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Principes et applications
ostéoarticulaires
L’anneau pelvien
T. Liévois
ISBN : 2-84299-738-7
Manipulations de la prostate
J.-P. Barral
ISBN : 2-84299-654-2
Manipulations viscérales 1
J.-P. Barral, P. Mercier
ISBN : 2-84299-620-8
Manipulations viscérales 2
J.-P. Barral
ISBN : 2-84299-621-6
Olivier Auquier
Avant-propos
Jean-Pierre Barral
Préface
Pr Xavier Sturbois
Olivier Auquier
Ostéopathe DO ; diplômé de l’European School of Osteopathy (Maidstone, Angleterre)
olivier.auquier@olea.be
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• Thomas Dummer †
• John Werham
• Barrie Savory
À Céline et Charlotte
À mon ami le docteur Luc Dubru
Histoire de l’ostéopathie
Introduction
Chapitre 1
Histoire de l’ostéopathie
Quand on renie le passé, on perd l’avenir.
Dulce Maria Cardoso
Maine
New York
Iowa Pennsylvanie
Illinois Ohio
Indiana
Virginie
Kansas
Missouri Kentucky
Caroline du Nord
Tennessee
Oklahoma Arkansas
Caroline du Sud
Mississipi
Georgie
Alabama
Louisiane
Kirksville
Mécanicien de l’humain
Figure 1.4. La première découverte d’Andrew
L’après-guerre est marquée par l’industrialisa-
Taylor Still. D’après une illustration extraite tion. Aux États-Unis, elle se caractérise par un
d’A.T. Still, Autobiography of Andrew Taylor engouement incroyable de la population pour
Still, Kirksville, 1908. la technologie. Still lui-même se passionne
pour l’invention de machines et le perfection-
devenant ainsi les États confédérés d’Améri- nement de mécanismes existants. Ainsi, il
que. La guerre entre ces États confédérés et le dirige une petite entreprise agricole, et met au
reste de l’Union devient inévitable. Elle éclate point une baratte révolutionnaire qui trans-
le 12 avril. Still s’engage chez les fédéraux forme en beurre les excédents de sa produc-
comme combattant mais aussi comme méde- tion laitière.
cin. Il devient intendant dans un hôpital et y Il a évolué dans le concept de perfection-
pratique la chirurgie. Cette expérience lui nisme, cher au mouvement méthodiste :
permet de se doter d’une solide expérience en « Dieu est parfait et Il fait toutes choses bien ».
anatomie et en physiologie articulaire. Cela l’incite à appliquer ses connaissances en
Dans la guerre de sécession, les maladies, mécanique générale à la mécanique humaine
les infections et le manque d’hygiène causent que Dieu a créée. En particulier, il n’hésite pas
deux fois plus de pertes humaines que les à exhumer des corps de tombes indiennes
combats eux-mêmes. Still assiste, impuissant, pour les disséquer et approfondir ses connais-
à la mort de nombreux soldats. Il est égale- sances en anatomie. Il découvre l’emplace-
ment désespéré par le peu de moyens dont il ment des muscles, des nerfs et des vaisseaux
dispose pour soigner les malades. À cette sanguins. Il étudie au plus près la position des
époque, Louis Pasteur entame à peine les os et des structures qui les maintiennent soli-
recherches qui aboutiront à l’une des décou- daires entre eux ou les mobilisent.
vertes fondamentales de la médecine. Il Il émet alors l’idée qu’il existe une relation
n’existe aucun remède efficace contre les entre l’anatomie du corps et son fonctionne-
Histoire de l’ostéopathie 7
ment. En parfait mécanicien, il a en effet ouvre son premier cabinet dès l’année sui-
observé que lorsqu’on entrave le bon fonc- vante. Très apprécié, il multiplie les succès
tionnement d’une machine, il se produit thérapeutiques et acquiert une renommée qui
aussitôt un bruit anormal. Il estime qu’il en va dépasse les États du Missouri et du Kansas.
de même pour la mécanique humaine et que Restreignant peu à peu la prescription et
la maladie est tout simplement l’effet d’une l’usage des médicaments, il utilise unique-
structure mécanique perturbée. ment ses mains pour soigner, suscitant la
Terriblement déçu par la médecine offi- méfiance de son entourage, y compris de
cielle, mais sensibilisé au principe qui lie la certains membres de sa famille.
cause à l’effet, il exerce selon cette loi et Cependant, sa renommée ne cesse de
obtient de bien meilleurs résultats que croître. Du fait de ses succès toujours plus
nombre de ses confrères qui emploient les retentissants dans bon nombre de maladies,
techniques « traditionnelles ». Il expérimente Still s’interroge sur l’opportunité de trans-
ainsi une autre médecine qui deviendra mettre ses connaissances et son art en
l’ostéopathie. l’enseignant.
Figure 1.7. Leçon d’ostéologie par Andrew T. Still. Reproduit avec l’aimable autorisation
du Still National Osteopathic Museum, Kirksville, MO
En 1897, souffrant de problèmes chroni- quant à lui, toujours aussi méfiant vis-à-vis de
ques à la nuque et à la gorge, il arrive à Kirks- la médecine « traditionnelle », ne voit pas ces
ville. Il a entendu parler de la théra- conceptions d’un très bon œil. Littlejohn
peutique du Dr Still et veut l’expérimenter. quitte donc Kirksville et l’ASO pour fonder, en
Grâce à l’ostéopathie, il recouvre la santé. Il 1900, l’American College of Osteopathic
est très impressionné par Still et sa méthode. Medicine and Surgery à Chicago qui est
Ce dernier, de son côté, apprécie beaucoup ce aujourd’hui un des plus importants collèges
jeune homme doué et brillant. Il le recrute de médecine ostéopathique parmi les seize
donc pour donner des cours de physiologie. que comptent les États-Unis. La même année,
Littlejohn se met à étudier l’ostéopathie et Littlejohn entame des études de médecine
devient le disciple de Still à l’American School aux collèges de Dunham et Hering et reçoit le
of Osteopathy (ASO) à Kirksville dès les diplôme de docteur en médecine.
années 1898-1899. Pendant un an, il est le
doyen de l’ASO et le bras droit direct de Still. En 1913, il rentre en Angleterre dans le but
Très vite, cependant, des divergences appa- de créer une école d’ostéopathie. La Première
raissent entre les deux hommes. Littlejohn Guerre mondiale retarde ce projet. En 1917, la
estime que tout ce qui fait partie de la science British School of Osteopathy (BSO) est créée.
médicale doit être inclus dans le programme L’Angleterre devient ainsi le berceau de
d’étude et de pratique ostéopathiques. Still, l’ostéopathie en Europe.
10 Ostéopathie
conduit à ne plus considérer le crâne et la curieux, il est un jour attiré par un article du
colonne vertébrale séparément mais comme Dr Florence Gair, une élève d’Andrew Taylor
un ensemble. Still, dans lequel elle décrit les méthodes
Cette idée rencontre l’indifférence ou thérapeutiques de son maître. Lavezzari prend
l’hostilité de ses confrères. À partir de 1929, il contact avec elle. Ils correspondent pendant
réussit à présenter ses premières conclusions un long moment, puis Florence Gair vient en
de pensée crânienne au collège de Kirksville France, séjourne à Nice et initie Lavezzari à
et se met à écrire quelques articles sur le l’ostéopathie. Dès 1919, il est donc le premier
sujet. En 1939, il publie un petit livre, La médecin, en France, à pratiquer les manipula-
Boule crânienne, où il expose les bases du tions vertébrales selon la méthode de Still.
concept crânien mais qui ne rencontre En 1932, il crée le premier enseignement de
aucun succès. l’ostéopathie dans l’Hexagone, au dispensaire
Sutherland ne se décourage pas pour Heinemann, à Paris.
autant. Dans les années 1940, il parvient En 1949, il publie Une nouvelle méthode
enfin à faire passer son message au cours de clinique et thérapeutique : l’ostéopathie, un
conférences données à des professionnels. ouvrage qui contribue à la propagation de
Celles-ci sont à l’origine de l’expansion du l’ostéopathie en France.
concept crânien. L’année suivante, un autre Français, Paul
En 1946, l’Association d’ostéopathie Geny, formé à la BSO de Londres, crée l’École
crânienne est créée. Le concept crânien appar- française d’ostéopathie (EFO) à Paris. C’est la
tient désormais aux techniques ostéopathi- première école d’ostéopathie en France ; son
ques reconnues. enseignement est réservé aux médecins et aux
En 1953, Sutherland fonde la Suther- kinésithérapeutes. Face au succès grandissant
land Cranial Teaching Foundation, afin de de l’ostéopathie auprès de ces derniers, elle est
poursuivre son travail de recherche, d’ensei- fermée en 1960, sur incitation de l’ordre des
gnement et de propagation du concept médecins. Cinq ans plus tard, elle s’expatrie à
crânien en ostéopathie, indépendamment Londres. En 1971, elle fusionne avec l’Institut
de tout organisme professionnel. Il meurt le ostéopathique de techniques appliquées et se
23 septembre de l’année suivante. fixe à Maidstone, dans le Kent, où elle devient
l’European School of Osteopathy. Elle est
Robert Lavezzari, ouverte aux kinésithérapeutes européens qui
l’ostéopathie en France peuvent désormais s’y former.
En 1952, Lavezzari fonde, avec quelques
confrères et disciples, dont les Dr Pascal
La médecine, c’est un art qu’on exerce,
Piedalu, Jean-Thierry Mieg et Roger Lescure, la
en attendant qu’on le découvre.
Société française d’ostéopathie, qui existe
Émile Deschamps toujours. Elle rassemble des médecins français
mais aussi européens qui partagent le même
L’implantation de l’ostéopathie en France est esprit de recherche, développement et perfec-
due à Robert Lavezzari (1866–1977), un méde- tionnement des techniques ostéopathiques.
cin français originaire de Nice. D’esprit Robert Lavezzari la préside jusqu’en 1977.
Chapitre 2
Étymologie
et définition
de l’ostéopathie
Étymologie
Définition historique
Définition actuelle
Étymologie et définition de l’ostéopathie 15
Chapitre 2
Étymologie
et définition
de l’ostéopathie
Étymologie encore. Je me trouvais au Kansas quand un
nouveau mot fut créé : « osawatomie ». Ce mot
C’est un poids bien pesant qu’un nom trop tôt fut créé en prenant la première partie du mot
« osage » et la dernière partie du mot « pottawat-
fameux.
tamie », le nouveau mot créé représentant deux
Voltaire tribus indiennes. J’en conclus alors que je
commencerais avec le mot « os » et le mot
C’est Andrew Taylor Still qui a inventé le « pathologie » et je les comprimai en un seul mot
terme « ostéopathie » en 1890. Il découle « ostéopathie »1.
directement de son travail, de ses recherches Ce terme est un mot nouveau qui définit
et des résultats obtenus, ainsi qu’il l’explique un nouveau concept médical. Il n’a jamais été
lui-même : utilisé pour désigner un os malade, pas plus
J’ai beaucoup travaillé et raisonné sur le fait que pour indiquer un traitement de manipu-
qu’un corps qui est parfaitement normal dans sa lation ou définir une « maladie des os »,
structure peut garder un homme en bonne santé comme notre dictionnaire le renseigne. Cette
tant que ce corps est parfaitement normal. Avec erreur est sans doute due à la signification du
cette conclusion, j’ai voulu savoir tout d’abord mot grec « pathos », qui n’est pas toujours
ce qui était normal, et ce qui ne l’était pas (en
compris dans son sens premier, ainsi que le
structure). Ensuite, j’ai comparé les deux, le
rapportent E. Tucker et P. Wilson dans The
malade et le bien portant (le sain). J’ai trouvé,
après beaucoup de travail et d’expérimentation, Theory of Osteopathy 2.
qu’aucun corps humain n’est normal structurel- Le mot « ostéopathie » vient de deux mots grecs :
lement tant qu’il héberge une maladie, qu’elle « osteon » = os dont la signification est claire et
fut aiguë ou chronique. J’ai obtenu de bons
résultats en ajustant ces corps, si bien que les
gens ont commencé à me demander comment
j’allais appeler cette nouvelle science.
1. Répertoire de l’ASO, 1902–1903.
J’ai écouté toutes les suggestions telles que allo-
2. E. Tucker, P. Wilson, The Theory of Osteopathy, 1936,
pathie, hydropathie, homéopathie et d’autres trad. fr. M. Gobert-Corriat.
de « pathos » dont la signification ne l’est pas ou blessé par l’effort, la tension, les chocs, les
toujours, et plus spécialement dans cette liaison chutes ou dérangements mécaniques, ou acci-
des deux mots. dents de toute autre sorte.
En grec, nous trouvons deux mots contrastés
comme le sont « au-dessus » et « au-dessous » ou Sept ans plus tard, en 1899, dans The Jour-
« dedans » et « dehors » : « ethos » qui désigne nal of Osteopathy, il la décrit comme
une expression sortante et « pathos » qui désigne un système d’engeneering de tout le corps
une impression entrante. humain, qui maintient ouvertes toutes les
La racine du mot « pathos » devrait donc être communications avec le cerveau et qui prévient
prise comme dans le mot « sympathie » – « sensi- tout arrêt circulatoire du sang et des autres
ble avec » – et « télépathie » – « sensible à fluides.
distance » –, et pas comme le mot « pathologie »
qui est une signification dérivée dans laquelle se En 1936, E. Tucker et P. Wilson écrivent,
trouve presque une inversion de la signification quant à eux, que
originelle du mot.
l’ostéopathie est une science difficile et compli-
La pathologie médicale est l’étude des résultats quée de la mécanique humaine, qui concerne
des maladies. Étymologiquement, le mot toutes les phases du corps humain. Elle réussit
« ostéopathie » est correct quand il signifie aussi bien à corriger la maladie qu’à garder le
l’influence des os en relation avec la maladie, la corps dans de telles conditions que la maladie ne
cause et le remède, mais il ne signifie pas « mala- puisse pas survenir, ou le moins possible en tout
die de l’os » ou « mal de l’os ». cas.
Ostéopathie veut donc dire « os » et « pathie » : Quand toutes les parties du corps sont parfai-
« effets venant de ». tement ajustées (position et action), le corps
peut mieux faire face aux changements produits
par l’environnement, que ce soit la température,
Définition historique la nourriture, les tensions mentales ou toutes les
difficultés auxquelles le corps est soumis [...].
Il est difficile de définir les choses vraies. Dans un sens large, l’ostéopathie est une méde-
Gabrielle Roy cine générale. Les autres branches étant la méde-
cine, la chirurgie, la dentisterie, l’orthopédie,
l’obstétrique, le système sanitaire et autres
L’ostéopathie se fondant sur des sciences qui spécialités techniques.
sont constamment en évolution (l’anatomie,
la physiologie et la pathologie), il est logique L’ostéopathie insiste sur le fait que le désordre
que sa définition ait quelque peu changé au mécanique est fondamental dans le diagnostic et
cours du temps, d’autant plus que sa réputa- le traitement, un élément à ne certainement pas
dédaigner donc et suffisamment important pour
tion et celle de son inventeur ont connu une
reconsidérer tout le sujet et refaire une estima-
progression très rapide. Still lui-même était
tion de toutes les méthodes thérapeutiques [...]
étonné de l’étendue du champ d’action de L’ostéopathie a grandement contribué au
l’ostéopathie qui ne cessait de croître. diagnostic et au traitement en utilisant une
Il a donné une première définition de méthode qui vient à bout des désordres méca-
l’ostéopathie dans l’introduction de son niques.
ouvrage The Philosophy of Osteopathy, publié
en 1892 : Définition actuelle
C’est une connaissance scientifique de l’anato-
mie et de la physiologie qui, mise dans les mains Dès 1960, notre professeur à l’ESO (Maids-
d’une personne habile, pourra appliquer cette tone), Thomas Dummer (figure 2.1), propo-
connaissance en vue d’aider un homme malade sait la définition suivante :
Étymologie et définition de l’ostéopathie 17
Principes
de l’ostéopathie
Introduction
Chapitre 3
Principes
de l’ostéopathie
Tout le monde a le droit d’avoir tort sur des principes,
mais personne n’a le droit d’avoir tort sur les faits.
Bernard Baruch
de filtration ; un muscle fibrosé n’a plus la motri- Une fonction perturbée peut également
cité suffisante pour actionner le segment qui lui altérer une structure. C’est notamment le cas
est attaché, etc. de différentes pathologies viscérales, une
Cette relation entre la structure et la fonc- dysfonction ou dyskinésie biliaire pouvant
tion est acceptée par toutes les écoles de causer une douleur à l’épaule droite. Si cette
médecine car elle est logique. L’originalité de dysfonction n’est pas soignée, la douleur
l’ostéopathie est d’avoir compris que la struc- risque de devenir chronique et de se transfor-
ture n’influence pas seulement la fonction mer en une pseudopériarthrite de l’épaule
localement mais aussi à distance, certaines avec des signes d’enraidissement par autopro-
dysfonctions étant en effet très éloignées de tection. L’origine de ce phénomène est à
leur cause structurelle. rechercher parmi les liens fonctionnels exis-
Les liens unissant la structure et la fonction tant entre les différents composants de l’orga-
sont toujours les mêmes. Ils sont mécaniques nisation métamérique.
(muscles, fascias, tendons, ligaments, etc.),
neurologiques et fluidiques (systèmes lym-
phatique, artérioveineux et liquide céphalora-
Troisième principe :
chidien). Ces deux derniers types de liens sont le potentiel d’autoguérison
bien connus en médecine allopathique : on de l’organisme
sait qu’une hernie discale lombaire peut
provoquer une sciatalgie ou un trouble fonc- Ce troisième principe ne peut plus être illustré
tionnel viscéral. Ce sont donc eux qui sont par le mouvement d’horlogerie car celui-ci est
mis en cause dans le phénomène d’« exporta- intrinsèquement inerte : il n’est pas animé par
tion » d’un trouble fonctionnel. cette « énergie vitale », dont parle A.T. Still et
On peut donc affirmer qu’il existe une qui, précisément, caractérise la vie. Celle-ci est
interrelation entre la structure et la fonction, non seulement capable de se perpétuer dans
l’une dépendant de l’autre et inversement. le temps grâce à son pouvoir de reproduction,
mais aussi de se protéger elle-même contre
Remarque différents types d’agressions, en utilisant des
moyens très divers.
« La loi de l’artère est suprême » ! Dans Tout d’abord, il existe une équilibration
le domaine de la circulation des fluides d’une série de constantes qui témoignent de
de l’organisme, cette formule proposée cette activité intense définissant la vie. C’est
par A.T. Still est une illustration intéres- le phénomène d’« homéostasie » qui permet,
sante du rapport existant entre la struc- notamment, de réguler la température,
ture et la fonction. La structure du réseau d’équilibrer la tension artérielle ainsi que
artérioveineux doit être parfaite pour que diverses concentrations ioniques. Ensuite, en
la fonction « circulatoire » – dont l’impor- cas de crise, l’organisme utilise des mécanis-
tance ne faisait aucun doute au mes qui vont préserver les principales fonc-
XIXe siècle – le soit également ! tions vitales : vascularisation du système
Aujourd’hui, qui peut lui donner tort ? nerveux central, pompe cardiaque, échanges
Dans le nord de notre hémisphère, la civi- gazeux, filtration, etc. Mais cette capacité de
lisation développe des pathologies dites protection permet aussi de vivre dans un
d’« excès » dont les méfaits touchent milieu agressif en permanence. Les armes
précisément la structure du système arté- s’adaptent alors au type d’agression : elles
rioveineux. Nous connaissons tous les sont immunitaires en cas d’envahissement
lourdes conséquences fonctionnelles qui par des micro-organismes ; il peut s’agir du
en résultent. rejet face à un corps étranger, de la formation
24 Ostéopathie
d’un kyste autour d’un agresseur ou d’un s’appliquent à notre planète et à l’univers.
corps étranger ; mais il y a aussi la fuite, l’atta- Imaginons, par exemple, que l’on tente de
que, l’inhibition, etc. Tous ces mécanismes dévier la Lune de sa trajectoire orbitale ; cela
qui tendent à maintenir un niveau de santé ne se ferait pas sans provoquer de graves
optimal sont bien connus de la médecine conséquences sur la Terre. Dans cette hypo-
traditionnelle. En revanche, lorsque ce sont thèse incongrue, cet univers, qui peut être
des forces qui altèrent les tissus et leurs fonc- qualifié de vivant, devrait retrouver un équili-
tions (agression mécanique), les mécanismes bre. La structure (l’orbite) ayant changé, la
sont moins bien compris et donc pas ou peu fonction (les marées) serait perturbée à des
décrits. Pourtant, sans eux, la vie sociale ne milliers voire des millions de kilomètres de
serait pas possible. distance (l’unité fonctionnelle).
Le pouvoir d’autoguérison ne suffit Par ailleurs, personne ne peut prétendre
malheureusement pas toujours à restituer cet aujourd’hui qu’il n’y a pas de relation entre
équilibre – instable – que l’on appelle la les éruptions volcaniques, les tremblements
« santé ». L’organisme intègre donc la patho- de terre, les cyclones, les grandes modifica-
logie ou la blessure et s’y adapte (phénomène tions géophysiques et les rejets massifs de
d’adaptation). L’exemple le plus illustratif est CO2 ou l’exploitation des gisements miné-
celui d’un rein qui s’hypertrophie pour raux. Les climatologues étudient la relation
compenser un alter ego absent ou inefficace. qui existe entre les variations de climat à la
Ces phénomènes d’adaptation permettent à surface de notre planète et la force des
tout l’organisme, malgré l’existence d’une courants marins profonds aux deux pôles. La
dysfonction quelconque, d’assurer ses fonc- Terre, en tant qu’unité fonctionnelle, doit
tions essentielles telles que la mobilité ou donc s’adapter aux modifications – naturel-
l’équilibre. les ou non – qu’elle subit. Elle doit satisfaire
Pour s’autoguérir, l’organisme doit recher- ses constantes, l’équilibre de ses masses,
cher ses ressources en lui-même. A.T. Still l’équilibre magnétique et bien d’autres para-
disait : « Il n’y a rien à retrancher, il n’y a rien mètres encore. Le Tsunami qui a touché
à rajouter ». Il comparait aussi l’organisme l’Asie du Sud-Est en 2004 est hélas un exem-
humain au ple récent d’adaptation fonctionnelle à un
drugstore de Dieu, dans lequel on trouve tous les trouble structurel majeur au niveau de
liquides, les drogues, les lubrifiants, les opiacés, l’univers. Un immense transfert de masse
les acides et les antiacides, ainsi que tous les s’est produit à cause d’un déplacement
remèdes qui lui ont semblé utiles à l’épanouisse- violent des plaques tectoniques qui a engen-
ment de l’homme et à sa santé. dré une immense lame de fond évoluant à
grande vitesse dans le sens de la rotation de
la Terre. Cette masse en mouvement a accé-
Trois principes indissociables léré le mouvement de rotation de notre
Il est impossible de décrire un des trois princi- planète de quelques millisecondes. Celle-ci
pes de l’ostéopathie sans évoquer les deux s’est alors adaptée à cette nouvelle donnée en
autres. Cela corrobore l’idée d’une cohésion variant son axe de rotation de quelques infi-
totale et d’une globalité fonctionnelle de mes fractions de degré.
l’entité corporelle. Parce qu’ils sont naturels et universels, les
Cette entité corporelle fonctionne elle- trois principes de l’ostéopathie ont un intérêt
même au sein d’une entité planétaire, la Terre, pratique majeur : ils permettent à la fois de
qui fait partie de la « grande horloge univer- gouverner le processus de diagnostic et de
selle ». On peut dès lors constater que ces trois dicter les gestes thérapeutiques. Par l’observa-
principes ont une portée universelle car ils tion et l’écoute, l’ostéopathe pourra compren-
Principes de l’ostéopathie 25
dre et dénouer les mécanismes des réactions sance et conscience. Mais il ne pourra en
tissulaires. Une fois qu’il les aura identifiés, il aucun cas se substituer aux efforts entrepris
sera capable d’induire une indication de trai- par l’organisme pour s’autoguérir ; il devra, au
tement à l’organisme, en parfaites connais- contraire, l’y aider.
Chapitre 4
Le concept
ostéopathique
Dysfonction ostéopathique
Réactions tissulaires
Chapitre 4
Le concept
ostéopathique
Expliquer ne sert à rien. On ne peut que voir, constater et montrer.
Jacques-Pierre Amette
mouvement ou altère sa qualité, une réaction le temps, évoluer vers une réelle lésion dans le
tissulaire périphérique apparaît, témoignant sens tissulaire et « médical » du terme.
de la naissance de la dysfonction ostéopathi- L’exemple classique est probablement celui de
que et révélant sa nature. la hernie discale qui est l’aboutissement spec-
Nous verrons également, dans les chapitres taculaire d’un processus dysfonctionnel insi-
suivants, comment cette dysfonction ostéo- gnifiant au départ : dysfonction articulaire
pathique, pourtant bien délimitée territoriale- ostéopathique somatique ou périphérique
ment, pourra avoir un retentissement à ayant entraîné la perte d’un système d’amor-
distance. tissement des contraintes physiques.
Les causes de cette diminution quantitative C’est par souci d’uniformisation de la
ou qualitative de mobilité articulaire sont dialectique entre les différents courants
multiples et nous les citerons globalement complémentaires de la pensée médicale que le
dans le paragraphe traitant de leurs modes terme « lésion » ostéopathique a ainsi été
d’apparition (p. 31). abandonné au profit de celui, plus explicite et
plus adapté, de « dysfonction » ostéopathi-
que.
Valeur de l’expression
« dysfonction ostéopathique » Valeur de l’adjectif « ostéopathique »
Valeur du mot « dysfonction » Nous venons de le dire, la dysfonction ostéo-
pathique est la clé de voûte du concept ostéo-
Le terme « dysfonction » définit très claire- pathique qui se l’est « approprié » implicite-
ment un trouble de la fonction. Celle-ci étant ment en raison du manque d’intérêt que lui
directement dépendante de la qualité de la accordaient les autres courants médicaux,
structure, nous ne pourrons les dissocier. La classiques ou moins classiques.
dysfonction a l’incomparable avantage de
faire allusion à la réversibilité du trouble. Pour la médecine allopathique, les consé-
C’est important car c’est précisément cette quences locales ou à distance d’une restriction
« réversibilité » qui délimite le champ d’action de la mobilité articulaire sont ignorées ou
thérapeutique de l’ostéopathie, au même titre sous-estimées.
d’ailleurs que les autres médecines dites Il faut toutefois reconnaître que les
« alternatives » ou fonctionnelles comme examens médicaux classiques ne permettent
l’homéopathie, l’acupuncture, etc. pas ou peu de mettre en évidence ce trouble
Auparavant, les ostéopathes utilisaient le de la mobilité définissant la dysfonction
terme « lésion », mais cette terminologie ostéopathique. Les examens radiographiques
n’était pas appropriée en raison de sa séman- – scanner, imagerie par résonance magnétique
tique qui n’était pas la même dans les termi- (IRM), échographie – s’adressent, sauf excep-
nologies ostéopathique et allopathique. En tions, davantage à un état qu’à une fonction.
effet, dans la médecine dite « classique », le Lorsque, par ces examens statiques, un trou-
terme « lésion » a une connotation d’irréversi- ble de la mobilité est clairement mis en
bilité naturelle. Sans une intervention médi- évidence, le protocole se réfère souvent à une
cale extérieure – chirurgie, chimiothérapie, norme moyenne de tolérance acceptable.
greffes, etc. –, il est impossible de traiter une À ce jour, l’outil le mieux approprié, le plus
fracture, une déchirure, une perte de matière, fiable et le plus constant pour découvrir la
une perforation, une tumeur, une brûlure. dysfonction ostéopathique est la main édu-
Une « dysfonction » est donc réversible et quée de l’ostéopathe. Elle seule saura appré-
susceptible de régresser avant de disparaître. cier la qualité du mouvement articulaire et
Elle est insignifiante au début mais peut, avec l’interpréter.
Le concept ostéopathique 31
85° 85°
15° 55°
A B
corps vertébral
apophyse transverse
Figure 4.3. La vertèbre repose sur un tripode composé des deux facettes articulaires
et du disque intervertébral.
plus à la mission pour laquelle elle a été la mobilité vertébrale qui sera affectée. C’était
posée à cet endroit ! également le cas dans l’exemple de la porte : si
Il en va de même pour une articulation : un des gonds est mal usiné ou mal lubrifié,
elle peut se figer sur une portion de sa mobi- l’ensemble de la fonction de la porte est défi-
lité ou, plutôt, sur une des composantes de sa cient.
mobilité articulaire. En revanche, elle est La pratique nous démontre que 99 % des
toujours bien « en place » ; cette articulation dysfonctions articulaires sont dus à une
est certes fixée, mais toujours dans le périmè- restriction de la mobilité physiologique,
tre de sa mobilité physiologique. contre seulement 1 % pour un petit déplace-
L’expression « avoir une vertèbre dépla- ment des structures ostéoarticulaires. Ces
cée » est donc un abus de langage, puisque ne déplacements varient en importance selon les
correspondant ni à la réalité anatomique, ni à forces qui ont été mises en œuvre. Les cas les
la réalité physiologique. plus extrêmes provoquent les déchirements
L’articulation intervertébrale est particu- ligamentaires ou capsulaires et de grosses
lière en ce sens qu’elle est constituée de trois dislocations. Il va sans dire qu’il ne s’agit plus,
points articulaires spécifiques : postérieure- dès lors, d’une dysfonction ostéopathique
ment, les deux articulations interarticulaires, mais d’une lésion anatomique nécessitant des
et antérieurement, le disque intervertébral soins orthopédiques appropriés.
(figure 4.3). Pour être complet, sachons qu’il existe
Si une de ces trois articulations est défi- quelques exceptions comme celle de la trans-
ciente, quelle qu’en soit la raison, c’est toute lation latérale de l’articulation du genou. Ce
34 Ostéopathie
mouvement n’est pas physiologique et peut trouvent une ou plusieurs autres articulations
donc être considéré comme un petit déplace- sur lesquelles les contraintes s’exercent. Ces
ment. contraintes additionnelles perturbent, à leur
tour, la qualité du mouvement physiologique
Dysfonction ostéopathique primaire articulaire, définissant ainsi une nouvelle
dysfonction ostéopathique qui sera, dans ce
La dysfonction ostéopathique « originelle » cas, qualifiée de « secondaire ».
est celle qui est responsable du déclenche- Une seule DOP peut générer plusieurs DOS
ment des réactions tissulaires (correctrices ou qui seront toutes situées à distance de la
adaptatrices). Elle est appelée dysfonction primaire.
ostéopathique primaire (DOP). Alors que la DOP résulte majoritairement
de la mise en œuvre de forces extérieures à
Mode d’apparition l’organisme (forces extrinsèques), la DOS est
D’un strict point de vue mécanique, une DOP une conséquence des forces d’origine intraor-
est, à de rares exceptions près, provoquée par ganique (forces intrinsèques).
des forces extérieures à l’organisme. Nous
sommes donc dans la configuration suivante : Chronologie
lors d’un choc, d’une chute, d’un effort brutal – L’action des forces extrinsèques (trauma-
ou prolongé, voire d’un accident, l’organisme tisme physique par exemple) déclenche la
encaisse des contraintes qui altèrent la qualité DOP.
du mouvement physiologique articulaire. La – La DOP engendre une ou plusieurs réac-
DOP est née ! tions tissulaires.
Mais les chocs physiques ne sont pas seuls – La réaction tissulaire matérialisée par le
responsables de la DOP ; les chocs émotion- lien muscle–tendon–ligament–fascia pro-
nels peuvent l’être tout autant lorsqu’il y a duit des forces intraorganiques qui engen-
une prostration, un harcèlement régulier, une drent à leur tour des contraintes aux inser-
tétanisation ou bien un mouvement de tions distales.
défense ou de fuite très brutal. – Celles-ci s’exercent alors sur des articula-
tions plus éloignées, influençant la qualité
Conséquences ou la quantité du mouvement articulaire
La DOP déclenche immanquablement une physiologique. C’est l’apparition de la
série de réactions tissulaires. Plus concrète- DOS.
ment, il s’agit d’une augmentation de la
tension de l’ensemble « muscles–tendons–li- Remarque
gaments–fascias » connexe à l’articulation
concernée. Nous étudierons plus précisément Comment faire la différence
toutes les caractéristiques de cette réaction entre une DOP et une DOS
tissulaire dans les prochains paragraphes. En présence d’une dysfonction ostéopa-
thique, l’ostéopathe doit pouvoir détermi-
Dysfonction ostéopathique ner s’il s’agit d’une DOP ou d’une DOS. En
effet, comme nous venons de le voir briè-
secondaire
vement, l’identité de ces deux dysfonc-
L’augmentation de la tension tissulaire maté- tions est très différente, tout comme le
rialise le lien mécanique responsable de sont, d’ailleurs, leurs modes d’apparition
l’apparition de la dysfonction ostéopathique et d’existence. Très logiquement, l’abord
secondaire (DOS). En effet, à l’autre extrémité thérapeutique sera également différent.
de ce lien mécanique (insertion distale), se Cela sensibilisera – c’est notre souhait –
Le concept ostéopathique 35
chaque thérapeute à l’importance primor- une articulation (un des piliers) aura une
diale que revêt le diagnostic ostéopathi- répercussion sur les deux autres.
que. De sa qualité dépendront celle du Plus spécifiquement, en raison de la
traitement, sa réussite mais aussi et morphologie des surfaces articulaires (facettes
surtout son innocuité. Nous reviendrons articulaires), les mouvements sont complexes
plus en détail sur ces aspects importants et multiaxiaux. Le mouvement de rotation de
dans le chapitre 6. la vertèbre sera donc en réalité la résultante
visible d’une combinaison de petits mouve-
ments des différentes facettes articulaires :
flexion d’un côté, extension de l’autre, incli-
Dysfonction ostéopathique naison latérale, etc.
vertébrale
Remarque
Généralités Un mouvement simple est toujours la
résultante de plusieurs petits mouve-
Toutes les articulations de l’organisme sont
ments conjugués sur différents axes de
susceptibles d’être dysfonctionnelles à un
mobilité. Dans le jargon ostéopathique, il
moment ou à un autre. Les articulations inter-
est courant d’entendre dire que « le
vertébrales n’échappent pas à cette règle ;
mouvement mineur gouverne le mouve-
nous y retrouverons donc les dysfonctions
ment majeur ».
déjà décrites : les DOP et les DOS.
Pour rappel, les articulations intervertébra- Cette réalité physiologique concerne
les sont physiologiquement particulières à également les articulations intervertébra-
plus d’un titre. C’est la raison pour laquelle, les. Nous y reviendrons plus en détail
lorsqu’elles sont dysfonctionnelles, le reten- dans les paragraphes suivants.
tissement sera différent de celui observé lors-
que la dysfonction concerne une articulation
périphérique.
■ Mobilité extrasegmentaire
Spécificités des articulations Le mouvement global d’une vertèbre engen-
intervertébrales dre obligatoirement un mouvement articu-
laire dans les niveaux sus- et sous-jacents. Il
Contexte ostéoarticulaire est donc impossible qu’une vertèbre puisse se
Très schématiquement, nous pouvons rappe- mouvoir isolément sans que les vertèbres sus-
ler les quelques points importants caractéri- et sous-jacentes se mobilisent à leur tour dans
sant ces particularités articulaires. des proportions variables.
L’ensemble des vertèbres posées les unes
■ Mobilité intrasegmentaire sur les autres forme le tube neural dont les
Comme nous l’avons déjà évoqué, la vertèbre qualités de résistance et de mobilité sont
repose sur un tripode composé postérieure- exceptionnelles (figure 4.5).
ment de deux piliers articulaires et antérieure- La complexité du mouvement de la facette
ment d’un pilier amortisseur (figure 4.4). Les articulaire prise isolément se trouve donc
trois articulations composant ce tripode sont démultipliée à chaque segment par un facteur
interdépendantes parce qu’elles sont mécani- trois puisque l’interrelation existant entre les
quement solidaires. Cela veut dire concrète- trois piliers articulaires est mécaniquement
ment que chaque infime mouvement dans indissociable.
36 Ostéopathie
A B
C D
Figure 4.4. Les différentes composantes de la mobilité du tripode vertébral : rotation (A),
flexion latérale (B), extension (C) et flexion antérieure (D).
Le concept ostéopathique 37
queue de cheval
ganglion spinal
branche dorsale
branches articulaires
anneau fibreux
processus transverse
rameau médial de
la branche dorsale
A branche cutanée
arrière du corps
veines
dure-mère
gaine de la racine
nerveuse
nerf rachidien
trou transversaire
B corps vertébral
De surcroît, la probabilité de trouver une laire. Il s’agit donc clairement d’un méca-
DOV, qu’elle soit primaire ou secondaire, est nisme d’autoguérison (figure 4.7).
nettement plus élevée que sur une articula- – Lorsque ces mécanismes physiologiques
tion périphérique qui est, du strict point de perdurent, le processus inflammatoire local
vue de l’ingénierie mécanique, nettement peut évoluer ; l’œdème local augmente au
moins perfectionnée et donc moins sujette point de comprimer les tissus avoisinants et,
aux petites blessures et autres incidents tech- plus tardivement, la fibrose des tissus altérés
niques articulaires ! s’installe progressivement. La présence de
tissus fibrosés périarticulaires est un indica-
Symptomatologie teur très utile pour le thérapeute concernant
de l’accident articulaire aigu l’âge de la dysfonction concernée.
En raison de sa grande proximité avec un
Dans les paragraphes suivants, nous étudie-
réseau de communications (les liens ostéopa-
rons plus en détail les mécanismes mis en
thiques qui empruntent tous des voies anato-
œuvre par l’organisme pour traiter la dysfonc-
miques, physiologiques ou mécaniques), une
tion, c’est-à-dire pour limiter, réduire ou
DOV est le point de départ ou, au contraire, le
supprimer ses conséquences fonctionnelles.
point d’aboutissement d’une foule d’informa-
Tout comme pour une dysfonction ostéopa-
tions d’ordre neurohormonal dont le retentis-
thique périphérique, les DOV peuvent survenir
sement dans l’organisme entier mérite que
d’une manière imperceptible, conséquence de
l’on s’y intéresse succinctement. Ce sera
la mise en place très lente des phénomènes
l’objet de quelques réflexions basiques dans
provoquant la dysfonction elle-même. Nous
les deux paragraphes suivants.
avons cité, comme exemple, le maintien
corporel inadapté lors d’un travail. Les consé- Dysfonction ostéopathique
quences de cette DOV seront peu invalidantes
et la symptomatologie rarement locale.
vertébrale centrifuge
En revanche, la symptomatologie de l’acci- En raison de la proximité immédiate de tous
dent articulaire aigu (par exemple le syn- les tissus nobles, la blessure articulaire au
drome facettaire aigu, survenant au niveau de niveau vertébral (DOV) devient très rapide-
L5–S1) sera immédiate ou presque, et locali- ment le point de départ d’une cascade de réac-
sée ; elle évoluera généralement selon la chro- tions physiologiques ou pathologiques pou-
nologie suivante. vant diffuser dans l’organisme tout entier.
– La contracture des petits muscles périarti- Les moyens de transmission sont toujours les
culaires survient dès que la dysfonction mêmes, à savoir le lien mécanique, le lien
apparaît. S’il fallait absolument trouver neurologique et le lien fluidique, ces deux
une finalité à ce mécanisme, nous serions derniers étant physiologiquement inter-
tentés de dire qu’il s’agit de la mise en place dépendants.
d’une contention naturelle destinée à pro- L’importance de la DOV centrifuge est très
téger l’articulation blessée et, surtout, les variable en terme de gradation lésionnelle ;
tissus nobles périarticulaires de toute cela va de la « négligeable » petite restriction
aggravation immédiate. de mobilité à la véritable subluxation articu-
– Une fois cette première phase mise en laire, appelée plus communément « entorse
place, tout risque d’aggravation étant vertébrale ».
écarté, les muscles longs entrent en action.
La résultante des forces mises en jeu par ces Éléments fluidiques
muscles situés à distance de la dysfonction (neurologiques et vasculaires)
articulaire (bras de levier favorable) va dans Les tensions tissulaires associées à la DOV irri-
le sens de la correction de la blessure articu- tent les petites racines nerveuses et les gan-
40 Ostéopathie
muscle inter-transversaire
des lombes L5
glions au point d’en modifier l’activité électri- étroit entre le trou de conjugaison et la racine
que dans le sens de l’inhibition ou, au nerveuse que celle-ci se « coinçait » ou
contraire, de l’excitation neuronique. Sont « s’écrasait » par un contact osseux direct.
concernées quelques fibres nerveuses ou bien Aujourd’hui, nous avons compris que cette
la totalité du nerf. En fonction de la nature vision des choses ne correspondait pas à la
des fibres nerveuses, le tableau clinique varie. réalité anatomique. La présence de la dysfonc-
L’atteinte des faisceaux sensitifs provoque tion ostéopathique au niveau vertébral suffit à
la célèbre névralgie (sciatalgie ou cruralgie par expliquer les troubles fonctionnels perçus
exemple), mais aussi les paresthésies, les localement ou à distance. Dans cette configu-
hyperesthésies ou, plus graves encore, les ration, une infime restriction de la mobilité
anesthésies des territoires dépendant de articulaire peut déclencher la pathologie.
l’innervation de ces fibres. Pourtant, il existe des cas, souvent sévères,
L’atteinte des fibres motrices est responsa- pour lesquels l’élément structurel lui-même
ble des anomalies fonctionnelles de la motri- est à l’origine de la pathologie et de l’altéra-
cité : contractures musculaires, perte de force tion locale des tissus environnants. C’est
ou de vitesse de réaction, diminution ou l’exemple bien connu – et si souvent redouté –
exacerbation des réflexes neuromusculaires des ostéophytes qui exercent une compres-
et, enfin, en suivant l’échelle de gradation des sion directe sur un élément neurologique ou
symptômes, la paralysie. vasculaire.
Lorsque c’est le système neurovégétatif Abstraction faite de ce tableau dégénératif
(sympathique) qui subit les affres de la DOV, classique, d’autres situations s’observent régu-
une foule de conséquences parfois insoupçon- lièrement. En effet, la DOV peut revêtir la
nées seront observées (ou pas !). Parce que ce forme d’une réelle blessure articulaire. Les réac-
système régule notamment la vascularisation tions tissulaires associées peuvent directement
locale, celle des nerfs eux-mêmes et celle des irriter, étirer ou comprimer un nerf, une racine,
différents tissus et organes dépendant du un ganglion ou encore le réseau d’artérioles ou
niveau concerné, une quantité invraisemblable de veinules. De plus, le tableau inflammatoire
de troubles neurologiques, hormonaux, circu- se développant, l’œdème local est souvent la
latoires ou fonctionnels pourra apparaître. cause de compression des tissus nobles avoisi-
Ce petit rappel anatomophysiologique nants. Ce tableau est souvent présent dans le
élémentaire permet de mieux cerner les cas des accidents mettant en jeu d’importantes
conséquences locales et à distance d’une forces : whiplash ou encore syndrome facet-
DOV. Le rayonnement dysfonctionnel vers taire aigu, déjà cité en exemple.
des tissus cibles se faisant au départ de la Enfin, nous ne pouvons évidemment pas
vertèbre, cette DOV est appelée « centrifuge » passer sous silence la célèbre hernie discale
(figure 4.8). qui représente l’exemple type de la compres-
La DOV centrifuge est majoritairement sion mécanique d’un élément neurologique
primaire. Elle est la conséquence d’un trauma- par une structure dysfonctionnelle.
tisme, d’une activité physique inadaptée (les
« faux mouvements ») ou d’une posture
prolongée. Plus globalement, elle résulte
Remarque
d’une carence d’adaptation aux contraintes Dysfonction primaire ?
liées aux forces gravitationnelles.
Ces blessures ou dysfonctions articulaires
majeures, mettant directement en jeu les
Élément mécanique éléments structuraux, doivent-elles être
Il est loin le temps où les premiers vertébro- considérées comme des dysfonctions
thérapeutes imaginaient un rapport tellement primaires dans le sens ostéopathique du
42 Ostéopathie
Figure 4.9. La dysfonction ostéopathique vertébrale centripète recueille et focalise les influx
neurohormonaux en provenance des tissus périphériques.
Le concept ostéopathique 45
paramètres physiologiques
fourchette de référence
temps
Tous les mécanismes vitaux, quelque variés tenues dans des limites étroites parce que des
qu’ils soient, n’ont toujours qu’un but, celui de ajustements automatiques, à l’intérieur du
maintenir l’unité des conditions de la vie dans le système, entrent en action et que de cette façon
milieu intérieur1. sont évitées des oscillations amples, les condi-
tions internes étant maintenues à peu près cons-
Mais le mot « homéostasie » a été proposé tantes. Les réactions physiologiques coordon-
par le physiologiste américain Walter Brad- nées qui maintiennent la plupart des équilibres
ford Cannon (1871-1945) à partir de deux dynamiques du corps sont si complexes et si
mots grecs : particulières aux organismes vivants qu’il a été
suggéré qu’une désignation particulière soit
– stasis (état, position) ; employée pour ces réactions : celle d’homéo-
stasie2.
– homoios (égal, semblable à). Parce qu’elle permet de maintenir stables
Cannon définit ainsi la stabilisation des les différents paramètres vitaux de l’orga-
états permettant les processus biologiques de nisme, l’homéostasie est un mécanisme bio-
la vie : logique indispensable à la survie, et ce
malgré « l’instabilité » de l’environnement
Les êtres vivants supérieurs constituent un
(figure 4.10). Didactiquement, l’exemple du
système ouvert présentant de nombreuses rela-
tions avec l’environnement. Les modifications maintien de la température corporelle est
de l’environnement déclenchent des réactions certainement le plus illustratif, mais bien
dans le système ou l’affectent directement, abou- d’autres paramètres (chimiques, biochimi-
tissant à des perturbations internes du système. ques, énergétiques, etc.) sont régulés suivant
De telles perturbations sont normalement main- le même protocole opérationnel. Très logique-
1. Claude Bernard, Introduction à l’étude de la médecine 2. Walter Bradford Cannon, La Sagesse de l’organisme,
expérimentale, 1865. 1932.
46 Ostéopathie
ment, un dysfonctionnement de ces mécanis- carence ou d’excès. Notons qu’à ces forces
mes régulateurs deviendra rapidement une d’origine extrinsèque supportées par l’orga-
source pathogène. nisme et résultant du contexte gravitationnel
viennent s’ajouter les forces intrinsèques,
■ Allostasie issues de l’activité motrice. Nous y revien-
Alors que l’homéostasie définit l’ensemble des drons plus en détail dans le chapitre 5.
mécanismes actifs concourant au maintien L’étude de l’influence des forces et des
d’un équilibre préexistant, situé entre deux contraintes qu’elles engendrent a été moins
limites physiologiques et définies, l’allostasie soutenue que celle des autres paramètres
concerne la mise en place de mécanismes chimiques ou biochimiques soumis au poten-
ayant élaboré un nouvel équilibre dans l’orga- tiel homéostasique de l’organisme vivant.
nisme. Cela se produit à la suite d’agressions Dans ce chapitre, nous décrirons très
– mot pris dans son sens large : ce sont les globalement les mécanismes mis en œuvre
facteurs extrinsèques qui déterminent la par l’organisme pour équilibrer, réduire ou
réponse – ou de réactions dépassant le cadre amortir l’impact destructeur des forces en
de la fonction physiologique : attaques présence. Il s’agit en effet d’une introduc-
d’ordre immunitaire, désordres structurels tion et non d’une étude systématique de
irréversibles ou traumatismes. tous les mécanismes existant aux différents
niveaux organiques. Le lecteur pourra ainsi
Adaptation aux forces extrinsèques observer un parallélisme surprenant avec les
mécanismes homéostasiques qu’il connaît
La régulation multifactorielle des fonctions
déjà bien.
(biochimiques, biologiques, physiologiques,
Nous verrons aussi comment l’organisme
etc.) ne suffit évidemment pas à garantir le
s’y prend pour réagir rapidement et exception-
potentiel vital de l’organisme. D’autres
nellement lorsqu’une force extérieure brutale
éléments interviennent dans ce rapport à la
menace son intégrité ou abîme certains tissus
vie et l’influencent qualitativement. Parmi
cibles. Ici encore, la comparaison avec les
ceux-ci, citons les éléments physiques et plus
phénomènes allostasiques, bien connus en
particulièrement mécaniques. Pour rappel,
physiologie classique, est intéressante.
l’être vivant constitue un système ouvert où
tous les types d’échanges et d’interactions se
produisent (micro-organismes, éléments Conclusion
chimiques, radiations, forces et contraintes). L’organisme est un système ouvert permet-
Nous vivons sur Terre ; par conséquent, tant les échanges avec son environnement.
nous sommes soumis aux forces gravitation- Qui dit échanges dit aussi modifications du
nelles. Nous formons un élément de cet milieu. Grâce au système d’ajustement auto-
ensemble universel où forces, contraintes et matique, les paramètres contrôlés sont main-
pressions de toutes sortes agissent en perma- tenus entre des seuils étroits et définis. Ces
nence. ajustements sont constants et minimes. Ils
Ces forces extrinsèques s’appliquent sur interviennent dès que la moindre variation
tous les corps, y compris les vivants : ils s’y du paramètre se manifeste (figure 4.11). Agis-
sont adaptés avec ingéniosité. L’adaptation à sant de la sorte « à la dérivée » de la fonction,
ces forces subies et la protection à l’égard de ce mécanisme évite les plus amples oscilla-
celles-ci constituent un paramètre qui doit tions préjudiciables.
être régulé au même titre qu’une concentra- Que les paramètres devant être équilibrés
tion ionique ou une température. soient biochimiques, immunitaires, physi-
Un contrôle inadapté de la gestion des ques ou mécaniques, l’organisme utilise tou-
forces subies entraînera des pathologies de jours la même logique opérationnelle.
Le concept ostéopathique 47
Rappels élémentaires
■ Mobilité articulaire
Figure 4.12. Le muscle strié est un moteur
Par définition, une articulation doit être
mobile. Le moteur du mouvement est le
linéaire travaillant en traction.
muscle. Il fonctionne à la manière d’un
moteur linéaire (figure 4.12). Travaillant en
traction, il est intégré au système articulaire. Les ostéopathes ont l’habitude de dire que « le
mouvement mineur conditionne le mouve-
Physiologiquement, une articulation est ment majeur ».
sous le contrôle de plusieurs muscles. Ces L’exemple le plus parlant est probablement
derniers sont autant de vecteurs du mouve- celui de la cheville (figure 4.14). Pour que le
ment sur les différents axes de la mobilité mouvement majeur de flexion-extension soit
articulaire (figure 4.13). possible, une foule de petits mouvements
Une articulation a généralement plusieurs mineurs doivent se produire au niveau de
axes de mobilité : flexion-extension, rotation l’articulation péronéo-tibiale inférieure.
interne ou externe, translation, etc. Ces diffé- L’implication pratique de cette réalité
rents mouvements, même extrêmement physiologique est évidente pour l’ostéopathe :
réduits en amplitude, se produisent simulta- vérifier la qualité d’un mouvement mineur
nément ou chronologiquement. Il y a des avant de tirer la moindre conclusion concer-
mouvements mineurs, presque insignifiants, nant le mouvement majeur.
et des mouvements majeurs. Le mouvement Afin que chaque axe de la mobilité physio-
observé est une combinaison de plusieurs logique de l’articulation soit exploré, plu-
mouvements, mineurs et majeurs, effectués sieurs muscles doivent donc entrer en action
sur différents axes de la mobilité de la ou des séparément, simultanément ou chronologi-
articulations. Bien qu’extrêmement réduits, quement.
les mouvements mineurs conditionnent la Les muscles moteurs de l’action sont appe-
qualité ou la quantité du mouvement réalisé. lés « agonistes ». Les muscles opposés au sens
48 Ostéopathie
flexion dorsale
Figure 4.15. Lors de la mobilisation active du segment articulaire par le muscle moteur,
les muscles antagonistes adaptent leur longueur de manière à guider le mouvement
ou à le sécuriser.
50 Ostéopathie
Figure 4.16. Dès qu’un mouvement passif survient, les muscles se contractent immédiatement
pour contrôler le mouvement et limiter son amplitude.
direction des
tensions tissulaires
Figure 4.17. Les tensions tissulaires sont équilibrées lorsque l’articulation au repos est saine.
Revenant à notre modèle physiolo- Dans le cas du ressort, les deux points
gique, plus la restriction de mobilité arti- d’insertion supportent sans difficulté cette
culaire (beaucoup d’anneaux du ressort augmentation de tension.
sont comprimés) est marquée, plus fortes En revanche, pour l’organisme, l’augmenta-
seront les réactions tissulaires sus- et sous- tion de tension des tissus accroît les contrain-
jacentes. tes de forces au niveau des insertions distale et
54 Ostéopathie
A B
Figure 4.22. Dans un organisme vivant, lorsque les forces de résistance (ou de frottement)
sont supérieures aux forces motrices, la structure se déforme.
Le concept ostéopathique 55
Modes d’apparition
A B ■ Généralités
La relation de cause à effet existant entre la
Figure 4.23. Dans le cas de la pathologie dysfonction ostéopathique et les réactions
d’Osgood-Schlatter, la tension exercée tissulaires est une particularité très importante
par le tendon sous-rotulien déforme de la pensée médicale ostéopathique. À ce
la structure de la protubérance tibiale. jour, elle n’est que très rarement enseignée
dans les facultés de médecine allopathique qui
semblent négliger cette réalité physiologique.
points d’insertion du muscle. Les effets obser- Comment une tension tissulaire réaction-
vés sont nombreux et graduels. Cela va de la nelle apparaît-elle et comment va-t-elle
simple calcification (en réponse à un phéno- évoluer au cours du temps ? La réponse à cette
mène inflammatoire) du tendon (épine calca- question est importante puisqu’elle condi-
néenne) à l’arrachement osseux lorsque les tionne la procédure diagnostique dont dépen-
forces en présence sont nettement plus dra le geste thérapeutique.
importantes. Pour mieux visualiser le mode d’apparition
et l’évolution au cours du temps de la tension
Cas particulier :
tissulaire, nous utiliserons le graphique repré-
la pathologie d’Osgood Schlatter
senté à la (figure 4.24).
Un exemple fréquent est celui de la patho-
logie d’Osgood Schlatter. Elle touche les ■ Apparition instantanée
adolescents généralement sportifs chez qui la
protubérance tibiale antérieure est encore Conséquence d’un traumatisme brutal et
insuffisamment ossifiée. Les sollicitations violent, la réaction tissulaire est immédiate et
violentes du muscle quadriceps et, surtout, les dépasse instantanément le seuil de la réponse
mécanismes autocorrecteurs (par exemple lors symptomatique (figure 4.25). La douleur est
de la mise en tension prolongée du muscle intense.
quadriceps dans le mécanisme autocorrecteur L’illustration typique est l’accident mettant
d’une dysfonction iliaque postérieure) finis- en jeu une grande quantité d’énergie : acci-
sent par altérer la structure tibiale au point dent de voiture, accident sportif, agression
d’antérioriser la tubérosité (figure 4.23). physique.
56 Ostéopathie
tension tissulaire
temps
Figure 4.24. Dans la zone A seront représentées les tensions tissulaires asymptomatiques
(non douloureuses). Les tensions perçues par le patient (elles sont douloureuses)
seront représentées dans la zone B du graphique. Les deux zones sont séparées
par une limite virtuelle représentant le seuil de la douleur.
tension tissulaire
temps
tension tissulaire
temps
tension tissulaire
temps
tension tissulaire
temps
A B
Figure 4.28. Cas de figure des tensions tissulaires réactionnelles liées à une activité physique
intense ou prolongée : l’arrêt de l’activité physique diminue les tensions tissulaires (A)
et sa reprise les réactive (B) davantage.
tension tissulaire
temps
Figure 4.29. Au cours du temps, la variation de la tension tissulaire se cantonne
sous le seuil de la réponse symptomatique.
Le patient ne ressent aucun symptôme et sa qualité de vie n’est pas altérée.
60 Ostéopathie
tension tissulaire
temps
ingénieur demande aux haubans, leur résis- Le même phénomène est observé dans
tance mécanique, bien que capitale, n’étant l’organisme : les contraintes intra-articulaires
que secondaire. croissent lorsque la tension dans les haubans
Il en est de même pour l’organisme tissulaires augmente. Cet accroissement des
humain, à la différence que les haubans ne contraintes intra-articulaires, faible mais
sont pas passifs ; ils sont contractiles et pouvant être prolongé dans le temps, a un
peuvent adapter leur longueur et leur tension effet destructeur sur l’articulation. Ainsi, les
intrinsèque de manière à rééquilibrer l’ensem- surfaces articulaires sont recouvertes de
ble du système, assurant ainsi l’équilibre et la cartilage qui, contrairement aux autres tissus
résistance. Les haubans « humains » sont des de l’organisme, n’est pas vascularisé. Le
haubans actifs (figure 4.33). cartilage articulaire se nourrit par imbibition,
Dans l’exemple du mât, on observe un à la manière d’une éponge capturant les
accroissement de la force d’impaction dans le éléments nutritifs environnants en profitant
sol lorsque la tension dans les haubans des mouvements provoqués par les variations
augmente (figure 4.34). de pression ambiante. Le pouvoir d’imbibi-
62 Ostéopathie
tion du cartilage diminue avec l’augmenta- ayant provoqué cette souffrance. Celles-ci
tion des contraintes intra-articulaires. Lente- peuvent être très éloignées de l’endroit dési-
ment mais irrévocablement, cette situation gné par le patient. Ce mode de réflexion n’est
conduit à la dégénérescence cartilagineuse pas l’apanage de la pensée ostéopathique ; il
caractérisée par l’usure et la modification de la est au contraire un élément basique en logi-
structure articulaire. Ces phénomènes sont que formelle. Un exemple qui illustre bien ce
responsables de l’apparition de l’arthrose. propos est celui d’un propriétaire se plai-
gnant, auprès d’un l’architecte expert, de
Applications en ostéopathie moisissures apparaissant dans un mur
plafonné. Il est évident pour chacun de nous
Lors de la consultation, le patient oriente très que le rôle de l’expert ne consistera pas
subjectivement l’ostéopathe vers l’endroit où uniquement à étiqueter la moisissure en lui
se situe sa souffrance. L’ostéopathe ne donnant un nom savant mais à essayer d’en
pouvant être « manipulé » par son patient, il trouver l’origine. Après quelques recherches
sera bien davantage intéressé par les causes bien structurées, l’expert pointera probable-
Le concept ostéopathique 63
Si l’existence des CTR était une vue de assurant l’équilibre général, la résistance et la
l’esprit, ces phénomènes symptomatiques mobilité de l’ensemble de l’organisme. Ce
décrits (douleurs, usures articulaires et tissu- concept des CTR nous permettant de voyager
laires, blessures diverses) seraient tellement dans un labyrinthe organique à trois dimen-
fréquents et dispersés dans l’organisme que sions nous aide à mieux comprendre l’impor-
notre qualité de vie en serait tristement affec- tance et le sérieux de notre métier d’ostéopa-
tée. the. Trouver une DOP grâce aux traces
Fort heureusement, le potentiel autocor- tissulaires qu’elle nous offre est un acte réflé-
recteur de la chaîne réactionnelle est surmul- chi puisqu’il conditionne le juste geste théra-
tiplié par rapport à celui du simple maillon. peutique. Notre responsabilité est grande !
En effet, la capacité totale d’autoguérison de
la CTR est probablement bien supérieure à la
somme des capacités de chacun des maillons Capacité d’adaptation
pris séparément. de l’organisme
La loi de Pascal – « un tout représente plus
que la somme des parties et connaître Généralités
chacune des parties n’est pas suffisant pour
connaître l’ensemble » – est une réalité Dans le point précédent, nous avons montré
physiologique qui nous conforte une fois comment le potentiel d’autoguérison de
encore dans l’idée que l’organisme humain l’organisme se manifestait activement de
est une entité indissociable, douée d’un extra- manière à réduire ou guérir un dysfonction-
ordinaire potentiel de vie s’exprimant ici par nement articulaire : la CTR. Nous avons briè-
sa capacité d’autoguérison (voir chapitre 3). vement évoqué le mode d’apparition de ce
dernier et son évolution dans le temps.
Nous allons maintenant tenter de quantifier
Résumé
cette capacité qu’a l’organisme de s’autoguérir.
Une DOP génère une réponse tissulaire auto- Ce fameux potentiel autocorrecteur, cher aux
correctrice. Les forces mises en œuvre par ostéopathes comme à tout thérapeute impli-
cette réaction tissulaire réduisent la mobilité qué dans l’art de soigner ou de guérir, est-il
dans d’autres articulations (dysfonction illimité ? Quelles sont ses limites et pourquoi ?
secondaire) qui, à leur tour, induisent une Que se passe-t-il si ce potentiel est insuffisant ?
réponse tissulaire réactionnelle. L’existence Les réponses à ces différentes questions
d’une CTR n’a certainement pas pour but ouvrent une perspective nouvelle et prédomi-
d’exporter le trouble fonctionnel ni de le nante dans la manière d’aborder la pathologie
répartir dans tout l’organisme. Bien au du patient et donc, son traitement.
contraire, la CTR permet une répartition des Imaginons un instant que ce potentiel soit
efforts autocorrecteurs. Il ne s’agit donc pas à absolu et suffisant pour résoudre toutes les
proprement parler d’une chaîne lésionnelle, pathologies fonctionnelles connues : physico-
comme on le prétendait antérieurement, mais chimiques, hormonales, immunitaires ou
plutôt d’une chaîne tissulaire réactionnelle mécaniques. Dans ce cas surréaliste, le rôle du
dont le but n’est pas d’exporter la dysfonction médecin ou de l’ostéopathe serait réduit à
mais au contraire de mieux la traiter. néant ! L’organisme serait son propre méde-
Dans l’organisme, plusieurs CTR peuvent cin. Or, nous savons que, régulièrement,
cohabiter. Elles ont toutes, à des degrés divers, l’action dirigée et réfléchie du médecin ou de
une relation entre elles : soit elles ont un rôle l’ostéopathe est indispensable. Quand, pour-
correcteur de plusieurs dysfonctions primai- quoi, comment et à quelle fréquence ? Voilà
res ; soit elles jouent le rôle de haubans actifs les questions que doit se poser tout médecin
Le concept ostéopathique 65
ou ostéopathe avant d’exécuter un geste observons une courbe évoluant sous le seuil
thérapeutique. Pour y parvenir, il doit précisé- de réponse symptomatique (figure 4.35).
ment connaître les limites de ce potentiel Dans cette configuration bien marquée,
d’autoguérison, que nul ne peut plus contes- survient un second traumatisme, une seconde
ter actuellement. Le médecin ou l’ostéopathe DOP (figure 4.36). Conformément à la procé-
se retrouve donc, en réalité, dans la position dure habituelle, l’organisme met en œuvre un
d’un assistant de santé, capable de compren- mécanisme d’autoguérison en activant une
dre les mécanismes ayant permis à la patholo- augmentation dans les tensions tissulaires
gie d’apparaître et capable d’aider l’organisme périarticulaires.
dans son effort de guérison. Clairement, la seconde blessure survient
En d’autres mots, l’ostéopathe ne guérit pas alors que les mécanismes autocorrecteurs de
une pathologie mais stimule l’organisme à le la première dysfonction sont encore bien
faire lui-même. Quelle leçon d’humilité ! Il actifs. Les tensions s’ajoutent aux tensions !
faut toutefois préciser que cette philosophie Elles s’additionnent donc et, pour les visuali-
n’est possible que pour les pathologies dites ser schématiquement, nous devons calculer la
« fonctionnelles », c’est-à-dire réversibles. résultante des tensions tissulaires issues des
N’entrent pas dans le cadre de cette réflexion deux DOP apparues chronologiquement
toutes les pathologies lésionnelles et non (figure 4.37).
réversibles qui, sans l’intervention médicale Il est remarquable de constater que chaque
« classique », évolueraient rapidement vers dysfonction A ou B, prise isolément, a généré
une issue très défavorable : brûlures, fractures, une réaction tissulaire n’ayant pas dépassé le
hémorragies, thrombus, tumeurs, etc. seuil virtuel provoquant la symptomatologie.
En revanche, l’apparition de la dysfonction
Quand, pourquoi, comment et à quelle
B génère une réaction tissulaire qui vient
fréquence ? Ces questions résument bien la
s’additionner aux tensions tissulaires anté-
philosophie du geste thérapeutique quel qu’il
rieures générées par la dysfonction A. Dans ce
soit et pour lequel nous donnerons, ici, quel-
cas, comme le démontre notre graphique
ques axes de réflexion permettant à chacun de
(figure 4.37), le seuil de la réponse symptoma-
trouver sa réponse.
tique est dépassé et donc, très logiquement, le
symptôme se manifeste.
Histoire traumatique du patient En d’autres termes, parce qu’il y a eu une
succession d’événements traumatiques, le
Ce sont les incidents traumatiques (mot pris potentiel d’autoguérison de l’organisme a
dans son sens très général) qui écrivent été – temporairement dans notre cas –
l’histoire tissulaire du patient. Les dysfonc- débordé. En réalité, il n’a pas été insuffisant,
tions primaires (souvent imperceptibles) se parce qu’à plus longue échéance, son action
succèdent dans le temps. Pour mieux visuali- continue aurait réussi à ramener notre
ser ce « parcours » tissulaire, reprenons le courbe sous le seuil de la réponse symptoma-
graphique déjà utilisé précédemment. Grâce à tique. Nous devrions plus justement parler
lui, nous avons eu une vue schématique des de quantité d’effort à fournir pour atteindre
tensions tissulaires, de leur mode d’apparition la guérison.
et de leur évolution au cours du temps.
Cette quantité d’effort pourrait être
Par souci didactique, nous avons illustré comparée au stock d’eau que possèdent les
l’évolution d’une réaction tissulaire unique, pompiers lorsqu’ils partent en intervention.
induite par une dysfonction ostéopathique Pour circonscrire un très gros incendie, le
primaire, isolée et ponctuelle. Dans l’exemple débit et le nombre de lances seront très impor-
de la réaction tissulaire restée muette, nous tants, le stock d’eau sera vite épuisé mais
66 Ostéopathie
tension tissulaire
A
temps
B
A
temps
A B
l’incendie sera circonscrit. Il ne le serait nulle- cheminée, les pompiers opteront délibéré-
ment si les pompiers avaient réduit le débit ment pour une intervention n’utilisant
des lances pour économiser l’eau de manière à qu’une seule lance, avec un débit réduit.
pouvoir en disposer plus longuement... En Probablement même que cette intervention
revanche, face à un insignifiant petit feu de n’aura pas été remarquée par le voisinage.
Le concept ostéopathique 67
tension tissulaire
C
B
A
temps
A B
Figure 4.37. Somme des tensions tissulaires. Alors que les courbes A ou B évoluent
sous le seuil symptomatique, leur somme le dépasse très nettement (courbe C).
tension tissulaire
temps
Figure 4.38. Résultante des différentes tensions tissulaires montrant ici une alternance
de périodes douloureuses et non douloureuses.
geste thérapeutique adapté qui, même éloigné Si, malgré les traitements fonctionnels, la
de la zone symptomatique, permettra d’abais- résultante des tensions ou des paramètres
ser le niveau de la résultante des tensions évolue irrévocablement en s’éloignant de la
tissulaires (figure 4.39). ligne de base, il y a de fortes chances que nous
ayons affaire à une pathologie lésionnelle
dont le traitement sort du cadre de nos
Choisir un traitement ostéopathique
compétences. Heureusement, chaque ostéo-
approprié
pathe reconnu est compétent pour poser un
Nous avons dit, au début de ce chapitre, que diagnostic a minima ou d’exclusion permet-
notre action thérapeutique ne s’adressait tant d’orienter immédiatement le patient vers
qu’aux pathologies fonctionnelles et réversi- le confrère spécialisé sans la moindre prise de
bles. Autrement dit, la courbe, sous l’effet des risque ni perte de temps.
mécanismes autocorrecteurs mis en place par
l’organisme, doit toujours avoir (sauf cas Origine des tensions tissulaires
rares) une tendance à rejoindre, plus ou
moins rapidement, la ligne de base, avec ou
réactionnelles
sans l’aide du traitement approprié. Les facteurs mécaniques ne sont
Ce traitement ou ces traitements appro- pas les seuls à provoquer des tensions
priés vont accélérer le processus thérapeuti- tissulaires réactionnelles
que entamé par l’organisme et donc améliorer Nous avons jusqu’à présent évoqué les
très nettement le confort de vie du patient. En tensions tissulaires engendrées par les dysfonc-
outre, chose très importante, un traitement tions primaires d’origine mécanique. Nous
bien conduit permettra d’éviter que ne avons déjà insisté sur le rôle de ces réactions
s’installe une foule de pathologies collatérales tissulaires et sur leur organisation en CTR. Les
des plus invalidantes. CTR dont l’origine est articulaire ou plus
Le concept ostéopathique 69
tension tissulaire
A temps
tension tissulaire
traitement
ostéopathique
B temps
Figure 4.39. Impact du traitement ostéopathique sur l’évolution des tensions tissulaires
au cours du temps.
globalement mécanique (mise en jeu de forces Ces différents facteurs modifieront l’allure
intrinsèques ou extrinsèques) sont très fré- générale de la résultante des tensions tissu-
quentes en raison du degré très élevé de spéci- laires.
fication de l’appareil locomoteur humain. Ils peuvent augmenter la tension tissulaire
En réalité, bien d’autres éléments sont là où elle était déjà présente et, ainsi, rappro-
susceptibles de déclencher une CTR ou, plus cher la courbe du seuil de la réponse sympto-
simplement, d’augmenter le niveau de matique en diminuant d’autant le pouvoir
tension dans certains tissus de l’organisme. d’adaptation de l’organisme.
70 Ostéopathie
laires, nous ne pouvons ignorer l’impact très la courbe de la résultante des tensions, quelles
important que peuvent avoir les traumatis- qu’en soient leurs origines, sous la limite
mes et blessures psychologiques sur la varia- subjective du seuil de la réponse symptomati-
tion marquée des tensions tissulaires en que. Cette définition est évidemment adaptée
général. au contexte mécaniste qui nous occupe dans
le cadre de cet ouvrage. Il est bien entendu
Facteurs émotionnels que la vie, la santé ou la physiologie ne se
Les six émotions de base (la joie et la tristesse, résument pas à quelques tensions tissulaires.
la colère, la peur, la surprise, le dégoût) et leurs Bien d’autres paramètres sont contrôlés en
infinies combinaisons sont autant d’éléments permanence, revenant ainsi à la notion
importants influençant la personnalité ou le d’homéostasie.
maintien de chaque être humain. Les facteurs La figure 4.40 illustre l’ensemble de ces
émotionnels font varier la tension des tissus. facteurs influençant le niveau général des
Le cas de la colère ou de la peur est marquant tensions tissulaires.
puisqu’il l’augmente ; la joie, au contraire, la Plus il y a de facteurs influençant le niveau
diminue le plus souvent. de la résultante, présents en un même instant
Le stress, tellement cité et accusé de nos chez un individu, plus la capacité d’adapta-
jours comme étant la source de tous nos tion de son organisme sera réduite.
maux, est sans aucun doute un incroyable Cette capacité d’adaptation n’est donc pas
amplificateur de la symptomatologie. Sans infinie ; elle représente un volume donné
entrer dans les détails – ce n’est pas l’objet de au-delà duquel la pathologie se manifeste
cet ouvrage –, il faut toutefois dissocier diffé- (figure 4.41).
rents types de stress. Le plus destructeur est Chaque individu possède une capacité
celui que l’individu doit subir et qu’il ne peut d’adaptation qui lui est propre ; c’est une
éviter. Il existe d’autres formes de stress plus capacité personnelle. Concrètement, face à un
bénéfiques (stress positif), comme celui qui même élément perturbateur, chaque orga-
aide à réaliser une œuvre, un travail ou une nisme réagira différemment, soit parce que la
performance. Remarquons toutefois que le valeur initiale de sa capacité est plus ou moins
vrai stress n’est pas lié à la finalité de l’événe- importante que celle de son voisin, soit parce
ment, mais plutôt à la manière dont il est que cette capacité est déjà bien entamée,
vécu. Ainsi, une personne témoin d’un saut à conséquence de son histoire dysfonction-
l’élastique peut être davantage stressée que le nelle.
sauteur lui-même. Nous avons insisté sur le fait que la résul-
Dans le cadre de la pratique du sport, la tante des tensions tissulaires est unique et
relation existant entre le mental et la qualité propre à chaque individu ; il s’agit d’une
des performances est bien connue et exploitée « signature ». Mais le niveau de la résultante
par tout bon entraîneur. des tensions tissulaires à un instant donné
Un bon mental génère ce stress positif qui n’est pas la seule « signature » : la proportion
optimise les ressources physiques. Cette inter- des composants influençant ce niveau en est
relation est d’autant plus réelle que l’enjeu du une aussi.
match ou de la compétition est important. Les antécédents émotionnels, le profil
psychologique, les incidents traumati-
Estimation ques ou l’hygiène de vie sont autant d’élé-
ments qui personnalisent et individualisent
de la capacité d’adaptation l’effort d’adaptation consenti à un instant
La capacité d’adaptation de l’organisme se donné.
définit comme étant sa capacité à maintenir « Seuls les tissus savent... » (Rolin Becker).
72 Ostéopathie
tension tissulaire
tension tissulaire
seuil de réponse
symptomatique
E
100 %
M
R
T
E
M
T
temps
– celui des torticolis provoqués par un insi- blessures « sportives » ou atteignant n’im-
gnifiant courant d’air. porte quel autre appareil fonctionnel orga-
Lorsque ce phénomène de saturation de la nique.
capacité d’adaptation, ou phénomène de Dans ces conditions, les blessures ne sont
débordement, touche la sphère locomotrice pas inéluctables : elles représentent l’aboutis-
(lors de la pratique du sport notamment), une sement tangible d’un processus adaptatif que
foule de petites blessures apparaissent : articu- l’organisme a mis en œuvre et qui se révèle
laires ou musculaires, tendineuses ou liga- insuffisant.
mentaires. Et pourtant, la veille, « tout allait si
bien ! » Prévenir plutôt que guérir
Pour illustrer nos propos, imaginons un Par définition, une blessure qui n’est pas
instant que le muscle droit antérieur de la inéluctable est évitable, voire prévisible. Cette
cuisse soit l’élément actif principal d’une formule lapidaire introduit la plus extraordi-
CTR. La mission de ce muscle étant par exem- naire mission de l’ostéopathie : son rôle
ple d’antérioriser un ilium limité dans cette préventif. La médecine ostéopathique est
composante de mouvement, il va augmenter d’abord préventive avant d’être curative.
sa tension de repos (se contracter) faiblement Toutefois, cette manière d’aborder « l’être »
mais constamment. Si l’on impose une acti- bien avant l’apparition de la souffrance n’est
vité sportive intense à ce muscle en état de pas propre à la pensée ostéopathique ; c’est
pré-tension, la symptomatologie est inévita- une des rares choses que nous avons en
ble et apparaît selon la séquence suivante : commun avec toutes les écoles de la pensée
– tendinite du tendon rotulien, par exemple, médicale. Le premier rôle de toute thérapie est
si l’effort est d’intensité moyenne mais de prévenir, le second étant de guérir.
continu ou répété (lors d’un jogging, de la Le niveau de l’effort d’adaptation de l’orga-
pratique de la gymnastique, etc.) ; nisme à un moment défini est un pourcentage
– contracture si l’effort est violent mais de sa capacité d’adaptation totale. Cette quan-
limité dans le temps ; tité de travail déjà fourni pour réduire une
blessure tissulaire ou pour s’y adapter peut
– déchirure (ou claquage) de la fibre muscu- être évaluée par l’ostéopathe grâce à une
laire, d’importance variable, avec éventuel- batterie de tests spécifiques (voir p. 147).
lement rupture de celle-ci ou du tendon si Cette estimation peut, avec l’expérience, nous
la capacité de résistance mécanique de ce donner les indications suivantes :
hauban a été dépassée. – le niveau d’importance du travail autocor-
La terminologie caractérisant ces différents recteur en cours ;
types de blessures musculaires, tendineuses – l’ancienneté des CTR et, donc, l’estimation
ou ligamentaires est très souvent usitée dans du moment de l’événement ayant provo-
le langage sportif mais rarement à bon qué la ou les DOP ;
escient. Ainsi, la confusion entre les termes – la réserve de marche de cette capacité
« tendinite », « contracture », « claquage » ou d’autoguérison ou d’adaptation par
« élongation » est systématique. rapport au potentiel total de l’individu.
Chaque sportif en a fait la douloureuse L’ostéopathe établit un bilan tissulaire
expérience : les blessures tissulaires sont très complet pour mieux en prévoir l’évolution.
fréquentes. Pour les traiter, l’ostéopathe ne C’est une règle générale incontournable dans
doit pas nécessairement être un grand spécia- le cadre d’un traitement étiologique réfléchi.
liste de médecine sportive. Le processus de Grâce à son intervention thérapeutique
l’apparition du symptôme doit être décou- adaptée, l’ostéopathe facilite le travail autocor-
vert, analysé et compris, qu’il s’agisse de recteur de l’organisme en augmentant sa capa-
Le concept ostéopathique 75
tension tissulaire
A temps
tension tissulaire
B temps
Figure 4.42. Athlète A : la courbe évoluant tout près de la ligne de base démontre
une importante réserve du potentiel d’autoguérison. Concernant l’athlète B, la courbe évolue
loin de la ligne de base. La réserve est des plus réduites et le risque de pathologie imminent.
aura aussi besoin de temps pour s’adapter au varier en fonction de l’importance de la bles-
traitement imposé par l’ostéopathe. sure, de son emplacement, de son ancienneté,
Il est d’une importance capitale de laisser à de sa cause, de l’âge ou de la morphologie du
l’organisme le temps d’intégrer, dans son patient. Il est inutile d’imposer de nouvelles
schéma corporel et fonctionnel, les nouvelles corrections thérapeutiques à l’organisme
données induites par le traitement ostéopa- avant que celui-ci n’ait fini de s’adapter aux
thique. Ce temps peut bien évidemment corrections précédentes. Quelles que soient
Le concept ostéopathique 77
tension tissulaire
temps
Figure 4.43. Les tensions tissulaires évoluent tout près de la ligne de base,
le potentiel d’autoguérison est optimal.
Anneau pelvien
Introduction
Fonctions du bassin
Résumé
Anneau pelvien 81
Chapitre 5
Anneau pelvien
Il n’y a point d’art mécanique si petit et si méprisable qui ne puisse fournir quelques observations
ou considérations remarquables.
Gottfried Wilhelm von Leibniz
crête iliaque
angle du pubis
tubérosité ischiatique
ligne demi-circulaire
inférieure
épine iliaque
postéro-inférieure épine iliaque
antéro-inférieure
grande échancrure sciatique
cavité cotyloïdienne
épine sciatique
petite échancrure sciatique branche iliopubienne
épine du pubis
branche ischiopubienne
lité, estimée à environ 2°. Elle est donc plus de l’ocytocine sur les ligaments. Enfin, il
précisément qualifiée de diarthro-amphi- n’est pas rare de découvrir des ponts osseux
arthrose. Notons qu’à la naissance, les deux entre les deux surfaces articulaires chez le
surfaces sont couvertes de cartilage hyalin1. vieillard.
À l’âge de la puberté, le cartilage de la surface
iliaque convexe se transforme en fibro- ■ Description
cartilage qui devient plus rugueux. Cette
articulation a tendance à se rigidifier à Les deux pièces de cette articulation atypique
l’âge adulte ; toutefois, chez la femme, elle s’inscrivent dans une portion de cercle. Elles
reste davantage mobile en raison de l’action sont complémentaires dans leurs formes de
manière à pouvoir s’emboîter (figure 5.8).
– La surface auriculaire sacrée, composée de
cartilage hyalin, est concave et forme une
1. Le cartilage hyalin doit son nom à son apparence gouttière.
bleuâtre, translucide et vitreuse, le mot grec hyalos
signifiant pierre transparente. C’est le cartilage le – La surface auriculaire coxale, composée de
plus commun dans l’organisme. fibrocartilage, est convexe et rugueuse.
84 Ostéopathie
plateau sacré
aileron sacré
promontoire
foramens sacrés
corne latérale
processus articulaire
lombosacré
canal sacré
facette auriculaire
foramen sacré
hiatus sacré
processus articulaires
supérieurs
facette auriculaire
surface auriculaire
crête iliaque
base du sacrum
épine iliaque
antérosupérieure
détroit supérieur
cavité cotyloïde
branche iliopubienne
symphyse du pubis
arcade du pubis
crête iliaque
base du sacrum
épine iliaque
antérosupérieure
détroit supérieur
cavité cotyloïde
branche iliopubienne
symphyse du pubis
arcade du pubis
petit bras
petit bras
sacrum
os iliaque
Figure 5.9. Bras supérieur de l’articulation sacro-iliaque, plus petit et plus lisse que l’inférieur,
qui est plus long et plus rugueux (d’après Kapandji).
ligament axile
ligament sacro-
iliaque antérieur
ligament inguinal
ligament sacrosciatique
membrane obturatrice
ligament sacro-
iliaque postérieur
ligament sacrosciatique
membrane obturatrice
ligament sacrotubéral
ligament supérieur
fibrocartilage
cartilage d'encroûtement
ligament inférieur
D’un point de vue musculaire, le muscle dans son ancrage iliaque. Kapandji établit une
transversaire épineux (figure 5.13) joue un relation entre le positionnement du sacrum
rôle majeur que nous pouvons résumer en dans l’espace, l’implantation des reliefs articu-
trois points : laires et l’allure plus ou moins marquée de la
– pendant la marche, il se contracte dès la colonne vertébrale.
prise d’appui au sol, solidarise l’articula-
tion sacro-iliaque et la stabilise. Les fibres Symphyse pubienne
courtes sont les plus profondes et ont un Cette articulation (figure 5.14), atypique, est
rôle proprioceptif important. Les fibres une amphiarthrose, les deux surfaces articu-
plus longues sont superficielles et plus laires, de forme elliptique, étant fermement
puissantes ; reliées par un ligament interosseux ainsi que
– il protège le disque intervertébral en amor- par des ligaments périphériques (figure 5.15).
tissant une partie des contraintes ; Bien qu’ayant plusieurs degrés de liberté
– il aligne les facettes articulaires lombaires. (compression, traction, cisaillement longitu-
Ajoutons que le muscle grand fessier joue dinal et transversal, torsion), sa mobilité est
également ce rôle de stabilisateur de l’articula- réduite.
tion sacro-iliaque par traction du fascia thora- Le rôle déterminant de l’articulation
colombaire. pubienne est de s’adapter aux contraintes
Enfin, il existe différentes morphologies2 subies par l’anneau pelvien en les amortis-
du sacrum le rendant plus ou moins stable sant. Nous reviendrons en fin de chapitre sur
le rôle sous-estimé, voire méconnu, de cette
articulation si importante à plus d’un titre.
La coupe au niveau du bassin (figure 5.16)
2. H. Fryette, Principes des techniques ostéopathiques, laisse apparaître un anneau appelé ceinture
SBO-RTM, 1983. pelvienne (figure 5.17), dont les propriétés
Anneau pelvien 91
axe supérieur
axe inférieur
mécaniques sont parmi les plus importantes ; – L’axe transversal supérieur, décrit comme
nous y reviendrons aussi en fin de chapitre. étant l’axe respiratoire de l’ilium par
Sutherland, passe par les deux épines ilia-
Physiologie articulaire du bassin ques postérosupérieures (EIPS).
Introduction – L’axe transversal inférieur ou axe iliosacré
La physiologie articulaire du bassin est organi- se projette au niveau des épines iliaques
sée autour de plusieurs axes de mouvements postéro-inférieures, elles-mêmes se situant
décrits par Fred Mitchell que nous avons eu la au niveau de la 3e vertèbre sacrée. Il s’agit,
chance de compter parmi nos professeurs. dans ce cas, d’un axe mécanique autour
Pour comprendre la mécanique articulaire duquel se mobilisent les ailes iliaques lors
du bassin et sa pathologie, il faut avant tout de la marche. C’est donc logiquement
connaître sa physiologie articulaire. C’est la autour de ce même axe que se retrouve-
raison pour laquelle nous en rappellerons les ront les dysfonctions ostéopathiques (DOP
grands principes dans les pages qui suivent. ou DOS) antérieures ou postérieures
de l’iliaque (contre-nutation et nutation
Axes de mobilité de l’ilium iliaque).
■ Axes de mouvements
Il est intéressant de comprendre et de bien ■ Mouvements iliosacrés
visualiser les axes de la mobilité des ailes ilia- Les mouvements iliosacrés, au nombre de
ques. Ils sont classiquement décrits au deux, se font autour de l’axe transversaire
nombre de deux (figure 5.18). inférieur, encore appelé axe iliosacré.
94 Ostéopathie
EIAS
EIPS
EIAS EIPS
axe supérieur
axe moyen
axe inférieur
pie-mère
dure-mère
muscle pyramidal
Figure 5.27. L’axe de nutation du sacrum n’est pas le même que celui de la nutation iliaque.
Anneau pelvien 99
R
N2
N1
P = poids du tronc
R = réaction du sol
Figure 5.28. Les forces gravitationnelles et celles de réaction du sol provoquent un couple
de forces qui engendre un mouvement de rotation intra-articulaire.
le petit bras
s'abaisse
le grand bras
se postériorise
Figure 5.29. Lors du mouvement de rotation antérieure de l’os iliaque, le petit bras
de la portion auriculaire s’abaisse pendant que le grand se postériorise.
Figure 5.33. Mouvement de torsion antérieure du sacrum autour de son axe (droit).
Figure 5.34. Mouvement de torsion antérieure du sacrum autour de son axe (gauche).
104 Ostéopathie
Figure 5.35. Torsion gauche sur axe gauche. Figure 5.36. Torsion droite sur axe droit.
Figure 5.37. Torsion gauche sur axe droit. Figure 5.38. Torsion droite sur axe gauche.
La face antérieure du sacrum regarde vers la • le sulcus droit est plein par rapport au
gauche en pivotant autour de l’axe droit. Il gauche ;
s’agit donc d’un mouvement d’extension du • l’angle inférolatéral gauche du sacrum
sacrum appelé mouvement de torsion posté- est relativement antérieur et supérieur ;
rieure. • la tension dans le grand ligament sacros-
– Synthèse des signes cliniques. Lors de la ciatique gauche est moins marquée qu’à
flexion postérieure gauche du sacrum droite ;
(torsion gauche sur axe droit) : • il y a un mouvement de nutation de
l’ilium droit ;
• le sulcus gauche est plein par rapport au • la jambe droite est relativement plus
sulcus droit ; courte.
• l’angle inférolatéral droit du sacrum est
relativement antérieur et supérieur ; Remarque
• la tension dans le grand ligament sacros- Les mouvements de torsions postérieures
ciatique droit est moins marquée qu’à ne sont pas des mouvements physiologi-
gauche ; ques. La présence d’une dysfonction du
• il y a un mouvement de nutation de sacrum en torsion postérieure est la
l’ilium gauche ; conséquence d’un traumatisme.
• la jambe gauche est relativement plus
courte. Les tableaux 5.1 et 5.2 synthétisent les
– Torsion droite sur axe gauche. Le promon- diverses torsions ainsi que l’ensemble des
toire sacré se postériorise à droite en signes cliniques.
s’élevant et en reculant le long du petit bras
auriculaire droit (figure 5.38). L’angle infé- L’anneau pelvien et les contraintes
rolatéral gauche s’antériorise en s’élevant
le long du grand bras de l’auricule gauche.
Forces extrinsèques
La face antérieure du sacrum regarde vers la
droite en pivotant autour de l’axe gauche. ■ Forces gravitationnelles (G)
– Synthèse des signes cliniques. Lors de la Le bassin, chez les bipèdes que nous sommes,
flexion postérieure droite du sacrum est davantage soumis aux contraintes exercées
(torsion droite sur axe gauche) : par les forces gravitationnelles que chez le
106 Ostéopathie
Torsion droite sur axe droit (D/D) Torsion gauche sur axe droit (G/D)
quadrupède, puisque c’est lui seul qui ■ Forces de réaction du sol (R)
supporte le poids du tronc et de la tête.
Les forces venant de la réaction du sol équili-
Dans cette position bipodale statique, le brent les forces gravitationnelles. Lors de la
poids se répartit alors idéalement dans les marche, par exemple, chaque fois que le pied
deux iliums (figure 5.39). se pose sur le sol, ces forces de réaction du sol,
Le sacrum, « suspendu » par ses ligaments, approximativement égales au poids de l’indi-
s’enchâsse d’autant plus entre les deux ailes vidu, s’exercent.
iliaques que le poids qui s’exerce sur sa base
est important (figure 5.40). Théoriquement, la relation entre les forces
de réaction du sol (R) et les forces gravitation-
En reprenant la coupe horizontale au nelles (G) se résume comme suit.
niveau de la 3e vertèbre sacrée, nous pou-
vons visualiser le rôle important de la – R < G : sur un terrain meuble (du sable par
symphyse pubienne qui, sollicitée en trac- exemple), les forces de réaction du sol sont,
tion, contribue à améliorer la résistance du lors de l’impact du pied sur le sol, inférieu-
système qui peut être qualifié d’autoblo- res aux forces gravitationnelles. Très logi-
quant (figure 5.41). quement, le pied s’enfonce dans le sol.
Anneau pelvien 107
G/G
Creux Postérieur Tendu Antérieur À gauche
à gauche et à droite à gauche
inférieur
à droite
D/D
Plein Antérieur Détendu Postérieur À droite
à droite et à gauche à droite
supérieur
à gauche
D/G
Plein Antérieur Détendu Postérieur À gauche
à gauche et à droite à gauche
supérieur
à droite
G/D
Figure 5.43. Arrivées au niveau de l’anneau pelvien, les forces de réaction du sol
se répartissent vers la branche pubienne, où elles seront amorties,
et vers la branche iliaque (d’après Kapandji).
gravitationnelles, aux forces de réaction du CTR4 qui, à leur tour, s’additionnent aux trois
sol et aux forces exercées par les muscles forces déjà décrites : les forces gravitationnel-
moteurs de la course. Cette conjonction des les, les forces de réaction du sol et les forces
forces en présence aurait un effet destructeur liées à l’activité musculaire. Certes, en inten-
des structures articulaires si plusieurs systèmes sité, elles sont à n’en point douter quantitati-
amortisseurs n’entraient en action. La parfaite vement moins importantes par unité de
connaissance de ces mécanismes réducteurs temps. En revanche, s’agissant d’un méca-
de contraintes influencera positivement la nisme naturel d’autoguérison, l’action des
qualité de nos traitements. Ils vont être décrits forces déployées sera prolongée dans le temps.
ici succinctement3. Ces forces produites lors de la mise en acti-
vité d’une CTR jouissent, au niveau de
l’anneau pelvien, de bras de leviers très favo-
■ Chaînes tissulaires réactionnelles rables justifiant la faible intensité des forces
Pour être complet, nous ne pouvons passer mises en jeu par rapport au résultat thérapeu-
sous silence les forces développées par les tique escompté.
grand droit
grand oblique
grand droit
grand oblique
petit oblique
pyramidal de l'abdomen
sous-épineux
trapèze
petit rond
grand dorsal
grand fessier
muscle couturier
Figure 5.46. Exemples de bras de leviers articulaires des principaux muscles de la cuisse.
Pour plus de clarté, l’impact de ces Les trabéculations osseuses sont un moyen
contraintes au niveau pelvien va être étudié de visualiser le cheminement des forces en
dans les trois plans de l’espace. présence (figure 5.48).
■ Plan frontal
Station debout monopodale
Station debout bipodale En appui monopodal, les contraintes sont
Dans la station debout bipodale, les forces démultipliées. Elles seront amorties, d’une
gravitationnelles descendantes rencontrent, part, par le pubis, qui travaille en cisail-
au niveau du bassin, les forces montantes de lement/torsion en plus de la compression, et
réaction du sol (figure 5.47). d’autre part, par les muscles stabilisateurs du
Dans cette configuration, c’est clairement bassin (abducteurs de la hanche en appui et
le pubis qui amortit la plus grande partie des élévateurs de la hanche en suspension), par
contraintes. Il travaille en compression, à la exemple le moyen fessier ou le carré des
manière d’un amortisseur. lombes opposé (figure 5.49).
Anneau pelvien 115
Figure 5.47. Une partie de la somme des forces montantes (R) et descendantes (G)
est amortie au niveau de la symphyse pubienne (d’après Kapandji).
Remarques
Physiologiquement, le mouvement de
cisaillement du pubis s’accompagne auto-
matiquement d’un petit mouvement de
torsion (figure 5.50).
L’abord de l’étude des contraintes
dans le plan frontal démontre qu’en
appui bipodal, c’est le pubis qui contribue
le mieux à l’amortissement. Il travaille en
compression.
En appui unipodal, lors de la marche, de
la course et, plus encore, lors d’un saut,
c’est le couple pubis–muscles stabilisa-
teurs du bassin qui sera l’élément amortis-
seur principal. Dans ce cas, le pubis se
déforme simultanément en cisaillement,
compression et torsion, ce qui nécessite
une force importante.
action du muscle
R
moyen fessier
R
N2
N1
P = poids du tronc
R = réaction du sol
Figure 5.51. Les forces gravitationnelles descendantes (G) et les forces montantes (R)
forment un couple de forces (d’après Kapandji).
Remarque
même centre articulaire. Ils sont distants
Si l’axe de la mobilité du sacrum était le
d’environ 2 cm et cela suffit à créer un frein
même que celui de l’iliaque, le mouve-
au mouvement (figure 5.52). Autrement
ment de nutation–contre-nutation serait
dit, pour que chaque mouvement de nuta-
beaucoup plus aisé qu’il ne l’est en réalité.
tion puisse se produire, d’importantes forces
Ce mouvement ne serait plus contesté
devront être mises en jeu. Ce mécanisme
tant il serait manifeste ; en revanche, le
de mouvements combinés dont les centres
système d’amortissement des forces en
sont distincts constitue un extraordinaire
présence serait peu efficace et très vite
système d’amortissement des forces en
insuffisant.
présence.
118 Ostéopathie
R'
C1
C2
G' G
R
Figure 5.52. Les centres des mouvements de nutation sacrée et iliaque sont séparés d’environ
2 cm. Cela constitue un frein puissant rendant difficile la mobilité des deux pièces osseuses.
Les forces (G) seront donc amorties par les des ligaments sacrosciatiques qui joue le rôle
muscles qui freinent le mouvement antérieur d’amortisseur puissant (figure 5.53).
du sacrum6 (mouvement de nutation sacrée).
En cas de dépassement du pouvoir d’amortis- Les forces de réaction du sol (R) sont
sement des muscles, c’est la mise en tension amorties chronologiquement par les muscles
contrôlant la rotation postérieure des ailes
iliaques – le muscle droit antérieur étant le
plus important – et, ensuite, par les différents
6. Les muscles du périnée et, surtout, le muscle trans- ligaments coxofémoraux formant le man-
versaire épineux. chon articulaire (figure 5.54).
Anneau pelvien 119
ligament sacrosciatique
R
nutation sacrée
G
nutation iliaque
14 cm
5 mm
Figure 5.56. La distance séparant les centres articulaires des surfaces auriculaire
et pubienne est approximativement de 14 cm chez l’adulte moyen.
Figure 5.59. La capacité physiologique qu’a le bassin de se déformer lui confère d’importantes
propriétés d’amortissement des forces en présence.
Si, sur cet anneau, on applique des forces Ce phénomène de déformation de l’an-
de torsion, il va se déformer pour revenir à sa neau pelvien n’est possible que grâce aux
forme initiale dès l’arrêt des sollicitations. possibilités de torsion qu’a le sacrum autour
Nous restons évidemment dans le cadre privi- des axes physiologiques.
légié où les forces en présence restent inférieu- L’abord de l’étude des contraintes dans le
res à celles qui pourraient déformer définitive- plan horizontal met en évidence un système
ment l’anneau (c’est la capacité de résilience). d’amortissement composé par l’anneau ostéo-
Il s’agit donc bien d’un mécanisme d’amortis- articulaire pelvien.
sement puisqu’en se déformant cet anneau a
absorbé une grande quantité des forces qui
s’appliquaient sur lui (figure 5.58). ■ Lors de la marche
Il en est de même pour le bassin, véritable La marche (un cycle de pas complet) est une
anneau ostéoarticulaire, dont la capacité synthèse intéressante et complète de l’inter-
physiologique de se déformer lui confère des vention des différents systèmes d’amortisse-
qualités indéniables d’amortissement des ment et de suspension que nous venons de
forces en présence (figure 5.59). découvrir :
Anneau pelvien 123
– le mécanisme d’amortissement des forces rendre compte à quel point il est plus fatigant
est réalisé par le pubis lorsqu’il est sollicité de marcher dans le sable mou que sur de
en compression ; l’asphalte.
– les mécanismes de suspension sont assurés Toute cette énergie absorbée, transformée
par le pubis lorsqu’il est sollicité en et ensuite restituée lors de chaque pas est utile
cisaillement/torsion, mais aussi par les non seulement pour maintenir la parfaite
différents muscles, ligaments et manchons mobilité de toutes les articulations formant
qui limitent les mouvements de nutation l’anneau pelvien, mais aussi et surtout pour la
sacrée et iliaque ; restituer lorsque la dysfonction est présente
(DOP ou DOS). En effet, lors de l’exécution de
– enfin, l’anneau ostéoarticulaire pelvien,
chaque pas, une impulsion thérapeutique va
grâce à son pouvoir de déformation, est
agir, à la manière d’une manipulation ostéo-
capable d’amortir les forces importantes
pathique, dans le sens de l’amélioration de la
que sont G et R.
mobilité articulaire. Voilà assurément un
À ces mécanismes réducteurs de contrain- nouvel aspect insoupçonné du potentiel
tes peut être ajouté celui, très intéressant, de d’autoguérison de l’organisme (voir troisième
la variation constante de la longueur des principe de l’ostéopathie, p. 23).
membres. Cette variation cyclique de la Cette réflexion nous amène tout naturelle-
longueur de la jambe a une triple fonction : ment à évoquer la problématique de la
– compenser la flexion/extension des jambes semelle compensée tellement prescrite de nos
et les mouvements latéraux du bassin afin jours. Il faut bien reconnaître que rares sont
de maintenir le centre de gravité le plus les « vraies jambes courtes » et surtout les
près possible d’une ligne horizontale « vraies jambes longues ». Elles sont en réalité,
(économie d’énergie) ; dans plus de 90 % des cas, la seule manifesta-
– faciliter le passage du membre non porteur tion visible, pour les non-spécialistes, d’une
lors de la phase d’appui unipodal (écono- dysfonction iliosacrée. Sous cet éclairage phy-
mie d’énergie) ; sioarticulaire, on comprend mieux l’impact
– absorber une partie importante des forces destructeur du port de la semelle lorsqu’il
en présence lors de l’attaque du talon sur le n’est pas indiqué. Dans tous les cas de figure,
sol (récupération d’énergie). même si la symptomatologie est temporaire-
ment améliorée, la talonnette inadaptée inter-
La marche est donc une activité particuliè-
rompt définitivement les mécanismes auto-
rement performante en matière de rendement
correcteurs mis en place par l’organisme et les
énergétique :
conséquences invalidantes ne tardent pas à se
– absorption des forces ; manifester.
– transformation et restitution de ces forces
de manière à réduire l’activité musculaire
Mobilité
motrice ;
– optimisation de la variation de hauteur du La mobilité intrinsèque de l’anneau pelvien
centre de gravité. conditionne celle de l’organisme entier.
La cinétique de la marche est particulière-
ment économe en matière de dépense énergé- Mobilité de la hanche
tique puisque la majorité des forces extérieu- La ceinture pelvienne est le point d’ancrage
res au système (G et R) sont transformées par des membres inférieurs. Les articulations
les différents amortisseurs en forces motrices coxofémorales ont 3° de liberté ; ce sont des
utiles et propres au système. Il suffit de énarthroses, et les surfaces articulaires en
marcher dans des conditions où R < G pour se présence sont sphériques. Le fémur décrit
124 Ostéopathie
donc dans l’espace un important mouvement – la marche n’altère pas la qualité des tissus
combiné de circumduction (figure 5.60). (par la mise en place d’amortisseurs de
Cette première particularité anatomique offre contrainte) ;
donc une importante mobilité à l’organisme.
– la marche est, d’un point de vue rende-
ment énergétique, extrêmement favorable.
Mobilité intrinsèque du bassin
Nous avons étudié la mobilité intrinsèque du Cette seconde particularité anatomique permet
bassin dans le paragraphe précédent. Nous en donc à l’organisme d’être mobile longtemps et
avons conclu que, grâce à elle : aussi souvent que nécessaire.
Anneau pelvien 125
Équilibre
L’étude de l’architecture des différents élé-
ments constituant le bassin nous a démontré
combien celui-ci était résistant (forme des os,
orientation des trabéculations osseuses, puis-
sance des ligaments et efficacité des mécanis-
mes protecteurs).
L’étude de la physiologie articulaire du
bassin nous a fait découvrir les triples perfor-
mances en matière de mobilité : son impor-
tance, sa qualité, son endurance.
Reste à comprendre pourquoi le bassin est
l’élément indispensable au maintien de
l’équilibre dans l’espace de notre organisme.
Le bassin offre d’importants bras de leviers
aux différents haubans musculaires qui
œuvrent en permanence au maintien de
l’équilibre général, grâce à de nombreuses
sollicitations qui sont de très faible intensité
(moment des forces favorable).
Une autre raison, que nous aimons citer
sans pour autant la développer, est le fait que
le bassin soit suspendu sous le centre de
gravité de l’organisme. En réalité, il serait plus
judicieux de dire que le centre de gravité est
posé sur le bassin, dont les qualités de mobi-
lité et d’adaptation font que l’équilibre est
maintenu.
En effet, grâce à cette particularité, le bassin
peut toujours « se placer sous le centre de
gravité », malgré les déplacements dans
l’espace de ce dernier. Cela se fait à la manière
de l’équilibriste cherchant à maintenir en
équilibre un poids posé au sommet d’une
perche (figure 5.61).
Remarque
Ces systèmes sont également très écono- Figure 5.61. Grâce à la mobilité importante
mes d’un point de vue rendement énergé- et au potentiel d’adaptation de la tête
tique puisqu’ils maintiennent l’organisme du clown dans l’espace, l’équilibre
en équilibre aussi longtemps que la fonc- du système est maintenu.
tion l’impose tout en lui permettant
d’être mobile et résistant.
126 Ostéopathie
diaphragme
cavité abdominale
muscle de la
paroi abdominale
grand bassin
aile de l'ilium
petit bassin
Diagnostic
ostéopathique
Introduction
Anamnèse
Examen clinique
Conclusion
Diagnostic ostéopathique 131
Chapitre 6
Diagnostic
ostéopathique
Toute certitude est par essence contradictoire avec la philosophie de la recherche.
Pierre Joliot
Nous parvenons quelquefois, en poursuivant nos recherches, à trouver la vérité là
où nous nous y attendions le moins.
Quintilien
Figure 6.1. La hauteur des épines iliaques antérosupérieures est un élément de comparaison
utile pratiqué lors de l’examen ostéopathique.
Il existe une troisième série de tests très autre point de référence (figure 6.1). Il s’agit
utiles permettant, au regard de la symptoma- donc d’un test relatif, simple et permettant de
tologie, d’orienter l’ostéopathe vers la dys- visualiser un désordre positionnel sans pour
fonction primaire. autant l’identifier ou présumer de sa cause.
L’ensemble de ces tests touchant la sphère Toutefois, le test positionnel ne répond pas
physique de l’organisme sont spécifiques à la aux questions suivantes.
philosophie ostéopathique et permettent de
« remonter jusqu’à la source » de la patholo- – Entre les deux points repérés, quel est celui
gie, à la base même du conflit existant entre la qui est normal ?
structure et la fonction. – La différence observée est-elle fonction-
nelle ou morphologique ?
Tests positionnels – La différence positionnelle est-elle le résul-
Parmi la somme des paramètres utiles à pren- tat d’un désordre primaire (DOP) ou secon-
dre en considération lors de la mise en route daire (DOS) et adaptatif ?
d’un processus diagnostique figure le posi- Le test positionnel offre, comme son nom
tionnement des repères anatomiques. l’indique, un regard statique, comme le ferait
Pratiquement, on compare un repère par une radiographie. Mais il ne peut être utilisé
rapport à son homologue ou par rapport à un seul ; il est souvent le point de départ d’une
Diagnostic ostéopathique 135
Figure 6.2. Test de la hauteur relative des branches pubiennes dans le plan frontal.
Le diagnostic différentiel manuel (test de Dans ce cas, la tension tissulaire joue claire-
mobilité) va orienter très vite vers l’une ou ment son rôle d’autocorrection en tentant
l’autre possibilité : d’abaisser la branche pubienne.
Deux causes sont possibles pour expliquer
– dans le cas de la DOP, elle est vite décou- ce phénomène :
verte, analysée et traitée ; – une DOP dans la zone de l’articulation
– dans le cas de la DOS, l’investigation va se sacro-iliaque (par exemple un ilium posté-
poursuivre selon la même logique binaire : rieur) : conséquence d’un traumatisme,
pourquoi ce muscle ou groupe de muscles entre autres ;
est-il sous tension ? Étape par étape, – une dysfonction iliosacrée (ilium posté-
l’ostéopathe va vite trouver la réponse dans rieur) secondaire : l’ilium est maintenu en
138 Ostéopathie
grand fessier
Figure 6.8. La branche pubienne est relativement plus haute à gauche – les tensions dans les
muscles supérieurs et inférieurs sont marquées.
Rm
C1
C2
Fm
muscle psoas
Figure 6.12. En raison de son appui sur la branche iliopubienne, le psoas la postériorise.
muscles rotateurs internes qui sont concer- – La tension est intégrée dans une CTR :
nés. Ils peuvent l’être pour plusieurs raisons. • la CTR a pour but de corriger une
– La tension est isolée. dysfonction d’ordre sacro-iliaque comme
une torsion gauche sur axe gauche ou
• Le ou les muscles sont irrités, blessés, mal
une torsion gauche sur axe droit (établir
vascularisés ou mal innervés. Les deux
un diagnostic articulaire précis) ;
points d’insertion sont rapprochés, la
• si la jambe est en rotation externe, les
rotation de la jambe est en position de
muscles rotateurs internes contrôlent
rotation interne.
l’action des muscles rotateurs externes
• La zone sacro-iliaque est en cause (à (ils sont les maillons d’une CTR).
confirmer par les tests de mobilité). Enfin, le muscle psoas peut être impliqué
• La dysfonction se trouve dans le membre dans la postériorisation de la branche pu-
inférieur (genou ou cheville). bienne.
144 Ostéopathie
A B
Elle lui permet de poser un diagnostic articu- – L’examen clinique général permet de situer
laire bien défini, en parfaite adéquation avec le symptôme par rapport aux grands systè-
la physiologie articulaire. mes biologiques, physiologiques et physi-
De la qualité du diagnostic articulaire ques afin d’établir une éventuelle corréla-
dépendra celle du geste technique exécuté tion.
dans le cadre du traitement. – En respectant la stricte application de la
règle reliant la cause à l’effet, les tests
Il est utile de rappeler que, pour l’ostéopa-
d’orientation manuels guident l’ostéopa-
the, la sémantique du mot « articulaire » ne se
the vers la zone dysfonctionnelle. Simulta-
limite pas à la définition classique selon
nément, les éléments objectifs sont
laquelle deux os entourés de cartilage et unis
confrontés de manière à établir un
par des ligaments se mobilisent entre eux. Ce
diagnostic a minima ou d’exclusion.
terme s’adresse plus largement aux tissus qui
– Les examens physiques spécifiques (tests
entretiennent entre eux une mobilité, comme
positionnels ou de mobilité) caractérisent
cela peut être le cas entre les organes et les
de plus en plus précisément la dysfonction.
tissus se trouvant dans leur périphérie directe.
– Les tests positionnels comparent la posi-
tion de deux structures mais ne préjugent
Conclusion pas de la nature de la dysfonction éven-
tuelle.
La recherche par l’abord physique et struc- – Les tests de mobilité permettent un
turel de la pathologie est une spécificité examen très subtil et précis de l’articula-
ostéopathique inaliénable qu’il convient tion dysfonctionnelle. Ils sont pratiqués
d’intégrer dans une démarche diagnostique lorsqu’il est définitivement acquis que le
plus globale. patient peut bénéficier d’un traitement
– L’observation et l’interrogatoire sont les ostéopathique. Les tests de mobilité rensei-
premiers contacts avec le patient. Un cadre gnent le praticien sur le type d’outil théra-
général est posé autour du motif de la peutique à mettre en œuvre (indications et
plainte, des circonstances liées à son appa- contre-indications techniques) et sur la
rition ou à son contexte. manière de les utiliser.
Chapitre 7
Traitement
ostéopathique
Introduction
Conclusion
Traitement ostéopathique 151
Chapitre 7
Traitement
ostéopathique
Je ne sais si cela se peut, mais je sais bien que cela est.
Molière
les ostéopathes. La médecine classique ne L’horloger possède lui aussi ces deux caté-
peut pas davantage être réduite dans sa défini- gories d’outils selon la nécessité d’intervenir
tion à la prescription de piqûres ou d’antibio- structurellement sur un élément mécanique
tiques... ou celle d’opérer un réglage fonctionnel.
Cela nous conduit à proposer la réflexion
suivante : il n’existe pas plus de contre- Manipulations articulaires
indications en ostéopathie qu’il n’en existe en
médecine officielle classique. Cependant, Historique
pour les deux types de médecine, les outils Les manipulations articulaires et, plus encore,
thérapeutiques utilisés ont des indications « la » manipulation vertébrale sont souvent
cliniques et donc aussi de nombreuses considérée à tort comme étant « le tout ostéo-
non-indications. L’arsenal thérapeutique mé- pathique », alors qu’en réalité elles ne repré-
dical ou ostéopathique est comme une caisse sentent, comme nous l’avons déjà évoqué,
à outils. Chacun a sa fonction. L’art du théra- qu’une technique thérapeutique parmi beau-
peute est semblable à celui de l’artisan qui coup d’autres. Autrement dit, lorsqu’on
saura les utiliser à bon escient, justement, manipule une articulation de manière symp-
intelligemment, respectueusement et en tomatique, en dehors de tout contexte sémio-
toute innocuité. logique ou de toute approche diagnostique
globaliste et cohérente, ce n’est pas de l’ostéo-
Les techniques dites pathie.
« structurelles » Les manipulations sont très anciennes et
ont été pratiquées par différentes civilisations
Introduction antiques aux quatre coins de la planète.
Les techniques manipulatives ont ensuite
Les trois principes que nous avons décrits au été développées et codifiées par deux hommes :
début de cet ouvrage (voir chapitre 3) sont le – Andrew Taylor Still qui, vers les années
fondement de la philosophie ostéopathique. 1875, a structuré les techniques dites « de
Plus concrètement, ils gouvernent les démar- grande amplitude et de basse vélocité » ;
ches diagnostique et thérapeutique. – Daniel David Palmer, fondateur de la chiro-
La loi « de la cause et de son effet » qui a praxie, qui, une vingtaine d’années plus
guidé le protocole diagnostique spécifique est tard, s’est davantage intéressé aux techni-
dérivée du premier principe de l’ostéopathie ques dites « de faible amplitude et de haute
qui établit l’interrelation existant entre la vélocité ».
structure et la fonction. Actuellement, les différents praticiens de
Selon l’abord thérapeutique que le type de médecine physique (ostéopathie, chiropraxie,
dysfonction impose, la technique utilisée médecine manuelle, etc.) utilisent sans
s’adressera soit à la structure, de manière à distinction ces techniques complémentaires
réguler une fonction, soit à la fonction pour que nous allons détailler.
pouvoir corriger la structure.
En schématisant d’une manière presque Techniques manipulatives
caricaturale, on peut théoriquement dire que Le but d’une manipulation, quelle que soit la
les techniques structurelles s’adressent préfé- technique utilisée, est de restaurer la mobilité
rentiellement aux dysfonctions ostéopathi- articulaire physiologique. Il s’agit donc d’un
ques primaires (DOP), tandis que les techni- acte réfléchi qui est le légitime aboutissement
ques fonctionnelles concerneront davantage du processus diagnostique.
le traitement des dysfonctions ostéopathiques Pour pouvoir « restaurer » la mobilité
secondaires (DOS). physiologique, il faut la connaître parfaite-
Traitement ostéopathique 153
ment, se la représenter dans les trois plans de Cette technique peut être utilisée en mode
l’espace mais, bien plus encore, pouvoir direct ou indirect.
détecter les moindres troubles articulaires qui
témoignent de la dysfonction et la qualifient. ■ Manipulation à basse vélocité
S’il est possible et relativement facile d’étudier et de faible amplitude
et de comprendre la théorie physiologique, il Il s’agit d’une technique de décoaptation arti-
est beaucoup plus difficile de percevoir un culaire, comme celle qui consiste à « faire
trouble, de pouvoir l’analyser, le comprendre craquer » ses doigts.
et ensuite le corriger. Cela fait partie inté-
grante de l’« art de guérir », subtile harmonie
■ Manipulation à haute vélocité
entre ce que le thérapeute sait et sait faire.
et de faible amplitude
Les techniques appliquées seront :
Appelée communément le thrust, cette mani-
– directes lorsque les forces correctrices pulation passive agit directement dans le sens
s’adressent directement à la dysfonction de la correction de la dysfonction articulaire.
articulaire ; La haute vélocité permet à la fois de mobi-
– indirectes lorsque les forces correctrices liser structurellement des surfaces articulaires
mises en jeu s’adressent aux articulations tout en étirant les tissus périarticulaires. Cette
sus- ou sous-jacentes par rapport à celle qui action mécanique est accompagnée d’une
est dysfonctionnelle. réaction neurologique par sollicitation de
voies réflexes agissant localement sur les
tissus périarticulaires ou à distance de ceux-ci
■ Manipulation à basse vélocité
(liens fluidique et neurologique).
et de grande amplitude
Parce que le bras de levier utilisé est réduit
Le principe consiste à utiliser un long bras de
(faible amplitude), la manœuvre ne mobilise
levier entre l’articulation à traiter et le point
pas les structures anatomiques au-delà de la
d’application de la force correctrice exercée
limite physiologique du mouvement.
par le manipulateur (figure 7.1).
Remarques
La haute précision lors de l’exécution de
la manipulation dépend de celle de la
mise en tension et de la qualité du
verrouillage des articulations sus- et sous-
jacentes. Dans ces conditions, la poussée
correctrice ne nécessite aucune force
puisqu’elle est parfaitement orientée.
C’est une des conditions garantissant son
innocuité.
Cette manœuvre n’abîme donc aucune-
ment les structures anatomiques et peut
donc être pratiquée aussi souvent que
nécessaire puisqu’elle restaure les
Figure 7.1. Exemple de manipulation rapports physioanatomiques. Le bruit arti-
vertébrale utilisant une haute amplitude culaire régulièrement audible lors de
(bras de levier important) l’exécution de la manœuvre n’est en
et une basse vélocité. aucun cas un gage de réussite. Ce bruit ou
154 Ostéopathie
Les techniques
dites « fonctionnelles »
Introduction
Figure 7.2. Le lift est une technique utilisée Les techniques fonctionnelles se servent de la
pour corriger une impaction articulaire. fonction d’un tissu musculaire, ligamentaire,
Traitement ostéopathique 155
tendineux, etc. pour modifier un ou plusieurs des rapports qu’elle entretient avec les tissus
éléments structuraux déficients. Les techni- avoisinants, Lawrence Jones a codifié une
ques sont nombreuses et se conjuguent ou procédure thérapeutique qui consiste à placer
s’associent quelquefois. C’est la raison pour passivement l’articulation dans une position
laquelle nous évoquerons les techniques prin- de très grand confort, c’est-à-dire dans
cipales. Comme pour chaque type de techni- laquelle les tensions myofasciales sont rédui-
que structurelle, il existe une littérature abon- tes au maximum.
dante et très spécifique que nous vous Guidée par la main qui « écoute », la posi-
recommandons vivement de consulter. tion de confort est trouvée et maintenue
durant 90 s. C’est dans cette position que le
Muscle energy procedures faisceau neuromusculaire douloureux est le
Élaboré par Fred Mitchell, le concept théra- plus court et donc le moins sollicité. Le temps
peutique de muscle energy procedures, extrême- consacré à l’exécution de la manœuvre est
ment complet, débute par un diagnostic arti- destiné à étirer les faisceaux musculaires anta-
culaire très précis qui permet à la fois de gonistes.
définir les causes et la nature des restrictions Lentement et très progressivement, l’ostéo-
de la mobilité. pathe ramène l’articulation dans une position
Ce sont des manœuvres correctrices parti- neutre.
culièrement indiquées lorsque la dysfonction
articulaire est secondaire (DOS), c’est-à-dire Les techniques fonctionnelles
lorsqu’elle est la conséquence de l’hypertoni- selon William Johnston
cité d’un petit muscle ou d’un ensemble de Les techniques fonctionnelles mises au point
tissus connexes à l’articulation. par William Johnston et ses collaborateurs
Par une série de contractions musculaires sont des techniques d’écoute très précises et
volontaires (isotoniques et contre résistance) respectueuses de l’environnement tissulaire.
effectuées selon une procédure très précise par Elles consistent à guider un segment articu-
le patient lui-même, la mobilité physiologi- laire dysfonctionnel en utilisant des voies de
que articulaire est retrouvée. passage aisées qui n’exacerbent pas les
Cette technique convient particulièrement tensions tissulaires déjà existantes. La main
bien aux états aigus et remplace avantageuse- qui induit le mouvement correcteur écoute et
ment une intervention structurelle, souvent obéit à celle qui indique la voie à suivre. La
mal tolérée dans pareil cas. correction de la dysfonction articulaire, géné-
ralement secondaire, est obtenue lorsque les
Strain and counterstrain réactions tissulaires environnantes ont
Plus connue sous le nom de son concepteur, le disparu.
docteur Lawrence Jones, cette technique de Tout comme les techniques myotensives
strain and counterstrain a été traduite en fran- décrites précédemment, ces techniques fonc-
çais par « correction spontanée par position- tionnelles sont particulièrement indiquées
nement »1. pour traiter des troubles fonctionnels particu-
Partant du principe selon lequel la douleur lièrement aigus.
locale articulaire (ou périarticulaire) dépend
de la position de l’articulation dans l’espace et Conclusion
Nous avons présenté brièvement quelques
familles de techniques couramment utilisées
1. Voir Lawrence Jones, Correction spontanée par posi- en ostéopathie. La liste n’est pas exhaustive ;
tionnement, Paris, Frison-Roche 1985. ainsi, nous avons volontairement négligé de
156 Ostéopathie
mentionner celles, pourtant bien utiles, qui que à haute vélocité ne peut être appliquée
favorisent l’écoute ou l’induction. dans tous les cas et que de la qualité d’un
Grâce à l’utilisation de ces outils d’inter- levier ou segment osseux dépendra l’utilisa-
vention, une large palette d’indications théra- tion d’une technique de haute amplitude.
peutiques peut être couverte. En utilisant le
terme « indication », nous sous-entendons Fort heureusement, en combinant les tech-
implicitement celui de « contre-indication ». niques structurelles, fonctionnelles, directes
Or, comme nous le soulignions en début de ou indirectes utilisées avec plus ou moins
chapitre, il n’y a pas de contre-indication en d’amplitude ou de vélocité, chaque situation
médecine ostéopathique mais plutôt des clinique peut être appréhendée, étant bien
« non-indications ». En revanche, les contre- entendu que le but ultime du traitement n’est
indications sont formelles lorsqu’on évoque pas de se substituer aux mécanismes d’auto-
l’utilisation des techniques de correction guérison de l’organisme mais, au contraire, de
ostéopathique. Il va sans dire qu’une techni- les potentialiser.
Conclusion
À l’heure où les « spécialités » ostéopathi- sans cesse s’adapter, se défendre, équilibrer les
ques se multiplient et se définissent par réfé- paramètres biologiques, physiologiques, chi-
rence à une technique ou à une idéologie, il miques mais aussi... mécaniques, moins
est important de se rappeler que l’ostéopathe connus ou reconnus.
est avant tout un praticien généraliste qui, C’est pour mieux s’adapter aux contraintes
fidèle au principe de l’unité fonctionnelle de et pour mieux utiliser les forces gravitation-
l’organisme, accorde davantage d’importance nelles que la charpente ostéoarticulaire
au mécanisme générant la pathologie qu’au humaine est aussi développée dans son ingé-
symptôme lui-même. nierie et dans sa technicité. Par la compréhen-
Très modestement, nous espérons que cet sion des mécanismes fonctionnels et donc
ouvrage facilitera le retour aux sources histo- aussi dysfonctionnels, l’ostéopathe pourrait
riques de l’ostéopathie traditionnelle qui se être comparé à un ingénieur en mécanique
caractérise notamment par cette vision humaine. Lorsque l’ostéopathe utilise ses
globale de l’organisme humain. outils thérapeutiques, il revêt davantage le
Les principes sur lesquels se fonde l’ostéo- rôle de mécanicien de l’organisme. Voilà reca-
pathie sont certes naturels et universels mais drée la mission de l’ostéopathe : écouter,
plus concrètement, c’est en tant qu’ostéopa- analyser et comprendre, avant d’intervenir.
the de terrain que nous avons compris, vérifié Notre légitimité professionnelle en dépend
et intégré leurs valeurs. Sans entrer dans de tout comme notre crédibilité.
très hautes considérations philosophiques, il Par sa logique, l’ostéopathie semble telle-
est intéressant de remarquer que la célèbre loi ment simple que c’était, il y a encore quelques
« de cause à effet » est une résultante synthé- années, une des probables causes de son
tique de ces trois principes interdépendants discrédit. En revanche, le métier est particuliè-
gouvernant les multiples fonctions de l’orga- rement difficile ; l’ostéopathe se devant d’être
nisme, et permettant aux ostéopathes à la fois « un homme de science » par sa
d’établir une logique diagnostique et théra- connaissance implicite et fonctionnelle des
peutique. sciences fondamentales, et « un homme
Pour assurer à la fois « qualité » de vie et d’art » lorsqu’il applique le juste geste, celui
« longévité », notre organisme humain doit qui soigne ou qui guérit !
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