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Traumatologie du rachis

Chez le même éditeur

Dans la collection Imagerie Diagnostic :

Imagerie du sein, par J. Stinès. 2012, 450 pages.


Comprendre l'IRM, par B. Kastler, D. Vetter. 7e éd., 2011, 408 pages.
Imagerie du pied et de la cheville, par J-L. Drapé. 2011, 336 pages.
TDM en traumatologie, par I. Millet-Cénac. 2009, 408 pages.
Imagerie du vieillissement, par A. Dana, M. Suissa, D. Godefroy. 2008, 304 pages.
IRM : Sein-Gynécologie-Obstétrique, par C. Balleyguier, N. Perrot. 2007, 448 pages.

Autres ouvrages :

Examen clinique des membres et du rachis, par S. Hoppenfeld. 2011, 320 pages.
Rachis et sports, par J. Rodineau. 2011, 284 pages.
Médecine ostéopathique et traitement des algies du rachis dorsal, par F. Richard. 2011, 432 pages.
Sous la direction de Michel Bléry

Traumatologie du rachis
J.-C. Dosch
Radiologue, CHRU de Strasbourg ;
Ancien chef de service du service de radiologie,
du centre de traumatologie et d'orthopédie
de Strasbourg ;
Ancien professeur conventionné
auprès de l'Université
Louis Pasteur de Strasbourg.

Préface du Pr J.-L. Dietemann


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DANGER lièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ». Cette pratique
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ISBN : 978-2-294-70599-1

Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
Liste des collaborateurs

Abu Eid M., praticien hospitalier contractuel, ser- Durckel J., praticien hospitalier, service de radiolo-
vice de radiologie 2, hôpital de Hautepierre, gie 2, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universi-
hôpitaux universitaires de Strasbourg. taires de Strasbourg.
Bierry G., maitre de conférences des universités- Gangi A., professeur des universités-praticien hospi-
praticien hospitalier, service de radiologie 2, talier, service d'imagerie interventionnelle, nou-
hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires vel hôpital civil, hôpitaux universitaires de
de Strasbourg. Strasbourg.
Bogorin A., praticien hospitalier, service de radiolo- Garnon J., praticien hospitalier, service d'imagerie
gie 2, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universi- interventionnelle, nouvel hôpital civil, hôpitaux
taires de Strasbourg. universitaires de Strasbourg.
Buy X., praticien hospitalier, service d'imagerie Javier R.-M., praticien hospitalier, service de rhuma-
interventionnelle, nouvel hôpital civil, hôpitaux tologie, hôpital de Hautepierre, hôpitaux uni-
universitaires de Strasbourg. versistaires de Strasbourg.
Charles Y.-P., maitre de conférences des universités- Koob M., praticien hospitalier, service de radiologie
praticien hospitalier, service de chirurgie du 2, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universi-
rachis, pavillon chirurgical B, hôpitaux universi- taires de Strasbourg.
taires de Strasbourg. Moser T., département de radiologie, hôpital
Dietemann J.-L., professeur des universités-­praticien Notre-Dame – centre hospitalier de l'université
hospitalier, chef du service de radiologie 2, de Montréal (Québec), Canada.
hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires Sanda R., praticien hospitalier, service de radiologie
de Strasbourg. 2, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universi-
Dosch J.-C., praticien hospitalier, service de radio- taires de Strasbourg.
logie 2, hôpital de Hautepierre, hôpitaux uni- Steib J.-P., professeur des universités-praticien hos-
versitaires de Strasbourg. pitalier, service de chirurgie du rachis, pavillon
Draghici S., médecin attaché, service de radiologie chirurgical B, hôpitaux universitaires de
2, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universi- Strasbourg.
taires de Strasbourg
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Préface

L'ouvrage de Jean-Claude Dosch est le fruit d'une a permis de combler l'un des points faibles majeurs
passion pour l'imagerie ostéo-articulaire et d'une de la scanographie, les lésions des parties molles
expérience de plus de 30 ans en traumatologie rachi- (ligaments, disques, muscles, vaisseaux) et de la
dienne. L'école radiologique strasbourgeoise, sous la moelle épinière. Jean-Claude Dosch a accompagné
direction d'Auguste Wackenheim assisté d'Élisabeth et progressivement intégré tout au long de sa car-
Babin, a transmis à de nombreux élèves cet intérêt rière les évolutions technologiques et a ainsi pu affi-
pour la pathologie du rachis. Cette formation ini- ner l'analyse sémiologique et les mécanismes des
tiale, associée à une intégration réussie à merveille de lésions osseuses et des parties molles, et nous livre
Jean-Claude Dosch en tant que chef de service de dans cet ouvrage unique un condensé de connais-
radiologie au sein d'une structure à l'époque unique sances unique et indispensable autant aux radio­
en France, le centre de traumatologie et d'ortho­ logues en formation ou en exercice qu'aux différents
pédie d'Illkirch dirigé par Ivan Kempf, a permis, spécialistes qui assurent la prise en charge thérapeu-
grâce à la collaboration avec une équipe chirurgicale tique initiale et le suivi de ces patients. L'ouvrage
particulièrement dynamique et innovatrice menée comprend 4 parties : la première est consacrée à des
par Arsène Grosse, une réflexion permanente sur notions générales de radio-anatomie, de bioméca-
l'interaction entre les mécanismes, l'imagerie et la nique et de techniques et de stratégies d'imagerie, la
prise en charge thérapeutique des traumatisés du seconde décrit les lésions traumatiques des différents
rachis ; ces interactions se sont poursuivies avec Jean- segments du rachis, la troisième partie traite des par-
Paul Steib. Un premier travail uniquement consacré ticularités liées à l'âge et au terrain et la quatrième
à la radio­logie conventionnelle a été publié en 1985. partie envisage la thérapeutique. La passion pour la
L'arrivée de la scanographie a simplifié le diagnostic « belle image », élément indispensable au diagnostic,
des lésions traumatiques, grâce à la précision de notamment en imagerie ostéo-articulaire, se traduit
l'analyse des anomalies ; le développement de la sca- par une iconographie et des illustrations de très
nographie volumique avec une analyse multiplanaire grande qualité mises en valeur par la qualité édito-
et 3D offre actuellement une précision inégalée et riale d'Elsevier-Masson.
identifie la quasi-totalité des lésions osseuses, ce qui
permet des prises de décisions thérapeutiques rapides Professeur Jean-Louis Dietemann
et adaptées. L'utilisation plus récente de l'IRM Strasbourg, août 2012
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Abréviations

ADC apparent diffusion coefficient NEXUS National Emergency


Afssaps Agence française de sécurité X-Radiography Utilization Study
sanitaire des produits de santé OBAR oblique en bas et en arrière
AO Arbeitsgemeinschaft für OBAV oblique en bas et en avant
Osteosynthesefragen OMS Organisation mondiale de la
ARM angiographie par résonance santé
magnétique OP ostéoporose
ASIA Americain spinal injury score PMMA polyméthylméthacrylate
AVP accident de la Voie Publique RS radiographie standard
BAI basion posterior axial SA spondylarthrite ankylosante
BDI basion dental interval SAU services d'accueil de l'urgence
BMP bone morphogenetic protein SCIWONA spinal cord injury without
C-CSR Canadian–Cervical Spine Rule neuroimaging abnormality
CLP complexe ligamentaire postérieur SCIWORA spinal cord injury without
CS cyphose segmentaire objective radiological abnormality
CT computed tomography SCIWORET spinal cord injury without
objective evidence of trauma
DISH diffuse idiopathic skeletal
hyperostosis SE spin echo
DMO densité minérale osseuse SIF sagittal index de Farcy
DXA dual energy X-ray absorptiometry SMV Segment mobile rachidien
EG echo de gradient STIR short tau inversion recovery
FS fat-saturation STSG Spine Trauma Study Group
FSE fast spin echo SVM segment vertébral moyen
FRAX® fracture risk assessment tool SWI susceptibility weighted imaging
FSMA fracture–séparation du massif TDM tomodensitométrie
articulaire TE temps d'écho
GnRH gonadotrophine releasing hormone TEP tomographie par émission de
HSA hémorragie sous-arachnoïdienne positons
HSDA hématome sous-dural aigu TLICS toracolombar injury classification
and severity score
IRM imagerie par résonance
magnétique TLISS thoracolumbar injury severity
score
LCS liquide cérébrospinal
TSE turbo spin echo
LLA ligament longitudinal antérieur
VFA vertebral fracture assessment
LLP ligament longitudinal postérieur
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Sommaire

Liste des collaborateurs


Préface VII
V
II
Abréviations IX Traumatismes du rachis sain
Chapitre 4
I Traumatisme de la charnière
cervico-occipitale 63
Notions de bases fondamentales Lésions osseuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fractures des condyles occipitaux (63). Fractures
63

de l'atlas (64). Fractures de l'axis (69).


Chapitre 1 Luxations et entorses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
Radio-anatomie normale 3 Luxation condylo-atloïdienne (78). Luxation
odonto-atloïdienne (79). Luxation atloïdo-axoïdienne (81).
Charnière cervico-occipitale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Rappel anatomique (3). Radio-anatomie (6).
Variantes et images pièges (10). Chapitre 5
Rachis cervical moyen et inférieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Traumatisme du rachis cervical
Vertèbre cervicale (14). Rapport et repères (15). moyen et inférieur 83
Pièges et variantes (18).
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
Rachis thoracolombaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Vertèbres (25). Éléments de radio-anatomie (25). De la particularité des lésions du rachis cervical . . . . . . . 83
Incidence de face (26). Incidence de profil (28). Lésions par compression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
Sacrum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Tassement cunéiforme (84). Fracture comminutive
ou burst fracture (84). Tear drop fracture (85).

Chapitre 2 Lésions par traction en flexion ou en extension . . . . . . . . 87


Lésions en hyperflexion (87). Lésions en hyperextension (90).
Mécanisme des fractures 33
Lésions en rotation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
Architecture vertébrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Luxation unilatérale (96). Fracture du
Matériau (33). Vertèbre (33). Disque intervertébral (34). processus articulaire (96). Fracture–séparation
Ligaments (34). Muscles (34). Unité fonctionnelle du massif articulaire ou FSMA (98).
rachidienne (35). Courbures rachidiennes (35).
Lésions osseuses mineures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
Mécanismes lésionnels. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Lésions par compression (36). Lésions par traction (38). Chapitre 6
Lésions par rotation et/ou par cisaillement (39).
Traumatisme du rachis
Instabilité vertébrale traumatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40 thoracolombaire-sacré 103

Chapitre 3 Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103


Outils et stratégie d'exploration 45 Description radiologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Lésions en compression (103). Lésions par traction
Outils diagnostiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 en flexion (110). Lésions par traction en
Radiographies conventionnelles (45). Radiographies extension (117). Lésions par cisaillement (117).
dynamiques (46). Scanner (48). Fractures du sacrum (120).
IRM (53). Autres techniques (53).
Mesures et aides à la décision opératoire. . . . . . . . . . . . . 121
Stratégie diagnostique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 Spondylolisthésis (121). Déformation sagittale (121).
Traumatisme mineur (53). Traumatisme majeur Tassement vertébral (122). Sténose canalaire (122).
sans troubles neurologiques (54). Traumatisme
De l'intérêt des classifications. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
rachidien avec troubles neurologiques (55).
Classification historique de Böhler (122). Classification
Polytraumatisé (55). Traumatismes de l'enfant et de
de Holdsworth (123). Classification de Denis (123).
l'adolescent (55). Traumatismes du sujet âgé (57).
Classification de Magerl (123). Classification TLISS
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 (thoracolumbar injury severity score) (125).
XII Sommaire

Chapitre 7 Médicamenteux (184). Indications de la


radiologie interventionnelle (184)
IRM des traumatismes du rachis
et de la moelle épinière 127 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185

Protocoles d'exploration. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127


Chapitre 10
Lésions du rachis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 Fractures du rachis enraidi 187
Lésions discoligamentaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
Complications fracturaires
Lésions de la moelle épinière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 de la spondylarthrite ankylosante. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
Lésions épidurales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Causes des fractures vertébrales
Hématome épidural (139). Collections liquidiennes (140). de la spondylarthrite ankylosante (187).
Formes particulières (140). Séquelles Aspects des complications fracturaires
et complications tardives (142). Lésions de la spondylarthrite ankylosante (189).
traumatiques du plexus cervicobrachial
Complications fracturaires de l'hyperostose
et lombo-sacré (144). Indications de l'IRM (145).
vertébrale de Forestier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Traumatisme cervical du sujet âgé . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
III Atteinte traumatique de la charnière
cervico-occipitale (198) Lésion traumatique

Particularités liées à l'âge du rachis cervical inférieur (199).

et au terrain IV
Chapitre 8
Traumatisme de l'enfant 151
Bases thérapeutiques
Épidémiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 Chapitre 11
Étiologie des traumatismes (151). Radiologie interventionnelle
Mécanismes, lésions et stabilité (151).
en pathologie rachidienne traumatique 205
Bilan d'imagerie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152
Radiographies conventionnelles (152). Traitement des fractures rachidiennes
Scanner (152). IRM (152). ostéoporotiques par vertébroplastie percutanée . . . . . . . 205
Aspects normaux du rachis en croissance. . . . . . . . . . . . 153 Indications (205). Technique de vertébroplastie
Anatomie développementale (153). Variantes de la percutanée (208). Résultats de la
normale–images pièges spécifiques à l'enfant (155). vertébroplastie – complications (213).
Biomécanique–anatomie fonctionnelle (156) Traitement des fractures traumatiques
Traumatismes du rachis cervical. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157 du sujet jeune par cyphoplastie percutanée. . . . . . . . . . . 213
Épidémiologie (157). Étiologie (157). Indications (213). Technique de cyphoplastie
Particularités (158) Indication de l'imagerie (158). à ballonnets (214). Résultats de la
Protocole d'imagerie (158). Traumatismes du cyphoplastie – complications (216).
rachis cervical haut (159). Traumatismes du Traitement des fractures rachidiennes complexes
rachis cervical moyen et inférieur (164). par techniques combinées radio-chirugicales . . . . . . . . . 217
Traumatismes du rachis thoracolombaire. . . . . . . . . . . . . 165 Indications (217). Technique (217). Résultats (221).
Épidémiologie (165). Imagerie (166). Résultats (166). Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
Lésions sacrococcygiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Chapitre 12
Chapitre 9 Traitement des fractures
Diagnostic et prise en charge d'une du rachis thoracolombaire 223
fracture–tassement ostéoporotique 173 Paramètres de prise de décision. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Type de fractures (223). Déplacement (225).
Généralités sur l'ostéoporose. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173 Troubles neurologiques (226).
Épidémiologie (173). Physiopathologie
de l'ostéoporose (173). Principales Principes thérapeutiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
causes d'ostéoporose (174). Risque Généralités (227). Particularités des colonnes
fracturaire : intérêt du FRAX® (175). thoracique, thoracolombaire et lombaire (227).

Diagnostic clinique de fracture vertébrale Traitement fonctionnel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228


ostéoporotique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Traitement chirurgical . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229
Place de la densitométrie osseuse : le T-score. . . . . . . . . 176 Voies d'abord (229). Ostéosynthèse (232).
Arthrodèse (233). Indication (233).
Place des différentes techniques d'imagerie . . . . . . . . . . 177
Diagnostic positif d'une fracture ostéoporotique (177). Cals vicieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233
Diagnostic différentiel des fractures malignes (178). Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234
Traitement de l'ostéoporose fracturaire
vertébrale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 Index 237
I
Notions de bases
fondamentales
Plan de la partie
Radio-anatomie normale 3
Mécanisme des fractures 33
Outils et stratégie d’exploration 45
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Chapitre 1
Radio-anatomie normale
J.-C. Dosch

Les particularités anatomiques propres à chaque répondent aux condyles occipitaux. Elles sont
vertèbre expliquent en partie la diversité des lésions orientées de l'arrière vers l'avant et du dehors vers
traumatiques, leur polymorphisme, leur tropisme le dedans. Leurs faces supérieure et inférieure, équi-
pour certaines localisations et souvent le caractère pées de surfaces articulaires ou cavités glénoïdes,
stéréotypé des déplacements intervertébraux. Dans convergent vers la ligne médiane. La surface articu-
ce bref rappel anatomique nous traiterons les diffé- laire supérieure est concave. La surface articulaire
rentes composantes vertébrales comme des maillons inférieure est plane voire légèrement convexe. Les
forts ou faibles d'une chaîne biomécanique assurant faces latérales donnent attaches aux racines du pro-
au rachis, simultanément et en toutes circonstances, cessus transversaire et délimitent avec eux le fora-
stabilité, mobilité et protection des éléments nobles. men de l'artère vertébrale. Les faces médiales
présentent dans leur partie antérieure un tubercule
plus ou moins proéminent pour l'insertion du liga-
Charnière cervico-occipitale ment transverse. L'arc postérieur est grêle et
dépourvu de processus épineux. Sa face supérieure
Rappel anatomique est excavée en forme de gouttière par l'artère verté-
brale en arrière de la masse latérale. Cette gouttière
Atlas
fragilise l'arc postérieur. Elle est parfois surmontée
La première vertèbre cervicale (C1) est dépourvue d'un ponticulus. On parle alors de foramen arcuale.
de corps vertébral (fig. 1.1). Les masses latérales L'arc antérieur est trapu. Sa face antérieure comporte

3 3 b c
5

6
4
4

a 2 d e
Fig. 1.1 Vues anatomique et en imagerie 3D de l'atlas.
a. Vue supérieure d'une pièce anatomique : 1. arc antérieur ; 2. arc postérieur ; 3. masses latérales ; 4. foramen transversaires ;
5. ­tubercule d'insertion du ligament transverse ; 6. gouttière de l'artère vertébrale.
b, c, d, e. Imagerie en volume rendering 3D sur le vivant. Vues supérieure (b), inférieure (c), antérieure (d) et postérieure (e).

Traumatologie du rachis
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
4 Notions de bases fondamentales

un tubercule très saillant qui sert d'insertion aux liga- ajoute deux piliers supplémentaires à l'axis pour un
ments occipito-atloïdien et atloïdo-axoïdien anté- total de cinq : le corps vertébral surmonté de la
rieurs. Sa face postérieure présente une surface dent, les deux masses latérales et les deux processus
articulaire pour l'apophyse odontoïde. Sur le plan articulaires (fig. 1.4).
biomécanique, l'atlas se comporte comme un sys-
tème à deux piliers retenus par des arches. Le dia-
gramme de la répartition des forces explique la
tendance naturelle à l'expulsion des masses latérales
le long des interlignes articulaires (fig. 1.2).
L'articulation C0–C1 assure 25° de flexion–exten-
sion, 5° de flexion latérale unilatérale, 5° de rota-
tion axiale unilatérale.

Axis
La deuxième vertèbre cervicale (C2) est la plus
complexe de toutes les vertèbres (fig. 1.3). Elle
enrichit le rachis cervical en rotation tout en assu-
rant la transition d'un système à deux piliers, les
deux masses latérales de l'atlas, vers un système à Fig. 1.2 Diagramme des forces sur l'atlas.
trois piliers comprenant le corps vertébral et les L'atlas supporte le poids de la tête : forces directes (flèches
deux processus articulaires selon la conception de jaunes continues) et forces de réaction (flèches jaunes disconti-
nues) ; résultante directe (flèches rouges continues) et contre-
Louis. Cette problématique trouve sa solution dans réaction (flèches rouges discontinues). Ce diagramme explique
l'intégration du corps de C1 comme axe de rota- la tendance naturelle à l'expulsion des masses latérales le long
tion sur le corps de C2. Par cet artifice, la nature des interlignes articulaires.

4 4
2

3
a b

4 4

5
7 6 7

c d
Fig. 1.3 Vues anatomique et en imagerie 3D de l'axis.
a. Vue antérieure oblique d'une pièce anatomique.
b, c, d. Imagerie en volume rendering 3D sur le vivant. Vues antérieure (b), de profil (c), supérieure (d).
1. dent de l'axis ou apophyse odontoïde ; 2. corps ; 3. rostre ; 4. masses latérales ; 5. foramen transversaire ; 6. lame et processus
articulaire ; 7. processus épineux.
Chapitre 1. Radio-anatomie normale 5

a b c

1 1
2 3
1 2
4 5 2 3

d e f
Fig. 1.4 Système transitionnel en vue axiale.
a, d. L'atlas est un système mécanique à deux piliers : les masses latérales (1, 2) réunies par les arcs antérieur et postérieur.
b, e. L'axis est un système mécanique à cinq piliers : le corps vertébral surmonté de l'apophyse odontoïde (1), les deux masses laté-
rales (2, 3) qui répondent à celles de l'atlas, les deux processus articulaires (4, 5) qui s'articulent avec les apophyses articulaires supé-
rieures de la vertèbre sous-jacentes. Les pédicules vrais siègent entrent le corps et les masses latérales, les isthmes ou « faux pédicules »
entre le corps et les processus articulaires.
c, f. La vertèbre cervicale classique est un système à trois piliers : le corps vertébral (1) et les deux processus articulaires (2, 3) reliés
entre eux par les pédicules et les lames.

• La dent de l'axis est dans le prolongement ou en sous forme d'un anneau ovalaire oblique en
légère lordose par rapport au corps de C2. On lui haut et vers l'avant. Le foramen transversaire de
reconnaît une base, un col, un corps et un som- l'axis livre passage au segment V3 de l'artère
met. La base sert d'insertion au corps de C2. Elle vertébrale.
se situe légèrement au-dessus du vestige du • L'arc neural est constitué de deux volumineuses
disque C1–C2. Le col répond à la partie rétrécie lames rattachées au corps vertébral par les isthmes.
sur la ligne joignant les masses latérales. Le corps Elles présentent sur leur face inférieure des sur-
présente une facette articulaire antérieure pour faces articulaires faisant face aux processus articu-
l'atlas et une facette postérieure pour le ligament laires de la vertèbre C3. Elles se rejoignent sur la
transverse. Le sommet reçoit le ligament de ligne pour former un volumineux processus épi-
l'apex de la dent, ou ligament occipito-odontoï- neux bituberculé pour les attaches ligamentaires
dien médian, et plus latéralement les ligaments et musculaires.
alaires. Ils sont renforcés en arrière par le liga- L'articulation C1–C2 assure 40° de rotation axiale
ment cruciforme, le ligament axoïodo-occipital unilatérale, 15° de flexion–extension, et 5° de
et la membrana tectoria. flexion latérale unilatérale. La stabilité de la char-
• Le corps de l'axis présente sur sa face antérieure nière cervico-occipitale est assurée par le ligament
une crête médiane pour le ligament atloïdo- longitudinal antérieur, le ligament atlanto-occipi-
axoïdien. Sa face inférieure reçoit le disque C2– tal, le ligament de l'apex de la dent, les ligaments
C3. Elle se prolonge en avant par un rostre ou alaires, le ligament transverse, le ligament cruci-
un bec sur lequel s'insère le ligament longitudi- forme, la membrana tectoria (fig. 1.5). Le liga-
nal antérieur. Les masses latérales sont réunies ment transverse évite la bascule postérieure de la
au corps vertébral par des pédicules courts et dent en flexion et le déplacement antérieur de
trapus reconnaissables sur l'incidence de profil l'atlas en rotation.
6 Notions de bases fondamentales

2 34 5 6

a b c
Fig. 1.5 Appareil ligamentaire de la charnière cervico-occipitale.
Aspects scanographiques en coupes axiale (a), coronale (b), sagittale (c) : 1. ligament transverse et tubercules d'insertion (têtes des
flèches noires) ; 2. ligaments alaires (flèches blanches ouvertes) ; 3. ligament longitudinal antérieur ; 4. ligament atlanto-occipital ;
5. ligament de l'apex de la dent ; 6. membrana tectoria.

Radio-anatomie Repères

L'analyse radiographie de la charnière cervico-occi- Les repères utiles dans le plan sagittal sont (fig. 1.8) :
pitale nécessite plus qu'ailleurs une bonne connais- • pour le crâne, le rebord postérieur du palais
sance des rapports qu'entretiennent les vertèbres osseux, le basion et l'opisthion ;
entre elles et la base du crâne. Ceci est particulière- • pour l'atlas, la face postérieure de l'arc antérieur
ment vrai en traumatologie. En la circonstance, on et la face antérieure de l'arc postérieur ;
peut avancer plusieurs raisons. Les radiographies de • pour l'axis, la pointe de l'apophyse odontoïde, les
face (fig. 1.6) et de profil (fig. 1.7) n'offrent qu'une rebords antérieur et postérieur du plateau verté-
vue partielle des structures vertébrales. Les solu- bral inférieur, le rebord antérieur du processus
tions de continuité ne sont visibles que si elles épineux.
siègent dans le plan du rayon directeur incident. Les Les repères utiles dans le plan frontal sont (fig. 1.9) :
déplacements intervertébraux ne sont pas toujours • sur la ligne médiane, l'apophyse crista galli, la pro-
évidents à reconnaître. Pour faciliter cette analyse, tubérance occipitale externe, l'espace entre les inci-
nous avons besoin de repères fiables, constants et sives du maxillaire supérieur, la pointe de l'apophyse
facilement identifiables. odontoïde, le processus épineux de C2 ;

1 1

2 4 2
3 5 5 4
6 6 3

3 3
9
a 7 8 7 b
Fig. 1.6 Charnière cervico-occipitale de face.
a. Radiographie de face bouche ouverte.
b. Incidence de face sous-mentonnière.
1. incisives para-médianes ; 2. masses latérales de l'atlas ; 3. processus transversaires de l'atlas ; 4. dent de l'axis ou apophyse
odontoïde ; 5. masses latérales de l'axis ; 6. corps de l'axis ; 7. canal de l'artère vertébrale ; 8. processus épineux ; 9. protubérance
occipitale externe.
Chapitre 1. Radio-anatomie normale 7

1
13
2 3
5
4

6
8
9
7 10
12
11
a b c
Fig. 1.7 Charnière cervico-occipitale de profil.
a, b. Radiographie normale (a) avec schéma (b).
c. Fracture de la base de l'apophyse odontoïde : remarquez l'interruption (tête de flèche) et le déplacement de la corticale supérieure
(flèche blanche) de l'anneau de Harris. Fracture associée de l'arc postérieur de C1.
1. mastoïdes ; 2. arc antérieur de l'atlas ; 3. masses latérales de l'atlas ; 4. arc postérieur de l'atlas ; 5. dent de l'axis ou apophyse
odontoïde ; 6. corps de l'axis ; 7. rostre de l'axis ; 8. isthmes ; 9. lames et processus articulaires ; 10. processus épineux ; 11. anneau
de Harris, projection des pédicules vrais de C2 ; 12. interligne odonto-atloïdien antérieur ; 13. condyles occipitaux.

2
3
O O 6 6
* 2
4 6
1O 5 7 7

*8 * 9
7* 4

Fig. 1.8 Repères de la charnière cervico-occipitale de profil. 5


1. bord postérieur du palais osseux ; 2. basion ; 3. opisthion ;
4. bord postérieur de l'arc antérieur de l'atlas ; 5. bord antérieur Fig. 1.9 Repères de la charnière cervico-occipitale de face.
de l'arc postérieur de l'atlas ; 6. pointe de l'apophyse odontoïde ; 1. apophyse crista galli ; 2. protubérance occipitale externe ;
7. coin antéro-inférieur de C2 ; 8. coin postéro-inférieur de C2 ; 3. apex de la dent ; 4. espace interdental ; 5. processus épineux
9. bord antérieur de l'arc postérieur de l'axis. de C2 ; 6. vestibules ; 7. mastoïdes.

• latéralement, les vestibules, les pointes des mas- l'opisthion n'est pas identifiable, on utilisera la
toïdes et les faces latérales des masses latérales. ligne de Mac Gregor qui unit le bord postérieur
du palais osseux au point déclive de l'occiput.
Rapports
Le dépassement maximum autorisé est alors de
En traumatologie, les rapports les plus couramment 5 mm ;
utilisés pour rechercher un déplacement vertébral • la ligne de Thiebaut-Wackenheim-Vrousos ou
anormal [1] sont : ligne du clivus. Le prolongement de cette ligne
• la ligne de Chamberlain qui unit le bord posté- est normalement tangent à la face postérieure de
rieur du palais osseux à l'opisthion. La pointe de la dent. L'entrecroisement de cette ligne avec la
l'apophyse odontoïde se projette sur cette ligne précédente situe l'apophyse odontoïde dans le
ou ne doit pas la dépasser de plus de 3 mm. Si quadrant antéro-inférieur (fig. 1.10) ;
8 Notions de bases fondamentales

a b
Fig. 1.10 Rapports antéropostérieurs de charnière cervico-occipitale.
a. Rapports normaux : ligne de Chamberlain (en rouge), ligne du clivus (en jaune).
b. Luxation craniovertébrale antérieure. Situation anormale de l'apophyse odontoïde.

1
2

a b
Fig. 1.11 Rapports de la charnière cervico-occipitale de face.
Coupe coronale scanographique (a) avec schéma (b) passant par le plan bivestibulaire : 1. ligne bivestibulaire de Wackenheim ; 2. ligne
bidigastrique de Metzger et Fischgold ; 3. ligne bimastoïdienne. La perpendiculaire abaissée sur l'apex de la dent est commune et sert
d'axe de symétrie.

• la ligne intervestibulaire de Wackenheim, la ligne indifférente, la ligne joignant le basion au point


bidigastrique de Metzger et Fischgold, et la ligne médian de la ligne spinolamaire de l'axis est tangente
bimastoïdienne. Ces trois lignes ont une média- au bord postérosupérieur de la dent. De la même
trice commune qui sert d'axe de symétrie dans le manière, la ligne joignant l'opisthion à l'angle pos-
plan frontal (fig. 1.11). On appréciera la symétrie téro-inférieur du corps de l'axis est tangente au bord
des masses latérales de l'atlas et de l'axis, l'aligne- supérieur de la jonction spinolamaire de l'atlas ;
ment de leurs faces latérales, la convergence des • la méthode de Harris [3, 4]. La distance BDI
interlignes articulaires atloïdo-axoïdiens sur le col (basion dental interval ou basion – apex de la dent)
de l'apophyse odontoïde, la symétrie des espaces est inférieure à 12 mm. La BAI (basion posterior
odonto-atloïdiens. L'interligne C0–C1 est norma- axial line interval ou basion –mur postérieur de
lement inférieur à 2 mm chez l'adulte et 5 mm C2) doit être comprise entre − 4 et + 12 mm
chez l'enfant. L'interligne C1–C2 varie entre 0,7 (fig. 1.12c). Cette méthode semble la plus sensible
et 2,6 mm. Toute valeur supérieure chez l'adulte pour dépister les luxations craniocervicales [1]. La
doit faire suspecter un traumatisme en traction [2] ; valeur seuil de 12 mm est abaissée à 10 mm si les
• le rapport de Powers (BC/AO) évalue les rela- mesures sont effectuées au scanner [5, 6] ;
tions occipito-atloïdiennes (fig. 1.12a). Le rapport • l'interligne odonto-atloïdien ne doit pas excéder
des distances basion–arc postérieur sur opisthion– 3 mm chez l'adulte, 5 mm chez l'enfant. Il reste
arc antérieur est normalement égal à 1. Un rap- constant sur les clichés en flexion–extension. Son
port supérieur à 1,15 chez l'adulte témoigne élargissement spontané ou sur un cliché en flexion
d'une luxation cervico-occipitale antérieure ; traduit une rupture du ligament transverse ;
• les lignes en X de Lee évaluent les relations occipito- • la ligne de Swischuk est une ligne tangente aux
axoïdiennes (fig. 1.12b). Sur un rachis en position bords antérieurs des lignes spinolamaires de C1 et
Chapitre 1. Radio-anatomie normale 9

B O

A
C

a b

BAI

BDI

c d
Fig. 1.12 Rapports C0–C1, C0–C2 et C1–C3.
a. Rapport de Powers : R = BC/AO égal à 1.
b. Lignes en X de Lee respectivement tangentes au bord postérieur de la dent et au bord antérieur du processus épineux de l'atlas.
c. Règle de Harris : distances BDI et BAI inférieures à 12 mm.
d. Ligne de Swischuk tangente à la face antérieure de l'arc postérieur de C2.

de C3 (fig. 1.12d). Chez l'enfant, elle est aussi • la ligne claire des parties molles prévertébrales
tangente à la face antérieure de l'arc postérieur de est harmonieusement convexe vers l'arrière
C2. Cette ligne est utile pour différencier une (fig. 1.13a). L'épaisseur des parties molles ne
pseudo-luxation C2–C3 d'une luxation patholo- doit pas dépasser 5 mm. Elle est minimale en
gique voire d'une fracture des pédicules de C2 ; regard du rostre de C2. Tout épaississement
• les rapports C2–C3 évaluent la translation et/ou doit être considéré jusqu'à preuve du contraire
l'angulation des murs postérieurs correspondants. comme un hématome post-fracturaire ou une
Ces valeurs sont normalement inférieures à 3 mm entorse ligamentaire (fig. 1.13b) ;
et 11°. Les valeurs supérieures témoignent d'une • le diamètre canalaire antéropostérieur au niveau de
instabilité discoligamentaire ; l'atlas répond à la règle des trois tiers : un tiers pour

a b *
Fig. 1.13 Ligne des parties molles prévertébrales.
a. Aspect normal.
b. Aspects pathologiques : épaississement (✽) ; inversion de courbure (flèche noire).
10 Notions de bases fondamentales

la dent, un tiers pour la moelle, un tiers pour les confondue avec une fracture (fig. 1.15). L'absence
espaces sous-arachnoïdiens. Cette règle identifie de déplacement du processus épineux voire un
rapidement les sténoses constitutionnelles et le risque déplacement paradoxal antérieur permet de redres-
de compression de la jonction bulbomédullaire. ser le diagnostic. Le spina bifida par absence de
fusion de l'arc postérieur sur la ligne médiane ne
pose pas de problème diagnostique, les fractures
Variantes et images pièges étant classiquement de topographie latérale. Les
malformations de l'axis concernent essentiellement
Les variantes du normal simulant des fractures sont
l'apanage de l'enfant. Parmi les plus fréquentes,
citons la pseudo-fracture de Jefferson, la pseudo-
luxation C2–C3 (fig. 1.14), la synchondrose sous-
dentale. Nous les reverrons au chapitre 8. Les
images pièges sont plus rares chez l'adulte. Elles
peuvent être d'origine technique, malformative ou
positionnelle.
Pseudo-fractures
Les malformations de la charnière cervico-occipitale
de l'adulte simulant des fractures peuvent siéger à
tous les niveaux [7]. L'impression basilaire par hypo-
plasie du clivus et position trop haute du rachis cer-
vical peut être confondue avec les luxations
craniovertébrales. L'atlas est concerné à plus d'un
titre. Le split atlas combine un rachischisis antérieur
et postérieur pouvant simuler une fracture de
Jefferson à deux fragments. Le diagnostic différen-
tiel repose sur l'aspect lisse et condensé des solutions
de continuité et une hypertrophie de son arc anté-
Fig. 1.15 Spina bifida de C1.
rieur (plump atlas). L'agénésie partielle de l'arc pos- Large solution de continuité à bords nets de l'arc postérieur de
térieur, qu'elle soit uni- ou bilatérale, peut être l'atlas.

a b
Fig. 1.14 Pseudo-luxation C2–C3 chez une enfant de 12 ans.
a. Rachis immature avec aspect cunéiforme du corps vertébral de C3, listels vertébraux en voie d'ossification.
b. La ligne de Swischuk reste tangente à la ligne spinolamaire de C2.
Chapitre 1. Radio-anatomie normale 11

l'apophyse odontoïde. La persistance de l'ossicule antérieur de l'atlas (forme normotopique) ou fusion-


terminal peut en imposer pour une fracture de type I née au foramen magnum (forme dystopique).
ou fracture de la pointe. Les radiographies sont L'odontoïde mobile est par définition instable. Les
généralement normales. Le diagnostic est purement clichés dynamiques précisent, comme pour les frac-
scanographique. Le cas de l'os odontoïdeum, ou tures horizontales de la dent, les déplacements anor-
odontoïde mobile, est par contre plus équivoque maux : antérieur en flexion (cas le plus fréquent),
(fig. 1.16). La dent séparée du corps de l'atlas appa- postérieur en extension, voire dans les deux positions
raît arrondie avec des contours réguliers entièrement (fig. 1.17). L'os odontoïdeum est presque toujours
corticalisés. Elle peut être libre, rattachée à l'arc associé à une anomalie de l'arc antérieur de l'atlas

a b
Fig. 1.16 Os odontoïdeum : radiographies de face (a) et de profil (b).
Hypertrophie et aspect arrondi de l'arc antérieur de l'atlas. Aspect en dôme du bord supérieur du corps de l'axis (flèches). La dent est
remplacée par un ossicule (✽).

a b c

d e f
Fig. 1.17 Os odontoïdeum : odontoïde mobile.
a, b, c. Les clichés dynamiques démontrent une instabilité en flexion (a) et en extension (c). L'ossicule odontoïdien est bien visible en IRM (✽).
d, e, f. L'IRM (d, e) et le scanner (f) montrent un ligament transverse (flèches) court et tendu entre l'ossicule et le corps de l'axis. Notez
l'aspect en pleine lune de l'arc antérieur de l'atlas.
12 Notions de bases fondamentales

a b c
Fig. 1.18 Fracture fraîche de l'odontoïde : fracture horizontale de la base.
a. Instabilité en flexion.
b. Réduction partielle du déplacement en position indifférente.
c. Lésion stable en extension.
Notez l'aspect normal en demi-lune de l'arc antérieur de l'atlas.

(déformation en pleine lune) contrairement à la frac- atloïdo-axoïdien. Du côté de la rotation, on


ture fraîche ou l'arc antérieur garde son aspect en constate le phénomène inverse (fig. 1.20). Ces
demi-lune (fig. 1.18). La pathogénie de l'os odontoï- modifications sont liées au fait que les masses laté-
deum reste discutée : malformation congénitale par rales de l'atlas sont vues respectivement selon leur
non-fusion du noyau d'ossification, pseudarthrose grand axe et leur petit axe d'une part, à la mor-
sur fracture négligée de la première enfance, interpo- phologie de leur surface articulaire d'autre part.
sition d'un ligament transverse trop court [8–10]. Ces variations opposées et en miroir des espaces
articulaires sont facilement identifiables sur les
Fausses fractures radiographies de face. Le processus épineux de
L'espace interdental entre les incisives centrales peut C2 suit le m­ ouvement de ­rotation du crâne. Les
simuler par projection une fracture de l'apophyse masses latérales de C1 restent généralement ali-
odontoïde ou d'une masse latérale si le cliché n'est
pas strictement de face. L'effet Mach bien que diffé-
rent par nature donne des effets identiques.
L'entrecroisement de structures à forte densité
génère par effet optique une bande claire sur l'inter-
face. Deux sites anatomiques sont spécialement
concernés par ce mécanisme :
• la base de l'apophyse odontoïde par le croisement
du rebord occipital ou des arcs antérieur et posté-
rieur de l'atlas sur l'incidence de face ;
• les processus articulaires de l'axis par le croise-
ment du bord inférieur de la lame controlatérale
ou du bord supérieur des lames de la vertèbre
sous-jacentes sur l'incidence de profil (fig. 1.19).

Anomalies positionnelles
Les mouvements de rotation entre C1 et C2
entraînent une décoaptation physiologique des
masses latérales qui engendre à son tour des
modifications stéréotypées des espaces articu-
Fig. 1.19 Effet Mach.
laires. Du côté opposé à la rotation, on constate Pseudo-fracture d'une apophyse articulaire inférieure de C2.
simultanément un pincement de l'espace odonto- Projection du bord inférieur de la lame controlatérale (flèche
atloïdien et un élargissement de l'interligne blanche).
Chapitre 1. Radio-anatomie normale 13

Fig. 1.20 Décoaptation physiologique des masses latérales de C1 par rapport à C2.
Exploration scanographique en rotation droite (d, g, i), en position indifférente (e, h, k) et en rotation gauche (f, i, l). Vues supérieures en
imagerie surfacique 3D (d, e, f), en coupes axiales dans le plan de l'atlas (g, h, i) et la partie supérieure du corps de l'axis (j, k, l).
Représentation schématique de la variation des espaces articulaires de face (a, b, c).

gnées sur celles de C2 ou apparaissent en léger combiné en flexion et en rotation. Les modifica-
retrait quand l'amplitude de rotation est proche tions des interlignes sont sensiblement identiques
de la maximale. Ces anomalies positionnelles sont mais en rapport avec un mouvement de transla-
à connaître pour ne pas parler à tort de luxation tion latérale de l'atlas. La déviation du processus
rotatoire. Les modifications en inclinaison latérale épineux de l'axis est par contre nettement plus
sont plus subtiles car il s'agit d'un mouvement marquée.
14 Notions de bases fondamentales

Rachis cervical moyen et inférieur ont une insertion postérolatérale et font avec le
corps vertébral un angle ouvert vers le dehors d'en-
Vertèbre cervicale viron 45°. Ils circonscrivent les limites, supérieure et
inférieure du foramen intervertébral. Les processus
Le corps vertébral est quadrangulaire de face, et à articulaires présentent à leurs extrémités des surfaces
peu de chose près carré de profil (fig. 1.21). Sa face articulaires. La facette supérieure regarde en arrière
supérieure est surmontée latéralement et en arrière et en haut, la facette inférieure en bas et en avant. Le
par les processus semi-lunaires ou apophyses unci- segment de droite qui relie la pointe des apophyses
formes qui servent de barrière protectrice aux articulaires définit l'axe du massif articulaire. Son
racines nerveuses et à l'artère vertébrale. Sa face obliquité par rapport au plateau vertébral inférieur
inférieure présente deux petites dépressions pour varie selon le niveau : proche de 70° pour le seg-
accueillir les processus semi-lunaires de la vertèbre ment moyen et inférieur, légèrement plus élevé en
sous-jacente. Les faces latérales donnent attache au C3 et en C4. L'empilement des massifs participe à la
canal transversaire de l'artère vertébrale. Son bras lordose cervicale. En arrière du massif, on retrouve
antérieur – un reliquat costal – s'insère directement les lames et le processus épineux. Les lames sont
sur le corps vertébral ; son bras postérieur – un reli- obliques dans tous les plans : de haut en bas, d'ar-
quat du processus transversaire – s'insère sur la jonc- rière en avant et du dedans vers le dehors. Le pro-
tion pédiculo-articulaire. La face antérieure est cessus épineux est impair et médian. Son bord
légèrement concave. Elle reçoit le ligament longitu- postérieur présente deux tubercules.
dinal antérieur. La face postérieure rectiligne reçoit Les vertèbres cervicales sont unies entre elles par le
le ligament longitudinal postérieur. Les pédicules segment mobile rachidien (SMR), à savoir d'avant

1 4
3
2 2

5
6
a b

7
2
1 5 6

c d
7 7
2 1 2 4

6
e f
Fig. 1.21 Vertèbre cervicale : corrélation anatomoradiologique.
Vues axiale (a, b), sagittale (c, d) et frontale (e, f) : 1. corps vertébral ; 2. processus articulaires ; 3. Pédicules ; 4. processus transver-
saires ; 5. Lames ; 6. processus épineux ; 7. processus semi-lunaires.
Chapitre 1. Radio-anatomie normale 15

3
1

4
2 5
6
7

Fig. 1.22 Segment mobile rachidien de Junhans.


1. ligament longitudinal antérieur ; 2. disque ; 3. ligament longitudinal postérieur ; 4. capsules articulaires ; 5. ligaments jaunes ; 6. liga-
ments interépineux ; 7. ligament nuchal.

a b

Fig. 1.23 Le trépied et les verrous antirotatoires.


a. Le trépied englobe le corps vertébral en avant et les processus articulaires en arrière.
b. Les verrous sont constitués par les articulations uncovertébrales et interapophysaires postérieures de part et d'autre du nucléus
pulposus.

en arrière : le ligament longitudinal antérieur, le Cette disposition renforce la stabilité osseuse et induit
disque, le ligament longitudinal postérieur, les cap- un couplage automatique entre rotation axiale et
sules articulaires, le ligament jaune et les ligaments inclinaison latérale (fig. 1.23). Les processus semi-
interépineux (fig. 1.22). Les facteurs de la stabilité lunaires limitent la translation latérale. L'obliquité du
ligamentaire sont le disque intervertébral qui repré- massif articulaire fait obstacle au spondylolisthésis.
sente environ 2/5e de la hauteur des vertèbres adja- L'amplitude de mobilité intervertébrale a une valeur
centes et le ligament commun postérieur constitué moyenne de 10° en flexion–extension, 5° en rotation–
par une épaisse bande fibreuse recouvrant toute la inclinaison, 3 mm en translation antéropostérieure.
face postérieure du corps vertébral.
En vue axiale, la vertèbre cervicale se présente comme Rapport et repères
un trépied à large base postérieure dessiné par le corps
vertébral en avant et les processus articulaires en Un bilan radiographique optimum comprend
arrière. Le segment mobile rachidien qui lui fait suite quatre incidences : une face légèrement ascendante,
comprend une rotule principale centrée sur le nucléus un profil strict et deux incidences obliques (voir
pulposus pour la flexion–extension et deux verrous fig. 1.23). Ce bilan s'adresse principalement aux
antirotatoires latéraux composés respectivement par victimes d'un traumatisme mineur, alertes, ambula-
deux interlignes, l'un uncovertébral à direction sagit- toires, répondant aux critères de prescription cli-
tale, l'autre zygapophysaire à orientation frontale. nique. Les clichés sont réalisés si possible en
16 Notions de bases fondamentales

position debout ou assise et de préférence sous à l'espace de sécurité pour le cordon médullaire. En
contrôle radioscopique pour satisfaire les critères de avant, on reconnaît aisément la ligne des parties
réussite : molles prévertébrales dont l'épaisseur ne doit pas
• enfilement du disque et alignement des processus excéder 7 mm chez l'enfant et 21 mm chez l'adulte
épineux sur la ligne médiane pour la face ; [12, 13]. En arrière, on retrouve les processus épi-
• enfilement du disque et parfaite superposition des neux dont la morphologie varie selon le niveau.
processus articulaires droit et gauche pour le profil ; Certaines particularités méritent un rappel. Les ver-
• projection du pédicule controlatéral dans le tiers tèbres C3, C4 et C5 sont sensiblement identiques et
antérieur du corps vertébral pour les incidences forment selon l'expression de Wackenheim un tri-
obliques. plet. Le corps vertébral de C6 est souvent débordé
La lecture des radiographies comporte toujours en avant par le tubercule de Chassaignac. Celui-ci
deux temps : un temps transversal vertèbre par ver- correspond à une hypertrophie du bras antérieur du
tèbre et un temps vertical pour vérifier leur aligne- processus transversaire et sert de repère chirurgical.
ment en lignes parallèles. Les variations les plus importantes concernent C7 ; le
corps vertébral est souvent libre de toute projection,
Incidence de profil le foramen intervertébral devient spontanément
On définit respectivement (fig. 1.24) : la ligne L1 des visible en raison de la sagittalisation des pédicules,
murs antérieurs, la ligne L2 des murs postérieurs, la l'apophyse articulaire inférieure vient au contact de
ligne L3 rejoignant les pointes des apophyses articu- la ligne spinolamaire, le processus épineux s'allonge
laires supérieures, la ligne L4 des bords postérieurs jusqu'à devenir proéminent sous la peau.
des processus articulaires, la ligne L5 des jonctions
Incidence de face
spinolamaires. Les lignes L2 et L3 sont souvent
regroupées en une seule ligne. Le rapport des dis- En périphérie, on note les lignes L1 et L5 des faces
tances L2L4/L1L2 définit l'indice de Torg et Pavlov latérales des processus articulaires (fig. 1.25). Ces
(IT = 0,95 ± 0,1) [11]. Le secteur L3–L4 correspond lignes sont en réalité constituées par une alternance

1 2 3 4 5

Fig. 1.24 Rachis cervical : radiographie de profil strict avec schéma.


1. ligne des murs antérieurs ; 2. ligne des murs postérieurs ; 3. ligne des pointes des apophyses articulaires supérieures ; 4. ligne des
bords postérieurs des processus articulaires ; 5. ligne des jonctions spinolamaires.
En rouge, la ligne des parties molles prévertébrales.
Chapitre 1. Radio-anatomie normale 17

1 2 3 4 5

Fig. 1.25 Rachis cervical : radiographie de face avec schéma.


1. ligne des faces latérales des processus articulaires droits ; 2. ligne des pointes des processus semi-lunaires droits ; 3. ligne des
jonctions spinolamaires ; 4. ligne des pointes des processus semi-lunaires gauches ; 5. ligne des faces latérales des processus articu-
laires gauches.

de creux et de ventres correspondant respective- tangente à la face postérieure des anneaux pédicu-
ment aux isthmes et à la projection des surfaces arti- laires ; la ligne L3 des murs postérieurs ; la ligne L4
culaires. Sur la ligne médiane L3 se répartissent les des faces antérieures des massifs ou des lames homo-
jonctions spinolamaires à ne pas confondre avec le latérales ; la ligne L5 des bords postérieurs des pro-
bord libre des tubercules du processus épineux. À cessus articulaires.
mi-distance, on retrouve de chaque côté les lignes On étudiera avec attention la jonction uncoverté-
L2 et L4 rejoignant les crêtes des processus semi- brale. En incidence oblique, cet interligne est
lunaires. Ces cinq lignes forment quatre secteurs occulté par le processus semi-lunaire et rend donc
égaux ayant pour taille celle du processus articulaire. pathologique tout espace clair entre l'uncus et le
Dans le plan horizontal, on reconnaît l'espace discal corps vertébral sus-jacent. Nous reviendrons au cha-
et dans ses prolongements les interlignes uncoverté- pitre 5 sur ce diastasis uncovertébral comme signe
braux, jadis considérés par Luschka comme des arti- pathognomonique d'instabilité vertébrale : instabi-
culations à part entière. lité de type rotatoire si le diastasis est unilatéral ; ins-
tabilité globale avec risque de complication
Incidence oblique
neurologique secondaire si le diastasis est bilatéral.
On définit cinq lignes équidistantes (fig. 1.26) à Retenons pour l'instant que cette « articulation »
savoir : la ligne L1 des murs antérieurs ; la ligne L2 reflète le segment vertébral moyen.
18 Notions de bases fondamentales

1 2 3 4 5
Fig. 1.26 Rachis cervical : radiographie oblique avec schéma.
1. ligne du mur antérieur ; 2. ligne des pédicules controlatéraux ; 3. ligne des murs postérieurs ; 4. ligne des faces antérieures des pro-
cessus articulaires ; 5. ligne des faces postérieures des processus articulaires.

Pièges et variantes
Les radiographies du rachis cervical traumatique
prescrit dans le cadre de traumatisme mineur sont
souvent l'occasion de découverte fortuite pouvant
simuler des fractures ou des entorses. Il en va de
même si, pour des raisons antalgiques ou de posi-
tionnement, les critères techniques d'incidence ne
peuvent être pleinement satisfaits. Ceci dit, les
pièges les plus courants sont utiles à connaître pour
ne pas imposer à tort des explorations complémen-
taires inutiles et coûteuses.

Pseudo-fractures
Il s'agit en général d'artéfacts simulant des solutions
de continuité. Ces artéfacts n'ont par définition pas Fig. 1.27 Défilé laryngotrachéal.
de réalité matérielle. Sur une radiographie de face, la clarté aérique du défilé (flèche)
peut simuler une fracture d'un plateau vertébral.
Défilé laryngotrachéal. Dans certaines situations
de phonation et/ou d'apnée, le rapprochement composants vertébraux : principalement, sur l'in-
des cordes vocales renforce la clarté du défilé cidence de face, la base des apophyses unciformes
laryngé et peut simuler une fracture sagittale d'un et, sur l'incidence de profil, les processus articu-
corps vertébral en général C4 ou C5 (fig. 1.27). laires. Le phénomène peut aussi être induit par des
Effet Mach. L'entrecroisement de lignes opaques composants hypertransparents, en l'occurrence
crée par illusion optique une fine bande claire ceux du matériel de contention laissé en place lors
simulant une fracture. Il peut concerner tous les de la réalisation des clichés radiographiques.
40 Notions de bases fondamentales

Instabilité vertébrale traumatique


La notion d'instabilité a été introduite par Nicoll
pour les fractures du rachis thoracolombaires [6]. Les
études biomécaniques sur le rachis, la quête d'un
modèle expérimental pour les fractures vertébrales,
les progrès de la chirurgie et de l'imagerie ont petit à
petit permis de conceptualiser l'instabilité, identifier
les formations anatomiques en cause, élaborer des
classifications, modifier les bases thérapeutiques. De
toutes les définitions, nous retiendrons pour sa clarté
celle de White et Panjabi pour qui « une lésion est
cliniquement instable si, dans des conditions d'utili-
sation normale, le rachis ne peut plus maintenir des
rapports normaux sans risque d'irritation ou de com-
plication médulloradiculaire » [7]. L'évolution des P
A
idées, partant d'une conception d'un rachis à deux
colonnes – une colonne antérieure à vocation sta-
tique et une colonne postérieure à vocation dyna-
Fig. 2.9 Rachis à deux colonnes.
mique (fig. 2.9) – témoigne de la complexité Une colonne antérieure (A) à vocation statique. Une colonne
croissante de ce problème. Il nous paraît intéressant postérieure (P) à vocation dynamique.
d'en énumérer les grandes étapes.
Lorentz Böhler partait du principe sine qua non qu'un il abandonne la classification de Böhler et propose
bon résultat fonctionnel ne pouvait s'appuyer que sur une nouvelle classification fondée sur les mécanismes
une parfaite réduction anatomique des lésions. suivants : le tassement cunéiforme par compression,
Nicoll constate toutefois qu'une dégradation anato- le tassement latéral par flexion–rotation, la fracture–
mique peut néanmoins survenir en cours de traite- luxation par flexion–compression, les fractures isolées
ment et altérer la qualité du résultat clinique. Il ne de l'arc neural par rotation. Sont considérés comme
peut s'expliquer cela qu'en introduisant la notion stables les tassements antérieur et latéral ainsi que les
d'instabilité ayant pour facteurs : la comminution du fractures isolées de l'arc neural au-dessus de L4. Sont
corps vertébral, la déchirure discale, la rupture du considérées comme instables les fractures–luxations,
ligament interépineux (fig. 2.10a). Fort de ce constat, et toutes les fractures de l'arc neural en L4 et L5.

a b c

Fig. 2.10 Premiers supports de l'instabilité.


a. Pour Nicoll, l'instabilité a pour cause la comminution du corps vertébral, la déchirure discale, la lésion du ligament interépineux.
b. Pour Decoulx et Rieunau, l'instabilité repose sur l'atteinte du mur postérieur et des structures discoligamentaires attenantes.
c. Pour Holdsworth, l'instabilité repose sur l'atteinte du complexe ligamentaire postérieur.
Chapitre 2. Mécanisme des fractures 41

Decoulx et Rieunau [8] insistent sur le rôle fonda-


mental du mur postérieur constitué par « la partie
postérieure du corps vertébral sur laquelle s'insèrent
les deux pédicules et qui limite en avant le canal
rachidien ». Cette notion de mur postérieur intègre
les structures discoligamentaires, à savoir les parties
postérieures attenantes du disque et du ligament
longitudinal postérieur (fig. 2.10b). Elle leur paraît
si importante qu'ils se contentent de « diviser les
fractures du rachis dorsal et lombaire, simplement
en fracture sans lésion du mur postérieur et en frac-
ture avec lésion du mur postérieur, les premières
relevant d'un traitement physiothérapique ou
orthopédique, les secondes de l'appareil plâtré, avec
ou sans réduction, ou de la greffe différée ».
Pour Holdsworth [9], l'instabilité vertébrale résulte
Fig. 2.11 Segment vertébral moyen (SVM) de Roy-Camille.
d'une atteinte du complexe ligamentaire postérieur Le SVM comprend toutes les structures péricanalaires. Toutes
(CLP), entité qu'il définit comme comprenant non les atteintes du SVM associées à un déplacement initial sont
seulement le ligament interépineux de Nicoll mais instables.
encore le ligament supra-épineux, le ligament jaune
et les capsules articulaires (fig. 2.10c). Il retient six
types de fractures : le tassement cunéiforme par
simple flexion, la burst fracture par compression
axiale, les lésions par extension, les luxations par
hyperflexion, les fractures–luxations par rotation, les
lésions par cisaillement. Les trois premières pré-
servent le complexe ligamentaire postérieur et sont
considérées comme stables. Les trois dernières
affectent le complexe ligamentaire postérieur et font
partie des lésions instables.
Roy-Camille, suite aux travaux de Ramadier, expose
la théorie du segment vertébral moyen (SVM) qui
associe au mur postérieur les pédicules, les processus
articulaires, les lames (fig. 2.11). Toutes les atteintes
du SVM associées à un déplacement initial sont ins-
tables. Il ne précise pas les facteurs de risque liés aux
lésions non déplacées.
Louis [10] développe réellement les théories de l'ins-
tabilité. Lors du symposium sur les fractures instables
du rachis en 1977 il définit clairement trois types
Fig. 2.12 Les trois colonnes de Louis.
d'instabilités : une instabilité proprement dite, une Système vertical tripode à trois colonnes comprenant une
instabilité potentielle, une instabilité thérapeutique. colonne antérieure (corporéodiscale) statique, et deux colonnes
L'instabilité proprement dite a pour support sa théorie articulaires postérieures dynamiques. Système horizontal méta-
mérique comprenant des ponts osseux (pédicules et lames) et
des colonnes (fig. 2.12). Pour Louis, « l'architecture et des haubans (processus transversaire et épineux) réunis par le
la stabilité du rachis se résument à deux grands systèmes segment mobile rachidien. L'atteinte d'au moins deux colonnes
l'un vertical fait de trois colonnes ostéoligamentaires, est responsable d'instabilité. Chaque colonne étant constituée
d'une alternance de segments osseux fixes et de segments liga-
l'autre horizontal et métamérique fait de trois ponts
mentaires mobiles, on peut distinguer l'instabilité osseuse (spon-
osseux – les deux pédicules et la réunion des deux lames tanément réversible) et l'instabilité ligamentaire (spontanément
– et de trois processus servant de bras de levier – les irréversible).
42 Notions de bases fondamentales

processus transverses et le processus épineux ». Chaque Denis [11] remet en cause la théorie de Holdsworth.
élément lésé est affecté d'un coefficient (fig. 2.13). Il En l'occurrence, il constate que les seules lésions du
est coté 1 pour l'ensemble des solutions de continuité complexe ligamentaire postérieur ne sont pas suffi-
complète d'une des trois colonnes, 0,5 pour les frac- santes pour créer une instabilité dans le système à
tures des ponts et les solutions de continuité incom- deux colonnes. Il imagine donc une colonne inter-
plètes d'une colonne, 0,25 pour l'ensemble des médiaire, interposé entre le corps vertébral et l'arc
apophyses transverses ou des épineuses. Si la somme neural. Cette « troisième » colonne est formée par la
atteint ou dépasse 2, on peut considérer la fracture du face postérieure du corps vertébral, le ligament longi-
rachis comme instable. Chaque colonne étant consti- tudinal postérieur, la partie postérieure du disque.
tuée d'une alternance de segments osseux fixes et de Elle correspond en fait, et sans le désigner, au mur
segments ligamentaires mobiles, on peut distinguer postérieur de Decoulx et Rieunau. La colonne anté-
l'instabilité osseuse (caractère temporaire) et l'instabi- rieure ne comprend plus que le ligament longitudinal
lité ligamentaire (caractère définitif). antérieur, les parties antérieures du disque et du corps
L'instabilité potentielle a été introduite pour attirer vertébral. La colonne postérieure reste inchangée.
l'attention sur le risque de déplacement secondaire Fort de ce concept, il reconsidère l'atteinte des trois
en cas de rachis neurologique à radiographies nor- colonnes en fonction des mécanismes, accorde un
males. On pensait alors que les lésions médullaires rôle crucial à la colonne intermédiaire, propose une
ne pouvaient être en rapport qu'avec une luxation. nouvelle classification des fractures du rachis et
hiérarchise l'instabilité en degrés : premier degré
­
L'instabilité thérapeutique est induite par l'action du
purement mécanique, second degré d'origine neuro-
chirurgien sur les voies d'abord, lors des manœuvres
logique, troisième degré mixte, mécanique et neuro-
de réduction ou de décompression.
logique (fig. 2.14).

1 pt

0,5 pt

0,25 pt

1 pt

0,5 pt
0,25 pt

Fig. 2.13 Cotation de l'instabilité selon Louis.


Chaque élément lésé est affecté d'un coefficient. Il est coté 1 pour l'ensemble des solutions de continuité complète d'une des trois
colonnes, 0,5 pour les fractures des ponts et les solutions de continuité incomplète d'une colonne, 0,25 pour les processus trans-
verses et épineux. Si le score atteint ou dépasse 2, la lésion rachidienne est décrétée instable.
Chapitre 2. Mécanisme des fractures 43

Au terme de cet historique, on retiendra que l'insta-


bilité vertébrale traumatique peut être osseuse ou
ligamentaire, temporaire ou définitive, immédiate
ou potentielle. Elle est amplifiée en cas de trouble
neurologique. Sa présence conditionne la prise en
charge clinique. Nous reviendrons sur ces aspects
quand nous aborderons les lésions vertébrales en
fonction de leur topographie.

Références
[1] Meyreuis P, Cazenave A, Zimmermann R. Biomécanique
de l'os. Application au traitement des fractures. Encycl
Méd Chir (Elsevier, Paris). 14-031-A-30. 2004.
[2] Oner FC, et al. Changes in the disc space after fractures
of the thoracolumbar spine. J Bone Joint Surg Br 1998 ;
80(5) : 833–9.
[3] Rudig L, et al. Magnetic resonance tomography examina-
A M P tion of thoracolumbar spinal fractures after fixateur interne
stabilization. Unfallchirurg 1997 ; 100(7) : 524–30.
[4] Noyes FR, DeLucas JL, Torvik PJ. Biomechanics of
Fig. 2.14 Les trois colonnes de Denis.
anterior cruciate ligament failure : an analysis of strain-
Denis interpose une troisième colonne entre la colonne anté-
rate sensitivity and mechanisms of failure in primates.
rieure (A) et la colonne postérieure (P). L'instabilité repose sur
l'atteinte de cette colonne intermédiaire ou moyenne (M). J Bone Joint Surg Am 1974 ; 56(2) : 236–53.
[5] Aufdermaur M. Spinal injuries in juveniles Necropsy fin-
Vaccaro [12] et le Spine Trauma Study Group (STSG) dings in twelve cases. J Bone Joint Surg Br 1974 ; 56B(3) :
513–9.
proposent une approche ayant pour objectif la prise en [6] Nicoll EA. Fractures of the dorso-lumbar spine. J Bone
charge clinique. Leur nouvelle classification TLICS Joint Surg Am 1949 ; 31B(3) : 376–94.
(toracolombar injury classification and severity score) [7] White A, Panjabi M. Clinical biomechanics of the spine.
prend en compte le mécanisme, le complexe ligamen- Philadelphia : Lippincott ; 1978.
taire postérieur et le statut neurologique. Il affecte 4 [8] Decoulx P, Rieunau G. Fractures of the dorsolumbar
spine without neurological disorders. Rev Chir Orthop
points au maximum à la morphologie des lésions (com- Reparatrice Appar Mot 1958 ; 44(3–4) : 254–322.
pression 1, rotation/cisaillement 3, traction 4), 3 points [9] Holdsworth F. Fractures, dislocations, and fracture-
au maximum à l'état du CLP (intact 0, suspect ou indé- dislocations of the spine. J Bone Joint Surg Am 1970 ;
terminé 2, rompu 3), 3 points au maximum à l'état neu- 52(8) : 1534–51.
rologique (intact 0, trouble radiculaire et/ou atteinte [10] Louis R. Unstable fractures of the spine. III. Instability.
A. Theories concerning instability. Rev Chir Orthop
sensitivomotrice complète de la moelle 2, atteinte sensi- Reparatrice Appar Mot 1977 ; 63(5) : 423–5.
tivomotrice incomplète de la moelle ou syndrome de la [11] Denis F. The three column spine and its significance in
queue-de-cheval 3). Le score de sévérité évolue entre 1 the classification of acute thoracolumbar spinal injuries.
et 10 points. Le traitement est conservateur pour un Spine (Phila Pa 1976) 1983 ; 8(8) : 817–31.
score inférieur à 3, chirurgical si le score est supérieur ou [12] Vaccaro AR, et al. A new classification of thoracolumbar
injuries : the importance of injury morphology, the inte-
égal à 5. Le mur postérieur disparaît en tant que concept. grity of the posterior ligamentous complex, and neuro-
Son atteinte est directement intégrée dans l'analyse logic status. Spine (Phila Pa 1976) 2005 ; 30(20) :
morphologique des lésions. 2325–33.
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Chapitre 3
Outils et stratégie d'exploration
J.-C. Dosch

L'exploration en urgence des lésions traumatiques peut récuser le bilan radiographique s'il estime que
du rachis repose sur la radiographie standard (RS), le résultat escompté sera médiocre ou incomplet,
le scanner volumique ou tomodensitométrie comme chez les patients corpulents, chez les sujets
(TDM) et l'imagerie par résonance magnétique alités de plus de 65 ans, en cas de pathologie rachi-
(IRM). Le coût socio-économique de ces lésions dienne dégénérative notoire.
justifie un plateau d'imagerie de qualité dédié aux En pratique, les radiographies standard s'adressent
services d'accueil de l'urgence (SAU). Le choix principalement aux patients alertes et ambulatoires.
entre ces techniques n'est pas uniquement fonction Le bilan sera fait si possible debout sur une table
de leurs propres performances. Il peut aussi être télécommandée et sous amplificateur de brillance.
discuté en termes de coût–efficacité, organisation Deux incidences orthogonales de face et de profil
des urgences, sévérité du traumatisme, âge et état suffisent par région.
clinique du patient, complexité de la région anato- • Pour les radiographies de la charnière cervico-
mique à étudier. L'expérience du radiologue est occipitale, on respectera les critères du centrage
dans ce domaine irremplaçable. intracrânien, à savoir : la superposition des struc-
tures paires et symétriques pour l'incidence de
Outils diagnostiques profil (fig. 3.1a), l'alignement des structures de la
ligne médiane pour l'incidence de face bouche
Radiographies conventionnelles ouverte (fig. 3.1b).
• Pour les radiographies du rachis cervico-thoraco-
Pour notre part, et en accord avec la méta-analyse lombaire, on exigera l'enfilement des plateaux
de Holmes, elles restent indiquées dans la prise en vertébraux, la superposition des processus articu-
charge des traumatismes mineurs [1]. Les radiogra- laires pour l'incidence de profil et l'alignement
phies permettent un tri rapide et peu onéreux pour des processus épineux sur la ligne médiane pour
cette multitude de patients générant de nombreuses l'incidence de face. Le centrage sera effectué pré-
demandes d'imagerie souvent inutiles ou qui ne férentiellement sur la région suspecte.
répondent qu'à la tentative de se protéger sur un • Les incidences obliques s'avèrent utiles au rachis
plan juridique. Nous n'ignorons certes pas son cervical en présence d'une névralgie cervicobra-
manque de sensibilité qui, pour certains, justifie chiale. Dans ce cas, on étudiera avec soin l'inter-
le recours systématique au scanner. Toutefois ligne uncovertébral. Un diastasis unilatéral est un
cette attitude nous paraît excessive pour une patho- signe pathognomonique en faveur d'une instabi-
logie dont la fréquence reste inférieure à 2 %. Ceci lité rotatoire justifiant une exploration scanogra-
dit, le radiologue demeure maître de sa décision et phique [2, 3].

Traumatologie du rachis
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46 Notions de bases fondamentales

a b
Fig. 3.1 Radiographie de la charnière cervico-occipitale.
a. De profil. Critères de réussite : exiger la superposition des structures crâniennes paires et symétriques, toits des orbites, apophyses
clinoïdes, conduits auditifs externes, branches montantes du maxillaire supérieur (flèches).
b. De face. Critères de réussite : alignement des structures crâniennes de la ligne médiane, apophyse crista galli (en vert), protubérance
occipitale (en rouge) espace interdental (en jaune).

Radiographies dynamiques cervicales (fig. 3.4) et le bilan préchirurgical de


Clichés radiographiques certaines lésions instables de la charnière cervico-
en orthostatisme occipitale (fig. 3.5). Ils sont à proscrire de pre-
mière intention en urgence. Si le bilan initial a été
Certaines lésions spontanément réductibles peuvent fait en décubitus, il devra être précédé, pour les
passer totalement inaperçues si le bilan initial est fait raisons explicitées précédemment, d'une radio-
en position couchée. Un contrôle radiographique graphie de profil debout, sans collier et en posi-
debout, si les conditions cliniques le permettent, est tion indifférente. Ce n'est qu'après avoir vu ce
alors recommandé [4]. Le bénéfice, lié à la mise sous cliché que le radiologue confirmera ou infirmera
tension des structures discoligamentaires et musculo- l'indication.
tendineuses en réponse à une mauvaise répartition
Les complications des épreuves dynamiques fonc-
des forces, est parfois substantiel. En effet, le simple
tionnelles de profil en flexion–extension sont
poids de la tête ou du tronc peut dans ce cas révéler
exceptionnelles, sous réserve d'une technique
une lésion instable (fig. 3.2) ou mobiliser un fragment
rigoureuse : indication ponctuelle et en présence du
osseux dans le canal vertébral (fig. 3.3).
radiologue, patient alerte et coopérant, mouve-
ment uniquement actif, amplitude du mouvement
Clichés dynamiques en flexion–extension
strictement limité à l'arc indolore. Une amplitude
du rachis cervical
supérieure à 30° de part et d'autre de la position
Bien que décriés dans la littérature, ils restent neutre est recommandée pour limiter le pourcen-
indiqués pour le diagnostic des entorses graves tage de faux négatifs [5, 6].
Chapitre 3. Outils et stratégie d'exploration 47

a b d
Fig. 3.2 Dislocation rotatoire positionnelle.
a. Radiographie de profil en décubitus.
b, c. Radiographie de profil et schéma correspondant en position debout
d. Coupe scanographique axiale passant par le disque C3–C4.
La luxation unilatérale C3–C4 n'est visible qu'en position debout. Le processus articulaire gauche de C3 (en jaune) est en avant du
processus droit (en vert). Les processus articulaires de C4 (en blanc) sont bien superposés. La vertèbre C2 suit le mouvement de
la vertèbre C3 (décalage des masses latérales pointées par les lignes fléchées discontinues). Au scanner, la luxation unilatérale
gauche est de nouveau réduite. La disparition de la corticale antérieure de l'apophyse articulaire inférieure gauche de C3 signe une
fracture associée.

a b
Fig. 3.3 Burst fracture instable de L1.
La radiographie de profil faite en position debout (a) montre un tassement et une rétropulsion du mur postérieur nettement plus
­importants qu'au scanner fait avant réduction (b). Ce cas illustre parfaitement l'influence du positionnement du patient sur les lésions
traumatiques instables.
48 Notions de bases fondamentales

a b
Fig. 3.4 Entorse grave C5–C6.
a. La radiographie de profil en position indifférente montre un écart interépineux (✽).
b. Le cliché en flexion révèle une luxation pointe–pointe.

Fig. 3.5 Fracture instable de l'apophyse odontoïde.


La fracture apparaît en place en position couchée au scanner (a) et sur la radiographie de profil debout en position indifférente (b).
Seul le cliché en flexion est en mesure de démontrer sa nature instable (c).

Scanner • le centrage du patient doit rester précis en parti-


culier chez le polytraumatisé. L'alignement
C'est l'outil de choix pour l'analyse des lésions gabelle–manubrium sternal–symphyse pubienne
osseuses. Sur un plan pratique, il nous semble positionne le rachis dans l'axe du tunnel et facilite
important de rappeler les points suivant : les reformations multiplanaires en particulier dans
• respect de l'alignement tête–cou–tronc lors de l'in­ le plan sagittal ;
stallation du patient, en particulier dans les trauma- • acquisition volumique en coupe fine millimé-
tismes à haute énergie, chez les patients comateux trique, voire inframillimètre pour la charnière cer-
ou intubés. En pratique, l'exploration sera effectuée vico-occipitale et le rachis cervical ;
en protégeant le rachis cervical par un collier semi- • adaptation du volume à explorer aux données cli-
rigide. À défaut, on risque deux types de complica- niques : étude restreinte en cas de traumatisme
tions : luxation sous l'effet fléchissant de la têtière direct localisé, étude élargie en prévision d'une
(fig. 3.6) ou rétrolisthésis en cas de cyphose thora- ostéosynthèse, étude du rachis in toto chez le
cique ou de fracture sur rachis enraidi (fig. 3.7) ; polytraumatisé et le traumatisé crânien sévère ;
Chapitre 3. Outils et stratégie d'exploration 49

Fig. 3.6 Incidence du positionnement au scanner sur les lésions instables en flexion.
Patiente comateuse victime d'un accident de la circulation admise intubée au bloc opératoire. La radiographie de profil du rachis
­cervical faite en urgence ne montre qu'un discret élargissement entre C4 et C5 (a). Le positionnement de la patiente dans la têtière du
scanner (b) dévoile la luxation (c, d).

Fig. 3.7 Incidence du positionnement au scanner sur les lésions instables en extension.
Patiente tétraplégique victime d'un traumatisme facial en hyperextension suite à une chute en vélo. La radiographie du rachis cervical
faite en urgence ne montre qu'un discret bâillement discal antérieur C6–C7 (a). Le scanner fait sous anesthésie générale, la tête à plat,
reproduit le déplacement initial et l'effet coupe-cigares sur le cordon médullaire (b, c).

• reconstruction en filtre spatial pour les structures • analyse systématique du rachis dans les trois plans.
osseuses, en filtre de densité pour les parties Pour la charnière cervico-occipitale, on prendra
molles ; comme référence des critères intracrâniens, comme
50 Notions de bases fondamentales

la ligne bivestibulaire de Wackenheim, la ligne rejoi- • dans certaines situations, on peut être amené à
gnant la tête des marteaux, la ligne de Fischgold préciser le siège des traits de fracture sur l'arc neu-
(fig. 3.8). Ceci s'avère indispensable en cas de frac- ral au moyen de coupes obliques (fig. 3.11) ;
tures déplacées, de torticolis ou d'asymétrie consti- • l'injection de produit de contraste (angioscanner)
tutionnelle (fig. 3.9). Pour les autres vertèbres, on est indispensable pour la mise en évidence des
utilisera comme référence le plan bipédiculaire et le lésions vasculaires : dissection et/ou thrombose
plan du mur postérieur (fig. 3.10) ; traumatique.

Fig. 3.8 Plans de référence pour les reformations de la charnière cervico-occipitale.


Avant d'entreprendre les reformations sur la charnière cervico-occipitale, il faut faire en sorte que la ligne de Chamberlain et la ligne
bivestibulaire ainsi que leurs perpendiculaires correspondent aux coordonnées de l'espace.
Chapitre 3. Outils et stratégie d'exploration 51

a b

c d

e f

g
Fig. 3.9 Bilan de torticolis.
Les radiographies standard de face et de profil (a, b) sont ininterprétables. Les reformations scanographiques en imagerie 3D montrent
une décoaptation articulaire de type physiologique (c, d). Les reformations multiplanaires 2D faites après repositionnement du crâne
(e, f, g) permettent une excellente analyse des structures ligamentaires : ligament alaire, ligament transverse, ligament longitudinal anté-
rieur et postérieur, ligament suspenseur de la dent. Leur normalité plaide pour une position antalgique. Pas d'arguments en faveur d'une
luxation rotatoire.
52 Notions de bases fondamentales

Fig. 3.10 Plan de références pour les reformations standard.


Avant d'entreprendre les reformations sur une vertèbre type,
il faut réorienter les lignes bipédiculaires avec leur perpendiculaire
dans l'espace.

Fig. 3.11 Plan de coupes obliques.


L'extension et la situation des traits de fracture
sur l'arc neural méritent d'être analysées selon
leur grand axe plutôt que dans un plan axial
conventionnel perpendiculaire au mur posté-
rieur. Illustrations à propos d'une fracture bipé-
diculaire de C2 (a), d'une fracture d'une
apophyse articulaire cervicale (b), d'une burst
fracture lombaire (c, d).
Chapitre 3. Outils et stratégie d'exploration 53

IRM Stratégie diagnostique


C'est l'outil de choix pour explorer les parties
En pathologie traumatique, l'atteinte rachidienne
molles : moelle épinière, racines nerveuses,
avec une fréquence de 0,7 % arrive en 21e position
disques, ligaments, muscles paravertébraux. Elle
loin derrière les fractures de l'extrémité distale du
est rarement réalisée en première intention. Ses
radius largement en tête avec ses 17,5 % [13].
performances sont inégales pour l'os : excellentes
L'incidence annuelle des fractures du rachis est esti-
pour le corps vertébral riche en os trabéculaire ;
mée à 64 pour 100 000 [14]. Dans cette étude, les
médiocres pour l'apophyse odontoïde, les pédi-
fractures intéressaient le rachis cervical dans 19 %
cules et tout l'arc neural constitué essentiellement
des cas, le rachis thoracique dans 30 % des cas, le
d'os haversien. Une exploration complète com-
rachis lombaire dans 43 % des cas, et étaient mul-
prend des coupes sagittales en pondération T1 et
tiples dans 35 % des cas. La répartition dans la popu-
T2 et, si besoin, des coupes axiales centrées sur les
lation est de type bimodal avec un premier pic chez
anomalies sagittales. À ce jour, il n'y a pas de
l'adulte jeune entre 20 et 25 ans et un second chez
consensus quant aux choix des séquences, en par-
les femmes âgées entre 75 et 80 ans [14–16]. Les
ticulier pour l'étude du cordon médullaire et du
particularités et les stratégies à mettre en œuvre dif-
complexe ligamentaire postérieur : capsule articu-
fèrent selon le contexte.
laire, ligament jaune, ligament interépineux, liga-
ment surépineux. Les séquences pondérées T2
avec saturation de la graisse et les séquences STIR Traumatisme mineur
sont particulièrement sensibles au dépistage des
contusions osseuses des corps vertébraux. Ces Il constitue de loin la population la plus importante.
contusions coexistent avec une lésion principale Il s'agit le plus souvent de patients ambulatoires qui
une fois sur deux, voire deux fois sur trois [7–9]. consultent immédiatement ou secondairement pour
Elles n'ont pas d'incidence thérapeutique. La des rachialgies. Le risque de fracture étant dans ce
constatation d'anomalies ligamentaires doit être cas très faible – globalement inférieur à 1 % –, des
interprétée avec prudence. L'IRM a tendance à règles de prescription clinique ont été proposées. Les
surestimer les atteintes du complexe ligamentaire règles NEXUS – National Emergency X-Radiography
postérieur, en particulier celles des ligaments Utilization Study et C-CSR – Canadian–Cervical
jaunes, des capsules articulaires, des ligaments Spine Rule (encadré 3.1 et fig. 3.12) ont été large-
interépineux [10, 11]. Ces études soulèvent le ment validées pour la prise en charge du rachis cervi-
risque d'un excès d'indications opératoires si les cal chez l'adulte et l'enfant de plus de 3 ans [17, 18].
anomalies IRM ne sont pas corrélées aux données
cliniques et anamnestiques.
Encadré 3.1

Règle NEXUS
Autres techniques Une imagerie du rachis cervical n'est requise
que si au moins un des signes cliniques suivants
Le myéloscanner pour l'évaluation des compres- est présent :
sions médullaires et l'échographie pour celle du
• douleur spontanée ou provoquée sur la ligne
complexe ligamentaire postérieur [12] ont été des épineuses ;
proposés comme alternative à l'IRM en cas de • trouble neurologique ;
contre-indication. L'artériographie numérisée et
• trouble de la vigilance ;
l'écho-doppler sont rarement pratiqués chez le
• signe d'intoxication ;
traumatisé du rachis. En revanche, l'angio-IRM et
• présence d'un élément traumatique « pertur-
surtout l'angio-CT peuvent être réalisées dans le
bateur »*.
même temps que l'exploration osseuse et ner-
veuse, au prix de quelques minutes supplémen- * Éléments perturbateurs : fracture des os longs, traumatisme
viscéral, délabrement, crush syndrome, brûlure, inaptitude du
taires d'acquisition ou de post-traitement, et malade à préciser un autre traumatisme.
d'une injection de produit de contraste.
54 Notions de bases fondamentales

Facteurs de risque élevé imposant des radiographies


Âge > 65 ans
Oui
Mécanisme lésionnel dangereux*
Paresthésies des extrémités

Non

Facteurs de risque faible autorisant mobilisation


AVP à faible impact
Patient assis aux urgences
Non Radiographies
Patient ambulatoire depuis d’accident
Début retardé des douleurs
Pas de douleur à la palpation des épineuses

Oui

Possibilité de tourner la tête de 45° vers la droite et la gauche Non

Oui
*Mécanisme lésionnel dangereux
Pas de radio graphies Chute de plus de 1 mètre / 5 marches
Traumatisme axial de la tête / plongeon
AVP à haute vélocité / tonneaux / éjection
Piéton / cycliste / renversés par une voiture

Fig. 3.12 Canadian–Cervical Spine Rule (C-CSR).


Pour patient alerte (score de Glasgow à 15) et stable, victime d'un traumatisme cervical.

En milieu hospitalier, le bénéfice est substantiel. moyen 43 ans et sex-ratio de 1,6 homme pour
L'économie moyenne en temps et en film est respec- 1 femme [15]. Les mécanismes les plus souvent
tivement de 50 % et 25 %. La règle NEXUS n'est invoqués sont les accidents de la voie publique, les
malheureusement pas applicable au rachis thoraco- chutes de lieu élevé, les accidents sportifs. Les
lombaire [19, 20] : une des raisons principales est lésions surviennent généralement sur un rachis sain
l'enfouissement des corps vertébraux et le rôle pro- ou indemne de toute affection fragilisante. La fré-
tecteur des masses musculaires paravertébrales qui quence des lésions est nettement plus élevée que
expliquent une moindre sensibilité à la douleur des précédemment. Elle est proportionnelle à la sévérité
processus épineux. Nous ­proposons donc comme du traumatisme et évolue entre 3 et 25 % pour les
bilan des traumatismes rachidiens mineurs : traumatismes les plus violents. La sensibilité de la
• des radiographies (face et profil) systématiques radiographie chute à 52 % à l'étage cervical [1]. Le
pour le rachis thoracolombaire ; risque d'erreur augmente : sont principalement
• des radiographies (face, profil, face bouche concernées, les atteintes des charnières – cervico-
ouverte et éventuellement obliques droit et occipitale et cervicothoracique – et les lésions mul-
gauche) du rachis cervical uniquement si les règles tiples [21]. Les radiographies standard ne sont donc
de prédiction cliniques sont positives. plus adaptées à cette situation et leur suppression au
profit du scanner est pleinement justifiée. La proba-
bilité d'une lésion cervicale instable en présence
Traumatisme majeur sans troubles d'un scanner normal est inférieure à 1 %, bien que
neurologiques les IRM réalisées à titre systématique aient révélé
dans ce cas entre 5,2 et 44,2 % de lésions occultes
Les traumatismes à moyenne et haute énergie [22–25]. En pratique, une IRM de contrôle peut
touchent essentiellement les adultes jeunes : âge être envisagée chez le patient confus. Chez le patient
Chapitre 3. Outils et stratégie d'exploration 55

alerte non neurologique, on se contentera d'une patient est trop chronophage et ne peut que
radiographie debout du rachis cervical de profil sans conduire, compte tenu des lésions vitales, à une
collier à la recherche d'une subluxation [4]. perte de chance. On se contentera donc de suivre les
conseils des guides des bonnes pratiques réalisant
uniquement une radiographie du rachis cervical de
Traumatisme rachidien profil pour éliminer une luxation, une radiographie
avec troubles neurologiques du thorax, dans l'espoir d'y découvrir notamment
un fuseau paravertébral, et une radiographie du bas-
Les traumatismes médullaires sont des urgences thé-
sin englobant éventuellement le rachis lombaire.
rapeutiques. Le but de l'imagerie est triple : préciser
un niveau lésionnel (cervical, thoracique, lombaire), Si le patient est stable, les radiographies du rachis
dégager une indication chirurgicale (décompression, sont inutiles. Celui-ci sera analysé sur l'exploration
réduction, fixation), dépister une cause favorisante scanographique corps entier justifiée par ailleurs. La
(myélopathie cervicarthrosique, étroitesse canalaire résolution des images est suffisante et ne justifie pas
constitutionnelle, etc..). La place de la radiographie une acquisition spécifique supplémentaire sur le
conventionnelle est r­estreinte. Une radiographie de rachis [26]. Le rachis du polytraumatisé suit en
profil au lit du patient à la recherche d'une luxation principe la règle du tout ou rien. Si le scanner du
cervicale peut s'avérer bénéfique et suffisante pour rachis est strictement normal, le risque de lésion ins-
une réduction en urgence. Encore faut-il que les cir- table est quasi nul et il n'y a pas lieu de compléter le
constances cliniques soient favorables (patient peu bilan. Pour autant, il ne faut jamais sous-­estimer les
corpulent, cou long, épaules tombantes). La prise en lésions mineures. Une fracture–avulsion d'un listel
charge des traumatismes rachidiens avec troubles marginal peut être le témoin d'une entorse grave ou
neurologiques revient de droit à l'IRM. En pratique d'une luxation spontanément réduite (fig. 3.13).
et pour ne pas retarder une décompression médul- Une fracture d'un processus épineux doit évoquer
laire en urgence (acte chirurgical reconnu à ce jour une atteinte du complexe ligamentaire postérieur.
comme seul facteur évolutif favorable s'il est réalisé Une fracture d'un processus transversaire accom-
avant la 6e heure), le scanner sera réalisé en première pagne une fois sur deux une lésion viscérale.
intention : il est d'accès facile, sa durée d'exploration
est courte, il identifie facilement le niveau lésionnel.
L'IRM ne modifiant pas le pronostic ne sera réalisé Traumatismes de l'enfant
qu'en seconde intention, si le temps le permet ou si le et de l'adolescent
scanner est normal. Le bilan des lésions plexuelles
sera programmé en fonction des données de l'élec- La colonne vertébrale de l'enfant est, contrairement
tromyogramme en général vers le 3e mois. au névraxe précocement proche de celui l'adulte,
constamment en croissance. Dès la petite enfance,
Polytraumatisé elle a une élongabilité physiologique environ dix
fois supérieure à celle du cordon médullaire, avec
Le polytraumatisé est par définition un blessé présen- pour conséquence immédiate une forte proportion
tant plusieurs lésions dont une au moins met en jeu le de traumatisme médullaire sans lésion osseuse évi-
pronostic vital à court ou moyen terme. L'atteinte dente. Comparée à celle de l'adulte, sa fréquence
rachidienne doit être évoquée de principe mais si les varie du simple au triple [27–31].
atteintes viscérales sont prioritaires. Dans un premier Le bilan et la nature des lésions rachidiennes varient
temps, on se contentera de : mettre la moelle épinière selon le stade de maturation vertébrale. On dis-
en sécurité, respecter l'alignement tête–cou–tronc, tingue schématiquement trois groupes d'âge :
mettre en place un collier et éviter toute mobilisation • le groupe I, entre 0 et 2 ans, concerne les trauma-
intempestive. L'exploration du rachis sera mise en tismes obstétricaux et le syndrome des enfants
route dès que possible et portera systématiquement battus. On y observe les lésions des physes et des
sur toute la colonne vertébrale. En pratique, c'est le synchondroses ;
tableau clinique qui dicte la conduite à tenir. • le groupe II, entre 3 et 8 ans, concentre les lésions
Si le patient est instable, cet objectif est irréaliste en de la charnière cervico-occipitale (fracture de la
urgence. Faire des radiographies du rachis au lit du dent de l'atlas, fracture de Jefferson, fracture des
56 Notions de bases fondamentales

Fig. 3.13 Fractures vertébrales étagées.


Patient victime d'un polytraumatisme. Le bilan scanographique (a, b, c, d) révèle des fractures vertébrales multiples : fracture en tear
drop de C4 (b), fracture du processus épineux de C6, fracture–avulsion du listel antérosupérieur de corps vertébral de C7, fracture par
cisaillement de L2 (c), fracture–avulsion du listel antérosupérieur du corps vertébral de L5 (d : flèche). Sur les contrôles postopératoires,
on note que la lésion cervicale C6–C7 est stable en flexion (e). Par contre en L4–L5 apparaît un spondylolisthésis témoignant d'une
entorse lombaire grave nécessitant une réintervention (f : flèche).

pédicules de l'axis, luxations rotatoires) et les ciles à immobiliser, clichés de qualité souvent
lésions du rachis cervical moyen ; médiocre et dont la répétition majore inutilement
• le groupe III, entre 6 et 19 ans, regroupe les lésions l'irradiation, extrême rareté des fractures de Jefferson
du rachis cervical inférieur et thoracolombaire. et de l'apophyse odontoïde dans cette tranche d'âge.
Les règles de prescription clinique du National Le scanner n'est pas indiqué avant 5 ans si les radio-
Emergency X-Radiography Utilization Study graphies initiales sont normales, en particulier pour le
(NEXUS) ou de la Canadian-Cervical Spine Rule rachis cervical [34]. L'IRM est naturellement incon-
(C-CSR) peuvent être appliquées sans crainte dès tournable dans les traumatismes médullaires à radio-
5–6 ans [18]. Le bilan radiographique comprend, graphie normale (Sciwora – spinal cord injury without
quels que soient l'âge et la topographie, deux inci- obvious radiological abnormality) ou scanner normal
dences orthogonales de face et de profil. L'incidence (Sciworet – spinal cord injury without objective evi-
de face « bouche ouverte » de la charnière cervico- dence of trauma). Elle complète le scanner en cas de
occipitale n'est pas recommandée avant 5 ans doute sur l'intégrité des structures discoligamentaires
[32, 33]. Les raisons sont multiples : enfants diffi- ou si on suspecte une atteinte des synchondroses.
Chapitre 3. Outils et stratégie d'exploration 57

Traumatismes du sujet âgé une incidence sous-mentonnière (fig. 3.14). Tous


ces arguments plaident pour une suppression des
Après 75 ans, les consultations sont souvent moti- radiographies standard au profit de l'exploration
vées par des chutes mécaniques, des accidents scanographique.
domestiques, des malaises. L'arthrose, la maladie de Pour autant, le scanner et l'IRM ne règlent pas
Forestier, les spondylarthropathies diminuent la sou- tous les problèmes. Ces patients tolèrent mal le
plesse du rachis et reportent les contraintes méca- décubitus dorsal. Les patients ankylosés ou à
niques sur les segments adjacents. L'ostéoporose grande cyphose thoracique peuvent être placés en
augmente le risque fracturaire. Les cervicalgies et les décubitus latéral, position de sécurité pour les
lombalgies sont banales à cet âge et leur acutisation lésions en hyperextension. L'anesthésie n'est pas
dans un contexte de traumatisme mineur n'est pas dénuée d'incidence néfaste (fig. 3.15). Elle favo-
toujours appréciée à sa juste valeur. Au final, tout rise les déplacements fracturaires et expose les
s'accorde pour minimiser le tableau clinique, occul- patients aux complications neurologiques secon-
ter la fracture initiale, laisser s'installer les complica- daires. L'ostéoporose altère la résolution spatiale
tions. L'augmentation du taux de mortalité au 60e du scanner. On peut compenser le mauvais rapport
jour d'hospitalisation confirme la gravité de ces frac- signal sur bruit en augmentant l'épaisseur de coupe
tures après 75 ans [35]. des reconstructions, mais on court le risque de
Dans cette tranche d'âge, le bilan radiographique faire disparaître certaines fractures instables
ne peut être réalisé qu'en décubitus dorsal. Sa qua- (fig. 3.16a à c). La douleur favorise les artéfacts de
lité est souvent médiocre malgré tous les soins mouvement en IRM. Il faut donc privilégier les
apportés à leur réalisation. Le rachis cervical est séquences courtes et toujours démarrer l'explora-
particulièrement pénalisé. L'incidence de profil ne tion par les séquences les plus informatives en l'oc-
montre bien que la charnière cervico-occipitale. Le currence les coupes sagittales en pondération
rachis cervical moyen et inférieur est souvent mas- STIR, particulièrement sensibles au dépistage des
qué par les épaules. Le cliché de face bouche traits de fracture notamment dans la spondylarth-
ouverte, techniquement impossible à réaliser en cas rite ankylosante et dans la maladie de Forestier
de douleurs ou de raideurs, peut être remplacé par (fig. 3.16d et e).

Fig. 3.14 Incidence sous-mentonnière.


Cette incidence offre une vue axiale de l'atlas. L'apophyse odontoïde (✽) se projette au milieu du foramen magnum. Notez la bonne
visibilité des foramens transversaires (flèches blanches).
58 Notions de bases fondamentales

Fig. 3.15 Fracture transdiscale C6–C7 sur spondylarthrite ankylosante.


Patiente renversée par une voiture. Rachis cervical hyperalgique empêchant tout décubitus. Pas de trouble neurologique. La radio­
graphie initiale en position semi-assise montre un spondylolisthésis traumatique C6–C7 (a). La radiographie de contrôle au bloc opé-
ratoire après intubation dévoile un bâillement discal caricatural en rapport avec l'instabilité lésionnelle (b). Pas de trouble neurologique
au réveil. Évolution favorable de l'arthrodèse C6–C7 (c).

Fig. 3.16 Fracture de T9 sur hyperostose vertébrale de Forestier.


Bilan d'un traumatisme à basse énergie : chute mécanique de sa hauteur. La radiographie initiale sur brancard ne montre qu'une
absence de fusion ou une interruption du pont ostéophytique (a : flèche). Le scanner et l'IRM confirment qu'il s'agit bien d'une fracture.
Notez la très nette supériorité des coupes IRM en pondération STIR (d, e) en comparaison au scanner (b, c).
Chapitre 3. Outils et stratégie d'exploration 59

Conclusion [11] Rihn JA, et al. Assessment of the posterior ligamentous


complex following acute cervical spine trauma. J Bone
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• La stratégie de prescription des examens d'image- [12] Vordemvenne T, et al. Is there a way to diagnose spinal
rie varie selon l'âge, la sévérité du traumatisme, le instability in acute burst fractures by performing ultra-
tableau clinique. sound ? Eur Spine J 2009 ; 18(7) : 964–71.
• Les radiographies sont incontournables chez les [13] Court-Brown CM, Caesar B. Epidemiology of adult
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patients à faible risque pour le rachis thoracolom- [14] Hu R, Mustard CA, Burns C. Epidemiology of incident
baire et pour le rachis cervical répondant aux spinal fracture in a complete population. Spine 1996 ;
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• Les radiographies ne sont pas indiquées chez les [15] Leucht P, et al. Epidemiology of traumatic spine frac-
personnes âgées et les patients à risque élevé. tures. Injury 2009 ; 40(2) : 166–72.
[16] Roche SJ, Sloane PA, McCabe JP. Epidemiology of
• La probabilité d'une lésion instable avec un scan- spine trauma in an Irish regional trauma unit : a 4-year
ner normal est inférieure à 1 %. study. Injury 2008 ; 39(4) : 436–42.
• L'IRM est incontournable dans le rachis neuro­ [17] Stiell IG, et al. The Canadian C-spine rule versus the
logique à radiographies ou scanner normal. NEXUS low-risk criteria in patients with trauma.
• L'indication d'une IRM pour le rachis non neuro- N Engl J Med 2003 ; 349(26) : 2510–8.
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60 Notions de bases fondamentales

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148–52. 796–802.
II
Traumatismes
du rachis sain
Plan de la partie
Traumatisme de la charnière cervico-occipitale 63
Traumatisme du rachis cervical moyen et inférieur 83
Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 103
IRM des traumatismes du rachis et de la moelle épinière 127
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Chapitre 4
Traumatisme de la charnière
cervico-occipitale
J.-C. Dosch

La jonction cervico-occipitale est certainement la Fractures des condyles occipitaux


zone de transition la plus complexe du rachis. Sur le
plan anatomique, l'atlas et l'axis n'ont, à part les La fracture du condyle occipital est une lésion de
trois articulations qui les réunissent, aucun point découverte généralement fortuite dans le cadre d'un
commun. Sur le plan fonctionnel, elle assume traumatisme crânien sévère ou grave. Son incidence
majoritairement et en toute sécurité les mouve- est de 1,7 nouveau cas sur 1 000 par année [1], sa
ments de rotation du rachis cervical. Sur le plan fréquence est estimée à 16 % dans les traumatismes à
traumatique, la diversité des lésions tant osseuses haute énergie [2]. Elle est souvent associée à une
que ligamentaires s'explique par l'intrication de autre lésion cervicale. Les lésions neurologiques –
mécanismes élémentaires sans pouvoir nécessaire- hématome cérébelleux, hémorragie sous-arachnoï-
ment y trouver une filiation. Sur le plan radio­ dienne, atteinte radiculaire des dernières paires
logique enfin, l'imagerie en coupe est indispensable crâniennes – sont présentes dans environ un tiers des
vu les performances médiocres de la radiographie cas [3]. Les radiographies sont, sauf fractures à grand
conventionnelle. déplacement qui accompagnent les dislocations cra-
niorachidiennes, presque toujours normales. Le
scanner cervical doit systématiquement englober la
Lésions osseuses charnière cervicothoracique, voire le rachis en entier
chez le patient comateux ou le polytraumatisé. Il
Le bilan des fractures repose principalement sur le montre parfaitement le siège et l'extension de la
scanner en coupe fine avec reformation systéma- solution de continuité par rapport à la base du crâne.
tique dans les trois plans. La radiographie standard Il relève dans 42 % des cas une lésion associée du
montre rarement les solutions de continuité et si par rachis cervical moyen et inférieur [1]. Plusieurs clas-
aventure elle en montre, on n'aperçoit souvent que sifications ont été proposées. Saternus propose, en
la partie immergée de l'iceberg. Par contre, elle met premier, une classification en six groupes selon le
bien en évidence l'hématome périfracturaire sous type de mécanismes : compression axiale ou oblique,
forme d'un épaississement des parties molles préver- traction axiale ou oblique, rotation, cisaillement [4].
tébrales, contribution de loin la plus constante que Anderson et Montesano proposent une classification
puisse fournir une bonne radiographie de profil au en trois types (fig. 4.1) [5]. Le type I est une fracture
diagnostic de fracture. L'IRM est rarement utile. Le comminutive par compression axiale. Le type II est
sens et l'importance des déplacements fracturaires une fracture à deux fragments avec extension de la
reflètent de manière indirecte les lésions discales ou solution de continuité vers le foramen magnum
ligamentaires associées. En cas de doute, de lésion (fig. 4.2). Le type III correspond à une fracture–
spontanément réduite ou de lésion non déplacée, avulsion du ligament alaire. Cette variété est de loin
une IRM de contrôle peut, bien entendu, être la plus fréquente [6] et source d'instabilité en cas de
envisagée. lésion associée de la membrana tectoria et du

Traumatologie du rachis
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64 Traumatismes du rachis sain

a b c

Fig. 4.1 Classification d'Anderson et Montesano.


Fractures des condyles occipitaux : type I (a), type II (b), type III (c).

a b c
Fig. 4.2 Fracture type II du condyle occipital.
Les reformations multiplanaires montrent l'extension antérieure du trait de fracture autour du foramen magnum.

l­igament alaire controlatéral. Cette classification a Fracture de Jefferson


été reprise et simplifiée par Tulli en fracture non
C'est une lésion par compression axiale affectant
déplacée (type I) et fracture déplacée (type II) com-
simultanément les arcs antérieur et postérieur
prenant un sous-groupe stable sans atteinte ligamen-
(fig. 4.3). La forme la plus classique comporte
taire (type IIA), et un sous-groupe instable avec
quatre traits de fracture, deux antérieurs et deux
signe de disjonction craniocervicale (type IIB) [3].
postérieurs siégeant immédiatement au contact des
Le déplacement est avéré si l'écart entre les frag-
masses latérales (fig. 4.4). En pratique, on ne
ments osseux est supérieur à 2 mm.
retrouve souvent que trois solutions de continuité,
une antérieure et deux postérieures ou vice versa,
Fractures de l'atlas voire une seule en avant et une seule en arrière
(fig. 4.5). Les complications médullaires sont rares.
Les fractures de l'atlas affectent de manière isolée ou Leur présence doit faire évoquer une lésion associée
combinée l'arc antérieur, l'arc postérieur, les masses – fracture de l'apophyse odontoïde, fracture des
latérales. Elles représentent 25 % des lésions de la pédicules de C2 [9, 10]. Les masses latérales, ainsi
charnière cervico-occipitale, 3 à 13 % du rachis cer- désolidarisées de leurs attaches osseuses et soumises
vical, 1 à 3 % de l'ensemble du rachis ; dans 40 à à des forces centrifuges, vont être repoussées latéra-
44 % des lésions, on retrouve une lésion associée de lement le long des interlignes articulaires condylo-
l'axis [7]. La classification radiologique de Gehweiler atloïdiens et atloïdo-axoïdiens, d'où la dénomination
comporte cinq types de lésions : la fracture de synonyme de luxation divergeante des masses laté-
Jefferson, la fracture horizontale de l'arc antérieur, rales. Le ligament transverse qui les unit freine dans
les fractures isolées de l'arc postérieur, la fracture un premier le déplacement. Sa résistance à l'étire-
isolée de la masse latérale, la fracture du processus ment est limitée. La rupture intervient si la somme
transverse [8]. des débords des masses latérales droite et gauche
Chapitre 4. Traumatisme de la charnière cervico-occipitale 65

Fig. 4.3 Fracture de Jefferson stable.


Schémas représentant les différentes variétés.
a. Jefferson à deux fragments avec deux traits de fracture, un antérieur et un postérieur.
b, c. Jefferson à trois fragments avec trois traits de fracture, deux antérieurs et un postérieur et inversement.
d. Jefferson à quatre fragments avec quatre traits de fracture.
Source : Dosch JC et al. Imagerie de la charnière cervico-occipitale : pathologies traumatiques, rhumatismales, infectieuses et tumo-
rales. Encycl. Méd. Chir. (2011 Elsevier-Masson, Paris). 31-673-B-21.

a b

c d
Fig. 4.4 Fracture de Jefferson à quatre fragments.
Solutions de continuité paires et symétriques affectant les arcs antérieur (b, c) et postérieur (d). Importante luxation divergente des
masses latérales traduisant une rupture du ligament transverse (a).
66 Traumatismes du rachis sain

Fig. 4.5 Fracture de Jefferson à deux fragments.


a. La radiographie standard de profil montre un trait de fracture sur l'arc postérieur (flèche) et un discret épaississement des parties
molles prévertébrales en regard de l'arc antérieur de l'atlas (✽).
b, c. Les coupes axiales scanographiques en fenêtre osseuse (b) et parties molles (c) révèlent le trait de fracture antérieur et l'intégrité
du ligament transverse. Par ailleurs, présence d'un bloc congénital C2–C3.

mesurés sur une radiographie de face bouche scanner précise la topographie et l'orientation des
ouverte est supérieure ou égale à 7 mm – signe de solutions de continuité. La fracture peut être unifo-
Spence (fig. 4.6). Quoi qu'il en soit, une explora- cale séparant la masse en deux fragments de taille
tion en coupe s'impose pour le bilan des lésions variable ou comminutive et affecter l'insertion du
osseuse (CT) et/ou ligamentaire (IRM). Le traite- ligament transverse. Le traitement est presque tou-
ment dépend classiquement de l'état du ligament jours orthopédique.
transverse : orthopédique si le ligament est intact
(lésion stable), chirurgical s'il est rompu ou avulsé
(lésion instable). Des observations récentes ont Fracture de Ramon-Soler
toutefois démontré chez ces dernières qu'une
­
La fracture à trait horizontal de l'arc antérieur de
consolidation sans arthrodèse était possible sans ins-
l'atlas (fig. 4.7) a été décrite par Ramon-Soler [13].
tabilité résiduelle ou préjudice fonctionnel, ce qui
Il s'agit d'une lésion soit par avulsion dans un mou-
laisse entrevoir un rôle de stabilisateur secondaire
vement d'hyperextension, soit par cisaillement lors
aux articulations atloïdo-axoïdiennes.
d'une impaction de la dent contre la face posté-
rieure de l'arc antérieur. Le trait de fracture siège
Fracture isolée d'une masse latérale
volontiers entre le ligament occipito-atloïdien et le
Cette lésion est considérée comme rare, voire ligament atloïdo-axoïdien, ou en regard de l'inser-
exceptionnelle [11]. Pourtant Gehweiler [8] et tion du tendon du muscle long du cou. Il est facile-
bien plus tard Dickman [12] ont constaté qu'elle ment identifiable sur une radiographie de profil
était presque aussi fréquente que la fracture de strict. La lésion peut être unique ou accompagner
Jefferson. Ce paradoxe est certainement entretenu selon le cas une fracture de l'apophyse odontoïde
par l'absence de publications voire le manque d'in- (fig. 4.8), une fracture en tear drop de l'axis, une
térêt pour une lésion sans gravité et de bon pronos- luxation craniovertébrale, voire une fracture–­
tic. Le mécanisme est celui d'une compression séparation d'un processus articulaire du rachis cer-
axiale asymétrique ou d'inclinaison latérale. Le vical sous-jacent (fig. 4.9).
Chapitre 4. Traumatisme de la charnière cervico-occipitale 67

Fig. 4.6 Signe de Spence.


a. Luxation divergente des masses latérales.
b, c. Si la somme des débords droit et gauche (b) est supérieure ou égale à 7 mm, il faut craindre une rupture du ligament transverse, en
l'occurrence et dans ce cas une fracture–avulsion de son tubercule d'insertion à droite de type IIb de Dickman (c).

Fig. 4.7 Fracture de Ramon-Soler par extension.


Fracture à trait horizontal de l'arc antérieur de l'atlas (flèche).
Notez l'épaississement des parties molles prévertébrales en
regard (✽).

Fig. 4.8 Fracture de Ramon-Soler par cisaillement.


Le trait de fracture siège au tiers supérieur de l'arc antérieur
Fractures verticales isolées des arcs (flèche). Fracture associée de l'apophyse odontoïde (têtes de
flèche), type II d'Anderson, type OBAR avec déplacement pos-
antérieur ou postérieur térieur de Roy-Camille.
Elles sont de nature bénigne et sans réelle consé-
quence thérapeutique. Elles affectent surtout l'arc
postérieur pris en étau entre le basi-occiput et le diatement en arrière des masses latérales. Les struc-
volumineux processus épineux de C2 dans un mou- tures nobles susceptibles d'être lésées sont l'artère
vement combiné d'hyperextension et de compres- vertébrale, le nerf sous-occipital (C1) et le grand
sion axiale. La fracture siège de préférence comme nerf d'Arnold (C2). Les fractures verticales isolées
pour la fracture de Jefferson dans le sillon de l'artère de l'arc antérieur sont plus rares (fig. 4.10). Ces
vertébrale, une zone de moindre résistance immé- lésions sont faciles à distinguer des aspects
68 Traumatismes du rachis sain

Fig. 4.9 Fracture de Ramon-Soler et fracture–séparation du massif articulairede C5.


a. La radiographie standard démontre un épaississement des parties molles prévertébrales en regard de l'atlas (✽) et une fracture de
la lame de C5 (flèche ouverte).
b. Le cliché agrandi montre une fracture horizontale en trait de cheveu de l'atlas (flèche).
c. Le scanner révèle, en complément de la fracture de la lame, une fracture du pédicule homolatéral témoignant d'une fracture–­
séparation du massif articulaire droit.

Fig. 4.10 Fracture bifocale de l'arc antérieur de l'atlas.


a. Aspect normal de la radiographie de profil.
b. Les traits de fracture siègent à l'union arc antérieur–masse latérale.
c. Intégrité du ligament transverse.
Chapitre 4. Traumatisme de la charnière cervico-occipitale 69

­ alformatifs – split atlas et spina bifida – qui sont de


m et d'Alonzo (fig. 4.11), l'orientation du trait de frac-
topographie médiane et dont les bords apparaissent ture selon Roy-Camille (fig. 4.12) et d'éventuelles
toujours nets et condensés. lésions associées.

Fracture du processus transverse Classification d'Anderson et d'Alonzo


Le type I est une fracture haute de la dent (fig. 4.13).
Elle fait partie des lésions radiologiquement occultes.
Le fragment osseux détaché peut être déplacé vers le
Sa découverte au scanner impose un contrôle des
haut par les ligaments alaires. La fracture de la
axes vasculaires à la recherche d'une lésion intrin-
pointe est à distinguer d'une malformation (ossicu-
sèque ou extrinsèque de l'artère vertébrale : dissec-
lum terminal, noyau d'ossification accessoire,
tion, thrombose, compression.
condyle tertiaire). Il repose sur l'aspect irrégulier de
la solution de continuité.
Fractures de l'axis Le type II est une fracture de la base affectant la
jonction dent–corps (fig. 4.14). La solution de
Les fractures de l'axis sont les lésions les plus fré- continuité siège entre le bord inférieur de l'arc anté-
quentes de la charnière cervico-occipitale. Elles rieur de l'atlas et une ligne joignant le bord supé-
représentent à elles seules 20 % des fractures du rieur des masses latérales de l'axis. Elle traverse une
rachis cervical [14]. Les trois principales variétés zone rétrécie, formée d'os compact. Le risque de
sont par ordre de fréquence décroissante : la fracture pseudarthrose est davantage lié au déplacement
du processus odontoïde (fracture de la dent) la frac- qu'aux conditions de vascularisation locale.
ture des pédicules (spondylolyse traumatique ou
Le type III est une fracture basse irradiant dans le
fracture du pendu), la fracture du corps [15].
corps de C2. La solution de continuité s'étend latéra-
lement sur les masses latérales (fig. 4.15). Elle traverse
Fracture de la dent
une zone d'os spongieux bien vascularisée. La consoli-
C'est, et de loin, la fracture la plus fréquente de l'axis. dation est d'autant plus rapide que la zone fracturaire
Le mécanisme n'est pas univoque. On oppose classi- est plus étendue. Le risque de pseudarthrose est faible.
quement le traumatisme à haute énergie de l'adulte
jeune – chute d'un lieu élevé, AVP, traumatisme spor- Facteurs d'instabilité de Roy-Camille
tif – au traumatisme à basse énergie de la personne Roy-Camille, utilisant comme critère d'instabilité le
âgée – chute domestique, traumatisme crânien déplacement, évalue le risque en fonction de l'orien-
mineur. Le premier affecte couramment un rachis sain tation du trait de fracture dans le plan sagittal
et provoque volontiers des complications neuro­ (fig. 4.12) [17]. Le déplacement peut être immédiat
logiques pouvant aller jusqu'au décès. Le second sur- ou se manifester secondairement au décours du trai-
vient volontiers sur des remaniements dégénératifs tement orthopédique. Il opère par principe dans le
enraidissants tantôt la charnière cervico-occipitale, plan de la fracture. Ainsi, une fracture à orientation
tantôt le rachis cervical sous-jacent [16]. L'ostéoporose oblique en bas et en avant (OBAV) ne peut se dépla-
et/ou la présence de géodes arthrosiques fragilisent la cer qu'en avant, de même qu'une fracture à orienta-
dent et la rendent plus vulnérable. Les plaintes du tion oblique en bas et en arrière (OBAR) ne pourra
patient sont souvent sous-estimées. Le risque de com- se déplacer qu'en arrière. Par contre, la fracture
plication neurologique n'est plus immédiat mais horizontale pose un véritable dilemme. Elle peut
retardé et fonction des facteurs d'instabilité. Quoi être stable et la consolidation se fera per primam en
qu'il en soit, cette lésion reste encore méconnue dans position anatomique. Elle peut aussi être instable et,
plus d'un tiers des cas. Une exploration scanogra- dans ce cas, il convient d'en préciser le sens : vers
phique systématique de la charnière cervico-occipitale l'avant (instabilité antérieure), vers l'arrière (instabi-
en présence d'un épaississement des parties molles lité postérieure) ou simultanément dans les deux
prévertébrales ou en complément d'une exploration directions (instabilité alternative). En l'absence de
crânienne réduirait considérablement ce pourcentage. déplacement initial, cette instabilité reste à détermi-
La fracture de la dent est une lésion purement osseuse. ner. Roy-Camille ­proposait d'initier un traitement
Le bilan radiologique a pour but de préciser : le siège orthopédique et de recontrôler la situation, après
du trait de fracture selon la classification d'Anderson sédation des contractures musculaires, vers le
70 Traumatismes du rachis sain

Fig. 4.11 Classification d'Anderson et d'Alonzo.


a, b. Type I fracture haute ou de la pointe.
c, d. Type II, fracture de la base.
e, f. Type III, fracture basse irradiant dans le corps de C2.

Fig. 4.12 Facteurs d'instabilité de Roy-Camille.


a. Type OBAV (oblique en bas et en avant) à instabilité antérieure.
b. Type horizontal à instabilité indéterminée : stable, antérieure, postérieure ou alternative.
c. Type OBAR (oblique en bas et en arrière) à instabilité postérieure.
Chapitre 4. Traumatisme de la charnière cervico-occipitale 71

Fig. 4.13 Fracture de l'odontoïde type I d'Anderson et d'Alonzo.


a. La radiographie de profil révèle un volumineux hématome des parties molles prévertébrales (✽) et une interruption de la pointe de
l'odontoïde.
b, c. Confirmation de la fracture à bord net et non condensé.
d, e. Déplacement antérieur (e) et supérieur par traction des ligaments alaires restés intacts (d).

Fig. 4.14 Fracture de l'odontoïde type II d'Anderson et d'Alonzo.


Fracture de la base à instabilité antérieure en flexion (a), réductible en extension (b).

10e jour. Pour certains, la solution repose sur les cli- fracture aux surfaces articulaires des masses latérales.
chés dynamiques en flexion–extension en milieu Les modifications concernent surtout les types II où
­radio-chirugical (voir fig. 4.14), pour d'autres sur il introduit des sous-groupes reprenant peu ou prou
l'exploration IRM systématique des ligaments ver- les données de Roy-Camille. Le sous-type A est une
tébraux communs antérieur et postérieur. fracture transversale sans comminution avec un
déplacement initial inférieur à 1 mm. Au vue des
Classification de Grauer données cliniques, cette lésion est considérée comme
Grauer, considérant l'imprécision entre fracture de la stable. Le sous-type B est une fracture de type OBAR
base et fracture irradiant dans le corps de C2 d'une à instabilité postérieure (fig. 4.16). Le sous-type C
part, l'absence de prise en compte des facteurs d'ins- est une fracture de type OBAV, voire une fracture
tabilité d'autre part, propose de modifier la classifica- avec une comminution antéro-inférieur pouvant
tion d'Anderson [18]. La différence entre type II et s'étendre dans le corps vertébral de l'axis mais res-
type III réside dans l'extension ou non du trait de pectant les masses latérales.
72 Traumatismes du rachis sain

ment une des lésions les plus méconnues, par le cli-


nicien qui n'attache peut-être pas assez d'attention
aux plaintes des patients et par le radiologue qui fait
trop confiance à un bilan radiographique normal et
sous-estime, sur une bonne radiographie de profil,
la valeur de l'épaississement des parties molles
comme signe indirect d'une fracture occulte. En cas
de fracture déplacée, le signe de l'anneau de Harris
fait la distinction entre un type II avec anneau intact
et un type III décollant son pôle supérieur (fig. 1.7).
Le scanner précise la topographie en hauteur de la
solution de continuité et son orientation par rapport
au mur postérieur du corps de l'axis. Dans 5 à 53 %
des cas, il montre une lésion associée de l'atlas.
Cette association est considérée comme un facteur
Fig. 4.15 Fracture de l'odontoïde type III d'Anderson et de gravité en particulier pour les fractures de type II
d'Alonzo. [10]. L'IRM montre l'état du ligament longitudinal
La solution de continuité irradie sur les masses latérales. antérieur et postérieur. La fracture peut passer ina-
L'aspect en chapeau de gendarme londonien décrit par Roy-
Camille est dû au déplacement rotatoire de la fracture et perçue si elle siège dans la partie rétrécie de
témoigne d'instabilité. l'odontoïde.

Diagnostic radiologique Fracture des pédicules ou fracture


du pendu
La fracture de la dent représente à elle seule entre
9 et 15 % des lésions cervicales traumatiques. En L'axis est certainement la vertèbre la plus complexe
dépit de cette extrême fréquence, elle reste égale- du rachis. Nous avons vu au chapitre 1 qu'elle

Fig. 4.16 Fracture de l'odontoïde type IIB de Grauer.


a. Le scanner montre une fracture à orientation oblique en bas et en arrière (OBAR) avec déplacement postérieur.
b, c. La fracture est mal visible en IRM (b, c). Rupture de l'appareil ligamentaire antérieur (flèches blanches). Contusion médullaire sur
la coupe sagittale en pondération T2 (flèche discontinue noire) confirmant l'instabilité (c).
Chapitre 4. Traumatisme de la charnière cervico-occipitale 73

assume la transition d'un système de deux à trois rupture par traction du disque et des ligaments lon-
colonnes. Dans ce système transitionnel, les pédi- gitudinaux en C2–C3. À l'inverse, une position
cules anatomiques ne répondent plus, comme pour latérale ne peut procurer la mort que par asphyxie.
les autres vertèbres, à la jonction corps vertébral– Dans les accidents de la circulation, circonstance
arc neural, mais à l'insertion des masses latérales. retrouvée dans plus de deux tiers de cas, on invoque
Pour l'axis, cette jonction correspond à l'isthme une hyperextension suivie d'un mécanisme en com-
séparant deux surfaces articulaires, les masses laté- pression axiale : exemple classique du passager
rales en avant, les processus articulaires en arrière. avant dont la face vient s'écraser contre le
Le terme de fracture des pédicules est donc pare-brise.
impropre et devrait être remplacé par fracture des
Classification d'Effendi
isthmes ou spondylolyse traumatique de l'axis. Le
mécanisme de cette fracture dépend de l'aspect Effendi classe ces fractures selon l'état du disque et
radiologique. Dans la majorité des cas, on incri- des articulations intervertébrales C2–C3, en trois
mine un traumatisme en hyperextension. Dans les types (fig. 4.17) [19].
condamnations à mort par pendaison, la position Le type I est une lésion purement osseuse sans
du nœud est déterminante. Une position sous- atteinte discale ou interarticulaire. Cette lésion est
mentonnière provoque une fracture bilatérale des stable et ne présente donc aucun risque de déplace-
isthmes. Le décès survient secondairement après ment secondaire (fig. 4.18).

Fig. 4.17 Classification d'Effendi.


Représentation schématique des fractures des pédicules de l'axis.
a. Fracture de type I purement osseuse.
b. Fracture de type II avec atteinte discale.
c. Fracture de type III avec luxation interapophysaire.
d, e, f. Le type II comprend trois sous-groupes selon le sens du déplacement du corps de l'axis, en bascule postérieure (d), en bascule
antérieure (e) ou en simple translation (f).
74 Traumatismes du rachis sain

Le type II est une fracture bipédiculaire associée à évaluée selon les critères de White et Panjabi en
une atteinte discale responsable d'un déplacement termes de translation et d'angulation. L'atteinte
du corps vertébral en flexion, en extension ou en des ligaments est attestée en présence d'un bâille-
translation (fig. 4.19). ment discal antérieur pour le LLA ou postérieur
Le type III est une fracture bipédiculaire avec pour le LLP. Il propose une classification en quatre
atteinte discale et interapophysaire postérieure stades avec des mécanismes différents pour chacun
(fig. 4.20). Le corps vertébral présente tou- d'entre eux.
jours un déplacement en flexion. La luxation Le type I fait suite à un traumatisme unique en
postérieure peut être complète ou incomplète. hyperextension et compression axiale. Il comprend
Pour Effendi, le mouvement d'hyperflexion toutes les fractures peu ou non déplacées (fig. 4.18).
responsable de la luxation ne peut précéder L'angulation est normale et la translation antérieure
l'hyperextension. ne dépasse jamais 3 mm. La lésion est stable. Les
clichés dynamiques réalisés en l'absence de troubles
Classification de Levine neurologiques ne révèlent pas de ­ déplacement
Levine [20], instruit de la classification d'Effendi anormal.
et enrichi de son expérience personnelle, introduit Le type II fait suite à un traumatisme en balancier
dans le bilan l'état des ligaments longitudinaux avec hyperextension en compression axiale initiant
antérieur (LLA) et postérieur (LLP) dans leur la fracture suivie d'une flexion–compression engen-
fonction de frein au déplacement à la manière des drant le déplacement (fig. 4.19). Les lésions discoli-
ligaments croisés du genou. L'atteinte discale est gamentaires s'étendent de l'arrière vers l'avant. Les

Fig. 4.18 Fracture des pédicules de C2 : fracture de type I sans lésion discale.
a, b, c. Siège classique des traits de fracture en regard de l'apophyse articulaire supérieure de C3.
d. Intégrité des parties molles prévertébrales.
e. Les reformations para-axiales faites dans le plan de l'arc neural montrent une topographie symétrique des solutions de continuité.
Chapitre 4. Traumatisme de la charnière cervico-occipitale 75

Fig. 4.19 Fracture des pédicules de C2 : fracture de type II avec atteinte discale.
La radiographie initiale (a) montre un bâillement discal postérieur et la présence de clarté aérique dans les parties molles prévertébrales
en rapport avec une rupture des voies aériennes supérieures. Apparition d'un déplacement secondaire à la 3e semaine malgré la mise
en route d'un traitement orthopédique (b).

apophysaire postérieure C2–C3 (fig. 4.20). Les


valeurs moyennes de translation et d'angulation
sont respectivement de 10 mm et 15°. N'ayant
jamais observé de bâillement discal antérieur dans ce
type, Levine récuse la composante d'hyperextension
introduite par Effendi et considère cette lésion
comme résultant d'un traumatisme unique en
hyperflexion–compression.

Diagnostic radiologique
Le diagnostic est généralement facile à établir
sur une radiographie de profil. Les solutions de
continuité siègent généralement en regard de la
pointe de l'apophyse articulaire supérieure de
C3. Une topographie plus antérieure dans le
corps vertébral interrompt la partie postérieure
Fig. 4.20 Fracture des pédicules de C2 : fracture de type III
de l'anneau de Harris (fig. 4.21). Le scanner
avec luxation interapophysaire C2–C3.
Notez le volumineux hématome des parties molles préverté- localise parfaitement le siège des fractures sur
brales et la fracture concomitante de l'arc postérieur de l'atlas. l'arc neural, leur caractère symétrique ou asymé-
trique. Les lésions associées sont fréquentes.
Elles concernent l'atlas pour les lésions de type I,
valeurs moyennes de translation et d'angulation
le rachis cervical sous-jacent pour les types II et
sont respectivement de 5 mm et 11°. Le LLP est
III. Une dislocation rotatoire C1–C2 complique
rompu ou distendu. Le LLA, le complexe ligamen-
volontiers les fractures asymétriques (fig. 4.22).
taire postérieur et les capsules articulaires restent
L'IRM remplace utilement les radiographies en
intactes.
flexion–extension pour le bilan des lésions disco-
Le type IIa est une variante du groupe II avec un ligamentaires (fig. 4.23).
second temps non pas en flexion–compression mais
en hyperflexion–traction. Il se caractérise par une Fracture du corps
angulation antérieure supérieure à 20° et une absence Les fractures du corps de l'axis représentent environ
de translation. Les lésions discoligamentaires sont 10 % des fractures de la jonction craniocervicale
plus sévères et contre-indiquent la traction. [21]. Le trait de fracture siège soit dans le plan fron-
Le type III est à nouveau un traumatisme unique. Il tal soit dans le plan sagittal (fig. 4.24). Il conditionne
associe lésion discoligamentaire et luxation inter­ l'aspect radiologique [22, 23]. L'épidémiologie de
76 Traumatismes du rachis sain

Fig. 4.21 Fracture des pédicules de C2 : fracture de type I associée à une fracture de Jefferson.
Trait de fracture pédiculaire de topographie très antérieure dans le corps vertébral (b). Sur la radiographie de profil (a), il détache la partie
postérieure de l'anneau de Harris (tête de flèche). L'hématome des parties molles prévertébrales (✽) est en rapport avec la fracture de
Jefferson : deux traits sur l'arc antérieur (c) et un trait sur l'arc postérieur (flèche) immédiatement en arrière de la masse latérale (a).

notre pratique, il s'agissait le plus souvent de trauma-


tismes craniocervicaux sévère ou grave justifiant
d'emblée une exploration scanographique.

Fracture isolée d'une masse latérale


Cette lésion est exceptionnelle. Dans les deux cas
que nous avons rencontrés les patients signalaient
un traumatisme en torsion. Un des cas s'accompa-
gnait d'une luxation rotatoire. Les radiographies
initiales étaient normales dans les deux cas. Le dia-
gnostic de fracture était posé sur l'exploration
­scanographie (fig. 4.25).

Tear drop fracture


Elle correspond à une avulsion du rostre de l'axis
Fig. 4.22 Fracture des pédicules de C2 : fracture asymétrique [24]. Le trait de fracture passe par le vestige du
associée à un déplacement rotatoire. noyau d'ossification secondaire, une zone de
Bonne visualisation du trait de fracture à droite. Le trait de frac- moindre résistance particulièrement sensible aux
ture controlatéral – non représenté ici – siégeait sur les coupes
traumatismes en hyperextension. Le fragment déta-
sous-jacentes en arrière du massif articulaire.
ché de forme grossièrement triangulaire (fig. 4.26)
rappelle la tear drop fracture du rachis cervical
ces lésions est mal connue. Dans la littérature, on ne moyen et inférieur. Le segment mobile rachidien est
retrouve que des courtes séries ou des cas cliniques dans ce cas respecté. La lésion est stable et guérit
n'autorisant pas de considérations générales. Dans sans séquelle.
Chapitre 4. Traumatisme de la charnière cervico-occipitale 77

Fig. 4.23 Fracture des pédicules de C2 : fracture de type II.


Topographie symétrique des traits de fracture (a). L'IRM en séquence pondérée T2 et le schéma (c) correspondant démontre parfaite-
ment la rupture discale C2–C3 et l'interruption du ligament longitudinal postérieur. Notez également l'hypersignal dans les parties
molles prévertébrales témoignant du mécanisme en hyperextension (b).

Fig. 4.24 Fracture du corps de C2.


Trait de fracture à direction sagittal oblique sur les reformations scanographiques axiale (a), coronale (b) et sagittale (c). Présence d'un
trait de refend sur l'arc postérieur (a).

Fig. 4.25 Fracture d'une masse latérale de C2.


Fracture non déplacée de la partie antérieure de masse latérale gauche en vues axiales (a, b) et coronale (c). Les radiographies stan-
dard de face et de profil étaient normales.
78 Traumatismes du rachis sain

correspond à une variété antérieure, le type II à une


variété verticale, le type III à une variété postérieure.
Les types I et II sont de loin les plus fréquents. Le
déplacement dans le type III est limité par la pré-
sence du palais osseux. Les luxations latérales et/ou
rotatoires sont anecdotiques.
Le diagnostic radiologique des luxations craniocer-
vicales reste, faute de pouvoir mettre en place avec
certitude les repères (voir chapitre 1), difficile à éta-
blir sur des radiographies non strictement de profil.
Elles ont pour dénominateur commun un épaissis-
sement des parties molles prévertébrales par saigne-
ment des plexus veineux ou par fuite du liquide
cérébrospinal. Dans les lésions à grand déplacement,
l'intersection de la ligne de Chamberlain et du plan
basilaire de Wackenheim permet instantanément de
reconnaître une position anormale de l'apophyse
odontoïde. Les lignes croisées de Lee ne sont pas
assez fiables. Un rapport de Powers supérieur à 1 est
en faveur d'une luxation de type 1. Finalement,
seule la méthode de Harris permet de reconnaître,
sur un profil strict, les différents types de luxations
[28]. Selon le cas, on notera une distance basion–
pointe de l'apophyse supérieure à 12 mm (type 2),
Fig. 4.26 Fracture en tear drop de C2.
Fracture du rostre de C2 (flèche). Les lésions associées, fracture une distance basion–ligne du mur postérieur de C2
de Ramon-Soler de C1 (tête de flèche) et fracture bipédiculaire inférieure à − 4 mm (type 3) ou supérieure à +12
de C6 (flèche ouverte), témoignent d'un traumatisme en mm (type 1).
hyperextension.
Le diagnostic scanographique est généralement
évident si l'on prend soin d'inclure systématique-
Luxations et entorses ment le rachis cervical en complément de l'explo-
ration intracrânienne. Les critères précédents
Luxation condylo-atloïdienne restent évidemment valables. Les reformations
parasagittales passant par les condyles et les vues
La luxation condylo-atloïdienne ou craniocervicale en imagerie 3D démontrent parfaitement les rap-
traumatique est une lésion à haute vélocité, généra- ports anormaux. Sur les reformations coronales,
lement fatale en cas de lésion associée du tronc céré- on tiendra pour patho­ logique une distance
bral. En dépit de ce mauvais pronostic, on dénombre condylo-atloïdienne supérieure à 2 mm chez
actuellement plus d'une centaine de survivants [25, l'adulte et 5 mm chez le petit enfant. Cette explo-
26]. Parmi les rescapés, Przybylski [25] notait que ration révèle parfois des lésions associées de type :
18 % avaient un examen clinique normal, 10 % une fracture d'un condyle occipital type II ou type III ;
atteinte isolée des nerfs crâniens, 34 % un déficit fracture horizontale de l'arc antérieur de C1
moteur unilatéral, 38 % une quadriparésie ou une (fig. 4.27). En cas de doute (épaississement inex-
tétraplégie. Seulement trois patients sur quatre pliqué des parties molles prévertébrales, hémorra-
nécessitant une réanimation présentaient dans les gie sous-arachnoïdienne diffuse autour du foramen
suites des troubles cognitifs légers. C'est dire le magnum), une exploration IRM à la recherche de
regain d'intérêt pour cette lésion éminemment ins- ruptures ligamentaires (ligament atlanto-occipital
table, accessible au diagnostic et à un traitement antérieur, ligament alaire, ligament cruciforme,
efficace s'il est instauré en urgence. La classification ligament apical de la dent, membrana tectoria,
de Traynelis rend compte du déplacement de la dure-mère, ligaments sous-occipitaux) est
boîte crânienne dans le plan sagittal [27]. Le type I indiquée.
Chapitre 4. Traumatisme de la charnière cervico-occipitale 79

Fig. 4.27 Luxation crânio-cervicale verticale, type II de Traynelis.


Scanner en coupe coronale (a), sagittale médiane (b), parasagittales droite (c) et gauche (d). IRM en pondération T2 avec suppression
de la graisse (e). Le scanner montre bien l'augmentation de la distance basion-dent (segment de droite) et la luxation condylo-atloï-
dienne à gauche (astérisque). A droite on note une fracture type II d'Anderson et Montesano du condyle occipital (flèche discontinue).
L'IRM démontre une rupture complète de l'appareil ligamentaire, de la membrana techtoria et une importante suffusion périrachidienne
de sang et de liquide cérébrospinal. Notez la lésion associée de l'atlas à type de fracture horizontale de l'arc antérieur ou fracture de
Ramon-Soler (flèche blanche).

ture de la masse latérale (IIa) ou uniquement par


Luxation odonto-atloïdienne avulsion de son tubercule d'insertion (IIb) (fig. 4.28).
Elle est secondaire à une rupture du ligament trans- Le diagnostic radiologique n'est pas toujours acces-
verse et expose le névraxe au risque de compression. sible en urgence. L'incidence de profil montre dans
Le mécanisme de la rupture n'est pas univoque. Elle le meilleur des cas un diastasis odonto-atloïdien.
peut survenir dans les suites d'un mouvement d'hy- Une distance supérieure à 3 mm chez l'adulte ou à
perflexion, de rotation ou au décours d'une fracture 5 mm chez l'enfant est pathologique et doit faire
de l'atlas par compression. Le risque de compres- pratiquer un scanner ou une IRM. Une radiogra-
sion médullaire est proportionnel à l'importance du phie normale ne permet pas d'exclure le diagnostic
déplacement postérieur de la dent. Le canal cervical car le diastasis est réductible en position neutre et en
étant relativement large à ce niveau (voir la règle des extension. Seul un cliché en flexion serait alors en
trois tiers au chapitre 1), le risque est soit immédiat mesure de le mettre en évidence (fig. 4.29).
auquel cas le patient décède généralement sur les Le scanner met parfaitement en évidence les rup-
lieux de l'accident, soit retardé et lié à la distension tures de type II lors du bilan des fractures de l'at-
progressive des autres structures ligamentaires. las. Les ruptures de type I sont plus rares. Le
Dickman propose une classification en deux types scanner est généralement normal. L'IRM montre
[12]. Le type I correspond à rupture strictement liga- dans ce cas une discontinuité ou une anomalie de
mentaire, centrale du tiers moyen (Ia) ou périphé- signal du ligament transverse. Les coupes fines en
rique en regard de son insertion (Ib). Le type II écho de gradient semblent les plus appropriées au
correspond à une désinsertion ligamentaire par frac- diagnostic [29].
80 Traumatismes du rachis sain

Fig. 4.28 Classification de Dickman.


Rupture du ligament transverse.
a, b. Les types I correspondent à une rupture ligamentaire pure, au tiers moyen (a) ou sur son insertion périostée (b).
c, d. Les types II correspondent à une désinsertion du ligament au décours d'une fracture de la masse latérale (c) ou par simple avul-
sion du tubercule d'insertion (d).
Source : Dosch JC et al. Imagerie de la charnière cervico-occipitale : pathologies traumatiques, rhumatismales, infectieuses et tumo-
rales. Encycl. Méd. Chir. (2011 Elsevier-Masson, Paris). 31-673-B-21.

Fig. 4.29 Rupture du ligament transverse.


Radiographies et coupes tomographiques respectives en extension (a, b) et en flexion (c, d). Le diastasis odonto-atloïdien apparaît en
flexion (d), disparaît en extension (b).
Chapitre 4. Traumatisme de la charnière cervico-occipitale 81

Luxation atloïdo-axoïdienne coronale est de l'ordre de 1,7 mm. Toute valeur


supérieure à 2,6 mm doit faire rechercher en IRM
Les luxations atloïdo-axoïdiennes pures sont excep- une rupture des capsules, à défaut, des signes
tionnelles chez l'adulte. Les luxations rotatoires d'épanchement intra-articulaire [31]. Ces luxations
sont l'apanage du jeune enfant. Nous les reverrons verticales accompagnent volontiers les fractures de
au chapitre 8. Celles que nous avons pu observer type III de l'apophyse odontoïde (fig. 4.31). Parmi
accompagnaient soit une fracture de la masse laté- celles-ci, Roy-Camille range la fracture en chapeau
rale de l'atlas (fig. 4.30) [30], soit une fracture asy- de gendarme londonien (the English policeman's hat
métrique des pédicules de C2 (voir fig. 4.22). Les fracture ; voir fig. 4.15). La base du chapeau corres-
luxations verticales C1–C2 sont encore plus excep- pond en fait aux parties attenantes des masses laté-
tionnelles. La distance moyenne séparant les masses rales droite et gauche rendues visibles de profil à la
latérales de C1 et C2 sur une coupe scanographique faveur d'un déplacement rotatoire.

Fig. 4.30 Luxation rotatoire C2–C3.


a, b. Les radiographies standard de face (a) et de profil (b) sont sans particularités.
c, d, e. Le scanner révèle une fracture associée de la masse latérale gauche de l'axis.

Fig. 4.31 Luxation verticale C2–C3.


Fracture basse de l'apophyse odontoïde (b) irradiant sur la masse latérale droite (a). Le diastasis articulaire C2–C3 (✽) est manifeste de
face (a) et de profil (c) en comparaison de l'interligne de C0–C1.
82 Traumatismes du rachis sain

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Chapitre 5
Traumatisme du rachis cervical
moyen et inférieur
J.-C. Dosch

Épidémiologie ou la Sciworet (spinal cord injury without radio­


logical evidence of trauma). Elle est hautement
L'épidémiologie des lésions traumatiques cervi- recommandée en cas d'indication chirurgicale.
cales varie selon le pays d'origine, le mode de vie
des habitants, le recrutement des patients, la spé- De la particularité des lésions
cialisation des centres d'accueil, les méthodologies
utilisées. Deux études européennes récentes per-
du rachis cervical
mettent néanmoins de dégager certains points
communs [1, 2]. La fréquence des atteintes cervi- La courbure en cyphose et la présence des verrous
cales est estimée entre 11 et 13 %. Elles surviennent antirotatoires (voir fig. 1.23) créent des condi-
principalement après une chute ou un accident de tions biomécaniques aux conséquences multiples.
la circulation. Elles siègent dans plus de 80 % des Elles diversifient le spectre des lésions vertébrales.
cas entre C5 et C7 et sont souvent associées à des Elles autorisent une plus grande variété de dépla-
troubles neuro­ logiques. Suite aux progrès de cements intervertébraux, voire des déplacements
l'imagerie en coupe, les modalités de prise en stéréotypés de type rotatoire regroupant sous
charge n'ont cessé d'évoluer. Le scanner multidé- forme d'un syndrome radiologique unique des
tecteur est devenu le gold standard pour le dia- lésions aussi différentes que la luxation unilatérale
gnostic des lésions osseuses. En comparaison, la et les différentes sortes de fractures articulaires
sensibilité des radiographies standard varie entre [6]. Elles expliquent la prédilection de certaines
52 et 61 % [3, 4] et quand celles-ci montrent une lésions pour un niveau vertébral donné, prédilec-
fracture cliniquement non significative, on estime tion que nous avons pu constater à propos de plus
qu'il existe dans 30 % des cas une seconde localisa- de 258 cas de fractures traitées au centre de trau-
tion [5]. Conscients de ces données, nous avons matologie de Strasbourg [7, 8]. Enfin, elles
mené une étude prospective en vue de limiter au motivent l'utilisation de nouvelles classifications
maximum le nombre de faux négatifs en cas de des fractures, différentes de celles du rachis thora-
traumatismes mineurs satisfaisant aux critères colombaire [9, 10].
NEXUS ou C-CSR. Cette étude démontre que les Pour décrire ces lésions nous utiliserons la classifica-
patients de plus de 55 ans ne supportant pas la sta- tion d'Argenson [11] et prendrons pour référence, à
tion debout ne tirent aucun bénéfice des radio­ l'instar de celui-ci, un sous-groupe homogène de
graphies standard et justifient une exploration 136 patients indemnes de toute pathologie antérieure,
scanographique d'emblée. L'IRM a ses indications traités chirurgicalement dans nos services. La simili-
propres. Elle est indispensable en cas de lésion tude des données épidémiologiques et statistiques
médullaire à radiographie et/ou à scanner normal entre ces deux séries est tout à fait frappante. L'âge
ayant pour acronymes la Sciwora (spinal cord moyen des patients était de 34 ans avec une sex-ratio
injury without objective radiological abnormality) de deux hommes pour une femme. L'étiologie
Traumatologie du rachis
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84 Traumatismes du rachis sain

a b c
Fig. 5.1 Tassement cunéiforme de C6.
a. La radiographie de profil (a) montre une perte de hauteur du mur antérieur.
b, c. Intégrité du mur postérieur (b) et des ligaments jaunes (c).

comportait un accident de la circulation (AVP), une Fracture comminutive


chute, un accident de sport, un plongeon dans respec- ou burst fracture
tivement 58, 25, 10 et 9 % des cas.
Le mécanisme est une compression axiale. Le tasse-
Lésions par compression ment affecte tout le corps vertébral. Le mur posté-
rieur est lésé. L'irruption d'un fragment osseux
Tassement cunéiforme dans le canal vertébral peut entraîner une compres-
sion médullaire : le risque de tétraplégie est d'au-
Le mécanisme est une compression en légère tant plus grand que le fragment est volumineux
flexion. Le tassement ne concerne que la partie (fig. 5.2). Les rares cas que nous avons rencontrés
antérieure du corps vertébral. Le mur postérieur, siégeaient, exclusivement en C7. Le scanner montre
l'arc neural et le complexe ligamentaire postérieur parfaitement l'éclatement du corps vertébral. Dans
restent intègres (fig. 5.1). Cette lésion, présente de rares cas, il révèle une fracture uni-articulaire
dans 7 % des cas, affecte neuf fois sur dix un homme postérieure ou une luxation unilatérale évoquant
et siège en C6 ou C7 dans 80 % des cas. un mécanisme associé en rotation.
Chapitre 5. Traumatisme du rachis cervical moyen et inférieur 85

a b
Fig. 5.2 Burst fracture de C7.
Éclatement antéropostérieur du plateau supérieur de C7 (a) et compression médullaire par un fragment osseux intracanalaire (b).

Tear drop fracture reste rattaché au disque sous-jacent par l'intermé-


diaire des fibres de Sharpey. Le déplacement est
La tear drop fracture représente 20 % des lésions du généralement minime, la plupart du temps il reste
rachis cervical moyen et inférieur. Les vertèbres C5 plus ou moins dans le prolongement du mur anté-
et C6 sont concernées dans respectivement 50 et 25 % rieur de la vertèbre sous-jacente ;
des cas. C'est, après les luxations, la seconde cause • un recul en bloc du corps vertébral dans le canal
de compression médullaire traumatique. Elle est rachidien responsable de la compression des cor-
présente dans environ 80 % des cas. Le syndrome dons antérieurs de la moelle. Ce recul majore
cordonal antérieur domine le tableau clinique. Il l'impression de déplacement du fragment tri­
associe une perte variable de la motricité et de la angulaire. Il crée également un diastasis horizon-
sensibilité thermo-algique, alors que la sensibilité tal ou un bâillement à divergence postérieure de
proprioceptive est conservée. C'est d'ailleurs dans l'interligne interapophysaire avec la vertèbre
ce contexte que Schneider et Kahn ont identifié sous-jacente ;
cette variété particulière de fractures caractérisée par • un trait de refend sagittal transcorporéal
une fracture du coin antéro-inférieur du corps verté- témoignant de la compression axiale. Le scan-
bral [12]. Le mécanisme est celui d'une compres- ner met parfaitement en évidence cette fracture–­
sion axiale en hyperflexion, l'exemple le plus typique séparation. Sur les coupes axiales passant par le
étant celui du plongeon en eau peu profonde. Cette plateau vertébral inférieur, on retrouve l'image
lésion affecte essentiellement l'adulte de la tren- patho­ gnomonique d'une fracture en T à trois
taine. Le sex-ratio de 9 hommes pour 1 femme est fragments : le fragment triangulaire en avant et les
le plus élevé de la série et reflète vraisemblablement deux hémivertèbres droite et gauche (fig. 5.3).
une plus grande prise de risque du sexe masculin. Cette fracture sagittale ne touche jamais la hau-
Dans sa forme typique avec compression médullaire teur du mur postérieur, contrairement au burst
(tétraplégie), la tear drop fracture présente les élé- fracture où elle est toujours diminuée ;
ments suivants : • une atteinte de l'arc postérieur sous forme de
• une avulsion triangulaire ou en forme de goutte – fracture verticale siégeant classiquement à la jonc-
d'où la dénomination de tear drop – du coin tion lame–processus articulaire. La présence de
antéro-inférieur du corps vertébral. Le fragment ces fractures est directement corrélée à l'impor-
détaché est plus ou moins volumineux et peut à tance de l'éclatement transversal. Dans cette
l'extrême emporter la totalité du mur antérieur. Il atteinte de l'arc postérieur, les piliers postérieurs
86 Traumatismes du rachis sain

c'est-à-dire les processus articulaires, sont tou- • le stade 2 avec fracture sagittale complète sans
jours intacts ; déplacement postérieur ;
• une atteinte discoligamentaire. En cas de tétra­ • le stade 3 reprenant le stade 2 avec un déplace-
plégie, elle concerne tout le segment mobile ment postérieur modéré et une cyphose inférieure
rachidien. À ce stade, l'IRM n'est pas indispen- à 20° ;
sable. Au contraire, elle peut s'avérer délétère • le stade 4, le plus abouti, avec déplacement
pour la moelle si sa mise en œuvre retarde la postérieur important et cyphose supérieure à
décompression médullaire et la fixation chirurgi- 20° englobant toutes les lésions que nous avons
cale. En l'absence de troubles neurologiques ou décrites précédemment. À ce stade, on retrouve
en cas de troubles mineurs, elle permet un bilan souvent sur le corps vertébral, en plus du frag-
exhaustif des lésions comprenant selon le cas une ment triangulaire et de la fracture sagittale, un
déchirure discale ou des ruptures du ligament lon- discret tassement cunéiforme antérieur.
gitudinal postérieur, des ligaments jaunes et/ou La tear drop fracture est comme nous venons de le
interépineux, des capsules articulaires (fig. 5.4) ; voir une lésion particulièrement grave. Le scanner
• une atteinte médullaire dont la nature – contu- suffit généralement au diagnostic. L'IRM est sur-
sion, hématome ou section – va conditionner le tout indiquée dans les formes sans troubles neuro­
pronostic. logiques. Le diagnostic différentiel comprend la
Fuentes distingue quatre stades selon l'importance burst fracture et la fracture–avulsion par hyper­
des lésions associées au fragment triangulaire [13] à extension. La première est une fracture comminu-
savoir : tive caractérisée par un tassement global affectant
• le stade 1 avec une fracture sagittale incomplète systématiquement la hauteur du mur postérieur. La
ou occulte ; seconde est décrite ci-dessous.

2 3

a c
Fig. 5.3 Tear drop fracture de C5 (stade 3).
a. La radiographie de profil (a) montre le fragment triangulaire dans l'alignement du mur vertébral sous-jacent, et le recul en bloc du mur
postérieur dans le canal rachidien.
b, c. Les coupes scanographiques axiales passant par le plateau supérieur (b) et le fragment triangulaire (c) révèlent un trait de fracture
sagittal. Aspect typique de la fracture en T avec trois fragments (c). Notez également les fractures de l'arc postérieur suite à l'éclate-
ment transversal de la vertèbre.
Chapitre 5. Traumatisme du rachis cervical moyen et inférieur 87

a b c d
Fig. 5.4 Tear drop fracture de C5 avec contusion médullaire.
a. Image en goutte bien visible sur la radiographie de profil.
b, c, d. Les coupes IRM sagittales en pondération T1 (b) et T2 (c, d) démontrent en regard du corps vertébral une contusion médullaire,
une rupture du ligament jaune (*) et une déchirure discale. Notez l'incongruence interapophysaire liée au recul du corps vertébral
(flèches blanches).

Lésions par traction en flexion Lésions en hyperflexion


ou en extension Les lésions du segment mobile rachidien s'étendent
de l'arrière vers l'avant.
Au chapitre 2, nous avons vu que ces lésions s'arti-
culent autour d'un pivot ou axe de rotation avec des
Entorse bénigne
forces de compression et de traction se répartissant
de part et d'autre de celui-ci selon le mouvement Comme son nom l'indique, il s'agit d'une lésion
concerné. Les lésions intéressent essentiellement le bénigne à type d'étirement ou d'élongation sans
segment mobile rachidien. En fonction de la vio- substratum anatomique. Les rachialgies siègent de
lence du traumatisme, on aura des entorses (bénigne manière diffuse sur la ligne médiane postérieure.
ou grave) ou des luxations. Les premières ont pour Elles cèdent rapidement sous antalgiques voire
pivot de rotation le centre de mobilité vertébrale, spontanément en quelques jours. Les clichés dyna-
c'est-à-dire l'axe passant par la partie postérieure du miques faits à distance en cas de persistance des
corps vertébral. Les secondes ont un pivot plus douleurs restent toujours normaux. Le scanner et
antérieur (fig. 5.5). l'IRM sont inutiles.

a b
Fig. 5.5 Lésions par traction–flexion.
a. Dans les entorses, bénignes ou graves, le pivot ou axe de rotation coïncide avec le centre de mobilité vertébrale.
b. Dans les luxations de type accroché (vertèbre bleue) ou pointe–pointe (vertèbre rouge), le pivot apparaît déporté vers l'avant.
88 Traumatismes du rachis sain

Entorse grave postérieure • une angulation intervertébrale supérieure à 11° ;


• un spondylolisthésis supérieur ou égal à 4 mm au-
Elle se définit par une rupture du complexe ligamen-
dessus de C4, 2 mm en dessous de C4.
taire postérieur pouvant s'étendre jusqu'au ligament
longitudinal postérieur. La douleur est généralement Ces signes sont à rechercher sur les radiographies de
élective, centrée sur un espace interépineux. C'est contrôle après sédation des douleurs et/ou des
une lésion instable qui, par rupture successive ou contractures ou sur les clichés dynamiques (fig. 5.6 ;
élongation progressive de l'appareil ligamentaire, va voir chapitre 2). En cas de doute, une confirmation
inexorablement évoluer vers la luxation. Le traite- ou une infirmation par IRM s'impose. Le scanner
ment est chirurgical. L'entorse grave représente 23 % n'a pas de grand intérêt dans ce cas. Au titre du dia-
des lésions du rachis cervical. Les étages C5–C6 et gnostic différentiel, la constatation d'un spondy­
C6–C7 représentent à parts égales 80 % des réparti- lolisthésis de faible importance doit faire envisager,
tions. Contrairement à d'autres séries, on note une chez le sujet jeune, un spondylolisthésis rotatoire
prépondérance de femmes jeunes autour de 25 ans. (voir plus bas) et, chez la personne âgée, un spondy-
Le diagnostic est souvent retardé en raison des lolisthésis dégénératif (voir chapitre 10).
contractures musculaires pouvant masquer le déplace­
Luxation bilatérale
ment initial. Dans certains cas, l'attention peut être
attirée par des discrètes lésions osseuses telles qu'un Dans notre série, elle affecte la classe d'âge la plus
minime tassement cunéiforme, une petite avulsion du élevée, touchant préférentiellement les femmes dont
listel ou d'un ostéophyte antérosupérieur, un discret la moyenne d'âge est de 57 ans. Avec 82 % de com-
arrachement du bord supérieur d'une lame, une frac- plications neurologiques dont 52 % de tétraplégies,
ture horizontale d'un processus épineux. Le diagnos- elle constitue la lésion la plus neuro-agressive. Sur le
tic repose sur la constatation d'au moins trois critères plan topographie, elle siège presque exclusivement
sur quatre établis par White ou Louis à savoir : entre C6 et T1. Les localisations hautes sont plus
• un écart interépineux ou plus exactement inter­ rares. On les observe plus volontiers chez le sujet
lamaire anormal ; jeune, sportif à la musculature développée pour pro-
• une subluxation interapophysaire postérieure avec téger le rachis cervical inférieur (fig. 5.7) ou chez les
découverte de plus de 50 % des surfaces articulaires ; personnes âgées au-dessus d'un bloc arthrosique

a b
Fig. 5.6 Entorse grave C5–C6 en flexion.
a. La radiographie de profil pratiquée en urgence montre un discret bâillement interépineux en C5–C6.
b. Le cliché en flexion réalisé au 8e jour confirme le diagnostic d'entorse grave : subluxation articulaire supérieure à 50 %, angulation
intervertébrale de plus de 11° avec discret glissement antérieur.
Chapitre 5. Traumatisme du rachis cervical moyen et inférieur 89

a b c
Fig. 5.7 Luxation C4–C5, sur rachis arthrosique.
Accident de rugby chez un jeune sportif de 17 ans.
a. La coupe scanographique sagittale médiane révèle des avulsions du listel vertébral postéro-inférieur de C4 et antérosupérieur de C5.
b, c. L'IRM démontre l'atteinte du segment mobile rachidien : déchirure discale, rupture des ligaments jaunes et suffusion hématique
dans l'espace interépineux.

(fig. 5.8). Les mécanismes les plus souvent en cause vent des lésions osseuses associées : fracture–avulsion
sont les AVP et les chutes. Le diagnostic ne pose pas du listel antérosupérieur de la vertèbre sous-jacente,
de problème. La perte complète des rapports articu- fractures des pointes des apophyses articulaires, lami-
laires peut être de type accroché (over the top) ou per- nectomie traumatique avec effet salvateur sur le cor-
ché (on the top), ce dernier ayant un moindre taux de don médullaire. L'IRM n'est pas indispensable voire
complications neurologiques et s'apparentant davan- contre-indiquée si sa mise en œuvre retarde la
tage aux entorses graves. Les luxations bilatérales décompression médullaire et la fixation chirurgicale.
sont comme les tear drop fractures des urgences Le pronostic des atteintes médullaires dépend du
chirurgicales. Le scanner fait en urgence montre sou- type de lésions (œdème, hémorragie, section).
90 Traumatismes du rachis sain

a b c

d e f i
Fig. 5.8 Luxation C4–C5.
Le bilan scanographique en coupes sagittales (a, b, c) et en reformation 3D transparente (d, e, f) montre une luxation accrochée du
côté droit et pointe–pointe du côté gauche. Les coupes axiales en fenêtre partie molle révèlent une disparition du V ligamentaire (h) par
comparaison à l'étage sus-jacent (g). Notez également sur la coupe axiale en fenêtre osseux passant par le disque, l'aspect typique
en deux demi-lunes inversées (half moon back to back facet) de la luxation accrochée à droite et les pertes de rapport entre le mur
postérieur et les processus semi-lunaires de la vertèbre sous-jacente (i).

Lésions en hyperextension Toutefois sur un canal cervical étroit constitution-


nel, un léger excès de mouvement peut, sans altérer
Le traumatisme en extension est de loin le plus fré- les structures discoligamentaires, avoir des consé-
quent au rachis cervical [14–16]. Les lésions du seg- quences dramatiques sur la moelle épinière
ment mobile rachidien s'étendent de l'avant vers (fig. 5.9). La situation est toute différente chez la
l'arrière. Ces lésions ont pour dénominateur com- personne âgée quand la rupture du ligament longi-
mun un épaississement des parties molles préverté- tudinal antérieur associée à une dégénérescence dis-
brales facilement identifiable sur une radiographie cale préalable (fig. 5.10) suffit pour déstabiliser le
de profil et correspondant en IRM à un œdème ou rachis et comprimer la moelle épinière [17].
un hématome.
Tear drop fracture en extension
Entorse antérieure
Le ligament longitudinal antérieur rompu emporte
Dans la majorité des cas, le traumatisme en hyper­ un fragment de corps vertébral. Ce fragment res-
extension ne porte pas à conséquence. Chez le sujet semble point par point aux tear drop fractures en
jeune, il faudrait déjà un traumatisme particulière- flexion quant à sa forme triangulaire et sa topogra-
ment violent pour rompre successivement le liga- phie antéro-inférieure (fig. 5.11). Le diagnostic dif-
ment longitudinal antérieur, le disque, le ligament férentiel repose sur les modifications des parties
longitudinal postérieur et déstabiliser le rachis. molles prévertébrales et surtout sur l'absence de
Chapitre 5. Traumatisme du rachis cervical moyen et inférieur 91

a b c

d e f
Fig. 5.9 Entorse antérieure sur canal congénital étroit.
Contusion médullaire sur canal cervical étroit de type 1 par hypoplasie et transversalisation des lames (a, b, c) et de type 2 par raccour-
cissement et transversalisation des pédicules (d, e, f). Les IRM ne révèlent aucune atteinte discoligamentaire. Les modifications des
parties molles prévertébrales (d, e, f) témoignent d'un mécanisme en hyperextension.

trait de refend sagittal sur le corps vertébral. Le conducteur à l'arrêt heurté de plein fouet à l'arrière
complexe ligamentaire postérieur reste générale- par un autre véhicule. La Québec Task Force décrit
ment intact. Les clichés dynamiques montrent dans quatre stades cliniques :
ce cas une tendance au déplacement postérieur sur • stade 1 : cervicalgie isolée ;
le cliché en extension, tandis que les rapports restent • stade 2 : cervicalgie avec limitation des mo­uvements ;
normaux sur le cliché en flexion (fig. 5.12). La • stade 3 : cervicalgie avec troubles neurologiques ;
lésion est moyennement instable et dans la majorité • stade 4 : cervicalgie avec lésion radiologique à
des cas ne nécessite pas, contrairement aux tear drop type de fracture ou de luxation.
fractures et aux entorses graves en flexion, de fixa- Dans chaque stade, on peut retrouver des signes
tion chirurgicale. extrarachidiens à type de vertige, scotome, acou-
phène, nausée, céphalée, perte de mémoire, dyspha-
Whiplash injury
gie, etc. Les études expérimentales en cinématique
Le whiplash injury, ou coup du lapin, ne fait que montrent que le rachis cervical subit successivement
traduire un traumatisme par accélération du type une hyperextension du rachis cervical inférieur, une
92 Traumatismes du rachis sain

a b c d
Fig. 5.10 Entorse antérieure grave C4–C5 sur rachis arthrosique.
Les coupes sagittales comparatives du scanner (a, c) et de l'IRM en pondération STIR (b, d) montrent parfaitement la rupture discale
et l'atteinte interapophysaire postérieure. L'IRM confirme la rupture du ligament longitudinal antérieur.

a b c

d e f
Fig. 5.11 Tear drop fracture en extension de C3 sur hyperostose vertébrale.
Avulsion d'un fragment corporéal triangulaire associée à un épaississement des parties molles prévertébrales. L'avulsion est difficile-
ment identifiable sur la radiographie de profil (a) et sur l'IRM (d, e). Elle est évidente sur le scanner (b, c, f). Absence de refend sagittal
sur le corps vertébral (c, f). L'IRM révèle en outre un hypersignal du corps vertébral de C6 (e) en rapport avec une contusion osseuse.
Chapitre 5. Traumatisme du rachis cervical moyen et inférieur 93

a b c
Fig. 5.12 Tear drop fracture en extension de C3.
Discrète avulsion triangulaire du listel antéro-inférieur de C3. La lésion est stable en flexion (a) et en position indifférente (b). Minime
déplacement postérieur sur le cliché en extension (c).

hyperflexion de la charnière cervico-occipitale et, en l'alignement des anneaux pédiculaires sur l'inci-
fin de course, une hyperextension globale [18]. Si dence oblique controlatérale (fig. 5.14). Ce syn-
l'on excepte le stade 4, l'imagerie n'est malheureuse­ drome est en fait la traduction radiologique d'un
ment d'aucune utilité en dépit des recherches cli- spondylolisthésis rotatoire traumatique, quels que
niques qui visent à démontrer une atteinte soient les lésions ou les mécanismes incriminés :
ligamentaire, une atteinte des capsules postérieures l'instabilité pouvant être aiguë ou chronique d'ori-
ou une modification du centre instantané de rota- gine discoligamentaire, osseuse ou mixte.
tion [19, 20]. La consultation est souvent motivée par des névral-
gies cervicobrachiales d'apparition retardée. Dans
ce contexte, on ne peut qu'insister sur l'intérêt des
Lésions en rotation incidences obliques à la recherche d'un diastasis
uncovertébral unilatéral. Le diagnostic étiologique
Les traumatismes qui n'affectent qu'un seul des repose sur l'exploration scanographique et plus spé-
piliers de l'arc postérieur libèrent l'effet antirota- cifiquement sur les reformations de profil
toire du verrou cervical et créent par déviation des (fig. 5.15). L'IRM est recommandée pour appré-
contraintes mécaniques (fig. 5.13), un déplacement cier l'état du segment mobile rachidien en particu-
stéréotypé que nous avons publié et intitulé « le syn- lier en cas de lésions étagées (fig. 5.16). En effet,
drome de l'antélisthésis cervical latéralisé » [6]. Sa dans ces lésions à faible déplacement, une hernie
description repose sur les modifications propres à discale peut être tout à fait asymptomatique et ne
chacune des quatre incidences du rachis cervical et comprimer la moelle que secondairement lors des
comporte respectivement : une déviation du proces- manœuvres de réduction. Les lésions en rotation
sus épineux du côté de la lésion sur le cliché de face, que nous allons décrire sont particulièrement fré-
un antélisthésis modéré ou inférieur au quart de la quentes puisqu'elles totalisent presque à elles seules
largeur du plateau vertébral sur le cliché de profil, la moitié des lésions du rachis cervical moyen et
un bâillement uncovertébral pathognomonique sur inférieur avec un sexe ratio de deux à trois hommes
l'incidence oblique homolatérale, un décalage dans pour une femme.
94 Traumatismes du rachis sain

a b c

Fig. 5.13 Mécanisme du spondylolisthésis


cervical rotatoire.
L'atteinte isolée d'un des piliers de l'arc posté-
rieur (en rose sur les schémas) entraîne une
déviation des contraintes vers le dedans dans
le plan coronal (a), vers l'avant dans le plan
sagittal (b) et supprime l'effet de rétention du
massif articulaire dans le plan axial (c). Il en
résulte un déplacement de type rotatoire, à la
manière d'une porte battante centrée sur le
d massif sain controlatéral (d).

a b

c d
Fig. 5.14 Syndrome radiologique du spondylolisthésis cervical rotatoire.
Exemple d'un déplacement rotatoire dans le sens horaire (e). Le syndrome radiologique complet comprend un signe positif par inci-
dence, à savoir : un bâillement uncovertébral sur l'incidence oblique homolatérale (a), un décalage dans l'alignement des anneaux
pédiculaires sur l'incidence oblique controlatérale (b), une déviation du processus épineux du côté de la lésion sur le cliché de face (c),
un antélisthésis modéré sur le cliché de profil (d).
Chapitre 5. Traumatisme du rachis cervical moyen et inférieur 95

a c e

b d f
Fig. 5.15 Étiologie du spondylolisthésis cervical rotatoire.
a, b. Luxation unilatérale.
c, d. Fracture du massif articulaire.
e, f. Fracture–séparation du massif articulaire ou FSMA.

a b c

d e
Fig. 5.16 Lésions étagées.
a, b, c. Fractures étagées des processus articulaires gauches de C5 (a), C6 (b) et C7 (c).
d. Discret spondylolisthésis rotatoire en C6–C7.
e. Hernie discale sous-ligamentaire rétrocorporéale C6–C7.
96 Traumatismes du rachis sain

Luxation unilatérale et peuvent être de type accroché (on the top) ou per-
ché (over the top) (fig. 5.17). Ces luxations peuvent
Les luxations unilatérales représentent 4 % des provoquer un écrêtement de la pointe d'une apo-
lésions cervicales et 18 % des lésions en rotation. physe articulaire. Les luxations over the top se carac-
Elles succèdent à un mécanisme appuyé de type térisent par une sténose foraminale, une radiculalgie
flexion–rotation progressive, à la manière d'une clé présente dans 70 % des cas, un antélisthésis toujours
de bras. Comme les luxations bilatérales, elles prédo- supérieur à 4 mm, une possible avulsion du listel ver-
minent au rachis cervical inférieur (90 % en C6–C7) tébral antérosupérieur de la vertèbre sous-jacente.

a b c d

e f
Fig. 5.17 Luxation unilatérale droite C5–C6.
Les radiographies standard et les vues équivalentes en imagerie 3D de face (a, b) et de profil (c, d) montrent parfaitement la déviation
des apophyses épineuses et le désalignement des processus articulaires (flèches blanches). Les coupes scanographiques axiale (e) et
parasagittale droite (f) démontrent la luxation unilatérale de type accroché ou over the top.

Fracture du processus articulaire culalgie est présente dans 70 % des cas. Le listhésis
est rarement supérieur à 3 mm. Le scanner révèle
Les fractures du processus articulaire représentent plusieurs possibilités quant au siège et à l'orienta-
20 % des lésions cervicales et 52 % des lésions en tion de la solution de continuité.
rotation. Le mécanisme est une flexion–rotation
controlatérale à haute vélocité. En effet, 73 % de ces
Fracture apophysaire
fractures surviennent dans un contexte d'accident
de la voie publique avec choc frontal. Elles sont fré- Elles sont fréquentes au rachis cervical inférieur.
quemment associées à un traumatisme crânien, une La fracture de l'apophyse articulaire supérieure
fracture de la charnière cervico-occipitale. Une radi- mérite une mention spéciale. Elle peut dans son
Chapitre 5. Traumatisme du rachis cervical moyen et inférieur 97

déplacement combler le foramen intervertébral et Fracture isthmique ou


comprimer ou léser directement la racine ner- spondylolyse traumatique
veuse. C'est dire l'intérêt d'un dépistage précoce
Le trait de fracture siège dans un plan axial oblique de
dans les jours suivant le traumatisme ou pour le
haut en bas et d'arrière en avant. Il respecte les sur-
moins avant l'apparition vers le 15e jour d'un cal
faces articulaires et sépare le massif en deux fragments
osseux vouant à l'échec toute tentative de réduc-
de taille sensiblement identique. Dans ce cas de figure,
tion orthopédique (fig. 5.18). La fracture de
l'atteinte discale concerne deux fois sur trois le disque
l'apophyse articulaire inférieure ou horizontal
sous-jacent. Ces fractures isthmiques ont une réparti-
facet fracture a été décrite par Forsyth comme une
tion plus uniforme entre C3 et C7 ce qui laisse suppo-
lésion par hyperextension [21]. Pour des raisons
ser un mécanisme différent, de type cisaillement.
opposées, elle est nettement moins neuro-agres-
sive que la précédente (fig. 5.19). L'examen cli-
Fracture sagittale du massif
nique est, sauf cervicalgies, souvent normal. La
fracture peut rester méconnue si le patient ne pré- C'est la variété la plus rare. Le trait de fracture épargne
sente pas les critères de sélection pour bénéficier la paroi du canal rachidien et le trou de conjugaison. Il
d'une investigation radiologique. n'est visible que sur les reformations axiale et cor­onale.

Fig. 5.18 Fracture méconnue d'une apophyse articulaire supérieure.


a, b, c, d. Le bilan radiographique pratiqué en urgence révèle un spondylolisthésis rotatoire C6–C7. Notez sur les incidences obliques
les modifications alternes des espaces uncovertébraux (flèches blanches) par rapport à la ligne des anneaux pédiculaires
controlatéraux.
e, f. Le scanner réalisé à la 3e semaine devant l'apparition de troubles radiculaires montre sur deux coupes axiales successives un cal
osseux en voie de formation (flèches rouges) et un enthésiophyte témoin de l'instabilité rotatoire (flèches jaunes).
98 Traumatismes du rachis sain

a b c d
Fig. 5.19 Fracture d'une apophyse articulaire inférieure de C4.
a, b. La radiographie de profil (a) montre une esquille osseuse en projection de la lame (flèche) en rapport avec une fracture (b).
c, d. L'imagerie 3D précise la taille du fragment et la subluxation.

La taille du fragment osseux dépend de la topographie postérieur concerne la lame homolatérale (fig. 5.15e).
latérale, centrale ou médiale de la solution de conti- Isolé au sein de la vertèbre, le massif bascule vers
nuité (fig. 5.20). Le déplacement rotatoire est d'au- l'avant d'où cet aspect carré caractéristique de face
tant plus marqué que la fracture est médiale. décrit par Judet et Roy-Camille (fig. 5.21) [23]. Cette
lésion prédomine nettement en C5. La lésion discale
concerne huit fois sur dix le disque sous-jacent.
Fracture–séparation du massif Fuentes propose une classification anatomopatholo-
articulaire ou FSMA gique de cette fracture en quatre types :
• le type 1 est une lésion avec intégrité discale par
Ces fractures représentent 10 % des lésions cervicales prépondérance de la compression axiale sur un
et 30 % des lésions en rotation. Le mécanisme en cause rachis en position neutre ;
diffère des lésions précédentes. Il associe en intensité • le type 2 comporte une lésion discale et une rupture
variable la rotation, l'extension et la compression axiale du ligament longitudinal antérieur, sans déplacement
[22]. La FSMA est en réalité une fracture bifocale libé- initial, par prépondérance de l'hyperextension ;
rant en bloc le processus articulaire de ses attaches • le type 3 est un type 2 avec un spondylolisthésis
osseuses. Le trait antérieur passe par le pédicule, le trait de plus de 3 mm ;

a b
Fig. 5.20 Fractures sagittales du massif articulaire : deux patients différents.
a. Coupe scanographique axiale avec trait de fracture très médial.
b. Coupe axiale IRM en pondération STIR avec trait de fracture passant par le tiers moyen.
Chapitre 5. Traumatisme du rachis cervical moyen et inférieur 99

• le type 4 se caractérise par une double atteinte dis- tèbre sus-jacente. Le massif luxé peut dans ce cas
cale avec possibilité de luxation. reprendre une orientation verticale (fig. 5.22).
Cette classification rejoint peu ou prou celle que nous
avons proposée en fonction de l'aspect radiologique :
• le stade 1 est une lésion osseuse pure sans traduc-
tion radiologique. Le massif reste en place. Il Lésions osseuses mineures
s'agit le plus souvent d'une découverte fortuite au
scanner. La lésion est stable ; Elles concernent les fractures isolées des processus
• le stade 2 est une FSMA avec rupture des capsules épineux (fig. 5.23). L'exemple le plus classique est
articulaires autorisant uniquement la bascule du la clay shoveler's fracture ou fracture de fatigue du
massif. La radiographie de face montre le massif processus épineux de C7 [24]. Le trait de fracture
carré de face ; est à direction verticale, de topographie relative-
• le stade 3 est une FSMA avec atteinte discoliga- ment distale. Elles ne doivent pas être confondues
mentaire reproduisant le déplacement rotatoire avec les fractures spinolamaires où la solution de
stéréotypé décrit précédemment ; continuité de type horizontal doit faire craindre une
• le stade 4 correspond au stade ultime avec énu- lésion du processus articulaire ou du complexe liga-
cléation du massif articulaire en arrière de la ver- mentaire postérieur [25].

a b
Fig. 5.21 FSMA stade 4 de Fuentes.
Aspect caractéristique de massif carré de face (a) traduisant une bascule antérieure en bloc du massif. Celle-ci est bien mise en évi-
dence sur l'incidence oblique (b). Bâillement uncovertébral étagé traduisant une double atteinte discale.

a b
Fig. 5.22 FSMA stade 4 selon classification personnelle.
Luxation en bloc du processus articulaire (*) en dehors (a : flèches) et en arrière (b : flèches). Notez le trait de fracture pédiculaire sur
l'incidence oblique.
100 Traumatismes du rachis sain

a b c
Fig. 5.23 Fractures des processus épineux de C6 et de C7.
Les fractures sont de topographie distale (a). Elles épargnent les ligaments jaunes sur la coupe sagittale (b) et sur les coupes axiales
passant par C6–C7 (c) et C7–T1 (d).

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Chapitre 6
Traumatisme du rachis
thoracolombaire-sacré
J.-C. Dosch

Épidémiologie vertébral sert de transmetteur de force. Il reste


intact et détermine la nature des lésions osseuses.
Les fractures du rachis n'apparaissent qu'au 21e rang
Tassement cunéiforme antérieur
des fractures de l'adulte [1]. Elles surviennent géné-
ralement dans un contexte d'accident de la voie La compression n'affecte que la partie antérieure du
publique ou de chute d'un lieu élevé. Les trauma- corps vertébral (fig. 6.1). Elle est liée à un mouve-
tismes sportifs sont l'apanage du sujet jeune, les ment brusque de flexion autour du centre de mobi-
chutes à domicile celui du sujet âgé. L'âge moyen lité de la vertèbre. Cette coïncidence entre l'axe de
de ces patients est de 43 ans. La sex-ratio est globale­ rotation et l'axe physiologique de flexion–extension
ment de deux hommes pour une femme. Après préserve le complexe ligamentaire postérieur et l'arc
55 ans, on note une recrudescence féminine liée à neural de toute lésion.
l'ostéoporose. Si 80 % de ces fractures concernent le Le diagnostic repose sur la radiographie de profil. La
rachis thoracique et lombaire [2–4], elles ne repré- diminution de hauteur du mur antérieur peut être en
sentent qu'environ 20 % des traumatismes médul- rapport avec une lésion du plateau vertébral supérieur,
laires [5]. La plupart de ces fractures siègent entre une plicature du cortex antérieur ou plus rarement
T10 et L3. Les lésions les plus sévères peuvent une lésion du plateau inférieur. Le mur postérieur est
grave­ment compromettre le pronostic fonctionnel
et parfois vital. Le diagnostic topographique et
lésionnel repose essentiellement sur la radiographie
et le scanner. L'IRM est de plus en plus indiquée
dans le bilan du complexe ligamentaire postérieur.

Description radiologique
Les lésions que nous décrivons sont présentées en
fonction de leur mécanisme et par ordre de gravité
croissante.
A M P
Lésions en compression
Les traumatismes en compression ne visent que les Fig. 6.1 Tassement cunéiforme.
Schéma de la répartition des forces. Les forces de compression
corps vertébraux soit la colonne antérieure de Louis
axiale (flèches descendantes) s'appliquent uniquement sur la
ou les colonnes antérieure et moyenne de Denis. Le colonne antérieure de Denis (A). Colonne moyenne (M). Colonne
disque plus résistant à la compression que le corps postérieure (P).

Traumatologie du rachis
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104 Traumatismes du rachis sain

Fig. 6.2 Tassement cunéiforme T12.


a. Aspect radiographique initial.
b, c, d. Coupes scanographiques axiales passant par le plateau supérieur (b), les pédicules (c) et le plateau inférieur (d).
e, f, g. Coupes scanographiques coronales passant par le corps vertébral (e), les pédicules (f) et l'arc postérieur (g).
h, i, j. Coupes scanographiques parasagittale droite (h), sagittale médiane (i) et parasagittale gauche (j). Le tassement ne concerne que
la partie antérieure du corps vertébral. Le mur postérieur et l'arc postérieur sont intacts.

constamment intact. La cyphose osseuse déterminée à Le tassement cunéiforme antérieur est une lésion
partir de l'angle formé par les plateaux vertébraux ne bénigne, au pronostic favorable sous traitement
peut dépasser 15 à 20°, des valeurs supérieures n'étant fonctionnel.
plus compatibles avec une intégrité ligamentaire pos-
térieure. La radiographie de face reste normale sauf si
Fracture–séparation en diabolo
le tassement s'accompagne d'une composante latérale
en inflexion. On vérifiera de principe l'absence d'écart Les forces de compression axiale sont concentrées
interépineux en faveur d'une lésion par traction. Le sur le nucléus pulposus (fig. 6.4). Elles vont, à la
scanner confirmera l'intégrité du mur postérieur, de manière d'un coup de hache, fendre le corps verté-
l'arc postérieur, des ligaments jaunes sus- et sous- bral de haut en bas. L'orientation du trait de frac-
jacents (fig. 6.2 et 6.3). L'IRM n'est pas indiquée ture suit le mouvement du coup de hache. Elle est
pour le diagnostic positif. Elle confirme l'intégrité du sagittale si le coup est porté dans le plan médiolaté-
segment mobile rachidien. ral. Elle est coronale si le mouvement est porté de
Chapitre 6. Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 105

Fig. 6.3 Tassement cunéiforme T12.


Bilan scanographique. Intégrité du mur postérieur sur la coupe sagittale médiane (a) et la coupe axiale passant par le plateau vertébral
(c). Les coupes axiales en fenêtre parties molles passant par le segment mobile sus- (b) et sous-jacents (d) confirment l'intégrité des
ligaments jaunes (images en V) et de la graisse environnante.

l'arrière vers l'avant, situation de loin la plus


­fréquente (fig. 6.5). Dans ce cas, la radiographie de
face est normale. La radiographie de profil montre
le trait de fracture s'étendant du plateau supérieur
au plateau inférieur et séparant la vertèbre en une
partie antérieure et une partie postérieure. Le dépla-
cement dans le plan sagittal peut concerner une
seule ou les deux parties vertébrales à la fois et avoir
trois types de conséquences :
• une sténose canalaire en rapport avec le déplace-
ment en bloc de l'hémivertèbre postérieure facile-
ment identifiable sur la radiographie de profil ;
A M P • une incarcération du disque dans le foyer de frac-
ture si la séparation est importante. Le diagnostic
Fig. 6.4 Fracture en diabolo : schéma de la répartition des de certitude repose sur l'IRM (fig. 6.6) ;
forces. • un dysfonctionnement interapophysaire postérieur
Les forces de compression axiale (flèches descendantes) s'ap-
avec la vertèbre sous-jacente attestée par un diasta-
pliquent sur une faible surface d'appui autour du nucléus pulpo-
sus sur la colonne antérieure de Denis (A). Colonne moyenne sis antéropostérieur sur les coupes scanographiques
(M). Colonne postérieure (P). passant par les interlignes articulaires (fig. 6.7).
106 Traumatismes du rachis sain

Fig. 6.5 Fracture en diabolo de L3.


Fracture–séparation passant par le tiers moyen du corps vertébral. Aspects radiographique (a) et scanographique (b, c, d). Pas d'écart
interfragmentaire (c). Intégrité du complexe ligamentaire postérieur (d). Notez également la fracture du plateau vertébral supérieur de
L5.

Fig. 6.6 Fracture en diabolo de L1.


IRM coupes sagittales T1 (a) et T2 (b). Incarcération du disque T12–L1 dans le foyer de fracture responsable d'une pseudarthrose.
Chapitre 6. Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 107

Fig. 6.7 Fracture en diabolo : scanner en coupe axiale (a) et parasagittale (b).
Dysfonctionnement articulaire postérieur attesté par un diastasis interapophysaire (flèche noire).

Fracture comminutive ou burst fracture


Les forces de compression axiale agissent sur une sur-
face d'appui nettement plus grande que précédem-
ment. Leur vecteur n'est plus le nucléus pulposus
mais l'annulus fibreux reposant sur le plateau verté-
bral. L'atteinte concerne donc toute la colonne anté-
rieure de Louis ou les colonnes antérieure et moyenne
de Denis (fig. 6.8). La dénomination de burst ou
bursting fracture proposée par Holdsworth est liée à
l'éclatement centrifuge concomitant au tasse­ ment
corporéal. Faute de composante en traction et/ou en
rotation, l'arc neural et les ligaments restent intacts. A M P
Les radiographies de face et de profil sont patho­
logiques (fig. 6.9). Sur l'incidence de face, on note une Fig. 6.8 Burst fracture.
Schéma de la répartition des forces. Les forces de compression
réduction de hauteur des murs latéraux, plus ou moins
axiale (flèches descendantes) s'appliquent sur les colonnes
associée à une augmentation de la distance interpédicu- antérieure (A) et moyenne (M) de Denis. Elles transitent par l'an-
laire. Sur l'incidence de profil, on constate une réduc- nulus fibrosus. Colonne postérieure (P).
tion de hauteur des murs antérieur et postérieur.
108 Traumatismes du rachis sain

Fig. 6.9 Burst fracture de L2.


Aspect radiographique de face (a) et de profil (b). Le tassement vertébral est global. Il s'accompagne d'une augmentation de la dis-
tance interpédiculaire (double flèche). Présence d'un fragment de mur postérieur dans le foramen vertébral (*). Les distances interépi-
neuses sont harmonieuses.

Le scanner montre mieux que les radiographies l'at- morragie intradiscale, de hernie intra-osseuse, de
teinte du mur postérieur, la présence d'un fragment fissuration annulaire [6,7]. Le pronostic de ces
osseux dans le canal rachidien, le pourcentage de lésions discales reste à définir. Pour certains auteurs,
sténose canalaire (fig. 6.10). L'arc postérieur reste le pincement discal constaté sur les radiographies de
intact. Toutefois, et pour une augmentation fla- contrôle en cours ou en fin de traitement serait plus
grante de la distance interpédiculaire, il peut mettre lié à l'affaissement du plateau vertébral qu'à une
en évidence une fracture verticale plus ou moins dégénérescence précoce post-traumatique. En ce
déplacée sur la lame ou à la jonction spinolamaire. sens, leur présence ne constituerait donc pas un
L'IRM démontre que le tassement vertébral est argument pour une arthrodèse vertébrale immé-
souvent accompagné d'un hématome épidural anté- diate [8]. Une brèche durale est possible en pré-
rieur. Sur les vertèbres contiguës ou à distance, elle sence d'une bascule du coin postérosupérieur du
peut mettre en évidence des lésions occultes sous mur postérieur, d'une sténose canalaire supérieure à
forme de fractures trabéculaires (bone bruise edema). 50 %, ou si les écarts interpédiculaire et interlamaire
Elle confirme l'intégrité de la composante ligamen- sont respectivement supérieurs à 28 et 2 mm [9].
taire du segment mobile rachidien. Dans de rares Le traitement des burst fractures dépend de la cli-
cas, elle signale des anomalies discales à type d'hé- nique. Les troubles neurologiques sont des urgences
Chapitre 6. Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 109

Fig. 6.10 Burst fracture de L1.


Bilan scanographique.
a, b, c. Coupes axiales passant par le plateau supérieur (a), les pédicules (b) et le plateau inférieur (c).
d, e, f. Coupes coronales passant par le corps vertébral (d), les pédicules (e) et l'arc postérieur (f).
g, h, i. Coupes parasagittale droite (g), sagittale médiane (h) et parasagittale gauche (i).
Le tassement affecte les plateaux supérieur (a) et inférieur (c). Atteinte et léger recul du mur postérieur (b, h). Augmentation de la dis-
tance interpédiculaire (e). Présence d'une fracture verticale sur la lame à droite (b, f). Intégrité des processus articulaires (g, i).

chirurgicales. Ils sont en rapport avec la sténose de l'intégrité des ligaments longitudinaux). Les
canalaire. À l'étage thoracique, leur sévérité est fragments osseux restés solidaires du disque vont
directement proportionnelle au degré de sténose. réintégrer leur position d'origine et diminuer la sté-
En l'absence de trouble neurologique, la réduction nose canalaire de plus d'un tiers. Des remodelages,
des déformations peut être obtenue par ligamento- avec restitution ad integrum des mensurations cana-
taxis sur cadre de Böhler (manœuvres de traction laires, sont possibles sous l'effet des battements du
dans l'axe ou en légère lordose autorisées en raison liquide cérébrospinal (fig. 6.11).
110 Traumatismes du rachis sain

Fig. 6.11 Remodelage du mur postérieur d'une burst fracture.


a, b. Bilan scanographique initial montrant un fragment intracanalaire sur les coupes axiale (a) et sagittale (b).
c, d. Un contrôle à distance après traitement orthopédique démontre une restitution ad integrum du mur postérieur et des mensura-
tions canalaires.

Lésions par traction en flexion une luxation, avec pour signes cliniques d'appel des
lomboradiculalgies. Dans les rares observations que
Les lésions osseuses et/ou ligamentaires affectent nous avons pu colliger, le spondylolisthésis surve-
en premier lieu la colonne postérieure de Denis et nait dans un intervalle de 1 à 12 mois. À ce stade, on
gagnent progressivement de l'arrière vers l'avant la met souvent en évidence un syndesmophyte ou une
colonne moyenne puis antérieure. Ces lésions sont rétraction du ligament longitudinal antérieur entra-
par nature instables. Dans un contexte d'accident de vant toute possibilité de réduction manuelle
la voie publique, elles sont souvent associées à des (fig. 6.12). Le traitement de l'entorse grave lom-
lésions viscérales soit par décélération, soit par com- baire ne peut être que chirurgical. À notre connais-
pression appuyée. sance, il n'existe pas de cas publié au rachis
thoracique.
Entorse grave lombaire
Elle est nettement plus rare que l'entorse grave cer- Luxation intervertébrale
vicale. Elle a pour support anatomopathologique Le diagnostic repose sur la perte complète des rap-
une déchirure partielle par élongation du complexe ports articulaires postérieurs. Les lésions du corps
ligamentaire postérieur. Les radiographies initiales vertébral sont variables. Il est normal ou présente une
sont presque toujours normales. Certains signes lésion par avulsion du listel ou du plateau vertébral de
méritent cependant une attention particulière. De la vertèbre sous-jacente si la distraction est pure
profil, il faut l'évoquer en présence d'une fracture (fig. 6.13). Il présente un tassement cunéiforme en
oblique d'un processus épineux, d'une avulsion du cas de compression associée. Ces lésions se com-
listel vertébral antérosupérieur, d'un tassement portent comme des pièges si la luxation est spontané-
cunéiforme supérieure à 30°. De face, il faut y pen- ment ou partiellement réduite. C'est dire l'importance
ser systématiquement devant une augmentation de du scanner et surtout de l'IRM dans le bilan de ces
la distance interépineuse lombaire de plus de 7 mm lésions (fig. 6.14). Les arguments en faveur d'une
par rapport aux étages adjacents [10]. L'évolution lésion du complexe ligamentaire postérieur sont : de
naturelle de l'entorse grave conduit, par distension profil, un tassement cunéiforme de plus de 50 % avec
ligamentaire progressive, à une subluxation voire mur postérieur intact, un agrandissement de l'aire de
Chapitre 6. Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 111

Fig. 6.12 Entorse grave L5–S1.


a. La radiographie initiale de profil montre a posteriori une fracture isolée du processus épineux de L4. Pas de traitement spécifique
chez cette patiente présentant par ailleurs une rupture d'un ligament croisé du genou. Apparition progressive en 2 mois de lomboscia-
talgie motivant un bilan de réévaluation.
b. La radiographie de profil révèle un spondylolisthésis et un syndesmophyte (flèches blanches).
c, d. Le scanner confirme le syndesmophyte. Luxation interapophysaire L5–S1 associée à des ossifications hétérotopiques post-trau-
matiques (d) contre-indiquant une réduction orthopédique.

Fig. 6.13 Luxation T12–L1.


a. La radiographie de profil montre une perte complète des rapports articulaires et une avulsion du plateau vertébral supérieur de L1.
b. Schéma des forces en présence : par traction (flèches ascendantes) sur la colonne postérieure de Denis (P), en translation antérieure
(flèches horizontales) sur la colonne antérieure (A). Colonne moyenne (M).
112 Traumatismes du rachis sain

A M P
d

Fig. 6.14 Luxation T11–T12.


a, b. Aspects radiographiques de face (a) et de profil (b).
c. IRM avec coupe sagittale médiane en pondération T2.
d. Schéma des forces en présence.
Le tassement cunéiforme traduit la présence de force en compression sur la colonne antérieure (A) de Denis (flèches verticales des-
cendantes). La luxation est secondaire aux forces en traction sur la colonne postérieure (P ; flèches verticales ascendantes). L'écart
interépineux de face (a) donne un aspect de corps vertébral vide. Notez en parallèle l'augmentation des espaces intercostaux (doubles
flèches) et du foramen intervertébral (✽). La luxation est confirmée en IRM par la rupture des ligaments jaunes (flèche simple). Colonne
moyenne (M).

projection du foramen intervertébral, un diastasis vertébrale est, contrairement à l'entorse grave, une
interapophysaire ; de face, un écart interépineux lésion immédiatement instable. Son traitement est
excédant 7 mm par rapport aux étages adjacents, et chirurgical.
à l'étage thoracique une augmentation de l'espace
intercostal. En IRM, on retiendra en plus un œdème
Fracture de Chance
interépineux en pondération STIR, une rupture
capsulaire, ligamentaire (ligaments jaune, inter- et C'est une lésion purement osseuse. La vertèbre est cou-
surépineux) ou du fascia thoracolombaire. On pée en deux horizontalement, à la manière d'un coup
notera toutefois que la sensibilité et la spécificité de de faux. La solution de continuité débute sur le bord
ces signes IRM varient selon les structures anato- libre du processus épineux, s'étend progressivement
miques [11]. C'est pourquoi il convient de rester d'arrière en avant à travers les lames, les isthmes et les
prudent si l'IRM est normale, alors que les circons- pédicules avant d'atteindre le corps vertébral (fig. 6.15).
tances de l'accident et l'examen clinique plaident Il s'agit d'une lésion instable car la vertèbre peut s'ou-
pour un mécanisme en traction. La luxation inter- vrir comme un livre autour du mur antérieur.
Chapitre 6. Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 113

(fig. 6.18). La composante postérieure est située


plus ou moins haut sur le processus épineux. La par-
tie antérieure s'épuise communément dans le corps
vertébral. Les coupes axiales nettement moins infor-
matives montrent dans le meilleur des cas un aspect
évanescent des pédicules. Le complexe ligamentaire
postérieur reste normal. L'IRM, en l'absence de
troubles neurologiques, n'est pas indiquée.
La fracture de Chance guérit sans séquelle sous
traite­ment orthopédique de type corset plâtré en
hyperlordose maintenant le contact osseux entre les
deux hémivertèbres.

Pseudo-fractures de Chance ou lap-type


Fig. 6.15 Fracture de Chance. seat-belt fracture
Schéma de la répartition des forces. Les forces de traction
(flèches ascendantes) s'appliquent sur la colonne postérieure (P) Elles représentent entre 5 et 15 % des fractures
et moyenne (M) de Denis. Sur la colonne antérieure (A) on rachidiennes, siègent huit fois sur dix à la charnière
peut retrouver des forces de compression axiale (flèches thoracolombaire et présentent dans plus de 40 % des
descendantes). cas des lésions viscérales pouvant compromettre le
pronostic vital [12]. On doit à Böhler et Heuritsch
L'aspect radiographique varie selon l'importance de les premières descriptions et illustrations [13].
l'ouverture. En l'absence d'ouverture voire en cas Smith [14] puis Gertbein [15] ont parfaitement
de fermeture liée au décubitus dorsal, la fracture identifié le rôle néfaste des ceintures de sécurité à
peut passer inaperçue. On recherchera alors attenti- baudrier purement abdominal à l'origine de ces
vement, sur la radiographie de face, une scission lésions. Sur le plan anatomopathologique, elles
horizontale des pédicules ou signe de la cupule associent, à un degré variable, les lésions osseuses de
(fig. 6.16). Si l'ouverture est importante, le dia- la fracture de Chance et celles des parties molles dis-
gnostic ne pose pas de problème. Le signe de la coligamentaires de la luxation, les lésions par trac-
cupule est évident. Le corps vertébral peut paraître tion de l'arc postérieur et celles par compression du
vide de toute superposition de face (fig. 8.15a). De corps vertébral (fig. 6.19).
profil, il présente souvent un tassement cunéiforme. Ces fractures sont souvent prises à tort sur la radio-
Mais l'anomalie la plus significative est l'augmenta- graphie de profil pour des burst fractures, d'où l'im-
tion de hauteur du mur postérieur qu'aucune autre portance d'identifier sur l'incidence de face le signe
lésion traumatique ne pourrait imiter (fig. 6.17). de la cupule. Ce signe est pathognomonique d'une
Le scanner précise, sur les coupes sagittales et coro- lésion par traction et ceci quel que soit son siège
nales, l'étendue du trait horizontal de fracture (équatoriale ou polaire), son aspect (complet ou par-
114 Traumatismes du rachis sain

Fig. 6.16 Fracture de Chance de T7.


a. La radiographie de profil ne montre qu'un tassement cunéiforme.
b. Scission horizontale des deux pédicules (flèches) sur la radiographie de face. Notez également le fuseau des parties molles
paravertébrales.
c. Représentation schématique du signe de la cupule.

a b
Fig. 6.17 Fracture de Chance de L1.
a. Augmentation caractéristique de la hauteur du mur postérieur (flèches).
b. Schéma correspondant montrant l'ouverture de la vertèbre autour d'un pivot centré sur la colonne antérieure de Denis.
Chapitre 6. Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 115

Fig. 6.18 Fracture de Chance (même patient qu'à la figure 6.16).


Bilan scanographique.
a, b, c. Coupes axiales passant par le plateau supérieur (a), les pédicules (b) et le plateau inférieur (c).
d, e, f. Coupes coronales passant par le corps vertébral (d), les pédicules (e)et l'arc postérieur (f).
g, h, i. Coupes parasagittale droite (g), sagittale médiane (h) et parasagittale gauche (i).
Bonne délimitation du trait de fracture horizontal à travers les lames, les isthmes et les pédicules à droite comme à gauche. Les lésions
par compression ne concernent que le plateau vertébral supérieur. Notez l'aspect évanescent des pédicules sur la coupe axiale (b).

tiel), sa topographie uni- ou bilatérale. En pratique,


le bilan des lésions rachidiennes est fait sur l'explora-
tion scanographique thoraco-abdominale motivée
par le contexte de traumatisme à haute énergie
(fig. 6.20). Les lésions de l'arc postérieur sont
presque toujours mixtes. Une origine osseuse peut
avoir une extension ligamentaire et vice versa. Le tra-
jet peut être transosseux (fracture horizontale) d'un
côté et transligamentaire (luxation unilatérale) du
côté opposé. Les lésions du corps vertébral
dépendent de la position du point d'application des
forces par rapport aux colonnes de Denis : tassement
Fig. 6.19 Seat-belt fracture : représentation schématique des cunéiforme simple si le point d'appui est sur la
différentes variétés de solutions de continuité. colonne antérieure ; tassement avec cyphose verté-
1. luxation. 2. pseudo-fracture de Chance irradiant sur le plateau
brale de plus de 30° et augmentation de hauteur du
vertébral supérieur. 3. seat-belt fracture à deux niveaux. 4.
Fracture de Chance. 5. pseudo-fracture de Chance irradiant sur mur postérieur si le point d'appui siège à la jonction
le plateau vertébral inférieur. 6. Fracture trans-isthmique. colonne antérieure–colonne moyenne ; burst ­fracture
116 Traumatismes du rachis sain

Fig. 6.20 Seat-belt fracture de T5.


Bilan scanographique.
a, b, c. Coupes axiales passant par le plateau supérieur (a), les pédicules (b) et le plateau inférieur (c).
d, e, f. Coupes coronales passant par le corps vertébral (d), les pédicules (e) et l'arc postérieur (f).
g, h, i. Coupes parasagittale droite (g), sagittale médiane (h) et parasagittale gauche (i).
Fracture comminutive du corps vertébral de type burst. La solution de continuité horizontale épargne les pédicules.

si le point d'appui siège sur ou en arrière de la lésions des parties molles. Elle sous-estime les
colonne moyenne (fig. 6.21). Cette fracture commi- lésions osseuses de l'arc postérieur. Les anomalies
nutive a pour particularité de ne pas être accompa- pédiculaires sont plus discrètes. En pondération T2
gnée d'une fracture verticale sur la lame. ou STIR, elles varient entre un hypersignal homo-
Les pseudo-fractures de Chance sont des lésions gène de type œdémateux et une combinaison de
hautement instables. L'IRM ne modifie que rare- deux zones d'hypersignal entourant un hyposignal
ment les indications chirurgicales. Elle magnifie les de nature hématique ou image du sandwich [16].
Chapitre 6. Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 117

Fig. 6.21 Seat-belt fracture : représentation schématique des différentes variétés de lésions du corps vertébral selon la position
du point d'appui.
a. Tassement cunéiforme si le point d'appui est en avant ou sur la colonne antérieure de Denis.
b. Cyphose de plus de 30° si le point d'appui siège entre les colonnes antérieure et moyenne.
c. Fracture comminutive de type burst si le point d'appui siège en arrière de la colonne moyenne.

Lésions par traction en extension


Les lésions osseuses et/ou ligamentaires débutent
sur la colonne antérieure de Denis et gagnent pro-
gressivement de l'avant vers l'arrière les colonnes
moyenne puis postérieure. Ces lésions sont nette-
ment moins instables que les précédentes.

Tear drop fracture


Comme au rachis cervical elle se caractérise par un
arrachement triangulaire du coin antéro-inférieur
du corps vertébral. Le fragment reste dans la conti-
nuité du mur vertébral sous-jacent. Par contre, la
vertèbre peut reculer en bloc. Les cas que nous
avons pu rencontrer affectaient le sommet de la lor-
dose lombaire autour de L3 (fig. 6.22).

Luxation inversée
Elle est l'apanage des fractures sur rachis enraidi soit
Fig. 6.22 Tear drop fracture par extension de L3.
par une hyperostose vertébrale engainante, soit par Le fragment triangulaire antéro-inférieur reste dans le prolonge-
une spondylarthropathie. Dans le premier cas, la ment du mur antérieur de la vertèbre sous-jacente.
lésion traumatique sera osseuse c'est-à-dire trans­
corporéale, dans le second elle sera plutôt transdiscale. Lésions par cisaillement
Le diagnostic en urgence n'est pas toujours facile à
établir vu le handicap de ces patients et la difficulté à Il s'agit de lésions à très haute énergie, mettant sou-
obtenir des bilans radiographiques satisfaisants. Le vent en jeu le pronostic vital par les lésions associées
diagnostic est souvent retardé et posé au stade de au crâne, au thorax et/ou à l'abdomen. À l'étage
pseudarthrose. À ce stade, le risque de complications thoracique, elles sont souvent associées à une fracture
neurologiques est élevé. Le scanner et surtout l'IRM du sternum. Elles affectent systématiquement les
aggravent la confusion, car les images simulent tantôt trois colonnes de Denis avec un grand pourcentage
une infection tantôt une tumeur. Nous reviendrons de lésions neurologiques (fig. 6.23). Elles obéissent à
largement sur ces lésions au chapitre 10. un mécanisme de rotation combiné à un mécanisme
118 Traumatismes du rachis sain

de compression ou de traction (fig. 6.24). Les


déplace­ments sont permanents et prédominent selon
le cas dans le plan frontal (translation latérale pouvant
affecter une ou plusieurs vertèbres), dans le plan
sagittal (antéro- ou rétrolisthésis) ou dans le plan
axial transverse (rotation horaire ou anti-horaire)
(fig. 6.25). Sur le plan anatomopathologique, nous
retrouverons avec une répartition en miroir les lésions
en compression et en distraction décrites précédem-
ment, associées à des lésions en rotation de type :
fracture des processus articulaires, fracture des pro-
cessus transversaires, diastasis interapophysaire
médiolatéral, déplacement rotatoire (fig. 6.26). Les
A M P atteintes du complexe ligamentaire postérieur sont
constantes. Les lésions des enveloppes méningées ne
Fig. 6.23 Fracture par cisaillement : schéma de la répartition sont pas exceptionnelles allant jusqu'à se fistuliser
des forces. dans la cavité pleurale. La présence de lésions médul-
Les forces de traction (flèches ascendantes) et de rotation (flèches
obliques) s'appliquent sur la colonne postérieure (P). Les forces de laires justifie une intervention chirurgicale en
compression (flèches descendantes) s'appliquent sur la colonne urgence, si possible avant la sixième heure pour ne
moyenne (M). Des forces de translation (flèches horizontales) s'ap- pas obérer les possibilités de récupération.
pliquent sur les trois colonnes. Colonne antérieure de Denis (A).

Fig. 6.24 Fracture par cisaillement de T12.


a, b. Radiographies de face (a) et de profil (b). Forces en compression sur la partie droite de la vertèbre (fracture verticale de la lame et
tassement prédominant sur le mur latéral droit). Forces en traction sur la partie gauche de la vertèbre (fracture horizontale à travers le
pédicule et le processus transverse).
c. Représentation schématique correspondante illustrant l'augmentation de la distance interpédiculaire et le signe de la cupule sur le
même arc postérieur.
Chapitre 6. Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 119

Fig. 6.25 Fracture par cisaillement T11–T12.


Scanner avec coupes axiale (a), coronale (b) et sagittales (c, d, e). Lésion comminutive du corps vertébral de T11. Translation antérieure
de l'hémicorps vertébral gauche. Luxation intervertébrale antérieure et latérale. Paraplégie par compression médullaire.

Fig. 6.26 Fracture par cisaillement de L2.


Les arguments pour un traumatisme en cisaillement sont : le diastasis interarticulaire (a), les fractures des processus transverses (c),
l'association de fractures verticale (b) et horizontale (d).
120 Traumatismes du rachis sain

Fractures du sacrum Selon Denis, les complications neurologiques de ces


fractures sont respectivement de l'ordre de 6, 28 et 57 %.
Les fractures du sacrum sont des lésions à haute éner-
gie qui surviennent majoritairement après un trauma-
Fractures transversales
tisme de l'anneau pelvien. Elles sont à la fois des
fractures du rachis et du bassin. Leur incidence est Elles représentent entre 5 et 16 % des fractures du
mal connue. On estime que 30 % d'entre elles passent sacrum. Elles surviennent classiquement dans un
inaperçues en urgence [17]. Le diagnostic repose contexte de défenestration d'où la dénomination de
principalement sur l'exploration scanographie. suicidal jumper's fracture [19]. Le trait de fracture
est plus ou moins facilement identifiable sur une
radiographie de profil. Le scanner montre souvent
Fractures verticales des traits de refend verticaux isolant un bloc verté-
bral au sein du sacrum. Les fractures transversales
Les fractures verticales sont de loin les plus fré- hautes entre S1 et S2 ont des répercussions sur les
quentes. Denis [18] définit trois types selon la situa- articulations sacro-iliaques. Elles sont responsables
tion du trait de fracture : de lésions neurologiques sévères (incontinence uri-
• le type I, le plus fréquent, est une fracture de l'ai- naire ou intestinale, troubles sexuels). Roy-Camille
leron par suite d'un traumatisme en compression définit les fractures transversales par leur mécanisme
latérale ; et le déplacement du bloc vertébral supérieur :
• le type II est une fracture par cisaillement passant • le type I est une fracture en flexion avec une bas-
par les trous sacrés (fig. 6.27). Les signes radio- cule antérieure (fig. 6.28) ;
graphiques en faveur de ce type sont une inter- • le type II est une fracture en flexion avec un
ruption des lignes arcuales et, en cas de déplacement postérieur ;
déplacement, une fracture des processus trans- • le type III est une fracture par hyperextension
verses de L5 ; avec une importante translation antérieure et
• le type III est une fracture passant dans le canal inférieure à type d'impaction de la colonne verté-
sacré. brale dans le bassin.

Fig. 6.27 Fracture verticale transforaminale du sacrum.


a. La radiographie de face montre une interruption de la ligne arcuale du deuxième trou sacré gauche (flèche).
b. Le scanner illustre parfaitement sur la coupe coronale le trajet de la fracture.
Chapitre 6. Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 121

Fig. 6.28 Fracture transversale du sacrum.


Coupes sagittales au scanner (a) et en IRM en pondération T2 (b). Le scanner visualise bien le trait de fracture qui traverse de part en
part la deuxième pièce sacrée. L'IRM révèle en plus un hématorachis.

Mesures et aides cette distance est rapportée à la taille du plateau


à la décision opératoire vertébral adjacent.

Les paramètres permettant de guider les choix thé-


rapeutiques sont le spondylolisthésis, la déformation Déformation sagittale
sagittale, le tassement vertébral, et la sténose cana- La cyphose osseuse ou index de cunéiformisation
laire. La fiabilité des mesures est liée à la précision et est l'angle formé par les plateaux vertébraux de la
la reproductibilité des critères radiologiques ou vertèbre fracturée. Farcy propose un index corrigé
scano­graphiques, d'où la nécessité d'un apprentis- tenant compte de la déformation physiologique
sage et, selon le cas, d'un consensus d'expert. Il faut locale à savoir + 5° en thoracique, 0° à la charnière
savoir que les mesures réalisées en décubitus dorsal thoracolombaire, − 10° en lombaire [21]. Cet index
ont tendance à minorer les résultats. C'est pourquoi apprécie le risque de déformation vertébrale secon-
certains auteurs proposent de les réaliser en charge daire des burst fractures (fig. 6.29).
pour les rachis traumatiques non neurologiques des-
La cyphose locorégionale, ou angle de Cobb, est
tinés à un traitement orthopédique [20].
l'angle formé par le plateau vertébral supérieur de la
vertèbre sus-jacente et le plateau inférieur de la ver-
Spondylolisthésis tèbre sous-jacente. En cas de déformation verté-
brale ou de réaction ostéophytique, on prendra
La présence d'un spondylolisthésis est un argument pour référence la partie plate des plateaux et non pas
en faveur d'une lésion instable. En valeur absolue, il la ligne joignant les sommets des angles vertébraux.
correspondant à la distance entre le mur postérieur Cet angle tient à la fois compte de la cyphose osseuse
de la vertèbre atteinte et celui de la vertèbre et de l'état du complexe ligamentaire postérieur
ad­jacente. Il peut être exprimé en pourcentage si avec les vertèbres adjacentes.
122 Traumatismes du rachis sain

Un ratio supérieur à 50 % est une contre-indication


au traitement orthopédique des burst fractures en
raison du risque de complications secondaires (lom-
balgie, trouble neurologique, instabilité post-trau-
matique) [22].

Sténose canalaire
En pratique, on se contente de mesurer le diamètre
canalaire sagittal médian. Une réduction peut être
secondaire à un spondylolisthésis (mécanisme du
coupe-cigares) ou à la présence d'un fragment
osseux intraforaminal. Un recul du mur postérieur
avec sténose canalaire supérieure à 50 % est en règle
Fig. 6.29 Cyphoses vertébrales.
Cyphose osseuse (en rouge). Cyphose locorégionale ou angle associé à une bascule du coin postérosupérieur fai-
de Cobb (en jaune). sant craindre une rupture du ligament longitudinal
postérieur et une brèche durale. Ceci compromet
Tassement vertébral les possibilités de réduction par ligamentotaxis et
Le pourcentage de tassement du mur antérieur peut les chances de résorption par remodelage.
être apprécié de deux manières. Si le mur postérieur est
intact, il correspond au rapport de la hauteur du mur
antérieur sur celle du mur postérieur. Si le mur posté- De l'intérêt des classifications
rieur est lésé, il faut l'apprécier par rapport aux murs
antérieurs des vertèbres normales adjacentes selon la
Les classifications ont pour but d'aider le clinicien à
formule : R = [(H1 + H3)/2 − H2]/[(H1 + H3)/2]
poser les données du problème, oser un pronostic,
où H1, H2 et H3 représentent respectivement les hau-
proposer une assistance pour le meilleur choix thé-
teurs des mur antérieurs de la vertèbre sus-jacente, de la
rapeutique. Elles servent également de langage pour
vertèbre concernée par le traumatisme et de la vertèbre
évaluer les effets thérapeutiques, les suivis épidémio-
sous-jacente. On peut également utiliser la formule sim-
logiques, les mesures de prévention comme l'usage
plifiée où R = 1 − H2/[(H1 + H3)/2] (fig. 6.30).
de l'appui-tête dans les whiplash injuries ou les
modifications des ceintures de sécurité en réponse à
la profusion des seat-belt fractures. L'historique de
v1
ces classifications montre qu'elles n'ont cessé d'évo-
luer par regroupement pour ne retenir finalement
plus que trois mécanismes primaires.
v2
Leur acceptation est d'autant plus grande qu'elles
sont simples d'utilisation, facilement compréhen-
sibles, reproductibles.
v3

Classification historique
de Böhler [23]
Fig. 6.30 Tassement et sténose vertébrale. Böhler identifiait, sur des critères purement radio-
Pourcentage de tassement R = [(H1 + H3)/2 − H2]/[(H1 + H3)/2] graphiques sous forme de schémas particulièrement
= 1 − H2/[(H1 + H3)/2], H étant les hauteurs respectives des
murs antérieurs (en rouge).
illustratifs, cinq familles de fractures selon le type de
Pourcentage de sténose : même formule où D pour diamètre mécanisme : en flexion, extension, rotation, cisaille-
sagittal (en jaune) remplace la hauteur H. ment et compression axiale.
Chapitre 6. Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 123

Classification de Holdsworth [24] Il comprend la fracture de Chance, la luxation


pure, la fracture–luxation sur deux niveaux par
Elle concerne également le rachis cervical. Elle est atteinte osseuse de la colonne moyenne, la frac-
fondée sur le concept d'un rachis à deux colonnes, ture–luxation sur deux niveaux par atteinte disco-
le corps vertébral en avant, l'arc postérieur en ligamentaire de la colonne moyenne ;
arrière. Elle comprend six types : • le groupe IV regroupe toutes les fractures–luxations
• type I ou tassement cunéiforme par simple affectant les trois colonnes par : flexion–rotation
flexion ; (A), cisaillement (B), flexion–distraction (C).
• type II ou luxation ; Les lésions majeures sont classées par gravité en
• type III ou lésions par flexion–rotation avec rup- degré 1 (instabilité sans troubles neurologiques),
ture du CLP, avulsion du plateau supérieur de la degré 2 (avec troubles neurologiques sans instabi-
vertèbre inférieure et fracture des apophyses arti- lité) et degré 3 (avec troubles neurologiques et
culaires inférieures de la vertèbre sus-jacente ; instabilité).
• type IV ou lésions par extension de type tear drop
fracture ;
• type V ou lésions par compression axiale ou burst
fracture ; Classification de Magerl [26]
• type VI ou lésions par cisaillement caractérisées
par un important déplacement vertébral, des Elle réalise une synthèse entre les mécanismes et les
fractures des pédicules et des processus types de fractures. Calquée sur la classification des
articulaires. fractures des membres de l'AO, elle utilise un
codage numérique à trois composants. Elle ne com-
Elle ne prend pas en compte les troubles neuro­
prend plus que trois types principaux qui contiennent
logiques. Les lésions sont regroupées en stables
chacun trois groupes et sous-groupes. Chaque type
(types I, IV, V) et instables (types II, III, VI).
(A, B, C) correspond à un mécanisme lésionnel
principal (compression, traction, rotation). Les
Classification de Denis [25] groupes et sous-groupes sont classés selon un degré
Elle est fondée sur le concept d'un rachis à trois de gravité croissant :
colonnes dans le plan sagittal : les colonnes antérieure, • type A – ces lésions ne concernent que les lésions
moyenne et postérieure. Les fractures sont divisées en par compression du corps vertébral : tassement
lésions mineures et majeures. Les lésions mineures simple (A1), fracture–séparation (A2), burst frac-
comprennent les fractures isolées d'un processus arti- ture (A3) (fig. 6.31) ;
culaire, transversaire, épineux et les spondylolyses du • type B – le mécanisme principal est la traction sur
sportif. Les lésions majeures comprennent quatre les éléments postérieurs (B1, B2) ou antérieurs
groupes principaux divisés en sous-groupes : (B3). Dans le groupe B1, les lésions postérieures
• le groupe I ou lésions par compression n'affectant sont à prédominance ligamentaire, dans le
que la colonne antérieure comprenant le tasse- groupe B2, elles sont à prédominance osseuse
ment cunéiforme antérieur, le tassement cunéi- (fig. 6.32) ;
forme latéral, la fracture isolée du plateau • type C – les lésions obéissent à un mécanisme de
supérieur, la fracture isolée du plateau inférieur, la rotation combiné à un mécanisme de compres-
fracture en diabolo ; sion ou de traction. On aura dans le groupe C1
• le groupe II des burst fractures affectant par com- des lésions de type A avec rotation, dans le
pression les colonnes antérieure et moyenne. Il groupe C2 des lésions de type B avec rotation, et
comprend cinq sous-groupes : atteinte des deux dans le groupe C3 des lésions rotatoires propre-
plateaux (A), atteinte isolée du plateau supérieur ment dites avec présence de traits obliques
(B), atteinte isolée du plateau inférieur (C), (fig. 6.33).
atteinte associée par rotation (D), atteinte asso- Cette classification nous semble particulièrement
ciée par inflexion latérale (D) ; adaptée aux données de l'imagerie. Elle ne prend
• le groupe III des seat-belt fractures affectant par malheureusement pas en compte les troubles
traction des colonnes moyenne et postérieure. neurologiques.
124 Traumatismes du rachis sain

Fig. 6.31 Classification de Magerl : type A.


a. Tassement simple (A1).
b. Fracture–séparation (A2).
c. Burst fracture (A3).

Fig. 6.32 Classification de Magerl : type B.


a. Luxation (B1).
b. Pseudo-fracture de Chance (B2).
c. Fracture de Chance inversée (B3).
Chapitre 6. Traumatisme du rachis thoracolombaire-sacré 125

Fig. 6.33 Classification de Magerl : type C.


a. Type A avec rotation (C1).
b. Type B avec rotation (C2).
c. Trait oblique par cisaillement et rotation (C3).

Classification TLISS (thoracolumbar Références


injury severity score) [27] [1] Court-Brown CM, Caesar B. Epidemiology of adult
fractures : a review. Injury 2006 ; 37 (8) : 691–7.
Elle est proposée par le groupe d'étude des trauma- [2] Hu R, Mustard CA, Burns C. Epidemiology of incident
tismes du rachis et décrit sous forme d'un score la spinal fracture in a complete population. Spine 1996 ;
21 (4) : 492–9.
sévérité d'un traumatisme par l'étude du mécanisme
[3] Leucht P, et al. Epidemiology of traumatic spine frac-
de la fracture, l'état du complexe ligamentaire pos- tures. Injury 2009 ; 40 (2) : 166–72.
térieur, l'importance des troubles neurologiques. [4] Roche SJ, Sloane PA, McCabe JP. Epidemiology of
• La sévérité du traumatisme est cotée selon les spine trauma in an Irish regional trauma unit : a 4 year
caractéristiques morphologiques : study. Injury 2008 ; 39 (4) : 436–42.
[5] Pickett GE, et al. Epidemiology of traumatic spinal cord
– 1 point pour tassement cunéiforme ;
injury in Canada. Spine 2006 ; 31 (7) : 799–805.
– 2 points pour la burst fracture ; [6] Ghanem N, et al. MRI and discography in traumatic inter-
– 3 points pour les lésions par cisaillement ou par vertebral disc lesions. Eur Radiol 2006 ; 16 (11) : 2533–41.
rotation ; [7] Oner FC, et al. Correlation of MR images of disc inju-
– 4 points pour les lésions par traction. ries with anatomic sections in experimental thoracolum-
bar spine fractures. Eur Spine J 1999 ; 8 (3) : 194–8.
• Le complexe ligamentaire est coté selon les don-
[8] Furderer S, et al. Traumatic intervertebral disc lesion -
nées du scanner ou de l'IRM : magnetic resonance imaging as a criterion for or against
– 0 point si intact ; intervertebral fusion. Eur Spine J 2001 ; 10 (2) : 154–63.
– 2 points si lésions suspectes ; [9] Lee IS, et al. Dural tears in spinal burst fractures : pre-
– 3 points si lésions certaines. dictable MR imaging findings. AJNR Am J Neuroradiol
2009 ; 30 (1) : 142–6.
• Les complications neurologiques sont cotées de la
[10] Neumann P, et al. Determination of inter-spinous pro-
manière suivante : cess distance in the lumbar spine. Evaluation of refe-
– 0 point absence de lésion neurologique ; rence population to facilitate detection of severe trauma.
– 2 points pour une lésion radiculaire ; Eur Spine J 1999 ; 8 (4) : 272–8.
– 2 points pour une lésion neurologique com- [11] Vaccaro AR, et al. Injury of the posterior ligamentous
complex of the thoracolumbar spine : a prospective eva-
plète ASIA grade A ;
luation of the diagnostic accuracy of magnetic resonance
– 3 points pour une lésion neurologique incom- imaging. Spine (Phila Pa 1976) 2009 ; 34 (23) : E841–7.
plète ASIA grades B, C, D ou un syndrome de [12] Bernstein MP, Mirvis SE, Shanmuganathan K. Chance-
la queue-de-cheval. type fractures of the thoracolumbar spine : imaging
analysis in 53 patients. AJR Am J Roentgenol 2006 ;
Le score total varie de 1 à 10 points. Les scores inférieurs 187 (4) : 859–68.
ou égaux à 3 sont des candidats au traitement conserva- [13] Böhler L. Die technik der Knochenbruchbenandlung.
teur (fonctionnel ou orthopédique). Les scores supé- 12-13 Auflage. I. Band. Wien : Verlag Wilhelm
rieurs ou égaux à 5 justifient un traitement chirurgical. Maudrich ; 1951. p. 318–479.
126 Traumatismes du rachis sain

[14] Smith WS, Kaufer H. Patterns and mechanisms of lum- [21] Farcy JP, Weidenbaum M, Glassman SD. Sagittal index
bar injuries associated with lap seat belts. J Bone Joint in management of thoracolumbar burst fractures. Spine
Surg Am 1969 ; 51 (2) : 239–54. (Phila Pa 1976) 1990 ; 15 (9) : 958–65.
[15] Gertzbein SD, Court-Brown CM. Flexion-distraction [22] Willen J, et al. The natural history of burst fractures at
injuries of the lumbar spine. Mechanisms of injury and the thoracolumbar junction. J Spinal Disord 1990 ;
classification. Clin Orthop Relat Res 1988 ; 227 : 3 (1) : 39–46.
52–60. [23] Böhler L. Technique du traitement de fractures. Paris :
[16] Groves CJ, et al. Chance-type flexion-distraction inju- Masson ; 1944.
ries in the thoracolumbar spine : MR imaging characte- [24] Holdsworth F. Fractures, dislocations, and fracture-
ristics. Radiology 2005 ; 236 (2) : 601–8. dislocations of the spine. J Bone Joint Surg Am 1970 ;
[17] Mehta S, et al. Sacral fractures. J Am Acad Orthop Surg 52 (8) : 1534–51.
2006 ; 14 (12) : 656–65. [25] Denis F. The three column spine and its significance in
[18] Denis, F, Davis S, Comfort T. Sacral fractures : an the classification of acute thoracolumbar spinal injuries.
important problem. Retrospective analysis of 236 cases. Spine (Phila Pa 1976) 1983 ; 8 (8) : 817–31.
Clin Orthop Relat Res 1988 ; 227 : 67–81. [26] Magerl F, et al. A comprehensive classification of thora-
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1976) 1985 ; 10 (9) : 838–45. [27] Vaccaro A. Thoracolumbar injury classification and sco-
[20] Mehta JS, et al. Weight-bearing radiographs in thoraco- ring system. J Neurosurg Spine 2008 ; 9 (6) : 574–5
lumbar fractures : do they influence management ? Spine discussion 575.
2004 ; 29 (5) : 564–7.
Chapitre 7
IRM des traumatismes du rachis
et de la moelle épinière
J.-L. Dietemann, R. Sanda, M. Koob, A. Bogorin, S. Draghici, M. Abu Eid, J.-C. Dosch

Au cours de ces dernières années, la radiographie Protocoles d'exploration


conventionnelle a été supplantée par la scanogra-
phie, notamment en cas de polytraumatisme, et Les coupes sagittales en T1 (SE) et en T2 (TSE,
l'IRM du rachis et de la moelle épinière est deve- FSE) sont complétées par des coupes sagittales en
nue incontournable dans de nombreuses situations T2 STIR et des coupes axiales en T2 en écho de
post-traumatiques. La scanographie est particuliè- gradient (MEDIC®, MERGE®…). La confirmation
rement performante pour les fractures et les dépla- de ruptures ligamentaires est améliorée en densité
cements et déformations rachidiennes associées, protonique [1]. L'imagerie de diffusion est utile en
alors que l'IRM analyse principalement les struc- cas de déficit médullaire avec une IRM normale en
tures intracanalaires (moelle épinière, racines ner- T2, afin de rechercher des arguments en faveur d'un
veuses, LCS, espace épidural) et les parties molles œdème intramédullaire. L'ARM des vaisseaux cervi-
(disques, ligaments, muscles, vaisseaux). Les caux, en particulier des artères vertébrales, est néces-
patients avec complications neurologiques consti- saire en cas de suspicion de lésion vasculaire
tuent certes l'indication principale de l'IRM, mais traumatique (obstruction, dissection, compression).
des informations au niveau des structures discoli-
gamentaires et des parties molles paravertébrales La spectroscopie protonique n'a, à ce jour, pas clai-
et intracanalaires sont parfois indispensables pour rement démontré son utilité au niveau de la moelle.
la prise en charge thérapeutique, même en l'ab- Elle peut par contre signaler des anomalies encépha-
sence de signes neurologiques. Certaines situa- liques, soit corticales ou thalamiques, qui résultent
tions d'urgence, malgré la présence de signes d'une réorganisation fonctionnelle du cerveau ou
neurologiques, notamment incomplets, doivent de modifications des afférences sensitives [1].
conduire à une prise en charge thérapeutique Les avulsions du plexus cervicobrachial nécessitent
immédiate (réduction et/ou stabilisation) sans des coupes complémentaires, d'une part, en T2, 3D
recours immédiat à l'IRM (exemple de la tétraplé- en haute résolution (CISS®, FIESTA®, SPACE®,
gie liée à une luxation rachidienne cervicale). Le CUBE®) qui visualisent les avulsions des racines
recours à l'IRM sera par conséquent différé dans intradurales et les méningocèles radiculaires et,
certaines situations, mais reste indispensable pour d'autre part, en coupes coronales en T2, 3D STIR
une analyse précise des lésions médullaires, notam- afin de visualiser les lésions des éléments nerveux
ment en vue d'une évaluation pronostique. Les constitutifs du plexus.
lésions du plexus cervicobrachial bénéficient éga-
lement d'explorations différées. L'IRM évalue les Lésions du rachis
séquelles médullaires et détecte certaines compli-
cations tardives telles que la syringomyélie post- L'IRM est efficace pour la visualisation des déplace-
traumatique. ments permanents et des troubles de la statique tels

Traumatologie du rachis
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128 Traumatismes du rachis sain

qu'ils apparaissent en décubitus, mais est habituelle- épinière (fig. 7.2). Le déplacement des fractures
ment peu performante pour visualiser directement peut être d'appréciation difficile au niveau de
les traits de fracture. La grande sensibilité de l'IRM l'odontoïde (fig. 7.3). En l'absence de déplacement
à l'œdème au niveau de l'os spongieux et des parties et de signes indirects, le diagnostic de fracture
molles paravertébrales (en signal hypo-intense en devient quasiment impossible (fig. 7.4). Les frac-
T1 et hyperintense en T2, notamment en T2 en tures de l'arc postérieur sont d'identification parti-
écho de gradient et en T2 STIR) apporte des argu- culièrement délicate avec possibilité de méconnaître
ments indirects en faveur d'une fracture ; les solu- certaines fractures instables, notamment en C1 et en
tions de continuité apparaissent par conséquent C2 [2]. La fracture de Chance se localise au niveau
hyperintenses en T2 (fig. 7.1). Les fractures commi- de la jonction thoracolombaire et se traduit par l'as-
nutives (ou fracture–éclatement, ou burst fracture) sociation d'anomalies osseuses (œdème sous-­
s'accompagnent souvent, notamment au niveau de chondral corporéal antérosupérieur, œdème
la jonction thoracolombaire, d'un recul intracana- musculaire parasagittal étendu jusqu'au niveau
laire du mur vertébral postérieur, avec persistance sous-cutané, rupture du complexe ligamentaire pos-
d'une compression du fourreau dural et de la moelle térieur). La fracture horizontale du corps vertébral

Fig. 7.1 Fracture de C4 et C5 avec contusion médullaire.


L'IRM en coupes sagittales en T1 (a), T2 (b) et axiales en T2 en écho de gradient de type MEDIC® (c, d), démontre un tassement
cunéiforme antérieur de C5 avec une fracture sagittale visualisée en coupes axiales (flèche).
L'IRM identifie une contusion médullaire avec élargissement du cordon médullaire, signal hypo-intense en T1 et hyperintense en T2
avec identification de multiples foyers hypo-intenses en T2 en écho de gradient (c, d), témoignant de foyers hémorragiques.
La scanographie en coupes sagittale (e), coronale (f) et axiale (g) confirme une tear–drop fracture de C5 avec ­fractures transversale et
sagittale du corps vertébral et fracture bilatérale des lames.
À noter également une fracture sagittale de C4.
Chapitre 7. IRM des traumatismes du rachis et de la moelle épinière 129

Fig. 7.2 Burst fracture de L1 associée à une fracture de L2.


L'IRM en coupes sagittales en T1 (a) et T2 (b) et axiale en T2 MEDIC® (c, d, e) démontre un tassement de L1 et, à un moindre degré,
de L2 avec : compression du cône terminal par le recul du mur postérieur de L1 et contusion médullaire démontrée en coupe sagittale
en T2 sous la forme d'un signal hyper-intense intramédullaire. Un hématome épidural est identifié en L1, L2 et L3 et apparaît hyper­
intense en T1 et hypo-intense en T2 en écho de gradient (flèches).

Fig. 7.3 Fracture de l'odontoïde de type 2 oblique vers le bas et l'arrière.


Le trait de fracture et le déplacement de l'odontoïde sont d'identification délicate en coupes sagittales en T1 (a) et en T2 (b). Le trait de
fracture apparaît hyperintense en T2 STIR (c) (flèche). Une hyperintensité intramédullaire traduisant une contusion médullaire est notée
en T2 (b, c). La scanographie (d) démontre la fracture et le déplacement postérieur de l'odontoïde.
130 Traumatismes du rachis sain

Fig. 7.4 Fracture de l'odontoïde de type 2.


Le faible déplacement rend l'identification de la fracture particulièrement difficile en IRM en coupes sagittales en T1 (a) comme en T2
(b). La scanographie (c) confirme la fracture et le léger déplacement.

se traduit par le signe du « sandwich » : hypo-inten- rachis. Le mécanisme du traumatisme tel qu'il est
sité en T2 de l'hématome fracturaire, entouré par déduit des modifications osseuses et des déplace-
une hyperintensité sus-jacente liée à l'œdème péri- ments oriente vers les lésions ligamentaires poten-
fracturaire ; cette fracture s'étend vers l'arc posté- tielles. Certains signes indirects (hématome
rieur [3]. L'analyse systématique du signal de l'os prévertébral, modifications de la morphologie et du
spongieux en T2 STIR démontre la grande fré- signal du disque intervertébral, élargissement de
quence des fractures « occultes » qui sont souvent l'interligne et épanchement liquidien zygapophy-
multifocales et parfois à distance de la lésion princi- saire, signal hyperintense en T2 STIR au niveau des
pale. Ces lésions correspondent à des microfractures parties molles postérieures) orientent vers une lésion
au niveau de l'os spongieux et se traduisent en T1 ligamentaire. La visualisation directe de la rupture
par un signal hypo-intense et en T2 STIR par un ligamentaire repose sur l'interruption de son signal
signal hyperintense au niveau de l'os spongieux hypo-intense (fig. 7.8). Il existe probablement des
d'un ou de plusieurs corps vertébraux, alors que la discontinuités physiologiques de signal au niveau
vertèbre ne présente aucune déformation et aucune des ligaments vertébraux (notamment longitudinal
fracture corticale identifiable en scanographie ; les antérieur) qui ne doivent pas être confondues avec
modifications du signal traduisent un œdème au des ruptures traumatiques, d'où l'importance des
niveau de l'os spongieux (fig. 7.5). L'IRM du rachis signes indirects.
dans sa totalité permet l'identification de lésions Les ruptures du ligament longitudinal antérieur
multifocales parfois ignorées par la scanographie, (LLA), qui est un élément important de la colonne
notamment en cas de lésion de l'os trabéculaire [4, antérieure constituée en outre par la moitié anté-
5]. Le signal hyperintense en T2 d'une fracture ne rieure du corps vertébral et du disque intervertébral,
doit pas être confondu avec celui d'une solution de sont principalement induites par les traumatismes en
continuité constitutionnelle (ex. : déhiscence congé- hyperextension. L'hématome prévertébral qui se tra-
nitale de l'arc antérieur de l'atlas) ou celui de veines duit par un élargissement des parties molles et qui
(ex. : veines du corps vertébral) (fig. 7.6 et 7.7). apparaît hyperintense en T2, iso- ou hyperintense en
T1 doit faire rechercher une discontinuité du LLA.
La possibilité de l'association à une rupture du disque
Lésions discoligamentaires intervertébral se traduit par une augmentation de la
hauteur de l'espace intersomatique associée à un
L'analyse des lésions discoligamentaires est fonda- signal hyperintense en T2. Une fracture corporéale
mentale et contribue à l'évaluation de la stabilité du en tear drop est classique. Des fractures associées au
Chapitre 7. IRM des traumatismes du rachis et de la moelle épinière 131

Fig. 7.5 Microfractures de l'os spongieux multi-étagées.


L'IRM en coupes sagittales en T1 (a), en T2 (b) et en T2 STIR (c) identifie des anomalies de signal principalement en T2 STIR entre C5
et Th4, témoignant d'un œdème au niveau de l'os spongieux avec signal hyperintense en T2 STIR.

Fig. 7.6 Fracture bipédiculaire en C2 (hangman's fracture) associée à une déhiscence congénitale au niveau de l'arc antérieur
de l'atlas.
L'IRM en coupes axiales en T2 MEDIC® (a, b) démontre le signal hyperintense de la fracture bipédiculaire bilatérale (flèches en a) et de
la solution de continuité constitutionnelle de l'arc antérieur de l'atlas (flèche en b).
132 Traumatismes du rachis sain

niveau de l'arc neural sont fréquentes. Un rétrolis-


thésis est souvent noté. Le LLA normal est hypo-
intense sur les différentes séquences et se confond
avec la corticale antérieure du corps vertébral et la
périphérie de l'annulus ; la rupture du LLA se traduit
par la discontinuité du signal ligamentaire hypo-
intense dans un environnement hyperintense en T2
(hématome, œdème, épanchement liquidien).
Le ligament longitudinal postérieur (LLP) est un élé-
ment majeur de la colonne moyenne avec la moitié
postérieure du corps vertébral et du disque interver-
tébral. À l'étage discal, le LLP s'étale transversale-
ment et renforce la périphérie de l'annulus, alors le
ligament devient étroit à mi-hauteur du corps verté-
bral. La discontinuité du ligament s'apprécie à l'étage
discal du fait d'une discontinuité du signal hypo-
intense annuloligamentaire. Les traumatismes en
flexion–compression entraînent des ruptures liga-
mentaires postérieures : ligament interépineux, liga-
ments jaunes, système capsulaire zygapophysaire,
ligament longitudinal postérieur (fig. 7.9).
L'atteinte des ligaments de la colonne postérieure
(ligament jaune, ligaments inter- et supra-épineux
et capsules articulaires) est associée aux trauma-
tismes en hyperflexion, en distraction–flexion et en
Fig. 7.7 Faux traits de fracture et veines corporéales. latéroflexion et est évoquée devant des signes indi-
L'IRM en coupe axiale en T2 (a) note des hyperintensités rects : cyphose rachidienne, bâillement interépi-
­intracorporéales cervicales liées à des dilatations de veines cor- neux, luxation uni- ou bilatérale, élargissement de
poréales (flèche) confirmées par la scanographie (b).

Fig. 7.8 Rupture du ligament longitudinal antérieur dans le cadre d'un traumatisme en hyperextension avec contusion
médullaire.
L'IRM en coupe sagittale en T1 (a) note une interruption du signal hypo-intense du ligament longitudinal antérieur en C6–C7 (flèche).
L'IRM en coupes sagittales en T2 (b, c) note un signal hyperintense dans la zone de rupture ligamentaire (flèche). À noter un signal
hyperintense intramédullaire à hauteur de C6, en rapport avec une contusion (c : flèche). Un signal hyperintense prévertébral est noté
en T2 en C7 et Th1.
Chapitre 7. IRM des traumatismes du rachis et de la moelle épinière 133

Fig. 7.9 Luxation C4–C5 avec contusion médullaire et rupture ligamentaire postérieure.
La scanographie en coupes sagittales (a, b) visualise une luxation C4–C5, confirmée par l'IRM en coupes sagittales en T1 (c, d) et en
T2 (e, f). En T2 (e, f), l'IRM note une interruption ligamentaire postérieure – ligament jaune, ligament interépineux, ligament ­supra-­épineux
(✽) – et un signal hyperintense intramédullaire en C4–C5 en rapport avec une contusion médullaire.

l'interligne et épanchement liquidien zygapophy- Au niveau de la charnière cervico-occipitale, les


saire, signal hyperintense en T2 (STIR, FS, EG) au lésions du ligament transverse et des ligaments
niveau des parties molles postérieures. L'IRM en T2 alaires sont rares et observées dans des circonstances
STIR semble la plus efficace pour démontrer les variables : luxation cervicocrânienne avec principale-
lésions ligamentaires postérieures [6–9]. Le liga- ment atteinte des ligaments alaires, rupture du liga-
ment jaune est un élément majeur de la colonne ment transverse ; ces lésions sont associées à des
postérieure et est lésé par l'hyperflexion et la distrac- instabilités, notamment en cas de lésions osseuses
tion ; l'atteinte du ligament jaune est en général associées. L'IRM note des signaux hyperintenses en
associée à des fractures de l'arc postérieur ; la discon- T2 au niveau des ligaments lésés [10]. Les lésions
tinuité du ligament jaune s'apprécie principalement du ligament transverse sont classées en deux types :
sur les coupes sagittales paramédianes pondérées en le type I correspond à une rupture du ligament,
T2. L'identification d'un signal hyperintense en alors que le type II traduit une avulsion du tuber-
coupe sagittale médiane en T2 STIR au sein d'un cule d'insertion du ligament transverse (fig. 7.10)
espace interépineux élargi oriente vers une lésion du [11].
complexe ligamentaire inter- et supra-épineux.
134 Traumatismes du rachis sain

Fig. 7.10 Rupture partielle du ligament transverse.


a. La scanographie en coupe axiale note une subluxation transversale C1–C2.
b. La radiographie de profil en flexion note un petit diastasis C1–C2.
c, d. L'IRM en coupes coronale (c) et axiale (d) en T2 note un signal hyperintense au niveau de la partie paramédiane droite du ligament
transverse, témoignant d'une rupture partielle (flèches).

Le disque intervertébral participe à la constitution en T2 en écho de gradient (de type MEDIC® ou


des colonnes antérieure et moyenne. Les lésions MERGE®) ; la stase veineuse sus- et sous-jacente à la
­discales se traduisent par : hernie discale ne doit pas être confondue avec un
• des hernies discales post-traumatiques ; hématome épidural ; le signal hyperintense en T2 en
• des contusions médullaires induites par un trau- écho de gradient et le rehaussement au niveau des
matisme en hyperextension en cas d'ostéophytose veines après l'injection de gadolinium confirment la
postérieure associée à une sténose canalaire ; dilatation veineuse (fig. 7.11).
• des ruptures horizontales du disque interverté- Les ruptures horizontales du disque se traduisent
bral, principalement en rapport avec un trauma- par une augmentation de hauteur du disque asso-
tisme en hyperextension ou en hyperflexion. ciée à un signal hyperintense intradiscal en T2 et
Les hernies discales molles sont fréquentes au niveau constituent un élément d'instabilité majeur du fait
cervical et thoracique, mais ne déterminent que d'une atteinte potentielle des colonnes antérieure et
rarement une compression médullaire pathogène. moyenne (fig. 7.12 à 7.16).
La hernie discale est iso-intense au disque en T1 et L'utilisation exclusive de la scanographie, pour le
en T2 en écho de spin rapide, hypo-intense en T2 bilan des traumatismes du rachis cervical, peut mécon-
3D (de type SPACE® ou CUBE®) et hyperintense naître des lésions, notamment ligamentaires [12,13].
Chapitre 7. IRM des traumatismes du rachis et de la moelle épinière 135

Fig. 7.11 Fracture de L5 associée à une hernie discale rétrocorporéale.


L'IRM en coupes sagittales en T1 (a) et en T2 (b) note des anomalies de signal, notamment en T2, avec un signal hyperintense corpo-
réal en T2 avec visualisation d'un trait de fracture corporéal antérieur (flèche). Un fragment discal rétrocorporéal L5 est identifié (✽).

Fig. 7.12 Rupture du disque C6–C7 en rapport avec un traumatisme en hyperextension associée à une contusion médullaire.
L'IRM en coupe sagittale en T2 (a) note un signal hyperintense au sein du disque C6–C7, témoignant de sa rupture (flèche), alors que
le T1 sagittal (b) ne montre pas d'anomalie significative.
136 Traumatismes du rachis sain

Fig. 7.13 Contusion médullaire cervicale.


L'IRM en coupes sagittales en T1 (a) et T2 (b) et axiales en T2 (c, d) note un signal hyperintense intramédullaire en T2 en C3–C4,
témoignant d'une contusion liée à un traumatisme en hyperextension, comme le confirme la présence d'un hématome prévertébral
(flèches blanches).

Fig. 7.14 Contusion médullaire cervicale.


L'IRM en coupes sagittales en T1 (a) et T2 (b) et axiale en T2 en écho de gradient (c) note un signal hyperintense intramédullaire en C3.
Des hypo-intensités sont notées en T2 en écho de gradient, qui traduisent des foyers hémorragiques. À noter un hématome p ­ révertébral
hyperintense en T1 et T2 entre C1 et C4.
Chapitre 7. IRM des traumatismes du rachis et de la moelle épinière 137

Fig. 7.15 Hématome extradural « spontané » chez une patiente sous traitement anticoagulant et ayant fait une chute de sa hauteur.
L'IRM en coupes sagittales en T1 (a) et en T2 (b) note une compression du cône terminal par une lésion expansive épidurale postérieure
de signal hétérogène avec des zones hypo- et légèrement hyperintenses en T1, hyperintenses en T2 avec des foyers hypo-intenses et
un niveau liquide–liquide. L'IRM en coupes axiales en T2 en écho de gradient de type MEDIC® note un signal hétérogène avec cepen-
dant présence de plages hypo-intenses (c, d).

Fig. 7.16 Contusion médullaire sur canal cervical étroit.


a. La scanographie note une diminution du diamètre sagittal du canal rachidien cervical, une discarthrose C5–C6 et C6–C7, un
­bâillement antérieur du disque C6–C7, associé à une petite avulsion du coin antéro-inférieur de C6 (flèche) et une fracture de l'apo-
physe épineuse de C5, témoignant d'un traumatisme en hyperextension.
b, c. L'IRM en coupes sagittales en T1 (b) et en T2 STIR (c) confirme la sténose canalaire. Présence d'un signal hyperintense intra­
médullaire en C5, témoignant d'une contusion. La rupture du ligament longitudinal antérieur et du disque en C6–C7 qui apparait en
hypersignal avec une augmentation de hauteur (flèche) confirme le traumatisme en hyperextension. Un hématome prévertébral en C6,
C7 et Th1 est noté. En STIR, la fracture de l'apophyse épineuse est entourée par un signal hyperintense au niveau des parties molles
postérieures à hauteur de C5 (✽).
138 Traumatismes du rachis sain

Lésions de la moelle épinière épidurale de signal proche de celui du disque inter-


vertébral en T1, souvent légèrement hyperintense en
Les lésions rachidiennes compliquées par une T2 en écho de spin ou franchement hyperintense en
atteinte neurologique relèvent d'une exploration T2 en écho de gradient. Une hernie discale peut
IRM complémentaire. L'IRM confirme la lésion déterminer à elle seule une compression pathogène
médullaire et en identifie la cause. Certaines situa- de la moelle épinière lorsqu'elle se développe au sein
tions radio-cliniques peuvent conduire à une chirur- d'un canal rachidien constitutionnellement étroit. Le
gie de réduction et de stabilisation sans exploration développement d'un hématome épidural compressif
IRM, afin de lever le plus rapidement possible la est plutôt rare et apparaît favorisé par l'extension de
compression médullaire (ex. : luxations du rachis traits de fracture du corps vertébral vers l'espace épi-
cervical, certaines fractures–éclatements). dural. Des troubles de la coagulation favorisent la
survenue de tels hématomes. Le signal de l'héma-
Les lésions de la moelle épinière se traduisent par un tome épidural est directement lié à son ancienneté :
élargissement fusiforme lié à un œdème (hypo- • à la phase aiguë, le signal est iso- ou légèrement
intense en T1 et hyperintense en T2) souvent associé hyperintense en SE T1, hyperintense en SE T2
à des foyers hémorragiques hypo-intenses en T2, mais apparaît hypo-intense en T2 en écho de gra-
notamment en écho de gradient (voir fig. 7.13 et dient (MEDIC®, MERGE®…) ;
7.14). L'imagerie de susceptibilité magnétique • à la phase subaiguë, l'hématome est hyperintense
(SWI) est plus sensible que le T2 en écho de gradient en SE T1, hyper- et hypo-intense en SE T2 et
pour démontrer les foyers hémorragiques [14]. demeure hypo-intense en T2 en écho de gradient.
L'effet de masse peut être d'appréciation difficile en
cas de sténose canalaire associée. Les anomalies de À la phase aiguë, la confrontation des données de
signal liées à l'œdème apparaissent dès la deuxième l'IRM à celles de la scanographie est utile pour
heure et touchent les substances blanche et grise. Le confirmer le diagnostic d'hématome épidural, en
signal hyperintense en T2 traduit l'œdème, mais visualisant une lésion spontanément hyperdense.
également une démyélinisation, une nécrose et des L'identification d'un exceptionnel hématome sous-
modifications inflammatoires. Le signal hyperintense dural aigu (HSDA) ou d'une hémorragie sous-
en T2 augmente pour atteindre son maximum entre arachnoïdienne (HSA) peut être délicate. L'HSDA
48 et 72 heures en cas de contusion peu sévère et se traduit par une collection intradurale étendue,
peut continuer à augmenter jusqu'à 96 heures en cas pouvant parfois atteindre l'ensemble de l'espace
de lésions sévères [15]. Les anomalies de signal sont canalaire et ne déterminant habituellement qu'une
particulièrement marquées au niveau de la moelle compression limitée de la moelle épinière. L'HSA se
épinière adjacente à une section de moelle. traduit à la phase aiguë par une augmentation du
signal du LCS en SE T1, ce qui altère la visualisation
Les modifications de signal liées aux foyers hémorra- des contours de la moelle épinière, cette dernière
giques (hypo-intense en T2) semblent augmenter rapi- pouvant apparaître en signal iso-intense par rapport
dement dans les toutes premières heures qui suivent le au LCS ; à la phase séquellaire, l'HSA entraîne une
traumatisme, pour rester stables par la suite, contraire- sidérose médullaire qui se traduit par un signal
ment aux lésions œdémateuses qui restent évolutives hypo-intense à la surface de la moelle épinière en SE
jusqu'au quatrième jour (voir fig. 7.14) [15]. T2 et surtout en T2 en écho de gradient.
L'importance de l'hémorragie est corrélée à la gravité
du tableau clinique initial et au pronostic défavorable L'IRM, en démontrant des lésions de gravité
[16–19]. Des foyers hémorragiques de moins de variable (section médullaire, contusion hémorra-
4 mm demeurent cependant de bon pronostic [20]. gique, contusion œdémateuse) a clairement
conforté le concept de lésions médullaires sans ano-
L'IRM évalue l'importance et la nature de la com- malies radiologiques et scanographiques (Sciwora)
pression médullaire. Les déplacements de fragments développé il y a 30 ans. Ces lésions sont particuliè-
osseux vers le canal rachidien et la répercussion sur le rement fréquentes chez l'enfant et affectent en prio-
contenu intradural sont clairement identifiés par rité le rachis cervical. L'IRM identifie souvent en T2
l'IRM ; de telles compressions s'observent principa- un signal hyperintense prévertébral, témoignant
lement dans les fractures en flexion–compression et d'un hématome induit par une hyperextension ; une
dans les burst fractures. L'identification d'une hernie hernie discale peut être notée (fig. 7.14 et 7.17)
discale repose sur la mise en évidence d'une lésion [21–23].
Chapitre 7. IRM des traumatismes du rachis et de la moelle épinière 139

Fig. 7.17 Séquelle de contusion médullaire.


L'IRM en coupes sagittales en T2 au décours du traumatisme (a), en T2 (b) et en T1 (c) un an plus tard, démontre un foyer de contusion
hyperintense en T2 (a) au niveau C3–C4 associé à un signal hyperintense prévertébral à la phase aiguë. Le contrôle à un an note une
petite cavitation intramédullaire postérieure avec un signal de type liquidien en T2 (b) comme en T1 (c).

L'utilisation de l'imagerie de diffusion permettrait


une détection très précoce d'anomalies médullaires,
alors que l'imagerie en T2 demeure encore normale
[1]. Une lésion avec un ADC bas évolue habituelle-
ment vers une cavité intramédullaire [24].

Lésions épidurales
Hématome épidural
Les hématomes épiduraux sont fréquents, associés à
des lésions osseuses et ligamentaires, mais ne déter-
minent que rarement une compression pathogène
de la moelle épinière. La faible adhérence de la
dure-mère du fourreau dural à la paroi ostéoliga-
mentaire du canal rachidien explique l'extension en
hauteur parfois marquée de l'hématome épidural
[25]. L'hématome à la phase hyperaiguë est iso-
intense en T1 par rapport au signal de la moelle épi-
nière, hyperintense en T2 en écho de spin avec un
signal proche de celui du LCS avec présence de
zones hypo-intenses en T2 en écho de gradient
(voir fig. 7.15). Au stade subaigu, l'hématome est
hyperintense en T1 et présente un signal mixte en
T2 en écho de spin avec des foyers hypo- et hyperin- Fig. 7.18 Fracture sur rachis rigide associée à un hématome
extradural postérieur.
tenses et un signal principalement hypo-intense en
L'IRM en coupe sagittale en T2 note un bâillement discal antérieur
T2 en écho de gradient (voir fig. 7.3). Un héma- (flèche). Une compression médullaire par un hématome épidural pos-
tome épidural peut compliquer une fracture sur térieur hypo-intense (✽) est identifiée et comprime la moelle épinière.
140 Traumatismes du rachis sain

rachis rigide (fig. 7.18) [26]. Un traumatisme Formes particulières


mineur peut entraîner un hématome extradural en
cas de traitement anticoagulant (voir fig. 7.15). Les contusions médullaires cervicales liées à un trau-
matisme mineur en hyperextension surviennent chez
des patients qui présentent une sténose canalaire
préexistante ; ces lésions sont particulièrement fré-
Collections liquidiennes quentes chez les patients âgés. L'IRM identifie des
anomalies de signal au sein de la moelle cervicale
L'identification d'un signal liquidien proche de sous la forme d'un signal hyperintense en T2, habi-
celui du LCS au sein de l'espace épidural traduit une tuellement sans signes d'hémorragie sur les séquences
rupture de la dure-mère et accompagne certaines en T2 en écho de gradient. L'IRM confirme la sté-
fractures–luxations complexes avec habituellement nose canalaire constitutionnelle et/ou acquise et
des complications neurologiques, mais est égale- identifie des arguments en faveur d'un traumatisme
ment classique en cas d'avulsion du plexus cervico- en hyperextension sous la forme d'un hématome
brachial. Plus rarement, une fuite épidurale de LCS prévertébral en signal hyperintense en T2 associé à
peut être induite par une hernie discale transdurale un épaississement des parties molles (fig. 7.16 et
post-traumatique. 7.19) [18, 27, 28].

Fig. 7.19 Contusion médullaire sur canal cervical étroit par un traumatisme en hyperextension, associée à une dissection de
l'artère vertébrale gauche.
a. L'IRM en coupe sagittale en T2 révèle une sténose canalaire modérée, un signal hyperintense au niveau de la moelle épinière en C5
et C6, en rapport avec une contusion. Notez l'important hématome prévertébral (✽).
b. La coupe scanographique après injection de contraste note l'absence de rehaussement de l'artère vertébrale gauche.
c. L'IRM en coupe axiale en T2 visualise un signal hyperintense de l'artère vertébrale gauche (flèche).
d. L'angio-IRM après injection de gadolinium confirme l'absence de visualisation de l'artère vertébrale gauche au niveau des segments
V2 et V3.
Chapitre 7. IRM des traumatismes du rachis et de la moelle épinière 141

Les traumatismes graves du rachis cervical sont fré- Les fractures sur vertèbres pathologiques (ostéo-
quemment associés à des lésions de l'artère verté- porose, myélome, métastases, tumeurs primitives)
brale. Les thromboses de l'artère vertébrale sont sont fréquentes, notamment chez les patients âgés.
notées dans 15 à 30 % des traumatismes graves du Elles surviennent après des traumatismes mineurs
rachis cervical ; elles résultent probablement d'une et posent souvent le problème de l'étiologie de la
dissection ; elles ne sont que rarement symptoma- fragilité vertébrale (processus bénin ou malin) qui
tiques. L'absence de flux au niveau d'une artère ver- conditionne le bilan étiologique et l'indication
tébrale doit faire réaliser une angio-IRM et/ou un thérapeutique. L'IRM occupe une place essen-
angioscanner ; le recours à l'angiographie par cathé- tielle pour différencier un tassement vertébral
térisme est exceptionnel (voir fig. 7.19) [29–33]. bénin (ostéoporose) d'un tassement malin (pro-
Les fractures sur rachis rigide (spondylarthrite anky- cessus tumoral en général secondaire, rarement
losante, maladie de Forestier) se traduisent par une primitif). Les tassements ostéoporotiques se tra-
fracture horizontale qui touche le corps vertébral et duisent cliniquement par des lombalgies, rarement
l'arc postérieur ; la solution de continuité peut inté- associées à des signes neurologiques, alors qu'en
resser le disque et les structures ligamentaires ossi- cas de tassement « malin » les lombalgies s'aggravent
fiées. La fracture est instable et peut se compliquer rapidement de complications neurologiques (radi-
de compression médullaire, parfois aggravée par un culalgie, syndrome de la queue-de-cheval ou
hématome épidural associé. L'instabilité chronique atteinte médullaire). La mise en évidence d'un tas-
induit une pseudarthrose inter- ou intrasomatique sement cunéiforme antérieur par la radiographie
avec lyse vertébrale, collections liquidiennes interso- standard ne permet souvent pas de différencier un
matiques, voire interépineuses et épidurales posté- tassement bénin d'un tassement malin ; la scano-
rieures. L'identification de la fracture peut être graphie oriente vers une lésion maligne en cas de
délicate en scanographie, notamment en cas de lyse vertébrale, notamment de la corticale du corps
rachis ostéoporotique et apparaît souvent plus facile vertébral et en cas d'extension du processus ostéo-
en IRM grâce à l'identification d'un signal horizon- lytique vers l'arc postérieur et d'extension tumo-
tal, hyperintense en T2 au travers du corps verté- rale vers les régions paravertébrales. L'IRM
bral, ou du disque, et de l'arc postérieur, ou des apporte souvent des informations pertinentes
ligaments postérieurs (fig. 7.18 et 7.20) [34–36]. pour le diagnostic différentiel entre tassement

Fig. 7.20. Fracture de Th9 sur rachis rigide (maladie de Forestier).


a, b, c. L'IRM en coupe sagittale en T1 (a) note une bande horizontale en signal hypo-intense au niveau du corps vertébral Th9 (flèche).
Cette même zone apparaît hyperintense en T2 (b) et en T2 STIR (c : flèche).
d. La scanographie visualise une ossification du ligament longitudinal antérieur, en rapport avec la maladie de Forestier. Le ligament est
interrompu en Th9-10 et un trait de fracture est identifié au niveau du corps vertébral Th9 (flèches).
142 Traumatismes du rachis sain

bénin et malin. La mise en évidence d'un signal bénins et malins ; en effet, la diffusion de l'eau éva-
hyperintense en T1 et en T2 de type graisseux luée par l'ADC (apparent diffusion coefficient) est
signe sans ambiguïté un tassement ancien bénin. diminuée en cas de processus tumoral du fait de
En cas de tassement récent de moins de 2 mois, le l'hypercellularité et est augmentée en cas de frac-
signal hypo-intense en T1, hyperintense en T2, ture du fait de l'augmentation de l'eau libre liée à
notamment en T2 STIR, et la prise de contraste l'œdème [40]. La TEP au 18-FDG est efficace en
après injection de gadolinium peuvent évoquer un cas de doute diagnostique en IRM entre tumeur et
processus tumoral. La convexité du mur posté- ostéoporose [41]. Les diagnostics différentiels les
rieur avec compression du fourreau dural, l'at- plus délicats sont liés à l'existence d'un cancer
teinte pédiculaire et surtout des autres éléments de chez un patient ostéoporotique, une biopsie peut
l'arc postérieur, la présence d'une masse épidurale être indiquée en cas de doute.
et/ou paraspinale et la mise en évidence d'autres
localisations secondaires orientent vers un tasse-
ment malin. La compression du fourreau dural par Séquelles et complications tardives
le recul du coin postérosupérieur (plus rarement
postéro-inférieur) de la vertèbre pathologique, L'évaluation des séquelles neurologiques et l'appari-
l'identification d'un signal hypo-intense en bande tion de complications évolutives tardives reposent
sous le plateau vertébral, la persistance de zones de sur l'IRM ; des artéfacts induits par le matériel d'os-
signal normal au niveau de l'os spongieux du corps téosynthèse réduisent cependant les performances
vertébral, notamment au niveau des coins posté- de l'analyse du canal rachidien. La section complète
rieurs, et surtout l'identification d'un signal liqui- de la moelle épinière se traduit par une discontinuité
dien en T2 sous le plateau vertébral plaident en complète du cordon médullaire (fig. 7.22). À la
faveur d'un tassement ostéoporotique (fig. 7.21) phase séquellaire de la contusion médullaire, l'IRM
[37–39]. L'imagerie de diffusion a été proposée identifie, d'une part, une atrophie, des irrégularités
pour faciliter la différenciation des tassements et un déplacement de la moelle et, d'autre part, des

Fig. 7.21 Tassements vertébraux lombaires d'origine disco-ostéophytique révélés par des lombalgies après un traumatisme
rachidien mineur.
L'IRM, en coupes sagittales en T1 (a), T2 (b) et en scanographie (c), identifie des tassements ostéoporotiques anciens en L4, L2 et L1.
Ces derniers présentent un signal de nature graisseuse en T2 et surtout en T1. En L3 le corps vertébral apparaît hypo-intense en T1 ;
un signal de type liquidien est noté en T2 au sein du corps vertébral (flèche). Ce signal se localise au sein de traits de fracture clairement
démontrés en scanographie.
Chapitre 7. IRM des traumatismes du rachis et de la moelle épinière 143

anomalies de signal avec un signal hypo-intense en matiques atteint 4 % [44]. L'analyse du foyer de
SE T1 et hyperintense en SE T2, partiellement de contusion et la mise en évidence d'une cavité syringo-
nature liquidienne, et avec des foyers hypo-intenses myélique par l'IRM sont souvent gênées par les arté-
en T2 en écho de gradient en cas de séquelles facts induits par le matériel d'ostéosynthèse.
hémorragiques. Une sidérose médullaire sus- et/ou L'utilisation des séquences les moins sensibles à ce
sous-jacente est possible (voir fig. 7.17). type d'artéfacts est préconisée (séquences en T2 en
Le blocage de la circulation périmédullaire du LCS écho de spin rapide, T2 SPACE® ou CUBE®, T2
par une arachnoïdite, des kystes leptoméningés péri- STIR) ; les séquences en écho de gradient et les coupes
médullaires ou encore une compression d'origine avec FAT SAT sont à éviter.
osseuse induite autour du foyer de contusion et l'exis- Les séquelles ligamentaires au niveau de la charnière
tence d'une cavitation intramédullaire séquellaire, cervicocrânienne dans le cadre des whiplash injuries
parfois communicante avec l'espace sous-­arachnoïdien, ont été l'objet de nombreuses publications et contro-
peuvent favoriser le développement d'une cavité syrin- verses ces dernières années. L'identification d'ano-
gomyélique sus- et/ou sous-jacente. Une aggravation malies de signal (signal hyperintense en T2 et en
tardive du tableau clinique, comme l'apparition de densité de proton) au sein des ligaments alaires et/ou
signes médullaires cervicaux chez un patient paraplé- transverses au décours d'un tel traumatisme traduirait
gique du fait d'une contusion de la moelle thoracique des lésions post-traumatiques [45–48]. Cependant,
ou du cône terminal, doit faire rechercher une syrin- plusieurs études démontrent que de telles anomalies
gomyélie post-traumatique ascendante développée à de signal s'observent chez des patients asymptoma-
distance du foyer de contusion initial (fig. 7.23) tiques ou qui présentent des cervicalgies chroniques
[42,43]. La fréquence des syringomyélies post-trau- sans antécédents traumatiques [49,50].

Fig. 7.22 Section médullaire complète.


L'IRM en coupes sagittales en T1 (a) et en T2 (b) et axiale en T2 (c) note une interruption complète de la moelle épinière remplacée par
un signal liquidien au niveau C7 (✽).
144 Traumatismes du rachis sain

Fig. 7.23 Syringomyélie post-traumatique.


L'IRM en coupes sagittales en T2 note des séquelles d'arthrodèse avec de nombreux artéfacts empêchant une analyse correcte de la
zone fracturaire thoracique.
a. L'IRM réalisée en 2006 note une cavité syringomyélique thoracique supérieure qui atteint le niveau C7.
b. En 2011, la cavité s'étend vers la totalité de la moelle cervicale.
c. L'IRM de 2012, réalisée après mise en place d'un drainage, note une nette régression de la syringomyélie.

Lésions traumatiques du plexus résolution pour l'analyse des radicelles, racines et


gaines radiculaires, et des acquisitions destinées à
cervicobrachial et lombo-sacré
l'analyse des troncs, des faisceaux et des nerfs (T2
Les lésions traumatiques du plexus cervicobrachial sont STIR 3D, diffusion, tractographie) [51–58].
rares et résultent soit d'une traction exercée sur le L'IRM visualise :
plexus, par un abaissement de l'épaule associé à une • des signes directs : absence d'identification des
hyperextension et une latéroflexion controlatérale du racines et radicelles intradurales, discontinuité
rachis cervical, soit d'un traumatisme direct. Les acci- nerveuse, épaississement et signal hyperintense en
dents de la voie publique (motocyclistes, cyclistes) ou T2 STIR des structures nerveuses atteintes au
sportifs (VTT, ski) sont habituellement en cause. Les niveau post-ganglionnaire ;
lésions traumatiques du plexus cervicobrachial sont de • de nombreux signes indirects : méningocèles radi-
topographie préganglionnaire ou postganglionnaire. culaires, collection épidurale de LCS, signal hype-
Les données de la clinique et des explorations neu- rintense intramédullaire en T2 induit par
rophysiologiques associées à l'IRM permettent une l'avulsion des radicelles, sidérose médullaire,
évaluation précise des lésions. Le recours à la myé- signal hyperintense musculaire en T2 STIR lié à
loscanographie reste limité aux contre-indications une atrophie neurogène dans les territoires
de l'IRM ou à des discordances radio-cliniques. atteints (fig. 7.24 et 7.25) [55].
L'IRM inclut, d'une part, une exploration classique Les avulsions du plexus lombo-sacré compliquent
du rachis cervical et de son contenu (coupes sagit- des traumatismes sévères de la ceinture pelvienne.
tales et axiales en T1 et en T2) et, d'autre part, des L'identification de pseudo-méningocèles au niveau
séquences complémentaires en T2 3D en haute des racines sacrées et parfois de L5 reste le signe le
Chapitre 7. IRM des traumatismes du rachis et de la moelle épinière 145

Fig. 7.24 Avulsion du plexus cervicobrachial gauche.


L'IRM en coupes axiale en T2 (a) et coronales en T2 3D–CISS® (b, c) note des méningocèles en C8 et Th1.

Fig. 7.25 Avulsion du plexus cervicobrachial droit.


L'IRM en coupes coronales en T2 STIR 3D (a, b) identifie des méningocèles en Th1, C8 et C7 à droite (✽) avec une absence de visua-
lisation des troncs et faisceaux correspondant. Une fuite de LCS est notée au niveau sus-claviculaire (flèches). Un épaississement est
noté en C6 et C5 (œdème).

plus constant ; à la phase aiguë, l'IRM peut recon- direct au décours du bilan radiologique convention-
naître un œdème radiculaire [59,60]. nel et scanographique (luxations cervicales, fractures
comminutives associées à une luxation) ; en effet,
Indications de l'IRM une décompensation précoce améliore le pronostic
fonctionnel [1, 61–63]. L'IRM est surtout très utile
L'IRM est indispensable dans la plupart des lésions en cas de discordances entre la clinique et les don-
traumatiques rachidiennes associées à des signes nées radiologiques et scanographiques, notamment
neurologiques. Certaines situations d'urgence en cas de normalité de ces explorations (Sciwora).
conduisent cependant à un traitement chirurgical L'IRM identifie les lésions médullaires et des plexus
146 Traumatismes du rachis sain

cervicobrachial et lombo-sacré, apprécie leur gravité [14] Wang M, Dai Y, Han Y, Haacke EM, Dai J, Shi D.
et leur étiologie, évalue les séquelles et les complica- Susceptibility weighted imaging in detecting hemor-
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tions tardives. La confrontation à la scanographie est Imaging 2011 ; 29 : 365–73.
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III
Particularités
liées à l'âge
et au terrain
Plan de la partie
Traumatisme de l’enfant 151
Diagnostic et prise en charge d’une fracture–tassement ostéoporotique 173
Fractures du rachis enraidi 187
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Chapitre 8
Traumatisme de l'enfant
M. Koob, J.-C. Dosch

Les traumatismes du rachis de l'enfant sont rares et ne source d'images pièges et rendent très souvent le
représentent que 1 à 10 % [1, 2] de tous les trauma- diagnostic de ces lésions traumatiques rachidiennes
tismes spinaux adultes et enfants confondus et seule- difficile en imagerie.
ment 2 à 3 % des fractures pédiatriques [3]. Le taux de
mortalité de ces lésions est cependant beaucoup plus
élevé que chez l'adulte surtout en raison de la plus Épidémiologie
grande fréquence de lésions cérébrales associées [2].
Les étiologies, la localisation, le type et le pronostic
Étiologie des traumatismes
des lésions sont différents de ceux l'adulte, et Les accidents de voiture représentent la cause la plus
dépendent de l'âge de l'enfant. En raison de facteurs fréquente de traumatismes, quels que soient le segment
anatomiques et biomécaniques, les enfants pré- rachidien concerné ou l'âge de l'enfant (36–54 %) [2].
sentent davantage de lésions ligamentaires que de Avant 8 ans, les autres causes sont dominées par les
lésions osseuses par rapport à l'adulte et le rachis chutes et les traumatismes minimes, avec plus rarement
cervical est le plus fréquemment touché. Pour les des traumatismes obstétricaux et des sévices. Après 8
mêmes raisons, les traumatismes de la moelle sans ans, le sport est le plus grand pourvoyeur de trauma-
lésion osseuse (Sciwora), les arrachements apophy- tismes, et les garçons sont les plus touchés.
saires, les fractures au travers des synchondroses, et
Des pathologies congénitales entraînant une insta-
la subluxation rotatoire C1–C2 sont des pathologies
bilité constitutionnelle comme le syndrome de
quasi exclusivement pédiatriques.
Down, la mucopolysaccharidose, le syndrome de
Le risque immédiat de ces traumatismes est bien évi- Marfan et l'achondroplasie favorisent la survenue
demment la lésion neurologique, immédiate ou d'une lésion principalement au niveau du rachis cer-
secondaire, qui survient dans 25 à 50 % des cas [4], vical après un traumatisme minime.
et qui est grave dans 1 % des cas [2]. À long terme,
il existe un risque de déformation rachidienne
secondaire en cas d'atteinte du listel, surtout pen- Mécanismes, lésions et stabilité
dant la période pubertaire.
Les mécanismes lésionnels sont identiques à ceux de
L'imagerie repose sur les radiographies convention- l'adulte. Ce sont des mouvements exagérés dans
nelles statiques et dynamiques, le scanner et l'IRM. l'axe du rachis (compression et distraction) ou dans
L'objectif principal est de reconnaître les lésions le plan transversal (translation et rotation). La com-
instables, à complication neurologique immédiate pression et la distraction peuvent se faire de manière
ou secondaire, en connaissant la possibilité de centrée ou excentrée, cette dernière se manifestant
lésions rachidiennes multiples. par une flexion d'un côté du pivot et une extension
Une bonne connaissance des aspects radiologiques de l'autre. Ces mécanismes peuvent être isolés, avec
propres à l'enfant est impérative. Les aspects évolu- des mécanismes élémentaires comme la compres-
tifs du rachis en croissance, les variantes de la nor- sion, la distraction, l'hyperflexion, l'hyperextension,
male et le manque de compliance de l'enfant sont la et la rotation mais sont plus fréquemment associés.

Traumatologie du rachis
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152 Particularités liées à l'âge et au terrain

Ces mécanismes lésionnels et l'énergie qui leur est Inversement devant un polytraumatisé comateux, il
associée sont étroitement liés aux circonstances du ne faudra pas sous-estimer la présence de lésions
traumatisme. Les lésions en compression surviennent rachidiennes, qui peuvent en raison de leur instabi-
principalement après une chute d'une hauteur et les lité entraîner des lésions neurologiques secondaires.
accidents de sport, surtout de natation. Les lésions les
plus sévères, comme les burst fractures, les compres-
sions latérales, la rotation, la flexion et la distraction, Radiographies conventionnelles
nécessitent des traumatismes de haute énergie comme Elles sont souvent réalisées en première intention
les accidents de la voie publique [5]. chez un patient conscient non polytraumatisé et per-
Le pronostic et le traitement des lésions traumatiques mettent le dépistage rapide de signes directs et indi-
dépendent de leur stabilité ou potentiel de déplace- rects de traumatisme. Il faut obtenir des radiographies
ment. Au niveau du rachis cervical supérieur, la stabi- de l'ensemble du rachis afin de dépister les lésions
lité est assurée par les structures ligamentaires. La multifocales, contiguës et non contiguës, rencon-
laxité physiologique de l'enfant explique la fréquence trées dans 35 % des cas, surtout après 8 ans [9]. Les
des lésions ligamentaires cervicales supérieures avant radiographies dynamiques permettent de rechercher,
8 ans et en particulier du Sciwora (spinal cord injury après des radiographies initialement normales, une
without obvious radiological abnormality) et de la instabilité souvent masquée par la contracture mus-
subluxation rotatoire C1–C2. Au niveau du rachis culaire initiale. Elles se font le plus souvent à distance
cervical inférieur et du rachis thoracolombaire, la du traumatisme, de manière active par un enfant
théorie des trois colonnes de Louis s'applique comme sous la surveillance étroite d'un médecin.
chez l'adulte et permet de déterminer la stabilité des
lésions par l'analyse de la colonne moyenne. Les
lésions élémentaires sont comme chez l'adulte de Scanner
type luxation, fracture et fracture–luxation, avec C'est l'examen de référence, mais qui peut être jusqu'à
avant 8 ans surtout des lésions ligamentaires et après 200 fois plus irradiant que les radiographies. Grâce à
8 ans surtout des fractures comme chez l'adulte [4]. l'acquisition volumique spiralée, il permet de réaliser
On pourra aussi observer spécifiquement chez l'en- des reconstructions multiplanaires en 2D et en 3D
fant des traumatismes au niveau de structures transi- d'excellente qualité. Le scanner est réalisé pour préci-
toires comme les apophyses non fusionnées (listels, ser une lésion retrouvée sur radiographies, en cas de
noyaux d'ossification secondaires) et les synchon- radiographies douteuses ou de mécanisme de haute
droses, qui sont des zones de faiblesse. énergie. De plus en plus, le rachis fait partie du bilan
d'imagerie initial du polytraumatisé au scanner (body
scan), surtout si le patient est comateux, avec explora-
Bilan d'imagerie tion successive du crâne et du rachis cervical et, recons-
tructions du rachis thoracolombo-sacré à partir du
La réalisation du bilan d'imagerie ne se conçoit scanner thoraco-abdominopelvien. Si le scanner per-
qu'après un contrôle des fonctions vitales et une met de détecter la totalité des fractures osseuses et des
immobilisation rachidienne afin d'éviter des lésions déplacements associés, les lésions cartilagineuses et
neurologiques secondaires (25 % des lésions médul- ligamentaires sont par contre difficiles à évaluer [10].
laires surviennent durant la prise en charge) [6, 7].
Le type d'examens et l'ordre dans lequel ils doivent IRM
être réalisés dépendront de l'état de conscience, de la
présence ou non de signes neurologiques, de la pré- L'IRM est réalisée en cas de signes neurologiques
sence d'autres lésions, de l'âge et de la capacité de sans anomalie osseuse sur les radiographies ou le
verbalisation de l'enfant, et du degré de suspicion scanner, et parfois avant ou après réduction d'une
lésionnelle sur la clinique et les radiographies ini- luxation vertébrale. Elle permet de mettre en évi-
tiales. Les lésions associées extrarachidiennes sont dence des lésions intracanalaires rachidiennes
fréquentes, rencontrées dans 42 % des cas, et le pro- intra- et périmédullaires expliquant les signes neu-
nostic vital peut être engagé par des lésions céré- rologiques, une hernie discale ou un hématome
brales, observées dans 37 % des cas [8], et viscérales. périmédullaire secondaire au traumatisme ou à la
Chapitre 8. Traumatisme de l'enfant 153

réduction de la luxation, et des anomalies discoliga- interprétation de l'imagerie, afin d'éviter d'étiqueter
mentaires en faveur d'une instabilité. Contrairement comme pathologiques des aspects maturationnels.
au scanner, elle visualise bien les cartilages et leurs Ceci permet également de comprendre la bioméca-
éventuelles lésions. nique particulière de l'enfant qui favorise la surve-
nue de certains types de lésions.
Aspects normaux du rachis Le rachis passe par une étape de chondrification à la
en croissance 5e semaine de vie intra-utérine avec un rachis entière-
ment cartilagineux, puis d'ossification avec apparition
Anatomie développementale de points d'ossification primaire et secondaire au sein
des différentes vertèbres du 4e mois de vie intra-utérine
L'enfant est un être en croissance, et son anatomie jusqu'à l'adolescence (fig. 8.1a à c). L'ossification
évolue parallèlement à son âge. La connaissance de complète du rachis se termine au milieu de la 3e décade
cet aspect évolutif est indispensable à une bonne avec soudure des listels marginaux (fig. 8.1d et e).

Fig. 8.1 Croissance et maturation du rachis.


a. Noyau d'ossification primaire.
b. Synchondroses neurocentrales entre corps vertébral et arc neural.
c. Fusion des synchondroses.
d. Noyau d'ossification secondaire.
e. Vertèbre adulte.
154 Particularités liées à l'âge et au terrain

Atlas Autres vertèbres


C1 se forme à partir de trois centres d'ossification pri- Chaque vertèbre possède trois centres d'ossification
maire, un pour l'arc antérieur et un pour chaque hémi- primaire, un pour le corps et un pour chaque hémi-
arc postérieur. L'arc postérieur s'ossifie dès la arc postérieur. La synchondrose postérieure fusionne
7e semaine de vie intra-utérine. L'arc antérieur est ossi- à 3 ans (voir fig. 8.1b) et les synchondroses neuro-
fié dans 20 % des cas à la naissance, ou ne s'ossifie qu'à centrales à 6 ans (voir fig. 8.1c). Des noyaux d'ossi-
l'âge de 1 an. Les arcs antérieur et postérieur sont sépa- fication secondaire (voir fig. 8.1d) apparaissent au
rés par des zones cartilagineuses, les synchondroses, niveau des apophyses transverses (fusion à 6 ans),
qui permettent la croissance de la vertèbre et l'élargis- des apophyses épineuses et des plateaux vertébraux
sement du canal rachidien. La synchondrose posté- supérieurs et inférieurs (fusion à 25 ans). Les pla-
rieure, située entre les deux hémi-arcs postérieurs, teaux vertébraux contiennent un cartilage physaire
fusionne à 7 ans, tandis que les synchondroses neuro- situé au contact du corps vertébral osseux, qui per-
centrales, situées entre l'arc antérieur et chaque hémi- met la croissance en largeur des corps vertébraux, et
arc postérieur, fusionnent à l'âge de 3 ans. des anneaux cartilagineux périphériques ou listel
marginal qui siègent entre le disque et la physe, per-
Axis mettant la croissance en hauteur de la vertèbre
(fig. 8.3). Ces listels ­marginaux sont des équivalents
À la naissance, en plus des noyaux d'ossification pri-
maire pour le corps et chaque hémi-arc postérieur, il
existe un autre centre d'ossification primaire pour le
processus odontoïde.
La synchondrose sous-dentale, entre le corps et la
dent de l'axis, bien vue sur le cliché de profil et
située sous le niveau des facettes articulaires supé-
rieures, apparaît large chez l'enfant et fusionne de 3
à 6 ans (fig. 8.2). Les synchondroses neurocentrales
entre le corps et l'arc postérieur et la dent et l'arc
postérieur fusionnent de 3 à 6 ans, et la synchon-
drose postérieure de 2 à 3 ans. L'ossicule terminal
est un noyau d'ossification secondaire situé à l'ex-
trémité supérieure de la dent de l'axis qui com-
mence à s'ossifier à 6–8 ans et fusionne avec la dent
à 12 ans. L'axis présente un autre noyau d'ossifica-
tion secondaire au niveau de la partie inférieure de Fig. 8.3 Listels vertébraux.
Les listels vertébraux (en violet) apparaissent dans le cartilage
son corps, le listel inférieur, qui s'ossifie à la puberté physaire (en jaune). Ce sont des zones de moindre résistance
et se soude à 25 ans. sujet à de véritable décollement épiphysaire de type Salter.

a b
Fig. 8.2 Croissance et maturation de la dent de l'axis.
Représentations schématiques de face (a) et de profil (b). Dans la maquette cartilagineuse apparaissent progressivement un noyau
d'ossification primaire pour le corps et un noyau d'ossification secondaire pour la pointe. En vert, les ligaments alaires. En violet, le
ligament transverse. La synchondrose sous-dentale correspond à l'espace clair entre la dent et le corps de l'axis. Pseudo-fracture de
Jefferson par hypertransparence de la partie latérale des masses latérale de l'axis (a).
Chapitre 8. Traumatisme de l'enfant 155

d'épiphyses, et vont progressivement s'ossifier de la spondylolyse congénitale de C2, pathologie rare le


périphérie vers le centre de 8 à 12 ans pour fusion- plus souvent associée à une picnodysostose, qui peut
ner avec le corps vertébral sous-jacent de 14–15 ans mimer une fracture de Hangmann. Elle s'en diffé-
à 21–25 ans. Le développement des processus semi- rencie par ses bords corticalisés, sclérosés.
lunaires des vertèbres cervicales débute après l'âge L'élargissement de l'espace interépineux C1–C2 est
de 10 ans. dû à une hypermobilité en flexion. Une légère
angulation postérieure de la dent est présente chez
4 % des enfants. Elle est physiologique et contribue
Variantes de la normale–images au mouvement d'extension. Elle s'oppose à l'angu-
pièges spécifiques à l'enfant lation antérieure qui est toujours un signe de
fracture.
Il est important de bien connaître certains aspects
radiologiques propres à l'enfant, qui sont parfois la Il existe une pseudo-luxation en C2–C3, moins fré-
cause et la conséquence de sa laxité physiologique, quemment en C3–C4 et C4–C5, avec un antélisthé-
et qui peuvent mimer des lésions traumatiques. sis d'environ 3 à 5 mm par hypermobilité en flexion
et qui se réduit en extension (voir fig. 1.14). Cette
subluxation est présente chez 40 % des enfants de
Atlas
moins de 8 ans [14] et 24 % des moins de 16 ans
L'ossification incomplète de la dent modifie les rap- [2]. La ligne de Swischuk permet de la différencier
ports en comparaison de ceux de l'adulte. L'arc de la fracture de Hangmann et d'une luxation anté-
antérieur a une position plus haute et cette excentra- rieure C1–C2 ; le bord antérieur de l'apophyse épi-
tion se majore encore en hyperextension. Les neuse de C2 devant se situer au niveau ou à moins
espaces odonto-atloïdiens sont plus larges. De pro- de 2 mm en arrière de la ligne spinolamaire passant
fil, on tolère des valeurs jusqu'à 5 mm avant 8 ans, par C1 et C3. Cette pseudo-luxation C2–C3 est à
3 mm après 8 ans. Celles-ci ne doivent pas varier de l'origine d'une flexion cervicale non uniforme. Une
plus de 2 mm entre la flexion et l'extension. Par ail- angulation postérieure C2–C3 est parfois observée.
leurs, l'arc postérieur peut être incomplètement Elle est différenciée d'une luxation par la ligne du
ossifié. On peut également observer des synchon- mur postérieur de C2, qui doit normalement seule-
droses supplémentaires au niveau de C1 avec des ment toucher le coin postérosupérieur de C3 sans
noyaux d'ossifications multiples. Leurs bords scléro- traverser le corps vertébral.
sés et lisses bien corticalisés permettent de les diffé-
rencier de fractures qui ont plutôt des bords
Rachis cervical moyen et inférieur
irréguliers.
La contracture musculaire parfois associée à un trau-
matisme rachidien peut être à l'origine d'une recti-
Axis tude ou d'une cyphose cervicale. Ce signe est peu
La différence de croissance entre l'atlas de type neu- fiable chez l'enfant où l'absence de lordose cervicale
ral et l'axis de type somatique se manifeste par une est notée dans 14 % des cas [2] avec parfois une
image de pseudo-fracture de Jefferson (voir cyphose de 10 à 13° après 6 ans [15]. L'épaississement
fig. 8.2a) sur le cliché de face bouche ouverte des tissus mous prévertébraux peut traduire la pré-
jusqu'à 4–7 ans, mais surtout avant 2 ans [11]. Le sence d'un hématome prévertébral post-traumatique.
débord latéral des masses latérales de C1 n'est que Chez l'enfant, les tissus mous prévertébraux mesurent
relatif. En fait, il s'agit plutôt d'un pseudo-retrait normalement moins de 7 mm en C2 et moins de
des masses latérales de C2 lié à un retard d'ossifica- 14 mm en C6, soit la moitié d'un corps vertébral de C1
tion de son versant externe contenant la partie hori- à C4 et la moitié d'un corps vertébral de C4 à C7.
zontale du siphon de l'artère vertébrale [12, 13]. La L'épaisseur des tissus mous peut cependant augmen-
synchondrose sous-dentale et le défaut de fusion de ter avec les cris et en flexion, et il faut davantage se fier
l'ossicule terminal, observé chez 9 % des moins de à un bombement localisé [16] ou, en cas de doute,
16 ans, peuvent simuler de profil des fractures de refaire des clichés en extension et en inspiration.
l'odontoïde type I ou III. Le défaut de fusion de la Les vertèbres cervicales sont ovoïdes, parfois trian-
synchondrose neurocentrale débouche sur une gulaires surtout en C3, jusqu'à l'âge de 12 ans, et il
156 Particularités liées à l'âge et au terrain

faudra les différencier des tassements (voir fig. 1.14). fibres périphériques de l'annulus fibrosus (fibres de
La persistance de synchondroses non fusionnées est Sharpey) sur le listel.
possible, surtout au niveau de la synchondrose pos- La colonne est élastique. Chez l'enfant, la colonne
térieure (spina bifida occulta), et n'a pas de carac- peut s'étirer de 2 fois sa taille sans se rompre, sur-
tère pathologique (voir fig. 1.15). tout grâce au disque, alors que la moelle ne peut
tolérer qu'un étirement de 25 %. Cette élasticité la
rend vulnérable aux lésions neurologiques après un
Rachis thoracique et lombaire
traumatisme, et explique le Sciwora.
On peut observer des fentes vertébrales congéni- Le disque est plus résistant que le corps vertébral en
tales de topographie neurocentrale, rétrosomatique, raison de son contenu plus important en eau et
isthmique, rétro-isthmique, épineuse, plus fréquem- absorbe ainsi mieux les chocs. Suite à une compres-
ment en thoracique et en lombaire. Les noyaux sion vertébrale, le plateau vertébral cède en premier
d'ossification secondaires et les listels peuvent ne pas et donne une hernie de Schmorl plutôt qu'une her-
fusionner et ainsi mimer des fractures. Il faut aussi nie dans le canal comme l'adulte [19]. À un degré
savoir que ce sont des zones de faiblesse facilement de plus, la force de compression est transmise dans
arrachées lors de traumatismes. l'annulus, provoquant une fracture comminutive et
le disque élastique transmet en vague les forces de
compression aux autres vertèbres. C'est ainsi que les
Biomécanique–anatomie lésions multiples sont plus fréquentes chez l'enfant
fonctionnelle que l'adulte.
Le rachis cervical est hypermobile, ce qui explique la
Chez l'enfant, la résistance mécanique du rachis et fréquence des lésions cervicales. Ceci est lié à plu-
donc le type de lésions observé après un trauma- sieurs éléments. Les ligaments et capsules lâches et
tisme sont âge-dépendants. Le rachis de l'enfant est élastiques peuvent s'étirer sans se rompre, les
constitué davantage de cartilage et d'eau comparati- muscles sont peu développés, les facettes articu-
vement à l'adulte [17] surtout avant 8 ans, ce qui laires horizontales et étroites favorisent la transla-
explique certaines particularités biomécaniques. tion en flexion–extension, les processus uncinés
Les zones cartilagineuses sont des zones de faiblesse, peu développés autorisent encore la rotation et la
où des fractures ou des décollements pourront sur- flexion latérale, les vertèbres triangulaires favo-
venir. Les fractures peuvent passer au travers des risent le déplacement en flexion. Avant 8 ans, il
synchondroses et des plateaux cartilagineux [18, existe une hypermobilité encore plus marquée du
19]. Comme dans les fractures épiphysométaphy- rachis cervical haut en raison du pivot de flexion
saires, les structures ligamentaires sont plus résis- situé en C2–C3, segment le plus mobile à cet âge,
tantes que leurs attaches osseuses et les listels, alors qu'il se situe en C5–C6 après 8 ans. Cette
davantage solidaires du disque et des ligaments que hypermobilité est favorisée en partie par la tête
du corps vertébral, seront facilement arrachés lors proportionnellement volumineuse par rapport au
des traumatismes (fig. 8.4). Il n'y a ainsi pas de her- reste du rachis. À partir de 11 ans, la biomécanique
nie discale chez l'enfant, mais plutôt un arrache- et les lésions post-traumatiques du rachis sont
ment du listel postérieur favorisé par l'insertion des identiques à celles l'adulte.
Chapitre 8. Traumatisme de l'enfant 157

Fig. 8.4 Les décollements épiphysaires rachidiens.


Décollements de type Salter 1 (a), 2 (b), 3 (c) et 4 (d).

Traumatismes du rachis cervical Étiologie


Les accidents de voitures sont la cause la plus fré-
Épidémiologie quente de traumatismes, suivie des chutes avant
8 ans, et des accidents de sports chez l'adolescent.
Les traumatismes rachidiens pédiatriques sont les plus
courants (37 à 80 %) [15]. Pour autant la fréquence En cas de maltraitance, les lésions rachidiennes sur-
des lésions traumatiques cervicales reste faible, entre 1 viennent dans 3 % des cas, et sont plus rares en cer-
et 2,7 % [14, 20–24], avec deux pics d'incidence, un vical qu'à l'étage thoracolombaire [26, 27]. Les
premier de 2 à 4 ans, un second entre 12 à 15 ans. Ils lésions de secousses provoquent des fractures ou
sont associés jusque dans 60 % des cas à d'autres luxations cervicales et cervicothoraciques par un
lésions, notamment cérébrales dans 40 % des cas qui mécanisme d'hyperextension–hyperflexion.
sont la principale cause de mortalité. Un quart des Les accouchements traumatiques sont à l'origine de
traumatisés du rachis cervical sont des polytraumati- lésions cervicales, surtout en cas de dystocie. Les lésions
sés. Ils sont ­potentiellement graves et sources de défi- sont de topographie cervicale haute en présentation
cits neurologiques dans 4 à 60 % des cas, surtout avant céphalique surtout après utilisation de forceps. Les
8 ans. Les lésions médullaires cervicales sont retrou- lésions cervicales basses surviennent après un accouche-
vées dans 35 % des traumatismes rachidiens cervicaux. ment par siège et s'accompagnent parfois de lésions du
L'atteinte était complète une fois sur quatre, les radio- plexus brachial. Le mécanisme lésionnel associe une
graphies étaient normales (Sciwora) une fois sur deux. distraction à une flexion latérale ou une rotation.
158 Particularités liées à l'âge et au terrain

Particularités Protocole d'imagerie


Avant 8 ans, la position haute du pivot de flexion [6] Radiographies
explique la plus grande fréquence de lésions cervi-
La radiographie de profil est généralement réalisée
cales hautes de C0 à C2. Ces lésions, qui repré-
en décubitus en rayon horizontal, de C0 à T1. La
sentent 72 % des lésions traumatiques rachidiennes
radiographie de face est peu contributive et, comme
dans cette tranche d'âge, sont surtout des lésions
souvent chez l'adulte, il est rare de découvrir une
ligamentaires, sont plus graves et plus létales, et s'as-
anomalie qui ne soit pas déjà visible sur le profil. La
socient fréquemment à des lésions médullaires [14].
radiographie de face bouche ouverte n'est pas indis-
Certaines lésions observées sont spécifiquement
pensable avant 5 ou 9 ans car difficile à réaliser [30,
pédiatriques comme la subluxation rotatoire C1–C2
31]. En pratique, on peut s'arrêter après deux tenta-
et la fracture C1–C2 au travers de la synchondrose.
tives si le profil est normal, et réaliser un scanner au
Après 8 ans, les lésions du rachis cervical inférieur pré- moindre doute. En pratique, la radiographie de pro-
dominent et sont identiques à celles de l'adulte, avec fil seule a une sensibilité de 65 à 87 % et de 96 %
plutôt des fractures [4, 28]. Elles sont classifiées et associée aux radiographies de face et bouche ouverte
traitées de la même manière, et sont surtout des frac- [15]. C'est pourquoi certains proposent de ne faire
tures–compressions et des lésions en hyperflexion. qu'un profil et, en cas de doute, réaliser une TDM.
Chez l'enfant de moins de 3 ans, une étude récente Des radiographies de mauvaise qualité et une
de Polk-Williams retrouve toutefois une fréquence méconnaissance des aspects normaux de l'enfant
partagée entre les fractures et les lésions médullaires sont à l'origine de diagnostics erronés [32] surtout
cervicales hautes et basses, les fractures de C2 étant de C0 à C2 et amènent à réaliser des scanners inuti-
les plus fréquentes avec 26,5 % des cas [29] et les lement. Les épreuves dynamiques fonctionnelles
fractures de C6 et C7 représentant respectivement sont réalisées afin de rechercher des lésions ligamen-
16,5 et 18, 5 % des lésions rachidiennes. taires instables, souvent de manière retardée, après
disparition du spasme musculaire, devant des radio-
graphies initialement normales.
Indication de l'imagerie
Les critères NEXUS ont été appliqués chez l'enfant Scanner
avec une valeur prédictive négative et une sensibilité
de 100 % pour exclure une lésion rachidienne [14]. Il permet de mieux définir anatomiquement une
Egloff propose de les utiliser chez l'enfant mais pru- fracture détectée en radiographie standard et de
demment avant 9 ans et surtout 2 ans [15]. Viccelio rechercher un recul du mur postérieur.
propose de rajouter la communication verbale à ces Il découvre aussi les lésions non ou mal visualisées
cinq critères [24]. En général, les meilleurs indica- en radiographie standard, notamment de C0 à C2
teurs semblent être la cervicalgie, les signes neuro­ (fracture de Jefferson, subluxation rotatoire C1–
logiques et un mécanisme à haut risque. C2) et au niveau de la jonction cervicothoracique.
En pratique, on peut diviser les patients en trois
groupes :
IRM
• un groupe à bas risque (critères NEXUS) sans
radiographies ; C'est un examen de seconde intention réalisé en cas
• un groupe à risque moyen (patient conscient mais de signes neurologiques et de radiographies nor-
pas tous les autres critères NEXUS) avec radio- males. Sa réalisation n'est pas toujours possible en
graphies complétées par un scanner avant 10 ans phase aiguë. Il permet de mettre en évidence des
si les radiographies sont douteuses ou s'il existe lésions médullaires (section, hémorragie, œdème),
une forte suspicion de lésion ; périmédullaires ­(hématome épidural) des artères
• un groupe à haut risque (patient inconscient, vertébrales, et disco-capsuloligamentaires traduisant
obnubilé, polytraumatisé, traumatisme violent, une instabilité. En dehors de la phase aiguë, il per-
examen neurologique anormal) avec TDM céré- met d'évaluer les séquelles telles que syringomyélie
bral et cervical et plus ou moins IRM. et atrophie médullaire.
Chapitre 8. Traumatisme de l'enfant 159

Traumatismes du rachis niveau. Elles sont associées dans 40 % des cas à une
cervical haut fracture de l'axis. Leur diagnostic est difficile et il ne
faudra pas les confondre avec des synchondroses et
Luxation C0–C1 des variantes d'ossification.
Il s'agit d'une lésion rare, avec une prévalence de Auyong distingue trois types de lésions selon le
0,8 % [33] qui est 2,5 fois plus fréquente chez l'en- siège des traits de fracture [35] : un arc (type I),
fant que chez l'adulte [2]. Elle survient surtout chez deux arcs (type II) et fracture des masses latérales
l'enfant en bas âge après un accident de la voie (type III) (fig. 8.5). Ces lésions sont stables tant que
publique, en tant que piéton ou passager avec le ligament transverse reste intact (pas de lésion ou
déploiement d'un airbag, ou lors de l'accouchement d'avulsion de ses insertions osseuses). Dans certains
avec utilisation des forceps ou naissance par le siège. cas, le trait de fracture peut intéresser ou disjoindre
les synchondroses.
Cette lésion est souvent fatale par section de la jonc-
tion bulbomédullaire, ou laisse de lourdes séquelles. Sur les radiographies de face bouche ouverte, la frac-
Elle s'associe, souvent dans le cadre d'un polytrau- ture n'est visible que si elle est déplacée, et se mani-
matisme, à des lésions cérébrales, médullaires feste par une divergence des masses latérales de C1 et
hautes, des derniers nerfs crâniens et des premiers C2 supérieure à 6–8 mm soit l'équivalent de la lar-
nerfs rachidiens [34]. L'hémorragie méningée et les geur d'une masse. Ceci signe la rupture du ligament
lésions du tronc cérébral sont fréquemment obser- transverse et une instabilité en flexion avec un risque
vées, ces dernières lésions étant à l'origine d'une de compression médullaire. Les traits de fracture des
instabilité cardiorespiratoire. La distraction C0–C1 arcs antérieur ou postérieur sont parfois visibles sur le
est secondaire à une interruption des ligaments cliché de profil. Le scanner est impératif afin d'analy-
alaires et apicaux et de la membrane tectoriale. Elle ser le nombre de traits et de rechercher une avulsion
peut être de type vertical, antérieur ou postérieur. du ligament transverse. Il permet également de
rechercher d'autres lésions cervicales et d'explorer les
Les radiographies de profil montrent un épaississe-
lésions cérébrales parfois associées. L'IRM permet de
ment des parties molles antérieures, un défaut d'ali-
suspecter une fracture non déplacée devant un signal
gnement de C0–C1 avec une dislocation antérieure ou
liquidien dans la synchondrose, et de mettre en évi-
postérieure avec un déplacement vers le bas de l'apo-
dence une rupture du ligament transverse.
physe odontoïde, une ligne de Wackenheim anormale
et un espace condyle occipital–masse latérale de C1 Luxation antérieure C1–C2
augmenté (> 5 mm). L'espace basion–dent (normale-
ment inférieur à 12 mm) n'est pas fiable chez l'enfant, La luxation odonto-atloïdienne traduit une lésion
car il varie selon la rotation de la tête et le degré d'ossifi- du ligament transverse, et parfois aussi des ligaments
cation de la dent. Cette dislocation s'associe dans 25 % alaires et de la membrane tectoriale. Elle peut se
des cas à des lésions postérieures de C1–C2 [34]. Le
scanner montre précisément la luxation et d'éven-
tuelles fractures associées. L'IRM visualise les anoma-
lies ligamentaires et éventuellement vasculaires. Le
traitement consiste en une arthrodèse de C0 à C2.

Fractures de l'atlas
Ces fractures, aussi appelées fracture de Jefferson, sont
rares chez l'enfant. Elles sont secondaires à une
compression axiale, surtout après une chute de
­
­hauteur sur le vertex, ou après un plongeon chez
l'adolescent. Les forces sont transmises par les
condyles occipitaux vers les masses latérales de C1.
Fig. 8.5 Fracture de l'atlas.
Elles se manifestent par des douleurs ou un torticolis
La solution de continuité passe dans la partie antérieure de la
à distance du traumatisme. Il y a peu de lésions neuro- masse latérale gauche. Elle respecte la synchondrose adjacente.
logiques associées, le canal rachidien étant large à ce Pour mémoire, spina bifida occulta de l'arc postérieur.
160 Particularités liées à l'âge et au terrain

manifester par des douleurs ou un torticolis. La synoviale inflammée et des ligaments dans l'articula-
luxation isolée survient généralement dans un tion créant une obstruction mécanique pérennisée
contexte de traumatisme violent en hyperflexion. La par la contracture musculaire. Le délai diagnostique
luxation peut être associée à une fracture. La plupart est la principale cause de chronicité et de récidive,
du temps, elle survient sur une laxité chronique à rendant inévitable un traitement chirurgical.
l'occasion d'un traumatisme mineur comme dans La classification de Fielding et Hawkins (fig. 8.6)
l'arthrite chronique juvénile, le syndrome de Down distingue quatre types de subluxations rotatoires de
(10 à 20 % d'instabilité C1–C2), la maladie de gravité croissante en fonction de la position du pivot
Morquio, le syndrome de Klippel-Feil, un os de rotation et du degré de luxation antérieure ou
odontoïdeum ou une hypoplasie de l'odontoïde. postérieure de l'atlas [38] :
Quoi qu'il en soit, il existe une instabilité en flexion • dans le type 1, le pivot se situe sur l'apophyse
avec un risque de lésion neurologique. odontoïde, le ligament transverse est intact, il n'y
Le diagnostic peut être est posé sur une radiogra- a pas de déplacement antérieur de C1 sur C2 ;
phie de profil : espace atlanto-axoïdien supérieur à • dans le type 2, le pivot est sur l'une des masses
5 mm, rétrécissement du canal rachidien, épaississe- latérales, le ligament transverse est interrompu et
ment des parties molles prévertébrales, ligne de il existe un déplacement antérieur de C1 sur C2
Swischuk coupant l'arc postérieur de C2. La luxa- avec un espace atloïdo-axoïdien entre 3 à 5 mm ;
tion étant réductible en extension et en position • dans le type 3, la rotation est associée à une
neutre, elle peut ne pas être vue initialement et translation antérieure, les ligaments transverses
n'être diagnostiquée qu'à distance sur les clichés et alaires sont lésés, il existe une translation
dynamiques en flexion. antérieure de C1–C2, l'espace atloïdo-axoïdien
mesure plus de 5 mm ;
• dans le type 4, il existe un déplacement postérieur
Luxation rotatoire C1–C2 de C1, possible uniquement si la dent est hypo-
La subluxation rotatoire de C1–C2 est une l­ésion plasique, absente ou fracturée.
typique de l'enfant, habituellement observée de Cette classification, obtenue à partir d'études radio-
5 à 13 ans [36]. Elle survient après un mouvement graphiques chez l'adulte, n'est pas complètement
rapide ou forcé de rotation de la tête, lors d'une gifle, adaptée à l'enfant, une distance C1–C2 étant nor-
d'un sport tel que le judo, ou après un accident parfois male jusqu'à 5 mm. Elle a toutefois l'avantage de
dans un contexte de traumatisme mineur. Chez l'en- guider le traitement. Dans les types 2 à 4, le diagnos-
fant, les articulations C1–C2 horizontales et étroites, la tic est facile car il y a une dislocation et le traitement
laxité ligamentaire et la faiblesse musculaire favorisent est chirurgical. Le type 1, le plus fréquent et le plus
une surrotation [37]. Parmi les autres facteurs favori- stable, est aussi le plus difficile à diagnostiquer car
sants, on peut retrouver certaines pathologies (Down, l'articulation reste bloquée dans une amplitude de
Morquio, Marfan), une infection respiratoire haute, rotation physiologique. Il est nécessaire de réaliser
une arthrite chronique juvénile, une chirurgie de la tête une imagerie dynamique pour prouver le blocage de
et du cou, mais parfois aucune cause n'est mise en évi- l'articulation C1–C2 [39, 40]. L'imagerie permet
dence. Cliniquement, l'enfant se présente avec un tor- également d'éliminer une fracture de C1 ou C2, qui
ticolis douloureux irréductible, avec rotation de la tête peut aussi se manifester par un torticolis douloureux
d'un côté et inclinaison et flexion controlatérale rappe- irréductible à distance d'un traumatisme négligé ou
lant l'attitude du rouge-gorge. On peut alors palper non suspecté initialement.
l'apophyse épineuse de C2 du même côté que le men- Les radiographies sont difficiles à réaliser en raison
ton, à l'inverse d'une rotation physiologique de la tête. de l'attitude vicieuse (fig. 8.7a et b) et la superposi-
Il n'y a généralement pas de signes neurologiques. tion des structures anatomiques crâniennes gêne
La subluxation va de la limitation articulaire à la fixa- leur interprétation. L'aspect radiologique est aspéci-
tion complète irréductible. La subluxation cède sou- fique, souvent identique à une rotation normale de
vent après immobilisation cervicale par minerve dans la tête ou à une autre cause de torticolis. Sur les cli-
80 % des cas. Les facteurs de fixation ont été attribués chés bouche ouverte, on retrouve une asymétrie des
à : un œdème de la capsule ; une invagination de la masses latérales par rapport à l'odontoïde, celle qui
Chapitre 8. Traumatisme de l'enfant 161

a b

c d

Fig. 8.6 Luxation rotatoire C2–C3 : classification de Fielding et Hawkins.


a. Type 1 centré sur l'apophyse odontoïde, respectant le ligament transverse (en rouge).
b. Type 2 centré sur une masse latérale avec rupture du ligament transverse.
c. Luxation rotatoire associée à une translation antérieure en bloc.
d. Luxation rotatoire associée à une translation postérieure en bloc. Ce type nécessite une fracture ou une agénésie de la dent.

est tournée vers l'avant apparaissant plus large. Le repos, puis en rotation maximale controlatérale. En
basi-occiput et l'apophyse épineuse de C2 sont de cas de fixation (fig. 8.8), il n'y a pas de modification
part et d'autre de la ligne médiane matérialisée par de l'angle C1–C2, alors que dans les autres cas de
l'apophyse odontoïde, à la différence d'une rotation figure, l'angle s'inverse [41]. Il peut exister une
physiologique de la tête. Sur le profil, il y a un contre-rotation de C0–C1 tentant de compenser
débord antérieur unilatéral d'une masse latérale de une subluxation rotatoire C1–C2 chronique [33].
C1, et les arcs postérieurs ne sont pas superposés. L'IRM peut montrer des lésions des ligaments alaires
Le scanner est la méthode de référence pour mettre et transverses. En pratique, une minerve est mise en
en évidence la rotation fixée de C1 sur C2 avec des place pendant 1 semaine après le diagnostic de torti-
reconstructions en 2D et en 3D. Il doit être fait colis ; un torticolis qui persiste au-delà est dit fixé.
immédiatement après un traumatisme, afin d'élimi- Il est important de faire le diagnostic le plus pré-
ner une fracture, et après 2 semaines de traitement cocement possible afin d'éviter la chronicisation.
symptomatique (minerve) en cas de persistance Le traitement est orthopédique si le diagnostic se
d'un torticolis. La superposition des coupes axiales fait pendant le premier mois. La fusion chirurgi-
montre la rotation de C1 sur C2. Dans les types 2 à cale devient nécessaire si la déformation persiste.
4, la TDM statique est diagnostique en montrant un
décalage antérieur ou postérieur de C1 sur C2.
Fracture de l'apophyse odontoïde
Le type 1 en statique est indifférenciable d'un tor-
ticolis d'une autre nature ou d'une rotation volon- Bien que rare, il s'agit de la fracture cervicale
taire de la tête (fig. 8.7c à e). Son diagnostic pédiatrique la plus courante. Elle survient par un
nécessite un scanner dynamique en position de traumatisme en flexion, en général après une chute
162 Particularités liées à l'âge et au terrain

Fig. 8.7 Torticolis.


a, b. Les radiographies de face (a) et de profil (b) bien qu'imparfaites montrent une rotation de C1 sur C2 sur l'incidence de profil.
c. Vue supérieure en imagerie 3D (c).
d, e. Reformations coronale dans le plan bivestibulaire (d) et axiale centrée sur l'atlas (e). Intégrité des ligaments alaires (d) et du liga-
ment transverse (e). Décoaptation de type physiologique.

ou un accident de la voie publique. Avant 4–7 ans,


le trait de fracture passe dans la synchondrose,
comme dans un décollement épiphysaire ou épi-
physiolyse tantôt aigu (fig. 8.9), tantôt chronique
(fig. 8.10).
La radiographie initiale de profil montre un déplace­
ment antérieur majeur. Le trait de fracture passe par
la synchondrose sous-dentale et consolide bien,
probablement en raison de l'intégrité du périoste
antérieur.
Fig. 8.8 Luxation rotatoire C2–C3 fixée. Après 7 ans, les fractures sont identiques à celles de
Accrochage de la masse latérale droite de l'axis contre le
bord postérieur de celle de l'atlas. La rotation est de l'ordre
l'adulte et sont classées en trois types selon Anderson
de 45°. Notez la déviation du processus épineux de C2 et d'Alonzo. Sur les radiographies, il existe un épaissis-
(flèche). sement des tissus mous. La dent est habituellement
Chapitre 8. Traumatisme de l'enfant 163

déplacée vers l'avant ou basculée en arrière, avec un ne consolide pas, elle peut être à l'origine d'un os
risque de compression médullaire. En l'absence de odontoïdeum (voir fig. 1.16 et 1.17) [42, 43].
déplacement, la radiographie peut être normale. En
cas de fracture non déplacée et de diagnostic douteux, Fracture des pédicules de l'axis
le scanner peut montrer l'élargissement de la synchon-
Encore appelée fracture des isthmes de C2 ou frac-
drose, et l'IRM permet un diagnostic définitif en
ture du pendu, elle est secondaire à une hyperexten-
visualisant un signal de type liquidien à ce niveau. Le
sion avec compression axiale postérieure et distraction
traitement est orthopédique le plus souvent, avec
antérieure. Elle est rare chez l'enfant, plus fréquente
immobilisation en hyperextension par une minerve.
avant 3 ans et survient en cas de choc frontal lors
Les clichés dynamiques à distance vérifient la bonne
d'un accident de la voie publique. On peut aussi l'ob-
consolidation de la fracture par sa stabilité. Si la lésion
server dans le syndrome de Silvermann [44].
Des fractures verticales bilatérales sont visibles au
niveau des isthmes sur le cliché de profil, avec un
déplacement antérieur le plus souvent minime de C2
sur C3. La ligne de Swischuk passe en avant de l'arc
postérieur de C2. Les lésions neurologiques sont
rares car le canal rachidien, déjà large à ce niveau,
s'élargit davantage suite à la fracture. Cette fracture
ne doit pas être confondue avec les synchondroses
neurocentrales de C2 (bien que des fractures soient
possibles à ce niveau), la pseudo-luxation C2–C3 et
la spondylolyse congénitale de C2.
La fracture peut éventuellement être associée à : une
fracture du coin ou du listel inférieur de C2 ou de
C3 ; une rupture du ligament vertébral commun
antérieur ; une brèche horizontale dans le disque C2–
C3, voire une luxation interapophysaire postérieure.
Comme chez l'adulte, on utilise la classification d'Ef-
Fig. 8.9 Épiphysiolyse aiguë de la dent. fendi en trois types. Le traitement est orthopédique
La radiographie initiale de profil montre un déplacement anté- dans les types I et II, et chirurgical dans les types III.
rieur majeur. Le trait de fracture passe par la synchondrose
sous-dentale.

Fig. 8.10 Épiphysiolyse chronique de la dent.


a. La radiographie initiale de profil montre un aspect normal de la synchondrose sous-dentale. Les parties molles prévertébrales sont
également normales. Apparition progressive d'un torticolis.
b. La radiographie de contrôle à la troisième semaine montre un déplacement secondaire et l'apparition d'un petit cal osseux antérieur
(flèche).
164 Particularités liées à l'âge et au terrain

Traumatismes du rachis cervical Traumatisme en compression axiale


moyen et inférieur Ce type de mécanismes est rarement observé chez
l'enfant [6]. Il survient principalement dans les
Ils sont rares et prédominent chez l'adolescent. Les
accidents de trampoline et de plongée. L'aspect
lésions les plus fréquentes sont des compressions des
radio­logique est celui d'une fracture–éclatement
corps vertébraux et des luxations en flexion [33].
ou burst fracture. Le corps vertébral tassé apparaît
élargi dans tous ses diamètres. Le recul postérieur
Traumatisme en flexion des fragments peut comprimer la moelle et latéra-
Il génère, selon la sévérité du traumatisme, des lésions lement les nerfs. Le disque est généralement intact.
par compression sur la colonne antérieure et des
lésions par traction sur la colonne postérieure. La
compression intéresse le corps vertébral, surtout de
Traumatisme en extension
sa partie antérieure, sous forme d'un tassement
cunéiforme. Il peut éventuellement être associé à une Il peut se limiter à un arrachement, parfois mul-
avulsion du listel antérosupérieur ou une fracture– tiple, du listel vertébral antéro-inférieur par le liga-
séparation sagittale. La distraction postérieure est à ment longitudinal antérieur. Chez le jeune enfant,
l'origine de lésions ligamentaires à type d'entorse ou l'avulsion est complète à la manière d'un décolle-
de luxation zygapophysaire. Ces lésions sont instables ment épiphysaire de type Salter 1. Chez l'ado-
si l'angulation est supérieure à 11°, si le listhésis lescent et en raison du développement avancé des
dépasse 3,5 mm, et si les espaces interapophysaires, processus semi-lunaires, il s'agit le plus souvent
discaux et interépineux sont élargis. La lésion du d'un décollement de type 3. Ces lésions conso-
complexe ligamentaire postérieur n'est pas toujours lident bien après simple immobilisation, avec à dis-
évidente initialement, d'où l'intérêt d'un bon suivi tance un aspect de large ostéophyte [45]. Le
clinique ponctué par des clichés dynamiques secon- diagnostic est généralement évident sur une radio-
daires. Le scanner est indispensable à l'évaluation des graphie de profil (fig. 8.11). En l'absence de dépla-
lésions osseuses. L'IRM est réalisée en cas de luxation cements, cette lésion est impossible à détecter en
articulaire bilatérale, avant ou après réduction en radiographie et au scanner. Elle peut être suspectée
fonction des signes neurologiques, afin de rechercher sur l'élargissement du disque et être mise en évi-
un hématome épidural ou une hernie discale [25]. dence en IRM.

Fig. 8.11 Avulsion du listel vertébral antéro-inférieur de C3.


a. Aspect radiographique initial.
b. Un contrôle radiographique à 3 ans montre une image de rostre induit par le trouble de la croissance.
Chapitre 8. Traumatisme de l'enfant 165

Sciwora Sciwora comme l'invagination transitoire des liga-


ments jaunes dans le canal rachidien en hyperexten-
L'élasticité et l'hypermobilité du rachis avant 8 ans
sion rétrécissant son diamètre de 50 % [52], une
protègent l'enfant des fractures, mais l'exposent au
compression médullaire par des fragments cartilagi-
Sciwora. Cet acronyme de spinal cord injury without
neux radiotransparents issus des plateaux verté-
radiologic abnormality a été défini en 1982 par
braux, une ischémie par vasospasme [46].
Pang. Le Sciwora associe des signes objectifs de
myélopathie après un traumatisme sans anomalies L'IRM en urgence est impérative. Après avoir éli-
visibles sur les radiographies ou le scanner. miné une compression médullaire par une hernie
discale ou un hématome périmédullaire, elle permet
Sa fréquence dans les traumatismes rachidiens varie
de mettre en évidence : des anomalies telles
selon les études de 5 à 65 % chez l'enfant [46, 47],
qu'œdème, hémorragie ou rupture médullaire ; des
alors qu'il ne survient que dans 10 à 12 % des cas
signes d'instabilité comme les lésions capsulaires,
chez l'adulte [48, 49].
discales ou ligamentaires. Si l'IRM est normale ini-
Les lésions cervicales sont les plus fréquentes (74 %) et tialement, elle doit être refaite dans la semaine afin
sont à l'origine de la moitié des lésions médullaires cervi- de rechercher des anomalies subtiles mal visualisées
cales post-traumatiques [25, 50]. Elles surviennent sur- précocement. La séquence de diffusion pourrait
tout avant l'âge de 10 ans, avec des lésions cervicales montrer davantage de lésions au stade aigu, alors
hautes, sévères, complètes [4], dans les suites d'un trau- que les autres séquences sont normales [47, 53].
matisme sportif violent, une maltraitance (secousses),
L'évolution dépend de la lésion initiale, l'hémorra-
une chute ou un accident de la voie publique. Les lésions
gie et la section médullaire partageant un mauvais
observées lors de l'accouchement concernent surtout les
pronostic, tandis que les chances de récupération
naissances par siège [51]. Après 10 ans, les lésions
sont élevées en cas d'IRM normale ou de simple
atteignent plutôt le rachis cervical bas, après un trauma-
œdème. Le traitement consiste, après élimination de
tisme sportif ou un accident de la voie publique, et sont
toute lésion compressive, en l'injection intraveineuse
moins graves. Les lésions thoraciques sont rares grâce à
d'un traitement neuroprotecteur à base de corti-
la protection de la cage thoracique. Elles surviennent
coïdes suivi d'une immobilisation de 12 semaines.
dans 13 à 30 % des cas [2, 17] surtout en région thora-
cique haute. Les lésions lombaires sont exceptionnelles. Des propositions de modification de la définition de
Les signes neurologiques, complets ou partiels, sont ce syndrome ont été faites par plusieurs auteurs, la
immédiats, mais parfois retardés jusqu'à 4 jours ou réci- définition initiale du syndrome n'incluant pas l'IRM.
divants par instabilité ou développement d'une ischémie Certains proposent d'appeler Sciwora vrai l'absence
[50]. Les lésions médullaires cervicales hautes de C1 à de toute anomalie radiologique incluant l'IRM, et de
C3 peuvent s'accompagner d'un arrêt cardiorespiratoire remplacer l'acronyme Sciwora, terme ambigu, par
ou d'une hypotension souvent réversibles après réanima- Sciwona – spinal cord injury without neuroimaging
tion. Le Sciwora doit être considéré comme une lésion abnormality. Ce terme serait l'équivalent de ce qui est
hautement instable, secondaire à d'importantes lésions actuellement dénommé choc spinal et en partagerait
ligamentaires qui pourront être responsables de lésions la même fréquence et le même bon pronostic [25].
retardées ou récurrentes. Les lésions associées thoraco-
abdominopelviennes ne sont pas rares.
Le mécanisme lésionnel est le plus souvent un trau- Traumatismes du rachis
matisme en traction de type hyperextension, hyper- thoracolombaire
flexion, traction dans l'axe. Le déplacement des
vertèbres est transitoire. Elles se remettent en place Épidémiologie
spontanément sans lésion osseuse identifiable radio-
logiquement, alors que l'étirement de la moelle pro- Les lésions lombaires et thoraciques surviennent
voque diverses lésions. Rappelons que chez l'enfant, dans 5 à 34 % des traumatismes chez l'enfant et
la colonne peut s'étirer de 5–6 cm sans se rompre, l'adolescent, mais représentent moins de 1 % de
tandis que la moelle ne peut tolérer qu'un étirement l'ensemble des traumatismes rachidiens [17]. Elles
de 5 mm. Mis à part l'étirement, d'autres méca- sont plus fréquentes après 10 ans (92,1 % de 10 à
nismes ont été mis en cause dans la pathogénie du 16 ans [1]), surtout chez les garçons et sont le plus
166 Particularités liées à l'âge et au terrain

souvent des fractures (91 %) comme chez l'adulte. Résultats


Les fractures sont retrouvées plus fréquemment à
l'étage thoracique, puis lombaire, puis au niveau de Traumatisme en flexion
la charnière thoracolombaire [1, 54]. Un élément à Le tassement est souvent minime avec une différence
ne pas négliger est le caractère souvent multifocal de d'au moins 3 mm entre les murs antérieur et posté-
ces fractures ce qui impose une exploration radiolo- rieur sur la radiographie de profil. Si la différence de
gique de l'ensemble du rachis. hauteur est supérieure à 25 %, il faut suspecter une
La mortalité de ces lésions est faible. La morbi- interruption ligamentaire postérieure. Ces tassements
mortalité dépend surtout des lésions associées, sou- peuvent donner une cyphose angulaire aiguë ou pro-
vent dans le cadre d'un polytraumatisme, avec des gressive en cas de lésions multiples thoraciques, ou
lésions craniofaciales dans 28 % des cas, du rachis un effacement de la lordose en cas de lésion lombaire.
cervical dans 4,7 %, des lésions thoraciques et sur- Une angulation de 20 à 30° peut se remodeler chez
tout abdominales comme dans les seat-belt frac- l'enfant jeune avec des physes encore ouvertes. Une
tures. Les lésions neurologiques sont peu fréquentes restitution ad integrum est possible selon l'intensité
et surtout liées à la présence de lésions thoraciques de la stimulation de la croissance vertébrale en
et de la charnière thoracolombaire. réponse à la fracture [19]. Par contre, ce mécanisme
Les mécanismes lésionnels sont identiques en thora- de compensation n'est plus possible dès lors que la
cique et lombaire. En général, le type lésionnel qui pré- physe est lésée et pour des angulations supérieures à
domine est la fracture, surtout en compression. La cage 30°, d'où un risque de défaut de croissance et de
thoracique, la cyphose et l'orientation coronale des déformation ultérieure à l'adolescence.
articulations interapophysaires postérieures concourent En cas de maltraitance [10, 26], on peut observer,
à limiter les mouvements de flexion–extension du suite à un mécanisme d'hyperflexion, de compression
rachis thoracique, mais n'empêchent ni la compression et de rotation, des fractures–séparations du corps ver-
ni la distraction. Dans une étude récente, les types de tébral au niveau des synchondroses neurocentrales et
lésions se répartissaient ainsi sur 137 traumatismes des plateaux vertébraux, avec une luxation antérieure
rachidiens : 34 % de lésions thoraciques, 29 % de lésions ou postérieure du corps vertébral donnant un aspect
lombaires, 78 % de fractures, 6 % de luxations, 12 % de de vertèbre vagabonde (fig. 8.12). Cette lésion, qui
fractures–luxations, avec des fractures : en compression survient le plus souvent au niveau de la charnière tho-
dans 42 % des cas, de Chance dans 4 % des cas, et de racolombaire et avant 3 ans, donne des signes neuro-
type burst dans 8 % des cas [17]. Le traitement de ces logiques en cas de luxation postérieure et provoque
lésions est le plus souvent orthopédique.

Imagerie
Le bilan radiographique doit être entrepris en toutes
circonstances dans la mesure où les règles de prédic-
tion clinique ne sont pas applicables l'étage thoraco-
lombaire. Les radiographies de face et de profil
suffisent généralement au diagnostic. Le scanner est
réalisé pour préciser une lésion détectée en radio-
graphie. Il permet de préciser l'état de la colonne
moyenne de Denis, le degré de rétrécissement du
canal rachidien, l'état de l'arc postérieur.
L'IRM est essentiellement indiquée en cas de signes
neurologiques sans lésion osseuse. Dans certains
cas, il est utile de préciser l'état du disque (incarcé-
ration somatique ou hernie discale) et du complexe
ligamentaire postérieur. Le but étant alors de dépis-
ter les lésions potentiellement instables ou exposées Fig. 8.12 Vertèbre vagabonde.
à des cals vicieux. Luxation antérieure d'un noyau d'ossification primaire (en rouge).
Chapitre 8. Traumatisme de l'enfant 167

une cyphose secondaire. De simples tassements


cunéiformes du corps vertébral sont également pos-
sibles par choc direct (enfant assis de force) au niveau
lombaire. Les lésions de secousses provoquent des
fractures ou luxations, avec un mécanisme d'hyperex-
tension–hyperflexion au niveau des charnières cervi-
cothoracique et thoracolombaire. T12

Traumatisme en compression axiale


Avant l'âge de 10 ans, il y a tout d'abord enfonce- L1
ment d'un plateau vertébral, en général le plateau
supérieur, suivi d'une impaction du disque dans le
corps vertébral simulant un pincement. Ce type de
tassements ne doit pas être confondu avec la maladie
de Scheuermann, qui nécessite le tassement de trois
vertèbres consécutives, une cyphose supérieur à 5°
et la présence de nodules de Schmorl. À l'étage lom-
baire, une compression axiale peut donner un Fig. 8.13 Lésions étagées par compression.
arrache­ment du listel postérieur [19] surtout chez Avulsion du listel vertébral antérosupérieur de T12 et tassement
l'adolescent gymnaste ou pratiquant l'haltérophilie, cunéiforme du plateau vertébral supérieur de L1.
parfois sans traumatisme aigu, s'apparentant ainsi à
une fracture de fatigue [55]. Takata a classifié les La fracture en diabolo est, comme chez l'adulte,
arrachements des listels en trois types : une fracture–séparation du corps vertébral
• le type 1 correspond à un arrachement du listel (fig. 8.14). Chez le jeune enfant, il y a une lésion
(de 11 à 13 ans) ; physaire de type Salter 3. L'incarcération du disque
• le type 2 correspond à un arrachement associé de dans la solution de continuité peut entraîner un
l'os trabéculaire (de 13 à 18 ans) ; retard de consolidation, voire une pseudarthrose.
• le type 3 correspond à un arrachement plus
Traumatisme en hyperflexion
important de la partie postérieure du corps verté-
bral après 18 ans [56]. La luxation et les fractures de Chance se ren-
À un degré de plus de compression, il y a une fracture contrent principalement dans les accidents de la cir-
de type burst. Elle prédomine à la charnière thoraco- culation. Elles sont liées à un mauvais port de la
lombaire. La compression, transmise aux autres ver- ceinture de sécurité ou à une ceinture de sécurité de
tèbres, explique la fréquence des lésions multiples type deux points. L'exemple classique est celui
(fig. 8.13). L'atteinte du listel et du disque peut donner d'une décélération brutale avec hyperflexion vers
une fusion prématurée par lésion de la physe avec défor- l'avant de la partie haute du tronc, tandis que la
mation progressive [17]. Le pronostic de ces fractures ceinture abdominale fixe le bassin. Elles sont plus
dépend du degré de recul du mur postérieur. Il est d'au- fréquentes de 3 à 9 ans et affectent la jonction tho-
tant plus grave que le siège de la lésion est en regard du racolombaire, le plus souvent entre T12 et L4 [57].
cordon médullaire. Les radiographies de profil montrent La luxation intervertébrale ne pose généralement pas
une fracture du mur postérieur avec rétropulsion de de problème diagnostique. La fracture de Chance
fragments dans le canal. De face, il existe une peut être plus difficile à identifier. Chez l'enfant, les
­augmentation de la distance interpédiculaire, une frac- lésions sont un peu différentes de l'adulte en raison
ture verticale des lames ou une subluxation latérale des de la présence de la physe et de la plus grande résis-
processus articulaires. Le scanner est indispensable pour tance du disque. On observe surtout en avant un
apprécier l'état de la colonne moyenne et le degré de décollement complet (ou partiel) du listel, identique
rétrécissement du canal. Le risque neurologique est à une fracture de type Salter 1 avec un bon potentiel
­augmenté si la sténose canalaire est supérieure à : 35 % de consolidation, plutôt qu'une fracture du disque.
en T11–T12 ; 45 % à L1 ; 55 % à L2 et en dessous. Sales de Gauzy propose ainsi une classification des
L'IRM est indiquée en cas de signes neurologiques. fractures de Chance chez l'enfant en trois types :
168 Particularités liées à l'âge et au terrain

Fig. 8.14 Fracture en diabolo de L3.


a. Radiographie initiale de profil.
b, c. Coupes sagittales scanographiques en fenêtres osseuse (b) et partie molle (c). d. Coupe sagittale IRM en séquence T2 et satura-
tion de la graisse. La fracture − séparation siège en regard de la partie antérieure du nucléus pulposus. L'IRM démontre parfaitement
l'incarcération du nucléus dans le foyer de fracture.

• le type 1 combine une lésion physaire du plateau en cyphose. L'IRM permet de distinguer les lésions
supérieur et une lésion du complexe ligamentaire discales des lésions des listels [57]. Les fractures de
postérieur avec la vertèbre sus-jacente, plus ou Chance type 1 et type 3 sont instables et nécessitent
moins associées à une fracture d'une apophyse une stabilisation chirurgicale. Le type 2 est accessible
articulaire supérieure ; à un traitement orthopédique. Signalons enfin l'im-
• le type 2 correspond, comme chez l'adulte, à portance de dépister les lésions associées surtout vis-
une lésion osseuse pure à travers le processus cérales et intestinales–abdominales qui sont présentes
épineux, les lames, les pédicules, le corps verté- dans 50 % des cas et qui peuvent engager le pronos-
bral (fig. 8.15) ; tic vital.
• le type 3 combine une lésion physaire du plateau
inférieur et une lésion du complexe ligamentaire Traumatisme en hyperextension
postérieur avec la vertèbre sus-jacente, plus ou La fracture de Chance inversée est exceptionnelle
moins associées à une fracture d'une apophyse chez l'enfant. La solution de continuité passe volon-
articulaire inférieure. tiers par les zones de moindre résistance à la traction :
Le corps vertébral peut être le siège d'un discret tas- cartilage de croissance et synchondrose neurocen-
sement cunéiforme responsable d'une déformation trale (fig. 8.16).
Chapitre 8. Traumatisme de l'enfant 169

Fig. 8.15 Fracture de Chance de T12.


a, b. Radiographies de face (a) et de profil (b). Le corps vertébral apparait vide de face. Scission polaire horizontale des deux pédicules
ou signe de la cupule (flèches). Nette augmentation de la hauteur du mur postérieur sur la radiographie de profil (b).
c, d, e, f. Bilan scanographique avec coupes sagittales médianes en fenêtre osseuse (c) et partie molle (e), et parasagittales gauche (d)
et droite (f). Le trait de fracture horizontal (flèches) passe par le processus épineux et les isthmes. Il respecte les articulations interapo-
physaires sus- et sous-jacentes (cercles).
170 Particularités liées à l'âge et au terrain

Fig. 8.16 Fracture de Chance inversée.


a, b. Les radiographies de face (a) et de profil (b) montrent un léger rétrolisthésis et une minime translation vertébrale vers la droite
(flèches). Volumineux fuseau paravertébral.
c, d, e, f. Le bilan scanographique démontre un décollement du listel vertébral supérieur (d). Le trait de fracture se poursuit en arrière
et vers le bas à travers la synchondrose neurocentrale (c, e, f).

La lyse isthmique correspond, en principe, à une Lésions sacrococcygiennes


fracture de stress sur une zone fragilisée par des
mouvements répétés de flexion–extension. Ces lyses Les lésions sacrococcygiennes représentent environ
isthmiques surviennent surtout chez l'adolescent 0,16 % des traumatismes [1]. Elles sont souvent
sportif (11 % des gymnastes) et en L5–S1 dans 97 % méconnues, non traitées ou associées à d'autres
des cas. Dans de rares cas, elle peut être aiguë et liée lésions pelviennes et rachidiennes.
à un traumatisme brutal en hyperextension. Des cas
de spondyloptose lombo-sacrée ont été décrits si le
traumatisme survient en position assise [58].
Chapitre 8. Traumatisme de l'enfant 171

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Chapitre 9
Diagnostic et prise en charge d'une
fracture–tassement ostéoporotique
T. Moser, R.-M. Javier

Généralités sur l'ostéoporose avait fait l'objet d'un diagnostic clinique de fracture
[2]. Dans deux tiers des cas, le diagnostic de dou-
Selon la conférence de consensus de l'OMS de leur rachidienne arthrosique ou discale avait été
1993, l'ostéoporose est une maladie diffuse du évoqué, entraînant des thérapeutiques inadaptées
squelette caractérisée par une masse osseuse basse et [3].
une altération de la micro-architecture du tissu Dans l'étude européenne EPOS concernant 14 011
osseux ayant pour conséquence une fragilité osseuse sujets de plus de 50 ans, l'incidence morphomé-
accrue à l'origine d'une élévation du risque de frac- trique des fractures vertébrales a été estimée à
ture [1]. 10,7 pour 1000 personnes/année chez les femmes
L'ostéoporose (OP) est un problème de santé et 5,7 pour 1000 personnes/année pour les
publique (pris en compte dans la loi du 9 août 2004 hommes, avec une augmentation marquée de cette
relative à la politique de santé publique) qui a béné- incidence avec l'âge chez la femme comme chez
ficié depuis une dizaine d'années de nombreux pro- l'homme [4]. Les données françaises de l'étude
grès tant dans la prévention, le diagnostic que le EPIDOS confirment cette augmentation des frac-
traitement avec le développement de nombreuses tures vertébrales avec l'âge chez les femmes avec
molécules pharmaceutiques. une prévalence de fracture vertébrale de 19 % chez
les femmes de 75 à 79 ans, de 21,9 % chez les
femmes de 80 à 84 ans et de 41,4 % chez les femmes
Épidémiologie de plus de 85 ans [5].

Les fractures ostéoporotiques ont un impact écono- Physiopathologie de l'ostéoporose


mique majeur en termes de santé publique. En effet,
le risque de fracture ostéoporotique à l'âge de Le risque fracturaire dépend de plusieurs éléments
50 ans pour la vie restante est estimé à 40 % chez les – masse osseuse, qualité osseuse –, ainsi que de fac-
femmes et à 13 % pour les hommes. Le nombre de teurs extra-osseux – en particulier les chutes, la
fractures vertébrales a été évalué en France à environ diminution de la force musculaire et de l'acuité
70 000/an. L'épidémiologie des fractures verté- visuelle essentielle chez les sujets âgés (fig. 9.1).
brales est moins bien connue que celle des fractures Parmi ces éléments, seule la masse osseuse est
appendiculaires du fait de l'absence fréquente de actuelle­ment mesurable et déterminerait 70 à 80 %
symptômes et de diagnostics clinique ou radio­ de la résistance osseuse. À tout moment, la masse
logique. Plusieurs études récentes fondées sur un osseuse est la résultante du capital osseux acquis au
suivi morphométrique attentif au cours d'essais thé- cours de la croissance et de l'intensité de la perte
rapeutiques ont démontré qu'un peu moins d'un osseuse ultérieure. Dans les deux sexes, une perte
tiers des nouvelles déformations vertébrales visibles osseuse physiologique linéaire lente qui débute vers
radiologiquement chez des patientes ménopausées 40 ans est estimée à 3 % par décennie en secteur
Traumatologie du rachis
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174 Particularités liées à l'âge et au terrain

Pic de masse Perte osseuse


osseuse préménopausique (?)

MASSE OSSEUSE PERTE OSSEUSE Perte osseuse


À LA MÉNOPAUSE POSTMÉNOPAUSIQUE liée à l’âge

Autres facteurs
OSTÉOPÉNIE de risque

Facteurs Qualité osseuse


FRACTURE
extra-osseux (architecture)

Fig. 9.1 Schéma physiopathologique des ostéoporoses.

trabéculaire. Chez la femme, il s'y associe une perte Parmi les causes médicamenteuses, il convient d'insis-
osseuse ­post-ménopausique causée par la carence ter sur la corticothérapie, première cause d'ostéopo-
œstrogénique qui entraîne une augmentation du rose secondaire, mais également sur l'augmentation
nombre et de l'activité des ostéoclastes et donc un
excès de résorption osseuse. Ainsi entre 20 et 80 ans, Encadré 9.1
la femme perd environ 40 % de sa masse osseuse Causes les plus fréquentes
avec d'importantes déconnexions trabéculaires alors d'ostéoporoses secondaires
que l'homme n'en perd que 25 % sans altération
significative de la connectivité trabéculaire. Après Pathologies
70 ans, l'hyperparathyroïdie secondaire à la carence • Hypogonadisme primaire ou secondaire
(aménorrhée).
calcique et en vitamine D accélère encore la perte
osseuse. • Maladies endocriniennes (­hyperparathyroïdie,
hypercorticisme, thyrotoxicose…).
• Entérocolopathies inflammatoires.
Principales causes d'ostéoporose • Rhumatismes inflammatoires chroniques
(polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropa-
Même si l'ostéoporose liée à l'âge en particulier thies).
post-ménopausique prédomine, les causes secon- • Malabsorption (maladie cœliaque ++).
daires de perte osseuse doivent absolument être • Mastocytose.
recherchées. En effet, environ 50 % des femmes • Transplantation d'organes.
avec une faible densité minérale osseuse ont des
Traitements médicamenteux
antécédents médicaux ou des prises médicamen-
• Corticothérapie par voie générale.
teuses susceptibles de causer des pertes osseuses et
• Aluminium.
dans certaines séries, 20 à 64 % des femmes ostéo-
• Analogues du GnRH.
porotiques auraient des anomalies biologiques
• Anti-épileptiques.
favorisant une ostéoporose secondaire. Il est donc
• Chimiothérapie.
indispensable de chercher de principe une cause
d'ostéoporose secondaire (encadré 9.1) devant • Contraception par progestatifs à action anti-
gonadotrope (ex. : acétate de médroxyproges-
toute ostéoporose densitométrique ou fracturaire.
térone).
Les examens biologiques et radiologiques associés à • Héparinothérapie au long cours.
un interrogatoire détaillé sont également indispen- • Immunosuppresseurs (anticalcineurines :
sables pour éliminer une ostéopathie fragilisante ciclosporine A, tacrolimus).
non ostéoporotique, maligne (myélome, métastases • Hormones thyroïdiennes à dose suppressive.
osseuses) ou bénigne (hyperparathyroïdie primitive, • Inhibiteurs de l'aromatase.
ostéomalacie, ostéodystrophie rénale).
Chapitre 9. Diagnostic et prise en charge d'une fracture–tassement ostéoporotique 175

importante du risque fracturaire survenant sous souvent un enchaînement des fractures ou « cas-
­traitement anti-hormonal au cours des cancers hor- cade fracturaire » [6]. L'indication d'un traite-
mono-dépendants : traitements par anti-aromatases ment anti-ostéoporotique est également facile
au cours du cancer du sein et traitements par priva- chez des femmes ménopausées ayant un T-score
tion en androgènes au cours des cancers de la très diminué inférieur à − 3 ;
prostate. • en l'absence de fracture vertébrale, chez une
patiente ostéopénique ou proche du seuil diagnos-
tique de l'OP, d'autres facteurs de risque cliniques
Risque fracturaire : de fracture doivent être combinés à la mesure den-
sitométrique pour calculer chez chaque femme le
intérêt du FRAX®
risque absolu de fracture à 10 ans.
L'instauration d'un traitement anti-ostéoporotique L'OMS a ainsi conçu l'outil FRAX® (fracture risk
chez une femme ménopausée va dépendre de nom- assessment tool) développé à partir de cohortes de
breux facteurs (encadré 9.2) : population étudiées en Amérique du Nord, Asie,
• en présence d'une fracture vertébrale ostéoporo- Australie et Europe, en donnant des pondérations aux
tique, l'indication est évidente. En effet même différents facteurs de risque pertinents. Cet outil per-
après ajustement pour l'âge et la densité osseuse, met de calculer le risque absolu à 10 ans de survenue
le fait d'avoir une fracture vertébrale prévalente d'une fracture de l'extrémité supérieure du fémur et
augmente le risque de fracture vertébrale inci- d'une autre fracture ostéoporotique majeure (verté-
dente mais également le risque de fracture péri- brale, avant-bras, humérus), mais doit encore être
phérique y compris du col fémoral. De plus, le testé et validé pour chaque pays afin de déterminer un
risque de nouvelle fracture vertébrale est immé- seuil rentable d'intervention thérapeutique [7].
diat, puisqu'une patiente sur cinq fera une nou-
velle fracture vertébrale dans l'année suivante avec
Diagnostic clinique de fracture
vertébrale ostéoporotique
Encadré 9.2 Le diagnostic d'ostéoporose fracturaire vertébrale
Facteurs de risque indépendants peut être évoqué dans trois circonstances :
de la densité minérale osseuse • des rachialgies aiguës ou chroniques ;
pour estimer le risque de fracture • une perte de taille de plus de 3 cm par rapport à
selon les recommandations de une taille préalablement mesurée ;
l'Afssaps • une hypercyphose rachidienne dorsale.
• Âge +++. Les fractures vertébrales cliniques peuvent se mani-
• Antécédent personnel de fracture. fester selon deux principaux profils douloureux :
• Antécédent de fracture de l'extrémité du • un épisode douloureux initial très intense associé
fémur chez parents du premier degré. le plus souvent à une fracture vertébrale complète
• Diminution de l'acuité visuelle. nécessitant souvent une hospitalisation et s'amé-
• Insuffisance de masse corporelle (< 19 kg/m2). liorant en 4 à 8 semaines. Au cours d'études pros-
• Corticothérapie ancienne ou actuelle (> 3 mois). pectives, une fracture vertébrale clinique entraîne
• Troubles neuromusculaires ou orthopédiques. 18 jours de douleur rachidienne sévère, 32 jours
• Consommation de tabac. de handicap important, avec retour à un état
• Mauvais état de santé (plus de trois maladies
d'équilibre après 5 à 7 mois [8] ;
chroniques). • un épisode douloureux d'intensité plus faible
• Hyperthyroïdie. associé à une fracture vertébrale incomplète, mais
• Polyarthrite rhumatoïde.
susceptible de se répéter à plusieurs reprises dans
les 6 à 18 mois suivants avec constitution d'une
• Cancer du sein.
fracture vertébrale complète en plusieurs étapes.
• Augmentation du remodelage osseux (éléva-
tion des marqueurs de résorption). C'est dans ce second cas que les diagnostics
seraient le plus fréquemment erronés.
176 Particularités liées à l'âge et au terrain

Fracture-tassement vertébral

Antalgiques palier II Insuffisant


Idem +
et/ou III
calcitonine
± repos
± physiothérapie

Efficace

Efficace Insuffisant
Reverticalisation précoce
+ traitement de l’ostéoporose
Hospitalisation
Bisphosphonates IV et/ou
Reverticalisation ± corset
vertébroplastie
+ traitement de l’ostéoporose
+ traitement de
l’ostéoporose

Fig. 9.2 Prise en charge thérapeutique d'une fracture–tassement à la phase aiguë.

La cascade fracturaire vertébrale (fig. 9.2) a deux Encadré 9.3


conséquences principales : d'une part, la répétition
d'épisodes douloureux aigus et d'autre part, des Classification OMS
conséquences statiques avec perte de taille, hyper­ de l'ostéoporose fondée
cyphose et rachialgies chroniques. Ces douleurs sur la densitométrie osseuse
prolongées, liées au retentissement de l'affaissement • Normale : densité osseuse inférieure de
moins de 1 écart type à celle de l'adulte jeune
vertébral sur les différentes articulations interverté-
(T-score > − 1).
brales et sur la musculature périvertébrale, ne cèdent
• Ostéopénie : densité osseuse comprise entre
pas au traitement de l'ostéoporose.
− 1 et − 2,5 écarts types par rapport à l'adulte
Une étude prospective de cohorte a démontré que jeune (− 2,5 ≤ T-score ≤ − 1).
les fractures vertébrales sont associées à une aug- • Ostéoporose : densité osseuse inférieure à
mentation de la mortalité, proportionnelle au − 2,5 écarts types par rapport à l'adulte jeune.
nombre de fractures prévalentes [9, 10]. • Ostéoporose sévère : densité osseuse infé-
rieure à − 2,5 écarts types par rapport à l'adulte
jeune en présence d'une ou plusieurs fractures
Place de la densitométrie par fragilité.
osseuse : le T-score
La DXA (dual energy X-ray absorptiometry) ou diagnostique la plus précise de l'ostéoporose et
absorptiométrie biphotonique aux rayons X est la seule qui soit facilement réalisable en pratique
pour l'OMS la méthode de référence de la clinique.
mesure de la densité minérale osseuse (DMO). Le T-score est établi en comparant la valeur obte-
En effet, compte tenu de l'étroite relation entre nue à la moyenne de référence de l'adulte jeune
DMO et risque fracturaire, un groupe d'experts pour le même sexe et la même ethnie. Le rachis et
de l'OMS a proposé de définir l'ostéoporose pri- l'extrémité supérieure du fémur sont les sites habi-
mitive de la femme post-ménopausique à haut tuellement mesurés. La mesure de l'avant-bras
risque fracturaire à partir de critères densitomé- peut être utilisée lorsqu'une des deux mesures
triques (encadré 9.3) [11]. La mesure quantita- précédentes ne peut être mesurée ou interprétée,
tive de la DMO est donc actuellement l'approche en cas d'hyperparathyroïdie ou d'obésité morbide
Chapitre 9. Diagnostic et prise en charge d'une fracture–tassement ostéoporotique 177

empêchant l'utilisation de la technique. En France, Place des différentes techniques


la densitométrie osseuse est remboursée dans cer- d'imagerie
taines indications depuis le 30 juin 2006 (enca-
dré 9.4), sous réserve d'un contrôle de qualité de
Pour le radiologiste, la première étape est de recon-
la machine.
naître la présence d'une fracture vertébrale et d'ap-
Deux précisions sont à apporter : précier son importance. La deuxième étape est de
• le T-score n'est pas un seuil décisionnel thérapeu- faire la distinction entre une fracture ostéoporotique
tique et n'est pas suffisant à lui seul pour affirmer et une fracture maligne, ce qui nécessite une analyse
l'ostéoporose qui nécessite la normalité des exa- sémiologique rigoureuse des radiographies et par-
mens étiologiques ; fois le recours à d'autres modalités d'imagerie.
• la définition OMS de l'ostéoporose ne prend pas
en compte les modifications micro-architecturales
Diagnostic positif d'une fracture
susceptibles de fragiliser l'os indépendamment
des modifications densitométriques. ostéoporotique
La VFA (vertebral fracture assessment) est une tech- Les radiographies de la colonne vertébrale restent la
nique d'évaluation des déformations et fractures principale modalité pour faire le diagnostic de frac-
vertébrales par la densitométrie, avec une dose d'ir- ture ostéoporotique, mais il ne faut pas négliger le
radiation nettement inférieure (10 μSv) à celle des rôle des radiographies pulmonaires et des scanners
radiographies (800 μSv). Elle permet une optimisa- thoraco-abdominaux qui peuvent révéler ces
tion des décisions thérapeutiques. ­fractures de manière accessoire. Une campagne de

Encadré 9.4

Indications remboursées de la densitométrie osseuse (d'après le Journal


officiel du 30 juin 2006)
Indications remboursées de la densitométrie mandées pour la protection osseuse.)
dans la population générale quels que soient • Antécédent de fracture du col fémoral sans
l'âge et le sexe traumatisme majeur chez un patient au premier
• En cas de signes d'ostéoporose : découverte degré.
d'une fracture vertébrale, antécédents de fracture • Indice de masse corporelle inférieur à
périphérique sans traumatisme majeur (sont 19 kg/m 2.
exclues les fractures du crâne, des orteils, des • Ménopause avant 40 ans quelle qu'en soit la
doigts, du rachis cervical). cause.
• En cas de pathologie ou traitement potentielle- • Antécédent de prise de corticoïdes d'une durée
ment inducteur d'ostéoporose : au moins de 3 mois consécutifs à une dose de
– lors d'une corticothérapie systémique prescrite 7,5 mg/j d'équivalent prednisone.
pour une durée de 3 mois consécutifs, à une dose
supérieure à 7,5 mg/j d'équivalent prednisone ;
Pour un second examen
– antécédent de pathologie ou de traitement
• À l'arrêt du traitement anti-ostéoporotique, en
inducteur d'ostéoporose : hypogonadisme pro-
dehors de l'arrêt précoce pour effet indésirable
longé (incluant l'androgénoprivation chirurgi-
chez la femme ménopausée.
cale (orchidectomie) ou médicale (analogue de
la GnRH), hyperthyroïdie évolutive non trai- • Chez une femme ménopausée sans fracture
tée, hypercorticisme, hyperparathyroïdie primi- lorsqu'un traitement n'a pas été mis en route
tive et ostéogenèse imparfaite. après une première densitométrie montrant
une valeur normale ou une ostéopénie, une
Indications supplémentaires de la deuxième densitométrie peut être réalisée 3 à
densitométrie chez la femme ménopausée 5 ans après la réalisation de la première en
(Y compris sous traitement hormonal de la méno- fonction de l'apparition de nouveaux facteurs
pause à des doses inférieures aux doses recom- de risque.
178 Particularités liées à l'âge et au terrain

sensibilisation a été menée récemment par la Société fracture quand il existe une perte de hauteur (anté-
française de rhumatologie auprès des radiologistes, rieure, moyenne ou/et postérieure) du corps verté-
afin que la description adéquate de ces fractures per- bral d'au moins 20 % et une réduction de sa surface
mette une prise en charge adaptée [12]. d'au moins 10 %. Un degré 0,5 est attribué aux cas
Une fracture ostéoporotique se traduit par une perte limites. Un degré 1 est une perte de hauteur légère
de hauteur du corps vertébral avec déformation d'un comprise entre 20 et 25 % (ou 10–20 % de sa sur-
ou deux plateaux vertébraux. La déformation peut face). Un degré 2 est une perte de hauteur modérée
être cunéiforme, uni- ou biconcave, voire en galette. comprise entre 25 et 40 % (ou 20–40 % de sa sur-
Le caractère récent ou ancien d'une fracture peut être face). Un degré 3 est une perte de hauteur sévère
déterminé par comparaison aux examens antérieurs supérieure à 40 % (ou plus de 40 % de sa surface). On
incluant les radiographies et scanners du thorax et de peut ainsi calculer un indice de fracture rachidienne
l'abdomen (fig. 9.3). Le caractère récent est ég­alement en faisant la somme des degrés des différentes
évoqué en présence d'une ligne de condensation sous fractures.
le plateau fracturé, témoignant initialement de l'im-
paction trabéculaire et secondairement du cal osseux Diagnostic différentiel des fractures
(fig. 9.4). Ce cal osseux est souvent proéminent chez
les patients traités par corticoïdes.
malignes
L'importance des fractures ostéoporotiques peut être La possibilité d'une fracture maligne en rapport
quantifiée au moyen de différents scores. La méthode avec l'envahissement tumoral de la vertèbre est sur-
semi-quantitative de Genant [13] prend en compte le tout considérée en cas d'antécédents néoplasiques,
type de la déformation et la perte de hauteur des ver- mais doit rester à l'esprit du radiologiste. Différents
tèbres T4 à L4 (fig. 9.5). Elle sépare les fractures signes présents sur les radiographies, et au besoin
cunéiformes des fractures biconcaves. On parle de l'IRM et le scanner, permettent de s'orienter.

a b
Fig. 9.3 Cascade fracturaire chez une patiente de 81 ans.
Les radiographies de profil de la colonne thoracique obtenues à quelques mois d'intervalle montrent la présence de multiples fractures
ostéoporotiques (flèches blanches) et l'apparition de nouvelles fractures (flèches noires).
Chapitre 9. Diagnostic et prise en charge d'une fracture–tassement ostéoporotique 179

a b
Fig. 9.4 Évolution radiographique d'une fracture ostéoporotique de L2 chez une patiente de 68 ans.
Il existe initialement (a) une image de condensation linéaire du foyer de fracture qui va disparaître en quelques mois (b).

Fig. 9.5 Mesure semi-quantitative des fractures ostéoporotiques selon Genant.

Radiographies malignes sont plutôt latéralisées en raison du carac-


tère hétérogène de l'ostéolyse tumorale. Les corti-
Les radiographies de l'ensemble de la colonne tho-
cales osseuses peuvent être interrompues par le trait
racique et lombaire permettent de préciser le siège
de fracture mais ne sont jamais effacées dans les frac-
et le nombre des fractures. Les fractures ostéoporo-
tures ostéoporotiques. Le mur postérieur est géné-
tiques sont volontiers multiples et typiquement
ralement préservé, mais comporte souvent un
situées à la charnière thoracolombaire et au rachis
fragment cunéiforme postérosupérieur susceptible
lombaire. À l'inverse, les fractures malignes sont
de reculer dans le canal rachidien (fig. 9.6). À l'in-
ubiquitaires et plus souvent solitaires. Ainsi, une
verse, les fractures malignes présentent typiquement
fracture sus-jacente à l'étage T7, surtout si elle est
un effacement des corticales osseuses (pédicules et
unique, suggère une origine maligne.
plateaux vertébraux sur l'incidence de face, mur
Les fractures ostéoporotiques sont habituellement postérieur et plateaux vertébraux sur le profil) et de
centrales et symétriques de face (exception faite l'os trabéculaire [12].
d'une scoliose sous-jacente), alors que les fractures
180 Particularités liées à l'âge et au terrain

a d

b c
Fig. 9.6 Fracture ostéoporotique de T12 chez une patiente de 63 ans.
a. Les radiographies initiales montrent une fracture récente de T12 (flèche) ainsi qu'une fracture ancienne de T8.
b. Le scanner réalisé 15 jours plus tard montre bien l'impaction trabéculaire du foyer de fracture, le fragment cunéiforme postérosupé-
rieur du mur postérieur et le léger épaississement périvertébral.
c. La scintigraphie osseuse réalisée 1 mois plus tard montre une hypercaptation de T12.
d. La radiographie effectuée à 2 mois montre la condensation osseuse correspondant au cal.
Chapitre 9. Diagnostic et prise en charge d'une fracture–tassement ostéoporotique 181

Certaines fractures ostéoporotiques comportent au sion médullaire après traitement. Dans ce cas, le
sein du foyer de fracture une image gazeuse appelée piège principal est de méconnaître ou d'identifier à
vide intrasomatique qui traduit la non-consolida- tort un remplacement médullaire diffus qui se tra-
tion du foyer de fracture, souvent associée à la per- duit par un signal diffusément hypo-intense par rap-
sistance des douleurs. La présence de ce signe exclut port aux disques intervertébraux en pondération T1.
généralement une fracture maligne, bien qu'il ait été L'injection de produit de contraste est rarement néces-
exceptionnellement rapporté chez des patients saire au diagnostic différentiel. Tant l'œdème que le
atteints de myélome multiple [14, 15]. remplacement médullaire prennent le contraste. La
prise de contraste associée à l'œdème est homogène et
IRM laisse persister le dessin trabéculaire. Elle entraîne une
L'IRM est la meilleure modalité d'imagerie pour étu- restauration du signal vertébral normal si on utilise une
dier les variations de signal de la moelle osseuse et séquence pondérée T1 sans saturation du signal de la
s'avère extrêmement utile pour différencier une frac- graisse. La prise de contraste du remplacement médul-
ture ostéoporotique d'une fracture maligne. laire est hétérogène avec effacement du dessin trabécu-
L'interprétation repose principalement sur une laire et plus intense, n'aboutissant pas à une restauration
séquence pondérée T1 qui montre bien le contenu du signal vertébral normal avec la séquence pondérée
graisseux normal de la moelle osseuse et une séquence T1 sans saturation du signal de la graisse [16].
de type STIR sensible à l'œdème médullaire. Dans le cas particulier des fractures comportant un
L'œdème médullaire est plus difficile à détecter sur les vide intrasomatique, on observe une cavité dont le
séquences pondérées T2 sans suppression du signal, signal est fortement hypo-intense T1 et STIR si le
elles ne doivent donc pas être employées isolément. contenu est gazeux, ou hypo-intense T1 et hyperin-
En cas de fracture ostéoporotique récente, le tense STIR si le contenu est liquidien. On peut
contenu graisseux est infiltré par l'œdème qui prédo- observer le remplacement progressif du gaz par le
mine autour du trait de fracture, le plus souvent sous liquide en position de décubitus (fig. 9.7).
le plateau vertébral supérieur. Les portions verté- Dans les situations difficiles, on peut s'aider d'autres
brales situées à distance du trait de fracture séquences d'IRM dont l'intérêt n'est pas véritable-
conservent un signal graisseux normal. L'arc neural ment prouvé à l'heure actuelle.
conserve habituellement un signal normal, même si La séquence en opposition de phase repose sur la
les fractures des pédicules sont loin d'être exception- différence de vitesse de précession des protons de
nelles. L'œdème médullaire se traduit par un signal l'eau et de la graisse qui se trouvent alternativement
modérément hypo-intense T1 et nettement hyperin- en phase et en opposition de phase. Sur une IRM
tense STIR laissant persister le dessin trabéculaire à la 1,5 Tesla, on peut obtenir une séquence en phase
manière d'un voile nuageux. Dans les fractures plus pour un TE de 4,6 ms et une séquence en opposi-
anciennes, l'œdème disparaît progressivement et la tion de phase pour un TE de 2,3 ms. Dans la moelle
vertèbre retrouve un signal graisseux normal. Dans osseuse normale, la coexistence de graisse et d'eau
certains cas, le processus de réparation se traduit par entraîne normalement une chute de l'intensité du
une accumulation plus importante de moelle grais- signal sur la séquence en opposition de phase. Cette
seuse sous le plateau vertébral fracturé. chute de signal disparaît si le contenu médullaire est
En cas de fracture maligne, le remplacement du remplacé par de la tumeur, mais peu modifiée par
contenu graisseux normal par la tumeur apparaît l'œdème, permettant ainsi la distinction entre frac-
nettement hypo-intense T1 et variable en STIR, ture ostéoporotique et fracture maligne. Si les
effaçant le dessin trabéculaire. Les anomalies de images sont équivoques, on peut calculer le pour-
signal s'étendent volontiers à distance de la fracture. centage de chute du signal (intensité en phase −
On peut souvent objectiver une atteinte tumorale intensité en opposition de phase/intensité en phase)
des vertèbres adjacentes. qui est considéré anormal au-dessous de 80 % [17].
Ces modifications de signal sont plus évidentes chez La séquence de diffusion est fondée sur l'utilisation
le sujet âgé dont la moelle osseuse est majoritaire- d'un gradient bipolaire entraînant un déphasage puis
ment graisseuse, mais d'appréciation parfois subtile un rephasage des protons immobiles. Les protons
chez les patients jeunes ou présentant une reconver- soumis aux mouvements de diffusion dans l'espace
182 Particularités liées à l'âge et au terrain

b
Fig. 9.7 Fracture ostéoporotique de T10 avec phénomène de vide intrasomatique chez une patiente de 82 ans.
a. Les radiographies montrent la densité gazeuse au sein du corps vertébral fracturé.
b. L'IRM montre le remplissage progressif par du liquide. Le niveau gazeux résiduel ne doit pas être confondu avec le ciment qui a été
utilisé pour traiter la fracture de T12 (vertébroplastie).
Source : clichés dus à l'obligeance du Dr Suzanne Fontaine.

extracellulaire normal ne sont pas rephasés et ne patients dont le traitement inclut souvent de fortes
contribuent pas au signal. La diffusion des molécules doses de corticoïdes.
d'eau est restreinte dans les milieux richement cellu-
laires et dans les milieux extracellulaires visqueux. Les
Scanner [19]
fractures malignes comportent habituellement une
hypercellularité responsable d'une restriction de la En cas de doute sur les radiographies, le scanner est
diffusion, alors que la diffusion est peu modifiée dans beaucoup plus précis pour démontrer les caractéris-
les fractures ostéoporotiques. Cette restriction de la tiques de la fracture et rechercher une ostéolyse
diffusion est mieux appréciée par le calcul du coeffi- tumorale sous-jacente.
cient de diffusion apparent (ADC) qui est abaissé en Les fractures ostéoporotiques comportent plusieurs
cas de fracture maligne. Les valeurs peuvent égale- fragments qu'on peut, à la manière d'un puzzle,
ment être abaissées en cas de spondylodiscite [18]. rapprocher pour reconstituer le corps vertébral (voir
En dépit de ses nombreux avantages, l'IRM reste fig. 9.6b). Ceci n'est pas possible pour les fractures
limitée pour détecter l'infiltration tumorale micro­ malignes dont certaines pièces sont manquantes du
scopique. Ceci s'observe particulièrement au cours fait de l'ostéolyse tumorale. En outre, l'ostéolyse
des hémopathies telles le myélome multiple et les tumorale est souvent plus étendue que le foyer de
lymphomes, où il peut exister une discordance entre fracture. Dans de rares cas, les fractures ostéoporo-
un aspect de fracture ostéoporotique à l'IRM et la tiques prennent un aspect inquiétant, probablement
présence de cellules tumorales à la biopsie, reflétant par le biais d'une ostéolyse post-traumatique et de
le caractère multifactoriel des fractures chez ces phénomènes d'ostéonécrose [20].
Chapitre 9. Diagnostic et prise en charge d'une fracture–tassement ostéoporotique 183

Le scanner permet également d'apprécier la pré- tures pathologiques, telles une atteinte pagétique
sence de tissu tumoral dont la densité est supérieure ou angiomateuse.
à celle de la moelle osseuse normale ou œdéma-
teuse. Cette composante tissulaire devient évidente
quand elle envahit le canal rachidien ou l'espace Scintigraphie osseuse
périvertébral et apparaît volontiers nodulaire et asy- La distinction scintigraphique entre fracture ostéo-
métrique (fig. 9.8), alors que l'épaississement péri- porotique et fracture maligne s'appuie surtout sur la
vertébral associé aux fractures ostéoporotiques est distribution des lésions car l'hypercaptation du
typiquement régulier et peu épais (moins de 1 cm). radiotraceur s'observe dans les deux situations.
Hormis les causes tumorales, le scanner permet L'absence d'hypercaptation d'une vertèbre fractu-
également de reconnaître d'autres causes de frac- rée est en faveur du caractère ancien de la fracture.

c
Fig. 9.8 Fracture pathologique de T12 révélatrice d'un myélome chez une patiente de 82 ans.
a. Les radiographies montrent une fracture–tassement asymétrique avec une zone d'ostéolyse trabéculaire à la partie postérolatérale
gauche du corps vertébral T12 (flèche).
b, c. Le scanner permet de confirmer l'ostéolyse tumorale (b) et de guider la biopsie (c).
184 Particularités liées à l'âge et au terrain

L'hypercaptation est volontiers multifocale, impli- les produits. Il n'existe aucune étude antifracturaire
quant le crâne, les côtes, le bassin, l'extrémité proxi- comparant les bisphosphonates entre eux ou aux
male des os longs en cas de pathologie tumorale. autres traitements. La faible biodisponibilité des
Elle peut toutefois être absente en cas de myélome bisphosphonates oraux explique les conditions pré-
ou de métastases agressives qui inhibent les ostéo- cises de prise. La survenue d'ostéonécroses de
blastes. La scintigraphie permet de cibler les autres mâchoire en particulier sous bisphosphonates injec-
modalités d'imagerie ou une éventuelle biopsie vers tables au long cours dans des pathologies malignes
les sites d'intérêt. (jusqu'à 10 % des patients) a conduit à des recom-
mandations par l'Afssaps pour l'ostéoporose post-
Biopsie vertébrale guidée par l'imagerie ménopausique (même si le risque y est estimé à
1/100 000 patient-années).
En cas de doute persistant malgré le recours aux diffé-
rentes modalités d'imagerie, il est licite de recourir à la
Raloxifène
biopsie osseuse. En pratique, il s'agit le plus souvent
de patients avec une néoplasie connue chez qui la Modulateur sélectif des récepteurs œstrogéniques
confirmation d'une fracture maligne modifie la prise (effet œstrogénique sur l'os sans effet œstrogénique
en charge thérapeutique. Cette biopsie s'effectue sous sur le sein et l'endomètre), il permet un gain de DMO
guidage fluoroscopique ou scanner et peut constituer modéré et une réduction de 30 à 50 % du risque de
le premier temps d'une vertébroplastie (voir fig. 9.8). fracture vertébrale. Il n'a pas démontré d'efficacité
pour la prévention des fractures extravertébrales. Il est
utilisable en cas d'antécédent de cancer du sein, n'a
Traitement de l'ostéoporose pas d'effet sur les bouffées de chaleur ou les aggrave,
fracturaire vertébrale augmente le risque veineux thrombo-embolique dans
la même proportion que les œstrogènes.
La stratégie thérapeutique dans l'ostéoporose
Parathormone injectable
­dé­­pend de l'analyse complète des facteurs de risque
de fracture et de la DMO avec estimation du risque Administrée de façon intermittente en injection
individuel de fracture dans les 10 ans. Elle associera sous-cutanée quotidienne, l'hormone parathyroï-
des mesures pharmacologiques et non pharmacolo- dienne a un effet stimulant sur la formation osseuse.
giques, comme une modification du mode de vie L'efficacité est très marquée pour la réduction du
(arrêt des toxiques osseux type tabac et alcool, exer- risque de fractures vertébrales (diminution de 65 %)
cice en charge…), une normalisation des apports et de 53 % pour les fractures non vertébrales. Son
calciques et du taux de vitamine D. indication est limitée aux ostéoporoses sévères avec
au moins deux fractures vertébrales et pour une
durée courte (limitée à 18 mois).
Médicamenteux
Ranélate de strontium
La panoplie thérapeutique de l'ostéoporose s'est
beaucoup élargie avec la mise à disposition récente In vitro, le ranélate de strontium stimule la forma-
de plusieurs familles thérapeutiques ayant fait la tion osseuse et diminue la résorption osseuse. En
preuve de leur efficacité antifracturaire, toujours en prise orale à distance des repas, il réduit l'incidence
association avec un traitement par calcium et vita- des fracture vertébrales de 41 % et des fractures non
mine D. vertébrales de 16 % à 3 ans.

Bisphosphonates (alendronate,
risédronate, ibandronate, zolédronate) Indications de la radiologie
interventionnelle
Les bisphosphonates, traitement de référence de
l'ostéoporose, sont de puissants inhibiteurs de la La vertébroplastie est une procédure radiologique
résorption osseuse. Ils ont démontré qu'ils aug- visant à stabiliser les vertèbres fracturées par l'injec-
mentent la DMO de 5 à 7 % et réduisent l'incidence tion percutanée de ciment orthopédique afin d'obte-
des fractures vertébrales de 50 à 70 % à 3 ans selon nir un soulagement rapide des douleurs. Elle permet
Chapitre 9. Diagnostic et prise en charge d'une fracture–tassement ostéoporotique 185

notamment de traiter des patients chez qui les antal- dans plusieurs études ouvertes. Deux études ran-
giques apportent un soulagement incomplet ou domisées récentes contre placebo remettent en
entraînent des effets secondaires inacceptables, et question cette efficacité. Il existe de plus une
chez qui l'alitement prolongé est source de compli- controverse quant au rôle favorisant de la vertébro-
cations et facteur aggravant de la maladie ostéoporo- plastie sur la survenue de nouvelles fractures
tique. Elle est habituellement effectuée dans un délai ostéoporotiques.
de 3 à 6 semaines, après vérification de la concor-
dance entre le niveau clinique douloureux et la pré-
sence d'une fracture d'aspect récent à l'imagerie. Conclusion
Elle s'effectue sur un patient couché sur le ventre,
sous sédation consciente, au moyen d'un guidage La compréhension de la physiopathologie et des
fluoroscopique éventuellement couplé au scanner. répercussions cliniques, et la prise en charge théra-
Après mise en place d'un trocart de gros calibre (10 à peutique de la maladie ostéoporotique n'ont cessé
11 G) dans le corps vertébral, le ciment radio-opaque de progresser au cours des dernières années, si bien
est injecté en phase liquide. La polymérisation du que le radiologiste ne peut plus se contenter de la
ciment conduit à son durcissement en quelques simple mention d'un tassement vertébral dans son
minutes permettant la consolidation vertébrale. rapport. Au contraire, sa découverte doit initier un
La vertébroplastie est une procédure utilisée depuis bilan étiologique qui a été développé dans ce cha-
environ 20 ans et son efficacité a été démontrée pitre et est résumé ainsi dans la figure 9.9.

Découverte d’ une fracture-tassement

radiographies de l’ ensemble de la colonne thoraco-lombaire


facteurs de risque d’ostéoporose ou de néoplasie ?

Fracture ostéoporotique Doute Fracture maligne

DXA IRM scintigraphie osseuse


examens biologiques : ou scanner bilan d’extension
ostéoporose secondaire,
autre ostéopathie Biopsie vertébrale
fragilisante ?

Traitement symptomatique et étiologique

Fig. 9.9 Stratégie diagnostique devant une fracture–tassement.


186 Particularités liées à l'âge et au terrain

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Chapitre 10
Fractures du rachis enraidi
J. Durckel, J.-C. Dosch

En accidentologie (de la circulation, du travail, du mais surtout le rachis avec atteinte de la jonction
sport), les lésions traumatiques sont généralement discovertébrale, des ligaments périvertébraux, des
secondaires à des mécanismes à haute énergie et sur- articulations zygapohysaires et costotransversaires.
viennent en très grande majorité sur des vertèbres L'insertion osseuse des fibres périphériques de l'an-
saines. Un deuxième grand chapitre de la traumato- nulus fibreux réalise une enthèse. Son atteinte
logie rachidienne concerne les fractures patholo- inflammatoire détermine initialement une lyse du
giques (lésions survenant sur une vertèbre coin vertébral (mise au carré ou squaring), puis des
fragilisée) : il s'agit avant tout des tassements de phénomènes ossifiants du tissu spongieux vertébral,
l'ostéoporose, puis des tassements tumoraux des fibres périphériques de l'annulus fibreux et des
(métastases, myélome), beaucoup plus rarement ligaments périvertébraux (syndesmophytes, puis
d'autres étiologies comme le granulome éosino- ossification intersomatique). Dans les formes évo-
phile, l'hyperparathyroïdie, la maladie de Paget. Ces luées de la SA, il peut exister une ossification du
complications fracturaires sont souvent secondaires ligament longitudinal antérieur et des fibres péri-
à des traumatismes mineurs et même parfois tout à phériques de l'annulus fibreux, une ankylose des
fait spontanées. Un troisième groupe de fractures articulations zygapophysaires, parfois une ossifica-
vertébrales est représenté par les lésions trauma- tion du ligament longitudinal postérieur, du liga-
tiques survenant sur un rachis enraidi. Il s'agit avant ment jaune, des ligaments inter- et supra-épineux.
tout de la spondylarthrite ankylosante dont les com-
plications fracturaires aux phases évoluées sont
connues depuis plusieurs décennies. Plus récem- Causes des fractures vertébrales
ment, de nombreuses études ont démontré que la de la spondylarthrite ankylosante
maladie de Forestier ou hyperostose squelettique
diffuse idiopathique (ou DISH – diffuse idiopathic Dans la SA, le rachis est fragile, d'une part en raison
skeletal hyperostosis) pouvait entraîner le même type de l'ostéoporose associée à l'affection, d'autre part
de complications. On peut enfin intégrer dans ce en raison des conditions biomécaniques liées à la
groupe les lésions traumatiques du rachis cervical du rigidité vertébrale. Le risque de fracture liée aux
sujet âgé dont la présentation clinique, les circons- altérations que nous allons décrire est 6 à 7 fois
tances étiologiques, les complications, les problèmes supérieur à celui d'une population témoin.
diagnostics et thérapeutiques sont très proches.
Ostéoporose
Dès les premières années d'évolution de la maladie, le
Complications fracturaires rachis est le siège d'une déminéralisation comme
de la spondylarthrite ankylosante l'ont démontré les études densitométriques et l'aug-
mentation de l'excrétion urinaire des marqueurs de la
La spondylarthrite ankylosante (SA) est une enthé- résorption osseuse chez ces patients. Cette ostéopo-
site ossifiante touchant les articulations sacro- rose est probablement liée aux phénomènes inflam-
iliaques, les articulations axiales et périphériques matoires locaux et systémiques. Elle explique la

Traumatologie du rachis
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188 Particularités liées à l’âge et au terrain

survenue de tassements pour des traumatismes relati- épargné, il subit une dégradation fonctionnelle,
vement mineurs au cours de phases peu évoluées de perd son élasticité. Une métaphyse chondroïde est
la SA (fig. 10.1). Dans les phases tardives de l'affec- responsable d'une fragilité accrue : le disque peut
tion, quand il existe une ankylose étendue, l'immobi- dès lors se révéler le maillon faible du rachis. Dans
lité et le manque d'exercice aggravent cette les SA très évoluées, tout le disque intervertébral
ostéoporose. L'atrophie des muscles paraspinaux, par peut s'ossifier ; du fait de l'ostéoporose marquée, le
le manque de soutien, contribue à la fragilité locale. corps vertébral peut se révéler plus fragile que le
disque. Ces considérations peuvent expliquer dans
Rigidité une certaine mesure que les fractures transverté-
brales surviennent préférentiellement à travers l'es-
Le deuxième grand facteur fragilisant est la rigidité
pace discal dans les phases relativement moins
rachidienne. Chez un sujet sain, la mobilité que per-
évoluées de la maladie et plutôt à travers le corps
met le jeu normal des disques et des articulations
vertébral dans les formes très avancées.
intervertébrales joue un rôle d'amortisseur des
chocs. Quand le rachis est ankylosé, cette faculté Concernant l'atteinte discale deux considérations
d'amortissement n'existe plus, la colonne vertébrale annexes méritent d'être signalées. On observe assez
se comporte comme un bloc osseux rigide d'un seul souvent, chez les patients très jeunes et à des phases
tenant. Du fait de la longueur du segment ankylosé, précoces de l'affection, l'apparition de pincements
les bras de levier d'une éventuelle contrainte appli- discaux marqués et étagés qui ne peuvent s'expli-
quée sont élevés et le rachis peut se briser comme un quer par de simples discopathies dégénératives ; il
os long. Les ligaments périvertébraux ossifiés se s'agit là d'un autre témoin de l'atteinte discale au
fracturent selon le même mécanisme ; ils ne jouent cours de la SA. Le second point concerne les éven-
plus leur rôle de stabilisateur avec comme consé- tuelles calcifications discales. Leur présence peut se
quence le fréquent déplacement de ces fractures. révéler intéressante en IRM : quand elles sont très
fines, elles peuvent être responsables d'un hyper­
signal discal sur les séquences pondérées en T1 ; ce
Atteinte discale
signe oriente vers un bloc vertébral et peut se révéler
Un troisième facteur, plus accessoire, intervient utile si le diagnostic d'affection ankylosante n'est
dans les mécanismes de ces fractures : l'atteinte dis- pas connu au moment de la réalisation de
cale. Dans la SA, le disque intervertébral n'est pas l'examen.

T7

T7

T9
T9

a b d
Fig. 10.1 Tassements vertébraux sur spondylarthrite ankylosante débutante.
a. Tassements d'allure ostéoporotique de T7 et de T9.
b, c, d. L'exploration IRM en pondération T1 (b) et le scanner (c, d) montrent que le tassement de T9 est récent (œdème médullaire et
interruption corticale) contrairement à celui de T7 qui est ancien (reconversion graisseuse de la moelle osseuse, corticales intactes).
Notez les remaniements des articulations costovertébrales T7 en rapport avec la SA (c).
Chapitre 10. Fractures du rachis enraidi 189

Aspects des complications Quand on parcourt l'abondante littérature consa-


fracturaires de la spondylarthrite crée ces dernières années aux fractures transverté-
brales de la SA, on n'a pas toujours l'impression
ankylosante qu'il s'agit d'une seule et même entité. En effet,
La première possibilité, nous l'avons vu, est celle de dans certaines séries, il s'agit d'une circonstance
simples tassements ostéoporotiques pouvant survenir pathologique majeure avec un taux de mortalité très
dès les phases précoces de la maladie (voir fig. 10.1). élevé, une morbidité considérable avec de fréquentes
Aux stades évolués, ils peuvent toucher des segments séquelles neurologiques et la localisation de loin la
rachidiens épargnés par l'ankylose. Leurs signes cli- plus fréquente est cervicale inférieure. Dans d'autres
niques et radiographiques sont tout à fait superposables études, s'il peut certes s'agir d'un accident drama-
à ceux des tassements ostéo­porotiques communs. tique, l'accent est mis sur le problème ­diagnostic de
dorsolombalgies devant un tableau de discopathie
Dans les SA évoluées, comme chez le sujet âgé en
atypique évoluant souvent sur des mois ou des
général, une circonstance fréquente et grave est
années et la localisation élective concerne la jonction
constituée par la fracture de C2 et en particulier de
dorsolombaire. Cette différence de présentation cli-
l'apophyse odontoïde, que le rachis cervical soit par
nique et radiologique est en fait liée à un recrute-
ailleurs fusionné ou non. Il faut y penser de principe
ment différent des patients. Les premières séries
en cas de cervicalgies aiguës, a fortiori s'il y a une
concernent des patients vus en service d'urgence
notion de traumatisme.
pour un traumatisme ou une symptomatologie
Mais ce qui fait la particularité des formes évoluées de aiguë. Les seconds sont des séries « rhumatolo-
SA avec ankylose rachidienne est la survenue de frac- giques » où les patients sont vus en dehors de l'ur-
tures transvertébrales. Fragilité des patients, gravités des gence, essentiellement pour des dorsolombalgies
lésions, difficultés du diagnostic et de la prise en charge chroniques ; il s'agit à ce stade de lésions de pseu-
sont les caractéristiques essentielles de ces fractures. darthrose de fracture transversale (fig. 10.2) [1].

Fig. 10.2 Pseudarthrose L1–L2 sur spondylarthrite ankylosante.


Douleur rachidienne évoluant depuis un an.
a. La radiographie révèle une atteinte discovertébrale évoquant une spondylodiscite.
b, c, d. L'IRM en pondération T1 (b), STIR (c) et T1 Fast-Gd (d) montre une cavité liquidienne cernée par une pseudo-membrane
rehaussée par l'injection de produit de contraste.
e, f, g. Le scanner confirme l'origine post-traumatique en montrant le trait de fracture affectant de part en part l'arc postérieur.
190 Particularités liées à l’âge et au terrain

Formes aiguës des fractures Ces fractures traversent d'avant en arrière l'en-
transversales de la spondylarthrite semble des structures rachidiennes. Classiquement,
ankylosante on considérait qu'en avant le trait de fracture était
plus souvent transdiscal (fig. 10.4) que transcorpo-
Ce sont des fractures graves pouvant entraîner des
réal (fig. 10.5) ; en fait, l'analyse de grandes séries
complications neurologiques sévères. Elles consti-
montre une proportion sensiblement équivalente
tuent souvent un tournant évolutif de la maladie.
des deux localisations [2]. Les structures ligamen-
Elles surviennent sur un rachis ankylosé donc à une
taires sont généralement rompues (ligaments longi-
phase tardive de l'affection, généralement après une
tudinal antérieur, longitudinal postérieur,
vingtaine d'années d'évolution. L'âge moyen de
interépineux). En arrière, les lésions fracturaires
survenue sur de grandes séries est de 59 ans [2].
intéressent l'arc postérieur et passent par les lames,
La localisation cervicale est de loin la plus fréquente, les régions isthmiques, les massifs articulaires.
environ 80 % des cas : elle intéresse surtout le rachis
Un certain nombre de ces fractures surviennent à
cervical inférieur et la jonction cervicodorsale ; le
l'occasion de traumatismes violents : accident de la
mécanisme en est très habituellement un trauma-
voie publique, chute dans un escalier. Ces patients
tisme en hyperextension (voir fig. 3.15). Moins fré-
sont admis d'emblée en milieu chirurgical. Le bilan
quentes sont les localisations dorsale inférieure (T9
diagnostic à la recherche de lésions fracturaires et le
à T12 : 12 % des cas) et lombaire inférieure (8 %).
traitement sont rapidement mis en route. Mais la
Quand le segment ankylosé est relativement long, la
grande majorité des fractures transvertébrales sur-
fracture survient généralement à travers le segment
viennent à l'occasion de traumatismes mineurs :
fusionné ; la jonction cervicothoracique apparaît
chute de sa hauteur, d'une chaise, d'un lit ; faux
particulièrement vulnérable. Au contraire, quand
mouvement. Plusieurs facteurs contribuent à
le rachis n'est que partiellement fusionné, la fracture
mésestimer la gravité des lésions : le caractère
­
se voit plutôt à la jonction entre le segment mobile
minime du traumatisme peut faussement rassurer (le
et le segment ankylosé (fig. 10.3). Le long bras
malade et le médecin) et ne pas faire évoquer d'em-
de levier constitué par l'ankylose concentre les
blée une fracture ; la douleur fracturaire n'est pas
contraintes à son extrémité expliquant la localisation
toujours identifiée par le malade par rapport à une
fracturaire : c'est le cas en particulier pour les lésions
douleur rachidienne préexistante ; quelques patients
de l'apophyse odontoïde.
n'ont même aucun souvenir de traumatisme et

Fig. 10.3 Fracture de C6 sur spondylarthrite ankylosante évoluée.


La fracture de C6 survient entre deux segments ankylosés. Le spondylolisthésis visible sur la radiographie de profil couché (a) se réduit
en position assise (c). Le scanner en coupe axiale révèle une atteinte associée de l'arc postérieur (b). Les coupes sagittales montrent
bien l'ankylose des segments adjacents (d, e).
Chapitre 10. Fractures du rachis enraidi 191

Fig. 10.4 Fracture transdicale sur spondylarthrite ankylosante.


a. La radiographie de profil révèle une fracture de syndesmophyte (flèche ouverte).
b. La tomographie de profil montre l'extension postérieure de la fracture à travers les massifs articulaires ankylosés (flèche blanche).
Notez également l'ossification du disque intervertébral sous-jacent.

Fig. 10.5 Fracture transcorporéale sur spondylarthrite ankylosante.


a. La radiographie de profil révèle une fracture passant à quelques millimètres du plateau vertébral inférieur.
b, c. Les tomographies montrent un important déplacement sur le profil (b) et une extension sur l'arc postérieur à travers le pédicule
droit (c).
192 Particularités liées à l’âge et au terrain

d'autres enfin n'ont conscience d'aucun symptôme importe d'éviter les actes inutiles, d'aller d'emblée à
de fracture jusqu'à l'apparition aiguë de troubles l'examen performant à la suite d'un raisonnement
neurologiques. individuel pour chaque patient.
La gravité de ces fractures tient à deux facteurs : Se pose ainsi le problème des radiographies stan-
d'une part, leur caractère très instable avec fréquem- dard. Elles visualisent bien certaines fractures, en
ment des complications neurologiques, d'emblée ou particulier cervicales ; un signe précieux à ce niveau
secondairement ; d'autre part, l'âge et l'état général est la fracture d'une apophyse épineuse, souvent
souvent précaire de ces patients avec en particulier bien visible : elle coexiste pratiquement toujours
une insuffisance respiratoire. Westerwald [3] dans sa avec une fracture transvertébrale qui doit être
revue de la littérature de 2008 concernant 345 cas recherchée au même niveau ou aux niveaux immé-
de fractures transversales au cours de la SA retrouve diatement sus- ou sous-jacents. Mais beaucoup de
un taux de mortalité de 18 % dans les 3 mois suivant lésions fracturaires échappent aux radiographies
l'épisode traumatique. Les causes habituelles de conventionnelles, en particulier au niveau de la
décès sont liées à une insuffisance respiratoire secon- jonction cervicodorsale. Par ailleurs la cyphose, l'os-
daire à une pneumopathie d'inhalation, une infec- téoporose, les ossifications ligamentaires limitent
tion postopératoire, une thrombose veineuse beaucoup l'interprétation.
profonde avec embolie pulmonaire. Une cause de L'examen scanographique visualise au mieux ces
mortalité plus rare est représentée par l'atteinte aor- fractures transvertébrales. Il faut examiner le rachis
tique. L'aortite est une complication connue de la en entier depuis la charnière cervico-occipitale
SA avec prolifération intimale et fibrose adventi- jusqu'en L2 au moins. Le scanner avec les reforma-
tielle. Du fait des phénomènes inflammatoires, tions multiplanaires est un peu supérieur à l'IRM
l'aorte peut devenir très adhérente au ligament lon- pour la détection des fractures des différents élé-
gitudinal antérieur et subir de ce fait des forces de ments de l'arc postérieur et des luxations zygapo-
cisaillement lors de la dislocation vertébrale. physaires. Au niveau de la colonne antérieure, les
Les complications neurologiques sont fréquentes du fractures du ligament longitudinal antérieur sont
fait du caractère souvent déplacé de ces fractures [2, bien visualisées sur les coupes sagittales ou les refor-
4, 5]. Elles peuvent survenir dans un délai variable mations 3D en vue antérieure avec rendu de surface.
par rapport au traumatisme : Un trait entièrement transdiscal réalise générale-
• de nombreux patients présentent un déficit dès ment un élargissement discal prédominant souvent
l'admission ; en avant avec fréquemment translation antéroposté-
• chez un certain nombre d'autres sujets on observe rieure plus ou moins marquée. Le trait fracturaire
un intervalle libre, puis l'apparition de signes neu- peut traverser partiellement le disque et partielle-
rologiques dans les heures qui suivent du fait du ment le plateau vertébral avec arrachement d'un
développement d'un hématome épidural ; fragment osseux plus ou moins volumineux du pla-
• de nombreux autres présentent un déficit secon- teau. Enfin la fracture peut être purement transcor-
daire dans les jours ou semaines qui suivent en poréale, horizontale ou oblique, située très près
raison du déplacement secondaire de ces fractures d'un plateau vertébral ou en plein corps. En arrière,
très instables [5, 6] (immobilisation insuffisante, la lésion intéresse les différentes structures de l'arc
transfert sans toutes les précautions requises, postérieur soit au même niveau que la fracture anté-
application d'un collier rigide sur un rachis précé- rieure, soit au niveau immédiatement sus- ou sous-
demment cyphotique). jacent. Le fenêtrage parties molles peut révéler une
Tout patient souffrant d'ankylose vertébrale sur SA collection dense intracanalaire postérieure, fusi-
qui se plaint d'un nouveau symptôme cervical ou forme aux extrémités supérieures et inférieures, effi-
dorsal, avec ou sans traumatisme, avec ou sans défi- lées sur les reconstructions sagittales, en faveur d'un
cit neurologique, doit être traité comme s'il était hématome épidural.
porteur d'une fracture instable du rachis jusqu'à Réaliser une IRM de qualité chez ces patients est
preuve du contraire : les transferts et manipulations une véritable gageure. Ils sont souvent en mauvais
doivent être réduits au minimum et, quand réfléchis, état général, ont des problèmes respiratoires, sup-
être effectués avec les plus extrêmes précautions. Il portent difficilement le décubitus dorsal. Idéalement,
Chapitre 10. Fractures du rachis enraidi 193

on utilise l'antenne de surface cervicale. Mais sou- à la radiographie (fractures occultes, éventualité fré-
vent la cyphose dorsale est telle que ce n'est pas pos- quente dans la SA évoluée) [6, 7], mais l'intérêt
sible et il faut recourir à l'antenne corps. D'extrêmes majeur de l'IRM est bien sûr l'étude des éventuelles
précautions sont nécessaires lors de l'installation du répercussions sur la moelle épinière dont les lésions
patient. Il faut veiller à ce que ne soit exercée aucune élémentaires suivantes peuvent être visualisées :
pression cervicale en extension : le rachis cervical œdème médullaire, contusion hémorragique, com-
doit rester en flexion, si nécessaire à l'aide d'oreil- pression par les éléments osseux, hématome épidu-
lers. La surveillance du patient tout au long de l'exa- ral, section complète.
men est cruciale. En raison de l'état très précaire des L'hématome épidural est une complication assez fré-
patients, l'examen doit souvent être interrompu ; par quente des fractures transvertébrales vraisemblable-
ailleurs, la qualité d'image décroissant fréquemment ment du fait de lésions de traction sur les plexus
avec chaque séquence successive, il est judicieux de veineux épiduraux [5]. Il réalise une masse extradu-
commencer par les coupes les plus informatives : rale, le plus souvent de localisation postérieure ou
sagittale T2, sagittale STIR. postérolatérale avec sur les coupes sagittales un aspect
L'épaississement œdémateux ou hémorragique des fusiforme aux extrémités supérieures et inférieures
parties molles prévertébrales est un signe quasi effilées, en pointe. Le signal de ces hématomes est
constant : souvent évident avec présence d'une col- variable. Au stade aigu, on observe généralement un
lection liquidienne ou hétérogène, parfois discret hyposignal en pondération T1 et un hyposignal
sous forme des fines stries œdémateuses. homogène ou hétérogène (zones focales en hypersi-
La fracture transdiscale se traduit par une image gnal) en pondération T2. Après 24 heures d'évolu-
linéaire hyposignal en pondération T1, hypersignal tion, les hématomes sont typiquement en hypersignal
plus ou moins marqué en pondération T2 ; plus la sur les deux types de séquences. Sur le plan clinique,
solution de continuité est large, plus la lésion appa- il existe classiquement un intervalle libre entre l'épi-
raît de type liquidien [7]. Les fractures transcorpo- sode traumatique et l'apparition de la symptomatolo-
réales fines réalisent généralement un trait hyposignal gie neurologique ; le début est généralement brutal
en pondération T1, hypersignal en pondération T2. avec douleurs parfois de trajet radiculaire (indiquant
En cas de solution de continuité plus large (2 à alors le site du début de saignement). Puis s'installe
4 mm), on observe le plus souvent un signal de type un déficit moteur et sensitif : paraparésie ou tétrapa-
liquidien. Dans les formes purement transdiscales, résie pouvant évoluer vers la paralysie complète. Le
on n'observe généralement pas d'œdème médul- traitement consiste en une décompression urgente
laire périfracturaire ; dans les lésions transcorpo- par laminectomie des niveaux touchés. Le pronostic
réales, ce dernier est souvent marqué, mais parfois de ces hématomes épiduraux est fonction de la sévé-
discret, détectable seulement sur les séquences rité des symptômes, de la rapidité de leur progres-
STIR. En tout cas, l'absence d'œdème ne permet sion, de l'extension de la lésion et de l'intervalle de
pas a priori d'affirmer l'absence de fractures. temps entre début clinique et geste décompressif.
En arrière, le trait de fracture réalise le plus souvent
une image linéaire hyposignal T1 et hypersignal T2 à Lésions discovertébrales érosives
travers l'arc postérieur. Au sein des parties molles, on et destructrices
observe très fréquemment des signes d'œdème ou En 1937, Andersson décrit pour la première fois des
d'hématome dans la région interépineuse au niveau lésions discovertébrales érosives et destructrices au
du foyer de fracture. Il peut exister des signes œdé- cours de la SA. Leur signification n'est pas univoque.
mateux et hémorragiques au sein des muscles paraspi- Dans les phases relativement peu évoluées de la SA,
naux adjacents, parfois étendus sur plusieurs niveaux ; avant le stade de fusion, on peut observer des lésions
leur intensité est variable : tantôt marquée, tantôt discovertébrales avec hernies intraspongieuses en
discrète, détectable seulement sur les séquences STIR miroir, signes inflammatoires du tissu spongieux
ou après injection et suppression de graisse [7, 8]. sous-jacent, tassement de la partie antérieure du pla-
L'IRM est utile pour le diagnostic de fractures pas- teau vertébral : il s'agit de discopathies de type 1 ou
sées inaperçues à la radiographie standard et celui de 2 de Cawley, non infectieuses, comportant à la fois
fractures à double localisation dont l'une a échappé une composante mécanique et inflammatoire. Ces
194 Particularités liées à l’âge et au terrain

lésions n'ont pas de caractère péjoratif concernant La localisation la plus fréquente est dorsale infé-
l'évolution de l'affection et ne justifient pas de trai- rieure entre T9 et T12 chez un patient au rachis
tement spécifique autre que celui de la SA. totalement enraidi avec cyphose majeure. Plus rare-
Tout autres sont les lésions discovertébrales ment, il s'agit de lésions de la jonction cervicodor-
survenant au stade d'ankylose évoluée du rachis.
­ sale. Comme dans les formes aiguës, il faut connaître
Pendant longtemps, elles ont été considérées comme la possibilité de lésions multiples.
des spondylodiscites, avant tout infectieuses, puis La présentation clinique la plus classique et évoca-
ultérieurement inflammatoires. C'est seulement dans trice est la réapparition de douleurs mécaniques
les années 1960 que l'on a démontré l'existence de chez un patient n'ayant plus depuis longtemps de
lésions de pseudarthrose de l'arc postérieur au même douleurs inflammatoires de sa SA. Typiquement, il
niveau que la discopathie prouvant ainsi le lien direct s'agit de douleurs vives, ponctuelles, de type méca-
de ces lésions avec des épisodes fracturaires [1]. Il nique, aggravées par la mise en charge et les mou-
s'agit de discopathies de type 3 de Cawley. vements. Des épisodes aigus très intenses à
Ces pseudarthroses vertébrales peuvent s'expliquer l'occasion de « faux mouvements » doivent attirer
par un double mécanisme : dans certains cas, il s'agit l'attention.
de fractures d'emblée transvertébrales qui ne vont C'est habituellement devant des images radiogra-
pas consolider ; dans d'autres cas, il s'agit initiale- phiques de discopathie érosive que le diagnostic de
ment d'une fracture de l'arc postérieur qui ne par- pseudarthrose est évoqué. L'aspect le plus caracté-
vient pas à consolider et aboutit à une pseudarthrose ristique est un élargissement discal associé à des
[9, 10]. Cette dernière induit une instabilité entraî- signes de destruction plus ou moins géodique et de
nant secondairement des lésions discovertébrales. condensation des plateaux vertébraux adjacents
Ces fractures surviennent généralement à la suite de (fig. 10.6). Il peut s'y associer un spondylolisthésis
traumatismes mineurs, facilement oubliés par le de grade 1 ou 2. Plus rarement, le disque est de
patient. En l'absence de troubles cliniques significatifs, hauteur normale ou apparaît pincé. Si l'on dispose
elles risquent de passer inaperçues d'autant plus de radiographies antérieures, on note généralement
qu'elles sont partielles et échappent généralement à la la stabilité sans aucune tendance à la réparation sur
radiographie standard. L'ostéoporose, les troubles de les clichés successifs.
la statique, les ossifications paravertébrales limitent Le diagnostic est fait sur la présence concomitante
l'interprétation des clichés conventionnels et justifient d'une pseudarthrose de l'arc postérieur, lésion géné-
un usage large du scanner et de l'IRM chez ces patients. ralement mieux appréciée à l'examen scanographique.

a 07 2001 b 09 2002 c 07 2003 d


Fig. 10.6 Lésion d'Andersson.
Les radiographies successives montre l'évolution progressive d'une condensation osseuse des plateaux vertébraux (a, b) vers une
érosion (c). L'IRM en pondération T2 montre à ce stade un début de cavitation dans la partie antérieure disque (d) traduisant l'évolution
vers une pseudarthrose.
Chapitre 10. Fractures du rachis enraidi 195

En IRM, la pseudarthrose antérieure se traduit par où l'on retrouve les excroissances osseuses horizon-
une bande hyposignal T1 et T2 (en rapport avec la tales). Ces caractères sémiologiques permettent de
fibrose et la sclérose osseuse), avec parfois collection les différencier des ossifications de la SA, mais le dia-
liquidienne en son sein. Après injection, on note gnostic différentiel repose avant tout sur l'absence
une prise de contraste des berges de la pseudarth- de sacro-iliite, d'arthrite ou d'ankylose zygapophy-
rose et des enveloppes durales et épidurales en saires, d'arthrite axiale ou périphérique.
regard : ces aspects ne doivent pas être confondus L'extension de cette hyperostose est variable. On
avec une spondylodiscite infectieuse avec épidurite. exige l'ankylose d'au moins quatre corps vertébraux
En arrière, le trajet fracturaire à travers l'arc posté- contigus pour parler d'hyperostose de Forestier.
rieur se traduit par une bande hyposignal T1, hypo- L'atteinte cervicale est fréquente, le plus souvent
ou hypersignal T2. Après injection, on note une entre C4 et C7 ; assez souvent les patients se
prise de contraste le long du trajet des lésions liga- plaignent de dysphagie.
mentaires de la colonne postérieure ainsi que des
L'ossification du ligament longitudinal postérieur
parties molles adjacentes.
est moins fréquente, difficile à identifier sur les
La persistance de la mobilité au niveau pseudarth- radiographies conventionnelles. Elle peut réduire le
rosé peut déterminer des lésions destructrices diamètre du canal cervical et être responsable d'une
majeures des plateaux vertébraux, pouvant simuler myélopathie cervicale. Au niveau dorsal et lombaire,
une spondylodiscite infectieuse (voir fig. 10.2). Ces on peut observer une ossification du ligament jaune
pseudarthroses vertébrales concernent beaucoup et des ligaments péri-articulaires.
plus rarement des fractures transcorporéales.
Dans les maladies de Forestier peu étendues les frac-
Celles-ci peuvent déterminer un aspect particulier
tures sont rares. Le caractère localisé des fusions et
d'ostéolyse spongieuse localisée du corps vertébral,
l'absence d'ankylose zygapophysaire autorisent une
lésion beaucoup plus fréquemment observée dans
certaine mobilité et un certain amortissement des
les fractures sur hyperostose idiopathique.
forces appliquées en cas de traumatisme. En cas de
fusion étendue, la longueur du segment ankylosé
donne un long bras de levier à la force traumatique
Complications fracturaires avec risque élevé de fracture transvertébrale. La gra-
de l'hyperostose vertébrale vité de ces lésions fracturaires semble davantage liée
de Forestier à la longueur du segment ankylosé qu'à la sévérité
du traumatisme [11, 12].
L'hyperostose squelettique diffuse idiopathique L'âge moyen de survenue de ces fractures transver-
(DISH pour les auteurs anglo-saxons) est une tébrales est de 68 ans (sensiblement plus élevé que
enthésopathie ossifiante non inflammatoire tou- dans la SA) [2]. La localisation cervicale est la plus
chant l'adule après 50 ans, surtout de sexe masculin, fréquente (60 % des cas). Puis viennent les localisa-
souvent associée à l'obésité et un diabète de type 2. tions thoraciques (35 %) et lombaires (5 %). La frac-
Elle est caractérisée par des coulées osseuses périver- ture est transcorporéale dans deux tiers des cas
tébrales et par des ossifications des enthèses périphé- (fig. 10.7), transdiscale dans un tiers des cas
riques. L'atteinte rachidienne prédomine au niveau (fig. 10.8). L'ossification exubérante du ligament
dorsal inférieur. On observe d'épaisses excroissances longitudinal antérieur en regard de l'espace discal
osseuses s'implantant sur les corps vertébraux à dis- explique probablement que le corps vertébral repré-
tance des plateaux : elles s'associent à une calcifica- sente le plus souvent la zone de moindre résistance.
tion–ossification du ligament longitudinal antérieur La fracture peut survenir soit au sein du segment
et forment des ponts intervertébraux restant à dis- ankylosé, soit à la jonction entre le segment fusionné
tance des disques (aspect d'encorbellement). Elles et le segment gardant une certaine mobilité.
siègent surtout sur le bord antérolatéral droit du Ce sont des fractures graves : la mortalité générale
rachis thoracique. De profil, le bord antérieur de la est d'environ 20 % dans les 3 mois suivant l'épisode
vertèbre paraît souvent nettement visible, elle est traumatique [2]. Il s'agit en effet de patients âgés
séparée de la coulée osseuse par une fine ligne radio- avec association fréquente d'obésité et de diabète,
transparente (sauf aux coins supérieurs et inférieurs expliquant le mauvais pronostic.
196 Particularités liées à l’âge et au terrain

Fig. 10.7 Fracture transcorporéale sur maladie de Forestier.


Fracture par hyperextension du corps vertébral de C4.
a. Les disques ont été protégés par les volumineuses ossifications du ligament longitudinal antérieur.
b. Vue correspondante en imagerie 3D (b).

Fig. 10.8 Fracture transdiscale C5–C6 sur Maladie de Forestier.


a. Fracture transdiscale favorisée par une moindre ossification du ligament longitudinal antérieur en regard.
b, c,. Les coupes parasagittales passant par les massifs articulaires montrent un diastasis horizontal à droite (b : flèche) et une fracture
du processus articulaire à gauche (c : flèches).

Les complications neurologiques sont très fré- fracture par distraction du corps vertébral avec aug-
quentes [2, 11] du fait de la longueur du bras de mentation de hauteur de son segment antérieur, dis-
levier réalisé par l'ankylose (fig. 10.9 et 10.10). Ces continuité de sa corticale antérieure, fracture du
fractures transvertébrales sont très instables avec ligament longitudinal antérieur, course antéropos-
extrême vulnérabilité de la moelle [12]. térieure du trait de fracture à travers le corps verté-
Le mécanisme traumatique étant habituellement en bral, lésion de l'arc postérieur et en particulier du
hyperextension, on observe assez fréquemment une complexe ligamentaire postérieur.
Chapitre 10. Fractures du rachis enraidi 197

Fig. 10.9 Fractures étagées sur maladie de Forestier.


a, b, c. Le bilan scanographique révèle une fracture transdiscale C7–T1 (a) et une fracture transcorporéale de T10 (b, c).
d. Présence d'une hyperdensité spontanée de type hématique dans l'espace épidural postérieur.

Fig. 10.10 Hématome épidural postérieur : même patient qu'à la figure 10.9.
Les coupes sagittales en pondération T2 confirment les signes de compression médullaire.

Un aspect particulier mérite d'être connu avec à la met postérieur, bien limitée, sans prise de contraste
radiographie standard et au scanner présence d'une en son sein. On peut observer des signes inflamma-
zone d'ostéolyse du spongieux dans la région anté- toires du tissu spongieux environnant avec hyper­
rieure du corps vertébral [13]. À l'IRM, cette lésion signal T2 et prise de contraste après injection. Cet
correspond à une zone de signal liquidien, aspect, associé aux signes de lésion des parties molles
­grossièrement triangulaire à base antérieure et som- postérieures, est tout à fait évocateur de fractures
198 Particularités liées à l’âge et au terrain

transvertébrales. En raison de l'ostéolyse radiogra- lyse et des complications neurologiques. Une


phique, quelques cas ont été biopsiés : ils ont stabilisation précoce, orthopédique ou chirurgicale,
démontré la présence de signes d'ostéonécrose, de est indispensable.
résorption osseuse et de néoformation osseuse,
signes non spécifiques habituellement observés aux Traumatisme cervical
sites fracturaires. Selon Le Hir [13], le traumatisme du sujet âgé
en hyperextension conduit à une fracture par distrac-
tion du corps vertébral avec hématome au sein de la
Avec l'âge et le développement de lésions dégénéra-
solution de continuité fracturaire ; du fait du carac-
tives, les caractéristiques biomécaniques du rachis
tère instable de la fracture, il y a retard de consolida-
cervical changent, ces modifications influencent la
tion et ostéolyse post-traumatique telle qu'on peut
nature et la présentation des lésions traumatiques du
en observer dans d'autres sites squelettiques, en par-
rachis cervical [14–16].
ticulier la symphyse pubienne et le col fémoral. La
découverte d'une collection liquidienne intraverté-
brale, associée à une augmentation de hauteur anté- Atteinte traumatique
rieure du corps vertébral et une lésion de l'arc
postérieur, signifie une lésion traumatique et permet
de la charnière cervico-occipitale
la distinction avec une infection ou une tumeur. Les lésions dégénératives touchent davantage le rachis
Il s'agit d'une fracture très instable avec menace de cervical inférieur et réduisent la mobilité à ce niveau.
lésion médullaire. Une immobilisation précoce est En cas de traumatisme, les forces appliquées sur le
indispensable pour éviter une détérioration neuro- segment supérieur seront majorées du fait de la trans-
logique secondaire. La position allongée au lit, du mission de contraintes mécaniques par le bras de
fait du poids du haut du corps, peut ouvrir le site de levier du segment inférieur enraidi. Ceci explique la
fracture, augmenter la déformation vertébrale et fréquence des lésions traumatiques de la charnière
mettre la moelle en danger. Du fait du processus cervico-occipitale chez le sujet âgé, et en particulier
hyperostosant, la consolidation pose généralement de l'apophyse odontoïde (fig. 10.11). Il faut y penser
peu de problème ; mais une immobilisation insuffi- de principe et rechercher un épaississement des parties
sante peut conduire à une pseudarthrose, une ostéo- molles antérieures, une rupture de l'anneau de Harris,

Fig. 10.11 Fracture de la dent de l'axis.


a. La radiographie de profil faite en urgence sur brancard ne révèle qu'un épaississement des parties molles prévertébrales (*).
b, c. Les coupes scanographiques sagittales en fenêtre osseuse (b) et parties molles (c) montrent une fracture non déplacée, type
OBAR, de l'apophyse odontoïde.
Chapitre 10. Fractures du rachis enraidi 199

une fracture de l'arc postérieur de l'atlas, une fracture longitudinal postérieur) créent une réduction plus ou
des pédicules, de la dent et du corps de C2 (fig. 10.12). moins marquée du calibre du canal cervical. Dès lors,
sur ce canal déjà limite, un traumatisme en hyperex-
tension peut provoquer une lésion médullaire du fait
Lésion traumatique du rachis de la réduction supplémentaire de calibre du canal
cervical inférieur cervical créée par l'invagination du ligament jaune.
Ainsi, chez le sujet âgé, un traumatisme mineur peut
Elles sont fréquentes et présentent des similitudes
causer de sévères lésions neurologiques et le poten-
frappantes avec les fractures transversales sur rachis
tiel de récupération est limité. Ces lésions médullaires
ankylosé : en particulier, la discrétion de signes radio-
peuvent passer inaperçues au premier examen. Tout
logiques, la possibilité de lésions graves pour des
patient âgé se présentant pour une chute ou une his-
traumatismes en apparence mineurs, le pronostic
toire traumatique même mineure doit être suspect de
vital parfois mis en jeu, la fréquence des complica-
lésion crânienne ou cervicale et examiné et réexa-
tions neurologiques. Ces dernières sont liées à des
miné pour éliminer une lésion médullaire cervicale.
lésions de contusion médullaire avec en particulier
fréquemment un syndrome central cervical aigu. Ces Sur le plan étiopathogénique, il s'agit donc le plus sou-
atteintes s'expliquent par le mécanisme particulier, vent d'un mécanisme en hyperextension. Dans la très
en hyperextension, de ces traumatismes et par les grande majorité des cas, il s'agit de traumatismes relati-
conditions biomécaniques altérées du rachis cervical vement mineurs : chute de sa hauteur avec traumatisme
chez le sujet âgé. La lésion médullaire est due au craniofacial (choc de la face ou du front contre le sol,
cisaillement du cordon médullaire par le ligament une table, un mur, chute dans les escaliers). Les trau-
jaune protubérant. En hyperextension, le ligament matismes en hyperflexion, type entorse grave posté-
jaune se plisse et réalise une protrusion antérieure ; il rieure ou luxation bilatérale, sont plus rares à cet âge et
y a alors, chez le sujet sain, juste assez de place pour généralement secondaires à un accident de la circula-
la moelle et les racines. Les modifications dégénéra- tion (fig. 10.13). Ils ne doivent pas être pris à tort pour
tives (à l'origine, par exemple, d'un discret rétrolis- un banal spondylolisthésis dégénératif (fig. 10.14).
thésis, d'ostéophytes à direction postérieure, de Cliniquement, le fait marquant de ce groupe de patients
protrusions discales, d'une ossification du ligament est la fréquence des complications neurologiques

Fig. 10.12 Fracture du corps de l'axis.


a. La radiographie de profil ne montre que des signes d'uncodiscarthrose diffuse.
b, c,d. Le scanner révèle en plus de la fracture sagittale du corps de C2 un bloc arthrosique odonto-atloïdien (b).
200 Particularités liées à l’âge et au terrain

Fig. 10.13 Luxation C6–C7.


a. La radiographie de profil montre un spondylolisthésis modéré et une fracture du processus épineux de C6.
b, c. Le scanner confirme le spondylolisthésis (b) en rapport avec une luxation pointe–pointe des processus articulaires (c).

Fig. 10.14 Spondylolisthésis dégénératif C4–C5.


a, b. Le glissement vertébral est secondaire à l'arthrose interapohysaire.
c. Notez le remodelage des interlignes articulaires et surtout l'aspect convexe de l'apophyse articulaire supérieure de C5 (flèche) res-
ponsable du glissement vertébral.

pour des traumatismes en apparence mineurs et la qu'aux membres inférieurs ; de troubles vésicaux et de
forme clinique particulière de l'atteinte médullaire [14, troubles sensitifs de degré variable [15–17]. On peut
16, 17]. Il s'agit le plus souvent : d'un déficit incomplet en fait observer tout le spectre des lésions médullaires
et en particulier d'un syndrome centromédullaire cervi- cervicales depuis un syndrome centromédullaire transi-
cal aigu, caractérisé par un déficit moteur proportion- toire lié à une commotion cervicale jusqu'à une
nellement plus important aux membres supérieurs nécrose.
Chapitre 10. Fractures du rachis enraidi 201

En imagerie, le second grand fait marquant de ce sous forme d'un œdème localisé au niveau du coin
groupe de patients est la discrétion des signes radio- vertébral. Mais il faut surtout s'attacher à l'étude du
logiques. Une radiographie cervicale de profil d'ex- complexe disco-vertébro-ligamentaire : déchirure
cellente qualité est bien sûr indispensable, mais bien localisée du ligament longitudinal antérieur, rupture
souvent elle ne révèle que de banales lésions dégéné- des fibres antérieures de l'annulus fibreux réalisant
ratives et l'évaluation d'éventuelles lésions trauma- une image hyposignal du un tiers antérieur du
tiques surajoutées est difficile. Il faut s'astreindre à disque, élargissement discal avec hypersignal du
rechercher des signes précieux que constituent un disque en pondération T2 (fig. 10.15). Enfin l'IRM,
épaississement de parties molles antérieures, un petit avec en particulier les coupes sagittales T1 et T2,
arrachement du bord inférieur d'un plateau vertébral, constitue l'examen clé pour l'évaluation des lésions
un élargissement discal, en particulier antérieur, mais médullaires. On peut observer des signes d'œdème
souvent discret (du fait du pincement discal dégéné- intramédullaire souvent étendus sur plusieurs
ratif préexistant). Quand il n'y a pas de lésion osseuse, niveaux, des signes de contusion hémorragique, un
le seul indice en faveur d'un traumatisme en hyperex- hématome épidural. Les coupes axiales T2 sont
tension et témoignant de la violence de celui-ci est la utiles pour la confirmation des lésions médullaires,
présence de meurtrissures du front ou de la face. en particulier un œdème discret.
L'examen scanographique précise au mieux les Les buts du traitement sont différents, chez les
lésions osseuses. Il faut évaluer l'ensemble du rachis sujets jeunes et chez les sujets âgés. Chez ces der-
cervical dans des plans variés. On recherche un niers, le premier objectif est de maintenir la mobilité
hématome des parties molles antérieures, un élargis- du patient de façon à protéger au maximum la fonc-
sement discal, une interruption de l'ossification des tion respiratoire et préserver aussi la santé mentale.
fibres antérieures de l'annulus fibreux, un petit arra- Cet objectif peut être atteint le plus souvent par un
chement d'un coin vertébral antérieur. collier rigide. Traction et repos au lit sont contre-
En IRM, on peut observer des signes d'œdème et indiqués. En cas de lésions multiples ou très ins-
d'hémorragie au sein des parties molles préverté- tables, la chirurgie ou la veste Halo sont des
brales, une fracture occulte du plateau vertébral alternatives efficaces.

Fig. 10.15. Traumatisme cervical en hyperextension.


a. La radiographie de profil faite en urgence montre un bâillement discal antérieur en C5–C6 (flèche).
b, c. L'IRM en pondération T1 (b) et T2 (c) réalisée secondairement en raison de l'apparition de troubles neurologiques montre un
hématome prévertébral, une rupture du ligament longitudinal antérieur, une atteinte discale et des signes de contusion médullaire.
202 Particularités liées à l’âge et au terrain

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IV
Bases
thérapeutiques
Plan de la partie
Radiologie interventionnelle en pathologie rachidienne traumatique 205
Traitement des fractures du rachis thoracolombaire 223
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Chapitre 11
Radiologie interventionnelle en
pathologie rachidienne traumatique
X. Buy, G. Bierry, J. Garnon, A. Gangi

Au cours de ces quinze dernières années, la prise en dienne, nous détaillerons les aspects techniques de
charge des traumatismes du rachis s'est vue la vertébroplastie et de ses variantes avant de présen-
­grandement modifiée par les développements de la ter ses résultats.
radiologie interventionnelle et notamment par
l'introduction de la vertébroplastie percutanée. La Traitement des fractures
vertébroplastie consiste à injecter un ciment dans
un corps vertébral via un trocart osseux afin d'en
rachidiennes ostéoporotiques
assurer sa consolidation. Si cette technique a été par vertébroplastie percutanée
initialement décrite par Deramond et Galibert
pour traiter un angiome vertébral agressif [1], les Indications
indications de la vertébroplastie se sont rapide-
Les indications de la vertébroplastie en pathologie
ment étendues aux traitements des fractures verté-
traumatique sont dominées par les fractures par com-
brales ostéoporotiques et des métastases vertébrales
pression vertébrale survenant chez le sujet âgé, ostéo-
hyperalgiques qui constituent aujourd'hui les deux
porotique [3, 4]. Celles-ci causent douleurs,
indications principales de cette technique [2].
limitation fonctionnelle, bascule en cyphose. Leur
En pathologie traumatique rachidienne, la princi- traitement conventionnel associe repos, antalgiques
pale indication de la consolidation vertébrale par et biphosphonates. En cas d'échec du traitement
injection de ciment (vertébroplastie) est représentée conservateur, la vertébroplastie est envisagée pour
par les fractures du sujet âgé ostéoporotique. Grâce maîtriser les douleurs, assurer la consolidation verté-
aux améliorations techniques, notamment par le brale et permettre la remise en charge rapide. Le délai
développement de systèmes d'expansion intraverté- idéal pour réaliser ce type de procédure reste source
brale, la vertébroplastie a vu ses indications s'étendre de débat car malgré les progrès de l'imagerie, il est
à certaines fractures rachidiennes traumatiques du difficile de prédire l'évolution spontanée d'une frac-
sujet jeune ; cette méthode permet alors d'éviter la ture vertébrale : guérison rapide ou au contraire col-
mise en place de corsets souvent peu efficaces et mal lapsus, voire pseudarthrose à l'origine de douleurs
tolérés. Enfin, l'injection percutanée de ciment chroniques. La plupart des équipes considèrent
osseux peut dans certains cas de traumatismes rachi- qu'un délai de 4 semaines est un délai raisonnable
diens complexes être combinée à une arthrodèse avant de proposer une vertébroplastie pour fracture
postérieure ; dans ce cas, la vertébroplastie assure la ostéoporotique, mais cette limite théorique doit être
consolidation du segment rachidien antérieur et adaptée au cas par cas, en prenant en compte les
remplace efficacement une approche chirurgicale comorbidités mais aussi le niveau fracturé. En effet,
antérieure plus invasive. les fractures thoraciques nécessitent un traitement
Dans ce chapitre, nous préciserons les indications de plus rapide car elles s'accompagnent de restrictions
la vertébroplastie en pathologie traumatique rachi- du volume pulmonaire par bascule en cyphose. Par

Traumatologie du rachis
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206 Bases thérapeutiques

ailleurs, la remise en charge rapide du sujet âgé ostéo- vertébroplastie. Dans le cas de tassements vertébraux
porotique est un élément majeur pour réduire les subaigus ou chroniques, l'absence d'œdème intra­
complications de décubitus telles que les spongieux signe la consolidation ; si des douleurs per-
­thrombophlébites, les pneumonies et les escarres [5]. sistent, elles sont alors le plus souvent en rapport avec
Cliniquement, les patients présentent une douleur la déformation rachidienne et relèvent d'un traite-
rachidienne mécanique exacerbée lors de la mise en ment fonctionnel [6]. En cas de contre-indication à
charge et lors de la percussion du processus épineux l'IRM, l'association scintigraphie et scanner constitue
de la vertèbre lésée. De nombreux patients souffrant une excellente alternative pour ne pas méconnaître
d'ostéoporose présentent de multiples tassements ver- des fractures aiguës. La clé du succès de la vertébro-
tébraux adjacents. Dans ce cas, il est très difficile de plastie repose sur une évaluation clinique solide, com-
déterminer cliniquement quel(s) niveau(x) est(sont) binée à une imagerie précise et récente. En effet, les
responsable(s) de la symptomatologie douloureuse deux principaux écueils sont de méconnaître une ver-
aiguë. Si la radiographie standard et le scanner tèbre préfracturaire, mais aussi de surtraiter une ver-
donnent d'importantes informations morpholo- tèbre spontanément en voie de consolidation.
giques, l'IRM incluant des séquences T1 et T2 STIR Les ostéonécroses vertébrales (syndrome de Kümmel-
dans le plan sagittal est l'examen décisif pour planifier Verneuil) constituent une entité à part car elles évo-
une vertébroplastie. Cet examen démontre parfaite- luent vers une pseudarthrose avec collapsus vertébral
ment l'œdème intraspongieux dans le corps vertébral lent. L'IRM montre typiquement une bande de
récemment fracturé. L'IRM peut parfois montrer nécrose en hypersignal T2 très intense le long du pla-
d'autres vertèbres patho­logiques présentant un état teau vertébral supérieur mais la nécrose peut s'étendre
préfracturaire (œdème sans déformation vertébrale), à la totalité du corps vertébral (fig. 11.2) ; du gaz
et relevant aussi d'une prise en charge par vertébro- intravertébral peut être visible en scanner ou sur les
plastie (fig. 11.1). Les résultats de l'imagerie doivent clichés standard. Dans ce cas, la vertébroplastie reste
être systématiquement confrontés aux données de indiquée même si le traumatisme initial remonte à
l'examen clinique pour confirmer la pertinence de la plusieurs mois, car la vertèbre n'est pas consolidée

a b
Fig. 11.1 Fractures vertébrales ostéoporotiques.
L'IRM rachidienne incluant des séquences T1 (a) et T2 STIR (b) montre un œdème intraspongieux sous les plateaux supérieurs de L1
et L3 témoignant du caractère récent de ces fractures.
Chapitre 11. Radiologie interventionnelle en pathologie rachidienne traumatique 207

Fig. 11.2 Ostéonécrose vertébrale.


a, b. L'IRM incluant des séquences T1 (a) et T2 STIR (b) montre un signal de type liquidien dans le corps vertébral L1 en rapport avec
une ostéonécrose.
c, d. Du gaz intravertébral est visible en scanner (c) et en radiographie conventionnelle (d).
e. Mise en place du trocart de vertébroplastie dans le foyer de nécrose.
f, g. Contrôle après injection de ciment. Notez le remplissage complet de la nécrose avec restauration partielle de la hauteur vertébrale.

[7]. La cimentoplastie des ostéonécroses requiert postérieur, susceptible d'être déstabilisé vers le canal
souvent des volumes de ciment très supérieurs à ceux lors de l'injection de ciment.
utilisés pour les fractures ostéoporotiques simples car Si la vertébroplastie constitue un traitement majeur
la cavité nécrotique doit être totalement remplie pour des fractures vertébrales traumatiques ostéoporo-
assurer la stabilité vertébrale. L'état du mur vertébral tiques, elle doit s'intégrer dans une prise en charge
postérieur doit être précisément analysé sur les coupes globale de la maladie ostéoporotique incluant suivi
axiales de scanner ou d'IRM, car les ostéonécroses rhumatologique et éventuel traitement oral préven-
peuvent induire une séparation d'un fragment libre tif (biphosphonates, hormonothérapie).
208 Bases thérapeutiques

Technique de vertébroplastie tionné en procubitus. La vertébroplastie est effectuée


percutanée par voie uni- ou bilatérale selon le type de fracture et
la technique employée, mais hormis le cas particulier
La vertébroplastie percutanée peut être réalisée sous de la cyphoplastie à ballonnets, l'approche unilaté-
neuroleptanalgésie ou sous anesthésie générale. Le rale est dans l'immense majorité des cas suffisante
patient est contrôlé en continu par scope, saturométrie pour effectuer un traitement optimal [9].
et mesure de la tension artérielle. Une asepsie stricte
est indispensable. Bien qu'il n'y ait pas de consensus Abord vertébral lombaire
strict, la plupart des équipes réalisent une couverture La ponction vertébrale est effectuée par un trajet
antibiotique antistaphylococcique (céfazoline 1 g intra­ transpédiculaire oblique (fig. 11.3). Cette approche
veineux) pendant la procédure. La mise en place des reste à distance des structures neurologiques. Elle
trocarts osseux et l'injection du ciment sont effectuées doit être préférée à la voie extrapédiculaire qui accroît
sous guidage fluoroscopique. Pour certains cas com- le risque d'hématome par lésion des veines lombaires
plexes, la combinaison d'un arceau de scopie mobile et situées entre le muscle psoas et le corps vertébral. Le
du scanner peut être utile [8]. passage précis à travers le pédicule sous contrôle fluo-
roscopique est facilité par l'emploi de trocarts osseux
biseautés qui permettent de réajuster la direction de
Voies d'abord rachidiennes
quelques degrés, y compris dans l'os. Après anesthé-
Elles sont similaires à celles utilisées pour les biopsies sie locale des plans superficiels jusqu'au périoste du
vertébrales. Pour les vertèbres lombaires et thora- pédicule, le trocart de vertébroplastie est avancé
ciques, l'approche est postérolatérale, patient posi- jusqu'au contact osseux. En projection antéroposté-

a b c

d f
Fig. 11.3 Vertébroplastie lombaire.
L'approche unilatérale transpédiculaire oblique est privilégiée.
a. L'extrémité du trocart osseux est positionnée dans le tiers antérieur du corps vertébral, sur la ligne médiane. Sous guidage fluoro­
scopique, le trocart est avancé selon un trajet oblique dans le pédicule.
b, c. Le bord interne de l'anneau pédiculaire ne doit pas être franchi sur une vue de face (b) tant que le mur postérieur vertébral n'a pas
été atteint sur un contrôle de profil (c).
d, e. Le trocart est ensuite avancé dans le tiers antérieur du corps vertébral, sur la ligne médiane.
Chapitre 11. Radiologie interventionnelle en pathologie rachidienne traumatique 209

rieure, le pédicule apparaît comme un anneau, son Abord vertébral thoracique


bord interne constituant la limite avec le canal rachi- Deux approches sont possibles pour effectuer une
dien. Sur une vue fluoroscopique de face, le trocart vertébroplastie thoracique : la voie transpédiculaire
est avancé en profondeur selon un trajet oblique dans et la voie intercostopédiculaire.
le pédicule, de sorte qu'il se rapproche progressive-
La voie transpédiculaire est très similaire à ce qui a
ment du bord interne de l'anneau. Il ne doit cepen-
été décrit pour les étages lombaires. Cependant,
dant pas dépasser cette limite avant d'avoir franchi le
l'étroitesse des pédicules et leur orientation proche
mur postérieur sur une projection fluoro­scopique de
du plan sagittal strict ne permettent généralement
profil. Le trocart a alors dépassé le pédicule et peut
pas d'avancer le trocart vers la ligne médiane du
être avancé dans le corps vertébral. En cas d'approche
corps vertébral. Dans ce cas, la vertébroplastie est
unipédiculaire, la pointe du trocart doit être position-
effectuée par abord bilatéral pour obtenir une répar-
née sur la ligne médiane, dans le tiers antérieur du
tition optimale du ciment dans le corps vertébral.
corps vertébral. En cas d'approche bipédiculaire, les
trocarts sont positionnés dans les parties antérolaté- Au contraire, la voie intercostopédiculaire permet
rales du corps vertébral selon des trajets légèrement d'effectuer la vertébroplastie thoracique par abord
moins obliques. unilatéral (fig. 11.4). Sous contrôle fluoroscopique

a c d

b e
Fig. 11.4 Vertébroplastie thoracique.
a. L'approche unilatérale intercostopédiculaire est privilégiée. Distance du mur antérieur par rapport au plan cutané (1). Distance du
point d'introduction cutané par rapport à la ligne médiane des processus épineux (2).
b, c. Schéma (b) et vue fluoroscopique correspondante (c) avec 35° de rotation latérale par rapport à l'axe antéropostérieur. La ponc­
tion (flèche noire) est effectuée entre le pédicule (1) et la tête de côte (2) qui protège la plèvre (3).
d. Notez la position du trocart proche du plateau vertébral supérieur pour éviter le foramen.
e. Le trocart peut ensuite être avancé dans le tiers antérieur du corps vertébral.
210 Bases thérapeutiques

avec une rotation du tube de 35° latéralement à par- colonnes antérieure et moyenne du corps vertébral
tir d'une vue antéroposterieure stricte, le trocart est suffisant. Un remplissage excessif du corps verté-
osseux est inséré entre deux structures ovalaires bral peut être responsable de douleurs et la rigidité
représentant respectivement la projection de la tête qu'il entraîne peut augmenter les contraintes méca-
de côte en dehors et la projection du pédicule en niques sur les segments adjacents [11, 12]. De plus,
dedans. Ceci permet de rester à distance de la plèvre le remplissage du tiers postérieur du corps vertébral
et du canal rachidien. Il est impératif que l'axe de est associé à une augmentation du taux de complica-
ponction soit situé à proximité du plateau vertébral tions, essentiellement par fuite de ciment intracana-
supérieur pour rester à distance du foramen et donc laire. Dans le cadre de fractures traumatiques sur
éviter le paquet vasculonerveux intercostal. Une fois terrain ostéoporotique, le volume de ciment injecté
en butée sur le coin postérolatéral du corps verté- ne devrait pas excéder 30 % du volume du corps ver-
bral, le trocart osseux est avancé dans le tiers anté- tébral, excepté dans le cas d'ostéonécrose où la cavité
rieur du corps vertébral sur la ligne médiane. nécrotique doit impérativement être comblée en
totalité. Un maximum de six niveaux peut être traité
Abord du sacrum en une seule session, compte tenu de la toxicité du
monomère et de possibles déplacements de moelle
Pour le traitement radio-guidé des fractures des aile-
osseuse induits par l'injection de ciment (fig. 11.6).
rons sacrés, l'approche est effectuée par voie posté-
rieure directe avec un axe de ponction proche du Les tests in vitro et l'expérience clinique en verté-
plan sagittal, entre les foramens sacrés en dedans et broplastie depuis plus de 20 ans ont confirmé l'effi-
l'articulation sacro-iliaque en dehors (fig. 11.5). cacité du PMMA pour consolider les fractures
Certains auteurs préconisent une angulation caudo- vertébrales. Cependant, ce ciment synthétique pré-
crâniale supplémentaire de 20°, parallèle au grand sente plusieurs inconvénients : c'est un polymère
axe du sacrum, pour limiter les risques de fausse non biocompatible et le monomère utilisé pour sa
route vers la cavité pelvienne. Compte tenu de la préparation est toxique ; sa polymérisation s'accom-
difficulté de bien analyser la position des foramens pagne d'une forte réaction exothermique ; enfin, sa
sacrés en fluoroscopie, le guidage combiné scanner– rigidité est élevée et un remplissage excessif pourrait
fluoroscopie offre un maximum de précision et de augmenter les contraintes sur les corps vertébraux
sécurité tout en limitant le taux d'irradiation adjacents, voire selon certains auteurs augmenter le
lorsqu'une cimentoplastie est envisagée [10]. risque de nouvelles fractures chez les sujets ostéopo-
rotiques. Si ce dernier point a fait l'objet de nom-
L'abord des premier et deuxième corps vertébraux
breuses controverses, plusieurs études ont démontré
sacrés est plus rarement utile en pathologie ostéopo-
l'absence de surincidence de fracture vertébrale
rotique ou traumatique percutanée. S'il est néces-
après vertébroplastie, la survenue de nouvelles frac-
saire, la ponction est alors effectuée par voie
tures faisant partie intégrante de l'histoire naturelle
postérolatérale transiliaque.
de l'ostéoporose [13].
Plus récemment, des ciments osseux à base de
Injection de ciment
phosphate de calcium ont été développés. Ils
Le ciment le plus communément employé est le poly- offrent l'avantage d'une parfaite biocompatibilité.
méthylméthacrylate (PMMA). Cette colle acrylique Ils se transforment progressivement en hydroxyapa-
de faible viscosité présente un temps de durcissement tite sans réaction exothermique notable. De plus,
de 6 à 10 minutes. Une fois le trocart osseux posi- leurs caractéristiques biomécaniques se rapprochent
tionné dans la vertèbre fracturée, le ciment est pré- de l'os spongieux normal et leur caractère poreux
paré en mélangeant le monomère liquide et la permet d'envisager une ostéo-intégration secon-
poudre. Les ciments utilisés pour la vertébroplastie daire [14, 15]. Ces caractéristiques apparaissent
contiennent un radio-opacifiant (zirconium, tungs- particulièrement intéressantes, surtout chez le sujet
tène, tantale ou baryum) qui permet leur utilisation jeune où le ciment osseux est implanté pour une
sous guidage f­luoroscopique. Le volume de ciment très longue durée. Malheureusement, les ciments
injecté est adapté au type de fractures mais aussi au phosphocalciques présentent une viscosité élevée
volume du corps vertébral traité. Pour obtenir une qui rend leur injection à travers un trocart particu-
consolidation mécanique optimale, le remplissage des lièrement difficile. La résistance à l'injection peut
Chapitre 11. Radiologie interventionnelle en pathologie rachidienne traumatique 211

a b

c d

e f
Fig. 11.5 Sacroplastie.
a, b. Séquence IRM T2 STIR (a) et scanner correspondant (b) montrant une fracture en H du sacrum par insuffisance osseuse.
c, d. Le guidage combiné fluoroscopique et scanographique sécurise la procédure du fait de la mauvaise visualisation des trous sacrés
en fluoroscopie.
e, f. Contrôle scopique et scanographique après injection de ciment.

cependant être réduite en créant au préalable une opacifiant doit être manuellement ajouté, sauf dans
cavité grâce aux systèmes d'expansion intraverté- le JECTOS + ® (Kasios, Launaguet, France) et le
brale (ballonnets de cyphoplastie ou pince de dis- Kyphos-R® (Medtronic-Kyphon, Sunnyvale, États-
traction intravertébrale). La radio-opacité des Unis) dont la composition intègre directement un
ciments phosphocalciques est faible et un radio- radio-opacifiant.
212 Bases thérapeutiques

a b c

Fig. 11.6 Vertébroplastie multiniveaux.


a, b. La position adéquate des trocarts est vérifiée de face et de profil avant injection de ciment.
c. Pour limiter les risques dus à la toxicité du ciment et aux microdéplacements de moelle osseuse, un maximum de six niveaux ne doit
généralement pas être dépassé en une seule session.

L'injection de ciment est réalisée sous contrôle fluo- moins d'une heure, ce qui permet une mise en charge
roscopique de profil strict. Pour réduire le risque de extrêmement précoce des patients. Les ciments phos-
fuite de ciment, mieux contrôler la vitesse d'injection phocalciques peuvent nécessiter jusqu'à 3 jours pour
et limiter l'irradiation aux mains de l'opérateur, des atteindre leur dureté définitive ; dans l'intervalle, les
sets d'injection utilisant des systèmes à pas de vis patients doivent rester alités ou porter un corset.
sont disponibles. La distribution des premières
gouttes de ciment doit être particulièrement pru-
dente pour éviter les risques d'intravasation voire
d'embolie de ciment. Cette répartition se fait soit de
manière irrégulière entre les septa vertébraux réali-
sant un aspect de « trabéculogramme », soit de
manière compacte et homogène lorsque le ciment
diffuse dans une cavité (fig. 11.7), que cette dernière
soit produite par une ostéonécrose ou artificielle-
ment par un matériel d'expansion intravertébral. La
répartition de type trabéculaire est associée à un plus
fort risque de fuite de ciment par intravasation ; dans
ce cas, il est préférable de ralentir l'injection voire
d'arrêter l'injection pendant 30 à 60 secondes pour
laisser le ciment évoluer vers une phase plus pâteuse
et diminuer le risque de fuites. En fin d'injection, le
mandrin du trocart osseux est réinséré sous contrôle
fluoroscopique et le trocart est prudemment retiré
pour éviter une fuite rétrograde de ciment sur le tra- Fig. 11.7 Répartition du ciment.
jet de ponction. Sur le niveau vertébral supérieur, la répartition du ciment pré­
Une nuit d'hospitalisation est généralement suffi- sente des bords irréguliers en rapport avec un trabéculo­
gramme. Sur le niveau vertébral inférieur, la répartition du ciment
sante après vertébroplastie lorsque le PMMA est uti- s'effectue de manière compacte et homogène dans une cavité
lisé. En effet, le PMMA atteint sa dureté définitive en d'ostéonécrose.
Chapitre 11. Radiologie interventionnelle en pathologie rachidienne traumatique 213

Résultats de la vertébroplastie – apparaît essentiellement lié à l'histoire naturelle de


complications l'ostéoporose. Cependant, du fait de la rigidité
excessive du PMMA, l'injection ne devrait pas
Les complications sévères résultant de la vertébro- dépasser 30 % du volume vertébral et les fuites dis-
plastie ou de la cyphoplastie à ballonnets restent cales devraient être évitées au maximum.
rares (moins de 1 % des cas en pathologie ostéopo- Les ostéonécroses vertébrales constituent une
rotique) [16]. Des réactions allergiques au ciment entité à part car elles évoluent vers une pseudarth-
ont été rapportées mais sont exceptionnelles. Les rose et un collapsus vertébral. Leur absence de
complications dues à la ponction vertébrale (pneu- consolidation spontanée même après plusieurs mois
mothorax, fracture de côte, fracture de pédicule, justifie la réalisation d'une vertébroplastie qui devra
effraction canalaire) sont prévenues par une bonne combler la cavité nécrotique instable. Malgré le
maîtrise technique. Des complications infectieuses délai post-traumatique important, le résultat antal-
surviennent dans moins de 1 % des cas ; une stricte gique est spectaculaire.
asepsie est indispensable et la vertébroplastie doit
être réalisée à distance de tout épisode infectieux
aigu. Les complications principales sont dues aux Traitement des fractures
fuites lors de l'injection de ciment [17]. Les fuites traumatiques du sujet jeune
discales mineures sont fréquentes et asymptoma- par cyphoplastie percutanée
tiques ; par contre les grosses fuites discales peuvent
accentuer les contraintes sur la vertèbre adjacente et
favoriser la survenue d'une nouvelle fracture. Des
Indications
fuites veineuses par intravasation de ciment peuvent Certaines fractures vertébrales traumatiques du
survenir vers l'espace épidural, les foramens, mais sujet jeune peuvent être prises en charge par ver-
aussi vers le réseau cave ou azygos avec risque d'em- tébroplastie percutanée. Ce sont principalement
bolie pulmonaire de ciment. Si ces intravasations les fractures de type A1 et certaines fractures A3
restent le plus souvent asymptomatiques, elles de la classification de Magerl (fig. 11.8) [21].
doivent être prévenues par une injection très pru- Compte tenu de la densité osseuse très élevée de
dente sous contrôle fluoroscopique strict, en respec- ces sujets jeunes, la vertébroplastie convention-
tant la phase pâteuse du ciment. nelle est rendue complexe voire impossible car la
Dans le cadre des fractures traumatiques du sujet résistance lors de l'injection de ciment est si éle-
ostéoporotique, une littérature abondante rap- vée que le ciment durcit dans le trocart osseux
porte une efficacité majeure et rapide dans près de avant d'avoir pu se répartir dans le corps vertébral
90 % des cas [18, 19]. La remise en charge des lésé. C'est là que les systèmes d'expansion intra-
patients est très précoce, souvent quelques heures vertébrale (ballonnets de cyphoplastie ou pinces
après la procédure. Si une publication récente a de distraction intravertébrale) prennent tout leur
fortement remis en cause l'efficacité de la verté- intérêt. La cavité intravertébrale ainsi créée faci-
broplastie [20], elle souffrait de biais de sélection lite l'injection de ciment. De plus, elle permet
majeurs : les patients étaient traités plusieurs mois même d'envisager l'emploi de nouveaux ciments
après le traumatisme sans individualiser de groupe phosphocalciques malgré leur viscosité élevée.
« ostéonécrose » et dans de nombreux cas, l'IRM Ces ciments biocompatibles ont des propriétés
était soit ancienne soit absente. Dans ces condi- biomécaniques proches de l'os spongieux normal
tions, de nombreux patients inclus étaient au stade et permettent une relative ostéo-intégration. Ces
de consolidation spontanée et leurs douleurs rési- caractéristiques présentent un intérêt particulier
duelles manifestement d'origine positionnelle. Le chez le sujet jeune où le ciment est implanté pour
succès de la vertébroplastie passe par une sélection une longue durée.
rigoureuse des patients s'appuyant sur un examen Le but de la cyphoplastie est d'obtenir une stabilisa-
clinique précis et une IRM récente. tion vertébrale rapide avec remise en charge précoce
Le risque d'induire de nouvelles fractures par l'in- du patient sans corset [22]. L'utilisation des ballons
jection de ciment PMMA est toujours l'objet de d'expansion à haute pression permet théoriquement
débats. Si le risque de nouvelle fracture est réel, il de restaurer la hauteur vertébrale. Cette restaura-
214 Bases thérapeutiques

a b c
Fig. 11.8 Classification de Magerl des fractures traumatiques par compression.
a. Type A1, fracture–tassement.
b. Type A2, fracture–séparation.
c. Type A3, fracture comminutive ou burst.

tion est cependant très inconstante et reste étroite- les ballonnets d'expansion à distance du canal rachi-
ment liée au type de fractures, à la densité osseuse et dien. Après méchage, les ballonnets à haute pression
au délai post-traumatique. Chez le patient jeune, la sont insérés dans le corps vertébral à proximité du
cyphoplastie à ballonnets doit idéalement être effec- foyer de fracture. Leur gonflage est ensuite effectué
tué dans les 7 jours suivant le traumatisme car au- par paliers successifs jusqu'à un maximum de 27 bars.
delà, l'engrènement de la fracture rend sa réduction La pression est maintenue jusqu'à ce que la fracture
très difficile. soit réduite. Les ballonnets sont ensuite retirés et la
cavité intravertébrale est comblée par du ciment
osseux, selon une technique d'injection superposable
Technique de cyphoplastie à la vertébroplastie conventionnelle. L'injection de
à ballonnets ciment requiert les mêmes précautions que pour une
vertébroplastie conventionnelle : en effet, la réparti-
La cyphoplastie est une variante de la vertébroplas- tion du ciment s'effectue initialement dans la cavité
tie, introduite au début des années 2000. Cette créée par les ballonnets mais si l'injection est poursui-
technique a pour but de restaurer la hauteur d'un vie, une intravasation de ciment avec risque de fuite
corps vertébral fracturé à l'aide de ballonnets à veineuse reste néanmoins possible.
haute pression, avant d'en assurer la stabilisation par Pour les fractures traumatiques du sujet jeune sur-
injection de ciment (fig. 11.9). La procédure est venant sur les niveaux thoraciques supérieurs à T5,
réalisée sous guidage fluoroscopique. Une sédation l'utilisation de la cyphoplastie à ballonnets est ren-
profonde voire une anesthésie générale est requise due très difficile, compte tenu de la petite taille des
car l'expansion intravertébrale est douloureuse. corps vertébraux et de l'étroitesse du trajet de
L'approche est généralement bilatérale avec des voies ponction. Dans ce cas, l'injection de ciment peut
d'abord superposables à celles décrites précédem- être facilitée par l'utilisation d'une pince de distrac-
ment pour la vertébroplastie lombaire et thoracique. tion intravertébrale (Cemento-EC®, OptiMed,
Deux introducteurs de 8 gauges permettant le pas- Ettlingen, Allemagne). Cette pince peut être intro-
sage des ballonnets sont positionnés sur des broches duite de manière coaxiale à travers un trocart de
de Kirschner. Leur extrémité doit dépasser de vertébroplastie de 10 gauges, et permet de créer
quelques millimètres le mur vertébral postérieur sur une petite cavité intravertébrale (fig. 11.10). Ce
une vue fluoroscopique de profil, afin de maintenir système a pour but de faciliter l'injection de ciment
Chapitre 11. Radiologie interventionnelle en pathologie rachidienne traumatique 215

a j

b c d

e f g

h i
Fig. 11.9 Cyphoplastie à ballonnets.
a. Fracture traumatique de L1 chez un patient de 25 ans. b. Deux introducteurs sont positionnés par voie transpédiculaire, leur extré­
mité dépassant légèrement le mur vertébral postérieur. c, d, e. Après méchage du corps vertébral (c), les ballons sont positionnés en
regard de la fracture (d, e). f, g, h. Contrôle après expansion des ballons. i, j. Après retrait des ballons, le ciment phosphocalcique
biocompatible est injecté dans la cavité créée par les ballons.
216 Bases thérapeutiques

b c d
Fig. 11.10 Pince de distraction intravertébrale.
a. Fracture traumatique de T4 chez un patient de 27 ans.
b. Du fait du niveau traité et du délai post-traumatique supérieur à 10 jours, une cavité intravertébrale est créée à l'aide d'une pince de
distraction introduite de manière coaxiale à travers le trocart de vertébroplastie.
c, d. Cette cavité permet ensuite l'injection de ciment phosphocalcique biocompatible.

dans un corps vertébral relativement dense, mais souvent partiellement lors du retrait des ballons
n'a pas pour fonction de restaurer une quelconque du fait de la tension des muscles et des ligaments
hauteur vertébrale. paravertébraux. Grâce à la cavité créée par les bal-
lons, l'emploi de ciments phosphocalciques bio-
Résultats de la cyphoplastie compatibles devient possible et ce malgré leur
viscosité élevée. Les patients ainsi traités peuvent
– complications être remis en charge précocement sans avoir
Dans le cadre des fractures traumatiques du sujet recours à un corset plâtré inconfortable et souvent
jeune, la cyphoplastie à ballonnets prend tout son peu efficace [24].
intérêt. En effet, la densité osseuse très élevée du En pathologie ostéoporotique, l'intérêt de la
sujet jeune rend l'injection de ciment par verté- cyphoplastie à ballonnets par rapport à la vertébro-
broplastie conventionnelle difficile voire impos- plastie conventionnelle reste par contre très
sible si une cavité intra-osseuse n'a pas été réalisée débattu. Ceci est notamment dû au surcoût très
au préalable. Pour obtenir une expansion optimale significatif qu'elle engendre, à l'allongement du
des ballons de cyphoplastie, le traitement doit être temps de procédure et à l'augmentation du niveau
entrepris dans la semaine qui suit le traumatisme de sédation. Le gain relatif de hauteur sur la
[23]. Il est à noter que la vertèbre se recollabe colonne antérieure reste très modéré, comparé à la
Chapitre 11. Radiologie interventionnelle en pathologie rachidienne traumatique 217

vertébroplastie conventionnelle [25, 26], et il n'a technique n'est pas disponible au bloc opératoire
pas été prouvé que ce bénéfice minime sur la sta- pour traitement postérieur et antérieur en un temps,
tique rachidienne apporte un bénéfice réel sur la soit lorsqu'un collapsus vertébral survient de
qualité de vie [27, 28]. Si de nombreuses études manière différée après instrumentation postérieure.
rapportent un intérêt de la cyphoplastie à ballon- Dans ce cas, la vertébroplastie stabilise le corps ver-
nets pour diminuer les fuites de ciment, les diffé- tébral et réduit les contraintes sur les tiges d'arthro-
rences deviennent négligeables dans les centres dèse postérieure, évitant la reprise chirurgicale
présentant une grande expertise des deux tech- complète.
niques. La majorité des fuites sont des fuites dis-
cales ou des fuites veineuses minimes qui restent
asymptomatiques. Le taux de complications en Technique
rapport avec les deux méthodes varie de 1 à 6 %
Dans le cadre des fractures A3 complexes, le traite-
mais les comparaisons sont rendues délicates du
ment est idéalement réalisé en un seul temps au bloc
fait des variations techniques selon les institutions
opératoire (fig. 11.11). Après instrumentation pos-
(choix des trocarts et du ciment, qualité de la fluo-
térieure, éventuelle laminectomie et réduction
roscopie, voie d'abord et surtout modalité d'injec-
chirurgicale de la fracture, la cimentoplastie est réa-
tion du ciment).
lisée par approche transpédiculaire aux étages lom-
En termes d'efficacité antalgique, la cyphoplastie à baires, ou par voie intercostopédiculaire aux étages
ballonnets rapporte des résultats similaires à ceux de thoraciques. Des ballons de cyphoplastie peuvent
la vertébroplastie conventionnelle avec un taux de parfois être utilisés pour optimiser la réduction de la
succès entre 70 et 90 %. fracture [30]. Leur positionnement et leur gonflage
doivent être particulièrement prudents pour ne pas
expulser un fragment vertébral instable vers le canal
Traitement des fractures rachidien.
rachidiennes complexes par Dans une optique toujours plus mini-invasive, des
techniques combinées systèmes d'arthrodèse postérieure par incision cuta-
radio-chirugicales née miniaturisée ont été développés (Sextant®,
Medtronic, Sunnyvale, États-Unis). Leur utilisation
Indications peut être couplée à une vertébroplastie ou une
cyphoplastie à ballonnets pour certaines fractures
Dans certains cas, la vertébroplastie peut être com- traumatiques par compression du sujet jeune
binée à une chirurgie rachidienne postérieure afin (fig. 11.12). Cependant, ce système fondé sur des
de remplacer une approche chirurgicale antérieure tiges postérieures précourbées ne permet pas
complexe. d'arthrodéser plus de trois niveaux vertébraux.
Cette combinaison thérapeutique peut être envisa- Dans le cas des fractures vertébrales survenant sur
gée en un temps pour certaines fractures vertébrales un niveau adjacent à une arthrodèse, la cimentoplas-
A3 complexes de type burst selon la classification de tie percutanée évite une reprise chirurgicale avec
Magerl [29]. L'approche chirurgicale est alors effec- extension de l'arthrodèse (fig. 11.13) [31].
tuée uniquement par voie postérieure. Selon la qua- Dans le cadre des fractures survenant au sein d'un
lité de la réduction de la fracture par instrumentation segment rachidien préalablement ostéosynthésé, la
postérieure, l'emploi de ballonnets d'expansion vertébroplastie permet de consolider le corps verté-
intravertébrale est ou non nécessaire. La cimenta- bral lésé et de limiter les contraintes sur les tiges
tion du corps vertébral est ensuite effectuée par voie postérieures (fig. 11.14). Lorsque le niveau à traiter
postérieure transpédiculaire. La vertébroplastie est déjà vissé, l'injection de ciment permet de stabi-
assure une consolidation efficace de la colonne anté- liser les vis. L'approche percutanée est rendue plus
rieure et permet dans certains cas de limiter l'exten- délicate par le vissage préalable qui occupe la
sion en hauteur des arthrodèses postérieures. majeure partie du pédicule. Dans ce cas, la ponction
La vertébroplastie peut aussi être envisagée comme vertébrale sera effectuée sur le bord externe de la vis
deuxième temps thérapeutique, soit parce que la en veillant à ne pas faire d'effraction foraminale.
218 Bases thérapeutiques

a b

c d

e f
Fig. 11.11 Combinaison arthrodèse chirurgicale et cyphoplastie à ballonnets (en collaboration avec J.-P. Steib).
a, b. Burst fracture de L1 avec recul du mur postérieur chez une patiente de 31 ans. Absence de retentissement neurologique. Après
mise en place des tiges d'arthrodèse postérieure, la cyphoplastie à ballonnets est réalisée afin d'éviter une approche chirurgicale
antérieure. c, d. Restauration complète de la hauteur vertébrale après expansion des ballons. Notez la réintégration du fragment ver­
tébral postérieur suite à la réduction de la cyphose. Le gonflage des ballons doit être particulièrement prudent pour éviter toute rétro­
pulsion de fragment libre vers le canal. e, f. Contrôle scanographique après injection de ciment phospohcalcique. Excellent résultat
fonctionnel.
Chapitre 11. Radiologie interventionnelle en pathologie rachidienne traumatique 219

a b

c d
Fig. 11.12 Fracture–tassement de L2 chez un patient de 45 ans traité par Sextant® puis vertébroplastie (en collaboration avec
J.-P. Charles).
Après mise en place d'une arthrodèse postérieure par Sextant® (a), la consolidation du corps vertébral est effectuée par vertébroplastie
percutanée lors d'un deuxième temps thérapeutique (b, c, d). Ceci évite une approche chirurgicale complémentaire antérieure.
220 Bases thérapeutiques

a b

c d
Fig. 11.13 Fracture–ostéonécrose du plateau supérieur de L5 sous une ancienne arthrodèse lombaire, traitée par vertébroplastie.
a, b. Scanner montrant la fracture L5. Notez le gaz intravertébral en rapport avec l'ostéonécrose (b).
c, d. Contrôle radiographique après vertébroplastie percutanée.

a b c
Fig. 11.14 Fractures thoraciques T8–T9 au sein d'une ancienne arthrodèse thoracolombaire chez une patiente de 77 ans.
Déplacement des vis sous le plateau supérieur en T8 et collapsus vertébral en T9. Pour éviter une reprise chirurgicale complexe sur
terrain ostéoporotique tout en stabilisant le matériel d'arthrodèse en place, une vertébroplastie percutanée est effectuée. a, b. Contrôle
du positionnement des trocarts dans le tiers antérieur des corps vertébraux, sur la ligne médiane. Notez la position haute du trocart T8
au contact des vis. c. Contrôle fluoroscopique après vertébroplastie.
Chapitre 11. Radiologie interventionnelle en pathologie rachidienne traumatique 221

Résultats antérieure beaucoup plus traumatisante. Ces tech-


niques mini-invasives se doivent d'être disponibles
En combinaison à une instrumentation chirurgicale dans les centres amenés à prendre en charge les
rachidienne postérieure, la cimentoplastie offre une traumatismes rachidiens.
alternative efficace et mini-invasive à une approche
chirurgicale antérieure complexe. Ce type d'indica- Références
tions est actuellement en plein essor, dans une logique
[1] Galibert P, Deramond H, Rosat P, Le Gars D.
toujours plus mini-invasive. Dans ce cas, la vertébro- Preliminary note on the treatment of vertebral angioma
plastie fournit une consolidation efficace du segment by percutaneous acrylic vertebroplasty. Neurochirurgie
rachidien antérieur, elle permet de raccourcir le temps 1987 ; 33 : 166–8.
de procédure, d'accélérer la récupération et de limiter [2] Hide IG, Gangi A. Percutaneous vertebroplasty : his-
les douleurs postopératoires. Ces combinaisons thé- tory, technique and current perspectives. Clin Radiol
2004 ; 59 : 461–7.
rapeutiques radio-chirurgicales impliquent une excel- [3] McGraw JK, Cardella J, Barr JD, et al. Society of inter-
lente collaboration entre les différents intervenants ventional radiology quality improvement guidelines for
pour optimiser le traitement. percutaneous vertebroplasty. J Vasc Interv Radiol 2003 ;
14 : S311–5.
[4] Gangi A, Sabharwal T, Irani FG, Buy X, Morales JP,
Conclusion Adam A. Quality assurance guidelines for percutaneous
vertebroplasty. Cardiovasc Intervent Radiol 2006 ; 29 :
173–8.
La vertébroplastie est une technique pratiquée [5] Zoarski GH, Snow P, Olan WJ, et al. Percutaneous
maintenant depuis plus de 20 ans pour traiter des vertebroplasty for osteoporotic compression frac-
fractures vertébrales de diverses origines. Cette tures : quantitative prospective evaluation of long-
technique offre une consolidation vertébrale term outcomes. J Vasc Interv Radiol 2002 ; 13 :
139–48.
rapide et durable qui permet une remise en charge [6] Stallmeyer MJ, Zoarski GH, Obuchowski AM.
très précoce du patient. Elle constitue un pilier Optimizing patient selection in percutaneous vertebro-
majeur dans la prise en charge des fractures rachi- plasty. J Vasc Interv Radiol 2003 ; 14 : 683–96.
diennes ostéoporotiques, à condition de respecter [7] Mathis JM. Vertebroplasty for vertebral fractures with
scrupuleusement les critères d'inclusion et de intravertebral clefts. AJNR Am J Neuroradiol 2002 ;
23 : 1619–20.
prendre en charge la maladie ostéoporotique dans [8] Gangi A, Kastler BA, Dietemann JL. Percutaneous ver-
son ensemble. La cyphoplastie à ballonnets, tebroplasty guided by a combination of CT and fluo-
variante de la vertébroplastie, fait l'objet de nom- roscopy. AJNR Am J Neuroradiol 1994 ; 15 : 83–6.
breux débats notamment en raison de son coût. Si [9] Gangi A, Guth S, Imbert JP, Marin H, Dietemann JL.
son bénéfice réel par rapport à la vertébroplastie Percutaneous vertebroplasty : indications, technique,
and results. Radiographics 2003 ; 23 : e10.
conventionnelle n'est pas prouvé dans les fractures [10] Masala S, Konda D, Massari F, Simonetti G. Sacroplasty
ostéoporotiques, elle offre de réelles possibilités and iliac osteoplasty under combined CT and fluorosco-
mini-invasives pour traiter certaines fractures ver- pic guidance. Spine 2006 ; 31 : E667–9.
tébrales par compression du sujet jeune ; en effet, [11] Heini PF, Berlemann U, Kaufmann M, Lippuner K,
la densité osseuse élevée du sujet non ostéoporo- Fankhauser C, van Landuyt P. Augmentation of mecha-
nical properties in osteoporotic vertebral bones - a
tique rend l'injection de ciment particulièrement biomechanical investigation of vertebroplasty efficacy
complexe si aucune cavité intravertébrale n'a été with different bone cements. Eur Spine J 2001 ; 10 :
créée au préalable. De plus la cavité produite par 164–71.
les ballons permet d'envisager l'injection de nou- [12] Belkoff SM, Mathis JM, Jasper LE, Deramond H. The
veaux ciments phosphocalciques biocompatibles biomechanics of vertebroplasty. The effect of cement
volume on mechanical behavior. Spine 2001 ; 26 :
aux caractéristiques biomécaniques proches de l'os 1537–41.
spongieux normal. Enfin, la vertébroplastie et la [13] Kallmes DF, Jensen ME. Percutaneous vertebroplasty.
cyphoplastie à ballonnets peuvent être réalisées en Radiology 2003 ; 229 : 27–36.
combinaison à une arthrodèse chirurgicale posté- [14] Belkoff SM, Mathis JM, Erbe EM, Fenton DC.
rieure pour traiter certaines fractures rachidiennes Biomechanical evaluation of a new bone cement for use
in vertebroplasty. Spine 2000 ; 25 : 1061–4.
complexes ; dans ce cas, l'injection de ciment [15] Lim TH, Brebach GT, Renner SM, et al. Biomechanical
assure la consolidation du corps vertébral et rem- evaluation of an injectable calcium phosphate cement
place efficacement une approche chirurgicale for vertebroplasty. Spine 2002 ; 27 : 1297–302.
222 Bases thérapeutiques

[16] McGraw JK, Lippert JA, Minkus KD, Rami PM, Davis phosphate cement augmentation in traumatic fractures.
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2004 ; 33 : 493–505. [25] Wilson DR, Myers ER, Mathis JM, et al. Effect of aug-
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tebral osteoporotic fractures. Short-term, mid-term and [26] Belkoff SM, Jasper LE, Stevens SS. An ex vivo evalua-
long-term follow-up of 285 patients. Skeletal Radiol tion of an inflatable bone tamp used to reduce fractures
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study of standalone balloon kyphoplasty with calcium nal fusion. Acta Neurochir Suppl 2008 ; 101 : 153–5.
Chapitre 12
Traitement des fractures du rachis
thoracolombaire
J.-P. Steib, Y.-P. Charles

Le traitement des fractures du rachis thoracolom­ sur les données chiffrées post-traumatiques, mais elle
baire a beaucoup évolué et bénéficié des progrès en doit également tenir compte de l'instabilité et du
matière de chirurgie instrumentale avec une meil­ déplacement secondaire potentiel.
leure compréhension de l'anatomophysiologie du
rachis et des lésions traumatiques. Si la chirurgie a
changé, il en est de même pour les patients qui Type de fractures
demandent un traitement rapide et sans contraintes
(refus du repos et du corset). La cohabitation rachis Les fractures de type A sont dues à une compression
et orthopédie générale a beaucoup apporté à la axiale avec ou sans flexion du corps vertébral. La
chirurgie rachidienne qui applique aujourd'hui les fracture A1 (compression) n'atteint que les deux
grands principes de la chirurgie des membres. La tiers antérieurs du corps vertébral (colonne anté­
présence de la moelle épinière et des racines ner­ rieure de Denis). Elle ne se complique pas de
veuses représente cependant une source de compli­ troubles neurologiques mais est à l'origine d'un
cations éventuelles et souligne l'importance du déplacement en cyphose. Les fractures A2 donnent
déplacement et de l'instabilité de la fracture, intro­ des traits verticaux où le disque s'introduit, ce qui
duisant la notion d'urgence. les expose à la pseudarthrose. Les fractures A3 (burst
fracture) atteignent les colonnes antérieure et
moyenne de Denis, ce qui en plus du problème en
Paramètres de prise de décision cyphose pose celui du corps vertébral explosé avec
un fragment susceptible de réduire le canal et de
comprimer les structures nerveuses (fig. 12.1).
La fracture va atteindre la vertèbre partiellement ou
dans son intégrité et entraîner un déplacement immé­ Les fractures de type B sont dues à une distraction
diat ou secondaire. Les classifications de Denis ou de vers l'avant (flexion) ou vers l'arrière (extension).
Magerl décrivent l'atteinte vertébrale à travers un Lorsqu'elles sont à prédominance ligamentaire, elles
mécanisme biomécanique de la fracture [1–3]. Elles guériront rarement et auront pour conséquence une
décrivent les traits de fracture osseux ainsi que les instabilité douloureuse et menaçante pour les struc­
lésions discoligamentaires. Le déplacement a une tures nerveuses. Si une notion osseuse s'y ajoute, la
co­­nséquence orthopédique, en modifiant la statique déformation secondaire pourra se développer en
rachidienne, et parfois neurologique. L'in­ stabilité l'absence de stabilisation appropriée (fig. 12.2).
entraîne un mouvement anormal ou un mouvement Les fractures de type C sont dues à un mécanisme de
normal à amplitude exagérée d'un segment rachidien. rotation des trois colonnes. Ce sont les seules frac­
Une déformation immédiate, par­aissant bénigne au tures touchant les trois colonnes du rachis (disloca­
début, peut donc s'aggraver secondairement. L'ap­ tion). Elles sont donc particulièrement instables. En
préciation de l'étendue et de l'importance des lésions effet, la rotation du rachis ne peut s'exprimer que si
osseuses et ligamentaires ne doit pas se faire seulement l'ensemble du rachis est atteint (fig. 12.3).
Traumatologie du rachis
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224 Bases thérapeutiques

Fig. 12.1 Fracture en compression type A (burst fracture).

Fig. 12.2 Fracture par mécanisme de flexion–distraction type B.

Fig. 12.3 Fracture avec dislocation rotatoire type C.


Chapitre 12. Traitement des fractures du rachis thoracolombaire 225

Déplacement mesure simple et reproductible est obtenue par le


sagittal index de Farcy (SIF), mesuré entre le plateau
Le rachis indemne de lésion traumatique comprend vertébral inférieur de la vertèbre fracturée et le plateau
les lordoses lombaire et cervicale représentant les vertébral inférieur de la vertèbre sus-jacente [5]. En
parties mobiles du rachis et la cyphose thoracique thoracique, le SIF est de + 5° (cyphose), en lombaire
qui, elle, est peu mobile. Une fracture a tendance à se de − 10° (lordose) et de 0° en T12–L1 (zone charnière
majorer secondairement et à se déformer en cyphose, entre la cyphose et la lordose). Un SIF de plus de 10°
sauf si elle est en extension. La déformation est tou­ n'est pas tolérable. La statique vertébrale ne peut être
jours à corréler à sa localisation rachidienne : une maintenue que s'il existe un support antérieur suffisant
déformation en cyphose sera d'autant plus impor­ et une tension musculo-aponévrotique postérieure
tante qu'elle survient à un endroit habituellement en pour équilibrer la colonne thoracolombaire (fig. 12.4).
lordose. On peut considérer schématiquement que : L'instabilité peut engendrer des lésions nerveuses
• à chaque segment vertébral thoracique, la cyphose souvent définitives. Le mouvement anormal survient
segmentaire (CS = une vertèbre + un disque) est si les guides osseux (articulations) sont atteints, l'am­
de 5° ; plitude anormale est rendue possible par une lésion
• à chaque segment lombaire la lordose est de 10° des freins (parties molles). Louis a divisé le rachis en
(CS = − 10°) ; trois colonnes (une antérieure = empilement des
• en T12–L1, il n'y a ni cyphose ni lordose (CS corps vertébraux et des disques, deux postérieures =
= 0). juxtaposition des massifs articulaires et des isthmes)
Le calcul de la CS d'une fracture sera donc à apprécier reliées par des éléments de liaison (pédicules et
en fonction de sa localisation anatomique [4]. Une lames) avec des appendices (transverses et épineuses).

Fig. 12.4 Sagittal index de Farcy mesuré entre le plateau inférieur de la vertèbre fracturé et le plateau inférieur de la vertèbre
sus-jacente.
226 Bases thérapeutiques

On peut alors établir un score où l'atteinte trauma­ décompression sous forme de laminectomie est
tique d'une colonne est cotée 1, celle d'un élément généralement associé à l'ostéosynthèse. Dans les
de liaison 1/2 et celle d'un appendice 1/4. fractures de type C, le mécanisme est plutôt un
L'instabilité osseuse est jugée sur la somme des coef­ cisaillement ou un étirement de la moelle (fig. 12.5).
ficients d'instabilité. Celle-ci est réelle à partir de 2. Même si leur pronostic est réservé, la réduction pré­
coce et la fixation du foyer de fracture associées à la
Troubles neurologiques décompression médullaire sont primordiales. Dans
les fractures de type A3 (burst fracture), les frag­
Ils sont à considérer comme une complication des ments osseux provenant du corps vertébral sont
fractures et sont à redouter à chaque instant. Leur projetés dans le canal (fig. 12.6). Ces fragments sont
présence nécessite un traitement en urgence : toutes souvent réduits automatiquement vers l'avant par la
les études retiennent que le seul facteur déterminant remise en lordose du rachis, effectuant un phéno­
dans une éventuelle récupération neurologique est mène de ligamentotaxis. Le traitement doit s'assu­
la rapidité de décompression de la moelle [6]. Le rer de la liberté du canal après réduction. La
plus souvent, la compression est due à la cyphose complication neurologique peut être immédiate ou
dont le sommet comprime le fourreau dural. La secondaire en cas d'instabilité. C'est pourquoi les
réduction–fixation de la fracture suffit souvent à critères d'instabilité d'une fracture doivent être éva­
décomprimer la moelle. Cependant, un geste de lués au premier diagnostic.

Fig. 12.5 Mécanisme de cisaillement et d'étirement médullaire par dislocation T12–L1.


Chapitre 12. Traitement des fractures du rachis thoracolombaire 227

nir la réduction ainsi que l'équilibre sagittal à long


terme. Une ostéosynthèse rachidienne s'appuie sur les
vertèbres sus- et sous-jacentes à la fracture. Les parties
molles, telles que ligaments et disque, peuvent être
incarcérées dans le foyer de fracture (classiquement
dans les fractures « diabolo » ou A2). Dans ces types
de fractures, l'arthrodèse est un prérequis pour éviter
des démontages de l'ostéosynthèse et les pseudarth­
roses à distance de la chirurgie. Une ostéosynthèse
seule, sans arthrodèse, est réalisée lorsque la fracture
n'a pas lésé le segment mobile et que la réduction et la
fixation permettront la consolidation de la fracture.
Le matériel doit alors être retiré à l'issue de la consoli­
dation osseuse, généralement entre le 12e et 18e mois.
Un rachis réduit doit reposer sur une colonne anté­
rieure de bonne qualité osseuse. Toute perte de
substance osseuse doit être comblée. S'il s'agit du
Fig. 12.6 Mécanisme de compression médullaire par projec-
disque (réduction dans le disque), une greffe anté­
tion de fragments dans le canal.
rieure est obligatoire. S'il s'agit de la vertèbre (frac­
ture en compression), l'injection de ciment s'est de
Principes thérapeutiques plus en plus développée et permet, à moindre frais,
de renforcer la colonne antérieure.
Généralités
La fracture du rachis mérite comme toute fracture du Particularités des colonnes
squelette un traitement associant une réduction anato­ thoracique, thoracolombaire
mique et une immobilisation solide. Une cyphose
exagérée risque d'engendrer des discopathies post-
et lombaire
traumatiques douloureuses à court terme et n'est Le rachis possède une fonction statique en permet­
donc pas tolérable. En cas de traitement orthopédique tant la position érigée de l'homme, mais il doit
de fractures–tassements de la colonne antérieure (A1 égale­ment autoriser le mouvement dans toutes les
ou A3.1), un corset doit maintenir le sagittal index directions de l'espace. Ces deux fonctions essen­
jusqu'à consolidation au 3e mois. Lors d'un traitement tielles de la colonne vertébrale sont possibles grâce à
par corset, un suivi radio-clinique régulier permettra l'empilement des structures peu déformables, que
de détecter tout déplacement secondaire précoce. En sont les vertèbres, et des tissus très déformables,
cas de traitement chirurgical, une ostéosynthèse doit constituées par les disques intervertébraux et le sys­
être solide et autoriser un lever du patient le lende­ tème ligamentaire. Au niveau du rachis, les seg­
main de la chirurgie sans contention externe. ments lordotiques sont mobiles et les segments en
Le rachis étant un complexe multi-articulaire, com­ cyphose sont peu ou pas mobiles. La colonne thora­
posé de vertèbres, de disques et de ligaments et cap­ cique est peu mobile d'autant que les côtes limitent
sules, les fractures du rachis sont souvent articulaires. son mouvement. La colonne lombaire est très
Il n'y a pas de continuité osseuse, chacune des ver­ mobile, notamment dans sa partie basse. La char­
tèbres étant séparée par leur segment mobile (disque nière thoracolombaire T12–L1 constitue une zone
et articulaires postérieures). La réparation des com­ pivot entre la cyphose thoracique et la lordose lom­
plexes articulaires est difficile voire impossible. Une baire. Elle représente un lieu de prédilection pour
arthrodèse associée à l'ostéosynthèse est souvent indi­ les fractures (50 % des fractures du rachis).
quée afin d'éviter des douleurs ultérieures par atteinte L'équilibre rachidien est nécessaire à une physiolo­
des segments mobiles. Par ailleurs, la fusion osseuse gie rachidienne normale. La fracture tend à détruire
entre les vertèbres arthrodésées permet de stabiliser le cet équilibre et aura des conséquences néfastes sur
complexe multi-articulé du rachis et de mieux mainte­ l'avenir du rachis.
228 Bases thérapeutiques

Ces considérations biomécaniques ont des implica­ ment réservé aux fractures stables a minima, sans
tions directes pour la prise en charge thérapeutique risque de déplacement secondaire, telles que le
des fractures thoraciques et lombaires. Afin de ne type A1 ne touchant que la partie antérieure du
pas s'exposer au risque de cal vicieux, même dans plateau vertébral. Le traitement orthopédique [7]
une fracture–tassement bénigne, il est important par corset est aujourd'hui réservé au patient jeune
d'obtenir une réduction optimale (sagittal index avec fracture–tassement de forme mineure (A1 ou
physiologique). Une cyphose résiduelle trop impor­ A3.1). Il doit alors être suffisamment grand, tel
tante ou une perte de lordose vont provoquer une que le corset de Böhler, pour pouvoir conserver la
dégénérescence discale précoce et une discopathie réduction de la fracture en position de lordose
douloureuse. La réduction peut être obtenue ortho­ jusqu'à sa consolidation (3 mois). Le traitement
pédiquement ou chirurgicalement en fonction du s'accompagne d'un entretien statique des muscles
degré de tassement et de la localisation anatomique. spinaux. Ce traitement est donc contraignant et
En lombaire, une arthrodèse doit, si elle est néces­ n'est pas toujours appliqué complètement.
saire, être sélective afin d'enraidir le rachis au mini­ À l'ablation du plâtre, on déplore souvent une
mum. Elle est volontiers intersomatique. Une perte de réduction qui se fait soit dans les disques
ablation de matériel doit être envisagée après conso­ sus- et sous-jacents, soit dans le corps vertébral.
lidation pour remobiliser les segments non arthro­ Les lombostats sont insuffisants pour le maintien
désés. Au niveau de la charnière thoracolombaire de fractures lombaires au-delà de L3 et au niveau
(zone exposée), il convient de favoriser la stabilité de la charnière thoracolombaire. Le traitement
par une greffe postérieure et parfois antérieure. orthopédique par corset est de moins en moins
L'arthrodèse peut s'étendre vers le haut mais doit indiqué aujourd'hui. Ceci est lié à l'apparition des
épargner la région lombaire. En thoracique, la techniques de vertébroplastie et de kyphoplastie,
mobilité physiologique de la colonne étant relative­ qui ont trouvé leur place dans le traitement de
ment faible, on peut se permettre de réaliser des ins­ fractures–tassements ostéoporotiques, mais aussi
trumentations et des arthrodèses plus longues afin dans la prise en charge de fractures traumatiques
de stabiliser la colonne et de diminuer le risque de du patient plus jeune. Ces techniques de cimen­
cyphose jonctionnelle au-dessus d'un montage. Les toplastie ont l'avantage, par rapport au corset,
montages courts ont peu d'intérêt et souvent l'in­ d'obtenir une situation stable immédiatement,
convénient de ne pas maintenir l'équilibre sagittal. permettant de lever le patient rapidement sans
contention externe. Par ailleurs, la cimentoplastie
apporte une indolence immédiate en immobili­
Traitement fonctionnel sant le foyer de fracture. L'utilisation de ciments
phosphocalciques peut être discutée comme
Le traitement fonctionnel par simple surveillance alternative au corset chez le patient jeune
radio-clinique et renfort musculaire est générale­ (fig. 12.7).

Fig. 12.7 Traitement de la fracture–tassement par kyphoplastie.


Chapitre 12. Traitement des fractures du rachis thoracolombaire 229

Traitement chirurgical duite dans les têtes de vis en respectant la réduction et


l'équilibre sagittal du rachis. Les vis et les tiges sont
Voies d'abord alors verrouillées par des écrous (fig. 12.8). Les avan­
tages de l'ostéosynthèse percutanée sont : l'absence
Parmi les possibilités de traitement chirurgical, les de dissection musculaire paravertébrale, la diminu­
techniques minimales invasives constituent l'évolu­ tion du saignement peropératoire et la récupération
tion la plus récente [8]. Le matériel d'ostéosynthèse postopératoire rapide. L'instrumentation peut être
(vis pédiculaires polyaxiales et tiges) est inséré par combinée avec une cimentoplastie pour combler un
voie transcutanée à l'aide d'ancillaires spéciaux sous vide osseux après réduction du corps vertébral [9].
contrôle fluoroscopique de face et de profil. La visée Ces techniques ont l'inconvénient de ne pas per­
pédiculaire est réalisée de façon analogue à celle de la mettre la réalisation d'une greffe osseuse postérieure
cimentoplastie. Une broche guide est introduite dans étendue, mais un complément de greffe antérieure
le pédicule et le corps vertébral. Un taraud est passé peut être fait par voie mini-invasive ou vidéo-assistée.
sur cette broche afin de préparer le passage et la posi­ La réduction de la fracture est essentiellement obte­
tion de la vis pédiculaire. La longueur et la forme de nue par l'installation du malade sur la table d'opéra­
la tige en cyphose ou en lordose sont reproduites à tion (en hyperlordose ou en traction) car les
l'extérieur du patient grâce à des prolongateurs posi­ possibilités de manœuvres de réduction par l'ostéo­
tionnés dans les têtes de vis. La tige est ensuite intro­ synthèse restent relativement limitées en transcutané.

Fig. 12.8 Ostéosynthèse L3–L5 transcutanée et greffe antérieure L3–L4 sélective (flèche).
230 Bases thérapeutiques

Fig. 12.9 Ostéosynthèse–arthrodèse T10–L2 classique, réalisée à ciel ouvert avec greffe postérieure et complément de greffe
antérieure T12–L1 (comblement du vide osseux).

La voie d'abord postérieure traditionnelle est obtenue par assistée par une vidéoscopie (fig. 12.10). En thoracique,
une incision médiane au-dessus des épineuses. La mus­ la thoracotomie est réalisée à droite, compte tenu de la
culature paravertébrale est disséquée jusqu'aux apo­ localisation gauche de l'aorte et du cœur. À la charnière
physes transverses. Cet abord classique est largement thoracolombaire, la thoraco­phrénolombotomie se situe
répandu et représente l'abord standard de la colonne au niveau de l'insertion diaphragmatique et peut être
vertébrale [10]. Par rapport à l'ostéosynthèse minimale réalisée à droite comme à gauche. En lombaire, la lom­
invasive, il a l'avantage de pouvoir positionner et mani­ botomie gauche est favorisée afin de ne pas devoir dis­
puler le matériel d'ostéosynthèse à ciel ouvert. Les séquer la veine cave du côté droit. Au niveau de la
manœuvres de réduction directes sont donc possibles. vertèbre fracturée, le séquestre osseux ainsi que le maté­
Par ailleurs, l'adjonction d'une greffe osseuse, prise aux riel discal incarcéré sont retirés. Une greffe osseuse est
dépens de la crête iliaque ou par substituts osseux et ensuite introduite dans cet espace afin de fusionner la
protéines ostéo-inductrices (BMP), peut être effectuée. vertèbre fracturée à la vertèbre adjacente. Des greffons
La greffe est classiquement réalisée au niveau des articu­ de crête iliaque ou des substituts osseux sont utilisés.
laires et entre les apophyses transverses du rachis lom­ Un vide antérieur important après corporectomie peut
baire. Après résection des épineuses, la greffe peut nécessiter la mise en place d'une cage, permettant ainsi
également être apposée au niveau des lames, surtout en de recréer une colonne antérieure continue, résistante
thoracique et à la charnière thoracolombaire (fig. 12.9). aux forces de compression axiales. Ces procédés sont
La voie d'abord antérieure permet de réaliser une greffe généralement combinés avec une instrumentation pos­
entre les corps vertébraux. Elle est effectuée par un térieure ou avec une plaque vissée dans la colonne anté­
mini-abord de 5 à 7 cm, centré sur la région opérée et rieure (fig. 12.11) [11, 12].
Chapitre 12. Traitement des fractures du rachis thoracolombaire 231

Fig. 12.10 Mini-abord antérieur vidéo-assisté, centré sur l'espace intersomatique greffé.

Fig. 12.11 Réduction de la fracture par ostéosynthèse–arthrodèse postérieure et reconstruction de la colonne antérieure par mise
en place d'une cage après exérèse du séquestre osseux et de l'incarcération discale.
232 Bases thérapeutiques

Ostéosynthèse thoracolombaire pour éviter toute déformation en


cyphose sus-jacente au montage. En lombaire, la
Elle a pour but de permettre la réduction de la fixation se fait par vis aux vertèbres n + 1 et n − 1.
déformation traumatique et de la conserver jusqu'à Un crochet décalé sous-lamaire protège les vis.
consolidation de la fracture et de la greffe éven­ Une tige droite et une tige gauche vont relier les
tuelle. Elle doit être suffisamment solide pour auto­ différents implants. La forme de la tige copie la
riser la déambulation immédiate sans contention déformation rachidienne. Une fois la tige en place,
externe ni limitation. les implants fermés mais non verrouillés, les tiges
La fixation vertébrale se fait par vis et crochets placés seront cintrées ensemble dans le sens de la réduc­
de façon symétrique à droite et à gauche. En thora­ tion. On utilise pour cela des fers à cintrer. Ils sont
cique au-dessus de T10 nous préférons les pinces placés de part et d'autre des implants et poussent le
pédiculotransversaires et en dessous de T10 les vis rachis en avant. Cette manœuvre va tendre le liga­
pédiculaires. En effet, les crochets pédiculaires ne ment longitudinal postérieur et les implants vont
peuvent être mis qu'au-dessus de T10 inclus. Les glisser librement sur les tiges (fig. 12.12). La réduc­
montages thoraciques sont faits par des prises verté­ tion est obtenue sans difficulté ni développement de
brales sur les vertèbres n + 1, n + 3, n − 1 et n − 3. forces importantes [13, 14]. Les implants sont alors
En thoracolombaire, la fixation se fait par vis aux verrouillés en veillant bien à bloquer les pinces pédi­
vertèbres n + 1 et n − 1. Ces vis sont protégées par culolamaires et pédiculotransversaires en compres­
des crochets : une pince pédiculotransversaire à la sion. Aucune distraction ou compression sur le foyer
vertèbre n + 3 et un crochet décalé sous-lamaire sur de fracture n'est nécessaire. Un dispositif de traction
la vertèbre n − 1. Ce montage ponte la charnière transverse va augmenter la tenue du montage.

Fig. 12.12 Manœuvres de cintrage in situ permettant de réduire la fracture par mise en lordose du rachis et phénomène de
ligamentotaxis.
Source : Steib JP, Charles YP, Aoui M. In situ contouring technique in the treatment of thoracolumbar fractures. Eur Spine J 2010
March ; 19 (Suppl 1) : 66-8.
Chapitre 12. Traitement des fractures du rachis thoracolombaire 233

Arthrodèse aussi garder ce résultat dans l'avenir en évitant toute


iatrogénie.
L'arthrodèse est recouvrante sur tout le montage et
le matériel peut être laissé en place. C'est le cas en
thoracique et pour une majorité des fractures de la Cals vicieux
charnière thoracolombaire. Elle peut être ciblée à la
zone fracturaire ou à la zone thoracique en laissant Le cal vicieux est une complication d'une fracture
la zone lombaire libre. Le matériel sera retiré après du rachis en rapport avec une non-correction immé­
consolidation. En lombaire, nous avons l'habitude diate (fracture traitée ou non) ou une perte secon­
de réaliser des greffes antérieures intéressant uni­ daire de correction. Il est heureusement souvent
quement un étage (l'étage lésé est le plus souvent bien toléré mais quand il ne l'est pas, il demande un
sus-jacent à la fracture). Nous réalisons un abord traitement adapté associant le plus souvent un
antérieur vidéo-assisté avec une greffe intersoma­ double abord chirurgical. Nous parlerons unique­
tique qui permettra de garder la hauteur discale et la ment des cals vicieux de la charnière thoracolom­
lordose après ablation de matériel. Le manque de baire qui sont les plus fréquents. Avant la chirurgie,
mobilité ne se fera que sur un seul niveau et l'équi­ il faut savoir s'il existe encore du mouvement dans le
libre sagittal du rachis sera respecté. foyer de fracture. Le test du billot permet de s'en
assurer : une radiographie de profil du rachis est réa­
lisée chez le patient couché sur un billot placé au
Indication niveau du cal vicieux. Si la mobilité résiduelle est de
10° ou plus, on fera un abord postérieur puis anté­
Il est difficile de se prononcer aujourd'hui sur l'indi­ rieur. Si la mobilité est inférieure à 10°, on fera un
cation de traitement des fractures du rachis. Elles ne abord antérieur puis postérieur [15]. Le principe
doivent plus être négligées et le traitement doit être chirurgical est simple : réduction postérieure par
efficace et acceptable pour le patient. Les fractures cintrage in situ, greffe intersomatique antérieure. La
en compression (type A) sont de plus en plus trai­ réduction ne peut être obtenue que si le rachis est
tées par cimentoplastie. Si le risque de cyphose est libéré de toute attache en avant et en arrière. Cette
important une fixation transcutanée sera associée. réduction ne peut être conservée que s'il n'y a pas
Les fractures–dislocations (type C) sont d'indication perte de substance osseuse, avec une greffe solide
opératoire classique d'autant qu'elles sont souvent antérieure et postérieure. La mauvaise mobilité au
associées à des troubles neurologiques. Les fractures test du billot fait penser qu'il existe un verrou anté­
en flexion–distraction (type B) avec lésions des par­ rieur : il sera fait une libération antérieure et une
ties molles demandent une réduction et une arthro­ greffe d'attente (côte ou tibia placé en rail entre les
dèse. Les fractures de type A2 (diabolo) et type A3 vertèbres), puis un abord postérieur avec ostéoto­
(burst) relèvent d'une fixation solide (classique ou mies éventuelles et réduction en cintrant la tige
transcutanée) et souvent d'une greffe antérieure en (fig. 12.13). Si la mobilité est bonne au test du bil­
raison de la communition. Il faut obtenir une guéri­ lot, on pourra facilement réduire par abord posté­
son la plus rapide possible du blessé avec un rachis rieur et il suffira de faire un abord antérieur pour
indolore, aligné et le moins enraidi possible. Il faut combler le vide intersomatique par un greffon.
234 Bases thérapeutiques

Fig. 12.13 Cal vicieux de T12.


Premier temps antérieur de correction (trois images de gauche) par libération osseuse et greffe intersomatique d'attente (flèches).
Second temps postérieur de réduction (image de droite) par cintrage in situ après changement de matériel.

Conclusion Références
[1] Denis F. The three column spine and its significance in
Les fractures du rachis intéressent les deux extrêmes the classification of acute thoracolumbar spinal injuries.
Spine (Phila Pa 1976) 1983 ; 8 (8) : 817–31.
de la vie adulte. Chez le patient jeune, le trauma­ [2] Magerl F, et al. A comprehensive classification of thoracic
tisme violent peut détruire une vie ; chez le patient and lumbar injuries. Eur Spine J 1994 ; 3 (4) : 184–201.
âgé, une simple chute peut entraîner des complica­ [3] Lenarz CJ, et al. Comparative reliability of 3 thoraco­
tions secondaires et nuire gravement à la qualité de lumbar fracture classification systems. J Spinal Disord
vie. Le traitement des fractures du rachis est en Tech 2009 ; 22 (6) : 422–7.
[4] Enad JG, Slakey JB, McNulty PS. Measurement of
pleine évolution. Après l'arrivée des ostéosynthèses thora­columbar kyphosis after burst fracture : evaluation
solides et les corrections efficaces des déformations of intraobserver, interobserver, and variability of 4 mea­
traumatiques, sont arrivés les traitements transcu­ surement methods. Am J Orthop (Belle Mead NJ)
tanés (cimentoplasties, ostéosynthèses). En tout 2008 ; 37(4) : E60–3.
état de cause, il faut considérer aujourd'hui qu'une [5] Farcy JP, Weidenbaum M, Glassman SD. Sagittal index
in management of thoracolumbar burst fractures. Spine
fracture du rachis est une fracture comme les autres (Phila Pa 1976) 1990 ; 15 (9) : 958–65.
et qu'un traitement efficace doit être discuté pour [6] Cengiz SL, et al. Timing of thoracolomber spine stabili­
toute fracture du rachis quels que soient le méca­ zation in trauma patients ; impact on neurological out­
nisme ou l'âge du patient. C'est ce qu'avait rêvé come and clinical course. A real prospective (rct)
Raymond Roy-Camille et c'est ce que nous randomized controlled study. Arch Orthop Trauma Surg
2008 ; 128 (9) : 959–66.
faisons.
Chapitre 12. Traitement des fractures du rachis thoracolombaire 235

[7] Harris MB, et al. Nonsurgical treatment of thoracolum­ [11] Wood KB, Bohn D, Mehbod A. Anterior versus posterior
bar spinal fractures. Instr Course Lect 2009 ; 58 : treatment of stable thoracolumbar burst fractures wit­
629–37. hout neurologic deficit : a prospective, randomized
[8] Ringel F, et al. Minimally invasive transmuscular pedicle study. J Spinal Disord Tech 2005 ; 18 (Suppl.) : S15–23.
screw fixation of the thoracic and lumbar spine. [12] Zdeblick TA, et al. Surgical treatment of thoracolumbar
Neurosurgery 2006 ; 59 (4 Suppl. 2) ONS361–6 ; dis­ fractures. Instr Course Lect 2009 ; 58 : 639–44.
cussion ONS366–7. [13] Steib JP, et al. Thoracolumbar fractures surgically trea­
[9] Marco RA, Kushwaha VP. Thoracolumbar burst frac­ ted by «in situ contouring. Eur Spine J 2006 ; 15 (12) :
tures treated with posterior decompression and pedicle 1823–32.
screw instrumentation supplemented with balloon- [14] Steib JP, Charles YP, Aoui M. In situ contouring tech­
assisted vertebroplasty and calcium phosphate recons­ nique in the treatment of thoracolumbar fractures. Eur
truction. J Bone Joint Surg Am 2009 ; 91 (1) : 20–8. Spine J 2010 ; 19 (Suppl. 1) : S66–8.
[10] Roy-Camille R, Saillant G, Mazel C. Internal fixation of [15] Steib JP, et al. Double approach in thoraco-lumbar
the lumbar spine with pedicle screw plating. Clin malunions. Eur Spine J 2010 ; 19 (Suppl. 1) : S48–51.
Orthop Relat Res 1986 ; 203 : 7–17.
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Index
A D
Angle de Cobb, 121 Décollement épiphysaire, 164
Antélisthésis, 93 Diastasis
Apophyse odontoïde, 4 –– interapophysaire, 112, 118
Arachnoïdite, 143 –– uncovertébral, 93
Arthrodèse, 233 DISH, 195
–– ostéosynthèse, 227 Disque, 34, 134, 156, 188
Atlas, 3
Axis, 4 E
Écart
B –– interépineux, 88
Bâillement uncovertébral, 93 –– interpédiculaire, 108
Basion, 8 Effet Mach, 12, 18
–– Basion dental interval, 8 Entorse
–– Basion posterior axial line interval, 8 –– antérieure, 90
Brèche durale, 108 –– bénigne, 87
Burst fracture, 84, 107, 113, 123, 164 –– grave, 88
–– – cervicale, 46
C –– – lombaire, 110
Cal vicieux, 228, 233 Épiphysiolyse, 162
Ciment, 210
Classification F
–– d'Anderson et d'Alonzo, 69 Foramen
–– d'Anderson et Montesano, 63, 64 –– arcuale, 3
–– d'Effendi, 73 –– intervertébral, 28
–– de Böhler, 122 –– magnum, 63
–– de Denis, 123 –– sacré antérieur, 29
–– de Dickman, 79, 80 Fracture
–– de Fielding et Hawkins, 160 –– comminutive, 84, 107
–– de Grauer, 71 –– de Chance, 112, 113, 167, 168
–– de Holdsworth, 123 –– de Jefferson, 10, 64, 159
–– de Levine, 74 –– de l'apophyse odontoïde, 161
–– de Magerl, 123 –– de l'atlas, 64
–– de Traynelis, 78 –– de l'axis, 69
–– TLISS, 125 –– de Ramon-Soler, 66
Clay shoveler's fracture, 99 –– des condyles occipitaux, 63
Complexe ligamentaire postérieur, 35, 41, –– du pendu, 72, 163
110, 125 –– du processus
Compression médullaire, 138 –– – articulaire, 96
Contusion osseuse, 36 –– – odontoïde, 69
Coup du lapin, 91 –– en chapeau de gendarme, 81
Courbure rachidienne, 35 –– en diabolo, 123, 167
Cyphoplastie, 213 –– maligne, 178
Cyphose –– occulte, 130, 193
–– cervicale, 155 –– ostéoporotique, 173, 178, 182, 205
–– locorégionale, 121 –– séparation, 37
–– osseuse, 104, 121 –– – du massif articulaire, 98
–– segmentaire, 225 –– – en diabolo, 104
238 Index

–– spinolamaire, 99 –– de Chamberlain, 7, 78
–– transcorporéale, 193 –– de force, 33
–– transdiscale, 193 –– de Mac Gregor, 7
–– transvertébrale, 189, 192, 195 –– de Swischuk, 8, 155
–– de Thiebaut-Wackenheim-Vrousos, 7
H –– des murs
Harris, méthode de, 8, 78 –– – antérieurs, 16, 28
Hématome –– – postérieurs, 16, 28
–– épidural, 108, 138, 139, 192, 193 –– en X de Lee, 8
–– extradural, 140 –– intervestibulaire de Wackenheim, 8
–– prévertébral, 130, 155 –– spinolamaire, 8
–– sous-dural aigu, 138 Listel, 167
Hernie discale, 134, 138, 156 Lordose
Horizontal facet fracture, 97 –– cervicale, 14, 35
–– lombaire, 35
I Luxation, 38
Imagerie de diffusion, 127, 142 –– atloïdo-axoïdienne, 81
Indice de Torg, 16 –– bilatérale, 88
Instabilité, 69, 93 –– C0–C1, 159
–– définitive, 42 –– condylo-atloïdienne, 78
–– globale, 17 –– intervertébrale, 112, 167
–– ligamentaire, 42 –– inversée, 117
–– osseuse, 42 –– odonto-atloïdienne, 79, 159
–– potentielle, 42 –– rotatoire C1–C2, 160
–– proprement dite, 41 –– unilatérale, 96
–– rotatoire, 17
–– temporaire, 42 M
–– thérapeutique, 42 Masse
–– vertébrale, 40 –– latérale, 66
IRM, 53 Membrana tectoria, 5
Méningocèle, 144
K Mobilité, 87, 198, 233
Kyste leptoméningé, 143 Mur
–– antérieur, 103
L Mur postérieur, 41
Ligament
–– alaire, 5 O
–– atlanto-occipital, 5 Opisthion, 7, 8
–– atloïdo-axoïdien, 5 Os odontoïdeum, 11
–– axoïodo-occipital, 5 Ossicule terminal, 154
–– cruciforme, 5 Ostéolyse post-traumatique, 182, 198
–– de l'apex de la dent, 5 Ostéonécrose vertébrale, 206
–– interépineux, 15 Ostéoporose, 173, 174, 175, 187
–– jaune, 15, 34 Ostéosynthèse, 232
–– longitudinal –– percutanée, 229
–– – antérieur, 5, 34
–– – postérieur, 34, 132 P
–– occipito-odontoïdien médian, 5 Partie molle prévertébrale, 9
–– supra-épineux, 34 Pilier, 33
–– transverse, 3, 5, 79 Plexus
Ligamentotaxis, 109, 122 –– cervicobrachial, 144
Ligne –– lombo-sacré, 144
–– arcuale, 29, 120 Point d'ossification, 153
–– bidigastrique de Metzger et Fischgold, 8 Processus
–– bimastoïdienne, 8 –– articulaire, 5, 14, 25
Index 239

–– épineux, 5, 12, 14, 25 Spondylarthrite ankylosante, 187


–– semi-lunaire, 14, 155 Spondylolisthésis, 88, 110, 121
–– transversaire, 14, 25 –– dégénératif, 199
Pseudarthrose, 141, 189, 194, 206 –– rotatoire, 93
Pseudo-fracture, 10, 18 Spondylolyse, 19
–– de Chance, 113 –– congénitale, 155, 163
–– de Jefferson, 155 –– traumatique, 97
Pseudo-luxation, 155 Stabilité, 5
Sténose canalaire, 108, 122, 140
Q Suicidal jumper's fracture, 120
Québec Task Force, 91 Synchondrose
–– neurocentrale, 154, 155, 163
R –– postérieure, 154
Radiographie –– sous-dentale, 10, 154, 155, 162
–– conventionnelle, 45 Syringomyélie, 143
–– de la charnière cervico-occipitale, 45
–– du rachis cervico-thoracolombaire, 45 T
–– dynamique, 46 Tassement
Rapport de Powers, 78 –– bénin, 141
Règle –– cunéiforme, 84, 104, 123
–– C-CSR, 53 –– malin, 141
–– NEXUS, 53, 158 –– ostéoporotique, 141, 142, 189
Rupture –– vertébral, 37, 122
–– de la dure-mère, 140 Tear drop fracture, 76, 85, 117, 123
–– du ligament longitudinal antérieur, 130 –– en extension, 90
Torticolis, 51, 160
S Traitement
Sagittal index de Farcy, 225 –– chirurgical, 229
Scanner, 48 –– de l'ostéoporose fracturaire, 184
Sciwona, 165 –– fonctionnel, 206, 228
Sciwora, 56, 152, 165 –– orthopédique, 227, 228
Sciworet, 56
Score ASIA, 125 U
Seat-belt fracture, 113, 123 Unité fonctionnelle rachidienne, 35
Segment
–– mobile rachidien, 14, 38, 86 V
–– – de Junhans, 15 Verrou
–– vertébral moyen, 41 –– antirotatoire, 15, 83
Sidérose médullaire, 138 –– cervical, 93
Signe Vertèbre vagabonde, 166
–– de la cupule, 113 Vertébroplastie, 184, 205
–– de Spence, 66 Vide intrasomatique, 181
–– du sandwich, 130
Spina bifida, 10, 19 W
Split atlas, 10 Whiplash injury, 91, 143
470599 – I – (1) – CSBM 135 – SPI
Elsevier Masson – SAS – 62 rue Camille – Desmoulins
92442 Issy – les – Moulineaux cedex
Dépot légal : octobre 2012
Imprimé en Italie par printer Trento

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