Bernageau [3] : infraépineux et subscapulaire (IDG = SE + IE + SS).
– stade 0 : absence de travées graisseuses ;
– stade 1 : quelques rares travées graisseuses ;
– stade 2 : infiltration graisseuse inférieure au muscle ; Morphologie de la glène
– stade 3 : infiltration graisseuse égale au muscle ; La morphologie de la glène dans l’omarthrose est défi-
– stade 4 : infiltration graisseuse plus abondante que nie à partir de la classification de Walch. Trois types,
le muscle. A, B ou C, sont distingués selon la rétroversion de
la glène, l’aspect des érosions osseuses et l’existence
d’une luxation postérieure de la tête humérale [12]
(figure 5) :
– type A (59 %) : tête humérale centrée :
• rétroversion de la glène : moyenne 11,5° :
■ A1 : érosion mineure : 43 % ;

■ A2 : érosion majeure : 16 % de type central avec

une évolution vers la protrusion.


– type B (32 %), tête humérale subluxée avec des

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remaniements postérieurs de la glène :
• rétroversion de la glène : moyenne de 18° :
■ B1 (17 %) : pincement postérieur, condensation

et ostéophyte ;
■ B2 (15 %) : glène biconcave souvent associée à

un excès de rétroversion.
– type C (9 %) :
• rétroversion de la glène : supérieure à 25° en regard
de l’érosion ;
• il s’agit de glènes dysplasiques, avec une tête humé-
rale plutôt centrée ou légèrement subluxée.
Figure 3. TDM, reconstructions MPR (multiplanar reconstruc- Selon les données de l’étude de Walch [12], certains
tion) en sagittale, coupe en Y : étude de la trophicité muscu- points restent à préciser concernant cette morphologie
laire. Atrophie des muscles subscapulaire et supraépineux. de la glène dans l’omarthrose :
Bilan d’imagerie avant implantation d’une prothèse totale d’épaule 47

Figure 5. Classification tomodensitométrique de l’usure glenoïdienne et de la subluxation postérieur humérale dans l’omarthrose
selon Walch [12].

– les érosions osseuses sont directement liées à la luxation


de la tête et non à la rétroversion de la glène. Elles aug-
mentent avec l’âge du patient (entre les types A et B) ;
– dans le type B : on constate que le degré de rétroversion
de la glène augmente entre le stade B1 et le stade B2 ;
toutefois, celle-ci n’explique pas à elle seule la luxation
postérieure ;
– le type C correspondrait à une entité propre d’ori-
gine congénitale [11].

Autres éléments TDM


Il faudra décrire : un éventuel épanchement intra-
articulaire dans les récessus ou dans les bourses
périarticulaires, des corps étrangers ossifiés, l’aspect
de l’articulation acromioclaviculaire.

Figure 6. TDM : mesure de la rétroversion de la glène.


Scapulométrie
La réalisation de différentes mesures à partir des acquisi-
tions tomodensitométriques permet d’apprécier la morpho-
métrie de l’épaule, d’étudier les particularités anatomiques
individuelles afin d’adapter le choix de la prothèse.
Ces mesures constituent un travail de post-traite-
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ment à la console scanner.


– Mesure de la rétroversion de la glène (figure 6) : la
valeur pathologique est supérieure à 10°. Cette mesure
est faite sur une coupe qui passe au milieu de la hauteur
de la glène (coupe passant par la pointe de la coracoïde) :
angle entre la ligne joignant le bord interne de la scapula
au milieu antéropostérieur de la glène et la ligne passant
par les bords antérieur et postérieur de la glène [6].
– Mesure de la rétroversion de la tête humérale
(figure 7) : celle-ci représente l’orientation de la sur-
face articulaire de l’extrémité supérieure de l’humérus
par rapport au plan biépicondylien du coude. Elle est
appréciée sur les coupes en superposition (voir pré- Figure 7. TDM : mesure de la rétroversion de la tête humérale ;
cédemment) : angle entre la droite qui passe par le coupes en superposition (coude–épaule).
48 H. CHIAVASSA-GANDOIS, ET AL.

plan biépicondylien du coude et la perpendiculaire à ou de rupture partielle de la face profonde du tendon.


la droite qui joint la partie antérieure à la partie pos- En revanche, l’arthro-TDM n’a pas de supériorité à la
térieure de la surface articulaire de la tête humérale. TDM simple pour la réalisation de la scapulométrie,
La valeur normale est comprise entre –5 et 50° [4]. pour l’appréciation de la trophicité musculaire et l’in-
– Mesure de l’excentration de la tête humérale (figure 8) : volution graisseuse, ou pour l’étude de la glène et du
mesurée dans le plan axial sur une coupe qui passe par capital osseux.
le milieu de l’épaule, elle est appréciée en pourcentage
d’excentration ; une tête humérale centrée représente un IRM
pourcentage entre 45 et 55 %. Pour le calcul, on trace
une ligne entre le bord antérieur et postérieur de la glène, L’IRM est réalisée sans injection de produit de contraste
puis une perpendiculaire passant par le milieu de cette dans ce type d’indication. Elle doit être réalisée dans les
ligne, puis une ligne perpendiculaire à cette dernière pas- trois plans de l’espace, avec une séquence axiale en T1
sant par le tiers interne de la tête humérale. À partir de là, sans suppression du signal de la graisse pour analyser
deux distances sont obtenues (a en avant et b en arrière) ; l’involution graisseuse dans le muscle. Une séquence
le rapport calculé est b sur a (voir figure 8). L’excentration T2 ou une séquence avec saturation de la graisse (DP-
ou la subluxation postérieure de la tête humérale est un STIR, T2 Fat Sat ou STIR) sensibiliseront la détection
facteur de mauvais pronostic des prothèses d’épaule [8]. de liquide et une rupture tendineuse.
D’autres mesures sont réalisées : L’IRM permet l’étude du signal des tendons, détecte
– hauteur de la glène ; les ruptures, qu’elles soient intratendineuses, superfi-
– mesure de la tranche de section de la tête humérale : il cielles ou profondes, partielles ou complètes.
s’agit du diamètre de la surface articulaire de la tête humé- L’IRM est sensible à la détection d’un épanchement
rale obtenu en assimilant cette surface à une sphère [10]. liquidien ou d’une bursite.
La trophicité musculaire sera étudiée sur une coupe
Arthro-TDM identique à la TDM (coupe sagittale en « Y ») (figure 9).
L’IRM sera prise en défaut en termes de résolution
Certaines équipes réalisent en préopératoire une arthro- spatiale et d’analyse osseuse pour la détection de corps
TDM. Cet examen permet de réaliser un bilan tendi- étrangers ainsi que pour l’analyse du stock osseux, où
neux et de préciser les lésions de rupture complètes la TDM est supérieure.

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Figure 8. TDM : mesure de l’excentration de la tête humérale Figure 9. IRM, séquence T1 en sagittal, coupe en Y : involution
dans le plan axial : b/a. graisseuse ; travées hyperintenses dans le muscle correspon-
dant à de la graisse.
Bilan d’imagerie avant implantation d’une prothèse totale d’épaule 49

Échographie Conclusion
L’échographie n’est pas indiquée dans le bilan préchi- Tout bilan d’imagerie avant arthroplastie d’épaule
rurgical avant mise en place de prothèse. Cette technique repose sur la réalisation de radiographies standard
a pour avantage d’être peu invasive, reproductive, reproductibles qui doivent être de bonne qualité.
comparative, dynamique et peu coûteuse. Un examen tomodensitométrique simple paraît suf-
Elle fournit des informations sur les tendons de fisant pour réaliser un bilan lésionnel complet et pour
la coiffe des rotateurs. Les corps musculaires sont obtenir des données morphométriques.
visualisés. Toutefois, la trophicité musculaire et l’in- L’IRM, grâce à l’excellent contraste qu’elle fournit
volution graisseuse ne peuvent être appréciées qu’au au niveau des tissus, permet une analyse intéressante
niveau des muscles supraépineux et infraépineux de l’ensemble des parties molles, des structures para-
(le muscle subscapulaire est d’analyse difficile). Les articulaires, tendineuses et musculaires ; elle n’est pas
signes d’involution graisseuse apparaissent sous la réalisée en routine dans ce bilan préopératoire.
forme de stries hyperéchogènes. Cet examen se révèle L’imagerie, dans ce type d’indication, doit fournir les
intéressant pour l’étude du tendon du long biceps, renseignements utiles au chirurgien : la morphologie des
notamment en dynamique. L’état de ce tendon est un structures osseuses, l’état du stock osseux et de la coiffe
élément qui est pris en compte pour le choix de la des rotateurs, mais surtout l’état des muscles, ainsi que
technique opératoire. des mesures scapulométriques reproductibles.

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50 M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER

Voies d’abord de l’épaule


pour implantation prothétique
Surgical approaches for shoulder prosthesis
implantation

M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER

RÉSUMÉ SUMMARY
La connaissance des voies d’abord de l’épaule, de leurs difficultés Knowledge of the surgical approaches, including their difficulties
et de leurs dangers doit permettre à l’opérateur d’avoir un accès and dangers, must allow the shoulder surgeon to gain an opti-
facilité aux structures osseuses aux fins d’implanter correctement mal access to the bony structures in order to correctly implant
les pièces prothétiques. La voie d’abord postérieure est peu uti- a shoulder prosthesis, whatever the model chosen. The poste-
lisée, mais doit être connue. La voie supéro-externe est surtout rior approach is seldom used but must be known in case of. The
utilisée dans la mise en place des prothèses inversées en profitant superolateral approach is mostly used for the implantation of
de l’absence de coiffe. Elle permet de travailler la glène dans l’axe. reversed prosthesis as the absence of rotator cuff facilitates the
La voie deltopectorale est la plus connue, mais la connaissance exposure. This approach allows for working in the axis of the
de l’anatomie doit permettre d’en améliorer l’efficacité. Une glenoid. The deltopectoral approach is the most known ; however,
voie d’abord deltopectorale bien conduite permet de positionner the knowledge of the anatomy of the different layers and struc-
les implants, source de succès mécanique et fonctionnel à long tures does increase the quality of the exposure. A perfect delto-
terme. Les différentes voies d’abord et leurs variantes sont décri- pectoral approach allows a better positioning of the implants,
tes dans cet article. which is the key for a functional and mechanical success with
long-term follow-up. The different surgical approaches and their
variants are described in this article.

Mots clés : Prothèse d’épaule. – Voies d’abord. Key words: Shoulder arthroplasthy. – Surgical approaches.

Introduction tout chirurgien orthopédiste, car comme le dit l’adage :


« le diable se cache dans les détails ».
Le nombre de prothèses d’épaule implantées ces dix Ce sont ces détails des voies d’abord qu’il est impor-
dernières années a considérablement augmenté. Pour tant de connaître :
2007, les laboratoires annoncent 7000 implants envi- – parce que ce sont parfois de petits détails qui trans-
ron, répartis en 3000 prothèses inversées, 1500 prothèses forment la mise en place d’une prothèse en un drame
totales et 2500 prothèses humérales simples incluant les opératoire ou, au contraire, en une intervention réglée
fractures. Quel que soit le modèle, chaque chirurgien et facile. La plupart des complications peropératoires
orthopédiste est susceptible d’être confronté dans sa rencontrées sont liées à des difficultés d’exposition ;
patientèle à la mise en place d’un tel implant, que ce – parce que les prothèses d’épaule sont rentrées dans
soit en traumatologie ou en chirurgie réglée. Le choix une phase de maturité et qu’il ne s’agit plus seulement
de la voie d’abord est souvent dicté par la prothèse d’obtenir des résultats à court terme, mais de garantir
choisie, l’ancillaire étant adapté à une voie d’abord aux patients que l’implant mis en place sera fonction-
particulière. La plupart des laboratoires proposent un nel et indolore pendant plusieurs années, au moins plus
mode d’emploi détaillé, incluant la voie d’abord, pour d’une dizaine. En dehors des complications infectieu-
faciliter l’implantation de l’implant choisi. Cependant, ses, les complications mécaniques à long terme de ces
bien connaître une voie d’abord est indispensable à implants sont le plus souvent liées à une malposition

Prothèses d’épaule. État actuel


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Voies d’abord de l’épaule pour implantation prothétique 51

des implants, à un déséquilibre dans la tension des par- l’exposition. La totalité du membre supérieur et du
ties molles, ou à une usure prématurée de la coiffe, moignon de l’épaule est incluse dans le champ opé-
le plus souvent liés à des défauts techniques favorisés ratoire. Toutes les précautions habituelles sont prises
par des difficultés d’exposition dans la voie d’abord. afin d’éviter des hyperappuis, notamment au niveau
De nombreuses publications proposent des artifices des ischions et des talons en position semi-assise. Il
techniques pour améliorer la pose des implants et leur n’y a pas, à l’épaule, de lignes de tension cutanée avec
survie à long terme. des axes bien définis. Ces lignes sont essentiellement
Cependant, toutes les voies d’abord ne sont pas uti- radiaires, ce qui explique, dans la voie postérieure ou
lisées avec la même fréquence ; dans la première publi- la voie d’abord deltopectorale, les risques de cicatrices
cation du groupe Aequalis, il y avait 1 voie d’abord inesthétiques. En revanche, les tissus cutanés et sous-
postérieure, 12 voies supérieures et 404 voies delto- cutanés de l’épaule sont richement vascularisés, ce qui
pectorales utilisées [14]. autorise des décollements cutanés « larges » pour faci-
liter l’abord et la zone de traversée du deltoïde.

Principes communs Voies d’abord postérieures


Il est de la responsabilité médicolégale du chirurgien Les trois voies d’abord postérieures de l’épaule sont
de vérifier avant l’intervention qu’il possède bien tous la voie postérolatérale, la voie postérieure sous-
les implants (et l’ancillaire) nécessaires, en fonction des deltoïdienne et la voie de Martini. C’est essentiellement
calques préopératoires dont il s’est aidé pour anticiper la voie postérolatérale qui est utilisée pour la chirur-
la taille des implants. gie prothétique, et encore de façon confidentielle, et
Une antibioprophylaxie par une céphalosporine de c’est elle que nous décrirons ici. Il s’agit d’une voie
première ou deuxième génération, pour moins de 24 h, esthétique, par son orientation dans l’axe des lignes
est actuellement recommandée en France. Elle doit être de tension.
débutée au moins 20 min avant l’intervention.
Le drainage postopératoire n’a pas démontré son inté- Installation
rêt dans la chirurgie prothétique de l’épaule [7], mais
s’il est utilisé, ce doit être pour 24 h au maximum. Le patient est en décubitus latéral maintenu par les
L’installation doit permettre de mobiliser le bras appuis classiques : pubien, fessier, thoracique et billot
dans toutes les directions, car cela permet de modi- sous le thorax (figure 1). Un appui arthrodèse est uti-
fier la tension de certains muscles et donc de faciliter lisé pour y poser le membre supérieur opéré. Les points
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Aide n 1

Opérateur

Figure 1. Installation en décubitus latéral pour la mise en place d’une prothèse par voie postérieure. Noter l’appui arthrodèse et la
position des aides et de l’opérateur.
52 M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER

de compression nerveux (nerf ulnaire au coude et nerf


tibial antérieur) doivent être protégés. L’ensemble du
membre supérieur ainsi que la totalité de la scapula
sont installés dans le champ opératoire. L’opérateur
est derrière le patient avec l’aide principal à ses côtés,
tandis que le deuxième aide est en face.
Lors des abords postérieurs de l’épaule, deux nerfs
sont potentiellement menacés : le nerf axillaire et le
nerf suprascapulaire. Le nerf axillaire croise le mus-
cle subscapulaire (subscapularis) à sa face inférieure
et traverse l’espace humérotricipital, où il délivre des
branches pour le muscle petit rond (teres minor) et le
faisceau postérieur du deltoïde [3]. Puis il adhère à la
Figure 2. Le deltoïde postérieur est désinséré de l’épine de la
face profonde du deltoïde en contournant l’humérus.
scapula et la dissection se poursuit dans l’axe du bras pour
Quelle que soit la position de l’épaule, ce nerf reste abaisser le muscle et donner accès aux rotateurs externes de la
en regard du point d’inflexion de la corticale externe coiffe. Le bord latéral de l’échancrure spinoglénoïdienne per-
de l’humérus. Il est alors accompagné par l’artère cir- met de séparer supraépineux et infraépineux.
conflexe postérieure. Le nerf suprascapulaire passe
successivement dans l’échancrure suprascapulaire (à
la base de l’apophyse coracoïde), en arrière du col de laire vient avec le muscle) pour faciliter le repérage de la
la scapula (15 à 20 mm en dedans de l’interligne glé- partie inférieure du muscle petit rond.
nohuméral) puis dans l’échancrure spinoglénoïdienne. Il faut alors bien évaluer la situation de l’humérus qui
Il chemine à la face profonde des muscles supraépi- est partiellement masqué par le rideau musculaire puis
neux (supraspinatus) et infraépineux (infraspinatus) réaliser une ostéotomie au niveau de la grosse tubérosité
auxquels il délivre des branches motrices. (on emporte seulement des pastilles osseuses) qui permet
de décrocher l’insertion osseuse des muscles rotateurs
Technique chirurgicale externes (infraépineux et petit rond). Cette désinsertion
transosseuse permettra une réparation de qualité en fin
En France, c’est Olivier Gagey qui prône la voie pos- de procédure. Les muscles supraépineux et subscapulaire
térieure pour la chirurgie prothétique de l’épaule [6]. sont entièrement respectés durant cette voie d’abord. Il
L’incision cutanée suit l’épine de la scapula et le bord ne faudra pas hésiter à largement ouvrir la capsule afin
postérieur de l’acromion pour se prolonger au-delà de de luxer et d’exposer correctement la tête.
l’angle postéro-externe de l’acromion, le long de l’axe L’épaule est ensuite luxée en arrière par une manœu-
des fibres du deltoïde sur environ 5 cm. Le décollement vre de rotation interne (figure 3). La tête humérale
cutané permet de confirmer le repérage de l’acromion ainsi exposée, il est aisé de recouper le col anatomi-
et de l’épine de la scapula. Puis on procède à un décol- que en vue de l’implantation de la prothèse humérale.
lement fasciocutané qui permet de trouver la jonction
entre deltoïde postérieur et moyen. Cet espace est géné-
ralement marqué par un discret sillon graisseux. Au

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bord postérieur de l’acromion, le deltoïde est toujours
à distance des rotateurs externes. La pointe d’une paire
de ciseau fin (type Metzenbaum) peut être glissée entre
deltoïde postérieur et muscle infraépineux pour repérer
le plan de la désinsertion. On désinsère ensuite en sous-
périosté le deltoïde postérieur de l’épine de la scapula.
Il faut bien respecter le plan sous-périosté afin de pou-
voir effectuer une réinsertion de qualité en fin d’interven-
tion. On effondre alors au doigt l’espace de glissement
sous le deltoïde ou la bourse séreuse sous-deltoïdienne,
ce qui permet, avec un contre-coudé, d’exposer les mus-
cles rotateurs externes et le supraépineux (figure 2). Il Figure 3. Après ostéotomie de l’insertion trochitérienne, la
faut repérer le bord inférieur du muscle petit rond et le coiffe est relevée, ce qui permet de luxer la tête humérale en
nerf axillaire. On peut soulever le deltoïde (le nerf axil- abduction et rotation interne.
Voies d’abord de l’épaule pour implantation prothétique 53

L’humérus est préparé selon la technique correspon- sitant une ostéotomie transversale de l’acromion (voie
dant au type de prothèse choisie. La glène peut être postérosupérieure de Cadenat-Debeyre, voie transacro-
préparée à ce moment et, dans les cas d’usure posté- miale de McLaughlin, voie de Kessel, voie transacromio-
rieure évoluée, cet abord sera idéal pour reconstruire claviculaire) présentent une morbidité supplémentaire,
un défect postérieur à l’aide d’un greffon osseux. sans apporter d’avantages nets, et ne semblent pas être
Une fois la prothèse définitive implantée, l’épaule est utilisées. Surtout, les voies d’abord supérieures sont
réduite par une manœuvre de rotation externe. La initialement des voies d’abord de la face superficielle
réinsertion successive des rotateurs externes puis du de la coiffe des rotateurs et non des voies d’abord de
deltoïde postérieur est essentielle (figure 4). Celle- l’articulation scapulohumérale. L’articulation est cepen-
ci se fait avec du fil non résorbable. Au niveau de dant accessible en cas de fracture céphalo-tubérositaire,
l’épine et de l’acromion, on réalisera quelques tun- pour la mise en place d’implant dans les ruptures de
nels à la mèche fine afin de réinsérer le deltoïde. coiffe non réparables (prothèses inversées notamment),
ou plus rarement moyennant une désinsertion des mus-
Suites opératoires cles de la coiffe (supraépineux ou subscapulaire). Le
principal avantage des voies supérieures est le respect
L’immobilisation postopératoire est de 5 semaines. de l’intégrité du muscle subscapulaire, principal muscle
On associe au système d’écharpe–contre-écharpe stabilisateur antérieur de l’épaule.
l’installation d’un coussin entre le membre et le tho-
rax, ce qui permet de limiter la rotation interne et Abord chirurgical de la voie
donc de favoriser la consolidation tubérositaire pour supéro-externe
les rotateurs externes. La rééducation en rotation
interne ne débutera qu’à partir de la 6e semaine. Le patient est habituellement installé en position semi-
assise [4]. Les principaux repères cutanés sont définis
Voies d’abord supérieures avant l’incision (figure 5). Il s’agit du bord externe de
l’acromion, de l’angle antéro-externe de celui-ci, de son
Parmi les voies d’abord supérieures, les voies d’abord bord antérieur et de l’articulation acromioclaviculaire,
sagittales avec section horizontale du deltoïde (Codman, dont la palpation est parfois difficile. Il est parfois plus
Judet) ou de l’acromion (Moseley, McLaughlin) sont facile de repérer le siège de l’acromioclaviculaire en
presque toutes abandonnées étant donné la fréquence de palpant son bord postérieur. Celui-ci se situe toujours
leurs complications. Les voies d’abord supérieures néces- immédiatement en avant de la dépression palpable
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Figure 4. Après la mise en place de l’implant, la fermeture de la coiffe et du deltoïde postérieur doit être soigneuse.
54 M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER

férable (figure 6). Il est plus facile de trouver l’espace


sous-deltoïdien en dehors de l’acromion. En plaçant
deux écarteurs de Farabeuf sur les berges musculai-
res, on peut accéder à la bourse sous-deltoïdienne et,
plus proximalement, retrouver l’insertion acromiale du
ligament acromiocoracoïdien qui peut parfois être res-
pecté, mais qui gêne le plus souvent lors de la mise en
place de la pièce humérale. Le pédicule axillaire est au
moins à 5 cm du bord externe de l’acromion mais, en
pratique, l’incision sur le deltoïde peut être poursuivie
tant que l’on se trouve en regard de la convexité de
l’extrémité supérieure de l’humérus. La limite latérale
à ne pas dépasser est le paquet axillaire qui se trouve à
3 travers de doigts du bord latéral de l’acromion.

Utilisation dans les fractures de


l’extrémité supérieure de l’humérus
La voie supéro-externe est utile dans les fractures
complexes nécessitant la mise en place d’un implant
Figure 5. Les repères de l’incision supéro-externe. L’incision huméral. La seule limite à son utilisation – et elle est
suit le bord antérieur de l’acromion puis se prolonge dans l’axe impérative – est que le trait de fracture ne doit pas
du bras (l’incision vue d’en haut est rectiligne). irradier à la diaphyse qui n’est pas accessible par cette
voie d’abord.
L’excision de la bourse sérohématique permet de
contrôler le fragment trochitérien en arrière et le frag-
dans le dièdre formé par l’acromion en dehors et en
arrière et par la clavicule en avant. L’opérateur est face
au moignon, les aides se plaçant de part et d’autre.
L’incision cutanée part du bord antérieur de l’articu-
lation acromioclaviculaire et longe le bord antérieur de
l’acromion plutôt à l’aplomb qu’en avant de lui. Arrivée
au bord antéro-externe de l’acromion, elle s’incurve vers
l’avant pour suivre l’axe du bras sur 3 à 4 cm.
Si l’on n’est pas familiarisé avec cette voie d’abord,
il est utile de décoller le plan sous-cutané du fascia
superficiel du deltoïde sur quelques millimètres. Cela
facilite le repérage de l’incision musculaire. L’incision
du deltoïde doit être soigneusement réalisée afin de le

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réinsérer correctement en fin d’intervention. Comme ce
muscle ne présente pas d’insertion tendineuse au niveau
de l’acromion, il faut inciser sur l’acromion 1 à 2 mm
en arrière du bord antérieur pour pouvoir décrocher un
surtout périosté solide avec les fibres du deltoïde [9].
L’incision musculaire suit exactement l’incision cutanée
et il est plus facile de la réaliser au bistouri électrique.
Le décollement cutané permet de trouver, dans la plu-
part des cas à ce niveau, un petit sillon graisseux situé
en regard de l’angle antérieur de l’acromion qui indi- Figure 6. L’incision du deltoïde est à l’aplomb de l’incision cuta-
née. Le deltoïde repoussé vers l’avant donne accès à la coiffe
que le passage entre les deux faisceaux du muscle. À (absente sur ce schéma), puis à la tête humérale, parfois cou-
ce niveau, il existe dans la profondeur du muscle une verte par le tendon du biceps. Le ligament acromiocoracoïdien
bandelette fibreuse qui facilite la fermeture. Au bord (LAC) doit souvent être désinséré pour pouvoir introduire l’im-
externe de l’acromion, une discision musculaire est pré- plant huméral.
Voies d’abord de l’épaule pour implantation prothétique 55

ment trochinien en avant, et de les mobiliser par l’inter- d’intervention. Nous n’avons eu, sur plus de 40 pro-
médiaire de fils tracteurs. La tête humérale est retirée de thèses posées par cette voie d’abord, que deux lâcha-
la cavité et servira de greffon pour faciliter la consolida- ges des sutures.
tion des tubérosités. La préparation du fût diaphysaire Si l’on souhaite respecter la coiffe, on peut relever
avec l’ancillaire adapté est aisée, car elle se fait dans en bloc l’insertion des tendons supra- et infraépineux
l’axe. La difficulté est celle du contrôle de la hauteur avec un fragment osseux trochitérien en repérant l’in-
de l’implant, étant donné que la mise en place de celui- tervalle des rotateurs. L’ouverture de celui-ci permet,
ci cache les repères diaphysaires. Il faut se repérer sur en arrière du biceps, de glisser un ciseau à os de 15
l’éperon cortical interne de l’humérus (calcar), très sou- mm. On peut ainsi lever un fragment osseux de taille
vent respecté, et sur la tension obtenue lors de la remise suffisante pour être réinséré de façon solide sans tou-
en place des tubérosités. Le risque principal observé cher aux muscles de la coiffe.
avec cette voie d’abord est de poser la prothèse en varus Copeland, qui utilise cette voie d’abord, sectionne
avec un effet d’abaissement de la prothèse et des tubé- le muscle subscapulaire, ce qui lui permet, en rotation
rosités. Il est en effet difficile d’apprécier, au moment du externe, de sortir la tête humérale en faisant glisser
serrage, la parfaite réduction des tubérosités et la bonne vers l’arrière les muscles de la coiffe.
position de la prothèse. C’est la raison pour laquelle il La voie d’abord supéro-externe donne un très bon
est conseillé de fixer les tubérosités l’une après l’autre, et jour sur la glène lors de la réalisation d’une arthroplas-
de façon séparée, sur la diaphyse et la prothèse. tie totale, ce qui facilite l’utilisation de greffons pos-
Quand un implant prothétique est utilisé en trauma- térieurs et/ou antérieurs. Pendant le temps huméral,
tologie, le membre supérieur ne doit pas être immobilisé la préparation du fût diaphysaire ne nécessite pas la
en abduction, car il existe alors un risque de luxation mise en rétropulsion et rotation externe forcée comme
inférieure de la tête, favorisée par la fréquente sidération dans la voie deltopectorale, ce qui protège les nerfs du
post-traumatique du deltoïde. membre supérieur qui sont souvent irrités dans cette
manœuvre et/ou les vaisseaux huméraux (risque de
Utilisation dans les arthroplasties thrombophlébite). La chirurgie de reprise est ainsi faci-
totales litée. L’ablation des ostéophytes postérieurs est facile.
En revanche, l’ablation des ostéophytes inférieurs est
Quand la coiffe est rompue (arthroplasties inversées), plus délicate. Il faut s’aider d’une pince gouge à lami-
la voie d’abord supéro-externe présente plusieurs nectomie de Kerisson. La persistance d’une limitation
avantages. de l’abduction du bras en peropératoire témoigne habi-
– La mise en place d’un guide de coupe de la tête tuellement de la persistance d’ostéophytes inférieurs
humérale est facilitée, car l’opérateur travaille dans dont il faut reprendre l’excision. Le reste de la prépa-
l’axe de l’humérus. Il contrôle la rétroversion et/ou le ration humérale ne présente pas de particularités.
déport qu’il souhaite mettre. Il faut se méfier néan- Lors de la fermeture, le deltoïde est réinséré soit
moins dans la coupe de ne pas entamer la glène avec la sur le surtout fibreux acromial, soit par des points
scie. Schématiquement, la hauteur de coupe est satis- transosseux. Nous n’avons pas eu à déplorer, à notre
faisante quand la tranche humérale arrive spontané- connaissance, de complications liées à sa désinsertion.
ment au tiers inférieur de la glène. Le caractère discrètement arciforme de l’incision per-
– La préparation de la glène, qui est face à l’opérateur, met la fermeture cutanée par un surjet. Placées sur le
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est plus facile par cette voie d’abord, ce qui augmente sommet de l’épaule, les cicatrices sont en général peu
la qualité de sa préparation. Un écarteur mousse à visibles et habituellement considérées comme esthéti-
deux dents dit de Trouilloud placé au bord inférieur quement satisfaisantes.
de la glène vient repousser en bas l’humérus et expose Deux autres voies d’abord supérieures sont proches
la totalité de la glène. de celle proposée et peuvent constituer des alternatives.
Lorsque la coiffe est intacte, et que l’on désire utiliser La voie antérosupérieure est rectiligne, ce qui favorise
la voie supéro-externe, il faut obligatoirement relever sa fermeture. Cependant, elle donne un moins bon
le supraépineux et au moins la moitié de l’infraépineux jour sur la partie postérieure de l’articulation. L’autre
(en respectant sa jonction avec le petit rond pour pou- voie d’abord supérieure est proposée par Gschwend,
voir correctement le réinsérer) pour pouvoir travailler qui réalise, à la place d’une ostéotomie de l’acromion,
correctement la glène et l’humérus. Pour ce faire, il est un lambeau musculaire digastrique comprenant le
possible de sectionner les tendons de la coiffe environ trapèze et le deltoïde. L’ensemble trapèze–deltoïde
1 cm avant leur insertion sur l’humérus, ce qui permet est dissocié en dedans et en dehors sur l’acromion et
de lever un lambeau de coiffe facilement suturé en fin désinséré avec des lamelles osseuses, ce qui conserve
56 M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER

la continuité musculaire trapézo-deltoïdienne. Cette musclé. Les repères utilisés sont le relief du processus
voie d’abord n’offre pas un jour plus important que coracoïde, qui est toujours en dehors du sillon delto-
la voie supéro-externe sur la partie tendineuse de la pectoral, et le « V » deltoïdien. Pour notre part, nous
coiffe et son seul intérêt, à notre avis, serait de per- préférons une incision cutanée rectiligne, qui part de
mettre un geste sur le muscle supraépineux. la clavicule, passe à l’aplomb de l’apophyse coracoïde
en direction du V. Sachant qu’avec cette incision nous
Voie d’abord deltopectorale sommes en dehors du sillon, le décollement sous-cutané
se fait vers le dedans, ce qui permet de mieux repérer le
La voie d’abord deltopectorale est, de loin, la voie sillon deltopectoral parfois mal délimité (figure 7).
d’abord la plus utilisée, pour laquelle chaque chirur- La veine céphalique, repère principal du sillon, est
gien a ses habitudes et ses trucs. Nous décrirons donc plus facilement repérable à la partie basse du sillon,
les temps qui nous paraissent les plus importants et/ l’épaule étant en abduction. On peut également repé-
ou utiles pour obtenir une exposition suffisante aux rer la partie toute supérieure du sillon deltopectoral
fins de placer correctement les implants. Son carac- en haut et en dedans du processus coracoïde, où se
tère habituel ne doit pas faire oublier que la forte trouve de façon constante un triangle graisseux à la
mise en rotation externe et rétropulsion de l’épaule jonction entre le deltoïde et le grand pectoral. Souvent
s’accompagne d’une souffrance nerveuse des nerfs du volumineuse et superficielle, la veine céphalique peut
membre supérieur (lors des contrôles des potentiels être dédoublée, ou située plus profondément, et sa dis-
évoqués), et a été suspectée de favoriser la création de section doit donc être précautionneuse pour éviter sa
thrombophlébites du membre supérieur, ce qui justi- lésion. La veine sera préservée et laissée en dehors, car
fie, pour certains, la prescription d’HBPM (héparine elle reçoit le maximum de collatérales par ce côté [13].
de bas poids moléculaire) en postopératoire [10].

Installation Veine céphalique


Apophyse
Le patient est installé en position semi-assise sur une coracoide
table à épaule, jambes relevées, gélose sous les genoux
entraînant leur flexion d’une dizaine de degrés. La
tête est placée dans une têtière et maintenue par une
bande élastique afin qu’elle ne puisse bouger lors de
l’intervention. Il faut faire attention à la traction sur
le plexus lors de la mobilisation de l’épaule, surtout
chez les sujets âgés, et ne pas hésiter à utiliser un collier
A. sous-clavière
cervical de protection. Pour limiter la traction sur le
et plexus brachial
plexus, le thorax du patient est maintenu afin que la
position tête-tronc ne puisse varier au cours de l’inter-
vention. L’épaule à opérer est bien dégagée ; l’épaulière
de la table est retirée de manière à libérer sa face posté-
rieure. L’avant-bras est posé sur un appui-bras ; celui-ci

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ne doit pas gêner les mouvements de rotation externe,
rétropulsion et adduction, et doit donc être posé assez
bas. Le membre supérieur doit être entièrement dans le
champ opératoire. L’opérateur est face au patient avec
un aide en face de lui, en arrière de l’épaule, tandis que
le deuxième aide est sur le côté, face au moignon.

Technique chirurgicale
Le choix de l’incision est variable et dépend des diffi-
cultés attendues et du désir d’esthétisme, les cicatrices Figure 7. L’incision deltopectorale est rectiligne pour être plus
les plus médiales étant souvent plus discrètes. La qua- esthétique. Elle est légèrement externe au sillon deltopectoral
lité de l’exposition obtenue est extrêmement varia- en passant à l’aplomb de la pointe de la coracoïde, ce qui faci-
ble et d’autant plus limitée que le patient est gros et lite la recherche de la veine qui est en dedans de l’incision.
Voies d’abord de l’épaule pour implantation prothétique 57

Elle peut être gênante à la partie haute de l’incision,


qu’elle croise de dehors en dedans. Dans tous les cas,
si elle est lésée accidentellement, elle doit être ligaturée
et non électrocoagulée.
Il faut ensuite s’attacher à libérer consciencieusement
la face profonde du deltoïde du bas vers le haut ; il est
possible de le faire au doigt. Cette opération doit per-
mettre de visualiser l’ensemble de la voûte acromiale et
de la coiffe des rotateurs. L’aide opératoire portera le
bras en abduction-rotation externe puis interne pour
aider à la détente du deltoïde et faciliter cette libération.
Il n’y a pas lieu de sacrifier le ligament coracoacromial.
À la partie haute, on repère l’apophyse coracoïde sur
laquelle on dispose un écarteur contre-coudé qui ne
sera plus mobilisé de toute l’intervention. Après mise
en place de deux écarteurs de Farabeuf dans le sillon
deltopectoral, le tendon conjoint du muscle coracobra-
chial apparaît. La dissection doit se poursuivre au bord
latéral de ce tendon, pour éviter le nerf musculocutané Figure 8. Deltoïde et grand pectoral sont réclinés, ce qui donne
qui aborde le muscle à son bord médial, et un écarteur accès au subscapulaire dont toutes les limites doivent être repé-
autostatique à valves remplace les deux Farabeufs. Pour rées. En haut, l’intervalle des rotateurs (foramen de Weitbrecht)
éviter qu’il ne pivote pendant l’intervention, on peut le qui donne une idée de la position de l’interligne. En bas, le nerf
axillaire en danger doit au moins être repéré au doigt.
fixer à l’aide d’une bande Velpeau sur le bras. Un doigt
est passé sous le muscle coracobrachial, permettant par-
fois de palper le nerf musculocutané, qui habituellement L’abord de l’articulation peut se faire de trois façons
traverse le muscle de dedans en dehors 6 cm (4 travers différentes (figure 9).
de doigt) en dessous de son insertion sur l’apophyse – La section verticale oblique du subscapulaire qui doit
coracoïde [5]. Cela permet de replacer l’écarteur autos- être effectuée 1,5 cm en dedans de la coulisse bicipitale
tatique à valves sous le muscle coracobrachial tout en en laissant un moignon fibreux sur la petite tubéro-
préservant le nerf. Nous palpons systématiquement, en sité pour faciliter sa réinsertion. Il faut faire attention
faisant glisser le doigt à la face antérieure du subscapu- car l’insertion du subscapulaire n’est pas dans un plan
laire, le nerf axillaire qui s’engage sous le recessus, ce strictement vertical et une section verticale expose à
qui permet de le protéger tout en délimitant et en expo- terminer l’incision au ras de l’os, ce qui empêche la
sant la capsule inférieure. Au moindre doute, le nerf est réinsertion correcte en fin d’intervention. La partie
disséqué voir placé sur lac (figure 8). tendineuse du subscapulaire est sectionnée au bis-
À la partie basse de la voie d’abord, est repérée l’in- touri froid, le tiers inférieur correspondant à la partie
sertion du grand pectoral sur la diaphyse humérale ; son musculaire avec les vaisseaux axillaires antérieurs est
centimètre supérieur peut être sectionné, permettant sectionnée au bistouri électrique. La traction sur le fil
une meilleure rotation externe et, surtout, facilitant la permet de compléter la dissection en haut le long de
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subluxation postérieure de la tête humérale pour exposer l’intervalle des rotateurs, et en bas en prenant soin de
la glène. Cette section fait apparaître le biceps brachial préserver le nerf axillaire. Le nerf axillaire est toujours
dans sa coulisse. Il pourra être ténodésé à cet endroit en à plus de 12 mm de l’insertion humérale du tendon
fin d’intervention lorsque le grand pectoral sera réinséré. du subscapulaire. Il existe un plan de clivage entre le
Les limites du muscle subscapulaire sont repérées. corps musculaire et la capsule sous-jacente, mais la
La limite supérieure est marquée par l’intervalle des partie distale du tendon adhère à la capsule articulaire.
rotateurs ; elle se situe à la même hauteur que la pointe Pour trouver facilement le plan de clivage, l’incision
de l’apophyse coracoïde lorsque le bras est mis en du tendon du muscle subscapulaire doit donc se faire
adduction-retropulsion. La limite inférieure est mar- à proximité de la jonction musculotendineuse. Le plan
quée par les vaisseaux circonflexes qui sont repérés de clivage est parfois délicat à repérer ; dans ce cas,
et ligaturés avec le bras en flexion-rotation externe. il faut savoir que sa mise en évidence est plus facile
Un fil tressé résistant calibre 3 est passé verticalement au tiers inférieur du muscle où il n’y a pas de tendon
dans le tendon du subscapulaire ; il servira de fil trac- d’insertion. À ce niveau, il n’y a pas d’adhérence entre
teur au moment de sa réinsertion. capsule et muscle. La capsule articulaire est visuali-
58 M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER

pitale qu’on repère au bord inférieur du muscle, il


est aisé de libérer le tendon de son insertion trochi-
nienne. Toujours à l’aplomb du tendon bicipital, on
prolonge la libération de l’intervalle des rotateurs jus-
qu’à la glène. L’avantage de cette incision est qu’elle
permet de réinsérer le tendon à un niveau variable
sur le trochin, voire dans la tranche de section humé-
rale, ce qui autorise un gain de longueur de 1,5 cm
environ. On peut donc l’utiliser quand le patient
n’a pas de rotation externe préopératoire. Les deux
inconvénients sont que la réinsertion du tendon sur
l’os n’apporte pas de solidité supplémentaire voire
la fragilise et, surtout, que l’opérateur lève en bloc
capsule et subscapulaire. Pour bien libérer le muscle,
il faut ensuite le séparer, au ras de la glène, de la
capsule, ce qui peut mettre en danger le nerf axillaire
à la partie basse.
– L’ostéotomie du trochin a été proposée, pour limiter
les risques de « lâchage » du subscapulaire, toujours
corrélé avec de mauvais résultats [11]. Estimant que la
ténotomie était responsable, Gerber [8] a proposé de
réaliser une ostéotomie du trochin pour garder l’inser-
Figure 9. Les trois possibilités d’abord antérieur de l’articula-
tion intacte. Après une ténotomie du biceps, il réalise
tion glénohumérale. A. Ténotomie du subscapulaire en gar- 4 trous de 2 mm dans la berge médiale de la gout-
dant 1,5 cm de tendon pour permettre la réinsertion. Il faut se tière bicipitale, qui serviront à la refixation. Le tro-
méfier de l’orientation oblique du trochin. B. Libération depuis chin est ostéotomisé, en étant parallèle au tendon du
la gouttière bicipitale, ce qui permet de gagner de la longueur. subscapulaire, depuis la gouttière jusqu’à la jonction
Il faut ensuite séparer le muscle de la capsule en prenant garde col–cartilage, soit un fragment de 5 à 10 mm de large
à la partie basse au nerf axillaire. C. Ostéotomie du trochin. Le et 3 à 4 cm de long. La libération du subscapulaire de
plus souvent, la capsule part avec le tendon et sera séparée à
hauteur de la glène.
la capsule est ensuite identique. La réinsertion se fait
en position anatomique et les fils de suture sont pro-
tégés par un bouton métallique placé au bord externe
sée et sectionnée au niveau de son insertion glénoï- de la gouttière. Si toutes les ostéotomies ont consolidé,
dienne, sectionnant dans le même temps les ligaments Gerber a cependant observé que 65 % des patients pré-
glénohuméraux supérieur et moyen. Cela permet une sentaient une aggravation de l’amyotrophie à moyen
libération (plastie d’allongement) du subscapulaire, et terme, dont l’origine n’est pas connue : dénervation du
la libération de la face interne se poursuit jusqu’à la subscapulaire lors des manœuvres de décollement de
fosse subscapulaire. Cet avancement reste cependant sa face antérieure ?
limité à moins d’un centimètre [2]. Puis on récline le L’exposition terminée, la ténotomie du biceps est

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subscapulaire en dedans et un écarteur contre-coudé effectuée, si elle n’a pas déjà été faite, et la tête humé-
placé à la face antérieure de la glène permet une bonne rale peut être luxée en avant par un mouvement de
vision de l’articulation glénohumérale. Cet écarteur rotation externe, adduction, rétropulsion. Pour cela,
pourra être laissé en place jusqu’en fin d’intervention. il faut libérer la capsule de son attache humérale dont
La limite de cette voie d’abord est qu’elle est difficile l’insertion en V est double :
quand le patient a une perte importante de la rotation – au ras du cartilage s’insère un des feuillets capsulai-
externe passive ; de plus, la suture du subscapulaire res avec les vaisseaux qui vascularisent la tête. Cette
en fin d’intervention peut être difficile si le muscle est insertion est souvent cachée par les ostéophytes, elle
fibreux ou rétracté, si la mise en place de l’implant a est lâche et ne limite habituellement pas la rotation
latéralisé l’épaule. Une rotation externe préopératoire externe ;
de moins de 20° est plutôt une contre-indication à cet – environ 2 cm sous la tête humérale se situe l’insertion
abord articulaire. mécaniquement solide de la capsule [12]. On peut la
– Désinsertion du subscapulaire du trochin. Au bis- désinsérer de proche en proche de l’humérus en portant
touri électrique, et en partant de la gouttière bici- le bras en rotation externe, mais cette dissection « en
Voies d’abord de l’épaule pour implantation prothétique 59

bloc » ne permet pas toujours d’exposer correctement au niveau de la gouttière du biceps, et des points de
la partie postérieure de la tête, car la capsule est très Masson-Allen du côté tendineux. Si une désinsertion
proche du tendon du grand dorsal (latissimus dorsi) ou une ostéotomie a été faite, le passage des points
qui limite la dissection [12]. L’idéal est de laisser le transosseux doit être fait avant la mise en place de la
bras en rotation neutre et de demander à l’aide de faire pièce humérale.
une translation externe pour bien exposer l’insertion Le tendon du grand pectoral est réinséré sur l’humé-
humérale de la capsule, et de la sectionner d’avant en rus (si sa section a concerné plus de la moitié de sa hau-
arrière avant de porter le bras en rotation externe. teur) en effectuant la ténodèse du biceps dans le même
La tête doit être vue intégralement ; un écarteur temps. La ténodèse du biceps doit toujours être effec-
contre-coudé est placé sous la coiffe (supraépineux) et tuée avec le coude en extension pour ne pas surtendre
la repousse en arrière. Les difficultés d’exposition de le tendon, ce qui pourrait être source de douleurs.
la tête peuvent être dues à une ostéophytose humérale Le sillon deltopectoral est éventuellement suturé en
postérieure qui doit être réséquée aux ciseaux à frap- veillant à ne pas léser la veine céphalique qui est laissée
per, ou à une rétraction capsulaire antéro-inférieure en superficie.
qui doit céder en effectuant un débridement capsulaire
soigneux. Dans tous les cas, en s’aidant d’écarteurs, il Cas particuliers
faut visualiser le pourtour complet du col anatomique
de manière à effectuer la résection des ostéophytes. L’extension de la voie deltopectorale peut se faire de plu-
Cette résection soigneuse doit permettre de retrouver sieurs manières. La section, partielle ou complète, du ten-
les limites du col anatomique, marquées à la partie don distal du grand pectoral permet d’agrandir la voie
inférieure par une « ligne graisseuse » qui correspond à vers le bas en réalisant, au besoin, une voie antéro-externe
la zone d’insertion du feuillet porte-vaisseaux (frenulae classique de l’humérus. En revanche, il ne faut pas agran-
capsulae). La recoupe du col anatomique est ensuite dir en décrochant le deltoïde antérieur, car sa réinsertion
effectuée selon les spécificités de l’implant choisi. fonctionnelle est en pratique impossible, ce d’autant que
Le temps glénoïdien suppose de repousser l’humérus en la désinsertion sectionne dans le même temps la branche
arrière pour exposer correctement la glène. L’exposition acromiale qui vascularise le muscle [9].
de la glène est le temps difficile dans l’abord deltopecto- Récemment, il a été proposé d’utiliser le tendon
ral. La vision de la glène a tendance à être tangentielle ; du grand dorsal et du grand rond pour améliorer la
or il est impératif de pouvoir travailler avec la glène face rotation externe des patients chez qui est implantée
à soi pour positionner correctement l’implant prothéti- une prothèse inversée par voie deltopectorale [1]. Un
que. Si tous les temps de libérations précédents ont été écarteur placé sur le grand pectoral dont la partie
effectués, la subluxation postérieure de la tête humérale supérieure du tendon d’insertion a été partiellement
ne doit pas poser de problème. Il n’y a pas de « recette » sectionnée permet d’exposer l’insertion terminale du
stricte ; il faut savoir essayer plusieurs écarteurs diffé- tendon du grand dorsal qui est conjointe avec celle du
rents, faire varier la rotation du bras, jusqu’à trouver grand rond, les deux tendons étant emportés en même
le compromis idéal. Si l’exposition reste insuffisante, il temps. Les deux tendons conjoint est sectionné de pro-
faut compléter la libération des parties molles par une che en proche en portant progressivement le bras en
capsulotomie postérieure et la section du ligament cora- rotation externe. Des fils-repères permettent de ne pas
cohuméral, puis par la ténotomie du grand pectoral en enrouler le tendon lors de son passage derrière l’épi-
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préservant le paquet vasculonerveux huméral. physe humérale. La libération se poursuit au doigt, en


L’exposition de la glène nécessite la résection du portant le bras en adduction et flexion pour limiter la
bourrelet, geste aisé dans la moitié supérieure, plus traction sur le plexus brachial. À la face postérieure de
difficile et dangereux à la moitié inférieure. La capsule l’épaule, le tendon conjoint a des rapports étroits avec
doit être libérée du pourtour glénoïdien pour permet- le nerf radial et le nerf axillaire. Le tendon est ensuite
tre le travail des fraises, repérer en glissant son doigt à passé autour de l’épiphyse et fixé à la position désirée,
la face antérieure l’orientation de la glène, etc. habituellement au bord postérolatéral de la diaphyse
La fermeture comporte la réinsertion du muscle subs- ou du trochiter, en préparant les fils d’insertion avant
capulaire. Elle doit être très soigneuse du fait de l’im- l’implantation de la prothèse.
portance fonctionnelle de ce muscle [11]. Elle s’effectue
en rotation neutre afin de régler au mieux la rotation Conclusion
passive que permettra la suture. On effectuera une
suture sur le moignon laissé en place ou, mieux, des La voie d’abord de l’épaule n’est jamais dénuée de ris-
points transosseux avec un fil tressé non résorbable ques ou de complications ; 2 à 4 % de complications
60 M. SOUBEYRAND, P. MOREEL, C. DUMONTIER

nerveuses ont ainsi été rapportés dans la chirurgie pro- l’arthroplastie. La mise en place des implants est un
thétique de l’épaule, témoignant des difficultés et des temps important, mais la qualité des résultats à court
dangers rencontrés par les opérateurs. Elle peut être et surtout à long terme dépend en grande partie de la
plus ou moins facile selon la corpulence ou la muscu- qualité de l’exposition peropératoire obtenue par une
lature du patient, mais la connaissance des difficultés, voie d’abord maîtrisée.
leur anticipation, le caractère méticuleux de la prépa- Remerciements : au Pr Olivier Gagey pour son aide
ration vont transformer, en pratique, la réalisation de dans la description de la voie postérieure.

RÉFÉRENCES

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61

La rééducation ambulatoire
après prothèse d’épaule
Ambulatory rehabilitation following shoulder arthroplasty

D.F. GAZIELLY

RÉSUMÉ SUMMARY
Le résultat fonctionnel que l’on peut attendre de la mise en place Regardless of etiology, the functional results that can be expec-
d’une prothèse d’épaule, humérale simple ou totale, dépend, à ted after hemi- or total shoulder arthroplasty are equally depen-
parts égales, quelle que soit l’étiologie, de la technique chirur- dent upon surgical technique paying heed to surrounding soft
gicale proprement dite, qui doit respecter les parties molles tissues and the quality of postoperative rehabilitation. This
périprothétiques, et de la qualité du programme de rééducation program proceeds through three successive stages: immediate
postopératoire. Ce programme repose sur trois phases succes- postoperative mobilization, recovery of passive and active range
sives : mobilisation passive postopératoire immédiate, récupéra- of motion and, finally, strengthening exercises. The collabora-
tion progressive des amplitudes articulaires passives et actives, tion of a well-experienced physiotherapist in shoulder rehabili-
puis renforcement musculaire. La collaboration d’un kinésithéra- tation and a motivated patient able to assume his or her home
peute ayant une solide expérience de la rééducation de l’épaule, rehabilitation program is necessary. The patient–physiotherapist
et la participation d’un patient motivé qui prendra en charge son team will achieve 50% of the final functional result and will
autorééducation, sont nécessaires. Cette équipe patient–kinési- be both immediately effective and more efficient if the team is
thérapeute fera, à elle seule, plus de 50 % du résultat fonctionnel set up before surgery. The role of preoperative rehabilitation is
final de l’arthroplastie prothétique de l’épaule, et sera d’autant to educate the patient physically and psychologically through
plus efficace qu’elle aura été constituée avant l’intervention. C’est information and exercises. With our experience of ambulatory
le rôle de la rééducation préopératoire de préparer psychologi- rehabilitation following shoulder arthroplasty, we can say that
quement et physiquement le patient en l’informant et en l’édu- it is illusory to perform shoulder arthroplasty if the postopera-
quant. Notre expérience de rééducation ambulatoire, après mise tive rehabilitation program is not previously prepared and jointly
en place d’une prothèse d’épaule, nous permet d’affirmer qu’il est conducted by the team patient–physiotherapist–surgeon.
illusoire d’envisager la réalisation d’une arthroplastie prothétique
de l’épaule si un programme spécifique de rééducation postopéra- Key words: Shoulder. – Arthroplasty. – Rehabilitation.
toire n’a pas été préparé, et n’est pas pris en charge, après l’inter-
vention, par une équipe patient–kinésithérapeute–chirurgien.

Mots clés : Épaule. – Prothèse. – Rééducation.

Introduction immédiatement l’épaule opérée en passif, comme l’ont


montré Hughes et Neer [2]. Le traveil en actif aidé,
Comme l’ensemble de la chirurgie de l’épaule, la permet ensuite d’éviter un enraidissement source de
chirurgie prothétique de l’épaule est une chirurgie des phénomènes inflammatoires douloureux. La muscu-
parties molles impliquant un premier temps d’incision lation du deltoïde et des muscles abaisseurs de la tête
« économique » des éléments musculotendineux, et de humérale est nécessaire pour récupérer une fonction
libération d’espaces de glissement, et un second temps satisfaisante, elle n’est commencée à un stade ultérieur
de réparation la plus anatomique et la plus solide pos- que lorsque la mobilité active de l’épaule est récupérée
sible pour permettre une mobilisation passive post- en totalité.
opératoire immédiate. En effet, l’objectif premier de la La mobilisation passive immédiate postopératoire
rééducation après prothèse d’épaule, comme d’ailleurs d’une prothèse d’épaule n’est envisageable en toute
après toute chirurgie de l’épaule, est de mobiliser sécurité que si trois conditions sont remplies.

Prothèses d’épaule. État actuel


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62 D.F. GAZIELLY

La première condition est une technique chirurgicale ambulatoire de la prothèse d’épaule, faisant intervenir
minutieuse, non délabrante dans sa voie d’abord pour une équipe patient–kinésithérapeute–chirurgien, que
les partie molles ; de ce point de vue, la voie deltopec- nous développons dans ce chapitre.
torale préconisée par Neer [9] est la voie d’abord qui
donne la meilleure exposition chirurgicale, sans néces-
sité de désinsertion du deltoïde, et imposant seulement Pourquoi une rééducation
une section verticale du tendon subscapularis dont la en ambulatoire ?
réparation minutieuse permet une mobilisation passive
postopératoire immédiate. La technique chirurgicale Il existe, pour rééduquer une prothèse d’épaule, deux
de la prothèse d’épaule est très particulière et diffé- possibilités : soit le patient est rééduqué en ambula-
rente, dans ses objectifs, de la technique de la prothèse toire par un kinésithérapeute, soit il est rééduqué dans
de hanche et de genou, puisque la stabilité de l’implant un centre de rééducation fonctionnelle [7].
est liée à un équilibre musculotendineux antéroposté- Nous préférons faire rééduquer les patients opérés
rieur alors que la stabilité est respectivement osseuse suivant un mode ambulatoire [5,6] plutôt que dans un
et ligamentaire dans les prothèses de hanche et de centre de rééducation, pour trois raisons principales.
genou. La première raison tient au fait que la préparation du
Cette différence explique le caractère incontournable patient nous paraît essentielle et qu’elle doit être faite
de la rééducation après prothèse d’épaule, et la néces- si possible par le même kinésithérapeute qui s’occupera
sité de respecter la seconde condition, qui est de faire de lui après l’intervention ; ce qui permet de constituer,
mobiliser l’épaule opérée par un kinésithérapeute ayant en préopératoire, une équipe patient–kinésithérapeute.
une bonne expérience de la rééducation manuelle de Ce type de rééducation préopératoire est difficile à
l’épaule, et en particulier de la chirurgie prothétique. organiser avec un centre de rééducation, souvent éloi-
En effet, un kinésithérapeute inexpérimenté n’osera gné du domicile du patient.
pas mobiliser immédiatement l’épaule prothésée, et il La seconde raison tient au fait que seul le chirur-
en résultera un retard souvent irréversible dans la récu- gien connaît exactement la qualité des éléments mus-
pération de la mobilité passive puis active et, à terme, culotendineux périprothétiques, et peut donner les
un résultat fonctionnel bien inférieur à celui obtenu consignes précises de rééducation postopératoire à un
par un kinésithérapeute habitué à travailler avec un kinésithérapeute avec lequel il pourra communiquer
chirurgien de l’épaule. Mais la mobilisation passive facilement s’il y a le moindre problème. Ce lien direct
postopératoire immédiate ne sera possible qu’à la et personnalisé avec le kinésithérapeute est très diffi-
condition que le patient soit informé, avant l’interven- cile à établir avec un centre de rééducation parce que le
tion, des modalités de la rééducation postopératoire et kinésithérapeute qui prend en charge le patient, n’est
du mode de fonctionnement de la prothèse qui va être le plus souvent jamais le même pendant le séjour en
mise en place au niveau de l’épaule. centre. Ceci crée une dilution des responsabilités pré-
Cette mise en confiance du patient nécessite une judiciable au suivi postopératoire.
période de rééducation préopératoire qui représente la Enfin, la troisième raison est le coût de la rééducation
troisième condition nécessaire au bon déroulement de en centre spécialisé, qui est plus élevé qu’en ambula-
la rééducation postopératoire d’une prothèse d’épaule ; toire, à un moment où l’on demande aux profession-
la rééducation préopératoire permet de préparer le nels de santé de faire des économies. Il faut ajouter que

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patient, psychologiquement et physiquement, en l’in- la balnéothérapie est un adjuvant non négligeable dans
formant sur ce qui va se passer après l’intervention, et un protocole de rééducation postopératoire de pro-
en l’éduquant par l’apprentissage des exercices d’auto- thèse d’épaule. Elle peut être assurée en dehors d’un
rééducation qu’il devra faire seul 4 fois par jour, chez centre de rééducation, soit chez un kinésithérapeute
lui, après la mise en place de la prothèse d’épaule. libéral qui possède une piscine, soit dans l’établisse-
Au total, le succès de la rééducation d’une prothèse ment de soins où a été opéré le patient, soit enfin dans
d’épaule ne dépend pas seulement de la nature des dif- une piscine municipale où elle est organisée en groupe
férents exercices de rééducation bien décrits par Neer par un kinésithérapeute libéral.
[2,8,10,11], mais aussi de la qualité de l’organisation Le choix que nous avons fait d’une rééducation
des modalités pratiques de la rééducation postopéra- ambulatoire est lié à ce que nous avons retenu de l’or-
toire, de la préparation du patient pendant la phase ganisation de la rééducation après prothèse d’épaule
de la rééducation préopératoire et de sa motivation dans les unités d’épaule de P. Welsh à Toronto et de
[1,3,4]. C’est cette conception de la rééducation en C.S. Neer à New York [6]. Les économies que l’on
La rééducation ambulatoire après prothèse d’épaule 63

nous demande de faire et l’évolution vers un coût glo- lui expliquer comment s’est déroulée la rééducation
bal de la pathologie nous font penser que ce choix nous postopératoire immédiate dans notre unité d’épaule
sera de plus en plus imposé. Cependant, aujourd’hui, et quelles sont les consignes particulières à suivre en
chaque équipe peut encore organiser, en pratique, la dehors du protocole habituel qu’il connaît. Le rythme
rééducation postopératoire suivant des modalités dif- des séances est de 3 fois par semaine pendant les 3 pre-
férentes, en ambulatoire ou en centre, en fonction de miers mois postopératoires, puis 2 fois par semaine à
son lieu et de son mode d’exercice. partir du 4e mois postopératoire. Le rôle du kinésithé-
rapeute pendant la phase préopératoire est d’essayer
d’assouplir l’épaule et surtout d’apprendre, 1 ou 2 fois
Modalités pratiques par semaine, au futur opéré les exercices qu’il devra
de la rééducation ambulatoire faire en postopératoire immédiat, ainsi que de le ras-
surer. Après l’intervention, son rôle sera de le masser,
La rééducation ambulatoire de l’épaule doit être organi- de contrôler le travail d’autorééducation et de gagner
sée, contrôlée, et parfaitement suivie si l’on veut qu’elle en amplitudes articulaires passives puis actives, en par-
soit efficace. Nous la scindons en deux rééducations ticulier en élévation antérieure et en rotation externe
complémentaires et indissociables : une rééducation coude au corps et main derrière la tête. L’expérience
prise en charge par le kinésithérapeute à son cabinet du rééducateur, et la confiance qu’il a dans le chirur-
et une autorééducation prise en charge par le patient gien, seront alors irremplaçables pour permettre ce
lui-même, à son domicile. gain d’amplitude en toute sécurité.

Chez le kinésithérapeute L’autorééducation


La rééducation se déroule au cabinet du kinésithéra- Le patient joue un rôle très important dans le résultat
peute 3 puis 2 fois par semaine pendant 6 mois. Elle fonctionnel final en prenant en charge une autoréédu-
n’est efficace, et ne peut être pratiquée en toute sécurité cation qu’il fera chez lui, régulièrement. Au cours de
et fiabilité qu’à la condition que le kinésithérapeute ait 4 à 5 séances fractionnées dans la journée, d’une dizaine
une bonne expérience de la rééducation de l’épaule et, de minutes chacune, il fera les exercices d’autoréédu-
a fortiori, de la prothèse d’épaule. Nous ne confions cation que le kinésithérapeute lui aura expliqués. Ces
jamais une prothèse d’épaule à un kinésithérapeute séances d’autorééducation sont irremplaçables pour
que nous ne connaissons pas. Nous demandons aux deux raisons.
kinésithérapeutes qui prennent en charge les épaules D’une part, elles permettent de progresser rapidement
que nous avons opérées de s’occuper de notre patient en amplitudes articulaires passives, puis actives, en
seuls, pendant au moins 20 min, de faire une kinési- conservant le gain d’amplitude que le kinésithérapeute
thérapie manuelle personnalisée, et de ne pas oublier a obtenu au cours de la dernière séance de rééducation.
que le massage de l’épaule au début et à la fin d’une Cela évite que ne s’installe, à bas bruit, un enraidisse-
séance apporte un bienfait décontracturant irrempla- ment souvent irréversible de l’épaule opérée qui ne doit
çable. Nous ne sommes pas favorables à la rééducation jamais rester trop longtemps immobilisée. C’est l’ob-
d’une prothèse d’épaule en s’aidant d’une machine, jectif des petites séances fractionnées, courtes et éche-
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aussi perfectionnée soit-elle : aucune attelle mécani- lonnées sur la journée, qui sont préférables à une seule
sée ne peut remplacer les mains du rééducateur. Bien séance quotidienne prolongée.
entendu, l’avantage de confier le patient à un kinési- D’autre part, ces séances d’autorééducation permet-
thérapeute que l’on connaît permet la rééducation qui tent au patient de se prendre en charge et de se rendre
suit toujours le même protocole et ses différentes pha- compte qu’il participe personnellement à sa récupéra-
ses successives. tion fonctionnelle.
Le contact doit être permanent entre kinésithéra- L’épaule opérée est immobilisée, non pas en rotation
peute et chirurgien, afin que ce dernier soit informé s’il interne mais en légère abduction et en rotation neutre,
apparaît des difficultés au cours de la rééducation post- sur une attelle confortable permettant la mobilisation
opératoire. Nous communiquons par téléphone avec immédiate du coude du membre supérieur opéré. Le
le kinésithérapeute qui prend en charge le patient, tant patient peut facilement enlever son attelle pour faire
avant l’intervention, pour lui présenter le patient qu’il ses exercices d’autorééducation, et la remettre en place
devra préparer et éduquer, qu’après l’intervention, pour seul. Cette attelle est portée jour et nuit pendant les
64 D.F. GAZIELLY

8 premiers jours postopératoires, puis uniquement la à propos d’un type d’implant qui reste mal connu,
nuit du 10e au 45e jour, pour éviter, pendant le som- aujourd’hui encore, par le monde médical et le grand
meil, des mouvements qui pourraient être dangereux public.
pour la suture du sous-scapulaire. C’est aussi le moment d’organiser la période qui va
Un kit d’autorééducation peut être fourni au patient suivre immédiatement l’hospitalisation, d’une durée
pour faciliter la réalisation de ses exercices pluriquoti- moyenne de 7 j. S’il s’agit d’un patient vivant seul, il
diens : il comprend un bracelet plombé pour les exer- se posera le problème de l’autonomie fonctionnelle
cices pendulaires, un bâton de largeur variable, des postopératoire immédiate et une demande d’aide-
poignées à ventouse et une poignée avec des caout- ménagère peut être faite. Après avoir informé et ras-
choucs de résistance variable pour les exercices de suré le patient, il est nécessaire de lui expliquer que
musculation du deltoïde et des abaisseurs. Cette auto- la rééducation postopératoire fait 50 % du résultat et
rééducation ne peut pas être envisagée sans un contrôle que sa participation est indispensable pour assurer lui-
par un kinésithérapeute ayant une bonne expérience même son résultat fonctionnel.
de l’épaule. Nous avons coutume de dire que la réédu- Quelle que soit la ville ou la région où habite le
cation fait 50 % du résultat d’une prothèse d’épaule, patient, nous l’adressons uniquement à un kinési-
dont la moitié est assurée par le kinésithérapeute, et thérapeute dont on connaît l’expérience en matière
l’autre moitié par le patient lui-même. de rééducation de l’épaule. En effet, nous devons être
certains que le patient aura le protocole adéquat de
La rééducation préopératoire rééducation postopératoire.
Cette rééducation préopératoire est assez courte,
Comme d’autres auteurs [1], nous préconisons une environ 1 mois, et aura deux objectifs. Le premier est
rééducation préopératoire avant la mise en place d’une d’essayer d’assouplir une épaule souvent très enrai-
prothèse d’épaule en dehors de tout contexte traumati- die, et surtout d’éduquer le patient en lui montrant
que récent [3,4]. Cette phase préopératoire nous paraît les exercices de rééducation passive, active aidée, puis
essentielle parce qu’elle permet de préparer le patient de musculation, qu’il aura à faire en postopératoire.
psychologiquement et physiquement. Ces exercices de rééducation manuelle permettent de
Une information précise doit être donnée au patient faire comprendre au patient comment fonctionne une
sur le fonctionnement de la prothèse d’épaule et la épaule, et ils peuvent avoir un effet antalgique, conjoin-
nature des matériaux qui la constituent, sur le dérou- tement aux séances de massages décontracturants. Le
lement des différentes phases postopératoires pendant patient ayant commencé son autorééducation à domi-
son hospitalisation puis à sa sortie, et enfin sur ce qu’il cile, le kinésithérapeute apprécie sa motivation et sa
peut espérer obtenir comme résultat fonctionnel. Le compréhension des exercices. Le patient peut visionner
chirurgien doit, bien entendu, moduler le gain fonc- le vidéoclip avec le kinésithérapeute et lui poser des
tionnel que peut espérer le patient en fonction de la questions sur l’existence éventuelle de douleurs post-
pathologie – omarthrose, polyarthrite rhumatoïde, opératoires, les gestes contre-indiqués, le délai post-
ostéonécrose – et du type de prothèse, humérale ou opératoire pour conduire, faire la cuisine, etc. Ainsi va
totale. s’établir, entre le patient et le kinésithérapeute, un cli-
Les renseignements sont fournis à nos patient mat de confiance propre à va aider psychologiquement
sous la forme d’un vidéoclip qui raconte l’histoire le patient qui sait qu’il retrouvera « son » kinésithéra-

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d’une patiente opérée d’une prothèse d’épaule pour peute à la sortie. Cette phase de réeducation préopé-
omarthrose centrée primitive. Le déroulement de ratoire nous paraît essentielle et indispensable pour
sa rééducation postopératoire, avec récupération « roder » l’équipe patient–kinésithérapeute et faciliter
progressive de son autonomie fonctionnelle pour les suites postopératoires.
conduire, faire ses courses et accomplir tous les ges-
tes de la vie quotidienne est montré au quotidien.
Un accent particulier est mis sur l’importance de la La rééducation postopératoire
mobilisation passive immédiate postopératoire et
des exercices d’autorééducation. Cette information, Les modalités de la rééducation postopératoire dépen-
dont actuellement le patient est très demandeur, per- dent, bien entendu, de la pathologie qui a justifié la
met d’établir un climat de confiance avec le chirur- mise en place d’une prothèse d’épaule. Nous pren-
gien et diminue l’anxiété préopératoire. Elle permet drons comme exemple la rééducation d’une prothèse
de répondre à toutes les questions qu’il peut se poser totale d’épaule pour omarthrose centrée (figure 1) ;
La rééducation ambulatoire après prothèse d’épaule 65

Figure 1. A. L’omarthrose centrée primitive est la meilleure indica-


tion de la prothèse totale d’épaule anatomique. B. Contrôle radio-
logique postopératoire immédiat au niveau de l’épaule gauche d’une
prothèse totale d’épaule anatomique cimentée Aequalis® (Tornier).

nous aborderons ensuite les programmes de rééduca- La mobilisation passive en abduction-rotation externe
tion dont la spécificité est liée à l’étiologie ou au type (position sieste) [figure 2F] n’est autorisée que si la
de prothèse (prothèse inversée). suture du sous-scapulaire a été réalisée tendon-tendon.
Il en est de même pour la rotation interne main dans
le dos, qui doit être prudente (figure 2G). La flexion
La rééducation d’une prothèse (figure 2H) et l’extension (figure 2I) actives assistées
sont travaillées debout avec un bâton.
d’épaule anatomique pour – Au 7e jour postopératoire, le patient n’a plus d’at-
omarthrose primitive telle dans la journée. On l’encourage à utiliser le mem-
bre supérieur opéré pour faire sa toilette, s’habiller,
La rééducation pendant l’hospitalisation prendre ses repas, mettre ses lunettes, lire, boire, etc.
– Le patient est hospitalisé pendant une durée moyenne (figures 2J à 2L).
de 7 j. – Le patient quitte l’unité d’épaule avec un gain déjà
– Le membre supérieur opéré est immobilisé dans une très sensible sur la douleur et sur les amplitudes arti-
attelle amovible, en légère abduction et rotation neu- culaires passives et actives. Il s’est vite rendu compte
tre. Le coude homolatéral est mobilisé. qu’il progresse rapidement s’il fait correctement et
– Du 2e au 7e jour postopératoire sont réalisés des régulièrement ses séances pluriquotidiennes d’auto-
exercices de mobilisation passive (figure 2), d’une rééducation.
part avec le kinésithérapeute qui fait une séance de
rééducation chaque jour, et d’autre part par le patient
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seul qui fait, pendant 2 séances quotidiennes d’auto-


rééducation, les exercices qu’il a appris avant l’inter-
La rééducation après l’hospitalisation,
vention. L’apprentissage préopératoire des exercices jusqu’au 45e jour postopératoire
de mobilisation passive, puis active aidée, facilite la Le patient a 3 séances de rééducation par semaine chez
rééducation postopératoire immédiate pendant laquelle le kinésithérapeute qui l’a préparé avant l’intervention.
le patient appréhende de mobiliser l’épaule opérée. Chaque séance débute et se termine par un massage de
Chaque séance débute par des exercices d’échauf- l’épaule et de la ceinture scapulaire. Après une appli-
fement type pendulaire (figure 2A). Les exercices de cation d’argile chaude, la rééducation est identique
flexion passive aidée par le côté non opéré sont réalisés à celle débutée pendant l’hospitalisation (figure 2).
en décubitus dorsal (figures 2B et 2C). La mobilisation Un soin particulier est apporté à la récupération de
passive en rotation externe coude au corps est immé- l’élévation antérieure, de la rotation externe coude au
diate, manuelle avec le kinésithérapeute (figure 2D), corps et en abduction, de la rotation interne et de l’ad-
aidée avec un bâton en autorééducation (figure 2E). duction (figure 3).
66 D.F. GAZIELLY

Figure 2. Phase I : mobilisation passive postopératoire immédiate. A. Pendulaire avec un poids de 2 kg. B. Travail en flexion passive
avec le kinésithérapeute. C. Travail de la flexion passive en autorééducation. D. Travail de la rotation externe coude au corps avec

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le kinésithérapeute. E. Travail de la rotation externe coude au corps en autorééducation avec un bâton. F. Travail de la rotation
externe en abduction : position de la sieste.

La rééducation après le 45e jour – musculation du deltoïde antérieur (figure 4E) et pos-
postopératoire térieur (figure 4F).
Les caoutchoucs utilisés sont de résistance croissante
La récupération de la mobilité active complète est pro- pour ne pas provoquer de réactions douloureuses. Le
gressive (figure 4) et assurée avec les mêmes exercices rôle du kinésithérapeute est de montrer les exercices de
réalisés avec le même rythme, 3 fois par semaine chez le musculation et de veiller à ce qu’ils soient correctement
kinésithérapeute et 4 fois par jour en autorééducation. réalisés par le patient, chez lui. Lors de la visite du 3e mois
Des exercices de musculation sont introduits progres- postopératoire, le patient a progressé en récupération
sivement, du 45e au 90e jour postopératoire (figure 4) : de la mobilité active (figures 4A et 4B). Il est autorisé à
– musculation du grand dorsal (figure 4C) ; conduire et à nager sans plonger. La balnéothérapie, si
– musculation du grand pectoral (figure 4D) ; elle peut être réalisée dans de bonnes conditions, poten-
La rééducation ambulatoire après prothèse d’épaule 67

Figure 2. (suite) G. Travail prudent de la rotation interne passive main dans le dos avec le kinésithérapeute. H. Flexion active aidée
avec un bâton en position debout. I. Extension active aidée avec un bâton. J. Le patient s’habille seul dès les premiers jours post-
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opératoires. K. Utilisation de l’épaule opérée dans les gestes de la vie quotidienne… L. Envoi de courriels en utilisant l’ordinateur…

tialise la récupération des amplitudes articulaires actives par semaine ; ces exercices ne sont pas conseillés en
pendant les 3 premiers mois postopératoires. autorééducation car ils peuvent être mal réalisés par
le patient, à son domicile, et être alors à l’origine de
douleurs. Le patient est revu en consultation à la fin
La rééducation du 3e mois au 6e mois du 6e mois postopératoire ; il a récupéré une autonomie
postopératoire fonctionnelle complète. Dans la grande majorité des cas,
Les exercices de musculation sont progressivement il n’est pas nécessaire de continuer la rééducation chez
intensifiés, mais ils ne doivent provoquer aucune réac- le kinésithérapeute ; mais le patient doit continuer de
tion douloureuse au niveau de l’épaule opérée. Le faire 1 à 2 séances d’autorééducation quotidienne pour
kinésithérapeute peut ajouter des exercices de mus- améliorer encore la fonction de l’épaule opérée. Dans
culation des rotateurs internes et externes coude au notre expérience le gain en score absolu de Constant
corps [5] qu’il fera avec le patient, à son cabinet, 2 fois progresse entre le 6e et le 12e mois postopératoire
68 D.F. GAZIELLY

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Figure 3. Phase II : récupération des amplitudes articulaires


passives et actives au cours des 3 premiers mois postopératoi-
res. A. Application de chaleur en début de séance au cabinet du
kinésithérapeute. B. Élévation antérieure aidée avec l’autre bras
en position couchée. Autorééducation. C. Élévation antérieure
active le long d’un mur. D. Travail de la rotation externe coude au
corps avec le kinésithérapeute. E. Travail de la rotation externe
coude au corps avec un bâton en autorééducation. F. Travail
de la rotation externe active en abduction. Autorééducation.
G. Travail de la rotation interne main dans le dos aidée avec le
bras droit. H. Adduction horizontale assistée par le bras droit.
La rééducation ambulatoire après prothèse d’épaule 69

Figure 4. Phase III : La musculation est autorisée seulement quand les amplitudes articulaires actives sont récupérées. A. Récupération
de l’élévation antérieure active. B. Récupération de la rotation externe en abduction active. C. Musculation du grand dorsal.
Autorééducation. D. Musculation du grand pectoral. Autorééducation. E. Musculation du deltoïde antérieur. Autorééducation.
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F. Musculation du deltoïde postérieur. Autorééducation.

témoignant du fait que la fonction de l’épaule prothé- le stade IV qui est traité par mise en place d’une pro-
sée progresse jusqu’au 12e mois postopératoire. thèse totale.

Protocoles de rééducation Polyarthrite rhumatoïde


spécifiques selon l’étiologie Le protocole de rééducation postopératoire est le
même, mais les exercices de mobilisation active aidée,
Ostéonécrose aseptique de la tête humérale et surtout la musculation, sont beaucoup plus diffi-
Le protocole de rééducation postopératoire est identi- ciles à réaliser chez ces patients plus fragiles pouvant
que à celui d’une omarthrose centrée. Le plus souvent, présenter d’autres atteintes articulaires de la maladie,
une prothèse humérale est mise en place, excepté pour en particulier du coude. L’arthroplastie d’épaule a un
70 D.F. GAZIELLY

effet antalgique incontestable et la récupération de la rééducation postopératoire pour éviter tout risque de
mobilité active est variable et dépend de la gravité de luxation prothétique :
l’atteinte tendineuse. – privilégier la récupération de l’élévation antérieure
dans le plan de l’omoplate sans dépasser 140° ;
– la mobilisation en rotation externe coude au corps
Fracture de l’humérus proximal ne doit pas dépasser 20° ;
La mise en route de la rééducation est retardée, car – la mobilisation en rotation interne ne doit pas dépas-
il est nécessaire d’attendre un début de consolidation ser main-fesse ;
des tubérosités, trochiter et trochin, qui ont été syn- – les exercices de traction ou de décoaptation sont for-
thésées autour de l’implant huméral cimenté. Pendant mellement contre-indiqués.
les 6 premières semaines postopératoires, le patient Les activités quotidiennes seront progressivement
doit porter l’attelle nuit et jour ; la rééducation est autorisées au cours des 3 premiers mois, en évitant
limitée à des exercices pendulaires et de va-et-vient tout effort physique et le port de charges lourdes. La
coude au corps, en flexion et en extension [5]. La rééducation postopératoire dure en moyenne 6 mois.
flexion passive en décubitus dorsal et les mouvements
passifs de rotation externe coude au corps, rotation
interne et extension, ne sont commencés, dans notre Résultats de la rééducation
expérience, qu’après la 6e semaine postopératoire, en ambulatoire
après vérification sur un bilan radiographique de l’ab-
sence de déplacement des tubérosités. Le programme Nous avons revu cliniquement et radiologiquement
de musculation est commencé à la fin du 3e mois 110 arthroplasties de l’épaule implantées depuis 1985
postopératoire. chez 103 patients (43 prothèses humérales simples
et 67 prothèses totales), toutes étiologies confondues
(omarthrose primitive et secondaire, post-traumatique
Omarthrose excentrée avec rupture et postinstabilité, polyarthrite rhumatoïde, ostéo-
massive de la coiffe des rotateurs nécrose aseptique), fracture exclues. Trois généra-
Si l’on opte pour une prothèse non contrainte la dispari- tions de prothèses ont été utilisées : Neer II (19 cas),
tion des tendons supra- et infraépineux contre-indique Modulaires (3M) (28 cas), Anatomiques Aequalis®
formellement la mise en place d’un implant glénoïdien, (Tornier) (63 cas). L’opérateur a été le même (DFG),
qui évoluerait inéluctablement vers un descellement. Il la technique opératoire identique (voie deltopectorale,
est donc mis en place des implants huméraux dont le respect des parties molles, réparation minutieuse du
diamètre de la tête prothétique est supérieur au diamè- tendon subscapularis) et la rééducation postopératoire
tre de la tête humérale saine, permettant un appui sous similaire (mobilisation passive postopératoire, réédu-
l’arche ostéoligamentaire coracoacromiale. Le patient cation ambulatoire avec un kinésithérapeute associée
doit garder l’attelle nuit et jour pendant 6 semaines. La à une autorééducation). Les 103 patients ont été revus
rééducation doit être douce et prudente car les tendons avec un recul moyen de 5,8 ans (minimum : 2 ans,
restants, en particulier le subscapularis, sont souvent maximum : 15,5 ans). Le score de Constant global en
très fragiles. La musculation des abaisseurs de la tête valeur absolue est passé de 41 points en préopératoire
humérale et du deltoïde ne commence qu’au 4e mois à 83 points sur 100 en postopératoire. L’élévation anté-

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postopératoire ; elle doit être prudente, en utilisant des rieure active est passée de 93 à 126°, la rotation externe
caoutchoucs de faible résistance. Il s’agit d’une chirur- active coude au corps de 13 à 47° et la rotation interne
gie de sauvetage, dont l’objectif principal est l’indo- active est passée du niveau de la fesse à celui de la 3e ver-
lence, la récupération de la mobilité active étant un tèbre lombaire. Selon les critères de Neer, les résultats
objectif secondaire. étaient soit excellents (56 %), soit satisfaisants (30 %),
La tendance actuelle est de mettre en place une pro- soit non satisfaisants (14 %). La survie des implants
thèse totale d’épaule inversée chez les patients âgés de était de 80 % à 200 mois. Il y avait dans cette série
plus de 70 ans qui présentent une omarthrose excentrée 13 % de complications, imposant une révision dans
(figure 5). Les modalités de la rééducation postopéra- 7 % des cas. La majorité des complications (10 cas
toire sont les mêmes que pour une prothèse anatomi- sur 14) avaient pour origine le matériel ou une erreur
que, notamment le principe de la mobilisation passive technique : 6 ruptures secondaires de coiffe n’impo-
et active aidée immédiates. Mais du fait de la dispa- sant pas de révision dues à une prothèse modulaire 3M
rition du rôle stabilisateur de la coiffe des rotateurs, agressive pour la coiffe ; 1 cas d’érosion glénoïdienne
certaines précautions doivent être prises au début de la après hémiarthroplastie ; 1 cas de fracture de tête céra-
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés La rééducation ambulatoire après prothèse d’épaule 71

Figure 5. L’omarthrose excentrée peut être une indication de mise en place d’une prothèse totale d’épaule inversée après 70 ans.
A. Omarthrose excentrée gauche chez une patiente de 71 ans. B, C. Contrôle radiographique 5 ans après la mise en place d’une
prothèse totale Aequalis® inversée (Tornier). D, E, F. Résultat fonctionnel à 5 ans.

mique 3M ; 1 cas de descellement glénoïdien et 1 cas la conservation d’un tendon du long biceps dégénéra-
de tête prothétique trop grosse, imposant chaque fois tif, gênant la rééducation postopératoire et provoquant
une reprise chirurgicale. Quatre patients ont été réopé- un cercle vicieux raideur-douleur. Ces 2 patients ont
rés : 1 cas de luxation postérieure survenue au cours été très améliorés par une reprise avec une ténotomie
du sommeil chez une patiente hyperlaxe, reprise avec arthroscopique du long biceps. À la suite de ces 2 repri-
plicature de la capsule postérieure et guérie ; 3 cas de ses, nous réalisons systématiquement une ténotomie
raideur postopératoire : 1 patiente opérée pour luxation du long biceps chaque fois que nous mettons en place
postérieure invétérée après électrocution et peu amélio- une prothèse d’épaule. Il faut noter l’absence, dans
rée par une arthrolyse ; et 2 patients enraidis du fait de cette série, de complications classiquement décrites
72 D.F. GAZIELLY

dans la littérature : aucune luxation antérieure de la ne sera efficace en ambulatoire que si elle a été orga-
prothèse, aucune rupture secondaire du subscapularis, nisée et structurée avant l’intervention, et si elle est
aucune infection, aucune complication neurologique. réalisée avec la collaboration d’un kinésithérapeute
Globalement, on peut dire que les résultats obtenus, ayant une bonne expérience de la rééducation de
sous couvert d’une rééducation ambulatoire, dans cette l’épaule, et la participation d’un patient informé sur
série de 110 prothèses, toutes étiologies confondues le rôle essentiel qu’il joue dans le résultat fonction-
(fractures exceptées) sont très satisfaisants et satisfai- nel final en prenant en charge son autorééducation
sants dans 85 % des cas. pluriquotidienne. Le chirurgien doit rester humble et
ne pas oublier que sa technique chirurgicale, aussi
Conclusion sûre soit-elle, ne peut pas assurer, seule, le résultat
fonctionnel optimum d’une prothèse d’épaule, mais
La rééducation postopératoire compte pour 50 % qu’elle doit être suivie d’un programme de rééduca-
dans le résultat final d’une prothèse d’épaule. Elle tion rigoureux et contrôlé.

RÉFÉRENCES

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73

Rééducation en centre et en externe


après prothèse d’épaule
Rehabilitation in a center after shoulder arthroplasty

J.-P. LIOTARD, A. PADEY

RÉSUMÉ SUMMARY
Les fondements de la rééducation après prothèse d’épaule ont été Bases of rehabilitation after shoulder replacement have been
présentés en 1975 par Charles Neer : récupération des amplitudes presented in 1975 by Charles Neer. Neer’s protocol is a recovery
en élévation, rotation externe et rotation interne. En 1985, en of range of motion in elevation, external rotation and internal
centre, nous avons introduit la rééducation en piscine chaude, rotation. In 1985, into a center, we introduced warm-water pool
qui facilite, simplifie et sécurise la récupération des amplitudes, rehabilitation, which facilitates, simplifies and secures the reco-
notamment des rotations. Un séjour court de 2 à 3 semaines en very of range of motion, in particular of rotations. A 2 to 3 weeks
centre permet de mettre en place une autorééducation, à pour- short stay allows to set up self-rehabilitation, which will continue
suivre à domicile, avec les automobilisations pluriquotidiennes en at home with self-mobilizations many times a day, in elevation
élévation-rotation externe. La rééducation ambulatoire en piscine and external rotation. Ambulatory warm-water pool rehabilita-
est facultative, en fonction des possibilités. Tous les exercices, à tion is optional, according to the local possibilities. In the air or
sec et en piscine sont contrôlés par le patient en fonction du in water, all exercises are controlled by the patient according to
seuil douloureux ; la régulation automatique se fait par l’activité pain level, with an automatic regulation by the reflex myotatic
réflexe myotatique et tendineuse. Le risque de capsulite réflexe and tendineous activity. The risk of a reflex capsulitis led us to
nous a fait abandonner la mobilisation passive à visée récupéra- give up passive stretching and all kinds of mechanical techni-
trice, et toutes les formes de mécanothérapie et de travail contre ques and exercises against resistance, whatever in the air or in
résistance, à sec et en piscine. La réactivation musculaire glo- water. Global muscular awaking is obtained by resuming daily
bale est dévolue à la reprise des activités de la vie quotidienne, life activities. Aquagym and swimming are recommended. In
l’aquagym et la natation étant recommandées. Le contrôle des controlling range of motion at 1,3,6 and 12 months after sur-
amplitudes à 1,3,6 et 12 mois est l’occasion de constater et de gery, we note and resolve medical and orthopaedic difficulties.
résoudre les difficultés de récupération, médicales ou orthopé- All prostheses (humeral and total, anatomical and reverse) profit
diques. Toutes les prothèses, humérales et totales, anatomiques from this protocol. The best results are obtained according to
et inversées, peuvent bénéficier de ce protocole. L’obtention du patient compliance with continuing his daily exercises, through-
meilleur résultat possible dépend de la compliance du patient à out the regular visits during the first year after surgery. This
poursuivre ses exercices, jour après jour, visite après visite, pen- protocol is a self-performed but strictly controlled one, with a
dant au moins 1 an. C’est une autorééducation, mais contrôlée, le unique happy-end hero: the patient.
patient reste l’acteur principal de son succès.
Key words: Shoulder prosthesis. – Rehabilitation. – Self-mobili-
Mots clés : Prothèses d’épaule. – Rééducation. – Auto-mobilisation. zation protocol. – Warm-water pool program.
– Rééducation en piscine chaude.

Principes de la rééducation La rééducation commence rapidement ; c’est une


récupération des amplitudes en élévation, en rotation
Après l’intervention pour prothèse d’épaule, le patient externe et en rotation interne. En pratique, le kiné-
est au repos dans une écharpe pendant quelques jours. sithérapeute met en place une autorééducation, avec
Cette écharpe sera portée ensuite à la demande, pour 5 séances par jour, chaque séance ne durant que quel-
le confort, remplacée par un `oreiller sous le bras pour ques minutes. Une séance est consacrée au contrôle par
dormir, et progressivement supprimée. Le patient est le kinésithérapeute des exercices et des amplitudes.
averti qu’il devra faire très attention avec son bras Ces amplitudes sont régulièrement examinées de façon
opéré au quotidien pendant les premières semaines. stricte, et notées dans le dossier : amplitudes passives

Prothèses d’épaule. État actuel


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74 J.-P. LIOTARD, A. PADEY

en position couchée, amplitudes actives en position peute commence après le contrôle radiographique, la
assise. On vérifie en cours d’examen la contractilité lecture du compte-rendu opératoire et des consignes
du deltoïde, et la tonicité des rotateurs. La douleur du chirurgien.
est objectivée par le nombre d’antalgiques pris chaque Le kinésithérapeute veille à une installation confor-
jour ; la qualité du sommeil est évaluée. table au lit, buste relevé avec un oreiller de calage sur
La récupération des amplitudes s’effectue par des l’arrière du bras et un pour une position déclive du
automobilisations mains jointes en élévation, réalisées membre supérieur. Il traite les éventuels œdèmes et
en position couchée au départ. Les coudes sont fléchis, hématomes avec des applications de glace et des séan-
ce qui permet de récupérer l’élévation dans le plan de ces de cryothérapie ainsi que des séances de drainage
l’omoplate. Lorsque l’élévation auto-passive approche lymphatique manuel. L’équipe soignante aide le patient
les 130°, on a la récupération progressive et intégrée pour la toilette, l’habillage-déshabillage et les repas.
de la rotation externe en abduction (RE2). Le protocole (figure 1) donné au patient sert de sup-
Dans la foulée de l’élévation, la rotation externe port à tous les intervenants : patient, kinésithérapeute,
coude au corps (RE1) est récupérée, en position cou- médecin rééducateur. Il est adaptable à tous les types
chée au départ. Le patient va rapidement passer à la de prothèse, dans leurs différentes indications. Son
position debout, ce qui permet d’initier la récupération application nécessite beaucoup de temps de présence
de la rétropulsion et de la rotation interne main dans le du kinésithérapeute auprès de son patient, séance après
dos. Tous ces exercices sont, dès le début, réalisés sur séance, jour après jour : explications, apprentissage
le mode auto-activo-passif. des exercices, corrections, discussion sur les douleurs
Ce mode activo-passif est donc contrôlé par le patient et les difficultés, évaluation de la progression.
lui-même, en fonction du seuil douloureux. Préconisé
par Sohier [8], ce mode d’exercice est physiologique
et progressif, sans danger pour l’épaule opérée. Sont Étirements personnels
à éviter l’étirement passif par le kinésithérapeute, car
moins bien contrôlé, et le travail en abduction, rapide-
Première étape : élévation auto-passive
ment limité et douloureux.
en position couchée
Les visites postopératoires sont régulières jusqu’à La première étape est proposée dès le premier jour au
6 mois. On note dans le dossier la progression chiffrée Centre. Couché, buste légèrement redressé, le patient,
des amplitudes, on apprécie la tonicité du deltoïde et doigts entrecroisés, mains posées sur le ventre, porte
de la coiffe des rotateurs. L’amélioration fonctionnelle ses mains vers l’arrière, coudes fléchis, dans le res-
quotidienne est objectivée par la diminution puis l’arrêt pect du plan fonctionnel optimal d’élévation : c’est le
des antalgiques, et par la qualité retrouvée du sommeil. premier temps. En fin de course, sans forcer, les cou-
Les fondements de la rééducation après prothèse des se tendent : c’est le deuxième temps ; l’élévation
d’épaule ont été présentés dès 1975 par Charles Neer maximale permise est atteinte, et maintenue quelques
[1,6,7]. De 1985 à 1995, en centre, nous y avons ajouté secondes (figure 2).
la rééducation en piscine et nous avons complexifié la Le retour se fait en repliant mains, bras et cou-
rééducation [4]. À partir de 1995, nous avons conservé des vers l’avant, sur le ventre. Le patient reproduit
la piscine [3,5] et nous sommes revenus à la simplicité cet étirement toujours en deux temps, coudes fléchis
des étirements personnels. puis coudes tendus, 5 fois de suite. Le kinésithéra-

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Dans la figure 1 est présenté le protocole photogra- peute ne mobilise pas le bras ; il est présent pour ras-
phique que nous confions à tous nos patients. Ce pro- surer, expliquer et corriger. Au tout début, il peut
tocole s’applique du début à la fin de la rééducation. Il aider manuellement le patient si la douleur inhibe
comprend les étirements personnels et la rééducation ce dernier, ou si l’épaule controlatérale est raide et
en piscine. Nous avons abandonné la mécanothérapie, douloureuse, ce qui est assez fréquent. « Le kinési-
la manipulation kinésithérapique et le renforcement thérapeute ne fait pas ce que le patient peut faire
musculaire analytique. lui-même » [2].
Dès la fin de la première semaine de rééducation
Rééducation en centre (10e jour postopératoire), le patient est en principe capa-
ble de s’automobiliser jusqu’à passer par-dessus et en
Le patient est accueilli au Centre au 5e jour postopé- arrière de sa tête, soit 100° d’élévation auto-passive et au-
ratoire, pour un séjour d’environ 3 semaines. C’est le delà. Le rythme est de 5 séquences quotidiennes de 5 éti-
temps moyen nécessaire pour que le patient récupère rements, chacun prenant 5 secondes : c’est le 5-5-5. La
une mobilité convenable et soit autonome pour son mobilité obtenue dépend de la compliance gestuelle du
autorééducation. La rééducation avec le kinésithéra- patient, de l’état préopératoire et du geste chirurgical.
Rééducation en centre et en externe après prothèse d’épaule 75

Deuxième étape : élévation auto-passive Rotation interne


en position assise
Sauf contre-indication chirurgicale (l’instabilité posté-
Il s’agit de la reprogrammation motrice d’une fonc- rieure), et de toute façon sans jamais forcer, le patient
tion primordiale du membre supérieur : lever la main récupère petit à petit la rotation interne fonctionnelle,
au zénith. Dans le premier temps, le patient, assis avec le passage de la main dans le dos. Dans notre
et confortablement adossé, porte ses mains jointes, expérience, la rééducation en piscine a beaucoup faci-
doigts entrecroisés, juste au-dessus de sa tête, cou- lité l’obtention de cette rotation interne fonctionnelle.
des naturellement fléchis. Dans le deuxième temps, le Pour les prothèses inversées, ce passage de la main
patient s’étire, les mains ensemble entraînent les bras, dans le dos reste, malgré la piscine, souvent limité.
les coudes se tendent. La chaîne motrice proximodis-
tale aboutit à l’élévation optimale permise par le délai
postopératoire (figure 3). Rééducation en piscine
La descente se fait sans retenue, en repliant mains,
bras et coudes jusqu’en bas, sur le ventre. Du début Un pansement étanche permet la balnéothérapie rapi-
à la fin, les mains marchent ensemble, ce qui repro- dement . Nous proposons 2 séances par jour, de 20 à
duit l’étirement naturel que l’on peut faire pour 30 minutes tout compris, temps suffisant pour profiter
se détendre. Le patient fait quelques étirements, des bienfaits de l’eau chaude (35° dans notre service),
pas plus de 5 de suite, plusieurs fois dans la jour- sans être agressif pour l’épaule récemment opérée. La
née, un peu plus souvent que 5 fois par jour. Cette séance est dirigée par le kinésithérapeute, toujours
reprogrammation motrice, bilatérale, concerne les présent au bord de la piscine. Il montre et corrige les
108 muscles des deux membres supérieurs. « S’étirer exercices, réalisés l’un après l’autre, avec pas plus de
augmente l’amplitude, dirige la cicatrisation, réveille 5 à 10 mouvements pour chaque exercice.
les sensations » [2]. La qualité d’exécution est importante à vérifier, avec
Ces étirements en position assise sont abordés au des mouvements flottants, effectués sans forcer sur
cours de la 2e semaine de séjour, c’est-à-dire aux envi- l’eau. Flotteurs et planchettes, qui créent des résistan-
rons du 15e jour postopératoire. L’épaule récupère ces supplémentaires à cause du volume d’eau déplacée,
ainsi une élévation de 130° et au-delà. Ils seront pour- ont été abandonnés. Tout est plus facile : la chaleur
suivis régulièrement après la sortie du centre : ce sont décontracte le patient et calme les douleurs : c’est l’effet
les exercices essentiels pour que le patient continue thermal, qui s’ajoute à la poussée d’Archimède, mais il
à progresser en souplesse ; en s’étirant, il réveille ses ne faut pas en abuser, sous peine d’inflammation et de
muscles, et récupère ainsi une épaule fonctionnelle, de douleurs. « Le patient fait plus facilement dans l’eau ce
plus en plus tonique. qu’il fera plus tard à sec » [2].

Rotation externe Brasse à plat en disposition sanglée


L’exercice dit « le prêche » permet au patient de retrou-
avec masque et tuba
ver très progressivement une rotation externe RE1 Ce type de brasse (figure 5) permet la progression et
libre, sans aucun danger pour la suture du subscapu- le rodage articulaire en élévation, et un réveil des mus-
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laire. Le patient, coudes fléchis, mains jointes devant cles périscapulaires. Nous proposons – sans l’imposer
son nombril, ouvre simplement les mains vers l’exté- – le masque et le tuba, afin de soulager l’extension cer-
rieur. Il faut veiller à ce que le patient ne garde pas vicale, inconfortable et douloureuse chez les patients
les coudes serrés au corps, en adduction, ce qui serait âgés. Du matériel bien adapté et un apprentissage
antagoniste de la rotation externe. Il doit donc laisser convaincant sont des gages de réussite : c’est la brasse
ses coudes libres, flottants (figure 4). coulée ! Bien des patients ont décidé ensuite d’aller
Cette rotation externe coude au corps (RE1) se fait apprendre à nager une fois rentrés chez eux.
en combinaison avec les étirements en élévation au-
dessus de la tête. La RE1 complète la composante RE2,
qui fait partie de l’élévation. Ces deux composantes
Élévation subaquatique
RE1 et RE2, mises en jeu successivement, réveillent les
avec une ceinture plombée
muscles rotateurs externes, et par diffusion, les mus- Ce n’est nullement un problème d’âge, ni même d’ha-
cles fixateurs des omoplates et les muscles érecteurs bitude d’aller dans l’eau. Pourvu qu’il soit guidé et ras-
du rachis. Les étirements deviennent une gymnastique suré par le kinésithérapeute, le patient va s’allonger
thoracique de plus en plus complète. au fond du bassin, y rester facilement avec la ceinture
76 J.-P. LIOTARD, A. PADEY

PROTOCOLE de RÉCUPÉRATION
LES ÉTIREMENTS PERSONNELS MAINS JOINTES
L’essentiel pour la souplesse
PREMIÈRE ÉTAPE
allongé(e), on s’étire en 2 temps
1) les bras basculent, coudes fléchis,
2) les coudes se tendent
Les mains sont entrecroisées.

5 secondes par étirement.


5 fois à la suite, 5 fois par jour
C’est une bonne base.

DEUXIÈME ÉTAPE
assis(e). simplement adossé(e)
1) les mains entrecroisées vont au-dessus de la tête
2) puis entrainent les bras, qui se tendent
Retour sans freiner, en pliant les coudes,
sans lutter contre la pesanteur.

Les mains marchent ensemble


L’autre main ne tire pas plus et ne
retient pas plus, ça déséquilibre.

1ère puis 2ème Étape : dans le mois qui suit l’intervention.


Le passage à la Troisième Étape est abordé à la visite de contrôle à l mois.

TROISIÈME ÉTAPE
position de la sieste + étirement complet
1) les mains vont par-dessus puis derrière la tête,
2) toujours entrecroisées, elles entrainent les bras
On s’étire + complètement. dans son axe :
c’est l’étirement redevenu naturel.

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Les mains dirigent l’étirement
Elles sont motrices, elles entrainent
les bras, et les épaules se relâchent.

La troisième étape est une pandiculation* organisée (*cf Google).


S’étirer ainsi, c’est activer les 108 muscles de la ceinture scapulaire !
Figure 1. Le protocole de récupération des amplitudes de l’épaule : au verso (B), les étirements personnels et la rééducation en
piscine.
Rééducation en centre et en externe après prothèse d’épaule 77

des AMPLITUDES de L’ÉPAULE


LA RÉÉDUCATION EN PISCINE CHAUDE
L’idéal pour la détente
Chaque exercise est répété de 5 à 10 fois, EN COMPTANT.
Chaque séance dure de 20 à 30 minutes, TOUT COMPRIS.
On peut donc faire le tour de tous ces exercices, 2 à 3 FOIS.

debout dans l’eau à la surface de l’eau sous l’eau


en avant et en arrière BRASSE A PLAT en apnée
« c’est basique » « petit à petit » « c’est en option »

la rotation externe la rotation interne S’étirer


COUDES FLOTTANTS main dans le dos au-dessus de l’eau
« c’est plus facile dans l’eau » « comme à sec »
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Pas d’accessoires (flotteur, palette, etc...), qui augmentent la résistance de l’eau.


Du début à la fin, on ne force pas, on n’ en fait pas plus ni plus longtemps.

La piscine facilite les étirements en Élévation-Rotation externe


qui sont l’aboutissement de l’assouplissement de l’épaule.
Les séances en piscine cessent quand les amplitudes sont complètes.
Figure 1. (Suite)
78 J.-P. LIOTARD, A. PADEY

A B
re
Figure 2. Les étirements personnels couchés (1 étape). A. Premier temps. Les mains basculent vers l’arrière, coudes fléchis.
B. Deuxième temps. Les coudes se tendent dans l’axe du corps.

Figure 3. Les étirements personnels assis


(deuxième étape). A. Premier temps. Mains au-
dessus de la tête, coudes fléchis. B. Deuxième
temps. Mains au zénith, coudes tendus.

A B

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Figure 4. Les étirements personnels en rotation
externe (« le prêche »). A. Premier temps. Les
mains sont jointes devant le nombril. B. Deuxième
temps. Les mains s’écartent, coudes flottants.

A B
Rééducation en centre et en externe après prothèse d’épaule 79

plombée, et constater que les conditions sont optima- Exercices en immersion partielle
les : en apesanteur totale, de façon assez déconcer- debout dans l’eau
tante, ses bras flottent librement dans l’eau. Il s’agit
– apnée comprise – d’une excellente méthode pour Ces exercices sont intéressants à proposer au patient
lever les inhibitions postopératoires, et la peur de l’eau qui bénéficie encore en partie de l’effet thermal, et en
(figure 6). partie de l’état de pesanteur pour les bras trempant
dans l’eau (figures 7 et 8). Les mouvements alternés
en élévation/rétropulsion reproduisent le balancier
des bras au cours de la marche. Les mouvements
de rétropulsion/rotation interne main dans le dos et
d’adduction/rotation interne main sur l’épaule oppo-
sée reproduisent les manœuvres de la toilette et de
l’habillage.

Étirement en élévation, au-dessus


de la tête et au-dessus de l’eau
Figure 5. La rééducation en piscine : la brasse en disposition
sanglée. C’est la deuxième étape des étirements, facilitée en
ambiance thermale, avec l’effet d’échauffement des
autres exercices déjà réalisés dans l’eau (figure 9). C’est
le moment idéal pour le patient et le kiné pour faire le
point sur cette deuxième étape, qui marque l’accès à
l’autonomie du patient. Profitant de l’ambiance ther-
male, le patient s’étire en élévation, en combinant avec
la rotation externe RE1, également facilitée en piscine.
C’est ce qu’il fera à sec, une fois rentré chez lui.

Programme à la sortie du centre :


rééducation en externe
Figure 6. La rééducation en piscine : l’élévation subaquatique Le but du séjour au Centre est d’autonomiser le
avec une ceinture plombée. patient, qui va continuer à s’étirer en élévation-rotation
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A B

Figure 7. La rééducation en piscine : les exercices en immersion partielle debout dans l’eau : l’élévation (A) combinée avec la rétro-
pulsion (B) (le balancier).
80 J.-P. LIOTARD, A. PADEY

A B

Figure 8. La rééducation en piscine : les exercices en immersion partielle debout dans l’eau : rétropulsion main dans le dos (A),
combinée avec l’adduction main vers l’épaule opposée (B).

Figure 9. La rééducation en piscine : l’étirement au-dessus de la tête et au-dessus de l’eau.

externe, chez lui, plusieurs fois par jour (figure 10). Les étirements personnels sont devenus pour (presque)
C’est la base de la récupération des amplitudes. tous une habitude d’entretien de la ceinture scapulaire.
La rééducation peut être poursuivie en piscine, en Pour certains, la pratique régulière de l’aquagym et la

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ambulatoire 2 à 3 fois par semaine, en fonction des fréquentation des piscines, au moins l’été, s’ajoutent à
possibilités de proximité. Une piscine municipale et la reprise fonctionnelle quotidienne. Chacun récupère
en été, la mer et les piscines de résidence, sont des une tonicité optimale, à la mesure de ses activités et de
compléments toujours intéressants pour les patients ses loisirs. « Nous avons abandonné tout renforcement
qui s’y prêtent. musculaire analytique » [2].
À l’instar de Neer [6,7], nous suivons attentivement
les patients jusqu’à 6 mois postopératoires ; c’est la
période d’amélioration des amplitudes. À 1 mois, on Difficultés rencontrées
vérifie que la rééducation se passe bien. À 3 mois, on dans une série homogène
s’assure que la progression continue. À 6 mois, on
constate une certaine stabilisation. Au bilan de 1 an, si Considérons une série homogène, un chirurgien (Gilles
les patients ont continué à s’étirer, ils ont récupéré les Walch), un centre de rééducation (Hauteville), un
amplitudes optimales attendues, en rapport avec l’indi- consultant (médecin rééducateur Jean-Pierre Liotard) :
cation de départ et leur prothèse. en 2006, 26 prothèses, dont 14 anatomiques et 12 inver-
Rééducation en centre et en externe après prothèse d’épaule 81

Figure 10. Le protocole de récupération des amplitudes de l’épaule : au recto (A), l’étirement combiné en élévation-rotation externe.

sées, ont été étudiées. Il y a une omarthrose excentrée car non habituelle et donc non recherchée : l’ECBU et le
pour 10 des 12 inversées, centrée pour 12 des 14 anato- traitement adapté ont réglé le problème.
miques. L’élévation active au-dessus de 90° est un critère Aucune modification du protocole n’a été nécessaire
simple et significatif. À 1 mois postopératoire, 12 pro- cas par cas, avec ou sans complication : c’est le patient
thèses (5 anatomiques et 7 inversées) ne lèvent pas au- qui s’adapte au protocole. Dans cette série, 2 patients
dessus de 90° en actif. sur 26 ont refusé d’aller en piscine au centre, en raison
On retrouve 4 parésies plexiques confirmées à l’élec- d’une phobie de l’eau. Seize patients sur 26 n’ont pas
tromyogramme (EMG) (2 inversées et 2 anatomiques), poursuivi de rééducation en piscine en ambulatoire,
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2 polyarthrites rhumatoïdes (une inversée et une ana- faute de balnéothérapie proche de leur domicile. Tous
tomique), une inversée posée pour rupture massive de les patients ont poursuivi, plus ou moins assidûment,
coiffe pseudoparalytique, une inversée avec plastie du les étirements personnels.
grand dorsal, une anatomique post-traumatique, une Sept patients sur 26 ne sont pas venus à 1 an,
inversée sur cuff tear arthropathy (CTA) bilatérale, mais avaient déjà une élévation active mesurée buste
une inversée très inflammatoire sans raison reconnue contrôlé au-delà de 130°, ce qui correspond à une élé-
le jour de la visite, une anatomique douloureuse sans vation fonctionnelle libre à 150°. Sur les 19 autres, 16 ont
raison évidente. 150°. Trois patients n’ont pas ce résultat : 90° pour
Pour les 4 parésies, l’actif était acquis à 6 mois dans la prothèse inversée sur CTA bilatérale, 100° pour la
3 cas, et avant 1 an pour le dernier cas. Tous les autres prothèse anatomique sur polyarthrite rhumatoïde, et
patients ont récupéré l’actif au-dessus de l’horizontale à 110° pour une prothèse anatomique sur omarthrose
6 mois ou avant ; seule l’inversée sur CTA bilatérale atteint centrée subluxante postérieure.
les 90° mais ne les dépasse pas. L’inversée très inflamma- Les difficultés pour obtenir cette élévation fonction-
toire avait en fait une infection urinaire majeure, négligée nelle à 150° sont à l’évidence dues aux complications
82 J.-P. LIOTARD, A. PADEY

survenues et aux difficultés articulaires de départ. Les la vie quotidienne. L’étirement mains entrecroisées que
complications ont été résolues en quelques mois dans nous proposons n’est que la reproduction de l’étirement
cette série. Les résultats fonctionnels décevants restent naturel que tout un chacun peut être amené à faire pour
dus aux difficultés articulaires persistantes : invalidité se détendre ou se réveiller. L’étirement, associé au bâille-
controlatérale de la CTA, faiblesse diffuse musculoten- ment, porte le nom de pandiculation, activité réflexe
dineuse de la PR, instabilité de l’omarthrose subluxant multiquotidienne, habituelle chez tous les vertébrés [8].
postérieure. L’étirement en élévation-rotation externe est une
pandiculation systématisée, au lieu d’être instinctive.
L’activation motrice est dite distaloproximale : l’éti-
Discussion rement s’organise à partir de ce que font les mains.
Entrecroiser les mains et le faire soi-même montre que
Rééducation en centre l’étirement s’effectue sans aucune difficulté les deux
et rééducation en piscine mains ensemble, à l’unisson, car la mise en action des
mains active la zone la plus étendue au niveau du cor-
Les deux questions sont liées : c’est dans un centre tex cérébral moteur de Penfield.
de rééducation que l’on trouve des structures de bal- L’étirement se fait sur le mode auto-activo-passif,
néothérapie avec de vraies piscines de rééducation, cher à Neer et à Sohier [1,7,8]. La sécurité de ce mode
et c’est dans un centre que les kinésithérapeutes ont vient : 1) du contrôle par le patient lui-même de l’am-
le temps qu’il faut, avec le personnel soignant, pour plitude qu’il développe ; 2) de la diffusion dans une
s’occuper en permanence si nécessaire des opérés chaîne polyarticulaire fermée de l’énergie motrice pro-
récents. Pendant 2 à 3 semaines, l’assistance quoti- duite par les mains ; 3) du gainage musculaire diffus
dienne aux patients plus ou moins âgés est réellement fourni par cette chaîne polyarticulaire, gainage qui
importante. empêche tout débordement d’énergie au niveau de
Le suivi médical peut aussi se révéler substantiel. En l’épaule opérée elle-même.
effet, nous l’avons vu dans notre série, ce sont les com- À l’opposé, une manipulation passive, patient mus-
plications médicales qui entravent le plus nettement la culairement relâché, 1) ne sera pas limitée par le gai-
progression des amplitudes articulaires. Le diagnostic nage musculaire lié à l’activité myotatique réflexe ;
et la prise en charge de ces complications, y compris 2) ne sera pas limitée par le réflexe tendineux de Golgi
l’assistance encore plus prenante pour le personnel soi- si elle est faite lentement ; 3) sollicitera directement
gnant, nous font préférer sans hésitation la rééduca- à l’épaule le réflexe capsulaire de Charcot, donnant
tion postopératoire immédiate en centre. lieu de façon retardée à l’enraidissement capsulaire de
Pour les patients ne présentant pas de complication défense, limitant progressivement l’amplitude permise :
particulière, c’est l’opportunité en piscine de lever dès c’est la capsulite postopératoire.
la première séance les inhibitions postopératoires, et de
mettre en place les étirements personnels, aussi rapide- Conclusions
ment que possible. L’autonomie ainsi acquise permet
à certains patients d’écourter le séjour à 2 semaines, Le protocole de rééducation que nous utilisons après
alors que les patients en difficulté restent 4 à 5 semai- prothèse d’épaule est dans le droit-fil de ce que Charles
nes. La moyenne de séjour est de 3 semaines. Neer avait proposé dès 1975 [1]. Le séjour en centre

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Les 62 % des patients de notre série de 2006 qui n’ont permet la mise en place de la rééducation en piscine et
pas poursuivi de rééducation en piscine en externe ont l’autonomisation du patient pour réaliser ses étirements
récupéré leur autonomie au centre. Pour les 38 % qui personnels. La rééducation en externe et les visites de
ont poursuivi la rééducation en piscine en externe, on contrôle jusqu’à 1 an permettent d’amener le patient
note que la poursuite des séances correspond souvent à une récupération optimale. L’observation d’une série
à une recherche, justifiée et efficace, de détente antal- homogène sur une année permet d’illustrer les difficul-
gique, l’amplitude relevant des étirements. tés rencontrées : ces difficultés sont des complications
médicales ou des particularités orthopédiques.
À la fin de sa carrière, en 1990, Neer a présenté
Étirements personnels son expérience des prothèses d’épaule, la diversité
et autorééducation de leurs indications, les solutions chirurgicales et les
résultats s’y rapportant [6]. Indépendamment, il a pré-
Les étirements sont souvent présentés sous une forme senté sa rééducation de l’épaule après chirurgie [7],
artificielle, qui s’éloigne de la réalité des étirements de module d’autorééducation à l’usage de tous les opérés.
Rééducation en centre et en externe après prothèse d’épaule 83

L’éclectisme des exercices réalisés par les patients se interne. Le patient est le mieux placé pour le faire, à
rééduquant à domicile et la naïveté des illustrations, condition qu’on lui indique quand, comment et pour-
dessins et photos, peuvent prêter à sourire si on les quoi le faire. Le kinésithérapeute, lors des séances, et
compare avec la sophistication des technologies de le médecin rééducateur, lors des consultations, sont
rééducation affichées aujourd’hui dans beaucoup de contrôleurs, moniteurs, entraîneurs, conseilleurs, etc.,
protocoles, mais les principes restent vrais. auprès d’un patient dont le temps de rééducation se
Nous pensons comme Neer que l’objectif de la passe pour l’essentiel dans la reprise des actes de la vie
rééducation doit concerner la récupération des ampli- quotidienne, puis de la vie quotidienne, et enfin des
tudes en élévation, en rotation externe et en rotation activités quotidiennes.

RÉFÉRENCES

1 Hughes M, Neer CS II. Glenohumeral joint replacement and pos- 5 Mercanton G, Padey A. L’expérience de 3000 épaules en bal-
toperative rehabilitation. Physical Therapy 1975 ; 55 (8) : 850-8. néothérapie. Kinésithérapie Scientifique 1997 ; 368 : 7-12.
2 Liotard JP. Récupération des amplitudes selon le protocole lyon- 6 Neer 7 CS II. Glenohumeral arthroplasty. In : Shoulder recons-
nais. Brochure accompagnant les DVD « Aequalis » et « Aequalis truction. WB Saunders. Philadelphia. 1990 ; p. 143-271.
reversed » du laboratoire Tornier. juin 2006. 7 Neer CS II. Shoulder rehabilitation. In: Shoulder reconstruction.
3 Liotard JP, Edwards TB, Padey A, Walch G. Hydrotherapy Philadelphie : WB Saunders ; 1990. p. 487-533.
rehabilitation after shoulder surgery. Techniques in Shoulder 8 Walusinsky O. Bâillements et pandiculations. Oscitatio. 2004.
and Elbow Surgery 2003 ; 4 (2) : 44-9.
4 Liotard JP, Expert JM, Mercanton G, Padey A. Rééducation
de l’épaule. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris). Kinésithérapie-
Rééducation Fonctionnelle, 26-210. 1995 : 23 p.
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87

Bases anatomiques du dessin


des prothèses humérales
et de leur implantation
The anatomic basis of humeral implant
design and implantation

P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH

RÉSUMÉ SUMMARY
La géométrique tridimensionnelle de l’extrémité supérieure de The shape of the proximal humerus is variable; much more varia-
l’humérus est relativement complexe et n’a réellement été étu- ble, in fact, than the designs of previous monobloc (first gene-
diée à des fins chirurgicales que depuis les années 1990. Les pro- ration) or modular (second generation) humeral implants would
thèses humérales monoblocs (première génération) et modulaires suggest or could accommodate. Recent anatomical studies have
(deuxième génération) ne pouvaient en reproduire ni la forme, emphasized the variable dimensions and variable shape of the
ni les dimensions. La forme complexe de l’humérus proximal est proximal humerus. The variable shape of the proximal hume-
liée à l’orientation variable de la surface articulaire (inclinaison rus is related to the variable orientation (variable inclination
et rétroversion variables) et à son excentration variable (déport and retroversion) and the variable excentration of the articular
combiné – médial et postérieur – variable). Les implants humé- surface (variable medial and posterior offset). Although relati-
raux de troisième génération, dits « anatomiques », respectent non vely good clinical results with monobloc and modular shoulder
seulement les variations de dimension de l’humérus (modula- replacement have been achieved in the past, their relatively fixed
rité), mais aussi les variations de forme de celui-ci (adaptabilité). geometry means that they were not truly anatomic when com-
L’adaptabilité prothétique est un concept récent qui permet de pared with modern anatomical findings. A third generation of
positionner correctement la tête prothétique par rapport au col humeral implant has been developed in the nineties, based on
anatomique. Pour restaurer l’anatomie de l’humérus proximal à these anatomical findings. Those modern humeral implants are
l’aide d’une prothèse, il fallait non seulement créer un nouvel not only modular but also adaptable to the individual bony ana-
implant mais aussi inventer une nouvelle technique chirurgicale. tomy. Prosthetic adaptability is a recent concept that concen-
Retrouver les limites du col anatomique en retirant la couronne trates on correctly positioning the prosthetic head in relation to
d’ostéophytes (avant de réaliser l’ostéotomie humérale) et adap- the individual anatomical neck. The surgical technique remains
ter la prothèse à l’humérus (en inclinant et excentrant la tête important: removal of the crown of osteophytes and clear iden-
prothétique) sont les innovations qui permettent aujourd’hui au tification of the anatomical neck are crucial to implant those
chirurgien de replacer le centre de rotation en position native. Les adaptable humeral implants. Resurfacing humeral implants
implants de resurfaçage et les implants sans tige doivent obéir must obey to the same technological and technical rules to pre-
aux mêmes règles techniques et technologiques pour pouvoir tend to be anatomical.
prétendre reconstruire l’anatomie de l’humérus proximal.

Mots clés : Humérus. – Prothèse d’épaule. – Inclinaison. – Rétro- Key words: Humerus. – Shoulder arthroplasty. – Inclination.
version. – Déport combiné articulaire. – Retroversion. – Combined articular offset.

Prothèses d’épaule. État actuel


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88 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH

Introduction tige et de plusieurs tailles de tête prothétique, devait


pouvoir, en les combinant entre elles, mieux répondre
Même si la première prothèse d’épaule a été réalisée par (au moins en théorie) aux variations anatomiques ren-
le Français Jules Émile Péan en 1892, c’est réellement contrées chez les patients.
sous l’impulsion de l’américain Charles S. Neer que En fait, de manière assez paradoxale, le bénéfice
la chirurgie prothétique de l’épaule s’est développée éventuel de cette modularité prothétique à l’épaule n’a
dans les années 1950. C’est lui qui, en 1951, proposa pas été celui escompté sur le plan fonctionnel et a même
la première prothèse humérale destinée à reconstruire abouti, dans certains cas, à des résultats inférieurs à
l’humérus proximal après fractures complexes, dépla- ceux obtenus avec les implants de première génération
cées ou luxées [22]. En 1973, il modifia le dessin de [27,11]. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’en même
cet implant huméral afin de pouvoir le coupler à un temps que la modularité, les promoteurs de ce type
implant glénoïdien, proposant ainsi la première pro- d’implant se sont faits les défenseurs de deux autres
thèse totale d’épaule permettant de traiter les patho- concepts copiés de la hanche et du genou : celui du
logies dégénératives et inflammatoires. Son objectif remplissage médullaire par des prothèses sans ciment
restait le même : restaurer le mieux possible l’anato- (concept copié des prothèses de hanche) et celui du réé-
mie glénohumérale pour permettre un fonctionnement quilibrage des parties molles ou « soft tissue balancing »
optimal des muscles de la coiffe des rotateurs et du del- (concept copié des prothèses du genou). Or, il s’est avéré
toïde [23]. Dans les années 1980, à la suite de ses tra- que l’implantation de prothèses à frottement dur, sans
vaux, les chirurgiens ont proposé des prothèses dites ciment, aboutissait parfois à un placement « automati-
modulaires destinées à mieux répondre aux variations que » et défavorable de la tête prothétique, déplaçant
de dimension de l’humérus proximal rencontrées chez le centre de rotation dans le plan vertical et/ou hori-
les patients. Nos travaux anatomiques nous ayant zontal. De même, la possibilité pour le chirurgien de
montré la complexité de la forme de l’humérus proxi- disposer de têtes prothétiques d’épaisseur variable pour
mal, nous avons proposé en 1991 la première prothèse un même diamètre (comme on dispose de polyéthylè-
d’épaule dite « anatomique », à la fois modulaire et nes d’épaisseur croissante dans les prothèses totales du
adaptable. L’objectif ici était de répondre aux varia- genou) s’est montrée délétère à l’épaule, conduisant les
tions de dimension mais aussi de repositionner le cen- praticiens à implanter des têtes prothétiques trop volu-
tre de rotation de l’humérus en position native. mineuses. Ceci a eu pour conséquence de compromet-
Le but de cet article est de faire le point sur les bases tre souvent le résultat fonctionnel à cause de ruptures
anatomiques ayant abouti au concept de prothèses de la coiffe des rotateurs supérieure et/ou de lâchages
d’épaule dites « anatomiques » et aux changements de la réparation du subscapularis. Nous avons montré
techniques imposés pour leur implantation. que le « soft tissue balancing » à l’épaule est limité : si
l’on obtient un allongement du sous-scapulaire supé-
Historique rieur à 1 cm, il y a de grandes chances que cela soit au
prix d’une dénervation musculaire [8]. Une des leçons
Les prothèses humérales proposées dans les années à retenir de cette expérience « malheureuse » avec les
1970–1980, telles que la prothèse de Neer ou celle prothèses modulaires est que l’épaule n’est en rien com-
de Cofield, étaient des prothèses monoblocs : tige et parable à la hanche ou au genou et que les principes
tête prothétiques étaient solidaires. Ceci, allié au fait propres à ces articulations ne s’appliquent pas forcé-

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que le choix de tailles et de tiges était très limité (deux ment à l’épaule.
tailles de tête et trois tailles de tige pour la prothèse de En 1989, déçus par nos résultats avec les prothèses
Neer), laissait peu de possibilités au chirurgien pour de Neer, nous avons décidé de « revisiter » l’anatomie
restaurer l’anatomie complexe de l’humérus proximal. de l’humérus proximal [3,5]. Ceci nous a conduits à
Ces implants de première génération, monoblocs, ont mener une étude extensive de l’anatomie de l’humé-
été remplacés dans les années 1990 par des implants rus proximal dont nous avons déduit des implications
modulaires, dits de deuxième génération, presque importantes concernant le dessin des implants humé-
tous d’origine américaine : prothèse Kirschner™ IIC raux et leur technique d’implantation [2,4,6,7]. Nous
(Biomet), Bio-Modular™ (Biomet), Select Shoulder™ avons montré que la forme de l’humérus proximal
(Intermedics Orthopedic), Global Shoulder™ (Depuy). est beaucoup plus complexe que ce qu’avaient laissé
Avec ce type d’implant, tête et tige prothétiques étaient penser les quelques études anatomiques disponibles
indépendantes et pouvait être solidarisées ensemble jusqu’alors. Nous avons trouvé une grande variabilité
par un système de cône morse (mâle ou femelle). Le interindividuelle de la géométrie tridimensionnelle de
chirurgien, disposant ainsi de plusieurs diamètres de l’extrémité supérieure de l’humérus, mais aussi une
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 89

grande variabilité entre les côtés droit et gauche d’un les prothèses dont nous disposions à l’époque nous
même individu. C’est de ces observations qu’est née, permettaient de reconstruire avec précision l’anatomie
en 1991, la première prothèse d’épaule de troisième de l’humérus proximal. Nous avons fait appel à des
génération, dite modulaire et adaptable : la prothèse moyens modernes d’investigation (machines de mesure
d’épaule Aequalis™ (Tornier). Ce nouveau type d’im- de précision et ordinateur avec programme de concep-
plant a permis, grâce à des innovations technologi- tion assistée) permettant de digitaliser puis de modéliser
ques originales, d’adapter la prothèse à l’anatomie les humérus à l’aide de figures géométriques simples
individuelle de chaque humérus (et donc à chaque dans lesquelles pouvait s’inscrire une prothèse humé-
patient) plutôt que d’adapter l’anatomie de l’humé- rale avec tige : sphère épiphysaire et cylindre métaphy-
rus à la prothèse utilisée (tableau 1). En même temps sodiaphysaire [2,4,6,7].
que le développement d’un nouvel implant, nos tra- En analysant de manière précise la diaphyse humé-
vaux ont abouti à proposer une nouvelle technique rale, nous avons observé que celle-ci n’est pas rectili-
d’implantation des implants huméraux. La prothèse gne mais qu’elle présente en réalité deux axes : un axe
Aequalis™ a été implantée pour la première fois à diaphysaire global et un axe métaphysodiaphysaire
Lyon (G. Walch) et à Nice (P. Boileau) en septembre proximal ou « axe orthopédique » (correspondant à
1991 ; elle a ensuite fait l’objet d’une évaluation cli- l’axe intramédullaire d’une tige prothétique) [figure 1].
nique multicentrique qui a confirmé le bénéfice de ce D’après notre étude, ce changement de courbure en
type d’implant [32]. varus se situe entre 10,3 et 15,8 cm par rapport au
Depuis, d’autres études sont venues confirmer nos sommet de la tête humérale et il faut donc en tenir
résultats et d’autres prothèses d’épaule dites « ana- compte dans le choix de la longueur d’une tige prothé-
tomiques » sont apparues au cours des années 2000 tique [6,7].
(Anatomical Shoulder System™ [Zimmer], Equinoxe™ Chaque humérus étant modélisé à partir de figures
[Exactech], 3D-Univers™ [Arthrex], Global AP™ géométriques simples (sphère épiphysaire, cylindre
[Depuy]) [7,14,16,18,24–26,29,31]. De nombreuses diaphysaire), nous avons pu déterminer avec précision
études biomécaniques et cliniques ont confirmé l’im- les différents paramètres de la surface articulaire : dia-
portance de restaurer l’anatomie normale de l’humérus mètre, épaisseur, inclinaison, rétroversion (figure 2).
proximal dans les arthroplasties totales d’épaule pour Le tableau 2 résume l’ensemble de nos résultats
permettre de rééquilibrer la balance musculoligamen- concernant la géométrie de l’humérus proximal. Plus
taire de l’épaule et ainsi espérer restaurer la mobilité que les valeurs moyennes, il est important ici de noter
et la fonction de cette articulation où les tissus mous les variations des différents paramètres mesurés.
périarticulaires jouent un rôle essentiel [10,12,17– Plusieurs autres études anatomiques, faisant appel soit
19,26,33]. à des mesures de surface, soit à des mesures intramé-
dullaires, sont venus étayer et confirmer nos résultats
[1,16,30,15,29].
Anatomie normale de l’humérus
proximal Forme et dimensions du canal
L’étude anatomique que nous avons menée, à partir de médullaire
mesures de surface sur os secs, avait pour but de définir
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avec précision les dimensions et la forme de l’extrémité Comme nous l’avons vu, le canal médullaire n’est pas
supérieure de l’humérus. L’objectif était de vérifier si rectiligne et présente un changement de courbure en
varus. Le diamètre du canal intramédullaire de l’hu-
mérus est très aléatoire et dépend du niveau de mesure
Tableau 1 [30]. La partie proximale de l’humérus est conique et la
Les trois générations de prothèses humérales section du canal médullaire au niveau diaphysaire est
ovalaire (figure 3). À la partie moyenne de la diaphyse
Prothèses de première Monoblocs humérale (approximativement en fin de queue pro-
génération thétique), le plus petit diamètre est en moyenne de
Prothèses de deuxième Modulaires 9 mm (5–11 mm) et le plus grand diamètre de 12 mm
génération (7–17 mm). Pearl et al. ont alésé manuellement le canal
médullaire à l’aide de râpes cylindriques de diamètre
Prothèses de troisième Modulaires et adaptables
croissant : le diamètre moyen du canal médullaire était
génération (« anatomiques »)
de 12 mm en moyenne (10–14 mm) [25].
90 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH

Point
charnière
Point
charnière C
C
O⬘⬘

Sphère O
O épiphysaire D
D X X⬘ α
X X⬘
Cylindre O⬘
O⬘
métaphysaire
Y Y⬘
Y Y⬘

Changement de
courbure frontale
de l’humérus

Angle entre
l’axe métaphysaire
et l’axe diaphysaire Z Z⬘

β1
Figure 1. L’axe « utile » pour la mise
V⬘ V
V⬘ en place d’un implant huméral avec
V C⬘ β2
tige s’inscrit dans un cylindre ; cet
W
W W⬘ axe (axe métaphysodiaphysaire
W⬘
proximal O’C) est différent de l’axe
diaphysaire global de l’os (d’après
Boileau et Walch [7]).

ΔM
Point
charnière
A
C H Point « charnière »
L’axe intramédullaire proximal de l’humérus arrive de
O manière constante au sommet de la surface articulaire,
F
constituant ainsi un véritable « point charnière » (figures
D
B
a 4 et 5).
E
Sphéricité et dimensions de la tête
O⬘
humérale
La surface articulaire humérale est une partie de sphère
Excentrage postérieur avec un rayon de courbure identique dans le plan
(ΔP) axial et coronal, comme l’a montré notre étude [7].
Les autres études ont confirmé cette notion de sphé-

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β1
β2
ricité de la tête humérale, excepté celles de Iannotti
et Hertel, qui retrouvent une différence minime (de
moins de 2 mm) entre les rayons de courbure axial et
Rétroversion coronal [16,15].
Le diamètre de la sphère articulaire varie de 37 à
Excentrage médial 57 mm (moyenne : 46,2 mm) et l’épaisseur de 12
(ΔM) à 20 mm (moyenne : 15 mm). Comme nous l’avons
montré, il existe une forte corrélation entre le diamètre
Figure 2. Modélisation de l’humérus à partir de figures géométri- et l’épaisseur de la surface articulaire ; globalement, on
ques simples : sphère épiphysaire (contenant la tête prothétique)
peut donc dire qu’à un diamètre correspond une épais-
et cylindre métaphysodiaphysaire (contenant la tige prothéti-
que) ; détermination des différents paramètres géométriques : seur céphalique (figure 6).
diamètre de la sphère (AB), diamètre (CD) et épaisseur (EF) de la Les tableaux 3 et 4 résument les différentes valeurs
surface articulaire, inclinaison, rétroversion et éventuelle excen- de rayons de courbure et d’épaisseur de la surface arti-
tration de la surface articulaire (d’après Boileau et Walch [7]). culaire rapportées dans la littérature.
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 91

Tableau 2
Dimensions et paramètres géométriques concernant l’humérus proximal [7]

Dimensions Moyenne Déviation standard Minimum Maximum

Diamètre de la sphère humérale (mm) 46,2 ± 5,4 37,1 56,9

Diamètre de la surface articulaire (mm) 43,3 ± 4,3 36,5 51,7

Épaisseur de la surface articulaire (mm) 15,2 ± 1,6 12,1 18,2

Inclinaison (°) 129,6 ± 2,9 123,2 135,8

Rétroversion (par rapport à l’axe trans- 17,9 ± 13,7 − 6,7 47,5


épicondylaire) [°]

Rétroversion (tangente à l’axe trochléen) [°] 21,5 ± 15,1 − 10,3 56,5

Déport postérieur (mm) 2,6 ± 1,8 − 0,8 6,1

Déport médial (mm) 6,9 ± 2,0 2,9 10,8

Figure 3. Le canal médullaire de l’humérus proximal présente


une forme conique à sa partie haute et un diamètre très varia-
ble en fonction de la hauteur (d’après Robertson et al. [30]).
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Figure 4. L’axe prothétique (ou axe diaphysaire proximal),


matérialisé par une tige métallique, arrive au sommet de la
Inclinaison humérale surface articulaire (d’après Pearl et al. [24]).

La tête humérale regarde en haut par rapport à l’axe


diaphysaire huméral définissant l’inclinaison humé- un plan, mais il est clair que ceci n’est qu’une approxi-
rale, qui est très variable comme le montre la figure 7. mation. L’axe huméral vertical choisi est différent
Dans notre étude, l’angle d’inclinaison de la surface selon les études : soit axe huméral diaphysaire global,
articulaire par rapport à l’axe diaphysaire proximal soit axe diaphysaire proximal. Ces limites méthodo-
(axe prothétique) varie entre 125 et 140° (130° en logiques permettent d’expliquer les différences entre
moyenne) [6,7]. les études [7,14,15,25,28,29,34]. Le choix de l’axe
Les valeurs d’inclinaison retrouvées dans les autres diaphysaire proximal (correspondant à l’axe intramé-
études sont équivalentes et s’étalent entre 120 et 145° dullaire d’une tige prothétique) nous paraît plus judi-
(tableau 5). Les variations dépendent bien sûr de la cieux et plus juste pour déterminer l’inclinaison d’un
méthodologie : le col anatomique peut être assimilé à éventuel implant huméral.
92 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH

C H
50

45

40

35
Nombre d9humérus

30

25

20

15

10

0
–1

1
– 2.5

–2

– 1.5

– 0.5
0

0.5

1.5

2
2.5

3
A Distance du point charnière (mm)
B

Figure 5. La distance entre l’axe diaphysaire proximal et le sommet de la surface articulaire (CH) est quasi nulle (A), définissant un
« point charnière » quasi constant (B) [d’après Boileau et Walch (7)].

C
19

55
F
Épaisseur de la surface articulaire (mm)

D 18
E
Diamètre de la surface articulaire (mm)

50 17

16
45

15
40
14

35
13

30 12
1 11 21 31 41 51 61 71 1 11 21 31 41 51 61 71
A Nombre d’os B Nombre d’os

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60
Diamètre de la surface articulaire (mm)

55
Y = 0,778 3 + 7,318

50

45

R = 0,966
40

35
35 40 45 50 55 60
C Diamètre de la courbure (mm)

Figure 6. Distribution des diamètres et des épaisseurs de la surface articulaire de l’humérus proximal (A et B) et corrélation entre
diamètre et épaisseur de la surface articulaire (C) [d’après Boileau et Walch (7)].
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 93

Tableau 3 140
Rayons de courbure rapportés dans la littérature

Auteurs Nombre Rayon Variation


d’humérus de cour- (mm)
étudiés bure (mm) 135

Angle d’inclinaison (degrés)


Boileau [7] 65 21,6 18–26

Ballmer [1] 22,0 20–26

Pearl [25] 21 25,3 23–29 130

Ianotti [16] 96 24 19–28

Tableau 4
Épaisseurs de la tête humérale rapportées dans la littérature 125

Auteurs Nombre Épaisseur Variation


d’échantillons (mm) (mm)

Boileau [7] 65 15,2 12–18


120
Ballmer [1] 17,0 15–21 0 10 20 30 40 50 60 70 80
Nombre d’humérus
Pearl [25] 21 18,5 15–22
Figure 7. Variations anatomiques de l’inclinaison humérale
Ianotti [16] 96 19,0 15–24 (d’après Boileau et Walch [7]).

Rétroversion humérale de référence choisi au niveau du coude, qui peut être


soit l’axe transépicondylaire, soit l’axe de la trochlée
La tête humérale regarde en haut mais aussi en arrière [15,17,19,24,26,28,29,34,25,30].
par rapport à l’axe du coude ou de l’avant-bras défi- Nous avons également observé que la rétroversion
nissant la rétroversion humérale, elle aussi très varia- peut aussi être très différente selon le côté droit ou
ble. D’après notre étude, la rétroversion mesurée par gauche chez la même personne (figure 9) [9].
rapport à l’axe transépicondylaire varie entre − 6,5 et
45,7° (figure 8). La rétroversion moyenne est de 17,9°
par rapport à l’axe transépicondylaire et de 20° par Excentration humérale
rapport à la trochlée. (déport combiné)
Les différentes études retrouvent une rétroversion
variant entre − 9 et 55° avec une moyenne de 20° Nos travaux ont montré que la forme de l’humérus
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(tableau 6). Les variations dépendent en fait de l’axe proximal est en fait plus complexe que ce que l’on

Tableau 5
Inclinaison humérale rapportée dans la littérature

Études Nombre d’humérus Moyenne ± déviation standard (°) Minimum–maximum (°)

Boileau, 1997 [7] 65 129,6 ± 2,9 123,2–135,8

Hertel, 2002 [15] 200 137 ± 3,6 128–145,5

Iannotti, 1992 [16] 96 135 ± 5

Pearl, 1996 [25] 21 130,7 ± 4,7 122–141

Robertson, 2000 [30] 60 131 ± 3 124–137


94 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH

β1
10
9
8
Nombre d'humérus

7
6
5
4
3
2
1
0
–5 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Figure 9. Exemple de variation de la rétroversion humérale
selon le côté droit ou gauche chez un même individu.
Rétroversion humérale
Figure 8. Variations anatomiques de la rétroversion humérale
(d’après Boileau et Walch [7]).
pouvait penser à première vue : en plus d’être incli-
née et rétroversée, la surface articulaire humérale
Tableau 6 est excentrée par rapport à la diaphyse humérale.
Rétroversion de la tête humérale rapportée dans la littérature
Autrement dit, la sphère humérale épiphysaire n’est
Études Nombre Moyenne Minimum–
pas simplement posée sur le cylindre huméral diaphy-
d’humérus ± déviation maximum (°) saire, elle est excentrée en dedans et en arrière. Ceci
standard (°) signifie que le centre de la tête humérale ne correspond
pas au centre de l’axe diaphysaire huméral proximal
Boileau, 65 17,9 ± 13,7 − 6,7–47,5 (figure 10). Il existe donc un double déport entre ces
1997 [7] deux centres, correspondant à une double excentra-
Roberts, 39 21,4 ± 3,3 tion médiale et postérieure de la sphère humérale par
1991 [29] rapport à la diaphyse. Cette double excentration de la
sphère humérale par rapport au cylindre diaphysaire
Robertson, 60 19 ± 6 9–31
constitue ce que nous avons appelé le « déport com-
2000 [30]
biné » huméral [6,7].

DÉPORT DÉPORT DÉPORT POSTÉRIEUR


MÉDIAL POSTÉRIEUR COMBINÉ
DM DM
DP

DP © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

LATÉRAL MÉDIAL

LATÉRAL MÉDIAL ANTÉRIEUR POSTÉRIEUR

ANTÉRIEUR

Figure 10. Le déport combiné (médial et postérieur) de la sphère épiphysaire par rapport au cylindre diaphysaire proximal corres-
pond à l’excentration de la surface articulaire (d’après Boileau et Walch [7]).
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 95

Le déport médial est défini par la distance entre l’axe Implications concernant
intramédullaire diaphysaire proximal et le centre de
rotation de la tête humérale mesuré sur une projection l’ostéotomie humérale
antéropostérieure. La figure 11 montre la distribution
anatomique de ce déport médial qui varie entre 3 et La coupe humérale est une étape cruciale lors de l’im-
11 mm (6,9 mm en moyenne) dans notre étude. plantation d’une prothèse d’épaule. Pour réaliser cette
Les valeurs du déport médial dans les différentes étu- coupe céphalique, deux philosophies s’opposent : d’un
des sont résumées dans le tableau 7. côté, les partisans d’une coupe osseuse fixe, basée sur
Le déport postérieur est défini par la distance entre les caractéristiques de l’implant utilisé, et de l’autre
l’axe intramédullaire diaphysaire proximal et le cen- côté, ceux que nous avons entraînés avec nous, par-
tre de rotation de la sphère humérale mesurée sur une tisans d’une coupe basée sur l’anatomie humérale
projection médiolatérale. La figure 12 montre la dis- individuelle de chaque patient. En fait, le choix de l’os-
tribution anatomique de ce déport postérieur qui varie téotomie humérale dépend du type d’implant utilisé :
entre – 1 et 6 mm (2,6 mm en moyenne) dans notre avec un implant de première ou deuxième génération,
étude. on pourra réaliser une ostéotomie à angle fixe, alors
Les mesures de ce déport postérieur rapportées dans qu’avec un implant de troisième génération, il faut
les différentes études de la littérature sont résumées obligatoirement réaliser une ostéotomie anatomique,
dans le tableau 8. basée sur les limites du col anatomique original.

Figure 11. Variations anatomiques


du déport médial (d’après Boileau et
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Walch [7]).

Tableau 7
Valeurs du déport médial huméral rapportées dans la littérature

Études Nombre d’humérus Moyenne ± déviation standard (mm) Minimum–maximum (mm)

Boileau, 1997 [7] 65 6,9 ± 2,0 2,9–10,8

Hertel, 2002 [15] 200 6,0 ± 1,8 1,7–11,5

Pearl, 1996 [25] 21 9,7 ± 1,7 6–12

Robertson, 2000 [30] 60 7±2 4–12


96 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH

20

18 ΔP
O
16
O
14
Nombre d’humérus

12

10

0 Figure 12. Variations anatomiques du


0 1 2 3 4 5 6 7 8 déport postérieur (d’après Boileau et
Déport postérieur (mm) Walch [7]).

Tableau 8
Valeurs du déport postérieur huméral rapportées dans la littérature

Études Nombre d’humérus Moyenne ± déviation standard (mm) Minimum–maximum (mm)

Boileau, 1997 [7] 65 2,6 ± 1,8 − 0,8–6,1

Hertel, 2002 [15] 200 1,4 ± 1,4 − 3–5,3

Roberts, 1991 [29] 39 4,7 ± 0,7

Robertson, 2000 [30] 60 2±2 − 1–8

Ostéotomie humérale fixe Même si le chirurgien dispose d’une inclinaison fixe


grâce à un guide, il lui reste à définir la rétroversion.
Il faut reconnaître qu’en cas d’arthrose, l’obstruc- Neer recommandait de réaliser une ostéotomie humé-
tion du col anatomique de l’humérus par les ostéo- rale « droit devant » après avoir mis le bras à 30 ou 40°
phytes rend les choses difficiles pour le chirurgien de rotation externe [23]. Or, comme nous l’avons vu,
(figure 13). La facilité pour lui est bien sûr de réaliser la rétroversion est extrêmement variable entre les indi-

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une coupe osseuse selon un angle d’inclinaison fixe, vidus et entre les côtés droit et gauche chez la même
correspondant à celui de la prothèse qu’il utilise. Un personne (– 6 à 50°). Pearl et Volk [24] ont bien montré
grand nombre de prothèses, et notamment toutes les les limites de cette technique faisant courir un risque de
prothèses de première et deuxième génération, présen- lésion de la coiffe des rotateurs postérieure (figure 14).
tent une inclinaison fixe… mais très variable selon les Un contrôle systématique de la coiffe postérieure est
implants : 145° pour la Bio-Modular™ (Biomet), 140° donc obligatoire avant toute coupe céphalique.
pour la Neer (3M) et la Cofield (Smith & Nephew), ou En résumé, l’ostéotomie humérale fixe est destinée à
encore 135° pour la Global™ (Depuy) ou la Solar™ adapter l’humérus du patient à la prothèse que l’on uti-
(Stryker). Pour réaliser cette ostéotomie, un guide de lise en choisissant une inclinaison et une rétroversion
coupe intramédullaire est le plus souvent proposé au fixes. C’est une solution de facilité pour le chirurgien,
chirurgien. mais c’est une mauvaise option pour restaurer l’anato-
Ces guides de coupe obligent à réaliser une coupe mie humérale du patient. Elle est potentiellement dan-
osseuse selon une inclinaison fixe (celle de la prothèse) gereuse pour la coiffe des rotateurs et ne permet pas de
qui n’est pas forcément celle de l’humérus du patient. replacer le centre de rotation en position native.
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 97

Figure 13. En cas d’arthrose, le col


anatomique de l’humérus n’étant
pas visible à cause des ostéophytes
(A), la facilité est de réaliser une
ostéotomie humérale fixe selon un
angle d’inclinaison déterminé par
un guide de coupe (B).

coupe osseuse. Cette idée est assez récente et fut pro-


posée parallèlement au premier implant de troisième
génération (prothèse Aequalis™, Tornier) par Boileau
et Walch en 1991 [4,6,7].
Le premier objectif du chirurgien doit être de retrou-
ver les limites du col anatomique huméral en réséquant
la couronne ostéophytique autour de la tête céphalique
à l’aide d’un ostéotome, d’une pince gouge puis d’une
curette (figure 15). Un tissu graisseux (comparable à
celui trouvé au niveau de l’arrière-fond du cotyle dans
l’arthroplastie totale de hanche) sépare habituellement
les ostéophytes de la corticale de l’humérus. La pince
gouge et la curette, maniées de bas en haut et s’appuyant
sur la corticale de l’humérus, permettent de retrouver
assez facilement les limites du col anatomique (figure
16). Il faut prendre son temps pour retirer les ostéophy-
tes antérieurs, supérieurs et inférieurs. Il n’est pas néces-
saire de retirer les ostéophytes postérieurs qui seront
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facilement réséqués, une fois l’ostéotomie réalisée.


Figure 14. Une ostéotomie humérale fixe réalisée avec un angle Une fois les limites antérieures du col anatomique
de rétroversion de 30 à 40° est potentiellement dangereuse retrouvé, le second objectif du chirurgien doit être de
pour la coiffe postérieure (si la rétroversion du patient est
définir le plan de coupe. Nous utilisons pour cela la
moindre) [d’après Pearl [25] ].
« technique trois points », se basant sur les points 12 h,
6 h et 3 h. Les points 6 h et 3 h sont facilement déter-
minés. Le point 12 h correspond au point de jonction
Ostéotomie humérale anatomique entre insertion du supraspinatus et cartilage. Il suffit
de relier ces trois points pour obtenir le plan de coupe.
La deuxième option technique consiste à réaliser la L’inclinaison et la rétroversion physiologiques sont
coupe céphalique en fonction de l’anatomie humérale alors définies par la coupe ; l’ostéotomie est sans risque
individuelle de chaque patient ; ceci n’est bien sûr pos- pour la coiffe postérieure (figure 17).
sible que si l’on utilise une prothèse spécifique, dite Une fois la coupe réalisée et l’humérus préparé,
« anatomique », permettant ensuite de s’adapter à la un implant adaptable peut alors être mis en place.
98 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH

Figure 15. L’ostéotomie humérale anatomique est basée sur l’identification du col anatomique après excision de la couronne
d’ostéophytes.

A B

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Figure 16. Résection des ostéophytes d’abord à l’ostéotome


C (A), puis à la pince gouge (B) et enfin à la curette (C).
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 99

Figure 17. Techniques trois points. La détermination des trois points (6 h, 12 h et 3 h) permet de déterminer un plan de coupe qui
correspond à l’inclinaison et à la rétroversion de l’humérus du patient (A). L’épaisseur réséquée est habituellement minime (B).

Comme nous le verrons plus loin, cet implant devra est approximativement la moitié de celle d’un fémur,
remplir un cahier des charges complexe : inclinaison on réalise que ceci était totalement injustifié (figure
variable, déport combiné médial et postérieur, diamè- 18A). De plus, si l’on prend en compte le change-
tre et épaisseur des calottes céphaliques appropriées. ment de courbure dans le plan frontal de l’humérus
En résumé, l’ostéotomie humérale anatomique est (qui survient à environ 125 mm du sommet de la tête
destinée à adapter la prothèse à l’humérus (et non pas humérale), on réalise qu’une tige longue est inadaptée
l’humérus à la prothèse). Contrairement à ce que pen- à l’humérus (figure 1). C’est pour s’adapter au mieux
sent encore certains chirurgiens, elle n’est pas plus dif- à la forme et aux dimensions du canal médullaire et ne
ficile techniquement, bien au contraire, et elle est sans pas avoir à subir les contraintes imposées par le chan-
danger pour la coiffe des rotateurs. C’est une solution gement de courbure de la diaphyse humérale (pouvant
élégante pour le chirurgien et c’est la meilleure option entraîner une malposition de la tête prothétique) que
pour le patient, permettant de replacer le centre de nous avons intentionnellement choisi une tige courte
rotation en position anatomique. (105 mm) pour la prothèse Aequalis™ (figure 18B).
La tige humérale doit aussi ne pas être trop encom-
brante à la partie métaphysaire et être disponible avec
Implications concernant l’implant des diamètres croissants. Ceci permet un remplissage
huméral diaphysaire proximal optimal et une meilleure réparti-
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tion et transmission des contraintes à l’os.


Pour mériter le qualificatif de « prothèse d’épaule ana-
tomique », un implant huméral (avec ou sans tige) doit Ciment ou sans ciment ?
permettre de replacer le centre de rotation de la tête
humérale en position native, de façon à respecter l’équi- Comme pour les autres arthroplasties, deux philoso-
libre capsuloligamentaire et musculaire de l’épaule. phies s’opposent à l’épaule : tiges cimentées et non
cimentées. Comme d’habitude, et l’épaule n’échappe
Tige prothétique pas à la règle, les tiges sans ciment demandent un
cahier des charges et une qualité osseuse supérieurs.
La position d’un implant huméral est conditionnée Actuellement, aucune étude n’a prouvé la supériorité
par la longueur et le diamètre de sa tige. Les prothè- de ce type d’implant par rapport à l’utilisation d’une
ses de première et deuxième génération présentaient tige cimentée. Ce que l’on sait par expérience, c’est que
des tiges aussi longues que celles des prothèses de han- le risque de mal positionner la tête prothétique est plus
che ; lorsque l’on sait que la longueur d’un humérus important avec une tige non cimentée qui laisse beaucoup
100 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH

Figure 18. L’humérus est bien plus court que le fémur


et il existe un changement de courbure de la diaphyse
humérale dans le plan frontal ; ceci montre la néces-
sité de raccourcir la tige d’un implant huméral (A).
B. Comparaison des longueurs de tige des prothèses
A Aequalis™ et Neer™.

moins de flexibilité intraopératoire au chirurgien. Par seur de la surface articulaire est liée de manière statis-
ailleurs, comme à la hanche, il est important que la fixa- tiquement très forte à son diamètre. En clair, il ne peut
tion prothétique primaire d’un implant huméral se fasse y avoir qu’une seule épaisseur de tête humérale pour
au niveau métaphysaire et non pas au niveau diaphy- un diamètre donné ; il n’y a que pour les têtes humé-
saire. Le blocage diaphysaire d’un implant huméral est rales de grand diamètre que l’on observe une certaine
doublement néfaste : en peropératoire, il peut conduire dispersion des valeurs et que l’on peut admettre deux
« à suspendre » la prothèse et/ou entraîner des fractu- diamètres pour une même épaisseur (figure 6). On
res humérales diaphysaires, tandis qu’en postopéra- comprend ainsi que le concept proposé avec les pro-
toire, il peut entraîner un court-circuit (« by-pass ») thèses de deuxième génération, consistant à disposer
des contraintes, aboutissant à un pic de contrainte en de plusieurs épaisseurs de tête pour le même diamètre,
bout de tige (« stress-shielding »), là aussi à l’origine de soit complètement erroné : l’implantation d’une tête
fractures humérales diaphysaires. Quoi qu’il en soit, il prothétique trop grosse conduit forcément à contrain-
ne faut jamais oublier que l’épaisseur des corticales de dre une articulation qui, de manière physiologique, ne

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l’humérus est bien inférieure à celle d’un fémur et que l’est absolument pas. Les conséquences d’une tête pro-
le risque de fracture diaphysaire est réel. thétique trop volumineuse sont désastreuses, entraî-
nant une limitation de la mobilité glénohumérale et/ou
Taille de la tête prothétique des contraintes excessives sur la glène native (source
d’érosion glénoïdienne) ou sur l’implant glénoïdien
Le choix du diamètre et de l’épaisseur de la tête pro- (source de descellement glénoïdien et d’usure précoce
thétique est un élément essentiel pour rétablir l’anato- du polyéthylène).
mie normale de l’extrémité supérieure de l’humérus. Le choix de la taille prothétique est-il réellement si
En aucun cas il ne faut mettre en place une tête pro- important ? Oui, il est fondamental, et c’est une notion
thétique trop volumineuse : ceci mettrait en tension capitale à intégrer avant de se lancer dans la chirur-
de manière excessive les parties molles périarticulai- gie prothétique et reconstructrice de l’épaule. Comme
res et ferait perdre à l’articulation glénohumérale sa l’a montré Harryman, une augmentation de 5 mm de
laxité physiologique, nécessaire à sa grande mobilité. l’épaisseur de la calotte céphalique (figure 19) entraîne
Comme l’a montré notre étude anatomique, l’épais- une diminution de la mobilité dans l’articulation
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 101

Figure 20. Une diminution du rayon de courbure de 5 mm


Figure 19. Une augmentation de l’épaisseur de la tête prothé- entraîne une diminution de l’arc articulaire de la calotte pro-
tique diminue la mobilité glénohumérale (d’après Harryman, thétique d’approximativement 24° influençant directement
Sidles et al. [14]). la mobilité de l’articulation glénohumérale (d’après Jobe et
Iannotti [18]).

glénohumérale de 23 à 30° en moyenne, en fonction du position originale, il faut aussi respecter la position de
choix de la conformité des implants glénoïdiens [14]. la surface articulaire par rapport à la diaphyse. Cet
Inversement, comme l’ont montré Jobe et Iannotti, une implant devra en particulier respecter l’inclinaison
diminution du rayon de courbure de la tête prothétique variable et le déport combiné (médial et postérieur),
réduit la surface articulaire et influence directement la lui aussi très variable.
mobilité de l’épaule [18]. Si l’on prend l’exemple d’une La possibilité pour le chirurgien d’adapter, en
tête avec un rayon de courbure moyen de 23 mm, une peropératoire, un implant huméral à l’anatomie indi-
diminution de 5 mm en épaisseur de la tête humérale viduelle de chaque patient constitue ce que nous avons
diminue l’arc de cercle de 24°, faisant passer la mobilité appelé « l’adaptabilité prothétique ». En clair, c’est la
en abduction de 160 à 136° (figure 20). possibilité pour le chirurgien, après avoir réalisé l’os-
Enfin, il faut aussi se méfier des prothèses qui aug- téotomie humérale et implanté la tige prothétique,
mentent artificiellement l’épaisseur de la tête pro- de pouvoir incliner et excentrer la tête prothétique,
thétique du fait d’un système d’assemblage par cône de façon à replacer le centre de rotation en position
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morse inadapté, où il existe un espace entre tête et tige native. L’adaptabilité prothétique est totalement dif-
[19,28]. férente (mais complémentaire) de la modularité pro-
thétique qui est la possibilité de disposer d’implants
Adaptabilité prothétique de taille et de dimensions différentes. Cette possibi-
lité de pouvoir reproduire l’anatomie individuelle de
Le choix d’une tige courte, peu encombrante, et le res- l’humérus proximal constituait une notion totalement
pect des dimensions (diamètre et épaisseur) de la tête nouvelle lorsque nous l’avons introduite en 1991
humérale sont indispensables mais insuffisants pour (figure 21).
restaurer l’anatomie de l’humérus proximal. Pourquoi ? Quatre paramètres géométriques doivent impéra-
Parce qu’il faut encore respecter la forme de l’humérus tivement être respectés pour restaurer l’anatomie de
proximal qui est beaucoup plus complexe que ce que l’humérus proximal avec un implant huméral : l’incli-
pensaient les chirurgiens dans les années 1970–1980. naison, la rétroversion et le déport médial et postérieur
Si l’on veut vraiment être anatomique avec un implant (excentration) de la surface articulaire par rapport à
huméral, c’est-à-dire replacer le centre de rotation en la diaphyse.
102 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH

Rétroversion prothétique
Il est également essentiel de préserver la rétroversion
humérale : c’est d’elle que va dépendre l’amplitude de
la rotation externe, en plus de la stabilité prothéti-
que. En pratique chirurgicale, si l’ostéotomie humé-
rale a été faite selon les limites du col anatomique,
la rétroversion est automatiquement respectée : à une
coupe osseuse correspond une seule rétroversion pos-
sible (figure 23). Certains implants huméraux de troi-
sième génération ont la possibilité de faire varier dans
l’implant la rétroversion, comme l’inclinaison ; c’est
par exemple ce que permet la prothèse Anatomica™
(Zimmer), dont la tête peut être orientée dans tous les
plans de l’espace. A priori, la variation de la rétro-
version dans l’implant lui-même n’est pas nécessaire :
une fois posé sur la coupe osseuse humérale, l’implant
respecte automatiquement la rétroversion humérale
individuelle.
Figure 21. Prothèse de troisième génération (modulaire et
adaptable) permettant de faire varier l’inclinaison et l’excen-
tration de la tête prothétique (prothèse Aequalis™, Tornier).
Excentration prothétique
Inclinaison prothétique L’inclinaison et la rétroversion humérales étant respec-
tées, il faut encore pouvoir excentrer la tête prothéti-
L’implantation d’une prothèse à inclinaison fixe peut que, de façon à respecter le déport postérieur et médial
conduire à modifier la position du centre de rotation de la surface articulaire par rapport à la diaphyse. Le
(figure 22). C’est pourquoi les variations d’inclinaison non-respect du déport médial ou du déport postérieur
doivent obligatoirement être intégrées dans la concep- va avoir des conséquences fâcheuses sur la coiffe des
tion d’un implant de troisième génération. rotateurs et sur la glène (figure 24).

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A B C

Figure 22. L’utilisation d’implants huméraux à inclinaison fixe ne permet pas toujours de s’adapter à la coupe humérale (A et B),
ce qui modifie la position du centre de rotation (C).
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 103

A B

Figure 23. Une coupe humérale anatomique (selon les limites du col anatomique) détermine automatiquement la rétroversion : pour une
coupe donnée, il n’y a qu’une seule rétroversion possible (A) ; il suffit ensuite « de poser » la tête prothétique sur la coupe osseuse (B).
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Figure 24. Le non-respect du déport


médial va mettre en tension le supra-
spinatus (A) tandis que le non-respect
du déport postérieur va mettre en
tension le sous-scapulaire réparé
(B). Dans les deux cas, le non-respect
de l’excentration de la surface arti-
culaire humérale (en déplaçant le
centre de rotation) va entraîner des
contraintes supplémentaires sur la
glène, qu’elle soit resurfacée (usure
du polyéthylène, descellement) ou
B non (érosion glénoïdienne).
104 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH

Il est remarquable de réaliser que Krueger, dès


1950, avait déjà mis en évidence le déport articu-
laire postérieur et avait déjà conçu un implant per-
mettant de le respecter [20]. Après avoir réalisé des
moulages endomédullaires de 50 humérus, il avait
conçu un implant huméral qu’il a pu utiliser chez
un patient porteur d’une ostéonécrose céphalique
(figure 25).
En pratique, il faut pouvoir restaurer le déport com-
biné (médial et postérieur) de la surface articulaire
avec la prothèse. Un système original d’excentration
de la tête prothétique permet de couvrir au mieux la
coupe osseuse humérale (figure 26).
Ainsi, la plupart des implants huméraux actuels
prennent maintenant en compte les particularités
anatomiques de l’extrémité proximale de l’humérus,
permettant de restaurer l’inclinaison et l’excentration
de la surface articulaire. Depuis l’apparition de la tige
Aequalis™ (Tornier) en 1991, d’autres tiges de nouvelle
génération sont maintenant disponibles comme la pro-
thèse Anatomica™ (Zimmer), Equinoxe™ (Exatech)
ou plus récemment la prothèse Global Advantage™
(Depuy). Ce type d’implant permet de faire « du sur
mesure, sur place » et évite de stocker une quantité
importante d’implants au bloc opératoire.
Il faut savoir qu’entre les tiges adaptables et modu-
laires de troisième génération et les tiges modulaires
de deuxième génération, il existe actuellement des
Figure 26. Système prothétique d’excentration de la tête humé-
rale permettant de parfaitement recouvrir la coupe osseuse
et de respecter le déport médial et postérieur de la surface
articulaire.

implants huméraux avec excentration de la tête pro-


thétique, mais à inclinaison fixe. Ces implants, comme
la prothèse Bigliani-Flatow (Zimmer), Olympia™
(Wright Medical), Solar™ (Stryker), SMR™ (Lima)
ou encore la Duocentric™ (Aston), permettent une

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excentration céphalique mais gardent une inclinaison
fixe. Ce type d’implant présente l’avantage théorique
de faciliter la coupe humérale en se basant sur des sys-
tèmes de coupe endomédullaire ou extramédullaire.
Étant donné que leur inclinaison est fixe, ces implants
réalisent un compromis avec l’anatomie osseuse de
l’humérus proximal.

Prothèses de resurfaçage
et prothèses humérales sans tige
Figure 25. Premier implant huméral respectant le déport arti-
culaire postérieur, conçu en 1950 par Krueger à partir de mou- À la suite des travaux de Copeland, les prothèses
lages endomédullaires d’humérus. humérales de resurfaçage ont été remises au goût du
Bases anatomiques du dessin des prothèses humérales et de leur implantation 105

jour ; plus récemment, Habermeyer a proposé une pro- truire l’humérus proximal [10,17,25,26,34]. Ces
thèse humérale avec tige épiphysaire mais qui néces- implants donnent d’excellents résultats fonctionnels
site une coupe humérale [21,13]. En théorie, ce type tout en diminuant les contraintes sur la glène et la
de prothèse n’ayant pas de tige diaphysaire permet coiffe des rotateurs, dont on connaît l’importance à
de s’affranchir d’un certain nombre de contraintes l’épaule. Les implants de resurfaçage et les implants
peropératoires liées à la géométrie du canal médul- sans tige doivent obéir aux mêmes règles techniques
laire pour reproduire l’anatomie. En pratique, les cho- et technologiques pour pouvoir prétendre reconstruire
ses ne sont pas aussi simples et il peut être difficile de l’anatomie de l’humérus proximal.
reproduire l’anatomie du fait de la difficulté de poser
l’implant après un fraisage limité de l’os sous-chon-
dral. Même avec ce type d’implant, deux impératifs
demeurent, si l’on veut replacer le centre de rotation
en position anatomique :
– la technique chirurgicale doit rester la même : il faut
déterminer les limites du col anatomique et implanter
la prothèse selon ces limites ;
– la prothèse doit respecter la relation privilégiée dia-
mètre-épaisseur.
De ce fait, il est abusif et faux de dire que les implants
de resurfaçage constituent une alternative aux implants
conventionnels et permettent une chirurgie mini-invasive.
Une exposition parfaite du col anatomique est indispen-
sable après résection des ostéophytes, comme pour les
prothèses standard. Enfin, les implants de resurfaçage
comportent eux aussi leurs limites : ils ne peuvent pas
être implantés en cas de destruction humérale impor-
tante et ne permettent pas de resurfacer la glène du fait
de l’encombrement huméral proximal. Figure 27. Autre prothèse de troisième génération : prothèse
Anatomica™ (Zimmer).
Conclusion
La géométrie tridimensionnelle de l’extrémité supé-
rieure de l’humérus est relativement complexe et n’a
réellement été étudiée à des fins chirurgicales que
depuis les années 1990. Une prothèse humérale stan-
dard, même modulaire, ne peut en reproduire ni la
forme, ni les dimensions. Pour restaurer l’anatomie de
l’extrémité supérieure de l’humérus à l’aide d’une pro-
thèse, il fallait non seulement créer un nouvel implant
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(troisième génération), mais aussi inventer une nou-


velle technique chirurgicale. Les nouveaux implants
huméraux, dits « anatomiques », respectent non seule-
ment les variations de dimension de l’humérus (modu-
larité), mais aussi les variations de forme de celui-ci
(adaptabilité). Retrouver les limites du col anatomi-
que (avant de réaliser l’ostéotomie humérale) et adap-
ter la prothèse à l’humérus (en inclinant et excentrant
la tête prothétique) sont les innovations qui permet-
tent aujourd’hui au chirurgien de replacer le centre de
rotation en position native (figures 29 et 30). Plusieurs
études anatomiques, biomécaniques et cliniques sont
venues confirmer le bénéfice apporté par les implants Figure 28. Exemple de prothèse de resurfaçage huméral ana-
« anatomiques », de troisième génération, pour recons- tomique.
106 P. BOILEAU, N. BRASSART, G. WALCH

Figure 29. Exemple clinique de


reconstruction humérale à l’aide
d’un implant de troisième généra-
tion dans un cas d’omarthrose : noter
l’aspect « anatomique » de l’humérus
proximal et le replacement du cen-
tre de rotation en position native.

20
0

– 20 20

– 40

40
A – 20 0 20 40 B 0 20 40
Figure 30. Simulation informatique de reconstruction humérale non anatomique à l’aide d’un implant de deuxième génération (A)

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et de reconstruction anatomique à l’aide d’un implant de troisième génération (B) : notez le replacement du centre de rotation en
position native [26].

RÉFÉRENCES

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108 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE

Morphobiométrie de la scapula.
Les différents implants glénoïdiens
Morphobiometry of the scapula.
The different glenoid components

P. MANSAT, N. BONNEVIALLE

RÉSUMÉ SUMMARY
La glène a une forme de poire, légèrement rétroversée, avec une The normal glenoid presents a pear-shape aspect, with slight
orientation variable dans le plan sagittal. La surface de la glène retroversion and a variable orientation in the sagital plane. The
représente 28 % de la surface de la tête humérale avec un rayon de cartilage surface area corresponds to 28% of the area of the
courbure plus important que celui de la tête humérale. Les carac- humeral head with a radius of curvature greater than the hume-
téristiques des glènes arthrosiques sont principalement une aug- ral head. With osteoarthritis the glenoid tends to have a larger
mentation de la taille antéropostérieure, et une augmentation de size and to be more retroverted. Wear can be centric or eccen-
la rétroversion. L’usure peut être centrée ou excentrée dans le plan tric in the horizontal plane. The type of glenoid components,
horizontal. Le type d’implant glénoïdien utilisé, cimenté ou non, cemented or not, with or without mismatch, with keel or pegs
avec un rayon de courbure plus ou moins différent de celui de la will depend on modifications related to the pathology, to the
tête humérale, avec une quille ou des plots, dépendra des modifi- quality and quantity of the remaining bone stock and also on the
cations liées à la pathologie, de la qualité et de la quantité du stock surgeon’s preference. The Neer all-polyethylene keel cemented
osseux ainsi que de la préférence du chirurgien. L’implant de Neer glenoid component remains the reference.
en polyéthylène avec quille cimentée reste la référence.

Mots clés : Scapula. – Arthrose. – Prothèse. – Épaule. Key words: Scapula. – Osteoarthritis. – Arthroplasty. – Shoulder.

ces glènes présentent cette forme, alors que 29 % sont


Glène normale elliptiques. Iannotti et al. [30] ont précisé ses men-
Anatomie surations sur 140 épaules cadavériques. La distance
supéro-inférieure de la glène est égale à 39 ± 3,7 mm
La scapula forme la partie postérieure de la ceinture (30 à 48), la distance antéropostérieure à sa moitié
scapulaire. Il s’agit d’un os plat, triangulaire avec deux supérieure à 23 ± 2,7 mm (18 à 30), et la distance
surfaces, trois bords et trois angles. L’angle latéral antéropostérieure à sa moitié inférieure à 29 ± 3,1 mm
représente la partie la plus épaisse, sur laquelle se trouve (21 à 35). Pour Checroun et al. [10], l’analyse de 412
la surface articulaire, la cavité glénoïde, qui est dirigée scapulas avec des surfaces articulaires intactes montre
latéralement et en avant, et qui s’articule avec la tête de que la hauteur maximale de la glène est de 37,9 mm
l’humérus. Ces rebords légèrement surélevés donnent (31,2 à 50,1 ; DS : ± 2,7) et la largeur moyenne est
insertion à une structure fibrocartilagineuse, le labrum, de 29,3 mm (22,6 à 41,5 ; DS : ± 2,4) ; les glènes des
qui augmente la profondeur de la cavité articulaire. femmes sont 10 % plus petites que celles des hom-
mes ; 85 % de l’ensemble des glènes mesurées varient
Forme de la glène de 34 à 42 mm de hauteur et 24 à 32 mm de largeur ;
le rapport moyen entre hauteur et largeur est de 1,3
La glène a le plus souvent une forme de poire (figure 1) ; (± 0,07). Les résultats de la littérature sont résumés
cependant, pour Checroun et al. [10], seuls 71 % de dans le tableau 1.

Prothèses d’épaule. État actuel


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Morphobiométrie de la scapula 109

Les résultats de la littérature sont rapportés dans le


tableau 1.

Inclinaison
L’angle d’inclinaison de la glène correspond à la pente
de la glène dans le plan frontal (figure 2). Gouaze
et al. [27] ont décrit trois types d’inclinaison de la
glène : ascendante de 3° (1 à 10°) dans 45 % des cas,
neutre ou verticale dans 22 % des cas, et descendante
de 4° (1 à 12°) dans 33 % des cas. Habermeyer et al.
[28], lors de l’évaluation radiographique de 100 épau-
les normales, ont montré que la glène était orientée
vers le bas avec un angle d’inclinaison de −2,2° ± 4,1°
(−12 à 7°). À l’inverse, Churchill et al. [11] ont mon-
tré que cette inclinaison était très variable, de 3,6°
± 3,5° à 5,3° ± 4,4° (moyenne : 4,2°), indiquant une
tendance à l’inclinaison ascendante. Mallon et al. [44]
Figure 1. Aspect piriforme de la surface articulaire. ont réalisé une étude radiographique sur 28 scapulas
cadavériques et 50 épaules saines, et ont retrouvé une
inclinaison inférieure de la glène de −4° en moyenne
Version de la glène (−13° à + 8° ; ± 3,7). Les résultats de la littérature sont
rapportés dans le tableau 1.
L’angle de version de la glène normale varie en fonc-
tion des moyens utilisés pour le mesurer. Pour Das Rayon de courbure et profondeur
et al. [17], en 1966, sur 50 scapulas, la rétroversion
moyenne était de 1,1° de rétroversion. Saha, en 1971 La glène est plus concave dans le plan frontal supéro-
[61], sur 50 épaules normales étudiées radiographi- inférieur, et plus plane dans le plan sagittal antéropos-
quement, trouvait que 73,5 % étaient rétroversés de térieur. McPherson et al. [50] ont retrouvé, d’après
7,4°, et 26,5 % antéversés de 2 à 10°. Cyprien et al. l’analyse radiographique de 93 épaules cadavéri-
[16] ont rapporté sur une étude radiographique de ques, que la glène présentait un rayon de courbure de
50 hommes normaux (100 épaules), une rétroversion 32,2 mm ± 7,6 sur les clichés de face, et 40,6 mm ± 14
de 7,6°. Randelli et Gambrioli [60] ont été les premiers sur les clichés en profil axillaire. La profondeur de la
à analyser la version glénoïdienne par tomodensitomé- glène était évaluée à 5 mm ± 1,1 sur les clichés de face
trie. Sur 100 épaules examinées (d’âge variant de 20 à et 2,9 mm ± 1 sur les clichés en profil axillaire, confir-
48 ans), la version était de 2 à 15° de rétroversion mant que la glène est plus concave de haut en bas.
(moyenne : 5°) dans la partie supérieure de la glène, L’arc de couverture était en moyenne de 66° ± 12 sur
alors qu’à la partie moyenne de la glène, elle était de une vue de face et seulement de 45,5° ± 15 sur le profil
0 à 8° de rétroversion (moyenne : 2°), et à la partie axillaire. La profondeur de l’os spongieux en arrière
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inférieure de 2 à 15° de rétroversion (moyenne : 7°). de la surface articulaire était similaire sur les deux inci-
Friedman et al. [23] ont utilisé également la tomoden- dences, mesurant 20,9 mm et 19,2 mm. Jobe et Iannotti
sitométrie (TDM) sur 63 épaules dépourvues de tout [32] ont également montré que les dimensions moyen-
signe d’arthrose. L’âge moyen du groupe était de 57 ans nes de la glène étaient de 40 mm dans le plan frontal,
(20 à 87 ans). Contrairement aux études précédentes, qui correspondait à un angle de couverture de la tête
la version moyenne de ce groupe était de 2 ± 5° d’an- humérale de 96° ± 8, et 29 mm dans le plan trans-
téversion, de 12° d’antéversion à 14° de rétroversion. versal, correspondant à une couverture de 74° ± 6 ;
Dans la littérature, il apparaît que les mesures effec- ces chiffres correspondent à 63° ± 10 de tête humérale
tuées sur de simples radiographies d’épaules montrent non recouverte dans le plan frontal, et 85° ± 12 dans
une plus grande rétroversion (7° ; 7,6°) que les mesures le plan transversal. La surface de la glène était esti-
effectuées par tomodensitométrie (1,1°) ou imagerie mée à 28 % de la surface de la tête humérale. Kelkar
par résonance magnétique (IRM ; 2° ; 1° ; 1,7° chez les [38] confirmait cette notion en montrant que le rayon
plus de 8 ans). L’analyse radiographique surestime la moyen de la tête humérale et de la surface articulaire
rétroversion par rapport à la TDM ou à l’IRM [57]. de la glène était de 25,5 mm ± 1,5 et 27,2 mm ± 1,6
Tableau 1
110

Paramètres décrivant la glène normale

Auteurs Nb de Âge Méthodes Hauteur Largeur Rétroversion Inclinaison Rayon de Surface Profondeur
scapula (moyenne) de mesure (S/I) (A/P) (degrés) (degrés) courbure cartila- (mm)
(ans) (mm) (mm) (mm) gineuse
(cm2)
Testut [70] – – Manuelle 35 25 – – – – –
Das [17] 50 – Rx – – 1.1 – – – –
Saha [61] 50 – Rx 35 25 75 % rétro. – – – –

25 % anté.
Cyprien [16] 100 37.2 Rx – – 7.6 – – – –
Mallon [44] 110 – Rx–TDM 35 24 2 (RX)–6 (TDM) −4 36.6 – –
Tillmann [71] – – Manuelle 35 25 −12 to +8 9 (S/I) –
2.5 (A/P)
Randelli [60] 100 – TDM – – Supérieur : 2–15

Moyen : 0–8

Inférieur : 2–15
Friedman [23] 63 – TDM – – −2 ± 5
Iannotti [30] 140 – IRM 39 Supérieur : – –
P. MANSAT, N. BONNEVIALLE

23

Inférieur :
29
Mintzer [51] 111 – TDM/IRM 3.4
Bicknell [6] 72 70 – 41 22.9
Couteau [15] 15 TDM/MEF 8
Flatow [20] Manuelle 5–6.3
Anetzberger [2] Manuelle 7 ± 1.2
Bicos [7] 20 Manuelle 34.65 25.45
Churchill [11] 344 25.6 Manuelle 37.5 (H) 27.6 (H) 1.49 (H) 4 (H)

32.6 (F) 23.6 (F) 0.87 (F) 4.5 (F)


DeWilde [19] 49 18–25 TDM 4.88 (H)

2.43 (F)

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Auteurs Nb de Âge Méthodes Hauteur Largeur Rétroversion Inclinaison Rayon de Surface Profondeur
scapula (moyenne) de mesure (S/I) (A/P) (degrés) (degrés) courbure cartila- (mm)
(ans) (mm) (mm) (mm) gineuse
(cm2)
Gallino [24] 266 Manuelle 2.9 37° sup
Howell [29] 25 Manuelle 9 (S/I)

5 (A/P)
Jobe [32] 50 Manuelle 40 29 28 % de
la tête
humérale
Kwon [40] 12 3D–TDM 37.8 26.8 1.6 (scap.) 8.7
(Scap.) (scap.)
1 (TDM)
39.1 25.2
(TDM) (TDM)
McPherson [50] 93 Rx–TDM 33.9 28.6 32.6 (S/I) 5 (S/I)

40.6 (A/P) 2.9 (A/P)


Nyffeler [57] 100 Rx–TDM 9 (Rx)

3 (TDM)
Checroun [10] 412 58 Manuelle 37.9 29.3
Soslowsky [64] 32 72 Stereophoto- Cartilage : 5.79 (H)
grammetry
Morphobiométrie de la scapula

26.37 (H) 4.68 (F)

23.62 (F)

Os :

34.46 (H)

30.28 (F)
Von Schroeder [73] 30 Manuelle 36 29 8
Aigner [1] 20 > 60 Manuelle 6.03
DeWilde [18] 108 Manuelle 35.6 25.8
Kelkar [38] 9 50 Manuelle 27.2
Prescher [59] Manuelle 4–8 6–8
A : antérieur ; F : femme ; H : homme ; I : inférieur ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; MEF : méthodes des éléments finis ; P : postérieur ; Rx : radiographie ; S : supérieur ;
scap : scapula ; Stereo : stereophotogrammetry ; TDM : tomodensitométrie.
111
112 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE

taille de la scapula (7,1 cm3 à 21,6 cm3). Cependant, le


volume relatif de la glène par rapport à sa surface arti-
culaire a été estimé en moyenne à 1,4 cm3 ± 0,2 cm2
(1,1 à 1,9 cm3/cm2) [40]. Soslowsky [64], utilisant
une technique de stéréophotogrammétrie, a trouvé
une différence entre le rayon de courbure de la glène
lorsque le cartilage est préservé (26,37° ± 2,42 pour
les hommes, et 23,62° ± 1,56 pour les femmes) et lors-
que seul l’os sous-chondral est présent (34,56° ± 1,74
pour les hommes et 30,28° ± 3,16 pour les femmes).
La surface cartilagineuse de la glène a été évaluée à
5,79 cm2 ± 1,69 pour les hommes et 4,68 cm2 ± 0,93
pour les femmes. L’épaisseur du cartilage glénoï-
dien était estimée à 2,16 mm ± 0,55 (3,81 ± 0,72 et
1,14 mm ± 0,6). Les résultats de la littérature sont
résumés dans le tableau 1.
Figure 2. Mesure de l’angle d’inclinaison de la glène dans le
plan sagittal. Minéralisation et densité
L’orientation des travées d’os spongieux près du car-
respectivement. La différence entre les rayons était de tilage articulaire est adaptée aux contraintes. Elles sont
1,7 mm ± 1,5 (−1,2 à 3,8 mm). L’ensemble des surfa- verticales par rapport à l’os sous-chondral, correspon-
ces sous-chondrales de la glène présentait un rayon de dant à la direction des forces compressives s’appliquant
courbure plus grand que la surface osseuse de la tête de manière axiale. Ces travées sont croisées à angle
humérale correspondante (figure 3). Les résultats de la droit par des travées résistantes aux forces en tension
littérature sont résumés dans le tableau 1. qui sont plus denses au niveau de la partie centrale de
la glène [62]. Mansat et al. [45] ont trouvé des pro-
Surface cartilagineuse priétés mécaniques de la glène plus élevées au centre et
à la partie postérieure. Couteau et al. [15] ont analysé
D’après la littérature, la surface articulaire de la glène par TDM et éléments finis différentes glènes saines et
varie entre 5 et 6,3 cm2 [20], 6,03 cm2 [1], 7,1 cm2 ± 1,2 pathologiques in vivo (figure 4). Le nombre scanner
[2], 7 à 14,2 cm2 avec une moyenne de 8,7 cm2 ± 2,7 ainsi que la densité de la région périphérique étaient
[40]. Le volume de la glène va varier en fonction de la plus élevés chez les sujets les plus jeunes (< 50 ans). Les
valeurs les plus élevées se situaient à la partie centrale
de la glène. Frich et al. [21] ont confirmé cette notion
en montrant une minéralisation plus élevée ainsi qu’un
nombre de travées osseuses plus importantes à la par-
tie postérieure de la glène, indiquant une concentration
des contraintes à ce niveau. Enfin, Schultz et al. [62],

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analysant 44 épaules normales de 48 ans (18–89) de
moyenne d’âge, ont retrouvé une concentration cen-
trale de la densité minérale pour 18 % des épaules, et
une concentration plutôt périphérique pour les 82 %
autres. Dans 68 % des cas, il existait une distribution
bicentrique opposant des propriétés maximales locali-
sées proches des bords antérieur et postérieur.

Glène arthrosique
Les glènes arthrosiques sont caractérisées principale-
ment par une augmentation de la taille antéroposté-
Figure 3. Le rayon de courbure de la glène est plus important rieure en raison du développement d’ostéophytes, et par
que celui de la tête humérale. une usure postérieure entraînant une augmentation de
Morphobiométrie de la scapula 113

A B

Figure 4. Reconstruction 3D d’une glène normale et analyse par la méthode des éléments finis de l’ensemble de la glène (A) ou
de la coupe médiane principale (B). Noter la distribution homogène des propriétés osseuses de la périphérie (forte densité) vers le
centre (faible densité).

la rétroversion. Mullaji et al. [52], évaluant par TDM (de 12° d’antéversion à 50° de rétroversion) pour l’en-
45 épaules arthrosiques, retrouvaient une augmentation semble de la série. Les glènes de type A (59 %) pré-
du diamètre antéropostérieur de 5 à 8 mm comparati- sentaient une usure centrale avec une tête humérale
vement à des épaules normales. Les glènes arthrosiques centrée ; la version moyenne de ce groupe était de 11,5°
étaient rétroversées en moyenne de 12,5°, avec une ± 8,8 ; l’usure était minime dans le stade A1 (43 %) et
pente moyenne de 28,6° ± 10,8, significativement diffé- importante dans le stade A2 (16 %). Dans les formes
rente des glènes normales qui présentaient une rétrover- évoluées, la tête humérale se médialisait par protru-
sion moyenne de 3° et une pente de 39,9° ± 8,2. Karelse sion dans la glène. Les glènes de type B (32 %) pré-
et al. [37] confirmaient ces résultats ; les glènes arthro- sentaient une tête humérale qui se subluxait en arrière.
siques étaient rétroversées de 3,3° ± 2,7 (11° de rétro- L’analyse tomodensitométrique mettait en évidence
version à 6° d’antéversion), avec une inclinaison de 7,1° de nombreuses modifications, notamment au niveau
± 3,5 (1 à 16°). Les dimensions moyennes de la glène de la partie postérieure de la glène, avec un angle de
étaient de 35,9 mm ± 3,6 (30 à 44 mm) en hauteur et de rétroversion de 18° ± 7,2°. Deux sous-groupes ont
27,2 ± 3,0 mm (23 à 33 mm) en largeur. été individualisés : B1 (17 %), avec un pincement de
En se fondant sur une étude radiographique, l’interligne glénohuméral postérieur, une sclérose sous-
Nakagawa et al. [54] ont classé l’omarthrose primitive chondrale et une ostéophytose ; et B2 (15 %), avec un
en trois stades. Le stade de début est caractérisé par aspect de cupule postérieure donnant un aspect bicon-
la présence d’ostéophytes ou d’une sclérose de la tête cave à la glène. Dans le type B2, il existait une rétro-
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humérale ou de la glène. Le stade évolué est caractérisé version importante de la glène, ce qui n’expliquait pas
par la présence d’ostéophytes ou de lésions de sclérose pour autant la biconcavité. Les glènes de type C (9 %)
à la fois sur la tête humérale et sur la glène, ou d’un étaient définies par une rétroversion de plus de 25°. Il
pincement de l’interligne glénohuméral. Le stade termi- s’agissait de glène d’aspect dysplasique avec une tête
nal est caractérisé par la présence d’ostéophytes, d’une humérale qui restait centrée ou légèrement subluxée en
sclérose et d’un pincement de l’interligne articulaire. arrière. L’angle de rétroversion moyen était de 35,7°
Walch et al. [74], en 1999, ont été les premiers à ± 5,9°. Dans le type B, la subluxation postérieure de
classer le type d’usure de la glène par l’intermédiaire la tête humérale était en moyenne de 59 % (56,8 % à
d’une analyse tomodensitométrique de 113 épaules 61,7 %), et semblait être responsable de l’usure pos-
arthrosiques de patients de 66 ans d’âge moyen. La térieure de la glène, qu’elle soit minime (B1) ou plus
morphologie de la glène était classée en trois types en importante avec un aspect biconcave (B2). L’angle de
fonction du type d’usure, de l’angle de rétroversion rétroversion était de 14,9° dans le groupe B1 et de
et de l’éventuelle, subluxation humérale postérieure 23,4° dans le groupe B2. Habermeyer et al. [28] ont
(figure 5). L’angle de rétroversion moyen était de 16° souligné que, dans l’omarthrose, l’inclinaison de la
114 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE

Quatre type d’inclinaison ont été décrits (figure 6).


Dans le type 0, la droite passant par la base de la cora-
coïde et celle passant par la surface de la glène sont
parallèles. Dans le type 1, les deux droites se croisent
sous la glène. Dans le type 2, elles se croisent entre le
centre de la glène et la partie inférieure. Enfin, dans le
type 3, elles se croisent au-dessus de la base de la cora-
coïde. Les patients arthrosiques présentaient essentiel-
lement des glènes de type 2 ou 3. Il existait une usure
postérieure et inférieure de la glène dans 47 % des cas,
sans corrélation entre le type d’inclinaison et le type
morphologique de la glène. Une position excentrique
permanente de la tête humérale dans le plan sagittal,
corrélée avec le type d’inclinaison, était notée dans
58 % des patients. De plus, 49 % des patients pré-
sentaient une tête humérale centrée. Habermeyer et al.
[28] conseillent de normaliser l’inclinaison des glè-
nes de type 2 ou 3 ainsi que les rétroversions de plus
de 15° lors de la mise en place d’une prothèse totale
de l’épaule. Sans cette normalisation, les contraintes
seront maximales en arrière de l’implant glénoïdien.
Enfin, Couteau et al. [15], qui ont étudié la densité
osseuse des épaules arthrosiques en utilisant une ana-
lyse par éléments finis, ont retrouvé une zone centrale
de faible densité comparée à la glène normale en rai-
son d’une augmentation des valeurs au niveau de la
partie postérieure de la glène avec épaississement de
cette zone qui se comporte comme une colonne de sou-
tien de la surface glénoïdienne (figure 7). Les résultats
de la littérature sont résumés dans le tableau 2.

Les différents implants


glénoïdiens
Neer a initialement proposé d’utiliser des hémiarthro-
plasties [55]. Cependant, après une expérience de
quelques années, il a conçu un implant glénoïdien en
raison de la persistance de douleurs dans les suites des

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Figure 5. Classification des glènes arthrosiques dans le plan hémiarthroplasties [55,56]. La glène initialement pro-
transversal selon Walch et al. [74]. posée par Neer était une glène en polyéthylène avec
une quille et un rayon de courbure identique à celui de
la tête humérale. La survie de cet implant a été estimée
de 83 à 93 % à 10 ans et 73 à 87 % à 15 ans [66,72].
glène présentait une déformation excentrique non seu- De multiples facteurs contribuent à la stabilité d’un
lement en antérosupérieur, mais également en supéro- implant glénoïdien, incluant la préparation chirurgi-
inférieur. Sur 100 épaules arthrosiques radiographiées, cale de la glène, la restitution d’un équilibre des tissus
dans le plan coronal, sur une vue de face, l’inclinaison périarticulaires, et le capital osseux présent pour la
de la glène était de −12,6° ± 8,7° dans le groupe arthro- fixation de l’implant. Le dessin de la prothèse est éga-
sique, comparativement à −2,2° ± 4,1° dans le groupe lement important à considérer, que ce soit la géométrie
contrôle. L’angle d’inclinaison moyen chez les patients de la surface articulaire, la conformité glénohumérale,
arthrosiques était donc inférieur à celui observé chez les biomatériaux utilisés, ou la morphologie du sys-
les patients non arthrosiques. tème de fixation.
Morphobiométrie de la scapula 115

Coracoid

Type 0 Type 1 Type 2 Type 3

A B C D
Figure 6. Classification des glènes arthrosiques dans le plan sagittal selon Habermeyer et al. [28].

Surface articulaire : anatomique plus importantes pour luxer l’implant [3,13]. Pour
versus ovale versus rectangulaire Checroun et al. [10], les glènes piriformes s’adap-
tent plus à l’anatomie que les glènes ovoïdes ou
Il existe deux types de dessins de glène : anatomi- rectangulaires (figure 9).
que en forme de poire, ou ovale ou rectangulaire
comme l’implant initial de Neer (figure 8). La glène Surface postérieure convexe
piriforme s’adapte plus à l’anatomie en évitant les ou plate
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conflits au niveau des parties périphériques par


débord de l’implant. Cependant, cette glène présente Des études biomécaniques ont montré sur des glènes
une partie supérieure plus petite, ce qui diminue la cadavériques qu’une surface postérieure convexe de
surface articulaire disponible pour le contact ainsi l’implant présentait des caractéristiques de descelle-
que la hauteur totale. Cette diminution de hauteur ment supérieures à une surface plate. Les cisaillements
diminue les forces nécessaires pour la luxation de la transmis au niveau de l’implant sont mieux suppor-
tête humérale. Cependant, dans la plupart des épau- tés par la forme convexe. L’implant à forme convexe
les arthrosiques, la glène est le plus souvent ovalisée diminue les concentrations de contraintes au bord de
en raison de la présence d’ostéophytes périphériques l’implant, et préserve le capital osseux lors de l’im-
et de l’usure de la surface articulaire (tableau 2). Ces plantation [3,4,13,30]. De plus, il semble préférable
modifications rendent utilisables les implants ova- que cette partie de l’implant présente une surface irré-
les sans risque de conflit par débord de l’implant. gulière plutôt que lisse pour une meilleure résistance à
L’implant ovale présente une surface articulaire l’extraction [4]. Cela a été confirmé cliniquement par
de contact plus importante, nécessitant des forces Szabó et al. [69].
116 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE

Conformité articulaire
glénohumérale
Karduna et al. [34,35] ont souligné que les articulations
prothétiques avec une faible conformité reproduisaient
le plus fidèlement la translation active de l’articula-
tion normale. Les implants présentant une conformité
maximale limitent la translation glénohumérale, obli-
geant la tête humérale à rester centrée au niveau de la
glène sans translation possible, sauf si la tête est auto-
risée à sortir du centre de la glène ou si le polyéthylène
est usé [48]. Sur des implants non conformes, avec un
A rayon de courbure de la glène plus important que celui
de la tête humérale, la translation de la tête humérale
est possible sans sollicitation des bords de l’implant
[34,48]. Plus les implants sont faiblement conformes,
moins ils entraînent de forces de translation ou des
contraintes en friction [63]. De plus, l’augmentation
du rayon de courbure de la glène par rapport à celui
de la tête humérale, dans la mesure où la hauteur de
la glène est la même, n’a pas de conséquence signifi-
cative sur la stabilité glénohumérale [36]. Il est donc
possible que le caractère non conforme d’une prothèse
diminue le potentiel de descellement mécanique de
l’implant glénoïdien sans augmenter le degré d’insta-
B
bilité de l’articulation [33,35]. Walch et al. [75] ont
également démontré que le défaut de conformité arti-
Figure 7. Reconstruction 3D d’une glène arthrosique et analyse culaire était directement corrélé avec l’amélioration
par la méthode des éléments finis de l’ensemble de la glène (A) du score de descellement. Les meilleurs résultats sont
ou de la coupe médiane principale (B). Noter l’augmentation
obtenus pour un défaut de conformité de 5 à 7 mm
de la rétroversion de la glène et le renforcement de la partie
postérieure de la glène. entre l’implant huméral et l’implant glénoïdien. Wang
et al. [77] ont conçu un implant glénoïdien hybride
avec deux rayons de courbure différents : un central
parfaitement conforme avec le rayon de courbure de la
tête humérale, et un périphérique non conforme pour
permettre une certaine translation de la tête humé-
rale (figure 10). Ils démontrent que le fait d’ajouter
une partie centrale congruente ne semble pas modi-

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fier l’effet de diminution des contraintes sur les bords
des implants des implants non conformes. Toutefois,
si cette non-conformité semble avoir des avantages,
un des inconvénients est l’augmentation potentielle
des contraintes transmises à l’interface glène–ciment
[14,34]. Plus l’implant est peu conforme, moins la
surface de contact est importante, et plus la pression
de contact est importante avec un risque potentiel
d’usure du polyéthylène. Des analyses par la méthode
des éléments finis ont montré que la surface de contact
diminuait avec l’augmentation de l’importance de la
non-conformité [9,48]. Friedman et al. [22] ont rap-
Figure 8. Différents types de forme de surface articulaire porté que lorsque la non-conformité glénohumérale
d’implants glénoïdiens : A : mixte ; B : ovale ; C : piriforme ; était supérieure à 10 mm, le risque de fracture du poly-
D : rectangulaire. éthylène augmentait significativement.
Morphobiométrie de la scapula 117

Tableau 2
Paramètres biomorphométriques décrivant la glène arthrosique rapportés dans la littérature

Auteurs Nb de Âge Méthodes de Hauteur Largeur Rétroversion Profondeur


scapula (moyenne) mesure (S/I) (A/P) (mm) (degrés) (mm)
(ans) (mm)

Friedman [23] 13 TDM 11 ± 8

Walch [74] 113 TDM 16

Mullaji [52] 45 TDM Supérieur : 12.5


30.6 ± 7.4

Moyen :
33.3 ± 5.7

Inférieur :
31.6 ± 6.9

Karelse [37] 40 86 35.9 ± 3.6 3.3 3.4 ± 1.2

27.2 ± 3

Mansat [46] 38 60 TDM 36.39 31 17.3

Couteau [15] 16
MEF : méthodes des éléments finis ; Rx : radiographie ; TDM : tomodensitométrie.
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Figure 9. Les glènes piriformes s’adaptent plus à l’anatomie. Figure 10. Implant glénoïdien hybride avec deux rayons de
courbure différents : un central parfaitement conforme avec
le rayon de courbure de la tête humérale, et un périphérique
non conforme pour permettre une certaine translation de la
tête humérale.
Fixation cimentée versus non
cimentée. Quille versus plots
Les systèmes de fixation des implants glénoïdiens classiquement plusieurs composants comprenant une
peuvent être cimentés, non cimentés ou hybrides. embase métallique et un insert en polyéthylène. La
Concernant les implants cimentés, deux dessins de plupart des implants avec embase métallique présen-
système de fixation existent : la quille ou les plots tent un système de traitement de surface pour favoriser
(figure 11). Les glènes non cimentées comprennent la fixation biologique. Ces systèmes de fixation sont
118 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE

autour des quilles. Enfin, dans une étude prospective,


Gartsman et al. [25] révélaient un pourcentage signi-
ficativement plus élevé de liserés autour des quilles
(39 %) par rapport aux plots (5 %). Wirth et al. [78]
ont comparé un implant à plots avec un plot central
particulier sans ciment, et un implant à quille cimenté
sur un modèle canin. Ils en concluaient que l’implant à
quille n’était pas bien intégré dans l’os, contrairement
à l’implant à plots. La force de fixation de l’implant
à plots doublait à 3 mois. Des études paramétriques
ont tenté d’évaluer l’influence du dessin des plots sur
la stabilité de l’implant [26]. Ces différents paramètres
Figure 11. Implants à quille et à plots. comprenaient le nombre et la taille des plots ainsi que
le rapport longueur/diamètre. Une géométrie à 5 plots
de forme et de taille différentes a été testée face à des
multiples et vont de systèmes de vissage conventionnels contraintes en cisaillement. Les résultats montraient
à des systèmes plus sophistiqués en forme de cône ou que les implants avec de multiples petits plots entraî-
de cage (figure 12). naient une distribution uniforme des contraintes, avec
Le système de plots de fixation semble offrir théori- une stabilité au cisaillement par unité de volume plus
quement une stabilité supérieure face aux contraintes importante que les implants avec des plots moins nom-
en cisaillement. Dans la mesure où ces plots sont suf- breux et plus volumineux [48]. Une analyse par élé-
fisamment distants les uns des autres, chaque plot va ments finis sur une épaule arthrosique n’a cependant
pouvoir résister au cisaillement [26]. Anglin et al. [3] pas démontré de supériorité de l’un ou l’autre des
ont montré un taux de descellement inférieur avec les dessins sur la transmission des contraintes à l’os [46].
systèmes à plots par rapport aux quilles. Lazarus et al. Enfin, dans l’étude de Lacroix et al. [41], les résultats
[42] ont également démontré que les liserés périprothé- étaient plutôt favorables aux systèmes à quille sur un
tiques à l’interface os–ciment étaient plus importants os normal, alors que les plots présentaient des pro-
priétés mécaniques supérieures sur l’os pathologique.
Cependant, que l’implant soit à quille ou à plots, la
technique de cimentage reste fondamentale [39].

Quille excentrée versus centrée


La glène développée par Neer présente une quille
triangulaire symétrique par rapport au plan frontal
[56,58]. Une quille excentrée vers la partie antérieure
de l’implant semble montrer une meilleure résistance à
la flexion comparée à la quille centrée [58]. Une ana-
lyse par la méthode des éléments finis a montré que les

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contraintes au niveau de cette quille étaient inférieures
à celles observées au niveau d’une quille centrée [53].
Ce résultat proviendrait du positionnement antérieur
de la quille, qui se situerait plus directement en regard
de la ligne d’action des forces glénohumérales à 90°
d’abduction, et qui entraînerait moins de contrainte en
flexion sur l’implant. La quille excentrée présente un
niveau de contraintes inférieur autour du ciment, par
rapport à la quille centrée. De plus, l’insertion d’une
quille excentrée permet de préserver l’os à la par-
tie postérieure de la glène qui présente les propriétés
mécaniques les plus élevées [15,53]. Cependant, il n’y a
pas eu d’étude clinique pour démontrer l’influence de
Figure 12. Implants à embase métallique non cimentés. ces résultats théoriques.
Morphobiométrie de la scapula 119

Implants cimentés versus non l’implant comme la céramique, le pyrocarbone ou le


polyéthylène réticulé, limitant la nécessité d’enlever
cimentés (tout en polyéthylène l’implant. Plusieurs études ont rapporté des disso-
versus embase métallique) ciations du polyéthylène de l’embase ou des ruptu-
res de vis [43,47]. La survie des glènes sans ciment
Les implants tout en polyéthylène cimentés entraî- reste inférieure aux glènes cimentées dans la plupart
nent une concentration de contraintes moins impor- des séries [8,47]. Un taux de descellement impor-
tantes que les implants non cimentés [67]. Les tant en raison de l’absence de surface réhabitable ou
implants sans ciment induisent une forte concentra- l’usure accélérée du polyéthylène ont fait abandon-
tion de contraintes au niveau de l’embase métallique. ner certains implants non cimentés [68]. Bicknell
La zone critique des implants à deux composantes et al. [5] ont démontré in vitro qu’avec un implant
se situe au niveau de la zone de transition où le métallique non cimenté, la réduction de l’épaisseur
polyéthylène est fixé à l’embase. Il s’agit d’une zone de la surface articulaire (2 mm versus 4 et 6 mm) et
où les contraintes vont se concentrer, induisant des la diminution de la conformité articulaire (6 à 9 mm
usures importantes [12,49]. De nouvelles modifica- de différence) semblaient efficaces pour diminuer
tions incluant des systèmes sans ciment en press-fit, les charges excentriques, et améliorer la stabilité de
plasma-spray, ou avec traitement de surface ont été l’implant.
testées. L’avantage théorique de ces implants est la La possibilité d’une fixation biologique permanente
fixation primaire de l’implant. Cependant, les usu- reste un sujet à l’étude [12,76]. Certaines études rap-
res du polyéthylène et les résorptions en arrière de portant de bons résultats avec des glènes avec revête-
l’embase restent significatives. L’utilisation d’un ment de surface semblent réserver leur utilisation aux
implant à une seule composante, le polyéthylène patients présentant des pertes de capital osseux ren-
étant fusionné au système métallique, pose le pro- dant difficile une fixation par ciment [65]. Le but des
blème des dégâts osseux potentiels lors de l’ablation glènes sans ciment dans le futur va être de diminuer
d’un implant pour usure du polyéthylène avec un l’usure en arrière, favoriser une fixation primaire per-
système métallique parfaitement ancré. D’autres manente, et développer de nouveaux couples de frotte-
interfaces permettraient d’augmenter la longévité de ment pour améliorer les propriétés d’usure.

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122 I. SZABO, ET AL.

Résultats comparés des glènes


à fond plat et à fond convexe
Comparison of convex and flat back polyethylene
glenoid component

I. SZABO, L. NEYTON, P. BOILEAU, G. WALCH

RÉSUMÉ SUMMARY
Le but de cette étude est de comparer les liserés glénoïdiens des The purpose of this study is to compare the radiographic results
glènes cimentées à fond plat et à fond convexe. Deux groupes de of two different glenoid component designs. This series consis-
prothèses totales d’épaule implantées pour omarthrose primitive ted of 66 shoulder arthroplasties with primary osteoarthritis
ont été comparés sur les radiographies immédiates et à 2 ans de divided into two groups based on glenoid component type. One
recul. La présence et la progression des liserés ont été analysées group consisted of shoulders receiving cemented flat back, poly-
sur des clichés réalisés sous contrôle scopique par trois observa- ethylene glenoid implants. Another group consisted of shoulders
teurs indépendants sur trois lectures successives ; les moyennes receiving cemented convex back, polyethylene glenoid implants.
des neuf lectures ont été comparées. Les résultats des prothè- Immediate postoperative and 2-year postoperative radiographs
ses polyéthylène à quille fond convexe sont supérieurs à ceux were evaluated for the presence and progression of periglenoid
des glènes à fond plat. radiolucencies, and the two groups were compared. Radiolucent
line scores were calculated and compared for each group. The
Mots clés : Prothèses glénoïdiennes. – Fond plat. – Fond convexe. keeled, convex back glenoid component radiographically outper-
– Liseré glénoïdien. formed the keeled, flat back glenoid component.

Key words: Glenoid component. – Flat back. – Convex back.


– Radiolucent line.

Introduction technique de cimentage utilisée et à la présence de sang


à l’interface ciment–os [6,18]. La modification de la
Les prothèses totales d’épaule (PTE) sont efficaces dans technique de cimentage a permis de réduire considéra-
le traitement des affections dégénératives ou inflamma- blement le taux de lisérés postopératoires immédiats,
toires de l’épaule en permettant le retour à l’indolence ce qui a été corrélé avec une amélioration du taux de
et en améliorant les mobilités articulaires [3,7,8,16]. survie des implants ainsi qu’avec une diminution des
Les lisérés glénoïdiens à l’interface ciment–os sont une descellements au recul de 5 ans [19]. La fixation de la
source d’inquiétude car le lien entre ces lisérés et un des- glène peut être optimisée grâce à une meilleure prépa-
cellement de l’implant est probable [3,7,12,22]. Torchia ration de l’os spongieux de la glène. La comparaison
et al. ont retrouvé des lisérés précoces dans 93 % des des résultats radiologiques à moyen terme de 37 glènes
implants suspects de descellement, alors que sur des implantées avec la technique de curetage de l’os spon-
implants non suspects de descellement, ces lisérés pré- gieux avec 35 glènes mises en place par la technique
coces n’étaient présents que dans 41 % des cas. Torchia de compaction de l’os spongieux a permis de retrou-
et al. ont également fait le lien entre liséré, descellement ver un taux plus faible de liséré avec la technique de
et détérioration de la fonction de l’épaule [22]. compaction [21]. Collins et al. ont rapporté que les
Les études rapportant les résultats des premières contraintes physiologiques excentriques imposées à la
prothèses d’épaules ont montré la présence de nom- glène pouvaient être diminuées par un fraisage méca-
breux lisérés glénoïdiens sur les clichés postopératoires nique autorisant un contact étroit entre la surface glé-
immédiats [6,18]. Ces lisérés ont été attribués à la noïdienne et l’implant [9].

Prothèses d’épaule. État actuel


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Résultats comparés des glènes à fond plat et à fond convexe 123

Le dessin de l’implant glénoïdien peut également un recul insuffisant (10 cas), l’utilisation d’un implant
jouer un rôle important en améliorant la conformité glénoïdien autre que ceux étudiés (2 cas de glène
avec la surface osseuse. Le comportement bioméca- métal-back vissée), l’utilisation d’une autre technique
nique de différents implants a été étudié dans le but opératoire (2 cas) et une autre étiologie (1 cas de PTE
d’optimiser le dessin de ceux-ci [2,10,13]. Différents sur omarthrose excentrée).
paramètres tels que la forme, la méthode de fixation Selon l’arthroscanner préopératoire, corrélé avec les
(cimenté, non cimenté) et l’utilisation d’un métal- constatations intraopératoires, la coiffe des rotateurs
back ont été étudiés. Malgré le nombre élevé d’études, était intacte dans 56 épaules, 4 avaient une lésion par-
aucun consensus ne se dégage. En outre, il n’a pas été tielle de la face profonde du supraépineux et 8 une
démontré de supériorité d’un implant sur l’autre au petite lésion transfixiante (< 1 cm). Aucune de ces
regard du taux de descellement ou des résultats à long lésions n’a été réparée au moment de l’implantation de
terme. la prothèse La morphologie de la glène était détermi-
Le but de cette étude est de comparer les résultats née selon la classification de Walch [23]. On retrouvait
radiographiques de deux implants glénoïdiens diffé- 34 glènes A1, 1 glène A2, 11 glènes B1, 17 glènes B2 et
rents par l’analyse des lisérés. Bien que certaines étu- 3 glènes de type C.
des biomécaniques aient montré que les implants à Tous les implants utilisés dans cette étude étaient des
fond convexe offraient de meilleures propriétés que les prothèses Aequalis® (Tornier). Trois tailles de glène ont
glènes à fond plat, il s’agit de la première étude in vivo été utilisées avec un rayon de courbure de 27,5 mm,
permettant de déterminer si les glènes à fond convexe 30 mm et 32,5 mm. Les implants polyéthylène pirifor-
donnent une plus faible incidence de liséré et d’étudier mes cimentés, à fond plat ou convexe, comportent une
leur progression [2,13]. quille identique de 4 mm d’épaisseur et 15 mm de lon-
gueur destinée à être cimentée dans le canal médullaire
de la glène. Les dimensions de la quille sont les mêmes
Matériel et méthode quelle que soit la taille de l’implant.
Critères d’inclusion La technique chirurgicale était la même pour tous
les patients. L’empreinte de la quille était préparée en
La population étudiée concernait des prothèses totales compactant l’os spongieux à l’aide d’un instrument
d’épaules primaires implantées par les deux auteurs spécifique (compacteur) de taille identique à la quille
seniors (P. Boileau et G. Walch) en utilisant la même de la glène prothétique. Le premier groupe (35 épau-
prothèse. Tous les patients ont été opérés pour omarth- les) concerne les implants glénoïdiens à fond plat
rose primitive entre 1997 et 1999. Tous les patients (figure 1A). Le second groupe (31 épaules) concerne
devaient avoir un bilan d’imagerie préopératoire com- les implants à fond convexe (figure 1B). Le type d’im-
plet incluant des radiographies de face ainsi qu’un plant était choisi par tirage au sort au moment du
arthroscanner pour l’analyse de la coiffe des rotateurs geste chirurgical. Aucune différence statistique n’était
et de la morphologie de la glène. Le bilan d’image- retrouvée entre les deux groupes au regard de l’âge, du
rie postopératoire devait comporter des radiographies sexe, du membre dominant, du statut de la coiffe des
postopératoires immédiates (dans les 3 jours suivant
l’intervention) et un cliché de face à 2 ans de recul.
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Critères d’exclusion : stock osseux


glénoïdien insuffisant ayant
nécessité une greffe
Au total, 66 PTE chez 63 patients ont été incluses dans
l’étude. L’âge moyen à l’intervention était de 67,3 ans
(43–83 ans). Vingt-cinq patients étaient des hommes
et 38 des femmes. Le membre dominant était concerné
dans 36 cas et 3 patients étaient ambidextres. Sur les
63 patients, 19 ont eu une prothèse bilatérale ; néan-
moins, seuls trois ont été inclus selon les critères rete- A B
nus pour l’étude. Les raisons d’exclusion des 16 autres Figure 1. Les deux prothèses de glène utilisées dans cette étude :
cas étaient un bilan radiographique incomplet (1 cas), fond plat (A) et fond convexe (B).
124 I. SZABO, ET AL.

rotateurs, de la morphologie de la glène ou du mis- que zone. Ce score peut varier de 0 point en cas d’ab-
match glénohuméral. sence de liséré à 18 points en cas de liséré de plus de
Toutes les radios dans cette étude ont été réalisées sous 2 mm d’épaisseur sur chacune des six zones (figure 2 ;
contrôle fluoroscopique avec le rayon perpendiculaire tableau 1). En outre, les scores ont été calculés séparé-
au plan de l’interface os–implant repéré par deux plots ment pour la quille et l’embase, permettant d’obtenir
métalliques inclus dans le polyéthylène [11]. Trois obser- un score liséré quille et un score liséré embase.
vateurs indépendants ont relu les clichés en trois occa- Les données radiographiques ont été utilisées pour
sions différentes avec une attention toute particulière à déterminer les corrélations intraobservateurs et inter-
la présence ou la progression de lisérés à l’interface os– observateurs dans l’analyse des scores. Bien que la
ciment. L’extension des lisérés (complets ou incomplets) corrélation intraobservateur fût bonne (10 % de
affectant l’embase (portion de la glène perpendiculaire à contribution de la variance totale et coefficient kappa
la quille), la quille ou les deux était analysée. Un liséré à 80 %), la corrélation interobservateur était moins
était considéré comme présent lorsqu’il était identifié satisfaisante (52 % de contribution de la variance
par au moins deux observateurs sur trois [20]. totale et coefficient kappa à 39 %), suggérant le carac-
Les lisérés ont été analysés selon la méthode de Molé tère subjectif de l’analyse des scores lisérés. Afin de
[15]. Une valeur numérique est assignée à chacune des diminuer cet effet, nous avons utilisé la moyenne de
six zones de l’implant : 0 point s’il n’y a pas de liséré, neuf scores (trois observateurs évaluant chaque radio-
1 point pour un liséré de moins de 1 mm d’épaisseur, graphie en trois occasions).
2 points pour un liséré entre 1 et 2 mm, et 3 points Les deux groupes de patients ont été comparés au
pour un liséré de plus de 2 mm d’épaisseur. Le score regard de la présence et de l’extension des lisérés,
liséré total est obtenu en additionnant le score de cha- du score liséré, de la progression du liséré autour de

Figure 2. Radiographies postopératoire immédiate (A) et à 2 ans de recul (B) pour une glène à fond plat. Le liseré sous l’embase
ne progresse pas.

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Comparaison des scores liserés dans les différentes populations

Radios postopératoires Recul 2 ans Progression

Fond Fond p Fond Fond p Fond Fond p


plat convexe plat convexe plat convexe

Score 1,67 0,98 < 0,0005 4,19 3,23 0,02 2,49 2,32 0,894
liseré
total

Embase 1,41 0,66 < 0,0005 2,86 2,09 < 0,0005 1,49 1,52 1,00

Quille 0,26 0,32 0,618 1,33 1,14 0,427 1,14 0,84 0,341
Résultats comparés des glènes à fond plat et à fond convexe 125

la totalité de l’implant, de la progression du liséré dans le groupe fond plat et 0,32 dans le groupe fond
autour de la quille et de la progression du liséré de convexe ; cette différence n’était pas significative avec
l’embase. De plus, les facteurs pouvant potentielle- les effectifs de l’étude. Le score liséré embase moyen
ment influencer le développement d’un liséré ont été était de 1,41 dans le groupe fond plat et de 0,66 dans
analysés (âge, sexe, membre dominant, statut de la le groupe fond convexe (p < 0,0005) (tableau 1).
coiffe des rotateurs, morphologie de la glène et taille
de l’implant). Liserés à 2 ans de recul
Étude statistique À 2 ans, un liséré sur au moins une zone, quelle que
fût l’épaisseur, était visible sur tous les implants. Les
Les données descriptives, incluant les moyennes et lisérés étaient incomplets dans 29 cas sur 35 (83 %)
déviations standard ainsi que les pourcentages, ont été dans le groupe fond plat, et dans 28 cas sur 31 dans le
calculées. Pour l’évaluation des données quantitatives, groupe fond convexe ; cette différence n’était pas signi-
l’analyse de variance était réalisée pour déterminer ficative. Les lisérés étaient limités à l’embase dans
une différence significative. Si les groupes de variance 15 cas sur 35 (43 %) dans le groupe fond plat, et dans
n’étaient pas homogènes, le test non paramétrique 18 cas sur 31 (58 %) dans le groupe fond convexe ;
de Wilcoxon était utilisé. Pour l’analyse de données cette différence n’était pas significative (figures 2 à 4).
qualitatives, le test du Chi2 était utilisé. Le coefficient À 2 ans, le score liséré moyen était de 4,19 dans
de Pearson était calculé pour évaluer une corrélation le groupe fond plat et de 3,23 dans le groupe fond
entre différentes entités. L’influence des différents fac- convexe (p < 0,02). Les scores liséré quille moyen était
teurs sur la présence et la progression des lisérés a fait de 1,33 dans le groupe fond plat et 1,14 dans le groupe
l’objet d’une analyse multifactorielle. Le seuil de signi- fond convexe ; cette différence n’était pas significa-
ficativité était fixé à p < 0,05. tive. Le score liséré embase moyen était de 2,86 dans
le groupe fond plat et de 2,09 dans le groupe fond
convexe (p < 0,0005) (tableau 1).
Résultats Afin d’analyser la progression des lisérés, la diffé-
Lisérés postopératoires immédiats rence entre le score liséré postopératoire immédiat et
à 2 ans a été calculée dans chaque groupe. La pro-
Un liséré toujours incomplet était retrouvé sous l’em- gression moyenne était de 2,49 points dans le groupe
base 22 fois sur 35 (63 %) dans le groupe fond plat fond plat et 2,32 points dans le groupe fond convexe.
et 9 fois sur 31 (29 %) dans le groupe fond convexe Cette progression pour chacun des groupes était sta-
(p < 0,01). Une relation statistiquement significative tistiquement significative. De même, cette progression
existait entre le type de glène et l’incidence des liserés était significative dans les deux groupes pour le score
autour de l’embase. liséré quille (1,14 point groupe fond plat et 0,84 point
Le score liséré moyen était de 1,67 dans le groupe groupe fond convexe, p < 0,0005) et le score liséré
fond plat et de 0,98 dans le groupe fond convexe embase (1,49 point groupe fond plat et 1,52 point
(p < 0,0005). Le score moyen liséré quille était 0,26 groupe fond convexe, p < 0,0005) (tableau 1).
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Figure 3. Radiographies postopératoire immédiate (A) et à 2 ans de recul (B) pour une glène à fond convexe.
126 I. SZABO, ET AL.

Figure 4. A. Pas de liseré sur les clichés postopératoires immédiats de cette glène fond convexe. B. À 2 ans de recul, apparition d’un
liseré sous l’embase.

La comparaison des deux groupes a montré une recul court, plus faible que celui d’autres séries. De
progression équivalente des scores lisérés totaux nombreux auteurs ont montré une tendance à la pro-
(p < 0,894), des scores lisérés embase (p < 0,999) et des gression des lisérés précoces, en accord avec nos résul-
scores lisérés quille (p < 0,341). L’analyse des facteurs tats malgré un recul différent [3,5–7,12,14,16,20,22].
potentiellement influents sur l’apparition et la progres- Deuxièmement, l’absence de consensus dans la litté-
sion des lisérés montrait que les patients avec un score rature sur l’évaluation des lisérés explique la grande
compris entre 7 et 12 étaient significativement plus jeu- variabilité des pourcentages rapportés. Norris et
nes dans le groupe fond plat. L’âge n’avait pas d’autre Lachiewicz [19] utilisent une modification d’une
influence significative sur les scores lisérés immédiats méthode d’évaluation initialement décrite par Amstutz
ou à 2 ans de recul. La progression du score liseré était [1] dans laquelle un liséré est considéré comme présent
plus importante chez les patients jeunes du groupe seulement s’il intéresse plus de 50 % d’une zone, sous-
fond convexe (p < 0,012). Cette tendance n’était pas estimant ainsi probablement leur prévalence réelle.
observée dans le groupe fond plat ou dans les deux Nous avons utilisé la classification de Molé pour
groupes étudiés ensemble. l’évaluation des lisérés qui prend en compte trois zones
Avec les effectifs disponibles, le sexe, le côté domi- autour de la quille et trois zones autour de l’embase,
nant, une atteinte de la coiffe des rotateurs, la mor- et qui prend en compte tous les lisérés quels que soient
phologie préopératoire de la glène et le mismatch leur taille [15]. Troisièmement, tous nos implants ont
glénohuméral prothétique n’avaient pas d’influence été évalués avec des clichés réalisés sous contrôle fluo-
sur les lisérés immédiats et à 2 ans ou sur la progres- roscopique, critère indispensable pour avoir une bonne
sion des lisérés. reproductibilité [6,11,15]. Nous n’avons pas analysé
les lisérés sur les clichés axillaires du fait de l’impossi-
bilité de standardiser la réalisation de cette incidence.

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Discussion La plupart des séries publiées n’utilisent pas de clichés
sous contrôle fluoroscopique. Dans une étude récente,
Un inconvénient majeur des PTE est l’existence et la Lazarus exclut un tiers des patients du fait de radio-
progression de lisérés glénoïdiens à l’interface ciment–os. graphies insuffisantes [14]. L’utilisation systématique
Bien que les descellements cliniques soient rares, de de la fluoroscopie dans notre série peut expliquer l’in-
nombreuses études ont montré une relation directe cidence plus importante des lisérés [7,12,15,18].
entre les lisérés radiographiques et les descellements Dans notre étude, en cas de liséré incomplet, l’em-
cliniques ou radiographiques [3,7,12]. Cette étude base était la zone principalement atteinte. C’est en
démontre que l’apparition des lisérés est influencée par accord avec les données de la littérature. Wilde et al.
le dessin de l’implant. ont rapporté que la plupart des lisérés immédiats inté-
Les résultats de cette étude ne sont pas comparables ressaient l’embase [24]. Molé et al. ont mis en cause
à ceux d’études similaires publiées sur les lisérés glénoï- l’usage du ciment derrière l’embase et postulent que
diens pour différentes raisons [25,26]. Premièrement, l’apparition du liséré dans cette région est inévitable
cette étude compare deux types d’implant avec un du fait du gradient dans le module d’élasticité du
Résultats comparés des glènes à fond plat et à fond convexe 127

polyéthylène, du méthylméthacrylate et de l’os sous- qu’il n’existe pas de différence significative entre les
chondral [15]. Collins et al. ont étudié les facteurs de deux groupes sur les lisérés autour de la quille, il sem-
préparation osseuse qui pourraient améliorer la fixa- ble que les lisérés de l’embase soient les plus influencés
tion de l’implant. Ils rapportent que les forces excen- par le dessin de l’implant. L’analyse des scores lisérés a
triques physiologiques peuvent être minimisées par un montré une différence significative entre les deux des-
fraisage approprié permettant une adaptation étroite sins en faveur des fonds convexes sur les clichés pos-
entre l’implant et l’os [9]. topératoires immédiats, faisant la démonstration que
Le dessin de l’implant joue un rôle important dans ces implants offrent une meilleure conformité entre
l’amélioration de la conformité entre celui-ci et l’os. l’implant et l’os. Les scores lisérés quille étaient simi-
Anglin et al., dans une étude biomécanique, retrou- laires dans les deux groupes, ce qui peut être expliqué
vent qu’avec les implants à fond convexe, les forces par l’utilisation de la même technique opératoire dans
transmises à l’implant se font plutôt en compression chaque groupe [21].
qu’en cisaillement [2]. En outre, les auteurs démon- Les résultats radiographiques meilleurs observés
trent que les implants à fond convexe résistent mieux avec les implants à fonds convexes sont aussi retrouvés
au cisaillement. Par ailleurs, le fond convexe évite un au recul de 2 ans. Dans notre étude, la progression des
pic de stress à la jonction entre l’embase et la quille, et lisérés était similaire dans les deux groupes. L’analyse
préserve mieux le stock osseux glénoïdien. statistique n’a pas permis de dégager de facteurs déter-
Lacaze et al. ont comparé in vitro des implants à minant cette progression. Cette étude n’est pas sans
fond plat avec des implants à fond convexe [13]. Ils points faibles. Bien que la technique chirurgicale ait
retrouvent une meilleure résistance à l’arrachement été standardisée, deux chirurgiens différents ont réa-
avec les implants à fond convexe, bien que la diffé- lisé les opérations. En outre, la corrélation interobser-
rence ne soit pas statistiquement significative. vateur de l’analyse radiographique des lisérés n’était
Il n’existe pas dans la littérature d’étude clinique pas optimale ; néanmoins, elle était améliorée par l’éta-
prouvant la supériorité d’un implant sur un autre. blissement des moyennes. Les effectifs étaient faibles,
Dans notre étude, deux types de glènes polyéthylène masquant peut être l’influence d’autres facteurs sur le
ont été comparés afin d’analyser l’influence du des- développement des lisérés tels que le sexe et le mis-
sin de l’implant sur l’apparition et la progression des match prothétique [22]. Enfin, il est possible que les
lisérés périglénoïdiens. Les deux groupes de patients différences observées autour de l’embase soient dues
pour cette analyse sont homogènes et statistiquement aux différences d’analyse radiographique existant
comparables au regard des données préopératoires. La entre une embase plate et une embase convexe. Malgré
technique de préparation de la glène par compaction ces limites, ces résultats suggèrent que le dessin de l’im-
était utilisée dans tous les cas, offrant une meilleure plant glénoïdien joue un rôle primordial dans l’appari-
base osseuse pour la quille de l’implant. La technique tion et le développement des lisérés à court terme.
de fraisage utilisée était méticuleuse afin d’obtenir une
meilleure conformité entre l’implant et l’os, comme Conclusion
proposé par Collins et al. [9]. Afin de minimiser les
biais, nous n’avons inclus que des patients traités pour Il s’agit de la première étude clinique mettant en évi-
omarthrose primitive. dence un taux plus faible de lisérés avec un implant à
Cette étude comparative confirme l’influence du des- fond convexe comparé à un implant fond plat. Bien
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sin de l’implant glénoïdien sur la présence des lisérés que les glènes fond convexe aient moins de lisérés sur
postopératoires immédiats. Le pourcentage de liséré les clichés postopératoires immédiats et à 2 ans de
sur au moins une zone était significativement plus recul, la progression des lisérés apparaît similaire avec
important avec les implants à fond plat. Étant donné les deux types d’implants.

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129

Mismatch prothétique.
Influence sur les liserés
radiographiques glénoïdiens
Prosthetic mismatch. Radiographic glenoid lucent
lines influence

A. GODENÈCHE, P. BOILEAU, G. WALCH

RÉSUMÉ SUMMARY
En chirurgie prothétique de l’épaule, le mismatch est défini par la In shoulder arthroplasty, mismatch is defined as the difference
différence de rayon de courbure entre la tête prothétique humé- in the diameter of curvature between the humeral head and
rale et l’implant glénoïdien. Aucune étude scientifique clinique glenoid components. Recommendations for mismatch have not
n’a évalué l’importance du mismatch. Le propos de cette étude been substantiated scientifically. The purpose of this study is to
est d’évaluer l’effet du mismatch sur les liserés glénoïdiens. Le evaluate the effect of mismatch on glenoid radiolucencies. The
groupe d’étude était constitué de 319 prothèses totales d’épaules study group was 319 total shoulder arthroplasties performed
provenant d’une étude multicentrique. L’indication unique était for primary osteoarthritis. All patients underwent arthroplasty
l’omarthrose primitive. Tous les patients ont bénéficié du même with a single type of prosthesis using a cemented, all polyethy-
type de prothèse utilisant une glène cimentée à fond plat. Trois lene glenoid component. Three sizes of glenoid components and
tailles de composant glénoïdien étaient utilisées et sept tailles de seven humeral head diameters were utilized. Radial mismatch
tête humérale de diamètre différent. Le mismatch était réparti was categorized as ≤4 mm, 4.5 to 5.5 mm, 6 to 7 mm, or ≥7 mm.
comme ≤ 4 mm, de 4,5 à 5,5 mm, de 6 à 7 mm ou ≥ 7 mm. Les Despite a preferential association recommended by the pros-
radiographies de toutes les prothèses ont été analysées avec un thesis manufacturer, surgeons were allowed to implant any size
recul moyen de 53,5 mois (24–110 mois). Les liserés radiographi- components in any combination that they believed appropriate
ques glénoïdiens étaient quantifiés (de 0 point quand il n’y avait at the time of surgery. The amount of mismatch selected was
pas de liseré à 18 points pour des liserés supérieurs à 2 mm dans not related to surgeon experience, preoperative epidemiological
les six zones). Une analyse statistique a été réalisée pour évaluer factors, or findings at surgery. Radiographs were evaluated at a
la relation entre le mismatch et les liserés glénoïdiens. Une rela- mean 53.5 months follow-up (24 to 110 months). Glenoid radio-
tion statistiquement significative a été mise en évidence entre le lucencies were scored (0 point for no radiolucency to 18 points
mismatch et le score des liserés glénoïdiens. Le score des liserés for radiolucencies exceeding 2 mm in six zones). A statistical ana-
glénoïdiens était plus faible (donc meilleur) quand le mismatch lysis, was performed to evaluate the relationship between radial
était supérieur à 5,5 mm. À partir de cette étude, le mismatch, s’il mismatch and glenoid radiolucencies. A statistically significant
est supérieur à 5,5 mm, semble optimisé pour diminuer les liserés linear relationship (mean radiolucent line score = 8.243 - 0.636
glénoïdiens. Cette étude représente la première étape permettant × radial mismatch; 95% confidence interval of slope: −0.950,
d’obtenir des arguments scientifiques cliniques pour recomman- −0.322) existed between mismatch and glenoid radiolucency
der une valeur du mismatch (de 6 × 10 mm) entre les implants score (p=0.001) with significantly lower (better) radiolucency
huméral et glénoïdien pour les prothèses totales non contraintes scores occurring with a radial mismatch of greater than 5.5 mm.
de l’épaule. In the 0 to 10 mm radial mismatch values occurring in this study,
the glenohumeral component mismatch had a statistically signi-
ficant influence on glenoid radiolucencies, which were optimized
when the mismatch was between 6 and 10 mm.

Mots clés : Prothèse totale d’épaule. – Mismatch. – Liseré Key words: Shoulder arthroplasty. – Mismatch. – Glenoid radio-
glénoïdien. – Rayon de courbure. lucencies. – Radius of curvature.

Prothèses d’épaule. État actuel


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130 A. GODENÈCHE, P. BOILEAU, G. WALCH

Introduction – le mismatch radial maximal au-delà duquel les


contraintes périphériques risquent d’entraîner une
Le mismatch est la différence de courbure existant entre fracture du polyéthylène serait de 1 mm.
la glène et la tête humérale ; il peut s’exprimer en fonc- Compte tenu de ce flou concernant le mismatch
tion du rayon de courbure ou du diamètre des sphères. prothétique idéal, on comprend mieux la diversité
Une articulation est « conforme » ou « congruente » observée sur les prothèses pour lesquelles le mismatch
lorsque les deux rayons de courbure sont identiques, est connu. Neer [12] avait opté pour un système
et « non conforme » ou « non congruente » lorsque congruent (conforme) dont les rayons de courbure
les rayons sont différents. Ces termes ne doivent huméral et glénoïdien étaient identiques. Rockwood
pas être confondus avec la « contrainte » articulaire et Matsen proposent un mismatch radial de 3 à 5 mm
qui exprime la profondeur de la glène. Le mismatch [3]. Friedman propose un rayon de courbure glénoï-
glénohuméral anatomique est variable selon que l’on dien différent dans le sens antéropostérieur (12 mm) et
considère les surfaces osseuses ou cartilagineuses de supéro-inférieur (6 mm) pour mieux tenir compte des
la glène et de l’humérus : la différence de rayon de translations obligatoires. Bigliani et Flatow proposent
courbure des surfaces osseuses est de 8 à 9 mm alors un système original où le centre de la glène prothéti-
qu’elle n’est que de 0,1 mm si l’on considère les surfa- que a une congruence parfaite, alors qu’en périphérie
ces cartilagineuses et l’apport du bourrelet glénoïdien la glène a un mismatch plus important. La prothèse
[1,2,5,13]. Aequalis® propose un mismatch radial variable de
Le mismatch prothétique idéal est controversé, 0 à 12 mm selon l’association que le chirurgien choi-
bien que tous les auteurs s’accordent à reconnaître sit entre la glène et la tête humérale modulaire. Des
son importance. Des surfaces congruentes permettent associations préférentielles avaient été définies avec un
une surface optimale de contact, diminuant les ris- mismatch radial de 5 à 7,5 mm [15,16].
ques d’usure et augmentant la stabilité articulaire ; en Le but de ce travail était d’analyser in vivo l’influence
revanche, la translation obligatoire entre les surfaces du mismatch sur les liserés glénoïdiens à partir d’une
articulaires lors des mouvements passifs et actifs ne large série multicentrique de prothèses Aequalis®.
peut plus être absorbée par les déformations du car-
tilage et du bourrelet, et conduit à des contraintes péri-
phériques excessives qui se transmettent à l’ancrage Matériel et méthode
glénoïdien et peuvent favoriser le descellement. Des Matériel
surfaces non congruentes avec un rayon de courbure
glénoïdien plus important que le rayon de courbure La série se compose de 319 prothèses totales d’épau-
huméral permettent au contraire les translations et les implantées pour omarthrose primitive centrée.
sollicitent moins l’ancrage glénoïdien ; leurs inconvé- Toutes les prothèses étaient des prothèses Aequalis®
nients théoriques sont des contraintes augmentées sur avec sept tailles de calotte dont le diamètre variait
une zone de contact plus petite (risque d’usure plus de 39 à 50 mm. Les prothèses glénoïdiennes étaient
précoce du polyéthylène) et une stabilité prothétique en polyéthylène à fond plat avec une quille et trois
moindre [10]. tailles différentes : « petite », « moyenne », « grande »,
Aucune étude in vivo n’a pu jusqu’ici démontrer dont les rayons de courbure étaient respectivement de
la supériorité d’un système sur un autre. Karduna, 27,5 mm, 30 mm et 32,5 mm. Quarante-deux chirur-

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Iannotti et Williams ont effectué de nombreuses études giens européens ont envoyé entre 1 et 98 fiches avec
biomécaniques in vitro et ont pu apporter un certain une moyenne de 9 fiches par chirurgien. Une majo-
nombre d’informations sur le mismatch prothétique rité de femmes (72,7 %) était retrouvée ; l’âge moyen
« idéal » et sur son retentissement sur la cinématique à l’opération était de 66,4 ans (34–90 ans). Le recul
des prothèses [6–9] : moyen des patients était de 53,5 mois (22–110 mois).
– les translations d’une articulation glénohumérale
normale sont reproduites au mieux par une articula- Méthode
tion prothétique dont le mismatch radial est approxi-
mativement de 4 mm ; Toutes les informations concernant chaque patient ont
– les translations dans le sens antéropostérieur sont été relevées sur une fiche d’évaluation pré- et postopé-
légèrement supérieures aux translations observées dans ratoire qui était ensuite saisie sur une base de données.
le sens supéro-inférieur (1,5 mm versus 1,1 mm) ; La taille des prothèses humérale et glénoïdienne
– des variations de 0 à 5 mm du mismatch radial n’altè- utilisées permettait à l’ordinateur de calculer automa-
rent pas de manière significative la stabilité prothétique ; tiquement le mismatch radial selon le tableau 1. Le
Mismatch prothétique. Influence sur les liserés radiographiques glénoïdiens 131

Tableau 1
Valeur du mismatch en fonction des associations implant huméral et glène

Taille tête 39/14 41/15 43/16 46/17 48/18 50/19 50/16


humérale

Glène

Rayon de 20,5 21,5 22,5 24 25 26 27,5


courbure
mm

Petite 27,5 7 6 5 3,5 2,5 1,5 0

Moyenne 30 9,5 8,5 7,5 6 5 4 2,5

Grande 32,5 12 11 10 8,5 7,5 6,5 5

mismatch radial moyen de la série était de 5,3 mm L’évaluation du résultat clinique se faisait par le score
(0–10 mm, SD 1,6). Pour analyser l’influence du mis- de Constant [4], et le bilan radiographique comprenait
match, quatre groupes ont été créés en fonction de sa trois radiographies de face en rotations interne, neutre
valeur : groupe 1, ≤ 4 mm ; groupe 2, 4,5 à 5,5 mm ; et externe, et une radiographie de profil axillaire. Le
groupe 3, de 6 à 7 mm ; groupe 4, ≥ 7 mm. Nous avons liseré glénoïdien était analysé sur six zones (figure 1)
vérifié que ces quatre groupes créés étaient compara- et l’épaisseur du liseré était mesurée en millimètres.
bles et ne présentaient pas de différence statistique- Une absence de liseré était cotée 0 point, un liseré infé-
ment significative en termes de sexe, de côté opéré, rieur à 1 mm valait 1 point dans chaque zone où il
d’état de la coiffe des rotateurs, d’âge à l’opération, de était présent, un liseré compris entre 1 et 2 mm valait
recul postopératoire (tableau 2). 2 points, et un liseré supérieur à 2 mm valait 3 points.
Tous les patients ont été revus en consultation par L’ordinateur établissait ainsi un « score liseré » [11]
un membre de l’équipe chirurgicale qui les avait opérés compris entre 0 point (aucun liseré) et 18 points (liseré
pour un examen clinique et un bilan radiographique. supérieur à 2 mm dans les six zones) (figure 2). Un

Tableau 2
Analyse statistique ne montrant aucune différence en fonction des groupes de mismatch

Groupe de Effectif % de femmes % de bras % de coiffe Âge à l’opéra- Recul moyen


mismatch dominant intacte* tion (mois)

Groupe 1 81 80,2 % 63,8 % 89,5 % 67,1 53,5


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< 4 mm

Groupe 2 81 71,6 % 64,2 % 83,8 % 67,8 55,2

4,5–5,5 mm

Groupe 3 101 68,3 % 52,5 % 82,2 % 65,5 52,5

6–7 mm

Groupe 4 56 75 % 58,9 % 87 % 67,1 53,3

> 7 mm

Différence p = 0,3 p = 0,6 p = 0,6 p = 0,3 p = 0,8


statistique
* Coiffe intacte : absence de lésion partielle ou transfixiante du supraépineux.
132 A. GODENÈCHE, P. BOILEAU, G. WALCH

entre les variables quantitatives et qualitatives. Toutes


les valeurs de p sont bilatérales et on considérait que
les valeurs de p de 0,05 ou moins caractérisaient la
signification statistique.

Résultats
Le score liseré moyen était de 4,7 points (0–18, SD 4,8).
– 243 cas (76,2 %) avaient un score inférieur ou égal à
6 points et étaient considérés comme non descellés.
– 49 cas (15,4 %) avaient un score liseré de 7 à 12 et étaient
considérés comme ayant un descellement possible.
Figure 1. Position des six zones pour la mesure du liseré – 27 cas (8,4 %) avaient un score liseré de 13 à 18 et
glénoïdien.
étaient considérés comme radiologiquement descellés.
L’effet du mismatch sur le score liseré est apparu très
significatif (linear trend p < 0,0001). Le score liseré est
d’autant moins important que la valeur du mismatch
est élevée (tableau 3 et figure 3).
Nous avons ensuite vérifié que cette corrélation sta-
tistique n’était pas influencée par un autre paramètre
tel que les opérateurs, l’état de la coiffe des rotateurs,
la forme de la glène ou l’existence de complication
postopératoire. Pour vérifier l’influence des opérateurs,
nous avons comparé le groupe de chirurgiens ayant
envoyé plus de dix fiches et ceux ayant envoyé moins
de dix fiches. Au sein de ces deux groupes, la relation
statistique entre mismatch et score liseré existe toujours
et est statistiquement significative (tableau 4). La forme
de la glène préopératoire pouvait également avoir une
Epaisseur liseré < 1mm 1 à 2 mm > 2 mm Score liseré influence et interférer dans la relation statistique ; nous
ZONE (1 point) (2 points) (3 points) (18 points) avons retenu les 210 dossiers qui avaient eu un scanner
1 X 2 préopératoire et les avons scindés en deux groupes en
2 X 2 fonction de la concentricité ou de l’excentricité de la
3 glène [14]. Cent trois cas avaient une glène concentri-
4 X 2 que avec ou sans érosion centrale et 107 cas avaient
5 X 3 une glène de type « excentrique » avec une subluxa-
6 X 1 tion postérieure de la tête humérale, et dans la moitié
TOTAL 10/18 des cas une usure postérieure de la glène. Au sein de
ces deux groupes, la relation entre mismatch et score

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Figure 2. Exemple de mesure du score liseré (score = 10/18 dans liseré reste statistiquement significative (tableau 5).
ce cas).
L’influence d’autres facteurs tels que la présence d’une
rupture partielle ou totale du tendon supraépineux
(42 cas) ou la survenue d’une complication immédiate
score liseré inférieur ou égal à 6 était considéré comme ou tardive (43 cas) a été analysée de la même manière
une absence de descellement, un score liseré compris et a conduit à des résultats équivalents, puisque aucun
entre 7 et 12 était considéré comme un descellement de ces deux facteurs ne modifie la relation statistique
possible, et un score supérieur à 12 était considéré entre mismatch et score liseré.
comme un descellement radiologique.
En ce qui concerne les analyses statistiques, les don- Influence du mismatch sur les
nées étaient analysées par le test exact de Fischer et complications et le résultat clinique
celui du Chi2 de Pearson pour les variables qualitati-
ves. L’analyse de la variance à un ou deux facteurs et Nous avons testé l’influence des groupes de mismatch
le test t de Student étaient utilisés pour les relations sur le pourcentage de complications immédiates ou
Mismatch prothétique. Influence sur les liserés radiographiques glénoïdiens 133

Score
liseré
Groupe 1
6.4 pts (SD 5.6) 8
≤ 4mm
7
Groupe 2 6
4.5 → 5.5 mm 5.3 pts (SD 5.4)
5 N = 81

Groupe 3 4
3.8 pts (SD 3.8) N = 81
6 → 7mm
3
N = 101
N = 56
2
Groupe 4 < = 4 mm 4.5–5.5 6−7mm > 7mm
> 7 mm 3.7 pts (SD 4)
Mismatch
Figure 3. Error bar de la relation entre le mismatch et le score liseré.

Tableau 3
Valeur du score liseré en fonction des groupes de mismatch

Groupes de mismatch Nombre de cas Score liseré (points) Moyenne ± SD

Groupe 1 : ≤ 4 mm 81 6,38 ± 5,6

Groupe 2 : 4,5–5,5 mm 81 5,27 ± 5,4

Groupe 3 : 6–7 mm 101 3,80 ± 3,8

Groupe 4 : > 7 mm 56 3,70 ± 4

Tableau 4
Influence du nombre de fiches envoyées par chaque opérateur sur la relation mismatch–score liseré

Nombre Nombre Nombre Score liseré Mismatch Groupes Score liseré p


de fiches d’opérateurs de fiches moyen ± SD moyen de mismatch moyen ± SD
envoyées par
opérateur

≤4 4,9 ± 5,4

4,5–5,5 5,1 ± 5,7


< 10 fiches 32 98 3,6 ± 4,4 5,6 0,007
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6–7 2,3 ± 2,3

>7 2,4 ± 3,2

≤4 7,1 ± 5,7

4,5–5,5 5,3 ± 5,3


> 10 fiches 10 221 5,3 ± 5 5,3 0,03
6–7 4,3 ± 4

>7 4,9 ± 4,3

tardives (luxations antérieures ou postérieures, migra- prises individuellement : douleur, mobilité, activité et
tions supérieures de la prothèse), sur l’élévation anté- force (tableau 6). Le mismatch n’influence aucun de
rieure active, la rotation externe coude au corps, le ces paramètres excepté la rotation externe (tableau 4).
score de Constant total et ses différentes composantes La rotation externe active est statistiquement meilleure
134 A. GODENÈCHE, P. BOILEAU, G. WALCH

Tableau 5
Influence du type de glène préopératoire au scanner sur la relation mismatch–score liseré

Type de glène Nombre Score liseré Mismatch Répartition Nombre Liseré p


préopératoire de cas moyen ± SD radial dans les de cas moyen ± SD
moyen classes
de mismatch

≤4 30 6,23 ± 5,4

« Concentrique »
4,5–5,5 29 5,86 ± 5,6
103 4,8 ± 5 5,2 0,01
(A1–A2) 6–7 29 3,0 ± 3,5

>7 15 3,2 ± 4,8

≤4 29 6 ± 5,8

« Excentrique »
4,5–5,5 24 4 ± 4,9
101 4,2 ± 4,5 5,3 0,03
(B1–B2) 6–7 39 3,5 ± 3,4

>7 15 3 ± 2,5

pour un mismatch entre 4,5 et 7 mm sans que l’on de cas était trop faible, et pour les glènes métal-back,
puisse apporter d’explications. les trop nombreuses complications liées à l’implant
lui-même risquaient de fausser les résultats.
Malgré toutes ces insuffisances, il nous a paru inté-
Discussion ressant de rapporter ces résultats, car c’est la première
fois qu’une étude in vivo analyse l’influence du mis-
Cette étude rétrospective multicentrique présente match sur le liseré glénoïdien. Le mismatch radial idéal
des insuffisances puisqu’elle intègre les résultats de dans cette série pour une glène cimentée polyéthylène
42 chirurgiens différents qui ont eux-mêmes appré- fond plat à quille semble donc se situer entre 6 et
cié les résultats cliniques et radiographiques. On peut 7 mm, ce qui est plus important que les valeurs qui ont
aussi penser qu’il existe un biais quant à la techni- été recommandées jusqu’à ce jour soit intuitivement,
que opératoire propre à chaque chirurgien (fraisage, soit sur la base d’études biomécaniques in vitro.
cimentation, etc.). Cependant, le grand nombre de Les inconvénients théoriques d’un mismatch radial
cas analysé permet de gommer les insuffisances et élevé – instabilité prothétique et usure du polyéthylène
permet même de renforcer les valeurs des résultats, – ne ressortent pas à l’analyse de cette série dont le
puisqu’il compense l’influence de tel ou tel chirurgien recul moyen n’est cependant que de 54 mois.
tant en ce qui concerne la technique opératoire, le

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mismatch que l’appréciation du score de liseré. De
plus, nous avons sélectionné, pour être homogènes, Conclusion
les omarthroses primitives et avons exclu les patients
déjà opérés, les polyarthrites rhumatoïdes, les arthro- Le suivi de ces patients dans le temps est maintenant
ses post-traumatiques et les omarthroses excentrées. indispensable pour voir si ces résultats se confirment et
Pour ces dernières étiologies, de nombreux autres si l’évolution de ces liserés se fera vers le descellement
facteurs peuvent être incriminés à l’origine des liserés radiologique et clinique. Nous pensons, en effet que le
glénoïdiens et il nous a paru plus juste de ne conserver recul ne fera que renforcer la valeur de cette étude ; les
que les omarthroses primitives dont les caractéristi- complications à court et moyen termes peuvent être
ques sont plus homogènes. Enfin, nous n’avons retenu attribuées soit à des erreurs de techniques chirurgica-
que les glènes polyéthylènes fond plat et nous avons les, soit à de mauvaises indications, soit à des erreurs de
exclu les glènes polyéthylènes fond convexe, les glè- rééducation. Les résultats lointains, en terme de liseré
nes polyéthylènes deux plots et les glènes métal-back glénoïdien, pourront être attribués plus sûrement au
vis à expansion. Pour les deux premières, le nombre mismatch sur une population aussi homogène.
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Tableau 6
Influence du mismatch sur les complications et le résultat clinique

Indice de Constant postopératoire

Groupe de % de % de % de % de EAA RE1A Score Score Score Score force Score de


mismatch compli- luxation luxation migration postop. rotation douleur mobilité activité (25 pts) Constant
cation antérieure postérieure supérieure externe (15 pts) (40 pts) (20 pts) absolu
immédiate prothèse active (100 pts)
et tardive sur rx postop.
postop.

Groupe 1 : 16 % 0% 0% 1,2 % 140° 36,6° 12,3 30,9 16,4 8,6 68,3


≤4

Groupe 2 : 16 % 2,5 % 0% 1,2 % 138° 41° 12,7 30,8 16,8 8 68,4


4,5–5,5

Groupe 3 : 9% 0% 0% 1% 145° 42,4° 13 31,8 17,5 9 71,3


6–7

Groupe 4 : 14,3 % 0% 0% 3,6 % 134° 30,5° 12,5 28,9 16,8 8,2 66,5
>7

Différence p = 0,3 0,3 0,6 0,1 0,001 0,4 0,2 0,4 0,6 0,3
statistique p
Mismatch prothétique. Influence sur les liserés radiographiques glénoïdiens

EAA : Élévation antérieure active ; RE1A : Rotation externe active coude au corps ; rx : radiographie.
135
136 A. GODENÈCHE, P. BOILEAU, G. WALCH

RÉFÉRENCES

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Prothèses d’épaule. Cahier d’enseignement de la Sofcot, n° 68. Cahiers d’enseignement de la Sofcot, n° 68. Paris : Expansion
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137

Préparation de la glène
dans les prothèses anatomiques
Glenoid preparation technique in total shoulder
arthroplasty

I. SZABO, L. NEYTON, P. BOILEAU, G. WALCH

RÉSUMÉ SUMMARY
Nous avons comparé la prévalence des lisérés glénoïdiens entre We compared the prevalence of periglenoid radiolucencies
deux techniques de préparation de la glène dans les prothè- between two glenoid component preparation techniques used in
ses totales d’épaule. Soixante-douze patients consécutifs avec total shoulder arthroplasties. Seventy-two consecutive patients
omarthrose primitive ont été traités par prothèse totale d’épaule with primary osteoarthritis had total shoulder arthroplasty using
en utilisant la même prothèse avec une glène cimentée poly- one prosthetic system with cemented flat-back keeled polyethy-
éthylène à fond plat. La technique de préparation de la glène par lene glenoid components. Thirty-seven shoulders had glenoid
curetage a été utilisée dans 37 cas et la technique de prépara- implants that were cemented after standard curettage prepara-
tion par compaction de l’os spongieux a été utilisée 35 fois. Les tion of the keel slot. Thirty-five shoulders had glenoid implants
radiographies postopératoires immédiates et à 2 ans de recul ont that were cemented after using bone compaction to prepare the
été étudiées pour analyser la présence et la progression des lisé- keel slot. The immediate postoperative and 2-year postoperative
rés. Les clichés postopératoires immédiats montraient un taux de radiographs were examined to evaluate the presence and pro-
liséré autour de la quille plus important dans le groupe curetage gression of periglenoid radiolucencies. The curettage group had
(38 %) que dans le groupe compaction (11 %). Les lisérés progres- a higher rate (38%) of keel radiolucencies than the compaction
saient dans le temps dans les deux groupes, mais la progression group (11%) seen on the immediate postoperative radiographs.
était plus importante dans le groupe curetage. La préparation de Both groups had progression of periglenoid radiolucencies with
la glène par la technique de compaction offre une meilleure fixa- time. Progression of the radiolucent lines was worse in the curet-
tion des implants glénoïdiens polyéthylène à quille. tage group 2 years after arthroplasty. Preparation of the glenoid
component keel slot with the bone compaction technique seems
Mots clés : Prothèse d’épaule. – Cimentage. – Liseré glénoïdien. to achieve better fixation of flat-back keeled polyethylene gle-
– Compaction osseuse. noid components in total shoulder arthroplasties.

Key words: Shoulder arthroplasty. – Glenoid component.


– Cemented. – Radiolucent line. – Bone compaction.

Introduction direct entre la présence d’un liséré glénoïdien et l’évo-


lution vers un descellement radiographique ou clini-
De nombreuses séries ont rapporté l’efficacité des pro- que [2,7,14].
thèses totales d’épaule (PTE) sur le soulagement des Dans une série de 194 PTE, Neer et al. ont montré
douleurs ainsi que l’amélioration des amplitudes arti- que 94 % des lisérés glénoïdiens sont présents sur les
culaires [2,6,7,19]. clichés postopératoires immédiats [21]. Brems fait le
Un problème préoccupant est le développement même constat avec 65 % de lisérés sur des radiogra-
de liséré à l’interface ciment–os des implants glénoï- phies faites en salle de réveil [5]. Pour eux, ces lisérés
diens en polyéthylène à quille. La fréquence des lisérés sont attribués à un défaut de technique de cimentage
glénoïdiens a été rapportée entre 30 et 96 %, et leur et à la persistance de sang à l’interface ciment–os.
progression augmente avec le recul [2,4,5,7,13,14,19, Norris et Lachiewicz retrouvent un liséré postopéra-
20,24,27,28]. Plusieurs études ont rapporté un lien toire immédiat dans 20 cas sur 38 (53 %) avec une

Prothèses d’épaule. État actuel


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138 I. SZABO, ET AL.

technique plus moderne de cimentage. Une améliora- qui met en lumière l’importance de la préservation de
tion du taux de survie et une diminution du taux de l’os sous-chondral pour supporter l’implant glénoïdien
descellement glénoïdien des PTE avec un recul moyen [10,16]. Neer a proposé de préserver l’os sous-chondral
de 5 ans ont été rapportées grâce à l’amélioration de la excepté à l’emplacement de la quille et de retirer l’os
technique de cimentage [22]. spongieux de la base de l’apophyse coracoïde ainsi
Afin d’améliorer la technique de cimentage, la techni- que sur les parties latérales de la glène [19,20]. Une
que du weep-hole a été développée, utilisant une canule autre technique a été proposée par Gazielly pour obte-
d’aspiration dont l’extrémité est placée au fond de la nir une base solide en compactant l’os spongieux au
glène grâce à un tunnel foré dans l’apophyse coracoïde. lieu de le retirer [11].
Grace à cette technique, presque tous les lisérés ont été Le but de cette étude est de comparer les résultats
éliminés sur les clichés postopératoires immédiats [12]. radiographiques de la technique de curetage décrite
Les résultats d’une étude récente ont montré que par Neer et ceux de la technique de compactage décrite
l’assèchement de la glène par différents procédés (gel par Gazielly en analysant les lisérés glénoïdiens post-
imprégné de thrombine, gaz comprimé ou lavage par opératoires immédiats et à 2 ans de recul.
solution saline) diminue la fréquence des lisérés post-
opératoires immédiats autour de la quille. Néanmoins, Matériel et méthode
aucune différence significative n’a été retrouvée entre
les trois techniques, en dehors du coût qui était signifi- Les critères d’inclusion ont été les suivants : patients
cativement plus élevé dans les groupes gel et gaz com- opérés pour omarthrose primitive par prothèse totale
parés au groupe solution saline [9]. d’épaule avec glène polyéthylène à quille et à fond plat.
Collins et al. ont étudié les facteurs de la prépara- Le bilan préopératoire indispensable comprenait des
tion osseuse qui pourraient améliorer la fixation de clichés radiographiques de face et un arthroscanner
l’implant. Ils rapportent que les forces excentriques pour analyser la coiffe des rotateurs et la morphologie
physiologiques peuvent être minimisées par un frai- de la glène. En postopératoire, des bilans radiographi-
sage mécanique approprié permettant une adaptation ques de contrôle immédiat (dans les 3 jours suivant
étroite entre l’implant et l’os. Ils suggèrent ainsi que la l’intervention) et avec un recul minimal de 2 ans
technique chirurgicale est un élément important dans étaient nécessaires pour l’inclusion.
la prévention des lisérés [8]. Les patients avec une érosion glénoïdienne ayant
Le stock osseux glénoïdien a aussi été étudié [1,10]. nécessité un greffe dans le même temps opératoire ont
Ces études ont montré que le glène ne renferme qu’un été exclus de l’étude.
petit volume de spongieux, ce qui limite la profondeur Soixante-douze PTE chez 67 patients obéissaient
disponible pour l’ancrage de l’implant, d’autant que ce aux critères d’inclusion. Vingt-six patients avaient une
volume peut être significativement réduit par la patho- prothèse bilatérale, mais seuls 5 patients parmi ceux-ci
logie initiale. ont été retenus. L’arthroscanner préopératoire et l’éva-
La résistance de l’os spongieux est variable ; la luation intraopératoire ont été utilisés pour l’identifi-
colonne centrale est la plus profonde, mais l’os est cation des lésions partielles ou totales de la coiffe des
plus résistant en avant, en arrière et en haut, offrant rotateurs. La morphologie de la glène était évaluée
théoriquement une meilleure assise pour l’implant. Il selon la classification de Walch et al. [25] (tableau 1).
a aussi été rapporté que la résistance moyenne de l’os Toutes les interventions ont été pratiquées par les

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sous la plaque chondrale diminue significativement, ce deux auteurs seniors (Gilles Walch et Pascal Boileau).

Tableau 1
Types d’usure de la glène, selon Walch [25] pour la population étudiée

Glène Concentrique Non-concentrique Dysplastique Total

Technique A1 A2 B1 B2 C

Curetage 13 3 7 13 1 37

Impaction 16 2 7 8 2 35

Total 29 5 14 21 3 72
Préparation de la glène dans les prothèses anatomiques 139

Toutes les prothèses utilisées étaient des implants dants ont relu les clichés à trois reprises. Les lectures
Aequalis® (Tornier). La glène utilisée dans cette série ont été réalisées sans connaître la technique utilisée.
est en polyéthylène, cimentée à fond plat, avec une Les lisérés ont été analysés selon la méthode de Molé
quille d’une épaisseur de 4 mm et d’une profondeur de et al. [18]. Une valeur numérique est assignée à cha-
15 mm. Trois tailles de glène ont été utilisées avec un cune des six zones de la quille et de l’embase : 0 point
rayon de courbure de 27,5 mm, 30 mm et 32,5 mm. s’il n’y a pas de liséré, 1 point pour un liséré de moins
La taille de la quille est la même pour toutes les tailles de 1 mm d’épaisseur, 2 points pour un liséré entre
de glène. 1 et 2 mm, et 3 points pour un liséré de plus de 2 mm
La même technique de pose de la prothèse a été uti- d’épaisseur. Le score liséré total est obtenu en addi-
lisée pour tous les patients, mais deux groupes ont tionnant le score de chaque zone. Ce score peut varier
été formés en fonction de la méthode de préparation de de 0 point en cas d’absence de liséré à 18 points en cas
la glène et de cimentage [3]. Dans le premier groupe de liséré de plus de 2 mm d’épaisseur sur chacune des
(37 PTE consécutives entre 1991 et 1995), l’emplace- six zones (figure 2 et tableau 2). En outre, les scores
ment pour la quille était préparé selon la technique du ont été calculés séparément pour la quille et l’embase,
curetage décrite par Neer [19,20]. L’os sous-chondral permettant d’obtenir un score liséré quille et un score
était préservé excepté à l’emplacement de la quille, et liséré embase.
l’os spongieux était retiré de la base de l’apophyse cora- Les données radiographiques ont été utilisées pour
coïde ainsi que sur les parties latérales de la glène. déterminer les corrélations intraobservateurs et inter-
Dans le second groupe (35 PTE consécutives entre observateurs dans l’analyse des scores lisérés. Bien que
1997 et 1999), la glène était préparée en utilisant la
technique de compaction développée par Gazielly et
décrite par Boileau et al. [3]. Afin d’offrir un support
plus consistant à la quille de l’implant glénoïdien, au
lieu de retirer l’os spongieux, celui-ci est compacté à
l’aide d’un instrument spécifique (compacteur) de taille
identique à la quille de la glène prothétique (figure 1).
Toutes les radiographies dans cette étude ont été réa-
lisées sous contrôle fluoroscopique avec le rayon per-
pendiculaire au plan de l’interface os–implant repéré
par deux plots métalliques inclus dans le polyéthylène
[13]. Les radiographies ont été comparées entre les deux
groupes à recul identique. Trois observateurs indépen-
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Figure 1. Afin d’obtenir une assise solide pour la quille de l’im- Figure 2. La méthode de Molé était utilisée pour le calcul du
plant, l’os spongieux est compacté à l’aide d’un instrument score liséré. Illustration des six zones d’évaluation de l’implant
spécifique de la même dimension que la quille (compacteur). glénoïdien (A).
140 I. SZABO, ET AL.

Tableau 2
Tableau du score liseré correspondant à la radiographie de la figure 2

Liserés glénoïdiens

Zone < 1 mm (1 point) 1–2 mm (2 points) > 2 mm (3 points) Score

1 X 2

2 X 2

3 0

4 X 2

5 X 3

6 X 1

Total 10

la corrélation intraobservateur ait été bonne (10 % de partielle de la face profonde du supraépineux. Huit
contribution de la variance totale et coefficient kappa épaules présentaient une lésion complète transfixiante
à 80 %), la corrélation interobservateur était moins du supraépineux de moins de 1 cm, une seule ayant fait
satisfaisante (52 % de contribution de la variance l’objet d’une réparation dans le même geste opératoire.
totale et coefficient kappa à 39 %), suggérant le carac- La coiffe des rotateurs était intacte dans 60 épaules.
tère subjectif de l’analyse des scores lisérés. Afin de Aucune différence n’a été retrouvée entre les deux grou-
diminuer cet effet, nous avons utilisé la moyenne des pes de patients pour l’âge, le sexe, le membre dominant,
neuf scores (trois observateurs évaluant chaque radio- le statut de la coiffe des rotateurs et la morphologie de
graphie en trois occasions). Pour analyser le caractère la glène. Aucune complication relative à la technique
progressif des lisérés, la différence du score liséré post- n’a été retrouvée durant la période de l’étude.
opératoire immédiat et du score à 2 ans de recul était
calculée. Lisérés postopératoires immédiats
Les deux techniques de cimentage ont été comparées
au regard de la présence et de l’extension des lisérés On retrouvait un taux de liséré postopératoire immé-
(complet ou incomplet ; embase, quille ou les deux), diat autour de la quille plus important dans le groupe
du score liséré et de la progression du score liséré de curetage que dans le groupe compaction (respecti-
tout l’implant, autour de la quille et de l’embase. Les vement 38 % versus 11 %, p = 0,011). Trois épaules
facteurs pouvant potentiellement influencer le déve- avaient un liséré complet, toutes étaient dans le groupe
loppement d’un liséré ont aussi été analysés (âge, sexe, curetage. Onze épaules (30 %) dans le groupe cure-
membre dominant, statut de la coiffe des rotateurs, tage et 4 (11 %) dans le groupe compaction avaient un

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morphologie de la glène et taille de l’implant). liséré incomplet. Sept épaules (19 %) dans le groupe
Les fréquences des lisérés ont été comparées par la curetage et 9 (26 %) dans le groupe compaction
méthode du Chi2 et les scores lisérés ont été comparés n’avaient aucun liséré visible sur les clichés postopé-
par analyse de variance (ANOVA). L’influence des diffé- ratoires immédiats.
rents facteurs sur la présence et la progression des lisérés Le score liséré moyen postopératoire immédiat
a fait l’objet d’une analyse multifactorielle (ANOVA). était plus élevé dans le groupe curetage que dans le
Le seuil de significativité était fixé à p = 0,05. groupe compaction (respectivement 2,39 points ver-
sus 1,67 point, p = 0,042). Cette différence était en
relation avec un score liséré autour de la quille plus
Résultats élevé dans le groupe curetage que dans le groupe com-
paction (respectivement 0,85 point versus 0,26 point,
L’âge moyen des patients au moment de la chirurgie p = 0,001). Avec les effectifs disponibles, aucune diffé-
était de 65,9 ans (43–85). Cinquante patients étaient rence significative n’était retrouvée sur le score liséré
des femmes. Quatre épaules présentaient une lésion autour de l’embase (respectivement 1,54 versus 1,41).
Préparation de la glène dans les prothèses anatomiques 141

Tableau 3
Scores liserés sela la technique chirurgicale et le recul

Scores liseré Score immediat Score à 2 ans Progression

Technique Quille Embase Total Quille Embase Total Quille Embase Total

Curetage 0.85 1.54 2.39 2.39 4.05 6.44 1.54 2.51 4.05

Compaction 0.26 1.41 1.67 1.33 2.86 4.19 1.07 1.45 2.52

Le tableau 3 compare les scores liséré postopératoires 2,86 points, p < 0,001). Le tableau 3 montre une com-
immédiats entre les deux groupes. paraison à 2 ans de recul des scores lisérés entre les
deux groupes.
Lisérés à 2 ans de recul
Progression des lisérés
Deux ans après l’implantation de la prothèse, le groupe
curetage avait une plus grande proportion de glènes Les scores lisérés progressaient dans les deux grou-
avec un liséré complet que le groupe compaction (res- pes sur la période de l’étude (p < 0,001). La progres-
pectivement, 49 % versus 17 %, p = 0,01). Un liséré sion des scores était plus importante dans le groupe
était présent sur les radiographies à 2 ans de recul sur curetage comparativement au groupe compaction
tous les implants dans les deux groupes. Le groupe (p = 0,002). Le score liséré moyen progressait en
compaction avait un taux plus important de liséré qui moyenne de 4,05 points dans le groupe curetage et
n’affectait pas la quille (37 % versus 11 % pour le de 2,52 points dans le groupe compaction. Les scores
groupe curetage, p = 0,011) (figures 3 et 4). quille et embase progressaient dans les deux groupes
Le score liséré moyen à 2 ans était plus élevé dans le (p < 0,001). Avec les effectifs disponibles, aucune dif-
groupe curetage que dans le groupe compaction (res- férence n’était retrouvée entre les deux groupes au
pectivement 6,44 points versus 4,19 points, p < 0,001). regard de la progression des scores liséré autour de la
Là encore, la différence était en relation avec un score quille. Le score liséré quille progressait en moyenne
liséré autour de la quille plus élevé dans le groupe de 1,54 point dans le groupe curetage et de 1,07 point
curetage que dans le groupe compaction (respective- dans le groupe compaction. Le score liséré sous l’em-
ment, 2,39 points versus 1,33 point, p < 0,001). À 2 ans, base progressait en moyenne de 2,51 points dans le
le score liséré sous l’embase était plus élevé dans le groupe curetage et de 1,45 point dans le groupe com-
groupe curetage (respectivement, 4,05 points versus paction (p < 0,001).
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Figure 3. Radiographies postopératoires immédiates (A) et à 2 ans de recul (B) après technique par curetage avec épais manteau
de ciment. Apparition d’un liséré complet à l’interface os–ciment à 2 ans.
142 I. SZABO, ET AL.

Figure 4. Radiographies postopératoires immédiates (A) et à 2 ans de recul (B) après technique par compaction. Aucun liséré n’est
apparu autour de la quille et le liséré derrière l’embase est resté stable.

Les patients avec un score liséré compris entre 7 et utilisé des scores lisérés moyens, car la corrélation inter-
12 points étaient plus jeunes. L’âge n’avait pas d’in- observateur des évaluations radiographiques n’était
fluence sur les scores immédiats ou à 2 ans. Avec les pas optimale. En outre, dans la mesure où un seul
effectifs disponibles, le sexe, le côté dominant, une type d’implant glénoïdien a été utilisé, nos résultats ne
atteinte de la coiffe des rotateurs, la morphologie sont peut-être pas applicables à d’autres types d’im-
préopératoire de la glène et le mismatch glénohumé- plants. Malgré ces limites, les résultats de cette étude
ral prothétique n’avaient pas d’influence sur les lisérés suggèrent que la technique de cimentage joue un rôle
immédiats, à 2 ans ou sur la progression des lisérés important dans le développement et la progression des
dans les deux groupes. lisérés glénoïdiens.
La technique par compaction offre potentiellement
Discussion plusieurs avantages pour la fixation de l’implant glénoï-
dien. Premièrement, la compaction de l’os spongieux
La présence et la progression des lisérés autour de l’im- offre une base plus stable pour l’implant glénoïdien
plant glénoïdien à l’interface ciment–os représentent que l’ablation de l’os par curetage. Deuxièmement,
un problème majeur des prothèses totales d’épaule. une logette formée d’os compacté, aux mêmes dimen-
De nombreuses études ont montré une relation directe sions que la quille de l’implant, procure une stabilité
entre les lisérés et les descellements radiographiques primaire suffisante pour éviter à l’implant de basculer.

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[2,6,14]. Nous avons étudié la progression des lisérés Troisièmement, la technique par compaction ne néces-
périglénoïdiens sur une série consécutive de patients site qu’une faible quantité de ciment, ce qui diminue le
traités par le même type de prothèse totale d’épaule risque de nécrose thermique de l’os spongieux autour
pour la même étiologie. La seule différence entre les de l’implant [15]. Le risque potentiel de fracture de la
deux groupes d’études était la technique de cimentage glène existe avec la technique par compaction, mais
de la glène. La technique du curetage a été utilisée pen- nous ne l’avons pas observé dans notre série.
dant les cinq premières années de la série, et la techni- La présence de lisérés, en particulier sur les clichés
que par compaction durant les trois dernières années postopératoires immédiats, a été associée à la techni-
de l’étude. Nous avons retrouvé que la technique de que de préparation de la glène [2,5,14,21,26]. Norris
compaction induisait moins de lisérés postopératoires et Lachiewicz ont corrélé la diminution de l’incidence
et que leur progression était plus lente dans le temps. des lisérés et des descellements glénoïdiens avec l’amé-
Notre série n’est pas indemne de certaines limites. lioration de la technique de préparation de la glène
Les techniques opératoires, bien que standardisées, [22]. Nous avons retrouvé que les lisérés postopéra-
ont pu varier entre les deux opérateurs. Nous avons toires immédiats étaient plus fréquents dans le groupe
Préparation de la glène dans les prothèses anatomiques 143

curetage. De la même manière, on retrouvait plus de augmente sur la période de 2 ans, l’embase reste plus
lisérés extensifs dans le groupe curetage à 2 ans de recul concernée que la quille.
comparativement au groupe compaction ; environ un Notre étude retrouve une incidence de lisérés péri-
implant sur deux présentait un liséré dans toutes les glénoïdiens substantiellement plus importante que les
zones à 2 ans dans le groupe curetage. Ces résultats autres séries [6,14,18,21]. L’utilisation de radiogra-
suggèrent que la technique par compaction procure phies avec contrôle fluoroscopique a pu permettre de
une meilleure fixation glénoïdienne initiale et à moyen détecter et d’évaluer de manière plus sensible les lisérés
terme que la technique par curetage. [5,13,18]. Certains auteurs excluent un nombre impor-
Comme d’autres auteurs, nous avons retrouvé tant de patients de leur série du fait de radiographies
que l’embase de la glène était la zone principale- postopératoires non interprétables pour l’analyse des
ment concernée par les lisérés incomplets [18,24,26]. lisérés [15]. De plus, il n’y a pas de consensus sur la
Wilde et al. ont rapporté que la plupart des lisérés classification à utiliser pour l’évaluation des lisérés et,
postopératoires immédiats concernaient la région de en conséquence, une grande variabilité existe dans les
l’embase [26]. Molé et al. ont mis en cause l’usage incidences rapportées. Nous avons utilisé la classifica-
du ciment derrière l’embase et ont postulé que l’ap- tion de Molé pour l’évaluation des lisérés qui prend en
parition du liséré dans cette région était inévitable compte trois zones autour de la quille et trois zones
du fait d’un gradient dans les modules d’élasticité du sous l’embase.
polyéthylène, du méthylméthacrylate et de l’os sous- Le recul dans notre étude est substantiellement plus
chondral [18]. Torchia et al., dans une analyse des court que dans les autres séries. Les lisérés présents
résultats à long terme des prothèses totales de Neer, immédiatement après l’implantation de la prothèse
ont établi que le pourcentage de liséré derrière l’em- sont ceux qui sont les plus à même de progresser dans
base était constant dans deux séries de patients avec le temps [2,4,6,14,15,19,23,24]. Malgré notre recul
un recul moyen de 3,8 ans et de 9,7 ans, alors que les relativement court, nous confirmons que les implants
lisérés autour de la quille et les migrations d’implant qui présentent un liséré postopératoire immédiat évo-
augmentaient, suggérant ainsi un rôle prépondérant luent vers un score liséré plus important dans les 2 ans
des lisérés autour de la quille dans l’évolution vers le après la chirurgie.
descellement [24].
Mileti et al. [17] ont rapporté que seulement Conclusion
2 implants sur 19 avec un liséré de l’embase étaient à
risque de descellement comparativement à 5 implants Dans cette série de patients traités par prothèse totale
sur 10 avec un liséré autour de la quille. Il semble que d’épaule pour omarthrose primitive la technique de
la localisation du liséré soit un facteur pronostique préparation de la glène a eu une influence sur le déve-
important du descellement. Dans l’étude de Torchia loppement de lisérés radiologiques et d’un potentiel
et al., 83 % des lisérés apparaissent dans les 5 ans descellement. La technique par compaction de l’os
qui suivent la mise en place de la prothèse [24]. Dans spongieux a donné de meilleurs résultats que la tech-
notre étude, l’incidence des lisérés augmente avec le nique par curetage osseux. Cette étude a également
recul, si bien qu’à 2 ans de recul, aucun implant n’est montré que les lisérés radiologiques glénoïdiens pro-
indemne de liséré dans au moins une zone. En outre, gressent dans le temps indépendamment de la techni-
bien que le nombre de zones concernées par un liséré que de préparation de la glène.
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145

Navigation et prothèse totale d’épaule


Navigation in shoulder replacement

R.T. BICKNELL, G. MOINEAU, P. BOILEAU

RÉSUMÉ SUMMARY
Le succès des prothèses d’épaule dépend essentiellement de la The success of shoulder arthroplasty is primarily dependent
technique chirurgicale. Un positionnement incorrect des implants on technique, as incorrect component positioning can lead to
peut aboutir à une instabilité prothétique, un descellement des instability, loosening and sub-optimal function. However, pro-
implants ou un mauvais résultat fonctionnel. Cependant, le pla- per implant placement can be difficult to achieve in the case of
cement des composants prothétiques en bonne position peut être severe deformity, bone loss or proximal humeral fractures, since
difficile à réaliser, surtout en cas de déformation sévère, de perte most anatomical landmarks may have been altered or lost com-
osseuse ou de fracture de l’humérus proximal. La chirurgie assistée pletely. Computer-assisted surgery may produce a more ana-
par ordinateur, qui n’en est qu’à ses débuts en chirurgie prothé- tomically accurate reconstruction, particularly in cases where
tique d’épaule, pourrait aider à obtenir une restitution anatomi- anatomic landmarks are unreliable. The application of compu-
que plus précise, surtout dans les cas ou les repères anatomiques ter navigation techniques to shoulder arthroplasty is still in its
sont peu fiables. Plusieurs auteurs ont développé des systèmes de infancy. Several authors have developed computer navigation
navigation à la fois pour les implants glénoïdiens et huméraux. techniques for both the humeral and glenoid components, using
La plupart de ces systèmes utilisent les données d’un scanner pré- preoperative CT-scan information and real-time intra-operative
opératoire de l’épaule et permettent une interaction peropéra- feedback. Cadaveric studies have shown that these techniques
toire, temps réel entre l’imagerie et l’anatomie peropératoire. Des may improve the accuracy and reliability of anatomic recons-
études cadavériques ont montré que ces techniques permettent truction in shoulder arthroplasty. Other studies have shown that
d’améliorer la précision et la reproductibilité de la reconstruction improved anatomic reconstruction with computer navigation
anatomique après arthroplastie. D’autres études ont démontré techniques in shoulder arthroplasty may allow the recreation of
que l’amélioration de la restitution de l’anatomie après prothèse glenohumeral kinematics that more accurately mimic those of
d’épaule, à l’aide de système de navigation, permet d’obtenir une the native shoulder. Finally, early clinical applications of compu-
biomécanique de l’articulation glénohumérale prothésée très ter navigation techniques to shoulder arthroplasty suggest that
proche de celle de l’articulation native. Enfin, les résultats clini- these techniques can be safely and accurately used for shoulder
ques récents de prothèses d’épaule naviguées mettent en avant le arthroplasty.
caractère sécurisant et précis de cette technique.

Mots clés : Arthroplastie. – Navigation. – Épaule. Key words: Arthroplasty. – Navigation. – Shoulder.

Introduction vais positionnement des implants peut conduire à une


instabilité prothétique, un descellement précoce des
L’utilisation de systèmes informatiques de navigation implants ou une mauvaise restauration de la fonction
en chirurgie orthopédique est maintenant largement articulaire [11,15].
répandue du fait de leur succès en chirurgie rachi- La prothèse d’épaule est le traitement de choix
dienne, chirurgie prothétique de genou et hanche, de nombreuses affections comme l’omarthrose, les
ligamentoplastie du croisé antérieur et ostéotomie séquelles traumatiques ou les fractures de l’extré-
tibiale [4,7,13,14,17]. Les techniques de chirurgie mité supérieure de l’humérus. Le résultat clinique
assistée par ordinateur y apportent un bénéfice par et la longévité des implants sont en partie corrélés
rapport aux techniques conventionnelles [18]. De avec la restitution la plus précise possible par la pro-
même que dans la chirurgie prothétique de la hanche thèse de l’anatomie normale de l’épaule [2,3,6,8,10].
et du genou, le succès d’une prothèse d’épaule dépend Actuellement, les chirurgiens comptent sur la planifi-
très largement de la technique opératoire. Un mau- cation radiographique préopératoire, les ancillaires et

Prothèses d’épaule. État actuel


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146 R.T. BICKNELL, G. MOINEAU, P. BOILEAU

leur expérience chirurgicale pour positionner l’implant patient et des instruments grâce aux corps rigides, il
huméral en respectant l’anatomie de l’humérus proxi- est alors possible de visualiser sur l’écran de la station
mal. Cependant, ce positionnement peut être difficile de navigation leurs positions relatives, guidant ainsi
à réaliser en cas de déformation sévère, perte de sub- l’acte chirurgical.
stance osseuse ou fracture de l’extrémité proximale de
l’humérus, car les repères anatomiques peuvent être
altérés ou complètement absents. La reconstruction Navigation de l’implant huméral
anatomique par prothèse d’épaule reste un challenge
thérapeutique ; l’utilisation de la navigation pourrait Bicknell et al. [1] ont décrit le premier système de navi-
permettre une restauration plus précise de l’anatomie gation de l’implant huméral lors de la pose de prothèse
normale de l’épaule, particulièrement dans les cas où d’épaule. Ils ont développé un système de chirurgie
les repères anatomiques sont très modifiés ou absents. assistée par ordinateur pour le traitement des fractures
à 4 fragments de l’humérus proximal par hémiarthro-
plastie. Dans leur technique, les caractéristiques ana-
tomiques pertinentes de l’extrémité supérieure de
Principes de la navigation l’humérus sont déterminées et reconstruites à l’aide de
chirurgicale données scanner préopératoires recalées en peropéra-
toire. Cela comprend plusieurs étapes.
Le principe de la navigation est d’obtenir en per- – Détermination des caractéristiques anatomiques.
opératoire, en temps réel, des données sur l’anato- Avant de réaliser le scanner, trois sphères de nylon
mie du patient permettant de guider le chirurgien lors sont fixées sur l’humérus. Ces sphères sont des points
des différentes étapes de la procédure chirurgicale. fiables remarquables permettant l’enregistrement et
L’obtention de ces données anatomiques peut néces- le recalage entre les données scanner et les données
siter une imagerie (scanner ou fluoroscopie) ; on parle réelles peropératoires. Les informations du scanner
de système avec imagerie. Ces systèmes nécessitent un sont ensuite analysées par un logiciel qui détermine la
recalage de l’imagerie préopératoire avec l’anatomie géométrie et le positionnement optimal de l’implant
peropératoire. Pour d’autres systèmes, l’anatomie des (figure 1).
patients est obtenue en peropératoire, en palpant dif- – Calcul des systèmes de référentiel. Le positionne-
férents points remarquables (landmarks), en palpant ment de l’implant nécessite la détermination de deux
des surfaces osseuses (bone morphing) et en obtenant systèmes de référentiel 3D, un pour l’humérus et un
des centres articulaires de manière dynamique. On pour l’implant. L’interaction peropératoire temps
parle alors de système sans imagerie. Sur ces ima- réel est permise par un système de repérage par cap-
ges de l’anatomie du patient, est alors superposé le teurs couplés à une interface graphique. Ces systèmes
positionnement des implants et/ou des instruments de repérage sont des capteurs fixés sur l’humérus et
chirurgicaux afin de guider le chirurgien. l’implant. L’épicondyle médial et latéral ainsi que la
Les systèmes de chirurgie assistée par ordinateur diaphyse humérale sont utilisés pour créer les coor-
comprennent différents composants. données du référentiel huméral. L’utilisation de ce
– La plateforme informatique, appelée station de navi- système pour positionner les implants nécessite la
gation, comprend le système d’exploitation qui permet détermination de deux vecteurs dans chacun des deux

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l’acquisition, l’interprétation et la restitution de toutes référentiels (humérus et implant) (figure 2). Le vecteur
les données pré-, per- et postopératoires. de la tête humérale est dessiné du centre de rotation
– La caméra de localisation 3D, qu’elle soit optique de la tête humérale (COR) vers le milieu de la sur-
ou magnétique, permet le repérage peropératoire en face articulaire de l’humérus. Le vecteur diaphysaire
temps réel des capteurs optiques ou magnétiques posés huméral est dessiné du centre diaphysaire inférieur
sur les différents palpeurs ou corps rigides. (SI) vers le centre diaphysaire supérieur (SS). Ces deux
– Les palpeurs permettent de repérer en peropératoire vecteurs sont calculés dans le référentiel huméral et le
des points sur l’anatomie du patient, d’enregistrer leur référentiel de l’implant. Ils permettent de connaître la
position, créant ainsi des nuages de points permettant position 3D de l’humérus et de l’implant, dans chacun
de définir des axes, des plans ou des formes. des référentiels.
– Les corps rigides sont placés sur chaque partie du – Interaction peropératoire. L’objectif du chirurgien
corps du patient que l’on souhaite repérer, sur les ins- est d’aligner les deux vecteurs représentant l’humérus
truments chirurgicaux ou les implants. Ils sont repérés avec les deux vecteurs représentant l’implant, en temps
en temps réel par le localisateur 3D qui calculera alors réel sur l’interface graphique (figure 3). Cela est réalisé
leurs positions spatiales. Connaissant la position du dans les deux plans coronal et transverse.
Navigation et prothèse totale d’épaule 147

Humérus

Sphère en nylon

A B C

Figure 1. Analyse des données du scanner (d’après [1]). A. Reconstruction 3D de l’humérus avec ses trois sphères de nylon. B. Vue
3D de la numérisation de l’humérus pour déterminer ses caractéristiques anatomiques. C. Vue 3D montrant le recalage d’un cylin-
dre dans le canal médullaire de l’humérus pour calculer l’axe de la diaphyse humérale. De la même manière, une sphère est recalée
sur la tête humérale pour calculer le centre de la tête humérale et le rayon de courbure de la tête humérale.

Vecteur de la tête AP
humérale Les auteurs ont ensuite comparé cette technique
assistée par ordinateur à la technique d’hémiarthoplas-
COR
tie conventionnelle dans une étude cadavérique rando-
misée sur 7 paires d’épaule. Au début de la procédure,
plusieurs caractéristiques anatomiques (tableau 1)
SS ont été mesurées à l’aide du système de repérage. Ces
données ont été considérées comme les valeurs pré-
opératoires permettant la comparaison avec ces mêmes
données acquises en postopératoire, pour évaluer la
Vecteur diaphysaire précision de la reconstruction. Une fracture à 4 frag-
huméral ments de l’extrémité supérieure de l’humérus a alors
été réalisée ; celle-ci a été reconstruite à l’aide d’une
IS prothèse modulaire. La comparaison des différences
entre les données pré- et postopératoires a mis en évi-
dence à la fois une moyenne et une déviation standard
plus faibles, avec la technique d’hémiarthroplastie
assistée par ordinateur. Ces résultats suggérent une
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amélioration de la précision (moyenne) et de la repro-


ductibilité (déviation standard) avec la navigation.
Ces différences entre les données sur l’anatomie native
et reconstruite par hémiarthoplastie sont meilleures,
pour cinq des sept caractéristiques anatomiques, avec
la navigation. Cependant, cette différence n’est statis-
tiquement significative que pour le déport de la tête
humérale (p < 0,05) (figure 4). Les auteurs, cependant,
Figure 2. Définition des deux vecteurs huméraux (d’après [1]). Les concluent que la technique de chirurgie assistée par
deux vecteurs représentés sur l’humérus définissent l’emplace- ordinateur permet une amélioration de la précision et
ment optimal de l’implant huméral. Le vecteur de la tête humérale
de la reproductibilité de la reconstruction anatomique
est entre le centre de rotation de la tête humérale (COR, center
of rotation) et le milieu de la surface articulaire humérale (AP, de l’extrémité supérieure de l’humérus en comparaison
humeral articulation point). Le vecteur diaphysaire huméral est avec les techniques conventionnelles.
entre le centre inférieur de la diaphyse (IS, inferior shaft center) et Utilisant le même système de navigation que Bicknell
le centre supérieur de la diaphyse (SS, superior shaft center). et al., Kedgley et al. [12] ont évalué l’efficacité de la
148 R.T. BICKNELL, G. MOINEAU, P. BOILEAU

Vecteurs de la tête
humérale / l’implant

Vecteurs diaphysaire
huméral / implant

Vue coronale Vue transversale

Figure 3. Interaction temps réel, peropératoire, entre le système de navigation et le chirurgien (d’après [1]). À partir de l’analyse des
données du scanner préopératoire, la localisation planifiée du vecteur de la tête humérale et du vecteur diaphysaire huméral est
donnée à partir de l’anatomie du patient. L’objectif du chirurgien est d’aligner sur l’interface de la station de navigation les deux
vecteurs correspondant (implant et humérus). Il s’agit ici d’un exemple de l’interface de la station de navigation avec les deux vues
coronale et transverse. Les deux vecteurs de la tête de l’implant et de la diaphyse de l’implant sont en gris et les deux vecteurs de
la tête humérale et de la diaphyse humérale sont en blanc, l’objectif étant de les superposer.

Tableau 1 pose d’une hémiarthroplastie avec le système de navi-


Caractéristiques anatomiques de l’humérus proximal mesu- gation, sur la cinématique passive de l’articulation glé-
rées pour évaluer la précision de la restauration de l’anato- nohumérale durant l’abduction [15]. Ils ont réalisé une
mie après prothèse d’épaule par technique conventionnelle
étude randomisée sur 7 paires d’épaules cadavériques
et par navigation
sur lesquelles a été simulée une fracture à 4 fragments
Caractéristiques Abréviations de l’humérus proximal, suivie d’une reconstruction
anatomiques par hémiarthroplastie avec et sans système de navi-
gation. L’abduction glénohumérale passive a alors été

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Angle de version VA évaluée dans le plan de la scapula et la cinématique
de la tête humérale de l’articulation a été enregistrée en utilisant le sys-
Angle d’inclinaison IA tème de repérage 3D de la station de navigation. Des
de la tête humérale systèmes de référentiel 3D, créés à la fois sur l’humé-
rus et sur la scapula par palpation de points anato-
Déport de la tête humérale HO
miques remarquables, sont utilisés pour calculer la
Longueur de l’humérus HL translation du centre de la tête humérale par rapport
à la scapula, dans les directions supéro-inférieure et
Point articulaire médial AP antéropostérieure. Une différence a été retrouvée entre
Position de la grosse GT les mesures sur l’épaule native et après reconstruction
tubérosité par hémiarthroplastie selon la technique standard,
conduisant à une translation postérieure et inférieure
Position de la petite LT
postopératoire de la tête humérale. En revanche,
tubérosité
aucune différence n’est retrouvée entre l’épaule native
Navigation et prothèse totale d’épaule 149

30
Chirurgie assistée par ordinateur (CAO)
Conventionnelle (CT)

DIFFÉRENCE (mm ou degrées)


25

20

15

10

0
VA IA HO HL AP GT LT
MESURES
Figure 4. Mesures des erreurs par rapport à l’anatomie normale après reconstruction prothétique (d’après [1]). Sept caractéristi-
ques de l’anatomie de l’humérus ont été mesurées pour quantifier l’erreur par rapport à l’anatomie normale après reconstruction
par hémiarthroplastie. L’erreur moyenne et sa déviation standard sont données pour les deux techniques de reconstruction prothé-
tique (conventionnelle et sous navigation). Pour le sens des abréviations, voir le tableau 1. TRANSLATION SUPÉRO-INFÉRIEUR (mm)
TRANSLATION ANTÉRO-POSTÉRIEUR (mm)

25

15
20

10 15
Inférieur
Postérieur

5 10

0 5

−5 0
30 40 50 60 70
30 40 50 60 70
ANGLE D’ ÉLÉVATION (degrées)
ANGLE D’ ÉLÉVATION (degrées)
CAO
CAO CT
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CT
Figure 6. Translation supéro-inférieure de la tête humérale
Figure 5. Translation antéropostérieure de la tête humérale (d’après [12]). Représentation de la variation de translation
(d’après [12]). Représentation de la variation de translation (moyenne ± 1 DS) supéro-inférieure après reconstruction pro-
(moyenne ± 1 DS) antéropostérieure après reconstruction pro- thétique par rapport à celle de la tête humérale intacte à 30°,
thétique par rapport à celle de la tête humérale intacte à 30°, 40°, 50°, 60° et 70° d’abduction passive.
40°, 50°, 60° et 70° d’abduction passive.

et après hémiarthroplastie réalisée à l’aide de la navi- Navigation du composant


gation (figures 5 et 6). Pour ces auteurs, la technique glénoïdien
de navigation permet de restituer une cinématique
passive de l’articulation glénohumérale plus proche de Nguyen et al. ont décrit une technique de chirurgie
celle de l’épaule native que la technique chirurgicale assistée par ordinateur pour la pose de composant
conventionnelle. glénoïdien [16]. Ils utilisent un système utilisant un
150 R.T. BICKNELL, G. MOINEAU, P. BOILEAU

scanner préopératoire avec un recalage peropératoire imagerie (ne nécessitant pas de scanner préopératoire)
similaire à celui de Bicknell et al. pour le composant pour réaliser une prothèse d’épaule chez 27 patients.
huméral [1]. Ils utilisent un système de repérage per- Ils utilisent un dispositif de repérage appliqué sur l’hu-
mettant de guider la position des fraises ou des mèches mérus et l’apophyse coracoïde, un palpeur sur lequel
par rapport aux données de l’anatomie de la glène sont placés des capteurs afin de réaliser l’acquisition
obtenues à partir du scanner préopératoire (figure 7). de points et de surfaces permettant de reconstruire
Leur méthode de recalage, fondée sur l’anatomie de la les caractéristiques anatomiques de l’humérus proxi-
scapula, ne nécessite cependant pas la pose de points mal et de la glène. La coupe de la tête humérale et la
remarquables comme la technique de Bicknell et al. Ils préparation de la glène sont réalisées avec un contrôle
ont comparé, sur une étude cadavérique, ce système permanent peropératoire de la position des différents
de navigation à la chirurgie conventionnelle. Ils ont instruments par rapport à l’anatomie du patient. Ils
montré que le système de navigation permettait un ont démontré que ce système de navigation est sûr et
positionnement plus précis de l’implant glénoïdien à la précis pour la pose de prothèse d’épaule.
fois en termes de version et d’inclinaison. Ils concluent
donc que leur système permet un positionnement de
l’implant glénoïdien plus précis et plus reproductible Conclusion
qu’avec une technique classique.
Stindel et al. [19] décrivent quant à eux un système L’utilisation de systèmes de navigation pour la pose de
de navigation de la glène développé par un groupe de prothèse d’épaule n’en est qu’à ses débuts. Plusieurs
chirurgien français. Ce système est également à base auteurs ont montré que l’arthroplastie d’épaule navi-
scanner ; il nécessite un temps de recalage peropéra- guée permet d’améliorer la précision et la reproductibi-
toire par palpation de points et de zones remarqua- lité de la reconstruction anatomique de l’humérus et de
bles. Ce système permet ensuite de guider le fraisage, la glène [1,16]. Cela est d’autant plus important qu’il
sa profondeur, mais aussi la direction des 4 vis lors de a été montré que cette restauration anatomique après
la pose de la métaglène des prothèses d’épaule inver- prothèse d’épaule améliore la mobilité et le résultat
sées (figure 8). L’auteur décrit la technique chirurgicale fonctionnel postopératoires, tout en diminuant le risque
sans donner les résultats cliniques ou radiographiques d’instabilité et de descellement prothétiques. En outre,
des premiers patients opérés. la reproductibilité d’une reconstruction anatomique est
particulièrement importante en chirurgie prothétique
Application clinique de l’épaule car, comme l’ont montré Hasson et al., seu-
lement 3 % des chirurgiens orthopédistes réalisent au
Les premiers résultats cliniques de prothèse d’épaule moins 10 prothèses d’épaule par an. En comparaison,
assistée par ordinateur ont été publiés par Edwards plus de 40 % des chirurgiens orthopédistes réalisent au
et al. [5]. Ils ont utilisé un système de navigation sans moins 10 prothèses de hanche et de genou par an [9].

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Figure 7. Ancillaire spécifique de navigation : guide de méchage et de fraisage glénoïdien (d’après [16]). Une instrumentation
spécifique a été développée pour guider à la fois le méchage et le fraisage de la surface glénoïdienne.
Navigation et prothèse totale d’épaule 151

Figure 8. Navigation de la vis supérieure d’une métaglène. Sur les différentes coupes et la vue 3D est représentée la visée de la vis
supérieure (trait noir). Sur ce trajet est représentée une échelle permettant de calculer la longueur de la vis. La navigation du plot
central et des 4 vis est réalisée selon le même principe.

D’autres auteurs ont montré que cette amélioration de ses d’épaule confirment le caractère sécurisant et précis
la restauration de l’anatomie avec des systèmes de navi- de la technique [5]. Dans un futur proche, ces systèmes
gation permet de reproduire de manière plus fiable la de navigation de prothèse d’épaule pourraient être un
cinématique normale de l’articulation glénohumérale moyen de formation des chirurgiens les moins expéri-
[12]. Enfin, les premiers résultats cliniques de cette mentés et pourraient faciliter le développement de tech-
chirurgie assistée par ordinateur appliquée aux prothè- niques mini-invasives.

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152 R.T. BICKNELL, G. MOINEAU, P. BOILEAU

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153

Prothèse totale d’épaule inversée :


principes biomécaniques, concept
et évolution
The reverse shoulder prosthesis: biomechanical
principles, concept and evolution

P. BOILEAU, F. BALG

RÉSUMÉ SUMMARY
Le concept de prothèse totale d’épaule inversée proposé par The reverse prosthesis designed by Paul Grammont allows to offer
Paul Grammont a permis d’offrir une véritable solution chirur- a true surgical option for patients with a deficient or destroyed
gicale pour les épaules à coiffe déficiente ou détruite. Alors que rotator cuff. Two major innovations have led to the success of
les autres prothèses inversées avaient toutes échoué au préala- the Grammont prosthesis where previous ball-and-socket pros-
ble deux innovations majeures permettent d’expliquer le succès theses have failed: (1) on the glenoid side, a large glenoid hemis-
de cette prothèse : 1) du côté glénoïdien, un large hémisphère phere with no neck and placed directly on the glenoid surface;
métallique sans col, placé au contact direct de la surface glé- (2) on the humeral side, a small humeral cup almost horizontally
noïdienne ; 2) du côté huméral, une cupule en polyéthylène oriented with a nonanatomic inclination of 155°, covering less
couvrant moins de la moitié de l’hémisphère, orientée avec une than half of the glenosphere. This original design medializes and
inclinaison non anatomique de 155°. Ce dessin original permet stabilizes the center of rotation, minimizes torque on the glenoid
d’obtenir un centre de rotation fixe et localisé au niveau de la component, stabilizes the prosthesis and helps in recruiting more
surface glénoïdienne, ce qui a pour effet de minimiser les forces fibers of the anterior and posterior deltoid to act as abductors.
de descellement au niveau glénoïdien, de stabiliser la prothèse Furthermore, the humerus is lowered relative to the acromion,
et d’améliorer la puissance du deltoïde. Le dessin de la prothèse restoring and even increasing deltoid tension. The Grammont
entraîne un abaissement relatif de l’humérus par rapport à l’acro- reverse prosthesis imposes a new biomechanical environment for
mion, ce qui restaure et même augmente la tension des fibres the deltoid muscle to act, thus allowing it to compensate for the
musculaires du deltoïde. La médialisation et l’abaissement de deficient rotator cuff muscles and thus to restore active eleva-
l’humérus permettent au deltoïde de compenser l’absence de tion. However, not all problems are solved: the reverse prosthesis
muscles de la coiffe de rotateurs et ainsi de restaurer l’élévation restores active elevation in patients with a cuff-deficient shoul-
antérieure. Pour autant, tous les problèmes ne sont pas solution- der, but rotations often remain limited, and may even be dimi-
nés : si la prothèse de Grammont restaure l’élévation active dans nished post-operatively. Prosthetic instability, humeral concerns
les épaules à coiffe déficiente, elle ne permet pas de restaurer (lysis of the tuberosities, disassembly, loosening), scapular wear
les rotations qui peuvent même être diminuées en postopéra- (notching) and polyethylene wear due to the impingement of the
toire. L’instabilité prothétique, les problèmes huméraux (lyse des humeral cup on the scapular neck are complications observed
tubérosités, dévissage, descellement), l’érosion (ou encoche) du with this type of prosthesis, and explain the current evolution
pilier de la scapula avec usure du polyéthylène par conflit médial towards technical or technological modifications.
os-prothèse sont des complications possibles observées avec ce
type d’implant. Ceci explique les évolutions actuelles qui se font
vers des modifications techniques ou technologiques.

Mots clés : Épaule. – Prothèse inversée. – Biomécanique. – Concept. Key words: Shoulder. – Reverse prosthesis. – Biomecanics. – Concept.

Prothèses d’épaule. État actuel


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154 P. BOILEAU, F. BALG

Introduction direction supérieure du deltoïde en un mouvement rota-


toire, rendant possible l’élévation active. Les premières
Alors que le concept de prothèse anatomique, non prothèses contraintes développées dans les années 1970
contrainte, a été largement accepté, celui de prothèse étaient dérivées des prothèses de hanche : prothèses de
non anatomique, contrainte ou semicontrainte, a été Bickel, de McNab-English, de Stanmore, de Michael
beaucoup plus difficile à accepter par les chirurgiens Reese et Bipolar [10,28]. Malheureusement, ces pro-
à cause des échecs des premières prothèses contraintes thèses contraintes ont rapidement abouti à des descelle-
proposées dans les années 1970 [3,4,9,17,27,31,36]. ments prothétiques et ont toutes été abandonnées.
En 1985, Paul Grammont a proposé une prothèse De ce fait, les prothèses d’épaule non contraintes
d’épaule inversée pour les épaules à coiffe déficiente ont longtemps constitué une option chirurgicale clas-
pour lesquelles les prothèses anatomiques ne permet- sique malgré leurs résultats modestes voire mauvais
taient pas de solutionner le double problème de res- [1,19,34,38,40,41,43]. Si les prothèses totales d’épaule
tauration de la stabilité et de la mobilité [21,22]. Cette ont rapidement été abandonnées à cause des contrain-
prothèse, largement utilisée en France depuis 1991, tes en cisaillement excessives aboutissant à des descelle-
gagne maintenant de la popularité à travers l’Europe ments glénoïdiens (phénomène du « cheval à bascule »)
et les États-Unis [2,6,8,12,13,16,23,25,33,37,39,40]. [20], les hémiarthroplasties sont longtemps restées l’op-
Cet article fait le point sur le dessin, le concept et tion recommandée pour traiter ces épaules arthrosiques
les principes biomécaniques qui ont permis le succès à coiffe détruite. Malgré tout, leurs résultats étaient peu
de la prothèse d’épaule inversée proposée par Paul ou pas prévisibles en termes de mobilité et de soulage-
Grammont. Nous rapportons également les problèmes ment de la douleur. C’est ce qui a conduit Charles Neer
incomplètement solutionnés par cette prothèse ainsi à proposer le terme de « prothèses à but limité » pour
que les complications mécaniques observées avant qualifier ces hémiarthroplasties dans les épaules à coiffe
d’aborder les évolutions techniques et technologiques. déficiente : elles permettaient de restaurer les rotations
et de diminuer les douleurs, mais ne permettaient pas
de restaurer l’élévation active. De plus, même lorsque le
Le problème des épaules à coiffe résultat fonctionnel initial était satisfaisant, des détério-
détruite ou déficiente rations secondaires étaient observées à cause d’érosion
osseuse de la glène et/ou de l’acromion [16,38].
Le traitement chirurgical des patients présentant une L’idée d’une prothèse d’épaule inversée n’est pas
épaule avec une coiffe des rotateurs détruite ou défi- neuve et dans les années 1970, un certain nombre de
ciente (avec ou sans arthrose) a longtemps constitué prothèses inversées ont été développées dans différents
un problème difficile et insoluble pour les chirurgiens pays : prothèse de Gérard et Lannelongue en France,
[30,44]. Alors que dans une épaule normale, il existe prothèse de Kessel, de Liverpool en Angleterre, pro-
un équilibre entre les forces ascendantes du deltoïde thèse de Kölbel en Allemagne, prothèses de Fenlin, de
et les forces descendantes des muscles de la coiffe des Neer et Averyl aux États-Unis [3,9,17,24,31]. La plu-
rotateurs, permettant de stabiliser le centre de rotation, part de ces prothèses sont restées au stade expérimen-
cet équilibre est rompu lorsque la coiffe des rotateurs tal et aucune d’entre elles n’est plus commercialisée
est absente [35]. Ce déséquilibre musculaire aboutit à aujourd’hui. Dans la littérature, on retrouve seulement
une articulation non fonctionnelle à cause de l’instabi- deux séries publiées rapportant les résultats de la pro-

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lité du centre de rotation, de la migration proximale de thèse de Kessel. Bayley et Kessel ont rapporté une série
la tête humérale et de la rétraction du deltoïde devenu de 31 prothèses inversées de Kessel, dont 26 étaient
impuissant à lever le bras en l’absence de coiffe des encore en place lors de la revue (mais le recul n’était
rotateurs. La question à laquelle étaient confrontés les pas précisé). Cinq prothèses (16 %) ont été considérées
chirurgiens dans les années 1970 n’était donc pas sim- comme des échecs et 3 parmi les 5 complications étaient
ple : comment restaurer l’élévation active du bras en dues à des luxations [3]. Borström et al. ont rapporté
cas d’épaule pseudoparalytique ? Autrement dit, com- une série de 23 prothèses de Kessel suivies pendant
ment résoudre un problème d’insuffisance musculaire 7 ans : l’amélioration sur la douleur était bonne dans
par l’intermédiaire d’une prothèse ?… 90 % des cas mais le gain en élévation active était faible
Initialement, les prothèses d’épaule contraintes sont (35°) et le taux de réopération élevé (26 %), essentielle-
apparues comme une solution logique pour traiter les ment pour descellement glénoïdien [9].
épaules à coiffe détruite ou déficiente. L’idée était de La question qui vient alors à l’esprit est la suivante :
fournir un centre de rotation fixe au niveau de la scapula si toutes les prothèses inversées ont échoué, pourquoi
et d’essayer de convertir les forces du cisaillement de n’est-ce pas le cas de la prothèse de Grammont ? En
Prothèse totale d’épaule inversée : principes biomécaniques, concept et évolution 155

Figure 1. Exemple de modèle de prothèse d’épaule inversée


ayant échoué à cause d’un dessin inadapté : la petite tête avec
col prothétique entraîne une latéralisation du centre de rotation
(en dehors de la scapula) et la prothèse est trop contrainte.

Figure 2. Le premier modèle de prothèse inversée dessiné par


d’autres termes, en quoi la prothèse de Grammont est- Paul Grammont en 1985 comportait deux composants : un
elle différente des autres prothèses inversées ?… implant glénoïdien métallique (deux tiers de sphère) et une
En fait, toutes les prothèses inversées proposées avant tige humérale en polyéthylène (en trompette).
celle de Paul Grammont ont échoué parce que leur
dessin et leur concept ne permettaient pas de répon-
dre au cahier des charges sur le plan biomécanique. La était conçu pour être cimenté du côté huméral et du côté
plupart d’entre elles comportaient une tête sphérique glénoïdien (figure 2). Le composant glénoïdien sphéri-
avec un col implanté dans la scapula, s’articulant avec que était soit en inox, soit en céramique : initialement,
une cupule humérale enveloppante et très contrainte deux tiers de sphère avec un diamètre de 42 mm. Il était
(figure 1). Que la tête prothétique scapulaire soit petite dessiné pour venir s’encastrer sur la glène et pour être
ou grande, le principal défaut est que le centre de rota- fixé avec du ciment. L’implant huméral était une cupule
tion se trouvait en dehors de la scapula. L’autre défaut en polyéthylène prolongée d’une courte tige. Sa surface
est que la cupule humérale était trop enveloppante et concave représentait un tiers de sphère et sa tige était
donc, trop contrainte. Ce type de dessin, ne médiali- en forme de trompette destinée à être cimentée dans le
sant pas le centre de rotation et n’abaissant pas l’hu- canal médullaire. Une « scie-cloche » était utilisée pour
mérus, ne permettait ni de pallier l’absence de muscles préparer la glène et deux fraises étaient employées pour
de la coiffe des rotateurs, ni de diminuer les contraintes préparer l’humérus, l’une pour la partie épiphysaire et
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glénoïdiennes. Ces premières prothèses d’épaule inver- l’autre pour la partie diaphysaire.
sées se sont soldées par de fréquents échecs à cause Les résultats préliminaires ont été publiés en 1987
des contraintes excessives au niveau de l’implant glé- [21] à propos de 8 cas : 3 cas de nécrose postradio-
noïdien aboutissant à leur descellement ; de plus, elles thérapie, 1 cas d’ostéoarthrite inflammatoire et 4 cas
permettaient rarement une élévation active au-dessus de révision après échec de prothèse non contrainte.
de l’horizontale et elles étaient souvent instables mal- L’âge moyen des patients était de 70 ans et la coiffe
gré leur caractère très contraint. des rotateurs était absente ou détruite dans tous les
cas. Le recul moyen était seulement de 6 mois. Toutes
les épaules ont présenté une amélioration au niveau de
Le dessin de la prothèse inversée la douleur, mais la mobilité était très variable. Dans
de Grammont 3 cas, l’élévation active était évaluée à 110–130°, mais
dans 3 autres cas elle était inférieure à 60°. Ces mau-
Le premier modèle de prothèse inversée dessiné par vais résultats initiaux étaient dus en grande partie à la
Grammont en 1985 comportait deux composants et voie d’abord transacromiale utilisée par Grammont,
156 P. BOILEAU, F. BALG

Figure 3. La prothèse inversée Delta™


(Depuy, USA) comporte cinq parties : la
métaglène, la glénosphère (demi-sphère),
la cupule humérale en polyéthylène, la tige
et le col.

avec ostéotomie du bord latéral de l’acromion : une


pseudarthrose de l’acromion est survenue dans 3 cas et
a nécessité une reprise chirurgicale pour ostéosynthèse
itérative.
Non satisfait de ces premiers résultats, Grammont a
proposé plusieurs modifications pour essayer d’amé-
liorer son premier modèle de prothèse inversée. Ayant
observé plusieurs échecs de son implant glénoïdien
cimenté, il a décidé de changer le mode de fixation
en adoptant un système de glénosphère non cimentée,
fixée par un plot central et des vis divergentes destinées
à s’opposer aux forces initiales de cisaillement [22].
Il a également abandonné l’idée d’avoir deux tiers de
sphère et a opté pour un dessin basé sur une demi-
sphère afin de placer directement le centre de rotation
en contact avec la surface glénoïdienne, ce qui a pour Figure 4. L’assemblage triangulaire et divergent de la prothèse
effet de diminuer le bras de levier latéral de l’articu- avec les vis a été conçu pour contrecarrer les forces de cisaille-
lation glénohumérale et ainsi de réduire les forces de ment en début d’élévation et d’abduction.
cisaillement.
Ce second modèle de prothèse inversée, la prothèse pilier de l’omoplate. Comme cela a été précisé précé-
Delta™ (Depuy), commercialisée depuis 1991, est tou- demment, l’assemblage triangulaire et divergent de la
jours utilisé aujourd’hui. Grammont a baptisé cette prothèse avec les vis a été conçu pour s’opposer aux

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prothèse « Delta » pour mettre en exergue le fait que forces de cisaillement en début d’élévation et d’abduc-
le dessin de l’implant permet au seul muscle deltoïde tion (figure 4).
d’assurer à la fois la mobilité et la stabilité de l’épaule. La glénosphère en chrome-cobalt est disponible en
Alors que la fixation de l’implant glénoïdien est non deux diamètres, 36 et 42 mm. Initialement, la fixation
cimentée, elle peut être cimentée ou non pour l’im- de la sphère sur la métaglène se faisait par un vissage
plant huméral. La prothèse Delta™ III comporte cinq périphérique (style « sonnette de vélo »), mais ce méca-
parties : la métaglène, la glénosphère, la cupule humé- nisme avait tendance à se dévisser, en particulier pour
rale en polyéthylène, le col et la tige (figure 3). les épaules droites [13]. En 1996, la fixation entre la
La métaglène est un disque de 29 mm de diamètre glénosphère et la métaglène a été changée pour un
avec une surface rugueuse recouverte d’hydroxyapa- système de cône morse périphérique renforcé par une
tite. La fixation initiale est assurée par un plot cen- vis centrale, ce qui a permis d’éliminer le problème de
tral de 16 mm de long et quatre vis divergentes, de dévissage prothétique.
diamètre 3,5 ou 4,5 mm. L’objectif est de placer une La tige humérale est conique et sa surface est soit
vis dans le pied de la coracoïde et une autre dans le polie, soit recouverte d’hydroxyapatite pour une fixa-
Prothèse totale d’épaule inversée : principes biomécaniques, concept et évolution 157

tion avec ou sans ciment. Elle est disponible en trois lon- Principes biomécaniques
gueurs : 100 mm pour la tige standard, 150 et 180 mm
pour les tiges de révision. La pièce épiphysaire (ou col) de la prothèse inversée
est vissée sur la tige humérale. Il existe un aileron pour de Grammont
contrôler la rotation avec des orifices pour réaliser la
synthèse des tubérosités en cas de fracture. Comme la Le concept de la prothèse inversée de Paul Grammont
tige, le col est disponible en version cimentée polie, ou constitue une étape majeure dans le domaine de la
en version non cimentée, avec une surface recouverte chirurgie de l’épaule, car il est totalement différent de
d’hydroxyapatite. La cupule en polyéthylène, comme ce qui avait été proposé jusqu’alors [5]. Contrairement
la glénosphère, est disponible en deux diamètres : 36 et aux premières prothèses inversées, la prothèse de
42 mm. La cupule en polyéthylène, fixée à frottement Grammont a introduit deux innovations majeures :
dur sur le col prothétique, mesure 6 mm d’épaisseur. Un 1) au niveau glénoïdien, un large hémisphère métallique
rehausseur métallique de 9 mm d’épaisseur peut être sans col, posé directement sur la surface glénoïdienne ;
vissé sur la pièce épiphysaire pour augmenter le bras 2) au niveau huméral, une cupule en polyéthylène non
de levier huméral. La cupule humérale est également enveloppante (représentant moins d’un tiers de sphère)
disponible dans sa forme contrainte, plus creusée. orientée avec une inclinaison non anatomique de 155°.
Les prothèses Delta™ I et Delta™ II représentent les Ce dessin permet d’obtenir un centre de rotation fixe,
versions non contraintes de la prothèse Delta™ III. Les abaissé et médialisé, relativement stable, qui améliore
trois prothèses partagent la même tige et le même col. la puissance du muscle deltoïde tout en minimisant les
La prothèse Delta™ I est une hémiarthroplastie qui forces de descellement au niveau glénoïdien. De plus,
peut être convertie à partir de la Delta™ III en ajoutant l’abaissement relatif de l’humérus par rapport à l’acro-
une tête métallique sur le col, tandis que la prothèse mion restaure (et probablement augmente) la tension
Delta™ II est une prothèse totale avec un implant en des fibres du deltoïde. Cette mise en tension des fibres
polyéthylène à la place de la glénosphère. Le dessin du deltoïde, associée à la médialisation, permet à ce
de la prothèse Aequalis™ Reversed (Tornier) est basé muscle de compenser l’absence des muscles de la coiffe
sur le même concept que celui proposé par Grammont de rotateurs (figure 5).
avec quelques améliorations : métaglène et vis en titane
(au lieu d’être en inox) laissant espérer une meilleure
adhésion osseuse, vis inférieures et supérieures auto- Médialisation du centre
bloquantes à orientation variable (au lieu d’être fixes), de rotation
cupules humérales d’épaisseur variable (6, 9, 12 mm)
permettant une tension optimale du deltoïde, système Nous avons mesuré le déplacement du centre de rotation
d’ergot antirotation entre le col et la tige (pour éviter en utilisant une méthode radiologique comparable à celle
les dévissages rapportés dans la littérature) [15]. employée par Sirveaux et al. [5,39]. La médialisation
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Figure 5. La prothèse inversée entraîne un abais-


sement et une médialisation de l’humérus ; ceci
permet au seul muscle deltoïde d’obtenir une élé-
vation du bras malgré l’absence ou la déficience
de la coiffe des rotateurs.
158 P. BOILEAU, F. BALG

moyenne du centre de rotation après implantation de


la prothèse de Grammont est de 19 mm ± 9,9 (inter-
valle de confiance [IC] à 95 % : 15,0–23). Le centre
de rotation est peu abaissé, d’une distance moyenne de
3,7 mm ± 9,2 (IC 95 % : 0,5–6,9).

Abaissement de l’humérus
Bien que l’abaissement du centre de rotation soit minime
(3,7 mm), l’abaissement huméral, lui, est important
à cause de l’inclinaison humérale très horizontale de
l’implant huméral (155°). Nous avons mesuré l’abais-
sement de l’humérus en mesurant l’allongement relatif
du membre supérieur par rapport au côté opposé avec
le coude fléchi en utilisant un pied à coulisse [5]. La Figure 6. Le large diamètre de la glénosphère (36 ou 42 mm)
distance entre le sommet de l’acromion et l’olécrâne en autorise davantage d’excursion de la cupule humérale autour de
position coude fléchi a augmenté de 15 mm (± 11 mm en la tête prothétique, favorisant ainsi la mobilité glénohumérale.
moyenne (IC 95 % : 10–18 mm). C’est cet abaissement
huméral qui permet de retendre les fibres musculaires
du deltoïde. L’abaissement et la médialisation de l’hu-
mérus modifient le contour de l’épaule des patients ont abouti aux échecs des premières prothèses d’épaule
porteurs d’une prothèse inversée. inversées [5,21].
La mobilité articulaire est hautement favorisée par
En résumé, les principes qui sous-tendent le concept le large diamètre de la tête prothétique (36 ou 42 mm)
de la prothèse de Grammont sont les suivants : qui autorise davantage d’excursion de la cupule humé-
– un centre de rotation fixe avec des surfaces congruen- rale autour de la demi-sphère glénoïdienne comparée
tes (rayons de courbure identiques), ce qui permet de à une petite tête prothétique (figure 6).
stabiliser l’articulation et de compenser les muscles de La stabilité articulaire est assurée par l’inversion du
la coiffe déficients ou détruits ; mécanisme de l’épaule : le placement de la sphère du
– un centre de rotation médialisé situé au niveau de côté glénoïdien transforme rapidement (au-delà de
l’interface os-prothèse, ce qui permet : 45°) les forces de cisaillement en forces compressives.
• de réduire les contraintes au niveau de la fixation La stabilité est également assurée par le large diamètre
de la glène ; de la tête prothétique ; ceci est bien connu au niveau
• d’améliorer le bras de levier du deltoïde. de la hanche, où une grosse tête prothétique est plus
– un abaissement et une médialisation de l’humérus stable qu’une petite tête de 22 mm (figure 7).
par rapport à l’acromion et à la glène, ce qui permet : La force du deltoïde est augmentée de deux manières :
• de retendre les fibres du deltoïde (et d’augmenter – dans le plan vertical, le moment d’action du deltoïde
la composante abductrice) ; moyen est amélioré par l’augmentation combinée du

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• d’augmenter la participation du deltoïde antérieur bras de levier et de la composante abductrice du mus-
et du deltoïde postérieur à l’abduction/élévation. cle (moment = bras de levier × force). L’abaissement
huméral augmente la force du deltoïde moyen tan-
dis que sa médialisation augmente son bras de levier
(figure 8). L’augmentation du bras de levier a été cal-
Avantages biomécaniques culée par Grammont sur un simulateur : une médiali-
de la prothèse inversée sation de 10 mm du centre de la sphère augmente le
de Grammont moment d’abduction du deltoïde moyen de 20 % à
60°. De la même manière, un déplacement inférieur de
Le dessin de la prothèse de Grammont lui confère des 10 mm du centre de la sphère sur la glène augmente
avantages indéniables en termes de mobilité, de stabi- le moment d’abduction du deltoïde moyen de 30 % à
lité, de mouvement du deltoïde tout en minimisant les 60° [22]. L’allongement des fibres du deltoïde est de
contraintes sur la fixation de l’implant glénoïdien qui 160 % [14] ;
Prothèse totale d’épaule inversée : principes biomécaniques, concept et évolution 159

Figure 7. Le large diamètre de la glénosphère


favorise également la stabilité prothétique.

clinique. Les différentes séries de prothèses Delta™


publiées montrent que les résultats sont satisfaisants,
au moins à court et à moyen terme [2,6,8,12,13,16,
23,25,33,37,39,40,42]. Toutes les séries concernant
les omarthroses excentrées confirment que la pro-
thèse de Grammont permet de restaurer une élévation
active au-dessus de l’horizontale malgré l’absence de
coiffe des rotateurs. Avec un recul compris entre 2 et
7 ans, les descellements glénoïdiens sont rares et le
taux de réopération compris entre 0 et 15 %. Notre
propre expérience clinique rejoint celle des différents
auteurs [5,6].

Figure 8. Le moment d’action du deltoïde est amélioré par


l’augmentation combinée du bras de levier et de la composante Problèmes non solutionnés
abductrice du muscle. avec la prothèse de Grammont
Tension du deltoïde et instabilité
– dans le plan horizontal, la participation du deltoïde potentielle
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antérieur et postérieur à l’abduction/élévation est aug-


mentée [5,26]. La médialisation du centre de rotation Selon Paul Grammont, une radiographie de face avec
recrute davantage de fibres du deltoïde pour l’éléva- le bras le long du corps permet de distinguer deux
tion (figure 9). types différents de décoaptation de la prothèse inversée
Les contraintes sur l’implant glénoïdien sont nette- [21,22]. Une décoaptation supérieure (asymétrique)
ment diminuées par le fait que le centre de rotation est considérée comme normale : elle est probablement
siège au niveau de l’interface entre la glène et la glénos- due au conflit entre la cupule humérale sur le rebord
phère (figure 10). Bien que des contraintes en cisaille- inférieur de la scapula (selon le même mécanisme que
ment soient inévitables en début d’élévation active, ces celui produisant l’encoche scapulaire). Normalement,
contraintes deviennent rapidement compressives au cette décoaptation supérieure se réduit quand le del-
fur et à mesure que le mouvement progresse. toïde moyen se contracte lors de l’élévation du bras.
Le concept biomécanique de la prothèse inversée Une décoaptation globale se traduit par un espace
de Grammont a été largement validé par l’expérience élargi entre la glénosphère et la cupule humérale ; ceci
160 P. BOILEAU, F. BALG

Figure 9. Dans le plan vertical, l’abaissement de l’humérus permet de


surtendre les fibres du deltoïde et d’augmenter sa puissance (A) tandis
que dans le plan horizontal, la médialisation de l’humérus permet de
recruter davantage de fibres musculaires du deltoïde antérieur et pos-
térieur lors de l’abduction (B).

CR
CR

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Figure 10. Avec la prothèse de Grammont, les


contraintes sur l’implant glénoïdien sont nette-
ment diminuées par le fait que le centre de rota-
tion siège au niveau de l’interface entre la glène
et la glénosphère.
Prothèse totale d’épaule inversée : principes biomécaniques, concept et évolution 161

Figure 11. Une décoaptation supérieure asymétrique de la prothèse inversée peut être considérée comme normale, car elle se réduit
habituellement lors de l’abduction. En revanche, une décoaptation globale est anormale ; elle est due à une tension insuffisante du
muscle deltoïde et peut entraîner une instabilité prothétique.

est totalement anormal, traduisant une tension insuf- omarthroses excentrées et 20 à 30 % dans les reprises
fisante du muscle deltoïde avec risque d’instabilité de prothèses, les séquelles de fracture et les tumeurs
(figure 11). [6,12,13,16,23,25,33,37,39,40,42]. L’instabilité pro-
La détermination peropératoire de la tension du thétique est plus fréquente dans les cas de chirurgie de
deltoïde est difficile et ne peut être guidée que par révision et les séquelles de fracture à cause de la perte
l’expérience chirurgicale. Les facteurs prédictifs de la osseuse épiphysaire (qui rend difficile le positionne-
stabilité prothétique sont : ment en hauteur de l’implant), de l’absence de tendons
– la restauration de la longueur humérale par le place- de la coiffe et de la fréquente atrophie ou destruction
ment de la cupule au sommet du trochiter ; du deltoïde antérieur.
– la réduction prothétique « à frottement dur » (le tendon En cas d’instabilité prothétique, il faut essayer
conjoint doit être tendu lorsque le coude est en extension d’augmenter le bras de levier de façon à restaurer la
et légèrement relâché lorsque le coude est fléchi) ; tension du deltoïde dans le plan vertical et/ou dans
– la réinsertion du sous-scapulaire sur l’humérus. le plan horizontal. Ceci peut être fait en suspendant
L’instabilité prothétique peut être secondaire à une la prothèse en hauteur, en augmentant l’épaisseur du
tension insuffisante du deltoïde et/ou à un conflit médial polyéthylène ou en insérant un rehausseur métallique
entre la cupule humérale et le pilier de la scapula. Elle mais aussi en augmentant la taille de la glénosphère
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est aussi facilitée par la médialisation de l’humérus (en mettant en place une glénosphère de diamètre 42 à
entraînant un relâchement des muscles de la coiffe des la place d’un diamètre de 36 mm), ce qui permet une
rotateurs. L’instabilité prothétique est moins fréquente certaine latéralisation.
lorsque la prothèse est insérée par voie supérolatérale D’un autre côté, une tension excessive du deltoïde
transdeltoïdienne, probablement parce que la capsule peut entraîner une fracture de l’acromion, particuliè-
et le muscle sous-scapulaire ne sont pas détachés ou rement chez les patients qui présentent une ostéopo-
seulement partiellement. La fréquente constitution d’un rose sévère avec déjà un acromion érodé ou fragmenté.
hématome au niveau de l’espace mort sous-acromial Ces fractures de l’acromion peuvent être considérées
peut aussi participer à cette instabilité. C’est pourquoi comme des « fractures de fatigue ». Notre expérience
la mise en place d’un drain est recommandée après la nous a montré que la plupart de ces patients ne se sou-
mise en place d’une prothèse inversée. viennent pas d’un traumatisme particulier et que ces
L’instabilité prothétique est un problème, dont fractures sont asymptomatiques et ne compromettent
la fréquence est comprise entre 0 et 8 % dans les habituellement pas le résultat fonctionnel.
162 P. BOILEAU, F. BALG

Encoche de la scapula et usure


du polyéthylène
Dans toutes les séries de la littérature, on observe la
présence d’érosion osseuse (ou encoche) au niveau du
pilier de la scapula dans au moins la moitié a deux
tiers des cas [2,6,8,11,12,13,16,23,25,33,37,39,40,42].
Nous avons réalisé des observations sous radioscopie
qui ont montré que l’encoche scapulaire est due au
contact médial de la cupule humérale contre le pied de
la scapula dans la position d’adduction du bras, mais
que les rotations jouent également un rôle, en particu-
lier à la partie postérieure. D’un point de vue biomé-
canique, ce conflit médial est la conséquence directe de
l’absence de col prothétique au niveau de la glénosphère Figure 13. Usure médiale du polyéthylène observée sur une
et de l’abaissement huméral (figure 12). Quoi qu’il en prothèse humérale explantée à cause du conflit médial avec
soit, l’encoche scapulaire ne semble pas avoir de retentis- la scapula.
sement fonctionnel sur les résultats cliniques en dehors
d’une amélioration de l’adduction [29].
L’usure du polyéthylène, observée sur certains implants humérale ont été les solutions mécaniques trouvées par
retirés, est également secondaire au conflit entre la cupule Paul Grammont pour lutter contre les forces excessives
humérale et le pilier de la scapula (figure 13). Ceci est sur l’implant glénoïdien et améliorer le bras de levier du
préoccupant, particulièrement lorsque l’encoche est plus deltoïde. En contrepartie, l’encoche scapulaire et l’usure
importante que ne permet de l’expliquer le conflit isolé. du polyéthylène semblent être le « prix à payer ». En fait,
Ceci signifie qu’il existe dans certains cas une ostéolyse l’amélioration de la technique chirurgicale permet de
initiée par les débris de polyéthylène [32]. minimiser ces problèmes de conflit médial (figure 14).
En résumé, le placement du centre de rotation au niveau Afin d’éviter l’encoche de la scapula, Nyffeler a proposé
de la surface de la glène et l’horizontalisation de la cupule d’implanter la métaglène le plus bas possible (tangente
au bord inférieur de la glène) de façon à ce que la sphère
déborde de quelques millimètres le bord inférieur de la
glène. Nous y associons un léger tilt inférieur de 10° de
façon à s’opposer aux forces de cisaillement sur l’im-
plant glénoïdien et à offrir un plus grand diamètre de
sphère à la cupule humérale, ce qui peut aussi contribuer
à l’amélioration des rotations [6,23,33].

Absence ou déficit des rotations


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Comme cela a été démontré dans plusieurs séries cli-
niques, la prothèse de Grammont améliore l’élévation
active et l’abduction au-dessus de l’horizontale, mais
elle ne restaure pas ou peu les rotations externes et
internes [6,8,16,39,40,42]. Ce déficit de rotation après
prothèse inversée s’explique par le dessin même de la
prothèse [5]. La médialisation du centre de rotation et
de l’humérus entraîne au minimum trois conséquences
plus ou moins défavorables pour les rotations :
– l’excursion de la cupule autour de la glénosphère est
limitée à cause d’un conflit avec le col de la scapula ;
Figure 12. L’érosion du pilier de la scapula (encoche) est la – les muscles rotateurs sont relâchés et moins efficaces ;
conséquence directe de l’absence de col prothétique au niveau – la quantité de deltoïde utilisée pour la rotation
de la glénosphère et de l’abaissement huméral. externe est diminuée.
Prothèse totale d’épaule inversée : principes biomécaniques, concept et évolution 163

A B

Figure 14. Schéma montrant que l’abaissement de la glénosphère (métaglène tangente au bord inférieur de la glène) permet d’évi-
ter le conflit médial et donc l’encoche de la scapula ainsi que le conflit supérolatéral avec l’acromion (A). Radiographie montrant
l’absence d’encoche de la scapula lorsque la glénosphère est distalisée (B).

Ceci explique que les patients aient souvent du mal à que l’élévation est de réaliser un transfert musculaire
passer la main dans le dos après une prothèse inversée. dans le même temps que la prothèse inversée : soit
À côté de ces raisons biomécaniques, il existe aussi un transfert du grand dorsal par deux voies d’abord
des raisons biologiques pour expliquer le déficit ou (Gerber), soit un transfert combiné du grand dorsal
l’absence de rotation active après prothèse inversée : du grand rond par une voie unique deltopectorale
les muscles rotateurs externes peuvent être absents ou (Boileau) [7,42].
non fonctionnels à cause d’une atrophie sévère et/ou
d’une infiltration graisseuse. Notre expérience clinique
nous a montré que les patients dont le teres minor est
absent ou atrophié (déterminé par la présence d’un Problèmes huméraux : dévissages,
signe du clairon) présentent un résultat fonctionnel et descellements, résorption osseuse
une rotation externe significativement inférieurs après et fractures
prothèse d’épaule inversée [6,8].
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En l’absence de teres minor, la perte de la rotation Il faut se souvenir que la prothèse inversée de
externe active est définitive et handicapante. Cela se Grammont reste une prothèse semicontrainte : cela
traduit par la persistance ou l’apparition d’un signe signifie que si les contraintes ne sont pas situées du
du clairon. Les patients perdent le contrôle du posi- côté glénoïdien (puisque les descellements glénoïdiens
tionnement de leur bras dans l’espace : dès qu’il est sont exceptionnels), elles peuvent être présentes du côté
éloigné du corps, le bras est entrainé automatique- huméral. Notre expérience clinique nous a montré que
ment en rotation interne par son poids. Ceci est res- la fixation humérale pouvait être plus problématique
ponsable d’un handicap pour tous les gestes de la vie que la fixation glénoïdienne [11]. En dehors des forces
courante tels que manger, boire, se coiffer, se brosser de compression, il existe des forces de rotation impor-
les dents, s’habiller, ouvrir une porte, tenir un télé- tantes du côté huméral pouvant aboutir au dévissage
phone, etc. La prothèse inversée permet de restau- ou au descellement de l’implant huméral (figure 15).
rer l’élévation active mais ne permet pas de restaurer Enfin, les fractures humérales postopératoires ne sont
la rotation externe active. La solution logique pour pas rares, ainsi que les résorptions osseuses épiphysai-
restaurer la rotation externe active en même temps res (probable « stress-shielding »).
164 P. BOILEAU, F. BALG

auteurs à revoir le concept proposé par Grammont


pour explorer d’autres pistes et revoir la technique et
le dessin des prothèses inversées.

Latéralisation prothétique
ou latéralisation osseuse ?
Plusieurs auteurs ont proposé des prothèses inversées
moins médialisées que la prothèse de Grammont, dont
le centre de rotation serait plus proche de celui de
l’épaule normale. C’est le cas de Frankle, aux États-
Unis, qui a proposé en 1998 une prothèse latéralisée
(prothèse Reverse™, Encore Medical, États-Unis). Les
résultats de sa série initiale de 60 cas revus avec plus
de 2 ans de recul montrent qu’il obtient une élévation
moindre mais des rotations meilleures [18]. La laté-
ralisation prothétique augmente incontestablement
les contraintes sur la métaglène, puisqu’il rapporte un
nombre non négligeable de complications à ce niveau :
X cas d’arrachage de la glène et X cas de fracture de
Figure 15. Dévissage d’un implant huméral (à la jonction tige-col) vis. En France, Valenti et Katz ont eux aussi proposé
à cause des contraintes en rotation. une prothèse dont le centre de rotation est latéralisé
de 3,5 mm (prothèse Arrow™, Implant Industrie,
France). Leurs résultats ne semblent pas différents de
ceux rapportés avec la prothèse Delta™. La prothèse
Évolution de la technique et du SMR™ (Lima, Italie) est également légèrement latéra-
dessin des prothèses inversées lisée. Le taux d’encoche est bien sûr minime ou quasi
nul avec ce type d’implant latéralisé (figure 16).
L’abaissement huméral et la médialisation du centre Notre évolution a été différente : plutôt qu’une laté-
de rotation de la prothèse totale d’épaule inversée ralisation prothétique, nous avons proposé une laté-
proposée par Paul Grammont contribuent à améliorer ralisation osseuse de l’implant glénoïdien (Aequalis™
le bras de levier du deltoïde et à diminuer les contrain- BIO-RSA : Bony Increased Offset Reverse Shoulder
tes sur l’implant glénoïdien. Ceci explique le succès Arthroplasty, Tornier). Notre hypothèse a été que la
de ce concept qui permet de restaurer une élévation latéralisation osseuse de la métaglène à l’aide d’un
active malgré l’absence de coiffe des rotateurs sans greffon osseux prélevé aux dépens de la tête humérale
que l’on observe de descellement glénoïdien, dont le permettrait d’éviter les complications connues (et en
taux reste très faible. D’un autre côté, la médialisation particulier le conflit avec la scapula), tandis que les
du centre de rotation est délétère [5,6]. Elle entraîne contraintes sur l’implant glénoïdien demeureraient

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un conflit huméroscapulaire inférieur responsable de minimes car le centre de rotation resterait localisé dans
l’encoche du pilier de la scapula et d’une usure pré- la scapula, une fois la greffe consolidée (figure 17). Nos
maturée du polyéthylène de la cupule humérale. Elle résultats préliminaires ont permis de confirmer cette
limite aussi les mobilités en rotation à cause du conflit hypothèse : l’utilisation d’un greffon osseux autologue
huméroscapulaire antérieur (en rotation interne) et prélevé aux dépens de la tête humérale permet de laté-
postérieur (en rotation externe) qui limite le débat- raliser le centre de rotation tout en maintenant l’im-
tement de la cupule humérale autour de la sphère et plant glénoïdien au contact de l’os. La greffe osseuse
cause le relâchement des muscles rotateurs restants, consolide dans tous les cas et nous n’avons pas observé
qui deviennent moins efficaces. Enfin, cette média- de lyse ou de résorption osseuse. Cet artifice technique
lisation participe à l’instabilité prothétique pour les permettant une latéralisation osseuse évite les enco-
mêmes raisons mécaniques : relâchement musculaire ches de la scapula et l’usure du polyéthylène. Nous
de la coiffe restante et conflit entre l’implant humé- avons observé que la latéralisation osseuse améliore
ral et le pilier de la scapula, parfois responsable d’un les rotations ; en revanche, nous n’avons pas observé
« effet came ». Ces constatations ont conduit certains d’effet délétère sur l’élévation active. Nous pensons
Prothèse totale d’épaule inversée : principes biomécaniques, concept et évolution 165

Figure 16. Exemples de prothèses inversées latéralisées : prothèse Arrow™ (Implant Industrie, France) : le centre de rotation laté-
ralisé de 3,5 mm n’est plus localisé au niveau de la surface glénoïdienne (A) ; prothèse Reverse™ (Encore Medical, États-Unis) [B] ;
prothèse SMR™ (Lima, Italie) [C].
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Figure 17. Prothèse inversée avec latéralisation osseuse (Aequalis™ BIO-RSA, Tornier, États-Unis). Une métaglène à plot long permet
de rajouter une greffe spongieuse prélevée au niveau de l’humérus (A) ; la métaglène sert de plaque d’ostéosynthèse (B) ; une fois
la greffe consolidée (flèche), les contraintes sur l’implant glénoïdien restent minimes car le centre de rotation reste localisé dans la
scapula (C).

que cela est dû au fait que notre technique combine Abaissement de la métaglène et/ou
latéralisation osseuse et abaissement de la métaglène. modification de la glénosphère ?
La latéralisation osseuse permet enfin d’augmenter la
stabilité prothétique (aucun cas de luxation prothé- Comme nous l’avons évoqué précédemment, Nyffeler
tique) et d’améliorer l’aspect esthétique de l’épaule. a proposé d’abaisser la glénosphère pour éviter l’enco-
Cette solution nous paraît préférable à la latéralisation che scapulaire inférieure. La technique consiste à pla-
prothétique, qui augmente les contraintes en cisaille- cer la métaglène tangente au bord inférieur de la glène
ment sur l’implant glénoïdien, source de descellement osseuse, ce qui permet de décaler la glénosphère vers le
prothétique. bas et empêche (ou du moins diminue) le contact entre
166 P. BOILEAU, F. BALG

A B

Figure 18. Glénosphère excentrée (Aequalis™ Reversed, Tornier, États-Unis) : l’excentration de la sphère vers le bas permet d’éviter
le conflit inférieur de la cupule humérale avec le pilier de la scapula (A) ; aspect radiographique (B).

bas (prothèse Duocentric™, Aston Médical, France)


[figure 19].
Les autres évolutions technologiques concernent
la diminution de l’inclinaison de l’implant huméral
(toujours dans le but d’éviter l’encoche de la scapula),
l’excentration de la tige et de la cupule pour respecter
le déport combiné huméral (prothèse Delta™ Xtend,
Depuy, États-Unis) et la mise au point de prothèses
dites « universelles », permettant de convertir une pro-
thèse anatomique en prothèse inversée ou inversement
(prothèses SMR™, Arrow, Anatomica, Aequalis).
Les problèmes rencontrés avec la prothèse de
Grammont ne doivent pas pour autant conduire à
remettre en cause son concept et à refaire les erreurs du
passé. En effet, lorsqu’on essaie de trop s’éloigner de ce
Figure 19. Prothèse inversée respectant la médialisation du
centre de rotation mais plus englobante vers le bas (prothèse
concept, en plaçant le centre de rotation en dehors de la
scapula (en latéralisant de manière excessive la glénos-

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Duocentric™, Aston Médical, France).
phère, par exemple), on augmente le risque de descel-
lement glénoïdien (comme avec les premières prothèses
le bord inférieur de la cupule humérale et le pilier de la inversées) [15,18,24]. De la même manière, diminuer
scapula. Il est également possible d’obtenir un abaisse- l’inclinaison de l’implant huméral pour essayer d’évi-
ment prothétique en mettant en place une glénosphère ter l’encoche humérale augmente le risque d’instabilité
excentrée (Aequalis™ Reversed, Tornier). En plaçant prothétique et risque de faire perdre la puissance du
le déport de la glénosphère vers le bas, on abaisse le deltoïde pour l’abduction. D’autres recherches sont
centre de rotation et on évite là aussi l’encoche de la nécessaires pour essayer de solutionner ces problèmes.
scapula (figure 18). Ceci est particulièrement intéres-
sant en cas de voie d’abord antérosupérieure, où il est Conclusion
toujours difficile d’accéder à la partie basse de la glène.
Pour lutter contre le risque d’encoche interne, d’autres Le concept proposé par Paul Grammont a constitué
ont proposé une prothèse respectant la médialisation une avancée majeure dans le domaine de la chirurgie
du centre de rotation mais plus englobante vers le prothétique de l’épaule, car il a offert une véritable
Prothèse totale d’épaule inversée : principes biomécaniques, concept et évolution 167

solution chirurgicale dans les cas d’épaules à coiffe cellement glénoïdien, mais entraîne un conflit médial
déficiente ou détruite pour lesquelles les chirurgiens (inférieur, antérieur et postérieur) huméroscapulaire.
étaient totalement désarmés auparavant et n’avaient La restauration d’une tension suffisante du deltoïde
rien à offrir d’efficace à leurs patients. Contrairement est importante pour éviter une instabilité prothétique.
aux premières prothèses inversées qui ont toutes échoué Enfin, chez les patients dont le muscle teres minor est
dans les années 1970–1980, la prothèse de Grammont absent ou atrophique, la rotation externe demeure
a introduit deux innovations majeures : négative et ne peut être restaurée par la seule prothèse
– un large hémisphère métallique sans col au niveau inversée. Dans ce cas, on peut associer un transfert mus-
glénoïdien ; culaire du grand dorsal ou un transfert du grand dorsal
– une petite cupule en polyéthylène couvrant moins de et du grand rond dans le même temps que la prothèse
la moitié de l’hémisphère et orientée avec une inclinai- inversée ; ceci permet de restaurer à la fois l’élévation
son non anatomique de 155° du côté huméral. active et la rotation externe du bras.
Ce dessin original a permis d’obtenir un centre de Même si Paul Grammont a écrit un chapitre impor-
rotation médialisé, stable et fixe, ce qui minimise les tant de l’histoire des prothèses d’épaule inversées,
forces de descellement au niveau glénoïdien, et amé- celle-ci est loin d’être finie et des idées nouvelles se font
liore la puissance du deltoïde. C’est surtout l’abaisse- jour. L’évolution actuelle est de tenter d’en éviter les
ment huméral plus que la médialisation du centre de inconvénients et les complications, tout en essayant de
rotation qui permet au muscle deltoïde de compenser rester fidèle au concept Grammont… ou en tout cas
l’absence de muscles de la coiffe de rotateurs. de ne pas trop s’en éloigner. Les modifications consis-
Notre expérience clinique est comparable à celle de la tent à « jouer » sur l’importance de l’abaissement et/
littérature : la prothèse inversée de type Grammont res- ou la latéralisation prothétique, soit en utilisant des
taure l’élévation active au-delà de 90° chez les patients artifices techniques (abaissement de la métaglène selon
présentant une épaule à coiffe déficiente ou détruite. Nyffeler ou latéralisation osseuse selon Boileau), soit
Cependant, les rotations demeurent limitées et peuvent en modifiant le dessin des implants et en cherchant un
même être diminuées après prothèse inversée. Le dessin compromis biomécanique (centre de rotation latéra-
de la prothèse inversée de Grammont protège du des- lisé, abaissé, excentré…).

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169

Résultats d’une prothèse d’épaule


inversée latéralisée
Results of a lateralized reversed shoulder arthroplasty

P. VALENTI, D. KATZ, P. SAUZIERES

RÉSUMÉ SUMMARY
L’objectif de cette étude est d’évaluer rétrospectivement les résul- Reverse prosthesis designed by P. Grammont has proved to be
tats d’une prothèse d’épaule inversée latéralisée. a viable option in the difficult treatment of severe rotator cuff
Entre avril 2003 et septembre 2007, 126 prothèses inversées deficiency. The goal of this retrospective study was to evaluate
latéralisées Arrow® ont été implantées pour le traitement d’une the results of a more lateralized reverse prosthesis.
épaule pseudo-paralytique secondaire à une rupture massive et Between April 2003 and September 2007, 180 consecutive
irréparable de la coiffe des rotateurs. L’âge moyen des patients lateralized reversed prostheses were performed; 126 were indica-
était de 73 ans. ted for rotator cuff deficiency with a pseudoparalysis shoulder.
Soixante-seize prothèses inversées latéralisées ont été revues The average age of these patients was 73 years and the minimal
avec un recul minimal de 2 ans et moyen de 36 mois. Tous les para- follow-up in this study was 2 years.
mètres mesurés ont été améliorés significativement (p < 0,001). Seventy-six prostheses were reviewed and analyzed with
Le score de Constant absolu moyen a progressé de 24 à 59, soit an average follow-up of 3 years. All measures improved signi-
un gain de 35 points. Soixante-quatorze patients étaient très ficantly (p < 0.001). The average Constant score improved
satisfaits ou satisfaits. Le gain en élévation active antérieure était from 24 preoperatively to 59 postoperatively and 74 of the
de 61° (65–126) et en indolence de 10 points (4–14). Le gain en 76 patients were satisfied or very satisfied. The average gain
rotation externe coude au corps était de 15° (15–30), en rotation in active external rotation with the arm at the side was 15°;
externe et en abduction de 90°, de 30° (19-49) et de 1 point en the arm in 90° of abduction was 30° and one point of medial
rotation interne (5,5–6,5). Aucun patient ne présentait une enco- rotation. Forward flexion increased from 65 to 126°. Glenoid
che au niveau du pilier de l’omoplate avec cette prothèse inversée notching was absent for all patients. There were 23 compli-
latéralisée au plus long recul. cations (18,3%): 17 were a mechanical failure of the first
Vingt-trois complications sur 126 prothèses (18 %) ont été generation of the prosthesis. Fourteen of the 17 patients were
individualisées : 10 démontages de la glénosphère, 7 déclipsa- reoperated with a second generation of prosthesis with an
ges de l’insert en polyéthylène impacté dans la tige humérale, average constant score at the last review of 58,1 point. The
2 descellements glénoïdiens, 1 infection, 1 luxation, 1 fracture de two problems were solved in 2005 with a central countersunk
l’acromion et 2 paralysies du nerf axillaire, dont 1 définitive. screw for the glenosphere and a Morse taper and screw for
La latéralisation permet d’améliorer les rotations externe et the polyethylene cup. Six other complications occurred (4,7%):
interne tout en restaurant l’élévation antérieure active. Aucune 2 glenoid loosenings, 1 infection, 1 dislocation and 2 lesions
encoche glénoïdienne au plus long recul n’a été mise en évidence. of the axillary nerve (1 transitory).
Il nous paraît trop tôt pour affirmer la longévité de cette pro- Lateralization of the reverse prosthesis can improve the gain
thèse inversée latéralisée et un plus long recul est nécessaire pour in external and medial rotation, which is useful in daily activity
confirmer ces bons résultats précoces. for older patients. Absence of glenoid notching is a positive fac-
tor for the future, but a longer follow-up is necessary to deter-
mine longevity of this reverse prosthesis.
Mots clés : Prothèse d’épaule inversée. – Latéralisation. – Rupture
massive coiffe. – Épaule pseudo-paralytique. – Encoche glénoï- Key words: Lateralized reversed prosthesis. – Cuff deficient shoul-
dienne. der. – Pseudoparalysed shoulder. – Glenoid notch.

Prothèses d’épaule. État actuel


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170 P. VALENTI, D. KATZ, P. SAUZIERES

Rappel historique concernant disposition inversée de la prothèse transforme les for-


ces subluxantes du deltoïde en force centripète vers le
les prothèses d’épaule inversées centre de la sphère glénoïdienne. Cette prothèse semi-
contrainte à forme inversée pallie l’absence d’effets
Les prothèses d’épaule anatomiques et non contraintes coapteurs de la coiffe des rotateurs. En 1985, Paul
ont connu leurs premiers déboires quand leurs indica- Grammont proposait une prothèse inversée asso-
tions ont été étendues aux arthropathies à une coiffe ciant une glénosphère (correspondant aux deux tiers
des rotateurs déficiente [7,13,39]. Charles Neer, pion- d’une sphère) à un implant huméral en polyéthylène
nier de ces prothèses anatomiques, fut aussi le premier en forme de trompette, cimentée dans la métaphyse
à chercher des solutions dans les cas où ces structu- humérale (correspondant au tiers d’une sphère com-
res périarticulaires étaient absentes ou fragilisées [24]. plémentaire). Dans cette première version, le centre
Entre 1950 et 1970, il proposait les premières prothè- de rotation était à distance de la glène osseuse, créant
ses inversées contraintes dont le concept était d’assu- des contraintes de cisaillement élevées. En 1989, Paul
rer une bonne stabilisation de la prothèse, empêchant Grammont proposa le deuxième modèle de prothèse
la migration vers le haut. D’ailleurs, la réparation de inversée correspondant au dessin de la Delta III®.
la coiffe des rotateurs lui paraissait toujours un geste Elle présentait une glénosphère en forme de demi-
essentiel. L’analyse des prothèses Mark® 1, 2 et 3 mon- sphère, fixée dans la métaglène, positionnant le centre
trait que le centre de rotation était fixe et très externe, de rotation au niveau de la glène osseuse. Les forces
entraînant des forces de cisaillement considérables au de cisaillement sont ainsi considérablement réduites,
niveau de la glène à l’origine du descellement glénoïdien sauf au début de l’abduction, soulignant l’utilité d’une
et de la fracture de l’implant [23]. En 1974, Charles excellente fixation de la métaglène avec un vissage
Neer abandonna ses prothèses inversées contraintes en divergent et une fixation osseuse à l’aide d’hydroxya-
insistant sur la nécessité de réparer la coiffe des rota- patite. Ce dessin définitif de prothèse inversée corres-
teurs pour restaurer une excellente mobilité, et en par- pond à la prothèse Delta III® (Depuy), mais aussi à
ticulier une rotation externe [25]. Entre 1970 et 1980, la prothèse Aequalis-reversed® inversée (Tornier). Il a
de nombreux autres modèles de prothèses inversées prouvé, grâce aux nombreuses séries publiées [1,2,4,8,
apparurent, reproduisant de la même façon un cen- 17,29,31,32,34,37,38] depuis 15 ans, son efficacité
tre de rotation fixe et très externe par rapport à la dans la récupération d’une élévation active antérieure
glène osseuse. Elles étaient souvent indiquées dans les d’environ 130° pour des épaules pseudo-paralytiques
lésions difficiles (tumeur, reprise chirurgicale, révision secondaires à une rupture irréparable de la coiffe des
de prothèse, post-traumatique) et les échecs n’étaient rotateurs.
pas forcément en rapport avec le dessin de la prothèse.
En 1973, la prothèse de Bayley-Walker [22], devenue Conséquences négatives
la prothèse de Kessel, fut la plus implantée : 81 cas
non tumoraux et 41 cas pour tumeur furent rapportés de la médialisation du centre
en 1994. Avec 5 ans de recul, il n’y avait aucun liseré, de rotation
mais aucun résultat n’était fourni. En fait, le taux élevé
de complications et le peu d’amélioration fonction- Les résultats de séries cliniques ont permis de réperto-
nelle obtenu avec ces prothèses inversées contraintes rier certains défauts dus à une forte médialisation de

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à centre de rotation très latéralisé ont abouti à leur l’humérus :
disparition. – une encoche de la scapula est retrouvée dans un
Grâce aux travaux biomécaniques de Paul Grammont, pourcentage variant de 40 à 96 % dans les premiers
[16], le concept de l’inversion de la prothèse d’épaule mois [8,18,27,29,30,31,32,35,37,38]. Cette encoche
a pu survivre. Le mérite de ses travaux biomécaniques est secondaire à un conflit mécanique entre la cupule
a été de démontrer que la médialisation et l’abaisse- humérale et le pilier de la scapula, ce d’autant que la
ment du centre de rotation augmentaient le bras de métaglène est positionnée haut sur la glène. Les débris
levier du deltoïde et donc la force du deltoïde (seul de polyéthylène et de métal entraîneront secondaire-
muscle utile quand la coiffe des rotateurs était irré- ment une ostéolyse supplémentaire [26] ;
parable et non fonctionnelle), tout en minimisant – la médialisation de l’humérus associée à la décoap-
les forces de cisaillement à la jonction entre la glène tation supérieure créée par l’abaissement de l’humérus
osseuse et l’implant glénoïdien, qui représentait une génère un « coup de hache externe » inesthétique du
source d’échec précédemment rapportée. De plus, la moignon de l’épaule ;
Résultats d’une prothèse d’épaule inversée latéralisée 171

– Le faible gain en rotation externe semble être expli- chez 122 patients (4 bilatérales) pour le traitement
qué de façon théorique par plusieurs facteurs [3] : des ruptures de la coiffe des rotateurs irréparables
une détente des muscles rotateurs externes et en parti- responsables d’une épaule pseudo-paralytique. L’âge
culier petit rond et le reste du infraépineux ; l’absence moyen de ces patients était de 73 ans (52–90) ; il y
de recrutement des fibres postérieures du deltoïde, avait 91 femmes et 35 hommes. L’atteinte du côté
qui sont plutôt vouées à l’abduction et à l’élévation dominant était la plus fréquente (86 dominants pour
active ; la potentielle lésion du nerf suprascapulaire 40 non-dominants). Nous avons exclu de cette série
lors du vissage supérieur ; le conflit postérieur méca- les prothèses inversées implantées dans les arthroses
nique entre la cupule humérale et la partie postérieure post-traumatiques, les fractures-luxations récentes,
du pilier de l’omoplate (zone de début de formation de les luxations chroniques antérieures invétérées, la
l’encoche). polyarthrite rhumatoïde et les révisions d’échec d’une
Le faible gain en rotation interne peut s’expliquer arthroplastie ou de prothèse totale anatomique. Tous
par [3] : la détente des muscles rotateurs internes et en les patients avaient bénéficié auparavant d’au moins
particulier teres major et subscapularis ; une lésion du 6 mois de rééducation et conservaient malgré cela une
muscle subscapularis et le recrutement des fibres du épaule avec une élévation active antérieure inférieure
deltoïde antérieur dédié plus à l’élévation active. à 60°. Le bilan préopératoire a comporté systémati-
quement des radiographies standard associées à un
examen tomodensitométrique avec une fenêtre sur
les parties molles. Ainsi ont pu être évalués le stock
Comment pallier les imperfections osseux glénoïdien, qui représente le facteur limitant
de la prothèse inversée « de type l’insertion de la pièce glénoïdienne, et la trophicité et
Grammont » ? le degré d’infiltration graisseuse selon la classification
de Goutallier et al. [15]. Tous les patients avaient une
Trois options thérapeutiques ont été rapportées pour rupture complète rétractée à la glène du supraépineux
diminuer le risque d’encoche glénoïdienne et améliorer et de l’infraépineux avec une dégénérescence graisseuse
les rotations : moyenne de 2,96 pour le supraépineux et de 2,91 pour
– amélioration du positionnement de l’implant glé- l’infraépineux. Le tiers supérieur du sus-scapulaire
noïdien qui doit être positionné le plus bas possible était altéré dans 30 % des cas avec une dégénérescence
[30,31] ; graisseuse à 2,20.
– amélioration du dessin de la prothèse sans modifier Nous avons contre-indiqué cette prothèse inversée
le centre de rotation, en augmentant le débord infé- aux patients présentant une paralysie du deltoïde,
rieur de la glénosphère ; une infection, une forte médialisation de la glène liée
– latéralisation de la prothèse inversée, avec ses risques à une abrasion se prolongeant jusqu’au niveau de la
accrus de descellement glénoïdien [12,33]. C’est cette coracoïde avec un acromion très recouvrant, un tra-
dernière option que nous avons choisi. vail manuel ou un âge inférieur à 60 ans, et enfin les
patients ayant besoin d’un fauteuil roulant ou de can-
nes anglaises pour se déplacer.
Résultats de la prothèse
latéralisée Arrow®
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Technique opératoire
L’objectif de cette étude rétrospective est de rapporter
les concepts et les résultats cliniques et radiographiques Tous les patients ont été opérés sous anesthésie géné-
de la prothèse inversée latéralisée Arrow® (Fournitures rale complète associée à un bloc interscalénique avec
hospitalières) implantée chez des patients présentant la pause d’un cathéter laissé en place durant 48 h pour
une épaule pseudo-paralytique secondaire à une rup- assurer l’antalgie et permettre le début de la réédu-
ture irréparable de la coiffe des rotateurs. cation. De façon préférentielle, dans cette étiologie
représentée par des ruptures massives irréparables
Patients de la coiffe des rotateurs, nous avons utilisé la voie
d’abord supéro-latérale préacromiale. Le ligament
Entre avril 2003 et septembre 2007, 126 prothèses acromiocoracoïdien a toujours été sectionné et l’acro-
inversées latéralisées Arrow® ont été implantées de mion respecté, en particulier dans les formes avec une
façon consécutive par trois chirurgiens (PhV, DK, PhS) ostéolyse déjà très avancée. Le biceps, s’il n’était pas
172 P. VALENTI, D. KATZ, P. SAUZIERES

rompu, fut ténodésé dans la gouttière bicipitale. Une tension adaptée du deltoïde lors de la pose de cette
large résection de la capsule ainsi que des tissus fibreux prothèse. Si la décoaptation était trop importante, un
dégénératifs facilite l’abaissement de la tête humérale rehausseur + 5 permet d’assurer la stabilité. La coupe
dans les omarthroses excentrées classées radiologique- osseuse étant identique à la coupe anatomique et donc
ment dans les groupes IV et V d’Hamada et Fukuda plutôt économique, l’insert huméral + 5 a été très rare-
[20]. La section du tiers supérieur du sous-scapulaire ment utilisé. La tige humérale a été cimentée chez les
facilite la descente de la tête humérale dans les formes patients très âgés présentant une ostéoporose et une
enraidies et en position antérosupérieure sous-cutanée. ostéopénie avancée. En effet, la forme de la tige humé-
La résection osseuse de la tête humérale a donc tou- rale commune à la prothèse anatomique et le respect
jours été effectuée après une large libération des par- du capital osseux métaphysaire associé à la mise en
ties molles. Cette coupe osseuse selon une inclinaison place de greffon spongieux dans la métaphyse assurent
de 135° était identique à la coupe réalisée lors de la une excellente stabilité primaire. Une rééducation pas-
mise en place d’une prothèse anatomique en raison du sive est débutée immédiatement et les patients vivant
caractère « universel » de la tige humérale. L’objectif seuls sont transférés dans un centre de rééducation dès
était de conserver le plus d’os métaphysaire possible, le 5e jour (figures 1 à 3).
assurant une fixation à frottement dur (« press-fit »)
de la tige humérale. L’angle de rétroversion choisi en
peropératoire était d’environ 20°, de telle façon que Résultats cliniques
la glénosphère et la cupule humérale travaillent dans
le même axe. Après une capsulectomie circonféren- Sur les 126 prothèses inversées latéralisées implan-
tielle au niveau de la glène, il était possible de luxer en tées entre 2003 et 2007, nous avons revu et analysé
bas et en arrière l’extrémité supérieure de l’humérus, 76 prothèses inversées latéralisées (60 %) qui avaient
facilitant ainsi l’exposition de la glène et plus parti- un recul minimal de 2 ans. Nous avons exclu les
culièrement du pôle inférieur. Le fraisage de la glène patients dont la reprise n’a pas permis de réimplan-
était toujours économique, portant essentiellement sur ter une prothèse inversée. Le recul moyen était de
le cartilage, afin de conserver l’os sous-chondral. La 36 mois (24–48). Le score de Constant absolu est
métaglène était positionnée le plus bas possible dans passé de 24 à 59, soit un gain de 35 points. Soixante-
un plan perpendiculaire à la glène ou au mieux avec quatorze patients étaient très satisfaits ou satisfaits,
une discrète orientation vers le bas (« tilt inférieur »). soit 95 %. Le gain en élévation active antérieure était
L’exposition de la glène par cette voie d’abord supéro- de 61° et le gain en indolence de 10 points. Le gain en
externe nécessite impérativement une large libération rotation externe coude au corps (RE1) était de 15°,
capsulaire et ligamentaire afin de pouvoir luxer la tête
humérale en bas et en arrière pour éviter toute malpo-
sition de l’implant glénoidïen et éviter une orientation
regardant vers le haut (« tilt supérieur »). En effet, ce
tilt supérieur est une erreur technique associée risque
de descellement précoce. Une érosion supérieure ou
postéro-supérieure de la glène devait être parfaitement
détectée en préopératoire pour éviter ce tilt supérieur.

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La métaglène recouvert d’hydroxyapatite, à fond
convexe, est constitué à la fois d’une quille centrale
et d’une patte antérieure permettant une fixation en
« press-fit » s’opposant aux forces de cisaillement lors
des premiers degrés d’abduction. Deux vis divergen-
tes, selon le concept de Gramont permettent d’assurer
la fixation définitive de la métaglène. La glénosphère
est fixée par impaction et vissage sur la métaglène.
Cette position de la glénosphère crée une latéralisation
correspondant à l’épaisseur du métal-back (3,5 mm).
L’insert huméral d’essai permet d’apprécier la tension Figure 1. La glénosphère, correspondant à une demi-sphère,
de la prothèse. L’absence de mobilité de la scapula, lors est apposée sur la métaglène. Ainsi, le centre de rotation (rond
de l’élévation du bras jusqu’à 80°, est un témoin d’une gris) est latéralisé de 3,5 mm (épaisseur de la métaglène).
Résultats d’une prothèse d’épaule inversée latéralisée 173

de 30° en rotation externe, et en abduction (RE2) et – le groupe B (17 cas), caractérisé par une excentra-
de 1 point en rotation interne (tableau 1). tion de la tête humérale sans arthrose glénohumérale
Les résultats ont aussi été appréciés en fonction de (Hamada stades I, II, III) ;
l’étiologie selon la classification de Hamada et al. [20], – le groupe C (3 cas), avec une arthrose centrée,
et nous avons individualisé trois groupes : médialisée et une coiffe des rotateurs atrophique
– le groupe A (56 cas), caractérisé par une rupture avec une infiltration graisseuse supérieure à 3 et non
irréparable de la coiffe des rotateurs associée à une fonctionnelle.
excentration de la tête humérale avec arthrose gléno- Dans le groupe A, le gain en élévation active anté-
humérale (Hamada stades IV et V) ; rieure de 54° était inférieur au gain du groupe B, de
85°. En revanche, le gain en rotation externe et rota-
tion interne était dans le groupe A de 17°, supérieur
au groupe B, de 9°, et en rapport avec une dégénéres-
cence graisseuse plus élevée des muscles de la coiffe des
rotateurs (tableau 2). Cependant, il n’y avait pas de
155° différence significative au niveau du score de Constant
absolu postopératoire dans ces trois groupes. Aucune
155° différence significative n’a été retrouvée dans les résul-
tats selon l’existence ou non d’une intervention préa-
lable : en effet, 17 patients avaient été auparavant
opérés sur 76 cas revus, soit 22 %. Les résultats étaient
135° identiques dans les deux groupes et, parmi les patients
opérés, les résultats étaient indépendants du type d’in-
tervention subi (tableau 3). Aucun patient ne présen-
tait une encoche au niveau du pilier de l’omoplate avec
cette prothèse inversée latéralisée au plus long recul
(figures 4 et 5).

Delta Arrow
Complications
Figure 2. La forme métaphysaire de la tige humérale Arrow®
crée une latéralisation de l’humérus plus importante que la Nous rapporterons les complications survenues sur les
forme « trompette » de la Delta III®. 126 cas implantés de façon consécutive entre 2003 et
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Figure 3. La latéralisation du cen-


tre de rotation de la glénosphère
et la latéralisation de la tige
humérale augmentent le déport
Delta Arrow latéral et améliorent le contour
du moignon de l’épaule.
174 P. VALENTI, D. KATZ, P. SAUZIERES

Tableau 1
Résultats cliniques de 76 prothèses d’épaule inversées latéralisées Arrow® revues avec un minimum 2 ans de recul

Préopératoire Postopératoire Gain

Constant absolu (points) 24,27 59* 35

Douleur (sur 15 points) 4,04 13,88* 9,84

EAA (°) 65,3 126,27* 61

RE1 (°) 14,93 30,13* 15

RE2 (°) 19,4 49,93* 30

RI (points) 5,52 6,58 1

Force (points) 1,58 6,38* 5,80


* La différence était significative (p < 0,001) ; EAA : élévation active antérieure ; RE1 : rotation externe coude au corps ; RE2 : rotation
externe en abduction à 90° ; RI : rotation interne.

Tableau 2
Résultats des prothèses d’épaule inversées latéralisées Arrow® en fonction du stade de la classification de Hamada et al.

IDG subscap. IDG IS IDG SS Gain élévation (°) Gain RE1 (°) Gain RE2 (°) Gain RI
(points)

Série globale (n = 76) 2,21 2,91 2,97 + 61 + 15 + 30 +1

Hamada I, II, III 2,33 3,06 3,13 + 85 +9 + 32 + 0,5


(n = 20)

Hamada IV, V (n = 56) 2,14 2,88 2,91 + 54 + 17 + 31 + 1,5


IDG : indice de dégénérescence graisseuse ; subscap. : subscapularis ; IS : infraspinatus ; SS : supraspinatus ; RE1 : rotation externe coude
au corps ; RE2 : rotation externe en abduction à 90° ; RI : rotation interne.

Tableau 3
Résultats cliniques en fonction des antécédents chirurgicaux : pas de différence significative

Résultats postopératoires Antécédents chirurgicaux (n = 17) Épaule « vierge » (n = 59) Série globale (n = 76)

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Constant absolu (points) 58,5 60 59

Douleur (sur 15 points) 13,5 14 13,88

EAA (°) 126,5 126,2 126,27

RE1 (°) 33 29,5 30,13

RE2 (°) 48 50,5 49,93

RI (points) 6,2 6,7 6,58

Force (points) 6 6,18 6,38


EAA : élévation active antérieure ; RE1 : rotation externe coude au corps ; RE2 : rotation externe en abduction à 90° ; RI : rotation interne.
Résultats d’une prothèse d’épaule inversée latéralisée 175

A B

Figure 4. A. Radiographie de face en position neutre d’une patiente de 74 ans présentant une omarthrose avec rupture irréparable
de la coiffe des rotateurs classée Hamada III. B. Prothèse d’épaule inversée latéralisée Arrow® (deuxième génération).

Figure 5. Résultats sur les rotations avec un recul de 2 ans d’une prothèse inversée latéralisée : la rotation externe active, coude au
corps (RE1) est de 40° et la rotation interne active (RI) permet d’atteindre L3.

2007. Vingt-trois complications (18 %) sur 126 pro- une hémiarthroplastie avec un score de Constant de 34
thèses ont été individualisées : nous pouvons distin- et 39 et une élévation active limitée à 60°, donc 2 mau-
guer deux groupes. vais résultats. Un patient a été repris pour les deux
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– Le groupe 1, comprenant 17 cas de démontage pro- complications et a développé une infection. Il est actuel-
thétique lié à une défaillance mécanique de la prothèse lement aseptique avec un spacer, mais garde une épaule
de première génération implantée entre avril 2003 et pseudo-paralytique et douloureuse. Quatre patients ont
juin 2004 nécessitant une reprise chirurgicale. Il s’agis- présenté les deux types de complication et ont néces-
sait de 10 démontages de la glénosphère du métal-back sité chacun deux révisions. La reprise chirurgicale a été
et de 7 déclipsages de l’insert en polyéthylène impacté effectuée à l’aide d’une prothèse de deuxième généra-
dans la tige humérale (figure 6). Quatorze des patients tion dont la glénosphère était impactée et vissée dans le
sur 17 ont été repris par une prothèse totale inversée de métal-back. De même, l’insert huméral fut impacté et
deuxième génération avec un score de Constant moyen vissé dans la tige humérale. Depuis l’utilisation de cette
après la révision, avec un recul supérieur à 2 ans, de prothèse deuxième génération (début 2005), aucune
58 points, donc significativement non différent des défaillance mécanique n’a été notée (figure 7).
prothèses non compliquées. De façon subjective, – Le groupe 2, regroupant 6 patients (4,7 %) :
8 patients étaient très satisfaits, 6 patients satisfaits et • 1 descellement glénoïdien précoce (inférieur à
1 patient mécontent. Deux patients ont été repris par 6 mois postopératoire) secondaire à une malposition
176 P. VALENTI, D. KATZ, P. SAUZIERES

Figure 6. Les deux complications mécaniques rencontrées avec la première génération de prothèse inversée latéralisée Arrow®. A. dis-
sociation entre la glénosphère et la métaglène. B. Déclipsage de l’insert huméral en polyéthylène (à la face externe de l’humérus).

A B

Figure 7. Prothèse Arrow® deuxième génération. A. Métaglène à fond convexe, avec une quille centrale et une patte métallique
antérieure s’appliquant sur la paroi antérieure de la glène. Deux vis divergentes (débattement de 15°) éventuellement associées
à une troisième vis antéropostérieure permettent une fixation primaire s’opposant aux forces de cisaillement. La glénosphère est

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impactée et vissée. B. Tige humérale avec cupule en polyéthylène impactée, vissée et évidée à sa partie médiale.

de la glénosphère avec un tilt supérieur. La patiente, sur le métal-back. Une nouvelle glénosphère avec
très âgée, n’a pas été réopérée et la glénosphère s’est métal-back a été implantée, associée à des greffons
bloquée sous l’acromion. Le score de Constant était spongieux pour avoir une fixation de qualité, et a
à 49 avec un score de douleur à 10/15 et surtout une permis avec un recul de 6 mois de récupérer une
épaule avec une limitation de l’élévation antérieure épaule indolore et une élévation active antérieure
à 60° ; à 130° ;
• 1 descellement glénoïdien tardif (4e année post- • 1 patient a présenté une luxation prothétique néces-
opératoire) aseptique se traduisant par un liseré sitant une reprise chirurgicale à l’aide d’un rehaus-
périphérique complet autour du métal-back et, cli- seur (+ 5 mm) avec un excellent résultat final ;
niquement, des douleurs et une perte de l’élévation • 1 patient a présenté une fracture de fatigue de
active antérieure (70°). Lors de la révision chirur- l’acromion qui a été traitée orthopédiquement avec
gicale, aucune repousse osseuse n’était constatée une perte de 20° d’élévation active antérieure ;
Résultats d’une prothèse d’épaule inversée latéralisée 177

• 2 patients ont présenté une paralysie axillaire dont des microdescellements glénoïdiens, non visibles radio-
l’une définitive et l’autre transitoire qui a récupéré logiquement, pourraient expliquer la chute du score de
partiellement. Constant après 6 ans de recul. Werner et al. [38], avec
un recul de 44 mois, retrouvent une influence défavo-
rable de l’encoche scapulaire sur le score de Constant.
Discussion Delloye et al. [10] rapportent la chute du score de
Constant si l’encoche atteint le plot central avec un
La prothèse inversée respectant les principes de risque de descellement glénoïdien (figure 8).
Grammont a prouvé son efficacité dans la restaura- Afin de prévenir la survenue de ces encoches scapu-
tion d’une élévation active antérieure pour les patients laires, de nombreuses recommandations ont été rap-
présentant une épaule pseudo-paralytique secondaire portées dans la littérature.
à une rupture massive irréparable de la coiffe des L. Dewilde et al. [11] rapportent une série avec
rotateurs associée à une défaillance de l’arche acro- l’utilisation d’une glénosphère de diamètre plus grand
miocoracoïdien [28,36]. Cependant, l’analyse des (42 mm). Tous les auteurs [2,26,30,31,37,38] sont d’ac-
séries de la littérature a montré que le gain en rota- cord pour positionner le métal-back le plus bas possible
tion externe et interne était très limité (tableau 4), avec en affleurant le pôle inférieur de la glène. Cependant,
de plus l’apparition d’une encoche scapulaire avec pour Guttierez et al. [19], si le pilier de l’omoplate est
une fréquence variant de 44 à 96 % en fonction des très vertical, la survenue de l’encoche est toujours pos-
séries [27,30,31,32,35,38]. Cette encoche scapulaire sible. Pour Simovitch et al. [30], une orientation vers le
a un retentissement clinique variable en fonction des bas de la glénosphère (tilt inférieur) ne prévient pas en
auteurs. Guéry et al. [18], avec un recul à long terme, théorie la survenue d’une encoche.
semblent montrer que l’encoche scapulaire quelle Boileau et al. [5] proposent d’intercaler une greffe
que soit sa gravité n’affecte pas le score de Constant. osseuse (prélevée sur la tête humérale réséquée) entre
Sirveaux et al. [31] constatent la détérioration du la métaglène et la glène osseuse native afin de latéra-
résultat clinique dans les encoches types 3 et 4 selon liser le centre de rotation pour prévenir la survenue
la classification de C. Nerot [32]. D’après ces auteurs, d’une encoche.

Tableau 4
Gain comparatifs en élévation et rotation des prothèses inversées « Grammont » et latéralisées

Auteurs Gain EAA (°) Gain RE1 (°) Gain RE2 (°) Gain RI Gain Constant
(points) (points)

Sirveaux et al., + 55 (73–138) + 8 (3–11) + 23(17–40) + 0,8 (4–4,8) + 43 (22–65)


2004 (n = 80 cas)

Werner et al., 2005 + 58 (42–100) – 5 (17–22) + 35 (29–64)


(n = 58 cas)
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Molé Favard + 59 (71–130) + 4 (8–12) + 18 (24–42) + 1 (5–6) + 38 (24–62)


SOFCOT, 2006
(n = 484 cas)

Wall et al., 2007 + 56 (76–142) + 2 (5–7) + 14 (29–43) − 1 (L5–L3) + 43 (22–65)


(n = 93 cas)

Frankle et al., 2005 + 50 (55–101) + 29 (12–41)


(n = 60 p. latérali-
sées)

Valenti et al., 2008 + 61 (65–126) + 15 (15–30) + 30 (19–49) + 1 (5,5–6,5) + 35 (24–59)


(n = 76 p. latérali-
sées)
EAA : élévation active antérieure ; RE1 : rotation externe coude au corps ; RE2 : rotation externe en abduction à 90° ; RI : rotation
interne.
178 P. VALENTI, D. KATZ, P. SAUZIERES

0 1 2 3 4
Figure 8. Classification de l’encoche glénoïdienne (C. Nerot) : grade 0 : aucune encoche ; grade 1 : petite encoche ; grade 2 : encoche
avec condensation osseuse (stable) ; grade 3 : encoche évolutive (érosion de la vis inférieure) ; grade 4 : descellement glénoïdien
(extension de l’encoche jusqu’à la quille centrale).

En 1998, Frankle et al. [12] rapportent une prothèse âgées, nous avons fait le choix d’un dessin d’une pro-
inversée moins médialisée avec un centre de rotation thèse inversée plus latéralisée que la prothèse originelle
plus externe se rapprochant du centre de rotation de P. Grammont. Le centre de rotation est latéralisé de
d’une prothèse anatomique non contrainte. La glé- 3,5 mm en raison de l’application de la glénosphère sur
nosphère correspond aux deux tiers d’une sphère et la platine et donc sans encastrement. De plus, la forme
s’encastre dans une platine à fond plat recouvert d’hy- de la partie métaphysaire de la tige humérale crée une
droxyapatite fixé par un plot central et des vis péri- latéralisation de l’humérus plus importante que la pro-
phériques 3,5. À propos de 60 patients avec un recul thèse en forme de « trompette » de Grammont (figures
minimum de 2 ans dont l’indication était une arthro- 2 et 3). Enfin, une encoche médiale au niveau de la
pathie glénohumérale associée à une rupture massive cupule humérale en polyéthylène participe à la préven-
irréparable de la coiffe des rotateurs, Frankle et al. tion de l’encoche tout en ne diminuant pas sa stabilité,
rapportent les résultats suivants : une élévation active étant donné la profondeur supérieure de 1 mm par
antérieure de 105° (inférieure au résultat obtenu avec rapport à la cupule Delta® (figure 7). Cette latéralisa-
la prothèse de P. Grammont) et une meilleure rotation tion certes moins importante que dans la prothèse des-
externe (35,9°). En revanche, ils rapportent 17 % de sinée par Frankle et al. [12] nous a incités à proposer
complications, soit 10 patients, correspondant à un une amélioration de la fixation primaire de l’implant
descellement glénoïdien (7 cas), une fracture de fati- glénoïdien : ainsi le métaglène à fond convexe, recou-
gue du métal-back (2 cas) et 1 cas d’infection. Sur verte d’hydroxyapatite, se présente-t-elle sous trois
7 patients réopérés, 5 ont pu bénéficier d’une nou- tailles différentes pour permettre un contact optimal
velle prothèse inversée et 2 se sont transformés en avec l’os sous-chondral de la glène. Une quille centrale
hémiarthroplastie avec un mauvais résultat sur l’élé- et une patte antérieure assurent une fixation primaire
vation. Aucune encoche scapulaire n’a été retrouvée s’opposant aux forces de torsion. Cette platine est de
dans cette prothèse beaucoup plus latéralisée. Ainsi, la plus fixée par deux vis divergentes supérieure et infé-
latéralisation du centre de rotation crée d’importantes rieure pour s’opposer aux forces de cisaillement lors
forces de cisaillement à la jonction entre la platine et la du début de l’abduction. Cette latéralisation sur une
glène osseuse insuffisamment compensée par le mode série rétrospective de 76 cas avec un recul minimal

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de fixation. L’auteur rapporte que ces descellements de 2 ans a permis d’obtenir un gain en rotation externe
glénoïdiens sont survenus précocement, avant la 2e (RE1 de 15° et RE2 de 32°) et en rotation interne de
année, et qu’aucune repousse osseuse n’était visible deux niveaux vertébraux avec une élévation active
sur la platine. Il préconise donc d’améliorer la qualité moyenne de 126°. Nous n’avons pas détecté d’enco-
de fixation de cette platine et de réaliser une platine che scapulaire et nous n’avons déploré que 2 descel-
à fond convexe avec une vis centrale compressive de lements glénoïdiens (1 malfaçon technique précoce et
6,5 mm et des vis périphériques de 5 mm se bloquant 1 tardive).
dans la platine. Il propose de plus un centre de rota- L’analyse des cas présentant un signe du clairon pré-
tion plus ou moins latéral en fonction de la qualité opératoire nous a montré que la latéralisation prothé-
de l’os glénoïdien. Toutes ces propositions découlent tique n’était pas suffisante pour corriger ce défaut actif
d’un travail biomécanique de Harman et al. [21]. de rotation externe. Comme l’a proposé P. Boileau [6],
Ainsi, afin d’éviter le risque d’encoche glénoïdienne un transfert du latissimus dorsi et du teres major selon
et d’améliorer les gains en rotation externe et interne, la technique de l’Episcopo (modifiée) peut être associé
très utiles dans la vie quotidienne de ces personnes dans ce cas.
Résultats d’une prothèse d’épaule inversée latéralisée 179

Conclusion non négligeable dans la qualité de vie de ces personnes


âgées et l’absence d’encoche glénoïdienne est un fac-
Il nous paraît trop tôt pour affirmer la longévité de teur de bon pronostic pour le futur. Un recul plus long
la prothèse inversée latéralisée Arrow®. Cependant, est nécessaire pour confirmer ces bons résultats préco-
l’amélioration de la mobilité en rotation est un facteur ces et pour la proposer à des patients plus jeunes.

RÉFÉRENCES

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183

Résultats des prothèses anatomiques


dans l’omarthrose primitive
Results of anatomical prosthesis
in primary osteoarthritis

J.-F. KEMPF, P. CLAVERT, G. WALCH, D. MOLÉ, P. BOILEAU

RÉSUMÉ SUMMARY
L’omarthrose primitive constitue une indication de choix pour Primary osteoarthritis is an indication of choice for an anato-
une prothèse totale d’épaule anatomique permettant de restau- mical total shoulder replacement allowing to restore mobility
rer la mobilité et de supprimer les douleurs. Les résultats clini- and relieve pain. Clinical results are better with a total repla-
ques obtenus sont meilleurs avec une prothèse totale qu’avec cement than with hemiarthroplasty. Complications (11%) are
une hémiarthroplastie. Les complications (11 %) sont représen- represented by subscapularis tears, instabilities, glenoid erosion
tées par les ruptures du subscapularis, les instabilités, les érosions in hemiarthroplasties, loosening and the complications with
glénoïdiennes dans les hémiarthroplasties, les descellements et metal-back glenoid components, which have been abando-
les complications des glènes métal-back, qui ont été abandon- ned. Nine percent of patients had to be reoperated, mostly for
nées ; 9 % des patients ont dû être réopérés, essentiellement pour subscapularis tears and/or glenoid problems. The existence of a
des ruptures du subscapulaire et/ou des problèmes glénoïdiens. degenerative supraspinatus tear does not destabilize the shoul-
L’existence d’une rupture dégénérative du supraépineux ne dés- der, and has no influence on the clinical results, even with a
tabilisant pas l’épaule (= omarthrose centrée) n’influence pas les long follow-up. A rotator cuff repair associated with a shoulder
résultats cliniques, même avec un long recul. La réparation d’une arthroplasty for primary osteoarthritis does not improve results
rupture de la coiffe des rotateurs dans le cadre de la mise en place and is thus not necessary. The fatty infiltration of the infraspina-
d’une prothèse totale pour omarthrose centrée n’améliore pas le tus and subscapularis muscles is an essential prognostic factor
résultat et n’est donc pas nécessaire. L’infiltration graisseuse des of shoulder prostheses. Biceps tenodesis is recommended as it
muscles infraspinatus et subscapularis est un facteur pronostic allows better results.
essentiel des prothèses d’épaule. La ténodèse du long biceps est
recommandée, permettant de meilleurs résultats.

Mots clés : Prothèse d’épaule. – Omarthrose primitive. – Coiffe


des rotateurs. Key words: Shoulder arthroplasty. – Primary osteoarthritis.

Introduction primitive. Nous discuterons ensuite les résultats de la


littérature.
L’omarthrose primitive, dite « centrée », est la princi-
pale étiologie pour laquelle est proposée une prothèse Épidémiologie et anatomopathologie
d’épaule. Une omarthrose est dite « centrée » lorsque la
tête humérale ne présente pas d’ascension significative, Dans la série multicentrique de Nice, les patients
c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas de diminution de l’espace étaient plus souvent des femmes (75 % des cas) âgées
sous-acromial (figure 1). Cette définition ne préjuge pas en moyenne de 65 ans, dont 28 % présentaient une
de la position de la tête humérale dans le plan horizontal, atteinte arthrosique bilatérale.
puisqu’une subluxation postérieure est souvent observée. Un arthroscanner préopératoire réalisé chez 571
Les résultats rapportés ici concernent la série multi- patients a permis d’objectiver 7 % de ruptures partiel-
centrique rapportée à Nice en 2001 [66], comportant les de la face profonde et 7 % de ruptures transfixian-
766 prothèses d’épaule implantées pour omarthrose tes du supraépineux.

Prothèses d’épaule. État actuel


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184 J.-F. KEMPF, P. CLAVERT, G. WALCH, D. MOLÉ, P. BOILEAU

Figure 1. Exemple d’omarthrose primitive


centrée. A. La radiographie de face montre
un espace acromiohuméral normal. B. Le
profil axillaire montre une subluxation
humérale postérieure.

L’infiltration graisseuse préopératoire a été évaluée – le type B (42 %), où l’usure est excentrique, avec
selon Goutallier et Bernageau [25]. Il y avait au niveau subluxation postérieure de la tête humérale (B1), ou
de l’infraspinatus 80 % de dégénérescence faible associé à une cupule d’usure postérieure (B2) ;
(stade 0 ou 1), 16 % de dégénérescence de stade 2 et 4 % – le type C (4 %), qui correspond à une glène dysplasi-
de dégénérescence de stade 3. Au niveau du subsca- que avec une rétroversion excessive, supérieure à 25°.
pularis, nous avons retrouvé 82 % de dégénérescence
faible, 15 % de dégénérescence de stade 2 et 3 % de
dégénérescence importante, supérieure ou égale à 3. Complications per- et postopératoires
Toujours grâce à cette étude scanner [67], nous avons précoces (< 3 mois)
pu classer la morphologie de la glène selon Walch [64]
en trois grandes familles (figure 2) : Notées dans 4 % des cas, elles ont globalement eu une
– le type A (54 %), où l’usure est concentrique, avec influence négative sur la douleur, la mobilité, l’activité,
pincement central (A1), ou associé à une cupule cen- la force, le score de Constant absolu et pondéré ainsi
trale (A2) sans subluxation humérale ; que sur les gains de ces variables.

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Figure 2. Classification tomodensitométrique des différents types d’usure de la glène dans l’omarthrose primitive selon Walch [67].
Résultats des prothèses anatomiques dans l’omarthrose primitive 185

Ces complications ont fait chuter le score de Constant pour le score de Constant absolu et de 53,5 % pour le
absolu en moyenne de 12 points et le score de Constant score de Constant pondéré.
pondéré en moyenne de 18 points. Toutes les compli- Les résultats restent stables dans le temps, même s’il
cations (12 fractures de l’humérus, 12 fractures de la existe une légère diminution des performances avec le
glène, hématomes, complications neurologiques régres- temps (tableau 1).
sives ou non, 20 luxations antérieures associées dans
87 % des cas à une rupture du subscapularis) ont eu
la même influence, à l’exception des 2 luxations pos- Résultats radiographiques
térieures qui n’ont eu que très peu d’influence sur le
résultat final. Des ossifications périprothétiques ont été retrouvées
dans 9 % des cas, dont 0,5 % étaient importantes.
Au niveau de l’humérus, on notait une migration de
Complications postopératoires l’implant dans 1,5 % des cas et un liseré dans 15 %
tardives (> 3 mois) des cas (dont 89 % faible et 11 % > 3 mm).

Notées dans 7 % des cas, elles ont influencé tous les


critères de Constant. Le score de Constant absolu 120
chute en moyenne de 18 points et le score de Constant
pondéré de 23 points. 100
Les fractures, le sepsis (1 cas), les ruptures secon-
daires de la coiffe des rotateurs ont eu sensiblement
80
la même influence néfaste. Il faut noter en revanche le
caractère particulièrement péjoratif des luxations anté-
rieures secondaires (6 cas) avec un score de Constant 60
absolu qui chute de 25 points et un score de Constant
pondéré qui diminue de 30 points.
40

Résultats fonctionnels 20
Les résultats de 689 patients revus avec un recul supé-
rieur à 2 ans, et dont la prothèse n’a pas été reprise, 0
sont résumés dans la figure 3. DOULEUR MOBILITÉ ACTIVITÉ FORCE CONSTANT CONSTANT
ABSOLU PONDÉRÉ
Le score de Constant absolu était en moyenne de
Préopératoire Postopératoire
70,5 points et le score relatif de 96 %, ce qui est pro-
che de la valeur normale en tenant compte de l’âge et Figure 3. Comparaison des scores de Constant pré- et post-
du sexe des patients. Le gain absolu était de 39 points opératoires.
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Tableau 1
Résultats fonctionnels selon le recul

Résultat Gain

Délai postopératoire 25–35 mois 36–59 mois > 59 mois 25–35 mois 36–59 mois > 59 mois

Douleur 13,1 13,0 12,5 8,9 8,6 8,8

Mobilité 31,8 30,8 30,8 16,6 15,6 16,2

Activité 17,5 17,2 16,7 9,7 9,2 9,2

Force 9,2 9,8 7,8 4,7 5,1 4,1

Constant absolu 71,7 70,9 67,7 39,8 38,7 38,3

Constant pondéré 98 97 92 55 53 52
186 J.-F. KEMPF, P. CLAVERT, G. WALCH, D. MOLÉ, P. BOILEAU

Figure 5. Descellement d’une prothèse glénoïdienne métallique


non cimentée.

Figure 4. Exemple d’un liseré glénoïdien complet.


de complications spécifiques à cet implant (déclipsages,
usures isolées postérieures du polyéthylène), ils ont été
abandonnés [3].
Au niveau de la glène, nous avons noté 2 % de
migrations, 56 % de liserés (figure 4) dont la moitié
étaient stables dans le temps. Hémiarthoplastie versus prothèse
Les liserés glénoïdiens appréciés quantitativement totale d’épaule
selon le « score liseré » (ou RLL, radiolucent line) décrit
par Molé [40] sont résumés dans le tableau 2. Ce score Cette série confirme la supériorité des prothèses totales
analyse dans les six zones de la glène prothétique l’exis- d’épaule (PTE) sur les hémiarthroplasties (HA). Quel
tence d’un liseré, coté à 1 s’il était inférieur à 1 mm, à 2 que soit le type de glène, les PTE (88 % des cas) ont
s’il était compris entre 1 et 2 mm et à 3 si le liseré était permis d’obtenir un meilleur résultat sur la douleur, le
supérieur à 2 mm. Un score supérieur à 12 correspond score de Constant absolu ou pondéré, l’élévation anté-
à un descellement de la pièce glénoïdienne. Il y avait rieure active et la rotation externe active (tableau 3).
5 % de descellements glénoïdiens radiologiques cor-
respondant à un score liseré supérieur à 12 (tableau 2).
Plus le taux de liseré était important, plus le score de Tableau 3
Constant se dégradait (p < 0,0005). Hémiarthroplastie (HA) versus prothèses totales d’épaule (PTE)
Les implants glénoïdiens métalliques non scellés

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(figure 5) ont eu un taux d’échec de fixation significa- Résultat Gain
tivement plus élevé, de 10 %, que les implants en poly-
Humérale PTE Humérale PTE
éthylène cimenté. Au vu, par ailleurs, de la fréquence
Douleur 12,2 13,0 7,8 8,9

Mobilité 28,0 31,7 12,7 16,7


Tableau 2
Score de Constant en fonction du score liseré selon Molé [40] Activité 15,6 17,4 7,5 9,8

Liseré glénoïdien Pourcentage Constant Force 9,6 9,0 3,8 4,8

<6 75 % 72,6 Constant 66,1 71,1 31,4 40,2


absolu
6–12 23 % 69,3
Constant 88 % 97 % 42 % 55 %
> 12 5% 55,6 pondéré
Résultats des prothèses anatomiques dans l’omarthrose primitive 187

Influence de la morphologie conseillé de faire une PTE au vu de nos résultats. Faut-


il greffer, avec tous les aléas que cela comporte ? Nous
de la glène ne pouvons répondre, mais en tout état de cause, il
vaut mieux une HA qu’une PTE dont la glène est mal
Pour les glènes concentriques, de type A1 ou A2, les scellée et qui laisse persister une subluxation posté-
PTE ont apporté un meilleur résultat à nos patients rieure dangereuse pour le long terme !
pour un taux de complication identique. Et cette solu-
tion semble devoir être recommandée.
Devant une glène excentrique (type B1 ou B2) en Influence des lésions tendineuses
revanche, nous nous devons d’être plus nuancés, car de la coiffe des rotateurs
s’il n’y a pas eu de résultats cliniques statistiquement
différents entre PTE et HA, les PTE ont entraîné plus de Nous avons pu analyser les arthroscanners préopéra-
complications que les HA (15 % contre 10 %). Nous toires de 555 épaules afin d’y étudier d’une part l’exis-
avons en effet observé des instabilités postopératoires tence ou non d’une rupture tendineuse, et d’autre part
et des usures postérieures plus fréquentes. Par ailleurs, l’existence ou non d’une dégénérescence graisseuse.
l’intervention a souvent été jugée difficile, comme en Nous confirmons ce que nous avions trouvé dans la
témoignait le nombre de gestes capsulaires complémen- série de 1996 [32], à savoir qu’une rupture du supra-
taires qui a dû être fait dans ces formes anatomiques épineux n’a aucune influence sur les résultats cliniques
ainsi que le nombre de greffes osseuses, où le risque de postopératoires (tableau 4), à l’exception de la force
pseudarthrose n’est pas faible. Dans cette population qui est significativement diminuée, mais faiblement
de glènes excentriques, nous avons pu réaliser 23 arthro- (1,5 kg en moyenne). De même, nous n’avons retrouvé
scanners postopératoires et mettre en évidence que aucune différence qu’il y ait eu réparation ou non de
le risque de subluxation postérieure persistante était la rupture de la coiffe dans le même temps que la pro-
élevé si la rétroversion dépassait 20°, subluxation pou- thèse d’épaule (tableau 5).
vant être elle-même à l’origine d’une usure postérieure
de la glène osseuse ou du polyéthylène. En revanche, si
la rétroversion était inférieure à 20°, nous n’avons pas
observé de subluxation postérieure persistante. Dans Influence de l’infiltration
l’attente d’une étude prospective plus détaillée, on peut graisseuse des muscles
donc pour l’instant recommander une PTE en cas de de la coiffe des rotateurs
rétroversion modérée inférieure à 20° et une prothèse
humérale dans le cas contraire. L’infiltration graisseuse a, en revanche, une influence
Quant aux glènes dysplasiques (type C), elles sont négative sur les résultats cliniques. Schématiquement,
rares mais difficiles à prothéser, d’autant plus qu’il est plus l’infiltration graisseuse de l’infraépineux ou du

Tableau 4
Absence d’influence d’une rupture du supraépineux sur les résultats des arthroplasties dans l’omarthrose primitive
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Patients Score de Constant Élévation Rotation


antérieure externe
Douleur Activité Mobilité Force Total Pondéré active (º) (RE1)
(points) (points) (points) (points) (points) (%) active (º)

Pas de 12,9 17,3 30,8 9,2 70,2 95 143,6 42


rupture
(n = 472)

Rupture 12,3 16,3 30,3 7,6 66,5 94,5 141,6 35,6


partielle
(n = 41)

Rupture 13,2 16,6 30,9 6,4 67,1 94 140,7 40,9


transfixiante
(n = 42)
188 J.-F. KEMPF, P. CLAVERT, G. WALCH, D. MOLÉ, P. BOILEAU

Tableau 5
Absence d’influence de la réparation du supraépineux sur le résultat des arthroplasties pour omarthrose primitive

Patients Score de Constant Élévation Rotation


antérieure externe
Douleur Activité Mobilité Force Total Pondéré active (º) (RE1)
(points) (points) (points) (points) (points) (%) active (º)

Réparation 12 17,3 31,3 7,3 67,9 101 133,7 33,3


(n = 4)

Non-réparation 12,3 16,2 30,2 7,6 66,3 94 142,4 35,8


(n = 37)

Tableau 6
Influence de l’infiltration graisseuse sur le résultat des arthroplasties pour omarthrose primitive

Influence de la dégénérescence graisseuse du muscle infraépineux sur le résultat

Patients Score de Constant Élévation Rotation


antérieure externe
Douleur Activité Mobilité Force Total Pondéré active (º) (RE1)
(points) (points) (points) (points) (points) (%) active (º)

Stades 0–I 13,1 17,5 31,5 9,3 71,4 97 145,5 43,6


(n = 446)

Stade II 12,3 16,2 28,9 7,1 64,5 89 136 33,2


(n = 90)

Stades III ou IV 11,7 15,2 22,8 7,7 57,4 78 122,7 29,7


(n = 19)

Tableau 7
Influence de la dégénérescence graisseuse du muscle subscapulaire sur le résultat des arthroplasties pour omarthrose primitive

Patients Score de Constant Élévation Rotation


antérieure externe
Douleur Activité Mobilité Force Total Pondéré active (º) (RE1)
(points) (points) (points) (points) (points) (%) active (º)

Stades 0–I 13 17,3 31,5 9,2 71 96 144,4 42,5


(n = 456)

Stade II 12,2 17,2 28,3 7,3 65 91 141,5 36,9 © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
(n = 84)

Stades III ou IV 12,3 14,5 22,9 6,7 56,4 76 116,5 32,1


(n = 15)

subscapulaire est importante, moins bon est le résultat d’avoir vis-à-vis de lui. Nous avons pu isoler 625
fonctionnel (tableaux 6 et 7). patients ne présentant pas de complication avec un
recul moyen de 3,7 ans. Vingt et un pour cent de ces
Influence du tendon du long biceps patients ont bénéficié d’une ténodèse du long biceps
lors de l’intervention. Globalement, la ténodèse a eu
Enfin, nous nous sommes attachés à étudier l’influence un effet bénéfique sur presque tous les critères clini-
du tendon du long biceps et l’attitude qu’il convient ques que nous avons étudiés et en particulier sur le
Résultats des prothèses anatomiques dans l’omarthrose primitive 189

score de Constant absolu, qui est amélioré de 4 points, a constitué l’indication préférentielle des opérateurs de
et le score de Constant pondéré, de 7 points. La dou- notre série avec 88 %. Neer [43], Mansat [38], puis
leur, le niveau d’activité, la mobilité sont très nette- Cofield et al. [11] avaient confirmé l’efficacité de la
ment améliorés par cette ténodèse. Cette différence est prothèse humérale dans le traitement de l’omarthrose
encore plus parlante si on étudie les 322 patients qui primitive. Bigliani et al. [51] ont analysé l’influence de
ont un recul supérieur à 36 mois. l’usure glénoïdienne sur les résultats des HA : il existe
un résultat plus favorable avec les glènes concentri-
ques. Dans notre série, les résultats cliniques des HA
Discussion étaient statistiquement identiques quel que soit le type
d’usure de glène. Radnay [54] a revu 23 publications
Les résultats globaux de cette série multicentrique et colligé 1952 cas revus en moyenne à 43,4 mois de
montrent que les prothèses d’épaule anatomiques recul moyen (30–116). Cette méta-analyse confirme
donnent d’excellents et bons résultats dans l’omar- la supériorité des PTE concernant la douleur, l’éléva-
throse primitive : on observe une amélioration signi- tion antérieure, la rotation externe, la satisfaction du
ficative de tous les paramètres du score de Constant. patient. Les PTE ont eu 6,5 % de reprises alors que les
De plus, ces résultats restent stables dans le temps. HA en ont eu 10,2 %. Il n’y a eu que 1,7 % de révi-
Le résultat est amélioré par l’utilisation d’un implant sions du composant glénoïdien.
glénoïdien, tant sur le plan des mobilités que sur celui Dans l’omarthrose primitive, Walch et al. [64] ont
de la douleur, confirmant donc les données de la litté- décrit sur des coupes scanner trois types de glène.
rature [18,23,32,48,56]. Parmi les différents facteurs L’appréciation et l’analyse radiologique de l’usure glé-
influençant les résultats, on retrouve une nette inci- noïdienne sont controversées. Pour les uns [38,45], le
dence du descellement glénoïdien. On retrouve 13 % profil axillaire est suffisant, pour d’autres [21,50], le
de complications réparties entre complications glénoï- scanner est indispensable afin de mesurer la rétrover-
diennes, instabilité et insuffisance de coiffe. Neuf pour sion de la glène et d’évaluer son usure. Nous parta-
cent des patients ont dû être réopérés, essentiellement geons cette opinion. Dans cette série, il n’y avait pas de
pour des ruptures du subscapulaire et/ou des problè- lien statistique entre le type de glène et les résultats cli-
mes glénoïdiens. niques des PTE. En revanche, il existait une corrélation
La fixation glénoïdienne est indiscutablement le pro- entre le type de glène et les complications postopéra-
blème essentiel à long terme [6,10,11,15,21,26,30,32, toires : l’instabilité postérieure de la prothèse consti-
38,45,63]. La majorité des reprises glénoïdiennes ont tuait la principale complication des glènes de type B2.
été effectuées pour des implants métal-back non cimen-
tés. Une étude prospective randomisée [3] sur 40 cas a
clairement confirmé la plus grande fréquence de des-
cellements, d’usures du polyéthylène, sans compter les Faut-il adapter nos indications
désassemblages spécifiques à ces implants qui ont été respectives en fonction
abandonnés. Comment diminuer la fréquence des lise- du type de glène ?
rés observée par la plupart des auteurs : de 30 % pour
Neer [42], 31 % pour Molé [40], 96 % pour Broström Dans les glènes concentriques (de type A1, A2), la mise
[7] ? Le type de composant glénoïdien en polyéthylène en place d’un implant glénoïdien est effectuée sans dif-
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scellé reste débattu : à fond plat ou à fond convexe. ficulté et doit être préférée au vu de nos résultats.
Pour Szabo et Walch [58], la fréquence des liserés est Dans les glènes excentriques (de type B1, B2), Bell
moindre si le fond est convexe. Son implantation doit [1] souligne la nécessité de restaurer une orientation
faire appel à la technique de compaction [59] avec un normale de la glène et de réaliser un « soft tissue balan-
effet « press-fit » pour la quille. Le dispositif d’ancrage cing ». Dans la majorité des cas, un fraisage antérieur
– quille ou plots – reste lui aussi débattu : l’utilisation est suffisant pour corriger l’anomalie architecturale
de plots pourrait être mécaniquement plus favorable et de la glène. Néanmoins, Clavert et Warner [8] recom-
préserver le stock osseux sous-chondral [61]. Il semble mandent de ne pas utiliser ce procédé si la rétrover-
également important d’éviter une congruence trop par- sion est supérieure à 15°. Onze fois, dans notre série,
faite entre la tête métallique et la glène prothétique : une reconstruction glénoïdienne par greffe osseuse ou
une différence de rayon de courbure (« mismatch ») de ciment a été nécessaire. La greffe osseuse a été utili-
6 à 10 mm semble souhaitable pour Walch [68]. sée 10 fois. La consolidation de la greffe osseuse a été
Dans cette série multicentrique, la prothèse humérale obtenue 7 fois (70 %) ; 3 cas (30 %) ont évolué vers
simple n’a été utilisée que dans 12 % des cas. La PTE la pseudarthrose avec lyse osseuse. Le pitonnage plus
190 J.-F. KEMPF, P. CLAVERT, G. WALCH, D. MOLÉ, P. BOILEAU

ciment a été utilisé 1 fois avec succès. L’indication et lorsqu’elle était inférieure ou égale à 20°, l’implant
l’efficacité de ce procédé technique restent à déterminer. huméral était centré 10 fois sur 12.
Neer et Morisson [44] ont décrit en 1988 de manière L’arthrose sur dysplasie de la glène (type C) est une
détaillée la technique de reconstruction glénoïdienne. entité rare (4 %). La position de l’implant huméral
Ils ont rapporté des résultats satisfaisants, mais leur est variable, souvent centrée, rarement en position de
série n’était pas homogène. Norris [49] a rapporté une subluxation postérieure. Au recul, les résultats obtenus
série de 21 cas dans laquelle il déplore 3 cas (18 %) de avec la PTE sont statistiquement meilleurs sur l’ensem-
pseudarthrose ou lyse de la greffe et 29 % de reprises ble des paramètres cliniques. La littérature reste silen-
opératoires pour descellement de l’implant glénoïdien. cieuse sur l’attitude à adopter pour ce type de glène,
Enfin, 47 % de résultats étaient considérés comme non mais notre série incite à préférer une PTE lorsque cela
satisfaisants selon les critères de Neer. Ces données et est possible.
notre expérience doivent inciter à la prudence quant à
l’utilisation d’une glène prothétique dans les usures de
glène excentrées sévères. Quelle attitude vis-à-vis de la coiffe
La seconde difficulté majeure dans les glènes excen- des rotateurs et du long biceps ?
triques est de restaurer la balance des tissus mous. La
capsulorraphie postérieure a été nécessaire 21 fois, soit Concernant l’association d’une rupture du supra-
pour prévenir une instabilité postérieure, soit pour épineux, nous confirmons que dans l’omarthrose pri-
corriger une luxation postérieure peropératoire de la mitive, il n’est pas nécessaire de réparer ces lésions
prothèse. Elle a été associée à une greffe osseuse 8 fois tendineuses dégénératives [48].
et effectuée de manière isolée 13 fois. L’efficacité de ce Si on retrouve dans la littérature [28,71] le rôle que
geste capsulaire a été partielle 11 fois (57 %). peut avoir le chef long du biceps dans la genèse des
La troisième difficulté majeure est la correction de la douleurs dans l’omarthrose centrée, aucun travail n’a
subluxation postérieure statique de l’implant huméral. encore été publié sur la ténotomie/ténodèse du long
Sa persistance en postopératoire expose au risque de biceps dans ce cadre. Dines [17] et Tuckman [62]
descellement de l’implant par mécanisme de cheval à rapportent 8 cas d’arthroscopie sur PTE douloureuse
bascule dans le plan horizontal. Un scanner de contrôle pour lesquelles ils ont réalisé 2 ténotomies et 3 téno-
postopératoire a pu être réalisé 23 fois pour analyser dèses avec succès, mais ne proposent pas dans leurs
la relation entre la rétroversion de l’implant glénoïdien conclusions la ténodèse systématique lors de l’implan-
et la subluxation postérieure du pivot huméral. Une tation. À la lumière de nos résultats, nous ne pouvons
rétroversion de la glène supérieure à 20° s’accompa- que recommander ce geste à titre systématique dans
gnait 6 fois sur 7 d’une subluxation postérieure. Mais cette indication.

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193

Place des prothèses inversées


dans l’omarthrose primitive
The place of reverse shoulder arthroplasty
for primary osteoarthritis

A. GODENÈCHE, B. MÉLIS, G. WALCH

RÉSUMÉ SUMMARY
Les bons résultats des prothèses d’épaules non contraintes dans Good results using nonconstrained shoulder arthroplasty in pri-
l’omarthrose primitive peuvent être compromis par une rupture mary glenohumeral osteoarthritis (OA) may be compromised by
des tendons des la coiffe des rotateurs, une infiltration graisseuse cuff tendon rupture, muscle fatty infiltration or severe glenoid
importante des muscles de la coiffe des rotateurs ou une usure erosion. The goal of this study was to evaluate the results of
glénoïdienne sévère. Le but de cette étude était d’évaluer les reverse shoulder arthroplasty (RSA) in primary OA complicated
résultats de la prothèse totale inversée dans l’omarthrose primi- by cuff or glenoid pathology. From January 1992 to December
tive compliquée d’une lésion de la coiffe des rotateurs ou d’une 2002, 457 RSAs were placed at five surgical centers. Twenty-
usure glénoïdienne. Notre série comportait 26 patients d’âge six patients were identified with primary OA. The indication to
moyen 74 ans lors de la chirurgie, 92 % des patients étant des implant a RSA was an associated massive rotator cuff tear in
femmes. L’indication de mise en place d’une prothèse inversée 6 cases, severe glenoid wear in 7 cases, and fatty infiltration
était une rupture massive de la coiffe des rotateurs dans 6 cas, greater than stage 2 of one of the cuff muscles in 13 cases.
une usure glénoïdienne sévère dans 7 cas et une infiltration grais- Patients were evaluated using pre- and postoperative range of
seuse supérieure au stade II d’un des muscles de la coiffe des motion, Constant scores and standardized radiographs. Nineteen
rotateurs dans 13 cas. Dix-neuf patients ont pu être revus clini- patients were available at an average follow-up of 37 months
quement et radiographiquement avec un recul minimal de 2 ans (range 24–77). All four components of the Constant score
et un recul moyen de 37 mois (24–77 mois). Le score de Constant showed a statistically significant improvement (p<0,05). Active
était statistiquement amélioré dans tous ces paramètres : l’éléva- forward elevation increased from an average of 87° to 142°, and
tion antérieure active était augmentée de 87° à 142° et la rota- external rotation at side was improved from 3,3° to 17,5°. There
tion externe coude au corps de 3,3° à 17,5°. Deux complications was no correlation between the state of the rotator cuff and
nécessitèrent l’ablation de la prothèse (une infection et un des- clinical outcome. RSA for primary OA yields results comparable
cellement glénoïdien). Sur le plan subjectif, 17 patients étaient to those reported in cuff tear arthropathy. Compared to the his-
satisfaits ou très satisfaits, et 2 patients ayant eu une compli- torical results of nonconstrained prosthesis, RSA results in less
cation étaient déçus. La prothèse totale inversée dans l’omarth- internal and external rotation but comparable active forward
rose primaire permet d’obtenir des résultats comparables à ceux elevation and subjective satisfaction. RSA is recommended for
obtenus dans les arthroses avec rupture massive de la coiffe des patients with primary OA complicated by massive cuff tears,
rotateurs. En comparaison avec les résultats des prothèses non fatty infiltration greater than stage 2 of the cuff muscules, or
contraintes dans l’omarthrose primaire, les rotations internes et severe glenoid wear (type B2 or C glenoid).
externes postopératoires sont moins importantes avec la prothèse
totale inversée, mais l’élévation antérieure active obtenue et les Key words: Reverse shoulder arthroplasty. – Primary osteoarthritis.
résultats subjectifs sont identiques. La prothèse totale inversée – Cuff tendon rupture.
dans l’omarthrose primaire est indiquée en cas de rupture massive
de la coiffe des rotateurs, de dégénérescence graisseuse muscu-
laire sévère de la coiffe des rotateurs (> stade II) ou d’usure glé-
noïdienne sévère (glènes type B2 ou C).

Mots clés : Prothèse totale inversée épaule. – Omarthrose primitive.


– Rupture coiffe des rotateurs.

Prothèses d’épaule. État actuel


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194 A. GODENÈCHE, B. MÉLIS, G. WALCH

Introduction Dans le but d’obtenir une série homogène d’omarth-


rose primaire, ont été exclues les épaules présentant
L’omarthrose primitive est généralement considérée une pathologie inflammatoire, une ostéochondroma-
comme une pathologie rare, car elle représente seule- tose, une arthropathie postinfectieuse, une dysplasie
ment 3 % de l’ensemble des lésions arthrosiques [16]. congénitale, des problèmes neurologiques et une ostéo-
Cependant, dans une large série de 1542 prothèses nécrose (idiopathique, post-traumatique ou induite).
non contraintes implantées pour des pathologies dégé- Un problème traumatique dans les antécédents (frac-
nératives ou inflammatoires de l’articulation glénohu- ture ou lésion tendineuse), une instabilité ou des anté-
mérale entre 1991 et 1998, l’omarthrose primitive cédents chirurgicaux sur la même épaule étaient aussi
représentait 49,6 % des cas [20]. Cette entité clinique des critères d’exclusion. Nous avons ainsi pu analyser
et radiographique a été décrite en détail par Forestier les résultats de 26 prothèses inversées mises en place
en 1936 [4] puis précisée par Neer [12] comme une pour omarthrose primitive avec au moins 2 ans de
perte de la mobilité articulaire glénohumérale avec pin- recul.
cement articulaire et présence d’ostéophytes autour de L’âge moyen des patients lors de la chirurgie était de
la tête humérale, la coiffe des rotateurs étant presque 74 ans (68–89 ans) ; 92 % étaient des femmes. 75 %
toujours intacte. Ultérieurement, Neer et ses coauteurs des prothèses étaient implantées sur l’épaule domi-
précisèrent que l’usure de la glène était prédominante à nante, et 65 % sur l’épaule droite.
son bord postérieur [13,15]. Cette entité pathologique Tous les patients étaient évalués en préopératoire et
a été identifiée par Neer comme une excellente indica- postopératoire avec le score de Constant [1] et avec
tion pour une prothèse d’épaule non contrainte. Si le la mesure des amplitudes articulaires actives et passi-
débat persiste toujours sur le choix entre prothèse totale ves (tableau 1). Le bilan radiographique préopératoire
ou prothèse humérale, la majorité des auteurs publient incluait une radiographie de l’épaule de face en rota-
d’excellents résultats cliniques des prothèses totales tions neutre, interne et externe, et un profil axillaire.
non contraintes dans les cas d’omarthrose primitive Le bilan radiographique mettait en évidence les deux
lorsque le stock osseux glénoïdien est satisfaisant et principaux critères diagnostiques de l’omarthrose : le
la coiffe des rotateurs fonctionnelle [15,20]. Certains pincement articulaire glénohuméral était systémati-
facteurs prédictifs sont connus pour compromettre les quement retrouvé et la présence d’ostéophytes sur la
résultats fonctionnels comme les lésions dégénératives partie inférieure de la tête humérale était mise en évi-
des tendons supra- et infraépineux. Edwards et al. ont dence chez 24 patients. L’espace sous-acromial était de
montré que l’infiltration graisseuse des muscles de la 7 mm ou plus dans 18 cas (69 %) et de moins de 7 mm
coiffe des rotateurs pouvait être observée isolément ou dans 6 cas. Un contact acromiohuméral était présent
en association avec une rupture tendineuse et compro- dans 4 cas (figure 1). Le diagnostic d’une lésion trans-
mettait les résultats prothétiques dans cette étiologie fixiante de la coiffe des rotateurs était fait grâce à
[2]. Les usures postérieures de la glène sont fréquentes un arthroscanner réalisé dans 22 cas, ou une image-
dans l’omarthrose primitive et sont secondaires à une rie par résonance magnétique (IRM) dans 4 cas. Les
subluxation postérieure statique de la tête humérale constatations d’imagerie étaient confirmées lors de la
[19,21]. Différentes solutions thérapeutiques ont été chirurgie dont les critères d’observations peropératoi-
proposées pour résoudre le problème de ces usures res constituaient la référence d’une lésion de la coiffe
postérieures, incluant l’utilisation de greffes osseuses des rotateurs. Dans 2 cas, aucune lésion de la coiffe

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ou d’une prothèse humérale simple [8,9,14,18]. Les des rotateurs n’était retrouvée, un patient présentait
deux solutions ont un taux de complication élevé et une lésion transfixiante du supraépineux, 3 patients
des résultats fonctionnels nettement inférieurs. avaient une rupture des supraépineux et subscapu-
L’objet de ce travail est d’analyser les résultats de laire, 8 patients avaient une rupture des supraépineux
la prothèse totale inversée dans l’omarthrose primitive et infraépineux, et 12 patients avaient une lésion des
lorsque l’état de la coiffe tendinomusculaire ou l’usure trois tendons principaux. La longue portion du biceps
glénoïdienne ne permet pas d’obtenir de résultats satis- était dégénérative dans 4 cas, subluxée dans 3 cas et
faisants avec une prothèse non contrainte. rompue dans 19 cas.
La dégénérescence graisseuse musculaire de la
Matériel et méthode coiffe des rotateurs était évaluée selon les 5 stades de
Goutallier et al. [7]. Le stade 0 correspond à un muscle
La base de ce travail est une série de 457 prothèses totalement normal ; le stade I correspond à un muscle
inversées implantées entre 1992 et 2002 dans cinq cen- présentant quelques traces de graisse ; le stade II cor-
tres français spécialisés dans la chirurgie de l’épaule. respond à plus de muscle que de graisse ; le stade III à
Place des prothèses inversées dans l’omarthrose primitive 195

Tableau 1
Mobilité active et scores de Constant préopératoire et postopératoire

Préopératoire 26 patients Postopératoire 17 patients p

Douleur (15 points) 2,1 12,7 0,0001

Activités de la vie quotidienne (20 points) 5,8 16,5 0,0001

Mobilité (40 points) 14 27,8 0,0001

Force (25 points) 2,3 7,5 0,0006

Score de Constant (100 points) 24,3 64,5 0,0001

Constant pondéré (100 %) 35 % 93 % 0,0001

Élévation active (degré) 87° 142° 0,0001

Rotation externe active (degré) 3,5° 17,6° 0,01

Rotation interne 2,8 5,1 0,01

Signe du clairon 1 6

à une subluxation postérieure avec usure postérieure


asymétrique de la glène (glène biconcave). Le type C
est défini par une rétroversion glénoïdienne de plus de
25°. Cinq glènes étaient de type A1, 13 de type A2, 2
de type B1 et 6 de type B2.
L’indication de mise en place d’une prothèse inver-
sée plutôt que d’une prothèse standard non contrainte
était :
– dans 6 cas, une rupture massive de la coiffe des rota-
teurs (au moins 2 tendons) ;
– dans 7 cas, une usure osseuse glénoïdienne majeure
compromettant l’implantation d’une prothèse à quille
ou à plot : 4 cas de glène type B2 avec glène biconcave
toujours associés dans cette série à une rupture mas-
sive de la coiffe des rotateurs, et 3 cas de glène type A2
associés dans cette série à une rupture massive de la
coiffe des rotateurs et/ou à une infiltration graisseuse
sévère des muscles ;
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Figure 1. Omarthrose primitive avec rupture des tendons supra- – dans 13 cas, une infiltration graisseuse musculaire
et infraépineux et contact acromiohuméral. sévère (supérieure ou égale au stade 3) d’un ou de deux
muscles (figure 2).
La voie d’abord utilisée était 25 fois une voie delto-
autant de graisse que de muscle ; et le stade IV à plus pectorale ; le subscapulaire lorsqu’il était intact a été
de graisse que de muscle. Le tableau 2 décrit l’état de sectionné au niveau du col anatomique. Il a été réparé
l’infiltration graisseuse dans les 26 cas. La morpholo- par une suture transosseuse 16 fois ; il a fait l’objet
gie glénoïdienne était appréciée selon la classification d’une réparation partielle 3 fois ; et il n’a pu être réparé
de Walch et al. [19] en cinq types. Le type A1 corres- du fait d’une rétraction ou d’une disparition du ten-
pond à une tête humérale centrée avec une usure glé- don 6 fois. La voie d’abord était supéro-externe 1 fois
noïdienne minime. Le type A2 correspond à une tête (choix du chirurgien). Le subscapulaire a été partielle-
centrée avec usure glénoïdienne centrale. Le type B1 ment détaché et suturé en place.
correspond à une subluxation postérieure de la tête Aucune tentative de réparation des autres tendons
humérale sans défect osseux. Le type B2 correspond de la coiffe n’a été faite.
196 A. GODENÈCHE, B. MÉLIS, G. WALCH

Tableau 2
Données de l’imagerie pour les 26 patients

Stade de l’infiltration
État petit Type de
Coiffe des rotateurs graisseuse de la coiffe
rond glène
Sexe Âge des rotateurs [7]
Supra- Infra- Sub- Infra- Sub-
épineux épineux scapulaire épineux scapulaire
1 F 72 Oui Oui Intacte St 3 2 Normal A1
2 H 66 Oui Oui Intacte St 4 2 Normal A2
3 F 74 Oui Oui Oui St 4 4 Absent Usure ant.
4 F 79 Oui Intacte Oui St 4 2 Normal A2
5 F 78 Oui Oui Intacte St 4 3 Normal A1
6 F 74 Oui Oui Intacte St 2 2 Normal A2
7 F 68 Oui Oui Oui St 2 4 Normal A1
8 F 68 Oui Oui 1/3 sup. St 3 2 Normal B2
9 F 73 Oui Oui 1/3 sup. St 4 2 Absent B2
10 F 82 Oui Intacte 2/3 sup. St 3 1 Normal A1
11 F 75 Intacte Intacte Intacte St 2 2 Normal A2
12 F 71 Oui Oui Intacte St 4 4 Absent B2
13 H 74 Oui Intacte Oui St 3 3 Absent A2
14 F 74 Oui Oui 1/3 sup. St 2 1 Normal A1
15 H 66 Oui Oui 2/3 sup. St 4 4 Normal B1
16 F 86 Oui Oui 2/3 sup. St 4 4 Normal A2
17 F 82 Oui Oui Oui St 4 4 Normal B1
18 F 81 Oui Oui 2/3 sup. St 4 4 Normal A2
19 F 78 Oui Intacte Intacte St 3 3 Normal A2
20 F 76 Oui Oui 1/3 sup. St 4 4 Absent A2
21 F 74 Oui Oui Intacte St 4 2 Normal A2
22 F 79 Oui Oui Intacte St 4 1 Normal A2 © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
23 F 61 Intacte Intacte Intacte St 4 2 Normal B2
24 F 66 Oui Oui 1/3 sup. St 4 1 Normal B2
25 F 75 Oui Oui Intacte St 3 1 Normal B2
26 F 75 Oui Oui Oui St 3 4 Absent A2

st : stade.

Les prothèses implantées étaient 23 fois une pro- Sept malades ont bénéficié d’une greffe glénoï-
thèse Delta 3® (DePuy) et 3 fois une Aequalis Reverse® dienne ; 5 fois il s’agissait d’une greffe spongieuse de
(Tornier). La tige humérale était cimentée 23 fois et comblement prélevée sur la tête humérale et impactée
implantée sans ciment 3 fois. La taille de l’épiphyse sous l’embase métallique glénoïdienne ; à chaque fois,
était de 36 mm dans 25 cas et de 42 mm dans 1 cas. il s’agissait d’une glène de type A2 avec une érosion
Place des prothèses inversées dans l’omarthrose primitive 197

A B

Figure 2. Omarthrose primitive (A) avec dégénérescence graisseuse stade 4 (B) des muscles supra- et infraépineux.

Figure 3. Omarthrose
primitive avec érosion
centrale de la glène (A).
Prothèse totale inversée
implantée avec greffe
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osseuse centrale stabi-


lisée par la platine glé-
noïdienne (B).

centrale (figure 3). Deux patients ont bénéficié d’une cole de Liotard et al. [10]. Les mouvements actifs de la
greffe corticospongieuse prélevée sur la crête iliaque vie quotidienne étaient progressivement repris à partir
pour traiter une glène biconcave de type B2, le fraisage de la troisième semaine. Aucun renforcement muscu-
asymétrique antérieur n’ayant pas permis de faire dis- laire n’était réalisé.
paraître le défect postérieur. La greffe était fixée par
une vis postérieure et stabilisée également par les vis
d’ancrage de l’embase métallique. Résultats
Dans les suites opératoires, une écharpe simple de Complications
repos était placée pour 3 semaines et la rééducation
passive débutait immédiatement. Vingt-deux patients Une patiente a présenté une migration de l’embase glé-
ont bénéficié de rééducation en piscine selon le proto- noïdienne au 4e mois postopératoire ; elle présentait une
198 A. GODENÈCHE, B. MÉLIS, G. WALCH

glène biconcave B2 avec une sévère usure postérieure, général déficient, et 2 patients ayant présenté une
une coiffe tendineuse intacte et une infiltration grais- complication déjà analysée ont eu une ablation de
seuse stade IV de l’infraépineux. Une reconstruction leur prothèse. Dix-sept patients ont été revus clini-
glénoïdienne en un temps avec une greffe iliaque a été quement et radiologiquement avec un recul moyen
réalisée, mais le plot central de l’embase glénoïdienne de 36,6 mois (24–77 mois), avec la prothèse tou-
ne pénétrait pas la paléoglène. Au 4e mois, elle perdait jours en place. Tous les items du score de Constant
brutalement sa mobilité active et la radiographie mon- montrent une amélioration statistiquement significa-
trait une migration de l’embase et de la greffe. Une tive (tableau 1). Le gain du score de Constant est de
réintervention pour transformer la prothèse inversée 40,2 points, avec une moyenne préopératoire de 24,3
en prothèse humérale a été réalisée (figure 4). Avec un points et postopératoire de 64,5 points. L’élévation
recul de 2 ans, l’indolence a été obtenue, mais l’éléva- antérieure active moyenne passe de 87° à 142°, la
tion active est limitée à 60°. Le score de Constant est rotation externe coude au corps passe de 3,3° à 17,5°,
de 40 points ; la patiente est déçue. et la rotation interne s’améliore également.
Une autre patiente a présenté une infection 3 ans Sur le plan subjectif, les deux patients ayant présenté
après son implantation avec descellement de la pièce une complication sont déçus. Tous les autres sont satis-
humérale et de la glène qui a nécessité l’ablation de la faits ou très satisfaits.
prothèse et la transformation en résection arthroplas- Au dernier recul, 6 patients présentent un signe du
tique. Elle est indolore, ne présente plus d’infection et clairon.
ne souhaite pas être réopérée ; le score de Constant est
de 28 points. Résultats radiographiques
Résultats cliniques Une vis cassée avec déplacement de l’embase glénoï-
dienne a été mise en évidence chez un patient. Une
Cinq patients sont décédés avant la révision à 2 ans. encoche sur la partie inférieure du col de l’omoplate a
Deux patients n’ont pu être revus du fait d’un état été retrouvée dans 8 cas (47 % des 17 patients ayant eu

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Figure 4. Omarthrose primitive avec usure


postérieure glénoïdienne sévère et dégé-
nérescence graisseuse stade IV de l’infra-
épineux (A, B). Mise en place d’une prothèse
inversée avec implantation du plot cen-
trale dans la greffe et non dans la glène
native (C) ; à 3 mois postopératoires, bas-
cule de la glène et révision par prothèse
humérale.
Place des prothèses inversées dans l’omarthrose primitive 199

un suivi radiographique). Cette encoche était de grade rupture tendineuse dans cette série impliquant tou-
1 ou 2 dans 5 cas selon la classification de Sirveaux jours au moins deux tendons.
et al. [17] ; elle atteignait la vis inférieure dans 2 cas et L’infiltration graisseuse des muscles de la coiffe est
s’étendait au-dessus de cette vis inférieure dans 1 cas. également fréquente et importante, puisque 92 % ont
Un éperon glénoïdien était souvent associé à l’enco- au moins un tendon présentant une infiltration grais-
che et présent dans 10 cas. Une ossification entre la seuse supérieure ou égale au stade III.
glène et l’épiphyse humérale était présente dans 4 cas. Enfin, l’usure glénoïdienne est également anorma-
lement élevée, expliquant la crainte du chirurgien de
Corrélations proposer une prothèse glénoïdienne cimentée.
L’embase métallique de la prothèse inversée avec son
Nous n’avons pas trouvé de corrélations statistique- plot central et ses quatre vis périphériques permet de
ment significatives entre le résultat, l’état de la coiffe se passer de ciment, et sa stabilité permet de l’implan-
tendineuse ou musculaire et la forme préopératoire de ter même lorsque le stock osseux restant est limité. Les
la glène. Nous confirmons l’importance du petit rond contraintes qui s’exercent sur la glénosphère ne sont
qui, dans les 6 cas où le muscle était absent ou atrophi- pas des contraintes en cisaillement, mais très rapide-
que sur l’imagerie, a entraîné une paralysie complète ment au cours de l’élévation des contraintes en com-
de la rotation externe (signe du clairon) [22,23]. Le pression.
score de Constant moyen et le résultat subjectif res- Le système non cimenté autorise également la stabi-
taient en revanche identiques aux autres patients (62,8 lisation d’une greffe spongieuse sous l’embase métal-
points versus 65 points, 100 % satisfaits ou très satis- lique, particulièrement utile en cas d’érosion centrale
faits versus 92 %). importante (type A2). En revanche, les deux cas de
greffe corticospongieuse iliaque en un temps réalisée à la
partie postérieure de la glène ont échoué : une patiente
Discussion a présenté une migration précoce et une autre présente
une bascule de l’embase glénoïdienne avec une frac-
Cette courte série d’omarthrose primitive se distingue ture de vis. Le résultat objectif reste bon chez cette
des séries habituellement rapportées dans la littérature dernière patiente, mais on peut légitimement s’inquié-
et traitées par une prothèse non contrainte (tableau 3). ter de l’avenir. Nous avons depuis utilisé des embases
Le pourcentage de femme est plus élevé (92 %), et sur- métalliques avec un plot plus long (25 mm au lieu de
tout l’âge moyen est supérieur de près de 10 ans aux 15 mm) qui permet en cas de greffe osseuse d’assurer
autres séries. son ancrage dans la glène native. Nous ne pouvons pas
Ces différences expliquent certainement les carac- encore conclure sur l’efficacité de ce nouveau modèle
téristiques anatomiques de notre série. Alors que les et devons garder à l’esprit que la consolidation des
ruptures tendineuses sont présentes dans 5 à 10 % des autogreffes corticospongieuses postérieures pose pro-
cas dans la littérature et sont en général limitées au blème lorsque la prothèse inversée est implantée dans
supraépineux [6], 24 patients sur 26 (92 %) ont une le même temps. En revanche, les résultats cliniques et
radiographiques des greffes spongieuses centrales en
cas d’usure centrale avec une tête humérale centrée
Tableau 3 sont satisfaisants et aucune complication n’a été obser-
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Comparaison des données épidemiologiques dans les arth- vée dans cette série.
roses glénohumérales primitives Les ruptures de deux ou trois tendons font craindre
une instabilité supérieure ou antérieure des prothèses
Auteurs Nombre % de Âge à
de cas femmes l’opération
anatomiques ; nous n’avons pas observé d’instabilité
dans cette série. Edwards et al. [2] ont montré égale-
Neer, 1974 28 ? 48 ment qu’une infiltration graisseuse sévère (> stade II)
des muscles subscapulaire et infraépineux pouvait s’ob-
Walch, 1998 151 76 % 66,8
server dans cette étiologie, et influençait négativement
Walch, 1999 113 63 % 66,4 les résultats objectifs et subjectifs des prothèses non
contraintes : les scores de Constant après prothèses
Edwards, 2003 690 75 % 67
non contraintes chutent à 57,4 points et 56,4 points en
Mansat, 2002 48 71 % 65 cas d’infiltration graisseuse sévère des muscles infraépi-
neux et subscapulaire. Dans notre série où nous avons
Notre série, 2006 26 92 % 74,1
13 cas d’infiltration graisseuse sévère d’au moins un de
200 A. GODENÈCHE, B. MÉLIS, G. WALCH

ces deux muscles, le score de Constant est supérieur de de Constant et un gain de 65° d’élévation antérieure
10 points à celui rapporté par Edwards. active. Werner et al. [24] ont rapporté une augmenta-
L’usure glénoïdienne peut être centrée cupuliforme tion de 58° de l’élévation antérieure active et de 35 %
ou excentrée postérieure, et compromettre l’implanta- du score de Constant pondéré. Frankle et al. [5] ont
tion d’une glène polyéthylène à quille ou à plot : elles mis en évidence un gain similaire dans une étude
étaient présentes respectivement dans 3 et 4 cas de de 60 patients présentant une arthrose glénohumé-
notre série. Levine et al. ont montré que cette usure rale avec coiffe des rotateurs déficiente, avec un recul
était responsable de résultats non satisfaisants des pro- moyen de 33 mois postopératoires (tableau 4).
thèses humérales simples [9]. D’autres auteurs recom- La comparaison des résultats des prothèses inversées
mandent de fraiser de manière asymétrique la partie avec ceux des prothèses anatomiques dans l’omarth-
antérieure pour réorienter la version glénoïdienne, mais rose primitive (tableau 5) montre des différences en
cette solution n’est pas toujours applicable lorsque la faveur des prothèses anatomiques concernant les rota-
profondeur et la largeur glénoïdiennes deviennent trop tions externe et interne qui sont moins élevées dans les
faibles pour autoriser l’implantation d’un implant [3]. prothèses inversées. Les activités de la vie quotidienne
D’autres auteurs ont réalisé des allo- ou autogreffes du semblent également moins favorables avec la prothèse
défect postérieur, permettant l’implantation d’une pro- inversée.
thèse glénoïdienne, mais la reproduction fréquente de
l’instabilité statique peut compromettre la stabilité de Conclusion
la greffe. La prothèse inversée permet la stabilisation
d’une greffe glénoïdienne et la correction de l’instabi- Si l’on compare nos résultats avec ceux rapportés
lité statique de l’articulation glénohumérale par une par Edwards et al. [2] en cas d’infiltration graisseuse
implantation en un temps ou en deux temps. Dans sévère des muscles infraépineux et subscapulaire, les
notre série, un cas de greffe et d’implantation en un différences disparaissent et s’inversent même en faveur
temps a échoué du fait d’une erreur technique, car le des prothèses inversées.
plot central de la métaglène n’était pas dans la paléo- La comparaison du taux de complication et de
glène. Les autres cas d’usure glénoïdienne ont pu être révision est difficile compte tenu de la disparité des
traités sans greffe et, avec le recul disponible, ne pré- séries rapportées. Deux complications ayant néces-
sentent pas de signe de descellement glénoïdien. sité deux révisions sont survenues dans cette courte
Les résultats de la prothèse inversée que nous rap- série d’omarthrose primitive dont la moyenne d’âge
portons dans l’omarthrose primitive sont compara- était nettement plus élevée que les séries habituelles.
bles à ceux publiés dans le traitement des cuff tear Il apparaît que la prothèse inversée peut résoudre les
arthropathy : Sirveaux et al. [17] ont rapporté dans problèmes de ruptures ou dégénérescence de la coiffe
une série de 80 patients un gain de 44 points du score tendinomusculaire au prix d’une récupération infé-

Tableau 4
Comparaison du résultat des prothèses inversées dans l’arthrose primitive et les cuff tear arthropathies

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Auteurs Notre série Sirveaux [17] Werner [24] Frankle [5]

Étiologie Arthrose primitive Cuff tear arthropathy Les deux Cuff tear arthropathy

Recul 37 mois (24–77) 44 mois (24–97) 38 mois (24–?) 33 mois (24–68)

Nombre de cas 26 80 58 60

Âge moyen 74 73 68 71

Score de Postop. 65 points 65 points 64 %*


Constant
Gain 40 points 44 points 35 %*

Élévation Postop. 142° 138° 100° 105°


active
Gain 55° 65° 58° 50°

* score constant pondéré.


Place des prothèses inversées dans l’omarthrose primitive 201

Tableau 5
Comparaison des résultats des prothèses inversées et des prothèses non contraintes dans les arthroses glénohumérales
primitives

Type de prothèse Prothèse inversée Prothèses non contraintes

Auteurs Notre série Godenèche [6] Mansat [11] Edwards [2] Edwards [2]
17 cas 148 cas 51 cas 18 cas* 14 cas**

Score de Constant 64,5 73 67 57,4 56,4

Douleur 12,7 12,9 12 11,7 12,3

Activité 16,5 17,8 16,5 15,2 14,5

Mobilité 27,8 33,4 31 22,8 22,9

Force 7,5 9,3 6 7,7 6,7

Élévation active 142° 152° 140° 122,7° 116,5°

Rotation externe à 0° 17,5° 44° 40° 19,7° 32,1°


d’abduction

Rotation interne 5,1 7 7,5 7,3

Recul 36,6 mois 31 mois 60 mois 44 mois 44 mois


(24–77) (12–84) (24–124) (24–110) (24–110)

* 18 cas avec infiltration graisseuse sévère (> stade III) de l’infraépineux.


** 14 cas avec infiltration graisseuse sévère (> stade III) du subscapulaire.

rieure des rotations. La prothèse inversée offre égale- et un nombre de cas supérieurs pour savoir si la pro-
ment des possibilités de reconstruction glénoïdienne thèse inversée permettra de solutionner le problème
avec son embase métallique non cimentée. Il est cepen- des usures glénoïdiennes postérieures sévères rencon-
dant nécessaire de poursuivre les travaux avec un recul trées dans cette étiologie.

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202 A. GODENÈCHE, B. MÉLIS, G. WALCH

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arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 1988 ; 70 : 1154-62. study. In : Walch G, Boileau P, Molé D, eds. 2000 shoulder pros-
15 Neer CS II, Watson KC, Stantow FJ. Recent experience in total thesis… two to ten year follow-up. Paris : Sauramps Médical ;
shoulder replacement. J Bone Joint Surg Am 1982 ; 64 : 319-37. 2001. p. 13-20.
16 Ravault PP, Vignon G, Lejeune E, Maitrepierre J, Exertier J. 21 Walch G, Boulahia A, Boileau P, Kempf JF. Primary glenohume-
L’arthrose de l’épaule ou omarthrose. La Revue Lyonnaise de ral osteoarthritis : clinical and radiographic classification. Acta
Médecine 1962 ; 9 : 615-24. Orthop Belg 1998 ; 64 : 46-52.
17 Sirveaux F, Favard L, Oudet D, Huguet D, Walch G, Molé D. 22 Walch G, Boulahia A, Calderone S, Robinson AHN. The drop-
Grammont inverted total shoulder arthroplasty in the treatment ping and hornblower’s signs in evaluation of rotator cuff tears.
of glenohumeral osteoarthritis with massive rupture of the cuff. J Bone Joint Surg Br 1998 ; 80 : 624-8.
Results of a multicentre study of shoulders. J Bone Joint Surg Br 23 Walch G, Edwards TB, Boulahia A, Nové-Josserand L, Neyton
2004 ; 86 : 388-95. L, Szabo I. Arthroscopic tenotomy of the long head of the biceps
18 Steinmann SP, Cofield RH. Bone grafting for glenoid deficiency in the treatment of rotator cuff tears : clinical and radiographic
in total shoulder replacement. J Shoulder Elbow Surg 2000 ; 9 : results of 307 cases. J Shouler Elbow Surg 2005 ; 14 : 238-46.
361-7. 24 Werner CML, Steinmann PA, Gilbart M, Gerber C. Treatment
19 Walch G, Badet R, Boulahia A, Khoury A. Morphological study of painful pseudoparesis due to irreparable rotator cuff dys-
of the glenoid in primary osteoarthritis. J Arthroplasty 1999 ; function with the Delta III reverse-ball and socket total shoulder
14 : 756-60. prosthesis. J Bone Joint Surg Am 2005 ; 87 : 1476-86.

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203

Hémiarthroplastie ou prothèse
totale dans l’omarthrose primitive ?
Analyse critique de la littérature
Hemi or total shoulder arthroplasty for primary
osteoarthritis? Critical analysis of the literature

J.-M. PHILIPPEAU, P. HARDY

RÉSUMÉ SUMMARY
Les indications respectives de l’hémiarthroplastie et de la pro- Shoulder replacement is an acknowledged treatment for the
thèse totale d’épaule restent débattues dans le traitement de treatment of primary osteoarthritis with significant effect on
l’omarthrose primitive. Cette controverse reflète les insuffisances pain and function; however, the indications of a hemi- or a total
propres à chacune de ces interventions. Nous avons réalisé une shoulder arthroplasty remain debated. Such controversy reflects
analyse critique de la littérature à partir de 43 articles publiés. the specific lackings of both options. We reviewed and analyzed
Nous avons retenu les critères douleur, mobilité, satisfaction, 43 articles published in the literature related to the results of
et nécessité d’une révision. L’analyse critique de la littérature hemiarthroplasty and total shoulder replacement in the treat-
permet de conclure qu’une prothèse totale d’épaule donne de ment of primary osteoarthritis. We retained the criteria of pain,
meilleurs résultats qu’une hémiarthroplastie dans le traitement mobility, patient satisfaction and the need of revision. The ana-
de l’omarthrose primitive si le stock osseux permet l’implanta- lysis of the literature allows to conclude that a total shoulder
tion d’un composant glénoïdien. Le résultat clinique d’une pro- arthroplasty is the best option for the treatment of primary
thèse totale est statistiquement meilleur en termes de douleur, de osteoarthritis if the bone stock allows the implantation of a gle-
mobilité et de satisfaction des patients. La survie des hémiarthro- noid component. The review of the literature allows to affirm
plasties est inférieure à celle des prothèses totales, en raison d’une that the clinical results of a total shoulder are better for pain,
usure symptomatique de la glène, d’apparition rapide. Les liserés mobility as well as global satisfaction rate. The long-term survi-
périglénoïdiens restent souvent asymptomatiques et ne sont pas val of hemiarthroplasties is inferior to those of total shoulders,
responsables des échecs précoces des prothèses totales. Le jeune due to glenoid wear and erosion, of early onset. Radiolucencies
âge, le coût et le taux d’usure ne sont pas non plus des éléments around the glenoid implant have few or no clinical relevance and
en défaveur d’une prothèse totale. L’indication d’hémiarthro- are not the reason of early failures of total shoulders. Age, cost
plastie dans l’omarthrose primitive ne vit que des impossibilités and polyethylene wear rate are not discouraging factors for a
techniques locales à la pose d’un implant glénoïdien. La prothèse total shoulder replacement. A hemiarthroplasty is indicated only
glénoïdienne idéale n’existe pas. Les recherches doivent se pour- if it is technically impossible to implant a glenoid component.
suivre afin d’améliorer le scellement et la résistance à l’usure des The ideal glenoid implant does not exist. Researches must be
implants glénoïdiens. continued to improve fixation and resistance to wear of glenoid
implants.

Mots clés : Épaule. – Prothèse totale. – Hémiarthroplastie. Key words: Total shoulder arthroplasty. – Hemiarthroplasty.
– Omarthrose primitive. – Primary osteoarthritis.

Introduction Dans les années 1950, Charles Neer II a développé une


prothèse humérale moderne (hémiarthroplastie) afin de
En 1892, le chirurgien français Jules-Émile Péan a réa- traiter avec succès les fractures de l’extrémité supérieure
lisé la première arthroplastie d’épaule pour soulager de l’humérus [30]. En 1974, il a rapporté les résultats
une destruction tuberculeuse de l’humérus proximal. convaincants de l’hémiarthroplastie dans le traitement

Prothèses d’épaule. État actuel


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204 J.-M. PHILIPPEAU, P. HARDY

de l’omarthrose primitive ou secondaire, et déjà un cas


de prothèse totale d’épaule avec mise en place d’un
implant glénoïdien en polyéthylène [31]. C’est en 1982
qu’ont été publiés les résultats d’une série conséquente
de prothèses totales d’épaules dans le but d’améliorer
ceux obtenus par l’hémiarthroplastie [32].
Depuis les travaux de Neer, les implants ont évolué
et de nombreuses études ont rapporté les résultats des
hémiarthroplasties comme ceux des prothèses totales
d’épaules dans le traitement de l’omarthrose primi-
tive. Si l’ensemble des auteurs s’accorde à reconnaître
l’effet bénéfique de l’arthroplastie de l’épaule sur les
douleurs et la fonction, les indications respectives de
l’hémiarthroplastie et de la prothèse totale d’épaule
restent débattues dans le traitement de l’omarthrose
primitive. Cette controverse reflète les insuffisances
propres à chacune de ces interventions.
L’hémiarthroplastie est par définition une chirurgie
plus simple, dont la morbidité est moindre que la pro-
Figure 1. Omarthrose primitive. Critères définis par Neer : rai-
thèse totale, mais elle expose notamment aux risques
deur articulaire, pincement glénohuméral, ostéophytes infé-
d’usure symptomatique de la glène, voire de luxation. rieurs, intégrité de la coiffe des rotateurs.
La faiblesse de la prothèse totale d’épaule vient éga-
lement de la glène, puisque l’ajout d’une pièce prothé-
tique scapulaire comporte des complications propres Pour chaque étude, nous avons retenu l’année de publi-
à court (morbidité liée à l’exposition, instabilité pro- cation, la durée de suivi moyen, le nombre de patients,
thétique) moyen et long termes (lisérés, descellement leur âge moyen, les résultats en termes de douleur, de
et usure). Le but de ce travail est de réaliser une ana- mobilités, de satisfaction, et de taux de révision.
lyse critique de la littérature concernant les résultats Notre analyse critique de la littérature a pour but
de ces deux types d’implant dans le traitement de d’exposer objectivement les résultats pouvant être
l’omarthrose. escomptés par une hémiarthroplastie ou une prothèse
totale d’épaule (figure 2) en fonction des données
publiées et de leur puissance statistique.
Méthodologie Nous avons étudié les arguments préopératoires
pouvant faire retenir une indication d’hémiarthroplas-
Nous avons retenu comme définition de l’omarthrose tie plutôt que de prothèse totale.
primitive les critères décrits par Neer associant raideur La littérature comporte nombre d’articles relatant
articulaire, pincement articulaire glénohuméral, ostéo- des résultats tantôt des hémiarthroplasties, tantôt des
phytes inférieurs (figure 1) et intégrité de la coiffe des prothèses totales d’épaule, toutes indications confon-
rotateurs (ou lésion minime inférieure à 1 cm, suturable) dues [1,3,7,8,11,13,14,16,17,20,21,26,31,32,35,39,

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[31]. Nous avons exclu de cette revue les omarthroses 41,43]. Il nous a donc fallu isoler au sein de ces articles
secondaires (inflammatoires, post-traumatiques, ostéo- les résultats des deux arthroplasties dans l’indication
nécroses), ou excentrées. omarthrose primitive, sujet de notre analyse.
Une recherche informatique des articles publiés réfé- Les raisons du choix fait entre hémiarthroplastie et
rencés sur les bases de données Medline et Ovid a été prothèse totale ne sont que rarement notées, et sont
effectuée jusqu’en janvier 2008. souvent la conséquence du choix seul du chirurgien,
Les mots clés de recherche utilisés ont été « hemiar- y compris dans les séries comparant prothèses totales
throplasty », « total shoulder arthroplasty », et « shoul- et hémiarthroplasties [15,19,23,29,33]. Il s’agit néan-
der osteoarthritis ». Les articles non publiés, abstracts moins d’un élément déterminant.
et ouvrages ont été volontairement exclus de la revue. Les méthodes d’évaluation des résultats étaient
La qualité de ces articles a ensuite été classée en variées et c’est la raison pour laquelle nous avons
utilisant les critères de niveaux de l’evidence-based retenu les critères douleur, mobilité, satisfaction et
medicine. nécessité d’une révision.
Hémiarthroplastie ou prothèse totale dans l’omarthrose primitive ? 205

rence significative, malgré un nombre limité de patients


[18]. Cette randomisation a de plus été réalisée pour les
omarthroses primitives avec usures concentriques de la
glène, situation reconnue comme étant la plus favorable
pour l’implantation d’une prothèses humérale simple
[22,26,34,38,43]. Cette supériorité a été retrouvée dans
toutes les publications, quel que soit le recul. L’étude de
Lo et al., qui a randomisé toutes les omarthroses, quel
que soit le type d’usure de la glène, a retrouvé cette dif-
férence, sans qu’elle soit significative [27].
On peut donc conclure que, dans le cadre de l’om-
arthrose primitive, les résultats que l’on peut espérer en
terme de douleur postopératoire sont meilleurs après une
prothèses totale d’épaule qu’après une hémiarthroplastie.

Mobilités
La prothèse totale d’épaule peut ici encore, faire espérer
un meilleur résultat aux patients. Selon Radnay, cette
supériorité en termes de flexion, de gain en flexion, et
Figure 2. Exemple de Prothèse totale d’épaule avec implant
glénoïdien scellé et implant huméral non scellé.
de gain en rotation externe plaide en faveur des pro-
thèses totales d’épaule. La supériorité de la rotation
externe obtenue par les prothèses totales d’épaule n’est
Résultats pas significative [37]. L’analyse de Bryant et al. n’est
venue que confirmer ces conclusions [9], tout comme
Nous avons ainsi retenu 43 articles. Pour les articles l’étude de Lo et al., sans que cette différence soit signi-
publiés de 1966 à fin 2003, nous avons utilisé la méta- ficative [27].
analyse publiée par Radnay et al. [37], après avoir L’étude multicentrique de Pfahler et al. est arrivée
revu l’ensemble des articles analysés. Cette méta-analyse aux mêmes conclusions, alors que les mobilités pré-
apporte une puissance statistique et une synthèse opératoires du groupe prothèse totale étaient signifi-
rigoureuse de l’ensemble des articles de valeur publiés cativement inférieures [36]. Dans une omarthrose très
durant cette période (tableau 1). enraidie, l’exposition difficile de la glène nécessaire à
Bryant et al. ont publié en 2005 une nouvelle méta- la pose de l’implant donnera une prothèse plus mobile
analyse de quatre études randomisées, parmi lesquelles qu’une hémiarthroplastie, techniquement plus facile.
uniquement deux sont à ce jour référencées [9]. Un patient, présentant une omarthrose primitive et
L’étude randomisée prospective de Gartsman et al., opéré d’une prothèse totale, peut donc espérer une
reprise dans la méta-analyse de Radnay et dans de flexion postopératoire meilleure, un gain en flexion
nombreux articles, permet de comparer valablement et en rotation externe meilleurs, même si la rotation
prothèses totales et hémiarthroplasties dans l’omarth- externe postopératoire ne sera pas statistiquement
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rose primitive uniquement, pour des glènes à usure significativement plus importante que s’il avait eu une
concentrique [18]. hémiarthroplastie.

Douleur Résultats subjectifs


Les résultats sur la douleur sont meilleurs pour les pro-
et qualité de vie
thèses totales que pour les hémiarthroplasties [4–6,9, Les patients porteurs d’une prothèse totale d’épaule
11,15,18,19,23,36,37]. sont statistiquement plus satisfaits que ceux porteurs
Cette différence est significative dans le travail de d’une prothèse humérale simple [18,29,37]. Cette dif-
Radnay et al. [37]. Le travail de grande valeur, pros- férence a été très significative pour Radnay et al. [37].
pectif randomisé, entre prothèses totales et hémiarthro- Cette différence s’accentue avec le recul puisque Rispoli
plasties dans le cadre unique de l’omarthrose primitive et al. retrouvent plus de 40 % de patients insatisfaits à
publié par Gartsman a également retrouvé cette diffé- 11,3 ans de recul moyen d’une hémiarthroplastie [38].
Tableau 1
206

Principales études comparant hémiarthroplastie et prothèses totales d’épaule

Auteurs Année Type d’étude Nombre de Âge Recul Douleur Mobilités Force Satisfaction Reprises
patients moyen subjective chirurgicales
Qualité de vie

Gartsman 2000 Prospectif 51 prothèses : 65,3 ans 35 mois PTE > Rotation interne : PTE > PTE > HA ns 3 conver-
randomisé 24 HA ; (PTE) (24–72) HA s PTE (T12) > HA ns sions HA en
27 PTE 64,6 ans HA (L5) s. PTE pour
(HA) ns Antépulsion : douleurs
PTE (128°) > HA et usure
(127°) ns. Rext : de glène à
PTE (61°) = HA 19, 39 et
(61°) 48 mois

Edwards 2003 Rétrospectif 690 prothèses : 67,3 ans 43,3 PTE (12,9) Mobilité globale PTE = PTE > HA s 6 reprises
multi- 601 PTE ; (42–90) mois > HA PTE > HA s. HA HA pour
centrique 89 HA (24–110) (12,5) s Antépulsion : PTE PTE. Survie
> HA ds. Rext. PTE < HA
PTE > HA s (problème
des glènes
metal-back)

Orfaly 2003 Prospectif 65 prothèses : 63 ans 4,3 ans PTE > PTE = HA PTE > PTE > HA s 1 révision
non 37 PTE, (2–8) HA s HA s HA en PTE
randomisé 28 HA à 7 ans
J.-M. PHILIPPEAU, P. HARDY

Radnay 2007 Méta- 1952 66 ans 43,4 PTE (85,8) Antépulsion : PTE NR Patients satis- PTE (6,5 %)
et al. analyse de prothèses PTE : mois > HA (141,4°) > HA faits : PTE > HA
23 articles 65,9 ans (30– (77,6) s (124,9°) s. Gain (96,7 %) > (10,2 %
HA : 116,4) en antépulsion : HA (80,4 %) s dont 8,1 %
63,1 ans PTE (53,7°) > HA Patients totalisées)
(31°) s. Gain en mécontents :
rotation externe : PTE (3,3 %)
PTE (34,5°) > HA > HA
(25,2°) s. Rotation (19,6 %) s
externe postop.
PTE (42,7°) > HA
(42,1°) ns

Iannotti 2003 I-1 95 PTE ; 33 64 ans 46 mois PTE (14 ± NR NR PTE (15 ± 22) NR
et Norris HA, unique- (PTE) ; (24–87) 20) > HA > HA (18 ±
ment omarth- 66 ans (20 ± 24) s 24) ns
rose primitive (HA) s

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Bryant 2005 Méta-ana- 112 pro- 68 ans 24 mois PTE > HA s Gain en antépul- PTE = PTE > HA s NR
et al. lyse de 4 thèses : sion : PTE > HA. HA
études ran- 62 PTE ; Rotation externe :
domisées 50 HA PTE = HA
(Garstsman,
Lo, Sandow,
Jonsson)

Lo et al. 2005 Prospectif 41 prothèses : PTE : 24 mois PTE > HA PTE > HA ns NR PTE > HA ns PTE > HA
randomisé 21 PTE, 20 HA 70,4 ans ns (4 reprises)
HA :
70,3 ans

Rispoli 2006 IV 60 HA, 59 ans 11,3 ans à 11, 3 ans : À 10,7 ans : NR 10 excellents 10 (17 %)
et al. 51 revues (37–83) 17 sans abduction = 134° réultats, révisions
douleur, (40–180) ; rota- 20 satisfaits ; à 7,6 ans
11 douleur tion externe : 49° 21 insatisfaits (2,3–14,3)
minime, (–5°–100) ; rota- en moyenne,
5 douleur tion interne : L2 pour
modérée (trochanter–T5) douleur
après effort, de glène.
9 douleur Survie :
modérée 95 % à
de repos, 5 ans, 86 %
7 douleur à 10 ans,
sévère 73 % à
15 et 20 ans.
Survie
< PTE

Pfahler 2006 IV 102 HA ; 418 63,9 ans 43 mois PTE (11,4) PTE (29,3) > HA PTE PTE (92,4 % 11,5 % révi-
et al. PTE pour (15–90) (24–110) > HA (24) s (7,8) satisfaits) > HA sions pour
omarthrose (12,5) s > HA (84,6 % satis- HA, 6,1 %
Hémiarthroplastie ou prothèse totale dans l’omarthrose primitive ?

primitive (6,8) s faits) s. Score pour PTE


de Constant
global : PTE
(70) > HA
(63,9) s
s : significatif ; HA : hémiarthroplastie ; NR : non renseigné ; ns : non significatif ; PTE : prothèse totale d’épaule ; Rext : rotation externe.
207
208 J.-M. PHILIPPEAU, P. HARDY

Force [38]. De nombreux auteurs concluent à une survie


inférieure des hémiarthroplasties en comparaison avec
Cet item est peu renseigné. Bryant, dans sa méta-analyse, les prothèses totales [5,14,27,35,37,38,41].
n’a pas retrouvé de différence significative [9]. Pfahler Les prothèses totales d’épaule exposent également
et al., dans une étude moins puissante, ont mis en aux risques mécaniques propres à la pose d’un implant
évidence une force postopératoire meilleure après glénoïdien ; c’est ainsi que certains ont subi les échecs
prothèse totale. Si cette étude regroupe un nombre précoces des glènes metal-back [15,36].
important de prothèses, elle a l’inconvénient d’être L’une des insuffisances des implants glénoïdiens est
multicentrique (plus de 50 chirurgiens), d’inclure des l’apparition de liserés périglénoïdiens, cependant leur
omarthroses non primitives, et de ne pas énoncer clai- caractère longtemps asymptomatique est souligné par
rement les indications respectives des prothèses totales de nombreux auteurs.
et hémiarthroplasties [36].
Les données de la littérature ne nous permettent pas Coût
de conclure à une supériorité statistiquement significa-
tive de l’une ou l’autre des arthroplasties. Il s’agit d’une donnée intuitive évaluée par Gartsman et
al. : en 2000, le coût d’une hémiarthroplastie était signi-
Révision et courbe de survie ficativement moindre que celui d’une prothèse totale.
Mais, plus intéressant, le surcoût d’une totalisation de
L’hémiarthroplastie expose principalement au risque prothèse humérale a été estimé à 15 998 $, compensant
d’usure de la glène (figure 3). Si Cofield et al. ont alors le surcoût des prothèses totales d’épaule [18].
retrouvé un taux de révision rédhibitoire de 18 % à
9,3 ans de recul moyen, cette étude comporte près de Âge
la moitié d’hémiarthroplastie posée à des malades por-
teurs de polyarthrite rhumatoïde, majorant probable- Le jeune âge fait souvent pencher l’indication chirurgi-
ment ces chiffres [14]. Haines et al. ont estimé le délai cale en faveur d’une hémiarthroplastie. L’idée de conse-
d’apparition d’une usure de glène à 1,5 an en moyenne ver le stock osseux glénoïdien dans l’éventualité future
pour une hémiarthroplastie, alors que ce délai passe à d’une totalisation fait pencher l’indication en faveur
4,5 ans pour une prothèse totale [20]. d’une prothèse humérale simple. C’est la conclusion
Là encore, l’hémiarthroplastie montre son infériorité. de l’étude de Rispoli et al., lesquels ont préféré réserver
Radnay et al. ont déploré 6,5 % de révision pour les l’hémiarthroplastie aux patients jeunes avec une usure
prothèses totales contre 10,2 % pour les hémiarthro- de glène modérée [38].
plasties (dont 8,1 % totalisées) [37]. La survie des pro- Non seulement les résultats cliniques espérés après
thèses humérales simples s’est révélée inférieure à celle une hémiarthroplastie sont inférieurs à ceux des pro-
des prothèses totales, en raison d’une usure de la glène thèses totales, mais de plus les totalisations à dis-
devenant symptomatique et nécessitant une totalisation tance n’ont pas les résultats obtenus par une prothèse
totale « de première intention ». L’étude de Caroll
et al., à 5,5 ans de recul moyen, retrouve près de la
moitié de patients non satisfaits après totalisation
secondaire [10].

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L’indication de prothèse d’épaule pour omarthrose pri-
mitive reste rare chez les sujets jeunes (< 65 ans), et doit
faire rechercher une pathologie inflammatoire [40].
La survie d’une prothèse totale d’épaule étant significa-
tivement meilleure que celle d’une hémiarthroplastie, les
totalisations ayant des résultats décevants, l’indication
de prothèse humérale simple en raison d’un âge jeune
doit être mûrement réfléchie, d’autant que les résultats
cliniques risquent d’être inférieurs à la prothèse totale.

Usure de la glène
Il s’agit d’un paramètre primordial quant au résultat
Figure 3. Hémiarthroplastie. de toute arthroplastie d’épaule. Nous avons retenu
Hémiarthroplastie ou prothèse totale dans l’omarthrose primitive ? 209

la classification de Walch et al. [42]. Cet élément Ainsi, le choix entre prothèse totale et hémiarthro-
pré- ou peropératoire est celui qui a orienté le choix plastie reste un choix « chirurgien-dépendant ». Il sera
entre hémiarthroplastie et prothèse totale de nom- d’autant plus en faveur des prothèses totales que le
breux chirurgiens dans les études rétrospectives nombre de prothèses posées par an augmente.
[15,23,24,29,33]. D’autres au contraire ont énoncé
clairement leur orientation chirurgicale en fonction de Alternatives techniques
ce paramètre. C’est le cas d’Orfaly et al. qui ont choisi
une prothèse totale d’épaule en cas d’usure de la glène, Certains auteurs, préoccupés par les échecs glénoïdiens
de glène rétroversée à plus de 15° ou d’excentration des prothèses totales, et devant les résultats satisfaisants
humérale [34]. Rispoli et al. ont retenu sensiblement la obtenus par une hémiarthroplastie, ont développé des
même indication d’une hémiarthroplastie en cas d’éro- artifices techniques dans le but d’améliorer les suites
sion concentrique de la glène [38]. des hémiarthroplasties. C’est ainsi que Matsen [12] a
Levine et al. ont insisté sur la corrélation négative décrit une nouvelle alternative de fraisage de la glène
entre usure postérieure de la glène et résultat de l’hé- associé à une prothèse humérale (« ream and run »).
miarthroplastie [26]. C’est également la conclusion Ils recommandent de pratiquer un fraisage concentri-
des travaux de Hettrich et al. et Wirth et al. qui ont que de la glène à un diamètre supérieur à celui de la
constaté un meilleur résultat des hémiarthroplasties en tête humérale prothétique. Ce geste supplémentaire a
l’absence d’érosion de la glène [22,43]. Une hémiarthro- pour but la prévention de l’instabilité prothétique et le
plastie reste légitime en cas d’usure concentrique de la développement d’un fibrocartilage glénoïdien afin de
glène (glène A1 ou A2) et en l’absence d’instabilité. ralentir l’usure de la glène. L’objectif final est d’obtenir
Gartsman et al. ont réalisé une étude randomisée entre des résultats cliniques identiques à ceux d’une prothèse
hémiarthroplastie et prothèse totale d’épaule unique- totale. Trente-cinq hémiarthroplasties associées à un
ment dans ces cas d’usures concentriques de la glène. fraisage de la glène ont été comparées à 35 prothèses
Ces conclusions ont été claires et le résultat postopéra- totales, au recul de plus de 2 ans, chez des patients d’âge
toire en termes de douleur (s), de mobilité (ns) et de satis- moyen 56 ans. Les résultats à 12, 18 et 24 mois de recul
faction (ns) sera inférieur, au prix d’un temps opératoire ont mis en évidence une supériorité des arthroplasties
plus long et d’un saignement supérieur (s) [18]. totales d’épaule, significative uniquement à 12 mois
Schématiquement, on peut considérer que cette situa- de recul [12]. Les auteurs réservent cette procédure
tion d’usure concentrique de la glène est celle où la aux patients jeunes. L’insuffisance de cette étude est
pose d’une prothèse totale aura les meilleurs résultats lié essentiellement au faible recul ne permettant pas de
et où une hémiarthroplastie aura les moins mauvais. juger d’une usure symptomatique de la glène, du nom-
L’étude de Lo et al. a randomisé hémiarthroplasties bre limité de patients et à son caractère non randomisé.
et prothèses totales quel que soit le type d’usure de Lynch et al. ont publié la même technique, à 2,7 ans
la glène, et a donc fait abstraction de ce paramètre de recul moyen (2–4), chez 38 malades d’âge moyen
dans l’interprétation des résultats [27]. Cette étude de 57 ans, avec également de bons résultats subjectifs,
regroupant 41 prothèses au faible recul de 24 mois a comparables aux prothèses totales [28].
retrouvé des scores de qualité de vie meilleurs pour la Krishnan et al. ont proposé la réalisation d’une
prothèse totale, sans que cette différence ait été signifi- hémiarthroplastie associée à une interposition biologi-
cative. En revanche, il a été noté près de 20 % d’échecs que entre pièce humérale prothétique et glène. Trente-six
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d’hémiarthroplastie dont deux reprises à court terme patients, dont 18 cas d’omarthroses primitives ont été
(12 et 18 mois). suivis au recul moyen de 84 mois (24–180). L’interface
biologique utilisée a été la capsule antérieure pour
« Effet centre » 7 malades, une bandelette iliotibiale pour 11, et des
allogreffes de tendons calcanéens pour les 18 autres.
Soixante-quinze pour cent des prothèses totales d’épaule L’âge moyen des patients était de 51 ans (30–75). Si les
sont posés par des chirurgiens qui n’en feront que deux scores de satisfaction étaient encourageants à 2 ans de
ou moins par an, alors que les résultats sont corrélés recul, les auteurs ont déploré plus de 15 % de complica-
avec le nombre de prothèses implantées par an, et à tions (6 malades), dont 2 infections, 3 instabilités, et une
l’expérience du chirurgien [5,24]. Jain et al. ont éga- atteinte plexique [25]. Les plus mauvais résultats ont été
lement démontré que plus le nombre global d’arthro- obtenus lors de l’interposition de la capsule antérieure.
plastie d’épaule augmente par an ou par hôpital, plus Bailie et al. ont publié récemment une série pros-
le nombre d’indications de prothès es totales dépasse pective de 36 « prothèses de resurfaçage », à 38 mois
celles d’hémiarthroplasties. de recul moyen (24–60), chez des patients dont l’âge
210 J.-M. PHILIPPEAU, P. HARDY

moyen est encore inférieur (42,3 ans [28–54]) [2]. satisfaction. La survie des hémiarthroplasties est infé-
L’omarthrose primitive a cependant rarement été une rieure à celle des prothèses totales, en raison d’une usure
indication dans leur étude. Seul un malade a été totalisé symptomatique de la glène, d’apparition rapide. Les lise-
à 24 mois pour douleurs persistantes. Leurs résultats rés périglénoïdiens restent souvent asymptomatiques et
sont prometteurs mais nécessitent un recul supérieur, ne sont pas responsables des échecs précoces des prothè-
et une comparaison aux prothèses classiques. ses totales. La prothèse glénoïdienne idéale n’existe pas.
La recherche doit se poursuivre afin d’améliorer le scel-
Conclusion lement et la résistance à l’usure plutôt que de développer
des alternatives au resurfaçage non prothétique.
L’analyse critique de la littérature permet de conclure Le jeune âge, le coût et le taux d’usure glénoïdien
qu’une prothèse totale d’épaule constitue la meilleure ne sont pas non plus des éléments en défaveur d’une
indication dans le traitement de l’omarthrose primitive prothèse totale. Les indications de l’hémiarthroplastie
à condition que le stock osseux permette l’implanta- sont les usures concentriques de glène du patient âgé,
tion d’un implant glénoïdien. aux besoins fonctionnels modérés. Ailleurs, l’indication
La revue de la littérature permet d’affirmer que le d’hémiarthroplastie dans l’omarthrose primitive ne vit
résultat clinique d’une prothèse totale est significative- que des impossibilités techniques locales à la pose d’un
ment meilleur en termes de douleur, de mobilités et de implant glénoïdien.

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212 L. NOVÉ-JOSSERAND

Résultats des prothèses anatomique


et inversée dans l’ostéonécrose avasculaire
Results of anatomical and reverse prosthesis
in humeral avascular osteonecrosis

L. NOVÉ-JOSSERAND

RÉSUMÉ SUMMARY
L’ostéonécrose avasculaire est une indication peu fréquente mais Humeral avascular osteonecrosis is a « classic » but not fre-
classique de la prothèse d’épaule. Le stade V de la classification de quent indication for shoulder arthroplasty. According to the
Cruess (arthrose secondaire) relève de la prothèse totale. Dans les Cruess classification, stage V (secondary osteoarthritis) is rele-
autres stades, la prothèse humérale, voire la prothèse de resurfa- vant to total arthroplasty. In other stages, hemiarthroplasty,
çage, est indiquée sauf dans le stade IV (perte de la sphéricité de or even humeral head resurfacing, is indicated except for
la tête humérale) où les résultats ne montrent pas de différence the stage IV (loss of sphericity of the humeral head) because
entre prothèse humérale et totale. La rupture de la coiffe des results show no difference between hemi and total arthro-
rotateurs est un facteur péjoratif de la prothèse humérale avec plasty. Rotator cuff tear is a pejorative factor for the results
survenue secondaire d’un pincement gléno-huméral. L’existence of hemiarthroplasty, responsible of an evolution to secondary
d’un collapsus osseux massif responsable d’une médialisation glenohumeral narrowing. Massive bone collapse associated to
de l’humérus est aussi un facteur de mauvais pronostic. Devant medialization of the humerus is a factor of poor prognostic. In
cette forme sévère chez la personne âgée, l’indication de prothèse such a case, indication of total reverse prosthesis is required
totale inversée s’impose. L’ostéonécrose post-radique représente for older patients. In case of post-radiation osteonecrosis, indi-
une entité particulière et une indication prothétique très discutée cation of arthroplasty is debatable considering the high rate of
compte tenu du taux élevé de complications graves (25 %) severe complications (25%).

Mots clés : Ostéonécrose avasculaire. – Rupture de la coiffe des Key words: Avascular osteonecrosis. – Rotator cuff tears. – Bone
rotateurs. – Collapsus osseux. – Nécrose post-radique. collapse. – Post-radiation necrosis.

Introduction particuliers. Les ostéonécroses post-traumatiques font


l’objet d’un chapitre différent.
Par ordre de fréquence, la tête humérale est le deuxième
site de localisation de l’ostéonécrose avasculaire asep- Classification radioclinique
tique. Dans cette étiologie, la prothèse d’épaule jouit
d’une bonne réputation compte tenu du caractère très L’ostéonécrose humérale avasculaire aseptique peut
localisé de l’atteinte articulaire. Elle s’adresse à une être primaire, idiopathique, ou secondaire [6,7]. Les
population plutôt jeune avec une demande fonction- facteurs favorisant la survenue d’une ostéonécrose
nelle parfois élevée. Dans la littérature, les études avec sont classiquement la corticothérapie au long cours,
une série conséquente sont peu fréquentes du fait de l’éthylisme, la drépanocytose, la thalassémie. D’autres
la rareté de l’indication [1,2,9,12,14,16,17]. Nous causes plus rares sont parfois responsables de cette
rapportons ici les résultats de la prothèse anatomique atteinte, telles que maladie de Gaucher, dyslipidémie,
dans l’ostéonécrose avasculaire en mettant l’accent sur embolie gazeuse par accident de décompression. La
les facteurs pronostiques influençant le résultat et cer- corticothérapie au long cours, l’éthylisme, la drépano-
taines formes particulières. Dans cette étiologie, l’indi- cytose peuvent être à l’origine de localisations multi-
cation de la prothèse inversée ne se limite qu’à des cas ples : atteinte bilatérale et/ou localisation à la hanche.

Prothèses d’épaule. État actuel


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Résultats des prothèses anatomique et inversée dans l’ostéonécrose avasculaire 213

Classiquement, l’ostéonécrose survient à la partie


supérieure et postérieure de la tête humérale. Secon-
dairement, la fracture sous-chondrale (stade 3) et l’ef-
fondrement osseux (stade 4) surviennent de façon
habituelle dans la zone de la tête humérale où les
contraintes glénohumérales sont les plus élevées, en
particulier à 90° d’abduction. Cet aspect caractéristi-
que ménage une zone saine persistante au contact du
col anatomique postérosupérieur. Ce reliquat de tête
humérale saine est constant et permet de rattacher à
l’ostéonécrose certaine forme de lyse rapide de la tête
humérale, notamment chez la personne âgée (figure 2).
Chez l’adulte, l’ostéonécrose avasculaire peut surve-
nir à tous les âges. Chez les patients jeunes, la lésion
peut se stabiliser, restant bien supportée longtemps sur
le plan fonctionnel et aboutissant secondairement à
une arthrose. Chez les patients plus âgés ou en fonc-
Figure 1. Classification radioclinique des ostéonécroses avas- tion du terrain (ostéoporose), l’élément destructeur de
culaires selon Ficat et Arlet, modifiée par Creuss. la lésion prédomine, accélérant l’évolution pour abou-
tir à une impotence fonctionnelle rapide de l’épaule.
La classification radioclinique de Ficat et Arlet [8]
modifiée par Cruess [4,5] est reconnue de façon unanime Épidémiologie
pour son intérêt diagnostique, évolutif et thérapeutique
[11,13]. Elle a été adoptée pour l’épaule (figure 1). Nous rapportons les résultats d’une étude rétrospec-
Le stade 1 est le stade préradiologique. Les symp- tive multicentrique (28 centres) de 80 épaules présen-
tômes se résument à une douleur non spécifique. Les tant une ostéonécrose aseptique de la tête humérale
radiographies simples sont normales. Le diagnostic est opérée par prothèse anatomique (Aequalis®, Tornier)
évoqué sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) entre 1991 et 1998 et revues avec plus de 2 ans de
devant des remaniements osseux non spécifiques. recul [18]. Les nécroses postradiques sont étudiées
Le stade 2 correspond aux premières anomalies dans un chapitre indépendant.
radiographiques visibles sur les radios simples. Peu spé- La série se compose de 74 patients (6 cas bilatéraux).
cifiques, elles associent plage d’ostéocondensation et Classiquement, la prédominance était féminine avec
d’ostéoporose. Leur localisation à la partie supérieure 47 femmes pour 27 hommes. L’âge moyen au moment
et postérieure de la tête humérale est évocatrice. de l’intervention était de 57 ans ± 15. Au moment de
Le stade 3 caractérise la nécrose et signe un tournant l’intervention, 24 % des patients étaient en activité pro-
évolutif de la maladie avec l’apparition du signe de la fessionnelle et 26 % en invalidité. Le côté droit et le côté
coquille d’œuf ou crescent sign, correspondant à une dominant étaient concernés dans 56 % des cas. D’après
fracture sous-chondrale. À ce stade, la sphéricité de la la classification de Cruess, il y avait 5 stade 2, 15 stade
tête humérale est conservée. L’ostéonécrose s’organise, 3, 41 stade 4 et 14 stade 5. Cinq cas n’ont pas été clas-
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prend une forme triangulaire avec une base périphéri- sés, échappant à la description classique de Cruess. Une
que où se situe la fracture sous-chondrale irréversible. rupture de coiffe, partielle ou transfixiante, était asso-
Le stade 4 correspond à la perte de la sphéricité humé- ciée dans 19 cas. La voie d’abord a été deltopectorale
rale par effondrement de l’os chondral. L’importance dans tous les cas sauf un. L’arthroplastie a été totale dans
de l’effondrement est variable en fonction de la qualité 26 cas (33 %) et humérale dans 54 cas (67 %). Les rup-
osseuse de la tête humérale. Majeur, il peut s’agir d’un véri- tures de coiffe ont été réparées lors de l’intervention.
table collapsus osseux déstabilisant l’articulation glénohu-
mérale avec la médialisation significative de l’humérus. Résultats
Une ostéoporose locale et un âge avancé sont des facteurs
favorisant la survenue d’un collapsus osseux huméral. Le recul moyen est de 47 mois ± 21. Du point de vue
Le stade 5 correspond à une arthrose secondaire des complications, on note deux complications neuro-
conséquence de la dégradation articulaire glénohumé- logiques régressives (musculocutané). Aucun sepsis n’est
rale. La clinique associe alors douleurs et enraidisse- à déplorer. Il y a eu trois reprises chirurgicales (deux
ment articulaire. totalisations, l’une pour érosion glénoïdienne, l’autre
214 L. NOVÉ-JOSSERAND

Figure 2. A. La fracture sous-chondrale et l’effondrement osseux surviennent de façon habituelle dans la zone de la tête humérale
où les contraintes glénohumérales sont les plus élevées, en particulier à 90° d’abduction. Cet aspect caractéristique ménage une
zone saine persistante au contact du col anatomique postérosupérieur. B. Collapsus osseux majeur ayant pour conséquence la
médialisation de l’humérale. On reconnaît au sommet de la tête humérale (flèche) la persistance d’un segment osseux postérosu-
périeur caractéristique de l’ostéonécrose avasculaire.

pour une rupture du sous-scapulaire, et un débridement Les patients en activité professionnelle ont repris leurs
sous-arthroscopique avec ténotomie du biceps). activités dans les mêmes conditions dans 60 % des cas et
Sur le plan subjectif, le résultat était jugé très satisfai- sur un poste aménagé dans 24 % des cas. Il n’existe pas de
sant et satisfaisant dans 96 % des cas et décevant dans différence entre prothèse totale (score de Constant 68 ± 15
4 % des cas. Le score de Constant [3] s’améliorait de et 90 % ± 19) et prothèse humérale (score de Constant
façon significative en postopératoire (tableau 1). Les 71 ± 51 et 87 % ± 16) sur la population globale.
mobilités augmentaient dans tous les secteurs de façon À la révision, le stade de nécrose préopératoire n’in-
significative (tableau 2). fluençait pas le résultat. L’analyse en fonction du type

Tableau 1
Résultats des prothèses d’épaule anatomiques dans l’ostéonécrose avasculaire (score de Constant et mobilités)

Préopératoire Postopératoire

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Douleur/15 3,5 ± 2,7 12,7 ± 2,5

Activité/20 7,1 ± 3,1 17 ± 4,1

Mobilité/40 15 ± 9 31,6 ± 7

Force/25 4,1 ± 3,8 8,7 ± 5,8

Score de Constant/100 29,4 ± 14 70 ± 15

Score de Constant pondéré 37 % ± 17 88 % ± 17

Élévation antérieure active 89° ± 38° 142° ± 30°

Élévation antérieure passive 110° ± 40° 150° ± 26°

Rotation externe active 15° ± 19° 41° ± 19°

Rotation interne 61 % > L1


Résultats des prothèses anatomique et inversée dans l’ostéonécrose avasculaire 215

Tableau 2
Résultats de la chirurgie prothétique en fonction de l’existence d’une médialisation humérale ou non

Score Score Score Score Score de Score de


douleur/15 activité/20 mobilité/40 force/25 Constant/100 Constant
pondéré

Collapsus sans médialisation 21 cas 13 ± 2 17,7 ± 3 34 ± 4 12,4 ± 6 78 ± 12 92 % ± 13

Collapsus avec médialisation 14 cas 12 ± 3 14,8 ± 4 28 ± 8 4,4 ± 3,8 58,7 ± 17 83 % ± 24

de prothèse utilisée permettait quelques nuances. Au disposant déterminant dans la survenue du pincement
stade 5, les résultats sont significativement améliorés glénohuméral. En l’absence de complication ou de fac-
avec une prothèse totale. L’hémiarthroplastie donne teurs péjoratifs, le résultat est stable dans le temps tant
de meilleurs résultats dans les stades 2 et 3. En ce qui sur le plan clinique que radiologique (figure 3).
concerne le stade 4, il n’existe pas de différence entre
prothèse humérale et prothèse totale. Lésions de la coiffe des rotateurs
Les patients les plus jeunes, moins de 50 ans, obtien-
nent un meilleur résultat global, sauf pour la douleur L’existence d’une rupture de coiffe des rotateurs, com-
[17]. Cette différence n’est cependant pas retrouvée plication rapportée après chirurgie prothétique dans
lorsque l’analyse se fait en terme de gain. Ces résul- cette étiologie [2,12], est un facteur péjoratif non
tats confortent ceux de la littérature avec obtention de spécifique de l’ostéonécrose articulaire. Elle prend
résultats très satisfaisants sur la douleur mais moindre cependant une importance significative dans le cas des
sur le plan fonctionnel [2,9,14,16]. prothèses humérale simples.
Sur le plan radiographique, on note 11 % de liserés
huméraux dont deux complets, facteur péjoratif sur
le résultat (p = 0,001) (score de Constant 72 ± 15 ver- Collapsus osseux et médialisation
sus 58 ± 12). Au niveau glénoïdien, on note 43 % de de la tête humérale
liserés, dont deux seulement sont évolutifs. L’existence
d’un liseré glénoïdien n’avait pas d’influence sur le Dans les stades 4 et 5, l’effondrement osseux huméral
résultat clinique. peut être important, allant jusqu’au collapsus complet

Facteurs pronostiques
Érosion de la glène
Le résultat de la prothèse humérale diminue avec l’ag-
gravation du stade de nécrose tant sur les paramètres
subjectifs qu’objectifs (p < 0,05). L’âge n’influence pas
le résultat. Au stade 4, l’existence d’un ostéophyte
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huméral même de petite taille est un facteur péjoratif


du résultat sur la douleur et la mobilité.
La fréquence des pincements glénohuméraux face à la
prothèse augmente avec le stade de nécrose : 10 % pour
les stades 2 et 3, 23 % pour le stade 4 et 83 % pour
le stade 5. L’existence d’un pincement glénohuméral
paraît logique au stade 5, caractérisant l’arthrose. Pour
les stades 2 à 4, il s’agit d’une dégradation secondaire
du cartilage face à la prothèse, s’accompagnant d’un
retentissement clinique significatif sur tous les paramè-
tres du score de Constant (p < 0,005) [14,17]. Parmi les
Figure 3. Prothèse humérale. Conservation d’un interligne
facteurs prédisposants, l’existence d’une raideur post-
glénohuméral de bonne qualité. Les résultats cliniques et
opératoire n’apparaît pas significative. En revanche, radiologiques sont stables dans le temps en l’absence de com-
l’existence d’une rupture de coiffe connue en préopéra- plication et de rupture de la coiffe des rotateurs génératrice de
toire ou suspectée en postopératoire est un facteur pré- pincement glénohuméral.
216 L. NOVÉ-JOSSERAND

de la tête humérale. En fonction de sa taille, cet effon- ces résultats du groupe 2. En effet, la restauration de
drement osseux peut être responsable d’une médiali- la latéralisation humérale peut être responsable d’une
sation humérale secondaire voire d’une impaction de rupture de la coiffe préalablement rétractée. La mobi-
l’humérus sur la glène. Il s’agit d’une forme évolutive lité réduite, l’absence de récupération de la force et la
particulière dont l’influence sur le résultat est péjora- survenue de glénoïdites secondaires vont dans ce sens.
tive. Nous avons comparé les résultats en fonction du La mise en place d’une prothèse totale permet d’amé-
caractère déstabilisant ou non du collapsus osseux sur liorer le résultat, mais ne semble pas éviter l’apparition
les rapports glénohuméraux. Dans le groupe 1, l’effon- d’une rupture de coiffe secondaire.
drement osseux avéré ne déstabilisait pas l’articulation L’existence d’un collapsus avec impaction humérale
glénohumérale qui conservait des rapports anatomi- contre la glène par médialisation humérale est un fac-
ques quel que fût l’état de l’interligne glénohuméral teur pronostique péjoratif indépendant du stade de
(figure 4). Il y avait 21 épaules opérées par prothèse nécrose selon la classification de Cruess. La médialisa-
humérale dans 12 cas et par prothèse totale dans 7 cas. tion humérale est la conséquence d’une nécrose mas-
La moyenne d’âge au moment de l’intervention était de sive avec une évolution rapide. La mise en place d’une
47 ans (26–77) et le score de Constant préopératoire prothèse d’épaule, qu’elle soit humérale ou totale,
était de 29 ± 13. Dans le groupe 2, l’effondrement voire peut s’accompagner de ruptures de coiffe secondai-
le collapsus osseux était responsable d’une médialisa- res par restauration de la latéralisation normale de
tion de l’humérus avec impaction de la tête humérale l’humérus. Ces ruptures de coiffe sont génératrices
sur la glène (figure 5). Il y avait 14 épaules opérées par de résultats décevants, en particulier avec prothèse
prothèses humérales dans 6 cas et par prothèses totales humérale simple.
dans 8 cas. La moyenne d’âge au moment de l’inter-
vention était de 70 ans (51–84) et le score de Constant
préopératoire était de 18,5 ± 10. Les deux groupes Formes radiocliniques
s’opposent de façon significative par la moyenne d’âge particulières
et la présentation clinique pré-opératoire (p < 0,05). En
postopératoire, les résultats du groupe 2 sont significa- Nécroses massives et rapides
tivement inférieurs au groupe 1 (tableau 2). du sujet âgé
Dans le groupe 2 avec médialisation humérale, les
résultats de la prothèse humérale sont significative- L’ensemble de notre série permet d’identifier une
ment inférieurs (score de Constant 51 ± 20 versus forme radioclinique particulière caractéristique chez
76 ± 11). On observe un pincement glénohuméral la personne âgée [17]. Dans ce cadre, l’ostéonécrose
secondaire dans 83 % des cas contre 18 % dans le est volontiers massive, responsable d’une épaule dou-
groupe 1. La survenue d’une rupture de coiffe secon- loureuse aiguë avec impotence fonctionnelle majeure,
daire est l’hypothèse la plus probable pour expliquer sans qu’une cause particulière soit retrouvée sur le

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A B

Figure 4. Groupe 1 : ostéonécrose évoluée avec effondrement osseux majeur. Malgré l’effondrement épiphysaire, les rapports arti-
culaires glénohuméraux sont conservés et il n’y a pas de médialisation humérale.
Résultats des prothèses anatomique et inversée dans l’ostéonécrose avasculaire 217

(54–84). Dans 5 cas sur 7, il n’existait pas de rup-


ture de coiffe connue sur le bilan préopératoire. Le
tableau 3 rapporte les données préopératoire et post-
opératoire. Dans deux cas, un pincement sous-acromial
avec ascension humérale est apparu rapidement en
postopératoire, témoin d’une rupture massive de la
coiffe des rotateurs (figure 6C).
L’ostéonécrose avasculaire peut survenir à tout âge,
en particulier chez la personne âgée, prenant alors une
forme évolutive particulière. La conservation du seg-
ment postérosupérieur caractéristique de la tête humé-
rale permet de rattacher à l’ostéonécrose avasculaire
ces grandes lyses humérales pouvant faire discuter une
cuff tear arthropathy, une arthropathie microcristalline
destructrice, etc. Le facteur pronostique déterminant
semble être la coiffe des rotateurs dont la rupture secon-
daire apparaît fréquente. L’ostéonécrose avec collapsus
Figure 5. Groupe 2 : Ostéonécrose avec effondrement osseux
et médialisation humérale du sujet âgé représente pour
majeur et médialisation humérale. Il existe une véritable
impaction de l’humérus contre la glène qui reste intacte. Les nous la seule indication de première intention de pro-
rapports articulaires glénohuméraux sont perturbés. thèse totale inversée dans l’ostéonécrose avasculaire.

plan local ou général. En quelques mois, on assiste à


Nécroses postradiques
la disparition totale de la tête humérale, associant une Indépendamment de la série précédente, nous avons
médialisation humérale avec impaction sur la glène colligé 14 patients opérés d’une prothèse d’épaule
(figure 6A-B). La série comporte 7 patients, 2 hom- anatomique (Aequalis®, Tornier) entre 1993 et 1998
mes pour 5 femmes, avec un âge moyen de 71 ans pour une ostéonécrose avec antécédents d’irradiation
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Figure 6. A. Radiographie normale. B. Apparition d’une nécrose massive et rapide avec collapsus majeur responsable d’une médiali-
sation et d’une ascension de l’humérus. C. La prothèse humérale est ascensionnée avec pincement de l’espace sous-acromial témoin
d’une rupture de coiffe. Il existe également un pincement articulaire glénohuméral.
218 L. NOVÉ-JOSSERAND

Tableau 3
Résultats de la prothèse anatomique dans la forme particulière de l’ostéonécrose rapide et massive du sujet âgé

Score Score Score Score force/25 Score de Score de


douleur/15 activité/20 mobilité/40 Constant/100 Constant
pondéré %

Préopératoire 5,2 ± 4 5,8 ± 4 5,7 ± 3 2,4 ± 3 19,3 ± 12 26 ± 14

Postopératoire 10,7 ± 3 13,6 ± 5 24,8 ± 8 4,3 ± 4 53 ± 21 81 ± 28

locale ou régionale [10]. La série comportait 13 fem- résultats sont émaillés de complications sévères (36 %)
mes et 1 homme. L’âge moyen au moment de l’in- nécessitant l’explantation secondaire de la prothèse
tervention était de 63 ans (40 à 76 ans). Toutes les dans 4 cas (28 %). Trois fois sur quatre, il s’agissait
patientes avaient été traitées pour une néoplasie mam- d’une infection secondaire. Les résultats des 10 pro-
maire homolatérale avec irradiation complémentaire. thèses en place restent décevants au recul de 3 ans.
Le délai moyen entre la radiothérapie et l’intervention Alors que le résultat objectif est médiocre du fait de la
était de 16,7 ans (2 à 31 ans). Le patient masculin raideur persistante, 80 % des patients se disent néan-
avait été traité pour une maladie de Hodgkin avec irra- moins « satisfaits » ou « très satisfaits » (tableau 4).
diation complémentaire 22 ans auparavant. Le tableau Les nécroses humérales après irradiation forment
clinique associait une douleur intense à une impotence une entité tout à fait particulière. Les patients doivent
fonctionnelle majeure. D’un point de vue radiologique, être informés du risque élevé de complications infec-
la nécrose n’apparaît pas caractéristique. Elle concerne tieuses. L’indication opératoire doit être mûrement
le plus souvent l’ensemble de l’extrémité supérieure réfléchie [10,14], même si les patients s’estiment amé-
de l’humérus, voire la glène. Il existait un pincement liorés malgré une fonction articulaire très limitée.
glénohuméral dans 78 % des cas, évoquant dans près
de la moitié des cas un aspect d’arthrite plutôt que de Conclusion
nécrose (figure 7). Dans un tiers des cas, l’interven-
tion a été jugée difficile sur le plan technique compte L’ostéonécrose avasculaire aseptique de l’adulte peut
tenu des modifications tissulaires périarticulaires. Les survenir à tout âge. La classification de Cruess permet

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Figure 7. Exemple d’ostéonécroses postradiques. Dans le premier cas, l’aspect est évocateur d’une arthrite. A. Dans le second cas, la
nécrose est régionale, concernant également la glène. B. Cet aspect laisse présager des difficultés opératoires.
Résultats des prothèses anatomique et inversée dans l’ostéonécrose avasculaire 219

Tableau 4
Résultats de la prothèse anatomique dans l’ostéonécrose radique

Score douleur/15 Score activité/20 Score Score force/25 Score de


mobilité/40 Constant/100

Préopératoire 2,4 6 10 0,9 19,7

Postopératoire 10,9 14 23,5 4,6 53

de définir différents stades évolutifs. En fonction de Le stade 5 nécessite la mise en place d’une prothèse
ces stades, l’indication de la prothèse humérale ou de totale d’épaule qui permet d’obtenir de meilleurs résul-
la prothèse totale est portée. tats tant sur le plan de la douleur que fonctionnel.
La décompression osseuse chirurgicale associée ou L’existence d’une rupture de coiffe est un facteur
non à une greffe spongieuse représente l’alternative péjoratif de façon non spécifique qui prend toute son
à la chirurgie prothétique [11,15]. Cette indication importance en cas prothèse humérale. La rupture de
est réservée aux stades 1 à 3 de façon habituelle. Le coiffe augmente le risque de survenue secondaire de
remplacement prothétique est indiqué dans les stades pincements glénohuméraux responsables d’épaule dou-
4 et 5. Néanmoins, l’indication de prothèse humérale loureuse et enraidie, nécessitant parfois la totalisation
peut se discuter dans certains cas particuliers devant de la prothèse.
un stade 3 voire 2 hyperalgique résistant au traitement L’observation d’un collapsus majeur avec impaction
médical chez des personnes déjà âgées. L’objectif est de et médialisation humérale doit également faire récuser
proposer un traitement radical et d’éviter l’évolution la prothèse anatomique au profit d’une prothèse totale
vers le collapsus majeur. inversée chez la personne âgée. L’observation d’une
En ce qui concerne le stade 4, les études ne permettent médialisation humérale chez une personne plus jeune
pas de différencier, en termes de résultats, les prothè- doit faire rester prudent quant à l’indication de prothèse :
ses humérales et totales. La prothèse humérale semble le risque de survenue d’une rupture secondaire de la
le plus logique en particulier chez les patients les plus coiffe des rotateurs est élevé, avec un résultat décevant.
jeunes. Néanmoins, l’aspect du cartilage glénoïdien Enfin, la nécrose humérale postradique représente
peut être un facteur décisionnel en peropératoire. Les une indication risquée de chirurgie prothétique du fait
résultats sont stables dans le temps (figure 3). du risque infectieux important.

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220 L. NOVÉ-JOSSERAND

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221

Épaule rhumatoïde :
prothèse anatomique
ou prothèse inversée ?
Rhumatoid arthritis: non constrained
or reverse prosthesis?

C. LÉVIGNE

RÉSUMÉ SUMMARY
L’arthrite rhumatoïde de l’épaule comporte une destruction des Rheumatoid arthritis of the shoulder includes destruction of gle-
surfaces articulaires glénohumérales et de la coiffe des rotateurs nohumeral articular surfaces and the rotator cuff, with variable
dans un délai et à une vitesse variable selon la forme évolutive. delay and velocity according to the evolutive pattern. Radiographic
Quelle que soit la forme radiographique, le pincement complet de complete narrowing of the glenohumeral joint space is the signal
l’interligne glénohuméral constitue le signal pour la mise en place to consider shoulder arthroplasty. Retrospective analysis of the
d’une prothèse d’épaule. L’analyse rétrospective des résultats des results of arthroplasties of the Aequalis group shows, as well
prothèses du groupe Aequalis montre, comme la plupart des séries as most of the series of the literature, that nonconstrained
de la littérature, qu’un remplacement des deux surfaces articu- total arthroplasty permits to achieve better clinical results than
laires par une prothèse totale « anatomique » permet d’atteindre hemiarthroplasty unless the cuff is ruptured. If there is a com-
les meilleurs résultats fonctionnels, à condition que la coiffe soit plete rotator cuff tear, the choise be a hemiarthroplasty, with
étanche. En cas de rupture transfixiante de la coiffe, notre choix limited functional goals and acceptation of a mid-term glenoid
se discute entre l’hémiarthroplastie, dont l’objectif est seulement erosion, or a reverse arthroplasty that we reserve currently to
antalgique et l’évolution marquée par une érosion glénoïdienne, patients over 70 years. In case of associated glenoid destruction,
et la prothèse inversée que nous réservons aux patients de plus a corticocancelous autograft may be combined to either option.
de 70 ans. En cas de destruction glénoïdienne associée, une auto-
greffe peut être combinée avec l’une ou l’autre des options.
Key words: Rheumatoid arthritis. – Radiographic classification.
– Total shoulder arthroplasty. – Hemiathroplasty. – Reverse
Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde. – Classification radiographi- prosthesis.
que. – Prothèse totale d’épaule. – Hémiarthroplastie. – Prothèse
inversée.

Introduction seul de la calotte humérale par une hémiarthroplastie


[7,10,14,20]. Quelle que soit l’option choisie, tous sont
L’arthropathie rhumatoïde de l’épaule est connue pour confrontés au problème de l’ascension de la tête humé-
évoluer dans un délai variable vers une destruction rale à moyen terme en rapport avec l’altération de la
des surfaces articulaires et vers une destruction de la coiffe au moment de l’intervention ou sa dégradation
coiffe des rotateurs, sur des patients parfois très jeu- au cours de la progression de la maladie [31,32,34,35].
nes [14–21,23]. Dès 1982, Neer recommandait de ne L’ascension de la tête humérale a par ailleurs été rap-
pas envisager trop tard une prothèse d’épaule dans portée comme un facteur de descellement glénoïdien
cette étiologie, et nous sommes nombreux à considé- dans les prothèses totales, mais également comme un
rer actuellement le pincement articulaire glénohuméral facteur d’érosion osseuse de la glène et de l’acromion
comme le signal de la prothèse [2,7,14,37]. Certains sont dans les hémiarthroplasties [8,9,33]. Ces deux consé-
partisans du remplacement des deux surfaces articulai- quences sont relativement bien tolérées à moyen terme,
res par une prothèse totale, d’autres du remplacement mais elles sont inquiétantes pour l’avenir, et le choix

Prothèses d’épaule. État actuel


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222 C. LÉVIGNE

d’une prothèse plus contrainte peut légitimement être bilité (3 antérieures, 2 postérieures), 3 cas de raideur,
discuté. Dans les années 1970–1980, de nombreux 3 cas d’infection et 2 cas de fracture de la diaphyse
modèles de prothèses « contraintes » ont conduit à des humérale en dessous de la prothèse. Deux cas de dou-
échecs précoces du fait de descellements glénoïdiens leurs persistantes ont motivé une reprise chirurgicale.
[27]. En 1987, Grammont a proposé un modèle de
prothèse inversée semi-contrainte, se distinguant des Résultats fonctionnels
précédents par une médialisation du centre de rotation
de l’épaule et un abaissement de l’humérus, ayant pour Les résultats fonctionnels ont été évalués sur 168 cas
effet d’augmenter le bras de levier du deltoïde et de revus avec un recul minimum de 2 ans ; 90 % des
diminuer les contraintes sur l’implant glénoïdien [11]. patients se disaient améliorés ou très améliorés. Le
L’utilisation de la prothèse inversée de Grammont dans score de Constant passait de 26 à 56 points, l’élévation
les arthroses avec rupture massive de la coiffe (« omarth- active de 79° à 120°, la rotation externe active de 15° à
roses excentrées ») est maintenant répandue pour les 39° ; la rotation interne permettait d’atteindre L3 dans
patients de plus de 70 ans, et les résultats fonctionnels à 67 % des cas. Le résultat est significativement affecté
moyen terme sont encourageants [3,5,12,30,36,38]. Les par les ruptures étendues à l’infraépineux (p = 0,007),
résultats des prothèses inversées se sont révélés meilleurs l’infiltration graisseuse du muscle infraépineux de stade
que ceux des hémiarthroplasties pour cette étiologie [8]. 3 ou 4 dans la classification de Goutallier (p < 0,0001),
Leur implantation dans la polyarthrite rhumatoïde a été et lorsque la distance acromiohumérale préopératoire
beaucoup plus rare, notamment du fait des craintes liées mesurée sur le cliché de face en rotation neutre est
à la fragilité de l’os rhumatoïde [28,39]. inférieure ou égale à 3 mm (p = 0,01) (figure 1).
Il était intéressant de comparer les résultats de ces Il était intéressant de comparer prothèse totale et
trois types d’implants (hémiarthroplasties, prothèse hémiarthroplastie (tableau 1). Le résultat clinique jugé
totales ou prothèses inversées dans cette étiologie. sur le score de Constant et l’élévation active est signifi-
Nous nous sommes appuyés sur l’analyse comparée de cativement meilleur avec la prothèse totale si le recul est
la littérature et sur deux séries multicentriques rétros- inférieur à 3 ans. Entre 3 et 5 ans, le résultat est égale-
pectives que nous avons menées, afin de préciser nos ment meilleur avec la prothèse totale, mais la différence
choix thérapeutiques actuels [1,17]. n’est pas significative. Après 5 ans, le résultat obtenu
dans notre série dans les deux méthodes est très compa-
rable (tableau 2). Le score de Constant a une tendance
Résultats des prothèses (non significative) à se dégrader au fil du temps avec
anatomiques la prothèse totale, alors que le résultat des hémiarthro-
plasties est stable dans le temps dans notre étude.
Notre expérience repose sur un travail du groupe La comparaison des deux méthodes selon l’état de
Aequalis à propos d’une série multicentrique et rétros- la coiffe des rotateurs est également intéressante : si la
pective de 179 prothèses anatomiques implantées pour coiffe n’est pas rompue ou si la rupture ne concerne
polyarthrite rhumatoïde, soit 9,7 % des 1842 cas de
la série globale des prothèses de première intention.
Il s’agissait de prothèses totales dans 131 cas et d’hé-
miarthroplasties dans 48 cas [1].

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Complications et reprises
On déplorait 19 % de complications précoces ou tardi-
ves et 9 % (16 cas) de reprises chirurgicales. Parmi elles,
seulement 4 cas ont comporté une révision prothétique.
Lors de l’intervention, on dénombrait 4 fractures
d’humérus dont deux ont nécessité un geste de fixation
(un cerclage et une plaque), une fracture tubérositaire
traitée par suture transosseuse, et 4 fractures de glène
(une conversion en hémiarthroplastie, une greffe glé-
noïdienne et deux changements de taille d’implant).
Parmi les complications postopératoires, on notait Figure 1. Arthrite rhumatoïde avec diminution de la distance
3 cas d’atteinte neurologique régressive, 5 cas d’insta- acromiohumérale mesurée à 3 mm.
Épaule rhumatoïde : prothèse anatomique ou prothèse inversée ? 223

Tableau 1
Résultats comparatifs de l’hémiarthroplasties et des prothèses totales anatomiques dans l’arthrite rhumatoïde

Prothèses totales Hémiarthroplasties P

Nombre 124 44

Âge (ans) 55 58 NS

Rupture de la coiffe des rotateurs préopératoire 8% 50 %

Recul (mois) 48 (24–100) 41 (24–96) NS

Score de Constant absolu préopératoire 27 26


Score de Constant absolu postopératoire 58 52

Douleur préopératoire 3 3
Douleur postopératoire 12 12

Activité préopératoire 7 7
Activité postopératoire 14 14

EAA préopératoire 83° 72°


EAA postopératoire 123° 111°

REA préopératoire 15° 15°


REA postopératoire 39° 39°
EAA : élévation antérieure active ; REA : rotation externe active ; NS : non significatif.

Tableau 2
Résultat comparé des prothèses totales et des hémiarthroplasties en fonction du recul

n < 36 m n 36–59 m n > 59 m

Constant EAA (°) Constant EAA (°) Constant EAA (°)


(points) (points) (points)

Hémiarthroplastie 22 52 115 15 50 102 15 54 117

Prothèse totale 49 61 129 35 58 120 35 55 119


(p = 0,03)
EAA : élévation antérieure active.
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que le supraépineux, les résultats sont équivalents avec qui n’avaient pas été scellées. Un liseré autour de l’im-
les deux méthodes (tableau 3). Lorsque la rupture est plant huméral a été observé dans 15 % des cas, com-
étendue à l’infraépineux, le résultat est plutôt meilleur plet dans 5 %, partiel dans 10 % des cas.
avec l’hémiarthroplastie qu’avec la prothèse totale. Les Concernant le versant glénoïdien, nous n’avons pas
échantillons sont cependant trop faibles pour établir des observé d’érosion glénoïdienne avec les hémiarthroplas-
corrélations. La réparation de la coiffe des rotateurs ties au recul moyen de 41 mois. En revanche, la série
(7 cas sur 29), n’a pas permis d’obtenir un meilleur résul- des prothèses totales montrait 5 % d’implants glénoï-
tat, l’élévation active étant même significativement moins diens descellés (changement de position sur deux radio-
bonne après réparation qu’en l’absence de réparation. graphies d’incidence comparable). Sur les implants non
descellés, un liseré glénoïdien était visible dans 70 %
Résultats radiographiques des cas, évolutif une fois sur deux sur des clichés consé-
cutifs. Nous l’avons mesuré selon le « score liseré »
Concernant l’implant huméral, 3 cas ont présenté une défini par Molé [25] (figure 2). Le score liseré est sta-
migration par enfoncement et il s’agit de 3 des 5 tiges ble jusqu’à 5 ans, mais augmente de façon significative
224 C. LÉVIGNE

Tableau 3
Résultat comparé des prothèses totales et des hémiarthroplasties selon l’état de la coiffe des rotateurs

n Pas de rupture n Rupture n Rupture n Rupture supra-/


partielle supraépineux infraépineux
Constant EAA Constant EAA Constant EAA Constant EAA
(points) (°) (points) (°) (points) (°) (points) (°)
Hémiarthroplastie 16 59 120 3 59 117 5 56 123 14 46 106
Prothèse totale 88 58 125 10 62 125 6 57 113 3 38 93
EAA : élévation antérieure active.

Épaisseur < 1 mm
1−2 mm > 2 mm TOTAL
liseré
^
zone = 1 pt = 2 pts = 3 pts = RLL score

1
1
2 2
6 3
3
5 4
4

Figure 2. Score liseré : l’interface entre l’implant glénoïdien et l’os est divisé en 6 zones. Chaque zone peut compter de 0 à 3 points
pour un score maximal de 18 points. Un liseré de 1 mm vaut 1 point ; 1 à 2 mm : 2 points ; > 2 mm : 3 points.

après 5 ans de recul (p = 0,003). À partir de 12 points, – Des résultats cliniques sont inférieurs à ceux de
le score liseré a une corrélation négative avec le score l’omarthrose primitive [2,20,23,32,33,35]. Ils res-
de Constant (p = 0,004) et l’élévation active (p = 0,04) tent satisfaisants au recul de 2 à 8 ans, avec 90 % de
(tableau 4). Nous n’avons pas observé d’influence de patients améliorés ou très améliorés.
l’état de la coiffe sur le liseré glénoïdien. – Il existe un taux important de complications et de repri-
La distance acromiohumérale passe de 6,6 mm en ses [14,33]. La fréquence des fractures peropératoires doit
moyenne préopératoire à 6 mm au recul de notre série. Il inciter à une grande prudence, particulièrement lors de la
y a donc une tendance à l’ascension de la tête humérale, préparation humérale. Elles n’altèrent pas le résultat final
mais elle n’est significative sur la série entière qu’après si elles sont traitées dans le même temps. En revanche,

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5 ans d’évolution (p = 0,01), ou en présence d’une rupture les infections et les luxations ont une incidence péjorative
étendue à l’infraépineux (p = 0,05). Les prothèses mises sur le résultat. Nous avons également retrouvé comme
en place sur coiffe étanche n’ont en revanche aucune d’autres la nécessité de sceller l’humérus dans la polyarth-
ascension de la tête entre 5 et 8 ans de recul. Les varia- rite [7,33]. Les trois migrations de tiges humérales sont en
tions de la distance acromiohumérale sont équivalentes effet survenues sur des tiges non scellées.
après une hémiarthroplastie ou une prothèse totale. – L’état de la coiffe des rotateurs est un facteur de pro-
nostic essentiel [14,23,31]. Au recul moyen de 46 mois,
seules les ruptures étendues au supraépineux et à l’in-
Discussion et comparaison fraépineux altèrent significativement le résultat. Elles
avec la littérature correspondent généralement aux stades d’infiltration
graisseuse du muscle infraépineux les plus évolués
Notre série retrouve les notions désormais classiques (stades 3 et 4) et aux espaces sous-acromiaux les plus
concernant les prothèses d’épaule non contraintes pincés sur les radiographies préopératoires, ces deux
dans la polyarthrite. paramètres affectant significativement le résultat, parti-
Épaule rhumatoïde : prothèse anatomique ou prothèse inversée ? 225

Tableau 4
Score de Constant et élévation antérieure active (EAA) selon le score liseré

Score liseré 0–5 Score liseré 6–11 Score liseré 12–18 Migration
n = 71 n = 31 n = 14 n=6

Constant (points) 61 62 44 44

EAA (°) 127 132 102


EAA : élévation antérieure active.

culièrement celui des prothèses totales. Dans cette situa- (5,6 %). Il recommande au terme de l’analyse de sa
tion, le résultat des hémiarthroplasties est sensiblement série de 282 cas la mise en place d’une prothèse totale
meilleur que celui des prothèses totales. Contrairement par rapport à une hémiarthroplastie lorsque la coiffe
aux observations de Rozing, la réparation de la rupture est étanche ou fine [33].
n’améliore pas le résultat fonctionnel dans notre série
[29].
– La tendance à l’ascension de la tête humérale [31,32] Résultats des prothèses inversées
n’est significative sur l’ensemble de notre série qu’après
5 ans d’évolution, plus tôt si la rupture est étendue aux Il s’agit d’une série rétrospective de 9 patients (9 épau-
supra- et infraépineux. les), représentant 2 % d’une série multicentrique de 457
– Il existe un scellement glénoïdien précaire [32–34]. prothèses inversées consécutives mises en place dans
Nous avons observé un taux important de liserés radio- 5 centres spécialisés au cours de la même période [17].
graphiques et 32 % des implants glénoïdiens sont consi- L’âge moyen était de 74 ans (68–89), le score de Cons-
dérés comme descellés (score liseré ≥ 12 ou migration). tant préopératoire de 22 points (4–43). Il s’agissait
C’est un peu moins que Sojbjerg (42 %) qui a cependant d’arthrite rhumatoïde évoluée (cinq Larsen 4, quatre
un recul plus long (92 mois) sur une série de 62 prothè- Larsen 5). Tous présentaient une rupture transfixiante
ses totales. Il attribue ces descellements glénoïdiens à de la coiffe, concernant 8 fois les supraépineux et infra-
l’ascension de la tête humérale selon le mécanisme de épineux, 1 fois le supraépineux seul.
bascule décrit par Franklin et al. sans établir de lien sta-
tistique [9]. Nous n’avons pas non plus établi ce lien Complications et reprises
statistique avec le score liseré. Nous avons par ailleurs
observé que le liseré s’aggravait de façon significative Trois complications sont à déplorer. Une infection est
après 5 ans et qu’il devenait symptomatique lorsque le survenue 4 mois après l’intervention initiale (consécu-
score liseré était supérieur à 12 points. tivement à une première reprise pour dévissage de la
Le cap des 5 ans semble être un délai minimal pour sphère glénoïdienne) et persistait au dernier recul mal-
juger objectivement des résultats de la prothèse non gré deux interventions de nettoyage sans ablation de la
contrainte dans la polyarthrite, car il correspond à une prothèse. Deux fractures de l’acromion ont été identi-
dégradation significative des résultats clinique et/ou fiées 3 mois après l’intervention : il s’agissait en réalité
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radiographique. d’une mobilisation secondaire d’un acromion bipartita


On peut aussi légitimement se demander si la mise en et d’une fracture de fatigue préopératoire méconnue.
place d’un implant glénoïdien est une solution adaptée Elles n’ont pas affecté le résultat de façon évidente.
à la polyarthrite, compte tenu notamment de la ten-
dance à l’ascension de la tête et à la fréquence des des- Résultats cliniques
cellements glénoïdiens. Une analyse plus fine de notre
série montre cependant que lorsque la coiffe est étan- Les résultats cliniques ont pu être jugés sur 7 épaules avec
che lors de l’intervention, il n’y a aucune dégradation un recul moyen de 49 mois (24–97). Le score de Constant
du résultat clinique ou d’ascension de la tête humérale est passé de 22 à 52 points. La douleur est passée de 3,5 à
entre 5 et 8 ans de recul. Par ailleurs, Sperling a rap- 12 (sur 15) et l’activité de 6,9 à 15,3 (sur 20). La mobilité
porté avec un recul moyen de 11,6 ans un taux plus a progressé de 11,2 à 21,6 (sur 40) et la force de 0,7 à 4
important de reprises chirurgicales après hémiarthro- (sur 25). L’élévation antérieure active est passée de 59° à
plastie pour érosion glénoïdienne (7,4 %) que de repri- 98°. La rotation externe active est restée inchangée à 11°.
ses après prothèse totale pour descellement glénoïdien La rotation interne active est passée du sacrum à L4.
226 C. LÉVIGNE

Sur le plan subjectif, le seul patient mécontent cor- sons. Il s’agit souvent de patients plus jeunes que dans
respond à l’infection persistante ; les deux patients l’arthrose qui présentent parfois très tôt une altération
décédés avant 2 ans (3 mois et 15 mois) étaient satis- sévère de la coiffe des rotateurs et/ou de la glène. Par
faits du résultat avant leur décès. ailleurs, la fragilité de l’os rhumatoïde fait craindre
Compte tenu du faible nombre de patients, aucune une augmentation des risques de descellement glé-
corrélation n’a pu être recherchée. noïdien et de fracture de l’acromion. Enfin, le risque
septique chez ces patients souvent immunodéprimés
Résultats radiographiques est considéré comme plus élevé qu’avec les prothèses
anatomiques.
Les résultats radiographiques ont été jugés sur 8 cas Notre série est courte, mais elle est assez rassurante
après inclusion du cas décédé à 15 mois postopéra- sur la qualité de l’amélioration fonctionnelle avec la
toires. Le recul radiographique moyen est de 41 mois prothèse inversée. Sur des patients comparables (rup-
(14–95). Concernant l’implant huméral, un liseré ture transfixiante de la coiffe), le score de Constant et
incomplet proximal entre le ciment et l’os était visi- l’EAA (élévation antérieure active) ne sont pas signifi-
ble dans 3 cas. Concernant l’implant glénoïdien, le cativement différents entre prothèse totale anatomique,
seul cas de liseré autour des vis correspond au cas hémiarthroplastie et prothèse inversée (respectivement
septique. Aucune migration ou bascule n’a été notée. 51 points, 49 points, 52 points et 106°, 110°, 98°). En
Cinq cas présentent des signes de conflit entre le bord revanche, les rotations interne et externe sont moins
médial de la cupule humérale et l’omoplate : 2 fois améliorées avec la prothèse inversée. Les deux seules
une encoche et une usure du filetage de la vis infé- séries publiées montrent des résultats fonctionnels
rieure, 2 fois une encoche isolée, et 1 fois une usure comparables [28,39].
isolée du filetage de la vis inférieure. Deux cas déjà Dans notre série, les deux mobilisations postopératoi-
signalés présentaient une bascule d’un fragment acro- res de l’acromion n’ont pas eu d’incidence sur le résultat
mial sans répercussion clinique (figure 3). final, mais il ne s’agissait pas de réelles fractures postopé-
ratoires (un acromion bipartita et une fracture de fatigue
préopératoire) ; cette bonne tolérance est en accord avec
Discussion et comparaison Rittmeister et Kerschbaumer [28] et Woodruff et al. [39].
avec la littérature En revanche, ces deux auteurs insistent sur le risque
de descellement glénoïdien qui n’a pas été constaté
L’utilisation de la prothèse inversée dans la polyarth- sur notre série. Le seul fait marquant de notre série
rite rhumatoïde reste controversée pour plusieurs rai- concerne le risque de conflit entre la cupule humérale

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Figure 3. A. Usure glénoïdienne préopératoire prédominant à la partie supérieure de la glène (forme ascendante). B. L’implant
glénoïdien a été positionné en position de tilt supérieur, favorisant un conflit de la partie médiale de la cupule humérale avec le
versant glénoïdien (usure de la cupule et du filetage de la vis inférieure de fixation glénoïdienne). Noter la bascule inférieure de
l’acromion après prothèse inversée.
Épaule rhumatoïde : prothèse anatomique ou prothèse inversée ? 227

et la partie haute du pilier de l’omoplate, ou avec la vis


inférieure de fixation glénoïdienne. Il est intéressant de
constater que ces 5 cas de conflit ont été observés lors-
que l’usure glénoïdienne préopératoire prédominait à
la partie supérieure de la glène (forme ascendante). On
retrouve d’ailleurs une corrélation entre le type d’usure
glénoïdienne préopératoire et le risque d’encoche sur
la série globale des 391 cas exploitables pour l’analyse
de l’encoche (p = 0,002) [20]. Nous pensons que c’est
parce que l’usure de la partie supérieure de la glène
favorise un positionnement de la platine glénoïdienne
en position haute et en tilt supérieur (figure 3). Il est
possible que ce mécanisme de conflit ait pu interve-
nir dans les descellements constatés par Rittmeister et
Kerschbaumer ou Woodruff et al., plutôt que le résul-
tat de contraintes excessives sur l’implant glénoïdien
ou une fragilité excessive de l’os rhumatoïde.

Indications thérapeutiques
À quel moment parler Figure 4. Classification radiographique CAD en trois formes :
de la prothèse ? centrée, ascendante, destructrice. Chaque forme présente deux
stades en fonction de l’usure glénoïdienne.
Dès qu’il y a un pincement de l’interligne glénohu-
méral, la prothèse d’épaule doit être discutée dans la
polyarthrite rhumatoïde, car l’évolution peut ensuite agressivité plus importante de la maladie, à la fois sur
être beaucoup plus rapide que dans l’omarthrose. les surfaces articulaires et sur la coiffe. La prothèse
Neer avait insisté sur ce point dès 1982 et il n’a jamais totale doit être envisagée avant une destruction de la
été démenti [14,23,37]. En revanche, l’urgence de l’in- glène qui compromettrait un scellement optimal de la
dication nous paraît peut-être différente d’un sujet à glène.
l’autre, car l’agressivité de la maladie sur la coiffe et les
surfaces articulaires est variable. Neer avait également Quel type de prothèse ?
souligné ce polymorphisme des épaules rhumatoïdes
en décrivant une forme sèche peu évolutive, une forme L’idéal serait de pouvoir recourir dans tous les cas à une
humide très agressive et une forme « résorptive » carac- prothèse totale anatomique, car c’est la méthode qui nous
térisée par une médialisation de la tête humérale [22]. a permis d’obtenir les meilleurs résultats à court et moyen
Ces formes ont une expression radiographique que terme, comme à la plupart des auteurs de la littérature.
nous avions essayé de concrétiser par une classification La prothèse totale est cependant significativement
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fondée sur l’aspect de la tête humérale et de son ascen- moins favorable que l’hémiarthroplastie dans deux
sion éventuelle analysés sur la radiographie de face situations : rupture transfixiante étendue aux supraépi-
(figure 4) [16,19]. La forme centrée (forme sèche de neux et infraépineux, et distance acromiohumérale infé-
Neer) se présente comme une arthrose avec une usure rieure ou égale à 3 mm. En outre, deux autres situations
concentrique de la glène. Ces formes sont enraidissan- apparaissent défavorables pour la prothèse totale, même
tes mais évoluent lentement, ce qui relativise l’urgence si nous n’avons pu le démontrer sur le plan statistique :
de la prothèse. La forme ascendante (resorptive form les ruptures transfixiantes du supraépineux et les usures
de Neer) se caractérise par un pincement polaire supé- sévères de la glène. Avec une rupture du supraépineux,
rieur suivi parfois très rapidement d’une usure de la les résultats des deux méthodes sont très comparables au
partie supérieure de la glène (figure 5). C’est la plus recul de 4 ans, mais on peut redouter une dégradation
fréquente et mieux vaut ne pas attendre pour une avec le temps, comme l’a souligné Sperling qui préco-
prothèse totale dès qu’il existe un pincement polaire nise l’hémiarthroplastie quelle que soit l’étendue de la
supérieur. La forme destructrice (forme humide de rupture de coiffe, après une comparaison des résultats
Neer) concerne des patients plus jeunes et traduit une avec 12 ans de recul moyen [33]. En cas de défaillance
228 C. LÉVIGNE

Figure 5. Évolution en 6 mois de la radiographie de face d’une forme ascendante. Noter le pincement de l’espace sous-acromial et
la dégradation rapide du pôle supérieur de la glène.

de la coiffe, l’hémiarthroplastie est donc la moins mau- le stock osseux. Hélas, l’intégration de la greffe est
vaise solution, sachant qu’elle se complique dans un délai très aléatoire avec un implant scellé [6,13,24,26]. La
variable d’une érosion glénoïdienne et d’une migration à solution d’une glène anatomique non cimentée (vissée)
terme de la tête dans l’angle spinoglénoïdien. Dans notre serait idéale pour assurer la fixation et la consolidation
expérience, cette évolution radiographique défavorable de la greffe, mais les implants adossés à une platine
se traduit par une élévation active limitée à l’horizontale, métallique (glène metal-back) ont conduit à de nom-
mais qui est relativement bien tolérée et acceptée par les breux échecs à moyen terme par déclipsage ou usure
patients, dans la mesure où les rotations sont un peu du polyéthylène et métallose secondaire [4,21]. Nous
mieux conservées (figure 6). n’avons pas l’expérience de combiner l’hémiarthroplas-
L’hémiarthroplastie peut aussi être le choix par défaut tie avec un resurfaçage « biologique » de la glène [15].
lorsque la glène est très détruite, même avec une coiffe Dans l’état actuel de nos implants, le choix d’une pro-
non défaillante, notamment dans les formes destructri- thèse inversée est tentant pour la qualité de sa fixation
ces du sujet jeune. Un implant glénoïdien serait pourtant glénoïdienne même si sa justification première était
plus logique, avec une greffe osseuse pour reconstituer de pallier les coiffes déficientes et non les problèmes

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Figure 6. Évolution d’une hémiarthroplastie sur une forme A2. Malgré l’érosion glénoïdienne, l’élévation active est à l’horizontale.
Épaule rhumatoïde : prothèse anatomique ou prothèse inversée ? 229

Figure 7. Prothèse totale avec glène scellée, mise en place pour une forme ascendante A1. A. Radiographie postopératoire : la glène
est en position basse et en tilt supérieur. B. Radiographie à 13 ans de recul : la tête est montée et la glène a basculé.

de stock osseux. On manque cependant de recul pour – Forme ascendante (âge moyen 61 ans) :
proposer cette méthode à des patients de moins de • A1 : prothèse totale anatomique, car la coiffe est
70 ans, particulièrement dans la polyarthrite. Il nous en général encore fonctionnelle, en veillant à éviter
arrive alors de combiner l’hémiarthroplastie avec une de placer l’implant glénoïdien en position basse ou
autogreffe corticospongieuse impactée ou vissée pour en tilt supérieur (figure 7).
reconstituer le stock osseux et limiter l’érosion osseuse • A2 : avant 70 ans, nous évaluons la possibilité
secondaire. Nous ne pouvons cependant pas encore en de combiner une greffe corticospongieuse vis-
rapporter les résultats avec un recul suffisant. sée dans le défect glénoïdien supérieur avec une
Le choix de la prothèse n’est donc pas toujours sim- hémiarthroplastie. Sinon, nous optons par défaut
ple. Il n’est parfois qu’un choix par élimination avec un pour une hémiarthroplastie simple avec un objec-
objectif fonctionnel limité que le patient doit compren- tif antalgique. Au-delà de 70 ans, nous proposons
dre avant sa décision. Il doit intégrer l’état de la coiffe, une prothèse inversée avec greffe osseuse du pôle
l’état de la glène et le contexte général du patient. En supérieur de la glène (figure 8).
pratique, la classification radiographique CAD nous – Forme destructrice (âge moyen 47 ans) :
sert de base pour nos indications (figure 4). • D1 : prothèse totale anatomique ;
– Formes centrée (âge moyen 58 ans) : • D2 : hémiarthroplastie avec greffe corticospon-
• C1 : prothèse totale anatomique ; gieuse impactée. Dans cette forme, les patients
• C2 : hémiarthroplastie ou prothèse inversée selon sont généralement trop jeunes pour une prothèse
l’âge (seuil à 70 ans). inversée.
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Figure 8. Forme ascendante A2 traitée par une prothèse inversée combinée avec une greffe corticospongieuse du défect glénoï-
dien supérieur.
230 C. LÉVIGNE

Conclusion de meilleurs résultats fonctionnels que l’hémiarthroplastie,


à condition de ne pas l’envisager trop tard. Au stade de
Il faut insister sur l’importance d’une surveillance radio- rupture de coiffe ou d’altération sévère de la glène, l’indica-
graphique de l’épaule rhumatoïde dès qu’elle est symp- tion est plus difficile et il faudra souvent trouver des com-
tomatique. L’apparition d’un pincement de l’interligne promis thérapeutiques adaptés à chaque cas ; ils auront en
glénohuméral doit conduire à la prothèse totale qui procure règle générale un résultat fonctionnel plus limité.

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232 O. LEVY, S. COPELAND

Résultats des prothèses de resurfaçage


dans l’omarthrose primitive
et l’arthrite rhumatoïde
Results of cementless surface replacement arthroplasty
in primary osteoarthritis and in rheumatoid arthritis

O. LEVY, S. COPELAND

RÉSUMÉ SUMMARY
La prothèse de resurfaçage huméral sans ciment est différente des Cementless surface replacement arthroplasty (CSRA) of the shoul-
prothèses avec tige par beaucoup d’aspects. Son concept est de der differs in many aspects from the non-constrained stemmed
remplacer seulement les surfaces articulaires abîmées et de restau- shoulder prostheses. The design concept is replacement only of
rer l’anatomie normale avec le minimum de résection osseuse et une the damaged joint-bearing surfaces and restoration of normal
fixation prothétique sans tige et sans ciment. Entre 1986 et 2003, anatomy with minimal bone resection and stemless, cementless
nous avons implanté 340 prothèses de resurfaçage, dont 189 pour fixation. Between 1986 and 2003, 340 CSRA were implanted in
omarthrose primitive et 103 pour polyarthrite rhumatoïde, pour les- our institution, 189 for primary osteoarthritis and 103 for rheu-
quelles nous avons respectivement un recul de 7,1 ans (4–17,8 ans) matoid arthritis with mean follow-up period of 7.1 years (range,
et 8,6 ans (4–16,3 ans). Le score de Constant moyen a augmenté de 4 to 17.8 years) and 8.6 years (range, 4 to 16.3 years) respectively.
12,3 points en préopératoire à 65,5 points (94 % pondéré) au dernier The average Constant score improved from 12.3 points preopera-
recul pour l’omarthrose primitive. Les patients avec une polyarthrite tively to 65.5 points (94% age/sex adjusted) in the last follow-up
rhumatoïde ont obtenu des résultats plus modestes avec un score de for the osteoarthritis. The rheumatoid arthritis patients showed
Constant qui est passé de 8,8 points en préopératoire à 57,2 points slightly more modest improvement from 8.8 points preopera-
au dernier recul (78 % pondéré). L’élévation active moyenne a aug- tively to 57.2 points (78% age/sex adjusted). The mean range
menté de 69 à 121° dans le groupe « omarthrose primitive » et de of active elevation improved from 69 to 121° in the “osteoar-
54 à 104° dans le groupe « polyarthrite rhumatoïde ». Les patients thritis group” and from 54 to 104° in the “rheumatoid arthri-
dans les deux groupes ont témoigné d’un taux de satisfaction très tis” group. Both groups showed very high patient satisfaction
élevé. Il n’y avait pas de liserés autour de l’implant huméral recou- rate. No lucencies were found around the hydroxyapatite coated
vert d’hydroxyapatite (Mark™ III) au bout de 12 ans. L’analyse de (Mark™ III) humeral implants for more than 12 years. Kaplan-
survie selon Kaplan-Meier a montré un taux de survie de 99 % des Meier survivorship analysis showed 99% survivorship of humeral
prothèses de resurfaçage huméral sur une période de 11 ans et de surface arthroplasty (HSA) over 11 years and 82% survivorship of
82 % pour les prothèses de resufaçage de l’humérus et de la glène. humeral and glenoid surface arthroplasty (HGSA). A reoperation
Une réopération a été nécessaire chez 32 patients (9,2 %). was done in 32 patients (9.2%).

Mots clés : Prothèse d’épaule. – Sans ciment. – Resurfaçage. Key words: Shoulder replacement. – Cementless. – Resurfacing.
– Hydroxyapatite. – Hydroxyapatite.

Introduction infections ou à des tumeurs. Aux États-Unis, Neer [11]


a développé une prothèse non contrainte avec tige,
Les premiers remplacements prothétiques de l’épaule spécifiquement conçue pour le traitement des fractu-
en Europe ont été initialement réalisés avec des pro- res à 4 fragments de l’humérus proximal. Quelques
thèses contraintes, afin de pouvoir faire face à des années plus tard, il a proposé de rajouter un implant
pertes de substances osseuses importantes ainsi qu’à glénoïdien pour pouvoir traiter l’omarthrose. Aucun
des lésions des tissus mous, souvent secondaires à des de ces types de prothèse n’était spécifiquement conçu

Prothèses d’épaule. État actuel


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Prothèses de resurfaçage dans l’omarthrose primitive et l’arthrite rhumatoïde 233

pour être utilisé dans l’omarthrose primitive. Dans tes et à restaurer l’anatomie normale avec le minimum
les années 1980, l’idée de développer une prothèse de résection osseuse. Le but est d’être le plus proche
de resurfaçage pour les pathologies dégénératives de possible de l’anatomie normale en replaçant seule-
l’épaule a émergé. ment les surfaces articulaires détruites. Ce rempla-
cement prothétique se fait à l’aide d’un implant non
cimenté revêtu d’hydroxyapatite comportant un pivot
Concept des prothèses central ; il s’agit de permettre une fixation biologique
de resurfaçage avec repousse osseuse [5,7–9,13]. L’os retiré de la tête
humérale est utilisé pour greffer les defects osseux au
Les prothèses de resurfaçage huméral de l’épaule diffè- niveau de la tête humérale de façon à ce qu’aucun os ne
rent par différents aspects des prothèses non contrain- soit perdu. La prothèse de resurfaçage permet de res-
tes avec tige (figure 1A,B). Le concept consiste à taurer l’anatomie normale de l’humérus proximal, en
remplacer uniquement les surfaces articulaires détrui- particulier la rétroversion, l’inclinaison et le déport de
la surface articulaire, sans avoir besoin d’utiliser une
instrumentation complexe ou sophistiquée [2,7,16].
Ce type de prothèse offre au chirurgien une flexibilité
peropératoire permettant d’adapter la prothèse à l’ana-
tomie du patient, plutôt que d’imposer l’anatomie de la
prothèse au patient. La prothèse de resurfaçage est pla-
cée in situ de façon à remplacer les surfaces articulaires
détruites. Le déport de la surface articulaire est automa-
tique, et la rétroversion et l’inclinaison sont déterminées
d’après le col anatomique original. Même en présence
d’une érosion sévère de la tête humérale, le col anatomi-
que peut être visualisé après ablation des ostéophytes, et
le guide peut être positionné et centré correctement.

Indications des prothèses


de resurfaçage
Tous les patients nécessitant un remplacement pro-
thétique de la tête humérale sont considérés comme
des candidats potentiels pour une prothèse de resurfa-
çage. Seuls ceux qui présentent des pertes de substance
osseuse épiphysaire importantes avec aucune surface à
remplacer, ou ceux qui présentent des fractures ou des
séquelles de fracture avec pseudarthrose du col chirur-
gical ont, dans notre expérience, besoin d’une prothèse
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avec tige. Dans ce contexte, 92 % des patients de notre


institution qui se présentent pour une prothèse d’épaule
bénéficient d’une prothèse de resurfaçage pour le rem-
placement de la tête humérale. L’omarthrose primitive
et l’omarthrose secondaire sont les indications les plus
fréquentes. Ce type de prothèse a été utilisé avec succès
dans l’omarthrose primitive, l’arthrite rhumatoïde (et
les autres arthrites inflammatoires), les nécroses avas-
culaires, les arthroplasties à coiffe détruites (cuff tear
arthropathies), les arthroses après instabilité, les arth-
roses post-traumatiques, les arthroses après infection,
Figure 1. A. Radiographie de face montrant une prothèse de et les arthroses après dysplasie [5,7–9,12,13,17].
resurfaçage huméral de l’épaule. B. Prothèse de resurfaçage La prothèse de resurfaçage peut être facilement
huméral. utilisée dans les érosions modérées de la tête humé-
234 O. LEVY, S. COPELAND

rale avec adjonction d’une greffe osseuse. S’il y a Technique chirurgicale


plus de 60 % de contact entre la prothèse d’essai et
la tête humérale, après qu’elle a été greffée, celle-ci De 1986 à 1993, nous avons utilisé la voie d’abord
peut être resurfacée, ce qui signifie que 40 % de la deltopectorale [7]. Depuis septembre 1993, nous utili-
tête humérale peuvent être remplacés par de la greffe sons la voie antérosupérieure, transdeltoïdienne, telle
osseuse [12]. qu’elle a été décrite par Neviaser et McKenzie [10].
La prothèse peut être implantée par les deux voies
d’abord de manière indifférente. La voie d’abord
Contre-indications antérosupérieure permet une exposition optimale
de la glène, de la tête humérale, des tubérosités ainsi
Les contre-indications absolues à l’utilisation d’une qu’une exposition de l’acromion et de l’articulation
prothèse de resurfaçage huméral sont les mêmes que acromioclaviculaire. Les avantages de la voie d’abord
pour n’importe quelle prothèse d’épaule : infection antérosupérieure sont un accès plus facile à la glène
active, paralysie des muscles de l’épaule (coiffe des rota- et à la coiffe postérosupérieure, et une récupération
teurs et deltoïde) et maladie de Charcot de l’épaule. Les postopératoire plus rapide, avec une cicatrisation plus
contre-indications spécifiques à la prothèse de resurfa- courte. L’accès direct (« en face ») de la glène ainsi
çage sont les pertes de substance osseuse importantes, que la possibilité de réaliser une excision de l’articu-
où la tête humérale est absente et où il n’y a donc rien à lation acromioclaviculaire et une acromioplastie sont
resurfacer. Ce type de prothèse est donc contre-indiqué pour nous les autres avantages de cette voie d’abord.
dans les fractures aiguës de l’épaule et certaines séquel- Dans l’omarthrose primitive et secondaire, le maxi-
les de fractures avec pseudarthrose. mum de surface sclérotique de l’os est conservé de
Les contre-indications relatives sont les pertes de façon à donner une assise solide à la prothèse de resur-
substance osseuse majeures de la tête humérale dépas- façage. Cependant, comme la prothèse est recouverte
sant 40 % de la surface articulaire, la présence de d’hydroxyapatite, cette surface doit être réactive pour
kyste intra-osseux de grande taille (comme dans l’arth- permettre une repousse osseuse, ce qui nécessite des per-
rite rhumatoïde), ne permettant pas un support de la forations de la tête humérale avec une fine mèche. De
prothèse de resurfaçage [12]. Par ailleurs, les patients multiples perforations sont réalisées de façon à permettre
présentant une omarthrose secondaire à une rupture un saignement de l’os sclérotique. Les fragments osseux
massive de la coiffe des rotateurs (cuff tear arthropa- du forage sont laissés in situ (figure 2A). L’os récupéré du
thy) doivent être prévenus du résultat limité de ce type forage du trou pilote central et de la fraise est mélangé
d’implant, qui permet de soulager les douleurs mais avec le sang du patient. Il sert à tapisser la face profonde
pas de récupérer une mobilité active (comme n’im- de la prothèse de resurfaçage et à greffer les irrégularités
porte quelle prothèse non contrainte). de la tête humérale de manière routinière (figure 2B).

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A B
Figure 2. A. La perforation de la tête humérale avec de multiples trous permet d’activer la repousse osseuse. B. Greffe osseuse
impactée en mélangeant du spongieux et du sang à la face interne de la cupule de resurfaçage.
Prothèses de resurfaçage dans l’omarthrose primitive et l’arthrite rhumatoïde 235

Glène polyéthylène la survie à long terme des prothèses articulaires est


liée au volume de débris de polyéthylène ; par consé-
ou resurfaçage biologique ? quent, l’utilisation de polyéthylène doit être évitée
si possible. Dans notre série de 340 cas opérés entre
Les échecs à long terme de la prothèse totale d’épaule 1986 et 2003, seulement 6 des 218 (2,8 %) prothèses
peuvent être liés au descellement de l’implant glénoï- de resurfaçage huméral ont été révisées, tandis que
dien du fait de débris d’usure de polyéthylène qui 21 des 122 (17,2 %) prothèses totales ont été révi-
entraînent une ostéolyse. C’est particulièrement cri- sées. La survie des prothèses de resurfaçage huméral
tique lorsque l’on réalise une prothèse d’épaule chez est significativement meilleure que celle des prothèses
un patient jeune et actif avec une longue espérance totales d’épaule (figure 3A,B).
de vie. Notre pratique actuelle est de réaliser une prothèse
Nous avons analysé nos résultats et avons observé de resurfaçage de l’humérus proximal avec un resur-
qu’il y avait peu de différences sur le plan des résultats façage biologique de la glène. La surface articulaire
fonctionnels et des résultats sur la douleur chez les de la glène est perforée avec de multiples trous de
patients qui avaient eu un resurfaçage de la glène en 2 mm de diamètre (microfracture), de façon à favori-
plus du resurfaçage huméral. Les résultats fonction- ser la repousse secondaire d’un fibrocartilage que nous
nels moyens dans l’omarthrose primitive sont simi- avons pu confirmer par des études histologiques de
laires pour les prothèses totales et pour les prothèses fragments prélevés avec des arthroscopies secondaires
humérales de resurfaçage, sans différence statistique [15] (figure 4A,B).
significative (tableau 1). Dans notre expérience, à
ce jour, la conversion d’une prothèse de resurfaçage
en une prothèse totale n’a été nécessaire que chez Rééducation postopératoire
3 patients.
Cela est peut-être dû au fait qu’avec la prothèse de Le bras du patient est placé dans une attelle coude au
resurfaçage, l’anatomie humérale de chaque patient corps et un bloc interscalénique à visée antalgique est
peut être reconstruite de façon plus facile qu’avec une utilisé. Une mobilisation passive de l’épaule est effec-
prothèse à tige [16] ; de plus, il y a moins de pos- tuée les premières 48 heures, et une mobilisation pas-
sibilité d’erreurs de positionnement de la tige, de sive assistée pendant 5 jours. Les mouvements actifs
choix de la taille de la tête, et d’erreur dans la rétro- sont commencés en fonction de la douleur et l’attelle est
version, pouvant aboutir à une érosion glénoïdienne abandonnée à 3 semaines. Un programme de renforce-
et à des résultats moins favorables. Il est admis que ment musculaire est débuté à partir de la 6e semaine.

Tableau 1
Résultats fonctionnels après hémiarthroplastie (HA) versus prothèse totale d’épaule (PTE) dans l’omarthrose primitive

Valeur* (p) Implant Moyenne IC 95 % pour


la moyenne
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Constant postopératoire (points) 0,7824 HA 65,3 (62,7–67,9)

PTE 65,9 (62,8–69,0)

Constant postopératoire pondéré (%) 0,282 HA 93,5 (89,7–97,2)

PTE 96,9 (91,8–101,9)

EAA postopératoire (degrés) 0,837 HA 121,7 (115,9–127,5)

PTE 120,7 (112,8–128,6)

Abduction postopératoire (degrés) 0,836 HA 115,1 (109,2–121,0)

PTE 116,1 (108,6–123,7)


* t-test.
EAA : élévation antérieure active.
236 O. LEVY, S. COPELAND

1,00

Distribution del la survie


5

0,00
0,0 2,5 5,0 7,5 10,0 12,5 15,0 17,5
Délai de Survie (années)
Prothèses de resurfaçage huméral (PRH)
A STRATA :
Prothèses de resurfaçage huméral et glénoïdien (PRHG)

1,00
Distribution del la survie

0,75

0,50

0,25

0,00
0,0 2,5 5,0 7,5 10,0 12,5 15,0 17,5
Délai de Survie (années)
Prothèses de resurfaçage huméral (PRH)
B STRATA :
Prothèses de resurfaçage huméral et glénoïdien (PRHG)
Figure 3. A. Courbe de survie de Kaplan-Meier comparant les prothèses de resurfaçage huméral (PRH) et les prothèses de resur-
façage huméral et génoïdien (PRHG), opérées entre 1987 et 2003 quel que soit le diagnostic. PRH (n = 218) : 97,3 % de survie.

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PRHG (n = 122) : 82,8 % de survie. B. Courbe de Kaplan-Meier de la prothèse de resurfaçage comparant les PRH et les PRHG, opé-
rées entre 1987 et 2003 dans l’arthrose. PRHG (n = 90) : 91,7 % de survie. PRH (n = 106) : 99,1 % de survie. La proportion de PRHG
(5/60) était significativement plus importante que celle des PRH (1/106, p = 0,02).

Série rétrospective Cent quatre-vingt-neuf prothèses de resurfaçage ont


été implantées pour arthrose chez 173 patients, avec
Entre 1986 et 2003, nous avons implanté 340 pro- 16 remplacements bilatéraux (8,5 %). Il y avait
thèses de resurfaçage huméral de Copeland dans 141 femmes (75 %) et 48 hommes, avec un âge moyen
notre service [13]. Les étiologies principales étaient au moment de la chirurgie de 71 ans (37–89 ans). Cent
l’omarthrose primitive dans 189 cas et l’arthrite soixante-six épaules ont pu être suivies avec un recul
rhumatoïde dans 103 cas. L’indication chirurgicale minimal de 7 ans (4–17,8 ans).
reposait sur des douleurs avec une limitation de la Le groupe de patients avec arthrite rhumatoïde était
fonction. composé de 103 prothèses de resurfaçage de Copeland
Prothèses de resurfaçage dans l’omarthrose primitive et l’arthrite rhumatoïde 237

Figure 4. A. Resufaçage biologique de la glène : la surface articulaire de la glène est perforée de multiples trous de 2 mm de dia-
mètre (microfracture) pour favoriser la formation secondaire d’un fibrocartilage. B. Fibrocartilage recouvrant la surface de la glène
tel qu’il est vu en arthroscopie après prothèse de resurfaçage humérale.

implantées chez 88 patients, avec 15 cas bilatéraux Résultats fonctionnels


(12,6 %). Il y avait 82 femmes (80 %) et 21 hommes
(20 %), avec un âge plus jeune au moment de la chirurgie : Les résultats fonctionnels ont été évalués selon le score
61 ans (25–87 ans). Quatre-vingt-quinze épaules ont pu de Constant ajusté en fonction du sexe et de l’âge, de
être suivies avec un recul moyen de 8,6 ans (4–16,3 ans). la mobilité articulaire pour les différents diagnostics,
La coiffe des rotateurs était intègre dans 75 % des et du score de satisfaction du patient (tableau 2). Le
omarthroses primitives, tandis qu’elle était trouvée score de Constant moyen est passé de 12,3 points
déficiente (fine ou atrophique) chez plus des deux tiers (Constant pondéré 17 %) en préopératoire à 65,5
des patients avec une arthrite rhumatoïde. points (Constant pondéré 95 %) au dernier recul
Les résultats de la prothèse de resurfaçage, comme pour les patients opérés pour omarthrose primitive.
pour toutes les prothèses d’épaule, dépendent de Les patients opérés pour une arthrite rhumatoïde
l’étiologie et particulièrement de l’état de la coiffe des montraient des gains plus modestes, avec un score de
rotateurs. Les meilleurs résultats sont obtenus dans Constant préopératoire de 8,8 points (Constant pon-
l’omarthrose primitive avec une coiffe intacte, et les déré 12 %) et en postopératoire de 57 points (Constant
plus mauvais dans les omarthroses secondaires à pondéré 78 %).
des ruptures massives et non réparables de la coiffe L’élévation active est passée de 69° à 121° pour les
des rotateurs (cuff tear arthropathy). omarthroses (figure 5A,B) et de 54° à 104° pour les
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Tableau 2
Résultats fonctionnels de la prothèse de resurfaçage huméral sans ciment (Mark 1,2,3) dans l’omarthrose primitive et l’arth-
rite rhumatoïde. Recul moyen de 7,6 ans (4–17,8 ans)

Diagnostic Omarthrose primitive Arthrite rhumatoïde

Constant pré- et postopératoire (points) 12,3/65,5 8,8/57,2

Constant pondéré* pré- et postopératoire (%) 16,9/94,7 11,6/78,1

EAA pré- et postopératoire (°) 69,1/121,3 54,0/103,8

Abduction pré- et postopératoire (°) 51,9/115,5 40,4/101,2


* Constant pondéré selon l’âge et le sexe.
EAA : élévation antérieure active.
238 O. LEVY, S. COPELAND

Figure 5. A. Radiographie préopératoire. B et C. Radio-


graphie postopératoire et mobilité postopératoire
d’un patient avec une prothèse de resurfaçage humé-
ral pour omarthrose primitive.

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arthrites rhumatoïdes (figure 6). Le taux de satisfac- Il y avait 59 % de liseré partiel au niveau glénoïdien
tion des patients du groupe arthrite rhumatoïde était et 5 % de descellement glénoïdien. Cependant, depuis
de 9 %, et celui du groupe arthrose de 94 %. 12 ans, aucun liseré n’a été visible autour de l’implant
huméral recouvert d’hydroxyapatite Mark 3.
Résultats radiologiques Des coupes laser de la prothèse de resurfaçage humé-
ral de Copeland sur des implants postmortem ont
Il n’y avait pas de liseré autour de l’implant humé- montré que la greffe impactée entre l’implant et la tête
ral dans 69 % des cas de la prothèse Mark 2 dans le humérale avait permis une bonne intégration osseuse
groupe des prothèses totales, alors que ce taux était de avec la formation d’os sous la cupule de resurfaçage
94 % pour le groupe hémiarthroplastie de resurfaçage. (figure 7).
Prothèses de resurfaçage dans l’omarthrose primitive et l’arthrite rhumatoïde 239

A. Préop B. Postop

Figure 7. Coupe laser d’une prothèse de resurfaçage huméral de


Copeland sur un spécimen postmortem montrant la repousse
osseuse et la formation d’os en dessous de la prothèse.

excision acromioclaviculaire pour syndrome de conflit


[19]. Cela n’est pas considéré comme une complica-
tion de la prothèse.
La prévalence du conflit et de l’arthrose acromiocla-
viculaire apparaissant après prothèse d’épaule est com-
parable à celle dans la population normale de même
âge. Avant la chirurgie de resurfaçage de l’épaule,
aucun de ces patients n’avait présenté de syndrome
de conflit. Ils ont développé un conflit sous-acromial
environ 1,9 an après la prothèse. Il est possible que
leur mobilité, s’étant améliorée, soit devenue suffisante
pour entraîner un arc douloureux après remplacement
prothétique [19].

Courbes de survie
Les courbes de survie de la prothèse de resurfaçage
huméral de Copeland selon Kaplan-Meier montrent
un taux de survie de 92 % à 17,5 ans pour les 340 cas
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de prothèse Mark 1, Mark 2 et Mark 3 (figure 8,


tableau 4). À 10 ans, on peut voir que la courbe de
survie de la prothèse Mark 3 avec hydroxyapatite est
bien meilleure que la Mark 1 et la Mark 2, avec 97 %
Figure 6. Radiographie et résultats fonctionnels d’une patiente de survie comparativement à 87 % et 83 % respective-
porteuse d’une arthrite rhumatoïde avant (A) et 10 ans après
ment pour les deux autres implants.
resurfaçage huméral de l’épaule droite (B).
La comparaison des hémiarthroplasties de resur-
façage avec les prothèses totales d’épaule dans
Complications l’omarthrose révèle 99 % de survie à plus de 11 ans
pour les hémiarthoplasties contre 92 % pour les
Les complications postopératoires et les révisions sont totales. La proportion de prothèses totales révisées
résumées dans le tableau 3. (5/60) était significativement plus importante que
La principale cause de réopération dans notre unité la proportion d’hémiarthroplasties révisées (1/106,
était une acromioplastie sous arthroscopie ou une p = 0,02).
240 O. LEVY, S. COPELAND

Tableau 3
Complications postopératoires après prothèse de resurfaçage

Complication Nombre de cas Mesures prises

Infection superficielle de la plaie 3 Antibiotiques – Résolu

Infection hématogène tardive et profonde 1 Plusieurs lavages arthroscopiques et antibioti-


ques – Articulation conservée

Syndrome de conflit* et Syndrome d’arthrose 14 Décompression arthroscopique et Arthroplastie


acromioclaviculaire acromioclaviculaire

Grave instabilité comprenant des luxations 6 Arthrodèse (2)


antérosupérieures Révision par une prothèse inversée (3)
Révision par une prothèse standard (1)

Raideur grave – Fibrose capsulaire et subacromiale 6 Décompression arthroscopique

Fracture de la tête humérale après une chute 7 Traitement conservateur – Guéri (5)
Révision par une prothèse standard (2)

Hémiarthroplastie douloureuse 3 Révision par une prothèse totale d’épaule

Algodystrophie 1 Physiothérapie
* Il ne s’agit pas d’une complication de l’arthroplastie.

1,0

0,8
Probabilité de survie

0,6

0,4

0,2

0,0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
Temps après l’intervention (années)

Mark 1 Mark 2 Mark 3

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Figure 8. Courbe de survie Kaplan-Meier pour les prothèses non cimentées de Copeland opérées entre 1986 et 2003. Courbe de
survie des Mark 1, 2 et 3 (340 cas) = 92 %. Copeland Mark 1 (n = 23) : 87 % de survie. Copeland Mark 2 (n = 107) : 83 % de survie.
Copeland Mark 3 (n = 210) : 97 % de survie.

Tableau 4
Survie selon Kaplan-Meier de la prothèse de resurfaçage huméral de Copeland

Type d’implant/Diagnostic Nombre d’épaules 11 ans de survie 17,5 ans de survie

PRSC, PH, PTE/tous diagnostics 340 92 %

PRSC, PH, PTE/tous diagnostics 218 97,3 %

PRSC, PH/arthrose primitive seulement 106 99,1 %

PRSC, PTE/arthrose primitive seulement 90 91,7 %


PH : prothèse humérale ; PRSC : prothèse de resurfaçage sans ciment ; PTE : prothèse totale d’épaule.
Prothèses de resurfaçage dans l’omarthrose primitive et l’arthrite rhumatoïde 241

Comparaison c’est-à-dire implant conventionnel avec tige ou prothèse


de resurfaçage. On peut donc s’attendre à une migra-
avec les prothèses à tige tion proximale de l’humérus du fait d’une détérioration
de la coiffe des rotateurs avec le temps chez les patients
La comparaison de la prothèse de resurfaçage de porteurs d’une prothèse de resurfaçage huméral dans le
l’épaule avec les séries publiées de prothèses avec tige cadre d’une arthrite rhumatoïde. Ce type de complication
est résumée dans les tableaux 5 et 6. Comme on peut a été retrouvé dans les différentes séries dans environ 55 à
le voir, les résultats sont au moins équivalents à ceux 57 % des cas [9,14,15,18] (tableau 6). Il n’est pas rare,
d’une prothèse conventionnelle avec tige. chez les patients présentant une arthrite rhumatoïde, qu’il
Les problèmes de coiffe des rotateurs rencontrés après y ait une atteinte de plusieurs articulations, et en parti-
prothèse d’épaule chez les patients porteurs d’une arthrite culier une atteinte de l’épaule et du coude homolatéral.
rhumatoïde sont les mêmes quel que soit l’implant utilisé, Lorsqu’une prothèse avec tige est utilisée au niveau du

Tableau 5
Comparaison des mobilités actives (degrés) entre séries de prothèses de resurfaçage (PR) et de prothèses avec une tige (PTE)

Prothèse Élévation active Gain en élévation RE postopéra- Gain en RE


postopératoire active toire

Neer et al. [11], 1982 PTE +77° +51°

Cofield [3], 1984 PTE 141° +55° 49° +35°

Barrett et al. [1], 1987 PTE 117° +73° +33°

Cofield et Daly [4], 1992 PTE 154° +47° 61° +49°

Boileau et Walch [2], 1994 PTE 127° +48° 41° +55°

Torchia et al. [18], 1997 PTE 117° +40° 48° +19°

Gartsman et al. [6], 1997 PTE 129° +47° 55° +39°

Levy et Copeland [7], 2001 PR 133° +68° 48° +40°

Thomas et al. [17], 2005 PR 120° +47° 46° +41°

Raj et al. [13], 2005 PR 123° +51° 61° +50°


RE : rotation externe.

Tableau 6
Comparaison des résultats de la prothèse de resurfaçage sans ciment dans l’arthrite rhumatoïde avec d’autres séries utili-
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sant une prothèse avec tige

Bon soula- Coiffe EAA RE RI Subluxation


gement de la déficiente supérieure
douleur

Sneppen et al. [14], 1996 89 % 90° 35° 55 %


7,6 ans de recul (4–12 ans)

Stewart et Kelly [15], 1997 89 % 81 % 75° 38° Fesse–T7 57 %


9,5 ans recul (7–13 ans)

Torchia et al. [18], 1997 81 % 74 % 103° 47° T8 33 %


12,2 ans recul (5–17 ans)

Levy et al. [9], 2004 6,5 ans 96,8 % 68 % 103° 46° L4 57 %


de recul (2–14 ans)
EAA : élévation antérieure active ; RE : rotation externe ; RI : rotation interne.
242 O. LEVY, S. COPELAND

Figure 9. A. Prothèse de coude et pro-


thèse d’épaule conventionnelle chez un
patient porteur d’une polyarthrite rhu-
matoïde. Il existe un pic de contrainte
au niveau du pont osseux entre les deux
tiges prothétiques. B. L’utilisation d’une
prothèse de coude avec une prothèse
de resurfaçage huméral de Copeland
diminue le risque de créer un pic de
contrainte entre les tiges. (Source :
Michael Thomas. Reproduit avec l’auto-
risation de Levy et al. Copeland surface
replacement arthroplasty of the shoul-
der in rheumatoid arthritis. The Journal
of Bone and Joint Surgery 2004 ; 86-A
(3) : 512-8.)

coude et de l’épaule, il se produit un pic de contrainte Les bons résultats à long terme observés avec la
entre les 2 tiges, avec un risque de fracture périprothétique prothèse de resurfaçage huméral non cimentée de
difficile à traiter. L’utilisation de la prothèse de resurfaçage Copeland font de cette technique une procédure de
de Copeland diminue ce risque (figure 9B) [9]. choix pour le traitement de l’arthrose glénohumérale.

RÉFÉRENCES

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243

L’implant Bilboquet® dans les fractures


déplacées de l’humérus proximal :
concept et résultats
The Bilboquet® humeral implant for displaced
proximal humerus fractures

L. DOURSOUNIAN, A. KILINC, G. NOURISSAT

RÉSUMÉ SUMMARY
L’implant Bilboquet est un système intra-osseux d’ostéosynthèse des The Bilboquet implant is an intramedullary device designed for
fractures complexes de l’humérus proximal dont l’une des caracté- osteosynthesis of complex proximal humeral fractures and one
ristiques est de pouvoir se convertir en prothèse humérale. Son uti- of its features is that it can be converted to hemiarthroplasty.
lisation par le concepteur depuis le début des années 1990 a permis Its use by the instigator since the early 90s, has showed mecha-
de constater son efficacité mécanique ainsi que l’obtention quasi nical efficiency and almost constant healing of tuberosities.
systématique de la consolidation des tubérosités. Dans les variétés Avascular necrosis was observed in one third of the cases in the
de fracture les plus sévères, une nécrose avasculaire a été observée worst category of fracture, but those avascular necroses were cli-
une fois sur trois. Mais il est apparu que ces nécroses étaient clini- nically well tolerated and there was seldom need for conversion to
quement bien tolérées et que la conversion en prothèse humérale hemiarthroplasty. Although these results were confirmed by other
était rarement nécessaire. Compte tenu des performances de l’im- surgical teams, one may wonder why such a useful device has not
plant, confirmées par d’autres utilisateurs, on peut s’interroger sur gained popularity. A simplified surgical technique was developed
la faible diffusion de cette méthode d’ostéosynthèse. Une technique and used since 2004 and the results of a study of 20 patients
opératoire simplifiée a été mise au point et utilisée depuis 2004, et operated on by this procedure are presented. Fortified by an age
les résultats d’une série de 20 patients opérés ainsi sont présentés. related Constant score of 87%, we present a new design of the
Fort d’un score de Constant pondéré de 87 % sur une population de Bilboquet implant based on the experience of the modified surgi-
70 ans d’âge moyen, un perfectionnement technique du Bilboquet, cal technique.
découlant de cette technique modifiée, est présenté.

Mots clés : Fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus. Key words: Proximal humeral fracture. – Bilboquet device. – Internal
– Implant Bilboquet. – Ostéosynthèse. fixation.

Introduction nes âgées aux os fragiles et dont les fragments osseux


offrent peu de prise aux matériels d’ostéosynthèse
Le Bilboquet® est un implant destiné à l’ostéosynthèse conventionnels. Par ailleurs, elles sont menacées de
des fractures complexes de l’humérus proximal (FCHP). nécrose avasculaire. C’est ce qui a conduit C.S. Neer
Il est constitué de deux éléments placés à l’intérieur de [9] à promouvoir la prothèse humérale dans ces frac-
l’humérus : l’un céphalique et l’autre diaphysaire. Il peut tures. Cependant, une majorité de chirurgiens ont
se convertir en prothèse humérale (figures 1,2A et 2B). constaté que les prothèses humérales simples dans les
FCHP donnaient des résultats cliniques décevants. Il est
Concept apparu que la consolidation des tubérosités était très
problématique en traumatologie des personnes âgées
Les FCHP sont notoirement difficiles à ostéosynthéser. et que le résultat fonctionnel en dépendait [1,6,10].
En effet, elles surviennent souvent chez des person- Malgré plusieurs modifications techniques, la nouvelle

Prothèses d’épaule. État actuel


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244 L. DOURSOUNIAN, A. KILINC, G. NOURISSAT

section agressive de l’épaule. Il permet aussi, de par sa


position intramédullaire, d’éviter tout conflit entre le
matériel d’ostéosynthèse et les structures anatomiques
environnantes. Surtout, il remplit le contrat mécanique
de façon originale. La partie céphalique de l’implant,
fichée dans le spongieux de la tête humérale, s’ancre
au centre et à la périphérie de celle-ci, constituant un
socle stable sur lequel s’appuie la partie diaphysaire de
l’implant. Il faut se rappeler que les méthodes d’ostéo-
synthèse classiques ont du mal à restituer l’anatomie
de l’humérus proximal. En effet, compte tenu de la fra-
gilité osseuse et de la comminution métaphysaire habi-
tuelle dans les FCHP des personnes âgées, les synthèses
par vis, clou ou broches se compliquent souvent d’une
bascule en varus de la tête. Pour éviter cela, on peut se
résoudre à une réduction non anatomique qui donne
une meilleure stabilité à la tête humérale, mais qui affai-
Figure 1. L’implant Bilboquet ® : agrafe, tige et prothèse cépha- blit l’action des muscles. Dans le cas du Bilboquet®, la
lique (Stryker France). tige humérale enclavée dans la pièce céphalique per-
met un maintien anatomique de la tête humérale, car
celle-ci est supportée sur toute sa tranche par la pièce
génération de prothèses humérales ne semble pas amé- cervicale. Il faut d’emblée souligner que compte tenu
liorer les performances cliniques [8]. des fortes contraintes en varus, un haubanage externe
Dans les années 1990, l’implant Bilboquet® [2] est appuyé sur le tendon du sus-épineux est absolument
présenté comme un matériel d’ostéosynthèse des FCHP indispensable au maintien de la réduction.
qui répond au cahier des charges de la réparation de Le principe de l’intervention est le suivant. La pièce
ces fractures. Il s’agit d’un implant en titane qui réa- céphalique dite « agrafe » présente cinq petites piques
lise un axe solide autour duquel on peut reconstruire périphériques et une grosse pique centrale en forme de
n’importe quel type de fracture. Cet implant mis en cône creux. L’agrafe est impactée dans l’os spongieux
place par le foyer de fracture permet d’éviter toute dis- de la tête humérale. La pièce diaphysaire est une tige

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Figure 2. Fracture à quatre fragments. A. Aspect préopératoire. B. Radiographie à 15 mois.


L’implant Bilboquet® dans les fractures déplacées de l’humérus proximal 245

dont la portion verticale distale est destinée à être scel-


lée dans la diaphyse humérale et dont la portion proxi-
male coudée à 130° sur la tige se termine par un cône
morse mâle. Lorsque la tige est scellée à une hauteur et
une rotation axiale convenables, la pénétration de son
cône morse terminal dans le cône morse femelle de
l’agrafe réalise une ostéosynthèse céphalodiaphysaire
anatomique. L’intervention est complétée par le laçage
des tubérosités.
En cas de nécrose avasculaire de la tête humérale,
l’ablation de l’agrafe et la mise en place d’un hémi-
sphère métallique sur le cône morse de la tige permet-
tent de transformer l’implant en prothèse.

Expérience clinique
Les premières années d’implantations du Bilboquet®
ont permis de mettre en évidence une excellente conso-
lidation des tubérosités [2] et ont encouragé le pro-
moteur à poursuivre dans cette voie. Les fractures
céphalotubérositaires (CT) à trois ou quatre fragments Figure 3. Dans la technique opératoire classique, la tige est
d’abord cimentée en « bonne » position et ensuite elle est intro-
non luxées consolidaient le plus souvent de façon très
duite dans l’agrafe céphalique.
satisfaisante. Il est rapidement apparu que la conso-
lidation de la tête humérale dépendait de la présence
d’attaches tissulaires sur la tête et que l’énucléation de
la tête humérale conduisait irrémédiablement, chez les satisfaisants sur 10 CT4. Il y avait 5 cas de nécrose
personnes âgées, à la nécrose avasculaire. avasculaire dont 2 seulement étaient mal tolérées au
La technique opératoire utilisée pendant les années point de nécessiter une conversion de l’ostéosynthèse
suivantes a été celle-ci [3] : abord deltopectoral et en prothèse.
exposition du foyer de fracture ; relèvement de la tête Le Dû et Favard [7] ont publié en 2005 une revue de
humérale et impaction de l’agrafe dans le spongieux 26 FCHP. Le score de Constant absolu moyen retrouvé
céphalique ; réalisation d’orifices diaphysaires et mise était de 59,7 et le score pondéré moyen de 84,1. Ils
en place de fils de haubanage et de suture des tubé- concluent leur étude ainsi : « L’implant Bilboquet® est
rosités ; essais de positionnement de la tige d’essai à un système d’ostéosynthèse stable qui donne de bons
la hauteur et à la rétroversion satisfaisantes ; désen- résultats fonctionnels à 14 mois de recul (confirmant
gagement de la tige d’essai et scellement au Palacos- ceux obtenus par l’équipe promotrice). Il reste, en
Genta® de la tige humérale définitive dans la diaphyse attendant confirmation de ceux-ci avec plus de recul,
(figure 3) ; mobilisation de la diaphyse humérale avec une méthode d’ostéosynthèse de choix dans les fractu-
sa tige et enclavement du cône morse de la tige dans res complexes de l’extrémité supérieure de l’humérus,
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l’agrafe céphalique selon un geste qui évoque celui du sous réserve d’éliminer les fractures à risque d’ostéoné-
jeu de bilboquet. Enfin, l’intervention est terminée par crose (associées à une luxation ou à tête libre d’attache
le temps indispensable de laçage rigoureux des tubé- capsulaire chez un sujet âgé). »
rosités. Le temps le plus délicat de cette intervention Dans une étude de 61 cas opérés sur deux centres,
est le scellement de la tige avec la hauteur et la rétro- Doursounian et al. [4] rapportent les données suivan-
version correctes. Un scellement trop bas de la tige tes. Sur 27 CT3 de 75,4 ans d’âge moyen, l’antépul-
conduit à un montage « lâche » et à une malposition sion active moyenne est de 120° et il y a 22 résultats
des tubérosités (figure 4A). Un scellement trop haut satisfaisants. Sur 24 CT4 de 77,8 ans d’âge moyen,
rend impossible l’enclavement du cône dans l’agrafe l’antépulsion active moyenne est de 94° et il y a
(figure 4B). 11 résultats satisfaisants. Il y a 2 cas de pseudarthrose
Une revue de 26 cas à 2 ans a été publiée en 2000 des tubérosités. Dans les CT3, il y a 4 cas de nécrose
[3]. La moyenne d’âge était de 70,4 ans. Selon les cri- avasculaire sur 27 et dans les CT4, 9 cas de nécrose
tères d’évaluation de Huten et Duparc [5], il y avait vasculaire sur 24. Trois cas de nécrose sont mal tolérés
12 résultats satisfaisants sur 16 CT3 et 6 résultats et nécessitent une conversion en prothèse.
246 L. DOURSOUNIAN, A. KILINC, G. NOURISSAT

Figure 4. A. Tige cimentée trop basse : il n’y a plus de place pour la grosse tubérosité, les muscles sont détendus et le montage
instable. B. Tige cimentée trop haute : même avec une forte distraction, le cône morse ne peut s’engager dans l’agrafe et la réduc-
tion est impossible.

Au total, notre longue expérience de l’utilisation de – cette nécrose est souvent bien tolérée, c’est-à-dire
l’implant Bilboquet® dans les FCHP selon la technique que l’épaule perd en mobilité mais qu’habituellement
décrite ci-dessus nous a permis de tirer les conclusions elle est peu douloureuse et qu’elle reste stable ;
suivantes : – la conversion secondaire du Bilboquet® en prothèse
– ce dispositif permet de réparer toutes les variétés de s’est avérée rare mais elle est simple ; de plus, compte

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fractures, quel que soit le type et quelle que soit la qua- tenu de la consolidation des tubérosités, le résultat fonc-
lité de l’os : le contrat mécanique est rempli ; tionnel est bien meilleur que celui de la transformation
– ce dispositif permet d’obtenir quasi systématique- d’un échec d’ostéosynthèse classique en prothèse ;
ment la consolidation des tubérosités, sous réserve que – ce dispositif intraosseux en titane n’a posé aucun
celles-ci aient été correctement lacées ; problème de tolérance à long terme et aucune compli-
– ce dispositif n’empêche pas la survenue de nécrose cation « imprévisible » n’est survenue à ce jour.
avasculaire lorsque la tête a perdu toutes ses attaches
tissulaires ; les fractures-luxations des sujets âgés ne Évolution du Bilboquet®
sont pas des indications au Bilboquet® et la consta-
tation en peropératoire d’une tête humérale libre doit Mais pourquoi une méthode d’ostéosynthèse réglée,
faire préférer la prothèse ; efficace et qui permet dans les formes de fractures
– malgré ces précautions, la nécrose avasculaire sur- les plus sévères (CT4) d’éviter au moins 2 fois sur 3
vient dans environ 1 cas de CT4 sur 3 et essentielle- le recours à la prothèse tarde-t-elle à se diffuser ?
ment au cours de la 1re année ; En guise de réponse, on pourrait mettre en avant le
L’implant Bilboquet® dans les fractures déplacées de l’humérus proximal 247

coût du dispositif, supérieur à celui d’une ostéosyn- Ensuite, une tige définitive de petite taille est glissée
thèse conventionnelle mais équivalent à celui d’une dans la diaphyse et son cône morse introduit dans le
prothèse. On pourrait aussi évoquer le fait que l’im- réceptacle de l’agrafe. À ce stade, la tige flotte plus ou
plant est « perdu » après consolidation et qu’il n’y a moins dans la diaphyse et l’opérateur peut régler la
pas d’ablation de matériel possible, mais c’est aussi le réduction. Avec une pince qui saisit la tige, il exerce
cas avec une prothèse humérale. Alors, pourquoi sacri- une poussée vers le haut de la tige du Bilboquet®, pen-
fier deux têtes humérales sur trois en choisissant de dant qu’il réalise des mouvements de rotation du bras.
poser une prothèse ? Il semble que la technique de pose Le contrôle fluoroscopique permet de voir facilement
ne soit pas aussi simple que le principe. Si la mise en la meilleure position de réduction. En général, cela
place de l’agrafe dans la tête humérale est relativement correspond à une rotation interne entre 45 et 60° du
facile à réaliser, même pour quelqu’un qui découvre bras. La hauteur est réglée en observant une transition
la méthode, ce n’est pas le cas du placement de la tige anatomique entre la métaphyse et la partie interne de
diaphysaire. En effet, le réglage en hauteur et en rota- la tête humérale.
tion de la tige nécessite une certaine expérience de la Lorsque cette position est déterminée, il faut intro-
chirurgie des FCHP. La fixation de la tige se fait par duire du ciment par l’orifice supérieur de la diaphyse,
du ciment et si celle-ci est placée trop bas, les parties entre la tige et l’os. Nous utilisons du ciment Palacos-
molles sont lâches, les tubérosités ne trouvent pas leur Genta® que nous poussons par petits morceaux dans
place et le montage est instable. Si la tige est placée la diaphyse de façon à maintenir la tige bloquée dans
trop haut, l’enclavement de la tige dans l’agrafe est la position choisie. Cette modalité de cimentage n’est
impossible (figure 4). L’utilisation de la tige d’essai pas classique pour une arthroplastie mais dans le
apporte une certaine aide, mais augmente considéra- cadre d’une ostéosynthèse, avec une consolidation
blement les manipulations du foyer de fracture. C’est attendue à 6 semaines, elle est suffisante et évite toute
pourquoi, plutôt que de développer un matériel ancil- malposition.
laire sophistiqué, nous avons travaillé à simplifier la À ce stade, la mobilisation du bras par l’opérateur
technique initiale. entraîne la mobilisation de la tête humérale et la qua-
lité de la réduction et de la fixation peut être jugée
directement et par la fluoroscopie.
Technique opératoire modifiée Enfin, temps capital de la réparation, les tubérosi-
(figures 5A à 5I) tés sont suturées ; d’abord par un ou deux gros fils
(Ethibond® 5) horizontaux, allant de la petite vers la
Le patient est installé en semi-assis avec une fluoros- grosse tubérosité, ensuite par les deux fils de hauba-
copie en place. La voie d’abord est interdeltoïdienne. nage verticaux qui sont passés en haubans à travers le
Cette voie permet de s’exposer entre les tubérosités tendon du sus-épineux. Le montage est testé par des
fracturées et simplifie beaucoup leur réparation. Cette mouvements de l’épaule dans toutes les directions avec
voie doit être réalisée avec une discision prudente des contrôle fluoroscopique. Lors de la fermeture, un soin
fibres du deltoïde vers le bas afin de ne pas léser la particulier doit être porté à la suture du deltoïde anté-
portion antérieure du nerf axillaire. En cas de fracture rieur sur l’acromion.
métaphysodiaphysaire, il faut absolument emprunter L’originalité de cette technique, c’est que l’implant
la voie deltopectorale afin de pouvoir descendre son est d’abord placé sans fixation et que ce n’est qu’après
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exposition sur la diaphyse humérale. avoir obtenu une réduction satisfaisante que l’on
Après évacuation de l’hématome, la tête humérale pérennise le montage.
est relevée avec précaution, c’est-à-dire le plus souvent
avec le pouce et l’agrafe, dont il existe trois tailles, mise Résultats cliniques
en position. Le contrôle fluoroscopique permet de véri-
fier sa bonne position en sachant que le plus souvent, Une série continue de 20 patients (17 femmes et 3 hom-
l’agrafe se place de façon un peu excentrée vers le haut. mes) opérés entre 2004 et 2006 selon cette méthode
La diaphyse, en fonction du type de fracture, est plus a été revue avec un recul moyen de 29 mois. Il y a
ou moins mobilisable, mais parfois sa mobilisation 6 CT3 et 14 CT4. La moyenne d’âge est de 70 ans.
nécessite une réduction au crochet de Lambotte. Deux Le score de Constant moyen brut global est de 66 et
orifices de passage pour les fils de haubanage sont le score de Constant pondéré de 87. Il y a 5 cas de
faits sur la diaphyse, environ 1 cm sous le trait diaphy- nécrose avasculaire, mais uniquement dans les CT4.
saire. L’exposition de la diaphyse nécessite de pousser L’analyse en détail de cette série fait l’objet d’une thèse
sous le coude et de placer des écarteurs contre-coudés. de médecine.
248 L. DOURSOUNIAN, A. KILINC, G. NOURISSAT

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Figure 5. La technique opératoire modifiée. A. Abord interdeltoïdien d’une CT4. B. Exposition de la tête humérale. C. Réduction de
la tête humérale. D. Mise en place de l’agrafe céphalique sous contrôle fluoroscopique. E. Réalisation des orifices de laçage. F. Mise
en place de la tige définitive de petite taille.

Cette série confirme et conforte les résultats précé- intermittentes et par une détérioration de la fonction.
dents. Le taux de nécrose de 35 % dans les CT4 se L’antépulsion active qui habituellement est autour de
situe toujours autour de 1 cas sur 3. Aucun des patients 120° se réduit à 90°.
présentant une nécrose ne souhaite à ce jour une réin- La comparaison de ces résultats fonctionnels avec
tervention (figure 6). L’apparition d’une nécrose se tra- ceux des hémiarthroplasties prothétiques [1,6,8,10]
duit autour de la 1re année par l’apparition de douleurs est très favorable au Bilboquet®. Dans ces quatre
L’implant Bilboquet® dans les fractures déplacées de l’humérus proximal 249

Figure 5. (suite) G. Réduction sous contrôle fluoroscopique. H. Fixation de la réduction par introduction de ciment de haut en bas.
I. Suture des tubérosités.
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Figure 6. Fracture à 4 fragments impactée en valgus (CT4), 65 ans. A. Aspect préopératoire. B. Aspect peropératoire. C. Nécrose
avasculaire peu symptomatique à 3 ans.

séries, les scores de Constant pondérés moyens vont une épaule stable, indolore, avec une activité au-dessus
de 64 à 74 %. de la tête et qui est satisfaite de son état (figure 7).
Au total, mis à part les cas de nécrose, le profil habi- Il faut cependant souligner que le résultat fonctionnel
tuel de la série est celui d’une femme de 70 ans qui a nécessite une rééducation de 6 mois.
250 L. DOURSOUNIAN, A. KILINC, G. NOURISSAT

Figure 7. Fracture à 4 fragments impactée en valgus (CT4), 62 ans. A. Aspect préopératoire. B. Contrôle radiologique à 36 mois.
C. Antépulsion active à 36 mois.

Nous n’avons pas observé ces résultats satisfaisants beaucoup de chirurgiens. Pour se passer de ciment, on
chez les personnes âgées auxquelles nous avons été obligé pourrait concevoir une tige qui se verrouillerait comme
de poser une prothèse humérale en traumatologie. un clou. Afin d’éviter les inconvénients du verrouillage,
nous avons préféré développer une tige autobloquante.
L’innovation : la tige-cale Il s’agit d’une tige dite « tige-cale » qui coulisse au tra-
vers d’une cale et dont la cale se verrouille sur la tige
Malgré cette simplification de la technique opératoire, à des hauteurs variables. Le principe opératoire est le
subsiste le problème du cimentage de la tige, qui rebute même que précédemment, mais la fixation de la tige

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Figure 8. Fracture à 4 fragments impactée en valgus (CT4) opérée avec tige-cale sans ciment. A. Aspect préopératoire. B. Contrôle
radiographique à 2 et 4 mois.
L’implant Bilboquet® dans les fractures déplacées de l’humérus proximal 251

se fait sans ciment, grâce à la cale. En pratique, une cité qui devrait séduire tous les chirurgiens confrontés
fois la réduction de la fracture obtenue et contrôlée à ces fractures difficiles à réparer (figure 8).
par fluoroscopie, la cale est désolidarisée de la tige et
descendue par crans de 5 mm jusqu’à se bloquer dans Conclusion
la diaphyse humérale. Une vis-goupille resolidarise les
deux éléments de la tige-cale. Ce procédé, dans son L’implant Bilboquet® rend performante l’ostéosynthèse
principe, utilise un coin métallique au lieu du ciment des FCHP des sujets âgés et évite le plus souvent le recours
pour bloquer la tige. Avec cette tige-cale Bilboquet®, à l’hémiarthroplastie. La technique opératoire modifiée
l’ostéosynthèse des FCHP atteint un niveau de simpli- permet d’atteindre très simplement cet objectif.

RÉFÉRENCES

1 Boileau P, Krishnan SG, Tinsi L, Walch G, Coste JS, Molé D. 6 Kralinger F, Schwaiger R, Wambacher M, Farrell E, Menth-Chiari
Tuberosity malposition and migration : reasons for poor out- W, Lajtai G, et al. Outcome after primary hemiarthroplasty for
comes after hemiarthroplasty for displaced fractures of the proxi- fracture of the head of the humerus. A retrospective multicenter
mal humerus. J Shoulder Elbow Surg 2002 ; 11 (5) : 401-12. study of 167 patients. J Bone Joint Surg Br 2004 ; 86 (2) : 217-9.
2 Doursounian L, Grimberg J, Cazeau C, Touzard RC. Une nou- 7 Le Dû C, Favard L. Ostéosynthèse des fractures complexes de
velle méthode d’ostéosynthèse des fractures de l’extrémité supé- l’humérus par implants Bilboquet. Ann Orthop Ouest 2005 ;
rieure de l’humérus. À propos de 17 cas revus à plus de 2 ans. 37 : 199-204.
Rev Chir Orthop 1996 ; 82 : 743-52. 8 Loew M, Heitkemper S, Parsch D, Schneider S, Rickert M.
3 Doursounian L, Grimberg J, Cazeau C, Jos E, Touzard RC. Influence of the design of the prosthesis on the outcome after
A new internal fixation device for fractures of the proximal hemiarthroplasty of the shoulder in displaced fractures of the
humerus – the Bilboquet device : a report on 26 cases. J Shoulder head of the humerus. J Bone Joint Surg Br 2006 ; 88 (3) : 345-50.
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4 Doursounian L, Candelier G, Werther JR, Jacquot F, Grimberg J. reconstruction des tubérosités et de la coiffe dans les fractures
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matismes complexes récents et anciens de l’épaule. Rev Chir proximal humeral fractures. J Bone Joint Surg Am 2003 ; 85A
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252 P. BOILEAU, G. WALCH

Prothèse d’épaule pour fracture :


technique chirurgicale
Shoulder arthroplasty for fracture:
surgical technique

P. BOILEAU, G. WALCH

RÉSUMÉ SUMMARY
Le trochiter est la « pièce maîtresse du puzzle » des fractures de The greater tuberosity is the “master piece of the puzzle” of
l’humérus proximal. Le résultat fonctionnel des prothèses d’épaule proximal humerus fractures. The functional results of shoulder
pour fracture est directement lié à la qualité de la reconstruction replacement for fractures are directly correlated to the quality of
et de la fixation du trochiter. Le positionnement du trochiter ne greater tuberosity reconstruction and fixation. The greater tube-
peut être anatomique que si la prothèse est elle-même correc- rosity can be placed in anatomical position only to the condition
tement positionnée. La technique des prothèses pour fractures that the humeral implant itself is correctly positioned. No eye-
est exigeante et ne tolère aucune approximation ou compromis. balling or compromise is allowed. At least, three conditions are
Trois conditions au moins sont nécessaires pour permettre une needed to be able to reconstruct the proximal humerus with a
reconstruction anatomique de l’humérus proximal par prothèse hemiarthroplasty: 1) the prosthesis must be low-profile (media-
et ostéosynthèse des tubérosités : 1) le dessin de la prothèse doit lised) to allow anatomical placement of the greater tuberosity
être adapté (médialisé) pour permettre le positionnement anato- and bone grafting; 2) prosthesis positioning must be accurate
mique du trochiter et l’adjonction de greffe osseuse ; 2) le posi- both for length and retroversion; use of a specific instrumen-
tionnement de la prothèse doit être précis tant en hauteur qu’en tation is helpful; 3) the tuberosities must be strongly attached
rétroversion ; il est au mieux effectué à l’aide d’une instrumen- to the prosthesis with the use of cerclage sutures and to the
tation ; 3) les tubérosités doivent être solidement amarrées à la diaphysis with the use of tension-band sutures. Greater tubero-
prothèse par des cerclages et à la diaphyse par des haubanages. Il sity migration, malunion or nonunion jeopardize the functional
n’y a qu’à ce prix que l’on peut éviter la malposition ou la migra- results of hemiarthroplasty for proximal humeral fractures and
tion secondaire du trochiter qui est la principale cause d’échec must be avoided at all cost.
des arthroplasties pour fracture.

Mots clés : Fractures de l’humérus proximal. – Prothèse d’épaule. Key words: Proximal humerus fractures. – Shoulder prosthesis.
– Migration du trochiter. – Greater tuberosity migration.

Introduction
(dont la hauteur et la rétroversion sont grossièrement
Les prothèses d’épaule pour fracture de l’extrémité estimées), mauvais positionnement du trochiter (sou-
supérieure de l’humérus sont souvent réalisées dans le vent trop abaissé et laissé trop en arrière), ostéosyn-
cadre de l’urgence par de jeunes chirurgiens qui en ont thèse sans contrôle radioscopique et sans contrôle de
peu ou pas l’expérience ; pourtant, c’est certainement la rotation du bras, absence de greffe osseuse, et enfin,
l’une des arthroplasties d’épaule les plus difficiles à réa- utilisation d’implants « massifs », inadaptés au traite-
liser. Le taux d’échec des arthroplasties d’épaule pour ment des fractures de l’humérus proximal.
fracture est très élevé (plus de 50 %) ; il est lié essentiel- Dans le but de diminuer ces complications et ces
lement à des complications tubérositaires (migrations, échecs, nous avons développé un implant huméral
cals vicieux et pseudarthroses). Ces échecs et ces com- spécifique pour les fractures de l’extrémité supérieure
plications sont dus à des problèmes techniques et tech- de l’humérus (prothèse Aequalis Fracture™, Tornier).
nologiques : mauvais positionnement de la prothèse Une instrumentation a également été développée pour

Prothèses d’épaule. État actuel


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Prothèse d’épaule pour fracture : technique chirurgicale 253

aider l’opérateur à régler le positionnement en hauteur Pourquoi utiliser une prothèse


et en rétroversion de l’implant huméral ; elle permet
aussi de stabiliser l’implant pendant les vérifications et d’épaule spécifique pour
pendant son scellement. les fractures ?
Le but de cet article est de rappeler les problèmes
posés par les prothèses d’épaule pour fracture et les Pour au moins trois raisons d’ordre technologique.
solutions techniques et technologiques développées D’abord, parce que les prothèses conventionnelles
pour obtenir des résultats reproductibles. (utilisées dans la pathologie chronique de l’épaule),
de par leur volume important et leur dessin inadapté,
constituent un véritable obstacle au positionnement
Prothèse d’épaule pour fracture : anatomique (latéral) du trochiter. Le volume de ces
problèmes et solutions implants, leur col latéralisé et leur aileron frontal
empêchent la réduction anatomique du trochiter qui
Une technique chirurgicale insuffisante et approxima- ne peut pas être ramené en position latérale (effet che-
tive associée à un implant inadapté et mal positionné valet) et reste trop postérieur (figure 2A).
aboutissent à coup sûr à une migration des tubérosités Ensuite, parce que l’excès de métal des prothèses
(figure 1). Le trochiter, une fois migré en arrière, ne conventionnelles (au niveau du col prothétique) consti-
consolide pas ou consolide en position vicieuse. Cette tue aussi une barrière pour la consolidation osseuse
malposition définitive du trochiter équivaut à une rup- des tubérosités (figure 2B). Ces prothèses, trop volu-
ture massive de la coiffe des rotateurs touchant trois mineuses, ne permettent pas un contact osseux des
muscles majeurs de l’épaule : le supraspinatus, l’infra- tubérosités entre elles. Non seulement l’adjonction de
spinatus et le teres minor. Il ne faut donc pas s’étonner greffe osseuse n’est pas possible, mais il faut souvent
que dans ce cas les patients, n’ayant plus de muscles exciser le tissu spongieux du trochiter pour pouvoir le
rotateurs externes actifs, présentent une épaule dou- placer correctement au contact de la prothèse.
loureuse pseudoparalytique ou raide. Enfin, parce que les prothèses conventionnelles, par
Le trochiter constitue donc la « pièce maîtresse du leur surface rugueuse et leurs angles agressifs, peu-
puzzle » qu’il faut absolument remettre en position vent entraîner une abrasion et une rupture des fils
anatomique et fixer solidement à la fois à la prothèse de suture… ainsi qu’un lâchage et une migration des
et à la diaphyse. Ceci n’est bien sûr possible que si la tubérosités.
prothèse est elle-même bien positionnée et si elle a été La prothèse Aequalis Fracture™ a été spécialement
conçue pour cela. dessinée pour permettre le positionnement anatomique
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Figure 1. Migration du trochiter à cause d’une technique insuffisante et d’un implant huméral massif et inadapté au traitement des
fractures. La radiographie pourrait faire penser à une lyse osseuse ; en fait, le trochiter est migré en arrière et caché par la prothèse.
Noter l’ascension humérale (équivalent d’une rupture massive de la coiffe postérosupérieure).
254 P. BOILEAU, G. WALCH

Figure 2. Une prothèse conventionnelle, du fait de l’excès de métal à sa partie proximale, ne permet pas un positionnement ana-
tomique (latéral) du trochiter qui reste trop postérieur. De plus, elle constitue une barrière pour la consolidation des tubérosités
entre elles.

du trochiter et pour permettre aux deux tubérosités de


consolider entre elles (figure 3). Le concept de départ
(« une prothèse avec moins de métal et plus d’os ») a
été largement affiné. Le col prothétique médialisé et
l’aileron prothétique situé dans le plan sagittal (et non
plus frontal) permettent de recevoir le trochiter. La
fenêtre prothétique permet l’adjonction d’une greffe
osseuse prélevée à partir de la tête humérale. La partie
médiale du col prothétique est lisse et chromée, ce qui
évite l’abrasion et la rupture des fils de cerclage, tandis
que la partie latérale du col est recouverte d’hydroxya-
patite favorisant l’adhésion osseuse.

Pourquoi utiliser une


instrumentation ?
Pour au moins deux raisons essentielles, d’ordre tech- Figure 3. La prothèse Aequalis Fracture™ a été spécialement

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nique. D’abord, il faut comprendre qu’il est impossi- dessinée pour accueillir le trochiter à sa partie latérale et per-
ble de contrôler à la fois la position du trochiter et la mettre l’addition de deux greffes osseuses structurales : une
dans la fenêtre prothétique médiale et une latérale.
position de la prothèse dans le même temps ; les deux
contrôles doivent être faits de manière séquentielle :
d’abord la prothèse puis le trochiter. Or, la prothèse
est instable pendant la réduction des tubérosités : elle Les deux erreurs techniques les plus fréquentes sont
descend et tourne dans le canal médullaire tandis que de sceller la prothèse en position trop haute (perchée)
l’on essaye de réduire le trochiter. Une instrumentation et trop rétroversée. Les conséquences d’un défaut de
permet de pallier ce problème. positionnement prothétique sont dramatiques, aussi
Ensuite, l’absence de repères osseux proximaux fia- bien en hauteur qu’en rétroversion. Une prothèse trop
bles rend le positionnement prothétique difficile voire haute (donc perchée) met en tension la coiffe supérieure
impossible. Le repère de la gouttière bicipitale est un et entraîne un diastasis entre le fragment trochitérien
« faux ami » qui aboutit à poser la prothèse avec trop et la diaphyse ; ceci est à l’origine d’une pseudarth-
de rétroversion (figure 4). rose entre le trochiter et la diaphyse et de sa migration
Prothèse d’épaule pour fracture : technique chirurgicale 255

Figure 4. Le repère de la gouttière bicipitale est un « faux


ami » dans les fractures de l’humérus proximal : la gout-
tière est dans un plan plus sagittal que frontal au niveau
du col chirurgical, ce qui conduit à implanter la prothèse
avec trop de rétroversion (ce repère est valable dans l’arth-
rose car on est situé à la partie haute de l’humérus).

postérieure (figure 5). De même, un excès de rétrover- par deux types de fixation par sutures : les forces d’ar-
sion de la prothèse est délétère pour la synthèse du rachement en rotation doivent être neutralisées grâce
trochiter, aussi à l’origine de sa migration postérieure. à des cerclages tandis que les forces d’arrachement
La mise du bras en rotation interne dans les suites d’in- supérieures doivent être neutralisées par des haubana-
tervention va entraîner des contraintes d’arrachement ges. La technique du cerclage-haubanage constitue un
importantes sur le trochiter qui va se détacher de la montage simple, reproductible et solide.
prothèse et migrer en arrière (figure 6). Enfin, il faut comprendre que la synthèse du trochi-
ter doit être réalisée avec le bras en rotation neutre,
car c’est dans cette position qu’il y a le moins de force
Comment réduire et synthéser d’arrachement sur le trochiter. La rotation interne est
les tubérosités ? très défavorable.
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Les tubérosités ne peuvent pas être ajustées et immo-


bilisées correctement avec la technique classiquement Détermination préopératoire
décrite (passage des sutures dans l’aileron prothétique) de la longueur humérale
[figure 7].
Trois points stratégiques importants doivent être Des radiographies millimétrées des deux humérus
compris par le chirurgien. entiers sont réalisées pour déterminer la hauteur du
D’abord, il faut comprendre que la synthèse des scellement de la prothèse (figure 8). Ces radiographies
tubérosités doit être réalisée de manière séquentielle, sont faites dans le sas du bloc opératoire, juste avant
elle aussi : d’abord le trochiter, puis le trochin. C’est la l’opération. Ces clichés sont réalisés sur un patient
seule façon de pouvoir contrôler la position verticale couché, basculé de 45° du côté radiographié, bras à
du trochiter par rapport à la prothèse. 45° d’abduction, main en supination pour que l’hu-
Ensuite, il faut comprendre qu’il faut neutraliser mérus soit parfaitement de face. L’agrandissement
deux types de force d’arrachement sur les tubérosités radiologique est pris en compte grâce à une réglette
256 P. BOILEAU, G. WALCH

Figure 5. Une prothèse trop haut perchée empêche la consolidation des tubérosités à la diaphyse et met en tension la coiffe supé-
rieure, entraînant une migration postérieure du trochiter.

Figure 6. Une prothèse trop rétroversée entraine des forces d’arrachement importantes sur le trochiter lorsque le bras est porté en © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
rotation interne (à la fin de l’intervention) et aboutit à la migration postérieure du fragment osseux de trochiter détaché.

en Plexiglas® comprenant deux billes métalliques espa- axe : l’une passant par le sommet de la grosse tubéro-
cées de 100 mm, fixée directement sur la face externe sité, l’autre par le point le plus médial de l’épitrochlée
du bras du patient (au niveau du tiers moyen de l’hu- (figure 8). Connaissant l’agrandissement radiologique
mérus) et parallèlement à la plaque radiographique. par la mesure de la réglette sur la radiographie (l’),
Sur la radiographie ainsi obtenue, on trace l’axe du par une simple règle de trois, on détermine la longueur
canal médullaire proximal, passant par le centre du col réelle (L) de l’humérus : L = (L’ × 100)/l’.
chirurgical et du fût huméral 10 cm plus bas. On mesure La façon la plus simple, développée par Krishnan, est
ensuite la longueur humérale radiologique (L’) corres- de superposer les deux radiographies et de mesurer la
pondant à la distance entre deux perpendiculaires à cet hauteur de la tête prothétique par rapport à la diaphyse.
Prothèse d’épaule pour fracture : technique chirurgicale 257

une mobilisation complète du membre supérieur. Avant


le badigeonnage, l’épaule et le membre supérieur doivent
être nettoyés stérilement car le patient n’a pas pu être pré-
paré comme il aurait pu l’être dans le cadre de la chirur-
gie programmée. Une fois les champs opératoires mis en
place, le bras est installé dans le support à bras stérile de
l’ancillaire et fixé à l’aide d’une bande Velpeau®, en lais-
sant libres les repères osseux du coude (figure 9).
Le choix entre voie d’abord deltopectorale et voie
supérieure transdeltoïdienne reste discuté. La voie
d’abord supérieure a pour elle sa simplicité. Elle per-
met de bien gérer la position et la synthèse du trochi-
ter, mais elle rend plus difficile l’accès à la diaphyse.
Elle a de plus en plus notre préférence.
La voie d’abord deltopectorale est classique, mais elle
rend difficile le contrôle de la position du trochiter. Dans
tous les cas, le tendon du long biceps est ténodésé.

Figure 7. Le passage des sutures dans l’aileron de la pro-


thèse est insuffisant pour immobiliser les tubérosités (« effet
Arthrotomie et repérage
papillon ») ; le cerclage des tubérosités autour de la prothèse des tubérosités
est bien plus efficace.
Le lavage du foyer de fracture au sérum physiologique
permet d’évacuer l’hématome et d’analyser les traits
de fracture. L’abord articulaire se fait en suivant le
Installation du patient trait de fracture vertical séparant les tubérosités (qui
et voies d’abord est toujours situé en arrière de la gouttière bicipi-
tale) et en incisant la coiffe des rotateurs dans le sens
Le patient est installé en position demi-assise avec des fibres tendineuses (figure 10). Il faut si possible
l’épaule en dehors de la table opératoire, pour permettre respecter les attaches périostées des tubérosités à la
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Figure 8. Radiographie millimétrée de l’humérus entier controlatéral. Installation du patient et mesure radiographique. Exemple :
réglette de 100 mm mesurée à 102 mm (l’), longueur humérale mesurée sur la radiographie (L’) à 296 mm, ainsi la longueur
humérale réelle (L) est 296 × 100/102 = 290 mm.
258 P. BOILEAU, G. WALCH

A B

Figure 9. A. Installation demi-assis. B. Repérage de l’épi-


condyle et de l’épitrochlée au coude. C. Mise en place du
support à bras stérile en début d’intervention en laissant
C libres les repères du coude.

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A B

Figure 10. A. Repérage du tendon long biceps. B. Abord articulaire en écartant les tubérosités et en incisant la coiffe dans le pro-
longement du trait de fracture (vertical) intertubérositaire et dans le sens des fibres tendineuses.

diaphyse. Après écartement en douceur des tubérosi- de choisir la taille la plus adaptée de la future calotte
tés, la tête humérale, libre de toute attache capsulaire, prothétique. En cas d’hésitation entre deux diamè-
est extraite de l’articulation à l’aide d’une pince de tres, il faut systématiquement choisir le plus petit :
Museux (figure 11). On mesure le diamètre de la tête l’erreur est toujours de choisir une tête prothétique
humérale extraite, à l’aide d’un pied à coulisse, afin trop grosse.
Prothèse d’épaule pour fracture : technique chirurgicale 259

A B

Figure 11. A. Extraction de la tête humérale. B. Mesure du diamètre de la tête avec le pied à coulisse ; choisir le plus petit diamètre.

À partir de la tête humérale fracturée, deux greffons que tendon, on choisit deux fils de couleur différente
d’os spongieux adaptés à la taille exacte de la fenêtre pour faciliter leur repérage ultérieur : par exemple, un
prothétique sont prélevés à l’aide d’une pince emporte- Ethibond® (vert) et un Fiberwire® (bleu). Les sutures
pièce spécialement prévue à cet effet. Le reste de la tête non résorbables, de gros diamètre, doivent être passées
est morcelé pour greffer la métaphyse (figure 12). à la jonction os-tendon et non à travers les fragments
Un fil provisoire, passé dans le tendon du sous- osseux eux-mêmes sous peine de les déchirer.
scapulaire, repère le trochin. Le trochin est écarté et Deux orifices sont forés sur la face antérolatérale de la
un écarteur fourchette est mis en place sur le rebord diaphyse, 10 à 15 mm en dessous du trait de fracture, en
antérieur de la glène. On vérifie l’état de la glène et de arrière de la gouttière bicipitale (figure 13). Deux sutu-
la coiffe des rotateurs. Le tendon du long biceps est res sont introduites dans ces orifices et serviront ultérieu-
ténodésé par suture au ligament huméral transverse et rement à l’amarrage vertical des tubérosités (haubans).
sa portion intra-articulaire est réséquée.
Le trochiter est saisi délicatement à l’aide d’une pince Implantation prothétique
non traumatisante (davier à trochiter). Deux sutures
horizontales sont passées au travers du tendon infraspi- Il n’est pas nécessaire de perdre du temps à implanter
natus et deux autres au travers du petit rond (de dehors une prothèse d’essai ; nous préférons d’emblée mettre
en dedans) ; ils serviront ultérieurement pour réaliser la prothèse définitive. L’alésage de la diaphyse humé-
des cerclages des tubérosités (figure 13). Pour cha- rale se fait bras en adduction, rotation externe et rétro-
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Figure 12. Prélèvement de deux greffons spongieux structuraux à l’aide de la pince emporte-pièce à la taille de la fenêtre prothé-
tique. Le reste de la tête est morcelé pour greffer la métaphyse.
260 P. BOILEAU, G. WALCH

Figure 13. Synthèse des tubérosités à l’aide de six sutures : deux sutures au niveau du sous-épineux, deux sutures au niveau du
petit rond et deux sutures au niveau de la diaphyse.

pulsion afin de permettre l’engagement des râpes. La à bras. Habituellement, le fait que la tête prothétique
râpe de plus gros diamètre introduite dans le canal repose sur le calcar témoigne de la bonne hauteur.
médullaire détermine le diamètre de la tige prothéti- L’excès de ciment au niveau de l’évasement méta-
que à implanter. La tête prothétique de la taille choisie physaire est retiré et remplacé par de l’os spongieux
(petit diamètre ++) est assemblée avec la tige défini- morcelé issu du restant de tête humérale. La prothèse,
tive. La tête prothétique est positionnée sur le repère D toujours connectée à l’instrumentation, est réduite
(droit) ou G (gauche) selon le côté opéré. Pour notre dans l’articulation glénohumérale. On peut alors pro-
part, nous préférons positionner la tête prothétique céder au contrôle séquentiel du positionnement de la
sur l’index 1 ou 8 (déport latéral), car cela permet de prothèse et du trochiter.
rajouter latéralement un greffon osseux en forme.
L’implant définitif est connecté à l’ancillaire
grâce à un porte-prothèse droit (D) ou gauche (G). Contrôle du positionnement
L’instrumentation fracture Aequalis™ correspond à de la prothèse
une règle coulissante et à un rapporteur connectés à un
support à bras (figure 14). Les paramètres de position- La hauteur prothétique est correcte si le bord médial
nement sont définis sur l’instrumentation : la hauteur de la tête prothétique est au contact du calcar, sauf si
déterminée grâce aux radiographies des humérus est la fracture est comminutive et emporte ce calcar avec
reportée sur la règle coulissante et la rétroversion est la tête : dans ce cas, la prothèse devra être légèrement
fixée arbitrairement à 20° sur le rapporteur. suspendue. L’erreur la plus fréquente est de trop sus-

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Le scellement de l’implant huméral est systémati- pendre la prothèse en hauteur : « Prothèse trop basse
que. Un obturateur diaphysaire distal est enfoncé dans est toujours mieux que trop haute. »
le canal médullaire. Après assèchement, le ciment est La longueur humérale est habituellement correcte si
injecté à la seringue et la prothèse définitive, connectée l’on a utilisé l’instrumentation et que l’on a fait une
à l’instrumentation, est descendue dans le canal médul- mesure radiographique de l’humérus controlatéral.
laire. Le chirurgien place les palpeurs de l’ancillaire au Sinon, on peut ajuster la hauteur prothétique en per-
niveau du coude (figure 14) : le petit palpeur rond et opératoire, à l’aide de la règle coulissante.
bleu est placé en dedans, sur la saillie osseuse médiale de Une autre façon de régler la hauteur prothétique en
l’épitrochlée, et le grand palpeur rectangulaire et jaune peropératoire est de mesurer la hauteur du fragment de
en dehors, sur la saillie osseuse latérale de l’épicondyle. trochiter et de positionner la prothèse (3 à 4 mm au-
Lorsque le positionnement des palpeurs est jugé correct dessus en partant de la diaphyse humérale (figure 15).
par le chirurgien, l’aide opératoire connecte les deux La rétroversion prothétique est correcte si la tête
équerres de liaison jaunes et les verrouille en tournant prothétique regarde la glène lorsque le bras est en rota-
la molette : ceci solidarise l’instrumentation au support tion neutre (prothèse réduite dans l’articulation).
Prothèse d’épaule pour fracture : technique chirurgicale 261

Figure 14. Instrumentation fracture Aequalis™ composée d’une réglette télescopique et d’un rapporteur, permettant de restituer
la hauteur (par rapport à l’épitrochlée (palpeur bleu) et la rétroversion humérale à 20° (par rapport à l’axe trans-épicondylien du
coude (palpeur jaune). L’ancillaire permet également de stabiliser la prothèse pendant les essais de réduction du trochiter et le
scellement de la prothèse.

La rétroversion prothétique est habituellement cor- Dans le plan horizontal, le trochiter doit recouvrir
recte en la réglant à 20° sur le rapporteur de l’instru- la totalité de l’aileron prothétique sagittal, tandis que
mentation ; ceci correspond à 25 à 30° de rétroversion l’on maintient le bras en rotation neutre. L’erreur est
par rapport à l’avant-bras (en tenant compte du valgus d’essayer de positionner le trochiter alors que le bras
de l’avant-bras, de 8° en moyenne). est en rotation interne : le fragment osseux restera
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Il faut également veiller à ce que la prothèse soit bien alors toujours trop postérieur.
centrée dans le canal médullaire (éviter la tendance au Dans le plan vertical, le trochiter, réduit sur la diaphyse,
valgus). doit arriver au niveau de la tête prothétique ou légère-
ment en dessous (3 à 5 mm). L’erreur est de positionner
le trochiter trop bas par rapport à la prothèse, ce qui
Contrôle du positionnement met en tension le supraspinatus : « Trochiter au top est
du trochiter toujours mieux que trochiter trop bas. »

La prothèse d’essai, stabilisée par l’ancillaire, est donc Greffe osseuse et ostéosynthèse
théoriquement en bonne position. Il convient mainte- des tubérosités
nant de vérifier la position du trochiter par rapport à
la prothèse. Le contrôle du positionnement du trochi- Une fois le ciment solide, l’ancillaire est retiré et un
ter doit se faire prothèse réduite dans l’articulation, greffon d’os spongieux est introduit au sein de la fenê-
bras en rotation neutre. tre prothétique.
262 P. BOILEAU, G. WALCH

Figure 15. Autre façon de régler la hauteur prothétique : on mesure la longueur du fragment de trochiter et on reporte cette lon-
gueur à partir de la diaphyse : la prothèse doit être située 3 à 5 mm en-dessous.

La synthèse des tubérosités se fait à l’aide de qua- Cerclage du trochiter


tre cerclages horizontaux et deux haubans verticaux
(figure 16). On ajuste à nouveau au mieux le trochiter dans le plan
Les quatre fils horizontaux, initialement placés dans horizontal et dans le plan vertical, toujours bras en
la coiffe postérieure, sont passés par une manœuvre rotation neutre. Auparavant, on intercale une greffe
de lasso autour du col prothétique après avoir luxé la spongieuse en forme (taillée à partir de la tête humé-
prothèse en dehors de l’articulation (figure 17). rale) entre le trochiter et la prothèse (figure 18). Le
Le bras est replacé en rotation neutre pour réaliser trochiter et la greffe sont maintenus à l’aide du davier
l’ostéosynthèse du trochiter. Ceci est capital : si l’on à trochiter. On récupère deux des quatre fils horizon-
fait la synthèse du trochiter avec le bras en rotation taux (l’un passant au travers de l’infraspinatus, l’autre
interne, celui-ci restera trop postérieur et ne sera jamais au travers du teres minor) ; ils sont alors noués à l’aide
réduit en position anatomique. d’un nœud coulant afin de plaquer la grosse tubérosité

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Figure 16. Synthèse des tubérosités par quatre cerclages horizontaux (deux fils au niveau du sous-épineux, deux fils au niveau du
petit rond) et deux haubans verticaux (au travers de la diaphyse humérale). A. Synthèse première du trochiter sur la prothèse avec
une greffe latérale et dans la fenêtre. B. Suture du trochin sur l’ensemble trochiter/prothèse. C. Réalisation de deux haubans.
Prothèse d’épaule pour fracture : technique chirurgicale 263

A B

Figure 17. Cerclage du trochiter. A. Passage des quatre sutures horizontales autour du col de la prothèse (manœuvre du lasso).
B. Synthèse du trochiter sur une greffe latérale avec une des sutures passant à travers le sous-épineux et une des sutures passant
à travers le petit rond.

et la greffe sur la prothèse. C’est à ce moment que l’on glissés sous le trochin avant de serrer les fils, afin de
fait un contrôle radioscopique pour vérifier la position favoriser la consolidation osseuse.
du trochiter par rapport à la prothèse.

Cerclage du trochin Haubanage des deux tubérosités


(figure 19)
Si la position du trochiter est correcte, les deux fils
horizontaux restants sont passés à l’aide d’une aiguille Un des deux fils verticaux est passé au travers du supras-
à sertir, au travers du tendon sous-scapulaire de dedans pinatus et de l’infraspinatus pour former un hauban
(figure 16B). Le trochin est alors ajusté au mieux et postérieur (en cadre), permettant de solidariser le tro-
maintenu en place grâce à un davier-crabe au trochi- chiter avec la diaphyse humérale. L’autre fils est passé
ter. Les fils sont noués avec leur chef respectif en toute de la même manière au travers du supraspinatus et du
sécurité et plaquent le trochin sur l’ensemble prothèse- sous-scapulaire pour réaliser un hauban antérieur, soli-
trochiter. Auparavant, des greffons spongieux sont darisant le trochin avec la diaphyse humérale.
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Figure 18. Le cerclage du trochiter doit absolument être fait avec le bras en rotation neutre et avec la prothèse orientée et scellée
avec 20° de rétroversion par rapport à l’axe transépicondylaire, c’est-à-dire 25 à 30° par rapport à l’avant-bras (en tenant compte
du valgus de l’avant-bras qui est d’environ 8 à 10°).
264 P. BOILEAU, G. WALCH

Figure 19. Aspect final de l’ostéosynthèse des tubérosités : deux cerclages (en jaune) passent autour du trochiter ; deux autres
cerclages passent autour des deux tubérosités (en bleu foncé) ; enfin, deux haubans verticaux complètent le montage : l’un prend
le sous-épineux et le sus-épineux (hauban postérieur, rose) tandis que l’autre prend le sus-épineux et le sous-scapulaire (hauban
antérieur, bleu turquoise).

Contrôle peropératoire Les radiographies postopératoires et la fonction


retrouvée témoignent de la qualité de la reconstruction
La mobilisation de l’épaule en rotation et en élévation anatomique (figure 20).
permet de vérifier la solidité de l’ostéosynthèse et la sta-
bilité antéropostérieure de la prothèse. On doit avoir Conclusion
entre 25 et 50 % de tiroir postérieur, ce qui correspond
à la laxité normale et physiologique de l’épaule. Les Le trochiter est la « pièce maîtresse du puzzle » des
amplitudes articulaires peropératoires seront consi- fractures de l’humérus proximal. Le résultat fonc-
gnées dans le compte rendu opératoire. On doit avoir tionnel des prothèses d’épaule pour fracture est
au moins 40° de rotation externe et l’avant-bras paral- directement lié à la qualité de la reconstruction et
lèle au thorax lorsque le bras est en abduction (ainsi, on de la fixation du trochiter. Le positionnement du
sait que le patient pourra passer sa main dans le dos). trochiter ne peut être anatomique que si la prothèse
est elle-même correctement positionnée. La techni-
Soins postopératoires que des prothèses pour fractures est exigeante et ne
tolère aucune approximation. Trois conditions au

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En fin d’intervention, le bras est placé dans une attelle moins sont nécessaires pour permettre une recons-
en rotation neutre pour 3 à 4 semaines afin de proté- truction anatomique de l’humérus proximal par
ger la synthèse du trochiter. Le patient est encouragé à prothèse et ostéosynthèse des tubérosités :
faire de l’autorééducation en pendulaire, bien penché – le dessin de la prothèse doit être adapté (médialisé)
en avant, et à mobiliser son coude, son poignet et ses pour permettre le positionnement anatomique du tro-
doigts. Il est revu chaque semaine avec une radiogra- chiter et l’adjonction de greffe osseuse ;
phie de contrôle afin de juger de la consolidation et – le positionnement de la prothèse doit être précis tant
surtout afin d’encourager le patient à faire son auto- en hauteur qu’en rétroversion ; il est au mieux effectué
rééducation au moins 5 min, 5 fois par jour. La réédu- à l’aide d’une instrumentation ;
cation avec le kinésithérapeute ne sera débutée qu’après – les tubérosités doivent être solidement amarrées à
4 semaines : elle commencera par la mobilisation de la prothèse par des cerclages et à la diaphyse par des
l’épaule en élévation dans le plan de la scapula et par haubanages.
de la balnéothérapie. On évitera les rotations main Il n’y a qu’à ce prix que l’on peut éviter la malposition
dans le dos (rotation interne) jusqu’à la 6e semaine ou la migration secondaire du trochiter, qui est la prin-
postopératoire pour ne pas arracher le trochiter. cipale cause d’échec des arthroplasties pour fracture.
Prothèse d’épaule pour fracture : technique chirurgicale 265

A B

B C D
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Figure 20. Exemple clinique. A. Fracture-


luxation antérieure à quatre fragments.
B. Ostéosynthèse des tubérosités autour
de la prothèse-fracture et greffe osseuse.
C. Scanner à 6 mois postopératoire
démontrant le caractère anatomique de
la reconstruction et l’intégration de la
greffe osseuse. D. Élévation active symé-
E trique. E. Rotation active symétrique.
266 P. BOILEAU, G. WALCH

RÉFÉRENCES

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267

Traitement des fractures de l’humérus


proximal par prothèse : résultats
de deux types d’implants huméraux
Results of two different types of humeral implants
for the treatment of proximal humeral fractures

M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU

RÉSUMÉ SUMMARY
INTRODUCTION : Le but de l’étude est d’évaluer les résultats cliniques INTRODUCTION: The goal of this study is to report the clinical and
et radiologiques de deux types d’implants huméraux utilisés dans radiological outcome of two different humeral implants for
le traitement des fractures à trois et à quatre fragments déplacées the treatment of displaced or dislocated proximal humeral
ou luxées de l’humérus proximal. fractures.
MATÉRIEL & MÉTHODE : Étude rétrospective, comparative de 60 patients MATERIAL & METHODS: Retrospective comparative study of 60
(61 épaules, 38 femmes, 22 hommes) opérés par un seul chirur- patients (61 shoulders, 38 women and 22 men) operated by the
gien entre 1991 et 2005 et revus par deux observateurs indépen- same surgeon between 1991 and 2005 and reviewed by two
dants avec un recul minimum de 2 ans. L’âge moyen au moment independent observers with a minimum of 2 years follow-up.
de l’intervention était de 67 ans (39–86). Le recul moyen était The average age at surgery was 67 years (range 39 to 86); the
de 63 mois (24–150). Les patients ont tous été opérés selon une average follow-up was 64 months (range 24 to 150).The same
technique standardisée d’ostéosynthèse des tubérosités ; une ins- standardized technique of tuberosity reconstruction was used
trumentation spécifique a été utilisée pour le positionnement de for all patients and a fracture jig was used for prosthesis posi-
la prothèse : 31 épaules ont été opérées avec un implant conven- tioning: 31 shoulders have been operated with a conventional,
tionnel « standard » ; les 30 épaules suivantes ont été opérées avec “standard implant”; the 30 next shoulders with a specific “frac-
un implant spécifique « fracture ». ture implant”.
RÉSULTATS : Neuf complications postopératoires (15 %) sont sur- RESULTS: Nine patients (15%) had a postoperative complication;
venues dont 5 (8 %) ont nécessité une réopération. Au dernier 5 of them (8%) have been reoperated. At follow-up, 92% of
recul, 92 % (55/61) des patients étaient satisfaits et très satis- the patients were very satisfied or satisfied; 8 patients (13%)
faits. Huit patients (13 %) présentaient des douleurs importan- demonstrated residual severe or important pain. The overall
tes ou sévères. L’élévation antérieure active était de 125° en functional results showed an average anterior active elevation
moyenne (30–180), la rotation latérale coude au corps de 29° of 125° (range 30 to 180), an external rotation of 29° (range
(0–60) et la rotation interne permettait d’atteindre L3 (fesse–T7). 0 to 60) and an internal rotation at the level of L3 (range
Pour la série globale, le score de Constant était de 63/100 points buttocks to T7). The average absolute Constant score was
en absolu (30–95) et 89 % en pondéré (43–136 %). Le score de 63/100 (range 30 to 95) and 89% (range 43 to 136) when
Constant était significativement meilleur lorsque le trochiter adjusted for age and gender. The Constant score was signifi-
était consolidé en position anatomique ; il était aussi significati- catively better when the greater tuberosity was healed in an
vement meilleur pour les hommes. Radiologiquement, le taux de anatomic position; it was also better for men. Radiologically,
malposition finale et de migration du trochiter était de 55 % pour the rate of greater tuberosity final malposition and migra-
l’implant standard et de 13 % pour l’implant fracture (p = 0,002). tion was 55% for the “standard” implant and 13% for the
Le score de Constant était significativement meilleur pour l’im- “fracture” implant (p=0.002). Constant score, active eleva-
plant fracture : 69 contre 54 (p = 0,001). tion and active external rotation were significantly better in
CONCLUSION : La consolidation du trochiter en position vicieuse the “fracture” group.
et/ou son absence de consolidation péjorent de façon significa- CONCLUSION: Malunion or nonunion of the greater tuberosity jeo-
tive le résultat fonctionnel des hémiarthroplasties pour fracture. pardizes the functional results of hemiarthroplasty for proximal
L’utilisation d’un implant spécifiquement destiné aux fractures de humeral fractures. Anatomical positioning and healing of the

Prothèses d’épaule. État actuel


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268 M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU

l’humérus proximal améliore le positionnement initial et final du greater tuberosity are improved by the use of a specific “low pro-
trochiter par rapport à un implant standard. file” humeral implant.

Mots clés : Humérus proximal. – Fractures. – Prothèse d’épaule. Key words: Proximal humerus. – Fractures. – Shoulder prosthesis.
– Cal vicieux. – Pseudarthrose et migration du trochiter. – Greater tuberosity malunion. – Nonunion and migration.

Introduction Le but de cette étude comparative rétrospective est


de vérifier deux hypothèses. Notre première hypothèse
Le traitement des fractures déplacées de l’humérus est qu’une prothèse d’épaule spécifiquement dessinée
proximal par remplacement prothétique reste peu fré- pour les fractures, et autorisant une greffe osseuse, doit
quent et constitue encore à l’heure actuelle un défi pour permettre un positionnement du trochiter plus anato-
les chirurgiens qui ont pour la plupart une expérience mique et une consolidation osseuse en bonne position
limitée [11,32,41,42]. Charles S. Neer [43,44] fut le plus constante. Notre seconde hypothèse est qu’une
premier à montrer les résultats de cette technique – qui consolidation du trochiter en position anatomique doit
furent enthousiasmants – dans les années 1970. Dans permettre d’obtenir un meilleur résultat fonctionnel.
les années suivantes, d’autres auteurs ont essayé de
reproduire les résultats de Neer, sans vraiment y parve- Patients
nir [1,2,8,10,11,13,15–19,21,23–28,30,33–40,45–55].
Bien que certains chirurgiens aient tenté d’améliorer Les critères d’inclusion pour l’étude étaient : patients
et de standardiser la technique chirurgicale, les résul- adultes, présentant une fracture déplacée ou une frac-
tats sont restés décevants, inconstants et imprévisibles ture-luxation fermée de l’humérus proximal à trois ou
[3,5,7,9]. Les facteurs influençant le résultat clinique quatre fragments, datant de moins de 1 mois, traités
des prothèses pour fracture se sont progressivement par prothèse d’épaule conventionnelle « anatomique »
dégagés [5–8]. La malposition et la migration des ou prothèse spécifique « fracture » par un chirurgien
tubérosités humérales constituent les deux principales senior et revus par des examinateurs indépendants
causes d’échec des prothèses implantées pour fracture avec un recul minimum de 2 ans. Les patients ayant
de l’extrémité supérieure de l’humérus [5,9,22]. bénéficié d’une chirurgie d’ostéosynthèse ou d’ostéo-
Les implants conventionnels dits « anatomiques » tomie préalable, les patients polytraumatisés et ceux
(modulaires et adaptables) ont fait leurs preuves dans présentant des fractures étagées opérées au même
la pathologie dégénérative de l’épaule, en particulier membre supérieur ont été exclus. Durant une période
dans l’omarthrose [3]. Ces implants ont été longtemps allant de 1991 à 2005, 85 fractures chez 84 patients
utilisés, et le sont toujours actuellement, dans le trai- ont été inclues. Vingt-quatre fractures ont été exclues :
tement des fractures déplacées de l’humérus proxi- 16 patients ont été perdus de vue et 8 patients sont
mal. Notre expérience initiale nous a montré que le décédés avant le recul minimum de 2 ans. Soixante
trochiter constituait « la pièce maîtresse du puzzle » patients (61 prothèses pour fractures) ont donc été
des fractures déplacées de l’humérus proximal et que retenus pour cette étude. Parmi les 60 patients revus
les prothèses conventionnelles étaient peu adaptées à pour l’étude (taux de révision 72 %), on dénombrait
son positionnement anatomique, à sa fixation et à sa 38 femmes et 22 hommes. L’âge moyen au moment du

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consolidation [9]. Ceci nous a conduits à l’hypothèse traumatisme était de 67 ans (39 à 86). Le délai opéra-
que le dessin des prothèses conventionnelles n’était toire moyen était de 8 j (1 à 30). Le type de fracture
pas adapté au positionnement à la reconstruction des était dans 53 cas une fracture déplacée à quatre frag-
tubérosités fracturées : l’excès de métal au niveau ments, dans 1 cas une fracture déplacée à 3 fragments,
du col prothétique a été considéré comme un élé- dans 4 cas une fracture-luxation antérieure et dans
ment favorisant la malposition des tubérosités mais 3 cas une fracture-luxation postérieure.
aussi leur migration et leur absence de consolidation.
Notre intérêt croissant pour le remplacement prothé-
tique dans les situations de fracture nous a conduits à Matériel et méthodes
mettre au point un implant spécifique, permettant, au
moins en théorie, d’améliorer le positionnement, la Implants huméraux
synthèse et la consolidation du trochiter. Cependant, et instrumentation
aucune étude n’a permis de montrer clairement la
supériorité sur le plan fonctionnel de ce type d’im- Deux implants différents ont été utilisés durant deux
plant par rapport à un implant conventionnel. périodes consécutives. De 1991 à 1997, 31 épaules
Traitement des fractures de l’humérus proximal par prothèse 269

chez 31 patients ont été opérées à l’aide d’un implant


standard (Aequalis™, Tornier, France). De 1998 à
2005, 30 épaules chez 29 patients ont été opérées à
l’aide d’un implant spécifique « fracture » (Aequalis
Fracture™, Tornier, France).
La prothèse Aequalis™ standard (Tornier, France) est
une prothèse dite « anatomique », initialement conçue
pour la pathologie dégénérative ou inflammatoire
(figure 1). C’est une prothèse modulaire, tenant compte
du diamètre et de l’épaisseur de la calotte articulaire,
et adaptable, tenant compte de l’orientation et de la
position dans l’espace de la surface articulaire [3,4,31].
Pour les fractures, l’inclinaison donnée à la prothèse est
de 130°, valeur moyenne donnée par les études anato-
miques [3,4]. Pour l’excentration de la tête prothétique,
une position moyenne (droite ou gauche) est choisie. Figure 1. Prothèse Aequalis™ standard.
La prothèse Aequalis Fracture™ (Tornier, France) est
un implant médialisé présentant une fenêtre métaphy-
saire permettant le contact osseux entre les tubérosités
(figure 2). Son encombrement latéral diminué et son aile-
ron latéral sagittal laissent davantage de place pour le
positionnement du trochiter. L’espace libéré en métaphyse
permet d’incorporer une greffe osseuse au niveau de la
fenêtre et aussi latéralement. Cette greffe en forme est pré-
levée aux dépens de la tête humérale. Un revêtement d’hy-
droxyapatite situé au niveau de la métaphyse prothétique
est destiné à permettre l’adhérence osseuse des tubérosités
repositionnées. La partie médiale du col prothétique est
polie et chromée pour permettre un glissement aisé des fils
de cerclage et éviter leur abrasion et leur rupture.
L’ancillaire fracture (figure 3) a été conçu pour aider
le chirurgien à positionner l’implant en hauteur et en
rétroversion ainsi qu’à maintenir la prothèse dans la
position choisie durant le scellement. En l’absence de
repères osseux fiables au niveau de l’humérus proxi-
Figure 2. Prothèse Aequalis Fracture™.
mal, l’ancillaire utilisant des repères situés sur l’humé-
rus distal a été conçu [5]. L’épicondyle médial, plus
saillant, sert de repère pour la longueur humérale.
Celle-ci est déterminée à partir de la longueur de l’hu- Une réglette contenant des repères métalliques éloi-
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mérus controlatéral, calculée en préopératoire sur une gnés de 100 mm était fixée directement sur le bras du
radiographie millimétrée de face. L’épicondyle laté- patient (et non sur la plaque radiologique) pour tenir
ral, définissant le plan biépicondylien, permet de fixer compte de l’agrandissement radiologique. On traçait
la rétroversion prothétique à 20° (correspondant à la sur ce cliché « l’axe prothétique » en repérant le milieu
valeur moyenne de rétroversion de la surface articulaire du canal médullaire au niveau du col chirurgical et
humérale supérieure). Ceci correspond à une rétrover- environ 10 cm plus bas (attention, cet « axe prothé-
sion moyenne de 25–30° par rapport à l’avant-bras. tique » représente l’axe du canal médullaire proxi-
mal et il est différent de l’axe osseux global). Cet axe
était prolongé vers chacune des extrémités proximale
Calcul préopératoire et distale de l’humérus. La longueur humérale est la
de la longueur humérale distance mesurée sur l’axe prothétique comprise entre
deux perpendiculaires à cet axe : l’une passant par la
Le calcul de la mesure de l’humérus controlatéral se tangente au trochiter et l’autre passant par le point le
faisait à l’aide d’une radiographie millimétrée de l’hu- plus médial de l’épitrochlée. Une règle de trois permet-
mérus sain effectuée sur un patient debout ou couché. tait de calculer la longueur réelle de l’humérus qui était
270 M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU

sutures non résorbables de gros diamètre (Ethibon® 7)


étaient placées dans le tendon infraspinatus et deux
autres dans le tendon teres minor. Après « écartement
prudent » des tubérosités, l’alésage diaphysaire était
réalisé bras en adduction, rotation externe et rétropul-
sion. Deux orifices étaient forés à la mèche sur la face
antéroexterne de l’humérus, en arrière de la gouttière
bicipitale, 1 cm en dessous du trait de fracture. Deux
fils identiques non résorbables étaient passés en « U »
au travers de ces orifices.
Connaissant le diamètre de la tige et celui de la tête
prothétique, l’implant d’essai était assemblé. La pro-
thèse d’essai fixée au porte-prothèse était montée sur
l’ancillaire et introduite dans le canal médullaire. La
hauteur de la prothèse était choisie en fonction de
la mesure de longueur de l’humérus controlatéral ;
la rétroversion était fixée arbitrairement à 20° selon
l’axe transépicondylaire, soit 25 à 30° selon l’axe de
l’avant-bras. Après réduction de la prothèse avec l’ins-
trumentation, la position de la prothèse et la position
Figure 3. Ancillaire fracture.
du trochiter dans le plan vertical et dans le plan hori-
zontal étaient vérifiées avec le bras en rotation neutre.
Si la position de l’implant huméral et du trochiter était
reportée en peropératoire sur la règle coulissante de jugée correcte, l’implant d’essai était retiré et remplacé
l’instrumentation. par l’implant définitif. Après mise en place d’un obtu-
rateur diaphysaire, la prothèse définitive était cimen-
Technique chirurgicale tée, toujours en étant connecté à l’ancillaire fracture
selon la hauteur et la rétroversion choisies. Une vérifi-
Toutes les opérations ont été réalisées ou directement cation du bon positionnement de l’implant était réité-
supervisées par le même chirurgien senior (P. B.). rée avant que le ciment ne durcisse. Le ciment en excès
L’installation, la voie d’abord et la technique de suture au niveau proximal était retiré et remplacé par de l’os
tubérositaire étaient standardisées. L’ancillaire fracture spongieux morcelé issu de la tête humérale. L’ancillaire
a été utilisé dans tous les cas. La ténodèse du biceps fracture était retiré et la prothèse était réduite en écar-
était systématique. tant de part et d’autre les deux tubérosités.
Après anesthésie générale, le patient était installé en
position demi-assise. Une fois les champs opératoires
mis en place, le bras était installé dans le support de Ostéosynthèse des tubérosités
l’ancillaire fracture. Elle se faisait en trois étapes : d’abord celle du trochi-
ter, puis celle du trochin et enfin un double haubanage

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vertical.
Implantation prothétique
Une approche deltopectorale a été utilisée dans tous
les cas. L’abord intra-articulaire se faisait en incisant Cerclage du trochiter
longitudinalement le supraspinatus dans le sens des Les quatre fils horizontaux (passant au travers du
fibres sur environ 1 cm. Les attaches périostées entre supraspinatus et du teres minor) étaient passés (en
les tubérosités et la diaphyse étaient respectées autant une fois) autour du col de la prothèse (manœuvre du
que possible et le biceps ténodésé. La tête humérale lasso). Le trochiter était ensuite réduit à nouveau sur
déconnectée de toute attache capsulaire était retirée et la prothèse avec le bras en rotation neutre et main-
mesurée afin de choisir la taille de la future calotte pro- tenu à l’aide d’un davier crabe. Deux fils de cerclage
thétique. Le plus petit diamètre était toujours choisi. (un supérieur et un inférieur) étaient noués. À ce stade,
Le tissu osseux spongieux de la tête humérale était un contrôle radioscopique était réalisé pour vérifier le
prélevé à la pince gouge et à l’aide d’une pince spéciale positionnement correct du trochiter par rapport à la
permettant de prélever deux greffons en forme. Deux tête prothétique. Pour la prothèse-fracture, un greffon
Traitement des fractures de l’humérus proximal par prothèse 271

était placé dans la fenêtre prothétique et un autre assis. À partir de ces éléments, le score fonctionnel de
greffon en forme était intercalé latéralement entre Constant [14] prenant en compte la douleur, l’activité,
l’implant et le trochiter. Pour la prothèse standard, il la mobilité et la force était calculé. Ce score absolu
fallait souvent, au contraire, désépaissir le trochiter en était ensuite pondéré selon le sexe et l’âge pour élimi-
retirant du spongieux à la pince gouge pour pouvoir le ner les biais liés au « vieillissement physiologique » de
positionner correctement sur la prothèse. l’épaule.

Cerclage du trochin Évaluation radiologique


Les deux fils horizontaux restants étaient passés au des résultats
travers du tendon sous-scapulaire et enfin noués
pour cercler le trochin (et le trochiter) autour de la Pour chaque patient revu, un bilan radiologique a été
prothèse. réalisé, comprenant une radiographie de face en rotation
neutre, interne et externe, un profil d’omoplate (Lamy).
Les radiographies postopératoires immédiates et cel-
Double haubanage vertical les des suivis ultérieurs ont également été revues pour
L’un des deux fils de la diaphyse était passé au travers juger de l’évolution. Ainsi, sur les clichés postopératoires
du supraspinatus et du sous-scapulaire puis noué de immédiats et au dernier recul, nous avons étudié :
façon à réaliser un hauban vertical antérosupérieur, – la position du trochiter dans le plan vertical par rap-
solidarisant le trochin avec la diaphyse humérale. port au sommet de la tête prothétique. Le trochiter
L’autre fil était passé de la même manière au travers du était considéré en position anatomique quand, sur la
supraspinatus et de l’infraspinatus, puis noué de façon radiographie de face en rotation neutre, il était situé
à réaliser un hauban vertical postérosupérieur, pour entre 3 et 10 mm en dessous du sommet de la prothèse,
solidariser le trochiter avec la diaphyse humérale. et qu’il n’existait pas de diastasis intertubérositaire
supérieur à 5 mm (figure 4) ;
Soins postopératoires – la position du trochiter dans le plan horizontal. Le
trochiter était considéré comme bien positionné lors-
Après l’intervention, une attelle coude au corps en qu’il était visible sur les clichés de face dans les trois
rotation neutre était placée pour 30 à 45 j. La lutte rotations de l’épaule. Un trochiter disparaissant en
contre la raideur se faisait à l’aide d’exercices passifs rotation latérale signifiait une malposition (ou une
en pendulaire. Aucun travail actif n’était débuté migration) de celui-ci vers l’arrière (figure 4) ;
avant un délai de consolidation d’au moins 45 j, – l’évolution de la consolidation des tubérosités (cals
et après le 45e jour débutait une phase d’étirement et vicieux, pseudarthrose), ainsi qu’une éventuelle migra-
de renforcement musculaire actif. La balnéothérapie tion (figures 5A, 5B et 6).
était encouragée [6]. En cas de malposition tubérositaire, un scanner était
réalisé afin de localiser précisément le trochiter.
Évaluation clinique des résultats
Analyse statistique
Tous les patients ont été revus par deux examinateurs
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différents (A. C., M. W.) de l’opérateur ; le recul moyen L’analyse des données a été réalisée avec le logiciel
à la révision était de 64 mois (24 à 150). Le résul- StatView™ pour Windows (version 5.0). Les résultats
tat subjectif était évalué en demandant aux patients ont été calculés en moyennes et pourcentage (± dévia-
s’ils étaient : « mécontents », « déçus », « satisfaits » tion standard). L’analyse statistique reposait sur des
ou « très satisfaits » du résultat de l’intervention. La tests de rangs signés de Wilcoxon et de Khi2. Le seuil
douleur était évaluée de deux façons : à l’aide d’une de significativité était fixé à 0,05 (p ≤ 0,05).
échelle verbale (elle était qualifiée comme « intoléra-
ble », « importante », « modérée » ou « absente ») et
d’une échelle visuelle analogique, de 0 (absente) à 15 Résultats
(intolérable). La mobilisation active en élévation anté- Complications et réopérations
rieure active, la rotation externe et interne coude au
corps étaient mesurées avec les patients assis. La force Un patient du groupe « standard » a présenté une rup-
en abduction bras tendu était mesurée en kilogrammes ture de l’artère axillaire découverte en peropératoire lors
à l’aide d’un dynamomètre également avec les patients de l’ablation de la tête humérale luxée dans le creux axil-
272 M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU

tes furent favorables (score de Constant 60 % au dernier


recul). Un autre patient du groupe « fracture » a présenté
un lâchage des tubérosités avec migration postérieure du
trochiter à 2 mois ; il a été réopéré pour ostéosynthèse
itérative des tubérosités avec greffe iliaque (score de
Constant pondéré de 103 % au dernier recul).

Résultats subjectifs et fonctionnels


Au dernier recul, 92 % (55/61) des patients étaient satis-
faits et très satisfaits du résultat. Trois patients étaient
déçus et 3 patients étaient mécontents ; ces 6 patients
(5 patients du groupe « standard » et 1 patient du
groupe « fracture ») présentaient tous une malposition
finale du trochiter avec un mauvais score douleur.
Huit patients, soit 13 % (6 du groupe « standard »
et 2 du groupe « fracture ») conservaient une douleur
qualifiée de « sévère » ou « importante » (figure 7).
Les mobilités étaient de 124,8° en élévation anté-
rieure active (30–180°), de 29° en rotation externe
Figure 4. Exemple de malposition initiale inférieure du trochi-
ter, qui est trop bas par rapport à la prothèse. coude au corps (0–60°) et la rotation interne coude au
corps était localisée en L3 (fesse–T7).
Le score de Constant absolu était de 63 points en
laire. Après coracoïdotomie et contrôle des vaisseaux, moyenne (30–95). Le score de Constant pondéré selon
un pontage axillaire a été réalisé en urgence avant la l’âge et le sexe était de 89 % en moyenne (43–136 %).
mise en place de la prothèse et l’ostéosynthèse des tubé- Le groupe des hommes (n = 23) et celui des femmes (n
rosités. Après récupération d’une parésie axillaire transi- = 38) ne présentaient pas de différence significative en
toire, le résultat fonctionnel était excellent avec un score termes d’âge, de type de fracture, de délai opératoire et
de Constant pondéré de 97 % au dernier recul. de recul. Au final, le résultat fonctionnel était significati-
Neuf patients (15 %) ont présenté des complications vement meilleur chez les hommes que chez les femmes :
postopératoires et 5 patients (8 %) ont été réopérés. Constant absolu à 71 ± 17 contre 58 ± 18, p = 0,0005.
Sept complications sont survenues dans le groupe « stan- Les patients âgés de moins de 75 ans présentaient
dard » et deux dans le groupe « fracture » (p =, 001). un résultat fonctionnel meilleur comparé aux patients
Deux patients (groupe prothèse « standard ») ont âgés de plus de 75 ans (tableau 1).
présenté une raideur postopératoire importante et ont
bénéficié d’une arthrolyse arthroscopique à 3 mois,
avec un score de Constant de 58 et 100 % au der- Résultats anatomoradiologiques
nier recul. Deux patients du groupe « standard » ont
présenté une érosion glénoïdienne douloureuse. L’un La position initiale et finale du trochiter évaluée sur

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des deux a été réopéré à 5 ans postopératoires pour l’ensemble de la série est résumée sur la figure 8.
mise en place d’une prothèse inversée avec un score
de Constant de 88 % au dernier recul. L’autre patient Corrélations entre résultats
n’a pas souhaité de prise en charge chirurgicale com-
plémentaire et présentait un mauvais résultat (score de fonctionnels et radiologiques
Constant 52 %). Deux patients du groupe prothèse
« standard », dont celui de la rupture de l’artère axil- Sur l’ensemble de la série, l’état final du trochiter condition-
laire, ont présenté une paralysie axillaire isolée sponta- nait de façon significative le score de Constant (tableau 2).
nément résolutive. Ces paralysies axillaires existaient
déjà en préopératoire et ont évolué favorablement Résultats selon le type d’implant
dans les deux cas.
Un patient (groupe prothèse « fracture ») a présenté Les deux groupes de patients opérés avec un implant
une infection profonde précoce, reprise chirurgicalement huméral « standard » et un implant « fracture » étaient
pour lavage et débridement à 2 semaines et dont les sui- statistiquement comparables, hormis en termes de recul.
Traitement des fractures de l’humérus proximal par prothèse 273

B
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Figure 5. Exemple de malposition postérieure du trochiter : le trochiter n’est visible qu’en rotation interne alors qu’il n’est plus visi-
ble en rotation neutre et rotation externe ; le scanner confirme une malposition postérieure du trochiter qui est pseudarthrosé.

Le type d’étude étant historique, le recul était forcément La figure 9 montre la répartition du sore de Constant
plus important dans le groupe standard (tableau 3). pour les deux groupes : on note des résultats hétérogè-
Au dernier recul, tous les items du score de Constant nes avec une répartition avec deux pics correspondant
étaient à l’avantage du groupe « fracture » sauf la force à des résultats très bons ou très mauvais pour les deux
(tableau 3). L’élévation antérieure active et la rotation types d’implant.
externe étaient significativement meilleures dans le
groupe « fracture » alors que pas la rotation interne Discussion
était identique (tableau 4).
La proportion de trochiters mal positionnés ou Malposition initiale et migration secondaire des tubé-
migrés était significativement plus importante dans le rosités constituent les deux principales causes d’échec
groupe « standard » (tableau 5). des prothèses implantées pour fracture de l’extrémité
274 M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU

de la métaphyse rend le placement et la synthèse du


trochiter ardus : un placement correct, en position
latérale par rapport à l’implant, force à latéraliser le
trochiter, à moins de l’évider du spongieux restant, ce
qui grève la consolidation et favorise par là même la
migration secondaire. Le positionnement du trochiter
est ainsi fait en arrière de la métaphyse prothétique,
ce qui entraîne une malposition postérieure. Le déve-
loppement d’un implant huméral spécifique pour les
fractures de l’humérus proximal a été réalisé dans le
but de permettre un positionnement plus anatomique
des tubérosités et une greffe osseuse afin d’obtenir une
consolidation plus sûre et plus constante du trochiter.
Le faible encombrement métaphysaire de l’implant
« fracture » permet ainsi un positionnement anatomi-
que plus aisé du trochiter et une greffe osseuse.
Notre étude permet de confirmer notre première
hypothèse : un implant huméral spécifiquement des-
siné pour les fractures permet d’améliorer significa-
tivement la position initiale et finale des tubérosités
ainsi que le résultat fonctionnel (score de Constant)
par rapport à un implant conventionnel. Le taux de
Figure 6. Exemple de positionnement anatomique du trochi- consolidation du trochiter était significativement
ter avec un implant « fracture ». En rotation neutre, le trochiter meilleur dans le groupe « fracture ». Nous insistons sur
est bien visible, sous la calotte prothétique (A). Le scanner de
contrôle montre une consolidation en bonne position du tro-
l’importance de la greffe osseuse latérale et au niveau
chiter (B et C). de la fenêtre. Malgré l’amélioration significative, il
subsiste des mauvais résultats tubérositaires avec l’im-
plant fracture. Ceci est probablement lié au fait que
32
le trochiter est souvent réduit à une fine pellicule d’os
21 et que malgré une greffe associée à une bonne suture
tubérositaire, des échecs de reconstruction avec migra-
tion du trochiter paraissent inévitables.
7
Notre étude permet de confirmer notre seconde
1
hypothèse : la comparaison entre les patients présen-
Aucune Douleur Douleur Douleur
tant une consolidation du trochiter en position ana-
douleur modérée importante sévère tomique et ceux présentant un trochiter consolidé en
(15) (10–14) (5–9) (0–4) position vicieuse ou non consolidée montre une dif-
Figure 7. Douleur au dernier recul selon le score de Constant. férence significative en termes de score de Constant.
Ceci confirme que le résultat anatomique conditionne

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le résultat fonctionnel. Malgré tout, l’étude de la répar-
Tableau 1
tition des patients en fonction du score de Constant
Score de Constant et âge
montre que les patients présentent des résultats en
Patients < 75 Patients ≥ 75 « tout ou rien », avec deux pics de population, l’un sur
ans (n = 42) ans (n = 19) un score médiocre et l’autre sur un bon score. Pour
les prothèses fractures, il existe un pic principal centré
Constant absolu 67/100 (30–95) 55/100 (30–83) sur un bon score, ceci confirmant une meilleure fiabi-
Constant pondéré 91 % (43–136) 85 % (48–130) lité du résultat obtenu avec l’utilisation d’un implant
spécifique.
Loew [36] a publié précédemment une étude compa-
supérieure de l’humérus [5–9,22]. L’excès de métal au rative similaire à la nôtre, à propos de 39 fractures. Les
niveau de la métaphyse des implants conventionnels implants évalués étaient les mêmes, avec 21 implants
explique probablement les mauvais résultats de la standard et 18 implants fracture. Les interventions
reconstruction du trochiter. En effet, l’encombrement étaient elles aussi réalisées par un seul chirurgien senior.
Traitement des fractures de l’humérus proximal par prothèse 275

61 prothèses

45 bons 16 malpositions initiales


positionnements du trochiter
initiaux du trochiter 8 postérieures (figure 8)
(figure 7) 5 inférieures (figure 9)
3 postérieures et
inférieures

5 migrations 6 migrations

21 trochiters mal positionnés


40 trochiters
consolidés en 17 cals vicieux
bonne position 4 cals vicieux avec pseudarthrose
66 %
34 %

Figure 8. Position initiale et finale du trochiter sur l’ensemble de la série.

Tableau 2 quer au moins en partie par un effectif et un recul plus


Score de Constant en fonction de la position finale du tro-
importants. D’autre part, l’ancillaire fracture, détermi-
chiter
nant précisément hauteur et rétroversion de l’implant,
Trochiter Trochiter p n’a pas été utilisé dans cette étude.
consolidé mal posi- Les résultats fonctionnels de notre série restent
en position tionné ou équivalents à ceux de la littérature, résumés dans le
anatomique pseudarth- tableau 6. Ils demeurent éloignés des résultats constam-
(n = 40) rosé (n = 21) ment bons obtenus avec les prothèses d’épaule implan-
tées pour arthrose. La comparaison entre les hommes
Constant 69 ± 15 54 ± 18 0,0004
absolu et les femmes a montré un score de Constant significa-
tivement meilleur pour les hommes.
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Constant 95 % 78,5 % 0,002 Notre étude n’est pas exempte de critiques, ne serait-ce
pondéré que parce qu’il s’agit d’une étude comparative rétrospec-
tive. Cependant, le faible nombre de patients opérés d’une
prothèse fracture par un seul chirurgien ne permettait pas
d’envisager une étude prospective. Le taux de révision de
Le recul était inférieur à notre série, avec un minimum 72 % de notre étude peut être considéré comme faible.
de 12 mois et une moyenne à 29 mois. L’analyse des Cependant, il s’explique d’une part par l’âge souvent élevé
résultats montrait, comme dans notre étude, un résultat au moment du traumatisme (6 patients décédés dans les
fonctionnel significativement meilleur chez les patients 2 ans postopératoires) et d’autre part, par la difficulté à
présentant une consolidation anatomique des tubéro- suivre les patients présentant une pathologie traumatique
sités. En revanche, la différence entre les deux groupes (16 patients perdus de vue avant 2 ans).
n’était pas significative pour la consolidation du trochiter L’expérience du chirurgien est bien sûr prépondé-
et le score de Constant. La différence trouvée entre les rante dans la qualité des résultats tant anatomiques
deux groupes d’implants dans notre série peut s’expli- que fonctionnels et peut constituer un biais de notre
276 M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU

Tableau 3
Épidémiologie des deux groupes

Implants « standard » (n = 31) Implants « fracture » (n = 30) p

Âge (ans) 67 (45–86) 66 (39–86) NS

Sexe 20♀/11♂ 18♀/12♂ NS

Type de fracture 28 fractures à 4 fragments 25 fractures à 4 fragments NS

1 fracture à 3 fragments 5 fractures-luxations

2 fractures-luxations

Délai opératoire (j) 7,5 (1–16) 8,5 (1–30) NS

Recul (mois) 81 (25–150) 45 (24–84) S

Tableau 4
Résultats fonctionnels selon le type d’implant

« Standard » (n = 31) « Fracture » (n = 30) p

Douleur (Constant) 11,9/15 (2–15) 13,2/15 (5–15) 0,037

Activité (Constant) 14,5/20 (7–20) 17/20 (8–20) 0,015

Mobilité (Constant) 26,5/40 (12–40) 31/40 (18–40) 0,023

Force (Constant) 6/25 (0–20) 7/25 (0–20) NS

Constant absolu 58 (30–95) 68 (42–95) 0,018

Constant pondéré 84 % (43–136) 93 % (54–130) 0,04

Élévation antérieure 113,5° (30–180) 136° (70–180) 0,023

Rotation externe 23° (0–60) 34° (0–60) 0,014

Rotation interne L3 (fesse–T7) L3 (fesse–T7) NS

Tableau 5
Positionnement du trochiter selon le type d’implant

Trochiter Implants « standard » (n = 31) Implants « fracture » (n = 30) p

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Malpositions initiales 15 cas (48 %) 1 cas (3 %) 0,002
(n = 16)
7 malpositions postérieures 1 malposition postérieure

5 malpositions inférieures

3 malpositions postérieures et inférieures

Migrations (n = 11) 7 cas (22,5 %) 4 cas (13 %) 0,04

5 migrations sur malposition initiale 3 migrations sur bon trochiter

2 migrations sur bon trochiter 1 migration sur malposition initiale

Malposition finale ± 17 cas (55 %) 4 cas (13 %) 0,002


pseudarthrose (n = 21)
14 malpositions finales 3 malpositions finales

3 malpositions avec pseudarthrose 1 malposition avec pseudarthrose


Traitement des fractures de l’humérus proximal par prothèse 277

14
Prothèse standard
12
Prothèse fracture
10

8
Effectif

0
0–10 10–20 20–30 30–40 40–50 50–60 60–70 70–80 80–90 90–100
–2
Figure 9. Répartition du score de Constant absolu
Score de constant selon le type d’implant.

Figure 10. Malposition postérieure


du trochiter. Le trochiter est visi-
ble en rotation interne (A : coude
au corps postopératoire immédiat).
En rotation externe, le trochiter dis-
paraît (B). Le scanner montre une
malposition postérieure du trochi-
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ter (C).

étude. Néanmoins, on peut considérer que l’opéra- les patients et d’analyser les résultats anatomoradio-
teur avait déjà fini sa courbe d’apprentissage au début logiques.
de cette étude puisqu’il a déjà rapporté au préalable En revanche, notre étude comporte des points forts.
ses résultats avec la prothèse de Neer dans les fractu- Afin de limiter au maximum les biais de l’étude, nous
res [6]. Cependant, on ne peut exclure un biais dans avons utilisé des critères d’inclusion très stricts : les
cette étude, constitué par l’expérience du chirurgien fractures étaient toutes isolées, récentes et n’avaient
qui continue à s’améliorer avec le temps. Il est connu pas bénéficié de chirurgie préalable ; tous les patients
que le fait qu’un opérateur soit aussi concepteur d’im- ont été opérés par le même chirurgien, avec la même
plants puisse biaiser les résultats d’une étude. Dans technique chirurgicale. Le recul minimum était le
notre étude, nous pensons avoir éliminé ce biais en même pour tous les patients : un minimum de 2 ans
demandant à deux chirurgiens indépendants de revoir est souhaitable pour juger du résultat fonctionnel
278 M. WINTER, A. CIKES, H. QUINTARD, M. CARLES, P. BOILEAU

Tableau 6
Comparaison des résultats de notre série avec ceux de la littérature

Effectif Âge Recul Satisfaction Épaules Constant Élévation Rotation Mauvais


moyen (mois) (%) doulou- absolu antérieure externe trochiter
(ans) reuses active (°) (°) (%)
(%)

Littérature 46 67,4 42 75,5 24 57,4 105,3 28,3 31

Notre 61 67 64 92 29 63 124,8 29 34
série

final [30,31]. Les deux groupes de patients étaient chirurgie. L’utilisation d’une instrumentation, systéma-
strictement comparables, sauf pour le recul qui était tique dans notre série, permet de régler précisément le
plus important dans le groupe « standard » mis à part positionnement de l’implant, de le réduire dans l’arti-
le recul plus important avec l’implant « standard ». culation pour vérifier l’absence d’erreur et au besoin de
Hormis les deux types d’implant différents, la techni- le modifier si l’on juge que la reconstruction des tubé-
que et les soins postopératoires étaient standardisés. rosités n’est pas anatomique. Une instrumentation per-
En conclusion, notre étude confirme que la qualité met aussi un cimentage facile, l’implant étant maintenu
de la reconstruction du trochiter dans le traitement des en place pendant cette étape. Les résultats de cette série
fractures de l’humérus proximal par prothèse d’épaule nous incitent à continuer dans cette voie et à utiliser un
constitue un élément clé du résultat fonctionnel. Une implant et une instrumentation spécifiques pour traiter
technique chirurgicale standardisée, réalisée par un les fractures déplacées et luxées de l’humérus proximal.
opérateur expérimenté utilisant un implant spécifique, L’expérience chirurgicale reste néanmoins prépondé-
permet d’optimiser et de fiabiliser les résultats de cette rante dans ces fractures difficiles et peu fréquentes.

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280 F. SIRVEAUX, ET AL.

Prothèse d’épaule inversée


dans les fractures de l’humérus
proximal. Technique et résultats
Reverse shoulder prosthesis for acute proximal
humeral fractures. Technique and results

F. SIRVEAUX, G. NAVEZ, O. ROCHE, D. MOLÉ

RÉSUMÉ SUMMARY
La principale cause d’échec des hémiarthroplasties pour fracture The main reason for failure of hemiarthroplasty for fracture is
est l’absence de consolidation des tubérosités qui rend la coiffe failure of the tuberosity healing leading the rotator cuff functio-
fonctionnellement inefficace. Compte tenu des bons résultats des nally deficient. Thus, it appears logical to use the reverse pros-
prothèses inversées dans les omarthroses avec rupture étendue de thesis in acute fracture of the elderly patients in order to improve
la coiffe des rotateurs, il est apparu logique de proposer ce type mobility despite lack of tuberosity healing. However, tuberosity
d’implant dans les fractures du sujet âgé de manière à restaurer healing is actually needed to restore active external rotation,
la mobilité même en l’absence de consolidation des tubérosités. even for the reverse prosthesis. The purpose of this article is to
Mais la coiffe postérieure joue un rôle essentiel dans la rotation report a specific surgical technique of the reverse for fracture
externe active, et la consolidation des tubérosités est donc néces- and to analyse the previous published series. Considering the
saire y compris avec une prothèse inversée. Les auteurs décrivent short follow-up and the risk of complications, the reverse pros-
une technique spécifique de fixation des tubérosités adaptée à thesis should be indicated only for fractures in elderly patients
la prothèse inversée et rapportent les résultats des différentes who present local and general risk factors for bad results by
séries de la littérature. Compte tenu du risque de complications using an hemiarthroplasty.
et du problème du devenir à long terme de ce type d’implant, la
prothèse inversée doit être réservée aux fractures du sujet âgé Key words: Shoulder. – Fracture. – Proximal humerus. – Reverse
lorsque les conditions locales et générales ne sont pas favorables prosthesis.
à l’implantation d’une hémiarthroplastie.

Mots clés : Épaule. – Fracture. – Humérus proximal. – Prothèse


inversée.

Introduction par Grammont au début de son expérience (22 cas


entre 1989 et 1993), mais les résultats n’avaient pas
La prothèse totale d’épaule inversée (PTEI) est deve- été publiés [19]. Dans les fractures complexes et dépla-
nue, au cours des dix dernières années, l’implant de cées de l’extrémité de l’humérus proximal, le risque de
référence dans les arthropathies de l’épaule à coiffe nécrose et les complications de l’ostéosynthèse justi-
détruite. Plusieurs études ont maintenant démontré fient le recours à un remplacement prothétique chez
que ce type d’implant semi-contraint permet de récu- les sujets âgés. Cependant, l’indication d’un rempla-
pérer une élévation active en l’absence de coiffe des cement prothétique pour une fracture de l’extrémité
rotateurs efficace dans les omarthroses excentrées ou proximale de l’humérus doit toujours être mise en
après résection pour tumeur [7,8,17,19,26,27]. Son balance avec les avantages et les inconvénients d’un
utilisation, dans les fractures, avait déjà été proposée traitement orthopédique [9,11]. La plupart des séries

Prothèses d’épaule. État actuel


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Prothèse d’épaule inversée dans les fractures de l’humérus proximal 281

rapportant les résultats d’hémiarthroplastie pour frac- utile, compte tenu de la limitation de la rotation interne
ture montrent que la principale complication est la souvent constatée après prothèse inversée. Dans tous
perte de fonction de la coiffe des rotateurs liée à une les cas, une évaluation neurologique précise doit per-
migration ou à un défaut de consolidation des tubéro- mettre d’éliminer une lésion du nerf axillaire. Le bilan
sités [2,16]. Ce défaut de consolidation des tubérosités radiographique standard doit comporter une incidence
entraîne des douleurs et une perte de mobilité souvent de face et de profil et un scanner sans injection. Le scan-
mal tolérées, même chez les sujets âgés. La prothèse ner permet de préciser le type de déplacement, l’état des
inversée peut théoriquement permettre au patient tubérosités et, indirectement, l’état de la coiffe par l’éva-
de récupérer une mobilité en élévation, même si les luation de l’infiltration graisseuse des muscles [10,20].
tubérosités n’ont pas consolidé. De plus, la prothèse En fait, les lésions de la coiffe en présence d’une frac-
inversée a montré son intérêt dans la reprise des échecs ture sont rares : entre 0 et 5 % [18,23,24]. Le scanner
d’hémiarthroplastie pour fracture [6,12,15,22]. est indispensable pour analyser l’état du stock osseux
glénoïdien et programmer le positionnement de l’em-
Indications et contre-indications base glénoïdienne au moment de l’intervention. Des
radiographies millimétrées des deux humérus en entier
Classiquement, les principales indications des remplace- peuvent être utiles pour planifier le positionnement de
ments prothétiques pour fracture sont les fractures à qua- la prothèse en hauteur, en particulier lorsqu’il existe
tre fragments déplacées, avec ou sans luxation de la tête, une comminution métaphysaire associée.
les fractures de la tête humérale emportant plus de 40 %
de la surface articulaire, et dans certains cas, les fractu-
res à trois fragments, avec un déplacement important et Technique opératoire
un os ostéoporotique. L’utilisation de la prothèse inver- Voies d’abord
sée peut se justifier chez les patients âgés qui présentent
des facteurs pronostiques de mauvais résultats avec une Les voies d’abord supérolatérale ou deltopectorale peu-
hémiarthroplastie : âge supérieur à 75 ans, comorbidité vent être utilisées. Le risque de luxation est plus élevé
associée, mauvais état des tubérosités, lésions préopéra- par voie d’abord deltopectorale [21]. Ce risque est plus
toires de la coiffe des rotateurs ou impossibilité de sup- important en cas de fracture en raison de l’hématome
porter une immobilisation prolongée et un programme et des fractures des tubérosités ne permettant plus
de rééducation spécifique [1,2,16,24]. d’avoir de repère épiphysaire. Dans les cas de fracture,
La prothèse totale d’épaule inversée est contre- nous préférons la voie d’abord supérolatérale. La voie
indiquée chez les patients jeunes et actifs, en dehors d’abord deltopectorale est utile s’il existe une extension
de situations exceptionnelles de sauvetage, en cas de la fracture au niveau de la diaphyse imposant une
d’infection ou d’atteinte du nerf axillaire. Son implan- ostéosynthèse complémentaire ou des cerclages.
tation est possible lorsqu’il existe un stock osseux Le patient est placé en position demi-assise. L’incision
glénoïdien suffisant qui doit être évalué précisément supérolatérale débute à hauteur de l’acromioclavicu-
en préopératoire par scanner. Compte tenu du risque laire, suit le bord antérieur de l’acromion et ne doit pas
particulier d’hématome après mise en place d’une pro- s’étendre à plus de 4 cm du bord latéral de l’acromion
thèse inversée du fait de l’espace mort sous l’acromion, compte tenu de la présence du nerf axillaire (figure 1A).
il est pour nous préférable d’attendre 2 à 3 jours avant Le deltoïde antérieur est détaché de l’acromion et un
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la mise en place de la prothèse pour diminuer les sai- écarteur est placé dans l’espace sous-acromial (figure 1B).
gnements peropératoires. L’hématome fracturaire est évacué. Au besoin, une
acromioplastie peut être réalisée pour faciliter l’expo-
Évaluation préopératoire sition en cas d’acromion débordant en avant. Si la voie
d’abord doit être étendue en bas, il est alors indispensa-
L’évaluation préopératoire des antécédents et de l’état ble de repérer et d’isoler le nerf axillaire au travers des
clinique du patient est très importante. Compte tenu fibres du deltoïde [30].
de l’âge des patients, il est important d’évaluer l’état Le temps suivant consiste à identifier les fragments
de santé général du patient et de détecter et traiter les osseux. L’intervalle des rotateurs est ouvert dans l’axe
comorbidités associées pouvant contre-indiquer une du trait de fracture qui sépare les tubérosités, le plus
anesthésie. La programmation du geste opératoire doit souvent en dehors de la coulisse bicipitale. Une téno-
tenir compte des éventuelles fractures associées, fré- tomie du biceps est réalisée de façon systématique.
quentes à cet âge (fracture du col du fémur, fracture du L’intervalle entre le supraépineux et l’infraépineux est
radius, etc.). L’évaluation de l’épaule controlatérale est identifié et ouvert, de manière à libérer complètement
282 F. SIRVEAUX, ET AL.

Figure 1. A. Voie d’abord supérolatérale. B. Discision des fibres et désinsertion du deltoïde antérieur.

le tendon du supraépineux qui est réséqué en totalité Préparation glénoïdienne


au bistouri électrique, jusqu’à la jonction tendinomus-
culaire, à hauteur de la glène (figure 2). Les tubérosités Les tubérosités étant écartées, l’exposition de la glène
sont repérées, écartées en avant et en arrière et la tête est facilitée par une traction légère, dans l’axe de la
est réséquée (figure 3). En arrière, le tubercule majeur diaphyse (figure 5). Un écarteur fourchu positionné
est mobilisé avec l’insertion de l’infraépineux et du au bord inférieur de la glène. La glène est préparée
petit rond. Quatre fils tressés non résorbables sont pas- de façon classique en repérant, sur le scanner préopé-
sés à la jonction tendon–os au niveau de l’infraépineux ratoire, l’emplacement idéal du plot. L’embase glénoï-
et du petit rond (figure 4A). Le tubercule majeur est dienne doit affleurer le bord inférieur de la glène et
ensuite rétracté en arrière à un écarteur contre-coudée. être positionnée, autant que possible, avec 10° d’incli-
En avant, deux fils de traction sont placés au travers de naison vers le bas. L’embase glénoïdienne sans ciment
la jonction os–tendon du subscapulaire (figure 4B). est impactée [14,25,28].

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Figure 2. Exposition du foyer de fracture et résection du Figure 3. Aspect du site opératoire après exérèse de la tête
supraépineux. humérale.
Prothèse d’épaule inversée dans les fractures de l’humérus proximal 283

Figure 4. A. Passage des fils à la jonction tendon–os du tubercule majeur. B. Passage des fils de traction au niveau du tuber-
cule mineur.

des radiographies préopératoires. Après réduction, la


prothèse doit être stable avant toute fixation des tubé-
rosités. La hauteur doit être suffisante pour rétablir la
tension du deltoïde et du tendon conjoint. Cependant,
étant donné l’atonie post-traumatique du deltoïde, le
risque est de surtendre le deltoïde.
L’un des avantages de la prothèse inversée est de
pouvoir utiliser des hauteurs de polyéthylène varia-
bles de manière à adapter la tension aux conditions
locales. En cas de fracture étendue à la diaphyse,
une tige longue doit être utilisée, associée à des
cerclages.

Implantation finale et fixation


Figure 5. Exposition de la glène en écartant les tubérosités. des tubérosités
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Après ablation de l’implant d’essai, l’implant définitif


Préparation humérale et essai peut être mis en place. Nous recommandons l’utili-
sation d’un implant hybride avec une tige cimentée
Pour faciliter l’exposition humérale, le membre est et une portion proximale non cimentée et recouverte
placé en extension et en adduction. La métaphyse et d’hydroxyapatite pour favoriser la consolidation des
la diaphyse sont préparées avec des alésoirs de taille tubérosités. L’implant final est cimenté à la hauteur
croissante, jusqu’à obtenir un contact cortical. Deux définie avec 20° de rétroversion. Pour augmenter la
orifices sont réalisés au niveau de la diaphyse pour pas- tenue des fils passés au niveau de la diaphyse, nous
ser deux fils non résorbables qui serviront à la stabili- recommandons de placer une suture autour de la tige
sation des tubérosités en fin d’intervention. L’implant prothétique avant de la descendre dans la diaphyse,
d’essai est mis en place avec 20° de rétroversion. Une en particulier chez les patients âgés. La prothèse est
rétroversion de 20° est justifiée compte tenu du risque ensuite réduite après avoir réalisé éventuellement un
de luxation. La hauteur de la prothèse est adaptée en nouvel essai, permettant de définir la hauteur définitive
fonction de la perte de substance osseuse proximale et du polyéthylène. On passe les quatre fils provenant du
284 F. SIRVEAUX, ET AL.

tubercule majeur autour du col de la prothèse avant nent les tubérosités autour de la prothèse. On com-
réduction. La technique de fixation des tubérosités est plète la fixation en utilisant les fils passés au travers
la même que celle décrite par Boileau et al. pour les de la diaphyse, passés à la jonction tendon–os pour
hémiarthroplasties [3]. Après réduction, le tubercule réaliser deux haubans (verticaux) (figure 8). Du fait
majeur est mobilisé et réduit temporairement autour de la médialisation de l’humérus proximal et de la
de la prothèse. Deux fils sont utilisés pour assurer résection du supraépineux, les tensions sur la coiffe
la fixation première du tubercule majeur autour de sont diminuées. La stabilité des tubérosités est testée
la prothèse (figure 6 A,B). Il est capital de réaliser la en fin d’intervention. Compte tenu du risque d’héma-
synthèse du trochiter par deux cerclages en plaçant le tome, il est important de mettre en place un drainage
bras en rotation neutre. Compte tenu de l’encombre- aspiratif dans l’espace sous-acromial pour 48 heures.
ment de la prothèse, il n’est pas nécessaire de réaliser Le deltoïde est ensuite réinséré par des points tran-
un complément de greffe. Les fils restants sont passés sosseux non résorbables au travers de l’acromion, en
autour du tubercule mineur et serrés à la face latérale veillant à prendre l’aponévrose superficielle et pro-
(figure 7 A,B). Les 4 cerclages horizontaux maintien- fonde du deltoïde [25].

Figure 6. A. Vue latérale, fixation du tubercule majeur autour de la pro-


thèse par deux cerclages horizontaux. B. Vue axiale, les deux autres fils
sont passés dans le subscapularis, à la jonction tendon–os du tubercule
mineur.

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Figure 7. Les deux tubérosités sont fixées autour du col de la prothèse par
4 cerclages horizontaux. A. Vue latérale. B. Vue axiale.
Prothèse d’épaule inversée dans les fractures de l’humérus proximal 285

thèse que dans 5 cas. Cinq complications étaient rap-


portées : une luxation et une infection (ayant conduit
à une reprise de la prothèse dans les 2 cas), et 2 cas
d’algodystrophie. Le score moyen de Constant était de
60 points avec une élévation antérieure active supéri-
eure à 120° dans tous les cas, sauf pour les 2 cas ayant
justifié une reprise. Dans cette série, les auteurs ont
montré que la récupération de la rotation externe
active était meilleure lorsque les tubérosités avaient été
refixées. Les auteurs notaient l’existence d’une encoche
au niveau du pilier de l’omoplate dans 69 % des cas et
un cas de descellement de l’embase glénoïdienne.
Bufquin et al. [4] ont rapporté une série importante de
prothèses inversées pour fracture (43 cas dont 40 revus
avec un âge moyen de 78 ans). Dans 11 % des cas, il exis-
tait des fractures associées. La voie supérolatérale avait été
utilisée dans 20 cas et la voie deltopectorale dans 23 cas.
Les tubérosités avaient été fixées autour de la prothèse
dans tous les cas. La prothèse était non cimentée dans
37 cas. Dans 15 cas, les auteurs avaient utilisé un rehaus-
Figure 8. Aspect final de la fixation des tubérosités après mise seur proximal compte tenu de phénomènes d’instabilité.
en place des haubans verticaux.
Dans cette série, les auteurs recommandent l’implantation
de la prothèse humérale en rotation neutre. Le taux de
complications est de 28 % : une fracture peropératoire de
Suites postopératoires la glène, 5 atteintes neurologiques transitoires, une frac-
ture de l’acromion, une luxation, une rupture secondaire
Du fait du risque de luxation initiale, le membre doit du deltoïde et 3 cas d’algodystrophie. Au recul moyen
être maintenu en position coude au corps en évitant l’hy- de 22 mois (6–58), l’élévation antérieure active moyenne
perextension lors de la position couchée par la mise en était de 97°. Le score de Constant était en moyenne de
place d’un coussin en arrière du coude. L’immobilisation 44 points, et la rotation externe active moyenne en abduc-
est ensuite allégée au profit d’une écharpe simple qui tion était de 30°. Les résultats apparaissaient moins bons
permet de débuter la rééducation passive, en évitant chez les patients de plus de 75 ans, et la récupération de
la mobilisation active contre résistance pendant les six la rotation externe active était meilleure lorsque la conso-
premières semaines pour favoriser la consolidation des lidation des tubérosités avait été obtenue. Dans 53 % des
tubérosités et éviter leur migration. cas, le contrôle radiographique montrait un déplacement
secondaire des tubérosités avec des ossifications péripro-
Résultats thétiques dans 90 % des cas.
Dans une étude multicentrique prospective de 15 cas
Dans une étude prospective préliminaire, les patients revus avec un recul de plus de 2 ans (âge moyen 78 ans)
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traités par prothèse inversée pour fracture de l’extré- [29], au recul moyen de 46 mois, nous avions retrouvé
mité proximale de l’humérus obtenaient une élévation un score de Constant moyen de 55 points avec une
moyenne de 113° [28]. Globalement, les résultats élévation antérieure active moyenne de 107° et une
apparaissaient moins bons que ceux rapportés avec rotation externe moyenne de 10°. Dans cette série,
la prothèse inversée dans les omarthroses excentrées. la récupération de la rotation externe active avait été
La récupération de la mobilité en élévation est pos- possible lorsque les tubérosités étaient consolidées,
sible même s’il existe une consolidation incomplète mais le nombre de cas inclus ne permettait pas de met-
des tubérosités, alors qu’un défaut de consolidation tre en évidence de différence statistiquement significa-
des tubérosités conduit à une limitation majeure des tive. Comparés à une série de patients porteurs d’une
amplitudes avec une hémiarthroplastie. hémiarthroplastie pour la même indication, les résul-
En 2006, Cazeneuve et al. [5] ont rapporté une série tats n’apparaissaient pas significativement différents,
de 23 cas dont 16 avaient été revus avec un recul moyen mais la répartition des résultats était différente en fonc-
de 86 mois. L’âge moyen des patients était de 75 ans tion de la prothèse utilisée. Avec la prothèse inversée,
(58–90). La prothèse avait été cimentée dans tous les cas un seul patient avait une élévation inférieure à 90°,
et les tubérosités n’avaient été fixées autour de la pro- mais l’élévation active n’excédait jamais 150°, alors
286 F. SIRVEAUX, ET AL.

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Figure 9. Fracture céphalotubérositaires complexe. A–C. Radiographies
à un an de recul de face et de profil avec consolidation des tubérosi-
tés. D–G. Résultats cliniques avec récupération de la rotation externe
active. G

qu’avec l’hémiarthroplastie, 11 % des patients avaient inversée permettait d’obtenir une récupération de la
une élévation supérieure à 150°, mais 50 % avaient rotation externe active et de diminuer la fréquence
moins de 90° d’élévation. Si on considérait, avec les des signes du clairon postopératoires avec la prothèse
deux prothèses, les cas où les tubérosités n’avaient pas inversée (figure 9).
consolidé, les résultats apparaissaient meilleurs avec la La prothèse inversée peut être considérée comme une
prothèse inversée (55 points contre 41 points avec une alternative à l’hémiarthroplastie chez le sujet âgé. Elle
hémiarthroplastie). Cette étude montrait qu’une répa- permet d’espérer une récupération de la mobilité en
ration rigoureuse des tubérosités avec une prothèse élévation même si les tubérosités n’ont pas consolidé.
Prothèse d’épaule inversée dans les fractures de l’humérus proximal 287

Cependant, la consolidation des tubérosités reste néces- Conclusion


saire pour obtenir une récupération de la mobilité en
rotation externe active. L’indication de prothèse totale d’épaule inversée dans
Les résultats des prothèses d’épaule inversées dans les fractures de l’humérus proximal doit être discutée
les fractures sont influencés par des facteurs tech- lorsque le patient présente des facteurs défavorables
niques. Il faut toujours tenir compte du risque de pour obtenir la consolidation des tubérosités avec une
complications liées à l’utilisation de cette prothèse, hémiarthroplastie. Le choix entre ces deux implants doit
qui peuvent compromettre la fonction de l’épaule et être dicté par une analyse rigoureuse des avantages et
l’autonomie des patients. De plus, les résultats à long des inconvénients de chaque type d’implant. Dans l’ave-
terme des prothèses inversées montrent des risques de nir, on peut espérer que le développement de prothèses
dégradation du résultat au-delà de 7 ans, avec une sur- inversées adaptées aux fractures avec un dessin favori-
vie des implants à long terme moins bonne que dans sant le positionnement et la consolidation des tubérosités
les omarthroses excentrées, comme cela était rapporté puisse améliorer les résultats, comme cela a été constaté
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289

Séquelles de fractures de l’humérus


proximal : résultats des prothèses
d’épaule type Neer
Proximal humerus fracture sequelae:
results of the Neer prosthesis

P. MANSAT, N. BONNEVIALLE, Y. BELLUMORE, M. MANSAT

RÉSUMÉ SUMMARY
Les prothèses d’épaule anatomiques pour le traitement des Shoulder arthroplasty for management of posttraumatic com-
séquelles des fractures de l’humérus proximal sont des interven- plications of fracture of the proximal humerus is a technically
tions techniquement difficiles à réaliser, avec des résultats sou- demanding procedure with unpredictable results. The high rate
vent imprévisibles. Le taux élevé de complications est souvent lié of complications is often related to technical difficulties, scar-
aux difficultés techniques, aux lésions cicatricielles du deltoïde, red deltoid, adhesions of rotator cuff tendons and malunion of
aux adhérences des tendons de la coiffe des rotateurs et aux cals the tuberosities. Greater tuberosity osteotomy must be avoided
vicieux de l’humérus proximal. L’ostéotomie des tubérosités doit when possible even if there is a distorted proximal humerus. If
être évitée lorsque cela est possible, même en présence d’une dis- there is no impingement because of the tuberosity malunion,
torsion de l’humérus proximal. Lorsqu’il n’existe pas de conflit lié the shoulder arthroplasty must be adapted to the proximal
au cal vicieux tubérositaire, la prothèse d’épaule doit être adaptée humerus. The postoperative rehabilitation program is modified
à l’humérus proximal. Le programme de rééducation postopéra- according to surgical findings and the technique that has been
toire doit être adapté en fonction des constatations opératoires employed.
et de la technique chirurgicale utilisée.

Mots clés : Prothèse. – Épaule. – Arthrose. – Cal vicieux. Key words: Shoulder. – Arthroplasty. – Osteoarthritis. – Malunion.

Introduction d’arthroplastie les plus difficiles, avec le plus souvent


des résultats imprévisibles et un taux élevé de compli-
Le traitement des fractures complexes ou des fractu- cations [6,24].
res-luxations de l’humérus proximal représente un Les résultats globaux des prothèses de l’épaule chez
véritable challenge thérapeutique. Les cals vicieux, les les patients présentant des séquelles traumatiques au
ostéonécroses ou les pseudarthroses sont des complica- niveau de l’humérus sont moins bons que ceux obtenus
tions fréquentes, associées le plus souvent à une incon- dans le cadre d’une omarthrose primitive, ou d’une frac-
gruence articulaire [3,10,21]. Les patients peuvent être ture à quatre fragments de l’humérus proximal traitée
particulièrement handicapés, avec des douleurs impor- par remplacement prothétique [8,6,19]. Peu d’études
tantes, une raideur et une perte de la fonction plus ou ont été consacrées aux résultats des prothèses d’épaule
moins importante. pour le traitement des séquelles traumatiques des frac-
Le traitement par prothèse des raideurs de l’épaule tures de l’humérus proximal [1,3–5,10–13,19,21–23].
associées à une déformation de l’humérus proximal, Nous rapportons ici notre expérience des prothèses
avec une atteinte des parties molles périarticulaires, d’épaule non contrainte de type Neer dans le traite-
des lésions cicatricielles du deltoïde, voire des ruptu- ment de ces séquelles traumatiques. Nous discuterons
res de la coiffe des rotateurs représente les techniques principalement de la planification préopératoire, de la

Prothèses d’épaule. État actuel


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290 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE, Y. BELLUMORE, M. MANSAT

technique chirurgicale, des résultats cliniques et radio- degré de version humérale et de version glénoïdienne
graphiques et des facteurs pronostiques. [17]. Les radiographies au recul ont permis d’évaluer
l’existence de liserés périprothétiques, la position des
implants, ainsi que la présence d’ossifications péri-
Expérience clinique prothétiques. L’usure glénoïdienne était jugée comme
concentrique ou excentrique sur le profil axillaire
Vingt-huit patients opérés d’une prothèse d’épaule [14]. Dans 18 cas, la glène était considérée comme
pour le traitement d’une arthrose post-traumatique concentrique (type A d’après Badet et Walch [2])
avec un recul minimum de 2 ans ont pu être suivis et dans 10 cas comme excentrique (type B1 d’après
et revus pour cette étude. Il s’agissait de 9 hommes et Badet et Walch [2]).
19 femmes. Le côté dominant était atteint 15 fois.
L’âge moyen de cette population au moment de l’inter-
vention était de 61 ans (36 à 79 ans). Le traumatisme Technique chirurgicale
initial était : une fracture à trois fragments de l’humé-
rus proximal dans 10 cas, et une fracture à quatre frag- Notre technique était identique à celle décrite par
ments dans 7 cas. Dans 11 cas, la nature de la fracture Neer [20]. Une prothèse totale d’épaule a été mise
initiale n’a pas pu être identifiée. Ces fractures avaient en place dans 8 cas, et une hémiarthroplastie dans
été traitées de manière non chirurgicale dans 11 cas, et 20 cas. Pour 15 patients, il s’agissait d’une prothèse
de manière chirurgicale dans 17 cas. Il s’agissait d’une Neer II® (3M™, Saint-Paul, Minnesota) dont 7 tota-
réduction par manœuvres externes avec embrochage les et 8 hémiarthroplasties, et pour 13 patients, une
centromédullaire [12] dans 9 cas, d’une réduction à prothèse Modular Shoulder® (3M™) dont 1 totale et
foyer ouvert avec ostéosynthèse dans 6 cas, et dans 12 hémiarthroplasties. L’implant huméral était cimenté
2 cas, la technique utilisée était inconnue. Les séquelles dans tous les cas. L’implant glénoïdien était un implant
étaient représentées au niveau de l’humérus proximal à quille en polyéthylène cimenté dans tous les cas.
par : une arthrose glénohumérale sans déformation Un abord deltopectoral a été utilisé dans tous les cas
de l’extrémité proximale de l’humérus dans 11 cas, sauf 1, où l’incision supérieure initiale a été reprise.
une ostéonécrose secondaire dans 7 cas, une arthrose Le deltoïde était normal dans 26 cas et atrophique
avec pseudarthrose dans 2 cas, et une arthrose avec dans 2 cas. La désinsertion du deltoïde de l’acromion
cal vicieux de l’humérus proximal dans 8 cas. Le délai n’a pas été nécessaire dans cette série. Le tendon du
entre la fracture initiale et la mise en place de l’arthro- subscapulaire était normal dans 17 cas, et cicatri-
plastie était de 96 mois en moyenne (extrêmes : 12 et ciel dans 11 cas. Pour restaurer une rotation externe
360 mois). Les patients présentaient une symptoma- fonctionnelle, la capsule était libérée tout autour
tologie douloureuse depuis 32 mois (extrêmes : 6 et de la glène, et le subscapulaire était libéré du col de
120 mois) avant la mise en place de la prothèse. l’omoplate dans 17 cas. Dans 3 cas, un allongement
en Z du tendon du subscapulaire a été nécessaire. Les
tendons de la coiffe étaient normaux chez 20 patients
Évaluation clinique et radiologique et rompus chez 8. Il s’agissait de 5 lésions isolées du
supraépineux et 3 lésions associées du supra- et de
Les patients ont été évalués en postopératoire avec le l’infraépineux. La coiffe a été réparée de manière

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score de Constant [9] et les critères de Neer [8,19]. hermétique dans 3 cas de lésions du supraépineux,
Des radiographies préopératoires, postopératoires alors qu’une réparation partielle a pu seulement être
immédiates et au plus long recul ont été effectuées effectuée pour 1 cas de lésion isolée du supraépineux
pour l’ensemble des patients. Quatre incidences ont avec cal vicieux du trochiter, et dans 3 cas de lésions
été effectuées : un profil axillaire, une épaule de face associées postérosupérieures. Chez un patient, un
en rotation externe, en rotation interne, et en rotation avancement du subscapulaire [7] a été utilisé pour
neutre. Vingt des 28 patients ont bénéficié d’un bilan le traitement d’une lésion étendue du supraépineux.
tomodensitométrique préopératoire à la recherche La capsule et le tendon du subscapulaire étaient inci-
d’une incongruence articulaire entre la tête humérale sés en un même plan. Le tendon du biceps était nor-
et la glène, pour préciser l’existence de cals vicieux, mal dans 18 cas, pathologique dans 9 cas, et rompu
et pour préciser la qualité et la quantité du capital dans 1 cas. Une ténodèse a été effectuée dans 6 cas.
osseux. Dans 6 cas, une reconstruction 3D a permis Une ostéotomie des tubérosités a été réalisée dans
de mieux évaluer l’axe anatomique de l’humérus et le 3 cas de cals vicieux pour réinsérer les tubérosités
Séquelles de fractures de l’humérus proximal 291

en meilleure position autour de la tige humérale, en Analyse statistique


prenant soin de garder suffisamment d’os attaché à
la coiffe des rotateurs pour permettre une fixation Une analyse statistique a été réalisée avec le logiciel
solide. La fixation des tubérosités était effectuée Statis®, permettant d’analyser chaque variable de
avec du fil non résorbable n° 5 selon deux façons : manière séparée, puis de rechercher des corrélations
horizontale-transverse intertubérositaire, et verticale entre elles. Un simple test de régression a été également
diaphysotubérositaire. Avant le repositionnement des utilisé pour définir les différentes existantes entre les
tubérosités, des fragments d’os spongieux provenant valeurs pré- et postopératoires. Les corrélations entre
de la tête humérale étaient interposés entre l’implant chaque variable ont été définies en utilisant un test de
et les tubérosités. Les tubérosités étaient réinsérées régression ou un test de Student.
sur les ailerons latéraux de la prothèse, puis fixées
entre elles, avant d’être solidarisées à la diaphyse.
L’intervalle de la coiffe était alors fermé. Résultats fonctionnels
Les résultats de cette série ont été évalués avec un recul
Prise en charge postopératoire moyen de 47 mois (extrêmes : 24 et 158 mois) et déjà
rapportés [18]. Selon le score de Neer [19], un excel-
Le bras était immobilisé dans une simple écharpe lent résultat a été obtenu dans 7 cas, un résultat satis-
coude au corps pendant 6 semaines. Dans les 3 cas où faisant dans 11 cas, et dans 10 cas, il s’agissait d’un
une ostéotomie des tubérosités a été réalisée, un cous- résultat non satisfaisant. Neuf patients étaient très
sin d’abduction a été préféré. Au 3e jour postopéra- satisfaits de leur intervention, 12 étaient satisfaits et
toire, une mobilisation passive de l’épaule a toutefois 5 n’ont trouvé aucune amélioration ou une améliora-
été débutée. Ce programme a suivi les principes décrits tion minime (figure 1).
par Neer [20]. Le délai pour débuter la mobilisation Selon les critères de Constant, 24 patients (85 %) ne
active de l’épaule dépendait de l’étiologie, de la réali- présentaient plus de douleur ou qu’une douleur minime.
sation ou non d’une ostéotomie des tubérosités, et de Quatorze patients étaient capables d’utiliser leur mem-
la qualité des tendons de la coiffe des rotateurs. Après bre supérieur au niveau de l’épaule, et 7 pouvaient l’uti-
8 j d’hospitalisation en moyenne, la rééducation était liser au-dessus. Neuf patients n’avaient plus de douleur
poursuivie dans un centre spécialisé pour 25 patients, nocturne, et 8 n’avaient qu’une gêne minime. Le score
alors que dans 3 cas, les patients ont réalisé leur pour la douleur était amélioré de manière significative
rééducation en ambulatoire. La durée moyenne en pour passer de 1,8 points (extrêmes : 0 à 10) en préopé-
centre de rééducation était de 45 j. La durée moyenne ratoire à 11 points (extrêmes : 5 à 15) en postopératoire
de la rééducation était de 6,7 mois. (p < 0,001). Le niveau d’activité progressait également
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A B C D

Figure 1. Résultats radiographiques d’une fracture à quatre fragments impactée en valgus traitée de manière chirurgicale chez un
patient de 71 ans. A. Vue de face de la fracture. B. Vue de face après traitement chirurgical. C. Deux ans plus tard, il existe un cal
vicieux de l’humérus proximal avec ostéonécrose. D. Mise en place d’une prothèse humérale sans ostéotomie tubérositaire avec, à
5 ans, un excellent résultat d’après Neer et un score de Constant pondéré de 99 %.
292 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE, Y. BELLUMORE, M. MANSAT

de 6,2 (extrêmes : 4 à 10) à 14 points (extrêmes : 4 à moaxés, alors que l’implant était en valgus dans 4 cas,
20) en postopératoire (p < 0,001). La mobilité progres- et en varus dans 5 cas. La distance moyenne (D) entre
sait de 11 (extrêmes : 4 à 16) à 23 points (extrêmes : 2 à la tangente au bord supérieur de la tête humérale et
40) [p < 0,001]. L’élévation antérieure active passait de la partie supérolatérale du trochiter était de 6,7 mm.
71 (extrêmes : 30 à 90°) à 107° (extrêmes : 40 à 180°) Dans 3 cas, le trochiter était au-dessus de la ligne pas-
[p < 0,01]. La rotation externe mesurée coude au corps sant par le pôle supérieur de la tête humérale. Pour ces
progressait de – 8 (extrêmes : – 60 à 20°) à 20° (extrê- 3 patients, les résultats étaient excellents dans 1 cas,
mes : – 15 à 70°) [p < 0,01]. Enfin la rotation interne, satisfaisants dans 1 cas, et non satisfaisants dans
mesurée main dans le dos, passait du sacrum (extrê- 1 cas. Dans notre série, la position du trochiter n’a pas
mes : grand trochanter à L1) à la 3e vertèbre lombaire influencé le résultat final (p > 0,05). La distance acro-
(extrêmes : trochanter à T7). miohumérale (AH) était de 7 mm en moyenne (de 0 à
La force musculaire mesurée chez 14 patients à l’aide 13 mm). Quinze patients présentaient une distance AH
d’un instrument dynamométrique était estimée à 5,2 kg de moins de 8 mm. Cette distance était corrélée avec
en moyenne (extrêmes : 0 à 14,6 kg). l’activité postopératoire (p < 0,01), la mobilité post-
Le score de Constant postopératoire calculé chez les opératoire (p < 0,05) et l’élévation antérieure postopé-
14 patients ayant bénéficié de la mesure de la force était ratoire (p < 0,01). Le déport latéral de l’humérus était
de 54 points sur 100 (extrêmes : 17 à 83,6). Avec la en moyenne de 24,3 mm (de 21 à 28). Ces paramètres
pondération par âge et le sexe, le score atteignait 72 % n’avaient aucune influence sur le résultat final. Le bras
(extrêmes : 24 à 117 %). de levier du trochiter était en moyenne de 8,5 mm (de
4 à 24). Aucune corrélation n’a été retrouvée entre ce
paramètre et le résultat final.
Résultats radiographiques Des liserés autour de l’implant huméral ont été retrou-
vés dans 8 cas. Ils étaient dans tous les cas incomplets
Des ossifications périprothétiques étaient présentes et se situaient principalement sous la tête humérale.
dans 11 cas. Il s’agissait d’ossifications minimes dans Dans 3 cas, il existait des liserés autour de l’implant
6 cas, prédominant sur le versant huméral dans 3 cas, glénoïdien. Le liséré était complet dans 1 cas, et incom-
et du côté de l’omoplate dans 2 cas. Aucune corréla- plet dans 2 cas. Dans tous les cas, il s’agissait de liserés
tion n’a été retrouvée entre la présence de ces ossifica- dont la taille était inférieure ou égale à 1 mm mais non
tions et le résultat final. évolutifs. Dans notre étude, aucun cas de migration ou
La position de l’implant a été analysée par la mesure de descellement de l’implant n’a été noté.
de différents paramètres sur un cliché de face en rota-
tion neutre (tableau 1). Dix-neuf implants étaient nor-
Complications
Il n’y a pas eu de complication peropératoire dans cette
Tableau 1
série. Une reprise chirurgicale a été nécessaire pour le
Évaluation radiographique du composant huméral
traitement d’une infection profonde tardive 2 ans après
Mesures radiographiques Résultats (n = 28) la chirurgie initiale. Aucun point d’entrée n’avait été
retrouvé et la reprise chirurgicale a consisté en l’abla-

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Distance (D) [mm] 6,7 tion de la prothèse et en une résection-arthroplastique.
Distance acromiohumérale 7
(AHD) [mm]

Déport latéral (LHO) [mm] 24,3 Facteurs pronostiques


Bras de levier trochitérien 8,5 Ni l’âge des patients, ni l’intervalle entre le trauma-
(GTLA) [mm] tisme initial et la mise en place de la prothèse, ni la
durée de la symptomatologie n’ont influencé le résul-
% remplissage diaphysaire 49 % tat final, ni le type de glène en préopératoire (type
Position de la tige (°) − 0,85° A ou B) n’ont eu d’influence sur le résultat final. Le
facteur le plus important ayant influencé le résultat
Le pourcentage de remplissage diaphysaire est calculé en divisant
la largeur de la tige par la largeur du canal médullaire. La position final était l’intégrité de la coiffe des rotateurs lors
de la tige est exprimée en degrés : < 0 en varus ; 0 centrée ; > 0 en de l’intervention. Le type de séquelle a influencé le
valgus. résultat final : les meilleurs résultats étaient obtenus
Séquelles de fractures de l’humérus proximal 293

pour les arthroses post-traumatiques avec une posi- tats des prothèses d’épaule dans ce contexte et seuls
tion des tubérosités proche de la normale, comparées quelques cas cliniques ont été rapportés (tableau 3).
aux arthroses avec pseudarthrose ou cals vicieux À la lecture de la littérature, un résultat satisfaisant
majeurs qui présentaient les plus mauvais résul- peut être espéré dans 15 à 72 % des cas en fonction
tats (tableau 2). Le type de prothèse, humérale ou des séries, avec suppression des douleurs dans plus de
totale, ou le caractère monobloc ou modulaire n’ont 85 % des cas. Cependant, Frich [11], dans sa série, a
pas influencé le résultat final (figure 2). Le type de montré que le résultat sur la douleur était imprévisi-
traitement de la fracture initiale (orthopédique ou ble. La mobilité de l’épaule est souvent limitée avec
chirurgicale) n’a pas non plus influencé le résultat. une élévation antérieure active autour de 110°, et une
En revanche, la réalisation d’une ostéotomie du tro- rotation externe autour de 20°. Les résultats retrou-
chiter, réalisée chez seulement 3 patients, a eu une vés dans notre série sont en accord avec la littéra-
influence particulièrement défavorable avec un score ture, avec 85 % de patients indolores ou présentant
de Constant moyen égal à 36 points et des résultats une douleur minime, une élévation antérieure active
non satisfaisants selon Neer. progressant de 71 à 107° avec une rotation externe
progressant de – 8 à 20°. Le taux de complications
est habituellement plus élevé que pour les autres étio-
Discussion logies de prothèses d’épaule [6,23]. Le pourcentage
de complications varie de 20 à 48 % en fonction des
Les résultats des prothèses d’épaule non contraintes séries (tableau 3). Le taux de révision varie de 3,5 à
pour le traitement des séquelles traumatiques sont 35 % (tableau 3).
classiquement les moins bons par rapport aux résul- Plusieurs facteurs semblent influencer les résultats
tats des prothèses pour omarthrose primitive ou même finaux. Norris [21], sur une série de 23 cas de séquelles
pour fractures [8,16,19]. Peu d’articles dans la litté- de fractures à trois et quatre fragments de l’humérus
rature se sont particulièrement intéressés aux résul- proximal traitées par prothèse d’épaule, a souligné le

Tableau 2
Résultats cliniques au recul en fonction du type de séquelle

Arthrose post- Nécrose Arthrose post- Arthrose post-


traumatique sans avasculaire traumatique traumatique
distorsion et cal vicieux et pseudarthrose

Cas 11 7 8 2

Douleur (/15 points) 12 11 9 7,5

Activité (/20 points) 15 14 12 11


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Mobilité (/40 points) 27,5 22,5 18 16

Élévation antérieure 120 108 91 95


active (°)

Rotation externe (°) 25 29 8 15

Rotation interne 6,5 5 5 3


(niveau vertébral)

Score de Neer (excellent 9 sur 11 (82 %) 4 sur 7 (57 %) 4 sur 8 (50 %) 1 sur 2 (50 %)
et satisfaisant)

Score de Constant 88 % (n = 5) 69 % (n = 5) 69 % (n = 2) 45 % (n = 2)
pondéré*
Les résultats cliniques sont exprimés en fonction des critères du score de Constant [9]. *Seuls 14 patients ont eu un score de Constant
complet avec la mesure de la force musculaire.
294 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE, Y. BELLUMORE, M. MANSAT

B
Figure 2. Résultats radiographiques d’une fracture à trois fragments traitée de manière orthopédique chez un patient de 57 ans. A. Vue
de face de la fracture. B. Un an plus tard, il existe une ostéonécrose de la tête humérale. C. Une prothèse totale d’épaule a été mise en
place et à 13 ans de recul, le patient avait un résultat satisfaisant selon Neer avec un score de Constant pondéré de 70 %.

rôle fondamental du traitement de la fracture initiale post-traumatiques après fracture n’obtenaient que 45 %
sur le résultat final : les patients traités initialement de d’excellents résultats.
manière non chirurgicale ont eu un meilleur résultat Récemment, Boileau et al. [4] ont analysé les résultats
que les patients traités chirurgicalement. De même, des prothèses d’épaule pour le traitement des séquelles
pour Antuña et al. [1], les patients traités initialement de fracture. Les séquelles étaient divisées en deux caté-
de leur fracture de manière non chirurgicale présen- gories. La première catégorie comprend les séquelles
taient de meilleures mobilités après la mise en place des fractures intracapsulaires impactées (associées à la
de la prothèse par rapport aux patients ayant été opé- fois au collapsus de la tête humérale, ou à une nécrose,
rés. Aucune différence significative n’a pu être retrou- ou à une luxation chronique, ou à une luxation-frac-
vée dans notre étude entre les deux types de prise en ture). La seconde catégorie comprend les séquelles de
charge initiale sur le résultat final. fractures désimpactées extracapsulaires (associées à la
Dines [10], dans une série plus récente, a montré fois à une pseudarthrose du col chirurgical de l’humé-
que sur 20 patients traités par prothèses modulaires, rus et un cal vicieux tubérositaire). Dans la première
de meilleurs résultats étaient obtenus avec les prothè- catégorie, l’articulation peut être reconstruite sans
ses humérales par rapport aux prothèses totales avec réaliser une ostéotomie des tubérosités, alors que dans
un score de 79,7 sur 100 et 72 sur 100 respectivement la seconde catégorie, une ostéotomie tubérositaire est
en utilisant le score HSS (hospital for special surgery). souvent nécessaire (17 sur 22) pour pouvoir position-
Dans notre série, nous n’avons pas pu montrer de dif- ner convenablement la prothèse. Le score de Constant
férence significative entre les différents types de pro- pondéré était meilleur pour les séquelles des fractures

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thèses, modulaire ou monobloc, hémiarthroplastie ou de l’humérus proximal de la première catégorie que
prothèse totale. pour celles de la seconde catégorie avec un score de
Plus que le traitement de la fracture initiale, ou le 73 et 58,5 % respectivement. Les auteurs concluaient
type de prothèse utilisé pour traiter les séquelles, le que l’ostéotomie des tubérosités devait être évitée lors-
type de séquelles semble le facteur le plus important que cela était possible, car il s’agissait d’un facteur de
influençant le résultat final. Dans la série de Dines [10], mauvais pronostic avec des résultats souvent imprévi-
un score de 87,3 a été obtenu pour les arthroses post- sibles en fonction de la consolidation de la tubérosité.
traumatiques avec ostéonécrose, comparé à un score Le chirurgien doit s’accommoder du cal vicieux
de 84,1 pour les arthroses post-traumatiques avec tubérositaire et réaliser si possible la coupe humérale
pseudarthrose, 72 en cas de perte de substance osseuse dans le cal. Dans notre série, les résultats confirment
au niveau de la tête humérale, et 69,8 en cas de cals cette notion, avec de meilleurs résultats lorsqu’il n’y
vicieux. Pour Neer [19], les résultats étaient meilleurs avait pas de distorsion de l’extrémité proximale de
pour les arthroses après instabilité de l’épaule avec l’humérus avec un résultat satisfaisant dans 82 % des
76 % d’excellents résultats, alors que les arthroses cas, alors que les résultats satisfaisants n’étaient que
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Tableau 3
Revue de la littérature concernant les résultats des prothèses d’épaule dans l’arthrose post-traumatique

Auteurs Cas PH/PTE Ostéotomie Résultats Indolence Mobilité Activité au Complica- Révisions (%)
trochiter satisfai- ou douleur postopéra- niveau ou tions (%)
sants (%) minime (%) toire (EAA/ au-dessus de
REA) (°) l’épaule (%)

Neer (1982) 35 0/35 NA 56 NA NA NA NA NA

Tanner (1983) 28 28/0 NA NA 89 112/42 NA 43 7

Huten (1987) 22 5/17 5 22 80 NA 27 NA NA

Frich (1991) 27 4/23 NA 15 Imprévisible NA NA 26 NA

Habermeyer (1992) 18 7/11 NA 32 NA NA NA NA NA

Dines (1993) 20 14/6 12 70 70 110/31 75 20 10

Norris (1995) 23 6/17 12 NA 95 92/27 53 48 21

Postel (1995) 48 19/39 9 19 61 92/22 55 12,5 12,5

Bosch (1998) 14 14/0 NA NA NA 60/18 14 NA NA


Séquelles de fractures de l’humérus proximal

Beredjiklian (1998) 24 11/13 13 72 80 107/NA 83 36 34

Boileau (2001) 71 46/25 20 42 NA 102/34 NA 27 5,6

Antuna (2002) 50 25/25 24 50 78 102/35 NA 20 18

Notre série 28 20/8 3 64 85 107/20 75 3,5 3,5


PH : prothèse humérale ; PTE : prothèse totale d’épaule ; EAA : élévation antérieure active ; REA : rotation externe active.
295
296 P. MANSAT, N. BONNEVIALLE, Y. BELLUMORE, M. MANSAT

de 57 % lorsqu’il existait une ostéonécrose, 50 % ment important influençant le résultat final [5,23].
en présence de pseudarthrose, et 50 % en cas de cal Pour Bosch [5], c’est la coopération du patient plus
vicieux. Le score de Constant pondéré était de 88 % que son âge qui est essentielle pour l’efficacité de la
pour les arthroses post-traumatiques sans distorsion rééducation.
des tubérosités, alors qu’il n’était que de 69 % en cas
de cal vicieux, et 45 % en cas de pseudarthrose. Une Conclusion
ostéotomie du trochiter a été réalisée pour 3 patients
dont le score moyen était de 36 % avec, dans tous Les prothèses d’épaule pour le traitement des séquel-
les cas, un résultat non satisfaisant selon Neer. Pour les des fractures de l’humérus proximal sont des inter-
Antuña et al. [1], les patients ayant présenté une ostéo- ventions techniquement difficiles à réaliser, avec des
tomie du tubercule majeur présentaient une élévation résultats souvent imprévisibles. Le taux élevé de com-
antérieure active de 86° avec une rotation externe de plications est souvent lié aux difficultés techniques,
27° comparée à 119 et 44° pour ceux qui n’en avaient aux lésions cicatricielles du deltoïde, aux adhéren-
pas eu. ces des tendons de la coiffe des rotateurs et aux cals
D’après les résultats de notre série et ceux de la litté- vicieux de l’humérus proximal. Une sélection rigou-
rature, les facteurs pronostiques qui semblent influen- reuse des patients ainsi qu’une planification préopé-
cer de manière péjorative le résultat final sont : un ratoire précise est nécessaire pour espérer obtenir un
âge élevé [10], la durée de la symptomatologie [5,22], résultat satisfaisant. L’ostéotomie des tubérosités doit
l’étiologie [4,10,19], une lésion de la coiffe des rota- être évitée lorsque cela est possible, même en présence
teurs [23], la réalisation d’une ostéotomie des tubéro- d’une distorsion de l’humérus proximal. Lorsqu’il
sités [1,3,9,22] et l’utilisation d’une hémiarthroplastie n’existe pas de conflit lié au cal vicieux tubérositaire,
par rapport à une prothèse totale de l’épaule [10]. La la prothèse d’épaule doit être adaptée à l’humérus
durée de la rééducation semble également être un élé- proximal.

RÉFÉRENCES

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Séquelles de fractures de l’humérus proximal 297

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298 G. MOINEAU, ET AL.

Séquelles de fractures de l’extrémité


supérieure de l’humérus : classification
et indications thérapeutiques
Proximal humerus fracture sequelae classification
and surgical indications

G. MOINEAU, L. NEYTON, C. TROJANI, P. BOILEAU

RÉSUMÉ SUMMARY
Le diagnostic et le traitement des séquelles traumatiques de l’humé- Proximal humerus fracture sequelae remain a challenge. Three
rus proximal restent un challenge. Trois éléments clés doivent être key elements must be taken into consideration for their diagno-
évalués afin de mieux les définir, de les classer et donc de les traiter : sis and thus, their treatment: 1) the distortion of the anatomy
1) l’importance de la distorsion de l’anatomie des tubérosités (néces- of the tuberosities (rendering an osteotomy of the greater tube-
sitant ou non une ostéotomie de la grosse tubérosité) ; 2) la présence rosity necessary or not); 2) the continuity or discontinuity of the
ou non d’une continuité osseuse entre la diaphyse et 3) le massif des diaphysis and 3) the tuberosities (nonunion of the surgical neck),
tubérosités (pseudarthrose du col chirurgical), et l’existence ou non and the existence or not of a locked dislocation (anterior or pos-
d’une luxation invétérée (antérieure ou postérieure). Si la déformation terior). If the distortion is moderate, with a diaphysis-tuberosity
anatomique est modérée, avec continuité osseuse diaphyse–tubéro- continuity (Type 1 sequela) and/or a locked dislocation (Type 2
sité (séquelle de type 1) et/ou luxation invétérée (séquelle de type 2), sequela), a nonconstrained shoulder prosthesis can be implan-
une prothèse anatomique non contrainte peut être implantée avec ted with good and predictable functional results. In the case of
un résultat fonctionnel bon et prévisible. En l’absence de continuité a diaphysis-tuberosity discontinuity (Type 3 sequela) or in the
entre la diaphyse et les tubérosités (séquelle de type 3) ou en cas de case of a major distortion of the anatomy of the tuberosities
grande déformation de l’anatomie du massif des tubérosités (séquelle (Type 4 sequela), an osteotomy of the greater tuberosity is nee-
de type 4), une ostéotomie de la grosse tubérosité est nécessaire lors ded to implant the nonconstrained prosthesis. The osteotomy
de la mise en place d’une prothèse anatomique. Cette ostéotomie du of the greater tuberosity is the cause of poor functional results
trochiter est source de mauvais résultats fonctionnels à cause de la due to the onset of osteolysis, of a secondary displacement or
survenue d’une lyse osseuse, d’un déplacement secondaire ou d’une persistant nonunion. This is the reason why, in the case of these
pseudarthrose. C’est pourquoi, dans ces deux types de séquelles de two types of fracture sequelae, a treatment option other than
fracture, une autre option que la prothèse non contrainte doit être a nonconstrained prosthesis should be chosen. In the case of
choisie. En cas de pseudarthrose du col chirurgical (séquelle de nonunion of the surgical neck (Type 3 sequela), or severe tubero-
type 3), une greffe osseuse encastrée associée à une ostéosynthèse sity malunion (Type 4 sequela), a constrained (reverse) prosthesis
est recommandée. En cas de déformation sévère (séquelle de type 4), is indicated.
une prothèse contrainte (inversée) est indiquée.
Key words: Fracture sequelae. – Proximal humerus. – Classification.
Mots clés : Séquelles de fracture. – Humérus proximal. – Classification. – Treatment. – Shoulder arthroplasty.
– Traitement. – Prothèse d’épaule.

Introduction diverses lésions séquellaires : cal vicieux ou pseudarth-


rose de l’extrémité supérieure de l’humérus, altération
Le diagnostic et le traitement des séquelles de fracture des parties molles périarticulaires, lésions de la coiffe
de l’humérus proximal représentent un réel challenge, des rotateurs et atteinte séquellaire du deltoïde. Dans
comme l’avait déjà souligné Charles Neer [14–16]. ce contexte, les indications de prothèses d’épaule res-
L’évolution des fractures de l’extrémité supérieure de tent controversées et leurs résultats sont, pour beau-
l’humérus avec ou sans luxation associée peut aboutir à coup d’auteurs, mauvais et imprévisibles [1,2,8,9,15,18,

Prothèses d’épaule. État actuel


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Séquelles de fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 299

19,22,25]. L’analyse comparative de la littérature est diffi- chiter et trochin), pour lesquels, en principe, l’indica-
cile, car les séries sont courtes et très hétérogènes, mélan- tion d’une prothèse d’épaule ne se pose pas et où les
geant différentes séquelles de fracture et différents types traitements conservateurs visant à corriger le cal vicieux
de traitements chirurgicaux [1,2,8,9,12,15,18,19,22,25]. et à ostéosynthéser la tubérosité ont toute leur place.
Les patients présentant ces séquelles sont souvent plus Les séquelles de fracture sont individualisables en
jeunes et plus actifs que ceux ayant une omarthrose pri- deux grands groupes [4,6] (tableau 1).
mitive. Pour cette raison, il est primordial de connaître le Un premier groupe de séquelles est secondaire à une
véritable pronostic postopératoire des différents types de fracture intracapsulaire avec impaction céphalique de
séquelles avant de proposer un éventuel traitement chirur- l’humérus proximal. À la période séquellaire, la défor-
gical. C’est dans ce but que Boileau et al. [3,4,6,17] ont mation de l’humérus proximal est modérée avec une
décrit et validé une classification des différents types de anatomie relativement bien conservée. Il est impor-
séquelles et proposé un arbre décisionnel thérapeutique. tant de noter la continuité osseuse entre le massif des
Les objectifs de cet article sont : tubérosités et la diaphyse humérale. Du fait de cette
– d’expliquer la physiopathologie des séquelles de continuité osseuse et du cal vicieux peu important de
fracture de l’extrémité supérieure de l’humérus et de l’humérus proximal, aucune ostéotomie de la grosse
décrire la classification qui en découle ; tubérosité n’est nécessaire pour implanter une prothèse
– de rapporter le résultat fonctionnel de ces séquelles de d’épaule. Dans ce premier groupe, sont individualisées
fracture avec différentes prothèses (contraintes et non les séquelles de type 1 et de type 2. Dans les séquelles
contraintes) et certains traitements conservateurs ; de type 1 (ostéonécrose et/ou collapsus céphalique), le
– de proposer des indications thérapeutiques en fonc- tubercule majeur est légèrement déplacé et le fragment
tion du type de séquelles et de donner quelques recom- céphalique est impacté (en valgus ou en varus) dans
mandations techniques fondées sur notre expérience. la diaphyse humérale, ou s’est effondré suite à une
ostéonécrose. Dans les séquelles de type 2 (luxation
ou fracture-luxation invétérées), le fragment céphali-
Physiopathologie et classification que est en position de luxation invétérée (antérieure
des séquelles traumatiques ou postérieure).
de l’humérus proximal Un second groupe de séquelles est secondaire à
une fracture extracapsulaire, désengrenée de l’humé-
Nous n’envisageons ici que les séquelles complexes de rus proximal. Au stade séquellaire, il n’existe plus de
l’humérus proximal. Nous excluons les cals vicieux ou continuité entre le massif des tubérosités et la diaphyse
pseudarthroses isolés de l’une des deux tubérosités (tro- humérale, soit à cause d’une pseudarthrose du col

Tableau 1
Physiopathologie et relations entre le mécanisme traumatique initial et le type de séquelles fracturaire

Fracture initiale Mécanisme Type de fracture Séquelle de fracture correspondante

Tête humérale Trochiter

Fracture intracap- Compression Impaction en val- Connecté à Déformation Avec collapsus ou


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sulaire impactée médiolatérale gus ou en varus la diaphyse modérée de l’ana- nécrose céphalique
tomie de l’humé- (type 1)
rus proximal +
Compression Impaction + luxa- continuité entre la Avec luxation
antéropostérieure tion postérieure diaphyse et l’épi- céphalique invétérée
ou antérieure physe fracturée (type 2)

Fracture extra- Rotation, trans- Désengrènement + Déconnecté Déformation Avec pseudarthrose


capsulaire lation rotation de la diaphyse majeure de l’ana- ou cal vicieux du col
désengrenée tomie de l’hu- chirurgical (type 3)
mérus proximal
Compression, Désengrènement + discontinuité Avec cal vicieux
rotation et + luxation (ant., entre la diaphyse majeur ou pseu-
cisaillement post., méd., lat.) et l’épiphyse darthrose des tubé-
fracturée rosités (type 4)
300 G. MOINEAU, ET AL.

chirurgical de l’humérus pour les séquelles de type 3, Résultats des prothèses d’épaules
soit à cause d’un cal vicieux sévère des tubérosités
pour les séquelles de type 4. Dans ces cas, une ostéoto- non contraintes (anatomiques)
mie du trochiter est indispensable pour implanter une
prothèse d’épaule. Les résultats de 203 séquelles de fracture de l’humérus
Les principes pour classer une séquelle de fracture de proximal traitées par prothèse d’épaule non contrainte
l’humérus proximal sont simples et s’appliquent à tous (prothèse Aequalis® [Tornier]) ont été évalués à 42 mois
les types de séquelles [3,4,6]. Cette classification est de recul moyen (24 à 96 mois) [3]. L’âge moyen était de
fondée sur l’analyse de deux clichés radiographiques 61 ans et 27 % des patients avaient bénéficié initialement
(une incidence de l’épaule de face et un profil axillaire), d’un traitement chirurgical de leur fracture initiale. Il a été
au mieux complétés par un scanner, un arthroscanner réalisé 84 prothèses totales d’épaule et 119 hémiarthro-
ou une imagerie par résonance magnétique (IRM). En plasties. Une ostéotomie de la grosse tubérosité a été réa-
pratique, il faut se poser trois questions pour détermi- lisée dans tous les cas de séquelles de type 3 ou 4.
ner le type de séquelles (figure 1) : Les résultats de cette série, résumés dans le tableau 2,
– Y a-t-il une luxation invétérée (postérieure ou anté- confirment que les résultats des prothèses d’épaules ana-
rieure) de la tête humérale ? Si oui, il s’agit d’une tomiques (non contraintes) dans les séquelles de types
séquelle de type 2. 1 et 2 sont bons, de manière prévisible [13], à partir
– Y a-t-il une pseudarthrose isolée du col chirurgical du moment où aucune ostéotomie de la grosse tubé-
(discontinuité diaphyse et massif des tubérosités) ou rosité n’est réalisée. Comme Boileau et al. [3,4,6,17],
un cal vicieux ? Si oui, il s’agit d’un type 3. d’autres auteurs [1,12,22] soulignent également le
– Peut-on implanter une prothèse anatomique sans caractère péjoratif d’une ostéotomie de la grosse tubé-
réaliser d’ostéotomie du tubercule majeur sur la plani- rosité sur le résultat des séquelles de fracture. D’autres
fication préopératoire ? Si oui, il s’agit d’un cal vicieux facteurs influent sur le résultat de ce type d’implant
modéré et acceptable de l’humérus proximal et donc dans les séquelles de types 1 et 2. Les prothèses tota-
d’un type 1 ; si non, il s’agit d’un type 4 (cal vicieux les d’épaules semblent avoir de meilleurs résultats que
majeur et inacceptable de l’humérus proximal). les hémiarthroplasties [3,10], même si Mansat et al.
Cette classification simple, fondée sur la physiopa- [12] ne retrouvent pas de différence significative. L’état
thologie des traumatismes de l’extrémité supérieure de de la coiffe des rotateurs influe sur le résultat clinique
l’humérus, ne prend cependant pas en compte l’état de des prothèses totales d’épaule non contraintes dans les
la coiffe des rotateurs, qui peut être rompue, fibrosée séquelles de types 1 et 2 [12,16,26]. Enfin, il faut sou-
ou non fonctionnelle, ni d’éventuelles rétractions cap- ligner l’importance pronostique du traitement initial de
sulaires. Toutefois, elle permet de poser les indications la fracture. Les résultats des prothèses non contraintes
chirurgicales, d’anticiper les difficultés peropératoires semblent meilleurs après traitement orthopédique initial
et de connaître le pronostic postopératoire. Il est en de la fracture qu’après traitement chirurgical [1,3,18].
revanche indispensable d’évaluer l’état de la coiffe des Pour les séquelles de types 3 et 4, il a toujours été néces-
rotateurs, en pré- et peropératoire, car cela peut faire saire de réaliser une ostéotomie de la grosse tubérosité
modifier certaines indications chirurgicales. afin d’implanter une prothèse non contrainte d’épaule.
La réalisation de cette ostéotomie de la grosse tubérosité
péjore le résultat fonctionnel après ce type d’implants. Le

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taux de complications postopératoires est également le
Résultats fonctionnels des plus important pour ce type de séquelles [3]. En conclu-
arthroplasties selon le type sion, pour les séquelles de types 3 et 4, d’autres options
de séquelles chirurgicales sont préférables et doivent être envisagées.

La question importante à laquelle nous devons répon-


dre est : quelle est la place respective des prothèses tota- Résultats des prothèses d’épaules
les d’épaule contraintes inverseés et non contraintes contraintes (inversées)
(anatomiques) dans l’arsenal thérapeutique du chirur-
gien devant une séquelle de fracture ? Pour essayer de Les résultats de 40 séquelles de fracture de l’humérus
répondre à cette question, nous rapportons les résul- proximal traitées par prothèses totales d’épaule inver-
tats de ces deux types d’implants sur deux séries mul- sées (PTEI) (30 prothèses Delta® [Depuy] et 10 pro-
ticentriques de séquelles de fracture [3,17] utilisant la thèses Aequalis® Reversed [Tornier]) ont été évalués à
classification décrite ci-dessus. 39 mois de recul moyen (24 à 95 mois) [17]. Ils sont
Séquelles de fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 301

SÉQUELLES DE
FRACTURE IMPACTÉE, Type 1:
Type 2:
INTRACAPSULAIRE
Collapsus ou
Luxation invétérée ou
nécrose céphalique
Déformation modérée de fracture-luxation

l’anatomie

Continuité tubérosité–diaphyse

PAS D’OSTÉOTOMIE DU

TUBERCULE MAJEUR

Résultats bons et prévisibles


avec une prothèse non
contrainte

SÉQUELLES DE
Type 3: Type 4:
FRACTURE
DÉSENGRÉNÉE, Pseudarthrose ou Cal vicieux important
EXTRACAPSULAIRE cal vicieux du massif tubérositaire
du col chirurgical
Importante déformation

anatomique + discontinuité

massive tubérosité–diaphyse

OSTÉOTOMIE DU
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TUBERCULE MAJEUR
NÉCESSAIRE

Résultats mauvais et
imprévisibles avec une prothèse
non contrainte

Figure 1. Classification des séquelles de fracture de l’humérus proximal.


302 G. MOINEAU, ET AL.

Tableau 2
Comparaison des résultats des prothèses non contraintes (anatomiques) et des prothèses contrain-
tes (inversées) dans les différents types de séquelles de fracture de l’humérus proximal

Séquelles fracture humérus proximal Prothèses contraintes Prothèses non contraintes


inversées (anatomiques)

Séquelles de type 1 n=8 n = 137

Score de Constant (points) 60 61

Score de Constant ajusté (%) 88 81

Élévation ant. active (°) 117 125

Rotation externe (°) 18 32

Rotation interne (niveau) Sacrum NA

Séquelles de type 2 n=5 n = 25

Score de Constant (points) 57 61

Score de Constant ajusté (%) 84 78

Élévation ant. active (°) 118 117

Rotation externe (°) 16 28

Rotation interne (niveau) Sacrum NA

Séquelles de type 3 n=6 n = 22

Score de Constant (points) 41 36

Score de Constant ajusté (%) 58 NA

Élévation ant. active (°) 86 63

Rotation externe (°) 1 28

Rotation interne (niveau) Sacrum NA

Séquelles de type 4 n = 18 n = 17

Score de Constant (points) 55 42

Score de Constant ajusté (%) 75,5 55

Élévation ant. active (°) 127 81

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Rotation externe (°) –1 12

Rotation interne (niveau) Sacrum NA

Série globale n = 40 n = 203

Score de Constant (points) 53 57

Score de Constant ajusté (%) 75 NA


Élévation ant. active (°) 114 112

Rotation externe (°) 4 30

Rotation interne (niveau) Sacrum NA


Séquelles de fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 303

résumés dans le tableau 2. L’âge moyen des patients Pour les séquelles de type 4, les résultats des PTEI
était de 72 ans et 60 % des patients avaient bénéficié sont nettement supérieurs à ceux des prothèses anato-
initialement d’un traitement chirurgical de leur fracture. miques, faisant de ce type de séquelles l’indication de
Cette seconde série a permis de confirmer que les choix des prothèses inversées.
résultats des prothèses inversées sont globalement bons
dans les séquelles de fracture, sauf dans les séquelles de
type 3, où les résultats sont aussi mauvais qu’avec les Indications thérapeutiques
prothèses anatomiques. Il est donc évident que, pour dans les séquelles de fractures
les séquelles de type 3, une autre option chirurgicale de l’humérus proximal
doit être envisagée.
Pour les séquelles de types 1 et 2, les bons résultats Les résultats des deux séries présentées doivent être
des prothèses inversées doivent être mis en balance avec interprétés avec prudence, car les patients sont plus jeu-
ceux des prothèses anatomiques. En effet, les résultats nes dans la série des prothèses non contraintes (61 ans
sur la douleur et l’élévation antérieure sont comparables ; contre 72 ans) et le nombre de cas est limité dans la
en revanche, les résultats sur les rotations externes sont série des prothèses inversées. Malgré cela, ils servent de
meilleurs avec les prothèses non contraintes. Il est impor- base au raisonnement thérapeutique que nous menons
tant de prendre en compte l’état de la coiffe des rotateurs devant une séquelle de fracture de l’humérus proximal à
en pré- et peropératoire dans le choix thérapeutique. partir de notre classification, décrite ci-dessus (figure 2).

Prothèse non contrainte

TYPE 1 Prothèse non


TYPE 2
contrainte

Prothèse contrainte
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Greffe encastrée

TYPE 3 TYPE 4 Prothèse contrainte

Prothèse Low profile

Figure 2. Indications thérapeutiques en fonction du type de séquelles post-traumatiques de l’extrémité supérieure de l’humérus.
304 G. MOINEAU, ET AL.

En plus de l’âge du patient, il est important, pour poser tout si la fracture date de plus de 6 mois, car dans ces
l’indication thérapeutique, de ne pas négliger l’état de la cas, une érosion glénoïdienne est très souvent présente
coiffe des rotateurs. ou apparaîtra secondairement. Seuls les patients pré-
Dans les séquelles de type 1, les résultats des pro- sentant une coiffe détériorée et non fonctionnelle sont
thèses inversées sont équivalents à ceux observés avec susceptibles de bénéficier d’une prothèse inversée.
les prothèses non contraintes, excepté pour la rotation Pour les séquelles de type 2, la prothèse anatomique
externe qui est inférieure. C’est pourquoi notre appro- comme la prothèse inversée peuvent être indiquées car
che actuelle est de privilégier la prothèse non contrainte leurs résultats sont proches. Une prothèse non contrainte
chez les patients présentant ce type de séquelle, afin d’es- est pour nous préférable dans les cas de luxations pos-
sayer de restaurer au mieux l’élévation antérieure, mais térieures invétérées (figure 4). En revanche, dans les
aussi la rotation externe active (figure 3). En outre, les luxations antérieures invétérées, nous privilégions la
prothèses non contraintes sont associées à un taux de prothèse inversée car, dans notre pratique, les prothèses
complication plus faible. Nous privilégions également non contraintes sont très difficiles voire impossibles à
la prothèse totale d’épaule à l’hémiarthroplastie, sur- stabiliser (figure 5).

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Figure 3. Exemple de collapsus céphalique avec ostéonécrose et cal vicieux modéré en valgus du trochiter (séquelle de type 1)
traité par prothèse totale d’épaule non contrainte, sans ostéotomie de la grosse tubérosité. Bon résultat clinique prévisible avec
restauration de l’élévation antérieure et des rotations actives.
Séquelles de fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 305

Figure 4. Exemple de fracture-luxation postérieure invétérée (séquelle de type 2), traitée à 7 mois du
traumatisme par une prothèse d’épaule anatomique humérale simple sans ostéotomie de la grosse
tubérosité. Bon résultat clinique prévisible avec cette hémiarthroplastie.
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Figure 5. Luxation antérieure chro-


nique invétérée (séquelle de type 2)
avec une large perte de substance
osseuse glénoïdienne. Traitement
par prothèse totale d’épaule inver-
sée associée à une greffe osseuse
glénoïdienne à partir de la tête
humérale.
306 G. MOINEAU, ET AL.

Dans les séquelles de type 3, les résultats des pro- actuellement, pour les pseudarthroses du col chirur-
thèses contraintes et non contraintes sont tous deux gical, une greffe osseuse centromédullaire encastrée,
mauvais. Le remplissage du canal médullaire par la associée à une ostéosynthèse interne (technique du
prothèse empêche la consolidation des tubérosités « bilboquet ») (figure 6). Walch et al. rapportent, sur
sur la diaphyse, pérennisant la pseudarthrose du col 20 cas traités selon cette technique, de bons résultats
chirurgical et aboutissant à une lyse, une migration ou avec 131° d’élévation antérieure et 40° de rotation
une pseudarthrose des tubérosités. Nous privilégions externe [23]. Seuls un défect osseux important ou une

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Figure 6. Pseudarthrose du col chirurgical (séquelle de type 3). Le traitement recommandé dans ce type de séquelle consiste
à réaliser une greffe osseuse tricorticale encastrée prise aux dépens de l’aile iliaque (technique du « bilboquet » selon Walch).
L’ostéosynthèse complémentaire peut être réalisée avec une lame-plaque comme dans cet exemple. À noter qu’à 5 ans de recul, il
n’existe aucun signe d’ostéonécrose malgré la petite taille du fragment proximal.
Séquelles de fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 307

arthrose de la tête humérale nous font contre-indiquer du tubercule majeur. Il est important de comprendre que
le traitement conservateur. Dans ces cas, nous privi- ce n’est pas le trochiter qui est ascensionné, mais la tête
légions une prothèse moins encombrante au niveau humérale qui est impactée – la migration postérieure
métaphysaire (implant de type « fracture »), permettant du trochiter est habituellement modérée du fait de la
de réaliser une greffe osseuse métaphysaire autour de la traction divergente des muscles rotateurs externes. Très
prothèse (figure 7). souvent, seule une coupe osseuse minime est suffisante.
Pour les séquelles de type 4, le cal vicieux impor- Parfois, l’impaction de la tête est telle qu’aucune coupe
tant nécessite une ostéotomie de la grosse tubéro- n’est nécessaire, et les râpes sont passées directement
sité pour implanter une prothèse non contrainte. à travers le cartilage du fragment céphalique impacté.
Celle-ci péjore notablement le résultat des prothèses Cette coupe doit être évaluée à l’aide de calque lors
anatomiques [1,3,6,12,22]. La seule solution théra- de la planification préopératoire (figure 9). Il est pré-
peutique logique est donc la prothèse d’épaule inver- férable d’utiliser des tiges humérales cimentées de petit
sée [7], qui apporte de manière plus reproductible diamètre ou des implants fractures moins encombrants
de meilleurs résultats sur la douleur et la fonction en métaphysaire. Ces implants sont, le plus souvent,
(figure 8). Cependant, le choix d’une prothèse inver- posés en valgus et/ou latéralisés, afin de s’adapter au
sée avant l’âge de 65 ans doit être fait avec prudence. cal vicieux. En cas de déformation importante, l’uti-
Chez les patients jeunes, toutes les autres options lisation d’une tige courte permet de « tricher » encore
thérapeutiques doivent également être discutées. davantage, pour adapter la prothèse au mieux à cette
anatomie déformée (figure 10).
Recommandations techniques Pour les séquelles de type 2, en cas de luxation pos-
térieure, la prothèse non contrainte est habituelle-
Pour les séquelles de type 1, il faut tolérer le cal vicieux ment orientée avec une faible rétroversion [20,24].
du massif tubérositaire afin d’implanter une prothèse Le déport postérieur de la tête prothétique peut être
non contrainte, dont les résultats sont bons et prévi- nécessaire pour couvrir le tubercule majeur déplacé
sibles [13]. Nous conseillons l’utilisation de prothèses en arrière. En postopératoire, pour prévenir une réci-
d’épaule modulaires et adaptables [5], dont la position dive de l’instabilité postérieure, il est recommandé
de la calotte céphalique est réglable par rapport à la d’immobiliser les patients avec une attelle en rotation
diaphyse, afin de la placer au niveau ou juste au-dessus neutre ou en rotation externe, pour une durée de 4 à
6 semaines [21]. Dans le cadre de luxation antérieure
invétérée, contrairement à certains auteurs [11],
nous recommandons d’utiliser une prothèse d’épaule
inversée.
Les séquelles de type 3 sont une contre-indication aux
prothèses totales d’épaules contraintes et non contrain-
tes. Le traitement de référence doit être la greffe osseuse
intramédullaire encastrée, associée à une ostéosynthèse.
En cas d’arthrose ou de perte de substance osseuse impor-
tante associée au niveau céphalique, nous privilégions
la mise en place d’une prothèse moins encombrante en
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métaphysaire (prothèse Aequalis® – Fracture). Ce type


d’implant augmente les chances de consolidation de la
pseudarthrose en permettant une greffe osseuse méta-
physaire, dans la fenêtre prothétique et autour de la pro-
thèse. La consolidation des tubérosités avec la diaphyse
doit rester l’objectif principal de cette intervention. En
cas de cal vicieux isolé du col chirurgical, une ostéoto-
mie correctrice angulaire et/ou rotatoire doit être réali-
sée au-dessous des vaisseaux axillaires, afin de ne pas
compromettre la vascularisation céphalique.
Figure 7. Dans les séquelles de type 3, avec nécrose céphalique
ou arthrose glénohumérale, une prothèse peut encombrante En cas de séquelles de type 4, le traitement de choix
au niveau métaphysaire (prothèse low profile, implant de type est la prothèse d’épaule inversée. Les trois principa-
fracture) peut être utilisée, car elle permet de réaliser une les complications per- et postopératoires (infection,
greffe osseuse métaphysaire autour de la prothèse. luxation et fractures) doivent être anticipées, afin
308 G. MOINEAU, ET AL.

Figure 8. Exemple de séquelle de type 4 (distorsion sévère de l’anatomie de l’extrémité supérieure de l’humérus avec cal vicieux
sévère et/ou pseudarthrose des tubérosités) traitée par prothèse totale d’épaule inversée. Résultat clinique et fonctionnel accep-

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table pour ce type de séquelle. Noter la perte de substance épiphysaire qui nécessite de suspendre et/ou de rallonger (réhausseur)
la prothèse.

d’éviter au maximum leur survenue. L’infection doit osseuse métaphyso-épiphysaire importante dans ce
toujours être évoquée en cas de traitement chirurgical type de séquelles. Une radiomensuration de l’humérus
de la fracture initiale. Dans cette situation, un bilan controlatéral permet d’anticiper le positionnement
biologique et scintigraphique doit être demandé pour de l’implant huméral. En cas de perte de substance
étayer le diagnostic. Au moindre doute, il ne faut osseuse proximale importante, il faut préférer l’uti-
pas hésiter à proposer une procédure opératoire en lisation d’une tige humérale longue, cimentée, car il
deux temps. Cette précaution est valable pour tous existe un risque accru de descellement. Les fractures
les types de séquelles. L’instabilité prothétique post- humérales peropératoires surviennent souvent du fait
opératoire est secondaire au positionnement trop bas de difficultés d’exposition, par rétraction médiale des
de l’implant huméral, du fait d’une perte de substance tubérosités. L’excision des tubérosités à la demande
Séquelles de fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus 309

Figure 9. La planification préopératoire est importante, car elle Figure 10. Exemple de séquelle de type 1 traitée à l’aide d’un
permet d’évaluer la possibilité de mettre un implant huméral implant huméral type « tige courte ». Cet implant permet de
sans réaliser d’ostéotomie de la grosse tubérosité et d’antici- « tricher » sur le positionnement de l’implant, afin d’éviter une
per l’épaisseur souvent minime ou nulle de la coupe osseuse ostéotomie de la grosse tubérosité qui ferait passer ce type de
humérale. L’objectif doit être de positionner la tête prothétique séquelle d’un type 1 à un type 4, dont le pronostic fonctionnel
au sommet du trochiter. est moins bon.

permet d’améliorer la qualité de l’exposition. En fin de l’extrémité supérieure de l’humérus. Elle est fon-
d’intervention, une ostéosuture des tubérosités est dée sur des facteurs simples à identifier : la présence
réalisée si possible. Dans ce cas, il faut préférer un ou non d’une luxation, d’une pseudarthrose du col
implant huméral hybride (tige cimentée et épiphyse chirurgicale, et l’importance du cal vicieux des tubéro-
recouverte d’hydroxyapatite) qui favorise la conso- sités. Elle permet d’orienter l’indication chirurgicale en
lidation des tubérosités, voire une prothèse inversée- fonction de chaque type de séquelles (figure 2) et d’en
fracture qui permet, en plus, de rajouter de la greffe anticiper le résultat fonctionnel. Il est essentiel de gar-
osseuse au niveau épiphysaire. der à l’esprit que le facteur principal péjorant le résul-
tat final d’une prothèse non contrainte est l’ostéotomie
Conclusion de la grosse tubérosité. Il est donc préférable de tolérer
un cal vicieux lorsque cela est techniquement possible,
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La classification en 4 types proposée et résumée à la que de réaliser une ostéotomie de la grosse tubérosité,
figure 1 simplifie le problème des séquelles de fracture qu’il faut éviter à tout prix.

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311

Résultats des prothèses anatomiques


et prothèses inversées
dans l’omarthrose excentrée
Results of anatomical and reversed prosthesis
in cuff tear arthropathy

L. FAVARD, D. OUDET, D. HUGUET, F. SIRVEAUX, D. MOLE

RÉSUMÉ SUMMARY
Dans une étude multicentrique rétrospective, les auteurs ont ana- The authors present the results of a retrospective multicentric
lysé le résultat des prothèses d’épaule dans l’omarthrose excen- study of shoulder arthroplasty in cuff tear arthropathy; 136
trée secondaire à une rupture massive de la coiffe des rotateurs patients (142 shoulders) have been reviewed with 62 humeral
chez 136 patients : 62 hémiarthroplasties humérales, 80 prothèses hemiarthroplasties and 80 reversed prosthesis. The follow-up is
inversées. Le recul est voisin de 4 ans dans les deux groupes ; le 4 years in both groups. The rate of complications and revisions is
taux de complication et de reprise est similaire pour chacun d’eux. similar. The Constant Score is significantly better with the rever-
Le score de Constant est significativement meilleur après prothèse sed prosthesis; it is stable with time. The most frequent com-
inversée ; à moyen terme, il ne se dégrade pas avec le temps. Les plication is radiographic with a similar rate of scapular notch
principales complications radiographiques après prothèse inversée (62.5%) with a reversed prosthesis and subacromial osteoarth-
sont l’encoche du pilier de l’omoplate (62 %) et le descellement ritis with hemiarthroplasty (50%). This series allows to conclude
glénoïdien, dont la fréquence n’excède pas 5 %. Après hémiarthro- that the reversed prosthesis has become the gold standard
plastie, une ascension de la tête humérale et une arthrose sous- implant in cuff tear arthropathy. Technical improvements must
acromiale surviennent dans près de la moitié des cas. Cette série allow to enhance the glenoid fixation and to decrease the rate
permet de conclure que la prothèse inversée donne de meilleurs of scapular notch. The long-term results remain unknown and
résultats que les hémiarthroplasties sans être l’implant idéal dans it seems reasonable to reserve the reversed prosthesis to elderly
l’omarthrose excentrée. Les orientations techniques doivent per- patients while hemiarthroplasty, with limited functional goal,
mettre d’améliorer l’ancrage glénoïdien et de limiter l’incidence could be proposed to younger patients.
des encoches du pilier de l’omoplate avec les prothèses inversées.
La prudence conduit à en réserver l’usage chez les patients âgés Key words: Cuff tear arthropathy. – Hemiarthroplasty. – Reverse
de plus de 70 ans et à conserver l’indication d’hémiarthroplastie, à prosthesis.
but fonctionnel limité, chez les patients plus jeunes.

Mots clés : Omarthrose excentrée. – Hémiarthroplastie. – Prothèse


inversée.

Introduction totales d’épaule ne donnent pas des résultats très satisfai-


sants, car l’ascension progressive de la tête humérale est
Il y a eu beaucoup de descriptions d’arthropathies avec responsable d’un descellement glénoïdien qui est soumis
rupture massive de la coiffe des rotateurs [3,6,7,11,12], à des contraintes excessives en cisaillement à sa partie
toutes montrant des caractéristiques similaires. Leur trai- supérieure (effet de « cheval à bascule ») [9]. Les prothè-
tement médical, toujours préconisé en premier lieu, n’est ses contraintes n’ont pas donné de résultats durables et
pas toujours efficace et, lorsque les patients deviennent ont été pour la plupart abandonnées du fait des descel-
trop douloureux ou trop handicapés, le difficile problème lements glénoïdiens précoces [5,14]. Finalement, ce sont
du traitement chirurgical doit être abordé. Les prothèses les hémiarthroplasties monoblocs ou bipolaires qui ont

Prothèses d’épaule. État actuel


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312 L. FAVARD, D. OUDET, D. HUGUET, F. SIRVEAUX, D. MOLE

été utilisées par la plupart des chirurgiens. Néanmoins, l’examen clinique pré- et postopératoire ont été notés
les résultats de ces prothèses étant souvent décevants et le score de Constant, les mobilités actives et passives
« à buts limités », certains chirurgiens se sont orientés ainsi que l’appréciation subjective des patients.
vers l’utilisation de la prothèse inversée de Grammont. Lors de l’examen radiographique initial ont été ana-
Le professeur Grammont a développé en 1987 une nou- lysées la hauteur de l’espace acromiohuméral, la mor-
velle prothèse semicontrainte [10] qui associe la fixation phologie de l’acromion, de la tête humérale et de la
d’un hémisphère sur la glène et d’une cupule dans l’hu- glène. Lors de la révision, ont été analysées l’ascension
mérus. Cet implant a permis d’obtenir ainsi une stabilité de la tête humérale, la qualité du scellement huméral
correcte et modifier le centre de rotation, redonnant au et de la fixation glénoïdienne.
deltoïde un bras de levier fonctionnel. En reportant le Sur les 142 épaules opérées, 62 ont eu une hémiarthro-
centre de rotation légèrement à l’intérieur de la scapula, plastie (prothèse Aequalis®, Tornier) ; les 80 autres
les forces de cisaillement et donc les risques de descelle- ont eu une prothèse inversée de Grammont (prothèse
ment diminuent. Le but de notre étude a été de comparer Delta®, Depuy). Le choix entre les deux implants dépen-
le résultat des hémiarthroplasties à celui des prothèses dait essentiellement des convictions du chirurgien.
inversées dans le cadre des omarthroses « excentrées », L’examen clinique préopératoire a montré peu de dif-
à coiffe détruite. férences entre les deux populations (tableau 1). Ceux
qui ont eu une prothèse inversée étaient un peu plus
douloureux en préopératoire alors que les mobilités
Matériels et méthodes étaient similaires. Il n’y avait pas de différence dans
la répartition selon le sexe. Concernant l’intervention,
Il s’agit d’une étude multicentrique et rétrospective. la voie d’abord a été deltopectorale pour 90 % des
Les critères d’inclusion étaient : patient ayant une hémiarthroplasties et supérieure pour 72 % des pro-
arthropathie avec rupture massive de la coiffe des thèses inversées de Grammont. Les tiges humérales ont
rotateurs irréparable (figure 1), bilan radiographique été cimentées pour toutes les hémiarthroplasties et pour
initial complet, recul minimum de 2 ans au moment 48 % des prothèses inversées.
de la révision. Les patients ayant des antécédents de Une analyse statistique a été faite en utilisant les tests
chirurgie de la voûte acromiale ont été exclus. non paramétriques de Mann-Withney et Kruskall-Wallis.
Cent trente-six patients ont été inclus : 110 femmes
et 26 hommes, avec un âge moyen de 72,4 ± 6,4 ans
(55–86 ans). Six patients ont été opérés des deux côtés, Résultats cliniques
si bien que 142 épaules ont été analysées. Le côté domi-
nant était concerné 115 fois sur 142 (81 %). Lors de Il y a eu 6 complications précoces : 2 hématomes, 1 infec-
tion aiguë, 2 fractures de glène, 1 luxation antérieure.
Il y a eu 7 échecs nécessitant 5 reprises : 3 dans le
groupe prothèse inversée (PI) (2 reprises, 1 arthrolyse),
4 dans le groupe hémiarthroplastie (HA) (3 reprises et
1 dévissage de glénosphère).
Les patients repris n’ont pas été inclus dans l’analyse
des résultats fonctionnels puisque leur prothèse avait

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été changée. Ainsi, 137 prothèses d’épaule ont été ana-
lysées à terme.
Le recul moyen des prothèses inversées était de
45,4 ± 19 mois et celui des hémiarthroplasties de 43,7
± 17 mois. Cette différence n’était pas significative.
La comparaison des résultats cliniques (tableau 2)
montre que les prothèses inversées ont permis d’ob-
tenir un score de Constant significativement meilleur.
L’élévation active dans le plan de l’omoplate était
significativement meilleure avec les prothèses inver-
sées alors que la rotation externe coude au corps était
significativement meilleure avec les hémiarthroplasties.
Figure 1. Exemple d’omarthrose « excentrée », secondaire à une Néanmoins, il n’y avait pas de différence concernant
rupture de la coiffe des rotateurs. les rotations en élévation à 90°.
Résultats des prothèses anatomiques et prothèses inversées dans l’omarthrose excentrée 313

Tableau 1
Comparaison de l’état préopératoire des 2 groupes de patients (hémiarthroplastie versus prothèse inversée)

Critères Hémiarthroplasties Prothèses inversées Significativité (p)

Âge (ans) 72,3 (55–86) 72,5 (58–86) NS

Douleurs 3,6 (0–12) 2,7 (0–10) p = 0,02

Activités 6,2 (2–12) 6 (0–12) NS

Mobilité 13,5 (0–36) 12,2 (2–34) NS

Forces 2,4 (0–10) 1,9 (0–10) NS

Constant 26 (6–58) 22,5 (4–50) NS

EAP préop. (°) 120 121 NS


(50–180) (40–180)

EAA préop. (°) 78 (10–160) 73 (10–150) NS

RE1 préop. active (°) 10 (–45–70) 4 (–30–70) NS


EAP : élévation antérieure passive ; EAA : élévation antérieure active ; RE1 : rotation externe coude au corps.

Tableau 2
Comparaison des résultats postopératoires dans les 2 groupes de patients

Critères Hémiarthroplasties Prothèses inversées Significativité (p)

Douleurs 10,4 (2–15) 13,3 (5–15) < 0,001

Activités 12,6 (6–20) 16,9 (8–20) < 0,001

Mobilité 20,3 (4–36) 27,8 (10–43) < 0,001

Forces 2,8 (0–9) 7,4 (0–20) < 0,001

Constant 46,1 (13–73) 65,5 (34–85) < 0,001

EAP postop. (°) 128,9 (70–180) 146 (80–170) < 0,001

EAA postop. (°) 96,3 (20–170) 138 (80–170) < 0,001

RE1 postop. passive (°) 43 (–30–90) 32,4 (–20–80) < 0,01


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RE1 postop. active (°) 21,9 (–30–80) 11,4 (–30–80) < 0,01

RI postop. passive (°) 5,1 (0–10) 5 (0–10) NS

RE2 postop. active (°) 42,2 (0–100) 40,9 (–20–90) NS


EAP : élévation antérieure passive, EAA ; élévation antérieure active ; RI : rotation interne ; RE1 : rotation externe coude au corps ; RE2 :
rotation externe à 90° d’élévation.

L’analyse et la comparaison des gains obtenus mon- Il y avait 9 hémiarthroplasties et 17 prothèses inver-
trent une différence significative en faveur des prothè- sées avec un recul minimum de 5 ans. Le résultat
ses inversées, notamment en ce qui concerne la force obtenu dans chaque groupe est resté stable dans le
et l’élévation antérieure active (tableau 3), mais le gain temps (tableau 4). Avec ce recul, le score de Constant
en rotation externe coude au corps était meilleur avec des prothèses inversées était significativement meilleur
les hémiarthroplasties. que celui des hémiarthroplasties.
314 L. FAVARD, D. OUDET, D. HUGUET, F. SIRVEAUX, D. MOLE

Tableau 3
Comparaison des gains obtenus dans les 2 groupes de patients (hémiarthroplastie versus prothèse inversée)

Critères Hémiarthroplasties Prothèses inversées Significativité (p)

Douleurs 6,6 (–3–15) 10,7 (1–15) < 0,0001

Activités 6 (–6–14) 10,7 (–2–18) < 0,0001

Mobilité 6,5 (–18–28) 15,1 (–24–34) < 0,0001

Forces 0,2 (–8–8) 5,4 (–5–15) < 0,0001

Constant 19,3 (–22–59) 42,3 (–15–75) < 0,0001

EAP (°) 11 (– 90–80) 24 (–60–130) p = 0,11

EAA (°) 18 (–80–110) 65 (–40–150) < 0,0001

RE1 active (°) 11 (–40–70) 3 (–50–80) < 0,01


EAP : élévation antérieure passive, EAA ; élévation antérieure active ; RE1 : rotation externe coude au corps.

Tableau 4
Résultats selon le score de Constant et le recul dans les 2 groupes de patients

Recul Hémiarthroplasties Prothèses inversées Significativité (p)


Score de Constant n Score de Constant n

24–36 mois 45,9 (13–71) 22 66,1 (41–83) 30 < 0,0001


36–60 mois 46,9 (28–67) 28 64 (35–85) 29 < 0,0001
> 60 mois 45,9 (18–73) 9 67,4 (34–83) 17 < 0,0001

Analyse radiographique
Sur le versant huméral, il a été observé 1 liseré complet
et 10 liserés incomplets dans le groupe des hémiarthro-
plasties. Dans le groupe des prothèses inversées, 1 pro-
thèse non cimentée a présenté un enfoncement ayant

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abouti à un mauvais résultat.
Sur le versant glénoïdien, seules les prothèses inver-
sées sont concernées. Trois implants sont considérés
comme descellés mais n’ont pas été révisés. Un d’entre
eux était associé à un dévissage. Trois implants ont eu
un dévissage partiel de la glénosphère sans retentisse-
ment sur le résultat fonctionnel.
Dans les deux groupes, il a été observé des altéra-
tions osseuses. Dans le groupe des hémiarthroplasties,
33 épaules avaient une usure importante de la voûte
acromiale (figure 2). Dans le groupe des prothèses
inversées, 50 épaules avaient une encoche du pilier
de l’omoplate dont 13 atteignaient la vis inférieure Figure 2. Hémiarthroplastie avec une importante usure de la
(figure 3). voûte acromiale et une érosion glénoïdienne.
Résultats des prothèses anatomiques et prothèses inversées dans l’omarthrose excentrée 315

similaires à ceux des autres étiologies [12]. L’arthrodèse


peut éventuellement procurer un bon résultat sur la dou-
leur et la fonction, notamment dans les épaules pseudo-
paralytiques, mais elle est souvent mal acceptée par les
personnes âgées atteintes de façon bilatérale et la fusion
osseuse est difficile à obtenir. Cofield et Briggs [4] rap-
portent 2 cas de pseudarthrose sur 12, et pour Arntz [2],
2 cas sur 10 ont nécessité une greffe osseuse secondaire.
Les arthroplasties contraintes ou semicontraintes ont
un risque élevé de descellement glénoïdien du fait
des forces importantes qui s’exercent sur l’implant.
Copeland [5] rapporte 10 descellements sur 40 arthro-
plasties avec la prothèse de Stanmore, Post [14] rap-
porte 15 complications majeures sur 78 cas avec la
prothèse de Reese. L’utilisation d’un implant glénoï-
dien avec une concavité supérieure accentuée n’a pas
permis d’obtenir de bons résultats pour Amstutz [1],
Figure 3. Prothèse inversée avec une importante encoche du qui note une diminution des mobilités, ni pour Neer
pilier de l’omoplate atteignant la vis inférieure. [12], qui rapporte un taux élevé de complications.
L’utilisation des arthroplasties totales ne permet
pas une bonne stabilisation de la tête humérale qui,
Discussion migrant vers le haut, exerce ainsi une contrainte asy-
métrique sur la partie supérieure de la glène aboutis-
Cette étude montre que les résultats à moyen terme sant à son descellement. C’est le mécanisme du « cheval
sont meilleurs avec les prothèses inversées qu’avec les à bascule » décrit par Franklin [9], qui rapportait la
hémiarthroplasties dans les arthropathies avec rupture survenue de 7 descellements sur 14 cas d’implant mis
massive de la coiffe des rotateurs. pour omarthrose excentrée.
Cette pathologie peut être très invalidante, comme en Les résultats de notre étude confirment le bien-
témoigne le score de Constant préopératoire. Comme fondé du concept biomécanique de la prothèse de
dans la littérature, la population concernée est assez Grammont. Cependant, 3 descellements glénoïdiens
stéréotypée : femmes âgées, atteinte fréquemment bila- sont apparues. Par ailleurs, les encoches du pilier de
térale touchant préférentiellement le côté dominant. Le l’omoplate sont préoccupantes pour l’avenir de la pro-
traitement chirurgical par mise en place d’une prothèse thèse. L’avantage de l’hémiarthroplastie est de ne pas
d’épaule permet globalement d’améliorer ces patients. utiliser de glène. En contrepartie, la migration supé-
Schématiquement, une prothèse inversée donne un rieure de la tête humérale induit une détérioration
meilleur résultat fonctionnel qu’une hémiarthroplas- progressive de la voûte acromiale compromettant le
tie, notamment en ce qui concerne la force, l’activité résultat fonctionnel. De plus, dans cette étude, toutes
et l’élévation active du bras. L’hémiarthroplastie donne les omarthroses excentrées ayant eu un geste chirur-
un bon résultat sur la douleur et une rotation externe gical au niveau de la voûte avait été exclues dans le
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active coude au corps meilleure que la prothèse inver- groupe des hémiarthroplasties. Malgré cela, 50 %
sée. En revanche, il n’y a pas de différence entre les deux ont développé une érosion de la voûte acromiale. Or,
implants concernant les rotations à 90° d’élévation. Il Field [8] a rapporté 6 échecs sur 16 hémiarthroplas-
est également intéressant de noter que la rotation interne ties, dont 4 après chirurgie sur la voûte acromiale avec
ne diffère pas entre les deux implants, permettant dans apparition secondaire d’une subluxation antérosupé-
les deux cas d’atteindre le bas du dos. Ainsi, la critique rieure de la prothèse. La prothèse inversée est donc
habituelle faite aux prothèses inversées concernant la une meilleure indication dans ces cas.
perte de la rotation interne ne s’applique pas à cette
étude. Enfin, il faut insister sur le maintien du résultat
dans le temps, puisque les résultats restent stables au- Conclusion
delà de 5 ans pour les deux types d’implants.
Le traitement des omarthroses excentrées est difficile : Les résultats obtenus par une arthroplastie dans l’omarth-
la destruction de la coiffe des rotateurs et la mauvaise rose excentrée sont meilleurs si une prothèse inver-
qualité de l’os ne permettent pas d’obtenir des résultats sée est utilisée. Les sources d’échec et d’inquiétude
316 L. FAVARD, D. OUDET, D. HUGUET, F. SIRVEAUX, D. MOLE

sont représentées par le descellement glénoïdien et hémiarthroplasties. La prudence conduit à en réserver


l’encoche du pilier de l’omoplate dans le groupe des l’usage chez les patients âgés de plus de 70 ans et de
prothèses inversées, et par l’ascension de la tête humé- conserver l’indication d’hémiarthroplastie, à but fonc-
rale et la destruction de la voûte acromiale dans les tionnel limité, chez les patients plus jeunes.

RÉFÉRENCES

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of the shoulder for rotator cuff arthropathy. J Shoulder Elbow
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317

Prothèse d’épaule à cupule mobile


dans le traitement des omarthroses
à coiffe détruite
Bipolar shoulder arthroplasty for the treatment
of rotator cuff arthropathy

C. MAYNOU, S. AUDEBERT, E. PETROFF, A. MULLIEZ, S. NAUDI, H. MESTDAGH

RÉSUMÉ SUMMARY
Ce travail rapporte les résultats cliniques à long terme des prothè- The purpose of a first study was to analyse the dynamic com-
ses d’épaule à cupule mobile dans le traitement des omarthroses portment of bipolar shoulder arthroplasty. Active forward ele-
à coiffe détruite ainsi qu’une analyse radiocinématique du com- vation and rotations of 39 bipolar prostheses, performed for
portement prothétique en élévation antérieure et en rotation. Le glenohumeral osteoarthritis combined with massive cuff tear,
comportement radiocinématique de 39 prothèses à cupule mobile were studied by video-fluoroscopy at an average follow-up of
revues au recul de 32 mois était corrélé avec le type d’omarthrose 32 months. The results were statistically correlated with the
et le score de Constant. Un rythme scapulothoracique normal était stage of glenohumeral arthritis according to the Hamada clas-
plus fréquemment observé dans les formes centrées. Les formes sification. Normal scapulothoracic rhythm was more frequently
excentrées débutantes à glène peu arthrosique présentaient un observed in primary osteoarthritis and correlated with a good
comportement paradoxal et de mauvais résultats cliniques. Si les result. A second study analysed the long-term clinical results
résultats cliniques à long terme de 52 prothèses revues au recul of bipolar shoulder arthroplasty in 52 cases with a clinical final
de 80 mois révélaient une amélioration de tous les paramètres du follow-up of 80 months. All parameters of the Constant score
score de Constant, l’élévation moyenne limitée à 78° et le score de were improved but the average anterior elevation reached only
Constant à 45 points attestaient du bénéfice limité obtenu avec ce 78° and the final Constant score was 45 points, giving evidence
type d’implant. La dégradation évolutive du résultat clinique était of the limited goal obtained with this kind of arthroplasty.
liée à la fréquente excentration supérieure de la prothèse érodant Decreased clinical results with time were correlated with supe-
la voûte acromiale, notamment dans les stades évolués de la classi- rior migration of the prosthesis, leading to the deterioration of
fication de Hamada. Les indications restantes de ce type d’implant the coracoacromial arch, especially in advanced stages of the
nous paraissent limitées aux omarthroses centrées à coiffe détruite Hamada classification. According to these results, clinical indi-
lorsque le stock osseux n’autorise pas la mise en place d’une pièce cations of the bipolar shoulder arthroplasty seems limited to
glénoïdienne ou chez des patients fragiles à faible demande fonc- rotator cuff arthropathy with poor glenoid bone stock where gle-
tionnelle, nécessitant un geste chirurgical court. Dans ces dernières noid resurfacing is not possible and in patients with low func-
indications, la prothèse d’épaule à cupule mobile n’a pas montré sa tional demands. Bipolar shoulder arthroplasty do not give better
supériorité par rapport aux hémiarthroplasties unipolaires. results than hemiarthroplasty.

Mots clés : Épaule. – Omarthrose. – Prothèse – Rupture de la Key words: Shoulder. – Rotateur cuff tears. – Prosthesis. - Gleno-
coiffe des rotateurs. humeral osteoarthritis.

Introduction coiffe des rotateurs. Selon lui, la double articulation


présenterait pour avantages théoriques l’augmentation
Initialement conçue pour la hanche, l’arthroplastie concomitante de la stabilité et de la mobilité prothéti-
à cupule mobile a été proposée à l’épaule dès 1975 que ainsi que la diminution des contraintes à l’interface
par Swanson [14] pour tenter de résoudre le problème os–prothèse. La réduction des contraintes à l’interface
des omarthroses associées à une vaste rupture de la cupule–os limiterait l’usure glénoïdienne et le risque

Prothèses d’épaule. État actuel


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318 C. MAYNOU, ET AL.

d’érosion glénoïdienne. L’adjonction de la cupule classification de Goutallier et Bernageau [8], était


mobile permettrait de latéraliser l’humérus et d’amé- supérieure ou égale à trois dans 85 % des cas pour
liorer le bras de levier deltoïdien, facilitant l’élévation le supraépineux, 72 % des cas pour l’infraépineux et
et l’abduction du membre supérieur qui seraient par 47 % des cas pour le subscapulaire.
ailleurs optimisées par la mobilité intraprothétique. L’étude radiocinématique était réalisée selon un pro-
Enfin, le centrage automatique de la cupule lors des tocole inspiré des travaux de Boileau et Petroff [2,10].
mouvements de l’épaule améliorerait la stabilité pro- Chaque épaule opérée bénéficiait de deux radiogra-
thétique et harmoniserait la répartition des contraintes phies de face en rotation neutre, l’une bras le long du
avec la glène et la voûte acromiocoracoïdienne. corps, l’autre en élévation antérieure maximale, d’un
S’inspirant de ce concept, Worland et al. dévelop- profil de Lamy, et d’un enregistrement radioscopique
pent en 1990 la bipolar shoulder hemiarthroplasty, des mouvements d’élévation antérieure et de rotation.
(Biomet) qu’ils déclinent en plusieurs tailles de tige et La mobilité scapulothoracique, la mobilité glénohu-
de cupules adaptées à tous les types d’omarthrose et à mérale et la mobilité globale ont été appréciées grâce à
une implantation cimentée ou sans ciment. la mesure de trois angles, sur les radiographies en élé-
Avec ces implants de nouvelle génération, Petroff [10], vation antérieure maximale (figure 1) : l’angle scapu-
Thomazeau [15] et Worland [1,16,17] rapportent des lothoracique (ST), compris entre l’axe longitudinal de
résultats cliniques prometteurs sur la douleur et les la glène et l’axe vertical ; l’angle glénohuméral (GH),
rotations, mais les amplitudes modestes obtenues en compris entre l’axe diaphysaire et l’axe longitudinal
élévation remettent en cause l’intérêt de la bipolarité. de la glène ; et l’angle du membre supérieur (MS),
Notre expérience initiale avec les prothèses inversées compris entre l’axe diaphysaire et l’axe vertical, de
de première génération s’étant soldée par des échecs sorte que MS = GH + ST. Le calcul du rapport GH/
mécaniques à moyen terme, nous avons privilégié l’im- ST rendait compte du rythme scapulohuméral, dont la
plant à cupule mobile de Worland pendant plusieurs valeur normale est 3/2, conformément aux travaux de
années, et nous rapportons dans ce travail les résultats Freedman [3,7].
à long terme de cette option thérapeutique et le com- La position de la cupule mobile (figures 1 et 2) était
portement radiocinématique de ces implants afin de analysée sur les clichés de face au repos et en élévation
préciser les conditions anatomiques les plus propices maximale, par la mesure de l’angle compris entre l’axe
à leur utilisation. diaphysaire et le grand axe de la cupule. La variation
de cet angle rendait compte de la mobilité intrapro-
thétique.
Étude radiocinématique L’enregistrement radioscopique était réalisé sur une
table de radiologie motorisée à plan inclinable (figures
Une première étude analysait le comportement bio- 3 et 4). Les séquences vidéo étaient enregistrées sur ban-
mécanique de 39 prothèses d’épaule à cupule mobile des magnétiques et analysées ultérieurement à l’aide
implantées chez 35 patients (4 cas bilatéraux) âgés en du ralenti. Pour l’étude de l’élévation antérieure, les
moyenne de 70 ans (55–85 ans) au moment de l’inter-
vention. Vingt-six épaules présentaient une omarthrose
excentrée, dont le stade évolutif était apprécié selon
la classification de Hamada et Fukuda [9], parmi les-

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quelles on distinguait 19 formes débutantes (stades I à
IVa) et 7 formes évoluées où la destruction totale du
pôle supérieur de la glène et le comblement du défilé
sous-acromial aboutissaient à l’« acétabulisation » de
l’épaule (stade IVb). La série comportait également
13 omarthroses d’allure centrée, conservant un espace
acromiohuméral supérieur à 7 mm, malgré l’existence GH
d’une vaste rupture de la coiffe des rotateurs.
Toutes les épaules présentaient une rupture irrépara-
ble de la coiffe des rotateurs qui intéressait uniquement
le supraépineux dans 6 cas, le supra- et l’infraépineux ST MS
dans 11 cas, le supraépineux et le subscapulaire dans
11 cas, les trois tendons dans 11 cas. L’infiltration Figure 1. Angle scapulothoracique (ST) ; angle glénohuméral (GH) ;
graisseuse des muscles de la coiffe, évaluée selon la angle du membre supérieur (MS), d’après Boileau et al. [2].
Prothèse d’épaule à cupule mobile dans le traitement des omarthroses à coiffe détruite 319

46° Figure 2. Étude radiocinématique de la


mobilité intraprothétique : bras au repos
34° le long du corps (A) et en élévation
maximale (B). La mobilité intraprothéti-
A B que est à 12° (46°–34°).

Figure 3. Position du patient lors de l’étude


radioscopique de l’élévation antérieure (A)
A B et de la rotation (B).
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A B C D

Figure 4. Comportement cinématique « normal » d’une prothése bipolaire lors de l’élévation active : notez l’importance de la mobilté
intraprothétique présente dès le début de l’élévation (B) et qui se maintient (C, D).

patients étaient debout, le plan de la scapula paral- L’étude radiocinématique était réalisée au recul
lèle à la table. Ils effectuaient une élévation antérieure moyen de 32 mois (13–50 mois). Lors de l’enregistre-
active et maximale du bras dans le plan de la scapula, ment radioscopique, aucune prothèse ne présentait de
puis abaissaient lentement ce dernier. Pour l’étude de défaillance de son système de double articulation, car
la rotation, le plan de la scapula était perpendiculaire à toutes possédaient une mobilité intraprothétique en
la plaque. Les patients effectuaient des mouvements de élévation et/ou en rotation.
rotation interne et externe coude au corps, puis met- En élévation, trois types de comportement bioméca-
taient la main dans le dos. nique ont été individualisés.
320 C. MAYNOU, ET AL.

Tableau 1
Influence du comportement cinématique en élévation sur le
résultat fonctionnel

Normal Intermédiaire Paradoxal

Douleur 13,8 12,5 10,8

Élévation 115° 81° 42,5°


antérieure

Score de 63 52 30
Constant
absolu

Score de 89 % 73,5 % 45 %
Constant
pondéré

Figure 5. Migration prothétique proximale avec érosion de la


voûte acromioclaviculaire. Il existait une distribution statistiquement différente
(p < 0,001) des types d’omarthrose entre les trois grou-
pes : 85 % des omarthroses d’allure centrée avaient
Dix-sept prothèses présentaient un comportement un comportement « normal » et 70 % des omarth-
cinématique que nous avons qualifié de « normal », roses excentrées évoluées avaient un comportement
se divisant schématiquement en trois temps (figure 4) : « intermédiaire ». Enfin, toutes les épaules ayant un
un premier temps où la mobilité intraprothétique comportement « paradoxal » étaient des omarthroses
(tête/cupule) jouait le rôle de starter du mouvement excentrées.
d’élévation, pour une amplitude moyenne de 23,47° Les épaules ayant un comportement « normal » pré-
(12–44°) ; un deuxième temps où la mobilité extrapro- sentaient avant l’intervention une usure importante de
thétique (cupule/os) complétait l’ouverture du compas la glène, atteignant le pied de la coracoïde dans 70 %
scapulohuméral ; et un troisième temps où intervenait des cas, contre 41 % pour les épaules à comportement
essentiellement l’articulation scapulothoracique. Dans « intermédiaire ». En revanche, le stock osseux glénoï-
ce groupe, le rythme scapulohuméral était conservé dien préopératoire des épaules à comportement « para-
(GH/ST = 3/2) et l’élévation antérieure active attei- doxal » était toujours conservé. La différence entre les
gnait en moyenne 114,7° (90–150°). trois groupes était très significative (p < 0,001).
À l’opposé, 10 prothèses présentaient un compor- Il n’existait aucun lien entre le comportement bio-
tement « paradoxal » marqué par l’absence totale de mécanique en élévation des prothèses bipolaires et les
mobilité glénohumérale et de rythme scapulohuméral items suivants : l’âge, le sexe, le recul, l’état clinique
(GH/ST = 0). L’élévation antérieure dépendait entière- préopératoire, l’état préopératoire de la coiffe, le sacri-
ment de l’articulation scapulothoracique, et se limitait fice ou la conservation du long biceps, le diamètre de la

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en moyenne à 42,5° (30–60°). Dans 5 cas, une excur- cupule mobile, la longueur du col et la rétroversion.
sion supérieure de la prothèse sous l’auvent acromial En rotation, trois types de comportement bioméca-
précédait la bascule de la scapula. nique ont également été identifiés.
Enfin, 12 prothèses présentaient un comportement – Quinze prothèses avaient un comportement qualifié
« intermédiaire », marqué par une mobilité glénohumérale de « chronologique », car la mobilité intraprothétique
incomplète, privée dans 8 cas de mobilité extraprothé- précédait toujours la mobilité extraprothétique. Dans
tique (cupule/os), et dans 4 cas de mobilité intrapro- ce groupe, la rotation externe coude au corps attei-
thétique (tête/cupule). Le rythme scapulohuméral était gnait en moyenne 37° (10–80°), et la rotation interne
inversé (GH/ST proche de 1/2) et l’élévation antérieure 6,5 points (4 à 10 points).
active atteignait en moyenne 80,83° (60–110°). – Seize prothèses avaient un comportement « anarchi-
Lorsque le comportement en élévation était « nor- que », car les mobilités intra- et extraprothétiques se
mal », le résultat clinique dans le score de Constant était répartissaient de façon aléatoire. La rotation externe
statistiquement meilleur qu’en cas de comportement était en moyenne de 43° (20–70°), et la rotation interne
« intermédiaire » et a fortiori « paradoxal » (tableau 1). de 5,7 points (2 à 10 points).
Prothèse d’épaule à cupule mobile dans le traitement des omarthroses à coiffe détruite 321

– Enfin, 8 prothèses avaient un comportement « tron- cupule en raison d’un démontage observé au premier
qué », car elles fonctionnaient comme une prothèse mois postopératoire, probablement en rapport avec
monobloc. La rotation externe se limitait alors à un défaut d’assemblage lors de l’intervention initiale.
8,7° (0–30°), et la rotation interne à 4,2 points (2 à Deux patients ont été repris pour raideur de l’épaule
6 points). mise sur le compte d’un surdimensionnement de la
Il n’existait aucun lien entre le comportement bio- cupule à l’origine d’un conflit coracoïdien antérieur.
mécanique en rotation et le comportement biomécani- Dans les deux cas, la mise en place d’une cupule de
que en élévation. plus petit diamètre ne permettait pas d’améliorer le
résultat final. Enfin, un patient a été réopéré à trois
reprises pour persistance d’une impotence fonction-
Résultats cliniques à long terme nelle douloureuse aboutissant au remplacement de la
prothèse à cupule mobile par une prothèse inversée.
La série se composait de 52 prothèses de type bipo- Tous les critères du score de Constant étaient amélio-
lar shoulder hemiarthroplasty (Biomet, Warsaw, Inc.) rés de façon statistiquement significative (tableau 2).
implantées chez 48 patients (4 cas bilatéraux) entre L’élévation antérieure active moyenne était de 78,5°
1995 et 2002 dans le service d’orthopédie A du CHRU (20–170°) et la rotation latérale active coude au corps
de Lille. Les patients étaient opérés à un âge moyen de 21° (−20–60°).
de 68,8 ans (52–84). L’analyse radiologique préopé- Parmi les 37 patients qui présentaient une omarth-
ratoire permettait de distinguer 13 omarthroses pri- rose de stades 1 à 5 selon Hamada, le taux de rupture
mitives à coiffe rompue (25 %), 19 stades de Hamada de la voûte acromiale était de 32 % (12 patients) et
1, 2 et 3 correspondant à des ruptures massives sans le taux de majoration de l’usure acromiale de 19 %
arthrose glénohumérale, et 20 stades 4 et 5 de Hamada (7 patients), ce qui porte à 51 % le taux de dégradation
s’accompagnant d’une arthrose glénohumérale ou de l’arche acromio-coracoïdienne dans ce groupe.
d’une nécrose céphalique. La distance acromiohumérale Sur 47 dossiers exploitables à la révision, une usure
moyenne préopératoire était chiffrée à 4,5 mm et variait glénoïdienne dans le plan vertical était observée dans
suivant le type lésionnel : 9,3 mm pour les omarthroses 49 % des cas (n = 23). Ainsi la proportion de glènes
primitives à coiffe rompue, 4,2 mm pour les stades 1 à de type E2 ou E3 passait de 20 % en préopératoire à
3 de Hamada, et 1,9 mm pour les stades 4 et 5. 53 % à la révision.
L’usure glénoïdienne préopératoire dans le plan Le degré d’usure verticale de la glène sur les clichés
vertical était évaluée sur 50 dossiers et révélait préopératoires avait une influence statistiquement
19 glènes de type E0 (38 %), 21 glènes de type E1 significative sur le score de Constant, l’activité, la
(42 %), 9 glènes de type E2 (18 %) et une glène de force, la mobilité et particulièrement l’élévation anté-
type E3 (2 %). L’intervention était menée par voie rieure active (tableau 3). Le score de Constant était
deltopectorale dans tous les cas. La rétroversion de meilleur pour les glènes E0 et E1 (45 et 51 points) que
l’implant était notée par l’opérateur dans 35 cas et pour les glènes E2 (32 points).
était en moyenne de 29° (20–45°). La tige humérale La hauteur de l’espace acromiohuméral influençait
était implantée sans ciment dans 33 cas (63,5 %) très significativement la mobilité (p = 0,0005), l’ac-
et cimentée à 19 reprises (36,5 %) en raison d’une tivité (p = 0,0004), la force (p = 0,0037) et le score de
stabilité peropératoire jugée insuffisante ou d’un Constant (p = 0,0013), mais elle était sans influence sur
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capital osseux de médiocre qualité. Une tige de grand la douleur et la rotation latérale active en position 2.
diamètre (11 mm, 12,5 mm ou 14 mm) était préférée L’étude comparée des résultats cliniques entre le
dans 36 cas (70 %). groupe des omarthroses primitives à coiffe rompue et
De la même façon, une cupule de grand diamètre les formes Hamada 1 à 5 révélait des résultats statis-
(48 ou 52 mm) était choisie dans 32 cas (62 %), la tiquement meilleurs dans le groupe des omarthroses
plus petite taille de cupule n’étant utilisée que 4 fois. primitives, à l’exception du critère douleur.
Le col prothétique était de taille standard dans 29 cas Une analyse évolutive du résultat clinique était pos-
(56 %) de longueur +2 mm dans 16 cas (31 %) et sible sur une cohorte de 30 patients de cette série qui
extra long +4 mm à 7 reprises (13 %). avaient bénéficié d’une révision clinique à un recul
Le recul moyen à la révision était de 80 mois ; intermédiaire de 31 mois et au recul final de 99 mois,
38 patients (73 %) présentaient un recul supérieur soit à un intervalle de 5,7 ans. Cette étude révélait une
à 6 ans. Sept réinterventions ont été réalisées chez dégradation du résultat clinique significative entre les
4 patients, correspondant à un taux de reprise chirur- deux reculs. Cette détérioration affectait tous les cri-
gicale de 8 %. Un patient nécessitait un changement de tères du score de Constant sauf la douleur. Ainsi, le
322 C. MAYNOU, ET AL.

Tableau 2
Comparaison des paramètres cliniques préopératoires et postopératoires *

Préopératoire Postopératoire Gain p

Constant brut/100 points 21,7 45 +23,3 S

Constant pondéré % 30 62 +32 S

Douleur/15 points 2,3 12,1 +9,8 S

Activité/20 points 8 13,1 +5,1 S

Mobilité/40 points 10,65 16,4 +5,75 S

Force/25 points 0,65 3,4 +2,75 S

Élévation antérieure active (EAA) 65,3 78,5 +13,2 NS

Rotation latérale position 1 (RE1A) 7,6 21 +13,4 S

Rotation latérale position 2 (RE2A) 5 23 +18 S


* S si p < 0,05, NS si non significatif.

score de Constant brut chutait de 51 à 45 points entre quée qu’il existait une rupture de la voûte acromiale
les deux reculs, et l’élévation antérieure active baissait (−27,2 % versus −6 % en l’absence de rupture de la
de 85 à 74° (p = 0,02). voûte).
Le type de lésion initiale avait une influence significa-
tive sur l’évolution du score de Constant, car si le score
de Constant pondéré restait stable pour les formes pri- Discussion
mitives (−5,67 %) ou les stades initiaux (+0,27 %), il
se dégradait significativement pour les formes Hamada L’analyse radiocinématique réalisée au recul moyen de
4 et 5 (−19,9 %). La régression du score de Constant 32 mois révèle qu’en élévation la mobilité intraprothé-
pondéré entre les deux reculs était d’autant plus mar- tique n’est présente que dans 64 % des cas. Son ampli-

Tableau 3
Résultats fonctionnels et mobilités en fonction du type d’usure de la glène selon la classification de Favard

Glène préopératoire Signification


statistique (p)
E0 (pas d’usure) E1 (usure centrale) E2 (usure supérieure)

Douleur 11,7 11,7 9 NS

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Activité 13 14,8 9,3 S

Mobilité 16,8 19,6 8,7 S

Force 3,5 4,7 1 S

Constant 45,2 50,9 32,2 S

EAA 80,5 93,5 43,3 S

RE1A 20,2 24,5 24,4 NS

RE2A 26,1 28,9 13,3 NS

RI1A 42,8 40,6 32,2 NS


EAA : élévation antérieure active ; NS : non significatif ; RE1A : rotation externe active, coude au corps ; RE2A : rotation externe active,
en abduction à 90˚ ; RI1A : rotation interne active.
Prothèse d’épaule à cupule mobile dans le traitement des omarthroses à coiffe détruite 323

tude moyenne est de 22,6° (max. = 44°). Elle n’atteint trées évoluées une solution de sauvetage intéressante,
donc jamais les 50° de débattement théorique autorisé car elle permet d’obtenir le meilleur compromis entre
par la prothèse. mobilité et stabilité articulaire.
Notre étude démontre l’influence néfaste d’un contact Ce travail validait le concept de la bipolarité pour les
cupule–os incongruent sur le comportement en éléva- omarthroses à vaste rupture de coiffe d’allure centrée
tion des prothèses bipolaires. Une congruence articu- et les omarthroses excentrées évoluées de type IVb,
laire médiocre crée une instabilité frontale de la cupule invitant à une sélection plus rigoureuse des patients,
mobile, qui parasite l’ouverture du compas scapulohu- tenant compte de la morphologie de la glène afin
méral. À l’extrême, la cupule mobile glisse sur la glène d’améliorer les résultats.
dès les premiers degrés d’élévation et vient s’encastrer Nos résultats à long terme présentent le plus long
sous l’auvent acromial. La présence d’une glène peu recul de la littérature (75 % de patients revus à plus de
ou pas arthrosique semble donc favoriser la survenue 6 ans), puisque seules 4 séries rapportent les résultats à
d’un comportement en élévation paradoxal. La pro- court terme de ce type d’implant dans cette indication
thèse bipolar possède en effet un déport latéral iden- spécifique [4,10,12,17]. Le score douleur de notre série
tique à celui d’une prothèse totale, permettant en cas (12 points) confirme le caractère pérenne de l’indolence
de destruction osseuse importante de restaurer le bras obtenue avec ce type d’implant. Les résultats sur la
de levier du deltoïde. Si le stock osseux glénoïdien mobilité en élévation antérieure active restent modes-
est conservé, la remise en tension des parties molles tes (78,5°) et le score de Constant absolu de 45 points
devient excessive et engendre une raideur douloureuse atteste du bénéfice limité, observé avec ce type de pro-
de l’épaule. L’influence de la morphologie de la glène thèse à long terme. Néanmoins, dans cette population
sur la congruence articulaire et la tension des parties âgée, la demande fonctionnelle passe fréquemment au
molles explique pourquoi le comportement en éléva- second plan derrière le résultat antalgique, expliquant
tion des prothèses bipolaires dépend étroitement du le taux de 73 % de satisfaction subjective.
type d’omarthrose. Dans la série, toutes les épaules Le taux de reprise chirurgicale toutes causes confon-
à comportement « paradoxal » sont des omarthroses dues est de 8 %. Si l’on prend en compte la dégrada-
excentrées débutantes dont la principale caractéristi- tion de la voûte acromiocoracoïdienne au plus long
que morphologique est de posséder une glène plate ou recul, le pourcentage de complications est de 36,5 %.
biconcave, à stock osseux conservé. Ce type d’omarth- Au total, 51 % des formes Hamada 1 à 5 présentaient
rose constitue pour nous une contre-indication à l’utili- une détérioration de la voûte acromiale.
sation de prothèse à cupule mobile. Toutes les séries d’hémiarthroplasties mettent en
À l’opposé, les omarthroses d’allure centrée, dont évidence une usure progressive de la voûte acromiale ;
la glène est usée de façon concentrique, offrent des ainsi, Sanchez-Sotelo et al. [11] observent 46 % d’éro-
conditions anatomiques idéales au fonctionnement de sion acromiale et deux fractures acromiales sur une
ce type d’implant, permettant de conserver un rythme série de 31 patients revus au recul de 3,5 ans. Field
scapulohuméral normal dans 86 % des cas. rapporte 4 instabilités antérosupérieures (33 %) sur
En cas d’omarthrose excentrée évoluée (stade IVb), 12 hémiarthroplasties [6], et Fenlin et al. [5], 23 % de
70 % des prothèses adoptent un comportement en élé- fracture acromiale sur une série de 13 patients.
vation « intermédiaire », en raison de la réduction de Nos résultats montrent que l’utilisation d’une pro-
mobilité extraprothétique. Comme Thomazeau [15], thèse à cupule mobile ne résout pas le problème de la
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nous observons que cette mobilité extraprothétique destruction progressive de la voûte acromiale. Cette
est moins bonne lorsque la cupule mobile est en large détérioration intéresse préférentiellement les formes
appui acromioglénoïdien que dans les formes conser- d’omarthroses initialement évoluées et excentrées (sta-
vant un appui glénoïdien prédominant. Le blocage de des 4 et 5).
la cupule mobile sous la voûte acromiale prive l’épaule Le surdimensionnement de la cupule humérale pré-
d’une partie de sa mobilité glénohumérale, mais assure conisé par Swanson et utilisé dans cette série (cupules
en contrepartie une stabilité prothétique optimale. de grand diamètre dans 62 % des cas) n’a pas eu l’ef-
Field [6] souligne que le traitement de ces épaules très fet escompté dans la mesure où il n’a pas évité l’usure
remaniées par une hémiarthroplastie expose au risque de la voûte. Deux cupules ont par ailleurs été repri-
de luxation antérosupérieure, surtout lorsque la voûte ses pour des conflits douloureux coracoïdiens liés à la
acromiale est fragilisée. Parallèlement, l’implantation dimension excessive des implants.
d’une prothèse inversée est difficile, en raison de la piè- Le stade lésionnel initial, selon Hamada, avait une
tre qualité du stock osseux glénoïdien. L’arthroplastie influence significative sur le résultat clinique. Les
bipolaire représente donc pour les omarthroses excen- omarthroses primitives à coiffe rompues présentaient
324 C. MAYNOU, ET AL.

un meilleur résultat que les formes excentrées (stades se produit dans l’articulation scapulothoracique. Pour
1 à 5 de Hamada) et ce résultat se maintenait dans ces auteurs, la prothèse à cupule mobile se comporte
le temps. Le résultat final était d’autant plus médiocre comme un implant unipolaire.
que les lésions initiales étaient évoluées (stades 4 et 5 de
Hamada) et s’accompagnaient d’une altération préopéra- Conclusion
toire de la voûte acromiale et de la glène ainsi que d’une
dégénérescence graisseuse avancée de l’infraépineux. Les résultats des prothèses d’épaule à cupule mobile
L’analyse évolutive d’une cohorte de 30 patients revus dans les omarthroses à coiffe détruite peuvent être
à deux reculs successifs de 31 mois et 99 mois confir- considérés comme acceptables dans la mesure où tous
mait ces informations. La chute significative du score les paramètres du score de Constant sont améliorés.
de Constant pondéré de 71 à 61 % entre les deux reculs Les résultats sur la composante douloureuse sont satis-
était essentiellement à mettre sur le compte des stades faisants et le taux de satisfaction des patients atteint
4 et 5 qui voyaient leur score pondéré perdre 20 %. 77 %. Cependant, il existe une dégradation évolutive
La progression de l’usure glénoïdienne dans le plan du résultat clinique liée à la fréquente excentration
vertical semble infirmer l’idée d’une diminution des supérieure de la prothèse altérant la voûte acromiale,
contraintes à l’interface os–cupule qu’offriraient les notamment dans les stades évolués de la classification
implants bipolaires. En effet, nous avons observé une de Hamada. Si la mobilité prothétique persiste au
usure glénoïdienne supérieure dans 50 % des cas, recul de 88 mois, elle comporte peu d’avantages pour
favorisant l’excentration supérieure de l’implant et la la mobilité du patient avec une élévation antérieure
dégradation de la voûte acromiale. Cette constata- modeste, peu d’avantage sur la stabilité en raison des
tion était également faite par Duranthon et al. [4] qui fréquentes excentrations verticales, et elle ne prévient
rapportaient 25 % d’usure glénoïdienne progressive. pas l’usure glénoïdienne.
Dans certains cas, la cupule mobile semble avoir un L’intérêt des prothèses à cupule mobile dans le trai-
effet néfaste par encastrement dans l’articulation acro- tement chirurgical des omarthroses excentrées ne nous
mioclaviculaire, ce qui n’a jamais été observé avec les paraît pas validé par ce travail.
hémiarthroplasties sans mobilité intraprothétique. En conséquence, les indications restantes de ce type
La persistance d’une mobilité intra- et extraprothéti- d’implant nous paraissent limitées aux omarthroses
que à long terme est confirmée dans cette série. Les cli- centrées à coiffe détruite, si le stock osseux n’autorise
chés réalisés coude au corps et en abduction maximale pas la mise en place d’une pièce glénoïdienne ou chez
révèlent une mobilité intraprothétique moyenne de des patients fragiles à faible demande fonctionnelle,
17°. Cette notion n’est pas confirmée par Stavrou et al. requérant un geste chirurgical court. Dans ces dernières
[13] qui ne mesurent que 5° de mobilité intraprothéti- indications, la prothèse à cupule mobile n’a pas mon-
que sur une série de 11 prothèses à cupule mobile, et tré sa supériorité par rapport aux hémiarthroplasties
considèrent que l’essentiel de la mobilité en abduction unipolaires.

RÉFÉRENCES

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Prothèse d’épaule à cupule mobile dans le traitement des omarthroses à coiffe détruite 325

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326 L. FAVARD, J. BERHOUET, G. BACLE

Résultats à long terme des prothèses


d’épaule inversées
Long-term results of the reverse shoulder arthroplasty

L. FAVARD, J. BERHOUET, G. BACLE

RÉSUMÉ SUMMARY
Les résultats à long terme des prothèses inversées peuvent se faire Long term results of reverse shoulder prosthesis may be given
soit par l’analyse des courbes de survie, soit par l’analyse d’une by either analysing survival curves or analysing a series of
série de patients. Le taux de survie pour une révision de la pro- patients. The survival rate to revision of the prosthesis varies
thèse varie en fonction de l’étiologie. Il est globalement de 89 % with the etiology. The studies show a global survival rate of 89%
à 10 ans pour les omarthroses excentrées, mais en dessous de at 10 years in cuff tear arthropathy but less than 75% in others
75 % pour les autres étiologies, notamment les révisions et les etiologies (revision, rheumatoid arthritis, etc.). The majority of
polyarthrites. L’essentiel des changements de prothèses survient revisions take place during the first 4 years either because of
dans les quatre premières années soit du fait d’une infection, soit infection or glenoid loosening. The functional results decrease
du fait d’un descellement glénoïdien. Par ailleurs, le résultat fonc- with time after 7 year follows up probability in relationship with
tionnel devient moins bon à partir de 7 ans de recul, sans doute a progressive radiological deterioration.
en relation avec une détérioration radiographique de survenue
plus précoce mais d’expression clinique plus tardive.

Mots clés : Arthroplastie d’épaule. – Courbe de survie. – Résultats Key words: Arthroplasty shoulder. – Survival curve. – Long-term
à long terme. results.

Introduction qu’une hémiarthroplastie ou encore une arthroplas-


tie bipolaire, mais les résultats en sont souvent assez
À la différence du genou ou de la hanche, l’épaule décevants et à « buts limités » [17]. Par ailleurs, l’ex-
doit l’essentiel de sa stabilité à la coiffe des rotateurs centration supérieure progressive de la tête entraîne
dont l’intégrité est essentielle pour poser l’indication une voûte acromiale et expose le patient à une dégra-
d’une arthroplastie de l’épaule. En effet, si les résultats dation du résultat fonctionnel dans le temps [20].
des arthroplasties sont corrects lorsque la coiffe des Une autre possibilité consiste à utiliser des prothèses
rotateurs est intacte [16], ils sont le plus souvent déce- contraintes à centre de rotation fixe, mais les résultats
vants lorsqu’il existe une rupture importante [1,17,28] des différentes séries font état d’un taux de complica-
comme dans les arthropathies avec rupture massive de tions, notamment de descellement, important, ayant
la coiffe, dans certaines formes de polyarthrite rhu- conduit progressivement à l’abandon de ces implants
matoïde, dans certaines reprises d’arthroplasties ou [12,13,18].
encore dans les arthroplasties sur sequelles de fractu- Enfin, il est possible d’utiliser une prothèse d’épaule
res lorsque les tubérosités ne consolident pas. dite inversée, mise au point initialement par Grammont
Dans ces situations, l’absence de coiffe des rotateurs [10], et qui semble donner des résultats encourageants.
est responsable d’une excentration supérieure de la tête Néanmoins, cette prothèse a eu une diffusion limitée
humérale qui, en cas d’arthroplastie totale, augmente au début, puis de nouveaux modèles ont été fabriqués,
le risque d’un descellement rapide de la glène par effet mais les résultats à long terme sont peu nombreux
de « cheval à bascule » [8]. Pour éviter ce risque, il est (tableau 1). Pourtant, les contraintes qui s’exercent
possible de ne pas remplacer la glène et de n’utiliser sur la partie glénoïdienne de la prothèse du fait de son

Prothèses d’épaule. État actuel


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Résultats à long terme des prothèses d’épaule inversées 327

Tableau 1
Recul des principales séries de prothèses d’épaule inversées publiées dans la littérature

Auteurs Année Recul moyen (mois) Nombre de cas Étiologie

Rittmeister [19] 2001 54 7 PR

Sirveaux [23] 2004 44 80 CTA

Vanhove [25] 2004 31 32 CTA

Werner [27] 2005 38 58 Variées

Seebauer [21] 2005 18,2 57 CTA

Frankle [7] 2005 33 60 CTA

Guery [11] 2006 69,6 80 Variées

Boileau [2] 2006 40 45 Variées

Valenti [24] 2006 84 39 CTA

Favard [5] 2006 43,5 389 Variées

Levy [14] 2007 44 19 Reprises

Bufquin [3] 2007 22 43 Fracture

Gohlke [9] 2007 31,5 34 Reprises

Wall [26] 2007 39,9 191 Variées

SOFCOT [15] 2007 484 52 CTA


CTA : cuff tear arthopathy ; PR : polyarthrite rhumatoïde.

caractère partiellement contraint font craindre pour la survie de la prothèse inversée dans le cadre des cuff
longévité de cette prothèse en termes d’usure et de des- tear arthopathies (CTA) : un taux de survie pour une
cellement. révision, une faillite ou un descellement de l’implant
L’étude des résultats à long terme peut se faire soit de 91 % à 5 ans, 75 % à 7 ans et 30 % à 8 ans, mais
par l’analyse des courbes de survie qui donne un aspect le nombre de cas avec un tel recul était faible puisque
évolutif des résultats, soit par l’analyse d’une série de seuls 17 patients avaient plus de 5 ans de recul.
patients. La série de Sirveaux [23], une des premières L’étude de Guery [11] était plus intéressante par le
publiées, a permis de rapporter des résultats à 44 mois nombre de patients revus. Cette étude était multicen-
de moyenne pour des omarthroses excentrées et de tra- trique et concernait 80 prothèses inversées implantées
cer des courbes de survie. Depuis, seules 3 études, tou- chez 77 patients pour des étiologies variées. Son but
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tes françaises, semblent intéressantes pour analyser les était l’analyse de la survie de ces prothèses. Le recul
résultats à long terme et les courbes de survie de cette moyen était de 69,6 mois (60–121 mois). Cette étude
prothèse : l’étude de Valenti [24], celle de Guery [11] faisait état des éléments suivants :
avec un recul minimal de 5 ans, et celle plus récente – un taux de survie global de 91 % à 120 mois. À 108
de la Sofcot [15] dans le cadre du symposium sur les mois, la segmentation des courbes en fonction de l’étio-
omarthroses excentrées. logie (arthropathie à rupture massive de coiffe versus
autres étiologies) montrait un taux de survie de 95 %
dans les arthropathies avec rupture massive de la coiffe
Courbes de survie et de 77 % dans les autres étiologies (figure 1). Cette
Les études différence était significative ;
– un taux de survie global de 88 % à 72 mois et 58 %
L’étude de Sirveaux [23] portant sur 80 prothèses à 120 mois vis-à-vis d’un score de Constant brut infé-
revues avec un recul moyen de 44 mois (24–97) avait rieur à 30. À 72 mois, la segmentation des courbes
permis de préciser les points suivants concernant la en fonction de l’étiologie (arthropathie avec rupture
328 L. FAVARD, J. BERHOUET, G. BACLE

Ablation de la prothèse

1,00 95 %
CTA

p < 0,05
0,80
Autres
étiologies
77 %
0,60
Survie

0,40

Break
0,20

0 12 24 36 48 60 72 84 96 108 120 132

Mois

Figure 1. Courbe de survie de 80 prothèses inversées, segmentée en fonction de l’étiologie, avec l’ablation de la prothèse comme
point de sortie. CTA : cuff tear arthopathy.

massive de coiffe versus autres étiologies) ne montrait arthropathies avec rupture massive de coiffe des rota-
pas de différence significative (figure 2). teurs. L’analyse des courbes de survie a permis d’ap-
L’étude réalisée dans le cadre du symposium de la porter les notions suivantes :
Sofcot [15], en 2006, rapportait les résultats cliniques – La courbe concernant l’ablation de la prothèse
d’une étude rétrospective, multicentrique regroupant (figure 3) ou sa transformation en hémiarthroplastie a
527 prothèses inversées mises en place à un âge moyen montré un taux de survie à 10 ans de 89 % et une rup-
de 73 ans (40 à 90 ans) revues avec un recul moyen ture de pente aux alentours de 2 puis 9 ans. Les abla-
de 52 mois. Ces prothèses ont été implantées pour des tions de prothèses, 12 au total, sont survenues au recul

Constant > 30
1,00

0,80
CTA

0,60 © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


Survie

Non significatif

0,40 Autres
Break étiologies

0,20

0 12 24 36 48 60 72 84 96 108 120 132

Mois

Figure 2. Courbe de survie de 80 prothèses inversées, segmentée en fonction de l’étiologie, avec un score de Constant brut < 30
comme point de sortie. CTA : cuff tear arthopathy.
Résultats à long terme des prothèses d’épaule inversées 329

Méthode actuarielle de Kaplan-Meier (I.C. asymétrique à 95 %)

1,00
Disparition de la prothèse
0,89 0,90

0,80
Inversées
0,70
Taux de survie

0,60

0,50

0,40

0,30

0,20

0,10

0,00 Temps de participation (ans)


1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
10 ans

Figure 3. Courbe de survie de 527 prothèses inversées avec l’ablation de la prothèse ou sa transformation en hémiarthroplastie
comme point de sortie (Sofcot 2006). IC : intervalle de confiance.

moyen de 23 ± 21 mois et sont toutes liées à une infec- Discussion


tion de la prothèse. Les transformations en hémiarthro-
plasties, survenues au recul moyen de 51 ± 50 mois, Survie de la prothèse
mais avec un pic important avant 2 ans (10 cas), sont
toutes dues à des problèmes glénoïdiens. Guery et al. [11] insistaient sur l’aspect de la courbe de
– La courbe concernant un score de Constant [4] brut survie qui présentait une cassure entre 1 et 3 ans concer-
inférieur à 30 (figure 4), a montré un taux de survie à nant les reprises de prothèses et affectant plus particu-
10 ans de 72 % et une pente régulière avec une rupture lièrement le groupe des étiologies diverses que celui des
aux alentours de 8 ans. arthropathies à ruptures massives de coiffe (figure 1). En

Méthode actuarielle de Kaplan-Meier (I.C. asymétrique à 95 %)


1,00

0,90
Constant > 30
0,72 0,80
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0,70
Taux de survie

0,60

0,50 Inversées
0,40

0,30

0,20
0,10

0,00 Temps de participation (ans)


1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17

10 ans

Figure 4. Courbe de survie de 527 prothèses inversées avec un score de Constant brut < 30 comme point de sortie (Sofcot 2006).
IC : intervalle de confiance.
330 L. FAVARD, J. BERHOUET, G. BACLE

effet, l’essentiel des changements de prothèse est survenu Résultat fonctionnel


pendant cette période soit à cause d’une infection, notam-
ment pour deux polyarthrites rhumatoïdes, soit à cause Deux études [11,15] ont montré au niveau de la courbe
d’un descellement rapide. En revanche, en l’absence d’un une deuxième cassure ou un infléchissement progres-
problème précoce, la survie de cette prothèse apparaît sif à partir de la 6e année qui concernait le résultat
bonne, au moins pour les dix premières années. fonctionnel et qui affectait plus particulièrement la
L’étude de la Sofcot [15] confirme ces données. La dis- courbe des arthropathies avec ruptures massive de
parition des prothèses par ablation ou transformation coiffe (figure 2). Cette cassure correspondait à une
en hémiarthroplasties survient de façon préférentielle dégradation progressive du résultat fonctionnel. Les
dans les trois à quatre premières années qui suivent courbes similaires réalisées en fonction du Constant
l’implantation. La raison en est soit la survenue d’une pondéré ont montré un même profil évolutif, prouvant
infection, soit la survenue d’un problème glénoïdien. que cette dégradation fonctionnelle n’était pas liée à
La fréquence des infections est rapportée dans d’autres l’âge. La cause de cette dégradation reste actuellement
séries [2,6,26,27]. L’explication d’une telle fréquence incertaine, mais pourrait être la conséquence retardée
dans un contexte d’arthroplastie est multifactorielle. d’anomalies radiologiques.
L’espace mort inhérent à cette prothèse favorise la consti-
tution d’hématomes qui peuvent jouer un rôle dans l’in-
fection, mais le terrain (patient âgé et souvent fragile) et Rôle de l’étiologie
les antécédents d’infiltrations souvent nombreuses peu- Les études de Sirveaux [23] et de la Sofcot [15] n’ont
vent également constituer des facteurs favorisants. analysé que les résultats de la prothèse inversée dans
La survenue d’un problème glénoïdien dans les pre- les CTA. Celle de Guery [11] concernait d’autres étio-
mières années est pratiquement toujours le fait soit logies, mais assez inhomogènes avec une majorité
d’un problème mécanique type dévissage, soit d’une importante de CTA. Néanmoins, le regroupement des
erreur de pose initiale mettant la glène prothétique CTA d’un côté et des autres étiologies de l’autre a fait
dans une mauvaise situation mécanique. Le problème apparaître des différences significatives de la survie de
du dévissage, actuellement résolu, a été indiscutable- la prothèse en faveur des CTA. La polyarthrite rhuma-
ment un facteur de complication (figure 5). En dehors toïde (PR) apparaît d’ailleurs comme une étiologie à
de ces problèmes, si le cap des 3 à 4 ans est franchi, la risque. En effet, c’est dans ce groupe qu’il y a eu le plus
tenue glénoïdienne semble bonne et durable. de reprise chirurgicale. La qualité de l’os joue un rôle
sur la fixation des implants et le risque infectieux est
plus important. Ainsi, sur 8 patients ayant une atteinte
rhumatoïde de l’épaule et traités par une prothèse
inversée de Grammont, Rittmeister [19] rapporte trois
descellements glénoïdiens dont un septique et trois
échecs de synthèse acromiale dans le cadre d’un abord
transacromial.
Par ailleurs, l’étude de la survie réalisée lors du Nice
Course Shoulder 2006 [5], malgré un recul assez fai-
ble, apporte des informations supplémentaires sur le

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risque beaucoup plus important de complications dans
les cas de reprises d’hémiarthroplasties ou de prothèse
totales. Ce risque est également important dans les
séquelles de fractures de l’humérus proximal.

Résultats à long terme


L’étude de Sirveaux [23] a permis de préciser les points
suivants concernant l’utilisation de la prothèse inver-
sée dans le cadre des CTA :
– une amélioration significative sur le score de Constant
et ses différents paramètres ;
– une amélioration significative de l’élévation active
Figure 5. Exemple de dévissage de la glénosphère. et de la rotation externe active en élévation mais pas
Résultats à long terme des prothèses d’épaule inversées 331

d’amélioration de la rotation externe coude au corps de Constant (figure 6) et chacun de ses paramètres ont
ou de la rotation interne ; montré un gain significatif (p < 0,01). Le Constant brut
– un taux de reprise de 6,25 % du fait de descelle- à la révision était de 58 (9–98). Le Constant pondéré
ments glénoïdiens, d’infections et de dévissages de la était de 85 %. De même, l’amélioration des mobilités,
glénosphère notamment du côté droit, liés initialement notamment en élévation mais aussi en rotation, était
au système de vissage ; significative (figure 7).
– et surtout, l’absence de détérioration avec le temps, Cette étude s’est également intéressée à la compa-
les 17 patients ayant un recul supérieur à 5 ans n’ayant raison des résultats entre patients ayant plus (148 cas)
pas de dégradation du résultat. ou moins (336 cas) de 5 ans de recul et n’a retrouvé
L’étude de Valenti et al. [24] a rapporté des résul- aucune différence significative. En revanche, la compa-
tats avec un recul moyen, plus important, de 84 mois raison des résultats entre patients ayant plus (69 cas)
(5 à 9 ans), mais seulement 39 patients des 138 opérés ou moins (415 cas) de 7 ans de recul montrait une
ont été revus. Cette étude concernait des omarthroses différence significative pour le score douleur et le
excentrées. Les auteurs ont constaté : Constant pondéré. Enfin, la comparaison des résultats
– une amélioration significative sur le score de Constant entre patients ayant plus (41 cas) ou moins (443 cas)
et ses différents paramètres ; de 9 ans de recul retrouvait une différence significative
– une amélioration significative de l’élévation active, pour les scores douleur, mobilité, le Constant pondéré
mais pas de notion sur la rotation externe coude au et le score de Constant brut (tableau 2).
corps ou de la rotation interne ; Parallèlement, la comparaison du taux d’anomalies
– un taux de reprise de 4,3 % du fait de descellement glé- radiographiques humérales ou glénoïdiennes, telles
noïdien, d’infection et de dévissage de la glénosphère ; que liserés, fractures de vis, migrations, etc., notait une
– un taux d’encoche de 80 %, dont un tiers était des différence significative (p < 0,05) entre les deux popu-
encoches évoluées. Dans cette étude, la présence d’une lations dès le recul de 5 ans.
encoche n’avait pas de retentissement sur le score de Enfin, concernant les encoches, il existait une dif-
Constant. L’explication donnée à la survenue d’une férence significative, avec plus d’encoches de stades
telle encoche était soit un impingement entre le poly- 3 et 4 dans les populations au plus long recul. Ainsi,
éthylène et le pilier, soit une cause biologique type gra- le pourcentage d’encoches de stades 3 et 4 passait de
nulome sur débris d’usure. 35 % avec un recul de 5 ans à 49 % avec un recul de
L’étude de la Sofcot [15] portait sur 527 prothèses, 9 ans, alors que le pourcentage des encoches de sta-
dont 148 ont été revues à plus de 5 ans. Les résultats des 1 et 2 et des encoches de stade 0 diminuait légè-
à 91 mois de recul moyen (60–206 mois) sur le score rement. Cependant, la présence d’encoches de même

Constant préop.: 23 (0–55) Constant postop.: 58 (9–98)


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Postop 12 16 24 6

p < 0,01 p < 0,01 p < 0,01 Douleur


p < 0,01
Activité

Préop 3 7 12 2 Mobilité

Force

0 10 20 30 40 50 60 70
Figure 6. Résultats du score de Constant de 527 prothèses inversées revues avec un recul de 91 mois (60–206) (Sofcot 2006).
332 L. FAVARD, J. BERHOUET, G. BACLE

140
120
128
100
80
Préop
60 Postop
69
40 n = 527
42
20
23
5 11
0
EAA RE1A RE2A
Gain : 59° Gain : 6° Gain : 19°
p < 0,01 p < 0,05 p < 0,01

Figure 7. Résultats des mobilités actives en degré. EAA : élévation antérieure active ; RE1A : rotation externe active coude au corps ;
RE2A : rotation externe active en élévation à 90°.

Tableau 2
Résultats comparatifs du score de Constant [4] et de ses paramètres en fonction du recul

Recul Nombre < 5 ans/> 5 ans 336/148 < 7 ans/> 7 ans 415/69 < 9 ans/> 9 ans 443/41

Douleur 12,8/12 12,7/11,7 12,7/11,4*

Activité 16/15,8 16/15,6 16/15,3

Mobilité 26,8/26 26,8/25,2 26,8/23,4**

Force 7,2/7,5 7,3/7,4 7,4/6,6

Constant brut 62,8/64,5 62,8/60 63/56,7*

Constant pondéré 88/88 88,3/82,1* 88,3/78**


* p < 0,05.

stade 3 ou 4, n’avait aucune influence significative sur blème fonctionnel apparaissant de façon retardée. En
le score de Constant (figure 8). effet, plusieurs corrélations ont pu être mises en évi-

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dence montraient l’impact d’anomalies radiographiques
Discussion sur le résultat fonctionnel. Cela pourrait expliquer la
dégradation fonctionnelle progressive observée sur les
L’analyse des résultats à long terme, notamment la com- courbes de survie à partir de 7 ans de recul.
paraison des populations, montre avec le recul que les Cette étude montre également l’augmentation
différences cliniques concernent un nombre de plus en significative du nombre d’encoches de stade 3 et 4
plus important de paramètres. Ainsi, le score de Constant avec le recul, sans que celles-ci aient une quelconque
brut ne devient différent que pour la comparaison des influence sur le résultat fonctionnel (Figure 8). Ce
patients ayant plus ou moins 9 ans de recul, alors que résultat est sans doute surprenant, mais il va dans le
le score pondéré l’est à partir de 7 ans. En revanche, sens de la plupart des études réalisées à ce jour et qui
dès le recul de 5 ans, il existe une différence en ce qui ne permettent pas d’incriminer formellement la sur-
concerne les anomalies radiographiques beaucoup plus venue d’une encoche comme un facteur pronostique
fréquentes après ce recul qu’avant. Cela témoigne du de la fonction ou de descellement en dehors de celle
fait que ces anomalies sont sans doute sources de pro- de Simovitch [22].
Résultats à long terme des prothèses d’épaule inversées 333

Encoche
scapula
Gr 0 Gr 1 Gr 2 Gr 3 Gr 4

Recul
> 5 ans 18 % 47 % 35 % Constant 62

> 7 ans 11 % 43 % 46 % Constant 61

> 9 ans 11 % 40 % 49 % Constant 59

Figure 8. Taux d’encoche de la scapula en fonction du recul et score de Constant pour les stades 3 et 4.

Conclusion Ainsi, les recommandations de Guery et al. [11] dans


leur article reste d’actualité :
Les résultats à long terme des prothèses inversées pour – la prothèse inversée doit être réservée prioritairement
omarthroses excentrées peuvent être résumés ainsi : aux arthropathies avec rupture massive de coiffe ; elle
– un taux de survie de 89 % à 10 ans pour l’ablation semble contre-indiquée dans la polyarthrite rhumatoïde ;
ou la transformation de la prothèse, mais seulement de – la plus grande attention doit être portée à la pré-
72 % vis-à-vis d’un Constant inférieur à 30 ; vention des infections et au positionnement initial
– peu de détérioration fonctionnelle jusqu’à 8 ans ; de l’implant glénoïdien afin de minimiser les reprises
– beaucoup plus d’inquiétude sur les signes radiogra- précoces ;
phiques dès 5 ans ; – le résultat fonctionnel se dégrade progressivement à
– un taux d’encoches de stades 3 et 4 qui augmente partir de la 6e année et doit inciter à la plus grande
avec le recul sans incidence significative sur le resultat prudence dans l’indication de cette prothèse, surtout
fonctionnel. chez les patients jeunes.

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335

Résultats des prothèses


non contraintes dans l’omarthrose
secondaire à l’instabilité
Results of shoulder arthroplasty non constrained
in dislocation arthropathy

J. MATSOUKIS, G. WALCH

RÉSUMÉ SUMMARY
Les résultats de l’arthroplastie non contrainte dans le cadre des Unconstrained shoulder arthroplasty results for arthritis fol-
séquelles de l’instabilité d’épaule regroupent des situations très lowing anterior instability gather very different situations
différentes en fonction de la direction de l’instabilité (antérieure according to the instability direction (anterior or posterior), the
ou postérieure), de l’existence ou non d’une ou de plusieurs chirur- existence of a prior anterior stabilization procedure (one or seve-
gies stabilisatrices préalables et, enfin, du caractère éventuelle- ral operations), and at last the presence of a fixed dislocation.
ment fixé de la luxation. Les résultats de la chirurgie prothétique Prosthetic surgery results are good for arthritis secondary to ins-
sont bons dans l’omarthrose après instabilité antérieure non opé- tability, if there is no prior stabilization surgery or just a single
rée ou après une intervention stabilisatrice unique. En revanche, operation. On the other hand, in the context of multiple stabili-
dans le contexte d’échec de stabilisations antérieures multiples, la zation failure, surgical technique is difficult and results are less
technique opératoire est complexe et les résultats sont inférieurs satisfactory than reported in series of arthroplasty for primary
à ceux observés dans les prothèses pour arthrose primitive. Enfin, osteoarthritis. Eventually arthroplasty results in fixed shoulder
les résultats des arthroplasties pour luxation invétérées sont très dislocation are poor with limited functional improvement, lea-
inférieurs avec des objectifs fonctionnels limités, faisant discuter ding to discuss the possible choice of a reversed prosthesis.
du choix éventuel d’une prothèse inversée.

Mots clés : Épaule. – Instabilité. – Prothèse. Key words: Shoulder. – Instability. – Arthroplasty.

Introduction type d’omarthrose sous le terme de dislocation arthro-


pathy avec une classification radiographique des sta-
L’omarthrose après instabilité de l’épaule ne représente des évolutifs de cette arthrose ; l’analyse des facteurs
pas une situation exceptionnelle. Le plus souvent, elle arthrogènes montre une corrélation entre la sévérité de
est secondaire à une instabilité antérieure avec ou l’omarthrose et l’augmentation de l’âge de primoluxa-
sans antécédent de chirurgie stabilisatrice. Les séries tion, le caractère plus arthrogène des instabilités posté-
publiées d’arthroplastie dans ce cadre ne sont pas rieures et l’absence de lien systématique avec la chirurgie
fréquentes et concernent souvent des épaules multi- stabilisatrice. L’arthrose peut être secondaire à une luxa-
opérées, avec des résultats inférieurs à ceux des séries tion unique sans aucune intervention chirurgicale.
sur omarthrose centrée primitive. Ce type d’omarthrose est le plus fréquemment secon-
daire à une instabilité antérieure, qu’il y ait eu ou non
Omarthrose après instabilité une chirurgie stabilisatrice. Dans le cas de l’omarthrose
sans chirurgie préalable de l’instabilité, Hovelius et al.
L’omarthrose secondaire à la luxation de l’épaule a été [5] ont montré l’absence de relation entre la sévérité
individualisée par Neer et al. [14] en 1982. Les travaux de l’arthrose et le nombre de luxation, et Marx et al.
de Samilson et Prieto [18] ont permis de démembrer ce [9] ont prouvé le lien, avec un risque significatif, entre

Prothèses d’épaule. État actuel


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336 J. MATSOUKIS, G. WALCH

la survenue d’une arthrose sévère et l’antécédent de rapporté par Matsoukis et al. [10]. La technique opé-
luxation. Dans le cas de l’omarthrose après une chirur- ratoire n’a pas présenté de spécificité et les résultats
gie préalable de l’instabilité, Samilson et al. [18] et ont été excellents ou bons dans 54 % des cas selon
Walch [21] font état de facteurs arthrogènes non liés le score de Constant. Cette étude a surtout permis de
à la chirurgie : âge de première luxation, délai pre- distinguer deux sous-groupes en fonction de l’âge de
mière luxation–chirurgie stabilisatrice, âge lors de cette primoluxation. Si celle-ci est survenue avant 40 ans,
chirurgie et fracture de la glène. Les facteurs arthro- l’analyse des paramètres a montré une prédominance
gènes liés à la chirurgie stabilisatrice sont représentés masculine, un âge moyen de première luxation de
par le caractère iatrogène du matériel ou d’une butée 28 ans, un nombre moyen de luxation de 13, une lon-
débordante [24,4] et par l’excès de tension des parties gue évolution de l’omarthrose sur 28 ans, une arth-
molles antérieures, comme cela est décrit fréquemment rose constructrice lente sans rupture de coiffe, 82 %
dans la littérature anglo-saxonne [7,8]. Hovelius et al. d’arthroplastie totale, 18 % d’arthroplastie humérale,
[5] ont montré que l’incidence de l’arthrose semble et des résultats excellents ou bons dans 64 % des cas.
ne pas être modifiée dans des contextes très diffé- Si la primoluxation est survenue après 40 ans, les
rents : luxation unique, luxation récidivante avec ou paramètres sont pratiquement opposés : une prédomi-
sans opération stabilisatrice. On peut considérer avec nance féminine, un âge moyen de première luxation
Brophy et Marx [2] que l’origine de cette arthrose de 66 ans, un nombre moyen de luxation de 1,3, une
et son incidence exacte restent mal connues, la chirur- courte évolution de l’omarthrose sur 6 ans, une arth-
gie de l’instabilité ne jouant pas de rôle préventif. rose chondrolytique rapide avec une rupture de coiffe
Plus rarement, l’omarthrose peut être secondaire fréquente, 37 % d’arthroplastie totale, 63 % d’arthro-
à une instabilité postérieure avec ou sans chirurgie plastie humérale, et des résultats excellents ou bons
préalable. L’analyse de la littérature ne permet pas de seulement dans 36 % des cas.
retrouver de séries publiées dans ce cadre mais sim- Ainsi, dans cette étude, les résultats de l’arthroplas-
plement des cas isolés, probablement en raison de la tie non contrainte semblent essentiellement liés à l’âge
rareté de l’instabilité postérieure. de première luxation, celui-ci conditionnant l’état de
Enfin, on peut rapprocher de ce cadre pathologique, la coiffe des rotateurs. La technique opératoire ne
bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une présente pas de difficulté particulière. Il n’existe pas
omarthrose, les luxations invétérées antérieures ou de complication spécifique. Les résultats des prothè-
postérieures qui représentent un challenge difficile ses pour omarthrose après instabilité antérieure non
pour la chirurgie arthroplastique de l’épaule. opérée au préalable ne diffèrent pas de ceux d’une
Ces différentes situations peuvent conduire à une omarthrose centrée primitive, si la primoluxation est
chirurgie prothétique de l’épaule dans le cadre séquellaire survenue avant 40 ans (figure 1 A–D). En revanche, si
de l’instabilité. De manière à en apprécier leur fréquence celle-ci survient après 40 ans, les résultats apparaissent
respective, on peut se référer à l’étude multicentrique de nettement inférieurs en raison de l’âge et surtout de
Walch et Boileau [22], totalisant 1542 prothèses non l’association fréquente à une rupture de la coiffe des
contraintes réalisées en dehors d’un contexte fracturaire. rotateurs ; la mise en place d’une prothèse inversée est
On dénombre 73 arthroplasties dans ce cadre, soit 5 % conseillée si la coiffe des rotateurs est défaillante.
de l’ensemble des cas : 28 après instabilité antérieure non
opérée, 27 après instabilité antérieure opérée, 2 après

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instabilité postérieure non opérée, 2 après instabilité Instabilité antérieure opérée
postérieure opérée, 12 pour luxation antérieure invété-
rée et 2 pour luxation postérieure invétérée. L’analyse de la littérature dans ce cadre pathologique
permet de retrouver un nombre limité d’articles essen-
tiellement d’origine anglo-saxonne avec une évalua-
Résultats des arthroplasties non tion des résultats par les auteurs n’utilisant pas le score
contraintes dans l’omarthrose de Constant.
Neer et al. [14] ont rapporté les premiers, en 1982,
après instabilité 18 cas d’arthroplastie chez des patients jeunes multi-
Instabilité antérieure non opérée opérés, dans le cadre de séquelles postopératoires
avec excès de tension des parties molles antérieures.
L’analyse de la littérature dans ce cadre pathologique Il existait fréquemment une subluxation postérieure et
ne permet de retrouver qu’un seul travail portant sur une usure postérieure de la glène. Les résultats étaient
28 cas opérés par prothèse anatomique non contrainte, « satisfaisants » selon les critères de Neer.
Résultats des prothèses non contraintes dans l’omarthrose secondaire à l’instabilité 337

A B

C D

Figure 1. A et B. Omarthrose à évolution lente avec des ostéophytes de type Samilson 3, chez un homme de 55 ans (âge à l’arthro-
plastie), dont la première luxation est survenue à l’âge de 30 ans et a été suivie d’une instabilité antérieure chronique (15 luxa-
tions). C. Les coupes scannographiques montrent une usure postérieure de la glène (type B1). D. L’arthroplastie a été totale et le
score de Constant pondéré est de 90 % au recul de 5 ans.

Young et Rockwood [23] font état de 4 cas de pro- vent multi-opérés avec une dégénérescence fréquente
thèse totale après butée coracoïdienne mal réalisée du subscapulaire. Les résultats ont été mauvais avec
chez des sujets de 30 ans avec une amélioration por- un score de Constant pondéré moyen de 56 %.
tant sur la douleur et la fonction. Green et Norris [3] ont publié 17 cas associés à un
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Lusardi et al. [7] ont montré de bons résultats sur déficit sévère de la rotation externe. Il a été réalisé dans
la douleur et le gain en rotation externe sur 9 cas deux tiers des cas un allongement du subscapulaire et
d’arthroplastie réalisée dans le cadre d’une limitation dans 3 cas une reconstruction de la glène postérieure.
sévère de la rotation externe et d’une subluxation pos- Malgré trois révisions, les résultats ont été considérés
térieure dans un cas sur deux. Les auteurs insistent sur comme bons en raison de l’amélioration de la douleur,
la libération du subscapulaire et son allongement. de la rotation externe et de la fonction.
Bigliani et al. [1] ont colligé 17 cas d’arthroplastie Sperling et al. [19] ont colligé 31 cas avec un long
réalisée dans le cadre des séquelles d’opérations multi- recul de 7 ans en moyenne chez des patients âgés en
ples pour instabilité antérieure, chez des sujets jeunes moyenne de 46 ans et multi-opérés dans un tiers des
avec une limitation fréquente de la rotation externe. cas. Il a été réalisé fréquemment un allongement du
Les résultats n’ont pas été bons et sont corrélés statis- subscapulaire et dans 4 cas une reconstruction de la
tiquement avec le nombre d’opération préalable. glène. Les résultats ont été excellents ou bons, selon
Romero et Gerber [16] ont présenté un travail sur la cotation de Neer modifiée dans 45 % des cas. On
11 cas d’arthroplastie dans le contexte de patients sou- dénombre 11 révisions soit un tiers des cas.
338 J. MATSOUKIS, G. WALCH

Matsoukis et al. [11,12] ont réuni 27 cas, dont trois lésions iatrogènes et survenant très précocement. Dans
seulement étaient multi-opérés. Les résultats ont été le premier cas, celui de l’arthrose « naturelle », après
excellents ou bons dans 56 % des cas selon Constant, une intervention stabilisatrice unique réussie comme
et corrélés avec la dégénérescence du subscapulaire, en l’absence d’intervention, les résultats de la chirurgie
présente dans 45 % des cas. L’histoire naturelle de prothétique sont à rapprocher de ceux observés dans
l’arthrose a été lente de 27 ans en moyenne, entre la l’arthrose primitive (figure 2 A–C). En revanche, dans
première luxation et l’arthroplastie. On dénombre le cas des séquelles après opérations multiples et tech-
une révision et trois mauvais résultats. Il n’a pas été niquement discutables, chez des patients plus jeunes
retrouvé de différence significative quant aux résultats, présentant souvent une limitation sévère de la rotation
en comparaison avec le groupe de 28 cas de prothèses externe, les résultats sont inférieurs à ceux de l’arthro-
sur arthrose après instabilité antérieure sans chirurgie plastie dans l’omarthrose primitive du fait de l’atteinte
stabilisatrice. du subscapulaire, d’une limitation souvent sévère de
L’analyse des publications montre que les difficultés la rotation externe et, le plus souvent, d’une raideur
sont nombreuses dans le cadre de l’instabilité opérée. postopératoire sévère mal résolue par la mise en place
Sur le plan anatomopathologique, l’omarthrose est de la prothèse.
fréquemment associée à une dégénérescence graisseuse L’arthroplastie d’épaule représente donc ici un chal-
du subscapulaire, séquellaire de l’abord chirurgical lenge compte tenu des difficultés techniques prévisi-
préalable et parfois à une usure postérieure de la glène, bles. Les antécédents de chirurgie stabilisatrice rendent
consécutive dans les séries américaines à un excès de l’abord et la dissection plus difficiles, imposant le repé-
tension des parties molles antérieures. Les interven- rage systématique du nerf axillaire. L’importance de la
tions stabilisatrices multiples représentent un facteur limitation de la rotation externe préopératoire pourra
significatif pénalisant le résultat final. Les résultats sont conduire à un allongement du subscapulaire en asso-
globalement inférieurs à ceux rapportés dans l’arthro- ciation à la capsulotomie juxtaglénoïdienne et à la libé-
plastie pour omarthrose primitive. Le taux de révision ration de la fosse subscapulaire. L’équilibre des parties
apparaît plus important, les deux étiologies les plus molles est particulièrement important dans le contexte
fréquemment citées étant le descellement glénoïdien et d’une limitation franche de la rotation externe, l’al-
l’instabilité. Pour l’analyse des résultats, il faut en fait longement subscapulaire étant réalisé le plus souvent
distinguer l’arthrose secondaire à l’histoire naturelle par réinsertion du subscapulaire sur le col anatomique.
de l’instabilité, survenant en moyenne 27 ans après la Dans le cas particulier d’une perte de substance du sub-
primoluxation, de celle décrite dans les publications scapulaire, il pourrait être proposé un transfert partiel
anglo-saxonnes, consécutive le plus souvent à des du grand pectoral. Le choix du type de l’arthroplastie,

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A B C

Figure 2. A. Omarthrose à évolution lente avec des ostéophytes de type Samilson 3, chez un homme de 48 ans (âge à l’arthroplastie).
La première luxation est survenue à l’âge de 24 ans. L’instabilité a nécessité une intervention de Putti-Platt à 24 ans et une butée
coracoïdienne à 37 ans. B et C. L’arthroplastie a été totale avec des implants en position anatomique, et le score de Constant pondéré
est de 90 % au recul de 7 ans.
Résultats des prothèses non contraintes dans l’omarthrose secondaire à l’instabilité 339

totale ou humérale, est plutôt en faveur d’une prothèse une rupture de la coiffe des rotateurs (figure 3 A,B).
totale selon les auteurs, en dehors de l’association à une Cependant, le jeune âge des patients ne permet pas le
rupture du supraépineux. Le jeune âge des patients est plus souvent ce type de prothèse.
problématique pour ce choix, qu’il s’agisse d’une pro-
thèse totale en raison de la pérennité du scellement glé-
noïdien ou d’une arthroplastie humérale en raison du Instabilité postérieure
risque d’érosion glénoïdienne. Il faut également prendre opérée ou non
en compte la typologie de la glène puisque l’implant
glénoïdien doit être en position anatomique et qu’il est Il n’existe pas de séries publiées dans ce cadre, mais
fréquemment décrit une subluxation postérieure secon- seulement quelques cas isolés cités (4 cas dans la
daire à la limitation de la rotation externe. S’il existe série de Walch et Boileau [22], 1 cas dans le travail
une usure postérieure modérée, les auteurs américains de Sperling et al. [19]). Il est donc bien difficile d’en
recommandent un fraisage antérieur de la glène et une apprécier les résultats. Il semble qu’en l’absence de
diminution de la rétroversion humérale de manière à chirurgie préalable, les résultats soient identiques à
limiter le risque d’instabilité postérieure. Si l’usure est ceux de l’omarthrose primitive. Si une chirurgie stabi-
plus importante, il sera nécessaire de reconstruire la lisatrice a été réalisée, on peut penser que le caractère
glène postérieure avec un fragment de tête humérale. multiple des interventions et la dégénérescence de la
Ainsi, le résultat de l’arthroplastie est dépendant de coiffe postérieure représentent des facteurs pénalisant
facteurs préopératoires (patient multi-opéré, dégéné- le résultat final.
rescence graisseuse du subscapulaire) et des difficultés
liées à la technique opératoire (équilibre des parties Luxation invétérée antérieure
molles avec libération antérieure qui est parfois asso-
ciée à un allongement du subscapulaire, positionne- L’analyse de la littérature dans ce cadre pathologique
ment anatomique de la glène prothétique, pouvant ne permet de retrouver qu’un petit nombre d’articles,
nécessiter une reconstruction osseuse dans les glènes ne concernant que des arthroplasties non contraintes.
biconcaves). Le choix d’une prothèse inversée pourrait Rowe et Zarins [17] ont rapporté les 3 premiers
se justifier chez ces patients multi-opérés présentant cas d’arthroplastie avec un très bon, un bon et un
une instabilité statique antérieure ou postérieure et mauvais résultat. Pritchett et Clark [15] font état de
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Figure 3. A. Omarthrose avec une subluxation antérieure chez une femme de 68 ans (âge à l’arthroplastie). La première luxation à
l’âge de 67 ans était associée à une fracture de glène. Six semaines après la luxation, elle était en subluxation antérieure perma-
nente et il a été réalisé une butée coracoïdienne associée à une réparation de la coiffe. B. L’échec a conduit à la réalisation d’une
arthroplastie humérale dont le résultat a été mauvais avec récidive de l’instabilité antérieure.
340 J. MATSOUKIS, G. WALCH

4 cas associés à une importante augmentation de la Pritchett et Clark [15] font état de 3 cas associés à
rétroversion de l’implant huméral. Les patients ont une importante diminution de la rétroversion de l’im-
été améliorés quant à la douleur et la fonction sans plant huméral. Les patients ont été améliorés quant à
récidive de la luxation. Matsoukis et al. [13] ont réuni la douleur et la fonction sans récidive de la luxation.
12 cas. La technique opératoire est difficile avec 4 Sperling et al. [20] ont colligé 12 cas avec un recul
reconstructions antérieures de la glène. Dans les deux minimal de 5 ans. Selon les critères de Neer modifiés,
tiers des cas, les patients ont été améliorés, bien que le les résultats ont été bons et très bons 7 fois et mauvais
nombre de complications ait été important : 4 récidi- dans 5 cas. On dénombre 3 révisions, dont deux pour
ves d’instabilité antérieure et 2 révisions. La fonction récidive de l’instabilité postérieure.
est restée limitée avec un score de Constant pondéré L’analyse est superposable à celle des luxations
moyen de 60 %. invétérées antérieures puisqu’on retrouve une techni-
Le petit nombre de cas rapportés dans ces travaux que opératoire difficile, des risques de récidive de la
rend l’analyse des résultats difficile. La technique opé- luxation, des objectifs fonctionnels limités et l’interro-
ratoire représente un challenge en raison de la libé- gation quant à l’indication éventuelle d’une prothèse
ration extensive des parties molles et de la nécessité inversée.
fréquente de reconstruction de la glène antérieure.
Les objectifs fonctionnels restent limités, avec des
résultats très inférieurs à ceux des séries sur omarth- Conclusion
rose primitive (figure 4 A–C). Pour limiter le risque
de récidive de l’instabilité, faut-il modifier la version La chirurgie prothétique de l’épaule dans les séquel-
des pièces prothétiques ou envisager un lambeau du les de l’instabilité recouvre de nombreuses situations
grand pectoral ? Enfin, faut-il recourir d’emblée et de pathologiques en fonction de la direction de l’instabi-
manière systématique à une prothèse inversée, en par- lité, de l’existence ou non d’antécédents de chirurgie
ticulier si les patients ont plus de 70 ans et si l’insta- stabilisatrice préalable, et enfin du caractère éventuel-
bilité statique a tendance à se reproduire ? D’autres lement fixé d’une luxation. Les résultats de l’arthro-
publications seront nécessaires pour répondre à ces plastie sont très différents en fonction de ces différents
interrogations. contextes. La situation la plus fréquente est représen-
tée par l’omarthrose après instabilité antérieure, pour
laquelle les résultats sont proches de ceux de l’omarth-
Luxation invétérée postérieure rose primitive en l’absence de chirurgie iatrogène
préalable, alors qu’ils sont inférieurs s’il existe des
Les séries publiées ne sont pas nombreuses, ne concer- antécédents d’interventions multiples ou une instabi-
nant également que des arthroplasties non contraintes. lité statique fixée.

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Figure 4. A et B. Luxation antérieure invétérée chez une patiente de 70 ans. C. Le résultat de l’arthroplastie humérale n’a pas été
bon, avec un score de Constant pondéré à 60 % et une récidive de l’instabilité antérieure.
Résultats des prothèses non contraintes dans l’omarthrose secondaire à l’instabilité 341

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342 F. SIRVEAUX, ET AL.

Prothèse totale d’épaule inversée


pour tumeur de l’humérus proximal
Reverse shoulder arthroplasty for proximal
humeral tumor

F. SIRVEAUX, D. BELLAN, G. NAVEZ, D. MOLÉ

RÉSUMÉ SUMMARY
L’humérus proximal est une localisation fréquente des tumeurs Proximal humerus is one of the most common sites for primary or
osseuses malignes. Le traitement chirurgical de ces tumeurs secondary malignant bone tumors. The surgical treatment requi-
impose la résection osseuse de l’humérus et le plus souvent le res to resect the proximal part of the humerus and must include
sacrifice de la coiffe des rotateurs. La reconstruction par une pro- in most of the cases the entire rotator cuff. High rate of insta-
thèse anatomique expose à des risques d’instabilité et s’accompa- bility and poor functional results have been reported by using a
gne d’une perte de mobilité. L’utilisation d’une prothèse d’épaule hemiarthroplasty. The reverse prosthesis can be used when the
inversée peut être envisagée lorsque le deltoïde est préservé et deltoid is preserved and when the glenoid bone stock is sufficient
si le stock osseux au niveau de la glène est suffisant. Les auteurs to implant the baseplate. The authors report a retrospective mul-
rapportent les résultats d’une série rétrospective multicentrique ticentric study about 15 cases of reverse arthroplasty implanted
de 15 cas de prothèses inversées après résection de l’humérus for reconstruction after proximal humeral resection for tumors.
proximal pour tumeur. Il s’agissait de trois ostéosarcomes, huit There were three osteosarcomas, eight chondrosarcomas, one
chondrosarcomes, une tumeur desmoïde et trois métastases. La desmoid tumor and three metastasis. The mean length of resec-
longueur de résection moyenne était de 10 cm. La prothèse a été tion was 10 cm. An isolated prosthesis was used in 2 cases of
utilisée seule dans 2 cas, avec un manchon de ciment proximal short resection (type A reconstruction). The proximal humerus
dans 5 cas, avec une entretoise sur mesure dans 4 cas, et avec was reconstructed by cement in 5 cases (type B), with a cus-
une allogreffe osseuse cryopréservée dans 4 cas. Parmi les com- tom made spacer in 4 cases (type C) and with a frozen allograft
plications postopératoires, on retrouvait 3 cas de luxation dont in 4 cases (type D). Concerning the complications, we noticed
deux ont nécessité une reprise chirurgicale, un cas d’infection, un 3 cases of dislocation (2 were revised), one infection, one revision
reprise pour descellement huméral, une reprise pour changement for humeral stem loosening, one revision for screw impingement
de vis et une paralysie radiale. Les résultats de 10 cas sont analy- and one radial palsy. Ten cases were available for clinical and
sés avec un recul supérieur à 2 ans. Au recul moyen de 35 mois, radiological evaluation with more than 2 year follow-up (mean
le score de Constant pondéré moyen était de 69 %, avec une élé- 35 months). The mean weighted Constant score was 69%, and
vation antérieure active moyenne de 135°. La récupération d’une the active anterior elevation averaged 135°. The recovery in
mobilité active en rotation externe n’a été possible que chez les active external rotation was obtained only for patients who had
patients ayant bénéficié dans le même temps d’un transfert du an associated latissimus dorsi and teres major transfer during
grand dorsal et du grand rond. Par comparaison aux séries de la the procedure. Comparing the results previously published in the
littérature, la prothèse inversée permet d’améliorer les résultats literature, the reverse prosthesis allowed to improve the functio-
fonctionnels. L’instabilité représente la principale complication. nal results. Instability remains the main complication.

Mots clés : Épaule. – Tumeur osseuse. – Arthroplastie. – Prothèse Key words: Shoulder. – Bone tumors. – Arthroplasty. – Reverse
inversée. prosthesis.

Introduction tases des os longs. Tous les types de tumeurs osseuses


peuvent siéger au niveau de l’épaule. Dans tous les cas,
Après le genou et la hanche, l’épaule est le site le plus le bilan d’imagerie préopératoire doit comprendre des
souvent atteint par les tumeurs osseuses primitives. radiographies de l’épaule et de l’humérus en entier
C’est la deuxième localisation en fréquence des métas- millimétrées et des clichés de l’épaule controlatérale.

Prothèses d’épaule. État actuel


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Prothèse totale d’épaule inversée pour tumeur de l’humérus proximal 343

Le scanner avec injection permet d’évaluer les lésions Tableau 1


corticales et l’extension au creux axillaire et à la paroi Classification de résections des tumeurs de l’épaule (d’après
thoracique. L’angioscanner est utile en cas d’extension Malawer [14])
axillaire. L’imagerie par résonance magnétique (IRM)
Type I Résection intra-articulaire
avec injection de gadolinium est plus performante pour
de l’humérus proximal
évaluer l’extension intraosseuse et l’extension dans
les parties molles. La scintigraphie osseuse recherche Type A : abducteur conservé
d’autres localisations. La biopsie et le bilan complet
Type B : sacrifice des abducteurs
d’extension sont bien sûr indispensables avant d’envi-
sager un geste chirurgical qui doit s’intégrer dans une Type II Scapulectomie partielle
prise en charge globale décidée au sein d’un comité
Type A : avec conservation de la glène
de concertation multidisciplinaire. Lorsque la biopsie
peut être effectuée par une voie d’abord directe, elle Type B : sacrifice de la glène
doit passer au travers du deltoïde antérieur ou par une
Type III Scapulectomie totale intra-articulaire
petite voie deltopectorale.
La classification de Malawer [14] pour les tumeurs de Type A : abducteur conservé
l’épaule est fondée sur la localisation de la lésion et sur
Type B : sacrifice des abducteurs
l’importance de la résection. Six types de résection sont
décrits avec des sous-groupes en fonction de la conser- Type IV Scapulectomie totale extra-articulaire
vation (type A) ou du sacrifice des abducteurs (type B) étendue à l’humérus proximal
(tableau 1). En application des principes d’Enneking et al.
Type A : abducteur conservé
[7], les tumeurs de l’humérus proximal sont considérées
comme extracompartimentales à partir du moment où Type B : sacrifice des abducteurs
il existe une effraction corticale ou un envahissement de
Type V Résection humérale proximale
la coiffe des rotateurs, de la longue portion du biceps
extra-articulaire étendue à la glène
ou de la capsule. Dans les cas de tumeurs de haut grade,
la résection extra-articulaire en bloc nécessite une résec- Type A : abducteur conservé
tion étendue au deltoïde et à la glène [20] pour assurer
Type B : sacrifice des abducteurs
le contrôle local de la lésion. Pour certains, une chirurgie
intra-articulaire peut être envisagée s’il n’existe pas d’en- Type VI Résection humérale extra-articulaire
vahissement de l’articulation, même en cas d’extension avec scapulectomie totale
extra-osseuse de la lésion [10]. La stratégie thérapeuti- Type A : abducteur conservé
que et chirurgicale doit de toute façon tenir compte du
contexte, du pronostic, de l’efficacité des traitements Type B : sacrifice des abducteurs
adjuvants et doit être discutée en comité multidisci-
plinaire. Pour les tumeurs de bas grade, une chirurgie
intra-articulaire, avec conservation du deltoïde, doit se
discuter en fonction des risques de récidive. En cas de résection intra-articulaire de l’humé-
Le procédé de reconstruction utilisé dépend de l’im- rus proximal avec conservation du deltoïde (S34 ou
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portance de la résection osseuse, de l’extension dans les S345 A), la reconstruction peut faire appel à une allo-
parties molles, mais doit tenir compte aussi de l’âge, de greffe massive [8,9,17], une prothèse à tige longue, ou
la demande fonctionnelle du patient et du pronostic une prothèse faite sur mesure afin de reconstruire l’hu-
vital. Dans certains cas, l’importance de la résection mérus proximal [10,18,20]. Cependant, dans deux tiers
empêche toute reconstruction et impose une amputa- des cas, la résection impose le sacrifice de la coiffe des
tion interscapulothoracique ou une résection extra- rotateurs [14,23]. Lorsque la coiffe est réséquée, l’élé-
articulaire de type Tikhoff-Lindberg avec des séquelles vation active ne dépasse généralement pas 50°, du fait
fonctionnelles majeures [1,3,5]. En cas de résection d’une migration vers le haut des implants non contraints
extra-articulaire, une reconstruction par prothèse et de phénomènes d’instabilité [2,10,20,24].
massive [20] ou une technique « clavicula prohumero » De Wilde et al. [6] et Kassab et al. [12] ont proposé
[16,19,21,22] peuvent se discuter. Lorsque la glène est l’utilisation de la prothèse inversée dans les recons-
intacte, une arthrodèse avec autogreffe ou allogreffe tructions de l’humérus proximal pour tumeur avec des
est préférable à une épaule ballante ou à un spacer si le résultats fonctionnels encourageants. Pour combler
deltoïde est réséqué (S34 ou S345 B) [11,15]. la perte de substance osseuse au niveau de l’humérus
344 F. SIRVEAUX, ET AL.

proximal, la prothèse inversée peut être utilisée avec pond à l’épiphyse humérale, la zone S4 à la métaphyse
un manchon de ciment, avec une allogreffe osseuse, et la zone S5 à la diaphyse (figure 1).
avec le segment osseux réséqué après irradiation, ou La résection tumorale était classée selon la MSTS
avec une entretoise. [14]. On dénombrait trois résections de type S3A,
Nous rapportons ici les résultats des prothèses inver- neuf S3-4A, une S3-4-5B (chondrosarcome de haut
sées pour tumeurs dans le cadre d’une étude multicen- grade initialement traité par clou centromédullaire), une
trique incluant 4 centres (Nancy, Lyon, Tours, Nice). S2-3-4-5B (métastase osseuse étendue) et une lésion
S4-S5A (métastase d’adénocarcinome prostatique du
Série multicentrique tiers supérieur de l’humérus).
Tous les patients ont été suivis et revus avec un recul
Il s’agit d’une étude rétrospective multicentrique incluant minimal de 2 ans sauf les patients décédés avant ce délai.
15 cas de prothèses inversées utilisées dans le cadre d’une
reconstruction pour tumeur de l’humérus proximal Technique opératoire
(tableau 2). Il s’agissait de 9 femmes et 6 hommes avec
un âge compris entre 18 et 79 ans lors de l’opération. L’intervention a été menée par voie d’abord deltopec-
La tumeur concernait le côté dominant dans 13 cas. torale dans 14 cas et par une voie antérosupérieure
Toutes sauf une avaient été biopsiées chirurgicalement dans un cas (patient n° 13, métastase d’adénocarci-
avant l’intervention. En effet, dans le cas n° 12, s’agis- nome prostatique). L’humérus proximal était réséqué
sant d’une diffusion plurimétastatique avec risque avec ses insertions tendineuses. La longueur moyenne
majeur de fracture pathologique, l’intervention a été de résection était de 10 cm (de 3 à 15 cm). Chez le
pratiquée en semi-urgence sans biopsie chirurgicale patient avec la métastase envahissant l’humérus proxi-
préalable de la lésion, mais l’histologie du cancer pri- mal et la glène (n° 8), la résection n’a pas pu être carci-
mitif était connue. Dans 2 cas, la lésion avait été dia- nologique. L’intervention a été réalisée pour le confort
gnostiquée précédemment comme un chondrome bénin du patient, en raison de douleurs intenses et d’une
(n° 6 et 10), traitée par simple curetage et réadressée épaule pseudoparalytique. La glène a été fixée par des
pour récidive. Du point de vue anatomopathologique, vis avec adjonction de ciment dans le défect glénoïdien
on retrouvait 3 ostéosarcomes (1 de haut grade et 2 de apparaissant après curetage de la tumeur.
bas grade), 8 chondrosarcomes (3 de haut grade et La reconstruction a utilisé une prothèse inversée de
5 de bas grade), 1 tumeur desmoïde et 3 métastases type Delta® (DePuy) dans 10 cas et une prothèse Aequalis
de carcinome. Dans un cas (n° 5), la prothèse inver- Reverse® (Tornier) dans 5 cas. Toutes les tiges à l’excep-
sée avait été proposée après échec d’une allogreffe tion d’une (n° 6) ont été cimentées. La longueur de la tige
ostéochondrale mise en place après résection d’un
chondrosarcome. Dans un cas (n° 11), la patiente
avait été traitée 3 ans auparavant par une hémiarthro-
plastie non contrainte et a été reprise pour une pro-
thèse inversée avec allogreffe. Dans un cas (n° 7), la
prothèse a été mise en place après ostéosynthèse par
enclouage centromédullaire d’un chondrosarcome de
haut grade.

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Extension tumorale
Selon les critères d’Enneking [7], les lésions ont été
classées IA dans 4 cas, IB dans 4 cas, IIA dans 2 cas
et IIB dans 2 cas. Les métastases n’ont pas été classées
par ce système.
La classification MSTS (Musculoskeletal Tumor
Society) identifie cinq niveaux de résection avec deux
sous-groupes en fonction de la préservation (type A)
ou du sacrifice du deltoïde (type B) [14]. La résec-
tion en zone S1 est une résection extra-articulaire de
la scapula préservant la glène. La résection en zone Figure 1. Classification MSTS (Muskuloskeletal Tumor Society)
S2 concerne la glène et l’acromion. La zone S3 corres- des tumeurs de l’épaule.
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Tableau 2
Tableau descriptif des cas

Cas Âge/sexe Type de tumeur Stade Longueur Type de recons- Recul Constant EAA Reprise chirurgicale Status à la révision
N° MSTS de résec- truction humé- (mois) Pondéré (degré)
tion (cm) rale

1 18/F Ostéosarcome S3-4 A 12 C *,** 43 69 180 Reprise pour descellement Vivant, NR, NM
huméral

2 49/F Chondrosarcome bas grade S3-4 A 9 D 63 96 160 Vivant, NR, NM

3 35/F Ostéosarcome paraostéal S3-4 A 10 D* 38 32 70 Vivant, NR, NM

4 32/F Tumeur desmoïde S3 A 6 A 29 32 80 Reprise pour changement Vivant, NR, NM


de vis

5 44/F Chondrosarcome bas grade S3-4 13 D 25 68 90 Luxation, réduction Vivant, NR, NM

6 23/H Chondrosarcome bas grade S3 A 14 C* 27 76 180 Vivant, NR, NM

7 79/F Chondrosarcome haut S3-4-5 B 13 B – – – D (13 mois), M


grade

8 77/H Métastase S2-3-4-5 B 15 B – – – Luxation, infection, dépose D (10 mois), M


PTE

9 20/H Ostéosarcome paraostéal S3-4 A 15 C ** 24 79 170 Vivant, NR, NM

10 64/H Chondrosarcome de haut S3-4 A 10 B – – – D (16 mois), R, M


grade

11 48/F Chondrosarcome bas grade S3-4 A 7 D 32 58 70 Instabilité, reprise par Vivant, NR, NM
changement polyéthylène
+ lambeau grand pectoral

12 48/F Métastase néoplasme S3-4 A 8 B 26 95 170 Vivant, NR, NM


mammaire
Prothèse totale d’épaule inversée pour tumeur de l’humérus proximal

13 78/H Métastase carcinome S4-5 8 A 12 86 130 D, M


prostatique

14 21/H Chondrosarcome bas grade S3 A 8,5 B ** 12 69 140 Vivant, NR, NM

15 35/ F Chondrosarcome bas grade S3-4 A 10 C 37 88 180 Vivant, NR, NM

A, B, C, D : type de reconstruction humérale ; A : prothèse inversée seule ; B : prothèse inversée + manchon de ciment ; C : prothèse inversée + entretoise métallique ou en polyéthylène ; D : prothèse
inversée + allogreffe osseuse.
EAA : élévation antérieur active ; MSTS : Musculoskeletal Tumor Society ; M : métastase ; NM : pas de métastase ; NR : absence de récidive ; R : récidive locale ; PTE : prothèse totale d’épaule.
* Réparation de la coiffe.
** Transfert grand dorsal–grand rond.
345
346 F. SIRVEAUX, ET AL.

était de 150 mm dans 6 cas, de 180 mm dans 6 cas, de 200 modifiée, décrite par Boileau et al. [4] (figure 6). Le
dans 2 cas, de 240 dans 1 cas. Le diamètre de la sphère grand dorsal et le grand rond ont été passés autour de
était de 36 mm dans 12 cas, de 42 mm dans 3 cas. L’insert la diaphyse humérale et suturés à la prothèse et au ten-
en polyéthylène était standard dans 2 cas, latéralisé de don du grand pectoral lui-même. L’épaule a été immo-
+6 mm dans 11 cas, latéralisé de +9 mm dans 1 cas, bilisée pour une moyenne de 30 jours et un coussin
+12 mm dans 1 cas. Il était de type rétentif dans 2 cas. d’abduction a été utilisé dans 7 cas. Quatre patients
Quatre types de reconstruction de l’humérus proxi- ont reçu une chimiothérapie adjuvante postopératoire.
mal ont été utilisés. La prothèse a été utilisée seule dans Une radiothérapie postopératoire a été réalisée dans
2 cas pour une résection limitée de l’humérus proximal un cas.
(reconstruction de type A) (figure 2). L’humérus proxi-
mal a été reconstruit avec un manchon de ciment dans Résultats
4 cas de tumeurs agressives au-delà des possibilités
carcinologiques pour chirurgie palliative (reconstruc- La résection a été considérée comme large avec marges
tion de type B) (figure 3). Dans un cas (n° 14), une saines dans 11 cas et intralésionnelles dans 4 cas. Les
reconstruction cimentée a été réalisée dans un premier 4 patients dont la résection est intralésionnelle sont
temps et une réintervention est programmée secon- décédés (3 avec prothèse en place et un après dépose
dairement pour une reconstruction par allogreffe. La prothétique) au cours des deux premières années.
reconstruction a été assurée par une entretoise sur Un patient (cas n° 5) a présenté une luxation précoce
mesure dans 4 cas (reconstruction de type C) : deux réduite par manœuvre externe suivie d’une immobili-
métalliques (figure 4), et deux en polyéthylène. Dans sation de 4 semaines, sans récidive. Un patient (cas
4 cas, la prothèse a été manchonnée sur une allogreffe n° 7) a présenté une paralysie postopératoire définitive
osseuse cryopréservée (type D) (figure 5). du nerf radial. Le patient traité pour métastase éten-
Dans 4 cas, le chirurgien a tenté de réinsérer la partie due de l’humérus et de la glène (cas n° 8) a présenté
restante de la coiffe sur la prothèse ou sur l’allogreffe, une luxation compliquée d’un descellement glénoïdien
et un transfert du grand dorsal–grand rond a été réalisé et d’une infection 10 mois après l’intervention. La pro-
dans 3 cas. Le transfert musculotendineux a été effec- thèse a été déposée et le patient est décédé 4 semai-
tué par voie antérieure selon la technique de L’Épiscopo nes plus tard. Un patient a été réopéré à deux reprises
pour subluxations récidivantes avec mise en place d’un
rehausseur et lambeau de grand pectoral à j + 5 mois,
puis changement de la pièce humérale avec allogreffe
à j + 8 mois (cas n° 11). Une prothèse a été révisée pour
douleurs persistantes qui ont été attribuées à un conflit
avec la vis antérieure ; la vis a été changée pour une vis
plus courte, sans modification clinique (cas n° 4).
Une prothèse sur mesure avec l’entretoise en poly-
éthylène avec dans le même temps opératoire un trans-
fert de grand dorsal–grand rond par voie antérieure
(cas n° 1) a été reprise pour descellement huméral chez
la plus jeune patiente de la série (16 ans lors de la résec-

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tion tumorale) (figure 7). La reprise a consisté en un change-
ment de l’implant huméral avec mise en place d’une tige
longue sans ciment et reconstruction osseuse humérale
par une céramique d’hydroxyapatite (Endobon®) asso-
ciée à un gel autologue de concentré plaquettaire (PRF)
et de l’autogreffe (figure 6).
Dix patients indemnes de récidive ou métastase à
plus de 2 ans postopératoires ont été revus pour une
évaluation clinique et radiologique au recul moyen de
35 mois (24–68).
Au dernier recul, le score de Constant moyen était
de 61 (27–80) et le score moyen pondéré de 69 %
Figure 2. Cas n° 4, résection courte de type A avec reconstruc- (32–96). L’élévation antérieure active moyenne était
tion par prothèse simple. Radiographies à 29 mois de recul. de 135° : 6 patients avaient récupéré une élévation
Prothèse totale d’épaule inversée pour tumeur de l’humérus proximal 347

Figure 3. Cas n° 12, reconstruction de type B,


pour métastase d’un carcinome mammaire.
A, B. Résultats cliniques, bonne récupéra-
tion de l’élévation (C), mais perte de rota-
tion externe active du coude (D) et signe du
clairon (E).

D E

antérieure active supérieure à 100°. En comparaison dépose pour descellement huméral reprise par allo-
avec l’état clinique préopératoire, 5 patients étaient greffe proximale (cas n° 1). Deux ans après la dernière
améliorés, 4 avaient une situation équivalente à l’état opération, le résultat clinique est excellent, sans signe
préopératoire, et un avait une dégradation fonc- de descellement sur l’imagerie.
tionnelle. Quatre patients ont récupéré une rotation La seule tige non cimentée ne montre aucun signe de
externe active (cas n° 1, 6, 9, 14) (figure 6) ; les autres descellement, et la tige cimentée utilisée dans le cas
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avaient une rotation externe active nulle avec un signe n° 9 présente un liseré radiologique qui reste stable à
du clairon (figures 3 et 5). plus de 2 ans de recul.
Concernant les résultats radiographiques, un seul Toutes les allogreffes étaient considérées comme
cas de reconstruction de type A a été revu à plus 2 ans. fusionnées avec une tige stable.
L’aspect radiographique est stable sans signe de descel-
lement. Pour les reconstructions avec ciment (type B), Discussion
2 patients sont décédés prothèse en place, et un après
dépose de la prothèse pour infection. Un cas a été revu Cette étude confirme que dans les tumeurs de l’humé-
avec 26 mois de recul et avait un aspect radiographi- rus proximal, la reconstruction de l’épaule par prothèse
que stable. Dans le cas n° 14, il existe un liseré entre inversée permet d’obtenir des résultats fonctionnels
le ciment proximal et la tige, et une réintervention est satisfaisants après résection de l’humérus proximal à
programmée pour reconstruction secondaire. Pour les condition que la glène et les muscles abducteurs puis-
reconstructions de type C (prothèses sur mesure avec sent être préservés [6,12]. Comme dans les omarthro-
entretoise métallique ou polyéthylène), on notait une ses excentrées, la prothèse inversée permet de restaurer
348 F. SIRVEAUX, ET AL.

composite allogreffe–prothèse est de réduire les phé-


nomènes d’instabilité tout en augmentant les mobi-
lités en suturant la coiffe [2]. L’avantage théorique
en terme de mobilité n’a pas été démontré dans les
séries cliniques de prothèse anatomique. Kassab et al.
[12] ont retrouvé une moyenne de 25° de mobilité en
abduction et 46° en élévation antérieure. Dans l’étude
de Jensen et al. [10], les résultats fonctionnels étaient
jugés comme excellents ou bons dans les 19 cas rap-
portés, mais sans jamais dépasser 90° d’abduction
active. Certains [12] ont proposé d’immobiliser le bras
en postopératoire dans la position de « la statue de
la liberté » afin d’améliorer la cicatrisation des tissus
mous. L’efficacité de ce principe n’a pas été démontrée
cliniquement.
La prothèse d’épaule inversée, par son fonctionne-
ment biomécanique original et son caractère contraint,
permet une récupération de la mobilité en élévation
supérieure aux autres procédés, même quand la coiffe
est réséquée [6,12]. Pour autant, l’instabilité reste une
Figure 4. Cas n° 6, reconstruction de type C avec une entretoise complication majeure de la prothèse inversée (3/15
métallique sur mesure. dans notre série). Elle peut être favorisée par une
implantation de la prothèse en position trop basse,
un défaut de rétroversion humérale, une sidération
une élévation antérieure active malgré la résection de la ou une paralysie postopératoire du deltoïde. Elle doit
coiffe des rotateurs. être prévenue par une planification préopératoire et
Cela n’est pas le cas avec les endoprothèses humé- une technique rigoureuse, et justifie une adaptation du
rales modulaires non contraintes. Ross et al. [20] et protocole postopératoire avec parfois une immobilisa-
Jerosch et al. [11] ont rapporté des taux élevés d’ins- tion prolongée [14].
tabilité, et des résultats fonctionnels décevants avec Les résections de type S3-4 avec préservation de la
moins de 30° en élévation. Le but des reconstructions glène représentent l’indication idéale. Dans les résections

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A B C

Figure 5. Cas n° 5, reconstruction de type D par prothèse manchonnée sur une allogreffe. Résultat clinique à 2 ans. Noter l’élévation
active limiteé à 90° (B) et la perte de rotation externe active avec un signe du clairon (C).
Prothèse totale d’épaule inversée pour tumeur de l’humérus proximal 349

A B C

Figure 6. Cas n° 9, ostéosarcome parostéal. Reconstruction type C avec une entretoise en polyéthylène et transfert grand rond–
grand dorsal par voie delto-pectorale (A). Résultat clinique et radiographique à 2 ans : récupération complète de l’élévation
antérieure active et de la rotation externe active (B, C) (patient du Pr P. Boileau, Nice).
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A B C

Figure 7. Cas n° 1, reconstruction initiale par prothèse inversée avec entretoise en polyéthylène et ciment. Descellement à 18 mois
(A) ; reprise par changement de prothèse et greffe osseuse mixte (allogreffe + autogreffe morcelée + PRF). Aspect radiographique
à 2 ans avec consolidation de la greffe osseuse et reconstruction de l’humérus proximal (B, C) (patiente du Pr P. Boileau, Nice).

plus étendues, emportant l’insertion du deltoïde, la cica- s’exprime par un signe du clairon et une gêne fonc-
trisation du deltoïde sur une allogreffe manchonnant la tionnelle importante dans les mouvements de la vie
prothèse reste incertaine. quotidienne. Kassab et al. [12] l’avaient déjà souligné,
Au niveau de l’humérus proximal, la rotation externe contrairement à De Wilde et al. [6] qui ont rapporté
active est sous la dépendance des muscles infraépi- une récupération complète de la rotation externe
neux et petit rond, dont l’absence n’est pas compensée active malgré l’absence de geste associé sur les parties
par la prothèse. La perte de rotation externe active molles. Notre étude démontre l’efficacité du transfert
350 F. SIRVEAUX, ET AL.

grand dorsal–grand rond par voie antérieure tel qu’il La mise en place d’une prothèse d’épaule inversée
a été proposé par Boileau et al. [4]. Les reconstruc- pour tumeur est une indication rare. Le remplacement
tions par prothèse inversée sans reconstruction proxi- prothétique intéresse souvent des patients plus jeunes
male ou avec un manchon de ciment ne doivent être que dans les indications habituelles de prothèse inver-
envisagées que dans les résections courtes ou en situa- sée. Le recours à cet implant est justifié par les mauvais
tion palliative, compte tenu du risque de descellement résultats fonctionnels des autres procédés de recons-
précoce de la prothèse et de l’absence de cicatrisa- truction. Cependant, les avantages de la prothèse inver-
tion possible des parties molles. Cela peut être une sée doivent toujours être mis en balance avec les risques
solution d’attente si des traitements adjuvants sont élevés de complications postopératoires et de complica-
prévus, avant de faire une reconstruction secondaire tions mécaniques à long terme, en particulier chez les
de l’humérus proximal. L’utilisation d’une entretoise patients actifs.
sur mesure ou d’une allogreffe est préférable pour Remerciements. Les auteurs tiennent à remercier le
diminuer les contraintes sur la tige et augmenter les Dr Gilles Walch (Lyon), le Pr Pascal Boileau (Nice)
chances de cicatrisation des parties molles autour de ainsi que les Pr Luc Favard et Philippe Rosset (Tours)
la prothèse. qui ont fourni une partie des cas de cette série.

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353

Complication des prothèses d’épaule


non contraintes - Revue de la littérature
Complications of unconstrained shoulder
prosthesis - A litterature review

J.-F. GONZALEZ, F. BAQUE, P. BOILEAU

RÉSUMÉ SUMMARY
Une meilleure compréhension de l’anatomie et de la bioméca- A better understanding of the anatomy and biomechanics of the
nique de l’épaule, associée aux améliorations constantes des shoulder, coupled with constant improvements of implants and
implants et des techniques, ont progressivement permis d’obtenir techniques, have progressively allowed to achieve encouraging
des résultats encourageants à long terme avec les arthroplasties long-term results with shoulder arthroplasties in degenerative
dans la pathologie dégénérative et inflammatoire. Cependant, and inflammatory pathologies. However, these procedures are
ces interventions ne sont pas dénuées de complications per- et not devoid of intra- and postoperative complications. We rea-
postopératoires. Nous avons réalisé une analyse de la littérature lized an analysis of the literature to list the complications of
afin de répertorier les complications des prothèses d’épaule non unconstrained shoulder prostheses. Based on our experience and
contraintes. En se basant sur notre expérience et sur la littérature, the literature, we analyzed the reasons of these complications
nous avons analysé les causes de ces complications afin d’aider to help avoiding them. We reviewed 47 English and French refe-
les chirurgiens à en limiter la survenue. Cette méta-analyse renced series of shoulder prostheses implanted for degenerative
regroupe 47 séries référencées de langue anglaise ou française or inflammatory pathology, with more than 2 years follow-up,
de prothèses d’épaule implantées pour pathologie dégénérative published from January 1993 to January 2008. They represent
ou inflammatoire, revues cliniquement à plus de 2 ans, publiées 4010 anatomic prostheses (2657 total and 1353 hemi) with an
entre janvier 1993 et janvier 2008. Elles représentent 4010 pro- average of follow-up of 6 years (2–25). We find 1595 compli-
thèses anatomiques (2657 totales et 1353 hémi) d’un recul moyen cations to 906 procedures for shoulder arthroplasty, the rate
de 6 ans (2–25). Nous retrouvons 1595 complications pour 906 of complications is 22.6%. Revision surgery was necessary in
interventions pour arthroplastie d’épaule, soit un taux de com- 451 cases (11.2%) and a revision of at least one of the implants
plications de 22,6 %. Une reprise chirurgicale a été nécessaire in 317 cases (7.9%). These complications include: intra-operative
dans 451 cas (11,2 %) et une révision d’au moins un des implants fractures, humeral and glenoid complications, instability, soft tis-
317 fois (7,9 %). Ces complications regroupent : les érosions et sue complications, infection, stiffness and sympathetic dystrophy,
les descellement glénoïdiens, les fractures peropératoires et les regional and general complications. Most of these complications
complications humérales, l’instabilité, les complications des par- can be avoided by keeping in mind their three main categories:
ties molles, les complications septiques, les raideurs et syndro- wrong indications, technical faults and errors in rehabilitation.
mes algoneurodystrophiques, et les complications régionales et However, some problems remain independent of surgical tech-
générales. niques. The analysis of a large cohort with a follow-up of more
Une grande partie de ces complications peut être évitée à travers than 10 years is necessary to understand our errors. A better
trois grandes catégories : les mauvaises indications, les fautes tech- knowledge of complications and implant survival rates will allow
niques et les erreurs de rééducation. Certains problèmes restent us to improve techniques and our choice of indications.
cependant indépendants de la technique chirurgicale. L’analyse
de grandes cohortes à plus de 10 ans de recul est nécessaire à la Key words: Shoulder arthroplasty. – Unconstrained prosthesis.
compréhension de nos échecs. Une meilleure connaissance des – Complications. – Revisions.
complications et des taux de survie des implants nous permettra
probablement d’améliorer les techniques et de mieux cibler nos
indications.

Mot clés : Arthroplastie d’épaule. – Prothése anatomique.


– Complications. – Révisions.

Prothèses d’épaule. État actuel


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354 J.-F. GONZALEZ, F. BAQUE, P. BOILEAU

Introduction Au total, nous avons pu inclure 47 séries de prothèses


répondant aux critères d’inclusion et d’exclusion choisis
L’histoire de la prothèse d’épaule a commencé par une [3,4,8,14,20,23,24,29,31–33,36,38,39,43,51,52,
complication. En effet, la première prothèse implantée 54,58,60–63,70,72,82–86,92,94,98,100,102–104,
par Jules Émile Péan en 1893 dans le cadre d’une arth- 106–108,110,112–114,117,120,128].
rite tuberculeuse évolutive fut retirée précocement en L’ensemble de ces séries représentait 4010 prothèses
raison d’une infection persistante. Bien qu’il s’agisse anatomiques revues à plus de 2 ans de recul. Il s’agis-
d’une prothèse contrainte, il s’agissait là de la pre- sait de 2657 (66 %) prothèses totales d’épaule (PTE)
mière complication rapportée. Bien plus tard, dans les et de 1353 (34 %) prothèses humérales ou hémiarthro-
années 1950, Charles Neer créa un nouveau concept plasties (HEMI).
de prothèse non contrainte afin d’améliorer le résultat Le recul moyen des séries était de 6 ans en moyenne
des fractures complexes de l’épaule. Il élargira secon- (2 à 25 ans). Dix séries présentaient des patients revus
dairement les indications à l’arthrose glénohumérale et avec un recul minimum de 5 ans, dont une à 10 ans
aux pathologies dégénératives [79]. minimum [23] et une à 15 ans minimum [106].
Une meilleure compréhension de l’anatomie et de la
biomécanique de l’épaule, associée aux améliorations
constantes des implants et des techniques, a progres- Fréquence des complications
sivement permis d’obtenir des résultats encourageants
à long terme des arthroplasties de l’épaule dans la Nous avons collecté 1595 complications toutes étio-
pathologie dégénérative et inflammatoire. Cependant, logies confondues parmi les 4010 prothèses de la
ces interventions ne sont pas dénuées de complica- revue, soit un taux global de complications de 39,8 %.
tions per- et postopératoire. Le taux de complications Cependant, ces complications sont survenues au cours
rapporté dans la littérature est extrêmement variable, de 906 interventions pour arthroplastie d’épaule, soit
allant de 0 à 62 % selon les séries [6]. un taux de complications de 22,6 %. Ceci témoigne du
Nous avons réalisé une analyse de la littérature afin de fait que plusieurs complications surviennent souvent
répertorier les complications des prothèses d’épaule non chez le même patient. L’ensemble des complications
contraintes. En se basant sur notre expérience et sur la lit- est résumé dans le tableau 1.
térature, nous avons analysé les causes de ces complica- Une reprise chirurgicale a été nécessaire dans 451 cas,
tions afin d’aider les chirurgiens à en limiter la survenue. soit un taux de réopération de 11,2 %. Une révision
d’au moins un des implants a été réalisée 317 fois, soit
un taux de révision de 7,9 %.
Critères de choix des données Le taux global de complications de l’ensemble des
séries que nous avons revues est plus élevé que celui
Le choix des séries s’est fait selon des critères précis des précédentes revues de la littérature sur le même
d’inclusion. Nous avons sélectionné des articles trai- thème (entre 10 et 16 %) [6,16,126,127]. Il existe
tant de patients opérés d’une arthroplastie d’épaule plusieurs explications à cela. Le recul moyen des
pour pathologie dégénérative ou inflammatoire. Les arthroplasties est plus élevé dans notre revue (6 ans
patients devaient avoir été revus cliniquement et contre 3 à 5 ans). Ensuite, contrairement aux autres
radiologiquement avec un recul minimum de 2 ans. revues de séries, nous n’avons pas retenu le taux

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Les articles sélectionnés devaient être référencés à l’US de chaque auteur mais comptabilisé l’ensemble des
National Library of Medicine (« PubMed »), rédigés éléments qui nous sont apparus être une complica-
en langue anglaise ou française et publiés entre janvier tion : complication per- et postopératoire étiquetée
1993 et janvier 2008. comme telle, ayant nécessité une reprise chirurgicale
Nous avons exclu les études dont l’évaluation ou une révision d’implant, ainsi que les complica-
des patients avait été réalisée par téléphone, les étu- tions n’ayant pas eu de retentissement clinique (par
des concernant les arthroplasties de resurfaçage, les exemple, descellements radiologiques d’implants).
arthroplasties bipolaires, les prothèses inversées ou Par ailleurs, les autres revues n’avaient pas pris en
semicontraintes ainsi que celles concernant les arthro- compte les complications périopératoires d’ordre
plasties pour fractures récentes. Nous avons pris soin général (par exemple, complications thromboembo-
d’exclure les patients communs à différentes séries. liques). Enfin, la période de révision des articles est
Enfin, les études concernant des cas cliniques ont elles plus large dans notre revue, 15 ans contre 10 pour
aussi été exclues de la revue. les autres.
Complication des prothèses d’épaule non contraintes 355

Tableau 1
Récapitulatif des complications

Nombre Taux de % de com- Reprise Taux de


survenue (%) plications reprise (%)

Érosion de glène non resurfacée 279/1353 20,6 17,6 84 30,1

Descellement de glène 379/2657 14,3 24 108 28,5

Descellements huméraux/tiges non cimentées 198/1493 13

Descellements huméraux/tiges cimentées 239/2657 1,4 2

Instabilité 184 4,6 11,6

Rupture secondaire de la coiffe 110 2,7 6,9

Fracture de l’humérus peropératoire 75 1,9 4,7

Lésions nerveuses 73 1,8 4,6

Complication mécanique de la glène autre que 38 1,4 2,4


descellement /2657

Infections 46 1,1 2,9

Rupture secondaire du sous-scapulaire 45 1,1 2,8 33 73

Fractures humérales postopératoires 36 0,9 2,2

Algoneurodystrophie, raideur 35 0,9 2,2

Pathologie du biceps 14 0,3 0,9

Hématome 14 0,3 0,9

Complications thromboemboliques 9 0,2 0,6

Fracture de glène peropératoire /2657 8 0,3 0,5

Dysfonctionnement du deltoïde 5 0,1 0,3

Complications générales 2 0,05 0,1

Complication mécanique des implants 2 0,05 0,1


huméraux autre que descellement

Fracture acromion 2 0,05 0,1


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Total 1595 100

Fractures peropératoires Fractures humérales peropératoires


Les fractures humérales peropératoires sont rares mais
Les fractures peropératoires humérales ou glénoïdien- non exceptionnelles. Nous en avons dénombré 75 pour
nes étaient le plus souvent le résultat d’erreurs techni- 4010 arthroplasties (1,9 %). Ceci correspond à 4,7 %
ques, conséquence d’un manque d’attention, de gestes des complications retrouvées.
forcés ou inadéquats lors de l’exposition, du fraisage Le risque de fracture de l’humérus est plus élevé en cas
ou de manipulation. Nous en avons dénombré 83 pour de reprise, mais aussi dans les séquelles de fracture.
4010 arthroplasties (2,1 %). Ceci correspond à 5,3 % Trois causes ont été identifiées comme potentiellement
des complications retrouvées. responsables de ces fractures humérales peropératoires :
356 J.-F. GONZALEZ, F. BAQUE, P. BOILEAU

la rotation externe forcée du bras peut entraîner des Fractures glénoïdiennes peropératoires
fractures humérales ; il s’agit habituellement de fractu-
res diaphysaire oblique ou spiroïde. Des fractures du Cette complication ne concerne que les prothèses tota-
tubercule majeur sont aussi décrites après ce méca- les. Nous n’avons retrouvé que 5 séries relatant une frac-
nisme. L’alesage du canal médullaire peut entraîner une ture glénoïdienne peropératoire [23,24,39,84,108,113].
fausse route suivie d’une fracture, le plus souvent par- Elles sont au nombre de 8 sur 2657 PTE, soit un taux
tielle, métaphysaire ou du tiers supérieur de la diaphyse. de survenue de 0,3 %. Elles ont nécessité une ostéo-
Enfin, le scellement des implants peut aussi se compli- synthèse peropératoire dans 6 cas, 5 fois par des vis
quer d’une fracture transverse, située en dessous du et 1 fois par des broches. Dans les 2 derniers cas, la
niveau de la tige prothétique. Ces fractures sont souvent fracture a été stabilisée par le ciment de l’implant glé-
découvertes en postopératoire sur le cliché radiologique noïdien. Une greffe a été nécessaire 1 fois et le recours
de contrôle (figures 1a et 1b). à une HEMI a été choisi 2 fois.
Le traitement de ces fractures humérales peropéra- Cette complication est listée dans les précédentes
toires est habituellement basé sur la classification des revues de la littérature sans que sa fréquence soit connue
lésions de Wright et Cofield [129]. Les fractures méta- [6,116,126,127].
physaires non déplacées peuvent être traitées orthopé- Lors d’une étude multicentrique en 2001 [118], nous
diquement, mais les fractures déplacées doivent être avions retrouvé 22 fractures de glène peropératoire sur
synthésées. Les fractures des tubérosités (type A) peu- 856 arthroplasties totales d’épaule. Ceci représente un
vent être suturées. Pour les fractures autour de la tige taux de complication de 2,6 %. Ces fractures étaient
(type B), il est préférable d’utiliser des cerclages. Enfin, majoritairement des perforations antérieure ou posté-
les fractures sous la tige prothétique (type C) doivent rieure du col lors du méchage. Dans 7 cas, il s’agissait de
bénéficier au mieux de la mise en place d’une prothèse fractures complètes. Par 2 fois, le chirurgien a dû renon-
à tige longue ou à défaut d’une synthèse par plaque. cer à la mise en place d’une glène prothétique. Cinq fois,
Les plaques à vis verrouillées peuvent être utiles en la quille de l’implant a été coupée pour permettre sa mise
permettant une prise unicorticale périprothétique. en place et dans 6 cas une greffe de tête humérale associée
Les fractures humérales peropératoires au cours d’une à une ostéosynthèse a été nécessaire (figures 2a et 2b).
arthroplastie d’épaule compromettent globalement le Ces perforations ou fractures sont en général la consé-
résultat fonctionnel final. Une attention toute parti- quence d’une mauvaise orientation et/ou d’un mauvais
culière lors de la manipulation du bras, le respect du placement de la fraise ou de la mèche (figures 3a et 3b).
point d’introduction de la râpe ainsi que sa direction L’usure postérieure fréquente dans les omarthroses pri-
doivent permettre d’en limiter le risque de survenue. mitives ou les arthrites rhumatoïdes augmente le risque

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A B

Figure 1. Fracture humérale peropératoire. A. Fracture périprothétique, traitée par reprise par tige longue et cerclage. B. Fracture
non déplacée, extériorisation de ciment au niveau de la diaphyse, découverte sur les radiographies postopératoires.
Complication des prothèses d’épaule non contraintes 357

Figure 2. Perforation de glène peropératoires.


A. Cliché axillaire postopératoire montrant l’exté-
riorisation de ciment. B. TDM montrant la perfo-
ration antérieure et une orientation rétroversée
de la surface de la glène avec subluxation posté-
rieure de l’humérus.

de perforation antérieure et oblige à un fraisage antérieur.


Postérieur
Une programmation préopératoire à l’aide d’une tomo-
densitométrie est particulièrement utile pour évaluer les
structures osseuses et planifier la zone de préparation de
la glène. Une technique minutieuse et une bonne expo-
sition de la glène facilitent l’intervention chirurgicale et
réduisent le risque de malfaçons. Ces fractures fragilisent
la tenue primaire de l’implant glénoïdien et augmentent
le risque de descellement secondaire.

Antérieur
A Complications humérales
postopératoires
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Nous avons dénombré 277 complications humérales


postopératoires sur 4010 implants (6,9 %). Ceci cor-
respond à 17,5 % des complications retrouvées.

Fractures humérales postopératoires


Nous avons retrouvé 36 fractures humérales postopé-
ratoires (0,9 %) [2,2 % des complications retrouvées].
B Ce taux est légèrement inférieur à celui des données
Figure 3. Analyse technique de la perforation de glène. A. Le
de la littérature [9,13,48,53,125,129], situé entre 1 et
guide de mèche doit être orienté perpendiculairement au col 3 % à (figures 4a à 4c).
de la glène. B. En cas d’épaule serrée, l’écarteur de tête peut La plupart des auteurs privilégient le traitement
pousser le guide de mèche en avant. conservateur [6,13,53,125–127,129]. Kligman et
358 J.-F. GONZALEZ, F. BAQUE, P. BOILEAU

Descellement des implants huméraux


Le descellement des implants huméraux est un échec
du mode de fixation, qu’il soit cimenté ou non. Le
descellement de l’implant huméral est défini par une
migration de l’implant ou un liseré de 2 mm ou plus
autour de la tige (figure 5).
Nous avons retrouvé 239 descellements radiologi-
ques ou symptomatiques de l’implant huméral, repré-
sentant un taux de 6 % (15,1 % des complications
retrouvées). Une révision de l’implant a été réalisée
41 fois, soit un taux de révision de 2 % et un taux de
révision des implants descellés de 17 %. Boshali et al.,
à travers la plus récente des revues de la littérature,
retrouvaient des chiffres comparables, avec un taux de
descellement de 7 % sur 2540 PTE [6].
Nous avons recherché si le caractère cimenté ou non
cimenté influençait le taux de descellement des implants
huméraux. Seules 5 séries [20,23,39,52,100] parmi les
47 retenues ne décrivent pas le pourcentage de répar-
tition entre implants cimentés et implants sans ciment
ou « press-fit ». Notre étude concerne 2237 implants
huméraux cimentés et 1493 implants huméraux non
cimentés. Nous avons retrouvé 31 descellements dans
le groupe cimenté et 198 dans le groupe sans ciment. Le
taux de descellement est donc de 1,4 % pour le groupe
cimenté contre 13 % pour le groupe sans ciment.
Il est à noter que certains implants ont été utilisés
sans ciment, contrairement à leur conception [8].

Figure 4. Fracture humérale postopératoire. A. Pseudarthrose


après traitement orthopédique. B. Fracture diaphysaire sous
la queue de prothèse consolidée après traitement par plaque.
C. Fracture péri- et sous-prothétique consolidée après traite-

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ment par cerclage.

Roffman [48] mais aussi Bonutti et Hawkins [9] sont


plutôt favorables au traitement chirurgical car il amé-
liorerait le délai et le taux de consolidation. Cependant,
l’ostéosynthèse expose à des complications infectieu-
ses et neurologiques. Elle ne doit être envisagée qu’en
cas de réduction orthopédique inacceptable ou dans le
cas de fracture instable. Le changement de la prothèse
pour la mise en place d’une tige longue est envisagé
en cas de descellement de l’implant huméral. Il semble
que la survenue d’une fracture humérale après pro- Figure 5. Descellement et enfoncement huméral d’une tige non
thèse d’épaule n’altère pas significativement le résultat cimentée associée à une ostéolyse latérale humérale et à un
fonctionnel final [118]. descellement glénoïdien.
Complication des prothèses d’épaule non contraintes 359

Certains auteurs continuent de défendre les implants che ; il existe un descellement proximal métaphysaire
sans ciment, comme Rahme et al. [92] qui, en 2006, de la tige et une fixation persistante au niveau diaphy-
ont publié une série comparative randomisée d’im- saire. Cela engendre des contraintes pouvant entraî-
plant huméraux avec et sans ciment. Ils ne retrouvent ner une fracture de fatigue de l’implant à la jonction
aucun descellement dans les deux groupes. Cependant, de sa fixation.
cette série n’a que 2 ans de recul. Cofield et Sperling
[19,104] défendent la conception d’implant spécifique
à revêtement particulier (« ingrowth components »). Ils Complications glénoïdiennes
rapportent de bons résultats à court et moyen terme
de ce type d’implant. Malgré cela, ils continuent de post-opératoires
penser que l’utilisation d’implants cimentés reste pré- Prothèses totales d’épaule
férable en cas d’arthroplastie totale.
Dans notre série multicentrique de 1542 implants Nous dénombrons 417 complications glénoïdiennes
[8], nous avons observé que le risque de descellement postopératoires. Rapporté au nombre de PTE de l’étude
d’un implant non cimenté est presque 10 fois plus élevé (2657), le taux de survenue d’une complication glénoï-
que celui d’un implant cimenté. Cette augmentation dienne est de 15,7 %. Cela représente 25,5 % des com-
du taux de descellement des implants huméraux sans plications retrouvées (figures 6a et 6b).
ciment est retrouvée dans les différentes études de la lit- L’immense majorité des complications glénoïdiennes
térature, notamment dans les études comparant spéci- résident dans le descellement de l’implant. Il est défini
fiquement les deux modes de fixation [49,64,69,98]. par une migration de l’implant ou un liseré de 2 mm
L’écart se creuse lorsque l’on s’intéresse aux résul- ou plus autour de l’implant.
tats à long terme. Sojberg et al. [102] retrouvent, avec Nous en avons dénombré 379, soit un taux de des-
un recul minimum de 5 ans, 5 tiges descellées sur cellements de 14,3 % (24 % des complications retrou-
12 sans ciment (41,7 %) et aucun descellement sur les vées). Il a nécessité une reprise 108 fois (28,5 % des
50 cimentées. Sperling et al. [106] en 2004, avec un descellements).
minimum de 15 ans de recul, retrouvent 24 descelle- Les facteurs influençant la présence d’un liseré puis
ments sur 91 implants sans ciment (26,4 %) et en 2007 d’un descellement de l’implant glénoïdien sont particu-
[108], à 11,6 ans de recul, 62 sur 215 (28,8 %). Enfin, lièrement nombreux : le type d’implant, polyéthylène
Torchia et al. [114] ont observé, à 12,2 ans de recul, ou avec métal-back, cimenté ou non, à quille ou à plot,
40 implants sans ciment descellés sur 83 (48,2 %). le type de polyéthylène, la technique de cimentation,
L’utilisation de ciment pour la fixation de l’implant l’instrumentation de fraisage, l’exposition, l’usure de
huméral nous paraît être la référence dans les prothè- la glène, la stabilité glénohumérale, l’état de la coiffe
ses d’épaule en pathologie chronique. des rotateurs…
Concernant l’influence entre les deux grandes
familles d’implants, nous avons répertorié les glènes
Complications mécaniques à polyéthylène et les glènes à « métal-back ». Seules
des implants huméraux 6 séries [3,23,31,43,54,103] parmi les 47 retenues
La rupture d’implant huméral ainsi que le désassem- ne décrivent pas le pourcentage de répartition entre
blage entre tête et col prothétique sont des complica- implants polyéthylènes et « métal-back », ainsi que
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tions exceptionnelles avec un taux de 0,05 %. le taux de répartition de descellement entre les deux.
Seule 1 série [8] de notre revue décrit un cas de Notre étude concerne 1593 glènes à polyéthylène et
désassemblage entre tête et col. À notre connaissance, 851 implants à « métal-back ». Nous avons retrouvé
un seul autre article reporte dans la littérature une telle 217 (13,6 %) descellements dans le groupe polyéthylène
complication [21]. L’instabilité glénohumérale semble contre 142 (16,7 %) dans le groupe « métal-back ».
être la cause de ce type de complications des prothèses Hormis les descellements glénoïdiens, nous avons
modulaires. retrouvé 38 autres complications mécaniques de la glène
La rupture d’un implant huméral a été retrouvée (2,4 % des complications retrouvées), soit un taux de
une seule fois dans notre revue. Verborgt et al. [117] 1,4 %. Toutes ont nécessité une reprise. Dans le groupe
rapportent la fracture d’une tête en céramique d’un des implants polyéthylènes, nous avons retrouvé 1 seul
implant huméral. cas de rupture de l’implant polyéthylène [114]. Dans
Enfin, Zuckerman et al. [130] ont rapporté en 2003 le groupe des implants « métal-back », nous avons
une rupture d’une tige humérale. Le mécanisme est retrouvé 15 désassemblages entre le polyéthylène et le
similaire aux ruptures décrites au niveau de la han- métal-back, 14 usures de polyéthylène sans usure du
360 J.-F. GONZALEZ, F. BAQUE, P. BOILEAU

« métal-back », 6 usures de polyéthylène avec usure du Enfin, l’état de la coiffe des rotateurs reste certaine-
métal-back et 2 ruptures d’implant « métal-back ». ment le facteur qui influence le plus le descellement
Le taux de complications globales des implants poly- glénoïdien [26]. C’est Franklin et al. [30] qui ont décrit
éthylènes est donc de 13,7 %, contre 21,0 % dans le pour la première fois en 1988 l’effet du « cheval à bas-
groupe « métal-back ». Cela conforte les données de cule » (« rocking horse effect ») [figure 6c]. Lors d’une
la littérature [6,15,27,45,63,121] et l’étude que nous rupture massive de la coiffe des rotateurs, l’implant
avions publiée en 2002 [7]. huméral migre vers le haut, la tête humérale vient alors
L’utilisation d’implants totalement en polyéthylène s’appuyer sur la partie supérieure de l’implant glénoï-
cimentés nous paraît être la référence dans les PTE. dien qui bascule. Nous observons un taux élevé de des-
L’amélioration de la technique à travers l’instrumen- cellement glénoïdien lorsqu’il existait une rupture de
tation et le mode de cimentation sous pression a fait la la coiffe des rotateurs en peropératoire et à la révision
preuve de son efficacité [47,82,88]. [98,102].
Walch et al. ont montré qu’il existait une diminu- La rupture massive de la coiffe des rotateurs est une
tion du taux de liseré si la différence entre le rayon de contre-indication à une PTE anatomique. Le choix de
la tête et celui de la courbure de l’implant glénoïdien l’implant prothétique se portera alors plus volontiers
(« radial mismatch ») était supérieure à 5,5 mm [119]. vers une prothèse d’épaule inversée.
L’usure de la glène ou la dysplasie sont des facteurs Le descellement glénoïdien est une cause fréquente
importants qui peuvent nécessiter une greffe préalable d’échec des PTE. Il péjore le résultat fonctionnel et
à l’implantation de la glène prothétique [25,38]. nécessite dans plus d’un quart des cas une reprise

A B

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Figure 6. Descellement glénoïdien. A. Descellement de glène


polyéthylène. B. Échec de fixation tardif (à gauche, radio-
graphie postopératoire ; à droite : radiographie à 3 ans avec
ostéolyse majeure). C. Effet du « cheval à bascule » (« rocking
C horse effect »).
Complication des prothèses d’épaule non contraintes 361

pour révision de l’implant ou la transformation en De plus, il n’existe pas de consensus à travers les séries
hémiarthroplastie. La révision de glène est un chal- de diagnostic de cette complication. Certains auteurs
lenge technique et ses résultats fonctionnels sont tou- comme Parsons et al. [87] ont proposé une méthode
jours inférieurs à ceux d’une arthroplastie de première de mesure de l’espace articulaire glénohuméral à par-
intention [2,24,81,100]. Une attention particulière tir de radiographies numérisées, protocolisées, et d’un
doit être apportée à l’indication des PTE, à la techni- appareillage de mesure. Ils ont montré une corrélation
que utilisée mais aussi au choix des implants afin de entre la diminution de l’espace articulaire et les résul-
limiter la fréquence de cette complication. tats fonctionnels. Ils rapportent une diminution de
l’interligne articulaire de 0,9 mm/an. L’érosion glénoï-
Prothèses humérales simples dienne est inévitable selon les auteurs et le quart des
HEMI nécessiteront une totalisation entre 4 et 5 ans
L’érosion glénoïdienne est l’apanage des hémiarthro- postopératoires.
plasties. C’est la complication la plus fréquente et celle L’érosion glénoïdienne survenant dans les HEMI est
qui nécessite le plus de réintervention. Nous avons cause de douleur. La plupart des séries ou revues de
retrouvé 279 érosions glénoïdiennes sur 1353 HEMI la littérature comparant HEMI et PTE retrouvent des
(20,6 %). Elles représentent 17,6 % des complica- résultats fonctionnels inférieurs chez les HEMI, des
tions décrites. Cette érosion glénoïdienne a nécessité taux de complications plus importants et des taux de
une reprise pour totalisation dans 84 cas (30,1 %). survie inférieurs à ceux des PTE [8,27,31,33,35,87,89,
Une totalisation a été nécessaire dans 6,3 % des HEMI 91,94,106,107]. Totaliser une HEMI est une interven-
(figures 7a et 7b). tion souvent difficile. De plus, les résultats fonction-
La survenue d’une érosion glénoïdienne est proba- nels de ces prothèses « totalisées » sont inférieurs aux
blement une complication sous-estimée. En effet, plu- PTE de première intention [14,110].
sieurs séries d’HEMI ne s’intéressent pas à ce problème. Toutefois, compte tenu des complications à long
terme des glènes prothétiques, l’HEMI reste pour
de nombreux auteurs une indication de choix chez
les sujets jeunes. Des techniques de préparation de
la glène ont été élaborées afin de diminuer l’érosion
glénoïdienne par des greffes de tissus mous [11,52].
D’autres auteurs préconisent de fraiser la glène afin de
diminuer les douleurs postopératoires [17,58]. La PTE
reste pour nous l’implant de référence dans les patho-
logiques chroniques à coiffe des rotateurs conservée.

Instabilité
L’épaule est l’articulation la plus instable du corps
humain. Sa stabilité est le résultat d’un équilibre
dynamique entre les surfaces articulaires, les tensions
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musculotendineuses et les tissus mous. La prothèse


d’épaule non contrainte ne déroge pas à la règle.
L’instabilité a longtemps été considérée comme la
plus fréquente des complications des prothèses ana-
tomiques [18,77,78,80]. L’allongement du recul des
séries place la complication « d’instabilité » en troi-
sième position, derrière les érosions glénoïdiennes et
les descellements d’implant [6,116,127].
Les instabilités dites « supérieures » des séries amé-
ricaines ont été exclues et traitées avec les pathologies
Figure 7. Érosion glénoïdienne. A. Premier stade d’une érosion de la coiffe des rotateurs. Une instabilité a été décrite
glénoïdienne, diminution de l’espace articulaire, subluxation 184 fois, soit un taux de complications de 4,6 %
postérieure avec usure asymétrique du cartilage. B. Érosion (11,6 % des complications retrouvées). La topographie
glénoïdienne dans le cadre d’une arthrite rhumatoïde. n’a pas été précisée 63 fois, une luxation a été décrite
362 J.-F. GONZALEZ, F. BAQUE, P. BOILEAU

comme antérieure 65 fois et comme postérieure 55 fois. Le traitement de l’instabilité antérieure après pro-
Quelle que soit la direction de l’instabilité, le résultat thèse d’épaule est difficile. La rééducation ne donne
fonctionnel des prothèses instables est compromis. aucun résultat. La chirurgie de reprise donne des résul-
tats inégaux [6,10,75,99,118,123,127]. Plusieurs trai-
Instabilité antérieure tements sont utilisés : réparation du sous-scapulaire
direct ou par greffe, changement d’implant pour
Les causes de l’instabilité antérieure sont le plus souvent repositionnement ou changement de taille. Sanchez-
multifactorielles. Les causes retrouvées sont : un trou- Sotelo et al. [99] ont publié en 2003 la plus large
ble de rotation de l’implant huméral, une tête humé- série de reprises chirurgicales pour instabilité après
rale surdimensionnée, un déséquilibre de tension des prothèse de première intention. Parmi 33 reprises,
parties molles, un dysfonctionnement du deltoïde, une seulement 14 étaient stables à la révision. Moekel
défaillance du sous-scapulaire, une usure de la glène et al. [75] ont montré que même si une stabilité était
ou une rééducation trop agressive [6,10,37,41,118, retrouvée après reprise, le résultat fonctionnel était
123,127]. Dans notre expérience comme dans celle de médiocre.
B. Miller [73], la défaillance du sous-scapulaire est la Par ailleurs, l’arthrose glénohumérale postinstabi-
cause principale de l’instabilité antérieure (figure 8). lité ne semble pas être un facteur prédictif d’instabilité
L’instabilité antérieure s’associe fréquemment à des des arthroplasties [32,65–68,103]. Le seul traitement
complications glénoïdiennes, usure, descellement, dis- chirurgical logique et efficace est le plus souvent une
sociation du polyéthylène d’un métal-back [118]. révision par prothèse inversée.

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Figure 8. Instabilité antérieure. Prothèse anatomique instable suite à une rupture du sous-scapulaire avec usure du polyéthylène
et métallose. Reprise par prothèse inversée.
Complication des prothèses d’épaule non contraintes 363

Instabilité postérieure des complications comme le descellement glénoïdien


ou l’instabilité.
C’est souvent une rétroversion excessive d’un des
implants qui est la cause d’une instabilité postérieure
de prothèse d’épaule [10,75,123,127]. D’autres méca- Pathologie de la coiffe postéro-
nismes sont décrits, comme l’usure postérieure de supérieure
glène (B2 ou C) ou encore la distension capsulaire
postérieure [99,118] (figure 9a et 9b). Nous avons recensé 110 ruptures secondaires de la
Une instabilité postérieure de prothèse peut entraîner coiffe des rotateurs à sa partie supérieure et postéro-
d’autres complications, telles qu’une fracture humé- supérieure, soit un taux de survenue de 2,7 % (6,9 %
rale, une rupture de coiffe, une usure prématurée de des complications observées).
glène, un descellement d’implant glénoïdien ou encore Le diagnostic a été porté le plus souvent clinique-
une dissociation du polyéthylène de son métal-back. ment ou par la constatation d’une ascension radio-
Le traitement de ces instabilités postérieures sera logique anormale de la tête humérale. La plupart des
une réduction suivie d’une immobilisation en cas de auteurs américains parlent d’instabilité supérieure.
luxations traumatiques. On s’assurera qu’il n’existe Nous avons regroupé les cas d’instabilité supérieure
pas d’erreur d’orientation des implants ou de lésion décrits avec les subluxations supérieures et les migra-
de la coiffe postérieure qui orienterait vers un traite- tions supérieures de l’implant. Une ascension radiolo-
ment correctif chirurgical. Cependant, la chirurgie de gique de la tête a été observée 303 fois (7,6 %). Elle
reprise donne des résultats inégaux quelle que soit la aboutit parfois à une fracture de l’acromion (2 fois).
technique employée [6,10,75,99,118,123,127]. Cette ascension peut être consécutive à l’aggravation
Les arthroplasties réalisées pour luxation postérieure d’une lésion de la coiffe des rotateurs préexistante ou
invétérée présentent le plus grand risque d’instabilité être la conséquence d’une rupture secondaire de la
postérieure (17 %) [112]. coiffe. Elle est responsable de douleurs, de diminu-
En cas d’instabilité postérieure peropératoire, il fau- tion des amplitudes articulaires et de descellements
dra porter une attention particulière à l’orientation des glénoïdiens. L’évolution des lésions de la coiffe et la
implants. Une greffe postérieure en cas de glènes dyspla- survenue d’une ascension de la tête sont des phénomè-
siques sera parfois utile [38] et une capsuloplastie posté- nes habituellement lents et progressifs. Ceci explique
rieure pourra permettre de stabiliser l’articulation [76]. que cette complication soit essentiellement retrouvée
dans les séries avec un recul important. Les prothèses
Complications des parties molles implantées pour rupture massive de la coiffe ou « cuff
tear arthropathy » ainsi que les arthrites rhumatoïdes
L’état de la coiffe des rotateurs influence directement sont concernées. Sperling et al. [108] retrouvent à
le résultat fonctionnel des prothèses anatomiques 11,6 ans de recul 76,3 % d’ascension de la tête parmi
d’épaule. Des lésions de la coiffe des rotateurs peuvent 215 prothèses pour arthrite rhumatoïde et 40,3 %
perturber la biomécanique de la prothèse et entraîner pour Sojberg et al. [102] à 7,7 ans.
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Figure 9. Instabilité postérieure. A. Luxation postérieure traumatique 2 mois après l’arthroplastie. B. Subluxation postérieure dans
le cadre d’une glène B2, usure asymétrique du polyéthylène et contact métal-métal.
364 J.-F. GONZALEZ, F. BAQUE, P. BOILEAU

Des réinterventions proposant des traitements conser- douleurs dégradent le résultat fonctionnel de l’arthro-
vateurs ont été réalisées dans la majorité des cas : acro- plastie. Tuckman et Dines [115] ont rapporté une série
mioplastie, suture de coiffe voire transfert musculaire de 8 ténodèses à ciel ouvert ou ténotomie sous arthros-
ou lambeau. Certaines équipes ont proposé une révi- copie après arthroplastie avec d’excellents résultats.
sion prothétique par transformation d’une PTE en Le tendon du long biceps est anormal dans plus 30 %
HEMI avec une tête de plus grand diamètre. D’autres des omarthroses primitives : délamination, prérupture
ont préféré réaliser une arthrodèse glénohumérale ou ou hypertrophie [118]. Ainsi, la ténodèse peropéra-
une résection arthroplastique. Seule la reprise chirurgi- toire améliore le résultat sur la douleur. Nous la prati-
cale pour mise en place d’une prothèse totale inversée quons systématiquement lors d’une arthroplastie.
a donné un résultat satisfaisant [118].

Dysfonctionnement
Rupture secondaire du tendon du muscle deltoïde
sous-scapulaire Un dysfonctionnement du muscle deltoïde peut être
Nous avons retrouvé 45 ruptures secondaires du ten- secondaire à une lésion du nerf axillaire ou à une
don du muscle sous-scapulaire, représentant un taux désinsertion musculaire iatrogène. L’insuffisance mus-
de survenue de 1,1 % (2,8 % des complications obser- culaire qui en résulte compromet sévèrement le résul-
vées). Une réintervention a été réalisée dans 33 cas, tat fonctionnel de l’arthroplastie d’épaule.
soit dans 73 % des ruptures. Cette complication n’a été relevée que 5 fois parmi
Ce chiffre sous-estime certainement cette complica- les 47 séries. Cela représente un taux de complication
tion ; seules 10 séries sur 47 la répertorient. S. Miller de 0,1 %. Ce chiffre sous-estime très certainement
et al. [74] ont étudié spécifiquement la fonction du la réalité, puisque 17 lésions du nerf axillaire ont été
sous-scapulaire après prothèse d’épaule. Il a été noté observées dans le même temps.
comme inefficace dans 67 % des cas. Neer et Kirby [78], en 1982, retrouvaient un sévère
Le diagnostic est le plus souvent clinique, devant une dysfonctionnement du muscle deltoïde chez 92 % des
rotation externe exagérée, un lift-off ou un press-belly patients opérés par voie d’abord supérieure avec déta-
test positif. Une chirurgie préalable de l’épaule semble chement du muscle deltoïde ou voie deltopectorale
être un facteur favorisant à la rupture secondaire du réduite. Les résultats fonctionnels de cette série sont
sous-scapulaire : antécédents de chirurgie pour instabi- catastrophiques.
lité d’épaule, séquelles de fracture céphalotubérositaire. Les insuffisances musculaires du deltoïde compro-
La rupture secondaire du tendon sous-scapulaire mettent les résultats des arthroplasties d’épaule. Il
expose à une instabilité antérieure. B. Miller et al. [73] paraît donc nécessaire de réaliser une voie d’abord res-
ont revu 7 patients présentant une rupture secondaire pectant les insertions deltoïdiennes et préservant le nerf
du sous-scapulaire après prothèse d’épaule. Ils présen- axillaire. La voie d’abord deltopectorale nous semble
taient tous une instabilité antérieure. Ils ont tous été être la voie la plus sûre et la moins délabrante pour
traités chirurgicalement, dont 4 par transfert du grand réaliser une arthroplastie anatomique de l’épaule.
pectoral. Les résultats fonctionnels après reprise sont
médiocres et 2 épaules restent instables. Cette compli-

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cation survient dans les 3 premiers mois postopératoi- Ossifications ectopiques
res dans 75 % des cas. Une rééducation trop agressive
peut être à l’origine de ces ruptures [118]. Une atten- Les ossifications ectopiques découvertes radiologique-
tion particulière doit être apportée dans la libération et ment au sein des parties molles périprothétiques ne
la réinsertion ou suture de ce tendon. sont habituellement pas considérées comme une com-
plication.
Nous en retrouvons 14 décrites parmi 3 séries
Pathologie du long biceps [36,62,83]. Aucune influence n’a été décrite sur le
résultat fonctionnel. Nous ne les avons pas comptabi-
Une pathologie du long biceps en postopératoire peut lisées comme complications.
être cause de douleurs après prothèse d’épaule. Nous Kjaersgaard-Andersen et al. [46] ont décrit trois
avons retrouvé 14 réinterventions répertoriées dans stades à travers une série de 26 sur 58 arthroplasties.
6 séries sur 47 [8,33,52,70,103,120] pour ténotomie Le stade III est un véritable pont entre l’humérus et
ou ténodèse du long biceps en raison de douleurs. Ces l’acromion. Seul ce dernier a un impact péjoratif sur le
Complication des prothèses d’épaule non contraintes 365

résultat fonctionnel dans leur série. Sperling et al. [105] gicalement. En cas d’infection aiguë postopératoire
ont recherché spécifiquement ces constatations radio- (< 2 mois) ainsi qu’en cas d’infection aiguë secondaire
graphiques dans une série de 58 prothèses. Ils en ont par voie hématogène, un débridement et un lavage soi-
dénombré 14, mais aucune de stade III. Leur présence gneux doivent être entrepris rapidement. En cas d’in-
n’a pas influencé le résultat. Ces ossifications apparais- fection subaiguë (2 mois à 1 an) ou chronique (> 1 an),
sent dans la majorité des cas dans les 2 premiers mois l’ablation des implants reste la meilleure solution pour
postopératoires et n’évoluent plus par la suite. traiter l’infection. Le changement en un ou deux temps
rapprochés (6 à 8 semaines) constitue le meilleur com-
Complications septiques promis pour guérir l’infection et conserver la fonction
[22].
L’infection postopératoire est une complication redou- La nécrose radique camporte un risque important
table en chirurgie prothétique. Nous avons retrouvé d’infection après prothèse pouvant aller jusqu’à 25 %
46 infections avérées, représentant un taux de complica- [1,22]. La chirurgie de reprise, les séquelles de frac-
tions de 1,1 % (2,9 % des complications retrouvées). Une ture et la chirurgie pour instabilité constituent aussi
réintervention a été pratiquée 37 fois, dont 32 ablations des facteurs de risque infectieux. Même avec un traite-
d’implants et seulement 7 reposes en un ou deux temps. ment bien conduit, le taux de guérison des infections
Les germes retrouvés sont en premier lieu les staphy- de prothèse reste décevant et le pronostic fonctionnel
locoques dorés et à coagulase négative, puis le Propioni- souvent compromis.
bacterium acnes (exemple : figures 10a et 10b).
Les options thérapeutiques décrites sont multiples et
variées : certains auteurs sont favorables à un traite- Raideurs et syndrome
ment médical par antibiothérapie seule ou associé à algoneurodystrophique
un lavage avec débridement. Parfois les implants sont
conservés et parfois ils sont enlevés définitivement. Ce chapitre regroupe les complications qui ont été éti-
Souvent, un changement d’implant en un ou deux quetées comme algoneurodystrophie, douleurs inexpli-
temps sera choisi, avec mise en place d’un espaceur quées et raideur. Ces symptômes sont peu fréquents ;
provisoire au ciment imprégné d’antibiotique. Plus nous en avons dénombré 35, représentant un taux de
rarement, des arthrodèses et des amputations ont aussi complication de 0,9 %.
été proposées dans la littérature [22,40,55,70,90,93, Parmi ces 35 complications, 6 ont été qualifiées de
101,111,127]. syndromes algoneurodystrophiques. Elles ont bénéfi-
La stratégie thérapeutique doit être basée sur le dia- cié d’une prise en charge en rééducation. Leur sympto-
gnostic précose de l’infection. Une ponction articulaire matologie s’est améliorée et le résultat final a été bon.
peut aider à l’identification du germe pathogène. Une Les autres patients ont bénéficié d’un traitement plus
collaboration avec des infectiologues est souhaitable. Il agressif : mobilisation sous anesthésie, débridement et
faut être agressif et ne pas hésiter à réintervenir chirur- arthrolyse arthroscopique ou à ciel ouvert. Dans 9 cas,
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Figure 10. Complications septiques. A. Changement de prothèse d’épaule en deux temps. B. Espaceur imprégné d’antibiotique laissé
en place après ablation d’une prothèse d’épaule.
366 J.-F. GONZALEZ, F. BAQUE, P. BOILEAU

un changement d’implant a été réalisé : totalisation maximum cette complication : être attentif à l’instal-
d’HEMI, changement de la tête pour une taille plus lation de son patient en surveillant les points d’appui,
petite et même révision complète des deux implants. la position de la tête, respecter une abduction modérée
Les résultats fonctionnels finaux de ces patients n’ont du bras, réaliser une dissection prudente avec identifi-
en général pas été satisfaisants. cation du nerf axillaire afin de le protéger. Pendant la
Une analyse précise clinique, biologique et radiolo- dissection, il faut rester proche de l’humérus et éviter
gique doit être entreprise devant un tableau doulou- de léser le nerf axillaire. Enfin, la dissection ne devra
reux avec raideur postopératoire. Si celui-ci s’avère pas s’étendre médialement à la zone limitée par une
négatif, les diagnostics d’algoneurodystrophie ou de ligne verticale passant par l’apophyse coracoïde.
capsulite rétractile doivent être évoqués. Seul un traite-
ment médicamenteux associé à une rééducation douce Hématomes
avec balnéothérapie semble apporter un bénéfice. Ces
algodystrophies sont en fait souvent le résultat de com- Plusieurs séries américaines [23,29,33,72,85,97,106,
plications méconnues d’origine mécanique (implants 107] mentionnent des hématomes postopératoires. Il
trop volumineux, malpositionnés, incarcérations intra- s’agit en général de volumineux hématomes qui ont
articulaires du long biceps et/ou d’origine biologique : souvent nécessité une nouvelle intervention pour éva-
infections larvées…). cuation ou drainage. Ils représentent 0,3 % des com-
plications de la revue. Ces hématomes peuvent parfois
avoir des conséquences générales : deux volumineux
Complications régionales hématomes thoraciques compressifs après prothèse
d’épaule ont été rapportés par Keyurapan et al. [44].
et générales Ces hématomes ont eu un retentissement sur la fonc-
Lésions nerveuses tion cardiaque et respiratoire.

Les lésions neurologiques représentent une complication Complications thromboemboliques


relativement fréquente des arthroplasties d’épaule.
Nous avons retrouvé 73 lésions neurologiques repré- Les complications thromboemboliques sont rares. Elles
sentant un taux de survenue de 1,8 %. Plusieurs nerfs représentent dans notre revue 0,22 % des complica-
du membre supérieur peuvent être concernés. L’atteinte tions retrouvées. Elles sont potentiellement graves par
la plus fréquente est celle du plexus brachial (24), puis leur complication majeure, qui est l’embolie pulmo-
du nerf axillaire (17), puis du nerf radial (7). Il a été naire. Quelques auteurs se sont intéressés spécifique-
décrit plus rarement des lésions du nerf musculocutané ment à cette complication [5,57,96,95,103]. Sperling
(3), du nerf suprascapulaire (2), du nerf ulnaire (2) et et Cofield [109] ont retrouvé 5 cas d’embolie pulmo-
enfin du nerf médian (1 cas). Vingt et une fois, la topo- naire pour 2885 arthroplasties (0,17 %). Les throm-
graphie n’a pas été précisée. Il s’agissait le plus sou- boses veineuses responsables sont le plus souvent
vent de neurapraxies résolutives spontanément (63). localisées au membre inférieur mais parfois au mem-
La récupération a été partielle dans 7 cas. Ces lésions bre supérieur (veine axillaire [5]). Seules les thrombo-
sont plus fréquentes dans les séries avec antécédents ses veineuses du membre supérieur (0,15 %) ont été
chirurgicaux comme dans les arthroses post-trauma- répertoriées dans notre revue [8,52]. Ceci sous-estime

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tiques [83] ou postinstabilités [32]. Trois patients ont très certainement le taux réel de thromboses veineuses
dû être opérés. Une suture microchirurgicale a été réa- profondes. Un décès a été décrit dans les suites d’une
lisée dans 2 cas. Dans 1 cas, il s’agissait d’une lacéra- embolie pulmonaire après arthroplastie d’épaule [96].
tion nerveuse [33]. Dans 1 autre cas, il s’agissait d’une La fréquence des thromboses profondes après
section iatrogène [114]. Deux transferts musculoten- arthroplastie de l’épaule est inférieure à celle obser-
dineux ont été réalisés pour pallier un déficit nerveux vée après une arthroplastie de hanche ou de genou.
[36,114]. Lyman [57], à travers une étude épidémiologique com-
Les étiologies des lésions nerveuses sont nombreu- prenant 328 301 arthroplasties dont 13 759 d’épaule,
ses [59] : techniques anesthésiques [122], installation a retrouvé un taux de 0,5 % de thromboses veineuses
du patient, techniques chirurgicales, antécédents trau- profondes contre 1,57 % à la hanche et 2,69 % au
matiques ou chirurgicaux du patient. En cas de non- genou, ainsi que 0,23 % d’embolie pulmonaire contre
récupération ou de récupération partielle, les séquelles respectivement 0,42 % et 0,44 %.
neurologiques grèvent le résultat fonctionnel. Il faut La fréquence de cette complication et sa gravité poten-
respecter certaines précautions afin de diminuer au tielle justifient certainement des mesures de prévention.
Complication des prothèses d’épaule non contraintes 367

Nous préconisons le port de bas de contention aux Conclusion


membres inférieurs durant l’intervention ainsi que le
lever précoce des patients en postopératoire. La pres- Une grande partie de ces complications peut être évi-
cription d’une anticoagulation à dose préventive doit tée. On peut les regrouper en trois grandes catégories :
être discutée chez les patients à risque (personnes âgées, les mauvaises indications, les fautes techniques et les
traumatologie, cancer, comorbidités, antécédents). erreurs de rééducation. Parmi les mauvaises indications,
on note l’utilisation de prothèses non contraintes en cas
de coiffe des rotateurs largement rompue ou non fonc-
Complications générales tionnelle, l’utilisation d’HEMI dans des épaules raides
ou de prothèse anatomique pour les épaules subluxées
Comme toute chirurgie, l’arthroplastie d’épaule ou luxées. La plupart des complications peropératoires
expose aux complications générales périopératoires. (fractures humérales ou glénoïdiennes, lésions neurolo-
Peu de séries s’y sont intéressées et les ont répertoriées. giques) sont dues à des défauts d’exposition. Certaines
Elles représentent 0,1 % des complications des séries fautes techniques sont à éviter : c’est le cas des insuf-
sélectionnées. fisantes réparations du tendon sous-scapulaire, des
Rispoli et al. [94] ont rapporté une pneumopathie et malpositions des implants et notamment des troubles
Wallace et al. [120] un infarctus du myocarde associé de rotation. Une rééducation trop agressive peut être à
à une insuffisance rénale aiguë en périopératoire. l’origine d’une rupture du sous-scapulaire ou entraîner
Lors d’une étude épidémiologique, White et al., une algoneurodystrophie, source de douleur et de rai-
en 2003, ont observé un taux de mortalité de 0,6 % deur articulaire.
[124]. Il s’agissait de décès survenus dans les 90 j post- En connaissant l’origine des complications des pro-
opératoires parmi les 2953 arthroplasties d’épaule thèses d’épaule, le chirurgien pourra optimiser ses
réalisées à la Mayo Clinic entre 1970 et 2000. Ce chif- résultats. Plusieurs auteurs [34, 42, 56] ont montré que
fre est à relativiser puisque sur les 17 décès survenus, le taux de complication, de réadmission et de durée de
12 arthroplasties étaient indiquées pour tumeur primi- séjour ainsi que le résultat étaient directement liés à
tive ou secondaire. Cela représente pour le reste un l’expérience du chirurgien et de son équipe.
taux de 0,2 % dont la cause du décès était un infarc- Certains problèmes sont indépendants de la technique
tus du myocarde dans 3 cas, un accident vasculaire chirurgicale. C’est le cas des usures avec descellement
cérébral et un syndrome de défaillance multiviscérale des implants. L’analyse de grandes cohortes de patients
périopératoire dans 1 cas. opérés et suivis à plus de 10 ans de recul est néces-
Le taux de complications périopératoires semble donc saire à la compréhension de nos échecs. Une meilleure
plus faible pour les arthroplasties d’épaule (7,55 %) connaissance des complications et des taux de survie
que pour les arthroplasties de la hanche (15,5 %) ou des implants nous permettra probablement d’améliorer
du genou (14,7 %) [28]. les techniques et de mieux cibler nos indications.

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371

Liserés et descellements de la glène


dans les prothèses totales anatomiques :
quelles conséquences ?
Radiolucent lines and loosenings of the glenoid
in total shoulder prosthesis

D. MOLÉ, C. DEZALY, O. TOUCHARD, F. SIRVEAUX

RÉSUMÉ SUMMARY
L’adjonction d’une glène à la pièce humérale d’une prothèse d’épaule A glenoid component enhances the result of a shoulder pros-
en améliore le résultat fonctionnel et peut être recommandée dans thesis but remains its weak point. All the comparative published
la pathologie dégénérative. La pièce glénoïdienne reste cependant series show that total shoulder arthroplasty provides better
le point faible de l’arthroplastie du fait de la constatation radiogra- outcome than hemiarthroplasty in degenerative glenohumeral
phique de liserés à l’interface ciment-os qui sont parfois évolutifs pathology. Radiolucent lines (RLL) and glenoid loosenings are
et peuvent conduire au descellement. La fréquence des liserés varie, mostly radiographic features without clinical relevance, but they
selon les séries étudiées, entre 68 et 100 % des cas. Les liserés sous remain a concern. RLL occur in 68 to 100% of the cases; the
l’embase n’ont pas de signification ; les liserés autour de la quille RLL located under the baseplate have no significance while the
traduisent, en revanche, l’évolution vers le descellement. Le taux de RLL located around the keel are evolutive and lead to loosening.
descellement varie entre 0 et 58 % des cas ; il évolue avec le temps ; The loosening rate varies between zero and 58% of the cases;
le taux de réintervention est cependant faible, compris entre 4 et it increases with time and follow-up. At this stage, the rate of
8 %. La technique opératoire (cimentage par compaction osseuse revision is low. The operative technique (compaction of cancel-
dans l’orifice de quille), le choix approprié de l’implant (glène à lous bone in the keel hole) as well as the accurate choice of the
fond convexe, quille ou plots), l’utilisation de rayons de courbure implant (convex glenoid, pegs or keel) and the adapted mistmach
appropriés et la poursuite de la réflexion sur les glènes hybrides ou of the humeral and the glenoid radii of curvature allow to limit
sans ciment permettent de limiter l’incidence des liserés et des des- the occurrence of both RLL and loosenings. The functional out-
cellements. La qualité du résultat fonctionnel obtenu par prothèse come of total shoulder arthroplasty and the mobility allowed by
d’épaule, l’amélioration des amplitudes permise par les prothèses new generation implants are better; the patients are younger;
de dernière génération, et l’âge de plus en plus jeune des patients all these factors lead to a higher level of glenoid constraints and
incitent à poursuivre la recherche d’une glène idéale en termes oblige us to continue to look for the ideal glenoid.
d’ancrage et de longévité.
Key words: Shoulder arthroplasty. – Glenoid implant. – Radiolucent
Mots clés : Glène. – Prothèse d’épaule. – Liserés. – Descellements. lines. – Loosening.

Introduction 44 mois dans le cadre d’une étude multicentrique. Le


score de Constant passe de 28,6 en préopératoire à
Au-delà des premiers résultats encourageants publiés 75,7 à la révision avec un « score douleur » coté sur
par Neer [38], de très nombreuses séries [2,8,10,36,41, 15 points, qui passe de 4,2 en préopératoire à 12,5 à
46,47,52,55,57] ont confirmé l’efficacité des prothèses la révision. Le taux de complication est de 16,8 % ; un
totales d’épaule, agissant principalement sur le facteur tiers des complications sont peropératoires ou préco-
douloureux. Nous retiendrons l’étude de Pfahler [47] ces ; peu concernent directement le composant glénoï-
qui concerne une série de 705 cas de prothèses tota- dien. Le taux de réintervention est de 6,6 % ; moins
les cimentées d’épaule revus avec un recul moyen de de 2 % sont liées au composant glénoïdien. Les bons

Prothèses d’épaule. État actuel


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372 D. MOLÉ, ET AL.

résultats se maintiennent dans le temps ; les taux de reconnu de liserés périglénoïdiens dans les différentes
survie [52,53,57] sont de 97 % à 5 ans, de 93 % à séries publiées. L’interprétation des liserés nécessite des
10 ans et de 87 % à 15 ans ; ils placent la prothèse radiographies faites sous contrôle à l’amplificateur de
totale d’épaule parmi les plus efficaces des prothèses brillance, avec vérification de l’orientation du rayon (40°
ostéoarticulaires et leurs résultats parmi les plus dura- d’obliquité postérieure), parallèle à l’embase glénoïdienne
bles. L’enthousiasme est cependant tempéré par la mise [45]. Havig et al. [18], dans une étude cadavérique, mon-
en évidence, sur les radiographies de contrôle, d’un trent qu’un liseré inférieur à 2 mm cesse d’être visible
taux important de liserés glénoïdiens et par l’évolu- lorsque l’angle d’inclinaison du rayon varie de plus de
tion avec le recul du taux de descellements glénoïdiens. 10° avec celui de l’embase ; ce point est crucial. Kelleher
Pour Matsen et Lippitt, 59 % des patients insatisfaits et al. [24] considèrent que 56 % des bilans radiographi-
de leur prothèse totale d’épaule le sont en raison d’un ques effectués sans amplificateur de brillance sont inin-
descellement glénoïdien [32]. terprétables. Dans deux études multicentriques, Lazarus
et al. [26] et Molé et al. [36] ont été contraints d’éliminer
Liserés glénoïdiens respectivement 33 % et 21 % des bilans radiographiques
pour qualité défectueuse. Szabo et al. [56] insistent par
Les liserés se définissent comme des espaces clairs, ailleurs sur l’intérêt de la relecture des clichés ; chacune
radiotransparents, à l’interface ciment–os (figure 1). de ses radiographies est lue à trois reprises par trois exa-
Leur fréquence, les modalités d’évaluation, leur signi- minateurs différents, ce qui lui vaut d’aboutir à un taux
fication, leur évolution et les facteurs de survenue sont de liseré de 100 %. Pour Gerber et al. [15], l’avenir est à
aujourd’hui plus précis. Initialement décrits par Neer l’utilisation du scanner pour la détection et la surveillance
[38] dans 30 % des cas, les liserés sont beaucoup plus des liserés avec des taux de survenue qui seront certaine-
fréquents dans les séries plus récentes (68 % pour ment plus conséquents (figure 2).
Pfahler [47], 84 % pour Torchia et al. [57], 94 % pour
Lazarus et al. [27], 100 % pour Szabo et al. [56]). Siège et classification
Diagnostic De nombreuses classifications [24,26,36,37,45,47,57]
des liserés ont été décrites prenant en compte leur siège
Le défaut de rigueur dans la réalisation et l’interpréta- (partie supérieure, moyenne ou inférieure de l’embase
tion des radiographies explique la variation du taux et de la quille) et leur épaisseur (mm). Le nombre de
zones ainsi défini varie de 2 à 8 [2,12,24,26,37,57].
L’épaisseur est considérée selon qu’elle est inférieure
ou supérieure à 1,5 ou 2 mm. Sont par ailleurs pris
en compte, pour certains [26,37], des grades (0 à 5)
établis en fonction du siège et de la continuité. Le pro-
blème se trouve à nouveau posé de la comparaison des
différentes études, compte tenu des méthodes d’éva-
luation utilisées.
Nous avons défini une classification en six zones
(trois à l’embase, trois à la quille) et trois épaisseurs

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(inférieure à 1 mm, comprise entre 1 et 2 mm, supé-
rieure à 2 mm), permettant d’allouer à chaque zone
un nombre de points (1 point pour un liseré inférieur
à 1 mm, 2 points pour un liseré compris entre 1 et
2 mm, 3 points pour un liseré supérieur à 2 mm) et
d’établir par l’addition des points de chaque zone, un
« score liseré » (radio lucent line score) dont l’objectif est
de pouvoir comparer entre elles différentes séries selon
l’étiologie, l’implant ou le recul [36,47] (figure 3).

Signification des liserés


Les liserés ont longtemps [5,38] été ignorés, ou consi-
Figure 1. Liseré périglénoïdien à l’interface ciment–os. dérés comme étant d’une importance très relative ;
Liserés et descellements de la glène dans les prothèses totales anatomiques 373

montrent que le liseré est évolutif, ce qui est constaté


dans un tiers des cas [36].

Facteurs de survenue
Parmi les facteurs favorisant la survenue des liserés péri-
glénoïdiens, certains sont indépendants du chirurgien,
tels l’âge (les liserés sont plus fréquents chez les patients
âgés [45,52,53]), le niveau d’activité (fréquence accrue
chez les patients jeunes [52,53]), ou l’étiologie (poly-
arthrite rhumatoïde [28,36]). D’autres dépendent des
choix chirurgicaux et requièrent toute notre attention :
Figure 2. Visualisation d’un descellement glénoïdien au scanner. technique opératoire, choix des implants, gestion de la

Taille < 1 mm 1 à 2 mm > 2 mm Points


liserés (1 point) (2 points) (3 points)
Zone

1 X 2

2 X 2

4 X 2

5 X 3

6 X 1

Score liseré = 10 points

Figure 3. Score-liseré (RLL Score) : exemple d’un score égal à 10.

pour Neer [40], leur signification mécanique était stabilité prothétique avec, d’une façon générale, une
incertaine ; pour Brems [5], ils pouvaient traduire un plus grande fréquence des liserés à la partie basse de la
piégeage liquidien au moment du scellement, non pré- glène [12,45] en raison des déficiences de la coiffe des
occupant dans la mesure où 69 % d’entre eux étaient rotateurs et de l’influence des phénomènes d’instabi-
présents dès les clichés postopératoires. Barrett et al. lité antéropostérieure [15,63]. Dans la série de Torchia
[2] furent les premiers à distinguer les liserés sous l’em- et al. [57], qui revoient 113 cas à 12 ans de recul, le
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base des liserés autour de la quille, au nombre respec- délai moyen d’apparition du liseré est de 27 mois, avec
tif de 38 % et de 36 % ; seuls les seconds pouvaient 20 % de liserés présents sur les radiographies postopé-
traduire une micromobilité de l’implant et l’évolution ratoires, 52 % de liserés apparaissant dans la première
vers son descellement. Les études plus récentes [47,57] année et 13 %, seulement, au-delà de la 5e année.
montrent de façon indéniable que, comme à la hanche,
les liserés traduisent un défaut d’ancrage et évoluent Descellements glénoïdiens
dans le temps vers un descellement progressif. Cette
interprétation tardive est liée à l’absence, longtemps Les descellements glénoïdiens correspondent à la perte
constatée, de relation entre liseré radiographique de l’ancrage à l’interface os–ciment et se manifestent,
et résultat fonctionnel [45]. Les séries plus récentes, sur le plan radiographique, par une extension progres-
à plus long recul [35,47,52,57], montrent de façon sive et un élargissement du liseré ou dans un nombre
désormais claire la relation liseré–douleur au-delà de non négligeable de cas, par une mobilisation brutale de
10 ans, lorsque le score liseré est supérieur à 12, ou l’implant glénoïdien indépendante du « score liseré »
lorsque les incidences radiographiques successives préalable ; dans sa série de 48 cas revus à 5,3 ans de
374 D. MOLÉ, ET AL.

recul moyen, Nagels et al. [37] constatent 27 % de de recul moyen, à 44 % chez les mêmes patients revus
descellements parmi lesquels 10 % se traduisent par à un recul moyen de 12 ans.
une extension du liseré et 17 %, soit plus de la moitié, La seule analyse radiographique minimise certaine-
par une mobilisation brutale de la prothèse. ment la fréquence des descellements ; deux études en
RSA (radio stereophotogrammetric analysis) montrent
Diagnostic la fréquence des migrations d’implant supérieures à
1 mm, présentes dans 30 à 60 % des cas, non corrélées
Les termes utilisés dans la littérature (descellement pos- avec la présence ou l’importance des liserés.
sible, potentiel, probable, etc.) traduisent la difficulté Après avoir été mis en doute dans les premières étu-
d’être affirmatif, en ce qui concerne la seule évaluation des, le retentissement fonctionnel des descellements est
du liseré radiographique. Pour nous [36,47,56,60], aujourd’hui certain [40,45]. Pfahler [47] a montré la
l’utilisation du « score liseré » permet de considérer corrélation entre le « score liseré » [36] et le score fonc-
que la pièce glénoïdienne est descellée lorsque le score tionnel de Constant qui se détériore de façon significa-
est supérieur ou égal à 12. Pour Nagels et al. [37], le tive lorsque le score est supérieur à 12. Torchia et al.
descellement se définit par un liseré évolutif et continu [57] ont montré une aggravation des douleurs, en cas
d’épaisseur supérieure à 2 mm. Pour O’Driscoll et al. de glènes descellées. Le doute est donc levé, doute qui
[45], un liseré continu supérieur à 1,5 mm fait considé- ne concernait pas les descellements par migration bru-
rer l’implant comme étant « à risque » de descellement. tale d’implants, qui se traduisaient par une impotence
Pour Torchia et al. [57], le descellement est considéré fonctionnelle immédiate.
comme minime en présence d’un liseré de moins de En dépit de la fréquence des descellements radiogra-
2 mm concernant moins d’un tiers de la quille ; comme phiques et de leur retentissement fonctionnel, le taux
possible en présence d’un liseré de moins de 2 mm inté- de réintervention pour changement de la pièce glénoï-
ressant plus d’un tiers de la quille ; comme probable en dienne est faible (4,4 % à 8 % [52,57]) et le taux de
présence d’un liseré complet de moins de 1,5 mm ; et survie à long terme reste élevé (87 % à 15 ans). Les
comme certain en présence d’un liseré complet supé- exigences fonctionnelles de patients opérés plus jeu-
rieur à 1,5 mm. L’évaluation des radiographies, de leur nes pourraient modifier la fréquence des révisions.
qualité, la méthodologie des séries publiées rendent Pour Sperling et al. [52], le délai moyen écoulé entre
également discutable leur comparaison pour évaluer l’arthroplastie et la reprise chirurgicale pour descelle-
le risque de descellement. Fullilove et al. [13] effec- ment de glène est de 8,6 ans.
tuent une méta-analyse de la littérature et revoient 51
publications, considérant trois critères scientifiques Facteurs de descellement
d’acceptabilité : un recul supérieur ou égal à 5 ans,
l’appréciation des descellements selon les critères habi- Le descellement est multifactoriel, et ses facteurs de
tuellement établis (descellement certain en présence survenue sont diversement appréciés, au-delà de la
d’une migration d’implant, d’une fracture du ciment, technique chirurgicale et du choix des implants, dont
ou d’un liseré complet supérieur ou égal à 2 mm), et il sera question ultérieurement. Parmi les facteurs cités :
des radiographies axiales faites sous contrôle de l’am- le jeune âge et le niveau d’activités [52], le grand âge
plificateur de brillance ; parmi les publications étudiées, [45], le sexe masculin [45], les antécédents chirurgi-
32 (63 %) ne répondent à aucun des trois critères, 18 caux [17], l’étiologie (polyarthrite rhumatoïde [28,47],

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(35 %) ne répondent qu’à un ou deux critères, et une la déficience de la coiffe des rotateurs [12,30]), les
seule (2 %) répond aux trois critères, marquant ainsi complications (l’instabilité antéropostérieure).
les lacunes de la méthodologie.
Conséquences
Fréquence et retentissement Les préoccupations nées de la constatation radiogra-
Le taux de descellement varie, selon les séries, de 0 à phique de liserés et de descellements glénoïdiens, ainsi
58 %. Il évolue avec le temps, chiffré à 9 % à 2 ans que l’augmentation, avec le recul, du taux de reprise
de recul par Molé et al. [36], à 27 % à 5 ans de recul chirurgicale pour ces descellements font que, malgré
par Nagels et al. [37], et à 44 à 58 % pour les séries les bons résultats cliniques des prothèses de glène en
au plus long recul (12 et 7 ans) de Torchia et al. [57] et polyéthylène, à quille, cimentées, lorsqu’elles sont
Szabo et al. [56]. L’étude de Torchia et al. [57] précise appariées à une pièce humérale de dernière génération,
l’évolution avec le temps du taux de descellement, qui la réflexion s’est poursuivie dans le but d’améliorer
passe de 11 % dans une première étude faite à 3 ans l’implant et sa mise en place.
Liserés et descellements de la glène dans les prothèses totales anatomiques 375

Technique opératoire Szabo et al. [56] confirmeront la validité de cette tech-


nique ; dans une étude comparative chez 72 patients
De 69 à 94 % des liserés radiographiques sont pré- (37 curetages, 35 compactions), ils retrouvent un « score
sents sur les radiographies postopératoires [5,38]. liseré » significativement inférieur avec la technique
Subluxations humérales, liserés et descellements sont de compaction sur les radiographies postopératoires
plus fréquents en cas de vice d’orientation du com- (1,67 versus 2,39) et sur les radiographies de contrôle
posant glénoïdien ; le cimentage et l’orientation du à 2 ans (4,19 versus 6,44) ainsi qu’une progression
composant, son dessin et son mode d’ancrage, sont les significativement moindre du « score liseré » pendant
domaines ciblés par les améliorations techniques. les deux premières années.
Nombreux sont les auteurs [9,14,33,36,42] qui
conseillent de s’abstenir de cimenter l’embase de la
Technique de cimentage glène, considérant que le ciment, à ce niveau, n’a
La fréquence des liserés constatés sur les radiogra- aucun rôle mécanique, que l’existence d’un liseré sous
phies postopératoires après utilisation de la technique l’embase est sans importance, et que le risque est élevé
recommandée par Neer (préservation de la plaque que les contraintes entraînent des microfractures et
sous-chondrale et curetage de l’os spongieux [38]) est la libération intra-articulaire de débris. Collins et al.
attribuée au défaut de contact primaire os–ciment, [9], à l’inverse de Gazielly et Al Abiad [14], recom-
ainsi qu’à la réaction exothermique du ciment utilisé mandent tout de même le fraisage de la glène pour
en grande quantité [29]. La fréquence des liserés appa- l’obtention d’un contact optimal mais direct entre
rus secondairement, avec cette même technique, est polyéthylène et os.
attribuée à la différence de module d’élasticité entre Gross et al. [16] décrivent l’amélioration obtenue par
ciment et os, avec une moindre résistance du ciment la technique du weep-hole consistant à forer un orifice
aux contraintes excentriques [9]. au niveau du genou de l’apophyse coracoïde, qu’ils uti-
Le mérite revient à Gazielly et Al Abiad [14] d’avoir lisent pour aspirer le sang au moment du scellement,
formalisé la technique de cimentage moderne par com- afin d’éviter qu’il soit piégé à l’interface ciment–os ;
paction osseuse (figure 4). Cette technique consiste à cette technique leur permet d’abaisser à 7 % le taux de
forer en compression, à l’aide d’un compacteur de liserés sur les radiographies postopératoires.
dimension adaptée, l’orifice de la quille après forage Les techniques modernes de cimentage améliorent les
de trois orifices à la mèche de 4,5 mm reliés par une conditions d’ancrage des prothèses à quille cimentée
fente faite à l’ostéotome. Des greffons spongieux pré- sans, toutefois, résoudre le problème des liserés de sur-
levés dans la calotte humérale sont comprimés dans le venue précoce ou tardive ; Mileti et al. [35] retrouvent
logement de la fente à l’aide du même compacteur. La dans une étude récente à propos de 60 cas cimentés
stabilité primaire est vérifiée à l’aide de la glène d’es- avec les techniques modernes un taux de liseré incom-
sai. Le cimentage s’effectue après nettoyage soigneux plet postopératoire de 41 % qui évolue, à plus de 4 ans
du logement de la quille à l’aide d’un lavage pulsé et de recul moyen, à 84 % de liserés secondaires et 14 %
d’éponges hémostatiques. de descellements radiographiques.

Orientation du composant
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Walch et al. [59] ont insisté sur la fréquence (41 %),


dans l’arthrose, d’une rétroversion de la glène ; dans
trois cas sur quatre (glène de type B), cette rétroversion
s’associe à une usure postérieure sous la forme d’une
glène biconcave, et à une subluxation postérieure de
la tête humérale. Nyffeler et Gerber [44], dans une
étude expérimentale, considèrent que les anomalies
de version du composant glénoïdien entraînent ou
pérennisent une subluxation de la tête humérale dans
une proportion de 0,5 mm par degré. Matsen et al.
[33], Torchia et al. [57] et bien d’autres [10,19,44] ont
insisté sur les effets négatifs d’une subluxation rési-
duelle, responsable d’une usure marginale et d’un taux
Figure 4. Technique de cimentage par compaction osseuse. accru de descellement de la glène prothétique. Spencer
376 D. MOLÉ, ET AL.

et al. [50] ont démontré qu’il n’était pas possible de noïdienne passe de 33° en préopératoire à 4° au final ;
corriger, par modification de la version du composant il y a 3 pseudarthroses ou lyses de greffe, et 5 descelle-
huméral, la subluxation postérieure engendrée par la ments de glène, soit au total 47 % d’échecs. En revan-
rétroversion du composant glénoïdien. che, Steinmann et Cofield [54] en colligent 28 cas avec
La technique opératoire, adaptée à la planification 80 % de bons résultats et à 5 ans de recul un taux de
préopératoire, a donc pour objectif le positionnement liseré (54 %) et de descellement (14 %) similaire aux
orthogonal de la pièce glénoïdienne dans le plan trans- prothèses standard.
versal (figure 5). Le moyen d’y parvenir est le fraisage La position de la glène dans le plan frontal est éga-
asymétrique aux dépens du rebord antérieur saillant lement importante, corrélée avec la fonctionnalité et le
de la glène. Le risque d’un tel fraisage est d’appauvrir devenir de la coiffe des rotateurs ; Boileau et al. [4,49]
le stock osseux et de rendre impropre la glène préparée considèrent que le positionnement le plus défavora-
à la réception de la quille prothétique. La différence ble est celui dans lequel la glène regarde en haut et en
de profondeur d’une glène normale et d’une quille est dehors.
d’environ 1 cm ; Kelly et Norris [25] ne conseillent Hopkins et al. [22] utilisent la méthode des éléments
donc d’utiliser cette technique que lorsque l’usure pos- finis pour considérer qu’une pièce glénoïdienne centrée
térieure est inférieure à 1 cm. Au-delà, certains artifices a une meilleure tenue, que l’ancrage d’une glène anté-
sont encore possibles : adapter un défaut de contact versée est meilleur que celui d’une glène rétroversée,
postérieur qui ne doit pas excéder 25 % de la surface qu’une bascule antéropostérieure est plus nuisible à la
de l’implant [9], accepter quelques degrés de version tenue d’une glène qu’une bascule supéro-inférieure.
résiduels, ou raccourcir la quille [54] ; pour Bicknell et
al. [3], la qualité de l’ancrage n’est pas corrélée avec la Dessin et ancrage de l’implant
taille de la quille.
Warner et al. [62] fixent à 20° la limite de rétrover- La prothèse convexe en polyéthylène, cimentée, à
sion compatible avec l’utilisation d’une glène. Au-delà quille, et décrite par Neer il y a plus de 30 ans [39] est
de cette limite, le choix s’offre au chirurgien entre l’hé- aujourd’hui encore la prothèse de référence, car les des-
miarthroplastie ou le recours à une greffe osseuse du cellements en sont tardifs, peu symptomatiques et ne
rebord de glène, prélevée aux dépens de la tête humé- justifient que rarement une réintervention. Cependant,
rale, fixée par vissage après avivement. Décrites par la fréquence des liserés étant préoccupante, les recher-
Neer [40], ces greffes représentent une technique dif- ches se poursuivent d’une glène idéale dont l’ancrage
ficile, qui n’est, heureusement, qu’exceptionnellement serait fiable dans le temps et la surface résistante à
nécessaire. Hill et Norris [21] en colligent une série de l’usure. Nous n’aborderons pas la question des maté-
17 cas, revus à 6 ans de recul moyen ; la version glé- riaux utilisés ; le polyéthylène haute densité continue
de constituer, avec la calotte humérale métallique, le
couple de frottement unique ; les essais d’une densité
accrue (Hylamer®) ont abouti à des problèmes de stéri-
lisation [48] et de fractures d’implants [34].

Prothèse de glène cimentée


Fond plat ou convexe (figure 6) © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Les glènes à fond plat ont été décrites par Burkhead [6]
puis par Walch et al. [59], avec pour avantages la faci-
lité technique, la préservation de l’os sous-chondral en
zone centrale, et la qualité de l’ancrage primaire.
Les études expérimentales ou cadavériques [1] ont
cependant montré une meilleure résistance de l’an-
crage des glènes à fond convexe par rapport aux
glènes à fond plat. Sensibles aux reproches faits aux
glènes à fond plat d’un taux élevé de liserés sous l’em-
base simplement lié à la plus grande facilité d’explo-
ration radiographique de cette zone par parallélisme
Figure 5. Orientation orthogonale de la prothèse glénoïdienne. du rayon, Szabo et al. [55] étudient à 2 ans de recul
Liserés et descellements de la glène dans les prothèses totales anatomiques 377

Figure 7. Glène à plots ou à quille.


Figure 6. Glène à quille : fond plat ou convexe.

66 cas d’arthrose opérés par les deux mêmes chirur- crage des glènes à plots est plus performant que celui
giens et comparent 35 glènes à fond plat à 31 glènes des glènes à quille, et qu’il est amélioré par la rugosité
à fond convexe, les glènes étant équipées d’une quille de l’embase ainsi que par le travail de surface des plots.
de taille identique (longueur 15 mm, épaisseur 4 mm), Trail et al. [58] démontrent par RSA, chez 20 patients
mises en place selon les techniques recommandées de avec un recul de 18 mois, que les micromouvements
cimentage moderne (compaction osseuse). Le « score des glènes à quille sont plus importants que ceux des
liseré » [36] est significativement en faveur des glènes à glènes à plots. Lippitt et al. [29] démontrent enfin que
fond convexe ; il est chiffré, pour les fonds convexes, à le retentissement thermique du ciment est moindre en
0,98 en postopératoire et à 3,23 à 2 ans ; il est, pour les présence de plots qu’en regard d’une quille.
glènes à fond plat, de 1,67 en postopératoire et de 4,19 En revanche, pour d’autres auteurs [5,34,43,65],
à 2 ans. Il est intéressant de constater que la différence les plots n’améliorent pas l’ancrage obtenu par une
initiale se maintient dans le temps et que le « score quille.
liseré » progresse d’environ 2,4 points dans les deux Les études cliniques et radiographiques comparati-
premières années, quelle que soit sa valeur initiale. ves sont rares et ne permettent pas encore de se faire
Au final, les glènes à fond plat n’ont pas permis une idée précise. Lazarus et al. [26] analysent dans une
l’amélioration espérée et les glènes à fond convexe res- étude rétrospective multicentrique les radiographies de
tent préférables ; au préalable, il avait été établi que 328 patients pour lesquels le « score liseré » est favo-
l’adjonction d’un revêtement métallique [38] n’amé- rable aux glènes à plots (1,3 versus 1,8) ; cette compa-
liorait pas l’ancrage [5], et qu’un fond rugueux était raison porte, cependant, sur 289 cas de glènes à plots
plus performant qu’un fond lisse [1]. comparées à 39 cas de glènes à quille…
La littérature ne permet donc pas d’éclairer notre
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choix. Il est peut-être raisonnable, comme certains le


Ancrage à plots ou à quille (figure 7) recommandent [31], de disposer de différents modèles
Plusieurs auteurs [33,43] et plusieurs compagnies ont de glènes et de donner préférence aux plots pour les
pris l’orientation d’équiper de 4 ou 5 plots de polyé- petites glènes, aux quilles pour les glènes plus volumi-
thylène la surface d’ancrage de leur glène cimentée en neuses.
remplacement d’une quille unique. L’avantage poten-
tiel est que ces plots, disposés dans différents diamè-
tres, permettent de diffuser sur la surface glénoïdienne Prothèse de glène sans ciment
la zone d’ancrage de l’implant, et que leurs tailles, L’histoire des prothèses de glène sans ciment est aussi
habituellement plus courtes que celle d’une quille, per- ancienne que celle des glènes cimentées [6,11]. Elle
mettent une meilleure adaptation à la perte de stock débute en 1973 avec la description par Kessel d’une
osseux. glène à vissage central ; English et McNab décrivi-
Ces auteurs ont été confortés par les études biomé- rent ensuite le revêtement de surface poreux adapté
caniques. Anglin et al. [1] considèrent qu’in vitro l’an- à la repousse osseuse, tandis que Cofield, reprenant
378 D. MOLÉ, ET AL.

le principe de la porosité, donnait préférence à un


plot central et à un vissage périphérique. Malgré son
ancienneté, la glène sans ciment n’est utilisée que par
quelques rares écoles, ses avantages théoriques étant
largement compensés par ses inconvénients pratiques.
La technique actuelle et la préférence au couple de
frottement métal-polyéthylène obligent à la modula-
rité des prothèses de glène sans ciment qui se compo-
sent d’une embase métallique d’ancrage et d’un insert
en polyéthylène encliqueté (figure 8). Les avantages
théoriques en sont : un ancrage de meilleure qualité,
une modularité de l’insert permettant d’ajuster l’épais-
seur de la prothèse à la tension de l’articulation et à
sa stabilité, la possibilité d’un remplacement partiel de
l’implant (insert) en cas d’usure, et la suppression du
ciment et de ses inconvénients (réaction exothermique, Figure 9. Glène sans ciment : subluxation postérieure et usure
débris articulaires). Les inconvénients théoriques en du polyéthylène.
sont la moindre épaisseur de la pièce en polyéthylène,
dont les risques d’usure sont augmentés, le risque de
dissociation entre l’embase et l’insert encliqueté, les de vis. Sperling et al. [51] revoient 62 cas de glène sans
risques de contact métal-métal et de synovite réaction- ciment à 5 ans de recul ; ils n’observent que 6,5 % de
nelle en cas d’usure ou de dissociation de l’insert [13] descellement, mais le taux de reprise chirurgicale est de
(figure 9). 16 %, dont 5 % de dissociation du polyéthylène et
Les études publiées confirment la théorie. Cofield et 6,5 % de rupture secondaire de coiffe pour lesquelles
Daly [7] revoient 32 cas à 4 ans de recul avec un taux ils mettent en cause la tension liée à l’épaisseur du com-
de complications de 16 % et un taux de révision de posant glénoïdien. Martin et al. [31] revoient à 7,5 ans
12,5 % (3 descellements et 2 dissociations du polyé- de recul 124 cas avec, seulement, 38 % de liserés péri-
thylène) ; ils recommandent d’être vigilants face aux glénoïdiens ; le taux de reprise est de 11 % dans leur
risques encourus en cas de prothèse instable. Wallace série, le taux de survie à 10 ans étant évalué à 85 %,
et al. [61] comparent, à 4,5 ans de recul, 32 glènes soit inférieur à celui des prothèses cimentées. Boileau
cimentées et 36 glènes sans ciment ; ils ne retrouvent et al., enfin, dans une série prospective et randomisée,
pas de différence de résultat fonctionnel ; ils confirment comparent 20 glènes cimentées à 20 glènes sans ciment ;
l’amélioration de l’ancrage avec un moindre taux de le taux de liseré est supérieur en présence d’une glène
liseré et de descellement en présence d’une prothèse cimentée (85 % versus 25 %), mais le taux de descel-
sans ciment, mais constatent 5 % de dissociation du lement est inférieur et les reprises chirurgicales sont au
polyéthylène, 5 % d’usure de l’insert et 8 % de fracture nombre de 25 % après prothèse sans ciment [4].
Au final, les inconvénients des glènes sans ciment
l’emportent, à l’heure actuelle, sur leurs avantages.
Boileau et al. [4] et Martin et al. [31] recommandent

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l’abandon des glènes sans ciment en raison de leur taux
de complications et malgré la qualité de leur ancrage ;
Sperling et al. [51] et Wallace et al. [61] sont réservés
et n’utilisent une glène sans ciment que lorsque la pau-
vreté du stock osseux empêche de cimenter une glène
dans de bonnes conditions. L’avenir est peut-être dans
les modifications du revêtement de surface permettant
d’éviter la modularité, ou dans les glènes hybrides à
fixation centrale sans ciment et à plots périphériques
cimentés [20,64] qui font peu à peu leur apparition.

Rayon de courbure
La différence de rayon de courbure entre la calotte pro-
Figure 8. Prothèse de glène sans ciment. thétique humérale et la surface articulaire de la pièce
Liserés et descellements de la glène dans les prothèses totales anatomiques 379

glénoïdienne (radial mismatch des Anglo-Saxons) est complications ; la rotation externe active est cependant
un point crucial du dessin des implants. L’anatomie de supérieure dans les groupes 2, 3 et 4, soit lorsque la dif-
l’épaule normale nous montre une différence de rayon férence de rayon de courbure est supérieure à 4 mm. En
osseux d’environ 10 mm aux dépens de la tête humé- revanche, le « score liseré » est significativement supé-
rale, compensée par le revêtement cartilagineux et le rieur dans les groupes 1 et 2 ; Walch conclut à la préfé-
bourrelet glénoïdien qui rétablissent la congruence. La rence qui doit être donnée à une différence de rayon de
translatation est cependant, par phénomène de glisse- courbure supérieure ou égale à 5,5 mm.
ment, d’environ 4 mm entre les mouvements extrêmes.
La reproduction de l’anatomie étant considérée [44] Conclusion
comme l’objectif final, le choix est offert. Une pro-
thèse congruente à rayon de courbure huméral et glé- La pièce glénoïdienne d’une prothèse d’épaule est un
noïdien identique, tel que décrite par Neer [40], offre élément déterminant de son résultat, mais elle est éga-
une meilleure garantie de stabilité, mais expose, en lement son point faible. Les glènes à quille, cimentées,
s’opposant au mouvement de translation, au risque de en polyéthylène restent les prothèses de référence. Les
contrainte et d’usure. Une prothèse non congruente, à résultats ont progressé au cours de la dernière décen-
rayon de courbure glénoïdien supérieur, offre la pos- nie face à l’amélioration des implants et de la tech-
sibilité d’une translation et d’une meilleure mobilité, nique de pose ; dans notre pratique quotidienne, la
mais expose au risque de cisaillement, de point d’hy- technique de compaction spongieuse dans l’orifice
perpression et d’usure marginale. de quille représente le progrès le plus spectaculaire
Pour Karduna et al. [23], le mismatch idéal est de en terme de taux de liserés à court et moyen terme.
4 mm, considérant qu’une différence inférieure à 5 mm Les glènes à fond convexe sont probablement supé-
n’altère pas la stabilité prothétique. Parmi les modèles rieures aux glènes à fond plat ; il est possible que l’an-
de prothèse proposés, à l’heure actuelle, des différen- crage par plots soit plus performant que l’ancrage par
ces conséquentes existent ; la différence de rayon de quille ; la seule prothèse qui ait véritablement permis
courbure entre tête et glène est de 3 à 5 mm dans le de diminuer le taux de liseré (et de descellement ?) est
système Global (De Puy) ; elle est de 5 à 7 mm dans le la prothèse sans ciment à revêtement de surface, mal-
système Aequalis (Tornier). heureusement exposée à d’autres complications telles
L’étude de référence, en la matière, est celle de Walch que le risque d’usure ou de dissociation du polyéthy-
et al. [60], qui analysent 319 cas de prothèses totales, lène. La glène idéale n’est pas encore décrite, mais elle
implantées pour arthrose, dans le cadre d’une étude mul- pourrait découler de ce principe ; la quasi-absence de
ticentrique, avec un recul moyen de 54 mois ; ils distin- descellement de la pièce glénoïdienne sans ciment dans
guent 4 groupes de mismatch, autorisés par l’utilisation les prothèses inversées confirme cette orientation et
de prothèses modulaires ; la différence de rayon de cour- l’importante que revêt la stabilité dans les contraintes
bure est inférieure ou égale à 4 mm dans le groupe 1, imposées à la glène. Il n’est pas inutile, en conclusion,
comprise entre 4,5 et 5,5 m dans le groupe 2, entre 6 et de citer Matsen et Lippitt [32] qui rappellent qu’à
7 mm dans le groupe 3, supérieure à 4 mm dans le groupe l’épaule plus qu’ailleurs les résultats de la chirurgie
4 ; aucune différence n’est constatée entre les 4 groupes, de reprise sont décevants et que tout doit être mis en
concernant le score de Constant, la mobilité, le taux de œuvre pour le succès de la chirurgie primaire.
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382 C. PELEGRI, N. JACQUOT, J.-S. COSTE, P. BOILEAU

Infection des prothèses d’épaule :


spécificité et prise en charge
Infection in shoulder prostheses: specificities
and management

C. PELEGRI, N. JACQUOT, J.-S. COSTE, P. BOILEAU

RÉSUMÉ SUMMARY
L’infection après prothèse d’épaule est une complication majeure qui Infection after shoulder arthroplasty is a major complication
met en cause le pronostic fonctionnel et parfois vital. Nous avons which jeopardizes the functional and sometimes vital progno-
étudié deux séries multicentriques de 2343 prothèses anatomiques sis. For the nonconstrained prostheses, the rate of infection was
et 457 prothèses inversées. Pour les prothèses anatomiques, le taux 1.8% for primary shoulder replacement and 4% in revision sur-
d’infection est de 1,8 % pour les prothèses primaires et 4 % pour les gery. For the reverse prostheses, it was 3 and 7% respectively.
révisions. Pour les prothèses inversées, ce taux est respectivement There is a higher risk of infection in avascular necrosis (25%),
de 3 et 7 %. Certaines pathologies sont associées à un risque accru : fracture sequelae (4–7%) and previous surgery (4–7%).
l’ostéonécrose postradique (25 % d’infection), les séquelles de frac- Diagnosis of the infection is often delayed because of a bet-
ture (3,6 à 7 %) et les antécédents de chirurgie préalable (4 à 7 %). ter tolerance of prosthetic infection in the shoulder than in the
Le diagnostic est souvent tardif : étant donné la meilleure tolé- hip or knee. Patients usually presented with a stiff and painful
rance d’une infection prothétique à l’épaule qu’à la hanche ou shoulder. Bacteriological result show a predominance of staphy-
au genou, celle-ci se manifestant principalement par un tableau lococci and Proprionibacterium acnes (23–40%). A low-grade
d’épaule raide et douloureuse. Les prélèvements bactériologi- infection should always be considered in the case of prosthe-
ques retrouvent une prépondérance de staphylocoques et de tic loosening. A fluid drain must be realized whenever possible
Propionibacterium acnes (23 à 40 %). La possibilité d’une infec- and the management of the infection needs a multidisciplinary
tion « larvée » en cas de descellement supposé aseptique ne doit approach (surgeons, anesthesiologists, infectiologists and bac-
jamais être exclue. Une ponction articulaire doit être réalisée si teriologists). Prognosis of recovery is globally good with 71 to
possible et la prise en charge doit être multidisciplinaire (chirur- 80% of infections cured, all treatments taken into account.
giens, anesthésistes, infectiologues, bactériologistes). Surgical lavage with antibiotherapy can be proposed in the
Le pronostic infectieux est relativement bon avec une guérison case of acute infection (< 2 months) in the absence of loose-
de l’infection dans 71 à 80 % des cas, tous traitements confondus. ning, when the germ is identified and sensitive. In subacute
Un nettoyage chirurgical associé à une antibiothérapie peut (> 2 months) or chronic (> 12 months) infections, the implants
être proposé en cas d’infection aiguë (< 2 mois), en présence d’im- must be removed.
plants non descellés avec un germe identifié et sensible ou en cas Resection arthroplasty gives good results for pain and infec-
d’infection hématogène. En cas d’infection subaigüe (> 2 mois) ou tion, but bad ones for function, with anterior elevation under
chronique (> 12 mois), l’ablation des implants est indispensable. 90In the case of neurological lesions, an arthrodesis can be
Une résection arthroplasique donne un résultat satisfaisant sur proposed. A prosthetic revision in one or two stages (6–8 weeks
la douleur et l’infection, mais un mauvais résultat fonctionnel avec interval) is the best compromise to cure the infection and to
une élévation inférieure à 90En cas de lésions neurologiques, une restore function. Revision with a reverse prosthesis improved the
arthrodèse peut être proposée. Un changement prothétique en functional prognosis following infection.
un ou deux temps (6–8 semaines) est le meilleur compromis pour
guérir l’infection et restaurer la fonction. La reprise par prothèse
inversée a transformé le pronostic fonctionnel de ces infections.

Mots clés : Prothèse d’épaule. – Infection. – Prise en charge. Key words: Shoulder replacement. – Infection. – Management.

Prothèses d’épaule. État actuel


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Infection des prothèses d’épaule : spécificité et prise en charge 383

Introduction Parmi les 49 infections, 22 patients avaient déjà été


opérés au moins une fois (2 interventions dans 5 cas et
L’infection après prothèse d’épaule constitue une 3 opérations dans 2 cas). Il s’agissait dans 10 cas d’une
complication majeure qui met en jeu le pronostic prothèse de révision.
fonctionnel et parfois le pronostic vital. La prise en Les résultats cliniques et radiologiques ont été étu-
charge est moins bien codifiée que pour les prothèses diés sur 42 patients (5 perdus de vue et 2 décès). Il
de hanche et de genou. La prévalence de ces infections s’agissait de 19 femmes et 23 hommes. L’âge moyen à
dans la littérature est de 0 à 3,9 % pour les prothè- la révision était de 64 ans (36–87). L’épaule dominante
ses anatomiques et de 0 à 15,4 % pour les prothèses était concernée dans 36 cas. L’infection était aiguë
semicontraintes [17]. dans 12 cas (dans les 2 mois suivant l’intervention),
Notre expérience des infections après prothèse subaiguë dans 6 cas (entre 2 et 12 mois) et chroni-
d’épaule est basée sur deux études multicentriques, que dans 24 cas (après 12 mois), selon les critères de
une première série de prothèses anatomiques et une Sperling [17]. Parmi ces 24 patients, l’infection a été
deuxième série de prothèses inversées [4,7]. considérée comme hématogène dans 4 cas.
Certaines pathologies étaient associées à un risque d’in-
fection important, en particulier l’ostéonécrose postradi-
Infections après prothèse que avec un taux d’infection de 25 % et les séquelles de
anatomique fracture (3,6 %). Des antécédents de chirurgie préalable
à la prothèse sont également un facteur de risque (4 %).
Entre 1991 et 1999, 2343 prothèses anatomiques En préopératoire, le taux de leucocytes moyen était de
(Aequalis®, Tornier) ont été incluses dans une étude 7945 GB/ml, la vitesse de sédimentation (VS) de 55 mm/
rétrospective multicentrique. Il y avait 2093 prothèses h et le taux de CRP (C-reactive protein) de 45 mg/l en
de première intention (dont 551 pour fracture) et 250 moyenne. Une ponction a été réalisée dans 8 cas et la
prothèses de révision. culture s’est avérée positive 4 fois. Un descellement pro-
Quarante-neuf prothèses (2 %) se sont compliquées thétique a été diagnostiqué sur les radiographies dans
d’infection dans cette série [4]. Les taux étaient de 1,8 % 37 cas (75 %) ; au niveau huméral dans 10 cas, glénoï-
pour les prothèses primaires et de 4 % pour les révisions. dien dans 15 cas et bipolaire dans 12 cas (figure 1).
Les pathologies initiales et le nombre d’infections Parmi les 11 patients ayant eu une scintigraphie,
sont résumés dans le tableau 1. celle-ci était positive dans les 8 cas où des germes

Tableau 1
Taux d’infection en fonction de l’étiologie des prothèses non contraintes

Diagnostic Nombre Nombre %


de prothèses d’infections

Fracture 626 10 1,6

Séquelle de fracture 221 8 3,6


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Polyarthrite rhumatoïde 179 3 1,7

Arthrose primitive 766 9 1,2

Arthrose post-rupture de coiffe 70 2 2,8

Tumeur 30 0 0

Ostéonécrose aseptique (ONA) 88 1 1,1

Arthrose postinstabilité 67 1 1,5

Ostéonécrose postradique 16 4 25

Arthrose avec maladie neurologique 30 1 3,3

Révision de prothèse 250 10 4


384 C. PELEGRI, N. JACQUOT, J.-S. COSTE, P. BOILEAU

et chroniques. Une antibiothérapie préalable empêcha


le diagnostic bactériologique dans 5 cas sur 6.
Le score de Constant [3] est passé de 20 à 38 points
au dernier recul (tableau 2).
L’infection était aiguë (< 2 mois) dans 12 cas. Malgré
le diagnostic rapide, le délai de la reprise a été relative-
ment long (9 mois). Un seul de ces 12 patients présen-
tait une infection résiduelle.
L’infection était subaiguë (entre 2 et 12 mois) dans
6 cas avec un délai de réintervention de 10 mois. Deux
patients avaient une infection résiduelle.
L’infection était chronique dans (> 12 mois) 24 cas
(délai moyen de 24 mois) avec un délai de réinterven-
tion de 33 mois. Six patients avaient une infection
résiduelle et 2 avaient un résultat douteux. Parmi ces
24 patients, il s’agissait d’une infection hématogène
dans au moins 4 cas. Un patient a été repris en deux
temps immédiatement. Les trois autres ont été repris
entre 1 et 25 mois (tableau 3).
Figure 1. Descellement septique d’une prothèse totale d’épaule
anatomique.
Tableau 2
Résultats fonctionnels au dernier recul
étaient identifiés en peropératoire. Pour les 3 patients
où elle était négative, on a retrouvé des germes pour Préopératoire Postopératoire
2 patients (Corynebacterium et Staphylococcus epi-
Élévation 60 (10–130) 74 (10–160)
dermidis) et le troisième avait reçu une antibiothérapie
antérieure (°)
préopératoire.
Les traitements réalisés ont été très variables : anti- Rotation externe (°) 11 (–20–80) 14 (–15–60)
biothérapie seule, résection arthroplastique, débride-
Douleur (/15) 4,4 10,8
ment et lavage (ouvert ou arthroscopique), révision en
un temps, révision en deux temps, résection et mise en Activité (/20) 5,3 9,9
place d’un espaceur en ciment antibiotique. Dans tous
Mobilité (/40) 8,9 14,2
les cas, les patients ont bénéficié d’une antibioprophy-
laxie. Trois patients ont eu un traitement particulier : Force (/25) 1,6 2,9
1 arthrodèse, 1 fixation par plaque d’une fracture sous
Constant absolu 20 38
la tige et 1 lavage sans débridement avec ablation d’un
(/100)
implant glénoïdien descellé.
Pour les 42 patients évalués au dernier recul de 32 mois

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(12–96), 30 étaient considérés comme guéris de l’in-
Tableau 3
fection (71 %) sur des critères cliniques et biologiques.
Résultats en fonction du type d’infection
Neuf patients présentaient toujours une infection
chronique et 3 avaient un résultat douteux. Infection n Délai avant Constant Infection
Les germes retrouvés sur les prélèvements peropé- reprise final persistante
ratoires étaient 9 S. epidermidis, 7 Propionibacterium (mois) (/100) (%)
acnes, 5 S. aureus, 3 staphylocoques à coagulase néga-
Aiguë 12 9 38 20
tive, 3 Corynebacterium, 2 streptocoques et 1 S. albus.
(< 12 mois)
Dans 2 cas, on a retrouvé plusieurs germes et dans
6 cas aucun germe n’a été retrouvé. Dans 11 cas, les Subaiguë 6 10 49 33
données n’étaient pas disponibles. (< 12 mois)
La durée moyenne de l’antibiothérapie était de
Chronique 24 33 33 33
3,9 mois pour la série globale, 1,6 mois pour les infec-
(> 12 mois)
tions aiguës et 5,1 mois pour les infections subaiguës
Infection des prothèses d’épaule : spécificité et prise en charge 385

Tableau 4
Résultats en fonction du type de traitement

Groupe Traitement n Constant Constant Persistance de Nouvelle


avant traitement au dernier recul l’infection (%) reprise (%)

1 Antibiothérapie 5 23 49 60 0
seule

2 Résection 10 16 30 30 0
arthroplastique

3 Débridement 8 26 27 12 63

4 Révision en 3 35 66 0 0
1 temps

5 Révision en 10 15 35 40 10
2 temps

6 Espaceur 3 26 38 0 0

Autre 3 16 45 33 66

Total 42 20 38 29 14

Les résultats en fonction du type de traitement sont Tableau 5


rapportés dans le tableau 4. Taux d’infection des prothèses inversées en fonction de
En résumé, il se dégage de cette série que le dia- l’étiologie
gnostic est difficile et se résume souvent à celui d’une
épaule raide et douloureuse, ce qui explique la prise en Diagnostic n Nombre %
d’infections
charge souvent retardée. Une antibiothérapie isolée est
inefficace. Un débridement ne peut être proposé qu’en Arthrose primitive 26 1 4
cas d’infection aiguë. Les résultats fonctionnels sont
mauvais et 29 % des patients sont toujours infectés. Arthrite rhumatoïde 9 1 11

Arthrose postrupture 149 2 1,3


Infection après prothèse inversée de coiffe (Hamada 4-5)

Rupture massive de 48 1 0,6


Entre 1992 et 2002, 457 prothèses inversées ont été
coiffe (Hamada 1-2-3)
incluses dans une étude rétrospective multicentrique. Il y
avait 363 prothèses de première intention et 94 révisions Séquelle de fracture 45 3 7
prothétiques.
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Révision de prothèse 94 7 7
Quinze prothèses (3 %) se sont compliquées d’infec-
tion dans cette série [7]. Total 457 15 3
Les pathologies initiales et le nombre d’infections
sont résumés dans le tableau 5.
Il s’agissait dans 8 cas d’une prothèse de première
intention et dans 7 cas d’une prothèse de révision (1 pro- initiale, 3 fractures humérales dont 2 lors d’une révision
thèse bipolaire, 4 hémiarthroplasties, 1 prothèse totale et 2 fractures de glène (toujours en cas de révision). Trois
et 1 prothèse inversée). Trois patients avaient déjà été complications étaient survenues en postopératoire immé-
opérés avant la première prothèse, pour une fracture ou diat et traitées pendant le 1er mois : 1 luxation antérieure
une séquelle de fracture. traitée par changement du polyéthylène, 1 hématome éva-
Il s’agissait d’une prothèse Delta® III (Depuy) dans cué et 1 débricolage de la glénosphère.
12 cas et d’une prothèse Aequalis® Reversed (Tornier) dans Il s’agissait de 10 femmes et 5 hommes. L’âge moyen
3 cas. Les tiges étaient cimentées dans 13 cas (87 %). Cinq à la révision était de 71 ans (52–85). L’épaule domi-
complications avaient été recensées pendant la procédure nante était concernée dans 12 cas.
386 C. PELEGRI, N. JACQUOT, J.-S. COSTE, P. BOILEAU

biothérapie a été de 5 mois en moyenne (2–27). Trois


patients ont reçu une monothérapie et 12 une associa-
tion d’antibiotiques.
Au recul de 34 mois, nous retenons 3 récidives de
l’infection (20 %) et 12 rémissions (80 %) pour l’en-
semble de la série.
Les résultats en fonction du délai de l’infection sont
rapportés dans le tableau 6.
Les résultats en fonction du type de traitement sont
résumés dans le tableau 7.
Pour les 10 patients ayant eu une résection arthro-
plastique, l’infection a été éradiquée et aucun d’en-
tre eux n’a nécessité de chirurgie complémentaire à
37 mois de recul moyen. Aucun signe d’infection n’a
été retrouvé. La CRP moyenne était de 5 mg/l, la VS
moyenne de 17 mm/h. Le score de Constant moyen
était de 31 points (13–39). L’élévation antérieure
moyenne active était de 53° (30–80°). Sept patients
étaient déçus et 3 satisfaits.
Figure 2. Aspect tomodensitométrique d’un descellement sep-
Une patiente a eu un changement en deux temps. Il
tique de prothèse d’épaule inversée. s’agissait d’une femme de 69 ans, avec une prothèse
implantée pour raideur dans les suites d’une hémiarthro-
plastie pour fracture 2 ans auparavant. Elle présentait
Le taux de leucocytes moyen était de 8560 GB/ml, une fistule et un descellement bipolaire. Un espaceur a
la VS de 58 mm/h et le taux de CRP de 41 mg/l. Un été mis en place pour 10 mois (figure 3). Au recul de
descellement radiologique était retrouvé dans 4 cas 29 mois, l’infection était considérée comme éradiquée.
(27 %) : au niveau huméral dans 1 cas, glénoïdien dans
1 cas et bipolaire dans 2 cas (figure 2). Trois patients
Tableau 6
avaient eu une scintigraphie, positive dans tous les cas.
Résultats infectieux en fonction du délai
Les prélèvements peropératoires étaient positifs dans
14 cas, avec un seul germe dans 10 cas, deux germes Infection n Délai avant Infection
dans 3 cas et trois germes dans 1 cas. Dans 1 cas, reprise (mois) persistante
aucun germe n’a été retrouvé. Le patient avait reçu une
antibiothérapie préopératoire et un liquide purulent a Aiguë 2 0,5 0
été retrouvé lors de l’intervention. Les germes retrou- (< 2 mois)
vés étaient 6 P. acnes (40 %), 4 S. aureus, 5 staphy- Subaiguë 5 2 3/5
locoques à coagulase négative, 2 Corynebacterium, (< 12 mois)
1 Enterococcus et 1 Escherichia coli.
Chronique 8 8 0
Le délai moyen entre le diagnostic et le traitement de

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(> 12 mois)
l’infection était de 5 mois. La durée moyenne d’anti-

Tableau 7
Résultats fonctionnels selon le type de traitement

Groupe Traitement n Constant Douleur Élévation anté- Persistance


(/100) (/15) rieure active (°) de l’infection

1 Débridement 4 45 ± 8 10 ± 7 115 ± 35 3/4

2 Résection arthroplastique 10 31 ± 8 11 ± 4 53 ± 15 0/10

3 Changement en 2 temps 1 27 5 90 0/1

Total 15 33 ± 9 11 ± 4 70 ± 31 3/15
Infection des prothèses d’épaule : spécificité et prise en charge 387

des cas pour les prothèses inversées. Ces résultats sont


un peu moins bons que ceux rapportés pour les pro-
thèses de hanche et de genou [8,20]. En revanche, les
résultats fonctionnels sont mauvais, avec un score de
Constant moyen de 35 points au dernier recul.
Le diagnostic est souvent tardif à cause de la
meilleure tolérance clinique d’une infection prothéti-
que à l’épaule qu’à la hanche ou au genou, l’articu-
lation scapulothoracique permettant de conserver une
certaine mobilité. Le tableau clinique en cas d’infec-
tion de prothèse d’épaule est une épaule douloureuse
et/ou raide et le diagnostic d’infection doit être évoqué
même en l’absence d’arguments évidents. Une infec-
tion ne peut être exclue, même lorsqu’aucun germe
n’a été retrouvé sur une ponction ou sur les prélève-
ments peropératoires [5]. La prise en charge est sou-
vent retardée. Cette attitude expectative peut peut-être
expliquer certains échecs. Le résultat est meilleur en
cas de prise en charge rapide des infections aiguës et
Figure 3. Espaceur après dépose d’une prothèse d’épaule. Perte
subaiguës.
de substance osseuse humérale majeure et disparition de la Pour les prothèses anatomiques, nous avons retrouvé
coiffe des rotateurs (espace acromio huméral pincé). une prépondérance de souches staphylococciques et de
P. acnes (23 %). Pour les prothèses inversées, 40 %
des infections mettaient en cause un P. acnes. La fré-
Le score de Constant moyen était de 27 points avec quence des infections impliquant ce germe commen-
une élévation antérieure active de 90°. La patiente était sal du creux axillaire est classique dans la chirurgie
déçue. de l’épaule [5,16,17]. Le nombre d’infections péripro-
En résumé, une réimplantatiou prothétique est rare- thétiques à P. acnes est probablement sous-estimé. En
ment possible après infection d’une prothèse inversée. effet, le diagnostic clinique est souvent difficile et ce
Le changement prothétique n’a pu être réalisé que germe est souvent considéré comme un contaminant,
dans 1 cas et seule la résection arthroplastique semble voire n’est pas isolé à cause de sa croissance lente.
pouvoir permettre une guérison de l’infection, au prix L’isolement d’un P. acnes chez un patient suspect d’in-
d’un résultat fonctionnel mauvais mais acceptable. fection prothétique doit le faire considérer comme un
germe pathogène potentiel [21]. De nombreux prélè-
Discussion vements bactériologiques doivent être réalisés pour
confirmer le diagnostic bactériologique et doivent être
Les taux d’infection après prothèse d’épaule de pre- conservés longtemps sur des milieux enrichis. La pos-
mière intention sont faibles : 2 % pour les prothèses sibilité d’une infection larvée (« low grade infection »)
anatomiques et 3 % pour les prothèses inversées. en cas de descellement supposé aseptique (absence
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Certaines étiologies présentent des risques accrus d’arguments cliniques et prélèvements négatifs) ne
d’infection après prothèse d’épaule : les antécédents peut jamais être exclue [5,12].
chirurgicaux, les séquelles de fracture, la polyarthrite Il se dégage de ces deux séries la variabilité de la
rhumatoïde et les antécédents de radiothérapie (25 %). prise en charge de ces infections et la difficulté de pro-
La chirurgie de révision prothétique présente un risque poser un arbre décisionnel (figure 4).
élevé d’infection : 4 % pour les prothèses anatomiques Un simple nettoyage chirurgical, associé à une anti-
et 7 % pour les prothèses inversées. D’autres facteurs biothérapie, ne peut être envisagé qu’en cas d’infection
moins spécifiques ont été retrouvés : le diabète et les aiguë prise en charge en urgence (dans les 2 premiers
complications per- et postopératoires. Dans la chirur- mois). En effet, les résultats sont mauvais dans les
gie de reprise prothétique, une infection larvée doit infections chroniques. Cela reste une option accepta-
toujours être évoquée et conduire à une prise en charge ble lorsque les implants sont non descellés avec des
en deux temps au moindre doute. parties molles de bonne qualité et lorsque le germe est
Le traitement de l’infection est efficace dans 71 % identifié et sensible. Il en est de même en cas d’infec-
des cas pour les prothèses anatomiques et dans 80 % tion hématogène prise en charge rapidement.
388 C. PELEGRI, N. JACQUOT, J.-S. COSTE, P. BOILEAU

Prothèse d’épaule douloureuse/raide


= anormal !…

Suspicion d’infection prothétique

• Stop antibiotiques +++ (fenêtre thérapeutique)


• Interrogation/examen clinique : mobilité, testing de la coiffe
• NF, VS, CRP
• Radiographies : descellement prothétique ?
• Scintigraphie hyperfixation ?...
• Ponction articulaire +++ ? Germes ?

Forte suspicion ou confirmation de l’infection prothétique

CRITÈRES DÉCISIONNELS

• Délai infection : aiguë (< 2 mois), subaiguë, chronique (> 12 mois)


• Comorbidités du patient : diabète, immunodépression,...
• Germes : sensibles ou résistants ?
• Fixation prothétique : descellement ou non ?
• Coiffe/deltoïde : fonctionnels ?

NETTOYAGE RÉSECTION ARTHRODÈSE RÉIMPLANTATION


CHIRURGICAL ARTHROPLASTIQUE PROTHÉTIQUE
+ Paralysie axillaire
RÉTENTION IMPLANT EN 1 OU 2 TEMPS
Patient fragile, Lésion du deltoïde
multiopéré Infection chronique
Infection aiguë ou Antécédent de

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Coiffe absente chirurgie Antécédents
hématogène
Infection chirurgicaux
chronique Descellement
prothétique
Prothèse inversée +++

Figure 4. Stratégie et options thérapeutiques devant une suspicion d’infection sur prothèse d’épaule.

Une résection arthroplastique a été proposée dans recours lorsque la réimplantation d’une prothèse n’est
26 cas avec un score de Constant moyen de 31 points techniquement pas possible ou refusé par le patient.
au dernier recul. Ces résultats correspondent à ceux Après une prothèse inversée infectée, les lésions osseu-
de la littérature [1,9,17] avec un résultat satisfaisant ses et celles des parties molles dues à l’infection et à
sur la douleur mais avec une élévation antérieure l’ablation des composants ne permettent pas toujours
inférieure à 90°. Il s’agit d’un traitement de dernier une réimplantation. La résection arthroplastique est
Infection des prothèses d’épaule : spécificité et prise en charge 389

souvent la seule solution. En cas de lésions du deltoïde sont décevants avec une élévation active moyenne à
ou du nerf axillaire, une arthrodèse peut éventuelle- 89°. Ils déplorent surtout 14 complications dont deux
ment être proposée. fractures lors de la dépose prothétique.
Pour les prothèses de hanche et de genou, le change- Lors d’un changement en deux temps, la mise en place
ment en un ou deux temps est le meilleur compromis d’un espaceur antibiotique permet de préserver une enve-
entre la préservation de la fonction et la guérison bac- loppe périprothétique comble « l’espace mort » et facilite
tériologique [22]. Au niveau de l’épaule, cette prise en la chirurgie de reprise [14]. Chez des patients avec une
charge n’est pas toujours possible. Un changement de demande fonctionnelle minime et un état général pré-
prothèse a été réalisé 13 fois après prothèse anatomi- caire, la mise en place définitive d’un espaceur antibio-
que, avec une persistance de l’infection dans 30 % des tique a été proposée [13]. Themistocleous et al. [19] ont
cas mais avec des résultats fonctionnels intéressants. présenté récemment une série de 11 cas avec une guéri-
La limitation de la technique vient de l’état de la coiffe son infectieuse dans 9 cas, une sédation des douleurs et
des rotateurs, qui nécessite souvent de passer à une une fonction tolérable pour les activités quotidiennes.
prothèse inversée [10,11].
Deux séries rapportent des changements en un Conclusion
temps. Sperling et al. [17], sur 2 cas, ont retrouvé un
échec (résection arthroplastique 9 mois plus tard) et Les résultats de la prise en charge des infections sur
un résultat satisfaisant. Ince et al. [6], sur 16 cas, ont prothèse d’épaule sont globalement satisfaisants sur
retrouvé une guérison infectieuse dans tous les cas mais l’infection, au prix d’un résultat fonctionnel incertain
un score de Constant moyen de 34 points seulement. et le plus sont mauvais.
Plusieurs séries rapportent des changements en deux Une ponction articulaire doit être réalisée si possible
temps. Codd et al. [2], sur une série de 4 patients, pour isoler un germe et définir une stratégie thérapeuti-
ont retrouvé de meilleurs résultats qu’après résection que dans le cadre d’une prise en charge multidisciplinaire
arthroplastique. Sperling et al. [17] ont rapporté 3 cas (chirurgiens, anesthésistes, infectiologues, bactériolo-
avec une guérison de l’infection et un résultat fonc- gistes). Dans les infections aiguës ou hématogènes, une
tionnel satisfaisant. Seitz et al. [15], sur 8 cas, ont prise en charge rapide permet de conserver les implants
retrouvé une guérison fréquente de l’infection mais en cas de germe sensible. Dans les infections subaiguës
une fonction limitée. Dans une communication orale et chroniques, l’ablation des implants est nécessaire
(2004 AAOS Closed Meeting, New York), Crosby a pour guérir l’infection. Seule une réimplantation (en un
rapporté 14 changements en deux temps avec une ou deux temps) permettra de récupérer une fonction
guérison de l’infection et un score ASES passant de satisfaisante. La reprise en deux temps (6 semaines) à
18 à 72. Récemment, Strickland et al. [18] ont rap- l’aide d’une prothèse totale d’épaule inversée a trans-
porté les résultats d’une série de 19 changements en formé le pronostic fonctionnel dans notre expérience.
deux temps. Ils concluent à une guérison de l’infection C’est l’option que nous choisissons chaque fois que cela
dans 63 % des cas, mais leurs résultats fonctionnels est possible.

RÉFÉRENCES
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391

Érosions glénoïdiennes après


hémiarthroplastie : totalisation
ou prothèse d’épaule inversée ?
Glenoid erosion following hemiarthroplasty:
totalisation or reversed shoulder arthroplasty?

P. CLAVERT, F. SIRVEAUX, J.-F. KEMPF

RÉSUMÉ SUMMARY
Le diagnostic étiologique d’une hemiarthroplastie douloureuse et Etiologic diagnosis of a painful and stiff hemiarthroplasty
raide reste difficile. L’érosion glénoïdienne peut en être la cause ; remains difficult. Glenoid erosion can be the cause and is rela-
elle est due à la combinaison de causes mécaniques et biologi- ted to a combination of biological and mechanical factors. Its
ques. Son incidence est sous-estimée. Si l’érosion peut s’observer incidence is probably underestimated. Even if this erosion can
très rapidement après le remplacement huméral, elle est le plus be observed shortly after the humeral replacement, it is radio-
souvent observée radiologiquement au cours des deux premières logically observed within the first two years, and becomes clini-
années postopératoires, et devient cliniquement symptomatique cally symptomatic after a mean time of 5 years. Clinical series
à partir de la cinquième année. Les données de la littérature res- of glenoid replacement for glenoid erosion remain limited in the
tent relativement limitées concernant les résultats cliniques des literature. It leads to pain relief and a gain in mobility. However,
reprises pour totalisation d’une prothèse d’épaule ; la douleur est results are lower than primary TSA. Preexisting lesions of the
améliorée, tout comme la mobilité. Cependant ces résultats res- cartilage of the glenoid are increasing in time. Glenoid erosion
tent inférieurs aux arthroplasties totales implantées d’emblée. Les associated with rotator cuff tear or insufficiency shoulder lead
lésions cartilagineuses préexistantes ont tendance à s’aggraver to revise the hemi with a reverse shoulder arthroplasty. Such
dans le temps. Une lésion glénoïdienne lors de la primo-inter- lesions observed during the initial procedure require immediately
vention impose la réalisation d’une prothèse totale d’épaule. Une a total shoulder arthroplasty.
érosion glénoïdienne associée à une coiffe déficiente ou rompue
doit conduire à une révision par prothèse totale d’épaule inversée. Key words: Gelnoid erosion. – Failure. – Glenoid.

Mots clés : Usure glénoïdienne. – Échec. – Glène. – Prothèse


d’épaule.

Introduction choix entre une hémiarthroplastie (HA) ou une pro-


thèse totale d’épaule (PTE) en cas d’omarthrose pri-
Depuis la description originale de l’hémiarthroplastie mitive reste donc débattu. Plusieurs auteurs mettent
humérale par Neer en 1974 [19], de très nombreuses en avant des résultats supérieurs en cas de prothèse
études cliniques ont rapporté des résultats satisfai- totale par rapport aux hémiarthroplasties, car la dou-
sants, certains soulignant cependant le manque de sta- leur est mieux soulagée et la mobilité postopératoire
bilité de ces résultats dans le temps [11,16,17,24,27]. est meilleure [8,11,21,24]. Le risque de descellement
Parce que certains patients restaient symptomatiques glénoïdien reste bas [2,3,7,10,13,20]. La définition de
après hémi-arthroplastie, des implants glénoïdiens ont l’« érosion glénoïdienne » reste vague, ce qui rend diffi-
été développés pour améliorer les résultats fonction- cile l’appréciation de l’incidence de cette complication.
nels [7,19]. Actuellement, le descellement de la pièce Sperling et Cofield [26] ont analysé 34 articles regroupant
glénoïdienne reste la principale préoccupation après 581 hémiarthroplasties d’épaule. Seulement 21 épaules
prothèse totale d’épaule [2,3,7,10,13,18,20,24]. Le ont nécessité une reprise pour érosion glénoïdienne, soit

Prothèses d’épaule. État actuel


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392 P. CLAVERT, ET AL.

une incidence de 3,6 %. Le dessin des implants glénoï- Le bilan radiologique doit comprendre des radiogra-
diens et les techniques de cimentage permettent d’es- phies standard de face, en rotation médiale neutre et
pérer une longévité prothétique prolongée et un risque latérale, en double obliquité, ainsi qu’un profil axillaire.
de reprise diminué [9]. Les érosions glénoïdiennes proprement dites se
Souvent, en cas de prothèse non modulaire, l’ex- caractérisent par différents types d’usure de sévérité
traction de la tige humérale devient nécessaire. Une variable (figures 1 et 2). Pour planifier l’intervention,
humérotomie peut alors être nécessaire pour limiter les un arthroscanner doit être réalisé pour caractériser
dégâts de l’humérus proximal. Le développement de les lésions et, surtout, évaluer le stock osseux restant
prothèses modulaires de deuxième, puis de troisième selon la classification de Walch et al. [30].
génération doit théoriquement faciliter la totalisation L’usure prédomine le plus souvent en arrière et en
d’une hémiarthroplastie. La tête humérale peut être haut, imposant un fraisage asymétrique antérieur pour
retirée pour limiter l’encombrement et faciliter la mise corriger la rétroversion. Une distension capsulaire pos-
en place de l’implant glénoïdien, et être repositionnée térieure et une fibrose des structures antérieures sont
en fin d’intervention, permettant d’éviter toute reprise souvent associées.
de la tige humérale.
Expérience française
Diagnostic préopératoire La série rétrospective de Nice 2001, rapportée par
En cas d’arthroplastie douloureuse, le diagnostic étio- Hertel et Lehmann [14], a permis de colliger 34 dos-
logique préopératoire reste toujours difficile. Un exa- siers d’érosion glénoïdienne après hémiarthroplastie,
men clinique soigneux du patient est indispensable, à concernant 10 femmes et 24 hommes, d’âge moyen
la recherche de déformations, de modifications locales de 60 ans au moment de la chirurgie (20–84 ans).
et récentes de la peau et des cicatrices. Un examen neuro- Les indications initiales d’hémiarthroplastie étaient :
logique soigneux s’impose, complété au besoin par un 14 patients avec omarthrose primitive, 10 cals vicieux
électromyogramme. Plus spécifiquement, la stabilité post-traumatiques, 3 cas de fracture fraîche, et 8 cas de
de la prothèse doit être évaluée, tout comme l’intégrité pathologie d’épaule autres. Dans 7 cas, il préexistait une
de la coiffe des rotateurs. Un bilan biologique complé- lésion de la coiffe des rotateurs. Quatre patients avaient
mentaire sera demandé à la recherche d’une infec- une ostéoporose avancée du fait d’une pathologie endo-
tion larvée. crinienne ou d’un traitement par corticostéroïdes.

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Figure 1. Érosion glénoïdienne concentrique. A. Absence d’interligne glénohumérale sur la radiographie standard de face.
B et C. Au scanner : prédominance de l’érosion postérieure mais coiffe des rotateurs conservée.
Érosions glénoïdiennes après hémiarthroplastie : totalisation ou prothèse d’épaule inversée ? 393

Figure 2. Érosion glénoïdienne excentrique associée à une rupture de la coiffe des rotateurs : prédominance de l’érosion supérieure.

Trente et un patients présentaient des lésions cartila- totalisation d’une prothèse d’épaule par usure glénoï-
gineuses radiographiques. Des signes radiographiques dienne.
d’arthrose étaient présents chez 14 patients (condensa- Clayton et al. [6] ont les premiers rapporté l’exis-
tion sous-chondrale, kyste, ostéophytes). Dans 6 cas, tence d’érosion glénoïdienne après hémiarthroplas-
la rétroversion glénoïdienne était supérieure à 10° tie. Sur une série de 14 prothèses totales d’épaule, ils
(figure 1). ont rapporté une érosion glénoïdienne cliniquement
La prothèse utilisée était monobloc dans 4 cas, à tête asymptomatique. A contrario, avec un recul moyen,
modulaire dans 2 cas, et avec un implant de troisième Neer [19] n’a pas noté d’érosion glénoïdienne sur une
génération dans 28 cas. série de 47 hémiarthroplasties.
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Le suivi moyen était de 56 mois (24–133 mois). Bell et Gschwend [4] ont observé 7 érosions glénoï-
L’érosion glénoïdienne était jugée sur les radiographies diennes sur 17 patients avec un recul de 16 mois. Ils
conventionnelles et, dans certains cas, à l’aide d’un ont trouvé que l’érosion apparaissait en premier lieu en
scanner. La plupart des lésions sont apparues peu de regard de la partie la plus basse de la tête humérale,
temps après l’intervention, nécessitant une reprise mais s’étendait par la suite à la partie haute de la glène.
rapide. Sur 34 patients, 32 ont été réopérés (figure 3). Koorevaar et al. [15] ont trouvé 9 érosions sur
En postopératoire, les douleurs et la mobilité ont été 15 épaules atteintes de polyarthrite rhumatoïde, s’ex-
améliorées, ce qui va dans le même sens que les consta- primant principalement sous forme de douleurs, sans
tations de Sperling et Cofield [26]. que le niveau de ces douleurs soit corrélé avec le degré
d’usure.
Données de la littérature Sperling et Cofield [26] ont analysé rétrospective-
ment 18 dossiers de patients repris pour totalisation
Les données de la littérature restent relativement limi- de leur hémiarthroplastie par usure glénoïdienne. Les
tées concernant les résultats cliniques des reprises pour résultats cliniques de cette petite cohorte sont peu satis-
394 P. CLAVERT, ET AL.

contre une survie de 93 % à 10 ans pour une prothèse


totale d’épaule [28].
Levine et al. [17] ont montré que les meilleurs
résultats des hémiarthroplasties sont observés en cas
d’usure glénoïdienne concentrique, par préservation
des arcs de mobilité et, donc, de la biomécanique glo-
bale de l’épaule.

Discussion
Si l’on se réfère à l’expérience de la hanche, les deux
facteurs principaux influençant l’érosion de la surface
articulaire non prothésée sont : le niveau d’activité du
patient et la durée de suivi [23]. Si l’érosion peut s’ob-
server très rapidement après le remplacement huméral
(3 mois), elle est le plus souvent observée radiologique-
ment entre 1 an et 2 ans de suivi ; elle devient cliniquement
symptomatique à partir de la 5e année postopératoire,
associant des douleurs et une diminution progressive
des amplitudes articulaires. Il faut donc considérer que
l’érosion glénoïdienne peut être une complication pré-
coce ou tardive de l’hémiarthroplastie.
Parson et al. [22] ont évalué l’érosion glénoïdienne à
partir d’une série de 8 patients âgés de 21 à 60 ans, sur
Figure 3. Totalisation de l’hémiarthroplastie par prothèse une période de 43 mois. L’espace glénohuméral a été
anatomique. L’implant glénoïdien reste médialisé avec une mesuré sur une série de radiographies de profil (pro-
subluxation postérieure de l’implant huméral. fil axillaire). L’usure glénoïdienne a été constatée pour
les 8 patients, et a été en moyenne de 2 mm, corres-
pondant à 68 % de l’espace initial. Cette diminution
faisants pour 7 patients sur 18. Ils ont déploré 3 com- était corrélée avec le résultat clinique évalué à l’aide du
plications nécessitant 2 réinterventions : une infection, score de Constant pondéré. En cas d’espace articulaire
une instabilité et une lésion transitoire du plexus bra- inférieure à 1 mm, le score de Constant chutait signifi-
chial. La douleur a significativement été améliorée par cativement aux alentours de 50 %.
la totalisation, mais 3 patients ont gardé des douleurs L’érosion glénoïdienne est multifactorielle, associant
modérées : un par rupture de coiffe et deux du fait des causes mécaniques et biologiques. La cause méca-
d’une instabilité prothétique, dont une a été reprise. La nique principale est la raideur glénohumérale, que ce
mobilité a également été améliorée, principalement en soit par arthrolyse peropératoire insuffisante ou du
rotation latérale et en abduction, mais pas en rotation fait d’une raideur postopératoire acquise. Les autres
médiale. Radiologiquement, 7 patients présentaient facteurs mécaniques péjoratifs sont l’existence de

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une subluxation supérieure. Six patients présentaient lésions glénoïdiennes asymétriques ou d’une instabi-
également un liseré glénoïdien. Subjectivement, lité prothétique. Bien entendu, une lésion de la coiffe
12 patients ont estimé être franchement amélioré, des rotateurs est associée à une migration supérieure
2 ont été améliorés, et 4 ne trouvaient pas d’améliora- de l’implant et, donc, à une usure de la partie supé-
tion voire une dégradation de leur situation. rieure de la glène et à une érosion de l’acromion [14].
Goebel et al. [12] ont constaté qu’en cas de lésions Ce type d’usure n’est pas systématique [27]. Un écu-
cartilagineuses préexistantes, celles-ci avaient ten- lement glénoïdien postérieur ou une rétroversion
dance à s’aggraver dans le temps. Pour eux, une lésion glénoïdienne postérieure excessive sont responsables
glénoïdienne lors de la primo-intervention impose la d’une subluxation postérieure de la tête humérale,
réalisation d’une prothèse totale d’épaule. augmentant les contraintes postérieures sur le rebord
Ramappa et al. [25] ont montré qu’au recul moyen glénoïdien [29,30]. Enfin, un mauvais positionnement
de 6,4 ans, 4 des 17 patients de leur série repris pour de l’implant huméral est également responsable d’une
érosion glénoïdienne ont nécessité une chirurgie itéra- augmentation locale des contraintes, ce qui conforte la
tive. Leur taux de survie estimé à 10 ans était de 68 % notion de prothèse modulaire anatomique. Les facteurs
Érosions glénoïdiennes après hémiarthroplastie : totalisation ou prothèse d’épaule inversée ? 395

biologiques, par exemple la polyarthrite rhumatoïde, Pour éviter une usure glénoïdienne, il faut que
sont considérés comme étant les principaux facteurs l’arthrolyse périglénoïdienne peropératoire soit la plus
de l’érosion, par résorption de l’os sous-chondral et large possible, que la reconstruction soit anatomique,
des travées osseuses. et que les facteurs de centrage de la tête soient respec-
Gérer des douleurs résiduelles après hémiarthroplas- tés. En cas de lésion glénoïdienne asymétrique, la mise
tie d’épaule constitue un challenge pour le chirurgien. en place d’une prothèse totale est donc préférable à la
Il faut tout d’abord déterminer quel est ou quelles sont réalisation d’une hémiarthroplastie, à condition que la
les causes de ces douleurs. Les diagnostics différentiels rétroversion de la glène soit corrigée.
sont alors nombreux : infection, conflit, lésion de la
coiffe des rotateurs, descellement de l’implant humé- Conclusion
ral, instabilité, et enfin érosion glénoïdienne. Certains
auteurs ont suggéré que le niveau des lésions cartilagi- L’érosion glénoïdienne cliniquement symptomatique
neuses préopératoires était un facteur déterminant de est certainement plus fréquente que les estimations
l’usure glénoïdienne [27]. Cela n’est pas confirmé par publiées. De telles lésions peuvent être observées dans
Hertel et Lehmann [14]. Certains auteurs estiment que les mois qui suivent la réalisation de l’hémiarthroplas-
l’apparition d’une lésion glénoïdienne ne modifie en tie, et sont dues à la combinaison d’un certain degré
rien le résultat clinique [1,15]. Ensuite, la conversion de raideur articulaire et d’une excentration statique ou
d’une hémiarthroplastie en prothèse totale suppose dynamique de la tête humérale. La mise en place d’un
que le patient va être amélioré sur plan antalgique et implant glénoïdien est donc préférable, à condition
fonctionnel. Malheureusement, dans certains cas, la que la coiffe des rotateurs soit intacte. Cependant, les
totalisation d’une hémiarthroplastie en prothèse totale résultats cliniques des totalisations pour érosion glé-
d’épaule doit être considérée comme une intervention noïdienne sont moins bons que les arthroplasties tota-
de sauvetage, dont les résultats sont inférieurs à ceux les primaires. Il s’agit d’une chirurgie techniquement
de prothèses totales implantées immédiatement [5]. difficile, car le chirurgien est souvent confronté à une
Les avantages avancés pour le choix d’une hémiarthro- érosion asymétrique de la glène, à un tendon du mus-
plastie plutôt que d’une prothèse totale sont la pré- cle subscapulaire scléreux ou rompu et rétracté.
servation du stock osseux glénoïdien pour une reprise Les difficultés techniques et les résultats incertains
ultérieure et l’utilisation d’une prothèse modulaire en termes de mobilité et de soulagement de la douleur
humérale pour faciliter cette reprise. Les données de doivent être expliqués au patient en préopératoire. En
la littérature suggèrent le contraire, car l’usure glé- cas de coiffe des rotateurs déficient ou compromise,
noïdienne observée devient un facteur limitant les mieux vaut opter pour une ablation de l’hémiarthro-
possibilités de reprise et rend ce geste d’autant plus plastie et mise en place d’une prothèse totale d’épaule
difficile. inversée.

RÉFÉRENCES

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397

Encoche scapulaire dans les prothèses


inversées. Causes et conséquences
Scapular notching in reverse prostheses.
Causes and consequences

C. LÉVIGNE

RÉSUMÉ SUMMARY
L’encoche scapulaire est un signe radiographique spécifique de la Scapular notching is a specific radiographic sign of the reversed
prothèse d’épaule inversée de type Grammont. C’est une érosion shoulder prosthesis based on biomechanical Grammont princi-
osseuse du col de la scapula résultant d’un conflit avec le bord ples. It is an erosion of the scapular neck resulting of an impin-
médial de la cupule humérale en adduction. Elle est présente dans gement with the medial rim of the humeral cup in adduction. It
65 % des cas avec un recul moyen de 4 ans. Elle apparaît précoce- is observed in 65% of cases with 4 years of follow-up. It appears
ment, 4 fois sur 5 au cours de la première année, mais son évolu- early, 4 times out of 5 in the first postoperative year, but its evo-
tivité est ensuite variable. Son retentissement clinique est minime lutivity is variable. There is no major clinical consequences with
au recul de 4 ans, mais elle s’accompagne de liserés significative- 4 years of follow-up, but associated radiolucent lines around
ment plus fréquents autour des implants huméral et glénoïdien. humeral and glenoid components. It is then essential to try to
Il paraît donc essentiel de tout faire pour l’éviter. Parmi les dif- avoid it. Among significantly related factors, the preoperative
férents facteurs d’encoche, le type d’usure glénoïdienne préopé- pattern of glenoid erosion seems to be determinant and we think
ratoire apparaît déterminant, sûrement parce qu’il influence la that it is because it influences the surgical glenoid preparation
préparation glénoïdienne et le positionnement chirurgical de la and baseplate positioning. Nyffeler confirmed experimentally
platine. Nyffeler a confirmé expérimentalement qu’une position that low craniocaudal position, flushing with inferior glenoid
affleurant le bord inférieur de la glène diminuait le risque d’enco- rim, reduced the risk of notching. We think that superior tilt has
che. Nos études radiocliniques ont montré que le tilt supérieur de definitely to be avoided.
la platine est délétère : il doit absolument être évité.
Key words: Shoulder arthroplasty. – Scapular notching. – Osteolysis.
Mots clés : Prothèse d’épaule inversée. – Encoche scapulaire. – Ostéolyse.

Introduction l’extension de l’encoche [15]. Considérée par certains


comme une simple curiosité radiographique, elle a été
L’encoche du pilier de la scapula est une observa- rapportée comme une source éventuelle de descelle-
tion radiographique spécifique de la prothèse totale ment glénoïdien et de moins bons résultats fonction-
d’épaule inversée (figure 1). Sa première description nels [4,19–21].
revient à Sirveaux en 1997, puis d’autres exemples Afin de mieux analyser les causes et les conséquen-
ont été rapportés par Delloye et De Wilde [5,6,18]. Il ces de l’encoche scapulaire dans les prothèses inversées,
s’agit d’un défect osseux du col de l’omoplate résul- nous rapportons ici de manière synthétique les resultats
tant d’un conflit entre le bord médial de la cupule de deux études rétrospectives multicentriques dont les
humérale et la partie supérieure du pilier de scapula radiographies ont pu être analysées avec plus de 2 ans
lorsque le bras est en adduction. À côté de cette cause de recul : celle du groupe Aequalis portant sur 337 cas
mécanique, Nyffeler et al. ont démontré l’existence présentée lors du Nice Shoulder Course en juin 2006, et
d’une réaction ostéolytique secondaire aux débris celle du Symposium de la Sofcot portant sur 461 cas pré-
d’usure du polyéthylène qui pourrait contribuer à sentée au congrès annuel en novembre 2006 [11,13].

Prothèses d’épaule. État actuel


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398 C. LÉVIGNE

Figure 2. La glénosphère n’est pas parfaitement de profil et


peut masquer la zone de l’encoche.

Figure 1. Large encoche du pilier de la scapula atteignant la vis


inférieure de fixation de la métaglène.

Évaluation radiographique
de l’encoche et classifications
L’analyse radiographique de l’encoche n’est pas tou-
jours facile. La difficulté la plus fréquente est d’ali-
gner le rayon dans le plan horizontal sur le bord
médial de la platine glénoïdienne. Si le patient est
trop de face, l’encoche est masquée par la sphère glé-
noïdienne (figure 2). Si le patient est trop tourné du
côté de la prothèse, on est gêné de surcroît par une
superposition du gril costal sur la zone de l’encoche.
Un repérage radioscopique est donc indispensable.
Par ailleurs, dans le plan sagittal, le rayon ne doit
pas être descendant (cranio-caudal) mais horizontal,
car l’encoche est située au pôle inférieur de la glène,
voire en position postéro-inférieure (le pilier naît le
plus souvent juste en arrière du pôle inférieur) (figure 3).

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Figure 3. Scapula vue de profil montrant que le départ du pilier
Cette particularité anatomique peut expliquer que est déporté en arrière du pôle inférieur de la glène.
l’encoche soit dans certains cas mieux visible en
arrière sur le profil axillaire que sur le cliché de face
(figure 4). L’analyse d’un cas explanté postmortem d’extension au-dessus de la vis inférieure ; et grade
par Favard illustre bien les difficultés de l’évaluation 4 en cas d’extension sous la platine jusqu’au plot
selon la direction du rayon (figure 5) [7]. Enfin, la central (figure 7). À la suite de l’étude des cas de la
présence occasionnelle d’un éperon osseux juste en Sofcot et compte tenu des difficultés déjà signalées,
dedans de l’encoche peut conduire à la surestimer nous avions proposé une classification en 2 grades
(figure 6). regroupant les grades 1 et 2 d’une part, et les grades
Malgré ces réserves, plusieurs classifications ont 3 et 4 de Sirveaux d’autre part. Cela nous avait paru
été proposées [2,18,20]. La plus utilisée est celle de plus réaliste : le grade 1 caractérise les encoches n’at-
Sirveaux en 4 grades : grade 1 en cas d’atteinte limi- teignant pas la vis inférieure, le grade 2 caractérise
tée au pilier ; grade 2 en cas de contact avec la vis les encoches atteignant ou dépassant la vis inférieure
inférieure de fixation de la platine ; grade 3 en cas [13] (figure 8).
Encoche scapulaire dans les prothèses inversées 399

un recul moyen de 51 mois, ce qui est semblable aux


séries déjà publiées [1,3,4,8,17,19–22].
Elle apparaît généralement précocement. Dans la série
Sofcot, le taux d’encoche est déjà de 48 % à 1 an de recul
et de 60 % à 2 ans de recul. Ensuite, on constate une
augmentation régulière de la fréquence de l’encoche avec
le recul (p < 0,0001) (figure 9). Nous avons initialement
pensé que cette relation pouvait être simplement le signe
d’améliorations techniques et d’une meilleure connais-
sance du problème au fil des années, mais à recul équiva-
lent, la fréquence de l’encoche est similaire quelle que soit
l’année d’intervention, ce qui élimine cette hypothèse.
L’évolutivité de l’encoche varie selon les cas. Certaines
encoches apparaissent et se stabilisent rapidement alors
que d’autres s’élargissent régulièrement sur une longue
période ; cela explique qu’il y ait, dans les deux séries, une
augmentation significative de la proportion de grades 3 et
4 avec le recul (p < 0,0001). Dans la série Sofcot, 22 %
des encoches de grade 3 ou 4 au dernier recul étaient d’un
grade inférieur lors du bilan à 3 ans de recul. Tout se
passe comme s’il y avait trois groupes de patients : des
cas qui ne feront jamais d’encoche, des cas dont l’enco-
che se stabilise rapidement avant 2 ans, et des cas dont
l’encoche reste évolutive, même après 3 ans d’évolution.
Il est probable que cette variabilité soit liée au méca-
nisme de l’encoche. Le mécanisme principal est le contact
Figure 4. Exemple d’encoche mieux visible sur le profil (B) que direct du bord interne de la cupule humérale contre le
sur la face (A), car réalisée avec un rayon descendant (cranio- col de la scapula en adduction, comme le prouvent la
caudal), comme en témoigne l’image de la clavicule apparais- localisation de l’encoche et les exemples de prothè-
sant parallèle au pilier de l’omoplate. ses explantées montrant invariablement une usure en
miroir des deux côtés [2,5,6]. Mais ce seul mécanisme
explique difficilement les cas d’extension de l’encoche
Fréquence et évolution de l’encoche au-delà de la vis inférieure de fixation glénoïdienne
L’encoche est visible sur le cliché de face dans 62 % (grades 3 et 4 de Sirveaux). Deux raisons peuvent selon
des cas de la série de Nice avec un recul moyen de nous être évoquées : d’une part, les erreurs d’interpré-
47 mois, et dans 68 % des cas de la série Sofcot avec tation radiographique liées à la direction du rayon déjà
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Figure 5. Exemple de cas explanté


postmortem par Favard [7] : la pièce
anatomique (A) montre une enco-
che qui dénude partiellement la vis
inférieure (grade 2) alors que l’inci-
dence (B) pourrait faire penser qu’il
reste de l’os en dessous de la vis
(grade 1), et que l’incidence (C) évo-
que au contraire une extension de
l’encoche jusqu’au plot (grade 4).
400 C. LÉVIGNE

Facteurs associés à l’encoche


Parmi les paramètres épidémiologiques ou cliniques
préopératoires, seul le niveau d’activité influence la
survenue d’une encoche, les sujets les plus actifs ayant
une proportion plus importante d’encoche (les sujets
actifs ont un taux d’encoche de 74 %, contre 64 %
pour les sujets inactifs, p = 0,03). On pouvait penser
que la corpulence aurait eu une incidence, avec une
encoche moins fréquente chez les patients les plus cor-
pulents compte tenu d’une limitation naturelle de l’ad-
duction, mais la différence avec les patients les moins
corpulents n’est pas statistiquement significative dans
la série de la Sofcot.
Figure 6. Éperon osseux en dedans de la zone de l’encoche. La fréquence de l’encoche est significativement dif-
férente selon l’étiologie : 76 % dans les omarthroses
excentrées contre 38 % dans les séquelles de frac-
tures (p < 0,0004) (tableau 1). En réalité, l’étiologie est
étroitement liée à d’autres paramètres radiographiques
préopératoires qui augmentent tous le risque d’enco-
che : la diminution de la distance acromiohumérale
(p < 0,0001), l’importance de l’infiltration graisseuse
musculaire de l’infraépineux selon la classification de
Bernageau et Goutallier [9] (68 % pour les grades 3 et 4,
52 % pour les grades 0, 1 et 2, p = 0,02) et le type radio-
graphique d’usure glénoïdienne selon la classification
de Favard (figure 10) [8]. Pour ce dernier paramètre
qui constitue en quelque sorte la résultante des deux
autres, la différence la plus significative apparaît entre
le type E2, caractérisé par une usure de la partie supé-
Figure 7. Classification en 4 grades de l’encoche selon Sirveaux.
rieure de la glène, associé à un taux d’encoche de 83 %,
et le type E4, caractérisé par une usure de la partie
inférieure de la glène, ne présentant que 25 % d’enco-
signalées (figure 5) ; d’autre part, la possibilité d’une ches (p = 0,004). Il paraît logique d’en déduire que le
réaction ostéolytique secondaire aux particules d’usure type d’usure préopératoire influence le positionnement
de polyéthylène, comme l’ont démontré Nyffeler et al. de la platine glénoïdienne, à la fois en hauteur et en
avec une étude histologique de la capsule, qui pourrait inclinaison frontale.
contribuer à l’extension de l’encoche [15]. On peut ima- L’usure supérieure de la glène (type E2) favorise un
giner que, selon l’intensité et la part respective des deux positionnement haut de la platine, provoquant un

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mécanismes (conflit et/ou granulome au polyéthylène), contact entre le bord interne de la cupule et la par-
l’évolutivité soit variable selon les cas [12]. tie basse de la glène ainsi que le pilier de la scapula

Figure 8. Classification simplifiée en 2 grades : le grade 0 correspond à l’absence d’encoche, le grade 1 à une encoche n’atteignant
pas la vis inférieure, le grade 2 à une encoche atteignant ou dépassant la vis inférieure.
Encoche scapulaire dans les prothèses inversées 401

%
100
90 encoche
80 (%)
70
60
50
40 Figure 10. Classification radiographique du type d’usure glé-
30 noïdienne selon Favard [8]. E0 : ascension de la tête sans usure
20 glénoïdienne. E1 : usure concentrique de la glène. E2 : usure
10 glénoïdienne limitée au pôle supérieur. E3 : usure globale mais
0 prédominant au pôle supérieur. E4 : usure glénoïdienne prédo-
2–3 ans 3–4 ans 4–5 ans 5–6 ans 6–10 ans
Recul n = 136 n = 69 n = 45 n = 48 n = 38 minant au pôle inférieur.

Figure 9. Fréquence de l’encoche selon le recul segmenté par


années.

(figure 11). Il est au contraire recommandé de posi- pilier, et la vis supérieure au-dessous de la base de la
tionner la platine en position basse, comme Nyffeler coracoïde, ce qui n’est pas souhaitable pour la fixa-
et al. l’ont confirmé expérimentalement [14]. Nous tion glénoïdienne. Par ailleurs, une position basse de
n’avons pu le démontrer cliniquement sur ces deux l’implant n’empêche pas toujours un conflit avec la
séries, car nous ne disposions pas alors de méthode vis inférieure de fixation, notamment si la glène est
fiable et reproductible pour mesurer la position de positionnée avec un tilt supérieur (figure 13).
l’implant glénoïdien en hauteur. Actuellement, nous Nous pensons également que le type d’usure préopé-
mesurons sur une radiographie standardisée de face ratoire influence l’inclinaison frontale de la platine du
la distance séparant le bord inférieur de la glène fait de la tendance naturelle de l’opérateur à préparer
osseuse et le point le plus bas de la sphère glénoï- la glène selon la même orientation. Ainsi, lorsque la
dienne (figure 12) [11]. Le contrôle doit être fait tôt glène est usée en haut, l’orientation frontale de la glène
après l’intervention, idéalement avant 3 semaines, est en valgus (en tilt supérieur) et la tendance est de
pour éviter toute modification liée à une encoche positionner la platine dans la même position, provo-
précoce. Le positionnement bas de l’implant glénoï- quant un chevauchement du bord interne de la cupule
dien est certainement le paramètre le plus important humérale sous la sphère glénoïdienne (figure 14).
et permet probablement d’éviter la plupart des enco- Inversement, lorsque la glène est usée en bas, l’orienta-
ches, comme l’ont déjà souligné Werner et al. [22]. tion frontale de la glène est en varus (en tilt inférieur)
En pratique, nous nous efforçons de positionner le et la tendance est de positionner la platine avec la
bord inférieur de la platine au raz du bord inférieur même orientation. L’humérus étant toujours aligné sur
de la glène, de façon à ce que la sphère le dépasse la ligne gravitaire, il y a peu ou pas de chevauchement
de 4 mm. Il ne faut cependant pas exagérer, car une du bord interne de la cupule humérale sous la sphère
position trop basse de l’implant peut avoir des incon- glénoïdienne (figure 15). La position de la platine en
vénients : la vis inférieure est parfois en dessous du inclinaison (varus-valgus) nous paraît être un para-
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Tableau 1
Fréquence de l’encoche selon les principales étiologies dans la série de Nice 2006 [11]

Étiologies N° cas Encoche

Rupture massive de coiffe avec arthrose (Hamada IV et V) 132 76 %

Rupture massive de coiffe sans arthrose (Hamada I, II et III) 59 61 %

Arthrose glénohumérale avec coiffe déficiente 18 44 %

Arthropathie sur séquelles de fracture 32 38 %

Reprise d’hémiarthroplastie ou de prothèse totale 68 56 %

Total 309
402 C. LÉVIGNE

Figure 11. Exemple d’encoche associée à une implantation glénoïdienne en position trop haute (B), peut-être favorisée par une
usure glénoïdienne préopératoire prédominant en haut (glène E3) (A).

Figure 12. Méthode de mesure de la position en hauteur de

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l’implant glénoïdien par rapport au bord inférieur de la glène.
Figure 13. Exemple de sphère glénoïdienne en position basse
mais en tilt supérieur : la vis inférieure est sous le pilier, la vis
mètre essentiel dans la survenue d’une encoche, même supérieure sous la base de la coracoïde. Noter l’usure du file-
si nous n’avons pu le démontrer de manière formelle tage de la vis inférieure et celle en miroir du bord métallique
sur les deux séries, car nous ne disposons pas d’une de la cupule humérale.
méthode de mesure radiographique fiable et reproduc-
tible. Nous avons testé sans succès plusieurs repères
anatomiques sur l’omoplate, notamment sur le col, de l’omoplate dans le plan frontal (très variable d’un
comme l’ont proposé Simovitch et al. [17]. Comme patient à l’autre). C’est une mesure facile, indépen-
nous l’avons rapporté, nous mesurons désormais l’in- dante de tout repère anatomique sur l’omoplate, qui
clinaison de la platine par rapport à la ligne horizon- nous semble être le reflet le plus fidèle de la position
tale sur un cliché de face standardisé, patient debout, de l’implant dans l’espace et surtout par rapport à
en position naturelle les bras le long du corps (figure l’humérus. Un angle d’inclinaison supérieur à 90°
16) [12]. Cette mesure intègre le positionnement en indique une glène en varus (tilt inférieur), un angle
inclinaison de la platine sur l’omoplate et la bascule d’inclinaison inférieur à 90° une glène en valgus (tilt
Encoche scapulaire dans les prothèses inversées 403

Figure 14. Lorsque la glène est usée en haut (glènes E2 ou E3), l’inclinaison frontale est en valgus (A) et la tendance chirurgicale
est de positionner la platine avec un tilt supérieur (B), ce qui favorise le chevauchement de la cupule humérale sous la sphère
glénoïdienne et peut-être le risque d’encoche.
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Figure 15. Lorsque la glène est usée en bas (glène E4), l’inclinaison frontale est en varus (A) et la tendance chirurgicale est de posi-
tionner la platine avec un tilt inférieur (B), ce qui diminue le chevauchement de la cupule humérale sous la sphère glénoïdienne
et peut-être le risque d’encoche.

supérieur). En pratique, nous adaptons le fraisage cela de pratiquer un positionnement bas pour éviter
de la glène à l’inclinaison glénoïdienne préopératoire, de laisser un rebord osseux. Nous sommes d’accord
mesurée selon les mêmes règles sur le cliché standardisé avec Werner et al. sur le fait que cette méthode altère
préopératoire de face : si l’inclinaison préopératoire est un peu le stock osseux à la partie inférieure de la glène,
neutre (verticale) ou en varus (par usure inférieure ou mais elle nous semble acceptable, surtout si cela peut
constitutionnelle), nous fraisons uniformément la sur- contribuer à éviter une future encoche [22].
face de la glène sans essayer de changer l’orientation ; Parmi les paramètres peropératoires, les deux séries
si l’inclinaison préopératoire est en valgus (par usure montrent que les inserts huméraux latéralisés ont un
supérieure ou constitutionnelle), nous fraisons préfé- taux d’encoche significativement plus faible que les
rentiellement le bord inférieur de la glène pour réta- inserts non latéralisés (p = 0,05). Il est possible que
blir une inclinaison neutre. Il est essentiel en faisant l’insert latéralisé favorise une tension articulaire plus
404 C. LÉVIGNE

Sur le plan radiographique, les deux séries montrent


une corrélation avec « l’éperon du pilier », juste en
dedans de l’encoche (63 % versus 43 %, p < 0,0001).
Nous interprétons cet éperon comme une ébauche d’os-
sification de l’insertion capsulaire, épaissie et remaniée
par la réaction inflammatoire chronique entretenue
par le conflit mécanique et les particules d’usure de
polyéthylène.
Les corrélations de l’encoche avec les liserés autour
des implants huméraux et glénoïdiens sont plus pré-
occupantes. La fréquence des liserés huméraux en cas
d’encoche (36 % versus 17 %, p < 0,0001) pourrait
s’expliquer par la réaction ostéolytique provoquée par
les débris d’usure de polyéthylène de l’insert huméral.
La corrélation est d’ailleurs particulièrement marquée
dans les zones proximales, notamment en zone 7
correspondant à la zone la plus proche de l’encoche
(figure 17). L’encoche est aussi corrélée avec les lise-
rés glénoïdiens : dans la série de la Sofcot par exem-
Figure 16. Méthode de mesure de l’inclinaison glénoïdienne par
ple, on observe 9 % de liserés glénoïdiens lorsqu’il y a
l’angle entre la ligne de platine glénoïdienne et la ligne hori- une encoche, contre 3 % lorsqu’il n’y a pas d’encoche
zontale. Un angle supérieur à 90° indique une glène en varus (p = 0,03). Si l’on compare les cas d’encoche de grades
(tilt inférieur). Un angle inférieur à 90° indique une glène en 2 à 4 aux cas sans encoche, la différence est encore plus
valgus (tilt supérieur). marquée : 13 % de liserés versus 3 % (p < 0,0001). On
peut invoquer un mécanisme d’ostéolyse réactionnelle,
importante qui pourrait réduire le chevauchement de la mais nous pensons que la plupart des encoches consi-
cupule sous la sphère par rapport à l’insert standard. dérées comme étendues au-dessus de la vis inférieure
L’influence de la voie d’abord est un sujet très contro- sans fracture de celle-ci résultent d’une incidence
versé. Nous avions rapporté un taux d’encoche signifi- radiographique inadaptée, comme nous l’avons déjà
cativement moins élevé par voie deltopectorale que par signalée plus haut (figure 5). L’hypothèse d’une faillite
voie supéro-externe sur la série de Nice (56 % versus progressive de la fixation glénoïdienne du fait de l’ex-
86 %, p < 0,0001) [11]. La série de la Sofcot a montré tension de l’encoche a été évoquée ou rapportée par
que cette corrélation pouvait être biaisée par un recul
très différent dans les deux groupes (43 mois versus
59 mois) [13]. C’est d’ailleurs la seule différence statis-
tique entre les deux séries qui devra être précisée. Quoi
qu’il en soit, nous pensons qu’il faut particulièrement se
méfier par voie supéro-externe du risque de positionner
la platine glénoïdienne trop haute ou trop en valgus.

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Conséquences de l’encoche
Avec un recul moyen de 4 ans, les deux séries mon-
trent que l’existence d’une encoche n’a pas d’incidence
significative sur la douleur ou le score de Constant. En
revanche, elle est associée à une diminution significa-
tive de la force (0,5 kg) dans les deux séries, sans cor-
rélation avec son étendue. La série de la Sofcot montre
aussi une diminution de l’élévation antérieure passive et
de l’élévation antérieure active, respectivement 141° et
128° avec une encoche, versus 147° et 134° en l’absence
d’encoche. Nous n’avons cependant pas noté d’évolu-
tion défavorable de ces trois paramètres avec le recul. Figure 17. Zones de liseré autour de l’implant huméral.
Encoche scapulaire dans les prothèses inversées 405

plusieurs auteurs [5,16,21]. Nous n’avons aucune cer-


titude sur ces deux séries, tous les descellements ayant
par ailleurs une autre cause identifiée.
Ainsi, l’encoche du pilier de l’omoplate est une obser-
vation très fréquente lors du suivi radiographique des
prothèses inversées. L’utilisation d’un bilan standardisé
est indispensable pour une évaluation fiable et reproduc-
tible : l’usage de la radioscopie doit être systématique ;
le sujet est en position naturelle face au rayon horizon-
tal, il tourne sur lui-même du côté de la prothèse jusqu’à
ce que le plan de la platine soit parfaitement dans l’axe
du rayon et apparaisse plat sur l’écran de contrôle. La
prise du cliché en expiration permettra d’éviter le plus
souvent la superposition du gril costal (figure 18).
Au recul moyen de 4 ans, l’encoche ne s’accompa-
gne d’aucune détérioration préoccupante du résultat
clinique ou radiographique, mais elle est plus fréquente
et plus étendue avec le recul. Elle s’accompagne d’une
diminution significative de la force et de l’élévation
antérieure, et est associée à des liserés plus fréquents
autour des implants huméraux et glénoïdiens. Il nous
paraît donc essentiel de tout faire pour l’éviter. Parmi
les différents facteurs d’encoche, le type d’usure glénoï-
dienne (supérieur) préopératoire apparaît déterminant ;
il est logique de penser que c’est parce qu’il influence le
positionnement chirurgical de la platine glénoïdienne.
Figure 18. Critères de réalisation du cliché de face après PTEI : Nyffeler a confirmé expérimentalement qu’une position
(1) patient en position naturelle, tournant du côté de la pro- affleurant le bord inférieur de la glène diminuait le ris-
thèse jusqu’à ce que la platine glénoïdienne apparaisse parfai- que d’encoche. Nos études radiocliniques ont montré
tement plate sur l’écran de contrôle ; (2) rayon horizontal ; (3) que le tilt supérieur de la platine est délétère : il doit
en expiration pour effacer au mieux le gril costal. absolument être évité.

RÉFÉRENCES

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407

Instabilité de la prothèse totale


inversée de l’épaule
Instability of the reverse shoulder prosthesis

G. WALCH, L. NOVÉ-JOSSERAND

RÉSUMÉ SUMMARY
L’instabilité est la principale complication des prothèses inversées Postoperative instability instability is the most frequent compli-
à partir d’une série multicentrique de 457 prothèses implantées ; cation after reverse shoulder arthroplasty. Our goal was to ana-
nous avons analysé ses causes et son traitement. Quatre-vingt- lyze its causes and treatment in a large series of 457 prosthesis
quatorze prothèses ont été implantées par voie supérolatérale et implanted. Ninety-four prosthesis were implanted through a
363 par voie deltopectorale. Les luxations des prothèses inversées superolateral approach, 363 through a deltopectoral approach.
sont dues à la large libération antérieure du subscapulaire et des The main cause of instability of the reverse shoulder arthroplasty
ligaments glénohuméraux antérieurs. Les autres facteurs – dispa- is the large anteroinferior release performed through the delto-
rition du subscapulaire, effet came inférieur, anté- ou rétrover- pectoral approach (subscapularis and inferior glenohumeral liga-
sion excessive de la pièce humérale, restauration d’une mobilité ment). The other factors —shortening of the subscapularis, inferior
subnormale – ne sont que des facteurs favorisants : ils ne sont pas came effect, excessive ante- or retroversion of the humeral stem,
responsables de luxations, car on les retrouve aussi bien pour les hyperactivity with restoration of almost normal motion, subsca-
voies d’abord supérieures que pour les voies d’abord deltopecto- pularis insufficiency (absence, no repair, failure of repair)— are
rales. Dans ces dernières, il est essentiel de restaurer la longueur only contributing factor as they are not responsible for instability
de l’humérus et de freiner la rééducation pendant 45 jours lors- in the superolateral approach. With the deltopectoral approach it
que le subscapulaire est absent. L’utilisation de glénosphère de is crucial to restore a normal length of the humerus, to immobilize
42 mm (plutôt que 36 mm) est aussi utile pour lutter contre une the patient for 4 to 6 weeks in case of subscapularis insufficiency.
médialisation excessive de l’humérus. Use of a 42 mm glenosphere (instead of 36 mm) is also usefull to
avoid an excessive medialization of the humerus.

Mots clés : Luxation. – Prothèse d’épaule. – Prothèse inversée. Key words: Instability. – Reverse arthroplasty. – Prosthesis.

Introduction ainsi que les traitements appliqués pour résoudre cette


complication.
La prothèse inversée est une prothèse semi-contrainte
dont la stabilité est assurée par le muscle deltoïde. La Matériel et méthodes
mise en tension de ce muscle permet la coaptation de
l’articulation prothétique et donc sa stabilité [1,7]. Il s’agit d’une étude rétrospective multicentrique por-
L’instabilité représente la première complication des tant sur 457 prothèses totales inversées mises en place
prothèses inversées de l’épaule, avec des fréquences dans 5 centres français spécialisés dans la chirurgie de
rapportées variant de 0 à 30 % [3–6,9,11] (tableau 1). l’épaule.
Les causes de survenue restent encore incomplètement La prothèse totale inversée était indiquée initiale-
élucidées. Le traitement habituellement proposé est la ment pour une cuff tear arthropathy dans 149 cas, une
mise en place d’un « rehausseur » afin d’augmenter la omarthrose avec rupture massive de coiffe dans 26 cas,
tension du muscle deltoïde [11]. une rupture massive de coiffe dans 48 cas, après une
Le but de cette étude est d’analyser les causes de rupture de coiffe avec intervention sur les parties molles
l’instabilité de la prothèse totale inversée de l’épaule dans 46 cas, après polyarthrite rhumatoïde dans 9 cas,

Prothèses d’épaule. État actuel


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408 G. WALCH, L. NOVÉ-JOSSERAND

Tableau 1
Incidence de l’instabilité dans les différentes séries de prothèses totales inversées rapportées dans la littérature

Nombre Recul moyen en mois Nombre de cas Fréquence de l’instabilité


de cas d’instabilité

De Wilde, 2002 [4] 6 12 2 30 %

Boulahia, 2002 [3] 16 35 1 6,2 %

Delloye, 2002 [5] 5 81 0 0

Sirveaux, 2004 [9] 80 44 0 0

Frankle, 2005 [6] 60 > 24 0 0

Werner, 2005 [11] 58 38 5 8,6 %

Boileau, 2005 [2] 45 24 3 6,7 %

Notre série 457 > 24 22 4,8 %

pour reprise après une prothèse humérale dans 65 cas, muscle dans 2 cas, autant de graisse que de muscle dans
pour reprise après une prothèse totale non contrainte 2 cas et une dégénérescence sévère dans 8 cas.
dans 24 cas, après séquelles de fracture ou luxation La coupe humérale se situait au-dessus du col ana-
dans 51 cas, après fracture récente dans 15 cas et pour tomique dans 6 cas et au niveau du col anatomique
chirurgie tumorale dans 10 cas. Dans 14 cas l’étiologie dans 2 cas. Dans 5 cas de reprise de prothèse et le cas
était variée ou multiple. L’intervention était menée par de fracture récente, le niveau de coupe (ou équivalent)
voie deltopectorale dans 363 cas et par voie supéro- était en dessous du col anatomique. Dans 8 cas, aucune
latérale dans 94 cas. coupe humérale n’a été réalisée ; l’implant huméral
Une instabilité postopératoire a été observée chez
22 patients (4,8 %). Il s’agissait de 14 hommes et
8 femmes. L’âge moyen au moment de l’intervention
était de 67,7 ans (44–83). Il y avait 14 côtés droits et
autant de côtés dominants.
L’étiologie des patients présentant une instabilité
était une cuff tear arthropathy dans 6 cas, une rup-
ture massive de la coiffe des rotateurs dans 1 cas, une
pseudarthrose de l’extrémité supérieure de l’humérus
(col chirurgical) dans 4 cas (figure 1), une fracture
récente dans 1 cas, une reprise de prothèse humérale

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dans 3 cas, une reprise de prothèse totale dans 6 cas et
une chirurgie tumorale dans 1 cas (tableau 2). Douze
patients avaient déjà eu au moins une intervention sur
l’épaule avant la mise en place de la prothèse inversée.
Tous les patients présentant une instabilité ont été
opérés par voie deltopectorale. Dans 3 cas, le faisceau
antérieur du deltoïde était noté significativement défi-
cient ou atrophique après une intervention préalable.
Lors de la mise en place de la prothèse, le subscapulaire
était intact dans 2 cas, il présentait une rupture incom-
plète dans 3 cas et une rupture complète ou une absence
dans 17 cas. Le bilan préopératoire permettait d’analy- Figure 1. Séquelle de fracture à quatre fragments déjà opérée.
ser la qualité de la dégénérescence musculaire du subs- Il n’y a plus de repère osseux métaphysaire pour un bon posi-
capulaire dans 12 cas. Il existait moins de graisse que de tionnement en hauteur de la tige prothétique humérale.
Instabilité de la prothèse totale inversée de l’épaule 409

Tableau 2
Incidence de l’instabilité en fonction de la voie d’abord et de l’étiologie

Voie supérolatérale Voie deltopectorale

Nombre de cas Instabilité Nombre de cas Instabilité

Cuff tear arthropathy + rup- 70 0 173 7 cas 4 %


ture massive coiffe

Post-traumatique + fracture 12 0 54 5 cas 9,2 %

Reprise de prothèse 5 0 84 9 cas 10,7 %

Tumeur 0 0 10 1 cas 10 %

était scellé dans la diaphyse sans repère osseux méta- tation inférieure permanente dans 3 cas (figure 2).
physaire ou épiphysaire (figure 1). L’analyse radiographique des luxations montrait que
La taille des implants utilisés était toujours 36. celles-ci pouvaient être antérieures (figure 3), posté-
L’implant polyéthylène était toujours latéralisé +6 mm, rieures (figure 4) latérales ou médiales (figure 5).
et dans un cas il était d’emblée associé à un rehausseur.
La rétroversion de l’implant huméral était connue dans Début de l’instabilité
8 cas et variait de 0° à 30°. À la fin de l’intervention, le
subscapulaire était réinséré dans 7 cas, en comptant la L’instabilité survenait de façon immédiate dans les
synthèse des tubérosités pour la fracture récente. 48 premières heures postopératoires dans 5 cas. Elle
Dans 2 cas, une instabilité intraopératoire était était précoce au cours du premier mois dans 11 cas.
observée. Dans le premier cas, l’instabilité en rotation Dans 4 cas, elle apparaissait au cours de la première
externe était corrigée par la réinsertion du subscapu- année et dans 2 cas au-delà d’un an.
laire. Dans l’autre cas, l’instabilité secondaire à un effet
came inférieur a été traitée par un coussin d’abduction
pour 6 semaines.
En fin d’intervention, l’épaule était placée 16 fois
dans une attelle coude au corps pour 30 jours, et dans
6 cas sur une attelle d’abduction (à 20° une fois et à
60° dans 5 cas) pour 45 jours. La rééducation était
débutée de façon passive et douce dans 17 cas.
Les résultats portent sur 19 cas revus à plus de 2 ans
de recul (recul moyen 37 mois [9–81]. Deux patients
sont décédés avant la révision des 24 mois (revus à 9 et
11 mois) et 1 patient a été perdu de vue.
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Résultats
Fréquence
La fréquence de l’instabilité était de 4,8 % sur l’ensem-
ble de la série et de 6 % en considérant uniquement les
cas opérés par voie deltopectorale.

Type d’instabilité
Figure 2. Instabilité inférieure persistante. Il s’agissait d’une
L’instabilité se manifestait sous forme d’une luxation patiente qui présentait initialement un défect huméral impor-
prouvée radiologiquement dans 17 cas, sous forme de tant débordant sur la diaphyse et qui n’a pas été corrigé par la
subluxation dans 2 cas et sous forme d’une décoap- mise en place de la prothèse inversée (trop basse).
410 G. WALCH, L. NOVÉ-JOSSERAND

Dans 7 cas, le traitement a consisté en une réduction


sous anesthésie générale suivie d’une immobilisation.
La rééducation était différée de 4 à 6 semaines.
Dans 9 cas, une reprise chirurgicale a été nécessaire,
dont 5 fois après échec de réduction sous anesthésie
générale. Le geste a consisté en une simple réduction
à ciel ouvert dans 2 cas, la mise en place d’un insert
polyéthylène rétentif dans 2 cas et la mise en place
d’un rehausseur dans 5 cas. L’immobilisation postopé-
ratoire était de 4 à 6 semaines.

Récidive
Après traitement, l’instabilité persistait dans 8 cas.
Dans 3 cas, il s’agissait des patients non réopérés pré-
sentant une décoaptation inférieure permanente. Dans
5 cas, l’instabilité a récidivé sous forme de subluxa-
tions ou luxations spontanément réduites provoquées
Figure 3. Instabilité prothétique antérieure.
par une hyperactivité chez des patients ayant conservé
un niveau fonctionnel élevé (figure 5).
Dans 2 cas, l’instabilité était secondaire à un événe-
ment traumatique précis, alors que dans les autres cas Résultats en fonction
aucune cause précise ou élément déclenchant n’était du début de l’instabilité
retrouvé.
Les 5 patients ayant présenté une instabilité immédiate
Traitement de l’instabilité (48 heures postopératoires) ont été traités par réduc-
tion sous anesthésie générale dans 3 cas et par reprise
Dans les 3 cas de décoaptation inférieure, aucun traite- chirurgicale pour mise en place d’un rehausseur dans
ment particulier n’a été proposé ; les patients ont pré- 2 cas. Dans les suites, les épaules ont été immobilisées
féré rester en l’état. sans rééducation pendant 4 à 6 semaines. Il n’y avait
L’instabilité a été réduite par autoréduction dans aucune récidive. Le score de Constant moyen à la révi-
2 cas de subluxation et par manœuvre externe sans sion était de 52 ± 12 et de 68 % ± 17 pour le score pon-
anesthésie générale dans 1 cas de luxation. déré, avec une élévation antérieure moyenne de 118°.

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Figure 4. Instabilité prothétique postérieure. Figure 5. Instabilité latérale récidivante chez un patient âgé
mais hyperactif et sportif pratiquant le crawl. Malgré l’instabi-
lité autoréduite, le résultat fonctionnel est très bon.
Instabilité de la prothèse totale inversée de l’épaule 411

Figure 6. Radiographie comparative des humérus mettant en Figure 7. Effet came inférieur. La glène a été implantée trop
évidence un humérus court du côté de la prothèse. Le rétablis- haut et il existe un contact entre le bord inférieur de la glène
sement d’une longueur humérale correcte est nécessaire pour et l’implant huméral qui joue un rôle de levier potentialisateur
stabiliser la prothèse. pour provoquer l’instabilité.

Les 6 patients présentant une instabilité ayant débuté une réduction sanglante simple dans l’autre cas. Il y a
après le premier mois postopératoire n’ont pas été eu quatre récidives. Parmi les récidives, on retrouve les
réopérés. Tous sont restés instables, trois sous forme 3 patients présentant une hyperactivité et une patiente
de subluxations récidivantes et trois par décoaptation ne présentant pas de cause particulière. Le score de
inférieure. Constant moyen à la révision était de 62 ± 16 et de
Parmi les 11 patients ayant débuté leur instabilité au 81 % ± 25 pour le score pondéré, avec une élévation
cours du premier mois postopératoire, on retrouve des antérieure moyenne de 140° ± 35.
traitements et des résultats variables. Lorsque le bord supérieur de la prothèse humérale
était au-dessous du trochiter, en fonction de la pré-
sence ou non de la métaphyse, on distinguait deux
Résultats en fonction populations.
de la longueur humérale – Lorsque la prothèse restait en position métaphysaire
(5 cas de reprises de prothèse et un cas de fracture
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Nous ne disposions pas, pour cette étude, de radiogra- récente), l’instabilité était toujours survenue avant la
phies millimétrées des humérus. Nous avons analysé le fin du premier mois postopératoire. Le traitement avait
positionnement en hauteur de l’implant huméral pour les consisté en une réduction avec anesthésie générale une
voies d’abord deltopectorales sur les radiographies sim- fois et avec une reprise chirurgicale pour mise en place
ples de face : lorsque le bord supérieur de l’implant métal- d’un rehausseur dans 4 cas. Il n’y avait aucune réci-
lique était situé au niveau ou au-dessus du trochiter, le dive. Le score de Constant moyen à la révision était de
positionnement était jugé correct. S’il était au-dessous, il 44 ± 12 et de 58 % ± 23 pour le score pondéré, avec
était jugé incorrect, avec un « humérus court » (figure 6). une élévation antérieure moyenne de 121° ± 16.
Lorsque le positionnement en hauteur de l’implant – Lorsqu’il n’y avait plus de métaphyse et que l’implant
huméral était correct, l’instabilité est survenue dans huméral avait été mis en place dans la diaphyse (8 cas),
6 cas lors du premier mois postopératoire. Le traite- l’instabilité est survenue dans 4 cas lors du premier
ment avait consisté en une réduction sans anesthésie mois postopératoire. Le traitement proposé 5 fois avait
générale 3 fois et avec anesthésie générale 3 fois. Une consisté en une réduction avec anesthésie générale 2 fois
reprise chirurgicale était nécessaire 2 fois, pour mise et avec une reprise chirurgicale dans 3 cas. Il y avait qua-
en place d’un rehausseur dans le premier cas et pour tre récidives. Le score de Constant moyen à la révision
412 G. WALCH, L. NOVÉ-JOSSERAND

était de 38 ± 17 et de 52 % ± 25 pour le score pondéré, rale) ; mais cela ne suffit pas pour expliquer la surve-
avec une élévation antérieure moyenne de 41° ± 56. nue de l’instabilité.
Dans 2 cas, il existait une fracture de l’acromion L’analyse des causes de l’instabilité est difficile compte
(une préopératoire, une postopératoire) : un patient tenu de la disparité des cas observés.
présentait des subluxations récidivantes non opérées et La première remarque évidente est l’absence totale
le deuxième une luxation récidivante ; la responsabilité d’instabilité dans les voies supérolatérales. De cette
de la détente deltoïdienne pouvait être suspectée mais simple constatation, force est d’admettre que la rétro-
ne pouvait être prouvée. version, un éventuel effet came inférieur ou postérieur
(figure 7), une rupture ou une dégénérescence du
subscapulaire ne peuvent pas être reconnus comme
Discussion une cause essentielle d’instabilité, puisqu’on retrouve
tous ces cas de figure dans les voies supérolatérales. La
Nous rapportons 22 cas d’instabilité sur une série seule différence que l’on retrouve entre les deux voies
de 457 prothèses totales inversées (4,8 %). Seule la d’abord est le très large release antérieur et inférieur
voie d’abord deltopectorale utilisée dans 80 % des cas que l’on est conduit à faire par voie deltopectorale
est en cause ; les 94 patients (20 %) opérés par voie pour exposer la glène et implanter correctement les piè-
supérolatérale n’ont présenté aucune instabilité (0 %). ces prothétiques glénoïdiennes. Ce release comprend
Ainsi, pour les 363 patients opérés par voie deltopec- le muscle subscapulaire et le ligament glénohuméral
torale, le taux d’instabilité est de 6 %. inférieur, qui est bien souvent réséqué. La réinsertion
Quatre étiologies sont en cause avec des fréquences du subscapulaire est dans ces conditions un élément
différentes : les changements de prothèse non contrain- capital. La réinsertion du subscapulaire, chaque fois
tes (10,7 %), les séquelles de fracture (9,2 %) et les cuff que possible, doit être prônée et protégée en post-
tear arthropathies (4 %) ; au sein des tumeurs opérées, opératoire. Lorsque cette réparation du subscapulaire
1 patient (10 %) a présenté une instabilité. n’est pas possible (absence, disparition des tubérosités,
Nous avons mis en évidence trois types d’instabilité rétraction à la glène), une immobilisation postopéra-
très différents. toire soit coude au corps, soit sur un coussin d’abduc-
– Les décoaptations inférieures en relation avec une tion, en fonction des constatations opératoires, pour
insuffisance nette de longueur humérale surviennent une période de 3 à 6 semaines est à recommander.
au cours de la première année postopératoire. Dans Les autres facteurs que nous avons identifiés comme
les 3 cas, il existait un raccourcissement préopératoire possible cause de l’instabilité ne peuvent agir qu’en tant
qui n’a pu être corrigé que partiellement en intraopé- que potentialisateur de ce large release antéro-inférieur.
ratoire du fait de la tension excessive des parties mol- Le principal est l’insuffisance de la longueur de l’humé-
les et en particulier du deltoïde. Il semble donc que la rus et par voie de conséquence de tension du deltoïde.
tension des parties molles et du deltoïde ne soit pas L’atteinte du deltoïde lui-même n’a été mise en évidence
définitive lorsqu’il existe une fibrose cicatricielle et, qu’une seule fois et son origine était multifactorielle
spontanément, le deltoïde récupère sa longueur au (sclérose par radiothérapie, atteinte du nerf circonflexe
détriment de sa tension, faisant apparaître la décoap- radiothérapique ou iatrogène). Il est évident qu’en cas
tation inférieure. de paralysie du deltoïde, la prothèse totale inversée ne
– Les subluxations et luxations récidivantes auto- peut fonctionner et c’est une contre-indication à son

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réductibles constituent le deuxième type d’instabilité utilisation. On peut rapprocher ici les parésies post-
observé dans 3 cas ; elles n’ont pas la même gravité opératoires transitoires secondaires au bloc intersca-
puisque aucun patient n’a été réopéré. Elles n’influent lénique. Cette parésie, responsable d’une inefficacité
pas sur le résultat final objectif et subjectif. transitoire du muscle deltoïde, peut engendrer une ins-
– Les luxations non réductibles spontanément sont tabilité en potentialisant le release antéro-inférieur lors
plus spectaculaires et dramatiques puisqu’il a fallu une d’une manipulation postopératoire. Dans ces cas, la
anesthésie générale pour les réduire les 16 fois, et une simple réduction suivie d’une immobilisation permet de
réopération a été nécessaire 9 fois soit pour allonger résoudre l’instabilité. L’atrophie partielle du deltoïde,
l’humérus, soit pour mettre en place un insert en poly- en particulier le faisceau antérieur, est plus difficile à
éthylène rétentif. analyser car elle est fréquente à des degrés divers, dans
Les caractéristiques épidémiologiques des patients les reprises de prothèses ou les séquelles de fracture
présentant une instabilité sont différentes de la popu- multi-opérées. Cependant, l’atteinte partielle du del-
lation générale : ils sont en moyenne plus jeunes toïde ne peut être reconnue comme un facteur détermi-
(67 ans versus 72 ans à l’opération), plutôt masculins nant de l’instabilité compte tenu de sa fréquence aussi
(64 % d’hommes versus 33 % dans la population géné- bien dans les voies deltopectorale que supérolatérale.
Instabilité de la prothèse totale inversée de l’épaule 413

Il faut également remarquer que la désinsertion d’une la vie quotidienne, ce qui nous fait dire que c’est pro-
partie du deltoïde antérieur dans les voies supérolatéra- bablement plus l’absence de « fibrose » ou « raideur »
les ne semble présenter aucun effet délétère vis-à-vis de la cicatricielle qui est à l’origine de ces subluxations. Sur
stabilité. De même, la responsabilité d’une perte de ten- le plan thérapeutique, le traitement des subluxations
sion du deltoïde par fracture de l’acromion [8], comme récidivantes a toujours été orthopédique dans notre
cela a été observé 2 fois dans cette série d’instabilité, ne série sans que cela influence notablement les résultats.
peut être considérée comme une preuve puisqu’elle a Le fait que les instabilités après PTEI surviennent
été observée à de très nombreuses reprises dans la série essentiellement chez les hommes et le fait que les gléno-
générale sans aucune instabilité. On peut cependant sphères de 36 mm aient été utilisées doit nous faire
admettre que la diminution de tension du deltoïde a un réfléchir au problème de la médialisation humérale
rôle favorisant ou potentialisateur dans certains cas. excessive qui en résulte. La latéralisation de l’humérus
Les cas sévères de raccourcissement de l’humérus permisse par l’implantation de glénosphère de 42 mm
démontrent que tension intraopératoire du deltoïde et permet au deltoïde de jouer son rôle de coaptation sur
longueur doivent être dissociées. Les 3 cas de décoap- la glène et doit être préférée chez les hommes. C’est
tation inférieure rapportés ont eu une correction aussi un moyen de stabiliser une PTEI instable (chan-
insuffisante de longueur humérale parce qu’en intra- ger la glénosphère 36 pour une 42)
opératoire la tension des parties molles en général et Concernant la décoaptation inférieure, il s’agit de
du deltoïde en particulier était telle qu’il était impos- cas complexes multi-opérés ; aucun de nos 3 cas n’a
sible d’allonger plus l’humérus. Il faut donc prévoir été réopéré, les patients ayant préféré se contenter du
dans ces cas un éventuel deuxième temps opératoire résultat antalgique. La compromission du deltoïde et
pour égaliser la longueur de l’humérus. À côté de ces les doutes sur sa valeur fonctionnelle conduisent le
cas extrêmes, dans 11 cas nous avons mis en évidence chirurgien à une attitude de prudence face à ces cas
une position basse de la prothèse humérale, et cela extrêmes qui sont sans doute à la limite des indications
concerne essentiellement les cas de reprise de prothèses de la prothèse inversée.
et les séquelles de fracture de l’humérus proximal où les Face à une luxation prothétique, il est conseillé de
repères métaphysaires voire diaphysaires ont disparu. faire une mesure comparative de la longueur humé-
La hauteur de la pièce humérale dans notre série a rale. En cas de perte de longueur, un rehausseur ou des
rarement été prédéfinie par un planning préopératoire inserts en polyéthylène plus hauts peuvent permettre de
et c’est souvent la tension intraopératoire et la diffi- compenser jusqu’à 21 mm de longueur mais pas plus.
culté à réduire qui ont déterminé le positionnement. Au-delà, il faudra avoir recours à des pièces diaphy-
Or cette difficulté intraopératoire dépend de la fibrose saires d’allongement. Si la longueur est correcte, la
et de la rétraction des parties molles qui, nous l’avons réduction sous anesthésie générale, suivie d’une immo-
vu, ne semblent pas définitives. Il est donc capital dans bilisation de 3 à 6 semaines sur un coussin d’abduc-
ces deux étiologies de faire un planning préopératoire tion ou une écharpe en fonction des constatations sous
avec une radiographie millimétrée comparative pour anesthésie générale, sera suffisante pour restaurer une
être sûr de rétablir exactement la longueur humérale stabilité correcte au détriment de la mobilité.
quelle que soit la tension des parties molles. Il faut
régler la longueur de telle sorte que, sur l’humérus
sain, la pièce humérale métallique soit au-dessus du Conclusion
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point le plus haut du col anatomique (figure 6).


Cependant, ce raccourcissement de l’humérus n’in- Les instabilités de prothèses d’épaule inversées sont
tervient qu’en tant que potentialisateur du release essentiellement en relation avec le large release antéro-
antéro-inférieur, car les voies supérolatérales compor- inférieur nécessaire dans les voies deltopectorales. Le
tent, et nécessitent pour exposer la glène, une coupe raccourcissement de l’humérus ou l’absence de remise
humérale plus généreuse que par voie deltopectorale. en tension du deltoïde joue un effet potentialisateur
Un autre effet potentialisateur de la disparition des de cette insuffisance ligamentaire et tendineuse antéro-
structures antéro-inférieures est l’hyperactivité de cer- inférieure. La récupération d’une souplesse articulaire
tains patients et la récupération d’une mobilité sub- totale (absence ou échec de réparation du subscapu-
normale comme on les rencontre dans certains cas de laire) ou l’existence d’un effet came peuvent avoir, à un
cuff tear arthropathy opérés. L’absence de toute fibrose moindre degré, des effets potentialisateurs identiques.
cicatricielle peut expliquer les phénomènes de subluxa- La retension du deltoïde et l’enraidissement articulaire
tions récidivantes observés chez trois de nos patients. par l’immobilisation constituent les armes thérapeuti-
Il faut noter que ces subluxations ne se produisent pas ques disponibles lorsqu’il n’y a pas de raccourcissement
lors de mouvements extrêmes mais dans les gestes de de l’humérus.
414 G. WALCH, L. NOVÉ-JOSSERAND

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415

Révisions humérales :
options thérapeutiques
Humeral stem removal: surgical technique

F. JOUVE, G. WALCH

RÉSUMÉ SUMMARY
Lors d’une reprise de prothèse d’épaule, le temps de révision In revision shoulder arthroplasty, the management of the hume-
humérale est souvent une étape clé. Un planning préopératoire ral prosthesis is a difficult step during the procedure. The surgi-
approfondi permet de guider la stratégie chirurgicale. En fonc- cal strategy is conditioned by the preoperative planning. In each
tion des situations rencontrées, sont détaillées les options thé- case, a solution can be proposed. Humeral osteotomy is an alter-
rapeutiques. Les différentes techniques d’ostéotomie humérale native to help facilitate the extraction of the humeral stem, and
sont décrites afin de permettre l’extraction de la tige humérale several techniques have been described.
en préservant le stock osseux.

Mots clés : Humérotomie. – Révision. – Prothèse d’épaule. Key words: Humeral osteotomy. – Revision. – Shoulder arthroplasty.

Introduction nition, le changement de pivot huméral. L’extraction


de la tige humérale constitue fréquemment le temps
La chirurgie prothétique de l’épaule, en cas de reprise le plus difficile, le plus long et le plus risqué dans la
est connue pour être l’une des plus difficile. Dès 1982, chirurgie de révision prothétique.
Charles Neer [7] soulignait les difficultés techniques
que le chirurgien pouvait rencontrer du fait des des- Planification préopératoire
tructions osseuses, des déficits tendinomusculaires, des
tissus cicatriciels et du risque infectieux. Un planning préopératoire est le pré-requis indispen-
L’implant huméral des prothèses totales d’épaule est sable qui va guider la stratégie thérapeutique.
souvent bien fixé : dans une méta-analyse de la litté-
rature, Cofield [1] a rapporté un taux de descellement Examen clinique
de la tige humérale de seulement 0,8 % avec un recul
de 3 à 5 ans. Malgré ce faible taux de descellement, il L’examen clinique de l’épaule doit être minutieux. Nous
peut être nécessaire de retirer une tige humérale soli- ne développerons pas l’examen classique qui doit tou-
dement ancrée soit pour avoir une exposition correcte jours être fait mais seulement certaines particularités
de la glène, soit pour passer d’un système anatomique ayant trait à la reprise chirurgicale. L’inspection cutanée
à un système inversé semi-contraint. La bonne tenue recherche la ou les cicatrices des chirurgies initiales et per-
de l’implant huméral peut poser des problèmes techni- met de discuter les possibilités d’incision pour la reprise.
ques, en particulier chez des patients âgés et ostéoporo- L’état musculaire et en particulier le faisceau anté-
tiques. Walch et al. [10] ont rapporté un taux de 12 % rieur du deltoïde doit être noté. L’examen neurologique
de fracture humérale dans les reprises de prothèse ana- s’assure de l’intégrité du nerf axillaire, du nerf radial et
tomique et de 30 % dans les révisions prothétiques du nerf musculocutané qui doivent souvent être repé-
par prothèse inversée qui nécessite toujours, par défi- rés lors de la chirurgie de reprise.

Prothèses d’épaule. État actuel


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416 F. JOUVE, G. WALCH

L’examen clinique doit se terminer par une discussion Stratégie thérapeutique


franche avec le patient au cours de laquelle seront expo-
sés les complications et les risques de cette chirurgie. Le patient est placé en position demi-assise, le membre
supérieur est badigeonné en entier et laissé libre afin de
permettre toute mobilisation. La voie d’abord est tra-
Bilan radiographique cée au stylo dermique ; il est préférable de choisir une
voie d’abord deltopectorale, même si l’incision précé-
Le bilan radiographique doit comporter des incidences dente est située ailleurs, car elle permet une éventuelle
de face en rotations interne, neutre et externe, un pro- extension de l’incision vers le bas sur la face externe
fil de Lamy, des radiographies millimétrées des deux du bras. L’incision débute au niveau de la coracoïde,
humérus, et deux incidences de face et profil de l’hu- se poursuit au niveau du sillon deltopectoral, puis
mérus pour explorer les limites éventuelles du ciment. descend à la face externe du bras parallèlement à la
Sur les clichés à l’échelle 100 %, dans le sens longitu- diaphyse humérale (figure 1).
dinal, on mesure la longueur de la tige humérale, et le Une fois que le sillon deltopectoral est mis en évi-
cas échéant la longueur du bouchon de ciment, ce qui dence, on poursuit la libération de la bourse sous-
guiderait un éventuel geste d’humérotomie. Sur le profil, acromiale en portant progressivement le bras en
on mesure l’épaisseur des corticales, le diamètre de la abduction et rotation interne, et en restant toujours au
tige, l’épaisseur du fourreau de ciment et son extension contact de l’humérus. Le faisceau antérieur du deltoïde
vers le bas. Les contours de la prothèse sont étudiés pour doit être soigneusement respecté et sert de guide dans
rechercher un éventuel revêtement de surface poreux qui la libération de l’extrémité supérieure de l’humérus.
rendrait l’extraction particulièrement difficile. Le stock La fibrose cicatricielle ainsi que les ossifications sont
osseux doit être évalué ; on rencontre fréquemment un retirées pas à pas. Lorsque l’espace sous-acromiodel-
os porotique avec des corticales fines, particulièrement toïdien est libéré, on se porte en dedans en ramenant
chez les patientes de plus de 70 ans. Cette potentielle le coude au corps et en mettant le bras en rotation
fragilité osseuse sera à garder en mémoire lors des tenta- externe.
tives d’extraction de la tige humérale. Après avoir identifié le tendon conjoint, on le sépare
Au cours de l’analyse du stock osseux, on doit peu à peu du muscle subscapulaire. Des adhérences
rechercher toute géode, séquelle de fausse route, et la sont fréquentes à ce niveau, favorisées par les points
présence de corticales pellucides qui accentueraient la de suture non résorbables utilisés pour la réparation
fragilité osseuse. du subscapulaire. La dissection se poursuit jusqu’au
nerf circonflexe qui est libéré et mis sur lacette. On
peut ensuite réaliser la ténotomie du subscapulaire à
Étude du compte-rendu
opératoire précédent
Il s’agit d’un temps essentiel pour connaître les éven-
tuels gestes associés réalisés, la prothèse utilisée, ses
caractéristiques de revêtement. Il faut absolument se
procurer auprès du fabricant la brochure de présenta-

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tion de la prothèse afin d’en connaître tous les détails.
Il faut également se renseigner sur l’existence d’un
matériel spécifique d’extraction.

Prévision du matériel
En plus du matériel d’extraction prothétique, le
chirurgien doit prévoir tout le matériel nécessaire pour
affronter une éventuelle complication : ciseaux pour
ablation du ciment, matériel d’ostéosynthèse en cas de
fracture. Il faut également prévoir le système prothéti-
que de révision avec des tiges humérales de longueur
supérieure (150, 180, 210 mm). Figure 1. Voie deltopectorale élargie vers le bas.
Révisions humérales : options thérapeutiques 417

15 mm de la gouttière du biceps ou bien désinsérer le


tendon au contact du trochin.
Une fois l’extrémité proximale de l’humérus correc-
tement exposée, on peut retirer la tête humérale de la
tige en fonction du type de prothèse avec parfois un
matériel spécifique préalablement commandé. En cas
de tige scellée, on réalise l’ablation du ciment proxi-
mal à l’aide de petits ciseaux. Un refend des tubéro-
sités peut se produire de manière non exceptionnelle
mais aura peu de conséquences, surtout en cas de
rupture massive de coiffe et/ou de prothèse inversée
planifiée. En revanche, il faut essayer de préserver la
partie médiale du col huméral qui est souvent le seul
repère restant, permettant le réglage de la hauteur de
la prothèse de reprise.
Une fois le nettoyage et l’exposition humérale réali-
sés, trois situations peuvent se présenter :
– soit la tige humérale est mobile, l’ablation est facile
sans instrumentation spécifique ;
– soit l’ablation est possible par traction dans l’axe ;
– soit l’ablation est impossible et il faut associer un
geste osseux pour permettre l’extraction.

Tige humérale mobile


C’est, malheureusement, la minorité des cas rencon-
trés. Il n’existe pas de problème technique particulier
quant à l’extraction. Il faut cependant veiller à ne pas
fracturer le trochiter lors du passage d’un épaulement Figure 2. Exemple d’extracteur de prothèse humérale.
volumineux présent sur certaines tiges humérales. S’il
existe un doute infectieux, le ciment doit être retiré
dans son intégralité ainsi qu’un éventuel bouchon.
Tige humérale impossible à extraire
Dans les cas de tige sans ciment parfaitement réha-
Tige humérale bien fixée mais bitée, de tige scellée, ou de stock osseux à haut ris-
mobilisable par traction que fracturaire, il est préférable d’ajouter un geste
osseux au niveau de l’humérus afin de mobiliser la
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Après avoir retiré le maximum de ciment proximal, on tige sans dommage majeur. En cas de tige humérale
tente de retirer la tige en utilisant des instruments tels impossible à extraire, mieux vaut une ostéotomie
que chasse-greffon, masselotte, extracteur standard humérale bien faite qu’une mauvaise fracture diffi-
ou extracteur spécifique de la prothèse que l’on aura cile à ostéosynthéser.
commandés auparavant. L’ancillaire se fixe à la partie Plusieurs techniques d’ostéotomie humérale ont été
proximale de la tige humérale. L’extraction est rendue décrites ; elles sont passées en revue ci-après.
possible par l’action d’une masselotte coulissant sur
un axe de la même manière qu’un extracteur de clou
centromédullaire (figure 2). Techniques d’humérotomie
Toutes ces manœuvres doivent être effectuées pru- Humérotomie verticale simple
demment en ayant toujours présent à l’esprit le risque
de fracture humérale. Si l’extraction échoue, il faut C’est la technique qui a notre préférence et que nous
passer à l’étape suivante. utilisons dans cette situation [4].
418 F. JOUVE, G. WALCH

Le principe est de réaliser une ostéotomie longitu-


dinale antérolatérale, par la voie deltopectorale, qui
peut être agrandie vers le bas à la demande. Le prin-
cipal repère est la gouttière bicipitale. Avec le bistouri
électrique, on trace une ligne débutant au fond de la
gouttière bicipitale et se poursuivant vers le bas entre
l’insertion du tendon du grand pectoral en dedans et
l’insertion deltoïdienne en dehors. Cette ligne n’est pas
strictement rectiligne mais présente plutôt la forme
d’un « s » italique. Cette ligne comporte trois tiers :
le tiers proximal est constitué par la gouttière bicipi-
tale, le tiers moyen par le bord latéral de l’insertion
du grand pectoral, et le tiers distal par le bord médial
de l’insertion deltoïdienne. La longueur du trait d’os-
téotomie est déterminée à l’aide des radiographies à
l’échelle 100 % mesurée lors de la planification pré-
opératoire (figure 3) sachant qu’elle doit se poursuivre
jusqu’à l’extrémité distale de la tige métallique.
Avant de réaliser l’ostéotomie, deux fils d’acier de
Kirchner de 20/100 ou des câbles ou des sutures de
gros diamètre (non resorbables) sont passés autour de
la diaphyse. Il peut être plus difficile de réaliser le cer-
clage a posteriori en cas de fracture. Le premier câble Figure 4. Humérotomie longitudinale à la scie motorisée
est passé au niveau du tiers moyen à distance du col en suivant la ligne des trois tiers. D : insertion du deltoïde ;
huméral à travers l’insertion du tendon du grand pec- G : gouttière bicipitale ; P : insertion du muscle grand pectoral.
toral, afin de limiter le risque de lésion du nerf axil-
laire. Le deuxième câble est passé au niveau du tiers
distal en restant bien au contact de l’os afin de ne pas Un ou deux ostéotomes sont passés à travers le trait
blesser le nerf radial. d’ostéotomie qui est ouvert en utilisant l’élasticité de
Les cerclages sont laissés en attente et l’ostéotomie l’os (figure 5). L’ouverture, surtout dans la zone méta-
est réalisée à la scie motorisée en suivant la ligne pré- physaire, permet de faciliter l’extraction de la tige
cédemment détaillée (figure 4). humérale. Les cerclages sont ensuite refermés sur la
diaphyse. Si, malgré toutes les précautions, une fracture
humérale se produit durant l’extraction, l’ostéosyn-
thèse sera facilitée par les cerclages laissés en attente.
Dans une série de 65 prothèses humérales d’épaule
reprises par prothèse d’épaule inversée [3], nous
avons constaté 12 fractures humérales peropératoires.
Parallèlement, 13 humérotomies ont dû être réalisées ;

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l’extraction de la tige a occasionné une fracture dans
seulement 4 cas.
Les avantages de cette technique sont multiples.
Elle préserve le stock osseux et les rapports anato-
miques ; le trait d’humérotomie peut être étendu vers
le bas à la demande. Lors du cimentage, si une fuite
de ciment se produit, la visualisation sera directe.
En revanche, en cas de fracture ou de fausse route,
une fuite de ciment peut se produire à distance, ce
qui comporte un risque potentiel pour les éléments
nobles, en particulier le nerf radial qui peut souffrir
de la chaleur dégagée lors de la polymérisation du
Figure 3. Tracé de la ligne d’ostéotomie, cerclages laissés en attente. ciment (figure 6).
Révisions humérales : options thérapeutiques 419

Humérectomie avec fenêtre osseuse


Cette technique a été décrite par Sperling et Cofield
[9]. Elle s’inspire des fémorotomies en fenêtre utilisées
dans les reprises de prothèse de hanche [5,8].
En fait, deux types de fenêtre ont été décrits par
ces auteurs. Ils proposent de réaliser soit une fenêtre
« médiale » au niveau du col huméral s’étendant en
regard de la métaphyse (figure 7) en cas de fixation
proximale par ciment ou de revêtement de surface
metaphysaire, soit une fenêtre « antérieure » au niveau
diaphysaire (figure 8) en cas de cimentage ou de revê-
tement de surface étendu à toute la tige.
Sur une série de 20 cas d’humérotomies [9], 16 fenê-
tres étaient antérieures, 3 médiales, et une antérieure et
médiale. Les fenêtres étaient systématiquement greffées
en utilisant une allogreffe hormis en cas de sepsis. Au
dernier recul, 17 fenêtres sur 20 avaient consolidé.

Humérotomie en volet
Dodson et al. [2] ont proposé cette technique afin
Figure 5. Ouverture du trait d’humérotomie à l’aide d’un ostéo- de retirer une tige humérale bien fixée. La technique
tome en utilisant l’élasticité de l’os. nécessite un abord extensif de la diaphyse en réalisant
une libération des insertions deltoïdienne et du grand
pectoral. Après avoir réalisé des pré-trous à la mèche,
les traits d’ostéotomie sont réalisés en emportant un
tiers de la circonférence de la corticale (figure 9). Cette
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Figure 6. Radiographie mettant en évidence une fuite de ciment Figure 7. Fenêtre humérale médiale (en pointillé).
diaphysaire après fracture humérale peropératoire. Figure 8. Fenêtre humérale antérieure (en pointillé).
420 F. JOUVE, G. WALCH

démontré Lortat-Jacob et al. [6] au fémur en cas de


sepsis sur prothèse de hanche.

1/3
Reconstruction humérale
Ciment Afin de préserver au maximum le stock osseux, il
n’est pas nécessaire de retirer le fourreau de ciment en
Tige entier, sauf en cas de sepsis. Une fois la tige déposée, il
convient de mettre en place la tige de révision.
La longueur et le diamètre sont déterminés en fonc-
A tion du stock osseux, de la présence d’une ostéoto-
mie ou d’une fracture. En théorie, il faut ponter le
trait d’ostéotomie ou de fracture par au moins deux
fois la largeur de la diaphyse afin d’obtenir une sta-
Ciment
bilité suffisante (figure 10). On est régulièrement
amené à utiliser des tiges intermédiaires ou longues.
Tige
En fonction des habitudes de l’opérateur, la tige
sera cimentée ou implantée sans ciment. En prati-
B que, dans les situations de reprise, il est plus difficile
Figure 9. A et B. Humérotomie en volet emportant un tiers de d’obtenir une bonne stabilité primaire de l’implant
la circonférence osseuse. que lors de la chirurgie de première intention, et il
est recommandé de cimenter le pivot. L’utilisation
d’un ciment aux antibiotiques est conseillée dès lors
technique présente l’avantage d’une excellente vision qu’il s’agit d’une reprise opératoire où les taux d’in-
endomédullaire et permet de pratiquer un nettoyage fection rapportés sont toujours plus élevés que pour
optimal de l’interface ciment–os comme l’avaient les prothèses primaires.

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Figure 10. A. Tige humérale sans ciment sur un humérus ostéoporotique avec corticales fines. B. Reconstruction de l’humérus avec
cerclages des fragments osseux sur la tige humérale utilisée comme tige centromédullaire. C. Deuxième temps : une fois la conso-
lidation acquise, implantation du reste de la prothèse.
Révisions humérales : options thérapeutiques 421

Le réglage de la hauteur est parfois délicat et c’est Idéalement, la rééducation postopératoire est super-
souvent la partie médiale du col huméral qui est le posable à celle des prothèses de première intention,
meilleur repère quand elle a pu être conservée. mais pourra être modulée en fonction des paramètres
En cas de fracture comminutive n’autorisant pas la énoncés ci-dessus.
repose dans le même temps, on peut se servir de la tige
humérale de reprise comme d’un clou centromédul- Conclusion
laire sur lequel on peut cercler les différents fragments
osseux par des cerclages. Dans un deuxième temps, Le temps huméral dans les reprises de prothèses d’épaule
après consolidation de la diaphyse, le reste de la pro- est une étape difficile qu’il convient d’aborder avec la
thèse peut être implanté (figure 10). meilleure stratégie possible. Le but est de pouvoir réa-
liser l’ablation de la tige humérale tout en préservant
le stock osseux. À l’avenir, on pourrait s’affranchir de
Suites opératoires cette étape critique grâce au développement de tiges
modulaires permettant une révision sans dépose, par
Le type et la durée d’immobilisation dépendent de la exemple en passant d’un concept de prothèse anatomi-
qualité de la tenue de l’implant huméral, de la solidité que à prothèse inversée (« tige universelle »). Ces avan-
de l’éventuelle ostéosynthèse et de la stabilité prothéti- cées ne permettront pas, cependant, de s’affranchir de
que. Le type d’immobilisation est également dépendant tous les problèmes rencontrés lors d’une révision humé-
du type de prothèse utilisée : immobilisation coude au rale d’une prothèse d’épaule tels que les malpositions
corps ou coussin d’abduction. (erreur de version ou de hauteur) et les infections.

RÉFÉRENCES

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422 L. NEYTON, G. WALCH

Usure et perte de substance


glénoïdienne dans les prothèses
d’épaule : options techniques
Wear and loss of glenoid substance
in primary and revision shoulder
arthroplasty: treatment options

L. NEYTON, G. WALCH

RÉSUMÉ SUMMARY
L’état du stock osseux glénoïdien est un des éléments détermi- Glenoid bone stock appears to be one of the key factors influen-
nants du résultat d’une prothèse de l’épaule aussi bien dans la cing the result of primary shoulder arthroplasty as well as revision
chirurgie de première intention que dans les reprises. L’évaluation arthroplasty. Preoperative evaluation is mandatory to anticipate
préopératoire de la glène (radiographies, scanner) aide au choix appropriate option (X-rays, CT scan). In primary arthroplasty,
de l’option thérapeutique la plus appropriée. Dans les prothèses some rare cases of significant bone wear preclude glenoid com-
primaires, de rares cas d’usure importante de la glène nécessitent ponent implantation. Significant glenoid wear is more frequent
une reconstruction osseuse. Cette situation est beaucoup plus fré- in revision surgery. After a previous failed arthroplasty different
quente en cas de reprise après échec d’arthroplastie. Différentes options are available. In the younger population, the surgeon
options thérapeutiques sont possibles. Chez les patients jeunes, la must keep in mind to protect or reconstruct the glenoid bone
priorité est de reconstruire le stock osseux par une greffe. Chez stock by grafting. In the frailed and elderly patients, simple pro-
les patients âgés et plus fragiles, une procédure moins invasive cedure and pain relief are the main goals of revision surgery. The
(hémiarthroplastie, ablation simple) peut apporter un soulage- possibility to graft the glenoid defect and to solve the problem of
ment des douleurs. En chirurgie de reprise, la prothèse inversée deficient rotator cuff tears in one stage by implanting a reverse
a permis changer le pronostic. Cette option permet de palier une prosthesis has changed the pronostic of glenoid revisions.
déficience de la coiffe des rotateurs et autorise une greffe glénoï-
dienne le plus souvent en un temps. Key words: Glenoid. – Bone stock. – Graft.

Mots clés : Glène. – Stock osseux. – Greffe.

Introduction difficulté. À l’inverse, certains processus pathologi-


ques dégénératifs entraînent des lésions osseuses suf-
Les résultats des prothèses totales d’épaule sont recon- fisamment importantes pour compromettre la mise en
nus comme supérieurs à ceux des hémiarthroplasties place de l’implant glénoïdien et requièrent un geste de
en termes de douleur, de mobilité et d’activité quo- reconstruction.
tidienne. L’état de la glène osseuse conditionne la Le descellement de la glène a été rapporté comme la
possibilité de mise en place d’un implant glénoïdien. deuxième complication la plus fréquente, avec un taux de
Dans le sillage de l’implant de Neer de 1972 [13,15], 5,3 % dans une méta-analyse de 2540 cas [2]. En outre,
la plupart des implants glénoïdiens à quille ou plots les signes radiographiques de descellement de l’implant
sont cimentés [6,10]. Comme pour le cotyle, un stock glénoïdien cimenté (liséré complet ≥ 2 mm en épaisseur,
osseux suffisant est requis pour offrir une stabilité à migration, tilt ou bascule de l’implant) sont retrouvés
l’implant. Dans la majorité des cas, une usure limitéé dans 34 % des cas sur 148 prothèses à plus de 10 ans de
de la glène permet la mise en place de la prothèse sans recul [15]. Ces considérations ont mené à l’utilisation

Prothèses d’épaule. État actuel


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Usure et perte de substance glénoïdienne dans les prothèses d’épaule : options techniques 423

d’implants metal-back non cimentés [3,4,11,14,22,24]. du bord postérieur de la glène en regard du point de
Néanmoins les résultats à moyen terme de ces implants contact de la tête humérale, sans usure significative,
ont rapidement montré la présence de lisérés progres- représente le type B1. Ce type de glène ne pose pas de
sifs, d’ostéolyse sévère, d’usure du polyéthylène, de problème de gestion du stock osseux, mais plutôt celui
déclipsage du polyéthylène et de fracture du metal-back de l’avenir de l’implant glénoïdien du fait de la subluxa-
et ou des vis. Bien que l’utilisation de ces implants ait été tion postérieure contre laquelle il est difficile de lutter.
rapidement limitée du fait de ces complications, ceux-ci Le type B2 se caractérise par la présence d’une cupule
représentent toujours aujourd’hui une cause possible de postérieure. À la manière d’une cupule tibiale formée
reprise chirurgicale. sous le condyle fémoral dans l’arthrose du genou, la
Alors que le taux de complication lié à la glène semble glène postérieure s’use en regard de la tête humérale
augmenter avec le recul, le taux de reprise pour descelle- subluxée en arrière. Si l’usure est faible (2 ou 3 mm)
ment est difficile à évaluer et les causes de reprise d’une avec une petite marche d’escalier, un fraisage asymé-
prothèse totale d’épaule sont souvent multifactorielles. trique permet de retrouver une surface plane prête à
Dès lors, les options de reprise d’un implant glénoïdien, recevoir l’implant (glène B2 « light »). À l’inverse, si la
si elles sont influencées par l’état du stock osseux glénoï- cupule postérieure est plus profonde, un comblement
dien, doivent également prendre en compte les éventuels de la perte de substance par une greffe osseuse est
problèmes associés tels qu’une instabilité prothétique, nécessaire. Là encore, il est difficile voire impossible
une rupture de coiffe, un sepsis aigu ou à bas bruit, ou d’obtenir une « réduction » de la subluxation de la
un descellement de l’implant huméral. Nous nous limi- tête et le risque de complications est important. La
terons dans ce chapitre aux options techniques pour plupart du temps, la tête prothétique va se position-
répondre à une perte de substance osseuse de la glène. ner sur le bord postérieur de l’implant glénoïdien.
Une greffe iliaque de reconstruction vissée combinée
Prothèses primaires avec la mise en place d’un implant glénoïdien est pos-
sible au prix d’un taux de descellement élevé à long
L’indication la plus fréquente pour un resurfaçage de la terme [8] si l’implant est cimenté. Si l’implant est
glène est l’omarthrose primitive. Le statut de la glène metal-back, une usure du polyéthylène va se produire
dans l’omarthrose primitive a été décrit par Walch en avec production de débris à l’origine du classique
3 types [23] (figure 1). Le type A se caractérise par une descellement sur granulome avec ostéolyse. Notre
usure centrée, assez limitée (glène A1), ou plus impor- expérience est en faveur de l’utilisation d’un implant
tante avec formation d’une cupule centrale par usure semi-contraint (prothèse inversée) qui, seul, permet
et production d’ostéophytes antérieurs et postérieurs de lutter contre la subluxation postérieure lorsque
(glène A2). Les glènes de type A1 ainsi que les glènes celle-ci est importante et que l’usure postérieure est
A2 ne posent généralement pas de problèmes majeurs sévère. En outre, en cas de nécessité de reconstruction
de gestion du stock osseux. Dans de rares cas, une glène osseuse, la platine vissée permet une greffe en un ou
A2 avec cupule très profonde peut diminuer la profon- deux temps (figure 2).
deur du cône glénoïdien et ne pas permettre la mise en Enfin, les glènes dysplasiques (type C) sont rares, mais
place d’un implant à quille. Les options thérapeutiques posent le même problème que les glènes B2 avec cupule
incluent l’absence de resurfaçage (hémiarthroplastie), importante. Il n’est généralement pas recommandé de
l’utilisation d’un implant à plots (plus courts qu’une mettre un implant glénoïdien en cas de prothèse non
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quille) ou la greffe osseuse. contrainte. Notre expérience des ostéotomies d’addi-


Le type B se caractérise par une subluxation pos- tion postérieure ou de fermeture antérieure n’est pas
térieure statique de la tête humérale en regard de la satisfaisante et cette option ne doit pas être retenue.
glène. La présence d’une condensation et/ou de géodes L’usure glénoïdienne dans l’omarthrose excentrée
est principalement à composante supérieure. Décrite
par Favard [21], la classification regroupe 4 stades
(figure 3). S’il n’y a pas d’usure (E0 ou E1), aucun geste
n’est nécessaire. En cas d’usure plus sévère (E2 ou E3),
un fraisage asymétrique ou une greffe osseuse en deux
temps ou plus souvent en un temps est nécessaire. La
greffe en un temps (en utilisant la tête humérale ou une
crête iliaque) est la solution la plus élégante, facilitée
Figure 1. Classification de l’usure de la glène dans le plan hori- par l’utilisation de l’embase glénoïdienne métallique
zontal, selon Walch [23]. non cimentée des prothèses inversées (figure 4).
424 L. NEYTON, G. WALCH

Figure 2. Greffe en deux temps en utilisant de la crête iliaque. A. (1 et 2) Glène B2 sévère avec importante usure et perte de subs-
tance postérieure. Subluxation postérieure de la tête humérale. B. Greffe iliaque tricorticale vissée. Seule la coupe a été réalisée
sur le versant huméral. C. Restauration du stock osseux autorisant, 6 mois plus tard, la mis en place d’un implant glénoïdien dans
de bonnes conditions.

si le stock osseux restant a permis sa mise en place © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
[12]. L’utilisation d’une prothèse inversée permet dans
cette indication de reconstruire la glène par une greffe
osseuse et de lutter contre l’instabilité antérieure.

Figure 3. Classification de l’usure de la glène dans le plan ver-


tical selon Favard.
Reprises après échec d’arthroplastie
Certaines situations très rares comme les luxations Descellement de l’implant glénoïdien
antérieures invétérées s’associent fréquemment à une
perte de substance osseuse de tout ou partie de la glène.
Traitement conservateur
Dans notre expérience, l’utilisation d’une prothèse non La présence de signes radiographiques de descellement de
contrainte expose au risque de récidive de l’instabilité la glène sans retentissement douloureux et/ou fonctionnel
antérieure et de descellement de l’implant glénoïdien relève souvent du traitement non chirurgical. Le descelle-
Usure et perte de substance glénoïdienne dans les prothèses d’épaule : options techniques 425

Figure 4. Greffe en un temps en utilisant la tête humérale. A. (1 et 2)


Glène E3. Perte de substance supérieure sévère. B. Préparation de
la greffe issue de la coupe humérale. C. Avivement de la glène
native afin de favoriser l’union à l’interface glène-greffe.

ment glénoïdien est souvent silencieux, bien toléré par le


patient, et il n’est pas rare que les douleurs soient absentes
Greffe osseuse sans réimplantation
avant que le stock osseux ne soit très altéré. Un patient Cette option est choisie en cas de défect important
âgé et/ou un état général précaire doivent faire préférer dans le but de reconstruire le stock osseux glénoïdien.
le traitement conservateur, incluant le repos, l’adapta- L’impaction de greffons osseux est le traitement de choix
tion du niveau d’utilisation du bras, les antalgiques et les lorsque le patient est encore jeune, l’implant huméral non
anti-inflammatoires. Chez un sujet plus jeune et motivé, descellé, et la coiffe des rotateurs capable de stabiliser et
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une reprise chirurgicale avant progression vers des dégâts centrer la tête humérale. Cette option peut être le premier
osseux plus importants doit être discutée. temps avant réimplantation une fois la greffe intégrée.
Si la greffe osseuse est reconnue comme efficace dans le
comblement des pertes de substance, le type de greffe reste
Ablation simple de l’implant descellé débattu. Plusieurs options sont possibles : greffe morce-
Lorsque le patient est fragile et n’est pas candidat à une lée ou structurelle, allogreffe, autogreffe (crête iliaque),
chirurgie de reprise lourde, l’ablation simple de l’implant os synthétique (demineralized bone matrix [DBM]).
descellé est possible. L’implant est extrait à ciel ouvert ou Antuna et al. [1] relatent leur expérience de la greffe
sous arthroscopie, l’articulation étant nettoyée parallèle- spongieuse impactée (allogreffe) et notent une média-
ment à l’ablation du ciment. La perte de fonction obser- lisation moyenne significative (7,5 mm) de la tête
vée dans les suites est liée à la diminution du bras de humérale sur la glène. Malgré cette médialisation, une
levier d’action de la coiffe et du deltoïde par médialisa- réimplantation dans un second temps a été possible
tion de la tête humérale et usure de la glène restante. En dans 3 cas. Néanmoins, le stock osseux reconstruit et
outre, cette usure du stock osseux compromet la possibi- disponible au moment de la réimplantation n’était pas
lité ultérieure de réimplantation d’une glène [17]. équivalent à la greffe initialement impactée.
426 L. NEYTON, G. WALCH

Frankle et Long [5] rapportent les résultats de 14 nouveau dans les 3 ans pour douleur persistante avec
allogreffes massives de reconstruction lors de chirurgie réimplantation d’une glène.
de reprise. Onze patients ont été suivis radiographi- Notre expérience [18] dans l’utilisation d’allogreffe
quement chez lesquels il a été retrouvé une résorption est similaire avec compression et/ou résorption de la
de l’allogreffe et une médialisation de la tête humérale greffe, médialisation de la tête humérale et perte de
4 fois. l’élévation antérieure dans l’année suivant la reprise.
Norris et al. [8,14,20] recommandent de mixer Ces résultats nous ont incités à l’utilisation d’auto-
l’allogreffe avec du DBM. De nombreuses formes greffe structurelle d’origine iliaque avec la surface cor-
commerciales peuvent être utilisées : Allomatrix cus- ticale faisant face à la tête humérale afin de fournir une
tom® (Wright Medical Technology Inc., Memphis, résistance mécanique à la médialisation.
Tennessee), Dynagraft® (IsoTis OrthoBiologics US,
Irvine, California), Grafton® (Osteotech, Eatontown, Perte de substance osseuse cavitaire
New Jersey) ou Opteform® (Exactech, Gainsville,
Florida). Les résultats rapportés sont satisfaisants en Le greffon est impacté dans la cavité glénoïdienne avec
terme de soulagement des douleurs, mais avec une le versant cortical face à la tête prothétique [9]. De l’os
faillite progressive de la greffe dans un nombre élevé spongieux peut être ajouté à la demande pour combler
de cas. Treize pour cent des patients ont été opérés à les petits espaces restants (figure 5).

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Figure 5. Perte de substance cavitaire. A. Descellement de


glène avec perte de substance cavitaire (scanner). B. Perte
de substance centrale (vue intra-opératoire). C. Copeaux
spongieux d’origine iliaque. D. Impaction des copeaux dans
la perte de substance.
Usure et perte de substance glénoïdienne dans les prothèses d’épaule : options techniques 427

Perte de substance osseuse combinée Réimplantation d’une glène


(centrale et périphérique) cimentée et cimentoplastie
Un greffon massif tricortical et des copeaux spongieux
sont nécessaires. La greffe est façonnée de manière à La perte de substance osseuse est comblée par le ciment
combler la perte de substance, temporairement fixée avant scellement de l’implant. Les résultats rapportés sont
par des broches de Kirschner avant vissage par vis de meilleurs que l’ablation simple de l’implant descellé
3,5 mm dans la glène native. Le vissage peut se faire [1,2,7,17], mais le risque de descellement itératif est élevé.
de latéral en médial à condition que les têtes de vis
soient enfouies pour éviter le contact avec la tête pro-
thétique. Des vis résorbables peuvent également être Réimplantation d’une glène
utilisées. Le vissage peut aussi se faire de l’avant vers cimentée avec greffe
l’arrière en cas de perte de substance antérieure. En
cas de défect postérieur, l’exposition peut être difficile. Il est possible d’envisager une greffe impactée ou vissée
Un vissage de l’arrière vers l’avant peut être réalisé en avec mise en place d’une glène cimentée en un temps,
percutané au travers du deltoïde postérieur et facilité mais cette option s’est soldée, dans notre expérience,
en utilisant une canule d’arthroscopie (figure 6). par une migration précoce de l’implant.
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Figure 6. Perte de substance centrale et périphérique. A. Perte de substance


centrale et périphérique (vue axillaire). B. Perte de substance centrale et péri-
phérique (scanner). C. Fixation temporaire de la greffe sur la glène native par
deux broches. D. Vissage latéro-médial par deux vis résorbables enfouies.
428 L. NEYTON, G. WALCH

Réimplantation d’une glène non Antuna et al. [1] rapportent 8 cas de reprise avec un
implant glénoïdien non cimenté non contraint. Trois
cimentée metal-back vissée avec n’ont pas nécessité de greffe (pas de perte du stock
ou sans greffe spongieuse osseux ou perte de substance centrale non significa-
tive) et 5 ont été implantés avec greffe spongieuse.
Cette option est la plus satisfaisante, permettant une Bien que l’efficacité sur la douleur soit satisfaisante, un
reconstruction du stock osseux ainsi que la remise en liséré périprothétique était retrouvé dans 42 % des cas
place d’un implant. à moyen terme. Cette option n’est valide qu’en cas de

A B

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C1 C2
Figure 7. Technique « in situ » selon Norris. A. Fraisage in situ sur la crête iliaque. B. Crête iliaque préparée. C. (1 et 2) Mise en place
de la platine métallique à plot long sur la crête iliaque.
Usure et perte de substance glénoïdienne dans les prothèses d’épaule : options techniques 429

Figure 7. (Suite) D. Prélèvement du bloc platine métalique-


greffe iliaque. E. Recoupe de la greffe pour une meilleure
adaptation à la perte de substance. F. Glène native prépa-
rée (trou central et avivement par fraisage). G. Aspect final.
Le plot central long traverse la greffe et pénètre dans la
glène native. G
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coiffe intacte. En outre, l’utilisation d’un implant glé- iliaque sont impactées, et une platine à plot standard
noïdien metal-back avec une prothèse non contrainte ou long est utilisée. Il est primordial que le plot central
pose le problème déjà connu d’une usure fréquente et soit ancré dans la glène native et pas seulement dans
rapide du polyéthylène. la greffe ; nous avons observé deux cas d’échec précoce
La combinaison d’une greffe osseuse glénoïdienne pour ne pas avoir respecté ce principe. Si la tenue pri-
avec une prothèse inversée est une nouvelle option maire de l’embase métallique n’est pas suffisante pour
issue des succès obtenus avec cette prothèse dans les supporter les forces dues à l’implant semi-contraint, la
reprises. La platine métallique permet la mise en place sphère est mise en place, mais l’implantation de la tige
d’une greffe et la fixation par les 4 vis périphériques humérale est différée de 3 à 6 mois après intégration
[16,19]. de la greffe. Notre expérience de cette technique est
En cas de perte de substance minimale et centrale, des satisfaisante tant sur le plan clinique que radiologique
« chips » spongieuses prélevées aux dépens de la crête à moyen terme.
430 L. NEYTON, G. WALCH

En cas de perte de substance centrale importante ou lité précaire de la reconstruction. Norris recommande
d’atteinte des parois, il est recommandé de reconstruire le perçage, le fraisage et la mise en place de l’implant
le stock osseux par une greffe massive corticospon- in situ sur la crête iliaque. Le prélèvement de la crête
gieuse iliaque. Cette reconstruction peut être réalisée iliaque se fait ensuite autour de l’embase et l’os peut
aussi bien en deux temps qu’en un temps comme pro- ensuite être modelé à la demande pour s’adapter à la
posé par Norris [19]. Le perçage et le fraisage de la perte de substance. Là encore, il est nécessaire d’uti-
greffe tricorticale nécessaire avant la mise en place de liser une embase à plot long (25 ou 30 mm) afin que
l’embase sont rendus très difficiles du fait de la stabi- celui-ci soit situé dans la glène native (figure 7).

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431

Transferts tendineux
et prothèses d’épaule
Tendon transfers and shoulder replacement

Y. ROUSSANNE, P. BOILEAU

RÉSUMÉ SUMMARY
Les muscles de la coiffe des rotateurs ont un rôle primordial dans Rotator cuff muscles play a cardinal role in the function of the
le fonctionnement de l’articulation glénohumérale. L’épaule pro- glenohumeral joint. Shoulders with a replacement are no excep-
thésée n’échappe pas à cet impératif. Certaines lésions tendino- tion to this rule. Some tendinous-muscular lesions can jeopar-
musculaires peuvent perturber le fonctionnement et la longévité dize the function and the survival of the prosthesis. Muscle and
de l’épaule prothétique. Les transferts tendinomusculaires peu- tendon transfers can allow in given indications to « save » a non-
vent permettre dans certaines indications de « sauver » une pro- constrained prosthesis. Associated to reverse prostheses, these
thèse anatomique. Associés aux prothèses inversées, ils peuvent transfers allow the improvement of functional results when the
permettre d’améliorer le résultat fonctionnel en cas d’atteinte posterior cuff is affected by restoring external rotation. Lastly, in
de la coiffe postérieure en restaurant la rotation externe. Enfin, the case of tumor surgery, if the removal of the cuff is necessary,
en cas de chirurgie carcinologique où l’excision de la coiffe des they are part of the arsenal of treatment for the reconstruction
rotateurs est nécessaire, ils font aujourd’hui partie de l’arsenal of a functional shoulder.
thérapeutique pour la reconstruction d’une épaule fonctionnelle.

Mots clés : Épaule. – Arthroplastie. – Transfert tendineux. Key words: Shoulder. – Arthroplasty. – Tendon transfer.

Introduction et du teres major à la face postérolatérale de l’humé-


rus. Ces deux muscles initialement rotateurs internes
Le concept de transfert tendinomusculaire est large- devenaient rotateurs externes après le déroutement de
ment utilisé en chirurgie palliative au niveau du mem- leurs tendons autour de la diaphyse humérale.
bre supérieur et au niveau du pied. L’objectif d’un L’idée de réaliser un transfert musculotendineux dans
transfert musculotendineux est de pallier la déficience les ruptures irréparables de la coiffe des rotateurs a été
d’un muscle ou d’un groupe musculaire en détour- proposée par Mikasa en 1984. Il s’agissait d’un trans-
nant l’action d’un muscle fonctionnel. Cela consiste à fert du trapèze sur l’épiphyse humérale, mais les résul-
modifier le site d’insertion tendineux afin de changer tats se sont avérés décevants car non reproductibles
la course et l’action du muscle moteur. Les caractéristi- [29]. En 1988, Gerber a décrit le transfert du latissi-
ques du muscle transféré doivent idéalement se rappro- mus dorsi dans le traitement des ruptures irréparables
cher de celles du muscle déficient en ce qui concerne du supra- et de l’infraépineux [22]. Différentes études
l’excursion, la force et l’orientation, afin de restaurer biomécaniques ont été réalisées pour étudier l’effet des
au mieux la fonction déficiente [10,14]. différents transferts autour de l’épaule [27,33].
Au niveau de l’épaule, le premier transfert à avoir été L’arthroplastie d’épaule a bénéficié d’un formidable
décrit est celui du latissimus dorsi et du teres major par essor depuis ces 20 dernières années. Le développe-
L’Episcopo en 1934 [26]. Le principe consistait à res- ment d’implants anatomiques et non anatomiques et
taurer la rotation externe dans le traitement des séquel- l’amélioration des techniques chirurgicales expliquent
les paralytiques des plexus obstétricaux. Le traitement cette progression. Deux grands types d’implant sont
associait la libération de la contracture des rotateurs aujourd’hui utilisés : d’une part les prothèses dites
internes (libération du sous-scapulaire proposée par anatomiques ou prothèses non contraintes (prothè-
Sever) et un transfert postérolatéral du latissimus dorsi ses totales, prothèses humérales simples, implants de

Prothèses d’épaule. État actuel


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432 Y. ROUSSANNE, P. BOILEAU

resurfaçage) et d’autre part les prothèses inversées, Cette rupture peut être favorisée par des antécédents
semicontraintes et non anatomiques. Les indications de chirurgicaux [1,2], par la mauvaise qualité des tendons
chaque type d’implant sont aujourd’hui bien définies retrouvée au cours des pathologies inflammatoires. La
et les causes d’échec sont également mieux connues. technique de réinsertion du tendon ou un surdimen-
Plus récemment, l’essor des prothèses inversées a sionnement des implants ont également été incriminés
reporté au second plan ces transferts devant les résul- [16]. Enfin, une rééducation inadaptée ou trop agres-
tats encourageants à court et à moyen terme, même si sive est parfois en cause. Rarement, il peut s’agir d’une
tous les problèmes ne sont pas résolus et si le taux de véritable rupture traumatique [28]. La rupture peut
complications reste élevé [7,36,40]. passer totalement inaperçue lorsqu’elle survient sur une
La place des transferts tendinomusculaires en associa- prothèse mise en place depuis plusieurs mois. Mais elle
tion avec une prothèse d’épaule est aujourd’hui encore est souvent suivie d’une dégradation fonctionnelle, par
mal définie. Il s’agit la plupart du temps de solution l’apparition de douleurs et la survenue d’une subluxa-
de sauvetage lorsqu’ils sont proposés en association tion prothétique. Lorsque la rupture est aiguë, elle est
avec une arthroplastie anatomique. Dans le cadre des ressentie par le patient comme une douleur et parfois
prothèses inversées, ils peuvent permettre d’améliorer un craquement. La rupture s’accompagne d’une aug-
le résultat fonctionnel, que ce soit pour des ruptures mentation de l’amplitude de la rotation externe passive
non réparables de la coiffe des rotateurs ou pour des signant la rupture tendineuse. Cliniquement, le « lift-
reconstructions après résection tumorale. off sign » ainsi que le « belly press test » sont positifs
Le but de ce chapitre est de décrire les différentes et une sensation d’instabilité est parfois retrouvée. Le
techniques et indications des transferts tendineux asso- diagnostic clinique de rupture du sous-scapulaire peut
ciés aux prothèses d’épaule. ne pas être évident du fait de la positivité fréquente de
ces signes cliniques en période postopératoire, ce qui
explique que le diagnostic est souvent retardé [12,20].
Prothèses anatomiques Toute luxation antérieure prothétique doit être consi-
et transferts tendineux dérée comme associée à une rupture du tendon du
sous-scapulaire [16].
L’intégrité fonctionnelle de la coiffe des rotateurs est un En cas de rupture récente, la réparation doit être
des prérequis indispensables à la mise en place d’une tentée compte tenu de difficultés à effectuer la répa-
prothèse anatomique afin d’assurer le fonctionnement ration à distance [11,25,30,32]. D’autre part, la répa-
et la longévité des implants [28,32,34,42,43]. Le prin- ration précoce semble apporter de meilleurs résultats
cipe de la stabilité articulaire est le même que sur les [19,20]. Malheureusement, la réparation tendineuse
épaules natives : dans le plan horizontal, il existe un n’est pas toujours possible du fait de la mauvaise qua-
équilibre entre les rotateurs internes et les rotateurs lité des tissus ou à cause de la rétraction. En cas de
externes qui assure le centrage de la tête humérale dégénérescence graisseuse avancée (stade III ou IV)
[16]. Dans le plan vertical, les muscles de la coiffe du sous-scapulaire, la réparation n’est habituellement
des rotateurs stabilisent la tête humérale en évitant la pas réalisable ni souhaitable, car le risque de rerup-
migration proximale. La rupture d’un des éléments ture est élevé [32]. C’est dans ce cas qu’un transfert
de la coiffe entraîne un déséquilibre de ce système et tendineux peut être nécessaire, afin de stabiliser la
peut aboutir à l’excentration de la tête humérale et à prothèse. En cas de subluxation prothétique, aucun

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l’instabilité. Ce processus évolue inéluctablement vers transfert ne peut, à ce stade, permettre de recentrer
l’usure précoce et le descellement prothétique. la prothèse [37,41]. L’unique solution est alors d’en-
Lorsqu’il existe une subluxation prothétique, les visager le changement prothétique par une prothèse
lésions sont le plus souvent irréparables et la seule solu- semicontrainte inversée.
tion est souvent la reprise chirurgicale par un implant Le transfert musculo-tendineux idéal doit restaurer
semicontraint en fonction du stock osseux glénoïdien. l’effet de stabilisateur du sous-scapulaire dans le plan
Depuis l’apparition de la prothèse inversée, les indi- frontal et avoir un effet de rotateur interne de l’épaule.
cations de transfert associé à une prothèse anatomique Plusieurs transferts ont été décrits :
sont rares, mais l’indication de choix est la rupture du – le transfert du trapèze [23] ne présente pas les carac-
tendon du muscle sous-scapulaire. Bien qu’elle soit téristiques anatomiques permettant de remplacer de
rare, c’est une des complications les plus fréquentes façon optimale le sous-scapulaire et n’a pas d’indica-
des arthroplasties anatomiques [5,16,31]. Elle peut tion en association avec une prothèse ;
être à l’origine de douleurs, d’instabilité prothétique et – le transfert du pectoralis major (PM) a été initia-
de descellement à moyen terme [16,30,32]. lement décrit par Young [45] et Wirth et Rockwood
Transferts tendineux et prothèses d’épaule 433

[42–44] pour le traitement des ruptures irréparables du La rééducation est débutée de façon précoce en pen-
sous-scapulaire dans le cadre du traitement des instabi- dulaire. La rotation externe doit être evitée (rotation
lités glénohumérales. Ce transfert permet de restaurer neutre) pendant toute cette période.
la fonction et d’améliorer les douleurs. Il a également Les résultats de ces transferts réalisés de façon isolée
un rôle stabilisateur de l’articulation. Le reproche que ont été publiés par Vidil et Augereau, Resch et Gerber
l’on peut faire à ce transfert est que les caractéristiques [18,35,37]. Ils rapportent des résultats sur la force qui
biomécaniques du PM ne sont pas exactement identi- sont modestes, mais l’amélioration est essentiellement
ques à celles du sous-scapulaire. En effet, son insertion au niveau de la douleur et de la diminution de la sen-
à la face antérieure de la cage thoracique et son trajet sation d’instabilité. Il n’existe à ce jour aucune série
font qu’il ne peut pas avoir un rôle de stabilisation de la littérature rapportant les résultats de ce transfert
identique à celui du sous-scapulaire. Vidil et Augereau associé à une prothèse.
[37] ont proposé de ne prendre que la portion clavi- Pour nous, les indications de transfert du PM après
culaire du PM. Resch et Warner [35,39] ont proposé arthroplastie anatomique doivent être réservées aux rup-
de modifier la technique en passant le tendon à la face tures récentes du sous-scapulaire et doivent être consi-
profonde du coracobiceps afin de rapprocher le trans- dérées comme une solution de sauvetage. Si la rupture
fert du centre de rotation de l’articulation et d’aug- est ancienne, s’il existe une subluxation ou une luxation
menter ainsi le rôle stabilisateur. Ariane Gerber et antérieure prothétique fixée, la révision prothétique par
J.J. Warner ont, eux, proposé une technique associant une prothèse inversée est la seule solution permettant
un transfert du teres major et de la partie sternale du d’obtenir une articulation à la fois stable et mobile.
PM [17] dans le but de remplacer les deux portions du
sous-scapulaire. Les travaux biomécaniques réalisés
par cette équipe comparant les différentes modalités Prothèses inversées
du transfert du PM ont mis en évidence que les caracté- et transferts tendineux
ristiques biomécaniques du transfert combiné du teres
major et de la partie sternale du PM sont celles qui se La prothèse inversée, développée à partir du concept
rapprochent le plus de celles du sous-scapulaire. de Paul Grammont, a permis d’apporter une solution
aux arthropathies avec ruptures irréparables de la
coiffe des rotateurs (« cuff tear arthropathy ») [8,40].
Transfert du pectoralis major pour Elle redonne à la fois l’indolence et permet d’espérer
une restauration de l’élévation active. La fonction défi-
rupture irréparable du muscle ciente d’abduction du supraépineux est assurée par le
subscapulaire deltoïde, dont le moment d’action verticale est trans-
formé en moment d’abduction par la médialisation du
La voie d’abord est deltopectorale. Elle est élargie en centre de rotation de l’articulation et l’abaissement
distal pour visualiser la totalité de l’insertion humé- huméral [8,24].
rale du PM. Une excision des tissus cicatriciels à la Le transfert du PM peut aussi être associé à une pro-
face antérieure de l’articulation doit être réalisée. Le thèse inversée, lorsque celle-ci présente une instabilité
moignon tendineux est repéré et libéré de ses adhéren- antérieure. Si les résultats sur l’abduction des PTEI
ces. En cas de rupture récente, la réparation tendineuse sont bons, ce type de prothèse ne permet pas de restau-
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peut être tentée après libération extensive du tendon et rer la rotation externe active lorsque celle-ci est défi-
du corps musculaire. Le tendon du PM est détaché de ciente. On observe même une diminution habituelle de
son insertion humérale et le corps musculaire est libéré la rotation externe active après ce type d’arthroplas-
de ses adhérences sur 8 cm ; la face profonde du cora- tie. En cas d’atrophie des muscles rotateurs externes,
cobiceps est libérée et le nerf musculocutané est repéré. et notamment d’extension postérieure des lésions de
Le transfert est passé à la face profonde du coracobi- la coiffe à l’infraépineux et surtout au teres minor,
ceps et fixé au niveau du trochin par des points trans- les patients conservent un déficit de rotation externe
osseux ou à l’aide d’ancres appuyées sur la gouttière active malgré la restauration de l’élévation (figures 1A
du long biceps. La ténodèse de la longue portion du à 1E). Dans notre expérience, lorsque le teres minor est
biceps, si elle n’a pas été réalisée lors de la mise en absent ou atrophique, la fonction de rotateur externe
place de la prothèse, est fixée à ce niveau par les sutu- de la portion postérieure du deltoïde reste insuffisante
res après résection de la portion intra-articulaire du pour autoriser une rotation externe active [7,9].
tendon. L’immobilisation postopératoire se fait dans Bien que rare, la perte de la rotation externe active
une écharpe en rotation interne pendant 6 semaines. entraîne un handicap important dans les actes de la vie
434 Y. ROUSSANNE, P. BOILEAU

A B D

Figure 1. Exemple d’une patiente déçue après une prothèse inversée : en dépit du
bon positionnement de la prothèse sur les radiographies (A) et de la restauration
complète de l’élévation (B), la patiente est déçue à cause d’un signe du clairon
persistant (C) et par une incapacité à contrôler son bras dans l’espace. Elle pré-
sente une rotation externe coude au corps (RE1) négative (D). Le scanner préopé-
ratoire met en évidence une infiltration graisseuse sévère (stade 4 de Goutallier)
E du teres minor.

quotidienne : donner une poignée de main, se coiffer ou Nous avons décrit une technique de transfert des
s’habiller deviennent des gestes très difficiles et même muscles teres major et latissimus dorsi par voie del-
parfois impossibles à réaliser. Il existe une impossibi- topectorale unique [3,4,6] inspirée de la technique
lité pour le patient à contrôler la position du membre décrite en 1934 par L’Episcopo. Ce transfert, initia-
dans l’espace, qui a une tendance à la rotation interne lement proposé dans le traitement des séquelles de
automatique sous l’action de la gravité. Cliniquement, paralysies obstétricales du plexus brachial, était alors
un signe du clairon et un signe du portillon sont systé- réalisé par deux voies d’abord distinctes. Le principe
matiquement retrouvés. La rotation externe active est consiste à transformer le teres major et le latissimus

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nulle, voire négative (figure 1). dorsi, muscles rotateurs internes de l’épaule, en rota-
En cas d’atteinte irréparable de la coiffe des rota- teurs externes en reroutant leurs tendons autour de
teurs, deux catégories de patients distinctes peuvent l’humérus pour venir les fixer à la partie postérola-
être individualisées en fonction du déficit fonctionnel térale du trochiter au niveau du site d’insertion du
présent : d’un côté, des patients présentant un défi- teres minor. Ce transfert peut être réalisé seul en cas
cit d’élévation active avec conservation de la rotation de déficit isolé de la rotation externe ou en association
externe active et pour lesquels la prothèse inversée seule avec une prothèse inversée en cas de perte combinée de
est l’indication de choix ; de l’autre côté, des patients l’élévation antérieure et de la rotation externe.
qui présentent une perte combinée de l’élévation et de Gerber a proposé le transfert unique du muscle latis-
la rotation externe et pour lesquels la prothèse inver- simus dorsi associé à l’arthroplastie inversée par deux
sée isolée ne permettra pas de retrouver une fonction voies d’abord [21] : deltopectorale et axillaire posté-
correcte [4]. Dans ce cas, l’utilisation d’un transfert rieure, avec des résultats comparables.
musculotendineux restaurant la rotation externe asso- Une étude biomécanique récemment publiée confirme
cié à la prothèse inversée peut être discutée. la capacité du transfert de latissimus dorsi à restaurer
Transferts tendineux et prothèses d’épaule 435

la rotation externe active [13]. Cette étude confirme négative associée à un « dropping sign », un signe du
que le transfert doit idéalement être fixé au niveau de portillon et un signe du clairon positifs. Ces symptô-
l’insertion du teres minor. mes cliniques, décrits par Walch [38], sont associés sur
les examens d’imagerie (arthroscanner et/ou IRM) à
une infiltration graisseuse de l’infraépineux et à une
Transfert combiné du latissimus absence ou atrophie du teres minor [15]. En pratique
dorsi et du teres major associé et d’après notre expérience, cela correspond à environ
à une arthroplastie inversée 1–10 % des cas d’indication de prothèse inversée [3].
L’intégration du transfert est longue, notamment
Le patient est installé en position semi-assise (« beach chez les patients âgés, mais nous n’avons pas, contrai-
chair position »). Le champage stérile laisse le bras rement à certains auteurs [17], fixé de limite d’âge
libre pendant toute l’intervention. La voie d’abord est pour la réalisation de cette procédure. Le patient doit
deltopectorale. Le tendon du PM est sectionné par- être capable de s’investir afin d’intégrer et de faire
tiellement à la jonction tendinomusculaire au niveau fonctionner le transfert et il doit également supporter
de sa moitié supérieure, afin de visualiser l’insertion l’immobilisation dans l’attelle d’abduction pendant
commune du teres major et du latissimus dorsi. Le les 6 semaines nécessaires à la cicatrisation (figure 3).
moignon tendineux restant inséré au niveau huméral Dans notre expérience, l’exclusion des patients âgés de
permet la réinsertion en fin d’intervention et le renfor- plus de 70 ans exclurait la plupart des personnes chez
cement de la fixation du transfert. qui ce transfert est indiqué. D’autre part, le bénéfice de
La longue portion du biceps est exposée à ce niveau ce transfert sur la rotation externe existe même lors-
et réfléchie latéralement afin de compléter l’exposition que le transfert n’agit pas de façon active par l’effet
des deux tendons. La ténodèse du biceps est effectuée ténodèse qui atténue la tendance à la rotation interne
au niveau de la gouttière sans ouvrir celle-ci. automatique de l’épaule. Les contre-indications sont
Le bord supérieur du tendon du latissimus dorsi donc relatives, car le geste de transfert ne rallonge
est situé immédiatement en dessous des vaisseaux que peu la durée d’intervention et il est effectué par
axillaires antérieurs et de la portion inférieure, la même voie d’abord. L’un des inconvénients est la
musculaire, du muscle sous-scapulaire. Le bord possible limitation de la rotation interne.
inférieur est visualisé à la partie distale de l’incision
grâce à la mise en place d’un écarteur à valve. Le
bras est mis en rotation externe maximale. Les ten- Transferts tendineux et
dons sont mis sur fils et détachés de leur insertion arthroplastie pour reconstruction
osseuse humérale. après résection tumorale
La libération du transfert est un temps important de
l’intervention pour obtenir une course tendineuse opti- Le traitement chirurgical des tumeurs osseuses primiti-
male. Elle est effectuée de proche en proche à l’aide ves ou secondaires de l’extrémité proximale de l’humé-
de tampons montés. Des adhérences au niveau de sa rus fait appel dans la majorité des cas à une résection
partie inférieure doivent être également levées délica- tumorale étendue qui comprend l’excision de la tota-
tement en contrôlant le nerf radial. Après libération, lité de la coiffe des rotateurs.
l’excursion du transfert est testée et doit permettre une La reconstruction est assurée par des prothèses de
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course d’au moins 4 cm (figure 2A). reconstruction de type inversé. Elles comprennent
La mise en place de la prothèse est classique. Le une tige longue sur laquelle il est possible de réin-
transfert est facilité par l’absence fréquente de coiffe sérer des tendons. Ici encore, le résultat fonctionnel
postérieure. Il est passé en arrière de la diaphyse humé- sur l’abduction est en général acceptable, mais il est
rale, à la face profonde du triceps qui n’est pas détaché grandement péjoré par l’impossibilité pour le patient
(figure 2B). Il est fixé bras en rotation neutre en lieu de mettre la main à la bouche et d’effectuer les gestes
et place du site d’insertion du teres minor, à la partie nécessitant une rotation externe active de l’épaule.
postérieure du trochiter, avant réduction des implants De la même façon que dans les lésions étendues de
(figure 2C). La fixation est assurée par des sutures la coiffe, nous pensons qu’un transfert du latissimus
transosseuses mises en place avant le scellement de dorsi et du teres major est une intervention qui permet
l’implant huméral définitif ainsi que des sutures pas- d’obtenir un gain fonctionnel important, ce d’autant
sant autour de la prothèse. que parfois les patients présentant ces tumeurs sont
Nous réservons cette indication aux patients pré- jeunes et actifs. Nous avons réalisé un transfert de
sentant en préopératoire une rotation externe active type L’Episcopo dans 3 cas avec succès [4] au cours
436 Y. ROUSSANNE, P. BOILEAU

A B

Figure 2. Transfert du latissimus


dorsi et du teres major par voie
deltopectorale associé à la mise en
place d’une prothèse inversée. Les
deux tendons sont mis sur fil et le
corps musculaire est libéré de ses
adhérences, permettant d’obtenir
une excursion satisfaisante (A). Le
transfert est ensuite passé à la face
postérieure de la diaphyse humérale ;
ceci est facilité par la luxation pro-
thétique (B). La fixation du transfert
est idéalement réalisée au niveau de
la partie postérieure du trochiter en
lieu et place du teres minor (C).

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Figure 3. Le patient est immobilisé


en postopératoire dans une orthèse
maintenant le bras à 30° d’abduc-
tion et 30° de rotation externe pour
une durée de 6 semaines.
Transferts tendineux et prothèses d’épaule 437

d’une chirurgie en un seul temps et par voie deltopec- long terme des prothèses. Les transferts tendineux
torale unique. peuvent, dans certains cas spécifiques de rupture du
La reconstruction après exérèse tumorale fait tendon du sous-scapulaire, permettre un sauvetage
aujourd’hui appel en priorité à l’utilisation de prothèses d’une prothèse anatomique à condition que la rupture
inversées avec des tiges longues, qui permettent d’espé- soit diagnostiquée avant que ne survienne l’excentra-
rer un résultat fonctionnel acceptable. Le bénéfice d’un tion prothétique. Dans les autres cas, le recours à une
transfert restaurant la rotation externe réalisé au cours arthroplastie inversée est préférable.
du même temps opératoire, par la même incision que En parallèle, l’expérience des prothèses inversées a
celle réalisée pour l’exérèse tumorale, est indéniable. montré qu’elles ne permettaient pas d’obtenir la satis-
faction des patients dans tous les cas. L’utilisation de
transfert permettant de restaurer une rotation externe
Conclusion active en cas d’extension postérieure des lésions de la
coiffe des rotateurs a permis de solutionner un pro-
Les progrès réalisés dans l’arthroplastie d’épaule l’ont blème qui était jusqu’alors non résolu.
été grâce au développement d’implants anatomiques, Ces techniques palliatives ne doivent pas nous faire
modulaires et adaptables, permettant d’approcher au oublier l’importance du diagnostic lésionnel préopé-
mieux la physiologie articulaire de l’épaule native. Ils ratoire, qui repose sur la clinique et l’imagerie, et doit
sont également le fruit de la compréhension de l’im- guider l’indication chirurgicale afin d’éviter la chirurgie
portance des structures musculaires dans la survie à itérative dont les résultats sont toujours plus incertains.

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439

Complications des prothèses totales


d’épaule inversées
Complications after reversed total shoulder arthroplasty

A. DJAHANGIRI, C. GERBER

RÉSUMÉ SUMMARY
L’implantation d’une prothèse totale d’épaule inversée est indi- Reversed total shoulder arthroplasty (RTSA) is indicated for the
quée devant une épaule douloureuse, non fonctionnelle, avec une treatment of massive irreparable rotators cuff tears associa-
coiffe non reconstructible. L’indication était initialement réservée ted with glenohumeral osteoarthritis. The indication was ini-
à l’omarthrose excentrée du sujet âgé, mais elle a été progressive- tially reserved for elderly patients with cuff tear arthropathy.
ment élargie aux épaules pseudoparalytiques ainsi qu’aux fractures Progressively, the success of RTSA has led to extension of the
déplacées de l’humérus proximal du sujet très âgé et aux séquel- indication to shoulder pseudoparesis due to irrecoverable rotator
les des fractures. Elle peut également représenter une solution de cuff deficiency, to fractures of the proximal humerus, to fracture
sauvetage lors d’échec d’hémiarthroplastie ou de prothèse totale sequelae and to the salvage of failed hemi- or total shoulder
d’épaule. Grâce aux bons résultats rapportés à court et moyen arthroplasty. Due to the good short- and medium-term results
terme, l’engouement autour de cette prothèse grandit avec des reported in the literature, the use of RTSA is rapidly increasing.
indications opératoires de plus en plus élargies. Les taux de com- Yet, specialized centers for shoulder surgery report a complica-
plication rapportés par des centres de référence pour la chirurgie tion rate of between 6 and 50%. The most frequent complica-
d’épaule sont pourtant entre 6 et 50 %. Les complications les plus tions observed are infection, glenoid problems (loosening and
fréquentes sont les infections, les problèmes glénoïdiens (descelle- disassembly), instability and acromion fractures. Most of these
ment et désassemblage), les instabilités et les fractures de la voûte complications are related to problematic operative indication or
acromiale. La majorité des complications, surtout dans les prothèses suboptimal surgical technique. These complications often require
inversées de première intention, sont en relation avec une erreur revision surgery and have little impact on the final result if the
d’indication ou une faute de technique opératoire. Leur traitement prosthesis can be retained. Conversely, if the prosthesis has to
nécessite en règle générale une reprise chirurgicale. Au cas où la be removed, a flail arm is the inevitable consequence. Scapular
prothèse peut être retenue, le résultat fonctionnel n’est pas grave- notching, which has an incidence of up to 60%, is not included
ment compromis. En revanche, si l’ablation de la prothèse s’avère in this presentation. The occurrence of scapular notching has
nécessaire, il résulte un bras ballant non fonctionnel. Les encoches nevertheless a poor functional prognostic value. Most of compli-
scapulaires, dont le taux dépasse 60 %, ne sont pas comptabilisées cations and scapular notching could be prevented with a rigo-
parmi les complications. Elles représentent néanmoins un facteur rous operative indication and surgical technique.
de mauvais pronostic fonctionnel. Les complications, tout comme
les encoches scapulaires, peuvent, dans la grande majorité, être évi-
tées par une indication et une technique opératoire rigoureuses.

Mots clés : Rupture de coiffe irréparable. – Prothèse d’épaule Key words: Irreparable cuff tear. – Reversed shoulder arthroplasty.
inversée. – Complication. – Complication.

Introduction médialisation ainsi qu’un abaissement du centre de


rotation [8]. Par ce biais, le bras de levier du deltoïde est
L’implantation d’une prothèse totale d’épaule inversée augmenté, ce qui lui permet de pallier l’absence d’ac-
est indiquée pour traiter les symptômes d’une omarth- tivité du muscle supraépineux. Les fibres musculaires
rose excentrée correspondant à une omarthrose asso- du deltoïde antérieur et postérieur sont ainsi également
ciée à une rupture irréparable de la coiffe des rotateurs. recrutées pour devenir principalement abducteur [2].
Développée par Grammont, la caractéristique méca- La prothèse inversée, qui était considérée comme une
nique de cet implant semicontraint consiste en une solution de sauvetage, est de nos jours de plus en plus

Prothèses d’épaule. État actuel


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440 A. DJAHANGIRI, C. GERBER

pratiquée compte tenu des bons résultats rapportés à antibiothérapie uniquement, 1 par changement de pro-
court et moyen terme [9,22]. L’indication opératoire thèse en deux temps avec mise en place d’espaceur en
est progressivement élargie aux épaules pseudopara- ciment, et 2 prothèses n’ont pu être conservées. Seule,
lytiques ainsi qu’aux fractures déplacées de l’humé- dans ces 2 derniers cas, la complication a eu un effet
rus proximal du sujet âgé, aux séquelles des fractures négatif sur le résultat fonctionnel final. Lors du sym-
et aux reprises des échecs d’hémiarthroplastie ou de posium de la SOFCOT 2006, Molé et al. relèvent que
prothèse totale d’épaule [11]. Il faut toutefois ne pas ce taux d’infection dans les arthroplasties inversées de
négliger le caractère technique de cette chirurgie qui l’épaule est probablement le plus élevé parmi toutes
peut être source de nombreuses complications. Le les prothèses articulaires [13]. Sur les 27 cas infectieux
taux de complication rapporté par des centres de réfé- (5,1 % d’un collectif de 527 excluant toute reprise de
rence pour la chirurgie d’épaule varie entre 6 et 50 % prothèse), seul un tiers des patients avaient des antécé-
[3,7,21,22]. Il faut toutefois préciser que ces taux, qui dents chirurgicaux témoignant du fait qu’un taux d’in-
paraissent importants, englobent des complications fection particulièrement inquiétant vaut aussi pour les
mineures ne péjorant pas le résultat fonctionnel final, prothèses inversées primaires.
ceci à condition de pouvoir retenir la prothèse [3]. Les facteurs susceptibles d’expliquer ce taux d’in-
Grâce à de meilleures compréhension et maîtrise de la fection élevé sont surtout l’espace mort sous-acromial
technique chirurgicale, ce taux de complications pré- créé par l’abaissement de l’humérus, mais peut-être
coces est néanmoins en constante diminution. Dans la aussi l’âge avancé des patients et la fréquence extra-
série la plus large, qui est la série multicentrique revue ordinaire d’infiltrations multiples qui peuvent précéder
pour le symposium sur les omarthroses excentrées de la la prothèse. Le germe le plus fréquemment incriminé
SOFCOT 2006, le taux de complication sans compter n’est ni le staphylocoque doré, ni le staphylocoque à
les encoches scapulaires était de 21,5 % avec un taux coagulase négative, mais le Propionibacterium acnes.
de reprise chirurgical de 13,6 % [13]. Ce dernier taux Le traitement conservateur par débridement chirur-
est également en amélioration en comparaison avec gical et antibiothérapie ne peut être efficace que lors
des séries publiées auparavant, qui rapportent des taux d’infection précoce (dans les 3 premiers mois). Un
compris entre 5 et 60 % [4,6,17,19,20]. Notre objectif changement prothétique en deux temps, avec mise en
est de revoir les complications les plus fréquentes après place d’un espaceur en ciment provisoire et antibio-
prothèse totale d’épaule inversée. Nous analyserons thérapie dirigée, est recommandé lors d’infections tar-
ensuite leurs étiologies dans le but de définir et préve- dives (figure 1). L’antibiothérapie doit pourtant être
nir les situations à risque de complications. d’une durée de 3 à 6 mois et les paramètres biologi-
ques de l’infection devraient être normalisés lors de
l’implantation de la prothèse définitive. Une infection
Complications prothétique traitée avec succès, suivie d’une implanta-
L’infection tion d’une nouvelle prothèse inversée, peut produire
un résultat fonctionnel comparable à celui d’une pro-
Il s’agit de la complication la plus redoutée et la plus thèse non infectée [22].
délétère. On relève des taux variables dans les séries
publiées entre 1,3 et 10,3 %. Sirveaux et al. [19] rap- Le descellement glénoïdien
portent 1 cas sur 77 (1,3 %) d’infection précoce chez

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un patient opéré d’une prothèse primaire. Il a été traité Le descellement glénoïdien est un problème relative-
avec succès par changement prothétique en deux temps ment rare mais majeur de la prothèse totale inversée
avec mise en place provisoire d’un espaceur en ciment. d’épaule (figure 2). Le descellement est surtout un
Boileau et al. [3] décrivent 3 infections profondes sur problème en cas de reprises d’échec d’arthroplastie et
45 cas (6,7 %) à moyen terme (12 mois), toutes chez d’érosion glénoïdienne, quand le stock osseux de la
des patients opérés d’un échec d’arthroplastie. Dans glène est amoindri ou si la glène a été mal implantée.
2 cas, la prothèse n’ayant pu être sauvée, les patients Surtout, le tilt supérieur de la glène est un facteur de
ont fini avec une arthroplastie par résection et un mau- risque important car dans cette position de la glène, les
vais résultat fonctionnel. Werner et al. [22] rapportent forces de compression entre glène osseuse et métaglène
un taux d’infection de 10,3 % (6 cas sur 58). La moitié sont transformées en forces de cisaillement responsables
des cas étaient des prothèses primaires, les autres des de la bascule de l’implant. Il n’existe que peu d’études
reprises d’échec d’arthroplastie. Lors des prélèvements évaluant le descellement glénoïdien à long terme. Wall
bactériologiques peropératoires, 5 cas sur les 6 étaient et al. [21] rapportent 2 cas sur une série de 191 patients
positifs. Trois patients ont été traités avec succès par (1 %) avec un recul moyen de 51 mois. Dans chaque
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Complications des prothèses totales d’épaule inversées 441

Figure 1. Traitement en deux temps d’une infection par mise en place d’un espaceur provisoire puis réimplantation de la prothèse.

cas, il s’agissait d’erreur technique : une glène a été symposium de la SOFCOT 2006 relève 4,1 % de des-
implantée avec un tilt supérieur et la quille centrale cellements glénoïdiens avec un recul moyen de 52 mois
d’une seconde n’a pas été ancrée dans la glène native en [13]. Après déduction des descellements septiques, ce
raison de la mise en place d’un greffon iliaque pour une taux est ramené à 3,4 %. Les facteurs de risque sont
usure osseuse postérieure glénoïdienne. Guery et al. [9] les patients jeunes et actifs, de sexe féminin, souvent
décrivent un cas de descellement, également sur erreur plus ostéoporotiques, et la voie d’abord supérieure qui
technique, sur un collectif de 60 patients et un recul est associée aux difficultés techniques à créer un tilt
moyen de 69 mois. Werner et al. [22] rapportent 3 cas inférieur de 10–15° de la métaglène. Il est intéressant
sur 58 (5,1 %) de descellement avec un recul moyen de relever que la plupart des descellements surviennent
de 38 mois. Tous ont été traités par conversion de la précocement (55 % des cas avant 2 ans) et que leur
prothèse en hémiarthroplastie. À plus large échelle, le étiologie est le plus souvent une erreur technique par
442 A. DJAHANGIRI, C. GERBER

Figure 2. Descellement glénoïdien.

tilt supérieur de la glène ou une erreur d’indication Une réduction fermée, sous anesthésie générale, est
opératoire par un stock osseux insuffisant et mauvaise tentée en tout premier lieu par une manœuvre de traction
tenue des vis. en flexion-rotation interne d’épaule. Il n’existe aucune
directive dans la littérature quant à la durée d’immobili-
sation après réduction, mais l’on recommande une attelle
L’instabilité d’abduction afin d’améliorer la coaptation prothétique.
La tentative de réduction fermée pouvant se solder par
Avec un taux compris entre 3,3 et 8,6 %, il s’agit d’une un échec, il faudra être prêt à convertir en réduction à
complication fréquente dont la prise en charge peut ciel ouvert. L’instabilité est plus fréquente dans les indi-
s’avérer difficile [9,22,5]. La direction de la luxation est cations plus complexes. Avant de décider d’un traite-
toujours antérieure ou antérolatérale et un traumatisme ment à ciel ouvert, il convient d’analyser précisément les
n’en est que rarement la cause. Leur survenue est le plus éventuels vices de position des implants. Une prothèse
souvent précoce (60 % survenus dans les 3 mois) et leur inversée correcte rallonge le membre supérieur (mesuré
taux de récidive est d’autant plus élevé que la luxation de l’acromion à l’épicondyle huméral) d’approximati-
est précoce. Il est rapporté 50 % de récidive dans les vement 2 cm. Tout raccourcissement doit être corrigé.
luxations précoces, c’est-à-dire dans les 3 mois suivant La stabilité optimale est obtenue avec une rétrotorsion

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l’intervention [13]. Cette instabilité n’est souvent pas du composant huméral de 0 à 10°. Il faut être conscient
anticipée à la fin de l’intervention parce que la stabi- que ceci vaut pour une embase glénoïdienne implantée
lité de la prothèse est testée en rotation externe et en en 0 à 10° de rétroversion sans tilt supérieur. Si la glène
abduction. Hélas, l’instabilité antérieure de la prothèse est antéversée, on peut tenter d’augmenter l’antétorsion
inversée se produit en extension-rotation interne (lors- humérale et vice-versa. Il ne faut surtout pas essayer de
que le malade essaye de se lever du lit ou du fauteuil) ; corriger une antéversion glénoïdienne avec une rétrotor-
le testing intraopératoire doit donc impérativement se sion humérale, car ceci aggrave l’instabilité antérieure.
faire dans cette position, si on veut exclure une ten- Les réinterventions sont souvent difficiles et consistent à
dance à l’instabilité prothétique. Pour les prothèses de corriger les vices de positionnement évoqués des implants
première intention, les facteurs de risque sont la glénos- ainsi qu’à remettre en tension les tissus mous (figure 3).
phère de petit diamètre (le diamètre 36 en comparaison Mais ceci peut parfois s’avérer insuffisant et peut abou-
avec le diamètre 42), la voie d’abord deltopectorale, et tir à la nécessité d’accepter la luxation chronique de la
enfin l’infiltration graisseuse du muscle sous-scapulaire prothèse, ce qui peut être étonnamment bien toléré, ou
de stade supérieure ou égal à 3. en cas de symptômes à l’ablation de la prothèse [22].
Complications des prothèses totales d’épaule inversées 443

Figure 3. Luxation d’une prothèse inverse révisée chirurgicalement par remise sous tension des tissus.
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Les fractures de la voûte acromiale blement la mise sous tension du deltoïde sur une voûte
acromiale ostéoporotique et un bras de levier augmenté
Il est important de différencier les lésions de la voûte du deltoïde. Il s’agit souvent d’une « fracture de fati-
acromiale préopératoire acquises ou constitutionnelles gue », mais il n’est pas rare de retrouver un épisode
(mésoacromion) des fractures de la voûte acromiale traumatique. La survenue moyenne de cette complica-
acquise en postopératoire. De plus, les fractures de tion est rapportée entre 1 et 6,9 % [5,22]. Le traitement
l’acromion sont complètement différentes des factures chirurgical de la fracture de l’acromion est difficile et
de l’épine de l’omoplate. rarement indiqué : il donne de plus mauvais résultats
Dans le premier cas de figure, elles n’ont pas d’effet que le traitement conservateur (figure 4) [13,22]. La
sur le résultat fonctionnel final, et par conséquent, ne difficulté de l’ostéosynthèse de l’acromion est d’ailleurs
représentent ni une contre-indication à une prothèse bien illustrée par Rittmeister et al. [17], qui rapportent
inversée [14], ni une complication de l’intervention. un taux élevé de pseudarthrose acromiale après voie
Dans le deuxième cas de figure, l’étiologie est proba- transacromiale. Une ostéosynthèse de l’acromion est
444 A. DJAHANGIRI, C. GERBER

Figure 4. Échec d’ostéosynthèse de fracture d’acromion.

donc indiquée uniquement lorsque son tilt inférieur portées et ne sont pas toujours diagnostiquées lors de
entraîne un conflit sous-acromial. l’intervention. La survenue de cette complication en
Quant à la fracture de l’épine scapulaire, elle doit postopératoire pénalise le résultat fonctionnel final
être considérée comme une complication sévère, compte [13]. Le traitement conservateur est le traitement de
tenu de son importance pour la fonction du muscle del- premier choix. Son indication dépend de la stabilité de
toïde. Contrairement aux fractures d’acromion, le la fracture, du scellement de la prothèse et de la capa-
traitement conservateur des fractures de l’épine donne de cité du patient à supporter une immobilisation prolon-
mauvais résultats. Une ostéosynthèse est donc recom- gée. Si ces conditions ne sont pas réunies, une révision
mandée, même si son efficacité est difficile à prouver chirurgicale s’impose. La tige humérale sera changée
compte tenu du petit nombre de cas décrits dans la pour une plus longue en cas de descellement.
littérature [13,22].
Les complications neurologiques
Les hématomes Les lésions neurologiques sont essentiellement dues
L’espace mort sous-acromial créé par l’abaissement de aux mécanismes de traction. Il est rapporté un taux
l’humérus est propice à la collection d’hématomes après entre 1 et 2,2 % [3,22]. Les lésions les plus fréquentes
prothèse inversée. Il s’agit toujours d’une complication sont l’atteinte du nerf axillaire, l’atteinte du nerf mus-
précoce qui, fort heureusement, n’a pas d’effet sur le culocutané et les atteintes globales du plexus brachial.
résultat fonctionnel à moyen et long terme. Leur sur- Leur pronostic est bon avec une récupération sponta-
venue peut néanmoins nécessiter une aspiration, voire née complète dans plus de 80 % [13].

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un drainage chirurgical. Le taux d’hématome moyen
rapporté se situe entre 1 et 3 % [3,5,13]. Actuellement, Le désassemblage de la glène
certains auteurs drainent pendant 48 h pour minimiser
cette complication mineure mais ennuyeuse. Il s’agit d’une complication liée à l’implant par dévis-
sage de la glénosphère sur la métaglène. Guery et al.
[9] rapportent 3 cas sur 60 (5 %). Seul 1 patient a
Les fractures périprothétiques nécessité un changement de glène pour cause de des-
de l’humérus cellement. Les 2 autres glénosphères ont seulement dû
être revissées. Sirveaux et al. [19] décrivent 7 cas sur
La grande majorité des fractures de l’humérus se pro- 77 (9,1 %), dont 6 du côté droit. L’explication de cette
duisent en postopératoire avec un taux moyen compris prépondérance est le sens de vissage de la glénosphère.
entre 1 et 4,4 %, ce qui est comparable aux séries de Ce problème est diminué par une amélioration techni-
fractures des prothèses non contraintes [1,3,5]. Les que des implants. Le problème n’a toutefois pas encore
fractures peropératoires sont moins fréquemment rap- été complètement résolu puisque l’on observe, avec ces
Complications des prothèses totales d’épaule inversées 445

nouveaux systèmes, des défauts d’assemblage avec une 36,7 % lors de révisions. Dans cette étude également,
impaction incomplète de la glénosphère [12]. Si toute- seul 3,5 % des résultats fonctionnels à moyen terme
fois cette impaction incomplète est stable, elle n’a pas ont été négativement influencés par une complication.
d’influence sur le résultat final, et, par conséquent, ne En totalisant toutes les complications, y compris celles
nécessite pas de révision [21]. n’ayant pas d’influence sur le résultat final, on arrive à
la conclusion que seules les complications ne permet-
Le descellement huméral aseptique tant pas de retenir la prothèse ont un effet significatif
négatif sur le résultat fonctionnel final [13].
Le descellement prothétique est décrit comme une La principale cause de perte de prothèse est l’infection
mobilisation et/ou migration de la tige humérale. Wall prothétique non contrôlée. Le taux d’infection est éton-
et al. [21] décrivent 2 cas sur 191 (1 %) avec un recul namment comparable entre les prothèses primaires et les
moyen de 51 mois. Une reprise chirurgicale a été néces- révisions [13]. Ce taux, qui est particulièrement élevé,
saire dans 1 cas. Werner et al. [22] rapportent 1 cas sur est expliqué par l’âge des patients, l’espace mort sous-
58 (1,7 %) à 38 mois et Boileau et al. [3] également acromial et les infiltrations multiples préopératoires.
1 cas sur 60 (1,7 %) à 40 mois. Le descellement asepti- En sélectionnant avec rigueur les patients et les indica-
que survient souvent avant la 1re année et nécessite une tions opératoires, une diminution sensible de ce taux
révision. Le descellement tardif paraît mieux supporté est envisageable. Une ponction articulaire préopé-
et sans retentissement fonctionnel réel [13]. Il faut ratoire est, par conséquent, impérative chez tout
toutefois se rendre compte que le centre de rotation de patient suspect et il faut évoquer de faire des biopsies
la prothèse inversée est très loin de la tige, imposant tissulaires avant d’instaurer l’antibioprophylaxie dans
un long bras de levier, et qu’en plus, la fixation méta- des cas de chirurgie de deuxième intention. Les compli-
physaire de l’implant, surtout dans les reprises, peut cations glénoïdiennes (descellement et désassemblage)
être absente, de telle sorte que des forces considérables sont la deuxième cause de perte de prothèse. Dans
doivent être absorbées par une interface tige-humérus ces cas de figure également, une indication opératoire
(trop) courte. Il faut donc s’attendre dans le futur à (stock osseux glénoïdien suffisant et bonne tenue des
voir des descellements huméraux qui nécessiteront des vis) et une technique chirurgicale rigoureuse (tilt infé-
reprises chirurgicales. rieur de 10–15° de la métaglène) permettraient d’éviter
un bon nombre de descellements glénoïdiens précoces.
Autres complications Les complications humérales sont plus rares (fractu-
res et descellements) et n’aboutissent, en général, pas
D’autres complications plus rares peuvent survenir, à la perte de la prothèse mais à une révision de la tige
comme la luxation de l’insert en polyéthylène [22], humérale tout au plus.
toutes les complications inhérentes aux voies d’abord L’encoche scapulaire pourrait être considérée comme
(fracture de la clavicule après voie supérieure, arthro- une complication mais a souvent été étudiée à part. Il
pathie acromioclaviculaire après voie deltopectorale, a déjà été démontré que l’encoche peut être respon-
pseudarthrose acromiale après voie transacromiale) sable de la formation de débris de polyéthylène et
[13]. La thrombose veineuse profonde du membre d’une inflammation chronique pouvant aboutir à une
supérieur, voire la thromboembolie, ont été décrites ostéolyse au contact de la métaglène [16]. Simovitch
mais sont rarissimes. et al. [18] ont démontré l’effet négatif de l’encoche
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sur le résultat fonctionnel à moyen terme. Les travaux


Discussion biomécaniques de Nyfeller et al. [15] ont également
démontré qu’un positionnement inférieur de la méta-
En se voulant exhaustif et en totalisant toutes les com- glène diminue le risque d’encoche tandis qu’un tilt
plications, même celles ne portant pas à conséquence supérieur excessif l’augmente. Ce constat a été vérifié
sur le résultat final, le taux de complication moyen se par Lévigne et al. [10], qui observent notamment un
situe entre 15 et 25 % [3,7,9]. Dans l’étude de Werner taux d’encoche plus élevé dans la voie supéroexterne
et al. [22], un taux de 50 % de complication est reporté en comparaison avec la voie deltopectorale. Une expli-
mais dont seul 10 % avaient une influence négative cation possible, mais controversée, est la plus grande
sur le résultat fonctionnel à moyen terme. Par ailleurs, difficulté technique d’implantation de la glène en
dans cette même étude, 70 % des opérations étaient position caudale et tilt inférieur par voie supérieure.
des révisions, ce qui est un facteur de risque très impor- Grâce à une meilleure compréhension des causes, le
tant. Wall et al. [21] rapportent 13,3 % de complica- taux d’encoche a diminué, mais reste élevé. Les deux
tions lors de chirurgie primaire et ce taux augmente à dernières séries en date rapportent un taux de 44 et
446 A. DJAHANGIRI, C. GERBER

62 % d’encoche, preuve que le problème n’est pas trée, mais également dans toutes les pathologies avec
totalement résolu [10,18]. Cuff et al. [5] ont tenté de rupture irréparable de la coiffe des rotateurs de la
le résoudre en latéralisant le centre de rotation. Ils ne personne âgée. L’engouement face à cette prothèse ne
rapportent pratiquement aucun cas d’encoche, mais doit toutefois pas faire oublier le caractère technique
observent une augmentation des contraintes sur le et demandant de cette intervention, source de com-
scellement de la métaglène. L’effet de cette contrainte plications. Une meilleure compréhension des problè-
sur le descellement reste toutefois à démontrer à moyen mes a permis de baisser significativement ce taux, qui
et long terme. reste toutefois élevé. Les complications tout comme les
Grâce aux progrès réalisés et aux bons résultats rap- encoches scapulaires peuvent, dans la grande majorité,
portés, la prothèse d’épaule inversée est devenue le être évitées par une indication opératoire et une tech-
traitement de choix dans les cas d’omarthrose excen- nique chirurgicale rigoureuses.

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449

Prothèse d’épaule :
passé, présent et futur
Shoulder arthroplasty: past,
present and future

P. BOILEAU, G. WALCH

RÉSUMÉ SUMMARY
Les chirurgiens disposent aujourd’hui de prothèses d’épaule Today surgeons have at their disposal a variety of shoulder
variées et diverses, adaptées aux différentes pathologies ren- prostheses adapted to the different pathologies encountered.
contrées. Lorsque la coiffe des rotateurs est conservée, l’objectif When the rotator cuff is intact, the goal is to restore the bony
est de restaurer l’anatomie osseuse, en repositionnant le centre anatomy by repositioning the center of rotation of the hume-
de rotation humérale en position native et en évitant de dépla- rus in its original position and avoiding any displacement of the
cer l’interligne articulaire gléno-humérale. Les prothèses totales gleno-humeral joint offset. Non constrained anatomical pros-
d’épaule, dites anatomiques sont celles qui répondent au mieux theses are those which reply best to these requirements. Humeral
à ce contrat. Les prothèses de resurfaçage huméral permettent head resurfacing prostheses also permit to place the humeral
également de replacer le centre de rotation huméral en position rotation center in its original position, but they do not allow the
native ; en revanche, elles ne permettent pas de resurfacer la resurfacing of the glenoid. Fracture prostheses are low profile
glène. Les prothèses fractures sont des prothèses dont l’encom- implants which allow the correct positioning of tuberosities and
brement proximal a été réduit afin de permettre un positionne- the addition of a bone graft. Reverse prostheses, by medializing
ment correct des tubérosités et d’y associer une greffe osseuse. the center of rotation and lowering the humerus, render possible
Les prothèses inversées, en médialisant le centre de rotation et for the deltoid alone to provide the active elevation of the arm
en abaissant l’humérus, permettent au seul deltoïde d’assurer despite rotator cuff deficiency. While the non cemented glenoid
l’élévation active du bras malgré l’absence ou la déficience de la of reverse prostheses stays well fixed due to compression for-
coiffe des rotateurs. Alors que la glène non cimentée des prothè- ces, glenoid resurfacing implants, whether cemented or not, are
ses inversées reste bien fixée du fait de forces de compression, la exposed to shearing forces which are detrimental to its fixation.
glène, cimentée ou non, des prothèse anatomiques est soumise à Current works are directed towards the improvement of the fixa-
des contraintes en cisaillement fortement néfaste à sa fixation. tion of anatomical glenoid implants and towards the search of
Les travaux actuels sont tournés vers l’amélioration de la fixa- new friction surfaces. The development of universal implants
tion des implants glénoïdiens anatomiques et vers la recherche de (anatomical and reverse), as well as the improvement of implant
nouveaux couples de frottement. Le développement d’implants positioning by way of robotics and navigation are the current big
universels (anatomiques et inversés), ainsi que l’amélioration du projects and the source of progress in a near future.
positionnement des implants grâce à la robotique et à la naviga-
tion sont les grands chantiers actuels, source de progrès dans un
futur proche.

Introduction Presbyterian Hospital de New York, a commencé à trai-


ter les fractures comminutives et déplacées de l’humérus
Bien que la première prothèse d’épaule ait été implantée proximal par mise en place d’un implant huméral en
en 1893 par le chirurgien français Jules Émile Péan, le vitalium sur lequel il a rattaché les tubérosités fracturées
développement de la chirurgie prothétique de l’épaule n’a à l’aide de sutures. Une vingtaine d’années plus tard, il
vraiment débuté que dans les années 1950. C’est à cette redessinera l’implant huméral pour pouvoir y ajouter un
époque que Charles S. Neer, chirurgien au Columbian implant glénoïdien, réalisant ainsi la première prothèse

Prothèses d’épaule. État actuel


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450 P. BOILEAU, G. WALCH

totale d’épaule non contrainte. Le traitement prothéti- rentes épaisseurs pour le même diamètre, les chirurgiens
que des pathologies dégénératives et inflammatoires a pu avaient souvent tendance à implanter des têtes prothé-
alors véritablement débuter. C’est Neer qui, le premier, tiques trop volumineuses. Des études anatomiques ont
a montré qu’une prothèse non contrainte ne pouvait montré depuis qu’il existe une relation linéaire entre
fonctionner qu’en présence d’une coiffe des rotateurs l’épaisseur et le diamètre de la tête humérale, de telle
fonctionnelle et qu’il fallait être méticuleux dans sa pré- façon qu’à un diamètre correspond une seule épaisseur,
servation et sa réparation. C’est lui aussi qui a montré sauf pour les larges têtes, au-delà de 50 mm de diamètre.
que la voie d’abord deltopectorale était atraumatique et Pearl a montré que l’implantation de ces prothèses dites
que la rééducation était au moins aussi importante pour de deuxième génération aboutissait souvent à déplacer
obtenir une récupération fonctionnelle optimale. Après le centre de rotation huméral. Ainsi, en dépit de leur
cette époque des pionniers, est survenue une seconde modularité, ces prothèses modulaires n’ont pas permis
époque au cours de laquelle les chirurgiens ont essayé de reproduire l’anatomie de l’humérus proximal et ont
d’améliorer l’implant original proposé par Neer : dans même créé de nouveaux problèmes (rupture du sous-
les années 1980 sont apparues les prothèses modulai- scapulaire et/ou de la coiffe postérosupérieure, érosion
res, dont l’objectif était de proposer différentes tailles de glénoïdienne) qui n’avaient pas été rencontrés avec la
tête et de tiges prothétiques afin de mieux répondre aux prothèse de Neer. Il a clairement été démontré que les
variations de taille rencontrées chez les patients. C’est têtes prothétiques trop volumineuses ou mal position-
dans les années 1990, à la suite de la prothèse Aequalis®, nées sont préjudiciables sur le plan biomécanique, car
que sont apparues les prothèses dites de troisième géné- elles limitent la mobilité glénohumérale et entraînent
ration, à la fois modulaires et adaptables à l’anatomie de une surtension de la coiffe supérieure entraînant des
chaque patient. Il s’agissait véritablement des premières ruptures de la coiffe supérieure et/ou du sous-scapulaire
prothèses anatomiques. Les prothèses de resurfaçage ont réparé. De plus, elles aggravent l’usure du cartilage en
été remises au goût du jour à la fin des années 1990 avec cas d’hémiarthroplastie et du polyéthylène en cas de
le même objectif, tout en s’affranchissant des contraintes prothèse totale et peuvent aussi aboutir à des instabili-
chirurgicales imposées par la présence d’une tige humé- tés antérieures par rupture du sous-scapulaire.
rale. Dans le même temps sont apparues les prothèses Au début des années 1990, les travaux anatomiques
fractures, implants spécifiquement conçus pour permet- de Boileau et Walch ont montré que la géométrie de
tre le positionnement et la consolidation des tubérosi- l’humérus proximal était complexe et que l’inclinaison
tés dans les fractures de l’humérus proximal. Enfin, à la et la rétroversion de la surface articulaire de l’humérus
suite des travaux de Paul Grammont, la première pro- étaient très variables selon les individus et même d’un
thèse totale d’épaule inversée a pu voir le jour et a connu côté à l’autre chez un même individu. Ces travaux ont
un succès important en apportant une solution pour les aussi montré que la surface articulaire de l’humérus pré-
épaules à coiffe déficiente ou détruite. sentait un double déport médial et postérieur (ou déport
combiné) par rapport à l’axe intramédullaire proximal.
Ni les prothèses monoblocs de type Neer, ni les prothè-
Prothèses anatomiques ses modulaires ne pouvaient reproduire cette géométrie
complexe de l’humérus proximal, d’autant plus que les
Neer avait la conviction que les implants d’épaule pou- chirurgiens les implantaient le plus souvent sans ciment,
vant reproduire au mieux l’anatomie normale de l’hu- donc sans possibilité de « jouer » avec la position de

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mérus et de la glène, tout en conservant la coiffe des la tige dans le canal médullaire. Ces observations ont
rotateurs, donneraient la meilleure fonction possible conduit d’une part à changer la technique chirurgicale
et auraient une très grande longévité. Dans les années d’ostéotomie humérale, et d’autre part à repenser le
1980–1990, les prothèses modulaires, dites de deuxième dessin de l’implant huméral. L’identification du col ana-
génération, ont essayé de reproduire au mieux les varia- tomique est apparue comme une étape capitale lors de
tions de dimension de la surface articulaire et du canal l’implantation d’une prothèse humérale : le col anato-
médullaire. De manière un peu paradoxale, ces prothè- mique peut être aisément identifié, si l’on prend la peine
ses modulaires n’ont pas donné les résultats attendus, de réséquer la couronne d’ostéophyte qui entoure la tête
du fait de leur géométrie relativement fixe et de leur humérale avant de réaliser l’ostéotomie. La prothèse
implantation sans ciment. Ces prothèses ont été implan- Aequalis® (Tornier), implantée pour la première fois en
tées pour la plupart à frottement dur, sans ciment, ce qui 1991, a été la première prothèse de troisième généra-
a conduit à une situation aberrante où c’était la position tion à être à la fois modulaire et adaptable à l’anatomie
de la tige prothétique qui dictait la position de la tête individuelle de chaque patient. En donnant la possibilité
prothétique. Par ailleurs, du fait de l’existence de diffé- de faire varier l’inclinaison, la rétroversion et le déport
Prothèse d’épaule : passé, présent et futur 451

de la surface articulaire, ce type de prothèse permet de L’infiltration graisseuse des muscles de la coiffe des
repositionner très précisément le centre de rotation en rotateurs a un impact direct sur les résultats des prothè-
position native et ainsi de restaurer la physiologie nor- ses d’épaule. Une infiltration sévère de l’infraspinatus
male de l’articulation glénohumérale. À la suite de ces (Goutallier stade 3 ou 4) est associée à une diminution
travaux, d’autres prothèses anatomiques ont vu le jour significative du résultat fonctionnel dans l’omarthrose.
entre-temps et ont permis, 50 ans plus tard, d’exaucer La déformation et l’usure de la glène ont été classées
le vœu de Charles Neer. Ces prothèses anatomiques à en trois types par Walch. Il a été montré que les résul-
tige peuvent être implantées avec ou sans ciment, selon tats fonctionnels sont significativement moins bons en
la préférence des chirurgiens. cas de glène dysplasique (glène de type C) et que le
taux de complications et de réintervention sont signi-
ficativement plus importants en cas d’usure biconcave
Facteurs pronostiques de la glène avec subluxation postérieure de l’humérus
des prothèses anatomiques (glène de type B2). L’évaluation de l’usure glénoïdienne
et de l’infiltration graisseuse musculaire grâce à un
Les résultats des prothèses anatomiques dans la plu- scanner en préopératoire est donc fondamentale.
part des pathologies dégénératives et inflammatoires de La technique chirurgicale et l’expérience du chirur-
l’épaule sont bons ou excellents et ont confirmé le bien- gien sont également des facteurs pronostiques impor-
fondé de ce concept de « prothèse anatomique ». Plusieurs tants. La majorité des chirurgiens réalisaient moins
études cliniques ont permis de mettre en évidence un cer- de 5 à 10 prothèses d’épaule par an. Il a clairement
tain nombre de facteurs pronostiques pouvant influen- été montré que les résultats fonctionnels, le taux de
cer le résultat des prothèses d’épaule anatomiques. complications et de révision sont nettement meilleurs
Le type de pathologie pour lequel une prothèse est pour les chirurgiens qui réalisent un volume annuel
implantée est bien sûr un facteur pronostique impor- important de chirurgie prothétique de l’épaule. Un
tant. Les meilleurs résultats des prothèses d’épaule ana- chirurgien non expérimenté aura tendance à poser
tomiques sont observés dans l’omarthrose primitive une hémiarthroplastie tandis qu’un chirurgien expéri-
et dans les nécroses ; ils sont significativement moins menté n’aura pas d’état d’âme à implanter une pro-
bons dans l’arthrite rhumatoïde et dans les omarthroses thèse totale dont on sait que les résultats fonctionnels
à coiffe détruite (« cuff tear arthropathy »). Ils sont sont meilleurs. Le déplacement du centre de rotation,
franchement mauvais dans les fractures aiguës et leurs du fait d’une technique ou d’un implant inadapté, peut
séquelles. L’omarthrose primitive, dite centrée, consti- entraîner un fonctionnement anormal des muscles
tue l’indication de choix des prothèses anatomiques. abducteurs et changer le bras de levier de l’articula-
La présence d’une rupture de la coiffe des rotateurs tion glénohumérale. Nyffeler et al. ont montré que si
dans l’omarthrose primitive est rare dans notre expé- le centre de la tête se trouve trop haut (prothèse trop
rience multicentrique (7 % de ruptures partielles et haute ou trop perchée), les muscles subscapularis et
7 % de ruptures transfixiantes). La réparation de ce infraspinatus deviennent des muscles adducteurs au
type de lésions dégénératives de la coiffe des rotateurs lieu d’être des muscles abducteurs, augmentant les
ne modifie en rien le résultat fonctionnel. Elles peuvent contraintes sur le muscle supraspinatus. De la même
donc être négligées et aucune acromioplastie ne doit façon, le changement de la rétroversion peut entraîner
être réalisée sous peine de déstabiliser l’articulation des contraintes asymétriques sur les implants glénoï-
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glénohumérale. diens et causer leur descellement.


Le tendon du long biceps, en revanche, est rarement L’intégrité et la réparation soigneuse du subscapularis
normal au cours des pathologies dégénératives ou sont fondamentales pour espérer un résultat fonction-
inflammatoires de l’épaule, pour au moins deux rai- nel satisfaisant après prothèse d’épaule anatomique. La
sons : 1) parce qu’il est obligé de glisser sur une tête technique de relèvement du sous-scapulaire en réalisant
humérale qui n’est plus sphérique ni lisse ; 2) parce une ostéotomie du trochin ou en prélevant des copeaux
qu’il existe des débris ostéocartilagineux qui migrent osseux a fait la preuve de son efficacité pour conserver
dans la gaine synoviale entourant le tendon dans sa un muscle sous-scapulaire fonctionnel.
portion intra-articulaire et dans sa portion bicipitale, La rééducation, dernier maillon de la chaîne théra-
entraînant une irritation et une inflammation perma- peutique, est également importante pour obtenir un
nentes du tendon. C’est pourquoi une ténotomie ou résultat fonctionnel optimal après prothèses d’épaule.
une ténodèse du long biceps, après résection de la por- Elle a évolué vers la simplicité et l’efficacité. Elle ne doit
tion intra-articulaire du tendon, est recommandée de jamais être agressive et rester infradouloureuse. La part
manière systématique dans les prothèses d’épaule. laissée au patient pour l’autorééduction est importante.
452 P. BOILEAU, G. WALCH

Prothèses de resurfaçage huméral des usures précoces avec débris de polyéthylène et ostéo-
lyse majeure aboutissant au descellement prothétique,
À la suite des travaux de Copeland, la prothèse de obligeant à la révision chirurgicale des patients. Dans le
resurfaçage a connu un développement important ces futur, on peut penser que d’autres matériaux seront tes-
dernières années. La prothèse Mark™ II (Biomet) est tés, en particulier les couples de frottement métal-métal,
utilisée depuis 1990. Il a été montré que ce type de ou céramique-céramique, comme au niveau de la hanche
prothèse donne des résultats équivalents aux prothèses ou du genou. L’utilisation du pyrocarbone est également
avec tige, avec un taux de révision de 8 % à 10 ans. une possibilité pour le futur.
Ces prothèses de resurfaçage sont implantées sans Quille ou plots ? Bien que les études biomécaniques
ciment et l’implant comporte une surface recouverte soient en faveur des plots, aucune étude clinique n’a
d’hydroxyapatite qui permet une adhésion osseuse démontré la supériorité des implants glénoïdiens à
secondaire. Les contre-indications de ce type d’im- plots par rapport aux implants à quille.
plant sont l’absence de tête humérale, comme dans les Implant à surface convexe ou plate ? Il est mainte-
nécroses avasculaires, et/ou une distorsion de l’ana- nant bien établi qu’un implant convexe donne un taux
tomie trop importante, comme dans les séquelles de de liserés et de descellements moins important qu’un
fracture. L’autre inconvénient essentiel des prothèses implant plat pour les prothèses non contraintes.
de resurfaçage huméral est qu’elles ne permettent pas, Quel rayon de courbure entre la glène et la tête humé-
ou difficilement, un resurfaçage de la glène : le volume rale ? Une différence de rayon de courbure de 5–6 mm
restant de la tête humérale ne permet pas de s’exposer apparaît comme la plus favorable, se traduisant par un
correctement pour resurfacer la glène. Copeland, dans taux de liseré glénoïdien minime.
ce cas, recommande une technique d’avivement et de Glène cimentée ou sans ciment ? Dès 1986, Cofield
perforations de la surface glénoïdienne. a été l’un des pionniers des prothèses d’épaule sans
ciment. Il est maintenant clairement établi que les pro-
thèses métal-back sans ciment aboutissent à une usure
Prothèse de resurfaçage précoce du polyéthylène avec des descellements pro-
de la glène thétiques ou des disassociations du polyéthylène de
l’embase métallique. L’usure rapide du polyéthylène
La première prothèse de resurfaçage de la glène, proposée dans les implants métal-back est la conséquence d’au
par Neer en 1972, était en polyéthylène avec une surface moins quatre facteurs plus ou moins associés :
rectangulaire concave et une quille triangulaire destinée – insuffisance d’épaisseur du polyéthylène ;
à être cimentée. Bien qu’il soit maintenant admis que le – rigidité due au métal-back qui augmente l’usure du
résultat fonctionnel des prothèses totales est supérieur à polyéthylène ;
celui des hémiarthroplasties, la présence et la progres- – épaisseur excessive de l’implant glénoïdien qui ne
sion de liserés radiologiques au niveau de l’implant glé- permet pas une laxité articulaire suffisante ;
noïdien restent une préoccupation. La fréquence de ces – récidive possible de la subluxation postérieure malgré
liserés glénoïdiens varie entre 30 et 100 % et augmente la réorientation de la surface articulaire qui entraîne
avec le temps. Heureusement, cette découverte radiolo- une usure asymétrique (postérieure) du polyéthylène.
gique banale n’est pas corrélée avec la nécessité d’une Amélioration de la technique d’implantation et de
révision chirurgicale qui reste faible. Les résultats à long fixation des implants glénoïdiens ? Il est maintenant

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terme des prothèses non contraintes ont montré que la clairement démontré que le fraisage mécanisé de la sur-
survie des implants à 15 ans était supérieure à 85 %. face glénoïdienne était supérieur au fraisage manuel. Il
De nombreuses questions demeurent sans réponse pour a également été démontré que la technique de com-
l’instant au niveau de ces implants glénoïdiens. paction du spongieux, proposée par Boileau en 1999
Quelle géométrie pour l’implant glénoïdien ? Il n’y et développée par Gazielly, est supérieure à l’ablation
a aucune évidence qu’une forme « en poire » soit supé- du spongieux. Malgré le nombre important d’études
rieure à une forme ovalaire. réalisées au cours des 30 dernières années, peu d’amé-
Quels matériaux ? Le polyéthylène reste le matériau de liorations ont finalement été apportées aux implants
choix. L’épaisseur n’est pas clairement définie : l’implant glénoïdiens. Les avancées les plus importantes ont été
originel de Neer présentait une épaisseur de 2,5 mm. La réalisées au niveau de la technique chirurgicale grâce
tendance actuelle est d’utiliser des implants d’une épais- au fraisage motorisé et à la technique de compaction
seur de 3–4 mm. Les tentatives d’utilisation d’un nouveau du spongieux. Il n’y a en revanche pas de consensus
polyéthylène tel que le l’Hylamer® (Depuy) ont abouti à quant au dessin de la glène idéale. Une glène tout
Prothèse d’épaule : passé, présent et futur 453

polyéthylène cimentée avec une surface concave reste huméral, une petite cupule avec une inclinaison non
le meilleur choix. Une différence de rayon de courbure anatomique de 155°, ne couvrant que partiellement la
optimale de 5–6 mm entre l’implant glénoïdien et l’im- glénosphère. Ce dessin original permet de médialiser le
plant huméral représente le meilleur compromis pour centre de rotation, d’abaisser l’humérus, de stabiliser
éviter les liserés et les descellements glénoïdiens. l’articulation et de diminuer les contraintes sur l’im-
Quoi qu’il en soit, il est maintenant clairement plant glénoïdien. La prothèse inversée, en modifiant
démontré que les prothèses totales d’épaule permettent l’environnement biomécanique de l’épaule, permet au
d’obtenir un excellent résultat fonctionnel sur la dou- deltoïde de redonner une élévation active malgré l’ab-
leur, la mobilité et la force dans les différentes patho- sence des muscles de la coiffe des rotateurs.
logies dégénératives et inflammatoires de l’épaule. Une L’expérience clinique a confirmé le bien-fondé de ce
hémiarthroplastie n’est donc indiquée que dans des concept biomécanique qui permet de restaurer une élé-
circonstances particulières : vation active au-delà de l’horizontale chez des patients
– lorsque la surface glénoïdienne est totalement intacte, présentant une épaule à coiffe déficiente ou absente.
comme dans les fractures de l’humérus proximal ou Les rotations externe et interne demeurent malheureu-
dans les stades précoces de nécrose avasculaire ; sement limitées après prothèse d’épaule inversée et elles
– lorsque l’implant glénoïdien ne peut pas être inséré pour peuvent même être diminuées. Ce manque de rotation
des raisons techniques, en particulier en cas de dysplasie est dû en grande partie à la médialisation du centre de
de glène, et qu’une greffe osseuse n’est pas techniquement rotation et de l’humérus, qui entraîne un conflit glénoï-
possible, ou dans les cas évolués d’arthrite rhumatoïde, dien antérieur et postérieur, limitant la rotation de la
quand il y a une perte osseuse importante et une rétrac- cupule humérale autour de la glénosphère. Cette média-
tion concentrique des tissus mous périarticulaires ; lisation détend aussi les muscles de la coiffe restante,
– lorsque le risque d’usure et de descellement glénoï- les rendant moins efficaces, et limite les possibilités du
dien est important, en particulier chez le sujet jeune et deltoïde postérieur et antérieur. L’encoche du pilier de
actif qui présente une omarthrose. la scapula est également la conséquence de cette média-
Dans ce groupe, l’hémiarthroplastie évite les problè- lisation de l’épaule. La prothèse de Grammont est sus-
mes éventuels observés avec le polyéthylène. Copeland ceptible de présenter des complications, telles qu’une
recommande le forage et la perforation de la surface instabilité prothétique qui peut résulter d’une tension
articulaire pour encourager la formation d’un néo-fibro- insuffisante du deltoïde et d’un conflit médial ; elle est
cartilage. Le resurfaçage biologique de la glène, à l’aide aussi facilitée par la médialisation de l’humérus et le
d’une membrane d’interposition (capsule articulaire, fas- relâchement des muscles restants de la coiffe des rota-
cia lata, allogreffes méniscales ou Graftjacket®), tel qu’il teurs. L’implant huméral peut également être l’objet de
a été proposé par Burkhead, est une autre option théra- complications du fait d’un enfoncement, d’une rotation
peutique chez les patients jeunes pour lesquels un implant ou d’une ostéolyse, ou encore d’une fracture postopé-
glénoïdien ne peut pas être utilisé ou s’avère risqué. ratoire. Cependant, les descellements glénoïdiens sont
rares, pour ne pas dire exceptionnels, et sont presque
toujours la conséquence d’erreurs techniques. Le pla-
Prothèses totales d’épaule cement très inférieur de la glénosphère et/ou la latéra-
inversées lisation par autogreffe osseuse permettent d’éviter les
encoches scapulaires par conflit médial.
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Les arthropathies secondaires à des destructions mas- Malgré quelques complications possibles, la prothèse
sives et irréparables de la coiffe des rotateurs s’accom- inversée permet d’offrir une véritable solution à des
pagnent d’épaules douloureuses et pseudoparalytiques situations cliniques pour lesquelles les options théra-
pour lesquelles les prothèses non contraintes ne per- peutiques étaient très limitées ou inexistantes au préa-
mettent pas d’obtenir de bons résultats fonctionnels. lable. C’est le cas des arthroses avec rupture massive et
Alors que les prothèses contraintes proposées dans irréparable de la coiffe des rotateurs, des séquelles de
les années 1970–1980 ont toutes échoué, la prothèse fractures, des tumeurs et des révisions après échec de
inversée de Paul Grammont a changé la donne en prothèses non contraintes. En cas de perte définitive
permettant de restaurer l’élévation active de patients de la rotation externe, du fait d’une atrophie ou d’une
qui ne présentaient plus de coiffe des rotateurs. infiltration graisseuse irréversible, il est possible de réa-
Grammont a introduit deux innovations majeures qui liser un transfert musculotendineux du grand dorsal ou
ont permis le succès de la prothèse inversée : 1) du côté du grand dorsal et du grand rond (L’Episcopo modifié)
glénoïdien, un large hémisphère sans col ; 2) du côté en même temps que la prothèse inversée.
454 P. BOILEAU, G. WALCH

Prothèses fractures montré que ce type d’implant donne des résultats supé-
rieurs en termes d’élévation active, mais que les rotations
Depuis que Neer a rapporté, en 1970, ses résultats des demeuraient limitées. Afin d’améliorer les résultats sur les
prothèses d’épaule pour fractures, ce traitement chirur- rotations, il est capital de réinsérer les tubérosités autour
gical est indiqué dans les fractures à quatre fragments de la prothèse et d’obtenir la consolidation. Il existe
déplacées, luxées, ou avec séparation de la tête humé- aujourd’hui des prothèses d’épaule inversées fractures
rale. Malgré tout, les résultats fonctionnels des prothèses dont le dessin a été revu pour laisser plus de place pour le
non contraintes pour fractures ont été décevants, voire positionnent et la consolidation des tubérosités. Ce type
mauvais : aux États-Unis comme en Europe, les chirur- d’implant permet, là aussi, de réaliser une greffe osseuse
giens n’ont pas été capables de reproduire les résultats en même temps que l’ostéosynthèse des tubérosités.
rapportés par Neer dans les prothèses pour fractures.
La malposition initiale du trochiter, sa migration Conclusion
postérieure et/ou son absence de consolidation consti-
tuent les complications majeures expliquant l’échec de Plus d’un siècle après la prothèse d’épaule de Péan,
ces prothèses pour fractures. La migration du trochi- et plus de 50 ans après les innovations apportées par
ter, son absence de consolidation ou sa consolidation Neer, l’évolution des prothèses d’épaule a été impor-
en position vicieuse sont l’équivalent d’une rupture tante, permettant aujourd’hui de traiter l’ensemble
massive de la coiffe des rotateurs intéressant trois ten- des pathologies dégénératives, inflammatoires, trau-
dons et muscles majeurs de l’épaule : le supraspinatus, matiques ou tumorales de l’épaule avec des résultats
l’infraspinatus et le teres minor. Dans ces conditions, fiables et reproductibles. D’une part, lorsque la coiffe
la balance musculaire de l’épaule est rompue et il n’est des rotateurs est intacte, on est capable de reproduire
pas possible d’obtenir une élévation active du bras. avec précision l’anatomie normale de l’épaule en
Il s’agit d’une intervention difficile, pour laquelle le ayant recours à des implants sophistiqués, à la fois
chirurgien n’a plus de repères pour positionner la pro- modulaires et adaptables ou grâce à des implants
thèse en hauteur et en rétroversion. de resurfaçage. D’autre part, on sait aussi s’éloigner
Les progrès obtenus au niveau des prothèses pour totalement de l’anatomie et inverser la physiologie de
fracture sont venus de quatre directions différentes : l’épaule afin de permettre à des patients de relever le
– modification du dessin de l’implant huméral. L’excès bras malgré une coiffe des rotateurs absente ou non
de métal a été reconnu comme responsable de l’ab- fonctionnelle. Les fractures de l’humérus proximal,
sence de consolidation des tubérosités. Il a donc été qui restent l’une des pathologies des plus difficiles
conçu des prothèses médialisées permettant d’incorpo- à traiter en chirurgie de l’épaule, peuvent bénéficier
rer des greffons osseux et ainsi d’espérer une meilleure d’implants spécifiques (contraints ou non contraints).
consolidation osseuse des tubérosités ; Le maillon faible des prothèses d’épaule reste l’im-
– utilisation d’instrumentation pour améliorer le posi- plant glénoïdien des prothèses anatomiques, dont la
tionnement en hauteur et en rétroversion des implants fixation demeure précaire du fait de contraintes en
huméraux dans les fractures ; cisaillement importantes. D’autres travaux seront
– amélioration et simplification de la technique d’os- nécessaires pour permettre d’améliorer la fixation des
téosuture des tubérosités ; implants glénoïdiens. L’évolution va se faire également
– ralentissement des protocoles de rééducation post- vers le développement d’implants universels (anato-

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opératoires avec immobilisation relative ou absolue miques, fractures et inversées) et d’implants de révi-
pendant 3–6 semaines jusqu’à obtention de la consoli- sion. De nouveaux couples de frottement feront sans
dation des tubérosités. aucun doute bientôt leur apparition. Enfin, l’amélio-
Chez les personnes très âgées (au-delà de 70 ans), où ration des instrumentations et le développement de
la consolidation des tubérosités est illusoire, du fait de la chirurgie assistée par ordinateur et de la naviga-
l’ostéoporose et de comorbidités, il est possible de réa- tion devraient permettre de rendre les arthroplasties
liser une prothèse d’épaule inversée dans les fractures d’épaule encore plus fiables et encore plus performan-
de l’humérus proximal. Les résultats préliminaires ont tes dans un futur proche.

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