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De la biomécanique à la manipulation

ostéo-articulaire. Thorax et rachis


cervical Sébastien Cambier
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Nouvelle approche manipulative. Colonne cervicale, J.-P. Barral et A. Croibier, coll. « Ostéopathie »,
2016.
Manipulations des dysfonctions pelviennes féminines, O. Bazin te M. Naudin, coll. « Ostéopathie »,
2016.
Manipulations des nerfs périphériques, J.-P. Barral et A. Croibier, coll. « Ostéopathie », 2e édition,
2014.
L’imagerie médicale pour les ostéopathes, T. Matthew, coll. « Ostéopathie », 2014.
L’ostéopathie pour les patients de plus de 50 ans, N. Sergueef, coll. « Ostéopathie », 2014.
Ostéopathie du nouveau-né et du jeune-enfant, E. Soyez-Papiernik, coll. « Ostéopathie », 2014.
Nouvelle approche manipulative. Membre inférieur, J.-P. Barral et A. Croibier, coll. « Ostéopathie »,
2013, 384 pages.
Nouvelle approche manipulative. Membre supérieur, J.-P. Barral et A. Croibier, coll. « Ostéopa-
thie », 2011, 288 pages.
Médecine ostéopathique et traitement des algies du rachis dorsal, F. Ricard, coll. « Ostéopathie »,
2011, 432 pages.
Manipulation des nerfs périphériques, J.-P. Barral et A. Croibier, coll. « Ostéopathie », 2010, 352
pages.
Diagnostic ostéopathique général, A. Croibier, coll. « Ostéopathie », 2010, 328 pages.
Manipulations viscérales 2, J.-P. Barral, coll. « Ostéopathie », 2010, 228 pages.
Traité de médecine ostéopathique du crâne et de l’articulation temporomandibulaire, F. Ricard,
coll. « Ostéopathie », 2010, 115 pages.
Manipulations vasculaires viscérales, J.-P. Barral et A. Croibier, coll. « Ostéopathie », 2009, 448
pages.
Anatomie fonctionnelle appliquée à l’ostéopathie crânienne, N. Sergueef, coll. « Ostéopathie »,
2009, 368 pages.
Manipulations viscérales 1, J.-P. Barral, P. Mercier, coll. « Ostéopathie », 2009, 268 pages.
Traitement ostéopathique des lombalgies et lombosciatiques par hernie discale, F. Ricard, coll.
« Ostéopathie », 2008, 704 pages.
Ostéopathie. Principes et applications ostéoarticulaires, O. Auquier, coll. « Ostéopathie », 2007,
176 pages.
Ostéopathie pédiatrique, N. Sergueef, coll. « Ostéopathie », 2007, 456 pages.
Manipulation des nerfs crâniens, J.-P. Barral, A. Croibier. 2006, 392 pages.
Le thorax. Manipulations viscérales, J.-P. Barral. 2005, 224 pages.
Manipulations de la prostate, J.-P. Barral. 2004, 112 pages.
Ostéopathie

De la biomécanique
à la manipulation
ostéo-articulaire
Thorax et rachis cervical

Sébastien Cambier
Ostéopathe DO
Enseignant en anatomie et ostéopathie ostéo-articulaire
Institut des hautes études ostéopathiques (IdHEO) de Nantes

Philippe Bihouix
Ostéopathe DO
Enseignant en ostéopathie ostéo-articulaire pendant 12 ans et ancien responsable pédagogique
Institut des hautes études ostéopathiques (IdHEO) de Nantes

Préfaces de
Pr. Robert
J.P Barral
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– Illustrations 1-1 à 1-8 inclus sont extraites de l’ouvrage : De la biomécanique à la clinique ostéopathique. Tome 1.
Bassin et lombaires, par Ph. Bihouix et S. Cambier, éditions de Boeck, Bruxelles, 2012.
– Illustrations 2-3, 2-4 (a et b), 2-7 (a et b) à 2-9, 2-11 à 2-13, 2-19 à 2-28, 3-2, 3-4, 3-8 à 3-15 : Michel Dufour.
La figure 2-21, est extraite de l’ouvrage : Anatomie de l’appareil locomoteur, tome 3, par M. Dufour, Elsevier
Masson, Paris, 2009. Les autres figures sont extraites de l’ouvrage : Biomécanique fonctionnelle, par M. Dufour et
M. Pillu, Elsevier Masson, Paris, 2006.
– Photographies : Philippe Bihouix et Sébastien Cambier.

© 2017, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-75310-7
e-ISBN : 978-2-294-75328-2

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex


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Préfaces

Une préface n’est jamais négative car préfacer doit de plus être adapté, contrôlé, prémédité et,
c’est prendre part, et prendre part est déjà parta- habituellement parfait. S’agissant de régions ana-
ger. Accepter de l’écrire c’est d’abord critiquer au tomiques au contenu particulièrement essentiel,
sens littéral, puis donner l’envie de lire. De lire voire symbolique (le rachis cervical et le thorax),
une œuvre qui suppose des auteurs, auteurs qui il ne saurait en être autrement.
ont une conviction fondée sur une expérience. Alors pourquoi douter de l’ostéopathie ? Pseu-
L’expérience est le cumul temporel de savoirs. Le doscience d’origine anglo-saxonne, enseignement
lecteur doit tirer profit de cette convergence. Pré- nébuleux, peu contrôlé, diplômes prestigieux
facer est aussi un moyen de dévoiler ses opinions par le nom d’écoles à consonance bienséante,
qui peuvent dépasser l’ouvrage et qui peuvent puisque venues d’outre-manche, d’outre atlan-
s’inscrire dans une dialectique que j’ai franchie tique notamment. Cécité longtemps entretenue
concernant la pratique ostéopathique. Anatomiste des instances universitaires sur une pratique sou-
et neurochirurgien, j’ai été élevé dans un milieu vent ravalée aux sciences quasi occultes frôlant
hostile à l’ostéopathie. Cette hostilité aiguise la le charlatanisme. Exercice manuel prétendant
curiosité et est le starter d’une évolution de même prendre en charge des désordres viscéraux
pensée qui sera le guide de cette préface. profondément enfouis. Mais aussi concurrence
Le travail de Sébastien Cambier et de Philippe déloyale peut-être dans un monde dominé par les
Bihouix a pour titre une évolution conceptuelle, puissances financières. Ces appréciations négatives
puisqu’elle s’intitule De la biomécanique à la ont pourtant une contradiction : les patients
manipulation ostéo-articulaire, et une évolution se dirigent spontanément vers cette approche
pratique, puisqu’elle ne s’intéresse de prime abord thérapeutique. Vox populi...
qu’à des choses matérielles : la biomécanique, puis J’ai décidé un jour de comprendre, de me faire
à son application thérapeutique : la manipulation. une idée. L’anatomie est le socle (sans cesse objet
L’ostéopathie, dont la terminologie est par trop de déstabilisation) des connaissances requises,
réductrice, suppose des connaissances notamment quand on traite de l’homme dans sa structure
anatomiques et physiologiques, c’est une banalité macroscopique. L’enseignement de cette dis-
de le supposer, mais aussi une approche sémio- cipline est exigeant et ne saurait, une fois les
logique, dans laquelle l’anamnèse trouve sa juste connaissances de l’enseignant acquises, se limiter
place : l’essentiel. La plainte principale est la dou- aux lieux ritualisés. J’ai donc enseigné la neuro-
leur qui entraîne un dysfonctionnement. Tout est anatomie dans une école d’ostéopathie. J’ai pu
inscrit dans les premières pages de l’ouvrage. On apprécier l’écoute des étudiants, auxquels je dis-
y voit que la rigueur s’impose, tant dans l’analyse pensais un nombre d’heures spacieux. J’ai alors
sémiologique, dans les dangers potentiels de cer- compris le lien entre les techniques et les objectifs
taines présentations cliniques contrindiquant des « nébuleux » de prise en charge notamment
manœuvres qui pourraient devenir intempestives viscérale. Le système nerveux végétatif en est
et pires, que dans l’application du plan d’attaque la pierre angulaire. Sa compréhension reste un
technique, quasi d’esprit chirurgical. On ne fait des points culminants des connaissances neuro-
que quand on pense le geste nécessaire, mais il anatomiques.
VI Préfaces

J’ai aussi voyagé dans des services de chirurgie Écrire un tel document, c’est avant tout faire
rachidienne dans les territoires anglo-saxons et ai preuve d’altruisme ; c’est partager des connais-
été impressionné par la confiance accordée par sances, fruit d’un travail de toute une vie, et les
mes collègues aux ostéopathes qui étaient mem- partager sans retenue. C’est en somme une applica-
bres titulaires de leurs équipes. J’ai aussi et surtout tion de l’altruisme, voie dans laquelle s’est engagée
vu les résultats. la sélection naturelle. La struggle for life a connu
Il m’est arrivé dans le passé de prendre part pour son effet réversif : c’est la lutte pour l’entraide,
une formation d’ostéopathes « homozygotes », pour la vie des autres. Le moteur en est incontes-
bénéficiant d’un enseignement intégral des tablement l’éducation, le partage de connaissances
matières fondamentales, et ayant choisi d’emblée qui font que la lignée humaine progresse d’une
d’être ostéopathe. J’ai pu blesser des confrères génération à l’autre et ne part pas, à chaque
médecins, des kinésithérapeutes ou autres, venus fois ex nihilo. Les auteurs l’ont bien compris.
plus tard à cette spécialité, et je le regrette. En Les textes, sérieusement nourris de connaissances
somme, vouloir devenir et s’en donner les moyens fondamentales, débouchent sur une prise en charge
est l’essentiel de toute vocation, fut-elle tardive. technique savamment illustrée et donnant envie
Mais la passion pour une discipline, la mienne, de passer à l’acte. C’est aussi un point fort de
peut, comme toutes les passions, mener à l’excès. l’ouvrage que de le mettre ... entre toutes les
J’en ai fait l’expérience. mains... averties, à trois niveaux de connaissance
En lisant cet immense travail de Sébastien Cam- pratique. Plus qu’un guide, cet ouvrage, De la
bier et de Philippe Bihouix, j’ai retrouvé la rigueur biomécanique à la manipulation ostéo-articulaire,
nécessaire à toute démarche thérapeutique : une devient un moyen d’étalonner ses connaissances,
écoute du patient douloureux et inquiet, une de gravir les niveaux par une lente construction
méthodologie instruite par un examen clinique intellectuelle et pratique, en un mot de progresser.
pointilleux, une connaissance des gestes à éviter, Bonne lecture. Continuons ensemble.
et, surtout, une exécution manuelle sans faille,
Pr Roger ROBERT
puisque pratiquée par des mains expertes, muées Anatomiste
par des encéphales instruits. Neurochirurgien
Préfaces VII

Cet ouvrage traite d’un domaine essentiel de diagnostique que thérapeutique, s’adaptant au
l’ostéopathie, à savoir la manipulation ostéo-arti- niveau d’expérience pratique du lecteur, qu’il soit
culaire à l’origine de la démocratisation de notre étudiant de premier cycle ou professionnel confirmé.
profession en Europe. Il aborde le thorax et le Le diagnostic de la dysfonction ostéopathique
rachis cervical, complétant ainsi le travail entrepris suit une logique chronologique bien compréhen-
par mes confrères Philippe Bihouix et Sébastien sible en tenant compte de l’observation, des tests
Cambier dans leur livre De la biomécanique à la dynamiques puis des tests passifs, tous précisément
clinique ostéopathique. Tome 1. Bassin et lombaires. décrits. Les auteurs détaillent ensuite, pour chaque
Les auteurs Sébastien Cambier et Philippe technique de correction, les positionnements du
Bihouix ont fait l’effort de mettre en place une patient et du praticien, l’intérêt des leviers utilisés,
pédagogie logique et cohérente au regard des le sens de la mise en tension et de l’ajustement
connaissances actuelles de la biomécanique, ren- direct, qu’il soit réalisé par une technique de thrust
dant leur travail compréhensible par tout profes- ou de recoïl/toggle. Puis, ils ont recensé, au cours
sionnel de santé s’intéressant à l’ostéopathie. J’y de leurs années d’expérience de cliniciens mais aussi
trouve ici un intérêt majeur, l’envie de se faire d’enseignants et de jurés d’examens, les difficultés
comprendre du monde médical, afin de mieux techniques de ces manipulations et les moyens à
travailler ensemble au service du patient. Les mettre en œuvre pour les résoudre.
rappels sur les critères de sécurité à respecter, tant Pour conclure, je dirai que cet ouvrage a le
dans l’abord technique que dans les indications mérite d’être complet, clair, précis et parfaitement
notamment au niveau du rachis cervical, devraient illustré. C’est pourquoi je le conseille aux ostéo-
rassurer les plus sceptiques. pathes et étudiants qui souhaitent parfaire leur
Sur le plan ostéopathique, ce livre est tout à fait approche ostéo-articulaire, mais aussi aux profes-
novateur en ce sens qu’il n’est pas un recueil de sionnels de santé curieux d’en savoir un peu plus
techniques mais un manuel d’apprentissage très sur l’intérêt de l’ostéopathie structurelle.
pédagogique de la manipulation, avec, comme
but ultime, la maîtrise de celle-ci, pour parvenir
à une manipulation fluide et la plus confortable Jean-Pierre BARRAL
possible. Ostéopathe DO
Diplômé de l’European School of Ostheopathy
Étant moi-même ostéopathe, auteur et ensei- Maidstone, Royaume-Uni
gnant depuis de nombreuses années, j’ai appré- Et de la faculté de médecine Paris-Nord
cié leur volonté de proposer une démarche tant Département ostéopathie et médecine manuelle
Remerciements

Nos premiers remerciements vont naturellement Un grand merci à Simon, notre modèle, pour
à nos étudiants car nous leur devons l’essence sa disponibilité et sa bonne humeur durant toutes
même de cet ouvrage. Ce sont eux qui nous ont nos séances photographiques.
poussés à la mise en place d’une démarche diag- Enfin, nous remercions tout particulièrement
nostique et thérapeutique cohérente au regard nos épouses, Julie et Marielle. Par leur patience et
des connaissances biomécaniques actuelles avec le leur indéfectible confiance, elles nous ont permis
souci qu’elle soit reproductible. de mener à bien ce travail passionnant.
Introduction

Nous vous proposons, dans cet ouvrage, une choix de supprimer les techniques injustifiées ou
méthodologie d’apprentissage diagnostique et potentiellement dangereuses d’un point de vue
corrective du thorax et du rachis cervical justifiée biomécanique.
par les connaissances biomécaniques et physio­ Nous proposons une approche diagnostique
pathologiques actuelles. Ce livre est la suite du et technique en trois niveaux. Nous avons choisi
travail que nous avions engagé dans l’ouvrage De la des tests et des techniques en fonction du niveau
biomécanique à la clinique ostéopathique, Tome 1 - de l’étudiant et des qualités que l’on souhaite lui
Bassin et lombaires » aux éditions De Boeck. voir acquérir. Dans un but pédagogique, nous
Notre expérience d’enseignants et de jurés avons décomposé chaque technique et cherché à
d’examen nous a permis de constater les diffi­ identifier les difficultés qu’elles présentent et les
cultés d’apprentissage des tests et des techniques réponses à y apporter pour les maîtriser.
ostéo-articulaires. La technique structurelle n’est Notre but est, d’une part, d’aider l’étudiant et
pas assez employée par les étudiants et les profes­ le praticien dans leur apprentissage puis, d’autre
sionnels. Son apprentissage impose de la rigueur ; part, d’amener progressivement l’ostéopathe
son efficacité nécessite de la précision. Notre débutant à l’exigence de la pratique ostéo-
démarche n’est pas d’être exhaustifs sur tout articulaire jusque dans le troisième niveau, où
ce qui a pu être décrit dans les livres d’ostéo­ l’approche que nous utilisons nécessite une main
pathie musculo-squelettique : nous avons fait le déjà expérimentée ainsi qu’une bonne technicité.
Chapitre 1
Rappels et principes
Généralités présente une dysfonction de rotation antérieure
(côté facilité) ; l’ajustement se fera vers la rota-
En ostéopathie, toute technique doit être appré- tion postérieure (côté restreint). Cette technique
hendée dans le cadre d’une approche globale, s’accompagne souvent d’un bruit caractéristique :
d’un diagnostic et d’un traitement. On recherche le fameux « crac ». Celui-ci n’est pas un gage de
donc la ou les dysfonction(s) primaire(s), celle(s)- réussite et son absence ne signe pas obligatoire-
ci étant souvent muette(s), la douleur étant le ment un échec.
symptôme d’une cause se trouvant, bien souvent, Pour chaque technique étudiée, nous apporte-
à distance. La dysfonction dite « primaire » est rons des conseils afin de répondre aux difficultés
donc la dysfonction causale. que les étudiants rencontrent : problèmes dans
La dysfonction ostéopathique entraîne, par ses la réalisation, patient trop raide, patient trop
différents liens (mécanique, neurologique, vas- laxe, patient très « volumineux ». Ainsi, dans cet
culaire), des répercussions telles que des facilita- ouvrage, nos exemples correspondront à la réalité
tions, des modifications de circulation des liquides clinique et ne seront donc pas nécessairement
et des transformations tissulaires (œdèmes, accu- des mannequins de magazine, mais plutôt un
mulation de toxines). échantillon de patients.
Le diagnostic en ostéopathie tient donc du Dans ce livre, nous allons aborder le thorax puis
constat de perte de mouvement, parfois de modi- le rachis cervical. Nous avons défini trois niveaux :
fication de forme. Rappelons que « le diagnos- • niveau 1 : débutant ;
tic représente l’étape capitale d’une consultation • niveau 2 : confirmé ;
[…] ostéopathique, car de lui va découler un • niveau 3 : professionnel.
traitement manuel d’une extrême précision, spé- Ainsi, le lecteur pourra utiliser cet ouvrage
cifique et individuel, pour un patient précis » [2]. comme un manuel, en fonction de son niveau
Aussi, le rôle de l’ostéopathe est-il de permettre d’apprentissage.
au corps, en lui redonnant son mouvement, de La technique ostéopathique manipulative
retrouver un état d’équilibre global. nécessite, tout d’abord, une parfaite connaissance
L’objectif de ce livre est d’accompagner de la biomécanique [3] et, ensuite, la mise en
l’apprentissage de « l’approche manipulative place de paramètres objectifs et subjectifs pour
structurelle en ostéopathie », donc d’offrir au une bonne réalisation.
lecteur les moyens : Les paramètres objectifs sont au nombre de
• d’acquérir une démarche globale puis locale trois :
pour arriver à un diagnostic spécifique ; • force : le « paramètre F » devra être dosé en
• de faire un choix thérapeutique ; fonction de la restriction tissulaire ;
• de réaliser des techniques efficaces. • précision : le « paramètre P » est fonction
La technique structurelle utilise des ajuste- des capacités kinesthésiques du praticien, donc
ments directs, c’est-à-dire que la correction se s’améliore avec l’expérience ;
fait contre la restriction tissulaire. Si un segment • vitesse : « le paramètre V » est le « rapport
se mobilise bien en rotation antérieure mais pas de la longueur du chemin parcouru par un
ou peu en rotation postérieure, alors ce segment mobile au temps mis pour le parcourir ».
De la biomécanique à la manipulation ostéo-articulaire
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
2 De la biomécanique à la manipulation ostéo-articulaire

Ainsi, ce paramètre fait appel à une distance et à Il nous faut maintenant sécuriser la technique.
un temps, donc à deux sous-paramètres. Dans ce niveau, le paramètre P est mineur puisque
Les paramètres subjectifs (PS) ne sont pas quan- la sensibilité tactile de l’étudiant n’est pas suffi-
tifiables. Ils font appel à des qualités intrinsèques sante. Le paramètre V l’est aussi, car le débutant
du praticien, ils aident à réussir les techniques et, manque d’assurance et d’habitude : il n’ose pas,
certainement, à les dépasser. Nous nous sommes, le geste ne peut pas encore être rapide. Ainsi, le
en partie, inspirés de notre confrère Pierre Tricot, paramètre F pourra être privilégié, ce qui exige
pour les définir : plus de sécurité. Nous faisons d’emblée remarquer
• la concentration : « action de faire porter que pour le rachis cervical, le paramètre F ne sera
toute son attention sur un même sujet [4]. ». jamais important, d’où un apprentissage après un
Elle est indispensable à l’utilisation de tous les certain niveau d’expérience. Nous utilisons des
paramètres, qu’ils soient objectifs ou subjectifs ; « leviers de verrouillage », qui servent à protéger
• l’intention : « disposition d’esprit par laquelle les zones sus-jacentes et sous-jacentes. Ces leviers
on se propose délibérément un but [4]. ». C’est seront longs afin de protéger au maximum et ne
ce que l’on souhaite faire : l’intention précède laisseront libre que la zone en dysfonction. L’ajus-
donc l’action [5] ; tement se fera dans une très faible amplitude,
• l’attention : « capacité de concentrer son esprit sans jamais dépasser les limites physiologiques. À
sur un objet déterminé [4]. » Elle délimite ce niveau, les techniques sont statiques, tout est
le champ d’action, permet de discriminer les positionné de manière très précise.
perceptions, de choisir où elle se porte. Selon Les PS sont, à ce niveau, peu abordés ; ils seront
Pierre Tricot, « l’attention est la projection de développés au fur et à mesure. Nous demandons
la conscience [5, 6]. » ; à l’étudiant :
• la représentation mentale : « se faire une image • de se concentrer ;
mentale de la dysfonction afin de mieux la • de « viser » l’articulation ;
comprendre et visualiser le traitement oppor- • de porter une certaine attention.
tun. » L’intention est, à ce stade, « schématique » :
• la visée : « but assigné à une action, ce que l’on nous utilisons des expressions à partir de modèles
cherche à atteindre [4]. » Ce paramètre sert donc simplifiés, d’images connues, souvent mécaniques,
à orienter correctement le geste du praticien. mais pas forcément biomécaniques (compte tenu
du niveau d’acquisition pratique de l’étudiant
Niveau 1 qui ne lui permet pas encore de transposer ses
connaissances théoriques en anatomie et bio­
La formation de la main de l’ostéopathe demande mécanique en trois dimensions sur son patient)
du temps et de l’entraînement. Le débutant ne afin qu’il se représente ce qu’il crée lors de son
sait pas encore déceler tous les troubles provo- action (« basculer une vertèbre », etc.).
quant des dysfonctions. Afin de réussir l’appren-
tissage, il faudra rassurer le débutant et lui assurer
une sécurité maximale. Pour le rassurer, nous
utilisons une approche fondée sur des concepts
biomécaniques simples. Le but, ici, est de passer à
la réalisation technique sans avoir de doutes quant
à la dysfonction. Le « diagnostic manuel » n’étant
pas suffisamment fiable, nous le renforçons par un
modèle théorique. La routine diagnostique est de
type binaire : chaque test oriente dans une direc- Figure 1.1.
tion tout en en éliminant une autre ; cela permet Importance des différents paramètres dans le niveau 1.
à l’étudiant de repérer une dysfonction. Étant
conforté par une sécurité intellectuelle, l’étudiant Dans cet ouvrage, nous abordons les techniques
peut se concentrer sur la pratique. de manipulation du thorax et des cervicales.
Chapitre 1. Rappels et principes 3

Il est essentiel dans ce premier niveau de simplifier, traiter ses patients dans plusieurs positions. En
de sécuriser et de corriger le moindre défaut effet, le patient ne peut pas toujours se placer dans
afin de faire prendre, immédiatement, les bonnes une position idéale et, parfois, la technique de
habitudes, qui permettent d’accéder aux autres base ne correspond pas au cas du patient.
niveaux.
Niveau 3
Niveau 2
À ce niveau, les tests et les techniques classiques
La main s’améliore, les tests passifs peuvent prendre sont maîtrisés. Nous proposons ici des tests plus
de plus en plus d’importance, le diagnostic s’affine. fins, qui font référence à d’autres notions scienti-
Les techniques statiques montrent leurs limites. fiques. Ces tests et ces techniques sont réalisables
Elles requièrent parfois trop de force et sont donc parce que la main s’est suffisamment développée :
souvent désagréables voire douloureuses pour le le facteur P devient, à ce stade, prépondérant.
patient. Les leviers sont très longs ; ils entraînent Nous fournissons des techniques différentes
plus de tensions dans les tissus ; le patient a plus qui utilisent des microparamètres, tout en faisant
de difficultés à se relâcher. Nous allons maintenant davantage appel aux facteurs subjectifs qui per-
travailler la vitesse aux dépens de la force. mettent une plus grande précision thérapeutique :
La technique se fait avec un léger déplacement : • représentation mentale en trois dimensions de
le praticien donne l’impression de prendre un peu l’effet biomécanique du geste correcteur effec-
d’élan. L’ajustement doit se faire très précisément tué sur le patient ;
dans le sens correctif avec une accélération au • degré d’attention à porter à tel ou tel endroit
moment de l’ajustement. Le geste est donc plus de l’articulation, sur tel ou tel paramètre du
rapide, plus précis, avec un léger déplacement : geste effectué. Selon les techniques, le praticien
l’effet de surprise est beaucoup plus important. devra apprendre à percevoir où doit se porter
La précision augmente avec l’expérience. Nous son attention, à la fois sur l’articulation et sur
abordons plus qu’avant les paramètres subjectifs ; les paramètres correcteurs afin d’obtenir la plus
l’intention se précise : on dépasse les modèles grande efficacité.
schématiques pour se représenter anatomique- Les facteurs P et V sont augmentés, le plus pos-
ment l’articulation sur le patient et cela permet sible, dans le but de diminuer le facteur F.
une intention du geste correcteur selon un ou
deux plans. Il n’y a pas encore besoin de la repré-
sentation en trois dimensions de l’articulation
et du geste effectué. La vitesse est ici le facteur
privilégié. Donc, le facteur F est diminué. Tout
cela augmente le confort du patient et l’effet
positif de la technique.

Figure 1.3.
Importance des différents paramètres dans le niveau 3.

Rappels
Dysfonction somatique
Figure 1.2.
Importance des différents paramètres dans le niveau 2. Ce terme de « dysfonction somatique », qui
remplace celui de « lésion ostéopathique »,
À ce deuxième niveau, nous abordons égale­ se définit par « fonction altérée ou diminuée des
ment des variantes, afin que l’étudiant puisse composantes du système somatique (squelette,
4 De la biomécanique à la manipulation ostéo-articulaire

articulation et structures myofasciales) ainsi que Démarche ostéopathique


des éléments vasculaires, lymphatiques et neuro-
logiques correspondants » [7]. Cette définition La démarche ostéopathique est protocolaire : elle
du Hospital Adaptation of International Classi­ sert à poser le diagnostic ostéopathique, puis
fication of Disease, reconnue par la médecine à définir les choix thérapeutiques, pour réali-
allopathique aux États-Unis [8], est le fruit d’un ser le traitement spécifique et, enfin, établir un
travail de consensus dirigé par Ira Rummey en pronostic.
1968 [7]. Le diagnostic ostéopathique est indispensable
La dysfonction se dénomme toujours du côté avant d’engager un traitement. Il comporte plu-
du paramètre de mobilité restant présent [7]. sieurs étapes et procède du global vers le spécifique.

Dysfonction somatique articulaire Anamnèse


Définition : « Lorsque la dysfonction somatique Il s’agit de l’interrogatoire du patient. Tout
concerne un complexe articulaire, elle provoque, d’abord, il faut préciser ce qui concerne la région
selon Seaman [9] une hypomobilité d’une arti- symptomatique : Où ? Quand ? Comment ?
culation […] et une réaction inflammatoire asso- Depuis quand ? Facteurs déclenchants, facteurs
ciée » [7]. La dysfonction est donc une restriction aggravants, facteurs soulageants, irradiations,
de mobilité. Elle peut être d’origine adaptative etc.
ou traumatique (choc, coup, mouvement fixé ou Puis l’examinateur s’intéresse au patient dans
contrarié, etc.). son ensemble, en l’interrogeant sur tous ses sys-
Elle peut être physiologique, auquel cas il y a tèmes organiques et tous ses antécédents afin de
respect des axes de mobilité et de la physiologie relier les symptômes au cas particulier du patient.
articulaire.
Elle peut être non physiologique, donc d’ori- Inspection
gine traumatique, et correspondre à une minime L’inspection comporte l’observation et la palpa-
« subluxation », tout en restant dans le champ tion. Elle se doit d’être globale : apprécier l’orga-
ostéopathique. nisation fonctionnelle de l’ensemble de l’individu
car une cervicalgie n’est pas toujours d’origine
Barrière motrice cervicale. Elle commence sur un patient debout,
Définition : « Niveau dans l’amplitude articulaire, déshabillé, en position anatomique. En fait, elle
juste avant qu’une pièce osseuse entraîne l’autre. » commence au déshabillage : toute raideur lors des
mouvements de flexion, de rotation sera déjà un
témoin d’une souffrance de cette région.
Barrière motrice restrictive Elle se poursuit par la consultation de la peau
Une articulation, dans sa physiologie, présente [10, 11] :
des arrêts moteurs aux niveaux extrêmes de ses • Une anomalie cutanée telle qu’une coloration
amplitudes : c’est « la barrière osseuse ». Mais rouge, en tache, peut être le témoin d’une
avant celle-ci, il y a la barrière tissulaire, qui infection ou de l’utilisation prolongée d’un
correspond à la mise en tension des tissus mous. appareil chauffant.
Toute limitation à l’intérieur de ces barrières • Les lipomes, les touffes de poils, les taches café
motrice et tissulaire est considérée comme patho- au lait permettent d’évoquer une pathologie
logique, donc restrictive. osseuse ou neurologique sous-jacente ; une
Le rôle de l’ostéopathe est de rechercher les touffe localisée et inhabituelle de poils peut
dysfonctions ostéopathiques, de les hiérarchiser être le signe d’une anomalie osseuse du rachis
afin de faire son choix thérapeutique, puis de et s’il s’y associe un lipome, c’est un signe qui
localiser la barrière dans la dysfonction principale renforce la suspicion d’une pathologie osseuse
afin de réaliser son traitement. sous-jacente.
Chapitre 1. Rappels et principes 5

• Des tâches cutanées ou des tumeurs pédiculées • le tubercule postérieur de l’atlas ;


indiquent la présence d’une neurofibro-matose • les processus transverses des vertèbres cervicales
et sont souvent accompagnées d’anomalies et thoraciques ;
cutanées secondaires de type tâches de couleur • les processus articulaires des vertèbres cervicales
café au lait. Ces tumeurs, comme les lipomes, • le sternum et ses différents repères : l’angle
peuvent comprimer la moelle et les racines sternal, le manubrium, le corps du sternum et
nerveuses. le processus xyphoïde ;
• Toute grosseur ou toute déformation osseuse • les différents cartilages costaux ;
pouvant révéler une tumeur [12]. • la face supérieure de la première côte ;
• les arcs costaux ;
La posture est une représentation visible de • les angles costaux.
nombreux troubles rachidiens et doit s’observer « L’anamnèse et l’inspection permettent
avec la plus grande précision : d’émettre des hypothèses diagnostiques [1] ».
• le port de tête ; L’inspection contribue à se faire une idée du
• la hauteur des lobes d’oreille ; patient avant le traitement et les modifications
• le port des membres supérieurs (MS) et scapulas ; observées en fin de traitement permettent de
• l’horizontalité et le parallélisme des lignes des vérifier l’efficacité de ce dernier et éventuellement
épaules et du bassin ; de formuler un pronostic.
• l’homogénéité de tension des tissus mous de
part et d’autre de la ligne médiane, donc
recherche des asymétries. Diagnostic d’opportunité
• l’inégalité de longueur des membres inférieurs et contre-indications
(hauteur des crêtes iliaques, des sillons fessiers, En ostéopathie, si nous suspectons des patho-
des EIPS et EIAS, recurvatum et flexum des logies interdisant notre pratique, nous effec-
genoux, rotations des membres inférieurs) ; tuons lors de notre examen clinique des tests
• l’harmonie des courbures, appréciation des médicaux : c’est le diagnostic d’opportunité.
troubles de l’homogénéité de la lordose cervi- Nous définissons des contre-indications absolues
cale et de la cyphose thoracique [13] : à la prise en charge ostéopathique qui nous
– scoliose dont le signe pathognomonique est amènent à adresser en retour le patient chez son
la gibbosité lors de la flexion du rachis, médecin traitant, des contre-indications absolues
– inflexion cervicale (attitude en inclinaison), à la manipulation cervicale ou thoracique sans
– raideur et inversion de courbure cervicale, empêcher une prise en charge ostéopathique et
– hyperlordose cervicale, des contre-indications relatives qui restreignent
– hypercyphose thoracique, notre pratique.
– raideur ou lordose d’une région thoracique.
Nous examinons aussi la démarche, les vis-
céroptoses. Contre-indications absolues à la prise
Nous palpons la région concernée, cela nous en charge ostéopathique
aide à déterminer le ou les tissus en souffrance. • Les douleurs profondes, aiguës, à type de broie-
Cet ouvrage n’ayant pas pour but d’apprendre ment, plus ou moins intenses, diffuses ou loca-
l’anatomie palpatoire, nous considérons comme lisées, d’horaires inflammatoires ou variables
acquis les repérages cervicaux et thoraciques bien doivent faire suspecter une douleur osseuse de
décrits par Serge Tixa dans le premier tome de son type mécanique (fracture), infectieuse (spondy-
ouvrage Atlas d’anatomie palpatoire, consacré au lodiscite) ou tumorale [15] :
cou, au tronc et aux membres supérieurs [14], – fractures – à suspecter dans un contexte
à savoir : traumatique ou en cas d’ostéoporose pour
• les processus épineux des vertèbres cervicales et le rachis thoracique ou les côtes : tests de
thoraciques ; percussion ou au diapason positifs ;
6 De la biomécanique à la manipulation ostéo-articulaire

– spondylodiscite – urgence diagnostique et avant manipulation cervicale pour que la cica-


thérapeutique : à suspecter devant toutes trisation ligamentaire soit faite.
rachialgies inflammatoires fébriles de début • Il existe une urgence neurologique diagnostique
brutal avec raideur vertébrale globale. Toute et thérapeutique : le syndrome de compression
douleur d’apparition brutale dans un contexte médullaire (tumeur, hernie discale, etc., voir
fébrile est suspecte ; encadré ci-dessous).
– tumeurs primitives des os – rares et à sus-
pecter devant une douleur ou une tuméfac-
tion osseuse surtout sur un os en croissance Syndrome de compression médullaire
(adolescent et adulte jeune). Il peut s’agir Le syndrome de compression médullaire comporte [1] :
d’un ostéochondrome (la plus fréquente des • le syndrome rachidien, inconstant, dû à l’atteinte
tumeurs osseuses bénignes, qui peut tou- vertébrale concomitante ou aux réactions musculo-liga-
cher n’importe quel os, de préférence les mentaires péri-lésionnelles. Il comporte des douleurs
os longs), d’un ostéome ostéoïde (tumeur permanentes et fixes ainsi qu’une raideur précoce
bénigne chez la personne de 20 à 40 ans : à rechercher systématiquement. Les douleurs sont
douleurs osseuses inflammatoires à prédo- renforcées par l’effort mais existent aussi au repos
en particulier la nuit. La palpation appuyée de la mus-
minance nocturne calmées par les AINS ou
culature ou la percussion des épineuses de la zone tou-
l’aspirine) ou d’un lymphome osseux primitif. chée réveille la douleur. Il peut exister une déformation
Il faut rechercher des signes d’altération de segmentaire : cyphose, scoliose, torticolis ;
l’état général : asthénie, amaigrissement et • le syndrome lésionnel, dû à la souffrance d’une
anorexie ; racine nerveuse, renseigne sur le niveau en hauteur de
– tumeurs secondaires des os – troisième loca- la lésion. Les douleurs ont une topographie radiculaire
lisation métastatique après le poumon et le en bande (névralgies cervico-brachiales, algies thora-
foie, révélatrices du cancer dans 20 % à 30 % ciques en ceinture, etc.) sont vives, souvent majorées
des cas. Les cinq cancers les plus ostéophiles aux efforts de toux, de défécation, et sont permanentes
ou non (pouvant s’estomper dans la journée avec l’acti-
sont ceux de la prostate, du poumon, du
vité physique) avec des paroxysmes nocturnes, uni- ou
rein, du sein et de la thyroïde. Les éléments bilatérales. Il peut s’associer des paresthésies, une
d’orientations diagnostiques sont une altéra- hypoesthésie ou une anesthésie thermo-analgésique
tion de l’état général, des douleurs osseuses de la zone atteinte, une abolition ou une inversion
inflammatoires (locale, intense, permanente, des réflexes ostéotendineux du niveau concerné et
à réveil nocturne), des troubles neurolo- un déficit moteur avec une éventuelle amyotrophie
giques en cas de compression médullaire ou localisée ;
radiculaire [16]. • le syndrome sous-lésionnel, qui suit souvent le syn-
• Entorse cervicale récente : à évoquer dans un drome lésionnel ; selon le niveau de compression,
il comporte un déficit moteur pyramidal d’intensité
contexte traumatique notamment dans les AVP
variable ; des troubles de la sensibilité tactile et pro-
récents. La manipulation cervicale ne sera pas prioceptive en cas d’atteinte des fibres cordonales
une indication dans les AVP récents en raison postérieures de la voie lemniscale (signe de Lhermitte
des risques d’entorse cervicale voire de fractures. peut-être présent : décharges électriques le long du
Il ne pourra être question de manipulation rachis et des membres à la flexion du cou) ; des
cervicale dans les suites d’AVP récents que si on troubles thermo-algiques en cas d’atteinte des voies
a l’assurance de l’absence d’entorse cervicale et spinothalamiques ; des troubles sphinctériens tardifs,
l’absence de signes neurologiques associés à la des troubles trophiques, vasomoteurs.
douleur. Une manipulation ne peut s’envisager
qu’à distance du traumatisme si on a l’assurance
de l’absence d’entorse cervicale récente (10 • La syringomyélie est une pathologie dont
à 15 jours minimum après le traumatisme : les symptômes surviennent progressivement
clichés dynamiques normaux). En cas d’entorse sur plusieurs années de manière insidieuse.
bénigne, il sera conseillé d’attendre deux mois Ceux-ci comportent un syndrome lésionnel,
Chapitre 1. Rappels et principes 7

un syndrome sous-lésionnel et éventuellement • L’ostéoporose est à suspecter dès qu’il existe


la malformation d’Arnold-Chiari (compression des antécédents de fracture sans traumatismes
du bulbe et des amygdales cérébelleuses) dont significatifs. L’ostéodensitométrie permet d’en
les symptômes sont un nystagmus, des douleurs faire le diagnostic. Le stade fracturaire au niveau
de la face par atteinte du V, une atrophie de la de hanches est de 0,750 g/cm2. On évitera alors
langue par atteinte du noyau du XII, une para- les manipulations en compression sur le thorax.
lysie vélo-palato-pharyngo-laryngée par atteinte • Maladie de Paget sans radiographies récentes
des noyaux du X et du XI. La moelle cervicale de la zone concernée en raison du risque
est la plus touchée. d’atteintes vertébrales avec, de façon exception-
• La phase aiguë d’une pathologie rhumatismale nelle, un risque de compression médullaire.
du type spondylarthrite ankylosante ou autres • Maladie de Lobstein ou ostéogenèse imparfaite
spondylarthropathies, pseudopolyarthrite rhizo­ en raison du risque de tassements vertébraux.
mélique, etc. : à suspecter devant un contexte • Canal cervical étroit acquis ou congénital.
inflammatoire (réveil en deuxième partie de • L’arthrose évoluée : on évitera les manipu-
nuit, dérouillage matinal, rougeur, chaleur de la lations sur les niveaux concernés par une
zone douloureuse), associé aux signes propres discarthrose avérée, notamment en cas de
de chaque maladie. rétrécissement de l’espace discal, de réduction
• Tout état fébrile associé à une cervicalgie ou des trous de conjugaisons, de rétrécissement
une dorsalgie : risque de spondylodiscite, de du canal rachidien. Seules les radiographies
méningite. standards permettent d’en voir précisément
• Infections des voies aériennes supérieures (rhino­ le degré. L’arthrose cervicale peut s’accompa-
pharyngites, angines, etc.) et leurs compli- gner du syndrome sympathique cervical pos-
cations (phlegmon péri-amygdalien et ses térieur de Barré-Liéou qui correspond à une
complications, syndrome de Grisel, etc.). atteinte des filets sympathiques qui accompa-
gnent l’artère vertébrale. Cela entraîne des
Contre-indications absolues à la manipulation céphalées occipitales qui peuvent irradier vers
• Les risques cardiovasculaires connus ou sus- la tempe ou la face, parfois des crises vasomo-
pectés sont une contre-indication aux manipu- trices de la face, voire des vertiges aux chan-
lations cervicales et notamment s’il existe : gements de position, ainsi qu’une baisse de la
– des antécédents personnels de pathologies tension artérielle.
cardiovasculaires (anévrysme, embol, acci- • Polyarthrite rhumatoïde et rachis cervical : du
dent vasculaire cérébral, infarctus, pose de fait des risques de lésions (subluxations dues à
stents, pontages…) ou familiaux en fonction une synovite de l’articulation C1/C2, lésions
de l’âge du patient ; du processus odontoïde, etc.) sur le rachis
– une vascularite ; cervical, notamment supérieur, qui peuvent
– une hypercholestérolémie mal stabilisée ; de surcroît rester asymptomatiques, il n’est
– une HTA mal stabilisée ; pas question de manipuler un rachis cervical
– un diabète mal stabilisé ; supérieur sans un bilan radiologique très récent
– un tabagisme important en fonction de la assurant de l’absence de toutes lésions en lien
durée ; avec la polyarthrite rhumatoïde.
– un alcoolisme connu. • Les malformations :
• Une hernie cervicale connue : pas de manipula- – impression basilaire, qui interdit les manipu-
tion sur le niveau concerné. lations du rachis cervical ;
• Névralgie cervico-brachiale : par sécurité, on – malformations osseuses, blocs congénitaux,
évitera les manipulations cervicales sur le niveau transversomégalie, qui interdisent les mani-
radiculaire concerné. Toutefois, en l’absence pulations sur les niveaux concernés ;
de déficit moteur, une NCB peut être prise en – côte cervicale, qui empêche les manipulations
charge par l’ostéopathie. de la première côte par abord supérieur.
8 De la biomécanique à la manipulation ostéo-articulaire

Contre-indications relatives en position allongée, alors nous considérons


Les contre-indications relatives sont peu nom- qu’elle était secondaire et ne sera pas traitée
breuses : par le praticien. Nous traitons les dysfonctions
• l’âge : plus il est avancé ; causales (primaires) plutôt que les conséquences
• l’arthrose, en fonction du degré ; (secondaires).
• les pathologies rhumatismales, en fonction du Exemple : localiser un dysfonctionnement dans
stade radiologique et si la personne n’est pas en le rachis cervical, puis trouver la vertèbre cervi-
période aiguë ; cale en dysfonction, puis chercher les paramètres
• l’ostéopénie pour le rachis dorsal et les côtes. de cette dysfonction, puis rechercher la facette
Lorsque le diagnostic d’opportunité est négatif articulaire en dysfonction, puis localiser l’endroit
et qu’il ne met pas en évidence de contre- précis le plus fixé à l’intérieur de cette facette
indication, nous pouvons alors poursuivre notre articulaire, car la biomécanique nous montre que
démarche diagnostique. la mobilité articulaire se fait en fonction de cen-
tres instantanés de rotation.
Lorsque l’on regarde agir un ostéopathe expé-
Tests actifs rimenté, réalisant des tests articulaires passifs, on
s’aperçoit que ses gestes sont de faible amplitude.
Nous évaluons des mouvements effectués par
En fait, la restriction articulaire est perceptible
le patient. Tout d’abord, nous testons la région
dès le début de la mobilisation. Cette restriction
concernée dans sa fonction.
est faible au début du mouvement et augmente
L’examen est d’abord global puis de plus en
au fur et à mesure que l’amplitude croît. L’étu-
plus ciblé. Tous les mouvements actifs de la zone
diant débutant ne pourra pas sentir cette fine
en dysfonction sont contrôlés.
restriction, c’est pourquoi nous lui demandons
Nous notons :
de tester l’articulation dans toute l’amplitude
• les « cassures » ;
physiologique. Cela permet de sentir plus faci-
• les amplitudes qui semblent limitées ou exagé-
lement la dysfonction et de se familiariser avec
rées ;
les amplitudes physiologiques. La main évoluant,
• les compensations utilisées par le patient pour
l’étudiant percevra plus précocement les restric-
réaliser le mouvement ;
tions, il diminuera progressivement l’amplitude
• la douleur exprimée lors des tests.
de ses tests.
Les tests actifs nous permettent de déterminer
la ou les zones dysfonctionnelles, que nous tes-
terons passivement ensuite. Les premiers permet- Traitement, vérification et pronostic
tent donc de choisir les seconds.
Le traitement comporte un ou plusieurs ajuste-
ments sur une ou plusieurs régions. Après chaque
ajustement, nous vérifions l’efficacité sur la zone
Tests passifs concernée. En cas de succès, nous vérifions l’effet
Ce sont des tests pratiqués par l’ostéopathe sur sur la globalité du patient, afin de déterminer
les zones en restriction lors des tests actifs. Ils s’il faut réaliser d’autres ajustements ou prévoir
sont de plus en plus fins et précis et sont liés à la une autre séance. La vérification se fait donc en
confiance que l’on accorde à sa main. Ils fournis- sens inverse de la routine de tests, c’est-à-dire du
sent plus de renseignements et ils éliminent la spécifique vers le global.
composante subjective du patient. Ils doivent Chaque traitement se termine sur un pronostic,
rester en deçà de la douleur. Réalisés dans diffé- associé parfois à des conseils d’hygiène de vie ou
rentes positions du sujet, ils nous renseignent sur d’exercices à pratiquer par le patient. Ce pronostic
l’aspect « compensatoire » ou « primaire » des varie en fonction du mode de vie, du métier, de
dysfonctions. En effet, si l’on trouve une dys- l’alimentation, des sports pratiqués… et nécessite
fonction en position assise et si celle-ci disparaît donc une inévitable indiscrétion [17].
Chapitre 1. Rappels et principes 9

Synthèse (figure 1.4) vertèbre sous-jacente. La description des tech-


Chaque étape du diagnostic nous donne des niques suivra toujours le même protocole :
indications ou répond à une interrogation. • position du patient ;
L’anamnèse et l’inspection nous donnent une • position de l’ostéopathe ;
idée globale du patient, et nous permettent • mise en place des différents leviers ;
d’émettre des hypothèses diagnostiques. Les • mise en tension ;
tests actifs nous renseignent sur la ou les régions • ajustement.
dysfonctionnelles. Les tests passifs nous confir-
ment les dysfonctions primaires, qui peuvent Modèle explicatif
bénéficier d’un ajustement. Une articulation
de l’intérêt des manipulations
peut présenter une restriction aux tests pas-
sifs, à cause d’une dysfonction à distance (trac-
ostéopathiques articulaires
tion musculaire, viscérale, faciale, méningée, de haute vélocité
etc.) ; il nous faudra déterminer la dysfonction Au sein des ligaments et des capsules articulaires
primaire. se trouvent de nombreux récepteurs kinesthé-
siques des articulations [18, 19] :
• les corpuscules lamelleux (ou corpuscules de
Principes du traitement Pacini) réagissent à l’accélération et à la décélé-
ration des articulations durant les mouvements.
Généralités • les mécanorécepteurs de type 2 (ou corpuscules
de Ruffini) réagissent à la pression ;
La dysfonction ostéopathique se définit du côté • les terminaisons nerveuses libres réagissent à la
du mouvement de plus grande liberté. La dys- pression.
fonction entre deux vertèbres est désignée par Tous ces récepteurs transmettent au SNC
la dysfonction de la vertèbre sus-jacente sur la la position et le mouvement des articulations.

Figure 1.4. Synthèse de la démarche ostéopathique.


10 De la biomécanique à la manipulation ostéo-articulaire

D’autre part, les ligaments contiennent des le centre d’intégration étant donc la moelle spi-
récepteurs comparables aux fuseaux neurotendi- nale ou le tronc cérébral.
neux qui ajustent l’inhibition réflexe des muscles Prenons l’exemple du réflexe tendineux clas-
adjacents quand l’articulation subit une contrainte sique qui peut exister également à partir d’un
excessive [18]. récepteur en provenance d’un ligament. Cet arc
Chacun de ces récepteurs possède un seuil réflexe est polysynaptique car il fait intervenir plus
d’excitabilité pour produire un potentiel d’action d’une synapse dans le SNC. Lorsque tout se passe
véhiculé par le neurone sensitif au centre d’inté- bien, cet arc réflexe permet de protéger le tendon
gration. On va s’intéresser aux réflexes spinaux ou le ligament d’une rupture en faisant relâcher le
pour comprendre ce qui se passe dans la mise en muscle responsable de la tension excessive et en
place d’une dysfonction articulaire ostéopathique, stimulant la contraction des antagonistes [18, 19].

Figure 1.5. Le réflexe tendineux.


Cet arc réflexe est polysynaptique, c’est-à-dire qu’il fait intervenir plus d’une synapse dans plus de deux neurones.
Le neurone sensitif fait synapse avec deux interneurones. L’interneurone inhibiteur déclenche le relâchement
et l’interneurone excitateur provoque la contraction du muscle antagoniste. Les signes positifs (+) représentent
des synapses excitatrices et les signes négatifs (–), des synapses inhibitrices (PPSI).
Chapitre 1. Rappels et principes 11

Lors d’un traumatisme ou d’une stimulation de donner une information précise et rapide
dépassant la vitesse de réaction de l’arc réflexe, aux tissus.
on peut supposer qu’il existerait une distension Par ailleurs, lorsque l’ostéopathe traite une dys-
voire une rupture tendineuse ou ligamentaire. fonction mécanique douloureuse, il est fréquent
Il peut s’ensuivre de nombreux potentiels d’action d’observer une persistance de douleurs durant
dans cet arc réflexe conduisant à un maintien de quelques heures ou quelques jours. Cela est dû à
la contraction des antagonistes et donc à une deux facteurs :
contracture. Ainsi, la dysfonction ostéopathique • l’hyperkaliémie locale, les prostaglandines et les
articulaire serait la conséquence de décharges per- kinines restants dans les tissus qui stimulent
manentes d’arcs réflexes dont l’origine serait la les nocicepteurs ;
« souffrance » capsulaire ou ligamentaire (stimulus • les nocicepteurs s’adaptent très lentement : il
d’étirement dans ce cas mais pouvant aussi être des peut donc y avoir, après la correction d’une
stimuli de pressions excessives véhiculées par les dysfonction, un temps de réaction avant l’arrêt
terminaisons nerveuses libres ou par les mécano- des douleurs.
récepteurs de type 2) entraînant des contractures Ainsi, la douleur peut persister après la dis-
musculaires douloureuses fixant la dysfonction. parition du stimulus douloureux [18, 19].
D’autre part, il existe dans les ligaments et
capsules articulaires des nocicepteurs qui sont
des terminaisons nerveuses libres pouvant engen- Types d’ajustement directs
drer des informations nociceptives. La douleur
Il existe deux types de manipulation : les mani-
peut être provoquée par une distension ou un
pulations actives et les manipulations passives.
étirement excessif des tissus, par des contractions
Les premières nécessitent une participation active
musculaires prolongées (spasmes musculaires)
du patient et ne seront pas développées dans
ou par une ischémie (insuffisance d’irrigation
cet ouvrage. Nous allons étudier quelques tech-
sanguine) [18]. On comprend ainsi qu’un même
niques passives, donc entièrement réalisées par
stimulus, par exemple un étirement excessif d’un
l’ostéopathe.
ligament, peut stimuler à la fois des nocicepteurs
et des récepteurs kinesthésiques des articulations
(corpuscules lamelleux du fait d’une accélération Niveau 1 : le thrust statique
excessive au niveau de l’articulation, fuseaux neu- Le thrust est une accélération. C’est une mobi-
rotendineux du fait de la contrainte excessive). lisation passive, de basse amplitude et de haute
La manipulation ostéopathique articulaire doit vélocité, qui restaure (ou presque) la mobilité
donc permettre d’arrêter les stimuli à l’origine de physiologique d’une articulation en restriction.
la symptomatologie. Pour ce faire, l’ostéopathe Les techniques passives directes agissent contre la
devra trouver précisément le lieu de la « souf- barrière motrice restrictive et nécessitent les trois
france » capsulaire ou ligamentaire afin de rétablir paramètres (force, précision, vitesse) que nous
les contraintes articulaires adéquates en termes avons étudiés précédemment. Elles sont parfois
de pression et d’équilibre des tensions tant cap- nommées « techniques HVBA (haute vélocité
sulaires que ligamentaires. Ainsi, les arcs réflexes basse amplitude) ».
stimulés par les récepteurs kinesthésiques des • HV : réaliser un effet mécanique sans entraî-
articulations devraient s’interrompre, permettant ner de réactions musculaires de défense. Cela
de lever les contractures musculaires. entraîne une décoaptation articulaire et un bref
La manipulation ostéopathique présentée dans étirement des éléments péri-articulaires ; à cela
cet ouvrage vise à corriger la dysfonction arti- s’ajoute une inhibition de la contracture des
culaire en utilisant tous les paramètres qui vont muscles mono-articulaires qui participent à la
permettre d’annuler la contrainte en allant dans le restriction de mobilité ;
sens opposé à celle-ci. On utilisera des techniques • BA : nous restons dans les limites physiolo-
d’ajustement statique ou dynamique permettant giques de l’articulation.
12 De la biomécanique à la manipulation ostéo-articulaire

L’articulation sera testée selon ses axes. Si


elle possède trois degrés de liberté, alors elle
sera testée dans les trois plans, donc en flexion/
extension, inclinaison droite/gauche et rotation
droite/gauche. Chaque mouvement se fait donc
autour de son axe respectif. L’ajustement se fera
dans un axe dysfonctionnel, en tenant compte de
tous les autres axes.
Prenons l’exemple d’une dysfonction vertébrale
en flexion + inclinaison droite + rotation gauche,
le paramètre d’inclinaison étant le plus fixé. Nous
positionnons l’articulation en extension jusqu’à la
Figure 1.7. Niveau 2 : le thrust dynamique.
barrière motrice (BM1), puis en rotation droite
jusqu’à la barrière motrice (BM2), ensuite cher-
chons la barrière motrice en inclinaison gauche
(BM3) : c’est sur cet axe que nous réalisons notre
accélération (thrust) (figure 1.6).

Niveau 2 : le thrust dynamique


Nous apportons plus de vitesse et donnons un
petit « élan » qui permet l’aspect dynamique.
La technique sera la même qu’au niveau 1 mais,
lorsque nous arrivons à la BM3, nous revenons
légèrement en arrière avant d’effectuer l’ajus-
tement (figure 1.7).Il est possible de chercher
la BM3, puis revenir en arrière, puis rechercher
la BM3, puis revenir en arrière, cela plusieurs Figure 1.8. Niveau 3 : le momentum.
fois : cela s’appelle le momentum. Cette variante
technique permet de mieux viser, mieux visualiser, momentum de préférence sur les biorythmes du
de prémunir les tissus, de favoriser le relâchement patient (figure 1.8).
du patient pour mieux le surprendre et ainsi
pouvoir choisir le meilleur moment correctif. Niveau 3 : les microparamètres, le recoïl
Lorsque l’étudiant le sent, il se doit de réaliser ce et les empilements de paramètres
Lorsque nous utilisons le thrust, nous cherchons
les mêmes paramètres que pour les autres niveaux,
c’est-à-dire autour des axes de mobilité. En outre,
nous utilisons les microparamètres le long des
axes, c’est-à-dire compression/décompression,
translation antérieure/postérieure et translation
latérale droite/gauche. La mise en place des
microparamètres nous permet de n’utiliser que
très peu les grands paramètres le long des axes.
Grâce à cela, nous réduisons considérablement
les leviers, parfois même nous n’en utilisons pas.
À ce niveau, l’ajustement est souvent effectué
selon plusieurs axes, il devient spiroïdal et res-
Figure 1.6. Niveau 1 : le thrust statique. pecte mieux l’orientation des surfaces articulaires.
Chapitre 1. Rappels et principes 13

Cela est possible grâce à l’expérience du praticien, dessous du segment en dysfonction. La correction
qui lui permet de ressentir l’articulation dysfonc- ne pourra se faire que dans le segment resté libre,
tionnelle. c’est-à-dire le segment dysfonctionnel. Ce point
Nous présenterons aussi des techniques sans est essentiel pour le débutant : il est rassuré car,
thrust, qui utilisent les propriétés élastiques des s’il ne réussit pas, il n’y aura pas d’incident puisque
tissus : ce sont les techniques de toggle et de recoïl. tout est fixé sauf la dysfonction. L’étude de la bio-
Nous favoriserons, alors, le rebond et l’impulsion mécanique nous apprend que les grands mouve-
sur les barrières motrices et/ou tissulaires. ments correcteurs peuvent être préjudiciables aux
structures péri-articulaires. Donc, nous utilisons
Position du patient le moins possible de techniques manipulatives à
grands leviers, les leviers ne servant qu’à sécuriser
Il s’agit de la position du patient au début de la la technique dans les phases d’apprentissage : le
manipulation. Elle doit être confortable et respecter geste correcteur doit rester de basse amplitude.
les règles de non-douleur, afin d’éviter les réac-
tions de défense. Elle doit répondre à des critères Mise en tension : focalisation
d’efficacité. Nous utilisons des coussins ou toute
« cale » susceptible d’améliorer le confort du patient. Il s’agit de chercher les diverses barrières motrices
Les techniques seront décrites « sur un côté », (BM) :
pour faciliter les explications et la compréhension. • les paramètres majeurs se trouvent autour de
Notre expérience montre que l’emploi des termes l’axe (flexion, inclinaison, rotation) ; en général
« homolatéral » et « controlatéral » complique on positionne sur deux paramètres et on corrige
grandement la compréhension. sur le troisième ;
• éventuellement, paramètres mineurs (compres-
Position du praticien sion/tractions, translations, etc.) ;
• tous les paramètres se focalisent pour arriver à la
Il s’agit de la position du praticien au début de BM la plus précise possible.
la technique ; dans un souci d’efficacité, elle res-
pectera les critères suivants : Ajustement
• aplomb, stabilité – l’ostéopathe doit être stable
sur ses pieds, en équilibre sans efforts, il faut C’est l’accentuation d’un (ou plusieurs) para-
donc souvent régler la hauteur de la table ; mètre(s) de la mise en tension : souvent nous
• contact le plus important avec le patient – plus le entendons un « crac ! » mais celui-ci n’est pas
contact est important, plus le patient se relâchera obligatoire et n’est pas significatif de réus-
et plus l’ostéopathe maîtrisera le corps du patient ; site. Nous pouvons éventuellement rajouter la
• signe de la cravate – au moment de l’ajuste- respiration afin de détendre le patient ou détour-
ment, si l’ostéopathe portait une cravate, celle- ner l’attention.
ci devrait être à l’aplomb de la dysfonction ; En général, la main qui manipule est dans l’ali-
• orientation des pieds, mains, avant-bras, regard gnement de l’avant-bras. L’avant-bras est donc la
– cela sera décrit pour chaque technique, car flèche du mouvement correcteur. S’il y a un angle
une bonne orientation est essentielle à une entre le poignet et l’avant-bras, alors la force
réalisation optimale. change de direction.

Mise en place des leviers Vérification


Nous positionnons des parties du corps d’une Les tests spécifiques puis globaux permettent
certaine façon afin de fixer les articulations qui d’évaluer l’efficacité de notre traitement. Les
ne doivent pas bouger lors de la manipulation. résultats obtenus et ceux non obtenus nous auto-
Nous « verrouillons » donc tout ce qui doit être risent à émettre un pronostic. Nous avons donc
protégé pendant l’ajustement. En général, nous une idée des futurs traitements éventuels, aussi
« verrouillons » le corps du patient au-dessus et en que le bénéfice escompté.
14 De la biomécanique à la manipulation ostéo-articulaire

Remarques importantes Références


[1] Bihouix P, Cambier S. De la biomécanique à la
La maîtrise des tests et des techniques ostéopa- clinique ostéopathique. Tome 1 : Bassin et lombaires.
thiques structurelles est une étape essentielle pour Paris: De Boeck; 2012. p. 1–23.
parvenir à soigner un patient. Pour autant, elle [2] Chauffour P, Guillot JM. Le Lien mécanique ostéo-
n’est pas suffisante pour être ostéopathe et la pathique, substrat anatomique de l’homéostasie.
mise en place du diagnostic lors de la prise en Paris: Maloine; 1985. p. 153.
[3] Amigues JP. L’Ostéopathie : fondements, techniques et
charge d’un patient nécessite d’autres qualités, applications. Paris: Éditions Ellébore; 1998. p. 110–1.
notamment le respect du concept de globalité. [4] Le Petit Larousse illustré. Paris: Larousse; 2012.
Rappelons que nous n’avons pas pour objectif [5] Tricot P. Approche tissulaire de l’ostéopathie. Vannes:
dans cet ouvrage de répondre à cet aspect. Cela Sully; 2005, nº 6. p. 135–46.
dit, en créant un apprentissage par spécialités, la [6] Tricot P. Ostéopathie tissulaire : diagnostic, méthode
et traitement. Poissy: Tricot; 1995. p. 59–63.
médecine allopathique a beaucoup contribué à
[7] Javerliat P. Précis de matière ostéopathique. Vannes:
l’amélioration des résultats thérapeutiques. Sully; 2008, nº 6. p. 109–113.
Nous avons donc centré notre propos sur l’ensei- [8] Fryer G. Somatic dysfunction: updating the concept.
gnement d’un domaine de l’ostéopathie, la mani- Aust J Osteopath 1999;10:9–14.
pulation structurelle, et conçu cet ouvrage de façon [9] Zeggara-Parodi R. Le fuseau neuromusculaire et la
à ce qu’il puisse être utilisé comme un manuel. À dysfonction somatique. ApoStill 2002;11:11.
[10] Hoppenfeld S. Examen clinique des membres et du
la lumière des connaissances scientifiques actuelles,
rachis. Paris: Masson; 2004, nº 9. p. 260–72.
nous avons tenté de sortir l’ostéopathie structurelle [11] Liem T, Dobler TK. Guide d’ostéopathie : techniques
des dogmes plus ou moins biomécaniques dans les- pariétales. Paris: Maloine; 2004, nº 6. p. 179–201.
quels on avait tendance à l’enfermer. [12] Bariety M, Bonniot R, Bariety J, Moline J. Abré-
En complément de nombre des techniques gés de sémiologie médicale. Paris: Masson; 2003.
abordées, nous donnons quelques conseils pour p. 409–13.
[13] Gray D, Toghill P. Sémiologie médicale. Paris:
aider l’étudiant quand il doit manipuler un patient Masson; 2003, nº 20. p. 245-54, nº 31. p. 293–4.
difficile. Un patient difficile peut être : [14] Tixa S. Atlas d’anatomie palpatoire du cou, du tronc,
• « trop laxe » : ses muscles et éléments péri- du membre supérieur. Paris: Masson; 1999. p. 8–12,
articulaires possèdent une souplesse très au- p. 36–45.
dessus de la moyenne ; la mise en tension sera [15] Renaud MC. Sémiologie et observation médicale.
Paris: Éditions Estem et Med-Line; 2001. nº 5.
beaucoup plus délicate et nécessitera souvent
p. 163–70.
l’utilisation de paramètres supplémentaires et [16] Epstein O, Perkin D, de Bono DP, Cookson J.
une vitesse d’exécution plus grande ; Examen clinique. Éléments de sémiologie médi-
• « trop raide » : c’est le cas inverse du précé- cale. Louvain-la-Neuve: De Boeck Université; 2000.
dent ; la mise en tension pourra être difficile car p. 265–8.
beaucoup d’articulations bougent à la moindre [17] Issartel L, Issartel M. L’Ostéopathie exacte-
ment. Paris: Robert Laffont; 1983, nº 4. p. 204–5.
mobilisation ; le patient est souvent difficile à
[18] Tortora GJ, Derrickson B. Principes d’anatomie et
stabiliser sur la table ; de physiologie. 4e éd. Louvain-la-Neuve: De Boeck;
• « trop nerveux » : c’est un patient qui réagit au 2007, nº 13. p. 494, nº 14. p. 587–91.
moindre mouvement ; il gêne énormément le [19] Marieb EN. Anatomie et physiologie humaines, 13.
praticien dans toutes les phases diagnostiques Montréal: Pearson Éducation; 2005. p. 535–40.
et techniques.
Chapitre 2
Le thorax
Biomécanique du thorax Articulations [1, 3]
La cage thoracique est mobile grâce à l’existence :
Généralités • des articulations intervertébrales : 12 vertèbres
Le thorax se définit par : rendues mobiles par l’existence des articulations
• son contenant : la cage thoracique composée du zygapophysaires postérieures et des disques
rachis thoracique, des côtes et du sternum ; intervertébraux ;
• son contenu composé des poumons et des • des articulations costo-vertébrales : costo-cor-
organes du médiastin. poréales et costo-transversaires ;
La relation contenant-contenu les rend indis- • des articulations sterno-chondro-costales.
sociables sur un plan mécanique : la respiration
module le volume et la pression thoracique faisant Articulations zygapophysaires
parler de caisson pneumatique, à géométrie et postérieures
pression variables [1].
La cage thoracique est déformable, ce qui est Les processus articulaires postérieurs situés à la
indispensable pour la respiration, et semi-rigide jonction lame-pédicule possèdent des surfaces
afin de protéger le contenant. articulaires planes. Les articulaires supérieures
situées dans un plan oblique d’environ 60° par
Le rachis thoracique : rapport à l’horizontale regardent postérieure-
• la première courbure à apparaître : chez le ment, légèrement en haut et en dehors.
fœtus, en raison du développement plus rapide
du système nerveux médullaire et de sa situation
postérieure aux corps vertébraux, s’effectue une Articulations discocorporéales
convexité osseuse postérieure ; Ce sont des symphyses [1] ; les disques font
• composé de 12 vertèbres thoraciques consti- environ 5-6 mm d’épaisseur [3].
tuant le segment rachidien le plus long.
Les côtes : Articulations costo-corporéales
• 12 paires ; (figures 2.1 et 2.2)
• très déformables grâce à leur triple courbure
ce qui leur permet d’absorber les contraintes Le dièdre plein de la tête costale s’articule avec
inspiratoires et de restituer l’énergie lors de le dièdre creux inter-corporéal dont l’arête est
l’expiration [1] ; marquée par le disque intervertébral [3].
• les deux dernières paires sont flottantes :
elles correspondent à une partie charnière du
rachis et confèrent une certaine liberté à cette
zone [2].

De la biomécanique à la manipulation ostéo-articulaire


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16 De la biomécanique à la manipulation ostéo-articulaire

Le faisceau moyen du ligament rayonné relie


l’arête de la tête costale au disque et peut ou non
scinder l’articulation synoviale costo-corporéale
en 2 articulations planes [3].
Chaque tête de côte est donc articulée avec la
vertèbre de même numéro et celle du dessus à
l’exception des paires de côtes 1, 11 et 12.

Articulations costo-transversaires
(figure 2.3)
Ce sont des articulations trochoïdes pour les six
premières et planes pour les suivantes qui mettent
en relation la face antérieure creuse du sommet du
processus transverse et la face postérieure pleine
de la tubérosité costale.

Figure 2.1. Vue de profil des articulations costo-corpo-


réales.
1. Ligament costo-transversaire supérieur. 2. Fossette
costale inférieure. 3. Fossette costale supérieure. 4. Fais-
ceau supérieur du ligament radié ou rayonné. 5. Faisceau
moyen du ligament radié ou rayonné. 6. Faisceau inférieur
du ligament radié ou rayonné.

Figure 2.3. Articulations costo-transversaires.


Les articulations costo-transversaires supérieures sont
trochoïdes, regardant plus vers le bas ; les inférieures
sont planes, regardant plus vers le haut [1,4,5].

Figure 2.2. Coupe vertico-frontale passant par


l’articulation costo-corporéale : du côté gauche
de la figure la côte a été retirée après section
ligamentaire.
1. Ligament costo-transversaire supérieur. 2. Surfaces
articulaires de la tête costale. 3. Portion du faisceau
moyen du ligament radié ou ligament interosseux.
Chapitre 2. Le thorax 17

Articulations sterno-chondro-costales Quelques particularités [6] :


(figure 2.4) • le corps vertébral de T1 présente :
Les cartilages costaux concernent les dix pre- – deux facettes costales complètes pour les 1res
mières côtes, les sept premières possèdent un côtes ;
cartilage propre. Ces cartilages ont une longueur – les 2 demi-facettes pour les 2es côtes aux 2
et une obliquité croissante de haut en bas. Ils coins postéro-inférieurs du corps.
sont articulés avec le sternum via un interligne en • T10 présente deux demi-facettes costales à
forme de dièdre, empêchant leur rotation axiale. la partie postérosupérieure du corps vertébral
La plasticité chondrale, plus grande que celle de pour les 10es côtes ;
la côte, augmente la capacité de déformation • T11 présente deux facettes costales complètes
torsionnelle au cours de l’inspiration pour la res- sur les faces latérales du corps vertébral pour les
tituer à l’expiration [1]. 11es côtes ;
• T12 présente deux facettes costales complètes
sur les faces latérales du corps vertébral pour les
12es côtes ;
• les articulaires supérieures des processus zyga-
pophysaires de T12 ont les caractéristiques des
vertèbres thoraciques et les articulaires infé-
rieures sont sagittalisées et ont donc les caracté-
ristiques des lombaires ;
• K11 ET K12 n’ont pas d’articulations costo-
transversaires.

Mouvements
Mobilités inter-vertébrales
Le rachis thoracique est réputé peu mobile, pri-
sonnier du gril costal. L’harmonie de la mobilité
thoracique est toutefois indispensable à la fonc-
tion respiratoire.
Il existe 3 types de mouvements possibles au
niveau du rachis thoracique : flexion-extension,
inclinaisons et rotations.

Figure 2.4. Les articulations sterno-chondro-costales.


En fin d’expiration non forcée (a), le sternum est
en position basse ; en inspiration (b), il s’élève grâce
à l’élévation des côtes, et les cartilages costaux subissent
une torsion.
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seetüchtigen Naturvölker gehen bei ihren Fahrten abends stets unter
Land; wir Europäer halten es dagegen für eine unserer ältesten und
zugleich höchsten Errungenschaften, daß wir bei unserer Seefahrt
weder auf das Wetter noch auf die Nacht Rücksicht nehmen. Von
dieser Regel bilden indessen „Rovuma“ und „Rufidyi“ eine seltene
Ausnahme; sie suchen sich bei ihren Fahrten kurz vor
Sonnenuntergang einen geschützten Schlupfwinkel und fahren erst
am nächsten Morgen beim Tagesgrauen wieder hinaus.
Auf der Fahrt von Daressalam nach Lindi und Mikindani, der
sogenannten Südtour, wie sie amtlich heißt, ist der erste Nachthafen
Simba Uranga, einer der zahlreichen Mündungsarme des großen
Rufidyiflusses. Die Einfahrt in diesen Stromarm ist nicht ohne Reiz;
schon von weitem erblickt das Auge in der grünen Mangrovenmauer,
die für das ausgedehnte Delta charakteristisch ist, eine Lücke. Durch
Bojen im richtigen Fahrwasser gehalten, fährt das kleine Schiff zwar
nicht schnell, aber doch stetig auf diese Lücke zu. Sie kommt näher
und näher, wird breiter und breiter; links und rechts dehnt sich die
weißschäumende Brandung an den endlosen Korallenriffen, die die
ganze Äquatorial-Ostküste umsäumen, ins Weite. Plötzlich hat man
das Gefühl, dem offenen Meer entflohen und im ruhigen Hafen zu
sein. Und, fürwahr, er ist stattlich genug; wohl 600, ja 800 Meter breit
fließt der Strom ruhig und majestätisch zwischen den grünen
Uferwänden dahin, und fast unabsehbar tief dringt er ins Land
hinein. Das Schiff muß, um an seinen vorgeschriebenen Liegeplatz
zu kommen, noch etwa eine Stunde stromaufwärts dampfen.
Melancholisch grüßt von rechts eine aufgelassene Sägemühle
herüber; die stattlichen Gebäude liegen verwaist, die Maschinen
rosten; das Ganze ist ein stimmungsvoller Beleg für das Trügerische
so mancher mit frohen Hoffnungen begonnenen kolonialen
Unternehmung. Im Moment des Sonnenunterganges hört die
Schiffsschraube auf zu arbeiten; der Anker rasselt hernieder, der
„Rufidyi“ macht dicht am linken Ufer fest. Er wird mit Holz geheizt,
und zwar mit Mangroveknüppeln, die hier in den Waldungen des
Deltas geschlagen und an dieser Stelle für die Übernahme an Bord
aufgestapelt werden. Das geschieht unter der Aufsicht eines
Försters, den ich leider nicht zu Gesicht bekomme, da er gerade
über Land ist. Beschaulich mag sein Dasein freilich sein, aber
beneidenswert wohl kaum; auch mitten auf dem breiten Strom
umschwirren uns bald dichte Schwärme von Moskitos. An Land,
denke ich, werden sie nicht seltener sein. Da wird der Grünrock es
wohl machen müssen wie ich in Daressalam, wo ich mich in meinem
Anopheles-Dorado, d. h. meinem zwar von herrlichen Kokospalmen
und Mangobäumen überschatteten, dafür aber wenig luftigen und
von Moskitos überreich bewohnten Zimmer, vor diesen
Mitbewohnern nur dadurch retten konnte, daß ich nach
Sonnenuntergang mitsamt meinem Arbeitstisch und meiner Lampe
stets unter einem Moskitonetz saß, das von einem Rahmen herab
an der Decke hing. Der auf diese Weise geschaffene Arbeitsraum
war zwar ungeheuer eng, aber er gab dem Insassen doch das
Gefühl der reinsten Freude, nämlich der Schadenfreude. Mochten
sich die braven Anopheles draußen auch noch so blutgierig und in
noch so dichten Schwärmen an die dichten Maschen des Netzes
heften, der intelligente Msungu, der Europäer, war vor ihnen absolut
sicher.

Reede von Lindi.


Was für den Ozeandampfer das Deckwaschen in den frühesten
Morgenstunden, gerade zur Zeit des schönsten Schlafes ist, das ist
für den „Rufidyi“ die Holzübernahme im Simba-Uranga-Fluß und die
Ladungsübernahme auf der freien Reede von Kilwa; in beiden
Nächten bin ich bei dem unausgesetzten Gepolter der geworfenen
Gegenstände und dem ebenso unausgesetzten Gebrüll der
Mannschaft nur sehr wenig zum Schlafen gekommen. Der wirklich
wunderbare Sonnenuntergang auf dem Simba Uranga war dafür
ebensowenig eine Entschädigung wie die wundervoll
stimmungsvolle Ausfahrt am nächsten Frühmorgen. Erquickend
hätte erst wieder die frische Brise des Monsuns draußen auf dem
offenen Meer wirken können; aber kaum hatten wir dieses erreicht,
so begann der Meeresgott auch schon wieder sein Opfer zu fordern.
Ich weiß nicht, ob und in welcher Weise ein gesundes Nervensystem
auf den Heizungsmodus des „Rufidyi“ reagieren wird; uns drei
seekranken Passagieren, die wir uns bis Kilwa in die
Annehmlichkeiten seiner Kommandobrücke teilten, ist er furchtbar
und unerträglich erschienen. Von den beiden Schwesterschiffen hat
wenigstens der „Rovuma“ einen guten Magen; der verdaut die etwa
80 Zentimeter lang geschnittenen Mangroveknüppel wie sie in
seinen Kessel hineingeworfen werden. Der „Rufidyi“ hingegen ist
von zarterer Konstitution; sein Magen nimmt die Nahrung nur in
verkleinertem Zustand auf. Kaum erscheint über dem östlichen
Horizont der erste Dämmerschein des grauenden Tages, da kracht,
von dem nervigen Arm eines muskulösen Baharia geschwungen, der
schwere Hammer mit voller Wucht hernieder auf den Stahlkeil, den
ein anderer schwarzer Matrose hilfreich mitten auf den ersten dieser
Mangroveblöcke gesetzt hat. Schlag auf Schlag erdröhnt; das
eisenzähe Holz ächzt und stöhnt; endlich ist der erste Bissen für den
gefräßigen Kessel zerkleinert; in hohem Bogen fliegen die einzelnen
Stücke in den engen Heizraum. Krach! erdröhnt es auch schon von
neuem, daß der ganze Schiffskörper erzittert. Das Spiel wiederholt
sich so Stunde um Stunde, den ganzen Tag hindurch, bis zum
Abend hin. Erst dann haben die Negerarme Ruhe; dankbar aber
begrüßen unsere seekranken Gehirne diesen Moment des
Feierabends; denn was in der ersten Stunde noch erträglich
erscheint, jener unausgesetzte Rhythmus des dröhnenden
Hammers, in den elf anderen steigert er sich zur fürchterlichsten
Qual.
Meine schwarze Mannschaft hat sich genau so gegeben, wie
Kenner dieser Rasse es mir vorausgesagt hatten. In Daressalam
hatte jeder der Siebenundzwanzig sein Poscho auf vier Tage
bekommen, d. h. die Mittel und zugleich auch den Auftrag, sich für
diese Zeit mit Proviant zu versehen. Schon in Simba Uranga trat der
Mnyampara, der Trägerführer, an mich mit dem Ansinnen heran, für
ihn und seine dreiundzwanzig Untergebenen neue Vorräte zu
kaufen; sie hätten bereits alles aufgegessen. Dieses Mal schützte
mich der gänzliche Mangel an verkäuflichen Lebensmitteln in jenem
Urwald vor einer abschlägigen Antwort; auch Moritz gegenüber, der
„fein“, wie er nun einmal ist, durchaus Fisch haben wollte. Ihn habe
ich kühl lächelnd die Treppe hinuntergeworfen. Aber so sind sie,
diese Kinder des dunklen Weltteils; sie leben stets nur dem
Augenblick und sorgen nicht für die Zukunft, ja nicht einmal für den
nächsten Morgen. In Kilwa habe ich richtig noch ein paar Rupien
springen lassen müssen, um diese trotz ihrer Seekrankheit
nimmersatten Gesellen zur Ruhe zu bringen.
Kilwa — Kilwa Kiwindje genannt zum Unterschied von dem alten,
weiter im Süden gelegenen Portugiesen-Emporium Kilwa Kisiwani —
ist uns Älteren aus dem Araberaufstande von 1888 in traurigem
Angedenken. Damals haben ein paar Angestellte der
Deutschostafrikanischen Gesellschaft dort ihr tragisches Ende
gefunden, lediglich weil unsere Flotte nicht eingriff. Dieser ist seither
mancher schwere Vorwurf darüber gemacht worden. Heute, wo ich
die topographischen Verhältnisse des Ortes durch eigenen
Augenschein kenne, wird mir jener traurige Vorgang verständlich; die
berüchtigten Tiefenverhältnisse der dortigen Küstenregion bringen
es mit sich, daß europäische Dampfer draußen in fast unabsehbarer
Ferne ankern müssen. Daß die Notzeichen der beiden
Unglücklichen damals von unserm Kreuzer aus nicht gesehen
worden sind, begreift man bei dem riesigen Abstande, in dem große
Schiffe auf der Reede ankern müssen, vollkommen.
Unter normalen Umständen dauert die Fahrt mit dem „Rufidyi“
von Daressalam bis Lindi drei Tage; wir haben sie indessen in dieser
wahrlich nicht kurz bemessenen Zeit nicht geschafft. Südlich von
Kilwa hört der Schutz auf, den auf der nördlichen Fahrstrecke die
große Insel Mafia und die zahllosen kleinen Koralleneilande vor dem
Südwind bieten; infolgedessen faßt dieser das kleine Fahrzeug mit
noch ganz anderer Kraft als die beiden Tage vorher. Ich bin jetzt der
einzige Passagier, habe also genügend Platz, bin aber trotzdem
womöglich noch elender als zuvor, denn auch das letzte
Genußmittel, das mich vordem noch hatte reizen können, die
Apfelsinen, sind gänzlich aufgezehrt. Schon kurz nach Mittag
beginnen Kapitän und Steuermann besorgt ihre Karte zu studieren.
„Wann werden wir in Lindi sein?“ frage ich müde und matt aus
meinem Liegestuhl heraus.
Eine ausweichende Antwort. Es wird allmählich Spätnachmittag;
auf Steuerbord zeigt sich immerfort das gleiche Bild: eine weiße,
krause Brandungslinie; dahinter der spezifisch grüne Wall der
Mangroven. Kapitän und Steuermann sind noch immer über ihre
Karte gebeugt; die Sonne steht nicht mehr weit vom Horizont.
„Ist jener Vorsprung dort etwa das Kap Banura?“ frage ich, in der
Meinung, jetzt gleich in die unverkennbare Bucht von Lindi einfahren
zu können.
Wiederum eine ausweichende Antwort. Nunmehr wird es mir
allmählich klar, daß auch die beiden Schiffslenker mit den
Geheimnissen dieser Küstenstrecke noch nicht sehr vertraut sein
können; wirklich ist der Kapitän ganz neu, der Steuermann aber fährt
nur zum Ersatz für einen Beurlaubten mit. Wir sind, da die Sonne
rasch zur Rüste ging, dann in die erste beste geräumige Bucht
eingefahren, haben dort eine wundervoll ruhige Nacht verlebt und
haben die letzten drei, vier Stunden bis Lindi am vierten Tage ohne
weitern Zwischenfall zurückgelegt. Unser Zufluchtshafen war die
Mtschingabai; sie war weder den beiden Seebären noch mir
bekannt, wohl aber, wie sich nachher herausstellte, den beiden
Maschinisten. Nur war es wie immer, wo Deutsche auf engem Raum
zusammenleben müssen: beide Parteien lebten in grimmer Fehde,
aus welchem Grunde die Herren des Heizraumes es nicht für nötig
befunden hatten, die Kollegen von der Kommandobrücke über den
Schiffsort aufzuklären.
Die Einfahrt in die Bucht von Lindi hat etwas Feierliches an sich.
Hart biegt das Schiff um Kap Banura herum, da weitet sich vor uns
plötzlich ein gewaltiges Becken, wohl 15 Kilometer lang und 5 bis 6
Kilometer breit; die umgebenden grünen Bergzüge sind nicht hoch,
aber doch stattlich zu nennen und stürzen besonders aus dem
Südufer steil zum Meer ab. Der „Rufidyi“ sieht aus wie ein schwarzes
Pünktchen auf dieser weiten, silberglänzenden Fläche. Rasch nähert
er sich dem Städtchen Lindi selbst. Es liegt unter dichten Kokos- und
Kasuarinenhainen malerisch auf einer Landzunge, die gebildet wird
durch die abschließende Rückseite der rechtwinkeligen Bucht und
das linke Ufer eines scheinbar gewaltigen Stromlaufes, der sich über
Lindi hinaus sichtlich noch tief ins Innere fortsetzt. Der Geograph
weiß, daß dem nicht so ist, sondern daß diese wohl immer noch 800
bis 1200 Meter breite Wasserfläche das Ästuar des winzigen
Lukuledi darstellt. Dieser würde ein solches Bett heute nimmer zu
füllen vermögen; was wir als seine Mündung betrachten, ist vielmehr
das tief unter das Niveau des Indischen Ozeans gesunkene, ganze
Flußtal eines weit ältern Lukuledi. Geologisch sind alle unsere Häfen
an dieser Küste gleichen Ursprungs; ob Daressalam, ob Kilwa
Kisiwani, Lindi oder Mikindani, sie alle sind vollgelaufene Täler.
Afrika mit seiner ungefügen Masse sieht auf der Landkarte
langweilig aus, das gebe ich zu; rückt man aber dem Erdteil selbst
auf den Leib, so ist er in allen seinen Teilen interessant. Schon an
der Küste hebt es an.
Arabische Dhau. Zeichnung des Mwemba-Askari
Stamburi (s. S. 449).
Kettengefangene, nach einer Zeichnung des Munassajünglings Salim Matola (s. S.
451).

Viertes Kapitel.
Lehrzeit an der Küste.
Lindi, 9. Juli 1906.

Afrika ist das Land der Geduldübung. Mit diesem Übelstande


haben sich alle Reisenden vor mir abfinden müssen; auch mir
scheint er nicht erspart werden zu sollen. Erst beinahe drei Wochen
tatenlos in Daressalam, jetzt schon wieder fast ebensolange in
einem andern Küstennest; das ist etwas viel, zumal wenn man für
seine Reise so wenig Gesamtzeit zur Verfügung hat und wenn
gerade die schönste Periode des Jahres, der Anfang der
Trockenzeit, unwiederbringlich dahinschwindet.
In Daressalam war der Grund für das lange Hinzögern des
Aufbruchs die Seltenheit des Dampferverkehrs an der Küste; hier in
Lindi ist es die Abwesenheit des kaiserlichen Bezirksamtmanns und
die damit im Zusammenhang stehende Entblößung des Bezirksamts
von verfügbaren Polizeitruppen. Ohne Soldaten soll ich nicht gehen;
Soldaten sind aber erst dann zu haben, wenn Herr Ewerbeck zurück
sein wird; folglich muß ich dessen Rückkehr wohl oder übel
abwarten. Aber langweilig ist die Zeit mir weder in Daressalam, noch
hier in Lindi geworden. Daressalam mit seinem Volksreichtum und
seinen vielen Weißen würde auch schon dem bloßen Touristen
genug des Neuen bieten, um wieviel mehr mir, der ich mich, sooft es
nur meine Zeit zuließ, im engsten Verkehr mit den Eingeborenen für
meine Forschungsaufgabe vorbereitet habe. Ich habe manchen Vor-
und Nachmittag in den Hütten und auf den Höfen der Eingeborenen
zugebracht und habe auch wunderhübsche Ngomenlieder auf der
Phonographenwalze festgelegt, ganz abgesehen von den
zahlreichen Liedern, die ich Solosängern verdanke, und den
Spielproben, die Angehörige der verschiedensten Völkerstämme vor
mir in meinem Moskitoparadies auf dem Deversschen Hof auf ihren
Stammesmusikinstrumenten ablegten. An einem Tage hatte das
Bezirksamt von Daressalam in entgegenkommendster Weise sogar
ein Ngomenfest eigens für meine Aufnahmezwecke veranstaltet.
Leider sind meine damaligen kinematographischen Aufnahmen alle
verwackelt oder überexponiert, so daß mir lediglich der Trost einiger
passabel gelungener photographischer Wiedergaben dieser
originellen Tänze und die guten Phonogramme bleiben. Über diese
Tänze und ihre Begleitung später mehr.
Hier in Lindi hat mein Aufenthalt nicht so harmlos und friedfertig
begonnen, wie ich es erhofft hatte. Kaum einen Tag nach meiner
Landung mußte ich schon Zeuge der Hinrichtung eines
Aufständischen sein. Angenehm ist eine solche Exekution
entschieden selbst für harte Gemüter nicht; wenn sich dann aber zu
dem Verlesen des langen Urteils in Deutsch und Suaheli auch noch
ein bemerkenswertes Ungeschick in den technischen
Vorbereitungen geltend macht, wie das hier der Fall war, so wird die
Prozedur sogar für den gleichgültigsten Schwarzen eine Qual. Zwar
hatte man an dem starken horizontalen Ast des großen Baumes, an
dem in Lindi die Hinrichtungen gewohnheitsmäßig vollzogen werden,
zur Vorsicht gleich zwei Schlingen angebracht; aber als der
Verurteilte schließlich oben auf der Plattform, von der er den
unfreiwilligen Sprung ins Jenseits unternehmen sollte, vor ihnen
stand, zeigte es sich, daß beide nicht einmal bis zur Höhe des
Halses herunterreichten. Die stoische Ruhe, mit der der Delinquent
dann das Heranschleppen einer Leiter und die Verlängerung eines
der Stricke abwartete, war für den Negercharakter mit seiner
geringen Einschätzung des eigenen Lebens jedenfalls
außerordentlich bezeichnend.
Im Gegensatz zu anderen Küstenstädten hält Lindi auch in
seinem Innern, was es bei seinem äußern Anblick verspricht. Freilich
ist die lange, gewundene Gasse, in der die Inder ihre Läden und
Werkstätten haben, ebenso häßlich, wenn auch hie und da nicht
ohne malerischen Anstrich, wie die entsprechenden Stadtteile von
Mombassa, Tanga und Daressalam, doch liegen die
Eingeborenenhütten in den anderen Teilen des weitläufig angelegten
Städtchens alle in frisches Grün eingebettet. Im Straßenleben walten
gegenwärtig zwei Elemente vor: der Askari und der
Kettengefangene; beide stehen in inniger Wechselbeziehung zum
soeben beendeten Aufstand. Von der Schutztruppenkompagnie Nr. 3
liegt zwar der bei weitem größte Teil augenblicklich an strategischen
Punkten im Innern, in Luagala auf dem Makondeplateau, und in
Ruangwa, dem ehemaligen Gebiet des Häuptlings Seliman Mamba,
weit hinten im Wamueralande; trotzdem aber bleibt für die Garnison
noch genug Khaki übrig, ja, die ockerbraune Farbe unserer
Soldatenbluse ist sogar eine ständige Erscheinung im Straßenbilde.
Überall in der Umgebung der beiden Bomen, der alten Polizeiboma
sowohl wie auch der neueren Schutztruppenkaserne, zeigen sich
lange „Ketten“, vor und hinter denen je ein reisiger Krieger als
Aufsichtsposten schreitet. Diese Ketten sind, wie der Name sagt,
durch Eisenketten aneinander gefesselte Strafgefangene, die in
dieser Weise ihre Schuld sühnen. Was ist bei uns daheim im
Reichstag über die Barbarei dieser Art von Strafvollzug alles geredet
worden, und wie oberflächlich ist die Mehrzahl der Redner sicher
über die Psyche und das Rechtsgefühl des Negers unterrichtet
gewesen! Immer und immer wieder haben berufene Federn, d. h.
Männer, die auf Grund eines langen Aufenthalts im Lande auch das
Volk und seinen Charakter kennen, darauf hingewiesen, daß für den
Schwarzen ein bloßes Einsperren keine Strafe, sondern eher eine
direkte Anerkennung seiner mehr oder minder großen Schandtat
sein würde; aber wie wenig hat das genützt! Wir Deutsche müssen
nun einmal schablonisieren und selbst so verschieden geartete
Rassen wie Weiß und Schwarz über ein und denselben Kamm
scheren. Freilich, eine Annehmlichkeit ist das
Zusammengekettetsein mit rund einem Dutzend Leidensgenossen
unter keinen Umständen, wenngleich die Kette seitlich des Halses
durch einen weiten Ring läuft, so daß für den Einzelnen wenigstens
eine geringe Bewegungsfreiheit besteht; welche Unzuträglichkeiten
bringt allein die ungleiche körperliche Organisation in bezug auf die
Befriedigung natürlicher Bedürfnisse mit sich! Doch zu ihrem
Vergnügen werden die Leute ja auch nicht angekettet.

Seliman Mamba.
Besonders schwere oder gesellschaftlich hervorragende
Übeltäter scheinen übrigens den Vorzug der Einzelhaft zu genießen.
In den Gesprächen der wenigen Europäer, die augenblicklich in Lindi
leben, kehrt am häufigsten der Name Seliman Mamba wieder; er hat
im Aufstande des Südbezirks so lange die Führung innegehabt, bis
man ihn schließlich erwischt hat, und nun harrt er im Lazarett von
Lindi der Vollstreckung des jüngst über ihn gesprochenen Urteils. Da
er eine ganze Reihe von Menschenleben, auch das von Europäern,
auf dem Gewissen hat, so hat er sein Schicksal wohl verdient. Als
historische Persönlichkeit, die in den Annalen unserer Kolonie
zweifellos lange weiterleben wird, war Seliman Mamba wohl der
Verewigung seiner Züge würdig, und darum habe ich ihn eines
schönen Tags im Hofe des Lazaretts photographiert. Der Mann war
sichtlich leidend und konnte die schwere Kette nur mit größter
Anstrengung mit sich tragen. Seine unmittelbar bevorstehende
Hinrichtung wird für ihn in jeder Beziehung eine Erlösung sein.
Weitaus erfreulicher als alle diese Einblicke in die Folgen des
Aufstandes sind die Ergebnisse meiner wissenschaftlichen
Beschäftigung mit meinen eigenen Leuten und den Suaheli
gewesen. Meine Wanyamwesiträger scheinen das tatenlose
Stillsitzen nicht vertragen zu können; vom zweiten Tage unseres
Aufenthalts in Lindi an belagern sie mich von morgens früh bis
abends spät mit der stummen oder auch lauten Bitte, ihnen
Beschäftigung zu geben. Das habe ich auch mit vielem Vergnügen
getan; die Leute haben zeichnen müssen, soviel sie nur wollten, und
haben auch in meinen Phonographentrichter singen dürfen, sooft
sich dazu die Gelegenheit bot. Schon jetzt zeigt sich, daß unsere
etwas abenteuerliche und vom Meergott durchaus nicht freundlich
behandelte Fahrt auf dem „Rufidyi“ wenigstens e i n versöhnendes
Ergebnis gezeitigt hat: bei meinen Leuten haben sich ihre Leiden
und die daraus entsprungene Behandlung seitens der
Schiffsmannschaft zu einem Liede verdichtet, das sie jetzt gern und
oft, mit viel Ausdauer und auch mit durchaus ansprechender
Vortragsart singen. Hier ist es:
Lied anhören
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Dem Inhalte nach heißt das etwa folgendermaßen:


„Wir sind Tag und Nacht, bis zum hellen Tage, an Bord gewesen
und haben dann Anker geworfen. Die Baharia an Bord, die
Matrosen, aber haben gesagt: Ihr Schensi aus dem Innern, ihr
werdet euch tot speien. Aber wir sind doch heil nach Lindi
gekommen und haben (zu den Baharia) gesagt: Ihr habt Gott
verspottet (indem ihr sagtet, wir würden sterben), aber wir sind doch
gesund angekommen.“
Diese Sangeslust ist für die Wanyamwesi charakteristisch. Im
Laufe meines unfreiwilligen Aufenthaltes habe ich schon manchen
Photographierbummel unternommen, bei denen mich meine Leute
gar zu gerne begleiten. Dann muß ich die wenigen Gerätschaften,
die zu solchem Vorhaben nötig sind, immer auf möglichst viele
meiner Braven verteilen, damit nur ja auch jeder etwas zu tragen
hat. Es dauert dann niemals sehr lange, bis Pesa mbili, der
Mnyampara oder Trägerführer, mit seiner wohlklingenden Stimme zu
singen anhebt, worauf dann prompt und in bewunderungswürdigem
Takt der Chor einfällt. Auch von diesen kleinen Marschliedern hier
eine Probe:

Kabowé kabowé komässó; Namuki kabowé komässó.


Wambunga kabowé komässó, Namuki kabowé komässó.
Ki kabowé komässó. Wamuera kabowé komässó;
Ki kabowé komässó: Wakumbwa kabowé komässó.
Wir schießen, wir schießen mit den Augen; die Namuki schießen
wir mit den Augen,
Die Wambunga schießen wir mit den Augen; die Namuki
schießen wir mit den Augen,
Krach! Wir schießen mit den Augen; die Wamuera schießen wir
mit den Augen;
Krach! Wir schießen mit den Augen; die Wakumbwa schießen wir
mit den Augen.

Dem Inhalt dieses Liedes nach zu urteilen, müssen die


Wanyamwesi gut deutsch gesinnt sein, denn sie ziehen der Reihe
nach gegen alle aufständischen Völker des Südens zu Felde und
zerschmettern sie. Die Namuki sind identisch mit den Majimaji, den
Aufständischen von 1905/06. Das Vortragstempo ist ein rasendes
Parlando, das eine Wiedergabe in Notenschrift unmöglich macht.
Der Ausruf „ki“ bezeichnet nach der übereinstimmenden Schilderung
Pesa mbilis und der Intelligenteren unter seinen Freunden den
Ausdruck der Kraft, mit dem die Rugaruga, die Hilfskrieger, dem
verwundeten Feinde den Schädel zerschmettern, und sei es selbst
mit dem Stoß oder Schlag der eigenen Ferse. Mit Wucht stampfen
die Sänger bei jedem „ki“ den Boden, daß er erzittert; fast glaubt
man bei diesem „ki“ das Krachen der Schädel zu hören, so völlig
vermögen sich selbst diese friedlichen Söhne des Nordens von
Deutsch-Ostafrika in die Greuel des verflossenen Aufstandes
hineinzuversetzen. Dieses Trutzlied ist nämlich sicher nicht eigene
Komposition meiner Leute; es ist von andern Stammesgenossen
übernommen worden, die im letzten Feldzuge Kriegsdienste als
Rugaruga geleistet haben und sich nun beschäftigungslos in Lindi
herumtreiben. Einige von ihnen habe ich für den Marsch nach
Massassi noch als Träger mieten müssen; sie sind in ihrem ganzen
Auftreten viel bestimmter, trotziger als meine sanften, großen Kinder
von Daressalam, so daß ich froh sein werde, sie nach Erreichung
des Zieles wieder loszuwerden. Von ihnen, denke ich, wird das Lied
stammen.
Yao-Frauen von Mtua.
Da ich nun einmal bei der Musik bin, will ich auch noch ein
übriges tun und ein dem Inhalte nach dem vorigen eng verwandtes
Marschlied der Sudanesensoldaten bringen, welches mir der Sol
(Feldwebel) Achmed bar Schemba und ein paar Sektionen aus der
dritten Schutztruppenkompagnie auf Befehl ihres Kompagnieführers,
des trefflichen alten „Afrikaners“ Seyfried, in den
Phonographentrichter sangen. Wie aus Erz gegossen, stand der
kleine Sol vor der aufnahmebereiten Maschine; die braunen,
hageren Krieger aber aus Dar For und den Nebenländern traten
hinter ihm an wie auf dem Exerzierplatz: zweigliedrig, genau auf
Vordermann. Es war nicht leicht, sie in die zweckentsprechende
Keilform umzustellen. Das Lied lautet:
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Nach Aussage der Sänger, die vorwiegend Nubier sind, ist das
Lied im Dialekt von Dar For abgefaßt, ihrer Muttersprache. Eine
wörtliche Übersetzung ist für mich noch nicht zu erlangen gewesen.
Dem Inhalt nach bedeutet der mit beneidenswerter Lungenkraft und
bewunderungswürdiger Ausdauer gesungene Text etwa folgendes:
„Wir sind allezeit stark. Der Jumbe ist aufgehängt worden, auf
Befehl Gottes. Der Hongo, der Rädelsführer im Aufstand, ist
gestorben; auf Befehl Gottes.“
So viel über die Ergebnisse meiner musikalischen Forschung,
soweit sie den hier landfremden Elementen der Wanyamwesi und
der Nubier angehören. Ob die Ngomenlieder, die ich in Lindi bisher
von den Angehörigen einiger Binnenlandstämme, vor allen der Yao,
auf der Walze niedergelegt habe, gelungen sein werden, kann ich
noch nicht sagen, da, wie ich zu meinem Entsetzen merke, meine
Aufnahmewalzen unter der Wirkung der feuchten Wärme anfangen
weich zu werden, so daß ich zwar Aufnahmen machen, aber keine
Wiedergaben riskieren kann, ohne die ganze Aufnahmeschicht zu
gefährden. Schöne Aussichten für die Zukunft!
Psychologisch hochinteressant ist das Verhalten der Naturkinder
meinen verschiedenen Apparaten gegenüber. Die photographische
Kamera ist, wenigstens an der Küste, nichts Neues und
Ungewohntes mehr; mit ihr hat man demgemäß auch weniger
Schwierigkeiten, auch zeigen sich die Eingeborenen über die
Ergebnisse des Verfahrens nicht merklich erstaunt. Als Übelstand
kommt höchstens in Betracht, daß die Angehörigen des weiblichen
Geschlechts sich der Aufnahme meist durch schleunigste Flucht zu
entziehen wissen. Dem war schon in Daressalam so. Ganz ohne
Verständnis hingegen steht das Volk dem Kinematographen
gegenüber; er ist eine „Enchini“, eine Maschine, wie so vieles andere
auch, was der „Msungu“, der Weiße, mit ins Land bringt; und wenn
nun der Weiße eine zierliche Kurbel an dem kleinen schwarzen
Kasten dreht und in dumpfem Rhythmus dabei zählt: 21, 22, 21, 22,
so heimelt den Schwarzen wohl dieser Rhythmus an, da seine
Arbeitslieder im allgemeinen von derselben stumpfsinnigen
Einförmigkeit sind, aber was bei dem ganzen Vorgang
herauskommen soll, versteht er nicht im mindesten; auch ist es ihm
vollkommen gleichgültig.

Mädchen aus Lindi.


Aber der Phonograph, der ist eine Enchini ganz nach dem
Herzen des schwarzen Mannes und auch der schwarzen Frau. Es
wird für mich immerdar, und sollte ich steinalt werden, eine der
nettesten Erinnerungen meines Afrikaaufenthaltes bleiben, wie auf
dem Deversschen Hof in Daressalam sich ein paar Angehörige des
zarten Geschlechts mit dem Apparat abgefunden haben. Nachdem
auf dem hinten im Eingeborenenviertel gelegenen Festplatz die
Ngomen der verschiedenen Völkerschaften, hier der Manyema, dort
der Wasaramo, drüben irgendeines Küstenklubs, sich in ihren zum
Teil scheußlichen, aber durchweg malerischen Kostümen genugsam
produziert hatten, war ich an der Spitze eines nach Hunderten
zählenden Teils der Tänzer und Tänzerinnen vor mein Zimmer
gezogen, um hier auch den gesanglichen Teil festzulegen. Alles war
nach Wunsch gegangen; jedesmal aber, wenn ich die Membranen
gewechselt und statt des Aufnehmers den Wiedergeber
eingeschaltet hatte, und wenn dann der vielgliedrige Gesang in
genau demselben Rhythmus und in genau derselben Klangfarbe, mit
der er in den geheimnisvollen Trichter hineingesungen worden war,
wieder aus ihm hervorquoll — welch grenzenloses und dabei doch
freudiges Erstaunen malte sich dann auf den von der Anstrengung
des Singens und Tanzens so schweißglänzenden Gesichtern! Ganz
unfehlbar fiel in jedem Einzelfall der Chor naiver Seelen ein, um
allerdings von den „gebildeteren“ Elementen sehr bald durch
spöttisches Gelächter eines Besseren belehrt zu werden.
Doch den schönsten Ausdruck unbefangenen Naturempfindens
gaben am Schluß der Aufnahme, nachdem ich mit dem geringen
Vorrat von Suaheli-Redensarten, über den ich damals verfügte,
meiner Befriedigung über den Verlauf des Nachmittags Ausdruck
verliehen hatte, zwei weibliche Wesen wieder, die mir vordem nicht
nur durch die Eleganz ihrer Gewandung, sondern mehr noch durch
die ungeheure Kraft ihrer Stimmen aufgefallen waren, mit der gerade
sie beide in den unmittelbar vor ihnen aufgebauten Trichter
hineingesungen hatten. Der dichte Schwarm wich zurück, so daß der
Trichter einen Augenblick freistand; in den freien Raum aber trat
zuerst die eine der Schönen, machte vor dem Apparat einen
tadellosen Hofknix und sprach: „Kwa heri, sauti yangu, lebe wohl,
meine Stimme!“ Damit trat sie zurück; die andere schritt herzu, und
auch sie wiederholte unter tiefer Verbeugung und mit bezeichnender
Handbewegung dieselben Worte. Psychologisch ist der Vorgang
deswegen so bemerkenswert, weil er offenkundig zeigt, wie dem
Neger das Sinnfälligste auch das Nächstliegende ist; indem beide
Frauen ihr Abschiedswort sprechen, hören sie ja noch selbst, daß
sie ihre Stimme nicht im mindesten verloren haben; trotzdem gilt sie
ihnen, weil sie sie vorher klar und unverkennbar aus dem Trichter
haben heraussingen hören, in diesem Augenblick als eingebüßt, und
sie nehmen förmlich Abschied von ihr.
Tanz der Weiber in Daressalam (s. S. 43).
Über die Ergebnisse meiner auf die Kunstübung der Schwarzen
gerichteten Studien will ich lieber später im Zusammenhang
berichten, wenn ich auf Grund eines ungleich größern Materials
einen breitern psychologischen Einblick in die Künstlerseele des
Negers gewonnen haben werde. So viel kann ich indessen jetzt
schon sagen, daß auch hier aller Anfang schwer ist, schwer nicht nur
für die ausübenden Künstler, sondern mehr noch vielleicht für den
Forscher. In Daressalam war die Sache einfacher; mein Boy
Kibwana, zu deutsch: der kleine Herr, das Herrchen, ein Jüngling
vom Stamme der Wassegedju aus Pangani, der ebensowenig wie
der Koch Omari, ein Bondeimann aus dem Norden der Kolonie,
jemals einen Bleistift oder ein Stück Papier in der Hand gehabt hatte,
war schon zu oft im Dienst von Europäern gewesen, als daß er
meinem Auftrage, mir einmal etwas zu zeichnen, z. B. die
Kokospalme vor meinem Fenster oder meinen Radiergummi,
irgendwelchen Widerstand entgegenzusetzen gewagt hätte; er malte
eben drauflos ohne Rücksicht auf den Kunstwert des zu
erwartenden Ergebnisses.

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