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MASTER ALIMENTATION
Présenté par :
Mélanie PORTE
MASTER ALIMENTATION
Présenté par :
Mélanie PORTE
3
« L’ISTHIA de l’Université Toulouse Jean Jaurès n’entend donner aucune
approbation, ni improbation dans les projets tuteurés et mémoires de recherche.
Les opinions qui y sont développées doivent être considérées comme propre à leur
auteur(e) ».
4
EVALUATION
5
« Et maintenant, pour agir en véritable médecin et vous montrer à quel
point je maîtrise mon art, je vais vous prescrire le mode de nutrition que
vous devriez consommer, et vous dire quels aliments vous pouvez accepter
et ceux que vous devriez refuser. »(Ovide, Les Remèdes à l’amour, 100 avant J.-C.)
6
REMERCIEMENTS
Ensuite, mes remerciements vont auprès des enseignants qui ont répondu à
mes questions tant au niveau de la démarche concernant la méthodologie de
recherche, qu’au niveau de la passation d’entretiens exploratoires.
Enfin, je remercie toutes les personnes, amis ou familles qui m’ont soutenu
tout au long de ce mémoire.
7
SOMMAIRE
8
INTRODUCTION GENERALE
1 INSERM. Pour une politique nutritionnelle de santé publique en France, 2000, 169 p. [en ligne]. Disponible sur :
http://www.inserm.fr/thematiques/sante-publique/rapports-publies. (Consulté le 20-02-2015).
2 et 4 OMS. Obésité et surpoids [en ligne]. Disponible sur : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs311/fr/.
(Consulté le 20-02-2015).
3 Ministère des Affaires sociales et de la Santé. L’état de santé de la population en France [en ligne]. Disponible sur :
9
durée. De même, les maladies endocriniennes, de nature diabétique dans la grande
majorité des cas, se situent au quatrième rang5.
5 INSERM. Pour une politique nutritionnelle de santé publique en France, 2000, 169 p. [en ligne]. Disponible sur :
http://www.inserm.fr/thematiques/sante-publique/rapports-publies. (Consulté le 20-02-2015).
6 et 7 ThousandDays. ABOUT 1,000 DAYS [en ligne]. Disponible sur : http://www.thousanddays.org. (Consulté le 28-
11-2014).
10
ont été démontrées8. La DOHaD (Developmental Origins of Health and Disease ou
société internationale de Développement Origines de la Santé et de la Maladie) a été
créée pour l’occasion, en 2012, et a repris le programme. Son but est de promouvoir
la recherche sur les origines fœtales et de développement de la maladie, elle implique
des scientifiques de nombreux milieux. Enfin, le programme représente un intérêt
important pour les industriels de la nutrition infantile tels que Blédina et Nestlé.
L’Homme doit s’adapter en permanence aux évolutions sociétales et composer avec
l’avancée scientifique diffusée au grand public et/ou par les professionnels. Dans ce
contexte, les sciences émergentes et les nouvelles technologies posent des questions
éthiques, sociétales et sociales. L’épigénétique en pose encore plus que d’autres car
elle touche les données génétiques des individus, la culture de cellules souches, et
l’expérimentation à grande échelle.
Ayant moi-même une sœur jumelle, c’est instinctivement que notre mémoire
de recherche s’est orientée vers l’épigénétique. En effet, de nombreuses observations
ont été réalisées chez les jumeaux homozygotes dans ce domaine. Par ailleurs, la
recherche est d’actualité et la documentation est assez rare ce qui a d’autant plus
motivé mon projet. De plus, le thème nécessite de mobiliser mes connaissances
antérieures en biologie moléculaire. Ensuite, pour des raisons professionnelles, le lien
entre les premiers jours de vie et l’épigénétique que nous avons pu entrevoir dans les
premières recherches bibliographiques semblait très intéressant. En effet, ma reprise
d’études actuelle a pour objectif de m’ouvrir aux métiers dans l’alimentation infantile,
et dans l’éducation alimentaire. Notre travail de recherche va se consacrer à
l’observation des enjeux éthiques et sociétaux qui composent avec l’épigénétique et
son application éventuelle dans le lien alimentation et santé, nous axerons notre
question sur une période à la fois sensible aux effets de l’épigénétique et prometteuse
: les mille premiers jours de vie. Puis nous orienterons ce sujet sur les questions
sociales soulevées par son application dans la prévention nutritionnelle envisageable
durant cette période. Enfin, nous émettrons des hypothèses sur le besoin de
formation des professionnels de santé et sur la nécessité de considérer la sur-
responsabilisation et la culpabilisation qui accompagneraient les futures mères. Une
méthodologie probatoire sera alors proposée pour répondre à ces hypothèses.
8SF-DOHaD, JUNIEN Claudine. L’initiative des 1000 jours de l’OMS et l’origine développementale de la santé et des
maladies (DOHaD) [en ligne]. Disponible sur : http://www.sf-dohad.fr/. (Consulté le 15-01-2015).
11
PARTIE 1 - CADRAGE THEORIQUE :
L’EPIGENETIQUE ET LE LIEN ALIMENTATION SANTE
12
« Vous êtes ce que vous mangez … et ce qu’a
mangé votre papa ! »
13
Dans l’histoire de l’Humanité, les hommes n’utilisaient pas la nourriture
seulement pour se nourrir. La relation établie avec leurs aliments trouvait son
importance dans bien des aspects. Les dimensions sociales, culturelles,
imaginaires et symboliques de l’alimentation constituent un code essentiel à la
vie humaine en société. Néanmoins, un aspect important de l’alimentation dans
toute l‘Humanité demeure dans son lien à la santé. Il a donné naissance à la
science de la nutrition et se trouve très médiatisé aujourd’hui. Dans cette partie, il
ne s’agira pas de prôner le rôle de l’alimentation dans la santé mais de faire le lien
entre la relation alimentation-santé et la position prometteuse de l’épigénétique
dans l’enrayement des maladies chroniques liées à l’alimentation. Nous tenterons
tout d’abord de montrer l’évolution de la place de la santé dans l’alimentation aux
yeux de l’Humanité. Puis, nous marquerons l’évolution de notre alimentation par
deux périodes clés et bouleversantes afin de faire le lien avec l’avancée de la
science nutritionnelle et le développement de la génomique nutritionnelle. Enfin,
nous arriverons sur l’émergence de l’épigénétique, son potentiel et les
programmes de recherches qui lui sont associés dans la santé publique.
La nutrition est une science qui étudie les liens entre l’alimentation et la santé. En
parallèle, il est assez connu que depuis longtemps l’Homme utilisait les plantes et les
aliments pour se soigner. Les nombreux cas actuels de maladies liées à l’alimentation
comme le diabète, l’obésité ou les maladies cardio-vasculaires nous font penser que le
14
métier de nutritionniste et la science qu’il détient sont récents. Pourtant, la notion de
nutrition en tant que science liée à l’alimentation est apparue dès l’Antiquité. La
théorie aristotélicienne des quatre éléments et l’école hippocratique en témoignent.
En effet, Hippocrate, père fondateur de la médecine, disait déjà en 370 avant J.-C.
« L’alimentation est notre première médecine ». Il considérait les maladies comme le
résultat d’un déséquilibre entre quatre humeurs à l’intérieur de l’organisme. Ces
humeurs représentaient des fluides qui circulent dans le corps et qui sont en
proportions égales quand l’état de santé est bon. Elles correspondent aux quatre
éléments d’Aristote : l’air, la terre, l’eau et le feu. Les aliments étaient alors classifiés
selon quatre caractéristiques : le chaud, le froid, le sec et l’humide (Cf. Figure
1)(Wahli et Constantin, 2011, p. 2).
Figure 1: Vision hippocratique de l'alimentation basée sur la théorie aristotélicienne des quatre éléments
L’espérance de vie étant très courte, il n’est pas possible de comparer l’état de
santé de nos ancêtres à celui de notre époque notamment au niveau des maladies
liées à l’âge. Néanmoins, les analyses montrent un état de santé général assez bon. La
durée de vie aurait notamment été limitée par la présence de germes infectieux
ancestraux mais les restes osseux ne montrent en revanche aucune trace de
tuberculose, de tumeurs malignes, d’ostéoporose, de rachitisme et de caries dentaires
(Delluc, 1995 in Wahli et Constantin, 2011, p. 21).
C’est une période riche en informations, qui se situe entre 5000 et 10000 ans
avant J.-C. et où le régime alimentaire se tourne vers les céréales (Goude Gwenaëlle,
30 janv. 2015). Il s’ensuit une explosion de la démographie et une organisation socio-
économique qui va influencer l’histoire économique, culturelle et politique des
sociétés et donc celle de l’Humanité. En effet, l’élevage et l’agriculture viennent
progressivement remplacer la chasse, la pêche et la cueillette. Le régime alimentaire
17
se modifie et se tourne vers les céréales et les légumineuses. La viande d’élevage est
plus grasse que la viande sauvage et l’usage des produits laitiers issus de
l’exploitation des brebis et des chèvres apparait. Il semblerait même que la chasse
restait privilégiée malgré l’élevage des brebis et des chèvres dont on suppose que la
finalité était plutôt laitière que carnée9 (Vigne in Fischler, 2013, p. 102-103).
9
VIGNE Jean-Denis. Les origines de la domestication animale, de l’élevage des ongulés er de la consommation du lait
au Néolithique au Proche-Orient et en Europe, in Cultures des laits du monde, Cahiers de l’Ocha, n°15. Paris,
Editions M. Bieulac, 2011, p. 22-42.
18
L’industrie alimentaire se développe et avec elle, les produits transformés à
défaut des produits directement issus des exploitations agricoles. Les modes de
conservation évoluent et deviennent de plus en plus longs, au même titre que les
modes de préparation et de consommation qui sont de plus en plus proches de
produits prêts à l’emploi. Les additifs et les conservateurs émergent. Avec eux,
l’élevage évolue et fait place à l’engraissement du bétail. On transforme les graisses et
on voit apparaître de plus en plus de produits riches en lipides et en sucres rapides.
Pour exemple, en France, la consommation totale de sucre est passée de 2,7
kg/personne/an en 1840, à 17 kg/personne/an en 1900 et a atteint 36
kg/personne/an en 1970 alors que l’OMS en recommande une consommation
n’excédant 18kg (Dupin et Leynaud-Rouand, 1992, p. 51- 66).
C’est précisément au début du XXIème siècle, alors que pour la première fois, le
nombre d’adultes en surpoids dépasse celui des adultes en insuffisance pondérale,
qu’un bond considérable est observé dans la connaissance du patrimoine génétique.
En effet, en 2003, le séquençage complet du génome humain est terminé et publié
dans sa version finale.
1. La génomique nutritionnelle
L’influence des nutriments sur le génome dans son ensemble se fait à deux
niveaux. D’un côté, tous les types de nutriments, des glucides aux lipides, en passant
par les acides aminés, les vitamines et les minéraux, sont capables de moduler
l’expression des gènes. Cette influence entraine une adaptation de l’organisme qui
peut varier d’un individu à l’autre. En particulier, les nutriments comme le glucose, le
cholestérol, les acides gras peuvent modifier la transcription des gènes qui codent
pour les protéines (enzymes ou hormones) impliquées dans leur métabolisme. D’un
autre côté, certains gènes prédisposent à certaines maladies comme l’obésité et les
réactions des individus vis-à-vis des aliments sont différentes.
21
Figure 2 La Génomique Nutritionnelle
Source: e-santé.futura-sciences.com
C’est dans les années 1970 que la nutrigénétique apparaît. Elle consiste en l’étude
de la variabilité des gènes en charge de répondre aux aliments ingérés. On parle de
prédisposition génétique. Pour faire simple, elle cherche à expliquer pourquoi nous
ne réagissons pas tous de la même façon à l’alimentation. Certaines personnes
grossissent au moindre écart alors que d’autres pourront manger en excès sans
prendre un gramme. Par ailleurs, chaque individu possède un ADN unique mais
semblable aux autres individus à 99,9%. Nous n’avons que 0,1% d’ADN qui explique
les différences qui existent entre plusieurs individus. Certaines différences de
séquences de l’ADN sont à l’origine de prédispositions aux maladies telles que
l’obésité ou tout simplement de la différence de perception des saveurs, par exemple.
Un des objectifs de la nutrigénétique consiste donc à définir des sous-populations
regroupant des personnes ayant une composition génétique à risque pour certaines
maladies afin de mieux adapter leur alimentation et leur médication (Wahli et
Constantin, 2011, p. 32-33).
- Les tumeurs malignes : des récepteurs du ligand de la vitamine D ont été mis
en évidence sur certaines tumeurs malignes.
Nous venons de voir un axe de la nutrigénomique : celui qui étudie l’impact des
aliments sur l’expression des gènes responsables des équilibres métaboliques. La
science a récemment progressé et parce que la génétique à elle seule n’explique pas
tout, depuis quelques années, un autre axe de la nutrigénomique prend son essor: il
s’agit de l’épigénétique.
10POUPON Julien. Effets transcriptionnels des nutriments. Régulation génique. Cours de Licence professionnelle
Aliments / Santé, IUT Quimper, 2013.
23
2. L’Epigénétique : empreintes génétiques et transmission
11National Human Genome Research Institute. Epigenomics [en ligne]. Disponible sur :
<http://www.genome.gov/27532724>. (Consulté le 25-02-2015).
24
Figure 3 Schéma de synthèse des protéines depuis l'ADN en passant par l'ARN messager
12
Source : CC by-sa Valérie Mills
Or, en général, l'accès aux gènes est difficile et ce, parce que l’ADN est compacté.
En effet, les 46 chromosomes de l’ADN humain mis bout à bout représentent une
longueur totale de plus d'un mètre qu'il faut faire tenir dans un noyau de 5µm de
diamètre (5.10-6 m). La cellule dispose d'un système qui compacte l'ADN tout en
laissant la possibilité à chaque gène d’être accessible quand le besoin se présente. Le
rôle des histones est de faire varier le degré de compaction de l'ADN et donc
l'accessibilité aux gènes, mais elles permettent également de regrouper différentes
parties du génome qui doivent s’exprimer ensemble, ou au contraire séparément.
Ainsi, en modifiant les interactions entre l’ADN et les histones on permet ou non
l’expression des gènes13.
Sur la figure 4, on peut visualiser ce qu’on appelle les marques épigénétiques, soit
les petits groupements chimiques méthyl (CH3) ou acétyl (COCH3), qui se
positionnent sur les histones ou sur l'ADN.
12et 13MILS Valérie. Nos gènes se mettent à table, 2013, 2 p. [en ligne]. Disponible sur :
http://www.museum.toulouse.fr/-/nos-genes-se-mettent-a-table-1-2-. (Consulté le 20-02-2015).
25
Figure 4 Marques épigénétiques : modifications chimiques de l'ADN ou des histones
14SIMMONDS Georges. Une mauvaise alimentation modifie durablement l’expression des gènes [en ligne]. Disponible
sur : http://www.rtflash.fr/mauvaise-alimentation-modifie-durablement-l-expression-certains-genes/article.
(Consulté le 25-02-2015).
27
le fait que même si les marques, en se positionnant en surface, ne modifient pas la
composition de l’ADN, elles sont relativement stables. On peut en effet analyser ces
modifications chimiques de l’ADN sur une momie de 5000 ans (Wahli et Constantin,
2011, p. 73-74).
Cette stabilité potentielle est non négligeable parce qu’ainsi, les marques
épigénétiques peuvent parfois se transmettre d’une génération à l’autre.
Ce ne sont pas les gènes à l’état pur que les parents transmettent à leur
descendance. Le patrimoine génétique qu’ils lèguent porte des traces. Ces traces sont
les marques épigénétiques et sont témoins d’évènements importants de leur vie. Par
exemple, une carence alimentaire durant la grossesse va influencer le métabolisme
énergétique du fœtus et du futur enfant. Encore plus improbable, il a été observé
qu’une famine survenue au cours de la vie fœtale ou pendant l’adolescence des
parents ou même des grands parents exerceraient un effet sur le métabolisme des
descendances jusqu’aux deux générations suivantes (Wahli et Constantin, 2011,
p.71).
15SF-DOHaD, JUNIEN Claudine. L’initiative des 1000 jours de l’OMS et l’origine développementale de la santé et des
maladies (DOHaD) [en ligne]. Disponible sur : http://www.sf-dohad.fr/. (Consulté le 15-01-2015).
15MILS Valérie. Nos gènes se mettent à table, 2013, 2 p. [en ligne]. Disponible sur :
http://www.museum.toulouse.fr/-/nos-genes-se-mettent-a-table-1-2-. (Consulté le 20-02-2015).
29
l’alimentation durant la gestation et prouve la transmission transgénérationnelle des
marques épigénétiques (Waterland et Jirtle, 2003 in Wahli et Constantin, 2011, p. 71-
72).
30
1.1. Les maladies liées à l’épigénèse
17 MILS Valérie. Nos gènes se mettent à table, 2013, 2 p. [en ligne]. Disponible sur :
http://www.museum.toulouse.fr/-/nos-genes-se-mettent-a-table-2-2-?redirect=%2Fexplorer. (Consulté le 20-02-
2015).
31
1.2. Le contexte multifactoriel des maladies : l’exemple du diabète de type 2
18RITZ P. Alimentation, Nutrition et Santé. Cours de Master 1 Alimentation SSAA, ISTHIA, Université deToulouse
Jean Jaurès, 2014.
32
rappel, elle ne se consacre pas à l’étude des prédispositions génétiques à développer
une maladie qui est, quant à elle, réservée à la nutrigénétique.
Les découvertes majeures, qui ont renversé le paradigme selon lequel la vie serait
contrôlée par les gènes, sont les plus importants domaines d'étude actuels. En 2001,
un numéro spécial20 de la revue scientifique Nature est paru sur l’épigénétique, en
même temps que celui sur le décryptage du génome humain. Les 15 et 16 février
2001, le Consortium public international et le laboratoire privé de Craig Venter ont
publié les deux premiers séquençages du génome humain respectivement dans les
deux journaux scientifiques de renom, Nature et Science (Wahli et Constantin, 2011,
p. 30-31). A l’époque, le séquençage du génome humain a été lancé dans la continuité
du paradigme de la génétique déterministe. Ce paradigme prétendait sans
expérimentation mais par logique que si c’est le gène qui détermine un phénotype
alors l’hérédité de l’acquis est impossible. Le phénotype correspond au résultat de
l’interaction entre génotype et environnement. Cette théorie de l’hérédité est appelée
- notre alimentation, ce que nous mangeons, notre façon de nous nourrir nous et les
centaines de milliers de milliards de microbes qui constituent en majeure partie
chacun de nous
- notre façon personnelle de gérer le stress (nos pensées influent également sur
l'expression de nos gènes)
Ces cinq éléments sont coordonnés dans un cadre global et si on joue d’eux sur de bons
accords et en synergie, on peut se maintenir en bonne santé, retrouver une santé
optimale, ainsi que vieillir moins vite. L’impact des facteurs génétiques, de ces cinq
éléments, modulant l'expression des gènes, oui, vous pouvez faire quelque chose pour
vous ! Quelle symphonie choisissez-vous de jouer ? L’épigénétique va définir la médecine
préventive de demain. »23.
« La recherche sur les cellules souches pourrait ouvrir la voie à la découverte de
23Mici Sans Frontières. Joël de Rosnay : Epigénétique.L’épigénétique ou l'influence de nos comportements sur notre
Santé sous-titré. Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=XTyhB2QgjKg. (Consultéle 01-11-2014).
37
nouveaux agents thérapeutiques capables de guérir, voire même d’éviter certaines des
maladies humaines les plus débilitantes. C’est à la collectivité qu’il appartient de décider
si ces études sont justifiées puisqu’elles nécessitent de très jeunes embryons, tout au
moins actuellement, afin de pouvoir créer des cellules souches pour la recherche.
Devons-nous tourner le dos à cette chance unique, qui peut révolutionner le traitement
des maladies, y compris le cancer, ou au contraire aborder cette question avec
sensibilité en faisant appel à des lignes de conduite éthiques appropriées, établissant des
règles claires de façon à pouvoir avancer ? Les scientifiques n’ont pas toutes les réponses
mais sans poursuivre les recherches, nous ne saurons jamais quelles avancées médicales
sont possibles, parmi lesquelles certaines permettraient éventuellement de générer des
cellules souches directement à partir de cellules adultes, sans utiliser d’embryons. »24.
24
Epigenesys. L’épigén-éthique ? [en ligne]. Disponible sur : http://www.epigenesys.eu/fr/articles/en-bref/195-l-
epigen-ethique. (Consulté le 18-02-2015).
25NCBI.HumanEpigenome Project-Up and Running [enligne].Disponible sur :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC300691/. (Consulté le 20-02-2015).
38
fourni la séquence d'ADN du génome humain et la HEP cherche à identifier et
catégoriser les forces qui agissent « sur » l'ADN26.
En parallèle aux Etats Unis, le National Institutes of Health (NIH), un des membres
du conseil scientifique de soutien du NoE cité plus haut, a lui aussi investi dans la
recherche en épigénétique et a lancé le programme Epigenomics NIH Roadmap qui a
pour objectif la cartographie de l’épigénome de plus de cent types cellulaire28.
Enfin, dix ans après le séquençage complet de l’ADN, plusieurs pays collaborent au
niveau international et forment l’International Human Epigenome Consortium
(IHEP). Dix milliards de dollars ont été attribués par chacune des sept institutions
membres dont la Commission européenne et le NIH des Etats Unis décrit plus haut
font partie. L’objectif visé est de cartographier mille épigénomes de référence dans les
29 IHEC. NIH ROADMAP scientists map epigenome of more than 1000 tissue and cell types in Nature
[enligne].Disponible sur : http://ihec-epigenomes.org/news-events/nih-roadmap-papers/. (Consulté le 20-02-
2015).
30 PALDI Andràs. L’hérédité au-delà des gènes. La Recherche, l’actualité des sciences, avril 2012, n° 463,p.40.
40
dynamique, fonctionne comme un système à bascule. Une petite modification ne va
pas beaucoup influencer l’équilibre et le système reviendra à son équilibre, au
contraire un grand changement peut renverser la balance. C’est ce caractère
coopératif du système qui est responsable de la stabilité de l’épigénétique mais aussi
de son instabilité. Ce constat peut amener à un concept nouveau : c’est la dynamique
du système et son mode de fonctionnement qui est transmis et non un caractère. En
revanche, les résultats montrent bien qu’il y a un lien entre la nutrition et les
mécanismes épigénétiques. En effet, le mécanisme responsable des modifications
épigénétiques utilisent des molécules dont les substrats sont issus du métabolisme
carbonique soit le métabolisme énergétique qui opère lors de la digestion31.
Les tests génétiques englobent toutes techniques visant l’analyse de l’ADN humain,
de l’ARN, ou de la protéine. Ils sont utilisés au niveau clinique pour la détection de
n° 463, p. 52.
41
maladies associées aux gènes, et dans le cas non clinique des tests de paternité ou liés
à la criminalistique. Les premiers tests génétiques étaient destinés à la détection des
maladies dues aux anomalies chromosomiques comme dans le cas de la trisomie 21.
Néanmoins, cela fait quelques années que de nombreux autres tests apparaissent. Ces
derniers sont désormais capables de détecter une maladie chronique ou encore une
tumeur cancéreuse33. Par ailleurs, des tests épigénétiques sont déjà commercialisés
en dépit de l’état de la recherche qui est encore en cours et en dépit de la controverse
que nous avons cité plus haut. Epigenomics AG, une société qui développe et
commercialise des outils qui utilisent la biologie moléculaire pour dépister le cancer
propose déjà deux tests fondés sur l’épigénétique. L’un d’eux se nomme Epi proColon,
c’est un test sanguin qui vise la détection précoce du cancer colorectal. L’autre, se
nomme Epi proLung et c’est un test dit de confirmation afin d’aider au diagnostic du
cancer du poumon. L’entreprise prétend avoir pour objectif de répondre aux besoins
non satisfaits dans le dépistage du cancer, le diagnostic mais aussi la gestion des
patients34. C’est aussi cette entreprise privée qui a lancé le Human Epigenome Project
dont nous avons parlé plus haut et qui vise à cartographier l’épigénome humain. A
une heure où l’étude n’est pas encore achevée, on peut se poser la question de
l’intérêt de commercialiser des tests fondés sur l’épigénome de l’individu.
Valider et standardiser les tests génétiques devient une urgence, alors même que
la recherche avance encore. D’autres risques, spécifiquement liés aux sciences de la
génétique, peuvent déjà se trouver dans des recommandations erronées à cause d’un
manque d’information sur l’individu et de l’omission ou de la négligence d’autres
facteurs importants.
33NIH. Regulation of genetics tests [enligne]. Disponible sur : http://www.genome.gov/10002335. (Consulté le 16-
02-2015).
34Epigenomics. Diagnostics products [en ligne]. Disponible sur :http://www.epigenomics.com/en/products-
Les mille premiers jours de vie correspondent, comme son nom l’indique, à une
période de vie. Elle débute à la conception du fœtus jusqu’aux deux ans de l’enfant.
Elle représente une fenêtre d’opportunité pour optimiser la nutrition de la femme
enceinte et ainsi agir sur la santé future de l’enfant36.
35 et 36
ThousandDays. ABOUT 1,000 DAYS [en ligne]. Disponible sur : http://www.thousanddays.org. (Consulté le
28-11-2014).
SF-DOHaD, JUNIEN Claudine. L’initiative des 1000 jours de l’OMS et l’origine développementale de la santé et des
37
38 SF-DOHaD, JUNIEN Claudine. L’initiative des 1000 jours de l’OMS et l’origine développementale de la santé et des
maladies (DOHaD) [en ligne]. Disponible sur : http://www.sf-dohad.fr/. (Consulté le 15-01-2015).
39 SCHEEN A.J. et JUNIEN C. Epigénétique, interface entre environnement et gènes. Rev Med Liège, 2012, p. 67.
44
- l’identification des fenêtres de sensibilité, très différentes d’une substance ou
d’un stress à l’autre ;
Pour conclure cette partie, face au nombre croissant des maladies chroniques
liées à l’alimentation en France et dans le monde, l’épigénétique rendrait possible la
reprogrammation des génomes sans en modifier la séquence et ce, en utilisant
simplement l’environnement. Les aliments font partie de cet environnement et en
sont même la première composante que nous ingérons directement en nous. C’est
aussi la composante sur laquelle chacun pourrait agir.
40IRESP. Les origines développementales de la santé (DOHaD) et l’épigénétique, 2012, 4 p. [en ligne]. Disponible
sur : http://www.iresp.net/iresp/files/2013/04/120925150459_qspn-18-dohad.pdf. (Consulté le 20-02-2015).
45
Nous l’avons vu, des controverses demeurent encore sur le potentiel de cette
science, et les recherches doivent encore avancer. Quoiqu’il en soit, des tests
génétiques sont déjà disponibles dans le commerce et sont suivis de conseils
nutritionnels.
46
PARTIE 2 – LES ENJEUX ETHIQUES ET SOCIETAUX
SOULEVES PAR L’EPIGENETIQUE
47
« Agis de telle façon que les effets de ton action soient
compatibles avec la permanence d’une vie
authentiquement humaine sur terre. »
48
Le potentiel de l’épigénétique dans l’enrayement des maladies chroniques liées à
l’alimentation, s‘il est confirmé par la recherche, prendrait son essor dans la
prévention et la nutrition précoce personnalisée. Dans cette partie, nous tenterons
d’avancer des réponses sur la question des enjeux éthiques, sociétaux et sociaux qui
accompagnent l’épigénétique dans ce contexte. Nous commencerons par aborder les
problématiques éthiques et sociétales liées au phénomène de généticisation, à la
confidentialité des informations génétiques et aux tests génétiques. Nous
continuerons avec les problématiques sociales et politiques soulevées par
l’individualisation de l’alimentation et par la responsabilisation et la culpabilisation
qui vont de pair avec la nutrition personnalisée que proposerait l’épigénétique. Pour
finir, nous émettrons des hypothèses sur la question des enjeux de société soulevés
par cette science dans un contexte de prévention nutritionnelle. Des entretiens
exploratoires viendront appuyer nos recherches bibliographiques.
Dans un souci de clarté, il est important de préciser que les informations qui vont
suivre ne concernent pas uniquement l’épigénétique mais plus généralement la
nutrigénomique dont l’épigénétique fait partie. En effet, la plupart des données se
rapportent à la nutrigénomique dans sa totalité. Par ailleurs, un programme de
recherche sur les implications législatives, sociales et éthiques de la génétique, ESLI
(Ethical, Legal and Social Implications)41, a été créé aux Etats-Unis en 1990 au sein de
l’institut national de recherche sur le génome humain (NHGRI : National Human
Genome Research Institute's). Il faisait partie intégrante du projet du génome humain
(HGP). Son but est de favoriser la recherche fondamentale et appliquée sur les
implications éthiques, juridiques et sociales de la recherche génétique et génomique
pour les individus, les familles et les communautés. Le programme gère les études et
soutient des ateliers, des consortiums de recherche et des conférences sur les
politiques liées à ce thème. Cette institution va nous servir de référence pour aborder
les questions éthiques, sociétales et sociales que soulève l’épigénétique, en particulier
dans le cadre des mille premiers jours de vie.
41
NIH. ElsiResearch Program [en ligne]. Disponible sur : http://www.genome.gov/elsi/. (Consulté le 20-02-2015).
49
Chapitre 1 : Questions éthiques, sociétales et
sociales soulevées par l’émergence de
l’épigénétique
51
1.2.1. La discrimination sociale
Dès les années 1980, on prend conscience que détenir des informations génétiques
d’une personne peut représenter un risque de la discriminer dans de multiples
domaines comme l’emploi, l’accès aux soins et la couverture sociale d’assurance. Il a
alors été question de privatiser les données génétiques. Avec la nutrition
personnalisée envisagée par l’épigénétique et la nutrigénomique, le débat sur les
applications de la génétique fera apparaître de nouvelles questions. Par exemple, on
peut facilement imaginer que des assureurs soient friands de connaître les
prédispositions génétiques et épigénétiques de leurs clients et ainsi de proposer des
contrats d’assurance maladie ou d’assurance vie en fonction, ce qui serait révoltant.
Le cadre législatif dans lequel va évoluer l’épigénétique doit être bien posé. Il est à
noter comme la mise en application de telles mesures sous forme de lois peut prendre
énormément de temps. Aux Etats-Unis, une loi protège les américains de toute forme
de discrimination génétique dans le domaine de l’emploi et des assurances maladies.
Il s’agit de la loi GINA (Genetic Information Non discrimination Act of 2007)43 en
vigueur depuis mai 2009. Elle a nécessité treize ans de débats au Congrès. De même,
en Europe, un texte a été adopté en novembre 2008 sous la forme d’un Protocole
additionnel à la convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, relatifs aux tests
génétiques à des fins médicales44. Le texte protège toute personne d’être discriminée
selon son patrimoine génétique, et définit les directives quant à la divulgation des
données et aux conditions liées aux tests de dépistage.
Par ailleurs, les tests génétiques en nutrigénomique risquent de faire place à des
situations nouvelles et donc à des questionnements nouveaux. Par exemple, la
détection d’un caractère épigénétique ou génétique qui favoriserait le développement
d’une maladie liée à la nutrition posera de nouvelles questions aux professionnels de
santé du fait de sa transmission possible entre générations. Le médecin sera
confronté au problème de divulgation ou non de cette information aux autres
membres de la famille susceptibles de posséder le même génotype et les mêmes
marques épigénétiques. Il faudra se demander où se situe la priorité entre
43Genetics Home Reference.The Genetic Information NondiscriminationAct (GINA) [en ligne]. Disponible sur
:http://ghr.nlm.nih.gov/spotlight=thegeneticinformationnondiscriminationactgina. (Consulté le 20-02-2015).
44Conseil de l’Europe. Protocole additionnel à la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine relatif aux
tests génétiques à des fins médicales, 2008, 1 p. [en ligne]. Disponible sur :
http://conventions.coe.int/treaty/fr/treaties/html/203.htm. (Consulté le 20-02-2015).
52
confidentialité des données et assistance à personne potentiellement en danger. A ce
propos, le protocole additionnel européen cité plus haut prévoit et insiste sur
l’importance de prendre en charge la sensibilisation de la personne testée, et
d’informer ou non de manière systématique un membre de la famille. Il encourage
aussi à proposer des procédures alternatives qui n’impliqueraient pas la personne
réticente. Le choix de ces procédures est à déterminer par chaque Etat de l’Union
Européenne. Il est à préciser que cette réglementation ne s’applique qu’aux tests
génétiques à des fins médicales et non pour la recherche.
Comme nous avons pu le voir dans le chapitre précédent, des compagnies vendent
leurs services en analyse génétique et leurs conseils nutritionnels suite à l’envoi d’un
échantillon de salive comportant l’ADN. A ce jour, une grande majorité des
consommateurs n’ont pas connaissance de l’existence de la nutrigénomique, encore
moins de l’épigénétique et des tests qui en découlent comme en témoignent deux
études. L’une, réalisée au Canada, montre que seulement 7% des personnes
interrogées ont déjà vu le terme « nutrigénomique » et que seulement 2 % ont
connaissance de l’existence de sociétés qui commercialisent des tests
nutrigénomiques. L’autre, réalisée aux Etats-Unis, montre que sur cinq-mille
personnes interrogées, 14% connaissent l’existence des tests et 0,6% en ont déjà
utilisé (Wahli et al., 2011, p.161). En France, Monsieur A avait organisé un focus group
afin d’entrevoir la perception des participants vis-à-vis de l’émergence de la
nutrigénétique et de l’épigénétique. A l’issue de cela, les avis sont partagés, des
personnes adhèrent et d’autres non. Avec l’avancée scientifique et l’intérêt croissant
du public, il est essentiel de mesurer les implications, les objectifs, les dangers et les
bénéfices de tests nutrigénomiques. Les bénéfices et les risques associés aux tests se
retrouvent dans quatre domaines (Wahli et al, 2011, p.162) :
- Les questions sociales plus larges abordées plus haut : système de santé,
assurances, responsabilité individuelle ou sociale, questions de privatisation
des données et discrimination génétique.
En ce qui concerne la validation, il reste des éléments à vérifier avant de faire passer
les tests nutrigénomiques du domaine de la recherche en commerce. De même, sept
entreprises proposant la vente de tests nutrigénomiques ont récemment été évaluées
et il a été montré que les conseils prodigués en termes d’alimentation et de mode de
54
vie manquent de preuves scientifiques suffisantes. Il faut protéger les consommateurs
contre les entreprises à visée purement commerciale qui effectuent des tests
invalides. Que la recherche biomédicale collabore avec l’industrie reste essentielle et
souhaitable, mais les deux ne doivent pas dépendre trop fortement l’un de l’autre au
risque que les grandes sociétés minent l’intégrité scientifique et éthique.
Par ailleurs, concernant les implications des tests nutrigénomiques, un autre point
s’impose. Il s’agit de la question de la place des médecins dans ce cadre, qui est l’un
des enjeux importants à ne pas négliger. En effet, l’accessibilité directe et libre sur
internet de tests prédictifs de l’état de santé d’un individu risquerait d’évincer le
corps médical. Une nouvelle relation va naître entre l’individu et la gestion de sa
santé, une relation qui ne tiendrait pas compte des médecins puisque l’avis ou la
prescription médicale ne sont pas nécessaires lors de la procuration de ces tests. De
même, les compagnies commercialisant ces produits, fournissent aussi les
recommandations nutritionnelles en réponse et ce, sans solliciter le corps médical. Il
est probable que ces problématiques bioéthiques que nous venons d’évoquer
trouveront un cadre dans lequel se réguler, mais l’épigénétique dirigée vers la
prévention nutritionnelle soulève une problématique plus complexe car plus humaine
qui sont celles liées à l’accessibilité à la nutrigénomique et à la modification de notre
rapport à la nourriture.
55
2. Problématiques sociales
De plus, l’image que renvoient la femme enceinte et l’enfant de moins de deux ans
est celle d’êtres fragiles dont on doit prendre soin. Instinctivement, la femme
cherchera à protéger son enfant et le père à protéger la mère et l’enfant. On peut
penser que les règles visant à protéger la santé des êtres dont nous nous sentons
responsables sont d’autant plus culpabilisantes si elles ne sont pas respectées.
D’autant plus qu’ici, le rôle protecteur de la mère pour son enfant et du père pour
la mère et l’enfant sont des rôles attendus par la société. La responsabilité qui
pèserait sur les parents quant au respect des recommandations nutritionnelles serait
56
ainsi encore plus accentuée menant jusqu’à un sentiment de culpabilisation fort si la
règle n’est pas respectée.
Ce sentiment de culpabilité est renforcé par le fait qu’il est question d’un enfant
mais aussi de la santé des générations futures. L’autorité parentale, qui demande
notamment aux parents de l’enfant de veiller à sa santé et à sa sécurité, est une
opinion commune, véhiculée par la société et encadrée par des obligations légales qui
constituent les articles 371 et suivants du Code civil47. Ainsi, la responsabilité des
parents vis-à-vis de la santé de leur enfant est normée. Ces normes sont intériorisées
et partagées par les membres de la société française. Une norme ne peut pas exister
sans sanctions. Ces dernières sont nécessaires à la prospérité de la norme car elles la
cadrent et la matérialisent et ainsi lui permet d’exister. Le non-respect des lois
entrainent des sanctions juridiques. Ici, concernant la responsabilité des parents, on a
aussi à faire à une opinion commune assez forte au point que chacun se dise qu’il faut
faire quelque chose quand on voit un enfant en danger. L’individu, une fois parent ou
en devenir, fait face à ces normes intériorisées et s’applique alors lui-même des
sanctions d’ordre moral, telle que la culpabilité s’il n’a pas le sentiment de faire ce
qu’il faut. Or, la culpabilité exacerbée peut entraîner des états émotionnels instables,
voire dépressifs, ce qui n’est absolument pas le but de la santé publique.
Enfin, même si ce sont les deux parents qui transmettent leurs marques
épigénétiques et sont responsables de leur enfant, la mère endossera certainement
davantage la responsabilité de respecter les recommandations nutritionnelles. En
effet, durant la grossesse, la femme reste celle qui porte le fœtus, elle assure sa
fonction nourricière mais c’est aussi sur elle que le regard se pose lors de la
communication des recommandations prescrites en faveur de la santé de l’enfant. De
même, après l’accouchement, le nourrisson entretient un lien étroit nécessaire avec
sa mère. Si l’allaitement est choisi, ce qui sera surement recommandé par la
nutrigénomique, c’est encore la femme qui assure la fonction de nourricière. Ainsi, la
femme se sentirait donc plus responsable et responsabilisée par l’alimentation de son
enfant et ce, depuis le début de la grossesse. On peut donc penser que l’application de
l’épigénétique en nutrition personnalisée renforcerait le sentiment de culpabilisation
des parents vis-à-vis de la santé de leur enfant. Ce sentiment serait d’autant plus
présent chez la mère que chez le père. D’autant plus, qu’à l’heure actuelle, notre
entretien avec Madame C, nous montre que les femmes enceintes croulent déjà sous
les recommandations nutritionnelles contradictoires et culpabilisants qui font oublier
le plaisir de manger : « Il y a quand même beaucoup de messages qui peuvent être
culpabilisants et puis qui vont en sens contraire. Par exemple, au niveau de
l’alimentation, on a l’impression qu’elles ne peuvent plus rien manger, ce n’est quand
même pas évident. Par ce que si on fait gaffe sur les listérioses, la toxoplasmose, plus
tous les interdits – c’est vrai que si vous avez à votre table deux copines qui sont
enceintes vous pouvez plus rien leur faire à bouffer. Il n’y a même plus de plaisir : les
fromages vous pouvez pas (enfin ça dépend lesquels), c’est compliqué. »
De plus, un certain nombre d’enquêtes ont montré que le fait de déplacer les
décisions alimentaires au niveau de l’individu a pour effet, en France, d’augmenter la
demande en matière de conseils alimentaires (Poulain, 2008, p. 194). Or, les discours
nutritionnels diffusés à travers les médias sont souvent contradictoires et très denses
en informations, et donc impossible à assimiler dans leur totalité. Le mangeur se
trouve face à une « cacophonie alimentaire » et ne se retrouve plus parmi les
informations (Fischler, 1979, 1990, 1996 in Poulain, 2008 p. 195). De même,
60
concernant le corps médical, l’individu considère généralement que son médecin
généraliste le connaît bien et qu’il sera capable de lui fournir des réponses. Or, les
généralistes ne sont pas des spécialistes de la nutrition, même si leur cursus
universitaire compte plus de temps de formation en nutrition qu’auparavant.
- objectif : via les acides aminés composant la nourriture et qui vont constituer
nos muscles et notre corps ;
- social : via l’intégration dans un groupe social par le partage d’un repas.
Pour aller plus loin, il est à noter que se nourrir constitue des risques à plusieurs
niveaux :
- identitaire : car si l’on ne sait pas ce que l’on mange on ne sait pas ce que l’on
incorpore et donc ce que nous devenons.
61
L’individualisation de l’alimentation s’éloigne de la commensalité, d’où le
renforcement du sentiment d’anxiété à ce niveau. En effet, la commensalité permet de
partager collectivement la décision alimentaire. La responsabilité associée s’en
trouve, elle aussi, partagée collectivement, et diminue les effets anxiogènes de l’acte
alimentaire. Lors de notre entretien exploratoire, Madame B, une sociologue
spécialisée dans l’alimentation enfantine, évoque l’hétéronomie, soit l’inverse de
l’autonomie. Dans le contexte de l’individualisation de l’alimentation, l’hétéronomie
traduit le fait que l’individu ne porte pas seul la responsabilité de son choix
alimentaire grâce à la commensalité. La commensalité porte la décision collective.
Ainsi, la perte de commensalité augmenterait le sentiment de responsabilité des
parents déjà submergés de devoirs et de recommandations. Néanmoins, concernant
les mille premiers jours, la femme enceinte et le tout petit ont déjà des alimentations
spécifiques. Individualiser la nutrition précoce serait donc moins difficile
qu’individualiser l’alimentation des populations déjà adultes. Toutefois, il demeure
que l’anxiété accompagnant l’acte alimentaire de la femme enceinte risquerait de ne
pas aller en diminuant.
50EU Pledge. We will change our food advertising to children [enligne]. Disponible sur : http://www.eu-pledge.eu/.
(Consulté le 20-02-2015).
51Que Choisir. La réalité des engagements de l’agroalimentaire sur l’obésité infantile, la vérité sort du cartable des
65
Ces deux hypothèses vont être précisées en nous appuyant sur le travail
bibliographique effectué jusqu’ici mais aussi sur un entretien exploratoire réalisé
avec une nutritionniste d’un CHU et spécialisée dans les grossesses.
Le génome humain est capable de s’adapter à son milieu mais il lui faut beaucoup
de temps pour cela, des milliers d’années. On peut imaginer qu’il puisse s’adapter à
l’environnement obésogène dans lequel nous vivons. Cependant, les altérations de
notre environnement avec la pollution de l’air et de notre état nutritionnel avec les
régimes alimentaires riches en gras et en sucres, la présence d’additifs et d’agents
conservateurs dans les aliments, sont apparues très rapidement comparé à l’échelle
de l’évolution de l’espèce humaine. Ces changements apparus trop rapidement ne
laisseront pas le temps au génome humain de s’adapter. Ce temps cumulera beaucoup
de dépenses en santé et de vies sur son chemin suite aux nombreuses maladies
chroniques qui ne font qu’augmenter. L’épigénétique représente une opportunité
pour agir précocement dans le domaine de la nutrition. Pour faire de l’alimentation
un outil puissant de prévention des maladies chroniques, la société doit innover
socialement et au niveau scientifique. Le domaine de la nutrigénomique et de
l’épigénétique peut occuper une place centrale, au cœur des avancées scientifiques et
des problématiques sociétales mais aussi des exigences économiques fondées sur le
profit et les investissements financiers comme l’illustre bien la figure 5 (Wahli et al.,
2011, p.175-176).
66
Figure 5 La nutrigénomique au centre des problématiques sociétales et des avancées scientifiques
Les informations issues des tests génétiques sont importantes et ont des
conséquences sur l’alimentation ou sur le traitement éventuel du patient. L’individu
se retrouve patient et le test, qu’il soit bien ou mal interprété, peut avoir des
conséquences possible sur son état émotionnel et sur le comportement qu’il va alors
adopter (cf. Figure 6) (Wahli et al., 2011, p.163). L’accès de ces tests au public sans
encadrement et sans accompagnement reste véritablement discutable, tant au niveau
émotionnel qu’au niveau éthique et économique sur la question de l’évincement des
médecins.
67
Figure 6 Réactions comportementales possibles suite à la communication du résultat d'un test
nutrigénomique
Enfin, et plus spécifiquement encore, les mille premiers jours constituant une
priorité en prévention nutritionnelle, alors ce sont les professionnels de santé amenés
à prendre en charge les grossesses qui doivent être formés.
69
Les femmes enceintes mais aussi les femmes en vue de l’être doivent être
sensibilisées par des professionnels formés. Cependant, il est bien connu que les
femmes enceintes et les jeunes parents croulent déjà sous les recommandations
nutritionnelles parfois contradictoires. Le corps médical ne fait office que de
conseiller et n’est pas en droit et en mesure de transformer ces recommandations en
obligations.
Le Plan National de Nutrition Santé (PNNS) œuvre depuis 2001 pour améliorer
l’état de santé de l’ensemble de la population en agissant sur la nutrition. Des guides
ont été publiés et sont disponibles sur internet. L’un d’eux vise à informer les femmes
enceintes52. Malgré l’effort effectué pour le rendre lisible et clair, des femmes même
avisées n’y comprennent pas tout, comme nous le confirme notre entretien
exploratoire avec Madame C : « Beaucoup nous disent ‘’oui, mais je ne comprends pas
tout’’, et voyez, même ma fille qui est pourtant orthophoniste, sans préjugé de ma part,
elle projette de faire un bébé et a lu le guide : elle m’a dit ‘’dis donc, maman, c’est
compliqué ton truc’’ donc voyez comme ce n’est pas évident de faire passer les
messages ». Les chiffres montrent que les pratiques ne suivent pas les
recommandations :
52INPES. Le guide nutrition pendant et après la grossesse, 2007, 52 p. [en ligne]. Disponible sur :
http://www.inpes.sante.fr/CFESBases/catalogue/pdf/1059.pdf. (Consulté le 20-02-2015).
53,55 et 56Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Enquête nationale périnatale 2010, les
naissances en 2010 et leur évolution depuis 2003, 2011, 132 p. [en ligne]. Disponible sur :
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Les_naissances_en_2010_et_leur_evolution_depuis_2003.pdf. (Consulté le 20-
02-2015).
54ANSES. Étude Individuelle Nationale des Consommations Alimentaires 2006-2007 [en ligne]. Disponible sur :
70
Plus de 50% des moins de 3 ans57 et 70% des adultes ne mangent pas
suffisamment de fruits et de légumes58.
À partir d’1 an, apparaissent des risques d’apports insuffisants en acides gras
essentiels, fer, vitamine D et iode60.
57TRND. Etude TNS SOFRES réalisée pour Blédina. Usage et attitudes 1 carnet de consommation 2011 sur
l’alimentation des 4-36 mois [en ligne]. Disponible sur : http://company.trnd.com/fr/presse/communiques-
presse/bledina-sachets-danone. (Consulté le 20-02-2015).
58 CREDOC. Le petit déjeuner en perte de vitesse, 2013, 4 p. [en ligne]. Disponible sur :
http://www.credoc.fr/pdf/4p/259.pdf.pdf. (Consulté le 20-02-2015).
59TNS SOFRES. Étude Nutri Bébé - SFAE 2013, 2013, 1 p. [en ligne]. Disponible sur : http://www.tns-
requirements and dietary intakes of infants and young children in the European Union, 2013, 103 p.
[enligne].Disponible sur : http://www.efsa.europa.eu/en/search/doc/3408.pdf. (Consulté le 20-02-2015).
61 InVS. Salanave, B. et al. Taux d’allaitement maternel à la maternité et au premier mois de l’enfant. Résultats de
71
conseils mais restent fatalistes et perdent difficilement les kilos préconisés avant la
grossesse. L’épigénétique représenterait une véritable opportunité d’optimiser le
patrimoine génétique malheureusement prédisposant à l’obésité et au diabète. De
plus, Claudine Junien dans son article sur la SF-DOHaD, informe que la fenêtre
d’opportunité des mille premiers jours a récemment été étendue à l’adolescence. On
pourrait alors imaginer que les jeunes filles mais aussi les jeunes garçons, en fin
d’adolescence et en âge de procréer puisse bénéficier d’une formation encadrée, à
l’école, sur la question comment se nourrir. Madame C propose même, sur le ton de la
plaisanterie, l’idée de revenir aux cours de nos grand-mères sur comment « être une
bonne ménagère ». Il s’agirait de connaitre les aliments qui nous entourent et
l’alimentation à adopter le plus sainement possible afin d’optimiser ses marques
épigénétiques et la grossesse future éventuelle. En effet, agir aussi tôt permettrait
d’informer un grand nombre de jeunes en âge de procréer, et de mobiliser très tôt les
garçons sur le fait qu’eux aussi transmettent des marques épigénétiques et sont
responsables de la santé future de leurs enfants.
A ce jour, les deux grandes hypothèses envisagées et détaillées ci-dessus n’ont pas
pu être vérifiées, une étude de terrain est donc nécessaire. La partie qui suit va tenter
de proposer une méthodologie probatoire fondée sur des entretiens qualitatifs
permettant d’avancer sur les questions évoquées.
72
PARTIE 3 – PROPOSITION D’UNE METHODOLOGIE
PROBATOIRE
73
« Quelle que soit la posture adoptée, le souci des sociologues sera
toujours de construire des instruments d’enquête et de mesure
fidèles et fiables. »
74
Chapitre 1 : Présentation de l’étude probatoire
1. Problématique
2. Hypothèses
3. Objectifs
Pour l’hypothèse B, l’objectif global est de rendre compte du ressenti des femmes
enceintes vis-à-vis de leur niveau de responsabilisation du lien alimentation-santé de
leur enfant, et entrevoir un aperçu de leur perception de l’épigénétique.
76
4.1. Définition de l’échantillon
Comme dans le cas de toutes méthodes scientifiques, les sujets enquêtés par
méthode qualitative doivent être représentatifs de la diversité de la population
étudiée. On ne parle pas de la même représentativité qu’en méthode quantitative
auquel cas on rechercherait la représentativité en nombre. Ici, la méthode d’enquête
semi-directive nécessite entre douze et vingt entretiens. En théorie, leur nombre
dépend du degré d’hétérogénéité de la population à étudier, de la diversité des
critères à représenter. En pratique, il dépend principalement du budget et du temps
dont on dispose pour réaliser la recherche. Si les personnes ont bien été choisies,
alors au-delà de vingt entretiens, le contenu semble redondant. D’où la nécessité de
procéder à un bon échantillonnage suite à une définition la plus précise possible des
critères de sélection des enquêtés62.
4.1.1. Hypothèse A
62SERRA-MALLOL Christophe. Collecte de données. Cours de Master 1 Alimentation SSAA, ISTHIA, Université
Toulouse Jean Jaurès, 2015.
77
l’orienter vers d’autres professionnels : médecin spécialiste, infirmier, psychologue,
assistante sociale.
En En En Année d’obtention du
PROFESSIONNELS
Hôpital libéral PMI diplôme
4.1.2. Hypothèse B
Enfin, les femmes en bonne santé et dont la grossesse ne pose pas de problème de
78
déroulement se distinguent des femmes qui, dès le début de la grossesse ou au cours
de son déroulement auront besoin de soins complémentaires et seront orientées vers
une filière de soins spécifiques. Les femmes en obésité et diabétiques, notamment,
sont exclues car elles sont déjà sensibilisées aux recommandations nutritionnelles et
aux complications possibles liées à leur grossesse. Elles constituent une population
cible de la nutrigénomique qu’il serait intéressant d’étudier dans une seconde étude.
Ici, le but est d’estimer le ressenti des femmes enceintes en général. Il s’agit de
visualiser l’intérêt des femmes ignorant leurs prédispositions éventuelles aux
maladies liées à l’alimentation pour les recommandations nutritionnelles et la
nutrigénomique. Dans le cadre de l’étude de notre hypothèse, il est intéressant
d’observer l’impact des différents professionnels qui peuvent suivre médicalement
une grossesse et leurs différents lieux d’exercice. Ce sont donc les deux facteurs que
nous ferons varier lors du recrutement de l’échantillon. En effet, ces éléments ont un
lien direct avec le ressenti de la femme enceinte, il serait intéressant de voir, par
exemple, que les femmes suivies en PMI sont moins culpabilisées que les femmes en
hôpital. Nous pouvons synthétiser les caractéristiques de l’échantillon dans le tableau
suivant :
4.2.1. Hypothèse A
4.2.2. Hypothèse B
Pour recruter les femmes enceintes, nous nous rendrons dans une maternité :
lieu privilégié pour rencontrer des femmes enceintes suivies par des professionnels
variés, dont la grossesse est confirmée, et dont l’état de santé est déjà diagnostiqué.
Une fois que les femmes correspondantes aux critères sont isolées, nous
établiront un courrier de sollicitation qui leur sera transmis par le personnel de la
maternité si possible. Le courrier précisera mes coordonnées, et mon souhait de
rencontrer ces femmes dans le cadre de mon mémoire de recherche pour discuter de
la grossesse. Nous ne donnerons pas de précisions supplémentaires pour éviter
qu’elles préparent leurs réponses, ou effectuent des recherches préalables.
5. Limites de l’étude
Tout d’abord, dans le cas des deux hypothèses, la barrière de la langue est
inévitable : il faut parler français. Nous ne prendrons donc pas en compte les femmes
étrangères qui vivraient leur grossesse en France. Les professionnels représentés ne
concernent pas les sociologues du genre et les assistantes sociales qui pourraient
aussi témoigner de la sur-responsabilisation des femmes enceintes vis-à-vis de la
santé future de leur enfant. Enfin, l’étude aura lieu à Toulouse et ne prendra pas en
compte ni l’influence du milieu géographique, ni celle du mode de vie urbain ou rural.
Les outils élaborés auront besoin d’être testés en vue de les améliorer et de les
81
valider avant de commencer. Une maternité de Toulouse de niveau I, II et III peut
constituera notre terrain d’application.
Enfin, comme c’est le cas pour toute enquête de terrain, les contraintes de temps
et de budget ont été prises en compte et influencent la qualité de l’étude.
Le but est de vérifier si les professionnels de santé qui prennent en charge les
grossesses connaissent l’épigénétique et ont besoin d’être formés en génomique
nutritionnelle. Dans un premier temps, nous resterons assez général en discutant sur
la profession. Dans un second temps il s’agira de voir si les praticiens parlent d’eux
même de l’épigénétique en abordant le thème alimentation-santé. Nous tenterons
alors de tourner autour de la question en insistant sur le cadre de la grossesse. Enfin,
si l’épigénétique et la génomique nutritionnelle n’apparaissent toujours pas dans le
discours, nous ferons évoluer les questions vers l’évolution de la science, les besoins
et les sciences émergentes. Nous terminerons par une question plus fermée portant
sur la nécessité de mettre en place une formation en génomique nutritionnelle et en
épigénétique dans le corps de métier interrogé.
Thème 1 : La profession
En général
82
En général
Le but étant de vérifier que les femmes enceintes risquent d’être davantage sur-
responsabilisées par la probable alimentation personnalisée issue de tests
épigénétiques ou nutrigénomiques, nous chercherons à montrer dans un premier
temps qu’elles se sentent déjà hyper-responsabilisée par les messages qu’elles
reçoivent actuellement et qui sont parfois contradictoires. Nous chercherons ensuite
à voir si elles ont déjà entendu parler de l’épigénétique ou la nutrigénomique, et si
elles seraient intéressées par l’utilisation de cette science pour leur émettre des
recommandations en fonction de leur gènes.
La femme enquêtée doit être guidée, et non influencée par les questions ou propos de
l’enquêteur. Nous commencerons la conversation par un thème global et des
questions générales, puis nous affinerons les thèmes pour arriver sur l’épigénétique
et constater aussi par la même occasion si l’enquêtée vient à en parler d’elle-même.
En effet, au vu de la communication que fait Bledina sur le sujet, il est possible que
certaines en parlent d’elles-mêmes.
Thème 1 : La grossesse
83
Image de la grossesse
Suivi et vécu
Santé de l’enfant
Présentation
84
CONCLUSION GENERALE
Nous avons alors appris que l’épigénétique représente un potentiel qui semble
pour l’instant s’avérer au niveau préventif et durant la grossesse et les deux
premières années de vie. La DOHaD, ou le concept des origines développementales de
la santé, est à la base d’un programme de santé publique, lancé par l’OMS, autour de
l’épigénétique qui s’intitule les « 1000 jours ». La nutrition précoce personnalisée
fondée sur l’épigénétique semble alors émerger et risquerait ainsi d’individualiser
l’alimentation des femmes enceintes et des jeunes enfants jusqu’à leurs deux ans. Les
recherches sont encore en cours. Néanmoins, de nombreux tests nutrigénomiques et
épigénétiques sont d’ores et déjà dans le commerce. Les choses évoluent vite et
malgré son aspect spectaculaire il ne faudrait pas négliger les enjeux sociétaux,
éthiques et sociaux impliqués par cette science qui touche le domaine du vivant, le
85
domaine de la génétique mais aussi le monde des assurances, et enfin le modèle
alimentaire français et la sur-responsabilisation des futures mères, si elle venait à
s’appliquer. Des troubles alimentaires telles que l’orthorexie s’observent déjà dans
notre société, notamment en réponse à l’anxiété que suscite l’acte alimentaire
aujourd’hui. Il ne faudrait pas gâcher le potentiel de la science épigénétique par
d’autres maux ou même par une non-application due à une mauvaise gestion de tous
les enjeux qu’elle représente. La formation des praticiens en génomique
nutritionnelle semble nécessaire, notamment au niveau de la prise en charge
médicale de la grossesse. Les parents devront également faire face à un renouveau
dans l’alimentation de la femme enceinte et du tout petit. Le sentiment de sur-
responsabilisation vis-à-vis de la santé de leur enfant et des générations futures
risquerait de s’accroître.
86
BIBLIOGRAPHIE
87
TABLE DES ANNEXES
2. Annexe B : Entretien exploratoire avec une nutritionniste en CHU spécialisée dans les
grossesses .................................................................................................................................... 83
88
Annexe A : Tableau de synthèse des entretiens exploratoires réalisés
post-doctorant associé en sociologie, - Un camp avec Andràs Paldi qui rappelle que
spécialisé dans les changements L’existence de deux « l’épigénome évolue tout le temps donc il ne peut
alimentaires et notamment dans la camps dans la pas être codifié », et un autre camp qui prétend
génomique nutritionnelle, le 8 recherche pouvoir codifier l’épigénome comme on a pu codifier
décembre 2014. (80 min) le génome humain.
La recherche
- Le projet Epigenom humain : financé par l’UE, des
laboratoires et industries pharmaceutiques
Madame C,
89
Annexe B : Entretien exploratoire avec une nutritionniste en CHU
spécialisée dans les grossesses
C : Oui.
C : Oui. Mais en fait c’est vrai que moi bon j’ai a été formé il y a longtemps, mais ça ne fait
pas longtemps que l’on en parle ?! Nous on apprenait la génétique et après on a
commencé à parler un petit peu de l’épigénétique mais dans d’autres pathologies et en
fait maintenant on en parle de plus en plus.
Moi : Donc justement pensez-vous que, actuellement, l’épigénétique est une science qui
intéresse les nutritionnistes ?
90
C : Moi je pense que ça ne les intéresse pas encore beaucoup et pas assez ça c’est sûr !
Mais de temps en temps dans nos congrès de nutrition endocrino, il y a des petites
parties mais pas grand-chose. C’est encore un peu mystérieux mais ça commence à venir.
Moi : Est-ce que vous participez à des travaux de recherche sur la santé en lien à
l’alimentation ? Est-ce que l’épigénétique fait partie des thématiques abordées ?
Moi : D’accords.
C : Et après je participe avec l’Université de Lausanne à une étude chez les femmes
opérées de l’obésité en chirurgie bariatrique enceintes, sur le devenir des enfants. C’est
quand même des femmes qui ont des grosses carences vitaminiques la plupart du temps.
91
C : Je suis incapable de trancher là-dessus mais je lis des choses sur les deux choses. Mais
c’est vrai que c’est quand même différent dans les messages que l’on transmet aux gens
et aux femmes enceintes, car si vous dites à une femme enceinte « bah tout est joué de
toute façon, et votre bébé aura l’épigénome que vous lui donnez dans les 3 premiers mois
de vie intra utérine », moi j’avoue je n’y crois pas car il y a quand même des études
animales qui montrent que ça évolue après que ça peut être réversible pour certaines
choses. Une autre particularité ce sont les femmes ayant eu une chimiothérapie étant
gamine contre un cancer c’est sûr que ça, ça bouleverse complètement tout plein de
choses et en fait on sait que sur le plan clinique il y a plein de choses réversibles dans la
mal nutrition comme dans d’autres domaines d’ailleurs.
C : Oui, je suis membre de leur association en France, bon après j’ai du mal à suivre tous
les travaux et il n’y a pas de financement.
Moi : Je l’ai regardé en ligne, et ils font attention à dire que la recherche soit encore
avancer …
C : Je sais que ça préoccupe beaucoup par exemple mes patientes diabétiques, pour le
coup c’est autre chose. Parce que les toutes premières recherches que j’ai connu moi
c’est des recherches qui montraient que les enfants des mamans diabétiques même très
bien équilibrées, à l’âge adulte avaient plus d’insulino résistance, plus de problèmes
métaboliques, en dehors de toute génétique, et une fonction rénale diminuée, un risque
vasculaire plus augmenté. Et ça pour elles c’est vachement dur car ces femmes elles font
tous les efforts du monde et on leur dit c’est comme si vous faisiez rien globalement et
c’est vachement dur. Alors qu’en fait il y a des choses réversibles certainement et puis
voilà il y a d’autres facteurs qui jouent dans l’enfance et donc même dans la nutrition
infantile. On parle du début de la grossesse ou de la grossesse mais après il y a quand
même la façon dont on se nourrit.
92
Moi : Ok, savez-vous où en sont les industries pharmaceutiques et agroalimentaires par
rapport à l’épigénétique et à leur partenariat avec la recherche ?
C : Bah pas très bien. Bon après je pense qu’ils ne disent pas tout, il y a toute la
communication autour des « 1000 jours ». Parce qu’en fait on leur a demandé un
financement, enfin Bledina en particulier mais après je ne sais pas en détail je n’ai pas de
vue d’ensemble dessus.
Moi : Et donc Bledina ils communiquent beaucoup là-dessus et ils ont l’air assez moteurs
Moi : Et est ce qu’il y a des industries pharmaceutiques, des industries plus tournées vers
les nutraceutiques ?
Moi : Que savez-vous de l’implication des pouvoirs publics et politique dans ce domaine ?
C : Bah pas grand-chose je n’ai pas l’impression que ça les préoccupe beaucoup à part
certains projets de recherche clinique des choses comme ça qu’ils acceptent ou pas.
Même le PNNS il n’y a pas de choses là-dessus.
Moi : Non, il sort en septembre prochain, je ne sais pas encore mais on nous la dit en
cours de nutrition.
C : Maintenant tout le monde pense à la thérapie génique. Mais c’est vrai qu’il y a une
espèce de fatalité génétique qui peut faire baisser les bras et en même temps la toute-
puissance de la génétique, je ne sais pas ce qu’il faut en penser, mais les patients
l’exprime en consultation.
93
Moi : Les patients l’expriment ?
C : Oui les patients l’expriment et perçoivent un petit peu la dualité du truc. Par exemple
une patiente me disait « de toute façon c’est la génétique je n’y peux rien enfin à moins
que l’on trouve quelque chose pour soigner mes gènes ». Mais du coup elle ne fait
absolument aucun effort, ce qui fait que quand même elle aggrave les choses. Mais si elle
faisait un tout petit peu plus attention on aurait pas besoin de dégainer 3 médicaments
au lieu de 2.
C : En même temps oui et ça responsabilise plus les gens aussi mais ça peut même les
culpabiliser, ça c’est un autre problème, c’est l’inconvénient.
Moi : Avez-vous des chiffres nationaux et/ou locaux concernant l’état nutritionnel des
femmes enceintes ? J’entends par là la proportion de femmes en sous-nutrition, en
carence, en sur-nutrition ?
C : Il y a un peu près 10% de femmes en âge de procréer obèses (indice IMC), entre 25 et
30 % selon les endroits, les régions on a ça sur OBEPI sur internet, et ça rejoint nos
chiffres locaux. Depuis 2000 OBEPI ROCHE font tous les 3 ans un état de l’obésité et du
surpoids dans la population française et par région, avec l’évolution de la population, et
tout par tranche d’âge. Vous regardez les 15 45 ans et vous voyez le nom la proportion
94
chez les hommes chez les femmes et l’évolution dans les régions. C’est marrant qu’il y a
des régions par exemple en franche comté ils ont une obésité bien plus importante que
nous mais eux ils ont stagné nous on a monté ce qui fait que l’on va bientôt les rejoindre.
Et ils ont fait une corrélation avec la précarité, c’est très intéressant.
C : Oui donc on a eu en maternité près de 500 obèses, et on a des obésités très sévères
au-dessus de 40. On a 1% des femmes qui ont été opérée de l’obésité et puis un petit
tiers de femmes en surpoids entre 25 et 30 ans. Ce qui fait quand même pas mal de
monde concerné par la question. Et là encore on ne regarde pas les femmes d’un poids
normal qui bouffent n’importe quoi. Car ce ne sont pas forcément les obèses qui mangent
le plus mal, ça aussi c’est un autre problème. Elles mangent des fois trop mais ce ne sont
pas celles qui mangent le plus mal. Par exemple les femmes très minces qui se
restreignent beaucoup et qui pendant la grossesse se lâchent et mangent n’importe quoi,
on en a qui prennent 30 kg et ça c’est péjoratif sur l’obésité de l’enfant. Quand j’alerte ces
femmes la dessus elles réagissent bien en général, souvent elles me disent qu’elles n’ont
pas été alerté la dessus vu qu’elles sont minces elles n’ont pas pensé à ça. On essaie de
former les sages-femmes et les obstétriciens qui les suivent pour les alerter un peu avant
que ce soit trop catastrophique. Car quand on me les envoie et qu’elles ont déjà pris 30 kg
je peux rien faire quoi, dans ce cas le bébé a reçu tous les acides gras etc ça on le sait car
une étude portugaise a montré qui a regardé les enfants à 8 ans et qui a comparé la prise
de poids de la maman pendant la grossesse et donc quel que soit le poids des mères
(minces grosses) celles qui avaient pris plus de 16 kg les enfants étaient 2 fois plus obèses
Moi : Donc là on parle de surpoids mais Qu’est-ce qu’il en est des problèmes de sous-
nutrition et de carence ?
C : Donc là justement on étudie les carences sur les femmes en chirurgie bariatrique, donc
là il y a des carences terribles avec surcroit de malformation, surcroit de complications
fœtales. Malheureusement c’est en train d’augmenter, d’autant plus que les femmes
obèses après plus personne ne les prend en charge car comme elles sont plus grosses bah
tout le monde s’en fou hein. Les acteurs locaux les médecins traitants ne connaissent pas
en fait, c’est pas qu’ils ne veulent pas faire, c’est qu’ils ne connaissent pas, ils banalisent
95
et nous on voit arriver des femmes multi-carencées. L’autre fois on a quand même vu une
femme avec un scorbut, un scorbut clinique quoi ! Une autre femme il y a eu une mort
maternelle et l’on soupçonne que c’est une cardiopathie liée au béribéri donc avec
carence en vitamine B c’était une femme avec une mal absorption jamais compensée
depuis 10 ans et elle a fait un accident hémorragique à l’accouchement. C’est horrible à
l’autopsie ils ont dit mais elle a un cœur on dirait un cœur de béribéri et en fait oui c’était
ça. Donc en fait on est confronté à des trucs que l’on n’aurait jamais pensés. Donc il y a
ça, et après il y a l’état de dénutrition, en France on a des cas mais pas tellement de gens
dénutris globalement en tout cas en état de grossesse mais on a quand même des
femmes qui ont vraiment des mal nutrition protidiques, vitaminiques.
Des fois les enquêtes alimentaires c’est un peu catastrophique, en particulier les femmes
qui sont en précarité, qui sont SDF et qui mangent aux resto du cœur, qui mangent
n’importe où et c’est pas toujours génial quoi. là justement Monsieur X a dirigé un
mémoire d’une sage-femme il y a 2 ans sur le lien entre précarité et l’équilibre
alimentaire, c’était pas mal, c’était intéressant. Notez-le aussi je peux essayer de le
trouver parce que j’étais au jury donc je dois l’avoir.
Moi : En proportion les nouveaux nés sont-ils plus trop « gros » ou trop « petit » ?
C : Non c’est difficile à dire, la macrosomie c’est défini en percentile donc de toute façon
c’est le même % pour tout le monde enfin je veux dire c’est ceux qui sont supérieurs au
90ème percentile donc y’en a 10%. Par contre les femmes obèses y’en a forcément
beaucoup plus y’en a entre 20 et 30%. Je sais pas s’il y a des chiffres au niveau national de
ça, nous ce qu’on sait c’est que les courbes qui ont été faites au niveau les courbes de
gens de croissance des bébés elles ont évolué au fil des années. Ça fait 25 ans que je fais
ce boulot. Avant on considérait qu’un bébé de 4kg à terme était un macrosome donc un
bébé trop gros maintenant on est à 4kg 3 ou 4kg 4. En fait les bébé grossissent donc voilà.
Mais je n’ai pas de chiffres la dessus.
Moi : Et les bébés grossissent peu importe si la femme est grosse ou mince ?
C : Oui 10% environ. Les données de l’ACNAM de l’étude 2011 qui a été publiée, ils
disaient 6% mais ils avaient compté les femmes sous insuline mais en fait nous par
exemple chez nous c 10% en maternité au CHU et on n’est pas dans les plus importants
de France. Le diabète gestationnel c’est que du diabète qui survient pendant la grossesse
et pas diabétique avant, après c’est du diabète pré-conceptionnel c’est autre chose. Il y a
deux sortes de diabète pdt la grossesse il ya les femmes qui étaient déjà diabétiques
avant type 1 ou type 2 notamment type 2 obèse (entre 1 et 2 %). Et il y a des femmes qui
font du diabète gestationnel là c’est vraiment une inadaptation de la fonction d’insuno-
sécrétion à la grossesse. Ça se résout après la grossesse mais ce sont des femmes qui ont
plus de risque de tomber dans le diabète plus tard. Il y a aussi des diabètes que l’on ne
savait pas avant et que l’on découvre à la grossesse, y’en a un peu près 10% des 10% donc
1%. Les autres ce sont un problème fonctionnel pancréatique mais en fait ça augmente
quand même de plus en plus en particulier chez les femmes en surpoids ou les femmes
obèses ou quand l y a du diabète dans la famille
C : Car pdt la grossesse le placenta qui fabrique plein d’hormones augmente l’insulino-
résistance. Ça c’est biologique c’est pour nourrir le bébé. Pendant la grossesse il y a 2
phases : le 1er trimestre de la grossesse, c’est le 1er trimestre de stockage de la femme, en
fait c’est les 3 ou 4 premiers mois elles prennent du poids dans la région utérine de la
graisse c’est hormonal en fait on a ça dans toutes les espèces de mammifères. Ca s’en va
après l’allaitement c’est les 2 ou 3 kg de réserve et ensuite l’organisme maternel est tout
tourné pour donner de l’énergie au fœtus donc fournir le glucose, les acides gras, pour ça
il faut que la mère fasse une insulino-résistance et donc sa fabrication d’insuline elle
fabrique plus d’insuline il marche moins bien pour nourrir le bébé. Le problème c’est que
le pancréas maternel a plus de travail il fabrique 2 à 3 fois plus d’insuline. Ça été fait avec
des plants les plants c’est une méthode où l’on met quelqu’un avec une glycémie
constante donc à 1 gramme et on regarde combien il faut d’insuline ça parait simple
97
comme ça en théorie mais en fait c’est des machines très compliquées à régler, et en fait
on regarde combien il faut exactement d’insuline pour rester avec une glycémie stable.
Quand vous êtes insulino-résistants il vous faut 3 fois plus d’insuline que quelqu’un
d’autre. Les gens diabétiques de type 2, les gens obèses, et chez les femmes enceintes il
faut 2 à 3 fois plus d’insuline que les autres. Alors en fait tout ça c’est parallèle à la
sécrétion d’hormones placentaires. Les hormones de fin de grossesse sont des hormones
qui augmentent l’insulino-résistance. Et tout ça, dès que les femmes accouchent, ça
redescends. Donc en fait des femmes qui régulent bien leur glycémie habituellement, au
prix d’une augmentation de l’insuline parce qu’elles sont en surpoids ou qu’elles ont dans
leur famille une insulino-résistance, pdt la grossesse comme il faut encore 2 fois plus,
elles ne vont pas y arriver. Leur pancréas n’arrive pas à avoir une plasticité suffisante.
L’organisme maternel, pendant la grossesse, est très modifié. Dès un mois de grossesse, il
y a un litre de sang en plus. Un litre de sang, c’est un kilo ! Cela demande du travail
cardiaque, les organes sont plus perfusés, pour fournir assez d’oxygène au fœtus.
C : Oui ! Pendant la grossesse, oui. Il y a des femmes qui s’en fichent, ou alors qui au
contraire ne veulent pas qu’on s’en occupe ou qu’on leur en parle. En général ce sont
celles qui ont déjà un problème type trouble du comportement alimentaire, donc elles
n’ont pas envie qu’on les « gave » avec ça, notamment certaines femmes en surpoids ou
certaines femmes ex-anorexiques ; mais la plupart du temps, elles ont des questions. Elles
savent qu’il y a des choses qu’il faut éviter, qu’il ne faut pas manger.
Moi : Et par rapport à ces femmes « qui s’en foutent », vous faites comment ?
C : On essaie d’en discuter avec elles. Ce n’est pas notre rôle. Comme je suis spécialiste
nutrition, moi je vois les femmes qu’on m’envoie parce qu’elles ont un problème de
nutrition. Pendant la grossesse, il y a un examen qui s’appelle l’entretien du quatrième
mois, fait en général par les sages-femmes (ça peut être fait par un médecin aussi).
L’entretien du quatrième mois, c’est pour cerner tous les facteurs qui peuvent jouer sur
une grossesse, ça dure trois quarts d’heure. On regarde s’il n’y a pas trop de précarité, où
est-ce qu’elles en sont, si psychologiquement elles vont bien ; pour pouvoir les orienter
98
vers des spécialistes pendant la grossesse s’il y a besoin. Si elles fument. Et la nutrition est
abordée. A partir de là, quelques fois, on nous envoie des gens qui ont des troubles du
comportement alimentaire. On essaie de réagir avec les psychiatres en même temps sur
les gens qui ont des addictions (qui ont des choses comme ça). Mais toutes les femmes ne
le font pas, cet entretien c’est facultatif. C’est un peu dommage car ça permet de cerner
les choses sur le plan de l’hygiène de vie globale mais aussi de la place qu’a le bébé. Si on
sent que c’est un bébé qui n’a pas été désiré, est-ce qu’il est accepté, s’il y a besoin d’un
soutien psychologique c’est bien de s’en apercevoir là et pas après l’accouchement,
quand la femme est en plein marasme.
Moi : En fait, finalement, c’est à ce stade là qu’il faudrait presque faire quelque chose ?
C : A mon avis, c’est déjà un peu tard pour l’épigénétique. On est au quatrième mois, mais
c’est déjà mieux que rien. En fait, l’assurance maladie essaie de mettre en place – et
« c’est marrant » mais moi, ça fait vingt ans que je dis ça – il y a vingt ans, c’était inaudible
– la consultation pré-conceptionnelle, comme nous on fait dans le diabète ; c’est-à-dire
que les femmes diabétiques, ici par exemple, on les prend une journée en hôpital de jour.
Quand elles ont envie de faire un bébé, qu’elles le disent à leur diabétologue, il nous les
envoie et pendant une journée elles ont plusieurs séquences d’éducation thérapeutique
sur les objectifs glycémiques de la grossesse : « pourquoi faut être bien équilibré,
pourquoi on fait tout ça, l’alimentation, l’insuline, … tout ça ». Ça, c’est pour les
diabétiques. Moi j’avais toujours dit qu’il me semblait que n’importe quelle femme qui
souhaite un bébé, c’est pas mal qu’elle fasse un petit bilan avant, qu’elle en parle au
médecin et qu’il y ait prise en charge pré-conceptionnelle. Une femme qui prend un
traitement pour la tension, pour l’épilepsie, une femme qui fume beaucoup … Il y a pas
mal de femmes qui ont besoin de faire le point avant sur leur santé et je pense que sur le
plan nutritionnel aussi c’est important. Alors, ça, ça commence à faire son chemin et je
trouve que ce serait là qu’il faudrait agir. Et ça ne culpabiliserai pas, comme ça, ce serait
une action positive de préparation et pas une attitude culpabilisatrice : « Vous mangez
n’importe quoi, vous buvez de l’alcool, c’est dangereux ! »
99
C’est ça. Ma fille qui a 25 ans, qui est enceinte, c’est une fumeuse et elle aime bien faire la
fête. Avant de faire un bébé elle me dit : « je vais aller voir mon médecin parce que je
voudrais faire un bébé donc je voudrais être sûre, je veux m’arrêter de fumer, donc je
veux qu’il me conseille. Je vais bien-sûr arrêter de boire ». Et moi je trouve que c’est des
attitudes que maintenant ont les plus jeunes. Je lui ai dit aussi « fais le bilan de tes dents
car pendant la grossesse ça augmente le syndrome inflammatoire et ça augmente le
risque de pré-éclampsie. Ca va loin ! Notamment les infections des gencives. Et en fait
cette consultation pré-conceptionnelle pour l’instant n’est pas encore bien connue mais
ils veulent essayer de le promouvoir et je trouve que c’est une très bonne chose parce
que l’on agirait vraiment où il faut. Et nous on le voit, on a par exemple une consultation
qui s’appelle « Préambule » où on nous a envoyé des femmes qui en général ont un
problème de stérilité. Pas seulement. Mais de fait c’est surtout eux qui nous fournissent
la consultation et qui ont un problème de surpoids par exemple. Donc on leur dit, avant
de faire un bébé, avant de faire une FIV, il faut que vous perdiez du poids – car les FIV
marchent pas bien quand on est en surpoids – mais en même temps, nous on les prépare
aussi à la grossesse et il y a aussi maintenant des femmes qui nous sont envoyées par des
gynécos ou des médecins de ville parce qu’elles sont obèses et qu’avant la grossesse elles
ont besoin d’une prise en charge. Pas forcément perdre vingt kilos mais améliorer leur
hygiène de vie, remettre en place des activités physiques (on insiste beaucoup sur
l’activité physique) et c’est bien que ça se fasse avant la grossesse.
L’alimentation des femmes pendant et avant la grossesse laisse des traces sur l’ADN des
fœtus. Ce sont ces traces que l’on appelle marques épigénétiques. Il en est de même pour
le stress environnemental comme la pollution, mais aussi de la dépression post
gestationnelle.
Donc ça c’est des découvertes affolantes pour les futures mamans. Les chercheurs y
voient l'opportunité de combattre l'épidémie de maladies chroniques qui frappe nos
sociétés. Que pensez-vous des conseils que reçoivent les femmes lorsqu’elles sont
enceintes ?
100
C : Oui. Elles en reçoivent beaucoup, quelque fois contradictoires. Il y a quand même
beaucoup de messages qui peuvent être culpabilisants et puis qui vont en sens contraire.
Par exemple, au niveau de l’alimentation, on a l’impression qu’elles ne peuvent plus rien
manger, ce n’est quand même pas évident. Par ce que si on fait gaffe sur les listérioses, la
toxoplasmose, plus tous les interdits – c’est vrai que si vous avez à votre table deux
copines qui sont enceintes vous pouvez plus rien leur faire à bouffer. Il n’y a même plus
de plaisir : les fromages vous pouvez pas (enfin ça dépend lesquels), c’est compliqué.
C : Oui et en plus on a une alimentation qui est très variée en France par rapport à
d’autres pays. Il y a des pays où on mange toujours la même chose, des trucs sous
cellophane, ça dérange personne. Nous, oui et donc en fait ce n’est pas évident. Elles [les
femmes enceintes] reçoivent beaucoup de choses un peu contraires et quelque fois, elles
ont un peu de mal à faire le point là-dessus. Et cela peut amener à rejeter tout. Moi, j’en
ai qui disent : « de toutes façons, puisqu’on me dit n’importe quoi … » Voilà ! Parce que
par exemple, on leur dit de manger du poisson, c’est bon pour les neurones du bébé ;
mais il ne faut pas manger du poisson de profondeur plus de deux fois par semaine. Il faut
manger des éléments qui contiennent du fer, mais pas d’abats, ou alors, pas du foie plus
d’une fois par mois. C’est impossible quand on y pense ! Comment peut-on mettre tout
ça dans son logiciel interne, si on n’est pas nutritionniste ? Je crois que ce n’est pas
possible. Cela manque de message simple, clair et facile. Et puis raisonnable. Je pense
qu’on en fait trop. Il y a une culpabilisation excessive. Si la fille boit un quart de verre de
champagne, c’est ridicule. On est d’accord qu’il ne faut pas se « saouler la gueule » quand
on est enceinte ni boire tous les jours ; mais il y a des messages qui deviennent … et quid
des polluants atmosphériques et du bisphénol parce que ça, on ne peut pas dominer, ce
n’est pas nous l’atmosphère, enfin on peut éliminer le plus possible…
C : C’est une bonne question ! Je ne sais pas du tout. Je pense que c’est un élément très
important mais ce n’est pas le seul élément du tout. Je ne sais pas quelle est la
prépondérance. Par exemple, le professeur X – c’est la patronne d’endocrinologie
101
pédiatrique de génétique médicale pédiatrique. C’est avec elle qu’on travaille sur ce dont
je vous avais parlé et c’est elle qui a les contacts avec Blédina. Elle est très très « 1000
jours » tout ça. Elle baigne là-dedans. [Passage de la discussion sur une éventuelle
rencontre, sur son contact et un potentiel stage]. Elle s’occupe du REPPOP (Réseau de
Prévention et de Prise en Charge de l’Obésité Pédiatrique). Au niveau français, c’est elle
dans le PNNS et c’est elle qui l’avait écrit. Donc elle donnait l’exemple en conférence sur
la puberté précoce. Les filles qui ont fait une puberté précoce ont tendance à l’âge adulte
à avoir du surpoids et des problèmes de fertilité. Elle disait que la puberté précoce est
très fréquente chez les filles qui ont été adoptées – les adoptions étrangères, en
particulier dans les Pays en Voie de Développement (en général quand on adopte c’est
plutôt dans les pays en difficulté). Et pourquoi ? Je pensais qu’il y avait une explication
psychologique. L’hypothèse la plus évidente, ce sont les polluants. Effectivement, on sait
bien qu’il y a des batraciens en Amérique du Sud qui changent de sexe avec les
pollutions. Et donc, elle dit que la puberté précoce est très fréquente dans ces pays là. On
lit des fois sur Internet des cas de filles qui ont des bébés à 10 ans. On peut penser que
c’est plus ça que l’alimentation. L’alimentation peut être polluée également. Elle a
beaucoup de réflexion là-dessus. Elle est très alimentaire, c’est son travail, elle me dit
qu’il y a sûrement d’autres choses qu’on ne domine pas bien. [Passages de discussions sur
le stage.] Je ne sais pas, les pollutions atmosphériques et autres, les produits chimiques,
les médicaments … Une étude vient de sortir sur les acides foliques. Vous savez, on en
donne, c’est la vitamine B9, aux femmes en prévention des anomalies des fermetures du
tube neural. On sait que dans les régions carencées en acides foliques il y a beaucoup plus
d’anomalies des fermetures du tube neural donc on le dit aux femmes dans tous les pays
occidentaux et partout. On vient de montrer – que c’est vachement bien mais – que les
femmes qu’on surdose en acide folique (et on est assez vite en surdosage : moi, quand je
fais les dosages, je fais sur les femmes opérées par exemple, on est vite au-dessus des
normes).En fait ça peut donner certains problèmes métabolique à l’âge adulte. On est
encore dans l’épigénétique ! Et c’est très emmerdant car une femme qui... Par exemple
vous, vous voulez un bébé, vous dites : « je vais arrêter ma pilule, je vais prendre de
l’acide folique à 0.4 mg » (c’est ce qui est recommandé). Tu mets un an à faire le bébé (ça
peut arriver), et bien tu es en surdosage au moment de la grossesse et il paraît que c’est
toxique. Ça vient de sortir hier ! Ca nous amène à gérer d’autres trucs. C’est sûr qu’il ne
102
faut pas que les femmes soient carencées en vitamine B9 mais après, comment faut-il
doser ? Car on leur dit de prendre ça jusqu’à trois mois de grossesse. Si c’est le mois
d’après qu’elles tombent enceintes, ça va, mais si c’est un an après, elles en ont trop.
Moi : Pouvez-vous me décrire comment se déroule les rendez-vous durant lesquels les
médecins conseillent les femmes enceintes sur leur alimentation ? Donc vous, vous voyez
celles qui ont un problème il vaudrait peut être mieux que je rencontre une sage femme
en charge des entretiens du quatrième mois. ?
C : Oui je peux vous faire ça. Moi, quand je les vois, il y a un schéma dans ma tête pour un
problème de surpoids ou d’obésité, qu’elles soient enceintes ou pas enceintes. Je fais
toujours un historique de l’obésité : « combien vous pesiez à la naissance ? Est-ce que vos
parents … ? » (je regarde les [antécédents des] parents) ; « Comment s’est passée la
grossesse ? « . Par exemple, les ex hypotrophes (les ex-bébés trop petits) ont aussi des
problèmes de poids après, à l’âge adulte, comme s’ils avaient appris à tout garder. Donc,
on trace la courbe : « Quand est-ce que vous avez grossi ? Maigri ? ». C’est vachement
important, d’abord cela raconte la vie des gens et c’est toujours important qu’ils le
verbalisent. Ensuite, ils repèrent ce qui les a fait grossir. On peut en discuter, et aussi,
quand il y avait des racines in utéro, et que ce sont des femmes enceintes ou qui veulent
être enceintes, ça leur met en évidence que ou on est dans le ventre de sa mère ou les
antécédents (phrase incompréhensible pour moi^^), ce n’est pas uniquement de leur
faute parce que ce sont des personnes qui ont toujours entendu : « tu bouffes n’importe
quoi ». Il faut l’entendre, c’est vachement dur. Ma dernière patiente me disait – ça fait six
mois que je la suis, elle a perdu dix kilos – « C’est la première fois que j’arrive à perdre du
poids. Mais aussi, la premières fois que l’on s’est vues, vous avez tout repris depuis le
début, et vous m’expliquiez pourquoi j’ai pris du poids ». C’était une ex-hypotrophe, elle
avait une sœur jumelle dans le ventre qui était morte, et elle faisait 1,8 kg à la naissance.
Elle a été sur-nourrie, surprotégée. Elle a été grosse dès la petite enfance. Elle s’est
toujours battue contre, mais battue n’importe comment, c’est-à-dire qu’on lui a fait faire
des régimes à cinq ans. On l’a séparée de ses parents pour l’envoyer dans un machin
pendant un an, où elle a maigri mais après, elle a repris encore plus. Et donc, on reprend
les choses complètement différemment … Pour moi, c’est l’étape la plus importante, qui
permet de poser les choses, pour que les gens sachent un peu où ils en sont. Il y a aussi
103
l’aspect psychologique. Pour moi, cela permet aussi de comprendre l’obésité : il y a aussi
des gens qui grossissent à vingt ans car ils ont eu une déception sentimentale et qu’ils se
mettent à bouffer, ou qui ont fait une anorexie et qui prennent trente kilos après. Il y a
plein de choses.
C : C’est très individuel ! Et c’est important, sinon, on les mets dans le gros paquet des
obèses, c’est une manière de rejeter les gens, de ne pas les accepter, de les stigmatiser. Je
fais quand même l’enquête alimentaire. On discute un peu : je pars d’une journée
classique. C’est ce que je dis aux sages-femmes de faire notamment à l’entretien du
quatrième mois, quand elles abordent la nutrition : « comment vous mangez ? ». Moi, je
leur avais donné un petit repère en fait. Pour moi, c’est le plus important d’écouter les
gens. « Combien vous faites de repas par jour ? Est-ce que vous en faites trois ? Est-ce
que vous en faites dix ? Est-ce que vous mangez le matin ? Est-ce que vous mangez le
soir ? » En cinq ou six questions, on arrive à repérer la façon de manger des gens. Après,
on rentre dans les détails. Il y a par exemple une dame, diabétique type 2, qui veut une
deuxième grossesse – 110 kilos – elle est sous pompe à insuline … elle n’arrête pas
d’augmenter ses doses. Mais elle bouffe n’importe quoi, elle grossit tout le temps. Je lui
dis : « ça ne va pas », elle me dit « pourtant, je ne mange pas mal », alors, remise en
cause. Elle me dit comment elle mange, on est rentrées dans les quantités. Pour elle, la
ration normale de féculents, c’est ça (elle me montre), je lui dis que ça fait trop. « Une
ration de pain normale, c’est ça ». Elle est grande, costaud ; son mari aussi. Donc on
rentre dans ce genre de détails. Je ne crois pas que ce soit le plus important. Quand les
gens viennent en consultation nutrition, ils attendent qu’on leur parle de bouffe, donc il
faut leur en parler, mais je ne suis pas très sûre. Souvent, ils ont lu, ils sont allés sur
Internet, ils ont vu 50 000 diététiciennes surtout quand ils sont gros depuis toujours ! Je
ne suis pas sûre que ce soit le plus important ; le plus important, c’est de les restituer
dans leur démarche, et de les soutenir, de les aider.
Moi : Est-ce que vous pensez que si vous leur parlez du fait que leur alimentation actuelle
va jouer sur la santé future de l’enfant, cela va les motiver ?
104
C : Oui, ça les motives, mais les femmes enceintes sont vite culpabilisées. Je ne veux pas
culpabiliser ces femmes qui ont toujours entendu dire qu’elles étaient nulles car elles
n’arrivaient pas à maigrir, que c’était n’importe quoi, qu’elles étaient grosses, qu’en plus
elles étaient moches …. Là, elles sont enceintes, elles sont heureuses d’être enceintes
comme les autres femmes. Et là, PAF ! tu leur casses le moral en disant que tout ce
qu’elles font, c’est nul pour leur bébé. Il faut vraiment le faire comprendre
tranquillement. Je leur demande si elles ont déjà envisagé que leur enfant ait des
problèmes de poids plus tard ; elles disent « ça nan mais ça je ne veux pas ». On en
discute, parce que je suis assez fan de l’allaitement maternel. On en discute pas mal, mais
les femmes obèses allaitent moins que les autres. Il y a plusieurs problèmes : d’abord,
problème balistique : en fait, quand il y a des gros seins, les bébés n’arrivent pas à
respirer. Donc, il faut que les femmes obèses mettent leur bébé différemment, on les met
en « ballon de rugby » (elles le portent comme ça). Et ça, si on n’en parle pas avant, elles,
elles se voient tenir leur bébé comme ça. Quand on porte le bébé comme ça et qu’on a
des très gros seins, ça écrase le nez du bébé, et il ne tète pas, il n’arrive pas à bien téter.
Deuxièmement, elles ont un complexe par rapport à – il y en a qui me disaient : « mais
attendez, sortir un joli petit sein pour donner le sein n’est pas un problème, mais vous
m’avez vue, moi ? ». Enfin bon, complexe quoi. Mais par contre, quand on les prépare
pendant la grossesse, quand on demande vraiment le choix de l’allaitement maternel, et
ça on en discute vraiment pendant la grossesse. C’est pour ça que les séquences
d’éducation thérapeutique que l’on fait, je pense que c’est intéressant à cause de ça.
Moi : Justement ce serait intéressant que je puisse assister à une séance d’éducation
thérapeutique.
Moi : Elles veulent vivre leur moment de bonheur, oublier qu’elles sont obèses ?
C : Oui. C’est le seul moment de leur vie où si elles sont un peu grosses c’est pas grave
quoi, c’est normal elles sont enceintes. Et on les ramène encore à ça, c’est difficile. Moi
qui ai un peu de bouteille, j’arrive à faire passer les choses aux gens mais certains gynécos
ou certaines sages-femmes, quand les femmes arrivent, elles sont complètement
coincées. Je leur demande si elles acceptent qu’on en discute, si elles ne veulent pas, elles
ne veulent pas ; mais c’est très rare que j’ai des refus. Après, elles sont contentes d’en
avoir parlé.
Moi : Finalement, elles sont dans une attitude de refus, elles fuient ?
C : Oui, bien-sûr, elles pensent toujours que l’obésité va avec débilité, ce qui n’est pas le
cas. Les femmes les plus instruites savent un peu ce qu’on va leur dire, en théorie. Le
problème est d’arriver à les mobiliser vers quelque chose de plus positif par rapport à leur
poids et à leur bébé ; de les préparer à la naissance comme les autres. On sait que les
obèses vont moins chez le gynéco (la première chose qu’ils font, c’est de vous peser et de
vous engueuler), donc elles refusent. Quand elles sont enceintes elles sont obligées … Il y
a un défaut de soin et de prise en charge chez les femmes obèses.
Moi : Je voulais que vous me typiez les différents profils que vous rencontrez ?
C : Il y a de plus en plus de femmes qui viennent avant les grossesses avec des obésités
très sévères (150 kilos) pour être conseillées car on leur dit que leur poids risque de poser
problème. Celles-ci en général écoutent bien ce qu’on leur dit. Certaines sont contentes
d’elles quand on arrive à les accompagner pendant toute la grossesse, qu’elles n’ont pas
pris de poids et qu’elles ont même maigri et que leur bébé va bien. Elles ont envie de
continuer après. Ca ne tient pas à nous, il faut rester modeste. On arrive dans leur
parcours au bon moment. En général, ce sont des femmes pas très jeunes (plus de 30
ans), qui ont mûri les choses, qui ont déjà eu des prises en charge et qui savent ce qu’elles
veulent. Vous avez celles qui sont en révolte, car on leur a toujours dit qu’elles étaient
obèses, comme celle dont je vous parlais … T’as été placé à 5 ans, puis à 10 ans pi t’as
106
repris 10 kg. Elles viennent nous voir à reculons. On essaie de les apprivoiser, ça prend
deux ou trois consultations. Le problème c’est que quand elles ont du diabète
gestationnel par exemple (elles en ont plus que les autres), elles sont obligées de venir
nous voir pour le diabète, et parler de poids devient difficile. La plupart des femmes, c’est
finalement une question d’ovulation. Par exemple, une femme que j’ai connue, avec un
problème de tyroïde, a eu deux bébés. Elle a perdu son troisième bébé à 4 mois et demi
de grossesse (on ne sait pas pourquoi). C’est une petite femme, obèse, elle est
institutrice, elle a 35 ans et a 35 d’IMC. Elle est grande. Elle a fait un diabète gestationnel
modéré et aujourd’hui elle est enceinte à nouveau. Elle est complètement dans le deuil
pathologique par rapport au bébé qu’elle a perdu et elle est complètement inaccessible
au problème de poids. Elle vient pour la tyroïde, pour le sucre mais quand j’ai suggéré
qu’il fallait qu’elle fasse attention à ne pas prendre encore dix kilos (elle avait déjà gardé
dix kilos de la grossesse précédente), elle s’est complètement fermée. C’était impossible
d’aborder cela, c’était inaudible pour elle. Je ne lui en ai pas parlé. Certaines femmes ont
un blocage et je pense que c’est parce que l’obésité correspond à quelque-chose qu’on
ne sait pas. Dans les obésités sévères, on a souvent (on ne sait pas dans quel pourcentage
les gens nous disent n’importe quoi) des sévices dans l’enfance, en particulier sexuels. Je
ne suis pas persuadée qu’il y en ait 50 % mais il y en a qui ont subi des choses très graves,
et quelque part, l’obésité les protège contre ces agressions. Il ne faut pas trop gratter
quand les gens ne peuvent pas. Quand on leur fait raconter leur vie, à part les gens que
l’on force à venir, on arrive à accrocher la relation. Mais leur faire la morale et leur sortir
une feuille de régime photocopiée avec que des haricots verts sans beurre, ça ne va pas
marcher.
C : Oui, chez les diététiciennes notamment. Elles sont formatées. Chez les médecins
nutritionnistes aussi, il y a des gens qui ont un problème avec la bouffe. Il y a des gens
très normatifs et culpabilisants.
Moi : Que pensez-vous qu’il soit possible de faire pour améliorer et optimiser les
moments de la communication et améliorer l’efficacité de vos échanges ?
107
C : L’éducation thérapeutique de groupe : quand on arrive à amener les femmes à venir,
elles sont super contentes et ne lâchent pas. Le fait de rencontrer d’autres femmes qui
ont le même problème mais qui sont différentes, de pouvoir parler tranquillement entre
elles, c’est très important. Elles se sentent reconnues et ont un besoin de reconnaissance.
Pour tout ce qui est communication, je pense qu’il faut que ce soit le moins culpabilisant
et le moins normatif possible. Donc le petit livret du PNNS, il est pas mal fait. Mais il est
un peu trop complet. « Beaucoup nous disent ‘’oui, mais je ne comprends pas tout’’, et
voyez, même ma fille qui est pourtant orthophoniste, sans préjugé de ma part, elle
projette de faire un bébé et a lu le guide : elle m’a dit ‘’dis donc, maman, c’est compliqué
ton truc’’ donc voyez comme ce n’est pas évident de faire passer les messages ».
C : Nous on travaille beaucoup avec l’idée est d’éduquer les gens, qu’ils se mettent en
marche et qu’ils modifient leur alimentation ; pas qu’ils soient savants, mais qu’ils fassent.
Il y a une diététicienne qui travaille beaucoup avec des menus factices de restaurants ou
des jeux de cartes, ça marche beaucoup. On essaie d’être le plus concret possible.
Moi : Le groupe est-il aussi une bonne idée pour ces femmes qui ont souffert du manque
de convivialité et de partage ? Ces moments leur permettent-ils de réassocier
l’alimentation à un moment de plaisir et de partage ?
C : Pour l’obésité, pas encore trop, car on a du mal à motiver le collègue gynéco mais ça
arrive. On a des groupes de 6 à 8. Il y a aussi des femmes qui s’inscrivent puis se désistent,
notamment pour des problèmes de précarité, car les femmes obèses sont trois fois plus
touchées par la précarité que les autres. Elles se sentent mal habillés, veulent pas se
déplacer. On se demande si on ne doit pas aller directement dans les quartiers où elles
sont, hors les murs.
108
C : Je pense mais il y a toujours des problèmes de financement, d’autorisation, de droit.
Moi : Au niveau de la sécurité sociale, comment cela se passe-t-il pour les obèses ?
C : Il n’y a rien pour les obèses. Il y a pour les diabétiques mais pas pour les obèses. Les
actions d’éducation thérapeutiques sont prises en charge par l’ARS (Agence régionales de
santé) qui donne un budget. Ces cours sont soumis à une action d’autorisation de l’ARS
qui verse, après cette autorisation, un budget de 150 € par an et par personne, ce qui
permet de faire fonctionner [ce programme].
C : Non, on peut avoir autant de personnes que l’on veut même si on ne voit pas des
groupes de vingt personnes. Pour le diabète gestationnel, j’ai eu une autorisation pour
éduquer trois cent personnes sur ce programme ce qui me permet de faire valoir mes
besoins, l’ARS le verse à l’hôpital et il faut se battre, normalement ça va au service
concerné mais il y a des voies impénétrables^^ (pas sûre que ce soit intéressant de mettre
ça). Il faut être agréé, mais l’obésité en fait partie puisque c’est une priorité de santé
publique. Les programmes hors les murs sont intéressants mais à faire par des acteurs
locaux (comme les médecins généralistes).
Moi : Pensez-vous qu’à l’avenir il serait possible de personnaliser davantage le suivi des
grossesses en l’adaptant notamment au contexte dans lequel chaque femme vit ? On
vient d’en parler un peu
C : Bien-sûr, c’est évident. C’est possible et surtout nécessaire. Mais c’est de plus en plus
difficile car beaucoup de femmes sont suivies n’importe où, par des sages-femmes en
ville, il y en a de très bien mais il y en a qui ne font pas bien leur boulot, pas sur le plan
gynéco mais qui n’accompagnent pas. Normalement les sages-femmes accompagnent
mieux que les médecins. Le suivi est un peu éclaté. Des femmes arrivent dans les endroits
où elles accouchent à 6 ou 7 mois [de grossesse]. Avant, elles sont suivies par des gens
individuels. C’est dommage car on perd la dynamique. Il faudrait adapter.
Moi : Comment imaginez-vous cette adaptation ? Pensez-vous qu’il faudrait, par exemple,
reformer les personnes ?
109
C : Le suivi de la grossesse est encore calqué sur les vieux schémas. Avant, [on considérait
que] plus la femme était enceinte, plus il fallait s’en occuper car on est près des
problèmes qui peuvent survenir en fin de grossesse : diabète gestationnel, hypertension
artérielle (qui touche 10 % des femmes et peuvent être très dangereuses pour le bébé et
la maman). Mais en fait c’est idiot car ces problèmes sont déterminés par le début de la
grossesse. Si au début de la grossesse, vous fumez ou vous avez un diabète, c’est à ce
moment que vous allez fabriquer vos futurs problèmes qui se démasqueront sept mois
plus tard. Donc, le suivi de la grossesse devrait basculer vers avant ou le tout début de la
grossesse. Ensuite, les femmes qui n’ont pas de risque peuvent être suivies par n’importe
qui et arriver le jour de l’accouchement sans problème. Les anglais, selon les
recommandations de NICE [National Institute for Health and Care Excellence], disent que
[les femmes ayant] des grossesses à bas risque (chez une femme mince qui va bien, et qui
a déjà eu un premier bébé dans de bonnes conditions) peuvent même accoucher à
domicile ! Il n’y a pas de bénéfice à ce qu’elles soient suivies dans un hôpital avec une
haute technicité. Comme cela, on grade : une femme hypertendue ou diabétique doit
accoucher dans un haut niveau de sécurité. En France, c’est le contraire. On fait suivre par
n’importe qui et on récupère les problèmes à six mois [de grossesse] quand on ne peut
plus rien y faire ! Je caricature car c’est en train de changer avec les nouvelles générations
d’obstétriciens qui essaient d’accentuer vers cela. A la maternité publique, on essaie que
les femmes viennent le plus tôt possible pour une première consultation (par une sage-
femme ou un médecin). On les oriente soit vers une sage-femme ou un obstétricien en
ville, et elles reviennent deux ou trois fois avant l’accouchement ; soit on détecte qu’elles
ont un risque et dans ces cas-là, on les voit. Je suis mes personnes diabétiques dès que le
test [de grossesse] est positif, car le diabète est vraiment un facteur de malformation très
important, donc il faut suivre dès le début. Mais de par ma formation j’avais déjà cette
idée, qui, maintenant, est en train de germer.
Moi : Ce serait une bonne idée de créer une procédure stricte (quand on veut un enfant,
on consulte son médecin généraliste ou son gynéco) ? De définir le rôle de chacun ? Et
même en parler au lycée ?
C : Oui « Pour être une bonne ménagère ». D’ailleurs, il faudrait l’apprendre aux hommes
aussi. Dans les pays très modernes d’Europe du Nord (Norvège, Suède, Finlande,
Danemark), les garçons et les filles ont des cours obligatoires, qui font partie de leur
cursus scolaire, sur l’éducation des bébés, les premiers soins, le secourisme, l’équilibre
alimentaire et même l’activité physique. Quant à une « procédure obligatoire », c’est
difficile car il n’y en a pas. Mes patientes diabétiques (sauf celles qui font un bébé à 16
ans) savent qu’elles se doivent de préparer la grossesse pour être très équilibrées, sous
peine d’avoir des problèmes. Elles le savent et malgré cela, une sur trois ne le fait pas.
Moi : Donc même le fait de savoir … ça ne permet pas forcément de changer les
comportements.
C : Alors après sans connaissance, on ne peut carrément rien faire. Mais après ok c’est pas
comme le tabac, mais quand même bon déjà l’addiction à la bouffe ça existe, mais même
changer complètement d’alimentation est difficile, il faut le faire progressivement
(d’abord les graisses, ensuite les protéines, etc …). Les habitudes alimentaires c’est
difficiles à changer. Moi si on me demandait de changer mon petit déjeuner le matin ce
serait dur, très dur.
111
C : Oui, moi ma fille a repris ces habitudes une fois en couple, sinon oui elles mangeaient
n’importe comment. Il y a un moment où ça revient. Et j’ai un de mes fils qui est encore
complètement dans la junkfood à 28 ans quoi ! Parce qu’il se balade dans tous les coins
du monde. Alors sa petite amie, elle lui fait des légumes, parce que sinon. Et pourtant
avec moi il mangeait des légumes, il mangeait très équilibré. Mais après il y a le stress.
Après il y a aussi le moment de faire un enfant qui change les choses.
Moi : Oui alors je voulais aussi impliquer les pères dans mes questions car ils seraient
aussi porteurs de marques épigénétiques au niveau de leurs gamètes, à l’heure actuelle
que pensez-vous de l’implication des pères durant la grossesse ?
Moi : D’où l’intérêt au final de remettre des cours au lycée, mais mixte avec les filles et les
garçons mélangés ?
C : Oui, en prévention. Moi mon fils je lui ai fait un topo, c’était marrant car c’est des
notions qu’il n’a pas, et pourtant il a fait une thèse, vous voyez. Mais voilà l’épigénétique
et la transmissions ils connaissent pas, j’ai un autre fils qui attend un bébé. Et personne
leur en parle, même moi je ne le leur ai pas appris et pourtant je suis nutritionniste … A
l’heure actuelle, la profession n’est absolument pas formée … et pourtant j’ai une
collègue spécialisée dans la génétique qui travaille effectivement sur les mille jours avec
Bledina, des choses sont en route mais la formation doit suivre pour les comprendre, c’est
essentiel !
Moi : Avez-vous envie de m’informer sur d’autres points auxquels je n’aurai pas pensé par
manque de connaissances ?
Moi : Bon on a terminé, je vous remercie vraiment du temps que vous m’avez accordé.
C : Mais je parlerais de vous à Mme X…Moi : Merci beaucoup en tout cas, l’entretien
était très intéressant et merci pour vos propositions et contacts.
113
TABLE DES FIGURES
Figure 3 Schéma de synthèse des protéines depuis l'ADN en passant par l'ARN messager
............................................................................................................................................. 25
114
LISTE DES TABLEAUX
115
TABLE DES MATIERES
Sommaire ......................................................................................................................... 8
Introduction générale ....................................................................................................... 9
PARTIE 1 - Cadrage théorique : l’épigénétique et le lien alimentation santé ..................... 12
Chapitre 1 : Alimentation, Santé et Histoire .................................................................... 14
1. L’alimentation pour la santé : un concept historique ......................................................... 14
2. Hypothèses ......................................................................................................................... 75
3. Objectifs .............................................................................................................................. 76
Bibliographie .................................................................................................................. 87
118
UNIVERSITÉ TOULOUSE - JEAN JAURES
Résumé:
Notre santé et celle des générations futures dépendent de notre alimentation. Ce concept
existe depuis très longtemps, à la naissance même de la médecine. L’épigénétique est une science dont
le potentiel émerge et qui semble montrer un caractère révolutionnaire au vu de l’avis des
scientifiques et de la création des programmes de grande envergure. C’est une science qui étudie
l’influence de l’environnement, dont l’alimentation, sur l’expression des gènes. L’activité ou la non-
activité de certains gènes semblent en effet responsables de maladies d’origines développementales.
Ces dernières correspondent notamment aux maladies chroniques type diabète ; des maladies
enclenchées précocement durant la vie intra-utérine mais qui ne se déclarent qu’une fois l’âge adulte
atteint ou avec la vieillesse. La recherche continue d’avancer, notamment dans le cadre d’un
programme de recherche de santé publique : les « 1000 jours » mené par la DOHaD
(DevelopmentalOrigins of Health and Disease) et lancé par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé).
Ce dernier, envisage, pour l’instant, d’attribuer à l’épigénétique un rôle préventif sur la santé, via
l’alimentation personnalisée des 1000 premiers jours de vie, c’est-à-dire depuis le début de la
conception jusqu’aux deux ans de l’enfant. Même si la recherche doit encore avancer pour concrétiser
les applications éventuelles, on peut d’ores et déjà observer la vente de tests nutrigénomiques et
épigénétiques accessibles au public via internet. De même, la nutrition personnalisée durant les 1000
premiers jours de vie via l’épigénétique implique des enjeux éthiques, sociétaux, sociaux et même
moraux. Une formation des praticiens et la prise en compte du sentiment de sur-responsabilisation
éventuel que pourrait ressentir les femmes enceintes, déjà submergés par les messages, devront être
considérées. Ce mémoire s’articule autour du potentiel révolutionnaire de l’épigénétique sur la santé
ainsi que sur l’enrayement des maladies chroniques dans le monde et autour des enjeux impliqués.
Mots clés : Epigénétique – Alimentation&Santé – Maladies chroniques – 1000 jours – Individualisation
Abstract:
Our health and that of the future generations depend on our food. This concept exists for a
very long time, in the birth of the medicine. The epigenetic is a science from which the potential
emerges and which seems to show a revolutionary character in view of the opinion of the scientists
and of the creation of the large-scale programs. It is the science which studies the influence of the
environment, of which the food, on the expression of the genes. The activity or the non-activity of
certain genes indeed seems responsible for diseases of origins developmental. The latter correspond in
particular to the typical chronic diseases diabetes; diseases engaged prematurely during the life in the
womb but which declare themselves only once the reached adulthood or with the old age. The research
continues to move forward, in particular within the framework of a research program of public health:
“1000 days” led by the DOHaD (Developmental Origins of Health and Disease) and thrown by the WHO
(World Health Organization). The latter, intends, at the moment, to attribute to the epigenetic a
preventive role on the health, via the food personalized by the first 1000 days of life that is since the
beginning of the conception until two years of the child. Even if the research again has to move forward
to concretize the possible applications, we can already observe the sale of tests nutrigenomics and
epigenetics open to the public via internet. Also, the nutrition personalized during the first 1000 days
of life via the epigenetic involves stakes ethical, societal, social and even moral. A training of the
practitioners and the consideration of the feeling of on empowerment possible that could feel the
pregnant women, already submerged by messages, must be considered. This report articulates around
the revolutionary potential of the epigenetic on the health as well as on the enrayement of the chronic
diseases in the world and around the involved stakes.
Key words: Epigenetic – Food and Health – Chronic diseases – 1000 days - Individualization
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