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Ostéopathie

Principes et applications
ostéoarticulaires
L’anneau pelvien
T. Liévois
ISBN : 2-84299-738-7

Diagnostic ostéopathique général


A. Croibier
ISBN : 2-84299-655-0

Manipulations de la prostate
J.-P. Barral
ISBN : 2-84299-654-2

Manipulations des nerfs périphériques


J.-P. Barral, A. Croibier
ISBN : 2-84299-599-6

Manipulations viscérales 1
J.-P. Barral, P. Mercier
ISBN : 2-84299-620-8

Manipulations viscérales 2
J.-P. Barral
ISBN : 2-84299-621-6

Le thorax : manipulations viscérales


J.-P. Barral
ISBN : 2-84299-690-9
Ostéopathie
Principes et applications
ostéoarticulaires

Olivier Auquier

Avant-propos
Jean-Pierre Barral

Préface
Pr Xavier Sturbois
Olivier Auquier
Ostéopathe DO ; diplômé de l’European School of Osteopathy (Maidstone, Angleterre)
olivier.auquier@olea.be

Ostéopathie. Principes et applications ostéoarticulaires


Responsable éditorial : Marie-José Rouquette
Éditeur : Peggy Lemaire
Chef de projet : Aude Cauchet
Conception graphique et maquette de couverture : Véronique Lentaigne
Illustrations et dessins : © Eléonore Lamoglia
Les figures 1.2, 1.5, 1.6, 1.7, 1.8, 1.9 sont reproduites avec l’aimable autorisation du Still National Osteopa-
thic Museum, Kirksville, MO, États Unis
La figure 2.1 est reproduite avec l’aimable autorisation de Madame Dummer.

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Imprimé en Italie par LegoPrint, 38015 Lavis (Trento)
Dépôt légal : avril 2007
Avant-propos
Au cours de ces dernières années, nom- Toutefois, si l’ostéopathie est un art,
bre de livres ont été publiés sur la prati- elle n’en repose pas moins sur des scien-
que des manipulations ou les techniques ces de base comme l’anatomie et la phy-
ostéopathiques appliquées aux divers siologie. Olivier Auquier, homme de
appareils de l’organisme humain. Si les terrain, a eu cette volonté d’aider ses
livres consacrés à l’ostéopathie rappel- patients en travaillant sans relâche les
lent régulièrement que l’ostéopathe se fondements de l’ostéopathie. Animé par
doit d’être un praticien généraliste, ce sa capacité de partager ses connaissances,
livre se démarque justement par la vision de communiquer ses découvertes, c’est
d’ensemble de l’ostéopathie qu’il pro- tout naturellement qu’il s’est consacré à
pose. l’écriture de cet ouvrage pour aider les
Cela fait très longtemps que je connais élèves et les étudiants à mieux aborder la
Olivier Auquier, d’abord comme élève et difficile pratique de l’ostéopathie. Ce
ensuite, très rapidement, comme ami. livre est l’une des clefs fondamentales
Nous avons tout de suite senti que nous pour mieux connaître le corps humain
partagions le même enthousiasme et la afin de l’aider à fonctionner de façon
même passion pour ce noble art qu’est optimale.
l’ostéopathie. Jean-Pierre Barral
Préface
Olivier Auquier est à ce jour un des plus philosophie de l’ostéopathie vis-à-vis de
brillants défenseurs de l’ostéopathie ! Il laquelle il montre une attitude mission-
n’hésite pas à relever des traces de prati- naire. La partie de l’ouvrage consacrée
ques ostéopathiques dans le passé. Elles aux applications pratiques du système
concernent tour à tour Ramsès II, Hippo- ostéoarticulaire est fort bien illustrée et
crate, Galien… permet à chacun de consacrer le temps
Olivier Auquier relate comment l’ostéo- nécessaire à une réflexion critique indis-
pathie apparaît 3500 ans plus tard dans pensable basée sur l’anatomie, la physio-
la partie orientale des États-Unis d’Amé- logie et la pathologie.
rique, suite à la colonisation. Il faut Olivier Auquier est comme ces chefs
constater que l’ostéopathie se distingue indiens admirablement peints sur toile
dès l’origine de la pratique médicale, par l’artiste Catlin : il est sage mais entre-
elle-même en proie au désastre de la prenant, il est capable d’aller au combat,
guerre de sécession. Le retour de l’ostéo- il peut s’exposer, il sait où est son rêve et
pathie en Angleterre et la confiance que celui-ci est la marche de l’éternité…
qu’elle gagne avec le temps, lui permet-
tent d’installer et d’organiser l’enseigne-
ment de haut niveau. C’est dans cette Professeur émérite Xavier Sturbois, MD
filiation que s’inscrit Olivier Auquier qui (UCL, Belgique)
par cet ouvrage défend les principes et la Membre individuel du COIB
Introduction
Petit à petit mais irrévocablement, la L’ostéopathie est indivisible et ne peut
médecine ostéopathique trouve sa pas être compartimentée. Chaque
légitimité parmi les systèmes de soins réflexion qu’elle suggère ou chaque tech-
occidentaux. nique qu’elle propose doit se référer aux
Bien au-delà de l’éphémère phéno- concepts de base, ce qui ne signifie nulle-
mène de mode, l’ostéopathie convainc ment que ces derniers soient dogmati-
par son efficacité et son innocuité théra- ques.
peutique, sa logique analytique et son Pourtant, il est bien évident et incon-
rôle majeur sur l’économie sociale de la testable que l’organisme humain ne peut
santé. être réduit à un ensemble mécanique
strictement soumis ou asservi aux lois
L’ostéopathie « est en mouvement » et, physiques universelles. Bien d’autres sys-
à ce titre, elle évolue autant dans son tèmes – biologique, physiologique, mor-
concept que dans sa technicité. Les outils phopsychologique, sociologique, etc. –
thérapeutiques se précisent, se perfec- sont déterminants pour qualifier les sys-
tionnent régulièrement et leur classifica- tèmes de vie et de santé.
tion est de mieux en mieux structurée, ce En rédigeant cet ouvrage, nous avons
qui, d’un strict point de vue pédagogi- mis l’accent sur cet aspect mécaniste
que, représente un intérêt indéniable. incontournable et peut-être négligé.
Si, historiquement la sphère de compé- Nous proposons donc aux lecteurs une
tence de l’ostéopathie traditionnelle con- vision différente de ce qui devrait être
cernait exclusivement ou presque l’appa- pour chaque ostéopathe le fondement de
reil ostéoarticulaire, à ce jour, les cou- sa science et de son art. Il n’est absolu-
rants de pensées se diversifient et les ment pas question pour nous de négliger
techniques thérapeutiques se précisent. ou de sous-estimer les autres approches
Celles-ci sont qualifiées de « tissulaires », fonctionnelles, puisque nous les utilisons
« fonctionnelles », « viscérales », « cranio- quotidiennement. En revanche, nous
sacrées », etc. Toutes complémentaires, pensons qu’elles interviennent en
elles font partie de l’arsenal thérapeuti- seconde intention.
que de l’ostéopathe. En revanche, le ris- « La structure gouverne la fonction » !
que est réel de voir apparaître des Qu’on le veuille ou non, l’organisme est
« praticiens exclusifs », allant jusqu’à soumis aux forces gravitationnelles qui
identifier leur travail en se référant à la influencent de manière déterminante sa
technique utilisée en dehors de toute structure, son architecture et donc aussi
réflexion ostéopathique conceptuelle. sa fonction. Bien connaître les principes
Introduction XIII

physiques élémentaires permettant à nisme s’y adapte-t-il, comment se pro-


notre organisme de s’adapter aux forces tège-t-il contre leurs effets destructeurs
en présence et bien comprendre com- ou comment les utilise-t-il ? Voilà quel-
ment il les utilise à des fins fonctionnel- ques questions que nous aborderons suc-
les demeure la clé de la réussite de la vraie cinctement dans cet ouvrage, sans
ostéopathie. oublier d’en retirer toutes les implica-
Dans cet ouvrage, nous rappelons aux tions pratiques et utiles.
lecteurs les principes de l’ostéopathie et En proposant ces lignes, nous espérons
leur application dans le système ostéo- rendre à « l’ostéopathie structurelle » la
articulaire, principal vecteur de transmis- première place qui lui revient non seule-
sion des forces et des contraintes que ment dans la démarche diagnostique,
notre organisme subit en permanence. mais aussi par les outils thérapeutiques
Quelles sont ces forces ? Qu’est-ce qu’elle propose et qui évoluent sans
qu’une contrainte ? Comment l’orga- cesse.
Remerciements
En reconnaissance aux Professeurs et Maîtres à l’École européenne d’ostéopathie à
Maidstone, Kent, England :

• Thomas Dummer †
• John Werham
• Barrie Savory

À Céline et Charlotte
À mon ami le docteur Luc Dubru

Mes remerciements s’adressent à Mesdames


Julie Rouffiange
Marie-José Rouquette
Peggy Lemaire
Rébecca Govin
Eléonore Lamoglia
Chapitre 1

Histoire de l’ostéopathie

Introduction

Andrew Taylor Still, père de l’ostéopathie

John Martin Littlejohn, l’ostéopathie en Europe

William Garner Sutherland, l’ostéopathie crânienne

Robert Lavezzari, l’ostéopathie en France


Histoire de l’ostéopathie 3

Chapitre 1

Histoire de l’ostéopathie
Quand on renie le passé, on perd l’avenir.
Dulce Maria Cardoso

Introduction Aujourd’hui, les thérapies manuelles sont


très nombreuses. L’ostéopathie est l’une
De tout temps, on a utilisé les mains pour d’elles. Elle considère la main comme un
soulager, apaiser, guérir. Dans la Préhistoire instrument thérapeutique idéal, mais aussi
déjà, puis dans l’Antiquité, les pratiques comme une « interface » privilégiée entre le
manuelles faisaient partie intégrante de l’art thérapeute et son patient.
de guérir. On en trouve les premières traces en La main donne autant qu’elle reçoit. Grâce
Égypte, sur une fresque de la tombe de Ramsès à son extraordinaire sensibilité à la percep-
II, où est représentée une manœuvre de mobi- tion, elle renseigne le praticien sur les plus
lisation thérapeutique du coude. Au Ve siècle infimes variations dans la tension des tissus
avant notre ère, en Grèce, Hippocrate (460 organiques. De plus, elle est capable, en
av. J.-C.–370 av. J.-C.) (figure 1.1) décrit dans s’adaptant continuellement, de réaliser des
son Traité des articulations quelques manipula- techniques extrêmement spécifiques dans des
tions des membres et des vertèbres qui s’appa- conditions très particulières.
rentent de façon étonnante à nos techniques Si l’histoire des thérapies manuelles est très
actuelles. ancienne, celle de l’ostéopathie ne date cepen-
dant que de la seconde moitié du XIXe siècle.
Elle est étroitement reliée à celle de son inven-
teur, Andrew Taylor Still (1828–1917), un
médecin américain dont la vie est intéressante
pour plusieurs raisons. En premier lieu, elle
s’est déroulée dans une époque très troublée,
marquée de conflits de tous ordres. Ensuite,
elle permet de comprendre le cheminement
qui, peu à peu, a mené cet homme à découvrir
© BSIP/Phototake/Eckstein

puis à codifier l’ostéopathie et ses grands prin-


cipes, qui sont encore aujourd’hui les fonde-
ments de la philosophie de l’ostéopathie. Ces
principes sont naturels et universels. Ils
servent aussi de référence et de guide lors de
chaque acte thérapeutique dans la pratique
Figure 1.1. Hippocrate. quotidienne de la médecine ostéopathique.

© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.


Ostéopathie. Principes et applications ostéoarticulaires
4 Ostéopathie

du nord-est du Missouri, près d’une réserve


d’Indiens. La famille s’y installe, achète une
ferme et l’exploite. Abraham améliore le
quotidien de sa famille nombreuse par l’agri-
culture et l’exercice de la médecine, ce qui
était courant à l’époque pour un pasteur, car
on ne faisait guère la différence entre les maux
de l’âme et ceux du corps.

Sur le chemin de la médecine


Dès son plus jeune âge, Andrew Still s’initie
aux travaux de la ferme mais aussi à la
pratique de la médecine, aux côtés de son
père. Vers l’âge de 10 ans, souffrant régulière-
ment de maux de tête, il découvre par hasard
qu’en posant la nuque sur un oreiller
soutenu par une corde tendue entre deux
Figure 1.2. Portrait d’Andrew Taylor Still. arbres, à quelques centimètres du sol, son
Reproduit avec l’aimable autorisation du Still état s’améliore (figure 1.4). Cet événement
constitue, selon lui, sa première découverte
National Osteopathic Museum, Kirksville,
en ostéopathie.
MO
En 1849, il épouse Mary Margaret Vaughan
et s’installe dans la région de Mâcon,
Andrew Taylor Still, Missouri. En décembre de la même année naît
père de l’ostéopathie leur première fille, Marusha.
En 1853, il achète une ferme dans le
Qui comprend, invente. Kansas, où se trouve son père. Il est nommé
missionnaire dans les territoires indiens ; il y
Louis Scutenaire
passera 22 ans. Il assiste son père en prati-
quant la médecine auprès de la population
Andrew Taylor Still (1828–1917) (figure 1.2) locale tout en se consacrant à l’alphabétisa-
naît le 6 août 1828 dans le comté de Lee, tion des Indiens Shawnees.
en Virginie. C’est le troisième enfant de
Aucune loi ne régit alors la formation
Martha et Abraham Still, des pionniers
médicale aux États-Unis. La plupart des
méthodistes qui participent à la colonisation
médecins, surtout dans le centre et l’ouest,
des États-Unis. Le pays ne compte alors que
se forment sur le tas, auprès d’un confrère.
24 États, tous situés dans la partie est du
C’est ce que fait Still au début de sa carrière.
territoire (figure 1.3). Le Centre et l’Ouest
Il apprend la médecine auprès de son père
n’ont pas encore été colonisés. Ce sont des
et des Indiens, et approfondit ses connais-
terres sauvages, au climat rude, peuplées
sances par de nombreuses lectures spécia-
seulement par quelques tribus indiennes, et
lisées.
qui attirent les pionniers, pour la plupart des
Au début des années 1860, il intègre
immigrants partis à la recherche d’un avenir
l’École de médecine et de chirurgie de Kansas
meilleur.
City où il acquiert une formation complète
En 1837, Andrew a 9 ans. Son père est sur les connaissances médicales de son
envoyé comme pasteur dans une petite ville époque.
Histoire de l’ostéopathie 5

Maine

New York

Iowa Pennsylvanie
Illinois Ohio
Indiana
Virginie
Kansas
Missouri Kentucky
Caroline du Nord
Tennessee
Oklahoma Arkansas
Caroline du Sud
Mississipi
Georgie
Alabama

Louisiane

les États-Unis en 1828

Kirksville

Figure 1.3. Carte des États-Unis au XIXe siècle.

Une époque troublée giste, se lance dans le peuplement des régions


de l’Ouest. Très vite, l’opposition entre aboli-
En 1855, Still perd un premier enfant, Geor- tionnistes et esclavagistes augmente dans ces
ges, puis, quatre ans plus tard un second, nouveaux États et devient menaçante pour
Lorenzo. Son épouse, Mary Margaret, meurt l’équilibre de l’Union. Dès 1857, les premiers
un mois après avoir mis Lorenzo au monde. À combats ont lieu dans les régions frontalières,
l’âge de 31 ans, Still se retrouve seul avec trois notamment au Kansas. Still prend position du
enfants, Marusha (10 ans), Abraham Price côté des anti-esclavagistes, restant ainsi fidèle
(9 ans) et Susan (6 ans). aux principes de l’église méthodiste. Fondé en
Un groupe qui s’intéresse à la nature, aux Angleterre en 1729 et issu de l’anglicanisme,
sciences et à la technologie lui apporte du le méthodisme est un mouvement religieux
réconfort. Par ailleurs, Still est attiré par la qui s’est exporté aux États-Unis avec les
politique au point d’être élu député de l’État colons anglais. Il se caractérise par une quête
du Kansas. de la perfection, un intérêt pour le bien-être
À cette époque, les divergences entre les social et la moralité publique.
États du Nord et ceux du Sud se renforcent. Le En 1860, Still se remarie avec Mary Elvira
Nord, industriel et protectionniste, cherche à Turner. Ils ont quatre garçons et une fille.
obtenir l’abolition de l’esclavage, tandis que En février 1861, sept États du Sud font
le Sud, agricole, libre-échangiste et esclava- sécession et se dotent d’une constitution,
6 Ostéopathie

infections : le chloroforme et l’éther servent


d’anesthésiants, le whisky et le brandy de
stimulants ou d’antidouleurs. La dysenterie,
les fièvres, la pneumonie, la tuberculose ou la
peste se propagent au niveau mondial en
vagues d’épidémies et déciment les popula-
tions.
En 1864, Still perd à nouveau trois de ses
enfants atteints de méningite cérébrospinale.
Sa fille, Marusha, est la seule à survivre. Still
pense tout d’abord abandonner la médecine.
Il s’interroge davantage encore sur l’essence
de la maladie, sur l’incapacité des médecins de
sauver des vies, mais aussi sur la philosophie
des événements. Il se demande si, avec la
maladie, Dieu a abandonné l’homme dans un
monde d’incertitude. Cette nouvelle épreuve
le pousse finalement à chercher une autre
façon de guérir, une nouvelle médecine.

Mécanicien de l’humain
Figure 1.4. La première découverte d’Andrew
L’après-guerre est marquée par l’industrialisa-
Taylor Still. D’après une illustration extraite tion. Aux États-Unis, elle se caractérise par un
d’A.T. Still, Autobiography of Andrew Taylor engouement incroyable de la population pour
Still, Kirksville, 1908. la technologie. Still lui-même se passionne
pour l’invention de machines et le perfection-
devenant ainsi les États confédérés d’Améri- nement de mécanismes existants. Ainsi, il
que. La guerre entre ces États confédérés et le dirige une petite entreprise agricole, et met au
reste de l’Union devient inévitable. Elle éclate point une baratte révolutionnaire qui trans-
le 12 avril. Still s’engage chez les fédéraux forme en beurre les excédents de sa produc-
comme combattant mais aussi comme méde- tion laitière.
cin. Il devient intendant dans un hôpital et y Il a évolué dans le concept de perfection-
pratique la chirurgie. Cette expérience lui nisme, cher au mouvement méthodiste :
permet de se doter d’une solide expérience en « Dieu est parfait et Il fait toutes choses bien ».
anatomie et en physiologie articulaire. Cela l’incite à appliquer ses connaissances en
Dans la guerre de sécession, les maladies, mécanique générale à la mécanique humaine
les infections et le manque d’hygiène causent que Dieu a créée. En particulier, il n’hésite pas
deux fois plus de pertes humaines que les à exhumer des corps de tombes indiennes
combats eux-mêmes. Still assiste, impuissant, pour les disséquer et approfondir ses connais-
à la mort de nombreux soldats. Il est égale- sances en anatomie. Il découvre l’emplace-
ment désespéré par le peu de moyens dont il ment des muscles, des nerfs et des vaisseaux
dispose pour soigner les malades. À cette sanguins. Il étudie au plus près la position des
époque, Louis Pasteur entame à peine les os et des structures qui les maintiennent soli-
recherches qui aboutiront à l’une des décou- daires entre eux ou les mobilisent.
vertes fondamentales de la médecine. Il Il émet alors l’idée qu’il existe une relation
n’existe aucun remède efficace contre les entre l’anatomie du corps et son fonctionne-
Histoire de l’ostéopathie 7

ment. En parfait mécanicien, il a en effet ouvre son premier cabinet dès l’année sui-
observé que lorsqu’on entrave le bon fonc- vante. Très apprécié, il multiplie les succès
tionnement d’une machine, il se produit thérapeutiques et acquiert une renommée qui
aussitôt un bruit anormal. Il estime qu’il en va dépasse les États du Missouri et du Kansas.
de même pour la mécanique humaine et que Restreignant peu à peu la prescription et
la maladie est tout simplement l’effet d’une l’usage des médicaments, il utilise unique-
structure mécanique perturbée. ment ses mains pour soigner, suscitant la
Terriblement déçu par la médecine offi- méfiance de son entourage, y compris de
cielle, mais sensibilisé au principe qui lie la certains membres de sa famille.
cause à l’effet, il exerce selon cette loi et Cependant, sa renommée ne cesse de
obtient de bien meilleurs résultats que croître. Du fait de ses succès toujours plus
nombre de ses confrères qui emploient les retentissants dans bon nombre de maladies,
techniques « traditionnelles ». Il expérimente Still s’interroge sur l’opportunité de trans-
ainsi une autre médecine qui deviendra mettre ses connaissances et son art en
l’ostéopathie. l’enseignant.

Naissance de l’ostéopathie La première école d’ostéopathie


Le 22 juin 1874, à 10 h, Still dit avoir soudain À la fin des années 1880, Still forme ses
pris conscience qu’il est en train de dévelop- propres enfants à l’ostéopathie. En 1892, il
per une nouvelle forme de médecine. fonde officiellement l’American School of
Comme l’éclat d’un soleil, une vérité frappa Osteopathy (ASO) à Kirksville (figures 1.5 et
mon esprit : par l’étude, la recherche et l’obser- 1.6), prouvant ainsi que l’ostéopathie est un
vation, j’approchai graduellement une science art transmissible, digne d’être enseigné, et
qui serait un grand bienfait pour le monde.
non un don particulier (figure 1.7).
À l’automne de cette même année, il est L’école et l’ostéopathie connaissent très
confronté à une grande épidémie de dysente- vite un succès grandissant : entre 1896 et
rie. Les principaux effets de cette maladie, 1899, 13 autres collèges sont créés dans le
très fréquente au XIXe siècle, se manifestent pays.
par une fièvre élevée, des maux de tête et des
Peu à peu, Still se retire de l’enseignement.
pertes de sang. Still remarque que les mala-
Conscient de la nécessité de transmettre
des dysentériques présentent une zone
son savoir, il passe beaucoup de temps à
lombaire chaude et douloureuse, mais un
écrire et publie quatre livres : Autobiography
ventre froid. En analysant l’ensemble de la
(1897), Philosophy of osteopathy (1899), Philo-
colonne vertébrale et les tissus qui la soutien-
sophy and mechanical principles of osteopathy
nent, il découvre des zones rigidifiées qui
(1902) et Osteopathy, research and practice
« bloquent » vraisemblablement les flux
(1910).
nerveux et sanguins alimentant les intestins.
Il estime avoir trouvé la cause et, par consé- En 1914, âgé de 86 ans, il est atteint d’un
quent, le traitement. Il traite ces zones à ictus cérébral dont il ne se remet jamais. Il
mobilité réduite par des pressions et des meurt le 12 décembre 1917.
mobilisations articulaires ; les patients recou- Le 7 mars de cette même année, John
vrent alors la santé. Il parvient ainsi à guérir Martin Littlejohn crée à Londres la British
17 cas de dysenterie. C’est la première grande School of Osteopathy (BSO), introduisant
victoire de l’ostéopathie. ainsi l’ostéopathie en Europe. Aujourd’hui, ce
En 1878, toute la famille quitte le Kansas et collège délivre un diplôme universitaire
s’installe à Kirksville dans le Missouri. Still y reconnu.
8 Ostéopathie

Figure 1.5. The American School of Osteopathy, fondée à Kirksville en 1892.


Reproduit avec l’aimable autorisation du Still National Osteopathic Museum, Kirksville, MO

John Martin Littlejohn,


l’ostéopathie en Europe

Un maître est en lui-même un enseignement :


chacun de ses gestes, de ses regards est une
leçon.
Mark Fisher

John Martin Littlejohn (1865–1947) naît à


Glasgow en 1865 (figure 1.8). En 1881, il entre
à l’Université de Glasgow pour y étudier les
arts, la théologie et les langues orientales, y
compris l’hébreu. De 1885 à 1889, il étudie
l’anatomie et la physiologie au Kelvin Hall
avec le Dr McKendricklo, physiologiste écos-
sais réputé.
Comme il est de santé fragile, on lui
conseille de changer de climat. En 1892, il
émigre aux États-Unis, s’inscrit à la Columbia
University de New York et est reçu docteur en
Figure 1.6. La faculté ASO en 1899. philosophie deux ans plus tard. Il étudie
Reproduit avec l’aimable autorisation du Still également l’économie politique ainsi que les
National Osteopathic Museum, Kirksville, finances et est nommé président d’un collège
MO d’enseignement des arts dans l’Iowa.
Histoire de l’ostéopathie 9

Figure 1.7. Leçon d’ostéologie par Andrew T. Still. Reproduit avec l’aimable autorisation
du Still National Osteopathic Museum, Kirksville, MO

En 1897, souffrant de problèmes chroni- quant à lui, toujours aussi méfiant vis-à-vis de
ques à la nuque et à la gorge, il arrive à Kirks- la médecine « traditionnelle », ne voit pas ces
ville. Il a entendu parler de la théra- conceptions d’un très bon œil. Littlejohn
peutique du Dr Still et veut l’expérimenter. quitte donc Kirksville et l’ASO pour fonder, en
Grâce à l’ostéopathie, il recouvre la santé. Il 1900, l’American College of Osteopathic
est très impressionné par Still et sa méthode. Medicine and Surgery à Chicago qui est
Ce dernier, de son côté, apprécie beaucoup ce aujourd’hui un des plus importants collèges
jeune homme doué et brillant. Il le recrute de médecine ostéopathique parmi les seize
donc pour donner des cours de physiologie. que comptent les États-Unis. La même année,
Littlejohn se met à étudier l’ostéopathie et Littlejohn entame des études de médecine
devient le disciple de Still à l’American School aux collèges de Dunham et Hering et reçoit le
of Osteopathy (ASO) à Kirksville dès les diplôme de docteur en médecine.
années 1898-1899. Pendant un an, il est le
doyen de l’ASO et le bras droit direct de Still. En 1913, il rentre en Angleterre dans le but
Très vite, cependant, des divergences appa- de créer une école d’ostéopathie. La Première
raissent entre les deux hommes. Littlejohn Guerre mondiale retarde ce projet. En 1917, la
estime que tout ce qui fait partie de la science British School of Osteopathy (BSO) est créée.
médicale doit être inclus dans le programme L’Angleterre devient ainsi le berceau de
d’étude et de pratique ostéopathiques. Still, l’ostéopathie en Europe.
10 Ostéopathie

Figure 1.8. John Martin Littlejohn. Reproduit


avec l’aimable autorisation du Still National Figure 1.9. William Garner Sutherland.
Osteopathic Museum, Kirksville, MO Reproduit avec l’aimable autorisation du Still
National Osteopathic Museum, Kirksville,
William Garner Sutherland, MO
l’ostéopathie crânienne
En 1898, il s’inscrit à l’ASO. En 1900, il
obtient le diplôme d’ostéopathe et se met à
Douter de tout ou tout croire sont deux
travailler dans la lignée de Still et de ses
solutions également commodes, qui l’une et
successeurs. Pourtant, l’idée que les os du
l’autre nous dispensent de réfléchir.
crâne puissent présenter une mobilité s’ins-
Henri Poincaré talle en lui et le poursuit. Au cours des années
1920, décidant de se prouver à lui-même qu’il
En 1897, William Sutherland (1873–1954) se trompe, il désarticule le squelette d’un
(figure 1.9), un jeune journaliste originaire du crâne. Les agencements articulaires qu’il
Minnesota, entend parler de l’ostéopathie. découvre lui font penser que cette idée n’est
Les échos contradictoires qu’il en a le pous- peut-être pas si folle. Il se lance alors dans
sent à aller enquêter sur place. Il débarque toute une série d’expérimentations sur un
donc à Kirksville. Il est tellement impres- squelette d’abord, puis sur son propre crâne.
sionné par ce qu’il découvre qu’il décide Peu à peu, il développe un modèle mécani-
d’abandonner le journalisme pour devenir que, le mécanisme respiratoire primaire, qui
ostéopathe. lui permet de vérifier ses intuitions et le
Histoire de l’ostéopathie 11

conduit à ne plus considérer le crâne et la curieux, il est un jour attiré par un article du
colonne vertébrale séparément mais comme Dr Florence Gair, une élève d’Andrew Taylor
un ensemble. Still, dans lequel elle décrit les méthodes
Cette idée rencontre l’indifférence ou thérapeutiques de son maître. Lavezzari prend
l’hostilité de ses confrères. À partir de 1929, il contact avec elle. Ils correspondent pendant
réussit à présenter ses premières conclusions un long moment, puis Florence Gair vient en
de pensée crânienne au collège de Kirksville France, séjourne à Nice et initie Lavezzari à
et se met à écrire quelques articles sur le l’ostéopathie. Dès 1919, il est donc le premier
sujet. En 1939, il publie un petit livre, La médecin, en France, à pratiquer les manipula-
Boule crânienne, où il expose les bases du tions vertébrales selon la méthode de Still.
concept crânien mais qui ne rencontre En 1932, il crée le premier enseignement de
aucun succès. l’ostéopathie dans l’Hexagone, au dispensaire
Sutherland ne se décourage pas pour Heinemann, à Paris.
autant. Dans les années 1940, il parvient En 1949, il publie Une nouvelle méthode
enfin à faire passer son message au cours de clinique et thérapeutique : l’ostéopathie, un
conférences données à des professionnels. ouvrage qui contribue à la propagation de
Celles-ci sont à l’origine de l’expansion du l’ostéopathie en France.
concept crânien. L’année suivante, un autre Français, Paul
En 1946, l’Association d’ostéopathie Geny, formé à la BSO de Londres, crée l’École
crânienne est créée. Le concept crânien appar- française d’ostéopathie (EFO) à Paris. C’est la
tient désormais aux techniques ostéopathi- première école d’ostéopathie en France ; son
ques reconnues. enseignement est réservé aux médecins et aux
En 1953, Sutherland fonde la Suther- kinésithérapeutes. Face au succès grandissant
land Cranial Teaching Foundation, afin de de l’ostéopathie auprès de ces derniers, elle est
poursuivre son travail de recherche, d’ensei- fermée en 1960, sur incitation de l’ordre des
gnement et de propagation du concept médecins. Cinq ans plus tard, elle s’expatrie à
crânien en ostéopathie, indépendamment Londres. En 1971, elle fusionne avec l’Institut
de tout organisme professionnel. Il meurt le ostéopathique de techniques appliquées et se
23 septembre de l’année suivante. fixe à Maidstone, dans le Kent, où elle devient
l’European School of Osteopathy. Elle est
Robert Lavezzari, ouverte aux kinésithérapeutes européens qui
l’ostéopathie en France peuvent désormais s’y former.
En 1952, Lavezzari fonde, avec quelques
confrères et disciples, dont les Dr Pascal
La médecine, c’est un art qu’on exerce,
Piedalu, Jean-Thierry Mieg et Roger Lescure, la
en attendant qu’on le découvre.
Société française d’ostéopathie, qui existe
Émile Deschamps toujours. Elle rassemble des médecins français
mais aussi européens qui partagent le même
L’implantation de l’ostéopathie en France est esprit de recherche, développement et perfec-
due à Robert Lavezzari (1866–1977), un méde- tionnement des techniques ostéopathiques.
cin français originaire de Nice. D’esprit Robert Lavezzari la préside jusqu’en 1977.
Chapitre 2

Étymologie
et définition
de l’ostéopathie

Étymologie

Définition historique

Définition actuelle
Étymologie et définition de l’ostéopathie 15

Chapitre 2

Étymologie
et définition
de l’ostéopathie
Étymologie encore. Je me trouvais au Kansas quand un
nouveau mot fut créé : « osawatomie ». Ce mot
C’est un poids bien pesant qu’un nom trop tôt fut créé en prenant la première partie du mot
« osage » et la dernière partie du mot « pottawat-
fameux.
tamie », le nouveau mot créé représentant deux
Voltaire tribus indiennes. J’en conclus alors que je
commencerais avec le mot « os » et le mot
C’est Andrew Taylor Still qui a inventé le « pathologie » et je les comprimai en un seul mot
terme « ostéopathie » en 1890. Il découle « ostéopathie »1.
directement de son travail, de ses recherches Ce terme est un mot nouveau qui définit
et des résultats obtenus, ainsi qu’il l’explique un nouveau concept médical. Il n’a jamais été
lui-même : utilisé pour désigner un os malade, pas plus
J’ai beaucoup travaillé et raisonné sur le fait que pour indiquer un traitement de manipu-
qu’un corps qui est parfaitement normal dans sa lation ou définir une « maladie des os »,
structure peut garder un homme en bonne santé comme notre dictionnaire le renseigne. Cette
tant que ce corps est parfaitement normal. Avec erreur est sans doute due à la signification du
cette conclusion, j’ai voulu savoir tout d’abord mot grec « pathos », qui n’est pas toujours
ce qui était normal, et ce qui ne l’était pas (en
compris dans son sens premier, ainsi que le
structure). Ensuite, j’ai comparé les deux, le
rapportent E. Tucker et P. Wilson dans The
malade et le bien portant (le sain). J’ai trouvé,
après beaucoup de travail et d’expérimentation, Theory of Osteopathy 2.
qu’aucun corps humain n’est normal structurel- Le mot « ostéopathie » vient de deux mots grecs :
lement tant qu’il héberge une maladie, qu’elle « osteon » = os dont la signification est claire et
fut aiguë ou chronique. J’ai obtenu de bons
résultats en ajustant ces corps, si bien que les
gens ont commencé à me demander comment
j’allais appeler cette nouvelle science.
1. Répertoire de l’ASO, 1902–1903.
J’ai écouté toutes les suggestions telles que allo-
2. E. Tucker, P. Wilson, The Theory of Osteopathy, 1936,
pathie, hydropathie, homéopathie et d’autres trad. fr. M. Gobert-Corriat.

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Ostéopathie. Principes et applications ostéoarticulaires
16 Ostéopathie

de « pathos » dont la signification ne l’est pas ou blessé par l’effort, la tension, les chocs, les
toujours, et plus spécialement dans cette liaison chutes ou dérangements mécaniques, ou acci-
des deux mots. dents de toute autre sorte.
En grec, nous trouvons deux mots contrastés
comme le sont « au-dessus » et « au-dessous » ou Sept ans plus tard, en 1899, dans The Jour-
« dedans » et « dehors » : « ethos » qui désigne nal of Osteopathy, il la décrit comme
une expression sortante et « pathos » qui désigne un système d’engeneering de tout le corps
une impression entrante. humain, qui maintient ouvertes toutes les
La racine du mot « pathos » devrait donc être communications avec le cerveau et qui prévient
prise comme dans le mot « sympathie » – « sensi- tout arrêt circulatoire du sang et des autres
ble avec » – et « télépathie » – « sensible à fluides.
distance » –, et pas comme le mot « pathologie »
qui est une signification dérivée dans laquelle se En 1936, E. Tucker et P. Wilson écrivent,
trouve presque une inversion de la signification quant à eux, que
originelle du mot.
l’ostéopathie est une science difficile et compli-
La pathologie médicale est l’étude des résultats quée de la mécanique humaine, qui concerne
des maladies. Étymologiquement, le mot toutes les phases du corps humain. Elle réussit
« ostéopathie » est correct quand il signifie aussi bien à corriger la maladie qu’à garder le
l’influence des os en relation avec la maladie, la corps dans de telles conditions que la maladie ne
cause et le remède, mais il ne signifie pas « mala- puisse pas survenir, ou le moins possible en tout
die de l’os » ou « mal de l’os ». cas.

Ostéopathie veut donc dire « os » et « pathie » : Quand toutes les parties du corps sont parfai-
« effets venant de ». tement ajustées (position et action), le corps
peut mieux faire face aux changements produits
par l’environnement, que ce soit la température,
Définition historique la nourriture, les tensions mentales ou toutes les
difficultés auxquelles le corps est soumis [...].
Il est difficile de définir les choses vraies. Dans un sens large, l’ostéopathie est une méde-
Gabrielle Roy cine générale. Les autres branches étant la méde-
cine, la chirurgie, la dentisterie, l’orthopédie,
l’obstétrique, le système sanitaire et autres
L’ostéopathie se fondant sur des sciences qui spécialités techniques.
sont constamment en évolution (l’anatomie,
la physiologie et la pathologie), il est logique L’ostéopathie insiste sur le fait que le désordre
que sa définition ait quelque peu changé au mécanique est fondamental dans le diagnostic et
cours du temps, d’autant plus que sa réputa- le traitement, un élément à ne certainement pas
dédaigner donc et suffisamment important pour
tion et celle de son inventeur ont connu une
reconsidérer tout le sujet et refaire une estima-
progression très rapide. Still lui-même était
tion de toutes les méthodes thérapeutiques [...]
étonné de l’étendue du champ d’action de L’ostéopathie a grandement contribué au
l’ostéopathie qui ne cessait de croître. diagnostic et au traitement en utilisant une
Il a donné une première définition de méthode qui vient à bout des désordres méca-
l’ostéopathie dans l’introduction de son niques.
ouvrage The Philosophy of Osteopathy, publié
en 1892 : Définition actuelle
C’est une connaissance scientifique de l’anato-
mie et de la physiologie qui, mise dans les mains Dès 1960, notre professeur à l’ESO (Maids-
d’une personne habile, pourra appliquer cette tone), Thomas Dummer (figure 2.1), propo-
connaissance en vue d’aider un homme malade sait la définition suivante :
Étymologie et définition de l’ostéopathie 17

Son art consiste en l’application de la philoso-


phie et de la science à la médecine ostéopathique
et à la chirurgie, dans toutes ses branches et
spécialités3.

Aujourd’hui, les ostéopathes s’accordent


autour de la définition de l’ostéopathie telle
qu’elle a été reformulé en 1987 lors de la
Convention européenne d’ostéopathie qui se
tenait à Bruxelles, en présence du Pr Pierre
Cornillot, Président de l’Université de Paris-
Nord Bobigny :
La médecine ostéopathique est une science, un
art et une philosophie des soins de santé, étayée
par des connaissances scientifiques en évolu-
tion.
Sa philosophie englobe le concept de l’unité de
la structure de l’organisme vivant et de ses fonc-
tions. Sa spécificité consiste à utiliser un mode
thérapeutique qui vise à réharmoniser les
rapports de mobilité et de fluctuation des struc-
Figure 2.1. Thomas Dummer. tures anatomiques.
Principal de l’European School of Osteopathy Son art consiste en l’application de ses concepts
(Maidstone, Kent, Angleterre). à la pratique médicale dans toutes ses branches
et spécialités. Sa science comprend notamment
L’ostéopathie est une thérapeutique applicable à les connaissances comportementales, chimi-
une large variété d’affections basée sur deux ques, physiques et biologiques relatives au réta-
principes fondamentaux établis par A.T. Still : blissement et à la préservation de la santé, ainsi
qu’à la prévention de la maladie et au soulage-
– de la structure dépend la fonction, d’où la ment du malade.
nécessité d’une structure normale pour une
fonction normale ; Par souci de rationalisme, les différentes
organisations d’ostéopathes dans le monde
– le corps humain renferme ou est capable de ont proposé presque chacune « leur » défini-
fabriquer les substances et les mécanismes
tion de l’ostéopathie. Nous retiendrons celle
nécessaires à la fois à son autodéfense et à
l’entretien de sa santé.
de l’Académie d’ostéopathie de Belgique qui
nous semble avoir le mérite d’être concise,
pratique et non restrictive :
En 1976, Harry M. Wright définit l’ostéopa-
L’ostéopathie est une approche diagnostique et
thie comme thérapeutique manuelle des dysfonctions de
une philosophie, une science et un art. Sa philo- mobilité articulaire et tissulaire en général dans
sophie est fondée sur le concept de l’unité de la le cadre de leur participation à l’apparition des
structure et de la fonction du corps sain et maladies.
malade.
Sa science comprend les connaissances de la
chimie, la physique et la biologie, relative au
maintien et à la prévention de la santé, ainsi
qu’au traitement et au soulagement de la 3. Harry M. Wright, Perspectives in osteopathy medicine,
maladie. 1976.
Chapitre 3

Principes
de l’ostéopathie

Introduction

Premier principe : l’unité du corps humain

Deuxième principe : l’interrelation structure–fonction

Troisième principe : le potentiel d’autoguérison de l’organisme

Trois principes indissociables


Principes de l’ostéopathie 21

Chapitre 3

Principes
de l’ostéopathie
Tout le monde a le droit d’avoir tort sur des principes,
mais personne n’a le droit d’avoir tort sur les faits.
Bernard Baruch

Introduction nent à la fois le diagnostic et le traitement. Les


supports de ces principes sont l’anatomie, la
La médecine dite « traditionnelle », dans sa physiologie et la pathologie.
prise de conscience rationaliste et cartésienne
(diviser pour comprendre), s’est focalisée sur
la maladie, ses symptômes et tous les paramè- Premier principe :
tres qui leur sont liés. Elle a donc développé l’unité du corps humain
des moyens thérapeutiques qui puissent faire
L’organisme humain fonctionne comme une
varier ces paramètres. C’est ainsi que sont
entité dynamique et indivisible. Toute pertur-
apparues une multitude de techniques
bation se produisant dans une région détermi-
d’investigation plus sophistiquées les unes
née du corps peut avoir des répercussions
que les autres, mais aussi une amélioration
dans n’importe quelle autre région.
des techniques chirurgicales dont nous béné-
ficions tous. Pour mieux comprendre ce principe, on
peut établir une comparaison entre l’orga-
La médecine ostéopathique, quant à elle, nisme humain et le mécanisme d’une horloge
dans sa prise de conscience non réduction- (figure 3.1). Dans ce dernier, il est impossible
niste (« un ensemble représente plus que la d’agir sur une partie du mouvement sans que
somme de ses parties et connaître chacune des cela ne se répercute sur chacune des autres
parties n’est pas suffisant pour connaître pièces qui le composent, car celles-ci ont entre
l’ensemble », Pascal), s’est plutôt intéressée au elles un rapport proportionnel et direct. Le
malade qui, dans la majorité des cas, présente vecteur de transmission des forces qui les
un ensemble de phénomènes complexes. Elle animent les unes par rapport aux autres est
a donc cherché, dès son existence, à dévelop- mécanique. Le parcours de la petite aiguille
per une approche méthodologique adéquate à est ainsi lié, par une multitude de roues
une telle complexité et s’est organisée autour crénelées, à celui de la grande aiguille et de la
de trois principes fondamentaux qui gouver- trotteuse. Si un seul axe se grippe, ce sont

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Ostéopathie. Principes et applications ostéoarticulaires
22 Ostéopathie

l’élimination des déchets métaboliques ainsi


que l’acheminement des hormones et des
éléments liés aux défenses immunitaires
jusqu’aux organes cibles.
Il y a aussi le système nerveux central qui,
grâce à son extraordinaire réseau neurologi-
que, réunit les différents systèmes du corps, ce
qui le rend fonctionnel et cohérent.
Mais l’être humain possède également, en
dehors de cette enveloppe matérielle que
représente le corps, un autre corps, immaté-
riel, siège du psychisme et des émotions. Le
corps est révélé par le psychisme qui lui
donne sa personnalité et qui l’anime, tandis
que le psychisme ne peut s’exprimer qu’à
travers cette enveloppe charnelle. Un trauma-
tisme psychique peut donc se répercuter sur le
corps physique et inversement. Ainsi appa-
raissent les maladies psychosomatiques.
Aujourd’hui, plus personne ne conteste leur
Figure 3.1. Le mécanisme de l’horloge existence. Les vecteurs de transmission entre
illustre bien le principe de l’unité sphères matérielle et psychique sont d’ordre
fonctionnelle. neurohormonal.
Physique et psychique forment donc un
tout indissociable. C’est à cette unité que
toutes les fonctions du mouvement qui sont l’ostéopathe s’adresse.
perturbées.
L’horloge est ainsi une entité fonctionnelle Deuxième principe :
indivisible. l’interrelation structure–fonction
Il en va de même pour l’organisme L’exemple de l’horloge permet à nouveau
humain. Comme dans le cas de l’horloge, des d’illustrer ce deuxième principe. En effet,
vecteurs de transmissions mécaniques réper- pour pouvoir remplir correctement les diffé-
cutent à tout le corps la moindre variation de rentes fonctions pour lesquelles elle a été
contrainte tissulaire. Ce sont les leviers conçue, l’horloge doit avoir une structure
osseux, les membranes interosseuses, les arti- mécanique parfaite. Chaque roue dentée doit
culations, les fascias, les muscles, les tendons, être parfaitement équilibrée sur son axe de
les ligaments, etc. rotation et s’engrener avec sa voisine, sans
Cependant, et contrairement à l’horloge aucune friction. C’est uniquement dans ces
cette fois, d’autres voies de transmission se conditions qu’un mouvement, un rythme,
superposent dans le corps humain et renfor- une vibration peuvent se transmettre à
cent les liens qui unissent chacune de ses l’ensemble du mécanisme.
parties pour former un tout fonctionnelle- L’organisme humain obéit à la même règle : il
ment indivisible. ne peut assurer ses différentes fonctions que si sa
Ce sont, tout d’abord, les voies fluidiques structure est en parfait état. Ainsi, un poumon
des systèmes lymphatique et artérioveineux ou un rein atrophié est incapable d’assurer
qui véhiculent les nutriments, permettent convenablement sa fonction d’oxygénation ou
Principes de l’ostéopathie 23

de filtration ; un muscle fibrosé n’a plus la motri- Une fonction perturbée peut également
cité suffisante pour actionner le segment qui lui altérer une structure. C’est notamment le cas
est attaché, etc. de différentes pathologies viscérales, une
Cette relation entre la structure et la fonc- dysfonction ou dyskinésie biliaire pouvant
tion est acceptée par toutes les écoles de causer une douleur à l’épaule droite. Si cette
médecine car elle est logique. L’originalité de dysfonction n’est pas soignée, la douleur
l’ostéopathie est d’avoir compris que la struc- risque de devenir chronique et de se transfor-
ture n’influence pas seulement la fonction mer en une pseudopériarthrite de l’épaule
localement mais aussi à distance, certaines avec des signes d’enraidissement par autopro-
dysfonctions étant en effet très éloignées de tection. L’origine de ce phénomène est à
leur cause structurelle. rechercher parmi les liens fonctionnels exis-
Les liens unissant la structure et la fonction tant entre les différents composants de l’orga-
sont toujours les mêmes. Ils sont mécaniques nisation métamérique.
(muscles, fascias, tendons, ligaments, etc.),
neurologiques et fluidiques (systèmes lym-
phatique, artérioveineux et liquide céphalora-
Troisième principe :
chidien). Ces deux derniers types de liens sont le potentiel d’autoguérison
bien connus en médecine allopathique : on de l’organisme
sait qu’une hernie discale lombaire peut
provoquer une sciatalgie ou un trouble fonc- Ce troisième principe ne peut plus être illustré
tionnel viscéral. Ce sont donc eux qui sont par le mouvement d’horlogerie car celui-ci est
mis en cause dans le phénomène d’« exporta- intrinsèquement inerte : il n’est pas animé par
tion » d’un trouble fonctionnel. cette « énergie vitale », dont parle A.T. Still et
On peut donc affirmer qu’il existe une qui, précisément, caractérise la vie. Celle-ci est
interrelation entre la structure et la fonction, non seulement capable de se perpétuer dans
l’une dépendant de l’autre et inversement. le temps grâce à son pouvoir de reproduction,
mais aussi de se protéger elle-même contre
Remarque différents types d’agressions, en utilisant des
moyens très divers.
« La loi de l’artère est suprême » ! Dans Tout d’abord, il existe une équilibration
le domaine de la circulation des fluides d’une série de constantes qui témoignent de
de l’organisme, cette formule proposée cette activité intense définissant la vie. C’est
par A.T. Still est une illustration intéres- le phénomène d’« homéostasie » qui permet,
sante du rapport existant entre la struc- notamment, de réguler la température,
ture et la fonction. La structure du réseau d’équilibrer la tension artérielle ainsi que
artérioveineux doit être parfaite pour que diverses concentrations ioniques. Ensuite, en
la fonction « circulatoire » – dont l’impor- cas de crise, l’organisme utilise des mécanis-
tance ne faisait aucun doute au mes qui vont préserver les principales fonc-
XIXe siècle – le soit également ! tions vitales : vascularisation du système
Aujourd’hui, qui peut lui donner tort ? nerveux central, pompe cardiaque, échanges
Dans le nord de notre hémisphère, la civi- gazeux, filtration, etc. Mais cette capacité de
lisation développe des pathologies dites protection permet aussi de vivre dans un
d’« excès » dont les méfaits touchent milieu agressif en permanence. Les armes
précisément la structure du système arté- s’adaptent alors au type d’agression : elles
rioveineux. Nous connaissons tous les sont immunitaires en cas d’envahissement
lourdes conséquences fonctionnelles qui par des micro-organismes ; il peut s’agir du
en résultent. rejet face à un corps étranger, de la formation
24 Ostéopathie

d’un kyste autour d’un agresseur ou d’un s’appliquent à notre planète et à l’univers.
corps étranger ; mais il y a aussi la fuite, l’atta- Imaginons, par exemple, que l’on tente de
que, l’inhibition, etc. Tous ces mécanismes dévier la Lune de sa trajectoire orbitale ; cela
qui tendent à maintenir un niveau de santé ne se ferait pas sans provoquer de graves
optimal sont bien connus de la médecine conséquences sur la Terre. Dans cette hypo-
traditionnelle. En revanche, lorsque ce sont thèse incongrue, cet univers, qui peut être
des forces qui altèrent les tissus et leurs fonc- qualifié de vivant, devrait retrouver un équili-
tions (agression mécanique), les mécanismes bre. La structure (l’orbite) ayant changé, la
sont moins bien compris et donc pas ou peu fonction (les marées) serait perturbée à des
décrits. Pourtant, sans eux, la vie sociale ne milliers voire des millions de kilomètres de
serait pas possible. distance (l’unité fonctionnelle).
Le pouvoir d’autoguérison ne suffit Par ailleurs, personne ne peut prétendre
malheureusement pas toujours à restituer cet aujourd’hui qu’il n’y a pas de relation entre
équilibre – instable – que l’on appelle la les éruptions volcaniques, les tremblements
« santé ». L’organisme intègre donc la patho- de terre, les cyclones, les grandes modifica-
logie ou la blessure et s’y adapte (phénomène tions géophysiques et les rejets massifs de
d’adaptation). L’exemple le plus illustratif est CO2 ou l’exploitation des gisements miné-
celui d’un rein qui s’hypertrophie pour raux. Les climatologues étudient la relation
compenser un alter ego absent ou inefficace. qui existe entre les variations de climat à la
Ces phénomènes d’adaptation permettent à surface de notre planète et la force des
tout l’organisme, malgré l’existence d’une courants marins profonds aux deux pôles. La
dysfonction quelconque, d’assurer ses fonc- Terre, en tant qu’unité fonctionnelle, doit
tions essentielles telles que la mobilité ou donc s’adapter aux modifications – naturel-
l’équilibre. les ou non – qu’elle subit. Elle doit satisfaire
Pour s’autoguérir, l’organisme doit recher- ses constantes, l’équilibre de ses masses,
cher ses ressources en lui-même. A.T. Still l’équilibre magnétique et bien d’autres para-
disait : « Il n’y a rien à retrancher, il n’y a rien mètres encore. Le Tsunami qui a touché
à rajouter ». Il comparait aussi l’organisme l’Asie du Sud-Est en 2004 est hélas un exem-
humain au ple récent d’adaptation fonctionnelle à un
drugstore de Dieu, dans lequel on trouve tous les trouble structurel majeur au niveau de
liquides, les drogues, les lubrifiants, les opiacés, l’univers. Un immense transfert de masse
les acides et les antiacides, ainsi que tous les s’est produit à cause d’un déplacement
remèdes qui lui ont semblé utiles à l’épanouisse- violent des plaques tectoniques qui a engen-
ment de l’homme et à sa santé. dré une immense lame de fond évoluant à
grande vitesse dans le sens de la rotation de
la Terre. Cette masse en mouvement a accé-
Trois principes indissociables léré le mouvement de rotation de notre
Il est impossible de décrire un des trois princi- planète de quelques millisecondes. Celle-ci
pes de l’ostéopathie sans évoquer les deux s’est alors adaptée à cette nouvelle donnée en
autres. Cela corrobore l’idée d’une cohésion variant son axe de rotation de quelques infi-
totale et d’une globalité fonctionnelle de mes fractions de degré.
l’entité corporelle. Parce qu’ils sont naturels et universels, les
Cette entité corporelle fonctionne elle- trois principes de l’ostéopathie ont un intérêt
même au sein d’une entité planétaire, la Terre, pratique majeur : ils permettent à la fois de
qui fait partie de la « grande horloge univer- gouverner le processus de diagnostic et de
selle ». On peut dès lors constater que ces trois dicter les gestes thérapeutiques. Par l’observa-
principes ont une portée universelle car ils tion et l’écoute, l’ostéopathe pourra compren-
Principes de l’ostéopathie 25

dre et dénouer les mécanismes des réactions sance et conscience. Mais il ne pourra en
tissulaires. Une fois qu’il les aura identifiés, il aucun cas se substituer aux efforts entrepris
sera capable d’induire une indication de trai- par l’organisme pour s’autoguérir ; il devra, au
tement à l’organisme, en parfaites connais- contraire, l’y aider.
Chapitre 4

Le concept
ostéopathique

Dysfonction ostéopathique

Dysfonction ostéopathique vertébrale

Réactions tissulaires

Chaînes tissulaires réactionnelles

Capacité d’adaptation de l’organisme


Le concept ostéopathique 29

Chapitre 4

Le concept
ostéopathique
Expliquer ne sert à rien. On ne peut que voir, constater et montrer.
Jacques-Pierre Amette

Dysfonction ostéopathique tionnels ? Très schématiquement, ces désordres


structurels vertébraux ou périphériques ont été
baptisés « dysfonction ostéopathique ».
Introduction
Cette dysfonction ostéopathique repré-
Nous ne le dirons jamais assez : l’ostéopathie sente le concept cardinal de la philosophie
est une science au même titre que la médecine médicale ostéopathique. C’est la raison pour
allopathique. Leur fondement est commun et laquelle il est très important de connaître sa
repose sur trois piliers : l’anatomie, la physio- nature et son mode d’apparition, tout comme
logie et la pathologie. il est important de comprendre le retentisse-
Les découvertes scientifiques s’accélèrent ment qu’elle aura dans l’organisme tout
et la connaissance augmente, mais la valeur entier.
de ces piliers reste scientifiquement inébran-
lable. Les trois principes de l’ostéopathie, qui
sont en réalité des principes universels, sont Nature de la dysfonction
indissociables de ce trépied à la fois structurel ostéopathique
et fonctionnel ; ils servent de support et déli-
Les deux composantes de la dysfonction
mitent à la fois les processus diagnostique et
ostéopathique sont la « structure » et la « fonc-
thérapeutique.
tion », l’une ayant un retentissement sur
Dans le cadre de cet ouvrage qui se veut
l’autre et réciproquement.
une introduction à l’ostéopathie structurelle,
nous privilégierons, par notre approche En effet, par définition, une articulation
didactique, les rapports mécaniques existant doit être mobile. Dans le cas contraire, elle
entre les différentes structures tissulaires et, perdrait sa raison d’exister. Cette mobilité doit
plus précisément, ceux qui concernent l’appa- être appréciée à la fois quantitativement – le
reil locomoteur. mouvement se réalise-t-il bien à 100 % de son
Diagnostiquer, c’est chercher... et trouver ! amplitude physiologique ? – et qualitative-
Mais que cherche un ostéopathe si ce n’est, en ment – le mouvement se réalise-t-il aisément ?
simplifiant à l’extrême, un désordre structurel Si, pour une raison ou une autre, une petite
responsable du trouble ou des troubles fonc- anomalie structurelle limite la quantité du

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Ostéopathie. Principes et applications ostéoarticulaires
30 Ostéopathie

mouvement ou altère sa qualité, une réaction le temps, évoluer vers une réelle lésion dans le
tissulaire périphérique apparaît, témoignant sens tissulaire et « médical » du terme.
de la naissance de la dysfonction ostéopathi- L’exemple classique est probablement celui de
que et révélant sa nature. la hernie discale qui est l’aboutissement spec-
Nous verrons également, dans les chapitres taculaire d’un processus dysfonctionnel insi-
suivants, comment cette dysfonction ostéo- gnifiant au départ : dysfonction articulaire
pathique, pourtant bien délimitée territoriale- ostéopathique somatique ou périphérique
ment, pourra avoir un retentissement à ayant entraîné la perte d’un système d’amor-
distance. tissement des contraintes physiques.
Les causes de cette diminution quantitative C’est par souci d’uniformisation de la
ou qualitative de mobilité articulaire sont dialectique entre les différents courants
multiples et nous les citerons globalement complémentaires de la pensée médicale que le
dans le paragraphe traitant de leurs modes terme « lésion » ostéopathique a ainsi été
d’apparition (p. 31). abandonné au profit de celui, plus explicite et
plus adapté, de « dysfonction » ostéopathi-
que.
Valeur de l’expression
« dysfonction ostéopathique » Valeur de l’adjectif « ostéopathique »
Valeur du mot « dysfonction » Nous venons de le dire, la dysfonction ostéo-
pathique est la clé de voûte du concept ostéo-
Le terme « dysfonction » définit très claire- pathique qui se l’est « approprié » implicite-
ment un trouble de la fonction. Celle-ci étant ment en raison du manque d’intérêt que lui
directement dépendante de la qualité de la accordaient les autres courants médicaux,
structure, nous ne pourrons les dissocier. La classiques ou moins classiques.
dysfonction a l’incomparable avantage de
faire allusion à la réversibilité du trouble. Pour la médecine allopathique, les consé-
C’est important car c’est précisément cette quences locales ou à distance d’une restriction
« réversibilité » qui délimite le champ d’action de la mobilité articulaire sont ignorées ou
thérapeutique de l’ostéopathie, au même titre sous-estimées.
d’ailleurs que les autres médecines dites Il faut toutefois reconnaître que les
« alternatives » ou fonctionnelles comme examens médicaux classiques ne permettent
l’homéopathie, l’acupuncture, etc. pas ou peu de mettre en évidence ce trouble
Auparavant, les ostéopathes utilisaient le de la mobilité définissant la dysfonction
terme « lésion », mais cette terminologie ostéopathique. Les examens radiographiques
n’était pas appropriée en raison de sa séman- – scanner, imagerie par résonance magnétique
tique qui n’était pas la même dans les termi- (IRM), échographie – s’adressent, sauf excep-
nologies ostéopathique et allopathique. En tions, davantage à un état qu’à une fonction.
effet, dans la médecine dite « classique », le Lorsque, par ces examens statiques, un trou-
terme « lésion » a une connotation d’irréversi- ble de la mobilité est clairement mis en
bilité naturelle. Sans une intervention médi- évidence, le protocole se réfère souvent à une
cale extérieure – chirurgie, chimiothérapie, norme moyenne de tolérance acceptable.
greffes, etc. –, il est impossible de traiter une À ce jour, l’outil le mieux approprié, le plus
fracture, une déchirure, une perte de matière, fiable et le plus constant pour découvrir la
une perforation, une tumeur, une brûlure. dysfonction ostéopathique est la main édu-
Une « dysfonction » est donc réversible et quée de l’ostéopathe. Elle seule saura appré-
susceptible de régresser avant de disparaître. cier la qualité du mouvement articulaire et
Elle est insignifiante au début mais peut, avec l’interpréter.
Le concept ostéopathique 31

Mode de survenue l’organisme lui-même lors de son activité


d’une dysfonction ostéopathique motrice) qui provoque la déficience structu-
relle articulaire ou tissulaire. Dès que les forces
L’importance des troubles articulaires et de ne s’exercent pas précisément dans le sens
leurs répercussions sur l’organisme tout entier physiologique de la mobilité articulaire ou
trouve probablement une explication lorsqu’elles sont trop importantes, elles sont
partielle dans la manière dont surviennent ces susceptibles de causer un dommage physique.
défections articulaires. Si nous appliquons une force latérale (choc
L’organisme humain est sans doute le seul latéral) sur l’articulation du genou qui est
être vivant évolué devant satisfaire en perma- conçue pour se mobiliser dans un mouve-
nence le triple compromis inhérent à son ment global de flexion–extension, nous exer-
mode d’activité : être résistant, mobile et en çons une force antiphysiologique. Cette force
équilibre. Pour y parvenir, il a développé un imperceptible n’aura pas de conséquence si
système locomoteur qui se révèle être une elle n’est que passagère, mais pourra provo-
référence en matière de haute technicité. Cet quer de très graves lésions si son intensité
hyperdéveloppement technique augmente la dépasse la valeur de la résistance des tissus
probabilité d’avoir de petites déficiences ou périarticulaires protecteurs et stabilisateurs de
pannes. Plus la machine est techniquement l’articulation. C’est entre ces deux cas extrê-
complexe, plus les possibilités de défaillance mes que la dysfonction ostéopathique est
sont nombreuses. Les restrictions de la mobi- définie.
lité articulaire en sont une expression. Concrètement, la dysfonction ostéopathi-
Une fois en activité, l’organisme expose sa que empêche la parfaite exécution d’un
structure aux petits incidents ou accidents mouvement articulaire global harmonieux.
traumatiques. Il est aisé de comprendre que la Prenons le cas d’une articulation dont la
mise en œuvre de forces importantes (acci- mobilité totale explorée est représentée par la
dent traumatique) peut nuire à l’intégrité figure 4.1.
physique d’une articulation ou des tissus péri- La présence d’une dysfonction ostéopathi-
phériques. Le résultat est souvent visible sur que sur l’axe du mouvement flexion-
un cliché radiographique statique. En dehors extension, dans la zone d’extension, par
de ce cas extrême, les dysfonctions ostéopa- exemple, limite l’amplitude articulaire
thiques surviennent à la suite d’un mauvais globale de cette articulation (figure 4.2).
maintien, d’un « faux mouvement », d’une Lorsque les forces en présence sont impor-
activité prolongée, d’une hygiène de vie tantes, l’articulation se fige dans une position
inadaptée, de petits traumatismes impercepti- extrême de sa composante de mobilité ; c’est
bles mais répétés, etc. Tous ces facteurs l’ultime étape avant que ne surviennent la
déclenchants perturbent la physiologie arti- subluxation et, plus grave encore, la luxation.
culaire et c’est à ce titre qu’ils sont responsa- Toutes les articulations sont potentiellement
bles de l’apparition de la dysfonction ostéopa- victimes de ce phénomène, qu’elles soient
thique. vertébrales ou périphériques.
Nuit et jour, au repos ou lors de son acti-
vité, cet organisme extrêmement sollicité « Déplacement » ou « fixation »
d’un point de vue mécanique subit des agres- articulaire ?
sions variables en intensité, en durée ou en Comment définir correctement cet état de
localisation. fixité articulaire ? Il faut reconnaître que,
Dans le cas des traumatismes, qu’ils soient parmi le grand public, mais aussi hélas chez
importants ou plus faibles, c’est la mise en certains professionnels, la terminologie utili-
œuvre des forces (subies ou induites par sée n’est que rarement appropriée. Qui n’a pas
32 Ostéopathie

85° 85°
15° 55°
A B

Figure 4.1. Représentation schématique de la mobilité physiologique globale


du poignet (d’après Kapandji).

entendu dans son cabinet un patient s’excla-


mer : « J’ai encore une vertèbre qui s’est dépla-
cée » ; ou encore : « J’ai une vertèbre qui a
bougé » ?

Il est évident que cette terminologie ne


reflète ni la réalité anatomique, ni la réalité
physiologique de la dysfonction ostéopathi-
que articulaire puisque, par définition, une
articulation doit précisément être mobile et
donc « bouger » !

Prenons l’exemple d’une porte placée


dans un bâtiment. Son rôle est de pouvoir
s’ouvrir ou se refermer selon les besoins. Si la
porte s’ouvre mal, trop lentement (caractère
qualitatif) ou plus du tout (caractère quanti-
tatif), de graves perturbations fonctionnelles
ne manqueront pas de survenir très rapide-
ment dans le bâtiment. Or, dans cet exemple
précis, la porte est pourtant toujours bien
Figure 4.2. Dysfonction articulaire. posée sur ses gonds, elle « ne s’est pas dépla-
L’amplitude du mouvement articulaire cée » ; une photo pourrait en témoigner. Il
est limitée sur un ou plusieurs degrés de n’en reste pas moins vrai que cette porte
liberté du mouvement (d’après Kapandji). n’est plus fonctionnelle et ne répond donc
Le concept ostéopathique 33

corps vertébral

apophyse articulaire arc postérieur

apophyse transverse

disque intervertébral apophyse épineuse

Figure 4.3. La vertèbre repose sur un tripode composé des deux facettes articulaires
et du disque intervertébral.

plus à la mission pour laquelle elle a été la mobilité vertébrale qui sera affectée. C’était
posée à cet endroit ! également le cas dans l’exemple de la porte : si
Il en va de même pour une articulation : un des gonds est mal usiné ou mal lubrifié,
elle peut se figer sur une portion de sa mobi- l’ensemble de la fonction de la porte est défi-
lité ou, plutôt, sur une des composantes de sa cient.
mobilité articulaire. En revanche, elle est La pratique nous démontre que 99 % des
toujours bien « en place » ; cette articulation dysfonctions articulaires sont dus à une
est certes fixée, mais toujours dans le périmè- restriction de la mobilité physiologique,
tre de sa mobilité physiologique. contre seulement 1 % pour un petit déplace-
L’expression « avoir une vertèbre dépla- ment des structures ostéoarticulaires. Ces
cée » est donc un abus de langage, puisque ne déplacements varient en importance selon les
correspondant ni à la réalité anatomique, ni à forces qui ont été mises en œuvre. Les cas les
la réalité physiologique. plus extrêmes provoquent les déchirements
L’articulation intervertébrale est particu- ligamentaires ou capsulaires et de grosses
lière en ce sens qu’elle est constituée de trois dislocations. Il va sans dire qu’il ne s’agit plus,
points articulaires spécifiques : postérieure- dès lors, d’une dysfonction ostéopathique
ment, les deux articulations interarticulaires, mais d’une lésion anatomique nécessitant des
et antérieurement, le disque intervertébral soins orthopédiques appropriés.
(figure 4.3). Pour être complet, sachons qu’il existe
Si une de ces trois articulations est défi- quelques exceptions comme celle de la trans-
ciente, quelle qu’en soit la raison, c’est toute lation latérale de l’articulation du genou. Ce
34 Ostéopathie

mouvement n’est pas physiologique et peut trouvent une ou plusieurs autres articulations
donc être considéré comme un petit déplace- sur lesquelles les contraintes s’exercent. Ces
ment. contraintes additionnelles perturbent, à leur
tour, la qualité du mouvement physiologique
Dysfonction ostéopathique primaire articulaire, définissant ainsi une nouvelle
dysfonction ostéopathique qui sera, dans ce
La dysfonction ostéopathique « originelle » cas, qualifiée de « secondaire ».
est celle qui est responsable du déclenche- Une seule DOP peut générer plusieurs DOS
ment des réactions tissulaires (correctrices ou qui seront toutes situées à distance de la
adaptatrices). Elle est appelée dysfonction primaire.
ostéopathique primaire (DOP). Alors que la DOP résulte majoritairement
de la mise en œuvre de forces extérieures à
Mode d’apparition l’organisme (forces extrinsèques), la DOS est
D’un strict point de vue mécanique, une DOP une conséquence des forces d’origine intraor-
est, à de rares exceptions près, provoquée par ganique (forces intrinsèques).
des forces extérieures à l’organisme. Nous
sommes donc dans la configuration suivante : Chronologie
lors d’un choc, d’une chute, d’un effort brutal – L’action des forces extrinsèques (trauma-
ou prolongé, voire d’un accident, l’organisme tisme physique par exemple) déclenche la
encaisse des contraintes qui altèrent la qualité DOP.
du mouvement physiologique articulaire. La – La DOP engendre une ou plusieurs réac-
DOP est née ! tions tissulaires.
Mais les chocs physiques ne sont pas seuls – La réaction tissulaire matérialisée par le
responsables de la DOP ; les chocs émotion- lien muscle–tendon–ligament–fascia pro-
nels peuvent l’être tout autant lorsqu’il y a duit des forces intraorganiques qui engen-
une prostration, un harcèlement régulier, une drent à leur tour des contraintes aux inser-
tétanisation ou bien un mouvement de tions distales.
défense ou de fuite très brutal. – Celles-ci s’exercent alors sur des articula-
tions plus éloignées, influençant la qualité
Conséquences ou la quantité du mouvement articulaire
La DOP déclenche immanquablement une physiologique. C’est l’apparition de la
série de réactions tissulaires. Plus concrète- DOS.
ment, il s’agit d’une augmentation de la
tension de l’ensemble « muscles–tendons–li- Remarque
gaments–fascias » connexe à l’articulation
concernée. Nous étudierons plus précisément Comment faire la différence
toutes les caractéristiques de cette réaction entre une DOP et une DOS
tissulaire dans les prochains paragraphes. En présence d’une dysfonction ostéopa-
thique, l’ostéopathe doit pouvoir détermi-
Dysfonction ostéopathique ner s’il s’agit d’une DOP ou d’une DOS. En
effet, comme nous venons de le voir briè-
secondaire
vement, l’identité de ces deux dysfonc-
L’augmentation de la tension tissulaire maté- tions est très différente, tout comme le
rialise le lien mécanique responsable de sont, d’ailleurs, leurs modes d’apparition
l’apparition de la dysfonction ostéopathique et d’existence. Très logiquement, l’abord
secondaire (DOS). En effet, à l’autre extrémité thérapeutique sera également différent.
de ce lien mécanique (insertion distale), se Cela sensibilisera – c’est notre souhait –
Le concept ostéopathique 35

chaque thérapeute à l’importance primor- une articulation (un des piliers) aura une
diale que revêt le diagnostic ostéopathi- répercussion sur les deux autres.
que. De sa qualité dépendront celle du Plus spécifiquement, en raison de la
traitement, sa réussite mais aussi et morphologie des surfaces articulaires (facettes
surtout son innocuité. Nous reviendrons articulaires), les mouvements sont complexes
plus en détail sur ces aspects importants et multiaxiaux. Le mouvement de rotation de
dans le chapitre 6. la vertèbre sera donc en réalité la résultante
visible d’une combinaison de petits mouve-
ments des différentes facettes articulaires :
flexion d’un côté, extension de l’autre, incli-
Dysfonction ostéopathique naison latérale, etc.
vertébrale
Remarque
Généralités Un mouvement simple est toujours la
résultante de plusieurs petits mouve-
Toutes les articulations de l’organisme sont
ments conjugués sur différents axes de
susceptibles d’être dysfonctionnelles à un
mobilité. Dans le jargon ostéopathique, il
moment ou à un autre. Les articulations inter-
est courant d’entendre dire que « le
vertébrales n’échappent pas à cette règle ;
mouvement mineur gouverne le mouve-
nous y retrouverons donc les dysfonctions
ment majeur ».
déjà décrites : les DOP et les DOS.
Pour rappel, les articulations intervertébra- Cette réalité physiologique concerne
les sont physiologiquement particulières à également les articulations intervertébra-
plus d’un titre. C’est la raison pour laquelle, les. Nous y reviendrons plus en détail
lorsqu’elles sont dysfonctionnelles, le reten- dans les paragraphes suivants.
tissement sera différent de celui observé lors-
que la dysfonction concerne une articulation
périphérique.
■ Mobilité extrasegmentaire
Spécificités des articulations Le mouvement global d’une vertèbre engen-
intervertébrales dre obligatoirement un mouvement articu-
laire dans les niveaux sus- et sous-jacents. Il
Contexte ostéoarticulaire est donc impossible qu’une vertèbre puisse se
Très schématiquement, nous pouvons rappe- mouvoir isolément sans que les vertèbres sus-
ler les quelques points importants caractéri- et sous-jacentes se mobilisent à leur tour dans
sant ces particularités articulaires. des proportions variables.
L’ensemble des vertèbres posées les unes
■ Mobilité intrasegmentaire sur les autres forme le tube neural dont les
Comme nous l’avons déjà évoqué, la vertèbre qualités de résistance et de mobilité sont
repose sur un tripode composé postérieure- exceptionnelles (figure 4.5).
ment de deux piliers articulaires et antérieure- La complexité du mouvement de la facette
ment d’un pilier amortisseur (figure 4.4). Les articulaire prise isolément se trouve donc
trois articulations composant ce tripode sont démultipliée à chaque segment par un facteur
interdépendantes parce qu’elles sont mécani- trois puisque l’interrelation existant entre les
quement solidaires. Cela veut dire concrète- trois piliers articulaires est mécaniquement
ment que chaque infime mouvement dans indissociable.
36 Ostéopathie

A B

C D

Figure 4.4. Les différentes composantes de la mobilité du tripode vertébral : rotation (A),
flexion latérale (B), extension (C) et flexion antérieure (D).
Le concept ostéopathique 37

Figure 4.5. Vue d’ensemble de la complexité articulaire de la colonne vertébrale.

Remarque coordination motrice de mouvements extrê-


mement précis. Hélas, comme nous l’avons
L’articulation constituée par le disque déjà souligné, cela nous fait prendre cons-
intervertébral est une articulation passive cience des risques de dysfonctionnements
qui s’adapte aux contraintes subies. Cela articulaires liés à cette hyper spécificité tech-
n’empêche pas qu’elle soit considérée nique.
comme une véritable articulation,
puisqu’elle possède plusieurs axes de Contexte neurophysiologique
mobilité permettant notamment les
Cette structure articulée et fonctionnellement
mouvements de compression, de transla-
extrêmement évoluée protège la moelle
tion antéropostérieure, latérale et de
épinière ainsi que tous les tissus nobles qui lui
torsion.
sont associés (figure 4.6) :
– la dure-mère ;
– le liquide céphalorachidien ;
À cette complexité segmentaire s’ajoutent – les paires de nerfs rachidiens (fibres motri-
les mouvements induits aux autres étages ces, sensitives et neurovégétatives) ;
vertébraux. Sur la portion dorsale (ou thoraci- – les ganglions paravertébraux ;
que), les articulations costovertébrales jouent – l’ensemble du réseau artérioveineux.
à leur tour un rôle important dans la gestion La promiscuité des tissus nobles et des
de la mobilité segmentaire. éléments mécaniques articulés explique le
Très approximativement, cette enveloppe retentissement de la DOV localement, mais
tubulaire est ponctuée d’une centaine d’arti- aussi et surtout à distance. Cela est rendu
culations ayant chacune plusieurs degrés de possible par l’importance et la richesse des
liberté. Cela nous donne une idée de la réseaux de communications (les liens ostéo-
complexité de la structure mais cela laisse pathiques) situés dans la proximité immé-
surtout entrevoir l’ingénierie fonctionnelle diate (systèmes artérioveineux, neurologique
dont la très haute technicité rend possible la et neurovégétatif).
38 Ostéopathie

queue de cheval

ganglion spinal

nerf spinal processus articulaire supérieur

branche dorsale
branches articulaires
anneau fibreux

processus transverse

rameau médial de
la branche dorsale

rameau latéral de branche musculaire


la branche dorsale

A branche cutanée

arrière du corps

veines
dure-mère

périoste moelle épinière


liquide céphalo-
rachidien

gaine de la racine
nerveuse

nerf rachidien

trou transversaire

B corps vertébral

Figure 4.6. Schéma général d’un segment vertébral.


Le concept ostéopathique 39

De surcroît, la probabilité de trouver une laire. Il s’agit donc clairement d’un méca-
DOV, qu’elle soit primaire ou secondaire, est nisme d’autoguérison (figure 4.7).
nettement plus élevée que sur une articula- – Lorsque ces mécanismes physiologiques
tion périphérique qui est, du strict point de perdurent, le processus inflammatoire local
vue de l’ingénierie mécanique, nettement peut évoluer ; l’œdème local augmente au
moins perfectionnée et donc moins sujette point de comprimer les tissus avoisinants et,
aux petites blessures et autres incidents tech- plus tardivement, la fibrose des tissus altérés
niques articulaires ! s’installe progressivement. La présence de
tissus fibrosés périarticulaires est un indica-
Symptomatologie teur très utile pour le thérapeute concernant
de l’accident articulaire aigu l’âge de la dysfonction concernée.
En raison de sa grande proximité avec un
Dans les paragraphes suivants, nous étudie-
réseau de communications (les liens ostéopa-
rons plus en détail les mécanismes mis en
thiques qui empruntent tous des voies anato-
œuvre par l’organisme pour traiter la dysfonc-
miques, physiologiques ou mécaniques), une
tion, c’est-à-dire pour limiter, réduire ou
DOV est le point de départ ou, au contraire, le
supprimer ses conséquences fonctionnelles.
point d’aboutissement d’une foule d’informa-
Tout comme pour une dysfonction ostéopa-
tions d’ordre neurohormonal dont le retentis-
thique périphérique, les DOV peuvent survenir
sement dans l’organisme entier mérite que
d’une manière imperceptible, conséquence de
l’on s’y intéresse succinctement. Ce sera
la mise en place très lente des phénomènes
l’objet de quelques réflexions basiques dans
provoquant la dysfonction elle-même. Nous
les deux paragraphes suivants.
avons cité, comme exemple, le maintien
corporel inadapté lors d’un travail. Les consé- Dysfonction ostéopathique
quences de cette DOV seront peu invalidantes
et la symptomatologie rarement locale.
vertébrale centrifuge
En revanche, la symptomatologie de l’acci- En raison de la proximité immédiate de tous
dent articulaire aigu (par exemple le syn- les tissus nobles, la blessure articulaire au
drome facettaire aigu, survenant au niveau de niveau vertébral (DOV) devient très rapide-
L5–S1) sera immédiate ou presque, et locali- ment le point de départ d’une cascade de réac-
sée ; elle évoluera généralement selon la chro- tions physiologiques ou pathologiques pou-
nologie suivante. vant diffuser dans l’organisme tout entier.
– La contracture des petits muscles périarti- Les moyens de transmission sont toujours les
culaires survient dès que la dysfonction mêmes, à savoir le lien mécanique, le lien
apparaît. S’il fallait absolument trouver neurologique et le lien fluidique, ces deux
une finalité à ce mécanisme, nous serions derniers étant physiologiquement inter-
tentés de dire qu’il s’agit de la mise en place dépendants.
d’une contention naturelle destinée à pro- L’importance de la DOV centrifuge est très
téger l’articulation blessée et, surtout, les variable en terme de gradation lésionnelle ;
tissus nobles périarticulaires de toute cela va de la « négligeable » petite restriction
aggravation immédiate. de mobilité à la véritable subluxation articu-
– Une fois cette première phase mise en laire, appelée plus communément « entorse
place, tout risque d’aggravation étant vertébrale ».
écarté, les muscles longs entrent en action.
La résultante des forces mises en jeu par ces Éléments fluidiques
muscles situés à distance de la dysfonction (neurologiques et vasculaires)
articulaire (bras de levier favorable) va dans Les tensions tissulaires associées à la DOV irri-
le sens de la correction de la blessure articu- tent les petites racines nerveuses et les gan-
40 Ostéopathie

carré des lombes

muscle inter-transversaire
des lombes L5

Figure 4.7. Illustration schématique du syndrome facettaire aigu


au niveau lombaire bas.
Le concept ostéopathique 41

glions au point d’en modifier l’activité électri- étroit entre le trou de conjugaison et la racine
que dans le sens de l’inhibition ou, au nerveuse que celle-ci se « coinçait » ou
contraire, de l’excitation neuronique. Sont « s’écrasait » par un contact osseux direct.
concernées quelques fibres nerveuses ou bien Aujourd’hui, nous avons compris que cette
la totalité du nerf. En fonction de la nature vision des choses ne correspondait pas à la
des fibres nerveuses, le tableau clinique varie. réalité anatomique. La présence de la dysfonc-
L’atteinte des faisceaux sensitifs provoque tion ostéopathique au niveau vertébral suffit à
la célèbre névralgie (sciatalgie ou cruralgie par expliquer les troubles fonctionnels perçus
exemple), mais aussi les paresthésies, les localement ou à distance. Dans cette configu-
hyperesthésies ou, plus graves encore, les ration, une infime restriction de la mobilité
anesthésies des territoires dépendant de articulaire peut déclencher la pathologie.
l’innervation de ces fibres. Pourtant, il existe des cas, souvent sévères,
L’atteinte des fibres motrices est responsa- pour lesquels l’élément structurel lui-même
ble des anomalies fonctionnelles de la motri- est à l’origine de la pathologie et de l’altéra-
cité : contractures musculaires, perte de force tion locale des tissus environnants. C’est
ou de vitesse de réaction, diminution ou l’exemple bien connu – et si souvent redouté –
exacerbation des réflexes neuromusculaires des ostéophytes qui exercent une compres-
et, enfin, en suivant l’échelle de gradation des sion directe sur un élément neurologique ou
symptômes, la paralysie. vasculaire.
Lorsque c’est le système neurovégétatif Abstraction faite de ce tableau dégénératif
(sympathique) qui subit les affres de la DOV, classique, d’autres situations s’observent régu-
une foule de conséquences parfois insoupçon- lièrement. En effet, la DOV peut revêtir la
nées seront observées (ou pas !). Parce que ce forme d’une réelle blessure articulaire. Les réac-
système régule notamment la vascularisation tions tissulaires associées peuvent directement
locale, celle des nerfs eux-mêmes et celle des irriter, étirer ou comprimer un nerf, une racine,
différents tissus et organes dépendant du un ganglion ou encore le réseau d’artérioles ou
niveau concerné, une quantité invraisemblable de veinules. De plus, le tableau inflammatoire
de troubles neurologiques, hormonaux, circu- se développant, l’œdème local est souvent la
latoires ou fonctionnels pourra apparaître. cause de compression des tissus nobles avoisi-
Ce petit rappel anatomophysiologique nants. Ce tableau est souvent présent dans le
élémentaire permet de mieux cerner les cas des accidents mettant en jeu d’importantes
conséquences locales et à distance d’une forces : whiplash ou encore syndrome facet-
DOV. Le rayonnement dysfonctionnel vers taire aigu, déjà cité en exemple.
des tissus cibles se faisant au départ de la Enfin, nous ne pouvons évidemment pas
vertèbre, cette DOV est appelée « centrifuge » passer sous silence la célèbre hernie discale
(figure 4.8). qui représente l’exemple type de la compres-
La DOV centrifuge est majoritairement sion mécanique d’un élément neurologique
primaire. Elle est la conséquence d’un trauma- par une structure dysfonctionnelle.
tisme, d’une activité physique inadaptée (les
« faux mouvements ») ou d’une posture
prolongée. Plus globalement, elle résulte
Remarque
d’une carence d’adaptation aux contraintes Dysfonction primaire ?
liées aux forces gravitationnelles.
Ces blessures ou dysfonctions articulaires
majeures, mettant directement en jeu les
Élément mécanique éléments structuraux, doivent-elles être
Il est loin le temps où les premiers vertébro- considérées comme des dysfonctions
thérapeutes imaginaient un rapport tellement primaires dans le sens ostéopathique du
42 Ostéopathie

Figure 4.8. À partir de la dysfonction ostéopathique vertébrale centrifuge se diffusent


les informations neurohormonales vers les différents tissus périphériques de l’organisme.

terme ? En dehors des traumatismes (au point d’en déformer la structure). Il


qualifiés (écrasements, fractures, tasse- en va de même pour le disque interverté-
ments, arrachements, etc.), nous ne le bral, élément structurel dynamiquement
pensons pas. En effet, les phénomènes inerte, dont le rôle consiste presque
arthrosiques sont en réalité une consé- exclusivement à amortir les contraintes de
quence – voire une adaptation à – forces à la manière d’un amortisseur clas-
d’autres phénomènes dysfonctionnels sique. Dans ce cas aussi, nous pensons
(mis à part des pathologies avérées : que la hernie discale n’est que la consé-
rhumatismales, inflammatoires, dégénéra- quence d’une dysfonction et non pas sa
tives ou métaboliques) ayant généré une cause ; à ce titre, elle fait donc partie des
augmentation des contraintes articulaires dysfonctions ostéopathiques secondaires.
Le concept ostéopathique 43

Dysfonction ostéopathique Réactions tissulaires


vertébrale centripète
Généralités
Un segment neurologique vertébral collecte
les informations neurologiques (toujours sous Abstraction faite de l’intervention pratiquée
la forme d’influx électriques) en provenance dans le cadre préventif, le rôle thérapeutique
des tissus périphériques. Très logiquement, ultime consiste à administrer ou appliquer un
lorsqu’une dysfonction ostéopathique existe traitement spécifique, approprié, ciblé et
en périphérie, l’activité électrique augmente proportionné.
au niveau segmentaire collecteur, au point de Ces mots simples, évidents, cachent en
provoquer un dépassement du seuil de la réac- réalité une énorme connaissance, une grande
tivité. expérience et beaucoup de savoir-faire. Autre-
Historiquement qualifiée de « facilité » par ment dit, un thérapeute doit connaître et
le Pr I. Korr (neurophysiologiste), la capacité comprendre tous les mécanismes physiologi-
de filtration des influx infraliminaires de ce ques ou pathologiques ayant permis à l’orga-
segment neurologique diminue. À cet instant, nisme de résister à la pathologie, de la
le moindre petit influx additionnel pourra combattre, de la vaincre ou de s’y adapter.
provoquer une réponse d’ordre neurohormo- La connaissance scientifique fondamentale
nal parasite qui sera distribuée en direction du (anatomie, physiologie, pathologie, etc.) four-
réseau périphérique. nit au thérapeute les outils nécessaires pour
Or, les influx sont extrêmement nombreux poser le diagnostic, préambule à la prescrip-
et constants parce qu’un segment neurologi- tion du remède ou à l’application du traite-
que (au niveau vertébral) est un carrefour où ment approprié.
transitent à la fois : Pour bien comprendre les pages suivantes,
un bref rappel d’une notion importante de la
– les communications horizontales en rap-
physiologie élémentaire est nécessaire. En
port avec les tissus périphériques dépen-
effet, parmi toutes les caractéristiques définis-
dant neurologiquement du segment ;
sant la vie, il en est une qui nous intéresse plus
– les communications verticales en rapport
particulièrement dans le cadre de ce chapitre :
avec les segments neurologiques supérieurs
sa capacité de se protéger des agressions issues
et inférieurs.
des environnements externe ou interne
Un segment facilité distribue des ordres (notamment la gestion des déchets métaboli-
erronés se caractérisant localement mais ques). L’homéostasie et l’allostasie sont bien
surtout à distance par des troubles neurohor- connues puisqu’elles ont été étudiées, démon-
monaux de toute nature : moteurs, sensitifs, trées et expliquées essentiellement dans les
vasculaires, neurovégétatifs, etc. domaines de la biochimie et de la physiologie
Généralement, la facilitation d’un segment générale, depuis fort longtemps. Ces mécanis-
neurovertébral est la conséquence d’une ou mes permettent de garantir le maintien, dans
de plusieurs DOP situées en périphérie. des normes physiologiques, d’une foule de
Cette dysfonction ostéopathique verté- paramètres biologiques vitaux.
brale est qualifiée de « centripète » dans le
jargon ostéopathique, parce qu’elle répercute Définitions : homéostasie et allostasie
le désordre neurologique vers les tissus péri-
phériques (figure 4.9). Pour être complet, il est ■ Homéostasie
intéressant de comprendre que ces DOV Considéré comme le fondateur de la méde-
centripètes sont logiquement, et à quelques cine expérimentale, Claude Bernard (1813-
exceptions près, des DOS, contrairement aux 1878), physiologiste français, a décrit un
DOV centrifuges. nouveau concept :
44 Ostéopathie

Figure 4.9. La dysfonction ostéopathique vertébrale centripète recueille et focalise les influx
neurohormonaux en provenance des tissus périphériques.
Le concept ostéopathique 45

paramètres physiologiques

fourchette de référence

temps

Figure 4.10. Représentation graphique du mécanisme de l’homéostasie.

Tous les mécanismes vitaux, quelque variés tenues dans des limites étroites parce que des
qu’ils soient, n’ont toujours qu’un but, celui de ajustements automatiques, à l’intérieur du
maintenir l’unité des conditions de la vie dans le système, entrent en action et que de cette façon
milieu intérieur1. sont évitées des oscillations amples, les condi-
tions internes étant maintenues à peu près cons-
Mais le mot « homéostasie » a été proposé tantes. Les réactions physiologiques coordon-
par le physiologiste américain Walter Brad- nées qui maintiennent la plupart des équilibres
ford Cannon (1871-1945) à partir de deux dynamiques du corps sont si complexes et si
mots grecs : particulières aux organismes vivants qu’il a été
suggéré qu’une désignation particulière soit
– stasis (état, position) ; employée pour ces réactions : celle d’homéo-
stasie2.
– homoios (égal, semblable à). Parce qu’elle permet de maintenir stables
Cannon définit ainsi la stabilisation des les différents paramètres vitaux de l’orga-
états permettant les processus biologiques de nisme, l’homéostasie est un mécanisme bio-
la vie : logique indispensable à la survie, et ce
malgré « l’instabilité » de l’environnement
Les êtres vivants supérieurs constituent un
(figure 4.10). Didactiquement, l’exemple du
système ouvert présentant de nombreuses rela-
tions avec l’environnement. Les modifications maintien de la température corporelle est
de l’environnement déclenchent des réactions certainement le plus illustratif, mais bien
dans le système ou l’affectent directement, abou- d’autres paramètres (chimiques, biochimi-
tissant à des perturbations internes du système. ques, énergétiques, etc.) sont régulés suivant
De telles perturbations sont normalement main- le même protocole opérationnel. Très logique-

1. Claude Bernard, Introduction à l’étude de la médecine 2. Walter Bradford Cannon, La Sagesse de l’organisme,
expérimentale, 1865. 1932.
46 Ostéopathie

ment, un dysfonctionnement de ces mécanis- carence ou d’excès. Notons qu’à ces forces
mes régulateurs deviendra rapidement une d’origine extrinsèque supportées par l’orga-
source pathogène. nisme et résultant du contexte gravitationnel
viennent s’ajouter les forces intrinsèques,
■ Allostasie issues de l’activité motrice. Nous y revien-
Alors que l’homéostasie définit l’ensemble des drons plus en détail dans le chapitre 5.
mécanismes actifs concourant au maintien L’étude de l’influence des forces et des
d’un équilibre préexistant, situé entre deux contraintes qu’elles engendrent a été moins
limites physiologiques et définies, l’allostasie soutenue que celle des autres paramètres
concerne la mise en place de mécanismes chimiques ou biochimiques soumis au poten-
ayant élaboré un nouvel équilibre dans l’orga- tiel homéostasique de l’organisme vivant.
nisme. Cela se produit à la suite d’agressions Dans ce chapitre, nous décrirons très
– mot pris dans son sens large : ce sont les globalement les mécanismes mis en œuvre
facteurs extrinsèques qui déterminent la par l’organisme pour équilibrer, réduire ou
réponse – ou de réactions dépassant le cadre amortir l’impact destructeur des forces en
de la fonction physiologique : attaques présence. Il s’agit en effet d’une introduc-
d’ordre immunitaire, désordres structurels tion et non d’une étude systématique de
irréversibles ou traumatismes. tous les mécanismes existant aux différents
niveaux organiques. Le lecteur pourra ainsi
Adaptation aux forces extrinsèques observer un parallélisme surprenant avec les
mécanismes homéostasiques qu’il connaît
La régulation multifactorielle des fonctions
déjà bien.
(biochimiques, biologiques, physiologiques,
Nous verrons aussi comment l’organisme
etc.) ne suffit évidemment pas à garantir le
s’y prend pour réagir rapidement et exception-
potentiel vital de l’organisme. D’autres
nellement lorsqu’une force extérieure brutale
éléments interviennent dans ce rapport à la
menace son intégrité ou abîme certains tissus
vie et l’influencent qualitativement. Parmi
cibles. Ici encore, la comparaison avec les
ceux-ci, citons les éléments physiques et plus
phénomènes allostasiques, bien connus en
particulièrement mécaniques. Pour rappel,
physiologie classique, est intéressante.
l’être vivant constitue un système ouvert où
tous les types d’échanges et d’interactions se
produisent (micro-organismes, éléments Conclusion
chimiques, radiations, forces et contraintes). L’organisme est un système ouvert permet-
Nous vivons sur Terre ; par conséquent, tant les échanges avec son environnement.
nous sommes soumis aux forces gravitation- Qui dit échanges dit aussi modifications du
nelles. Nous formons un élément de cet milieu. Grâce au système d’ajustement auto-
ensemble universel où forces, contraintes et matique, les paramètres contrôlés sont main-
pressions de toutes sortes agissent en perma- tenus entre des seuils étroits et définis. Ces
nence. ajustements sont constants et minimes. Ils
Ces forces extrinsèques s’appliquent sur interviennent dès que la moindre variation
tous les corps, y compris les vivants : ils s’y du paramètre se manifeste (figure 4.11). Agis-
sont adaptés avec ingéniosité. L’adaptation à sant de la sorte « à la dérivée » de la fonction,
ces forces subies et la protection à l’égard de ce mécanisme évite les plus amples oscilla-
celles-ci constituent un paramètre qui doit tions préjudiciables.
être régulé au même titre qu’une concentra- Que les paramètres devant être équilibrés
tion ionique ou une température. soient biochimiques, immunitaires, physi-
Un contrôle inadapté de la gestion des ques ou mécaniques, l’organisme utilise tou-
forces subies entraînera des pathologies de jours la même logique opérationnelle.
Le concept ostéopathique 47

Figure 4.11. De très fréquentes petites


corrections évitent les grosses fluctuations
tardives, préjudiciables et énergivores.

Tensions tissulaires induites

Rappels élémentaires

■ Mobilité articulaire
Figure 4.12. Le muscle strié est un moteur
Par définition, une articulation doit être
mobile. Le moteur du mouvement est le
linéaire travaillant en traction.
muscle. Il fonctionne à la manière d’un
moteur linéaire (figure 4.12). Travaillant en
traction, il est intégré au système articulaire. Les ostéopathes ont l’habitude de dire que « le
mouvement mineur conditionne le mouve-
Physiologiquement, une articulation est ment majeur ».
sous le contrôle de plusieurs muscles. Ces L’exemple le plus parlant est probablement
derniers sont autant de vecteurs du mouve- celui de la cheville (figure 4.14). Pour que le
ment sur les différents axes de la mobilité mouvement majeur de flexion-extension soit
articulaire (figure 4.13). possible, une foule de petits mouvements
Une articulation a généralement plusieurs mineurs doivent se produire au niveau de
axes de mobilité : flexion-extension, rotation l’articulation péronéo-tibiale inférieure.
interne ou externe, translation, etc. Ces diffé- L’implication pratique de cette réalité
rents mouvements, même extrêmement physiologique est évidente pour l’ostéopathe :
réduits en amplitude, se produisent simulta- vérifier la qualité d’un mouvement mineur
nément ou chronologiquement. Il y a des avant de tirer la moindre conclusion concer-
mouvements mineurs, presque insignifiants, nant le mouvement majeur.
et des mouvements majeurs. Le mouvement Afin que chaque axe de la mobilité physio-
observé est une combinaison de plusieurs logique de l’articulation soit exploré, plu-
mouvements, mineurs et majeurs, effectués sieurs muscles doivent donc entrer en action
sur différents axes de la mobilité de la ou des séparément, simultanément ou chronologi-
articulations. Bien qu’extrêmement réduits, quement.
les mouvements mineurs conditionnent la Les muscles moteurs de l’action sont appe-
qualité ou la quantité du mouvement réalisé. lés « agonistes ». Les muscles opposés au sens
48 Ostéopathie

■ Mobilisation articulaire active


L’articulation est sous le contrôle de tous les
muscles qui la mobilisent. Lorsqu’un ordre de
mouvement est donné par le système nerveux
central (ordre volontaire), le muscle mobilisa-
teur augmente sa tension et provoque la
mobilisation de l’articulation (figure 4.15).
Simultanément, les autres muscles se relâ-
chent suffisamment de manière à permettre le
mouvement souhaité tout en gardant une
tension de sécurité utile pour le contrôle arti-
culaire ou pour guider le mouvement.

■ Mobilisation articulaire passive


Contrairement au cas décrit précédemment,
une force extérieure au système musculo-
articulaire peut mobiliser une articulation. Ce
mouvement « subi » est qualifié de « passif ».
Dans ce cas, l’activité musculaire est :
– soit nulle, afin de permettre l’exécution du
mouvement très librement et en toute
confiance ;
– soit contrôlée, afin de contrer ou de
contrôler les forces mobilisatrices.
Ce second cas de figure permet une protec-
tion efficace de l’articulation (figure 4.16).
Dès que la force extrinsèque agit, les muscles
Figure 4.13. Les différents vecteurs interviennent plus ou moins rapidement et
de la mobilité globale de la cheville plus ou moins puissamment. En cas de défec-
(d’après Kapandji). tion de ce mécanisme physiologique placé
sous le contrôle du système nerveux central
(intervention tardive ou insuffisante), l’acci-
du mouvement sont appelés « antagonistes ». dent articulaire est inévitable. L’entorse arti-
Grâce au contrôle exercé par le système culaire est une parfaite illustration de cette
nerveux, lorsqu’un muscle travaille, le muscle carence qualitative ou quantitative dans
antagoniste se relâche, se contentant alors l’intervention musculaire protectrice.
d’adapter sa longueur entre les deux points
d’insertion. Ce système économique en éner-
Caractéristiques
gie permet d’exécuter en sécurité un mouve-
ment plus rapide et plus précis, tout en limi-
tant les contraintes extra- et intra-articulaires. ■ Tensions de repos
Dans les paragraphes suivants, nous décrirons
Ce mécanisme adaptatif permet, grâce aux le comportement des tissus périarticulaires
propriocepteurs, un excellent contrôle articu- d’une articulation au repos dans deux cas :
laire par chacun des muscles ayant une action lorsqu’elle est saine ou lorsqu’elle est en
motrice sur l’articulation concernée. dysfonctionnement.
Le concept ostéopathique 49

flexion dorsale

Figure 4.14. Les mouvements mineurs d’écartement, d’élévation et de rotation interne


de la malléole externe conditionnent qualitativement et quantitativement le mouvement
majeur de flexion de la cheville (d’après Kapandji).

Figure 4.15. Lors de la mobilisation active du segment articulaire par le muscle moteur,
les muscles antagonistes adaptent leur longueur de manière à guider le mouvement
ou à le sécuriser.
50 Ostéopathie

muscle long fibulaire latéral

Figure 4.16. Dès qu’un mouvement passif survient, les muscles se contractent immédiatement
pour contrôler le mouvement et limiter son amplitude.

Comportement des tissus périarticulaires – induisent le mouvement articulaire


lorsque l’articulation est saine (mouvement actif) ;
– contrôlent et freinent le mouvement arti-
Lorsqu’une articulation parfaitement fonc- culaire (mouvement passif) de manière à
tionnelle (tous les axes de mouvement sont protéger l’articulation.
parfaitement libres) est au repos, la tension
dans les différents haubans tissulaires (fascias, Comportement des tissus périarticulaires
muscles, tendons) est celle existant lorsqu’ils lorsque l’articulation est dysfonctionnelle
sont au repos. Cette tension est quasi nulle
Si l’articulation présente la plus infime ano-
dans chacun des haubans musculotissulaires
malie structurelle (dysfonction ostéopathi-
(figure 4.17).
que), les tensions tissulaires périarticulaires
Les tissus sont relâchés et placés en état de surviennent et persistent même lorsque l’arti-
veille. Ils sont prêts à exécuter la commande culation est au repos (figure 4.18).
motrice qui ne tardera pas. Lorsqu’ils se L’unique but de cette activité tissulaire est
contractent, les muscles : d’exercer une force correctrice destinée à
Le concept ostéopathique 51

direction des
tensions tissulaires

Figure 4.17. Les tensions tissulaires sont équilibrées lorsque l’articulation au repos est saine.

réduire le trouble articulaire structurel. Ce Très schématiquement, si l’articulation est


but est atteint lorsque la guérison est fixée en position de flexion, ce sont les
complète. Ces réactions tissulaires, consé- muscles extenseurs qui exercent la force
quences de la dysfonction ostéopathique nécessaire pour corriger la dysfonction.
articulaire, sont – bien qu’apparemment insi- Ainsi, lorsqu’une articulation est dysfonc-
gnifiantes – un véritable outil thérapeutique. tionnelle, la tension de certains tissus périarti-
Pour rappel, elles sont présentes même lors- culaires augmente. Ces tissus, appelés égale-
que l’activité de l’organisme est au repos. En ment haubans actifs, produisent une force
revanche, elles ne sont que très rarement correctrice destinée à contrer celles qui figent
perceptibles par le patient lui-même, sauf l’articulation : la résultante de cette force
dans quelques cas que nous décrirons dans correctrice a la même direction, mais est de
les pages suivantes. sens contraire.
52 Ostéopathie

autres, quoique passifs, adaptent leur lon-


gueur à la nouvelle distance existant entre les
deux points d’insertion. Sans cette adapta-
tion, le muscle passif, c’est-à-dire celui qui ne
joue pas un rôle actif dans le mécanisme de la
correction de la dysfonction articulaire, serait
relativement détendu et aurait une tonicité
insuffisante pour continuer à exercer un rôle
proprioceptif utile (figure 4.19).
direction des Il est important que ce mécanisme correc-
tensions tissulaires teur se déroule rapidement. Dans le cas
contraire, le muscle passif se fige dans cette
« position raccourcie » génératrice de fibroses
intratissulaires de plus en plus importantes
au fur et à mesure que le temps s’écoule (fi-
gure 4.20). Dans ces conditions défavorables,
le muscle perd ses qualités d’élasticité et donc
aussi de motricité : il se fibrose. Rappelons que
les ligaments n’ont qu’un très faible pouvoir
contractile et ne transmettent les tensions que
lorsqu’ils subissent une traction directe.

■ Intensité des tensions tissulaires


correctrices
Une question se pose : quelle est l’importance
quantitative (en valeur absolue) des tensions
autocorrectrices ? Chaque ostéopathe aura
sans aucun doute constaté que, lorsque la
dysfonction articulaire est réduite, les
tensions musculaires sont insignifiantes, pres-
Figure 4.18. Même si l’articulation demeure que imperceptibles. En revanche, si la blessure
au repos, en présence d’une dysfonction articulaire est importante ou brutale, les
articulaire, les tensions périarticulaires, réponses tissulaires le seront également.
ne sont plus équilibrées. Les réactions tissulaires sont proportion-
nelles à l’importance de la dysfonction articu-
laire. Plus la perturbation dans la structure
■ Tensions tissulaires d’adaptation articulaire est marquée, plus la fonction de
cette articulation est perturbée et plus les
Dans le paragraphe précédent, nous nous tensions tissulaires autocorrectrices sont
sommes intéressés au hauban « correcteur », importantes.
c’est-à-dire celui qui, en se raccourcissant acti- Ce phénomène de réaction proportionnée
vement, produit la force nécessaire pour corri- est illustré adéquatement par le ressort tendu
ger la dysfonction articulaire. entre deux points fixes.
Rappelons qu’une articulation est sous le Plus le nombre d’anneaux comprimés est
contrôle de plusieurs haubans musculaires. élevé, plus les forces de rappel exercées par
Pendant que le hauban « correcteur » s’appli- les autres anneaux seront importantes (fi-
que à réduire la dysfonction articulaire, les gure 4.21).
Le concept ostéopathique 53

Figure 4.19. Fort logiquement, lorsque Figure 4.20. Le muscle s’adapte


les insertions se rapprochent, le muscle à la variation de la distance existant
se trouve relativement détendu. entre les deux points d’insertion.

Revenant à notre modèle physiolo- Dans le cas du ressort, les deux points
gique, plus la restriction de mobilité arti- d’insertion supportent sans difficulté cette
culaire (beaucoup d’anneaux du ressort augmentation de tension.
sont comprimés) est marquée, plus fortes En revanche, pour l’organisme, l’augmenta-
seront les réactions tissulaires sus- et sous- tion de tension des tissus accroît les contrain-
jacentes. tes de forces au niveau des insertions distale et
54 Ostéopathie

proximale. Que ces contraintes soient faibles


ou au contraire très importantes, c’est surtout
le facteur temps qui aura un effet destructeur
sur la structure, au niveau du point d’applica-
tion des forces (les zones d’insertion).
Lorsqu’une force s’applique sur un corps,
elle le met en mouvement pour autant
qu’elle soit supérieure aux forces de friction.
De cette manière, la structure du corps est
préservée. Si le corps ne peut pas se mouvoir
(les forces de résistance sont supérieures aux
Figure 4.21. Les forces de rappel forces motrices), les structures s’altèrent. Ce
augmentent lorsque l’on comprime phénomène est surtout vrai lorsque le corps
quelques anneaux d’un ressort tendu est vivant (figure 4.22).
entre deux points fixes. Cette modification structurelle est d’autant
plus marquée que les forces en présence sont
importantes. Ce phénomène touche les deux

A B

Figure 4.22. Dans un organisme vivant, lorsque les forces de résistance (ou de frottement)
sont supérieures aux forces motrices, la structure se déforme.
Le concept ostéopathique 55

Tensions tissulaires autocorrectrices


Pour rappel, une dysfonction ostéopathique
induit des tensions tissulaires périarticulaires.
Parce que les forces en présence sont orientées
dans le sens opposé à celles qui fixent l’articu-
lation, nous pouvons affirmer que les
tensions tissulaires ont un rôle correcteur. Les
tensions tissulaires induisent des forces auto-
correctrices.
Nous incluons dans l’adjectif « tissulaire »
le fascia, le muscle, son tendon et, le cas
échéant, le ligament.

Modes d’apparition

A B ■ Généralités
La relation de cause à effet existant entre la
Figure 4.23. Dans le cas de la pathologie dysfonction ostéopathique et les réactions
d’Osgood-Schlatter, la tension exercée tissulaires est une particularité très importante
par le tendon sous-rotulien déforme de la pensée médicale ostéopathique. À ce
la structure de la protubérance tibiale. jour, elle n’est que très rarement enseignée
dans les facultés de médecine allopathique qui
semblent négliger cette réalité physiologique.
points d’insertion du muscle. Les effets obser- Comment une tension tissulaire réaction-
vés sont nombreux et graduels. Cela va de la nelle apparaît-elle et comment va-t-elle
simple calcification (en réponse à un phéno- évoluer au cours du temps ? La réponse à cette
mène inflammatoire) du tendon (épine calca- question est importante puisqu’elle condi-
néenne) à l’arrachement osseux lorsque les tionne la procédure diagnostique dont dépen-
forces en présence sont nettement plus dra le geste thérapeutique.
importantes. Pour mieux visualiser le mode d’apparition
et l’évolution au cours du temps de la tension
Cas particulier :
tissulaire, nous utiliserons le graphique repré-
la pathologie d’Osgood Schlatter
senté à la (figure 4.24).
Un exemple fréquent est celui de la patho-
logie d’Osgood Schlatter. Elle touche les ■ Apparition instantanée
adolescents généralement sportifs chez qui la
protubérance tibiale antérieure est encore Conséquence d’un traumatisme brutal et
insuffisamment ossifiée. Les sollicitations violent, la réaction tissulaire est immédiate et
violentes du muscle quadriceps et, surtout, les dépasse instantanément le seuil de la réponse
mécanismes autocorrecteurs (par exemple lors symptomatique (figure 4.25). La douleur est
de la mise en tension prolongée du muscle intense.
quadriceps dans le mécanisme autocorrecteur L’illustration typique est l’accident mettant
d’une dysfonction iliaque postérieure) finis- en jeu une grande quantité d’énergie : acci-
sent par altérer la structure tibiale au point dent de voiture, accident sportif, agression
d’antérioriser la tubérosité (figure 4.23). physique.
56 Ostéopathie

tension tissulaire

100% seuil de réponse


symptomatique

temps

Figure 4.24. Dans la zone A seront représentées les tensions tissulaires asymptomatiques
(non douloureuses). Les tensions perçues par le patient (elles sont douloureuses)
seront représentées dans la zone B du graphique. Les deux zones sont séparées
par une limite virtuelle représentant le seuil de la douleur.

tension tissulaire

100% seuil de réponse


symptomatique

temps

Figure 4.25. À la suite d’un violent traumatisme,


la tension tissulaire survient presque instantanément.
Le concept ostéopathique 57

■ Apparition lente totale réussite (figure 4.30). Toute trace de


Les tensions tissulaires augmentent lente- cette blessure articulaire a disparu de la
ment et plus progressivement (figure 4.26). « mémoire tissulaire ».

Évolution dans le temps


■ Tensions résiduelles Chaînes tissulaires
L’allure de cette courbe (figure 4.27) illustre le réactionnelles
cas de la dysfonction articulaire que l’orga-
nisme n’a pas pu entièrement éliminer. La Concept
tension résiduelle perçue étant la signature
d’un vestige de ce trouble fonctionnel articu- Nous avons vu en début de chapitre qu’une
laire, elle constitue un élément marquant de dysfonction articulaire (DOP) pouvait en
la « mémoire tissulaire ». entraîner une autre (DOS). Plusieurs types de
liens relient ces deux dysfonctions. Dans le
cadre de cette étude, nous nous limiterons à
■ Des traumatismes répétitifs
citer le lien mécanique formé par le hauban
Les tensions tissulaires régressent dès l’arrêt tissulaire comprenant le muscle, son fascia et
des sollicitations (figure 4.28A). Malgré le son tendon. Maillon par maillon, ce méca-
repos observé, les tensions résiduelles sont nisme d’exportation de la dysfonction articu-
toujours bien présentes (figure 4.28B) : elles laire construit une chaîne appelée chaîne
sont en réalité le témoignage explicite d’une tissulaire réactionnelle (CTR). Chaque mail-
ancienne blessure articulaire ou tissulaire lon de cette CTR assure une partie de l’effort
insuffisamment guérie : les nouvelles sollicita- correcteur de la DOP.
tions mécaniques réactivent les tensions tissu-
laires. Autrement dit, la globalité de l’effort auto-
correcteur des tissus se répartit en une succes-
■ Réaction tissulaire silencieuse sion de plusieurs segments ou maillons,
disposés en série (figure 4.31).
Cet exemple est une belle illustration de la
mise en œuvre des mécanismes autocorrec- Les mécanismes physiologiques que nous
teurs de la dysfonction articulaire. Les venons de décrire très superficiellement sont
tensions tissulaires sont infraliminales et, une illustration concrète des trois principes de
donc, aucune réponse symptomatique ne se l’ostéopathie (voir chapitre 3). En effet, la
manifeste. Les tensions tissulaires restent structure articulaire conditionne la qualité de
muettes, c’est-à-dire non douloureuses (fi- sa fonction (premier principe). Si celle-ci est
gure 4.29). perturbée, les forces autocorrectrices en
présence (deuxième principe) ont un retentis-
■ Les tensions tissulaires disparaissent sement dans l’organisme entier (troisième
de la « mémoire tissulaire » principe).
Le seuil de la réponse symptomatique n’est L’organisation sans relâche, si discrète et
que tardivement dépassé. C’est seulement à ce tellement efficace, des CTR réalise un
moment-là que la symptomatologie subjec- immense travail autocorrecteur grâce auquel
tive apparaît : le patient souffre ! Ensuite, les une multitude de petites dysfonctions articu-
tensions tissulaires diminuent au point de laires ne deviennent pas invalidantes. Pour-
disparaître complètement. Les mécanismes tant, ces mécanismes, aussi importants
autocorrecteurs mis en œuvre par l’organisme soient-ils, ne sont que rarement ressentis par
sous le contrôle du système nerveux sont une le patient lui-même.
58 Ostéopathie

tension tissulaire

100% seuil de réponse


symptomatique

temps

Figure 4.26. L’augmentation de la tension tissulaire est progressive.

tension tissulaire

100% seuil de réponse


symptomatique

temps

Figure 4.27. Malgré le travail autocorrecteur intense,


une tension tissulaire résiduelle persiste : la dysfonction ostéopathique est toujours présente.
Le concept ostéopathique 59

tension tissulaire

100% seuil de réponse


symptomatique

temps
A B

A : arrêt des sollicitations


B : reprise des sollicitations

Figure 4.28. Cas de figure des tensions tissulaires réactionnelles liées à une activité physique
intense ou prolongée : l’arrêt de l’activité physique diminue les tensions tissulaires (A)
et sa reprise les réactive (B) davantage.
tension tissulaire

100% seuil de réponse


symptomatique

temps
Figure 4.29. Au cours du temps, la variation de la tension tissulaire se cantonne
sous le seuil de la réponse symptomatique.
Le patient ne ressent aucun symptôme et sa qualité de vie n’est pas altérée.
60 Ostéopathie

tension tissulaire

100% seuil de réponse


symptomatique

temps

Figure 4.30. Les tensions tissulaires augmentent progressivement et dépassent le seuil


de la douleur. Ensuite, sous l’effet des efforts autocorrecteurs mis en œuvre par l’organisme,
elles diminuent et disparaissent totalement. La guérison est complète.

importante sur l’équilibre du mât. Comment


l’organisme va-t-il s’organiser ou s’adapter
pour que, malgré la modification d’une varia-
ble importante (modification de la tension
Figure 4.31. Mise en place d’une chaîne dans un hauban tissulaire), la constante (résis-
tissulaire réactionnelle (CTR). tance, mobilité et équilibre) soit satisfaite ?
L’effort autocorrecteur de la dysfonction
articulaire est réparti sur plusieurs niveaux. Toute variation de tension dans un hauban
tissulaire doit être équilibrée par les autres
haubans. Dans le cas contraire, le mât se
Équilibre du système déforme ou se déplace dans l’espace, ce qui
nuit à l’équilibre et à la résistance générale du
L’organisme humain sain doit satisfaire en
système.
permanence une constante, synthèse fonc-
tionnelle d’un triple compromis. Il doit être Dans le cas du mât, l’augmentation de ten-
résistant, mobile et en équilibre. Si un de ces sion dans un hauban est compensée par la
paramètres varie, les deux autres devront logi- même augmentation de tension dans le hauban
quement s’adapter. opposé ; l’équilibre du mât est ainsi assuré.
Considérons le squelette humain comme
étant un mât maintenu en équilibre par les Plusieurs critères sont nécessaires pour
différents haubans tissulaires (fascias, mus- qu’un mât soit parfaitement maintenu en
cles, tendons) (figure 4.32). L’activité motrice équilibre. Les différents haubans maintenant
et les augmentations de tensions dans les le mât doivent être tendus exactement avec la
haubans tissulaires auront une influence même force. C’est la qualité première qu’un
Le concept ostéopathique 61

Figure 4.32. Pour que la condition d’équilibre du mât soit satisfaite,


il faut que les tensions dans chaque hauban soient strictement égales.

ingénieur demande aux haubans, leur résis- Le même phénomène est observé dans
tance mécanique, bien que capitale, n’étant l’organisme : les contraintes intra-articulaires
que secondaire. croissent lorsque la tension dans les haubans
Il en est de même pour l’organisme tissulaires augmente. Cet accroissement des
humain, à la différence que les haubans ne contraintes intra-articulaires, faible mais
sont pas passifs ; ils sont contractiles et pouvant être prolongé dans le temps, a un
peuvent adapter leur longueur et leur tension effet destructeur sur l’articulation. Ainsi, les
intrinsèque de manière à rééquilibrer l’ensem- surfaces articulaires sont recouvertes de
ble du système, assurant ainsi l’équilibre et la cartilage qui, contrairement aux autres tissus
résistance. Les haubans « humains » sont des de l’organisme, n’est pas vascularisé. Le
haubans actifs (figure 4.33). cartilage articulaire se nourrit par imbibition,
Dans l’exemple du mât, on observe un à la manière d’une éponge capturant les
accroissement de la force d’impaction dans le éléments nutritifs environnants en profitant
sol lorsque la tension dans les haubans des mouvements provoqués par les variations
augmente (figure 4.34). de pression ambiante. Le pouvoir d’imbibi-
62 Ostéopathie

Figure 4.33. Les haubans organiques (chaînes tissulaires) sont actifs.


Ils peuvent à chaque instant adapter leur tension de manière à garantir l’équilibre,
la résistance et la mobilité du système.

tion du cartilage diminue avec l’augmenta- ayant provoqué cette souffrance. Celles-ci
tion des contraintes intra-articulaires. Lente- peuvent être très éloignées de l’endroit dési-
ment mais irrévocablement, cette situation gné par le patient. Ce mode de réflexion n’est
conduit à la dégénérescence cartilagineuse pas l’apanage de la pensée ostéopathique ; il
caractérisée par l’usure et la modification de la est au contraire un élément basique en logi-
structure articulaire. Ces phénomènes sont que formelle. Un exemple qui illustre bien ce
responsables de l’apparition de l’arthrose. propos est celui d’un propriétaire se plai-
gnant, auprès d’un l’architecte expert, de
Applications en ostéopathie moisissures apparaissant dans un mur
plafonné. Il est évident pour chacun de nous
Lors de la consultation, le patient oriente très que le rôle de l’expert ne consistera pas
subjectivement l’ostéopathe vers l’endroit où uniquement à étiqueter la moisissure en lui
se situe sa souffrance. L’ostéopathe ne donnant un nom savant mais à essayer d’en
pouvant être « manipulé » par son patient, il trouver l’origine. Après quelques recherches
sera bien davantage intéressé par les causes bien structurées, l’expert pointera probable-
Le concept ostéopathique 63

musculaire elle-même, et lui fait perdre sa


qualité d’élasticité et de contractilité. Plus
globalement, elle altère les plans de glissement
existant entre différents groupes de muscles.
L’outil thérapeutique utilisé par l’ostéopathe
sera donc adapté au type de dysfonction
découverte (primaire ou secondaire) et au tissu
concerné (articulaire ou tissulaire).
Nous avons expliqué l’effet destructeur des
contraintes s’exerçant sur les tissus articulai-
res. Il est évident que nous excluons de nos
propos toutes les dégénérescences articulaires
dont l’origine pathologique est établie. Les
phénomènes arthrosiques ne sont qu’une
expression locale de l’élévation de contraintes
subies par les tissus articulaires (cartilages,
ménisques, disques intervertébraux) ou tissu-
Figure 4.34. Lorsque la tension dans les laires (muscles, tendons, fascias, ligaments).
haubans croît, la force d’impaction du mât La cause de cette élévation de contraintes doit
sur son socle augmente proportionnellement. encore être précisée ; résulte-t-elle de la perte
d’un amortisseur physiologique (voir chapi-
tre 5), de l’hyperactivité physique du patient
ou de la présence intense de réactions tissu-
ment une cause très éloignée du symptôme :
laires autocorrectrices ?
un défaut d’étanchéité dans la gouttière du
toit ou une rupture de canalisation dans les
étages supérieurs. Il serait impensable qu’un
Discussion
expert ordonne un renouvellement du
plafonnage abîmé sans avoir préalablement La question opportune qui se pose à présent
déterminé et réparé la cause du trouble. est déterminante : si les CTR n’existaient pas,
En revanche, une fois la cause découverte, que se passerait-il ?
l’ostéopathe devra se poser une question
Bien entendu, un simple maillon de la
déterminante : est-il en présence d’une
chaîne (muscle isolé) ne possède pas à lui seul
dysfonction primaire ou plutôt d’une
le potentiel suffisant pour corriger la dysfonc-
dysfonction secondaire ? Deux cas se présen-
tion articulaire. Dans le mot « potentiel »,
tent donc à lui :
nous englobons les notions de puissance, de
– la dysfonction découverte est une dysfonc- résistance ainsi que d’endurance. Sans la CTR,
tion primaire, responsable des réactions l’activité correctrice de cet unique maillon se
tissulaires ; révèlerait rapidement très insuffisante et,
– la dysfonction découverte est une dysfonc- malgré l’énergie déployée, la dysfonction arti-
tion secondaire, conséquence des réactions culaire ne serait toujours pas réduite. Voilà un
tissulaires. effort inutile incompatible avec la réputation
Selon le cas, la philosophie du traitement économe de l’organisme ! De plus, à la
sera bien différente. douleur de la dysfonction articulaire elle-
Lorsqu’une réaction tissulaire se prolonge même, s’ajouterait celle du maillon tissulaire
dans le temps, les risques de fibrose augmen- « épuisé » par un effort autocorrecteur maxi-
tent. Celle-ci atteint localement la fibre mal mais insuffisant.
64 Ostéopathie

Si l’existence des CTR était une vue de assurant l’équilibre général, la résistance et la
l’esprit, ces phénomènes symptomatiques mobilité de l’ensemble de l’organisme. Ce
décrits (douleurs, usures articulaires et tissu- concept des CTR nous permettant de voyager
laires, blessures diverses) seraient tellement dans un labyrinthe organique à trois dimen-
fréquents et dispersés dans l’organisme que sions nous aide à mieux comprendre l’impor-
notre qualité de vie en serait tristement affec- tance et le sérieux de notre métier d’ostéopa-
tée. the. Trouver une DOP grâce aux traces
Fort heureusement, le potentiel autocor- tissulaires qu’elle nous offre est un acte réflé-
recteur de la chaîne réactionnelle est surmul- chi puisqu’il conditionne le juste geste théra-
tiplié par rapport à celui du simple maillon. peutique. Notre responsabilité est grande !
En effet, la capacité totale d’autoguérison de
la CTR est probablement bien supérieure à la
somme des capacités de chacun des maillons Capacité d’adaptation
pris séparément. de l’organisme
La loi de Pascal – « un tout représente plus
que la somme des parties et connaître Généralités
chacune des parties n’est pas suffisant pour
connaître l’ensemble » – est une réalité Dans le point précédent, nous avons montré
physiologique qui nous conforte une fois comment le potentiel d’autoguérison de
encore dans l’idée que l’organisme humain l’organisme se manifestait activement de
est une entité indissociable, douée d’un extra- manière à réduire ou guérir un dysfonction-
ordinaire potentiel de vie s’exprimant ici par nement articulaire : la CTR. Nous avons briè-
sa capacité d’autoguérison (voir chapitre 3). vement évoqué le mode d’apparition de ce
dernier et son évolution dans le temps.
Nous allons maintenant tenter de quantifier
Résumé
cette capacité qu’a l’organisme de s’autoguérir.
Une DOP génère une réponse tissulaire auto- Ce fameux potentiel autocorrecteur, cher aux
correctrice. Les forces mises en œuvre par ostéopathes comme à tout thérapeute impli-
cette réaction tissulaire réduisent la mobilité qué dans l’art de soigner ou de guérir, est-il
dans d’autres articulations (dysfonction illimité ? Quelles sont ses limites et pourquoi ?
secondaire) qui, à leur tour, induisent une Que se passe-t-il si ce potentiel est insuffisant ?
réponse tissulaire réactionnelle. L’existence Les réponses à ces différentes questions
d’une CTR n’a certainement pas pour but ouvrent une perspective nouvelle et prédomi-
d’exporter le trouble fonctionnel ni de le nante dans la manière d’aborder la pathologie
répartir dans tout l’organisme. Bien au du patient et donc, son traitement.
contraire, la CTR permet une répartition des Imaginons un instant que ce potentiel soit
efforts autocorrecteurs. Il ne s’agit donc pas à absolu et suffisant pour résoudre toutes les
proprement parler d’une chaîne lésionnelle, pathologies fonctionnelles connues : physico-
comme on le prétendait antérieurement, mais chimiques, hormonales, immunitaires ou
plutôt d’une chaîne tissulaire réactionnelle mécaniques. Dans ce cas surréaliste, le rôle du
dont le but n’est pas d’exporter la dysfonction médecin ou de l’ostéopathe serait réduit à
mais au contraire de mieux la traiter. néant ! L’organisme serait son propre méde-
Dans l’organisme, plusieurs CTR peuvent cin. Or, nous savons que, régulièrement,
cohabiter. Elles ont toutes, à des degrés divers, l’action dirigée et réfléchie du médecin ou de
une relation entre elles : soit elles ont un rôle l’ostéopathe est indispensable. Quand, pour-
correcteur de plusieurs dysfonctions primai- quoi, comment et à quelle fréquence ? Voilà
res ; soit elles jouent le rôle de haubans actifs les questions que doit se poser tout médecin
Le concept ostéopathique 65

ou ostéopathe avant d’exécuter un geste observons une courbe évoluant sous le seuil
thérapeutique. Pour y parvenir, il doit précisé- de réponse symptomatique (figure 4.35).
ment connaître les limites de ce potentiel Dans cette configuration bien marquée,
d’autoguérison, que nul ne peut plus contes- survient un second traumatisme, une seconde
ter actuellement. Le médecin ou l’ostéopathe DOP (figure 4.36). Conformément à la procé-
se retrouve donc, en réalité, dans la position dure habituelle, l’organisme met en œuvre un
d’un assistant de santé, capable de compren- mécanisme d’autoguérison en activant une
dre les mécanismes ayant permis à la patholo- augmentation dans les tensions tissulaires
gie d’apparaître et capable d’aider l’organisme périarticulaires.
dans son effort de guérison. Clairement, la seconde blessure survient
En d’autres mots, l’ostéopathe ne guérit pas alors que les mécanismes autocorrecteurs de
une pathologie mais stimule l’organisme à le la première dysfonction sont encore bien
faire lui-même. Quelle leçon d’humilité ! Il actifs. Les tensions s’ajoutent aux tensions !
faut toutefois préciser que cette philosophie Elles s’additionnent donc et, pour les visuali-
n’est possible que pour les pathologies dites ser schématiquement, nous devons calculer la
« fonctionnelles », c’est-à-dire réversibles. résultante des tensions tissulaires issues des
N’entrent pas dans le cadre de cette réflexion deux DOP apparues chronologiquement
toutes les pathologies lésionnelles et non (figure 4.37).
réversibles qui, sans l’intervention médicale Il est remarquable de constater que chaque
« classique », évolueraient rapidement vers dysfonction A ou B, prise isolément, a généré
une issue très défavorable : brûlures, fractures, une réaction tissulaire n’ayant pas dépassé le
hémorragies, thrombus, tumeurs, etc. seuil virtuel provoquant la symptomatologie.
En revanche, l’apparition de la dysfonction
Quand, pourquoi, comment et à quelle
B génère une réaction tissulaire qui vient
fréquence ? Ces questions résument bien la
s’additionner aux tensions tissulaires anté-
philosophie du geste thérapeutique quel qu’il
rieures générées par la dysfonction A. Dans ce
soit et pour lequel nous donnerons, ici, quel-
cas, comme le démontre notre graphique
ques axes de réflexion permettant à chacun de
(figure 4.37), le seuil de la réponse symptoma-
trouver sa réponse.
tique est dépassé et donc, très logiquement, le
symptôme se manifeste.
Histoire traumatique du patient En d’autres termes, parce qu’il y a eu une
succession d’événements traumatiques, le
Ce sont les incidents traumatiques (mot pris potentiel d’autoguérison de l’organisme a
dans son sens très général) qui écrivent été – temporairement dans notre cas –
l’histoire tissulaire du patient. Les dysfonc- débordé. En réalité, il n’a pas été insuffisant,
tions primaires (souvent imperceptibles) se parce qu’à plus longue échéance, son action
succèdent dans le temps. Pour mieux visuali- continue aurait réussi à ramener notre
ser ce « parcours » tissulaire, reprenons le courbe sous le seuil de la réponse symptoma-
graphique déjà utilisé précédemment. Grâce à tique. Nous devrions plus justement parler
lui, nous avons eu une vue schématique des de quantité d’effort à fournir pour atteindre
tensions tissulaires, de leur mode d’apparition la guérison.
et de leur évolution au cours du temps.
Cette quantité d’effort pourrait être
Par souci didactique, nous avons illustré comparée au stock d’eau que possèdent les
l’évolution d’une réaction tissulaire unique, pompiers lorsqu’ils partent en intervention.
induite par une dysfonction ostéopathique Pour circonscrire un très gros incendie, le
primaire, isolée et ponctuelle. Dans l’exemple débit et le nombre de lances seront très impor-
de la réaction tissulaire restée muette, nous tants, le stock d’eau sera vite épuisé mais
66 Ostéopathie

tension tissulaire

100% seuil de réponse


symptomatique

A
temps

Figure 4.35. Traumatisme A : évolution de la réponse tissulaire au cours du temps.


tension tissulaire

100 % seuil de réponse


symptomatique

B
A

temps
A B

Figure 4.36. Traumatisme B : évolution de la réponse tissulaire au cours du temps.

l’incendie sera circonscrit. Il ne le serait nulle- cheminée, les pompiers opteront délibéré-
ment si les pompiers avaient réduit le débit ment pour une intervention n’utilisant
des lances pour économiser l’eau de manière à qu’une seule lance, avec un débit réduit.
pouvoir en disposer plus longuement... En Probablement même que cette intervention
revanche, face à un insignifiant petit feu de n’aura pas été remarquée par le voisinage.
Le concept ostéopathique 67

tension tissulaire

100 % seuil de réponse


symptomatique

C
B
A
temps
A B

Figure 4.37. Somme des tensions tissulaires. Alors que les courbes A ou B évoluent
sous le seuil symptomatique, leur somme le dépasse très nettement (courbe C).

Il en est de même concernant la quantité fonctionnelles et réversibles, la résultante


d’effort que l’organisme doit fournir lorsqu’il des tensions évoluera essentiellement
est en présence d’une dysfonction ostéopathi- au-delà du seuil de la réponse symptomati-
que : que. Dans ce cas, le rôle du thérapeute sera
– important travail tissulaire pour réduire irremplaçable !
une dysfonction provoquée par un gros Au cours de la vie, une multitude d’événe-
traumatisme aigu. Dans cette configura- ments traumatiques ou, plus généralement,
tion, il est important que la réaction soit pathogènes surviennent successivement ou
forte, rapide ciblée et puissante ; simultanément. Chacun d’eux provoque des
réactions tissulaires qui, en se cumulant,
– intervention tissulaire réduite, minima- dévoilent une résultante originale, signature
liste mais prolongée dans le temps personnelle et unique de l’histoire tissulaire
lorsqu’il s’agit de traiter une dysfonction du patient. La figure 4.38 représente très
insignifiante et probablement asympto- schématiquement « l’histoire tissulaire » du
matique. patient. Celle-ci est personnelle et donc
Toutefois, il y a des cas pour lesquels le unique, tout comme le sont les empreintes
potentiel d’autoguérison est insuffisant étant digitales.
donné le nombre important de dysfonctions L’ostéopathe, bien conscient que le symp-
primaires présentes dans l’organisme. Même tôme n’est que la manifestation subjective de
en ne tenant compte que des pathologies l’histoire tissulaire du patient, saura choisir le
68 Ostéopathie

tension tissulaire

100 % seuil de réponse


symptomatique

temps

Figure 4.38. Résultante des différentes tensions tissulaires montrant ici une alternance
de périodes douloureuses et non douloureuses.

geste thérapeutique adapté qui, même éloigné Si, malgré les traitements fonctionnels, la
de la zone symptomatique, permettra d’abais- résultante des tensions ou des paramètres
ser le niveau de la résultante des tensions évolue irrévocablement en s’éloignant de la
tissulaires (figure 4.39). ligne de base, il y a de fortes chances que nous
ayons affaire à une pathologie lésionnelle
dont le traitement sort du cadre de nos
Choisir un traitement ostéopathique
compétences. Heureusement, chaque ostéo-
approprié
pathe reconnu est compétent pour poser un
Nous avons dit, au début de ce chapitre, que diagnostic a minima ou d’exclusion permet-
notre action thérapeutique ne s’adressait tant d’orienter immédiatement le patient vers
qu’aux pathologies fonctionnelles et réversi- le confrère spécialisé sans la moindre prise de
bles. Autrement dit, la courbe, sous l’effet des risque ni perte de temps.
mécanismes autocorrecteurs mis en place par
l’organisme, doit toujours avoir (sauf cas Origine des tensions tissulaires
rares) une tendance à rejoindre, plus ou
moins rapidement, la ligne de base, avec ou
réactionnelles
sans l’aide du traitement approprié. Les facteurs mécaniques ne sont
Ce traitement ou ces traitements appro- pas les seuls à provoquer des tensions
priés vont accélérer le processus thérapeuti- tissulaires réactionnelles
que entamé par l’organisme et donc améliorer Nous avons jusqu’à présent évoqué les
très nettement le confort de vie du patient. En tensions tissulaires engendrées par les dysfonc-
outre, chose très importante, un traitement tions primaires d’origine mécanique. Nous
bien conduit permettra d’éviter que ne avons déjà insisté sur le rôle de ces réactions
s’installe une foule de pathologies collatérales tissulaires et sur leur organisation en CTR. Les
des plus invalidantes. CTR dont l’origine est articulaire ou plus
Le concept ostéopathique 69

tension tissulaire

100 % seuil de réponse


symptomatique

A temps

tension tissulaire

traitement
ostéopathique

100 % seuil de réponse


symptomatique

B temps

Figure 4.39. Impact du traitement ostéopathique sur l’évolution des tensions tissulaires
au cours du temps.

globalement mécanique (mise en jeu de forces Ces différents facteurs modifieront l’allure
intrinsèques ou extrinsèques) sont très fré- générale de la résultante des tensions tissu-
quentes en raison du degré très élevé de spéci- laires.
fication de l’appareil locomoteur humain. Ils peuvent augmenter la tension tissulaire
En réalité, bien d’autres éléments sont là où elle était déjà présente et, ainsi, rappro-
susceptibles de déclencher une CTR ou, plus cher la courbe du seuil de la réponse sympto-
simplement, d’augmenter le niveau de matique en diminuant d’autant le pouvoir
tension dans certains tissus de l’organisme. d’adaptation de l’organisme.
70 Ostéopathie

Facteurs toxiniques Facteurs viscéraux


Les éléments toxiques sont définis comme Quelle que soit la cause de la souffrance orga-
étant extérieurs à l’entité organique qui les nique, nous savons à présent que celle-ci
« subit » en les inhalant ou en les ingérant. Ils occasionne, par voie vasculaire ou neurologi-
sont minéraux ou organiques. que, des troubles tissulaires bien marqués.
Entre le viscère et les tissus neurologiquement
Les toxines sont élaborées par l’organisme reliés, des plaintes très subtiles peuvent appa-
vivant. Parmi elles, on retrouve les résidus de raître. En revanche, il existe des cas bien
l’activité métabolique. connus et définis qui sont incontestables ; il
s’agit des calculs rénaux responsables des irra-
Généralement, un accroissement de la
diations crurales avec contractures très spéci-
concentration en toxines dans l’organisme
fiques, ou encore de la célèbre colite entraî-
(peu importe sa nature) augmente la tension
nant une symptomatologie abdominale ou
dans certains tissus.
lombaire.
L’acide urique, par exemple, est une toxine Les exemples illustrant la relation fonc-
bien connue dans la population en raison des tionnelle existant entre le viscère et les autres
désagréments marqués qu’elle suscite lorsque tissus sont nombreux. La recherche de cette
sa concentration est trop élevée. Sans pour relation occupe une part importante du
autant faire allusion à la pathologie aboutie processus diagnostique ostéopathique.
qu’est la crise de goutte, la forte concentration
de cette toxine perturbe la bonne physiologie Facteurs psychologiques
musculo-tendino-articulaire. Les cristaux Entre le profil psychologique d’un individu et
d’urates déposés irritent un tendon ou un les tensions tissulaires qui lui sont associées,
plan de glissement tissulaire. Un autre exem- la relation est de plus en plus évidente. Gode-
ple est celui du muscle psoas-iliaque, très lieve Struyf-Denys a ainsi codifié les corréla-
sensible à l’accroissement du taux de cette tions existant entre les différents haubans
toxine. Sa tension de repos peut augmenter tissulaires appelés « chaînes musculaires » et
jusqu’à présenter une réelle contracture. Le des schémas psychologiques fonctionnels3.
tableau clinique se manifeste par des lombal- L’équilibre entre les différents haubans mus-
gies qualifiées de « toxiniques ». Si le muscle culaires qui maintiennent et mobilisent notre
psoas-iliaque est lui-même douloureux et mât corporel est instable. Un hauban domi-
présente un tableau inflammatoire, nous nant engendre des profils psychologiques
sommes en présence d’une psoïte. Celle-ci particuliers, mais le contraire paraît tout
peut évoluer vers d’autres pathologies toutes aussi évident. L’exemple type est celui de
très invalidantes, comme la très médiatisée l’individu introverti et peu expressif, ayant
pubalgie. une tendance naturelle à développer ses chaî-
nes musculaires et tissulaires antérieures,
D’autres muscles du cou, par exemple, sont l’amenant davantage encore à cette position
également sensibles à la concentration de de repli sur soi.
toxines dans l’organisme. Leur contracture Enfin si, dans le cadre de cet ouvrage, nous
provoque un torticolis ou encore des névral- avons mis l’accent sur les traumatismes
gies tenaces dans la région cervicobrachiale. physiques et sur leurs conséquences tissu-
Le taux de toxines pouvant augmenter après
avoir commis des excès alimentaires ou médi-
camenteux, il n’est pas rare d’observer ce
genre de pathologies auprès de patients peu 3. Godelieve Struyf-Denys, Les Chaînes musculaires et
soucieux de leur hygiène de vie. articulaires, ICTGDS, 2000.
Le concept ostéopathique 71

laires, nous ne pouvons ignorer l’impact très la courbe de la résultante des tensions, quelles
important que peuvent avoir les traumatis- qu’en soient leurs origines, sous la limite
mes et blessures psychologiques sur la varia- subjective du seuil de la réponse symptomati-
tion marquée des tensions tissulaires en que. Cette définition est évidemment adaptée
général. au contexte mécaniste qui nous occupe dans
le cadre de cet ouvrage. Il est bien entendu
Facteurs émotionnels que la vie, la santé ou la physiologie ne se
Les six émotions de base (la joie et la tristesse, résument pas à quelques tensions tissulaires.
la colère, la peur, la surprise, le dégoût) et leurs Bien d’autres paramètres sont contrôlés en
infinies combinaisons sont autant d’éléments permanence, revenant ainsi à la notion
importants influençant la personnalité ou le d’homéostasie.
maintien de chaque être humain. Les facteurs La figure 4.40 illustre l’ensemble de ces
émotionnels font varier la tension des tissus. facteurs influençant le niveau général des
Le cas de la colère ou de la peur est marquant tensions tissulaires.
puisqu’il l’augmente ; la joie, au contraire, la Plus il y a de facteurs influençant le niveau
diminue le plus souvent. de la résultante, présents en un même instant
Le stress, tellement cité et accusé de nos chez un individu, plus la capacité d’adapta-
jours comme étant la source de tous nos tion de son organisme sera réduite.
maux, est sans aucun doute un incroyable Cette capacité d’adaptation n’est donc pas
amplificateur de la symptomatologie. Sans infinie ; elle représente un volume donné
entrer dans les détails – ce n’est pas l’objet de au-delà duquel la pathologie se manifeste
cet ouvrage –, il faut toutefois dissocier diffé- (figure 4.41).
rents types de stress. Le plus destructeur est Chaque individu possède une capacité
celui que l’individu doit subir et qu’il ne peut d’adaptation qui lui est propre ; c’est une
éviter. Il existe d’autres formes de stress plus capacité personnelle. Concrètement, face à un
bénéfiques (stress positif), comme celui qui même élément perturbateur, chaque orga-
aide à réaliser une œuvre, un travail ou une nisme réagira différemment, soit parce que la
performance. Remarquons toutefois que le valeur initiale de sa capacité est plus ou moins
vrai stress n’est pas lié à la finalité de l’événe- importante que celle de son voisin, soit parce
ment, mais plutôt à la manière dont il est que cette capacité est déjà bien entamée,
vécu. Ainsi, une personne témoin d’un saut à conséquence de son histoire dysfonction-
l’élastique peut être davantage stressée que le nelle.
sauteur lui-même. Nous avons insisté sur le fait que la résul-
Dans le cadre de la pratique du sport, la tante des tensions tissulaires est unique et
relation existant entre le mental et la qualité propre à chaque individu ; il s’agit d’une
des performances est bien connue et exploitée « signature ». Mais le niveau de la résultante
par tout bon entraîneur. des tensions tissulaires à un instant donné
Un bon mental génère ce stress positif qui n’est pas la seule « signature » : la proportion
optimise les ressources physiques. Cette inter- des composants influençant ce niveau en est
relation est d’autant plus réelle que l’enjeu du une aussi.
match ou de la compétition est important. Les antécédents émotionnels, le profil
psychologique, les incidents traumati-
Estimation ques ou l’hygiène de vie sont autant d’élé-
ments qui personnalisent et individualisent
de la capacité d’adaptation l’effort d’adaptation consenti à un instant
La capacité d’adaptation de l’organisme se donné.
définit comme étant sa capacité à maintenir « Seuls les tissus savent... » (Rolin Becker).
72 Ostéopathie

tension tissulaire

100 % seuil de réponse


symptomatique
R
E
E
M
M
T
T
temps
T = toxinique
M = mécanique
E = émotionnel
R = résultante

Figure 4.40. Facteurs influençant les tensions tissulaires.

tension tissulaire

seuil de réponse
symptomatique

E
100 %
M
R
T
E

M
T
temps

Figure 4.41. Illustration des proportions des différents éléments intervenant


dans l’augmentation des tensions tissulaires à un moment précis.
Le concept ostéopathique 73

Applications en ostéopathie Le mensonge de la douleur


Qu’il soit objectif ou subjectif, le symptôme
Chaque cas est différent n’est qu’un signe extérieur apparent. Il est le
L’organisme vivant et humain est une entité reflet d’une résultante globale ayant conjugué
fonctionnelle indivisible. En voulant parler différents mécanismes d’adaptation souvent
d’une dysfonction articulaire ciblée, nous bien secrets.
sommes amenés à parler d’un tout autre Aussi important soit-il, le symptôme n’est
endroit de l’organisme. En voulant expliquer qu’un témoin, une alarme signalant un
un phénomène strictement mécanique, nous dysfonctionnement restant à localiser. Il se
devons évoquer un passé psychologique ou trouve peut-être à l’autre extrémité de l’orga-
émotionnel. Et ce ne sont là que deux exem- nisme.
ples parmi bien d’autres ! Nous affirmons qu’à quelques exceptions
L’histoire tissulaire d’un organisme définit près, tels les traumatismes directs, le symp-
un vécu qui peut être « lu » ou décodé par tôme ne se trouve que rarement à l’endroit de
l’ostéopathe. En réalité, elle doit l’être ! Cette la cause. C’est pourquoi la douleur doit être
histoire tissulaire est un résumé des événe- considérée comme un indicateur qui, très
ments ayant marqué la vie d’un patient utilement, nous guide dans la recherche de
depuis sa conception. Elle est unique. son étiologie. Cela est d’autant plus vrai pour
Pour le thérapeute, les implications prati- les pathologies liées à l’appareil locomoteur.
ques sont évidentes. Il ne s’agit plus de
soigner cent fois une sciatalgie de la même Une blessure n’est pas inéluctable
manière, ni de vouloir traiter une migraine
Nous avons démontré que la capacité d’adap-
en appliquant une « recette » apprise ou
tation de l’organisme à une blessure quelle
inventée.
qu’elle soit n’était pas infinie. Il existe une
Les mécanismes générateurs de l’appari-
limite au-delà de laquelle la pathologie
tion d’un symptôme doivent être débusqués
survient. Plus ce potentiel d’adaptation est
et décortiqués lors du diagnostic qui devra
actif, plus la réserve d’intervention est
être structuré, logique et précis. Le traitement
réduite.
qui en découlera sera celui que le patient
mérite : adapté, efficace et durable. Une fois ce potentiel arrivé à saturation
Chaque patient a un vécu traumatique, (100 % de son travail effectif), une infime
émotionnel, psychologique qui lui est propre. sollicitation mécanique, émotive, psychologi-
À cela s’ajoutent une éducation marquante et que, etc. suffit à déclencher l’apparition du
des conditions de vie très personnelles : stress, symptôme ou de la pathologie.
habitudes alimentaires, hygiène de vie ou Une fois le seuil de la douleur dépassé,
conditions de travail. Ce vécu est le grand l’inflammation s’installe avec son cortège de
responsable des schémas dysfonctionnels ou symptômes invalidants. L’acuité douloureuse
adaptatifs observés par l’ostéopathe. Voilà sera un élément variable et dépendant de
pourquoi des symptômes apparemment fort l’intensité de la sollicitation, du type de tissu
semblables chez plusieurs patients ont en atteint et de son emplacement.
réalité une étiologie bien différente. C’est Les exemples les plus classiques sont :
parce que l’ostéopathie n’est pas une méde- – celui du déménageur ou du docker, pour-
cine symptomatique que l’histoire tissulaire tant habitué à manipuler des charges
du patient doit être découverte et comprise. importantes, se retrouvant brutalement
Dans le cas contraire, chaque patient souf- bloqué sur place par une douleur aiguë
frant d’un symptôme identique bénéficierait alors qu’il se penchait pour enfiler une
du même traitement. chaussette ;
74 Ostéopathie

– celui des torticolis provoqués par un insi- blessures « sportives » ou atteignant n’im-
gnifiant courant d’air. porte quel autre appareil fonctionnel orga-
Lorsque ce phénomène de saturation de la nique.
capacité d’adaptation, ou phénomène de Dans ces conditions, les blessures ne sont
débordement, touche la sphère locomotrice pas inéluctables : elles représentent l’aboutis-
(lors de la pratique du sport notamment), une sement tangible d’un processus adaptatif que
foule de petites blessures apparaissent : articu- l’organisme a mis en œuvre et qui se révèle
laires ou musculaires, tendineuses ou liga- insuffisant.
mentaires. Et pourtant, la veille, « tout allait si
bien ! » Prévenir plutôt que guérir
Pour illustrer nos propos, imaginons un Par définition, une blessure qui n’est pas
instant que le muscle droit antérieur de la inéluctable est évitable, voire prévisible. Cette
cuisse soit l’élément actif principal d’une formule lapidaire introduit la plus extraordi-
CTR. La mission de ce muscle étant par exem- naire mission de l’ostéopathie : son rôle
ple d’antérioriser un ilium limité dans cette préventif. La médecine ostéopathique est
composante de mouvement, il va augmenter d’abord préventive avant d’être curative.
sa tension de repos (se contracter) faiblement Toutefois, cette manière d’aborder « l’être »
mais constamment. Si l’on impose une acti- bien avant l’apparition de la souffrance n’est
vité sportive intense à ce muscle en état de pas propre à la pensée ostéopathique ; c’est
pré-tension, la symptomatologie est inévita- une des rares choses que nous avons en
ble et apparaît selon la séquence suivante : commun avec toutes les écoles de la pensée
– tendinite du tendon rotulien, par exemple, médicale. Le premier rôle de toute thérapie est
si l’effort est d’intensité moyenne mais de prévenir, le second étant de guérir.
continu ou répété (lors d’un jogging, de la Le niveau de l’effort d’adaptation de l’orga-
pratique de la gymnastique, etc.) ; nisme à un moment défini est un pourcentage
– contracture si l’effort est violent mais de sa capacité d’adaptation totale. Cette quan-
limité dans le temps ; tité de travail déjà fourni pour réduire une
blessure tissulaire ou pour s’y adapter peut
– déchirure (ou claquage) de la fibre muscu- être évaluée par l’ostéopathe grâce à une
laire, d’importance variable, avec éventuel- batterie de tests spécifiques (voir p. 147).
lement rupture de celle-ci ou du tendon si Cette estimation peut, avec l’expérience, nous
la capacité de résistance mécanique de ce donner les indications suivantes :
hauban a été dépassée. – le niveau d’importance du travail autocor-
La terminologie caractérisant ces différents recteur en cours ;
types de blessures musculaires, tendineuses – l’ancienneté des CTR et, donc, l’estimation
ou ligamentaires est très souvent usitée dans du moment de l’événement ayant provo-
le langage sportif mais rarement à bon qué la ou les DOP ;
escient. Ainsi, la confusion entre les termes – la réserve de marche de cette capacité
« tendinite », « contracture », « claquage » ou d’autoguérison ou d’adaptation par
« élongation » est systématique. rapport au potentiel total de l’individu.
Chaque sportif en a fait la douloureuse L’ostéopathe établit un bilan tissulaire
expérience : les blessures tissulaires sont très complet pour mieux en prévoir l’évolution.
fréquentes. Pour les traiter, l’ostéopathe ne C’est une règle générale incontournable dans
doit pas nécessairement être un grand spécia- le cadre d’un traitement étiologique réfléchi.
liste de médecine sportive. Le processus de Grâce à son intervention thérapeutique
l’apparition du symptôme doit être décou- adaptée, l’ostéopathe facilite le travail autocor-
vert, analysé et compris, qu’il s’agisse de recteur de l’organisme en augmentant sa capa-
Le concept ostéopathique 75

cité d’adaptation. En d’autres termes, il vide le Prophylaxie du traitement


vase avant qu’il ne déborde. Cette approche est
différente et souvent complémentaire du
■ Évaluation du travail autocorrecteur déjà
concept allopathique qui focalise davantage fourni
son attention sur le symptôme lui-même ou Un état des lieux est nécessaire avant d’exécu-
sur son emplacement en négligeant son mode ter le moindre acte technique thérapeutique.
d’apparition. Concrètement, une tendinopa- Cela consiste à poser un diagnostic rigoureux
thie sera soignée localement en ignorant les des différentes fonctions de l’organisme : les
mécanismes ayant permis à ce symptôme appareils locomoteur, fonctionnel, organi-
souvent très invalidant de s’installer. que, métabolique, etc. Nous y reviendrons
La situation théorique idéale est celle où il plus en détail dans le chapitre 6.
y a le moins de dysfonctions primaires et Grâce à cette recherche précédant le
donc le moins de CTR en œuvre. C’est à ce diagnostic proprement dit, l’ostéopathe se fait
moment que le potentiel autocorrecteur de une idée réaliste de l’effort d’adaptation déjà
l’organisme est maximal et que sa réserve fourni par l’organisme. Il possède alors un
d’intervention autocorrectrice l’est également tableau crédible des valeurs des contraintes
– le vase est vide et la réserve existant avant internes supportées par le système musculos-
son débordement est importante. quelettique et, son travail consistant à trouver
Le sportif, figure emblématique du patient la ou les dysfonctions primaires, il s’en trouve
sollicitant généreusement son appareil loco- grandement facilité.
moteur en le soumettant à toutes sortes de Rechercher la cause des tensions tissulaires,
contraintes, a intérêt à avoir un potentiel les trouver et les traiter permet de supprimer
d’intervention maximal pour faire face le plus radicalement les contraintes intra-articulaires
efficacement possible à l’accident pouvant à l’origine des phénomènes dégénératifs (par
survenir à n’importe quel moment. Dans le exemple l’arthrose). Avec le temps, le système
cas contraire, l’accident surviendra sur un état musculotendineux se fibrose, perdant une
de tensions préexistantes, diminuant d’autant partie de ses qualités intrinsèques de viscoé-
la puissance d’intervention des mécanismes lasticité. Un tel phénomène accroît les fixa-
autocorrecteurs. Un athlète A, dont la courbe tions articulaires et les contraintes. Ce cercle
représentant les tensions tissulaires évolue vicieux caractérisant une très ancienne
tout près de la ligne de base, sera moins vite dysfonction sera rompu par l’application de
blessé que son voisin, athlète B, chez qui la techniques spécifiques permettant aux tissus
même courbe évolue près du seuil de la de retrouver leurs qualités physiologiques
réponse symptomatique (figure 4.42). (voir chapitre 6).
Par la nature de son traitement, l’ostéo-
pathe optimise le potentiel d’adaptation ■ Laisser du temps au temps
de l’organisme de son patient en traitant La dysfonction ostéopathique est un élément
la cause (les dysfonctions primaires) des perturbateur de l’équilibre général de notre
tensions tissulaires résiduelles (figure 4.43). organisme. Pour en réduire à la fois son
L’ostéopathie étant une médecine préven- impact, son cortège de conséquences invali-
tive par excellence, son rôle économique est dantes ou pour s’y adapter, l’organisme a
déterminant et capable d’influencer favora- besoin de temps ! De la même manière, la
blement le déficit du budget médicosocial des correction imposée par le thérapeute est
pays européens. De plus en plus de responsa- également un élément perturbateur du
bles d’entreprises ou de clubs sportifs l’ont nouvel équilibre mis en place par les mécanis-
bien compris et font appel aux services avisés mes d’adaptation. Très logiquement, cet orga-
d’ostéopathes compétents. nisme en recherche d’un nouvel équilibre
76 Ostéopathie

tension tissulaire

100 % seuil de réponse


symptomatique

A temps

tension tissulaire

100 % seuil de réponse


B
symptomatique

B temps

Figure 4.42. Athlète A : la courbe évoluant tout près de la ligne de base démontre
une importante réserve du potentiel d’autoguérison. Concernant l’athlète B, la courbe évolue
loin de la ligne de base. La réserve est des plus réduites et le risque de pathologie imminent.

aura aussi besoin de temps pour s’adapter au varier en fonction de l’importance de la bles-
traitement imposé par l’ostéopathe. sure, de son emplacement, de son ancienneté,
Il est d’une importance capitale de laisser à de sa cause, de l’âge ou de la morphologie du
l’organisme le temps d’intégrer, dans son patient. Il est inutile d’imposer de nouvelles
schéma corporel et fonctionnel, les nouvelles corrections thérapeutiques à l’organisme
données induites par le traitement ostéopa- avant que celui-ci n’ait fini de s’adapter aux
thique. Ce temps peut bien évidemment corrections précédentes. Quelles que soient
Le concept ostéopathique 77

tension tissulaire

100 % seuil de réponse


symptomatique

temps

Figure 4.43. Les tensions tissulaires évoluent tout près de la ligne de base,
le potentiel d’autoguérison est optimal.

les techniques thérapeutiques utilisées – Elles seront alors appliquées judicieusement à


même si elles vont dans le sens d’une stimula- condition qu’elles n’altèrent pas davantage le
tion de l’organisme à puiser dans ses ressour- tissu en souffrance.
ces autocorrectrices –, les actes thérapeutiques
trop rapprochés ou trop longs sont néfastes.
■ Le repos : seul traitement ?
Choix thérapeutiques à éviter Si souvent nécessaire, le repos n’est que très
rarement curatif et ne peut en aucun cas
■ Isoler le symptôme de sa source suffire comme seul élément thérapeutique. Le
Nous avons tenté de démontrer qu’il ne fallait prescrire exclusivement se révèle insuffisant.
jamais isoler un symptôme de son contexte. Le moyen le plus rapide pour guérir une
Sans pour autant le discréditer, le traitement pathologie est de traiter sa cause. La nécessaire
strictement symptomatique ne résout en rien période de repos n’en sera que diminuée.
le tableau pathologique et expose l’organisme
à de sérieuses récidives. En revanche et pour Les exemples de pathologies « soignées »
être complet, il est évident que plus une par le repos sont nombreux : le mal de dos, les
pathologie est ancienne, plus les dégâts colla- céphalées ou, pour revenir à la sphère spor-
téraux sont importants. Plus le temps passe, tive, la célèbre pubalgie. Sans autre forme de
plus la structure tissulaire s’altère localement traitement étiologique, les longues semaines
ou à distance. Dans cette configuration, des de repos imposées par le médecin ou... par
soins locaux et symptomatiques seront utiles, l’invalidité n’endorment finalement que la
voire obligatoires. Nombreuses et intéressan- douleur, qui resurgit dès la reprise de l’activité
tes sont les techniques locales de traitement. sportive.
78 Ostéopathie

■ L’abus des contentions Par son intervention, l’ostéopathe améliore


La vie est caractérisée par le mouvement. Par la mobilité articulaire, libère les tensions tissu-
corollaire, toute restriction ou fixation du laires et, par conséquent, améliore le drainage
mouvement est pathogène. Dans les pages local, condition sine qua non de la guérison
précédentes, nous avons succinctement expli- rapide.
qué et démontré les mécanismes physiologi-
Résumé
ques utilisés par l’organisme, sous le contrôle
du système nerveux central, pour améliorer La capacité que possède l’organisme de corri-
une mobilité articulaire perturbée (qualitati- ger une dysfonction articulaire ou de s’y adap-
vement ou quantitativement). ter n’est pas illimitée. La pathologie intervient
dès que ce potentiel est dépassé.
Lorsque, dans notre jargon, nous utilisons
En cas de dysfonctions mécaniques, l’orga-
l’expression « dysfonction ostéopathique »,
nisme se sert des réactions tissulaires comme
nous faisons référence à tout ce qui la caracté-
outil thérapeutique. Mais des états émotion-
rise ou la définit, et donc aussi à cette notion
nels, toxiniques, etc. peuvent également
de perte de mobilité articulaire.
intervenir et influencer la tonicité d’un tissu
C’est la raison pour laquelle, en restant contractile.
bien évidemment dans la sphère strictement Tous ces éléments combinés révèlent une
fonctionnelle, nous pensons que la pose de histoire tissulaire unique, propre à chaque
contentions ne va pas dans le sens de individu, propre à chacun de nos patients.
l’amélioration de la mobilité articulaire. Les Cette histoire tissulaire intéresse de près
contentions n’influencent pas favorablement l’ostéopathe qui devra naviguer dans ce laby-
la guérison des tissus altérés. Il convient de rinthe tridimensionnel pour en découvrir les
signaler que nous ne parlons pas ici des moindres détails utiles au diagnostic et donc
contentions posées lorsqu’il y a une rupture aussi au traitement. C’est par ce biais que
ligamentaire, une fracture avérée ou un arra- l’ostéopathe aidera l’organisme à potentialiser
chement osseux. Incontestablement, les sa capacité d’autoguérison.
plâtres, minerves, orthèses et autres types de
contentions rigides ou semi-rigides obligent le Conclusion
patient à observer du repos et permettent
L’expression « concept ostéopathique » utili-
qu’une situation aiguë s’apaise. En revanche,
sée en titre de chapitre est finalement singu-
leur pouvoir thérapeutique est extrêmement
lière dans le sens où elle regroupe une plura-
limité et nous en déconseillons l’usage parce
lité de manifestations d’ordre anatomo-
que nous observons que cette immobilité
physiologique. Sous ce vocable générique,
forcée et non physiologique entretient le
nous avons évoqué :
cercle vicieux du phénomène dysfonctionnel
– la dysfonction ostéopathique (primaire,
en occasionnant dans une proportion non
secondaire et vertébrale) ;
négligeable :
– la réaction tissulaire qui lui est associée ;
– des troubles circulatoires pouvant dégéné-
– l’organisation de ces réactions tissulaires
rer en pathologies lésionnelles (œdème,
en chaînes tissulaires réactionnelles qui
phlébite, thrombose, etc.) ;
évoluent au cours du temps avec plus ou
– une neuroalgodystrophie chez les patients moins de puissance mais toujours de façon
sensibles ; appropriée ;
– les troubles de la motricité musculaire – la capacité qu’a l’organisme vivant de gérer
(atrophie, adhérences, aberrations proprio- ces mécanismes utiles au maintien de la
ceptives, etc.) ; qualité de vie, à sa longévité et à ses fonc-
– une accentuation des fixations articulaires. tions essentielles.
Chapitre 5

Anneau pelvien

Introduction

Architecture générale du bassin

Fonctions du bassin

Résumé
Anneau pelvien 81

Chapitre 5

Anneau pelvien
Il n’y a point d’art mécanique si petit et si méprisable qui ne puisse fournir quelques observations
ou considérations remarquables.
Gottfried Wilhelm von Leibniz

Introduction – Il est également le passage obligé des CTR


(voir chapitre 4).
On peut se demander pourquoi les ostéopa-
– Enfin, c’est dans le bassin que se concen-
thes accordent autant d’importance au bassin
trent différents systèmes d’amortissement
(ou anneau pelvien) en général. « Chez un
des forces en présence.
ostéopathe, quelle que soit la plainte du
patient, c’est toujours le bassin qui est en Nous développerons très sommairement
cause », semblent penser certains de nos les différents rôles qu’exerce cet anneau
confrères allopathes et probablement aussi pelvien. Il existe aujourd’hui une littérature
quelques-uns de nos patients. riche sur chacun des points qui seront
Ces propos, certes exagérés, revêtent évoqués : anatomie, physiologie, biomécani-
malgré tout une part de vérité. L’anneau que, diagnostic, thérapeutique, etc. C’est la
pelvien est un élément capital dans l’organi- raison pour laquelle chaque point évoqué
sation fonctionnelle de tout l’organisme. Bien dans ce chapitre sera succinct.
connaître son architecture permet de mieux
connaître ses fonctions, et nous verrons
qu’elles sont nombreuses ; il s’agit de bien
Architecture générale
connaître la physiologie avant de comprendre du bassin
la pathologie. Le bassin ou pelvis est constitué de trois pièces
Ainsi, la structure du bassin est une mer- osseuses logiquement réunies par trois articu-
veille d’ingéniosité puisqu’elle semble conçue lations :
pour permettre les fonctions suivantes :
– Le bassin supporte les viscères. – Les pièces osseuses sont les deux os iliaques
– Il est le support de la colonne vertébrale. et le sacrum.
– Il est le point d’attache des membres infé- – Les articulations sont les deux sacro-
rieurs. iliaques et la symphyse pubienne.
– Il est le carrefour où se croisent les forces Fonctionnellement, le coccyx est indisso-
montantes de la réaction du sol et celles ciable de cette entité appelée « anneau
descendantes, appelées gravitationnelles. pelvien » qui est l’union des trois pièces osseu-
– Il est un élément important de la résis- ses. C’est la raison pour laquelle les ostéopa-
tance, de la mobilité et de l’équilibre du thes incluent le coccyx lorsqu’ils évoquent
corps entier. « le bassin » en général.

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Ostéopathie. Principes et applications ostéoarticulaires
82 Ostéopathie

crête iliaque

fosse iliaque interne tubercule iliaque

épine iliaque facette auriculaire


antérosupérieure
épine iliaque
postéro-inférieure
épine iliaque
antéro-inférieure grande échancrure sciatique

crête du détroit supérieur


épine sciatique
ou ligne innominée
petite échancrure sciatique

angle du pubis

tubérosité ischiatique

Figure 5.1. Face médiale de l’os iliaque.

Les pièces osseuses en présence Articulations du pelvis


Articulations sacro-iliaques
Ilium ou os coxal
Les différentes faces de l’ilium, ou os coxal,
■ Généralités
sont représentées aux figures 5.1 et 5.2. Structurellement et anatomiquement, les arti-
culations sacro-iliaques possèdent les caracté-
ristiques d’une diarthrose :
Sacrum ou os sacral – les surfaces articulaires sont recouvertes de
Les faces antérieure et postérieure du sacrum cartilage ;
sont représentées aux figures 5.3 et 5.4, la – une capsule articulaire et une synoviale
figure 5.5 schématisant l’ensemble des pièces sont présentes.
osseuses du sacrum. Aux figures 5.6 et 5.7 sont Fonctionnellement, l’articulation sacro-
marquées les différences entre les bassins iliaque est davantage considérée comme une
masculin et féminin. amphiarthrose étant donné sa faible mobi-
Anneau pelvien 83

ligne demi-circulaire postérieure ligne demi-circulaire antérieure


ou fessière postérieure ou fessière antérieure

ligne demi-circulaire
inférieure

épine iliaque épine iliaque


postérosupérieure antérosupérieure

épine iliaque
postéro-inférieure épine iliaque
antéro-inférieure
grande échancrure sciatique

cavité cotyloïdienne
épine sciatique
petite échancrure sciatique branche iliopubienne
épine du pubis

tubérosité ischiatique foramen obturé

branche ischiopubienne

Figure 5.2. Face latérale de l’os iliaque.

lité, estimée à environ 2°. Elle est donc plus de l’ocytocine sur les ligaments. Enfin, il
précisément qualifiée de diarthro-amphi- n’est pas rare de découvrir des ponts osseux
arthrose. Notons qu’à la naissance, les deux entre les deux surfaces articulaires chez le
surfaces sont couvertes de cartilage hyalin1. vieillard.
À l’âge de la puberté, le cartilage de la surface
iliaque convexe se transforme en fibro- ■ Description
cartilage qui devient plus rugueux. Cette
articulation a tendance à se rigidifier à Les deux pièces de cette articulation atypique
l’âge adulte ; toutefois, chez la femme, elle s’inscrivent dans une portion de cercle. Elles
reste davantage mobile en raison de l’action sont complémentaires dans leurs formes de
manière à pouvoir s’emboîter (figure 5.8).
– La surface auriculaire sacrée, composée de
cartilage hyalin, est concave et forme une
1. Le cartilage hyalin doit son nom à son apparence gouttière.
bleuâtre, translucide et vitreuse, le mot grec hyalos
signifiant pierre transparente. C’est le cartilage le – La surface auriculaire coxale, composée de
plus commun dans l’organisme. fibrocartilage, est convexe et rugueuse.
84 Ostéopathie

plateau sacré
aileron sacré

promontoire

foramens sacrés

corne latérale

sommet ou pointe du coccyx

Figure 5.3. Face antérieure du sacrum.

processus articulaire
lombosacré
canal sacré

facette auriculaire

tubercule sacré postéro-interne crête sacrée

tubercule sacré postéro-externe

foramen sacré

hiatus sacré

Figure 5.4. Face postérieure du sacrum.


Anneau pelvien 85

processus articulaires
supérieurs

facette auriculaire

surface auriculaire

sacrum, vue latérale

os coxal, vue médiale

Figure 5.5. Assemblage des pièces osseuses du sacrum.

crête iliaque

base du sacrum
épine iliaque
antérosupérieure

détroit supérieur

cavité cotyloïde
branche iliopubienne

symphyse du pubis
arcade du pubis

Figure 5.6. Bassin masculin.


86 Ostéopathie

crête iliaque

base du sacrum

épine iliaque
antérosupérieure

détroit supérieur

cavité cotyloïde
branche iliopubienne

symphyse du pubis
arcade du pubis

Figure 5.7. Bassin féminin.

Figure 5.8. Schéma de l’articulation sacro-iliaque (d’après Kapandji).


Anneau pelvien 87

petit bras
petit bras

grand bras grand bras

sacrum

os iliaque

Figure 5.9. Bras supérieur de l’articulation sacro-iliaque, plus petit et plus lisse que l’inférieur,
qui est plus long et plus rugueux (d’après Kapandji).

Partant du centre articulaire, il est possible Les ligaments iliolombaires, iliosacrés et la


de décomposer l’articulation en deux bras capsule sacro-iliaque ne forment en réalité
distincts : qu’un seul tissu indissociable, une espèce de
– un bras supérieur plus court dont les surfa- nappe ligamentaire extrêmement puissante,
ces sont sans aspérités, permettant davan- puisque sa résistance à l’arrachement dépasse
tage de mobilité ; celle de l’os lui-même.
– un bras inférieur légèrement plus long mais
dont les surfaces articulaires sont nette- Remarques
ment plus rugueuses, assurant la stabilité
de l’ensemble articulaire (figure 5.9). Comme pour d’autres articulations dites
« porteuses » (les articulations de la
Au centre articulaire de ces deux bras
hanche, du genou ou de la cheville), nous
se trouve le ligament axile qui matérialise
constatons que la structure des articula-
un axe important de la mobilité du sacrum
tions sacro-iliaques est conçue de manière
(figure 5.10).
à pouvoir assurer simultanément deux
Ces deux articulations sont fermement fonctions essentielles : la mobilité et la
maintenues par un puissant système ligamen- résistance.
taire (figures 5.11 et 5.12).
88 Ostéopathie

ligament axile

Figure 5.10. Insertion du ligament axile (d’après Kapandji citant Farabeuf).

ligament sacro-
iliaque antérieur

ligament inguinal

ligament sacrosciatique

membrane obturatrice

Figure 5.11. Ligaments antérieurs du bassin.


Anneau pelvien 89

ligament sacro-
iliaque postérieur

ligament sacrosciatique

membrane obturatrice
ligament sacrotubéral

ligament pubien inférieur

Figure 5.12. Ligaments postérieurs du bassin.

muscle transversaire épineux

Figure 5.13. Le sacrum est « suspendu » au muscle transversaire-épineux (multifidis).


90 Ostéopathie

ligament supérieur

fibrocartilage
cartilage d'encroûtement

ligament inférieur

Figure 5.14. Symphyse pubienne.

D’un point de vue musculaire, le muscle dans son ancrage iliaque. Kapandji établit une
transversaire épineux (figure 5.13) joue un relation entre le positionnement du sacrum
rôle majeur que nous pouvons résumer en dans l’espace, l’implantation des reliefs articu-
trois points : laires et l’allure plus ou moins marquée de la
– pendant la marche, il se contracte dès la colonne vertébrale.
prise d’appui au sol, solidarise l’articula-
tion sacro-iliaque et la stabilise. Les fibres Symphyse pubienne
courtes sont les plus profondes et ont un Cette articulation (figure 5.14), atypique, est
rôle proprioceptif important. Les fibres une amphiarthrose, les deux surfaces articu-
plus longues sont superficielles et plus laires, de forme elliptique, étant fermement
puissantes ; reliées par un ligament interosseux ainsi que
– il protège le disque intervertébral en amor- par des ligaments périphériques (figure 5.15).
tissant une partie des contraintes ; Bien qu’ayant plusieurs degrés de liberté
– il aligne les facettes articulaires lombaires. (compression, traction, cisaillement longitu-
Ajoutons que le muscle grand fessier joue dinal et transversal, torsion), sa mobilité est
également ce rôle de stabilisateur de l’articula- réduite.
tion sacro-iliaque par traction du fascia thora- Le rôle déterminant de l’articulation
colombaire. pubienne est de s’adapter aux contraintes
Enfin, il existe différentes morphologies2 subies par l’anneau pelvien en les amortis-
du sacrum le rendant plus ou moins stable sant. Nous reviendrons en fin de chapitre sur
le rôle sous-estimé, voire méconnu, de cette
articulation si importante à plus d’un titre.
La coupe au niveau du bassin (figure 5.16)
2. H. Fryette, Principes des techniques ostéopathiques, laisse apparaître un anneau appelé ceinture
SBO-RTM, 1983. pelvienne (figure 5.17), dont les propriétés
Anneau pelvien 91

Figure 5.15. Symphyse pubienne : ligaments interosseux et périphériques.


A : Vue antérieure. B : Vue postérieure.
92 Ostéopathie

Figure 5.16. Coupe horizontale au niveau de la 2e vertèbre sacrée.

Figure 5.17. Anneau pelvien.


Anneau pelvien 93

axe supérieur

axe inférieur

Figure 5.18. Axes de la mobilité des iliums.

mécaniques sont parmi les plus importantes ; – L’axe transversal supérieur, décrit comme
nous y reviendrons aussi en fin de chapitre. étant l’axe respiratoire de l’ilium par
Sutherland, passe par les deux épines ilia-
Physiologie articulaire du bassin ques postérosupérieures (EIPS).
Introduction – L’axe transversal inférieur ou axe iliosacré
La physiologie articulaire du bassin est organi- se projette au niveau des épines iliaques
sée autour de plusieurs axes de mouvements postéro-inférieures, elles-mêmes se situant
décrits par Fred Mitchell que nous avons eu la au niveau de la 3e vertèbre sacrée. Il s’agit,
chance de compter parmi nos professeurs. dans ce cas, d’un axe mécanique autour
Pour comprendre la mécanique articulaire duquel se mobilisent les ailes iliaques lors
du bassin et sa pathologie, il faut avant tout de la marche. C’est donc logiquement
connaître sa physiologie articulaire. C’est la autour de ce même axe que se retrouve-
raison pour laquelle nous en rappellerons les ront les dysfonctions ostéopathiques (DOP
grands principes dans les pages qui suivent. ou DOS) antérieures ou postérieures
de l’iliaque (contre-nutation et nutation
Axes de mobilité de l’ilium iliaque).
■ Axes de mouvements
Il est intéressant de comprendre et de bien ■ Mouvements iliosacrés
visualiser les axes de la mobilité des ailes ilia- Les mouvements iliosacrés, au nombre de
ques. Ils sont classiquement décrits au deux, se font autour de l’axe transversaire
nombre de deux (figure 5.18). inférieur, encore appelé axe iliosacré.
94 Ostéopathie

rotation antérieure rotation postérieure

EIAS

EIPS

EIAS EIPS

Figure 5.19. Mouvement de rotation Figure 5.20. Mouvement de rotation


antérieure de l’ilium. postérieure de l’ilium.

Mouvement de rotation antérieure Mouvement de rotation postérieure


Le mouvement de rotation antérieure de Le mouvement de rotation postérieure de
l’ilium (figure 5.19) autour de son axe l’ilium (figure 5.20) autour de son axe
entraîne : entraîne :
– antérieurement : – antérieurement :
• un abaissement marqué de l’épine ilia- • une élévation marquée de l’EIAS ;
que antérosupérieure (EIAS) ; • une élévation marquée de la symphyse
• un abaissement marqué de la symphyse pubienne ;
pubienne ; • une élévation de la cavité cotyloïde et du
• un abaissement de la cavité cotyloïde et membre inférieur correspondant.
du membre inférieur correspondant. – postérieurement : un abaissement de
– postérieurement : une élévation de l’EIPS. l’EIPS.
Anneau pelvien 95

Figure 5.21. Mouvement Figure 5.22. Mouvement


de contre-nutation iliaque. de nutation iliaque.

C’est donc ce mouvement de nutation et tes auriculaires coxales et iliaques. Un axe, le


de contre-nutation iliaque qui influence la transversal moyen, passe par les intersections
longueur du membre inférieur. des grandes et petites ailes des articulations
La contre-nutation abaisse la cavité coty- sacro-iliaques.
loïde – allongement de la jambe (figure 5.21). Ils sont appelés « mécaniques » parce qu’ils
La nutation élève la cavité cotyloïde peuvent être matérialisés par un élément
– raccourcissement de la jambe (figure 5.22). anatomique défini (ligament, muscle, etc.).
Au point de vue du diagnostic, la mesure de
la longueur de la jambe nous renseigne sur Axe transversal supérieur
l’articulation iliosacrée. Cet axe traverse les pôles supérieurs des facet-
tes auriculaires coxales et iliaques. Appelé
Axes de mobilité du sacrum également l’axe « respiratoire de Sutherland »,
il est matérialisé par l’insertion de la dure-
■ Axes mécaniques mère sur le sacrum (figure 5.24) et serait
Les axes de la mobilité du sacrum sont au concerné lors des mouvements « flottants » de
nombre de trois : les axes transversaux supé- flexion et d’extension ressentis par les prati-
rieur, moyen et inférieur (figure 5.23). Ils unis- ciens (mouvements rythmés d’origine cranio-
sent les pôles supérieur et inférieur des facet- sacrée).
96 Ostéopathie

axe supérieur

axe moyen
axe inférieur

Figure 5.23. Vue globale des axes de la mobilité du sacrum.

pie-mère

dure-mère

axe transversal supérieur

Figure 5.24. Zones d’insertions de la dure-mère.


Anneau pelvien 97

Figure 5.25. Axe de rotation du sacrum.

Axe transversal moyen Remarque


ou axe sacro-iliaque
Dysfonctions iliosacrée et sacro-iliaque
L’axe transversal moyen, matérialisé par le
ligament axile situé à l’intersection du petit et Le mouvement de nutation du sacrum ne
du grand bras de la facette auriculaire, est un se produit pas autour du même axe que le
axe mécanique. C’est autour de lui en effet mouvement de nutation iliaque (figure
que se produisent les mouvements de flexion 5.27). Par conséquent, les dysfonctions
sacrée (nutation sacrée) et d’extension iliosacrée et sacro-iliaque sont bien
(contre-nutation) du sacrum entre les ailes distinctes et ne peuvent être confondues.
iliaques (figure 5.25). – Dans la dysfonction iliosacrée, c’est
l’ilium qui est dysfonctionnel par
Axe transversal inférieur rapport au sacrum (conséquence des
L’axe transversal inférieur passe par les pôles forces montantes de réaction du sol et
inférieurs des facettes auriculaires sacrales et transmises par le membre inférieur).
iliaques, à l’extrémité du grand bras. Passant – Dans la dysfonction sacro-iliaque,
au niveau de la 3e vertèbre sacrée, il se c’est le sacrum qui est dysfonctionnel
confond avec l’axe transversal inférieur de par rapport à l’iliaque (conséquences
l’ilium (axe iliosacré). Cet axe, d’une impor- des forces descendantes gravitation-
tance fonctionnelle capitale lors de la marche, nelles et transmise par la colonne verté-
est matérialisé par le muscle pyramidal. Il brale).
permet les mouvements antérieur (contre- Ces deux axes séparés, autour desquels
nutation iliaque) et postérieur (nutation ilia- se produisent deux mouvements de
que) de l’os iliaque (figure 5.26). rotation distincts sous l’effet de forces
98 Ostéopathie

muscle pyramidal

Figure 5.26. Insertion proximale du muscle pyramidal (piriformis).

Figure 5.27. L’axe de nutation du sacrum n’est pas le même que celui de la nutation iliaque.
Anneau pelvien 99

R
N2

N1

P = poids du tronc
R = réaction du sol

Figure 5.28. Les forces gravitationnelles et celles de réaction du sol provoquent un couple
de forces qui engendre un mouvement de rotation intra-articulaire.

différentes ayant la même direction bras auriculaires coxal et sacré. Lors du


mais étant de sens contraire (les forces mouvement de rotation antérieure de
gravitationnelles et celles de réaction l’ilium (contre-nutation iliaque – le
du sol), provoquent un couple de forces sacrum est ici considéré comme point
intra-articulaires (figure 5.28). fixe), le petit bras s’abaisse pendant
Mécaniquement, pour que la parfaite que le grand recule (figure 5.29). Lors
réalisation de ces mouvements distincts du mouvement de nutation iliaque,
soit possible, de petits mouvements de c’est l’inverse qui se produit.
glissement se produisent au niveau des
100 Ostéopathie

le petit bras
s'abaisse
le grand bras
se postériorise

Figure 5.29. Lors du mouvement de rotation antérieure de l’os iliaque, le petit bras
de la portion auriculaire s’abaisse pendant que le grand se postériorise.

Axe vertical central raux, qui se produisent notamment dans le


Cet axe passant par le centre géométrique du mécanisme d’autoblocage du sacrum lorsqu’il
sacrum est un axe virtuel autour duquel se est enchâssé entre les ailes iliaques.
produit la rotation du pelvis dans son ensem-
ble par rapport au tronc, au niveau du disque ■ Axes physiologiques
L5–S1 lors de la marche par exemple. Cet axe Les axes physiologiques sont une résultante
ne concerne donc pas directement la mobilité de la mobilité segmentaire se déroulant simul-
spécifique du pelvis mais plutôt celui du tanément autour des autres axes anatomiques
pelvis entier par rapport à la 5e vertèbre (ou mécaniques).
lombaire (figure 5.30).
Les axes obliques ne pourraient exister sans
Axes verticaux latéraux les axes transversaux ou verticaux latéraux. Ils
Les axes latéraux du sacrum traversent verti- revêtent une importance fonctionnelle capi-
calement les articulations sacro-iliaques tale. C’est autour d’eux que l’anneau pelvien
(figure 5.31). Ils permettent les petits mouve- peut se déformer et assurer ainsi toutes ses
ments de charnière, bilatéraux ou unilaté- fonctions.
Anneau pelvien 101

Figure 5.31. Visualisation des axes verticaux


latéraux lors des mouvements de fermeture
ou d’ouverture des ailes iliaques.
Figure 5.30. Axe vertical du sacrum
(d’après Kapandji).
gauche et rejoint l’extrémité inférieure de
Axes obliques l’articulation auriculaire droite.
Autour de cet axe oblique gauche, le
Au nombre de deux, les axes obliques se
sacrum décrit un mouvement de flexion anté-
tracent entre le pôle supérieur d’une facette
rieure gauche (figure 5.34) (physiologique) ou
auriculaire et le pôle inférieur de la facette
postérieure droite (pathologique).
opposée (figure 5.32).
Axe oblique droit Remarque
L’axe oblique droit s’étend depuis l’extrémité
Mobilité articulaire entre le sacrum et l’ilium
supérieure de la surface auriculaire droite et
rejoint l’extrémité inférieure de l’articulation Cette mobilité articulaire existant entre
auriculaire gauche. le sacrum et l’ilium a été longuement
Autour de cet axe, le sacrum décrit un ignorée voire contestée. Pour l’ostéopa-
mouvement de flexion antérieure droite the qui peut l’apprécier, la qualifier, la
(figure 5.33) (physiologique) ou postérieure quantifier et la définir, elle ne fait aucun
gauche (non physiologique). doute. Cette mobilité intrinsèque de
l’anneau pelvien conditionne toutes ses
Axe oblique gauche
fonctions. Autrement dit, toutes les
L’axe oblique gauche s’étend depuis l’extré- fonctions du bassin en général seront
mité supérieure de la surface auriculaire perturbées dès qu’une dysfonction arti-
102 Ostéopathie

Figure 5.32. Représentation des axes obliques du sacrum.

culaire sera présente et les conséquences • le promontoire du sacrum s’antériorise à


invalidantes ne tarderont pas à se droite en glissant vers le bas, le long du
manifester. petit bras auriculaire droit (légère flexion
latérale droite) ;
Mouvements de torsion du sacrum • l’angle inférolatéral gauche se postério-
Autour des deux axes obliques, le sacrum peut rise en glissant vers le bas, le long du
réaliser quatre mouvements de torsion : grand bras auriculaire gauche.
– deux mouvements physiologiques de Simultanément à cette torsion sacrée
torsion antérieure gauche ou droite ; gauche sur axe gauche, l’ilium gauche fait très
– deux mouvements non physiologiques de logiquement un mouvement relatif de rota-
torsion postérieure gauche ou droite. tion postérieure (nutation iliaque), tandis que
le droit fait un mouvement de rotation anté-
Mouvements de torsion antérieure rieure (contre-nutation iliaque).
– Dans la torsion gauche sur axe gauche (figure Le mouvement de nutation iliaque à
5.35) : gauche entraîne un raccourcissement du
• la face antérieure du sacrum s’oriente membre inférieur, et le mouvement de contre-
vers la gauche en pivotant autour de nutation iliaque à droite un allongement du
l’axe oblique gauche ; membre inférieur.
Anneau pelvien 103

Figure 5.33. Mouvement de torsion antérieure du sacrum autour de son axe (droit).

Figure 5.34. Mouvement de torsion antérieure du sacrum autour de son axe (gauche).
104 Ostéopathie

Figure 5.35. Torsion gauche sur axe gauche. Figure 5.36. Torsion droite sur axe droit.

– Synthèse des signes cliniques. Lors de la • l’angle inférolatéral droit se postériorise


flexion antérieure gauche du sacrum en glissant vers le bas, le long du grand
(torsion gauche sur axe gauche) : bras auriculaire droit.
• le sulcus droit est profond par rapport au Simultanément à cette torsion sacrée droite
sulcus gauche ; sur axe droit, l’ilium droit fait très logique-
• l’angle inférolatéral gauche du sacrum ment un mouvement relatif de rotation posté-
est relativement postérieur et inférieur ; rieure (nutation iliaque), tandis que le gauche
• la tension dans le grand ligament sacros- fait un mouvement de rotation antérieure
ciatique gauche est plus marquée (frein (contre-nutation iliaque).
de nutation sacrée) ; Le mouvement de nutation iliaque à droite
• la jambe gauche est relativement plus entraîne un raccourcissement du membre
courte. inférieur, et le mouvement de contre-
nutation iliaque à gauche un allongement du
Remarque membre inférieur.
– Synthèse des signes cliniques. Lors de la
Une restriction quantitative ou qualitative
flexion antérieure droite du sacrum
de ce mouvement physiologique sera
(torsion droite sur axe droit) :
définie comme étant une « dysfonction
• le sulcus gauche est profond par rapport
ostéopathique du sacrum en torsion
au sulcus droit ;
gauche sur axe gauche » sans présumer
• l’angle inférolatéral droit du sacrum est
de son origine primaire (DOP) ou secon-
relativement postérieur et inférieur ;
daire (DOS).
• la tension dans le grand ligament sacros-
ciatique droit est plus marquée ;
• la jambe droite est relativement plus
– Dans la torsion droite sur axe droit (figure
courte.
5.36) :
• la face antérieure du sacrum s’oriente Mouvements de torsion postérieure
vers la droite en pivotant autour de l’axe – Torsion gauche sur axe droit. Le promontoire
oblique droit ; sacré se postériorise à gauche en s’élevant
• le promontoire du sacrum s’antériorise à et en reculant le long du petit bras auricu-
gauche en glissant vers le bas, le long du laire gauche. L’angle inférolatéral droit
petit bras auriculaire gauche (légère s’antériorise en s’élevant le long du grand
flexion latérale gauche) ; bras de l’auricule droit (figure 5.37).
Anneau pelvien 105

Figure 5.37. Torsion gauche sur axe droit. Figure 5.38. Torsion droite sur axe gauche.

La face antérieure du sacrum regarde vers la • le sulcus droit est plein par rapport au
gauche en pivotant autour de l’axe droit. Il gauche ;
s’agit donc d’un mouvement d’extension du • l’angle inférolatéral gauche du sacrum
sacrum appelé mouvement de torsion posté- est relativement antérieur et supérieur ;
rieure. • la tension dans le grand ligament sacros-
– Synthèse des signes cliniques. Lors de la ciatique gauche est moins marquée qu’à
flexion postérieure gauche du sacrum droite ;
(torsion gauche sur axe droit) : • il y a un mouvement de nutation de
l’ilium droit ;
• le sulcus gauche est plein par rapport au • la jambe droite est relativement plus
sulcus droit ; courte.
• l’angle inférolatéral droit du sacrum est
relativement antérieur et supérieur ; Remarque
• la tension dans le grand ligament sacros- Les mouvements de torsions postérieures
ciatique droit est moins marquée qu’à ne sont pas des mouvements physiologi-
gauche ; ques. La présence d’une dysfonction du
• il y a un mouvement de nutation de sacrum en torsion postérieure est la
l’ilium gauche ; conséquence d’un traumatisme.
• la jambe gauche est relativement plus
courte. Les tableaux 5.1 et 5.2 synthétisent les
– Torsion droite sur axe gauche. Le promon- diverses torsions ainsi que l’ensemble des
toire sacré se postériorise à droite en signes cliniques.
s’élevant et en reculant le long du petit bras
auriculaire droit (figure 5.38). L’angle infé- L’anneau pelvien et les contraintes
rolatéral gauche s’antériorise en s’élevant
le long du grand bras de l’auricule gauche.
Forces extrinsèques
La face antérieure du sacrum regarde vers la
droite en pivotant autour de l’axe gauche. ■ Forces gravitationnelles (G)
– Synthèse des signes cliniques. Lors de la Le bassin, chez les bipèdes que nous sommes,
flexion postérieure droite du sacrum est davantage soumis aux contraintes exercées
(torsion droite sur axe gauche) : par les forces gravitationnelles que chez le
106 Ostéopathie

Tableau 5.1. Torsions antérieures et postérieures

Torsions antérieures Torsions postérieures


Torsion gauche sur axe gauche (G/G) Torsion droite sur axe gauche (D/G)

Torsion droite sur axe droit (D/D) Torsion gauche sur axe droit (G/D)

quadrupède, puisque c’est lui seul qui ■ Forces de réaction du sol (R)
supporte le poids du tronc et de la tête.
Les forces venant de la réaction du sol équili-
Dans cette position bipodale statique, le brent les forces gravitationnelles. Lors de la
poids se répartit alors idéalement dans les marche, par exemple, chaque fois que le pied
deux iliums (figure 5.39). se pose sur le sol, ces forces de réaction du sol,
Le sacrum, « suspendu » par ses ligaments, approximativement égales au poids de l’indi-
s’enchâsse d’autant plus entre les deux ailes vidu, s’exercent.
iliaques que le poids qui s’exerce sur sa base
est important (figure 5.40). Théoriquement, la relation entre les forces
de réaction du sol (R) et les forces gravitation-
En reprenant la coupe horizontale au nelles (G) se résume comme suit.
niveau de la 3e vertèbre sacrée, nous pou-
vons visualiser le rôle important de la – R < G : sur un terrain meuble (du sable par
symphyse pubienne qui, sollicitée en trac- exemple), les forces de réaction du sol sont,
tion, contribue à améliorer la résistance du lors de l’impact du pied sur le sol, inférieu-
système qui peut être qualifié d’autoblo- res aux forces gravitationnelles. Très logi-
quant (figure 5.41). quement, le pied s’enfonce dans le sol.
Anneau pelvien 107

Tableau 5.2. Récapitulatif des signes cliniques

Sulcus AIL GLSS Ilium Jambe Jambe


courte longue
Creux Postérieur Tendu Antérieur À droite
à droite et à gauche à droite
inférieur
à gauche

G/G
Creux Postérieur Tendu Antérieur À gauche
à gauche et à droite à gauche
inférieur
à droite

D/D
Plein Antérieur Détendu Postérieur À droite
à droite et à gauche à droite
supérieur
à gauche

D/G
Plein Antérieur Détendu Postérieur À gauche
à gauche et à droite à gauche
supérieur
à droite

G/D

AIL : angle inférolatéral ; GLSS : grand ligament sacrosciatique.

– R = G : sur un sol ne pouvant se déformer, forces R et G, ayant la même direction mais


les forces de réaction du sol sont absolu- étant de sens contraire, sont égales.
ment égales aux forces gravitationnelles Ici, comme pour les forces gravitationnel-
(figure 5.42). les, le bassin du bipède que nous sommes sera
nettement plus sollicité que chez n’importe
– R > G : si R était supérieure à G, nous quel quadrupède.
vivrions une expérience inoubliable de Pour simplifier le concept, lorsque le corps
lévitation... est en appui bipodal statique, les forces de
réaction du sol remontent le long du membre
Pour des raisons évidentes, nous n’envisa- inférieur et, une fois arrivées au niveau du
gerons dans la suite de ce chapitre que le bassin, se répartissent dans les deux branches,
deuxième cas de figure : celui où les deux pubienne et ischiatique (figure 5.43).
108 Ostéopathie

Figure 5.39. Lors de la station debout bipodale, le poids du tronc et de la tête,


reposant sur la base sacrée, se répartit dans les deux ailes iliaques (d’après Kapandji).

Figure 5.40. Sous l’effet des forces gravitationnelles, le sacrum s’enchâsse


entre les deux ailes iliaques (d’après Kapandji).
Anneau pelvien 109

Figure 5.42. Les forces gravitationnelles sont


Figure 5.41. Le bras de levier favorable équilibrées par les forces de réaction du sol
permet au pubis, sollicité en traction, de qui s’appliquent dans la même direction
contribuer à la stabilité du système mais qui sont de sens contraire.
autobloquant (d’après Kapandji).

Remarque dans l’organisme. Il est donc directement ou


indirectement le point d’insertion des
Les forces de réaction du sol sont propor-
muscles du tronc et des membres inférieurs.
tionnelles aux forces gravitationnelles.
Le point d’insertion équivaut à un point
Celles-ci augmentent avec le type d’acti-
d’ancrage, relativement fixe et sur lequel les
vité de l’organisme sur le sol. Elles seront
contraintes liées à l’activité musculaire s’exer-
supérieures lors de la course et encore
cent. C’est d’ailleurs sur cette ceinture
davantage lors d’un saut. Les forces de
pelvienne que s’insèrent nos muscles les plus
réaction du sol le seront alors également,
puissants, sans oublier les muscles intrapel-
au point d’endommager la structure
viens formant notamment le plancher.
ostéoarticulaire en cas de défection d’un
des systèmes d’amortissement de ces Très globalement, cette ceinture pelvienne,
forces qui seront étudiés dans le considérée comme un point fixe quel que soit
chapitre 6. le type d’activité, subit de nombreuses
contraintes liées à l’activité musculaire
(contraintes dont l’origine est intrinsèque) et
Forces intrinsèques qui devront s’additionner aux contraintes
■ Activité neuromusculaire motrice déjà décrites provenant de G et de R.
Comme nous l’avons remarqué précédem- Lors de la course par exemple, le bassin
ment, le bassin occupe une position centrale supportera les contraintes liées aux forces
110 Ostéopathie

Figure 5.43. Arrivées au niveau de l’anneau pelvien, les forces de réaction du sol
se répartissent vers la branche pubienne, où elles seront amorties,
et vers la branche iliaque (d’après Kapandji).

gravitationnelles, aux forces de réaction du CTR4 qui, à leur tour, s’additionnent aux trois
sol et aux forces exercées par les muscles forces déjà décrites : les forces gravitationnel-
moteurs de la course. Cette conjonction des les, les forces de réaction du sol et les forces
forces en présence aurait un effet destructeur liées à l’activité musculaire. Certes, en inten-
des structures articulaires si plusieurs systèmes sité, elles sont à n’en point douter quantitati-
amortisseurs n’entraient en action. La parfaite vement moins importantes par unité de
connaissance de ces mécanismes réducteurs temps. En revanche, s’agissant d’un méca-
de contraintes influencera positivement la nisme naturel d’autoguérison, l’action des
qualité de nos traitements. Ils vont être décrits forces déployées sera prolongée dans le temps.
ici succinctement3. Ces forces produites lors de la mise en acti-
vité d’une CTR jouissent, au niveau de
l’anneau pelvien, de bras de leviers très favo-
■ Chaînes tissulaires réactionnelles rables justifiant la faible intensité des forces
Pour être complet, nous ne pouvons passer mises en jeu par rapport au résultat thérapeu-
sous silence les forces développées par les tique escompté.

3. Voir aussi p. 111. 4. Voir chapitre 4.


Anneau pelvien 111

En effet, l’envergure de la ceinture Fonctions du bassin


pelvienne permet aux muscles une insertion
relativement éloignée des différents centres Introduction
articulaires (des exemples en sont donnés aux
figures 5.44, 5.45, 5.46). Le bassin, véritable anneau ostéoarticulaire,
Dans ces trois exemples, les moments des est placé dans un environnement où forces,
forces5 s’appliquant aux différentes extrémi- contraintes et sollicitations de tous ordres
tés du bassin sont importants en raison de la s’exercent en permanence avec plus ou moins
longueur du bras de levier. d’intensité durant toute la vie de l’individu.
Nous avons vu que le bassin humain est
Conclusion sollicité bien différemment de celui d’un
quadrupède, au point de lui conférer des fonc-
Dans l’introduction de ce chapitre, nous tions très particulières qui vont être décrites
faisions allusion à l’importance qu’accordent dans les lignes qui suivent. Ces fonctions
les ostéopathes au bassin chez l’homme. Pour seront, pour plus de clarté, répertoriées grâce à
mieux la comprendre, nous avons très briève- trois mots clés, évocateurs de la caractéristi-
ment étudié son architecture, c’est-à-dire les que unique du corps humain : résistance,
éléments structuraux qui forment précisé- mobilité et équilibre.
ment cet anneau pelvien. Ceux qui ont étudié
quelques rudiments d’ostéologie connaissent
Résistance
parfaitement le bassin et son agencement
structurel. La physiologie articulaire du bassin Amortissement des forces en présence
est classiquement plus rarement étudiée et
c’est la raison pour laquelle nous avons consa- Dans le paragraphe « L’anneau pelvien et les
cré quelques pages de cet ouvrage à la décou- contraintes », nous avons décrit les différents
vrir. Il est important de savoir comment s’arti- types de forces s’exerçant sur le bassin, en les
culent ces pièces osseuses formant l’anneau classant en quatre groupes :
pelvien. En effet, l’étude des seuls éléments – les forces gravitationnelles (G) ;
structuraux serait bien stérile si elle ne nous – les forces de réaction du sol (R) ;
permettait pas d’articuler ces derniers entre – les forces liées à l’activité musculaire
eux pour que se révèle la merveilleuse organi- (motrice et organique) ;
sation fonctionnelle de l’anneau pelvien. – les forces induites par les CTR.
Le bassin est donc mobile non seulement Les forces induisent des contraintes et les
globalement, mais aussi intrinsèquement, contraintes détruisent le tissu vivant à plus ou
chaque pièce osseuse par rapport aux autres. moins brève échéance. C’est la raison pour
Cette mobilité n’est pas anarchique, mais est laquelle, l’organisme, entité biologique à part
au contraire une démonstration particulière- entière, a élaboré des systèmes réduisant
ment convaincante d’une organisation méca- considérablement l’impact destructeur des
nique de la plus haute précision. Ce méca- contraintes subies.
nisme articulé doit être bien compris parce Nous négligerons volontairement le
qu’il conditionne absolument toutes les fonc- contexte traumatique où les contraintes sont
tions dévolues au bassin que nous allons citer souvent énormes (chute d’un toit ou collision
dans les paragraphes suivants. frontale) pour nous cantonner au cadre strict
de l’activité physiologique.
Suivant l’activité de l’individu, les
contraintes varient très fortement ; elles sont
5. Moment de force : produit de la force et du bras de importantes lors de la pratique d’un sport ou
levier. d’un travail physique et très faibles au repos.
112 Ostéopathie

grand droit

grand oblique

grand droit

grand oblique
petit oblique

pyramidal de l'abdomen

Figure 5.44. Muscles de la paroi abdominale.


Anneau pelvien 113

sous-épineux
trapèze
petit rond

grand dorsal

aponévrose d'insertion grand oblique de l'abdomen


du grand dorsal
moyen fessier

grand fessier

carré des lombes

Figure 5.45. Muscles de la paroi du tronc.


114 Ostéopathie

muscle couturier

muscle biceps fémoral

Figure 5.46. Exemples de bras de leviers articulaires des principaux muscles de la cuisse.

Pour plus de clarté, l’impact de ces Les trabéculations osseuses sont un moyen
contraintes au niveau pelvien va être étudié de visualiser le cheminement des forces en
dans les trois plans de l’espace. présence (figure 5.48).

■ Plan frontal
Station debout monopodale
Station debout bipodale En appui monopodal, les contraintes sont
Dans la station debout bipodale, les forces démultipliées. Elles seront amorties, d’une
gravitationnelles descendantes rencontrent, part, par le pubis, qui travaille en cisail-
au niveau du bassin, les forces montantes de lement/torsion en plus de la compression, et
réaction du sol (figure 5.47). d’autre part, par les muscles stabilisateurs du
Dans cette configuration, c’est clairement bassin (abducteurs de la hanche en appui et
le pubis qui amortit la plus grande partie des élévateurs de la hanche en suspension), par
contraintes. Il travaille en compression, à la exemple le moyen fessier ou le carré des
manière d’un amortisseur. lombes opposé (figure 5.49).
Anneau pelvien 115

Figure 5.47. Une partie de la somme des forces montantes (R) et descendantes (G)
est amortie au niveau de la symphyse pubienne (d’après Kapandji).

Remarques
Physiologiquement, le mouvement de
cisaillement du pubis s’accompagne auto-
matiquement d’un petit mouvement de
torsion (figure 5.50).
L’abord de l’étude des contraintes
dans le plan frontal démontre qu’en
appui bipodal, c’est le pubis qui contribue
le mieux à l’amortissement. Il travaille en
compression.
En appui unipodal, lors de la marche, de
la course et, plus encore, lors d’un saut,
c’est le couple pubis–muscles stabilisa-
teurs du bassin qui sera l’élément amortis-
seur principal. Dans ce cas, le pubis se
déforme simultanément en cisaillement,
compression et torsion, ce qui nécessite
une force importante.

Figure 5.48. Les lignes de forces sont ■ Plan sagittal


matérialisées par les trabéculations osseuses
Le centre de gravité se visualise bien sur l’inci-
(d’après Kapandji). dence sagittale (figure 5.51). Il représente le
116 Ostéopathie

action du carré des lombes

action du muscle
R
moyen fessier

Figure 5.49. Appui monopodal : déformation de l’anneau pelvien sous l’effet


des forces en présence (G et R) (d’après Kapandji).

point d’application des forces gravitationnel-


les (G). Remarquons qu’il ne se trouve pas
exactement à l’aplomb du point d’émergence
des forces de réaction du sol (R).
Cette particularité est en réalité une
aubaine puisqu’il s’agit de la forme la plus
simple d’un amortisseur, tels ceux pro-
posés par les constructeurs d’automobiles
au XIXe siècle.
Les forces gravitationnelles (G) favorisent
le mouvement de flexion antérieure du
sacrum (amplification de la lordose lom-
baire).
Les forces de réaction du sol (R) entraînent
les ailes iliaques en rotation postérieure
Figure 5.50. Le mouvement de cisaillement (réduction de la lordose lombaire).
de la symphyse pubienne est accompagné Pour rappel, ces deux mouvements de
d’un faible mouvement de rotation. nutation sacrée et iliaque n’ont pas le
Anneau pelvien 117

R
N2

N1

P = poids du tronc
R = réaction du sol

Figure 5.51. Les forces gravitationnelles descendantes (G) et les forces montantes (R)
forment un couple de forces (d’après Kapandji).

Remarque
même centre articulaire. Ils sont distants
Si l’axe de la mobilité du sacrum était le
d’environ 2 cm et cela suffit à créer un frein
même que celui de l’iliaque, le mouve-
au mouvement (figure 5.52). Autrement
ment de nutation–contre-nutation serait
dit, pour que chaque mouvement de nuta-
beaucoup plus aisé qu’il ne l’est en réalité.
tion puisse se produire, d’importantes forces
Ce mouvement ne serait plus contesté
devront être mises en jeu. Ce mécanisme
tant il serait manifeste ; en revanche, le
de mouvements combinés dont les centres
système d’amortissement des forces en
sont distincts constitue un extraordinaire
présence serait peu efficace et très vite
système d’amortissement des forces en
insuffisant.
présence.
118 Ostéopathie

R'
C1

C2
G' G
R

C1 : axe de mobilité du sacrum


C2 : axe de mobilité de l'os iliaque
G : forces gravitationnelles
R : forces de réaction du sol
distance C1-C2 : frein des nutations sacrée et iliaque

Figure 5.52. Les centres des mouvements de nutation sacrée et iliaque sont séparés d’environ
2 cm. Cela constitue un frein puissant rendant difficile la mobilité des deux pièces osseuses.

Les forces (G) seront donc amorties par les des ligaments sacrosciatiques qui joue le rôle
muscles qui freinent le mouvement antérieur d’amortisseur puissant (figure 5.53).
du sacrum6 (mouvement de nutation sacrée).
En cas de dépassement du pouvoir d’amortis- Les forces de réaction du sol (R) sont
sement des muscles, c’est la mise en tension amorties chronologiquement par les muscles
contrôlant la rotation postérieure des ailes
iliaques – le muscle droit antérieur étant le
plus important – et, ensuite, par les différents
6. Les muscles du périnée et, surtout, le muscle trans- ligaments coxofémoraux formant le man-
versaire épineux. chon articulaire (figure 5.54).
Anneau pelvien 119

muscle transversaire épineux

ligament sacrosciatique

Figure 5.53. Freins de nutation du sacrum.

Figure 5.54. La torsion du manchon ligamentaire coxofémoral amortit


une partie des forces de réaction du sol (R) (d’après Kapandji).
120 Ostéopathie

résultante des forces


freinant la nutation iliaque

R
nutation sacrée
G

nutation iliaque

résultante des forces


freinant la nutation sacrée

Figure 5.55. Le « ciseau pelvien » est un système croisé de suspension


et d’amortissement des contraintes.

Le plan sagittal permet de mettre en les séparant de l’articulation pubienne,


évidence le type d’amortissement des forces G entraîne un décalage d’environ 9 mm (une
et R. Il s’agit d’un véritable système de suspen- articulation limitant l’autre et inversement)
sion croisé appelé « ciseau pelvien » (deux (figure 5.56).
bras de levier) dont les muscles puis les liga-
ments assurent le contrôle (figure 5.55). La capacité de déformation de cet anneau
est extrêmement réduite et l’énergie néces-
■ Plan horizontal saire pour y parvenir demeure importante.
Une coupe au niveau du bassin telle que nous Une telle particularité confère à cet anneau
l’avons déjà présentée nous fait découvrir un déformable des propriétés d’amortissement
anneau ostéoarticulaire. Nous savons que cet très intéressantes. Pour mieux comprendre
anneau est déformable parce que les articula- cette évidence, nous établirons une analogie
tions sacro-iliaques tolèrent un mouvement entre l’anneau ostéoarticulaire et un anneau
de 2° chacune, ce qui, étant donné la distance semi-fermé métallique (figure 5.57).
Anneau pelvien 121

14 cm

5 mm

Figure 5.56. La distance séparant les centres articulaires des surfaces auriculaire
et pubienne est approximativement de 14 cm chez l’adulte moyen.

Figure 5.57. Analogie entre l’anneau Figure 5.58. Déformation


ostéoarticulaire pelvien et un anneau de l’anneau par torsion.
semi-fermé métallique.
122 Ostéopathie

Figure 5.59. La capacité physiologique qu’a le bassin de se déformer lui confère d’importantes
propriétés d’amortissement des forces en présence.

Si, sur cet anneau, on applique des forces Ce phénomène de déformation de l’an-
de torsion, il va se déformer pour revenir à sa neau pelvien n’est possible que grâce aux
forme initiale dès l’arrêt des sollicitations. possibilités de torsion qu’a le sacrum autour
Nous restons évidemment dans le cadre privi- des axes physiologiques.
légié où les forces en présence restent inférieu- L’abord de l’étude des contraintes dans le
res à celles qui pourraient déformer définitive- plan horizontal met en évidence un système
ment l’anneau (c’est la capacité de résilience). d’amortissement composé par l’anneau ostéo-
Il s’agit donc bien d’un mécanisme d’amortis- articulaire pelvien.
sement puisqu’en se déformant cet anneau a
absorbé une grande quantité des forces qui
s’appliquaient sur lui (figure 5.58). ■ Lors de la marche
Il en est de même pour le bassin, véritable La marche (un cycle de pas complet) est une
anneau ostéoarticulaire, dont la capacité synthèse intéressante et complète de l’inter-
physiologique de se déformer lui confère des vention des différents systèmes d’amortisse-
qualités indéniables d’amortissement des ment et de suspension que nous venons de
forces en présence (figure 5.59). découvrir :
Anneau pelvien 123

– le mécanisme d’amortissement des forces rendre compte à quel point il est plus fatigant
est réalisé par le pubis lorsqu’il est sollicité de marcher dans le sable mou que sur de
en compression ; l’asphalte.
– les mécanismes de suspension sont assurés Toute cette énergie absorbée, transformée
par le pubis lorsqu’il est sollicité en et ensuite restituée lors de chaque pas est utile
cisaillement/torsion, mais aussi par les non seulement pour maintenir la parfaite
différents muscles, ligaments et manchons mobilité de toutes les articulations formant
qui limitent les mouvements de nutation l’anneau pelvien, mais aussi et surtout pour la
sacrée et iliaque ; restituer lorsque la dysfonction est présente
(DOP ou DOS). En effet, lors de l’exécution de
– enfin, l’anneau ostéoarticulaire pelvien,
chaque pas, une impulsion thérapeutique va
grâce à son pouvoir de déformation, est
agir, à la manière d’une manipulation ostéo-
capable d’amortir les forces importantes
pathique, dans le sens de l’amélioration de la
que sont G et R.
mobilité articulaire. Voilà assurément un
À ces mécanismes réducteurs de contrain- nouvel aspect insoupçonné du potentiel
tes peut être ajouté celui, très intéressant, de d’autoguérison de l’organisme (voir troisième
la variation constante de la longueur des principe de l’ostéopathie, p. 23).
membres. Cette variation cyclique de la Cette réflexion nous amène tout naturelle-
longueur de la jambe a une triple fonction : ment à évoquer la problématique de la
– compenser la flexion/extension des jambes semelle compensée tellement prescrite de nos
et les mouvements latéraux du bassin afin jours. Il faut bien reconnaître que rares sont
de maintenir le centre de gravité le plus les « vraies jambes courtes » et surtout les
près possible d’une ligne horizontale « vraies jambes longues ». Elles sont en réalité,
(économie d’énergie) ; dans plus de 90 % des cas, la seule manifesta-
– faciliter le passage du membre non porteur tion visible, pour les non-spécialistes, d’une
lors de la phase d’appui unipodal (écono- dysfonction iliosacrée. Sous cet éclairage phy-
mie d’énergie) ; sioarticulaire, on comprend mieux l’impact
– absorber une partie importante des forces destructeur du port de la semelle lorsqu’il
en présence lors de l’attaque du talon sur le n’est pas indiqué. Dans tous les cas de figure,
sol (récupération d’énergie). même si la symptomatologie est temporaire-
ment améliorée, la talonnette inadaptée inter-
La marche est donc une activité particuliè-
rompt définitivement les mécanismes auto-
rement performante en matière de rendement
correcteurs mis en place par l’organisme et les
énergétique :
conséquences invalidantes ne tardent pas à se
– absorption des forces ; manifester.
– transformation et restitution de ces forces
de manière à réduire l’activité musculaire
Mobilité
motrice ;
– optimisation de la variation de hauteur du La mobilité intrinsèque de l’anneau pelvien
centre de gravité. conditionne celle de l’organisme entier.
La cinétique de la marche est particulière-
ment économe en matière de dépense énergé- Mobilité de la hanche
tique puisque la majorité des forces extérieu- La ceinture pelvienne est le point d’ancrage
res au système (G et R) sont transformées par des membres inférieurs. Les articulations
les différents amortisseurs en forces motrices coxofémorales ont 3° de liberté ; ce sont des
utiles et propres au système. Il suffit de énarthroses, et les surfaces articulaires en
marcher dans des conditions où R < G pour se présence sont sphériques. Le fémur décrit
124 Ostéopathie

Figure 5.60. La mobilité importante de la hanche décrit dans l’espace


un mouvement de circumduction (d’après Kapandji).

donc dans l’espace un important mouvement – la marche n’altère pas la qualité des tissus
combiné de circumduction (figure 5.60). (par la mise en place d’amortisseurs de
Cette première particularité anatomique offre contrainte) ;
donc une importante mobilité à l’organisme.
– la marche est, d’un point de vue rende-
ment énergétique, extrêmement favorable.
Mobilité intrinsèque du bassin
Nous avons étudié la mobilité intrinsèque du Cette seconde particularité anatomique permet
bassin dans le paragraphe précédent. Nous en donc à l’organisme d’être mobile longtemps et
avons conclu que, grâce à elle : aussi souvent que nécessaire.
Anneau pelvien 125

Équilibre
L’étude de l’architecture des différents élé-
ments constituant le bassin nous a démontré
combien celui-ci était résistant (forme des os,
orientation des trabéculations osseuses, puis-
sance des ligaments et efficacité des mécanis-
mes protecteurs).
L’étude de la physiologie articulaire du
bassin nous a fait découvrir les triples perfor-
mances en matière de mobilité : son impor-
tance, sa qualité, son endurance.
Reste à comprendre pourquoi le bassin est
l’élément indispensable au maintien de
l’équilibre dans l’espace de notre organisme.
Le bassin offre d’importants bras de leviers
aux différents haubans musculaires qui
œuvrent en permanence au maintien de
l’équilibre général, grâce à de nombreuses
sollicitations qui sont de très faible intensité
(moment des forces favorable).
Une autre raison, que nous aimons citer
sans pour autant la développer, est le fait que
le bassin soit suspendu sous le centre de
gravité de l’organisme. En réalité, il serait plus
judicieux de dire que le centre de gravité est
posé sur le bassin, dont les qualités de mobi-
lité et d’adaptation font que l’équilibre est
maintenu.
En effet, grâce à cette particularité, le bassin
peut toujours « se placer sous le centre de
gravité », malgré les déplacements dans
l’espace de ce dernier. Cela se fait à la manière
de l’équilibriste cherchant à maintenir en
équilibre un poids posé au sommet d’une
perche (figure 5.61).

Remarque
Ces systèmes sont également très écono- Figure 5.61. Grâce à la mobilité importante
mes d’un point de vue rendement énergé- et au potentiel d’adaptation de la tête
tique puisqu’ils maintiennent l’organisme du clown dans l’espace, l’équilibre
en équilibre aussi longtemps que la fonc- du système est maintenu.
tion l’impose tout en lui permettant
d’être mobile et résistant.
126 Ostéopathie

Figure 5.62. L’anneau pelvien et ses rapports avec le fœtus.

Divers Contention des viscères


Pour être complet, nous citerons encore deux La valeur du mot « bassin » trouve tout son
fonctions majeures du bassin, bien qu’elles ne sens lorsqu’on évoque son rôle de contenant
concernent pas le propos de cet ouvrage. des viscères (figure 5.63).

Parturition Les parois et le plancher pelvien sont tapis-


Grâce à sa morphologie adaptée, le bassin sés par différents tissus. Ce contenant ostéo-
féminin optimise les fonctions de gestation tissulaire autorise à la fois le soutien et la
du fœtus (figure 5.62) et de son expulsion lors mobilité des éléments organiques et viscé-
de l’accouchement. raux.
Anneau pelvien 127

diaphragme

cavité abdominale

muscle de la
paroi abdominale

grand bassin
aile de l'ilium

petit bassin

diaphragme pelvien membrane obturatrice

Figure 5.63. Le « bassin » dans son rôle de contenant.

Résumé L’ostéopathe possède les outils et l’expé-


rience pour apprécier cette mobilité et donc
Parmi les différentes fonctions imparties à aussi pour constater un manque de mobilité.
l’anneau pelvien, celle de pouvoir se déformer Bien plus encore, l’ostéopathe pourra, grâce
conditionne toutes les autres. aux tests qu’il utilise, avoir une idée extrême-
ment précise des contraintes subies par
Ces déformations sont possibles par la l’anneau pelvien. Cette véritable opportunité
mobilité intrinsèque de cet anneau qui se fait fournit des renseignements très utiles qui
selon des lois de physiologie articulaire extrê- seront exploités lors de la démarche diagnos-
mement bien définies et précises. tique, sujet du chapitre suivant.
Chapitre 6

Diagnostic
ostéopathique

Introduction

Anamnèse

Examen clinique

Tests ostéopathiques spécifiques

Conclusion
Diagnostic ostéopathique 131

Chapitre 6

Diagnostic
ostéopathique
Toute certitude est par essence contradictoire avec la philosophie de la recherche.
Pierre Joliot
Nous parvenons quelquefois, en poursuivant nos recherches, à trouver la vérité là
où nous nous y attendions le moins.
Quintilien

Introduction Il est évident que les outils diagnostiques


classiques sont pour l’ostéopathe une source
Lorsqu’on évoque l’ostéopathie, l’amalgame précieuse, voire irremplaçable dans certains
est presque naturel entre ce qu’elle est par cas, lorsqu’il appréhende le patient : analyses
essence même et l’image thérapeutique biologiques, examens radiologiques, etc.
qu’elle représente aux yeux du public. Pour- Dans ce chapitre, nous évoquerons
tant, si l’ostéopathie s’est rendue de plus en succinctement les différents outils utilisés
plus célèbre grâce à son identité thérapeuti- classiquement par l’ostéopathe. Il existe une
que, nul ne peut ignorer que c’est surtout par littérature de plus en plus riche et complète
son concept diagnostique qu’elle se distin- sur chacun des points qui seront évoqués et
gue. nous encourageons le lecteur à y recourir
En effet, s’il est vrai que les chemins diag- abondamment.
nostiques convergent tous vers un même Dans le cadre de l’exercice de sa fonction,
pôle, celui que l’ostéopathie emprunte est la responsabilité de l’ostéopathe est très
spécifique : elle recherche l’endroit, dans le grande. C’est la raison pour laquelle l’abord
corps, où structure et fonction ne sont plus en diagnostique du patient sera rigoureux.
harmonie, et reconnaît à la main une aptitude En résumé :
d’écoute, d’appréciation et d’adaptation de – on pose un premier diagnostic d’exclusion
tout premier ordre. qui établit les éventuelles contre-
Comme pour tout autre profession médi- indications à la prise en charge ostéopathi-
cale responsable, le diagnostic est le fonde- que ;
ment de la procédure qui aboutira à l’applica- – on recherche l’étiologie physique ou struc-
tion du geste thérapeutique. La qualité de la turelle (la DOP) ;
démarche diagnostique conditionne donc – on détermine l’outil thérapeutique le
celle du traitement. mieux adapté.

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Ostéopathie. Principes et applications ostéoarticulaires
132 Ostéopathie

Pour démarrer le processus diagnostique, viendra en complément. Ne dit-on pas que


on va fort logiquement commencer par le patient « crie son diagnostic » à qui sait
découvrir l’histoire pathologique du patient. l’écouter ?
Les moyens pour y parvenir se complètent
et sont communs aux différentes formes de la Interroger le patient
pensée médicale.
C’est l’ostéopathe qui, sur la base de la
Anamnèse synthèse de l’écoute du patient, conduit
l’interrogatoire. Il sera structuré et de plus en
L’anamnèse consiste à collationner et ensuite plus précis.
structurer les informations provenant de Très schématiquement, l’interrogatoire
l’observation, l’écoute ou l’interrogatoire du permet de grouper des informations sur la
patient. pathologie, mais aussi et surtout sur le
patient. On peut, de la sorte, se faire une idée
Observer le patient d’abord générale :
– du motif de la consultation ;
L’observation du patient débute dans la salle – des antécédents personnels :
d’attente, avec la façon dont il est assis, la • maladies ;
manière dont il se lève et vous aborde. Les • accidents ;
attitudes, les positions antalgiques ou les • interventions chirurgicales ;
éventuelles boiteries sont autant d’indices à • gynécologie.
collecter. Les expressions faciales du patient – des antécédents familiaux ;
traduisent la crainte, la peur, la douleur, – de l’hygiène de vie :
l’angoisse ou déjà le soulagement de se savoir • la consommation éventuelle d’alcool, de
pris en charge respectueusement. tabac, de médicaments ;
Quelques éléments observés seront précisés • les horaires de travail, les loisirs ;
ultérieurement : une cicatrice, une anomalie • les habitudes alimentaires.
cutanée, une expression pathologique, le – de l’histoire de l’affection actuelle :
teint, etc. • ancienneté du symptôme ;
Enfin, la poignée de main qui met le • durée ;
patient en confiance fournit les premiers • mode d’apparition ;
éléments sur sa personnalité et sa vitalité. • nature de la douleur éventuelle ;
• localisation de la douleur ;
Écouter le patient • intensité ;
• évolution.
Pour qu’un patient puisse s’exprimer, il doit Le comportement du patient pendant la
être mis en confiance ; quelques mots phase d’écoute ou durant celle de l’interroga-
d’encouragement ou de sympathie l’y aide- toire est souvent révélateur de son incons-
ront. cient (interactions psychosomatiques éven-
Il est toujours très instructif d’écouter le tuelles).
patient qui s’exprime librement. C’est lui qui,
dans un premier temps, est maître de son
discours. La manière dont il décrit spontané-
Examen clinique
ment sa pathologie ou ses symptômes est L’examen clinique, qu’il soit classique ou
souvent riche d’enseignements. spécifique, doit être pratiqué avec rigueur de
L’écoute du patient est le préambule de manière à collecter des signes objectifs de la
la démarche sémiologique. L’interrogatoire maladie en les prenant tous en considération.
Diagnostic ostéopathique 133

Il est important de comprendre que donnent une vision mentale de la position


l’examen clinique réussi est celui qui a été dans l’espace de l’organe ou de l’articula-
complet et systématique. Ce serait une erreur tion examinée, de son état fonctionnel et
de se reposer sur les qualités de palpation de la de sa mobilité.
main, aussi bonne soit-elle, si la vigilance de
l’ostéopathe est inappropriée ou si l’examen
clinique n’est pas complet !
Tests ostéopathiques
Palpation spécifiques
La palpation est une qualité majeure dans
l’approche thérapeutique en ostéopathie. Le Introduction
sens du toucher est très développé chez les
praticiens expérimentés. Fiable, il l’est autant Le but ultime du diagnostic ostéopathique est
que l’ouïe du musicien qui peut se passer d’un de découvrir la ou les dysfonctions primaires
oscilloscope pour apprécier la justesse d’une qui sont, pour rappel, responsables de réac-
note émise. tions tissulaires organisées.
Structurellement, la palpation peut être Ces réactions tissulaires génèrent différents
superficielle ou profonde. symptômes présents dans l’organisme à des
endroits souvent éloignés physiquement de la
Palpation superficielle
cause elle-même. De plus, comme nous
La palpation superficielle ou épicritique l’avons remarqué dans le chapitre 4, la mani-
permet à l’ostéopathe d’apprécier l’état de la festation clinique de la dysfonction est diffé-
peau et ses variations de température, d’humi- rente en localisation ou en intensité pour
dité, de texture ou de tension. chaque individu.
Sous la peau, les tensions tissulaires sont
perceptibles et leurs origines peuvent même Le symptôme n’est donc qu’un indicateur
être différenciées par l’ostéopathe expéri- parmi tant d’autres, et il ne faut lui accorder
menté : toxinique, cicatricielle, chaîne tissu- qu’une importance relative.
laire réactionnelle. Les ingrédients composant la dysfonction
Palpation profonde ostéopathique sont d’une part la structure et
d’autre part la fonction. Fort logiquement, les
La palpation des tissus plus profonds ou des ostéopathes ont, au cours du temps, mis au
organes est davantage appuyée : viscères, point des tests qui interrogent la structure ou
muscles dans l’abdomen ou dans la région la fonction. Il s’agit des tests dits « position-
fessière par exemple. nels » et des tests de « mobilité ».
La palpation comprend également les tech-
niques de percussion, vibration, auscultation. Ces deux grands groupes de tests, bien
Bien que celles-ci soient utilisées classique- qu’incontournables, n’indiquent pas immé-
ment, l’ostéopathe ne peut les négliger. Elles diatement l’emplacement de la dysfonction
donnent une information davantage anato- originelle. Ils ne sont que des outils et l’art du
mique que fonctionnelle : emplacement d’un thérapeute consiste à bien s’en servir. Aucun
organe, engorgement, nature du contenu, etc. test ne se suffit à lui-même pas plus qu’aucune
approche diagnostique ne peut se suffire à
Remarque elle-même. Au contraire, c’est la conjonction
des différents tests et méthodes qui permet
Les deux types de palpation offrent des d’approcher la réalité anatomophysiopatho-
informations qui, recoupées et intégrées, logique.
134 Ostéopathie

Figure 6.1. La hauteur des épines iliaques antérosupérieures est un élément de comparaison
utile pratiqué lors de l’examen ostéopathique.

Il existe une troisième série de tests très autre point de référence (figure 6.1). Il s’agit
utiles permettant, au regard de la symptoma- donc d’un test relatif, simple et permettant de
tologie, d’orienter l’ostéopathe vers la dys- visualiser un désordre positionnel sans pour
fonction primaire. autant l’identifier ou présumer de sa cause.
L’ensemble de ces tests touchant la sphère Toutefois, le test positionnel ne répond pas
physique de l’organisme sont spécifiques à la aux questions suivantes.
philosophie ostéopathique et permettent de
« remonter jusqu’à la source » de la patholo- – Entre les deux points repérés, quel est celui
gie, à la base même du conflit existant entre la qui est normal ?
structure et la fonction. – La différence observée est-elle fonction-
nelle ou morphologique ?
Tests positionnels – La différence positionnelle est-elle le résul-
Parmi la somme des paramètres utiles à pren- tat d’un désordre primaire (DOP) ou secon-
dre en considération lors de la mise en route daire (DOS) et adaptatif ?
d’un processus diagnostique figure le posi- Le test positionnel offre, comme son nom
tionnement des repères anatomiques. l’indique, un regard statique, comme le ferait
Pratiquement, on compare un repère par une radiographie. Mais il ne peut être utilisé
rapport à son homologue ou par rapport à un seul ; il est souvent le point de départ d’une
Diagnostic ostéopathique 135

réflexion de logique fonctionnelle (tests CTR, de comprendre les schémas d’adaptation


d’orientation d’abord, et tests de mobilité de l’organisme pour, enfin, découvrir la DOP.
ensuite). Lorsque nous avons étudié les déforma-
tions de l’anneau pelvien, nous avons été
Tests d’orientation attentifs à la capacité qu’a la symphyse
pubienne de se déformer. Cette articulation
Introduction aux quatre degrés de liberté est très certaine-
Comme son nom l’indique, le test d’orienta- ment celle qui, mieux que les autres, permet
tion accompagne l’ostéopathe dans sa recher- de s’adapter aux contraintes.
che de la dysfonction originelle. C’est la raison pour laquelle notre test
Il existe une multitude de tests d’orienta- débutera par une analyse de la symphyse
tion. Ils reposent tous sur un support anato- pubienne dans deux plans de l’espace.
mophysiologique. Chaque thérapeute a, en
fonction de sa sensibilité, son intérêt et son Remarque
expérience, le choix du concept. Celui-ci fera
alors partie de la « routine » utilisée par La symphyse pubienne est une véritable
l’ostéopathe. fenêtre ouverte sur l’organisme qui nous
Le principe de ces tests d’orientation permet d’observer l’activité discrète des
consiste à interroger l’organisme qui, en quel- chaînes tissulaires réactionnelles (CTR).
ques étapes, guidera l’ostéopathe vers le terri-
toire où se trouve la dysfonction recherchée.
Dans le chapitre précédent, nous avons vu Plan frontal
à quel point l’anneau pelvien pouvait se Après avoir comparé la hauteur relative des
déformer sous l’effet des contraintes qu’il deux branches pubiennes (figure 6.2), les
subit. Lorsque l’organisme est au repos, la questions suivantes se posent.
grande majorité des contraintes liées à l’acti- – Laquelle des branches pubiennes doit être
vité motrice ont disparu et, en position prise en considération ? Est-ce la basse qui
couchée, elles sont réduites à leur plus simple est en position normale ou trop basse, ou
expression. C’est donc à ce moment que bien la haute qui est en position normale
l’anneau pelvien est le moins déformé et ou trop haute ?
adopte sa potion neutre. – Le déplacement relatif d’une des branches
Autrement dit, lorsque, en position cou- pubiennes subit-il la tension tissulaire ou la
chée, l’organisme étant au repos, les déforma- provoque-t-il ?
tions de l’anneau pelvien sont visibles, il y a C’est en interrogeant les tissus périarticu-
toutes les chances que ce soit les chaînes tissu- laires que nous pourrons répondre à ces ques-
laires réactionnelles (CTR) qui travaillent. tions.
Dans son concept, l’intérêt de ce test
d’orientation est triple : ■ Tensions suspubiennes sur pubis
– il est une illustration concrète de la théorie inférieur à droite
de la mobilité du bassin telle que proposée
Ces tensions sont représentées à la figure 6.3.
par Fred Mitchell ;
– il est logique et obéit à la loi qui lie la cause Analyse
à son effet ; La branche pubienne droite est descendue.
– il est la manifestation pratique des trois L’augmentation de la tension dans les grands
principes de l’ostéopathie. droits de l’abdomen à droite est un témoi-
Cette méthode personnelle rapide et logi- gnage de l’activité du mécanisme d’auto-
que nous permet de « remonter » le long de la correction.
136 Ostéopathie

Figure 6.2. Test de la hauteur relative des branches pubiennes dans le plan frontal.

muscle grand droit de l'abdomen

Figure 6.3. Les tensions tissulaires suspubiennes sont marquées à droite.

Interprétation – une dysfonction iliosacrée (ilium anté-


Deux causes différentes peuvent expliquer ce rieur) secondaire (figure 6.4) l’ilium est
phénomène : maintenu en rotation antérieure par
– une dysfonction primaire de la jonction des tensions postérieures (par exemple,
iliosacrée (ilium antérieur) : conséquence les muscles grand dorsal ou carré des
d’un traumatisme par exemple ; lombes).
Diagnostic ostéopathique 137

la partie supérieure droite de l’organisme


(clavicule, épaule, thorax, articulations
costovertébrales, etc.).

■ Tensions sus- et infrapubiennes


sur pubis inférieur
Dans ce cas, l’examen palpatoire met en
évidence des tensions tissulaires à la fois infé-
rieures (droit interne ou adducteur de la
jambe) et supérieures (figure 6.5).
Analyse
La branche pubienne droite s’est abaissée par
l’action des muscles inférieurs. En réaction, le
muscle grand droit de l’abdomen augmente sa
tension de manière à contrôler le mouvement
de descente de la branche pubienne et à répar-
tir l’effort d’autocorrection.
Dans ce cas de figure, la DOP est recherchée
dans les loges antérieures du membre infé-
rieur droit. Le même raisonnement permet
très rapidement de préciser son emplace-
ment :
– une blessure musculaire rapidement loca-
lisée ;
– une dysfonction articulaire (genou, che-
ville, etc.).

■ Tensions infrapubiennes sur pubis


supérieur
La palpation met en évidence une tension
marquée dans les muscles inférieurs, alors
Figure 6.4. La contre-nutation iliaque est que la branche pubienne est supérieure
maintenue par les tensions postérieures. (figure 6.6).
Analyse

Le diagnostic différentiel manuel (test de Dans ce cas, la tension tissulaire joue claire-
mobilité) va orienter très vite vers l’une ou ment son rôle d’autocorrection en tentant
l’autre possibilité : d’abaisser la branche pubienne.
Deux causes sont possibles pour expliquer
– dans le cas de la DOP, elle est vite décou- ce phénomène :
verte, analysée et traitée ; – une DOP dans la zone de l’articulation
– dans le cas de la DOS, l’investigation va se sacro-iliaque (par exemple un ilium posté-
poursuivre selon la même logique binaire : rieur) : conséquence d’un traumatisme,
pourquoi ce muscle ou groupe de muscles entre autres ;
est-il sous tension ? Étape par étape, – une dysfonction iliosacrée (ilium posté-
l’ostéopathe va vite trouver la réponse dans rieur) secondaire : l’ilium est maintenu en
138 Ostéopathie

muscle grand droit de l'abdomen

muscle adducteur de la cuisse

Figure 6.5. La branche pubienne est relativement plus basse –


les tensions dans les muscles supérieurs et inférieurs sont marquées.

muscle adducteur de la cuisse

Figure 6.6. La branche pubienne gauche est relativement plus haute


et la tension dans les tissus infrapubiens est marquée.
Diagnostic ostéopathique 139

grand fessier

contraction des muscles


postérieurs de la cuisse

Figure 6.7. Les muscles postérieurs de la cuisse maintiennent l’ilium en nutation.

rotation postérieure par la contraction des chaîne réactionnelle plus étendue, la


muscles postérieurs de la cuisse (ischio- dysfonction sera trouvée dans une articula-
jambiers par exemple) (figure 6.7). tion du membre inférieur (rotation du
La même logique détermine la suite de la genou, translation latérale du genou,
procédure. blocage de la mortaise tibiale inférieure,
– Le muscle faisant partie du groupe des etc.).
ischio-jambiers est-il contracturé isolé-
ment ? Si oui, il s’agit d’une blessure intra- ■ Tensions sus- et infrapubiennes sur
musculaire ou d’une conséquence neurolo- pubis supérieur
gique dont la cause est à rechercher dans la
colonne lombaire. Dans ce cas de figure, l’examen palpatoire
– En revanche, si la contraction du muscle révèle des tensions tissulaires sus- et infrapu-
postérieur de la cuisse est un maillon d’une biennes plus marquées (figure 6.8).
140 Ostéopathie

muscle grand droit de l'abdomen

muscle adducteur de la cuisse

Figure 6.8. La branche pubienne est relativement plus haute à gauche – les tensions dans les
muscles supérieurs et inférieurs sont marquées.

Analyse Il est nécessaire d’affiner la recherche en


La tension des muscles suspubiens (grand utilisant la même logique. Le périmètre de
droit de l’abdomen) élève la branche pu- recherche va s’affiner de plus en plus, et les
bienne pendant que les muscles infrapubiens tests de mobilité pointeront très rapidement
contrôlent cette élévation. la dysfonction responsable de la CTR. Dans ce
L’origine des tensions tissulaires nous cas de figure, l’investigation concerne toute la
permet d’investiguer davantage dans les mécanique respiratoire et tous les paramètres
zones inférieure et moyenne du tronc. qui l’influencent (neurologiques, musculai-
res, articulaires ou organiques).
Deux causes sont possibles pour expliquer
ce phénomène : Plan horizontal
– une blessure intramusculaire de la paroi Autour des axes verticaux latéraux (axes
abdominale, une contracture isolée ou mécaniques), l’anneau pelvien peut se défor-
une altération neurologique (rechercher mer. Nous observerons dans ce cas une bran-
segment vertébral) ; che pubienne relativement plus antérieure
– une dysfonction articulaire thoracique. que son homologue (figure 6.9).
Diagnostic ostéopathique 141

Les mouvements simples (non combinés)


autour des deux axes verticaux du sacrum se
produisent presque exclusivement lors des
mouvements de rotation de la hanche et du
membre inférieur. La contraction des muscles
rotateurs externes de la hanche antériorise la
branche pubienne, et celle des muscles rota-
teurs internes la postériorise (figure 6.11).
Toutefois, la contraction isolée du muscle
psoas postériorise également la branche
pubienne (figure 6.12).

■ La branche pubienne droite


est antérieure
Analyse différentielle
Si la branche pubienne est antérieure (fi-
gure 6.13) et que la jambe est en position de
rotation relativement externe, c’est le muscle
pyramidal qui est concerné et il peut l’être
pour plusieurs raisons.
Figure 6.9. Déformation de l’anneau pelvien
– La tension est isolée. Le muscle est irrité,
dans le plan horizontal autour des axes
blessé, mal vascularisé ou mal innervé. Les
verticaux.
deux points d’insertion sont rapprochés, la
rotation de la jambe est en position de
rotation externe, et la torsion du sacrum
Utilisant toujours la même logique qui est de type antérieur sur axe droit (D/D).
consiste à rechercher la cause en fonction de – La tension est intégrée dans une CTR qui a
l’effet observé, nous allons analyser, à titre pour but de :
d’illustration, deux cas de figure ci-après. • corriger une dysfonction d’ordre sacro-
Bien entendu, en réalité, la déformation de iliaque comme une torsion gauche sur
l’anneau pelvien se fait d’une manière axe gauche ou une torsion gauche sur
globale, dans les différents plans de l’espace. axe droit (établir un diagnostic articu-
La précision de notre analyse va dépendre de laire précis) ;
la qualité de la palpation et de la capacité • corriger une rotation interne de la
d’intégrer les données. Celles-ci sont très hanche.
utiles pour construire une image tridimen- Tout étant relatif, si les paramètres sont
sionnelle et avoir ainsi une vision réaliste des normaux à droite, les tests s’orientent vers la
mécanismes d’adaptation utilisés par l’orga- branche gauche qui est postérieure.
nisme.
Physiologiquement, le mouvement d’élé- ■ La branche pubienne droite
vation de la branche pubienne s’accom- est postérieure
pagne d’un mouvement d’antériorisation
(figure 6.10). Inversement, une branche Analyse différentielle
pubienne basse est relativement postérieure. Si la branche pubienne est postérieure (fi-
Cette notion importante ne peut être perdue gure 6.14) et que la jambe est en position de
de vue lors de l’examen palpatoire. rotation relativement interne, ce sont les
142 Ostéopathie

Figure 6.10. Lorsque l’illium se postériorise dans un mouvement de nutation,


la branche pubienne s’élève et s’antériorise.

Rm

C1

C2
Fm

Figure 6.11. La contraction des muscles rotateurs externes de la hanche antériorise


la branche pubienne. La contraction des muscles rotateurs internes
de la hanche postériorise la branche pubienne.
Diagnostic ostéopathique 143

muscle psoas

Figure 6.12. En raison de son appui sur la branche iliopubienne, le psoas la postériorise.

muscles rotateurs internes qui sont concer- – La tension est intégrée dans une CTR :
nés. Ils peuvent l’être pour plusieurs raisons. • la CTR a pour but de corriger une
– La tension est isolée. dysfonction d’ordre sacro-iliaque comme
une torsion gauche sur axe gauche ou
• Le ou les muscles sont irrités, blessés, mal
une torsion gauche sur axe droit (établir
vascularisés ou mal innervés. Les deux
un diagnostic articulaire précis) ;
points d’insertion sont rapprochés, la
• si la jambe est en rotation externe, les
rotation de la jambe est en position de
muscles rotateurs internes contrôlent
rotation interne.
l’action des muscles rotateurs externes
• La zone sacro-iliaque est en cause (à (ils sont les maillons d’une CTR).
confirmer par les tests de mobilité). Enfin, le muscle psoas peut être impliqué
• La dysfonction se trouve dans le membre dans la postériorisation de la branche pu-
inférieur (genou ou cheville). bienne.
144 Ostéopathie

Figure 6.13. La branche pubienne droite est relativement antérieure.

Figure 6.14. La branche pubienne droite est relativement postérieure.


Diagnostic ostéopathique 145

Remarques Le test d’orientation est une analyse fonc-


tionnelle qui débute par le test positionnel et
Lorsque les dysfonctions concernent qui se précise par le test de mobilité.
l’anneau pelvien lui-même :
– les déplacements des branches pubien- Tests de mobilité
nes dans le sens vertical (plan frontal) nous
orientent vers une dysfonction iliosacrée Les tests de mobilité articulaire sont des tests
(forces montantes de réaction du sol) ; spécifiques de la philosophie et de la pratique
– les déplacements des branches pubien- ostéopathiques. Ils sont utilisés une fois la
nes sont antéropostérieurs (plan horizon- zone articulaire découverte. Ils permettent de
tal) et nous orientent préférentiellement préciser et de qualifier tous les paramètres de
vers une dysfonction sacro-iliaque (forces la dysfonction ostéopathique. Ces tests sont
gravitationnelles descendantes). importants et même déterminants puisque
c’est grâce à eux que le thérapeute peut écarter
une éventuelle contre-indication ou opter
À la manière des panneaux indicateurs, les pour la technique correctrice la plus appro-
tests d’orientation nous conduisent, étape par priée ainsi que la manière de l’exécuter. Les
étape, vers une dysfonction ostéopathique tests de mobilité permettent à l’ostéopathe
primaire (DOP) « dominante », puisque c’est d’apprécier l’harmonie existant entre une
elle qui utilise le plus intensément le potentiel structure et la fonction qui lui est liée. Ils sont
d’autoguérison par la sollicitation des CTR. donc généralement pratiqués à la fin du
Une fois la dysfonction découverte et traitée, processus diagnostique et confirment ou infir-
la même procédure est recommencée jusqu’à ment le cheminement parcouru.
ce que les différentes dysfonctions primaires Il existe deux grandes catégories de tests de
soient traitées. mobilité : les tests spontanés et induits.
Les tests d’orientation permettent de
découvrir, page après page, l’histoire tissulaire Test de mobilité spontané
du patient !
Dans ce cas, l’ostéopathe se place en observa-
teur. Il « écoute » et analyse le mouvement
Conclusions lorsqu’il se produit. Ce test s’adresse particu-
Nous avons présenté extrêmement briève- lièrement aux fonctions articulaires vitales,
ment une méthode logique qui, partant des c’est-à-dire celles qui ne s’interrompent pas
déformations de l’anneau pelvien, nous lorsque l’organisme est au repos (respiration,
permet de suivre le cheminement des CTR mouvements organiques).
jusque dans la zone dysfonctionnelle recher-
chée. Test de mobilité induit
Cette méthode peut être développée dans L’ostéopathe induit le mouvement et apprécie
les moindres détails, ce qui ne peut être fait sa quantité (amplitude de la mobilité sur les
dans le cadre de cette publication. différents axes de mouvements articulaires)
Pour y parvenir, il « suffira » de faire ainsi que sa qualité (la facilité d’exécution du
confiance aux tissus. Eux seuls nous guident mouvement appelé « l’aise »).
objectivement dans ce labyrinthe tridimen- Techniquement, ce test est actif ou passif.
sionnel dans lequel tous les chemins sont à la – Test actif : le patient exécute le mouve-
fois possibles et différents. Il est donc impor- ment.
tant de ne pas imaginer des tensions tissulai- – Test passif : l’ostéopathe induit le mouve-
res là où notre logique aimerait qu’elles soient ment et apprécie son amplitude, son aise,
présentes. la qualité de la limite articulaire, etc.
146 Ostéopathie

A B

Figure 6.15. Exemples de tests de mobilité globale, plurisegmentaires.

Il est possible de subdiviser les tests de ■ Tests de mobilité articulaire spécifiques


mobilité induits en deux groupes complé- Ces tests, aussi précis que subtils, nécessitent
mentaires. une grande expérience et une grande écoute
de la part de l’ostéopathe. Fiables et reproduc-
■ Tests de mobilité globaux tibles, ils analysent les plus petits mouve-
Ces tests concernent un mouvement pluriarti- ments articulaires comme peuvent l’être les
culaire et déterminent plus globalement une mouvements mineurs. Les mouvements
fonction articulaire, rotation de toute la majeurs, nettement plus faciles à percevoir, ne
nuque, flexion/extension du tronc ou éléva- nécessitent pas d’aptitudes particulières de la
tion de l’épaule (figure 6.15). part de l’examinateur pour être perçus.
Ces tests indiquent une large zone conflic- Cette sensibilité palpatoire est propre à
tuelle mais n’en précisent pas la nature. l’ostéopathe qui l’a travaillée et développée.
Diagnostic ostéopathique 147

Elle lui permet de poser un diagnostic articu- – L’examen clinique général permet de situer
laire bien défini, en parfaite adéquation avec le symptôme par rapport aux grands systè-
la physiologie articulaire. mes biologiques, physiologiques et physi-
De la qualité du diagnostic articulaire ques afin d’établir une éventuelle corréla-
dépendra celle du geste technique exécuté tion.
dans le cadre du traitement. – En respectant la stricte application de la
règle reliant la cause à l’effet, les tests
Il est utile de rappeler que, pour l’ostéopa-
d’orientation manuels guident l’ostéopa-
the, la sémantique du mot « articulaire » ne se
the vers la zone dysfonctionnelle. Simulta-
limite pas à la définition classique selon
nément, les éléments objectifs sont
laquelle deux os entourés de cartilage et unis
confrontés de manière à établir un
par des ligaments se mobilisent entre eux. Ce
diagnostic a minima ou d’exclusion.
terme s’adresse plus largement aux tissus qui
– Les examens physiques spécifiques (tests
entretiennent entre eux une mobilité, comme
positionnels ou de mobilité) caractérisent
cela peut être le cas entre les organes et les
de plus en plus précisément la dysfonction.
tissus se trouvant dans leur périphérie directe.
– Les tests positionnels comparent la posi-
tion de deux structures mais ne préjugent
Conclusion pas de la nature de la dysfonction éven-
tuelle.
La recherche par l’abord physique et struc- – Les tests de mobilité permettent un
turel de la pathologie est une spécificité examen très subtil et précis de l’articula-
ostéopathique inaliénable qu’il convient tion dysfonctionnelle. Ils sont pratiqués
d’intégrer dans une démarche diagnostique lorsqu’il est définitivement acquis que le
plus globale. patient peut bénéficier d’un traitement
– L’observation et l’interrogatoire sont les ostéopathique. Les tests de mobilité rensei-
premiers contacts avec le patient. Un cadre gnent le praticien sur le type d’outil théra-
général est posé autour du motif de la peutique à mettre en œuvre (indications et
plainte, des circonstances liées à son appa- contre-indications techniques) et sur la
rition ou à son contexte. manière de les utiliser.
Chapitre 7

Traitement
ostéopathique

Introduction

Les techniques dites « structurelles »

Les techniques dites « fonctionnelles »

Conclusion
Traitement ostéopathique 151

Chapitre 7

Traitement
ostéopathique
Je ne sais si cela se peut, mais je sais bien que cela est.
Molière

La médecine est une opinion.


Massimo Bontempelli

Introduction complémentaire de l’approche holistique


prônée par la philosophie ostéopathique.
Dans les chapitres précédents, nous avons Remarquons que l’évolution des mentalités
présenté le concept ostéopathique aussi va très clairement dans ce sens : l’opposition
complètement que possible : la dysfonction jadis très radicale marque le pas sur la complé-
ostéopathique, les réactions tissulaires organi- mentarité, le respect des points de vue et des
sées et, enfin, le potentiel d’autoguérison et compétences.
d’adaptation que possède l’organisme.
Toutefois, la thérapeutique ostéopathique
La philosophie ostéopathique est fondée existe. Elle est spécifique autant par son
sur les sciences fondamentales que sont approche philosophique que par sa techni-
l’anatomie, la physiologie, la biologie et la cité. Concernant cet aspect technique, nous
biomécanique. Pourtant, l’ostéopathie se proposons de brosser, dans ce chapitre, un
distingue des autres courants de la pensée tableau récapitulatif des outils thérapeutiques
médicale par une approche identitaire carac- structurels et fonctionnels les plus usités.
térisée par sa logique, son approche diagnos-
Nous devons constater qu’une grande
tique et sa pratique thérapeutique. L’ostéo-
confusion existe, chez le public peu informé,
pathie n’est donc pas une « technique »
entre, d’une part, le « concept médical ostéo-
médicale mais une médecine dans le sens
pathique » et, d’autre part, les outils thérapeu-
étymologique du terme. Cela veut aussi dire
tiques utilisés. Il ne faut pas réduire l’ostéopa-
qu’elle est complémentaire de la médecine
thie à une technique ; l’ostéopathie n’est pas
traditionnelle moderne, même si la physiolo-
que du « crânien » ou que du « viscéral », et
gie et, surtout, la pathologie sont appréhen-
« manipuler une vertèbre », ce n’est pas de
dées avec une approche différente.
l’ostéopathie ! En revanche, une multitude
L’hyperspécialisation segmentaire prati- d’outils, dont ceux que nous venons de citer,
quée en médecine classique est finalement font partie de l’arsenal technique utilisé par

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Ostéopathie. Principes et applications ostéoarticulaires
152 Ostéopathie

les ostéopathes. La médecine classique ne L’horloger possède lui aussi ces deux caté-
peut pas davantage être réduite dans sa défini- gories d’outils selon la nécessité d’intervenir
tion à la prescription de piqûres ou d’antibio- structurellement sur un élément mécanique
tiques... ou celle d’opérer un réglage fonctionnel.
Cela nous conduit à proposer la réflexion
suivante : il n’existe pas plus de contre- Manipulations articulaires
indications en ostéopathie qu’il n’en existe en
médecine officielle classique. Cependant, Historique
pour les deux types de médecine, les outils Les manipulations articulaires et, plus encore,
thérapeutiques utilisés ont des indications « la » manipulation vertébrale sont souvent
cliniques et donc aussi de nombreuses considérée à tort comme étant « le tout ostéo-
non-indications. L’arsenal thérapeutique mé- pathique », alors qu’en réalité elles ne repré-
dical ou ostéopathique est comme une caisse sentent, comme nous l’avons déjà évoqué,
à outils. Chacun a sa fonction. L’art du théra- qu’une technique thérapeutique parmi beau-
peute est semblable à celui de l’artisan qui coup d’autres. Autrement dit, lorsqu’on
saura les utiliser à bon escient, justement, manipule une articulation de manière symp-
intelligemment, respectueusement et en tomatique, en dehors de tout contexte sémio-
toute innocuité. logique ou de toute approche diagnostique
globaliste et cohérente, ce n’est pas de l’ostéo-
Les techniques dites pathie.
« structurelles » Les manipulations sont très anciennes et
ont été pratiquées par différentes civilisations
Introduction antiques aux quatre coins de la planète.
Les techniques manipulatives ont ensuite
Les trois principes que nous avons décrits au été développées et codifiées par deux hommes :
début de cet ouvrage (voir chapitre 3) sont le – Andrew Taylor Still qui, vers les années
fondement de la philosophie ostéopathique. 1875, a structuré les techniques dites « de
Plus concrètement, ils gouvernent les démar- grande amplitude et de basse vélocité » ;
ches diagnostique et thérapeutique. – Daniel David Palmer, fondateur de la chiro-
La loi « de la cause et de son effet » qui a praxie, qui, une vingtaine d’années plus
guidé le protocole diagnostique spécifique est tard, s’est davantage intéressé aux techni-
dérivée du premier principe de l’ostéopathie ques dites « de faible amplitude et de haute
qui établit l’interrelation existant entre la vélocité ».
structure et la fonction. Actuellement, les différents praticiens de
Selon l’abord thérapeutique que le type de médecine physique (ostéopathie, chiropraxie,
dysfonction impose, la technique utilisée médecine manuelle, etc.) utilisent sans
s’adressera soit à la structure, de manière à distinction ces techniques complémentaires
réguler une fonction, soit à la fonction pour que nous allons détailler.
pouvoir corriger la structure.
En schématisant d’une manière presque Techniques manipulatives
caricaturale, on peut théoriquement dire que Le but d’une manipulation, quelle que soit la
les techniques structurelles s’adressent préfé- technique utilisée, est de restaurer la mobilité
rentiellement aux dysfonctions ostéopathi- articulaire physiologique. Il s’agit donc d’un
ques primaires (DOP), tandis que les techni- acte réfléchi qui est le légitime aboutissement
ques fonctionnelles concerneront davantage du processus diagnostique.
le traitement des dysfonctions ostéopathiques Pour pouvoir « restaurer » la mobilité
secondaires (DOS). physiologique, il faut la connaître parfaite-
Traitement ostéopathique 153

ment, se la représenter dans les trois plans de Cette technique peut être utilisée en mode
l’espace mais, bien plus encore, pouvoir direct ou indirect.
détecter les moindres troubles articulaires qui
témoignent de la dysfonction et la qualifient. ■ Manipulation à basse vélocité
S’il est possible et relativement facile d’étudier et de faible amplitude
et de comprendre la théorie physiologique, il Il s’agit d’une technique de décoaptation arti-
est beaucoup plus difficile de percevoir un culaire, comme celle qui consiste à « faire
trouble, de pouvoir l’analyser, le comprendre craquer » ses doigts.
et ensuite le corriger. Cela fait partie inté-
grante de l’« art de guérir », subtile harmonie
■ Manipulation à haute vélocité
entre ce que le thérapeute sait et sait faire.
et de faible amplitude
Les techniques appliquées seront :
Appelée communément le thrust, cette mani-
– directes lorsque les forces correctrices pulation passive agit directement dans le sens
s’adressent directement à la dysfonction de la correction de la dysfonction articulaire.
articulaire ; La haute vélocité permet à la fois de mobi-
– indirectes lorsque les forces correctrices liser structurellement des surfaces articulaires
mises en jeu s’adressent aux articulations tout en étirant les tissus périarticulaires. Cette
sus- ou sous-jacentes par rapport à celle qui action mécanique est accompagnée d’une
est dysfonctionnelle. réaction neurologique par sollicitation de
voies réflexes agissant localement sur les
tissus périarticulaires ou à distance de ceux-ci
■ Manipulation à basse vélocité
(liens fluidique et neurologique).
et de grande amplitude
Parce que le bras de levier utilisé est réduit
Le principe consiste à utiliser un long bras de
(faible amplitude), la manœuvre ne mobilise
levier entre l’articulation à traiter et le point
pas les structures anatomiques au-delà de la
d’application de la force correctrice exercée
limite physiologique du mouvement.
par le manipulateur (figure 7.1).

Remarques
La haute précision lors de l’exécution de
la manipulation dépend de celle de la
mise en tension et de la qualité du
verrouillage des articulations sus- et sous-
jacentes. Dans ces conditions, la poussée
correctrice ne nécessite aucune force
puisqu’elle est parfaitement orientée.
C’est une des conditions garantissant son
innocuité.
Cette manœuvre n’abîme donc aucune-
ment les structures anatomiques et peut
donc être pratiquée aussi souvent que
nécessaire puisqu’elle restaure les
Figure 7.1. Exemple de manipulation rapports physioanatomiques. Le bruit arti-
vertébrale utilisant une haute amplitude culaire régulièrement audible lors de
(bras de levier important) l’exécution de la manœuvre n’est en
et une basse vélocité. aucun cas un gage de réussite. Ce bruit ou
154 Ostéopathie

« craquement » articulaire n’a aucune General osteopathic treatment


valeur thérapeutique.
Inspiré par Still lui-même et développé John
Il va sans dire qu’il existe des contre-
Martin Littlejohn ensuite, le general osteopa-
indications à l’utilisation de cette techni-
thic treatment (GOT) consiste, en utilisant une
que et que sa pratique nécessite un
procédure systématique, à améliorer la mobi-
apprentissage très sérieux ainsi qu’une
lité articulaire générale de tout l’organisme.
longue expérience.
Cette méthode simple permet d’optimiser le
potentiel d’autoguérison du corps entier en
favorisant les échanges liquidiens. Elle inter-
vient à la fois dans le processus diagnostique
■ Manipulation à haute vélocité et dans le processus thérapeutique selon que
et de haute amplitude la main « reçoit » ou « donne ». Le GOT
La manœuvre communément appelée le lift s’inscrit adéquatement dans une procédure de
(figure 7.2) se pratique toujours perpendicu- mise en confiance progressive du patient,
lairement aux plans de glissements articulai- mais aussi dans le cadre d’une préparation
res de manière à provoquer une décoaptation tissulaire à l’application d’une autre techni-
globale de l’articulation. Elle corrige une que correctrice plus spécifique.
impaction articulaire dont l’origine traumati-
que est la plus vraisemblable.
Manipulations viscérales
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le
préciser, la notion de mobilité articulaire
s’adresse également aux tissus organiques qui
bougent par rapport à leur environnement. La
mobilité organique est à la fois intrinsèque
(c’est la notion de motilité) et relative. Lors des
mouvements respiratoires, la coupole dia-
phragmatique s’abaisse et remonte alternati-
vement, induisant un mouvement du foie, de
l’estomac ou des reins. Lors de la marche, les
mouvements organiques sont importants et
complexes. La motilité et la mobilité sont les
moteurs de l’important drainage organique.
Les organes eux-mêmes mais aussi les liga-
ments, les nerfs, les fascias, etc. peuvent être
manipulés spécifiquement afin de rendre
cette mobilité physiologique et de garantir la
parfaite fonction organique.

Les techniques
dites « fonctionnelles »
Introduction
Figure 7.2. Le lift est une technique utilisée Les techniques fonctionnelles se servent de la
pour corriger une impaction articulaire. fonction d’un tissu musculaire, ligamentaire,
Traitement ostéopathique 155

tendineux, etc. pour modifier un ou plusieurs des rapports qu’elle entretient avec les tissus
éléments structuraux déficients. Les techni- avoisinants, Lawrence Jones a codifié une
ques sont nombreuses et se conjuguent ou procédure thérapeutique qui consiste à placer
s’associent quelquefois. C’est la raison pour passivement l’articulation dans une position
laquelle nous évoquerons les techniques prin- de très grand confort, c’est-à-dire dans
cipales. Comme pour chaque type de techni- laquelle les tensions myofasciales sont rédui-
que structurelle, il existe une littérature abon- tes au maximum.
dante et très spécifique que nous vous Guidée par la main qui « écoute », la posi-
recommandons vivement de consulter. tion de confort est trouvée et maintenue
durant 90 s. C’est dans cette position que le
Muscle energy procedures faisceau neuromusculaire douloureux est le
Élaboré par Fred Mitchell, le concept théra- plus court et donc le moins sollicité. Le temps
peutique de muscle energy procedures, extrême- consacré à l’exécution de la manœuvre est
ment complet, débute par un diagnostic arti- destiné à étirer les faisceaux musculaires anta-
culaire très précis qui permet à la fois de gonistes.
définir les causes et la nature des restrictions Lentement et très progressivement, l’ostéo-
de la mobilité. pathe ramène l’articulation dans une position
Ce sont des manœuvres correctrices parti- neutre.
culièrement indiquées lorsque la dysfonction
articulaire est secondaire (DOS), c’est-à-dire Les techniques fonctionnelles
lorsqu’elle est la conséquence de l’hypertoni- selon William Johnston
cité d’un petit muscle ou d’un ensemble de Les techniques fonctionnelles mises au point
tissus connexes à l’articulation. par William Johnston et ses collaborateurs
Par une série de contractions musculaires sont des techniques d’écoute très précises et
volontaires (isotoniques et contre résistance) respectueuses de l’environnement tissulaire.
effectuées selon une procédure très précise par Elles consistent à guider un segment articu-
le patient lui-même, la mobilité physiologi- laire dysfonctionnel en utilisant des voies de
que articulaire est retrouvée. passage aisées qui n’exacerbent pas les
Cette technique convient particulièrement tensions tissulaires déjà existantes. La main
bien aux états aigus et remplace avantageuse- qui induit le mouvement correcteur écoute et
ment une intervention structurelle, souvent obéit à celle qui indique la voie à suivre. La
mal tolérée dans pareil cas. correction de la dysfonction articulaire, géné-
ralement secondaire, est obtenue lorsque les
Strain and counterstrain réactions tissulaires environnantes ont
Plus connue sous le nom de son concepteur, le disparu.
docteur Lawrence Jones, cette technique de Tout comme les techniques myotensives
strain and counterstrain a été traduite en fran- décrites précédemment, ces techniques fonc-
çais par « correction spontanée par position- tionnelles sont particulièrement indiquées
nement »1. pour traiter des troubles fonctionnels particu-
Partant du principe selon lequel la douleur lièrement aigus.
locale articulaire (ou périarticulaire) dépend
de la position de l’articulation dans l’espace et Conclusion
Nous avons présenté brièvement quelques
familles de techniques couramment utilisées
1. Voir Lawrence Jones, Correction spontanée par posi- en ostéopathie. La liste n’est pas exhaustive ;
tionnement, Paris, Frison-Roche 1985. ainsi, nous avons volontairement négligé de
156 Ostéopathie

mentionner celles, pourtant bien utiles, qui que à haute vélocité ne peut être appliquée
favorisent l’écoute ou l’induction. dans tous les cas et que de la qualité d’un
Grâce à l’utilisation de ces outils d’inter- levier ou segment osseux dépendra l’utilisa-
vention, une large palette d’indications théra- tion d’une technique de haute amplitude.
peutiques peut être couverte. En utilisant le
terme « indication », nous sous-entendons Fort heureusement, en combinant les tech-
implicitement celui de « contre-indication ». niques structurelles, fonctionnelles, directes
Or, comme nous le soulignions en début de ou indirectes utilisées avec plus ou moins
chapitre, il n’y a pas de contre-indication en d’amplitude ou de vélocité, chaque situation
médecine ostéopathique mais plutôt des clinique peut être appréhendée, étant bien
« non-indications ». En revanche, les contre- entendu que le but ultime du traitement n’est
indications sont formelles lorsqu’on évoque pas de se substituer aux mécanismes d’auto-
l’utilisation des techniques de correction guérison de l’organisme mais, au contraire, de
ostéopathique. Il va sans dire qu’une techni- les potentialiser.
Conclusion

À l’heure où les « spécialités » ostéopathi- sans cesse s’adapter, se défendre, équilibrer les
ques se multiplient et se définissent par réfé- paramètres biologiques, physiologiques, chi-
rence à une technique ou à une idéologie, il miques mais aussi... mécaniques, moins
est important de se rappeler que l’ostéopathe connus ou reconnus.
est avant tout un praticien généraliste qui, C’est pour mieux s’adapter aux contraintes
fidèle au principe de l’unité fonctionnelle de et pour mieux utiliser les forces gravitation-
l’organisme, accorde davantage d’importance nelles que la charpente ostéoarticulaire
au mécanisme générant la pathologie qu’au humaine est aussi développée dans son ingé-
symptôme lui-même. nierie et dans sa technicité. Par la compréhen-
Très modestement, nous espérons que cet sion des mécanismes fonctionnels et donc
ouvrage facilitera le retour aux sources histo- aussi dysfonctionnels, l’ostéopathe pourrait
riques de l’ostéopathie traditionnelle qui se être comparé à un ingénieur en mécanique
caractérise notamment par cette vision humaine. Lorsque l’ostéopathe utilise ses
globale de l’organisme humain. outils thérapeutiques, il revêt davantage le
Les principes sur lesquels se fonde l’ostéo- rôle de mécanicien de l’organisme. Voilà reca-
pathie sont certes naturels et universels mais drée la mission de l’ostéopathe : écouter,
plus concrètement, c’est en tant qu’ostéopa- analyser et comprendre, avant d’intervenir.
the de terrain que nous avons compris, vérifié Notre légitimité professionnelle en dépend
et intégré leurs valeurs. Sans entrer dans de tout comme notre crédibilité.
très hautes considérations philosophiques, il Par sa logique, l’ostéopathie semble telle-
est intéressant de remarquer que la célèbre loi ment simple que c’était, il y a encore quelques
« de cause à effet » est une résultante synthé- années, une des probables causes de son
tique de ces trois principes interdépendants discrédit. En revanche, le métier est particuliè-
gouvernant les multiples fonctions de l’orga- rement difficile ; l’ostéopathe se devant d’être
nisme, et permettant aux ostéopathes à la fois « un homme de science » par sa
d’établir une logique diagnostique et théra- connaissance implicite et fonctionnelle des
peutique. sciences fondamentales, et « un homme
Pour assurer à la fois « qualité » de vie et d’art » lorsqu’il applique le juste geste, celui
« longévité », notre organisme humain doit qui soigne ou qui guérit !
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