Vous êtes sur la page 1sur 347

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chez le même éditeur

Manuel pratique d’anesthésie, par Albrecht Éric, Jean-Pierre Haberer, Éric Buchser, Véronique Moret,
2015, 864 pages.
La douleur en ORL – Rapport 2014 de la Société française d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, par
Jean-Michel Prades, 2014, 240 pages.
Manuel pratique d’anesthésie locorégionale échoguidée, par Éric Albrecht, Sébastien Bloc, Hugues Cadas,
Véronique Moret, 2014, 296 pages.
Posturologie clinique. Comprendre, évaluer, soulager les douleurs, par l’API (Association de Posturologie
Internationale), Bernard Weber, Philippe Villeneuve, 2012, 224 pages.
Anesthésie loco-régionale et traitement de la douleur, par Pierre Gauthier-Lafaye, André Muller, Elisabeth
Gaertner, 2009, 4e édition, 720 pages.
Douleurs rachidiennes : 100 défis cliniques, par Lynton G.F Giles, édition française coordonnée par
Fabrice Duparc, 2012, 568 pages.

Dans la collection « Abrégés »


Douleurs – Soins palliatifs – Deuils, Coordonné par Alain de Broca, 2012, 240 pages.

Dans la collection « Pratiques en psychothérapie »


Pratiques en psychothérapie – Approches théoriques et cliniques, par Gérard Salem, Éric Bonvin, 2017,
6e édition, 392 pages.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Manuel pratique d’algologie


Prise en charge de la douleur chronique

Christophe Perruchoud
Médecin-chef, centre lémanique d’antalgie et de neuromodulation, département d’anesthésiologie,
hôpital de Morges, Suisse,
Médecin agréé, centre d’antalgie, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire Vaudois (CHUV),
Lausanne, Suisse,
Privat docent et maître d’enseignement et de recherche de l’université de Lausanne (UNIL).

Éric Albrecht
Médecin-adjoint, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse, Privat docent
et maître d’enseignement et de recherche de l’université de Lausanne (UNIL), Auteur du Manuel pratique d’anesthésie
et du Manuel pratique d’anesthésie locorégionale échoguidée.

Véronique Moret
Ancien médecin associé, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse

Avec la collaboration de Élodie Andrieux-Chastonay, Chantal Berna, Sébastien Bloc, Vincent Bourquin,
Michèle Bovy, Éric Buchser, Matthieu Cachemaille, Laurence Clivaz-Mariotti, Martine Jacot-Guillarmod,
Carlos Madrid, Bruno Marchand, Nicolas Mariotti, Benoît Marlier, Jean-Pierre Mustaki, Charles Peltier,
Philippe Rigoard, Alexandra Simard, Marc Suter, Tanguy Vendeuvre et Dragana Viceic

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France

Manuel pratique d’algologie - Prise en charge de la douleur chronique, de Christophe Perruchoud, Éric Albrecht
et Véronique Moret.
© 2017 Elsevier Masson SAS

ISBN : 978-2-294-74493-8
e-ISBN : 978-2-294-74534-8

Tous droits réservés.

Illustrations réalisées par Alain Jacot-Guillarmod : figures 2.1, 2.2, 2.3, 2.5, 2.6, 3.10, 8.3, 26.1, 27.7, 27.11,
27.24, 27.34 et 27.35.

Les indications et posologies de tous les médicaments cités dans ce livre ont été recommandées dans la littérature
médicale et concordent avec la pratique de la communauté médicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers,
différer des normes définies par les procédures d’AMM. De plus, les protocoles thérapeutiques pouvant évoluer dans
le temps, il est recommandé au lecteur de se référer en cas de besoin aux notices des médicaments, aux publications
les concernant et à l’Agence du médicament. L’auteur et l’éditeur ne sauraient être tenus pour responsables des
prescriptions de chaque médecin.

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute repro-
duction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent
ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une
part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective
et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle
elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).

+ Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit,
tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copil-
lage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notammentdans les établissements d’enseignement,
provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les
auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui mena-
cée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel,
sont passibles de poursuites. Les demandes d’autorisation de photocopier doivent être adressées
à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins,
75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Liste des collaborateurs

Élodie Andrieux-Chastonay, cheffe de clinique, service Bruno Marchand, médecin-chef, service de radiologie, hôpi-
d’anesthésiologie, centre hospitalier Universitaire Vaudois tal de Morges, Suisse
(CHUV), Lausanne, Suisse
Nicolas Mariotti, médecin-chef adjoint, centre de traitement
Chantal Berna, cheffe de clinique, centre d’antalgie, service de la douleur, service d’anesthésiologie et de réanimation,
d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois HFR-Fribourg hôpital cantonal, Fribourg, Suisse
(CHUV), Lausanne, Suisse
Benoît Marlier, neurochirurgien, service de neurochirurgie,
Sébastien Bloc, médecin anesthésiste-réanimateur, hôpital centre hospitalier universitaire Maison-Blanche, Reims, France
privé Claude Galien, Quincy-sous-Sénart, France
Jean-Pierre Mustaki, médecin-chef, centre lémanique
Vincent Bourquin, médecin consultant, médecine interne et d’antalgie et de neuromodulation, département d’anesthésio-
néphrologie, hôpital de la Tour, Genève, Suisse logie, Hôpital de Morges, Suisse
Michèle Bovy, médecin-cheffe, centre lémanique d’antalgie et Charles Peltier, neurochirurgien, Unité du rachis et de
de neuromodulation, département d’anesthésiologie, hôpital neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milé-
de Morges, Suisse trie, Poitiers, France
Éric Buchser, médecin-chef, Centre lémanique d’antalgie et Philippe Rigoard, professeur de neurochirurgie, unité du
de neuromodulation, département d’anesthésiologie, hôpital rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire
de Morges, Suisse. de la Milétrie, Poitiers, France
Matthieu Cachemaille, chef de clinique, centre d’antalgie, Alexandra Simard, anesthésiste, clinical and research fellow
service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vau- neuromodulation, centre hospitalier universitaire de Québec –
dois (CHUV), Lausanne, Suisse université de Laval, Québec, Canada.
Laurence Clivaz Mariotti, médecin-adjointe, centre cantonal Marc Suter, médecin associé, centre d’antalgie, service
d’addictologie, Réseau fribourgeois de santé mentale (RFSM), d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois
Fribourg, Suisse (CHUV), Lausanne, Suisse
Martine Jacot-Guillarmod, médecin-associée, département Tanguy Vendeuvre, chef de clinique en orthopédie, Unité du
femme-mère-enfant, centre hospitalier universitaire vaudois rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire
(CHUV), Lausanne, Suisse de la Milétrie, Poitiers, France
Carlos Madrid, médecin-associé, division de chirurgie orale Dragana Viceic, cheffe de clinique, service de neurologie,
et maxillo-faciale, centre hospitalier universitaire vaudois centre hospitalier du valais romand, hôpital de Sion, Suisse
(CHUV), Lausanne, Suisse

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Abréviations

ACR American College of Rheumatology NNT Number Needed to Treat, nombre


AL anesthésique local nécessaire de patients à traiter
ALIF Anterior Lumbar Interbody Fusion NPQ Neuropathic Pain Questionnaire
ASA American Society of Anesthesiologists NPS Neuropathic Pain Scale
AVR anesthésie intraveineuse ODI Oswestry Disability Index
BDI Beck Depression Inventory OMS Organisation mondiale de la Santé
BPI Brief Pain Inventory OWS Oswestry Low Back Pain and Disability
COX cyclo-oxygénase Score
CRPS Complex Regional Pain Syndrom PAG substance grise périaqueducale
DFG débit de filtration glomérulaire PLIF Posterior Lumbar Interbody Fusion
DRG Dorsal Root Ganglion PNP polyneuropathies
EMG électromyogramme POEMS Polyneuropathie Organomegalie
EQ-5D EuroQoL 5-dimensions Endocrinopathie Monoclonal proteine
HAD Hospital Anxiety and Depression scale Skin change
HD hernie discale QALY Quality Adjusted Life Year
HIZ High signal Intensity Zone QCD questionnaire concis sur les douleurs
IASP International Association for the Study QDSA questionnaire de Saint-Antoine
of Pain QST Quantitative sensory testing, évaluation
IMC infirmes moteurs cérébraux quantifiée de la sensibilité cutanée
IPPS International Pelvic Pain Society RC rétrécissement canalaire
IRC insuffisance rénale chronique RDQ Roland Disability Questionnaire
IRM imagerie par résonance magnétique rTMS stimulation magnétique
IRSN inhibiteurs de la recapture de la transcrânienne répétitive
sérotonine et de la noradrénaline RVM moelle rostroventrale
ISSVD International Society for the Study SDRC Complex Regional Pain Syndrome,
of Vulvovaginal Disease syndrome douloureux régional
ISSWSH International Society for the Study complexe
of Women’s Sexual Health SS Severity Scale
KDIGO Kidney Disease/Improving Global SSRI inhibiteurs purs de la recapture
Outcomes de la sérotonine
LANSS Leeds Assessment of Neuropathic StEP Standardized Evaluation of Pain
Symptoms and Signs tDCS transcranial Direct Curent
LCR liquide céphalorachidien Stimulation, stimulation
MBL Mannose-Binding Lectin transcrânienne à courant direct
MELD Model for End-Stage Liver Disease TENS transcutaneous electrical nerve
MOS SF-36 Medical Outcome Study Short stimulation
Form-36 TLIF Transverse Lumbar Interbody Fusion
MPI Multidimensional Pain Inventory WPI Widespread Pain Index
MPQ McGill Pain Questionnaire XLIF eXtreme Lateral Interbody Fusion

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 1
L’épidémiologie
de la douleur chronique
Marc Suter, Christophe Perruchoud

Définition permanente ou récurrente, est appelée chronique


quand elle dure plus de 6 mois » [3].
L’International Association for the Study of Pain Le traitement de la douleur est reconnu comme
(IASP) définit la douleur comme une « expé- un droit fondamental [4]. La douleur est considé-
rience sensorielle et émotionnelle désagréable, rée comme une maladie à part entière [5] et une
liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, classification est prévue pour l’ICD-11 [6]. Son
ou décrite en des termes évoquant une telle importance comme unité propre est aussi mise en
lésion » [1]. Cette définition implique que tout avant par les études épidémiologiques. Elle dimi-
épisode douloureux est lié à une sensation de nue la qualité de vie et lorsqu’elle est sévère et
lésion tissulaire, que cette lésion existe ou non. constitue même un facteur de risque indépendant
La distinction entre douleur « réelle » et douleur de mortalité [7].
« imaginaire » ne fait donc pas de sens.
Pour l’American Society of Anesthesiologists
(ASA), une douleur chronique est une « dou- Incidence, prévalence
leur persistante ou épisodique, d’une durée ou et présentation clinique
d’une intensité qui affecte de façon péjorative
le comportement ou le bien-être du patient, L’épidémiologie étudie la distribution, la cause
attribuable à toute cause non maligne » [2]. Cette et les déterminants d’événements en relation
seconde définition introduit de nouvelles notions, à la santé dans des populations ainsi que leurs
à savoir l’inutilité de la douleur chronique comme applications dans la prise en charge des pro-
signal d’alerte protecteur, et son caractère délétère blèmes de santé. Dans le cadre de la douleur
en termes de retentissement psychologique. Par chronique, il est important de connaître la pré-
opposition, la douleur aiguë est un mécanisme valence et les facteurs de risques pour améliorer
de défense permettant de signaler un danger et notre approche globale en diminuant la sévérité
nécessaire à notre survie. En pratique clinique, on de l’atteinte ainsi qu’en minimisant l’incapacité
différencie souvent la douleur chronique d’ori- fonctionnelle [8]. La prévalence est définie
gine cancéreuse de la douleur chronique non par le pourcentage de personnes souffrant de
cancéreuse. La notion de chronicité diffère selon douleur chronique dans la position générale (à
les auteurs, mais correspond généralement à une un instant donné, sur une période précise ou
évolution supérieure à 3 ou 6 mois. Selon l’OMS, durant la vie entière). La prévalence permet de
« une douleur qui dure longtemps, ou qui est déterminer les ressources cliniques, financières,

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
4 BIBLIOTHEQUE
Principes générauxDE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

éducationnelles nécessaires aux praticiens de avaient encore une activité. Moins de 2 % des
premier recours. patients souffrant de douleurs chroniques ont
L’incidence est définie comme le nombre de consulté une clinique spécialisée, les autres étant
nouveaux cas sur une période donnée (géné- suivis par les médecins de premier recours, voire
ralement une année) rapportée à la population pas suivis du tout.
générale. L’incidence de la douleur chronique est La plupart des études de prévalence sont trans-
difficile à préciser, les patients ne se rappelant sou- versales. Landmark et al. [12] ont effectué un
vent pas du début des symptômes et ne consultant suivi longitudinal sur une année avec un ques-
souvent que lorsque la douleur est déjà présente tionnaire tous les 3 mois, qui a permis de valider
depuis un certain temps [9]. la reproductibilité des données sur la durée.
La douleur est tellement fréquente si l’on Environ 75 % des sujets ont répondu au premier
considère tous les épisodes (seul 1 patient sur questionnaire et la moitié aux quatre. La préva-
5 rapporte ne pas avoir eu de douleur durant lence de douleur moyenne à sévère est de 31 %.
le mois précédent [10]) qu’il est plus utile
de se concentrer sur la douleur chronique et Influence du genre
invalidante. sur la douleur
L’étude téléphonique réalisée en 2006 par
Breivik [11], dans 15 pays européens et Israël, a La prévalence de la douleur chronique est plus
conclu à une prévalence de la douleur chronique élevée chez les femmes que chez les hommes. Les
de 19 %, définie par une douleur présente depuis femmes ont un seuil de sensibilité à la douleur
plus de 6 mois, avec au moins deux épisodes par inférieur aux hommes [13].
semaine, présente le mois précédent, d’intensité Pourtant, malgré ces facteurs de risques aug-
supérieure ou égale à 5 sur une échelle de mentés, les femmes sont régulièrement exclues
numérique de 1 à 10 lors du dernier épisode. Les des études cliniques, et par conséquent, les résul-
localisations les plus fréquentes étaient la région tats rarement exprimés en fonction du sexe. On
lombaire (18 %), suivie du genou (14 %), de la retrouve les mêmes biais de sélection dans les
jambe (14 %), de la tête (15 %), de l’épaule (9 %), études précliniques [14].
de la colonne cervicale et de la hanche (8 %), de Cette discrépance entre hommes et femmes
la main (6 %), de la colonne dorsale (5 %). La est influencée par le fait que certaines sociétés
durée des douleurs était de 2 à 15 ans chez 60 % concèdent aux femmes qui souffrent le droit de
des participants. La cause de douleurs selon la s’exprimer plus bruyamment que les hommes.
réponse donnée par les participants, aidés par Sont mises en cause les hormones : d’un côté,
une liste de propositions, était l’arthrose (34 %), l’effet antinociceptif et protecteur de la testos-
un problème discal (15 %), un traumatisme térone, de l’autre la versatilité des œstrogènes et
(12 %), une polyarthrite (8 %), des céphalées/ de la progestérone. Des études précliniques ont
migraines (7 %), une fracture/détérioration de récemment démenti l’implication de la microglie
la colonne (6 %), un dommage d’un nerf (4 %) (monocyte-macrophages du système nerveux cen-
ou d’un cartilage (4 %), un « coup du lapin » tral) chez les animaux femelles. Ce mécanisme
(4 %) ou une chirurgie (3 %). Douze pour d’interaction neuro-immune établi depuis plus de
cent des répondants ignoraient la cause de leur 10 ans peut être induit chez les animaux femelles
douleur. L’impact sur les activités quotidiennes traités par de la testostérone [15].
était marqué, avec 56 % des sondés qui men- Femmes et hommes affrontent la douleur de
tionnaient que leur sommeil était affecté et 9 % manière différente. Les hommes auraient ten-
qui ne dormaient plus. Un quart prétendait que dance à utiliser des techniques de distraction
les douleurs avaient impacté leur statut profes- alors que les femmes recourent de préférence au
sionnel. Un absentéisme moyen de 7,8 jours sur support social ou à des techniques d’entraînement
les 6 derniers mois était rapporté par ceux qui attentionnel.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHEChapitre
BIBLIOGRAPHIQUE
1. L’épidémiologieSCIENCE MEDICALE
de la douleur chronique 5

Finalement, l’interaction des sexes entre soi- Coûts de la douleur


gnant et patient participe à la discrépance, les chronique
médecins ayant tendance à prescrire plus facile-
ment un opiacé à un patient du même sexe [16].
Plusieurs études ont estimé le coût total impu-
table à la douleur chronique. Les frais sont dus
Facteurs de risque aux coûts directs de traitement (consultations,
de la douleur chronique médicaments, hospitalisations) et aux coûts indi-
rects liés aux absences professionnelles et à la
Connaître les facteurs de risques de la douleur diminution de productivité.
chronique est important ; cela permettrait d’amé- L’une des plus récentes [20], réalisée aux États-
liorer la prise en charge en agissant sur ces der- Unis et se basant sur le Medical Expenditure Panel
niers s’ils sont modifiables et de cibler certaines Survey (MEPS), a calculé des coûts annuels de
mesures préventives sur les autres. 560 à 635 milliards de dollars US pour 2010.
Les sujets de sexe féminin présentent des seuils Cette somme dépasse les coûts annuels estimés
de douleur et de tolérance inférieurs, une pré- d’autres maladies chroniques (maladies cardiovas-
valence de douleurs chroniques plus élevée et culaires : 309 milliards, cancer : 243 milliards,
surtout une prévalence de syndrome de douleurs diabète : 188 milliards). Ces coûts se répartissent
chroniques augmentée. Les sujets âgés présentent entre frais médicaux additionnels suite à la douleur
aussi un risque augmenté, ce qui est préoccupant de 261 à 300 milliards (frais directs) et perte de
avec le vieillissement de la population. Cette productivité de 299 à 335 milliards (frais indirects).
catégorie de patient présente aussi plus souvent Ces coûts massifs sont probablement sous-estimés,
des comorbidités ainsi qu’une polymédication, puisqu’ils ne prennent pas en compte par exemple
qui va influencer les éventuels traitements que les coûts d’absences des tiers prenant en charge les
l’on pourra proposer. Un statut socioéconomique malades sur leur temps de travail, les personnes ins-
inférieur est un autre facteur de risque sociodémo- titutionnalisées, les personnes dont l’âge est inférieur
graphique [13]. à 18 ans, et d’autres frais tels que transports ou frais
La douleur elle-même est probablement le juridique [21]. Le coût en termes de qualité de vie
facteur de risque le plus grand pour le dévelop- perdue est aussi à considérer. Une perte de produc-
pement d’une douleur chronique, qu’elle soit tivité suite à des plaintes douloureuses a été observée
aiguë ou chronique sur un autre site [17]. Le chez 13 % des personnes actives durant une période
passage à la chronicité est augmenté en fonction de 2 semaines. La céphalée en était la première
de l’intensité de la douleur aiguë. Une prise en cause, suivie des douleurs de dos. L’équivalent
charge rapide est ainsi à privilégier aussi pour financier estimé de la perte de productivité était de
éventuellement baisser ce risque. La transition 61 milliards de dollars US/année, dont la majorité
vers le long terme est aussi influencée par les causée aussi bien par la diminution de performance
croyances et les attitudes par rapport à la douleur pendant le travail que par l’absentéisme [22].
[18]. Certaines caractéristiques psychologiques Les douleurs dorsales et/ou lombaires sont les
comme l’anxiété, la dépression ou le catastro- plus fréquentes et le but du traitement, comme
phisme sont associées à la douleur chronique. dans la douleur chronique en général, n’est pas de
La relation temporelle avec la douleur n’est les éliminer, mais de les rendre compatibles avec une
pas toujours claire, et l’influence mutuelle est qualité de vie correcte. L’impact économique d’une
probablement bidirectionnelle. amélioration des exacerbations de douleurs dorsales
Le sommeil présente le même type d’interaction est déjà important, mettant en avant l’utilité de
avec une influence réciproque sur la douleur [19]. stabiliser une maladie douloureuse chronique aussi
Ces facteurs contributifs ou associés doivent être du point de vue financier. Les travailleurs avec des
pris en compte dans le traitement de la douleur exacerbations douloureuses représentent 71 % des
chronique. 7,4 milliards imputés à la perte de productivité des

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


6 BIBLIOTHEQUE
Principes générauxDE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

douleurs dorsales [22]. Concernant des pathologies 12. Landmark T, Romundstad P, Dale O, Borchgre-
comme le diabète, le coût déjà élevé de la patholo- vink PC, Kaasa S. Estimating the prevalence of
chronic pain: validation of recall against longi-
gie de base est augmenté lorsque se surajoutent les
tudinal reporting (the HUNT pain study). Pain.
troubles neurologiques sous forme de fourmille- 2012;153(7):1368–73. Epub 2012/05/12.
ments et d’insensibilité [23]. 13. Bartley EJ, Fillingim RB. Sex differences in pain: a
brief review of clinical and experimental findings.
Références British journal of anaesthesia 2013;111(1):52–8.
1. Merskey H, Bogduk N. Classification of chronic Epub 2013/06/26.
pain. Descriptions of chronic pain syndromes and 14. Beery AK, Zucker I. Sex bias in neuroscience
definitions of pain terms. Prepared by the Task Force and biomedical research. Neuroscience and bio-
on Taxonomy of the International Association for the behavioral reviews 2011;35(3):565–72. Epub
Study of Pain, 2nd ed. Seattle (VA): IASP Press, 1994. 2010/07/14.
2. American Society of Anesthesiologists. Practice gui- 15. Sorge RE, Mapplebeck JC, Rosen S, Beggs S,
delines for chronic pain management. A report by Taves S, Alexander JK, et al. Different immune cells
the American Society of Anesthesiologists Task Force mediate mechanical pain hypersensitivity in male and
on Pain Management. Chronic Pain Section. Anes- female mice. Nature neuroscience 2015;18(8):1081–
thesiology 1997;86:995–1004. 3. Epub 2015/06/30.
3. World Health Organization. A new understanding 16. Weisse CS, Sorum PC, Sanders KN, Syat BL.
chronic pain. In : Kaplun A, ed. Health promotion Do gender and race affect decisions about pain
and chronic illness. Discovering a new quality of management? Journal of general internal medicine
health. Copenhagen: WHO Regional Publications; 2001;16(4):211–7. Epub 2001/04/25.
1992 : 141-226. 17. van Hecke O, Torrance N, Smith BH. Chronic
4. Brennan F, Carr DB, Cousins M. Pain manage- pain epidemiology - where do lifestyle factors fit
ment: a fundamental human right. AnesthAnalg in ? British journal of pain 2013;7(4):209–17. Epub
2007;105(1):205–21. 2013/11/01.
5. Tracey I, Bushnell MC. How neuroimaging studies 18. Darlow B, Fullen BM, Dean S, Hurley DA, Baxter
have challenged us to rethink: is chronic pain a GD, Dowell A. The association between health care
disease ? J. Pain 2009;10(11):1113–20. professional attitudes and beliefs and the attitudes
6. Treede RD, Rief W, Barke A, Aziz Q, Bennett and beliefs, clinical management, and outcomes of
MI, Benoliel R, et al. A classification of chronic patients with low back pain: a systematic review. Eur
pain for ICD-11. Pain 2015;156(6):1003–7. Epub J Pain 2012 Jan;16(1):3–17.
2015/04/07. 19. McBeth J, Wilkie R, Bedson J, Chew-Graham C,
7. Torrance N, Elliott AM, Lee AJ, Smith BH. Severe Lacey RJ. Sleep disturbance and chronic widespread
chronic pain is associated with increased 10 year pain. Current rheumatology reports 2015;17(1):469.
mortality. A cohort record linkage study. European Epub 2015/01/22.
journal of pain (London, England) 2010;14(4):380– 20. Gaskin DJ, Richard P. The economic costs of pain in
6. Epub 2009/09/04. the United States. The journal of pain: official journal
8. Van Hecke O, Torrance N, Smith BH. Chronic of the American Pain Society 2012;13(8):715–24.
pain epidemiology and its clinical relevance. British Epub 2012/05/23.
journal of anaesthesia 2013;111(1):13–8. Epub 21. Stewart WF, Ricci JA, Chee E, Morganstein D,
2013/06/26. Lipton R. Lost productive time and cost due to
9. Macfarlane GJM, J, Jones GT. Epidemiology of common pain conditions in the US workforce. JAMA
Pain. In : McMahon S, Koltzenburg M, Tracey I, 2003;290(18):2443–54. Epub 2003/11/13.
Turk DC, ed. Wall and Melzack’s Textbook of Pain: 22. Ricci JA, Stewart WF, Chee E, Leotta C, Foley K,
Churchill Livingstone; 2013 : 232-247. Hochberg MC. Back pain exacerbations and lost
10. Jones EA, McBeth J, Nicholl B, Morriss RK, Dickens productive time costs in United States workers.
C, Jones GT, et al. What characterizes persons Spine (Phila Pa 1976) 2006;31(26):3052–60. Epub
who do not report musculoskeletal pain? Results 2006/12/19.
from a 4-year Population-based longitudinal study 23. Stewart WF, Ricci JA, Chee E, Hirsch AG, Bran-
(the Epifund study). The Journal of rheumatology denburg NA. Lost productive time and costs due
2009;36(5):1071–7. Epub 2009/04/17. to diabetes and diabetic neuropathic pain in the US
11. Breivik H, Collett B, Ventafridda V, Cohen R, Galla- workforce. Journal of occupational and environmen-
cher D. Survey of chronic pain in Europe: Prevalence, tal medicine/American College of Occupational and
impact on daily life, and treatment. Eur J Pain Environmental Medicine 2007;49(6):672–9. Epub
2006;10(4):287–333. 2007/06/15.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 2
Physiopathologie
et mécanismes de la douleur
Marc Suter, Christophe Perruchoud

L’étude de la physiopathologie et des mécanismes [2,3]. Le corps cellulaire de ce neurone est situé
de la douleur chronique passe par l’évocation des dans les ganglions spinaux ou dans le ganglion
différents types de douleurs et la physiologie de trigéminal. Son axone se projette d’un côté vers
la nociception. le tissu-cible en périphérie (terminaison libre) et
de l’autre vers la moelle épinière (terminaison
centrale). Il est de type C, non myélinisé, ou de
Voies de la douleur type A delta, finement myélinisé (tableau 2.1). Il
est composé des quatre éléments suivants :
On peut schématiser la transmission d’un stimulus • La terminaison périphérique (récepteur
nociceptif de la périphérie au système nerveux nociceptif) qui traduit le signal potentiellement
central par l’activation successive de trois neurones : nocif en potentiels d’action électriques.
• Le neurone nocicepteur transmet l’information • La fibre nerveuse qui conduit ces potentiels le
du site de stimulation (peau, muscle, articula- long de l’axone.
tion) jusqu’à la moelle épinière. • Le corps cellulaire qui maintient l’identité et
• Le deuxième transfère cette information au l’intégrité de la cellule.
thalamus par le tractus spinothalamique. • La terminaison centrale qui est l’élément pré­
• Le dernier relais transmet l’information du thala- synaptique du premier relais.
mus au cortex somatosensoriel primaire [1]. Les récepteurs nociceptifs sont spécifiques aux
différentes modalités que sont la chaleur (TRV1
ou TRPV2), le froid (TRPA1 ou TRPM8), les
Le neurone nociceptif stimulations mécaniques ou chimiques (ASIC
pour les stimuli acides, récepteurs purinergiques
Un neurone nociceptif est une cellule nerveuse P2X ou P2Y pour les dérivés de nucléotides).
spécialisée dans la détection des stimuli nociceptifs La stimulation de ces récepteurs entraîne la

Tableau 2.1. Les différentes fibres nerveuses.


Fibre Information véhiculée Gaine de myéline Diamètre (micromètre) Vitesse de conduction (m/s)
A-alpha Proprioception Myélinisée 13-20 80-120
A-bêta Toucher Myélinisée 6-12 35-90
A-delta Douleur (mécanique et Myélinisée 1-5 5-40
thermique)
C Douleur (mécanique, Non myélinisée 0,2-1,5 0,5-2
thermique et chimique)

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
8 BIBLIOTHEQUE
Principes générauxDE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

dépolarisation de la terminaison libre, qui se Le faisceau spinothalamique


traduit par un potentiel d’action, généré au niveau
des canaux sodiques sensibles au voltage (NaV). Le faisceau spinothalamique (figure 2.2) prend
L’arrivée des potentiels d’action au premier relais naissance au niveau de la corne dorsale de la moelle
synaptique entraîne la libération de glutamate. épinière, croise la ligne médiane au même niveau
La transmission du signal électrique implique et emprunte le tractus ventrolatéral jusqu’au tha-
la présence de canaux ioniques au sodium et au lamus. Ce faisceau est constitué de neurones
potassium voltage-dépendants. Il existe neuf types exclusivement nociceptifs, dans les couches super-
de canaux sodiques et plus de 40 types de canaux ficielles, et de neurones mixtes qui circulent dans
potassiques. Les canaux sodiques sont exprimés les couches plus profondes et répondent aussi à
de manière sélective en fonction des fibres. Les des afférences A bêta non nociceptives [5].
canaux NaV1,7, NaV1,8 et NaV1,9 sont ainsi expri-
més préférentiellement sur les fibres nociceptives. L’organisation supraspinale
Les mutations du gène SCN9A codant pour le
(figure 2.3)
canal NaV1,7 empêchent le canal de fonction-
ner normalement. Les porteurs de ces mutations Les projections supraspinales peuvent être globa-
peuvent être totalement insensibles à la douleur lement classées en deux types :
(les modalités sensitives sont parfaitement conser- • La voie spinothalamique latérale (faisceau néos-
vées), ou au contraire ressentir des douleurs d’une pinothalamique) rejoint la voie lemniscale
extrême intensité. Ce canal constitue une cible médiale (mais en reste bien distincte) et se
intéressante dans la recherche et le développement projette de manière somatotopique sur le noyau
de nouveaux médicaments antalgiques [4]. ventro-postéro-latéral du thalamus (VPL). Ces
Dans la moelle épinière, les nocicepteurs se noyaux constituent un relais pour toutes les voies
projettent dans les couches superficielles I et II sensitives ayant des projections corticales. Le
de Rexed de la corne dorsale (figure 2.1). Les thalamus contient ainsi le corps du 3e neurone
fibres myélinisées, plus épaisses, pénètrent dans les de la voie nociceptive et représente le lieu du
couches plus profondes. deuxième relais des voies de projection. La voie

Figure 2.1. Couches de la moelle épinière selon Rexed.


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE de
2. Physiopathologie et mécanismes MEDICALE
la douleur 9

Figure 2.2. Faisceau spinothalamique.

spinothalamique latérale se termine au niveau cérébral avec les noyaux végétatifs de la substance
des cortex somatosensoriels primaire et secon- réticulée et des nerfs crâniens (III, VII, IX, X)
daire. Elle code de manière spécifique l’intensité, sont responsables des modifications végétatives
la spatialité, et la modalité du stimulus. de l’activité cardiovasculaire (tachycardie, hyper-
• La voie spinothalamique médiale (faisceau paléo- tension), respiratoires (tachypnée) et mydriase.
spino-réticulo-thalamique) se termine au niveau Le concept de « pain matrix » intègre toutes
du cortex limbique, qui comprend le cortex cin- les zones concernées par le phénomène de la dou-
gulaire antérieur et l’insula rostrale. Ces structures leur au niveau cérébral. Les éléments de ce réseau
sont responsables de la composante émotionnelle traitent de manière spécifique mais non exclusive
de la douleur. La projection d’informations noci- les divers aspects de la douleur, comme l’antici-
ceptives sur l’hypothalamus est à l’origine de pation, la discrimination, la perception affective.
réponses neuroendocrines à la douleur (augmen- Appartiennent à cet immense réseau : les cortex
tation de la sécrétion des hormones médullosurré- somatosensoriels primaire et secondaire, les cor-
naliennes). De plus, les réflexes au niveau du tronc tex cingulaires antérieur et postérieur, le cortex
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
10 BIBLIOTHEQUE
Principes générauxDE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 2.3. Organisation supraspinale du faisceau spinothalamique.

préfrontal, le cortex pariétal postérieur, l’insula, utilité en phase aiguë, permettant la mise au
le thalamus, l’hypothalamus, l’amygdale, la subs- repos pendant la réparation du dommage ;
tance grise périaqueducale, les noyaux parabra- • neuropathique : associée à une lésion ou une
chiaux et les ganglions de la base [6]. atteinte du système nerveux somatosensoriel,
(par exemple : radiculopathie ou névralgie pos-
therpétique) ;
Classification et type • dysfonctionnelle : douleur chronique dont
de douleurs l’origine n’est a priori ni une inflammation, ni
une lésion nerveuse évidente. La cause serait
Les douleurs sont généralement classées en quatre un traitement inadéquat de l’information par
groupes [7] : les centres modulateurs de la douleur, d’origine
• nociceptive : douleur transitoire résultant de centrale, résultant en un équilibre perturbé
lésions tissulaires et de l’activation des nocicep- entre excitation et inhibition et un seuil de
teurs (par exemple : fracture ou entorse). Elle est perception douloureuse abaissé (par exemple :
aiguë et implique un système nerveux afférent fibromyalgie, côlon irritable ou céphalées ten-
normal, spécialisé dans le signalement du danger ; sionnelles).
• inflammatoire : autrefois appelée douleur par
excès de nociception, elle résulte d’une hypersen-
sibilité secondaire à une lésion tissulaire ou à une Modulation du signal
inflammation. Elle peut être aiguë (par exemple : douloureux
douleur postopératoire ou coup de soleil) ou
chronique dans le cadre d’une atteinte rhuma- Différents filtres limitent l’afflux d’informations
tologique de type arthrosique. Elle présente une émanant du système nociceptif vers le cerveau.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE de
2. Physiopathologie et mécanismes MEDICALE
la douleur 11

Figure 2.4. La théorie du portillon.

La théorie du portillon
(gate control theory)
La théorie du portillon (figure 2.4) décrit le
blocage de l’influx nociceptif par un stimulus
non nociceptif entre le neurone périphérique et le
neurone central au niveau de la moelle épinière.
Cette réaction semble résulter de l’inhibition du
neurone central par des interneurones inhibiteurs
de la corne dorsale. Cette théorie, décrite par
Wall et Melzack en 1965, a permis de combler
partiellement les lacunes des théories de l’inten-
sité (les influx nociceptifs suivent les mêmes
voies que les influx non douloureux, mais ont
une intensité plus forte), et de la spécificité (la
transmission des modalités douloureuses et non
douloureuses se fait par des voies entièrement
séparées) [8].

L’inhibition descendante
Les voies descendantes inhibitrices prennent leurs
origines dans la substance grise périaqueducale
(PAG), la moelle rostroventrale (RVM), le locus
coeruleus, le gyrus cingulaire antérieur, l’amygdale
et l’hypothalamus (figure 2.5). Une série de neu-
rotransmetteurs sont impliqués : la sérotonine, la
noradrénaline, la dopamine et les opiacés endo-
gènes [1]. Le contrôle descendant est subdivisé
en deux systèmes : Figure 2.5. Voies descendantes.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


12 BIBLIOTHEQUE
Principes générauxDE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

• le système PAG-RVM, médian, agit préféren- central. La distinction entre douleur inflamma-
tiellement sur les influx nociceptifs transmis par toire et douleur neuropathique n’est pas tou-
les fibres C ; jours aisée. Dans les deux cas, les mécanismes
• le système latéral implique le noyau réticulaire qui sous-tendent la chronicisation se super-
dorsal et la moelle ventrolatérale [9]. posent souvent. Le concept de « neuro-inflam-
Le contrôle descendant n’est pas purement mation » implique une communication entre
inhibiteur. Au niveau de la RVM, il est composé le système nerveux et le système immunitaire/
de cellules on/off recrutées par les centres supé- inflammatoire.
rieurs impliqués dans la peur, la maladie ou
le stress. Ces cellules maintiennent un seuil de
stimulation dépendant des conditions du moment La sensibilisation périphérique
et contribuent aux états douloureux chroniques
pathologiques. Elles semblent jouer un rôle Après une lésion tissulaire périphérique, les cel-
aussi dans l’effet placebo, ou dans les réponses lules lésées et les cellules inflammatoires attirées
à diverses techniques utilisées dans le traitement sur le site de la lésion libèrent de nombreux
des douleurs chroniques, comme l’hypnose [10]. médiateurs, la « soupe inflammatoire » (pros-
taglandines PGE1 et PGE2, ATP/ADP, séroto-
nine, bradykinine, nerve growth factor, ions H+).
Conséquences cliniques Ces médiateurs agissent sur des récepteurs spé-
cifiques situés sur les neurones nocicepteurs. La
La douleur nociceptive aiguë est un signal « soupe inflammatoire » induit, par exemple, une
d’alarme nécessaire à notre survie. Les patients modification des récepteurs TRPV1 et TRPA1, à
atteints d’insensibilité congénitale ont une espé- l’origine de l’abaissement du seuil de sensibilité
rance de vie réduite en raison de l’accumulation au chaud et au froid. Les influx se dirigent vers
de traumatismes les plus divers au cours de leur la terminaison centrale, mais reviennent aussi
existence. vers la périphérie (réflexe axonal antidromique).
Les phénomènes de sensibilisation et de modu- Cela libère des neuromédiateurs, la substance P
lation interviennent dans la présentation clinique et le peptide relié au gène calcitonine (CGRP),
et la prise en charge. L’allodynie et l’hyperalgésie présents dans les nocicepteurs, responsables de
peuvent être la conséquence d’une sensibilisation l’inflammation neurogène. Ces médiateurs agis-
périphérique ou centrale. Une bonne connais- sent au niveau de leurs récepteurs (neurokinin 1
sance de la pathophysiologie, des concepts de sen- et CGRP1) et activent le chimiotactisme des cel-
sibilisation et de la modulation de la douleur est lules inflammatoires (neutrophiles, macrophages
nécessaire à la compréhension, l’évaluation et au et lymphocytes), la dégranulation des mastocytes,
traitement de la douleur chronique. Peu d’études l’accélération du flux sanguin, la perméabilité de
précliniques basées sur la pathophysiologie ont l’endothélium vasculaire, et l’allumage des cellules
abouti à ce jour à des traitements efficaces. La dendritiques responsables de la différentiation de
dimension multifacettaire de la douleur nécessite lymphocytes T [11]. La lésion tissulaire induit des
une approche thérapeutique plus globale. changements d’expression génétique au niveau du
ganglion spinal qui, sur le long terme, modifient
la réponse des fibres afférentes (plasticité du noci-
cepteur). L’expression des canaux sodiques est
Sensibilisation centrale augmentée, celle des canaux potassiques est dimi-
et périphérique nuée. Les canaux sodiques proches des lésions
nerveuses participent à l’excitabilité périphérique.
Lorsque la stimulation nociceptive se prolonge, Une activité ectopique dans les nerfs lésés et non
des phénomènes de sensibilisation apparais- lésés adjacents contribue à la sensibilisation cen-
sent, tant au niveau périphérique qu’au niveau trale (figure 2.6).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE de
2. Physiopathologie et mécanismes MEDICALE
la douleur 13

Figure 2.6. Sensibilisation périphérique.

La sensibilisation centrale mécanismes de sensibilisation apparaît lors de la


mort neuronale (apoptose) des neurones inhi-
Après avoir cheminé dans la racine dorsale, les biteurs de la corne dorsale qui participent à la
terminaisons centrales font synapse avec les neu- perte de l’inhibition, facilitant ainsi la transmission
rones secondaires de la corne dorsale de la moelle du signal nociceptif. Le caractère irréversible de
épinière. Les synapses excitatrices sont principale- la mort neuronale est controversé : un groupe
ment glutamatergiques. L’action du glutamate sur de chercheurs a transplanté chez l’animal des
les récepteurs AMPA provoque l’entrée rapide de précurseurs de cellules inhibitrices gabaergiques
sodium dans le second neurone. Lors d’une activité cérébrales dans la moelle. Non seulement ces
soutenue, le récepteur NMDA, préalablement blo- cellules ont survécu, mais elles se sont connectées
qué par un ion Mg2+, est activé et déclenche l’entrée au réseau et ont atténué la douleur neuropathique
de calcium au niveau post-synaptique. Divers neuro- modélisée [12]. De manière moins définitive, les
transmetteurs et facteurs trophiques (substance P interneurones inhibiteurs gabaergiques ou glyci-
et CGRP) sont également libérés. Ces médiateurs nergiques peuvent être modulés, exercer un effet
possèdent la capacité de moduler la réponse par la inhibiteur moins marqué, voire développer un
phosphorylation de récepteurs post-synaptiques, qui effet excitateur en fonction des gradients ioniques
entraîne une réponse plus puissante et prolongée, et auxquels ils sont exposés. Le concept de désinhibi-
par l’augmentation du nombre de ces récepteurs. tion est une cible thérapeutique intéressante [13].
Vient ensuite l’expression de nouveaux gènes, Parallèlement à ces phénomènes neuronaux,
comme par exemple la Cox-2, permettant de on observe une activation des cellules non neu-
synthétiser des prostaglandines), qui agissent au ronales, en particulier des astrocytes et de la
niveau pré- et post-synaptique. Les premiers phé- microglie (équivalent de la lignée des monocytes/
nomènes apparaissent en quelques secondes et macrophages du système nerveux central). Une
durent quelques minutes. Les réactions suivantes lésion nerveuse, même périphérique, entraîne
peuvent n’apparaître qu’après plusieurs jours et d’abord des modifications morphologiques de
persister longtemps. L’irréversibilité de certains la microglie, de ses propriétés et de l’expression

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


14 BIBLIOTHEQUE
Principes générauxDE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

4. Waxman SG, Merkies IS, Gerrits mm, Dib-Hajj


SD, Lauria G, Cox JJ, et al. Sodium channel genes
in pain-related disorders: phenotype-genotype
associations and recommendations for clinical use.
Lancet neurology 2014;13(11):1152–60. Epub
2014/10/16.
5. Todd AJ. Neuronal circuitry for pain proces-
sing in the dorsal horn. Nat Rev Neurosci
2010;11(12):823–36.
6. Apkarian AV, Bushnell MC, Treede RD, Zubieta
JK. Human brain mechanisms of pain perception
and regulation in health and disease. Eur J Pain
2005;9(4):463–84.
Figure 2.7. Sensibilisation centrale. 7. Costigan M, Scholz J, Woolf CJ. Neuropathic Pain:
A Maladaptive Response of the Nervous System to
de ses gènes [14]. La microglie modifiée sécrète Damage. Annu Rev Neurosci 2009;32:1–32.
8. Moayedi M, Davis KD. Theories of pain : from spe-
ensuite des médiateurs inflammatoires (brain- cificity to gate control. Journal of neurophysiology
derived neurotrophic factor) qui exercent leur 2013;109(1):5–12. Epub 2012/10/05.
influence sur les neurones, par exemple en modi- 9. Kuner R. Central mechanisms of pathological pain.
fiant le gradient électrochimique du chlore dans Nat Med. 2010 Nov;16(11):1258–66.
les neurones de projection, rendant les neurones 10. Heinricher mm, Tavares I, Leith JL, Lumb
BM. Descending control of nociception: Spe-
inhibiteurs gabaergiques excitateurs [15].
cificity, recruitment and plasticity. Brain Res Rev
La sensibilisation centrale permet d’augmenter 2009;60(1):214–25.
le gain de la synapse. En clinique, elle se traduit 11. Chiu IM, von Hehn CA, Woolf CJ. Neurogenic
par les phénomènes d’allodynie et d’hyperalgésie inflammation and the peripheral nervous system in
périlésionnelle (figure 2.7) [16]. L’allodynie est host defense and immunopathology. Nat Neurosci
définie par une douleur provoquée par un sti- 2012;15(8):1063–7.
12. Braz JM, Sharif-Naeini R, Vogt D, Kriegstein A,
mulus mécanique ou thermique habituellement
Alvarez-Buylla A, Rubenstein JL, et al. Forebrain
indolore, comme l’effleurement de la peau par les GABAergic neuron precursors integrate into adult
vêtements. L’hyperalgésie se manifeste par une spinal cord and reduce injury-induced neuropathic
réponse accrue à un stimulus douloureux. pain. Neuron. 2012;74(4):663–75.
13. Zeilhofer HU, Benke D, Yevenes GE. Chronic pain
Références states: pharmacological strategies to restore dimi-
nished inhibitory spinal pain control. Annu Rev
1. Cohen SP, Mao J. Neuropathic pain: mechanisms and Pharmacol Toxicol 2012;52:111–33.
their clinical implications. BMJ 2014;348. f7656. 14. Suter MR, Wen YR, Decosterd I, Ji RR. Do glial cells
Epub 2014/02/07. control pain? Neuron Glia Biol 2007;3(3):255–68.
2. Woolf CJ, Ma Q. Nociceptors-noxious stimulus 15. Tsuda M, Beggs S, Salter MW, Inoue K. Microglia
detectors. Neuron 2007;55(3):353–64. and intractable chronic pain. Glia 2013;61(1):55–61.
3. Dubin AE, Patapoutian A. Nociceptors: the sensors of 16. Woolf CJ. Central sensitization: implications for the
the pain pathway. J Clin Invest 2010;120(11):3760– diagnosis and treatment of pain. Pain 2011;152(3
72. Epub 2010/11/03. Suppl):S2–15.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 3
L’évaluation de la douleur
chronique
Christophe Perruchoud

L’évaluation du patient douloureux chronique inclut – zones d’irradiations douloureuses ;


une anamnèse, un examen clinique et, d’éventuels – présentation (douleur continue, intermit-
examens paracliniques en fonction de la situation. tente, paroxystique) ;
Une cartographie détaillée des zones douloureuses – qualité de la douleur (brûlure, piqûre, serre-
et l’utilisation de questionnaires ciblés et validés per- ment, crampe, courbature, décharge élec-
mettent d’obtenir une évaluation initiale précise et trique, pesanteur, coup de couteau) ;
constituent des outils utiles pour le suivi du patient. – symptômes sensitifs négatifs (hypoesthésie
mécanique ou thermique, hypoalgésie, hypo-
Anamnèse pallesthésie) et positifs (paresthésie, dysesthé-
sie, allodynie, hyperalgésie) ;
Bien qu’orientée et structurée, l’anamnèse doit – intensité de la douleur, minimale et maxi-
offrir au patient la possibilité de s’exprimer libre- male, au repos et à l’effort ;
ment. L’examinateur s’informera des éléments – horaire des douleurs (aggravation nocturne,
suivants : dérouillage matinal) ;
• Ancienneté de la douleur (semaines, mois, – facteurs aggravants et apaisants ;
années, dates précises). – influences météorologiques ;
• Apparition de la douleur : – critères de gravité (fièvre, sudation, infection,
– circonstances exactes (maladie, traumatisme, traumatisme récent, perte de poids, inappé-
accident de travail, chirurgie, choc émotion- tence, antécédents oncologiques) ;
nel ou professionnel) ; – impact psychologique (anxiété et dépression) ;
– modalités d’apparition (progressive, brutale, – impact fonctionnel et professionnel ;
récidivante) ; – troubles du sommeil (normal, perturbé,
– description de la douleur initiale ; latence d’endormissement, réveils précoces
– signes et symptômes associés ; ou itératifs).
– investigations et diagnostics préliminaires ; • Comorbidités et antécédents médicochirurgi-
– modalités de prise en charge, traitements caux, expériences douloureuses antérieures.
préalables ou en cours (intolérances médica- • Contexte familial.
menteuses, effets secondaires) ; • Contexte socioprofessionnel.
– impact psychologique (anxiété, dépression, • Contexte médicolégal (plainte, situation assé-
troubles du sommeil), fonctionnel et profes- curologique, indemnités perçues ou attendues,
sionnel ; situation financière).
– évolution/mode évolutif de la douleur : per- • Contexte cognitivocomportemental (représen-
manent, récidivant, intermittent. tation de la maladie, croyance, attitude face à la
• Douleur actuelle : pathologie douloureuse, compliance thérapeu-
– cartographie des zones douloureuses ; tique, attente du patient).

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
18 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Figure 3.1. Échelle numérique papier, échelle visuelle analogique papier et réglette.

Intensité de la douleur l’intensité de sa douleur par un trait sur la ligne


(papier) ou en déplaçant le curseur le long de
De par sa nature entièrement subjective, la la réglette. La distance mesurée en millimètres
douleur est difficile à mesurer. Sa perception (0 à 100) entre l’extrémité « pas de douleur »
est largement influencée par des facteurs cog- et la marque du patient indique l’intensité de la
nitivocomportementaux propres à chaque indi- douleur. L’EVA est une échelle simple et rapide
vidu. L’intensité de la douleur peut être évaluée d’utilisation, nécessitant peu d’instruction au
de façon reproductible grâce à plusieurs types patient et pouvant être répétée plusieurs fois
d’échelles d’autoévaluation. par jour. Son emploi est toutefois limité chez
les enfants ou chez les patients âgés souffrant de
troubles cognitifs. Les scores d’EVA inférieurs à 3
Échelles d’autoévaluation correspondent à des douleurs légères, de 3 à 6 à
des douleurs modérées. Les scores supérieurs à 6
L’échelle visuelle analogique (EVA) existe sur indiquent des douleurs sévères à intolérables.
papier ou sous la forme d’une réglette munie Les échelles numériques (EN) se présentent
d’un curseur mobile (figure 3.1). Elle est repré- sous forme écrite ou orale. Dans leur forme orale,
sentée par une ligne horizontale ou verticale de le soignant demande au patient de chiffrer sa
100 mm de long, orientée de gauche à droite ou douleur entre 0 (« pas de douleur ») et 10 (« pire
de bas en haut, sur fond blanc. Les extrémités douleur imaginable »). L’EN écrite comprend
sont respectivement libellées « pas de douleur » 11 chiffres alignés verticalement ou horizontale-
et « pire douleur imaginable ». Le patient note ment, entre 0 (« pas de douleur ») et 10 (« pire

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE MEDICALE
de la douleur chronique 19

Figure 3.2. Échelle des visages.

douleur imaginable »). Le patient entoure ou • changement de l’état psychologique : irritabi-


désigne le chiffre correspondant à l’intensité de sa lité, confusion, pleurs.
douleur. Excellentes alternatives à l’EVA, les EN Quatre échelles d’hétéroévaluation sont vali-
permettent d’obtenir une mesure de la douleur dées en langue française : DOLOPLUS, ECPA-2,
au moment de la consultation, mais également de ALGOPLUS et PACSLAC.
manière rétrospective. L’échelle DOLOPLUS , constituée de 10 items,
Les échelles verbales simples (EVS) offrent gradués de 0 à 3, évalue trois aspects de la douleur :
un choix d’adjectifs définissant l’intensité de la ses effets somatiques (plaintes, position antalgique,
douleur : absente, faible, modérée, intense, extrême- protection de zones douloureuses, mimiques, som-
ment intense. Les EVS sont généralement réservées meil), psychomoteur (toilette-habillage, mouve-
aux personnes avec une faible capacité d’abstraction. ments) et psychosocial (communication, vie sociale,
L’échelle des visages présente des expressions troubles du comportement). Un état douloureux se
faciales illustrant des douleurs d’intensité crois- définit par un score supérieur ou égal à 5/30.
sante (figure 3.2). Elle constitue une alternative L’ECPA-2 (échelle comportementale pour
particulièrement appropriée chez les enfants. personne âgée ) se base sur la différence d’attitude
Les échelles unidimensionnelles d’autoévalua- du patient avant les soins (grimaces, positions
tion permettent d’évaluer la réponse à un traite- spontanées et mouvements) et pendant les soins
ment antalgique et facilitent le suivi du patient. (anticipation anxieuse, réaction pendant la mobi-
Elles n’apportent toutefois pas d’information sur lisation, plaintes). Elle contient huit items de
l’étiologie des douleurs et ne permettent pas quatre degrés d’intensité.
d’établir des comparaisons entre les patients. Le PACSLAC (pain assessment check-list for senior
with limited ability to communicate) comprend 60
items explorant quatre dimensions : expressions
Échelles d’hétéroévaluation faciales, activités et mouvements du corps, compor-
tement/personnalité/humeur, autres.
Les échelles d’hétéroévaluation, basées sur
L’échelle ALGOPLUS comporte cinq élé-
l’appréciation de la douleur par une tierce per-
ments : expression du visage, expression du
sonne, sont utilisées chez les patients atteints de
regard, plaintes, attitudes corporelles et compor-
troubles cognitifs ou incapables de communiquer.
tement général. Un score supérieur ou égal à 2/5
Elles font appel à six classes de comportements :
permet de diagnostiquer un état douloureux.
• expressions faciales : grimaces, froncements de
sourcils ;
• verbalisation et vocalisation : gémissements, Topographie des douleurs
appels, soupirs ;
• attitude corporelle : protection, changement Une image schématique du corps humain (de
d’attitude, rigidité, agitation ; face, de dos et de profil) facilite la description des
• comportement social : agressivité, isolement, zones douloureuses et des symptômes sensitifs
résistance aux soins ; (figure 3.3). Les informations fournies par le
• changement dans les activités : refus de s’ali- patient permettent d’orienter le bilan étiologique
menter, modification du sommeil ; et sont très utiles pour le suivi.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


20 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Figure 3.3. Cartographie des douleurs et des symptômes sensitifs.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE MEDICALE
de la douleur chronique 21

Questionnaires Un score supérieur à 12/24 signe la présence


d’une douleur neuropathique, avec une sensibilité
de 85 %, une spécificité de 80 % et une valeur
Évaluation de la douleur prédictive positive de 82 %.
neuropathique Le questionnaire Douleur neuropathique en
Plusieurs outils permettant de différencier une quatre questions (DN4), que remplit l’exami-
douleur neuropathique d’une douleur nociceptive nateur, comporte quatre questions totalisant 10
ont été validés ces dernières années [1]. Certains items (figure 3.4). Sept d’entre eux sont basés
se basent uniquement sur l’interrogatoire (Pain- sur l’anamnèse (sensation de brûlure, de froid
DETECT, Neuropathic Pain Questionnaire, ID douloureux, présence de décharges électriques,
Pain), alors que d’autres s’appuient sur l’anam- douleur associée à des fourmillements, picote-
nèse et l’examen clinique (Douleur neuropa- ments, engourdissements ou démangeaisons), et
thique en quatre questions, Leeds Assessment of trois sur l’examen clinique (hypoesthésie au tou-
Neuropathic Symptoms and Signs, Standardized cher, à la piqûre et allodynie mécanique) [6].
Evaluation of Pain). Caractériser le type de dou- Chaque symptôme ou signe compte un point. Un
leur a une importance sémiologique et thérapeu- score ≥ 4 est hautement suspect d’une douleur
tique, compte tenu du fait que les traitements neuropathique. Le DN4 a une valeur prédictive
sont spécifiques à chaque type de douleur. positive de 86 %, une sensibilité de 82,9 % et une
Le PainDETECT a été conçu pour déceler la spécificité de 89,9 %.
composante neuropathique d’une lombalgie chro- Le Standardized Evaluation of Pain (StEP)
nique. Ce test, validé auprès de 8 000 patients, a se compose de six questions et 10 tests cliniques.
une sensibilité et une spécificité proches de 80 % Il est destiné au patient souffrant de lombalgie
[2]. chronique [7]. Sa sensibilité et sa spécificité dans
Le Neuropathic Pain Questionnaire (NPQ) la détection de la douleur neuropathique sont
contient 12 items et permet de différencier les supérieures à 90 %.
composantes neuropathique et nociceptive avec À côté de l’intensité, du type et de la topo-
une sensibilité de 66,6 % et une spécificité de graphie des douleurs, les composantes physique,
74,4 % [3]. Le NPQ ne doit pas être confondu psychologique, sociale, comportementale et cog-
avec le Neuropathic Pain Scale (NPS), qui éva- nitive peuvent également être évaluées.
lue les différentes caractéristiques de la douleur
neuropathique, mais ne permet pas de faire la
Description verbale de la douleur
distinction entre douleurs nociceptive et neuropa-
thique [4]. Le McGill Pain Questionnaire (MPQ) est un
Le Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms questionnaire de 78 mots distribués en 25 sous-
and Signs (LANSS) comporte sept items relatifs classes d’adjectifs permettant de qualifier la dou-
à la composante sensorielle de la douleur [5]. leur. Le MPQ est un outil très pratique, traduit en
Les cinq premières questions s’intéressent à la plusieurs langues et largement utilisé en recherche
présence de sensations désagréables (piqûres, clinique. La version française, intitulée Ques-
picotements, fourmillements), à l’apparence de tionnaire de Saint-Antoine (QDSA), comporte
la peau (rougeur, marbrure), à l’hypersensibilité moins de mots que le MPQ (61 mots). Certains
au toucher, aux décharges électriques et à la sen- qualificatifs orientent le diagnostic, en particulier
sation de brûlure. Les deux dernières questions en cas de douleurs neuropathiques et renseignent
portent sur l’examen clinique à la recherche d’une le praticien sur le retentissement affectif de la
allodynie et d’une altération du toucher-piquer. douleur (figure 3.5).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


22 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Figure 3.4. Le questionnaire Douleur neuropathique en quatre questions (DN4).

Questionnaires choix pour l’évaluation de l’efficacité de la réédu-


multidimensionnels cation chez le douloureux chronique. Il permet
d’identifier différents groupes de patients : ceux
Le Brief Pain Inventory (BPI) explore les aspects qui réagissent de manière adaptée, les patients
principaux de la douleur : intensité, soulagement, dysfonctionnels et les patients présentant des dif-
incapacité fonctionnelle, retentissement social, ficultés interpersonnelles.
vie relationnelle et détresse psychologique. La
version française est connue sous le nom de
Questionnaire concis sur les douleurs — QCD Évaluation de la capacité
(figure 3.6). Le BPI est validé pour l’évaluation fonctionnelle
de la douleur cancéreuse et non cancéreuse.
Le Multidimensional Pain Inventory (MPI) Les effets de la douleur sur les capacités fonction-
intègre la plupart des composantes de la douleur, nelles sont évalués à l’aide d’échelles multidimen-
mais la traduction française n’est pas validée à sionnelles ou de questionnaires spécifiques. Parmi
ce jour. Le MPI est considéré comme l’outil de les questionnaires multidimensionnels, figurent

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE MEDICALE
de la douleur chronique 23

Figure 3.5. Le questionnaire de Saint-Antoine.

le Medical Outcome Study Short Form-36 (MOS Évaluation de la qualité de vie


SF-36), le MPI ou le BPI. Plusieurs question-
naires validés permettent d’évaluer spécifique- Dans les analyses coût-utilité, les effets d’un trai-
ment l’incapacité fonctionnelle. Les deux outils tement sont souvent décrits en QALY (Quality
les plus répandus sont l’Oswestry Disability Index Adjusted Life Year). Cet indicateur pondère le
(ODI) (tableau 3.1) et le Roland Disability temps passé dans un état de santé donné par un
Questionnaire (RDQ). coefficient rendant compte de la valeur accordée
L’ODI, utilisé en cas de douleur du rachis, à cet état. L’utilisation d’un tel indicateur suppose
comporte 10 items gradués de 0 à 5. Le score final de connaître, d’une part l’état de santé du patient,
(exprimé en pourcentage d’incapacité) représente d’autre part la valeur affectée à cet état par la
le total des scores obtenus pour chaque question, collectivité. Des index d’états de santé pondérés
divisé par (50 - 5 fois le nombre de questions res- par les préférences, ou index d’utilité, ont été
tées sans réponse) x 100. développés. L’un des plus utilisés, du fait de sa

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

24
Évaluation de la douleur et examens complémentaires
Figure 3.6. Le questionnaire concis sur les douleurs.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE MEDICALE
de la douleur chronique 25

Tableau 3.1. L’Oswestry Disability Index (ODI).


Douleur h Je ne ressens aucune douleur actuellement
(ne cocher h La douleur est très légère actuellement
qu’une case) h La douleur est modérée actuellement
h La douleur est assez intense actuellement
h La douleur est très intense actuellement
h La douleur est la pire que l’on puisse imaginer
Soins h Je peux effectuer normalement mes soins personnels sans douleur supplémentaire
personnels h Je peux effectuer normalement mes soins personnels, mais c’est très douloureux
(ne cocher h Effectuer mes soins personnels est douloureux et je dois prendre des précautions et faire attention
qu’une case) h Je peux effectuer mes soins personnels, mais j’ai besoin d’aide
h J’ai besoin d’aide chaque jour pour la plupart de mes soins personnels
h Je ne peux pas m’habiller, je me lave avec difficulté et je reste au lit
Soulèvement h Je peux soulever des objets lourds sans augmenter la douleur
d’objets h Je peux soulever des objets lourds mais la douleur augmente
(ne cocher h La douleur m’empêche de soulever des objets lourds qui se trouvent au sol, mais je peux les soulever s’ils sont à ma
qu’une case) portée (par ex., sur une table)
h La douleur m’empêche de soulever des objets lourds, mais je peux soulever des objets légers ou moyennement lourds
s’ils sont à ma portée
h Je ne peux soulever que des objets très légers
h Je ne peux rien soulever
Marche h La douleur ne m’empêche pas de marcher, quelle que soit la distance
(ne cocher h La douleur m’empêche de marcher au-delà de 1600 mètres
qu’une case) h La douleur m’empêche de marcher au-delà de 800 mètres
h La douleur m’empêche de marcher au-delà de 100 mètres
h Je ne peux marcher qu’avec une canne ou des béquilles
h Je reste au lit la plupart du temps et je dois me traîner jusqu’aux toilettes
Position h Je peux rester assis(e) sur un siège aussi longtemps que je le veux
assise h Je peux rester assis(e) sur mon siège favori aussi longtemps que je le veux
(ne cocher h La douleur m’empêche de rester assis(e) pendant plus d’une heure
qu’une case) h La douleur m’empêche de rester assis(e) pendant plus d’une demi-heure
h La douleur m’empêche de rester assis(e) pendant plus de 10 minutes
h La douleur m’empêche de rester assis(e)
Position h Je peux me tenir debout aussi longtemps que je le veux sans augmenter la douleur
debout h Je peux me tenir debout aussi longtemps que je le veux mais la douleur augmente
(ne cocher h La douleur m’empêche de me tenir debout pendant plus d’une heure
qu’une case) h La douleur m’empêche de me tenir debout pendant plus d’une demi-heure
h La douleur m’empêche de me tenir debout pendant plus de 10 minutes
h La douleur m’empêche de me tenir debout
Sommeil h Mon sommeil n’est jamais perturbé par la douleur
(ne cocher h Mon sommeil est parfois perturbé par la douleur
qu’une case) h La douleur fait que je dors moins de 6 heures
h La douleur fait que je dors moins de 4 heures
h La douleur fait que je dors moins de 2 heures
h La douleur m’empêche de dormir
Vie sexuelle h Ma vie sexuelle est normale et ne me cause pas plus de douleur
(ne cocher h Ma vie sexuelle est normale mais me cause plus de douleur
qu’une case) h Ma vie sexuelle est presque normale, mais très douloureuse
h Ma vie sexuelle est très limitée par la douleur
h Je n’ai quasiment plus de vie sexuelle à cause de la douleur
h La douleur m’empêche toute vie sexuelle
Vie sociale h Ma vie sociale est normale et ne me cause pas plus de douleur
(ne cocher h Ma vie sociale est normale mais me cause plus de douleur
qu’une case) h La douleur n’a pas d’effet important sur ma vie sociale, sauf de limiter mes activités physiques (par exemple, les sports, etc.)
h La douleur limite ma vie sociale et je ne sors pas aussi souvent
h La douleur limite sérieusement ma vie sociale et je reste chez moi
h Je n’ai pas de vie sociale à cause de la douleur 
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
26 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

 Voyages h Je peux voyager n’importe où sans me causer plus de douleur


(ne cocher h Je peux voyager n’importe où mais ça me cause plus de douleur
qu’une case) h La douleur est forte, mais je peux faire des déplacements de plus de deux heures
h La douleur me limite à des déplacements de moins d’une heure
h La douleur me limite à de courts déplacements essentiels de moins de 30 minutes
h La douleur m’empêche de voyager sauf pour des traitements
Score : %

simplicité, est l’EuroQoL 5-dimensions (EQ- psychologique est d’autant plus importante que
5D). Les cinq aspects explorés sont la mobilité, les douleurs chroniques peuvent être à l’origine
l’autonomie, les activités courantes, la douleur de troubles psychiatriques, l’inverse étant égale-
ou la gêne, la dépression ou l’anxiété. Pour le ment possible. L’aspect psychologique est sou-
calcul de l’index, le patient indique la gravité des vent inclus dans les questionnaires d’évaluation
problèmes rencontrés dans chacune des dimen- multidimensionnelle de la douleur chronique.
sions considérées. L’EQ-5D inclut l’EQ-5D Deux échelles simples, traduites en français,
VAS, constituée d’une échelle visuelle verticale permettent d’explorer spécifiquement la dimen-
de 20 cm, numérotée de 0 à 100, sur laquelle le sion dépressive (Beck Depression Inventory
patient note son état de santé actuel (figure 3.7). ou BDI), l’anxiété et la dépression (Hospital
Anxiety and Depression Scale ou HAD). Le
HAD contient 14 questions, graduées de 0 à 3,
Évaluation psychologique également réparties entre dépression et anxiété
(tableau 3.2). Un score compris entre 8 et 10
L’anxiété et la dépression sont deux paramètres doit faire évoquer un état dépressif ou anxieux,
fréquemment pris en compte. L’évaluation un total de 10/21 le confirme.

Figure 3.7. L’EuroQoL 5-dimensions (EQ-5D) et l’EQ-5D VAS.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE MEDICALE
de la douleur chronique 27

Tableau 3.2. L’échelle Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD).


Anxiété
1. Je me sens tendu ou énervé h Jamais
h De temps en temps
h Souvent
h La plupart du temps
2. J’ai une sensation de peur comme si h Pas du tout
quelque chose d’horrible allait m’arriver h Un peu mais cela ne m’inquiète pas
h Oui, mais ce n’est pas trop grave
h Oui, très nettement
3. Je me fais du souci h Très occasionnellement
h Occasionnellement
h Assez souvent
h Très souvent
4. Je peux rester tranquillement assis à h Oui, quoi qu’il arrive
ne rien faire et me sentir décontracté h Oui, en général
h Rarement
h Jamais
5. J’éprouve des sensations de peur et h Jamais
j’ai l’estomac noué h Parfois
h Assez souvent
h Souvent
6. J’ai la bougeotte et n’arrive pas à h Pas du tout
tenir en place h Pas tellement
h Un peu
h Oui, c’est tout à fait le cas
7. J’éprouve des sensations soudaines h Jamais
de panique h Pas très souvent
h Assez souvent
h Vraiment très souvent
Dépression
8. Je prends plaisir aux mêmes choses h Oui, tout autant
qu’autrefois h Pas autant
h Un peu seulement
h Presque plus
9. Je ris facilement et vois le bon côté h Autant que par le passé
des choses h Plus autant qu’avant
h Vraiment moins qu’avant
h Plus du tout
10. Je suis de bonne humeur h La plupart du temps
h Assez souvent
h Rarement
h Jamais
11. J’ai l’impression de fonctionner au h Jamais
ralenti h Parfois
h Très souvent
h Presque toujours
12. Je me m’intéresse plus à mon h J’y prête autant d’attention qu’avant
apparence h Il se peut que je n’y fasse plus autant attention
h Je n’y accorde pas autant d’attention que je devrais
h Plus du tout 

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


28 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

 Anxiété
13. Je me réjouis d’avance à l’idée de h Autant qu’avant
faire certaines choses h Un peu moins qu’avant
h Bien moins qu’avant
h Presque jamais
14. Je peux prendre plaisir à un bon h Souvent
livre ou à une bonne émission radio ou h Parfois
télévision h Rarement
h Très rarement
Résultats : Cette échelle explore les symptômes anxieux et dépressifs. Faire le total du versant anxiété et dépression : 21 points maximum pour chacun. Entre 8 et
10 : état anxieux ou dépressif douteux. Au-delà de 10 : état anxieux ou dépressif certain.

Examen clinique L’examen articulaire est complété par un exa-


men physique général à la recherche de signes
Pour éviter toute influence, l’examen physique évocateurs d’une pathologie systémique ou de la
est généralement effectué avant la consultation manifestation systémique d’une arthropathie.
des examens radiologiques et complémentaires. L’examen neurologique comprend l’évaluation
Orienté par l’anamnèse et les antécédents du de la sensibilité (tactile, thermique, proprio-
patient, l’examen clinique du patient douloureux ceptive, toucher-piquer), de la force musculaire
chronique se concentre essentiellement sur l’appa- (tableau 3.3) et des réflexes ostéotendineux
reil musculosquelettique et le système nerveux. (tableaux 3.4–3.6).
Chaque région douloureuse est minutieusement La manœuvre de Jendrassik permet de dés-
examinée (inspection, palpation, mobilisation, inhiber des réflexes apparemment diminués. En
amplitudes articulaires). demandant au patient de se concentrer sur la

Tableau 3.3. Évaluation de la force musculaire.


Score Évaluation d’un déficit musculaire
0 Aucune contraction
1 Contraction visible ou palpable n’entraînant aucun mouvement
2 Contraction permettant le mouvement en l’absence de pesanteur
3 Contraction permettant le mouvement contre la pesanteur
4 Contraction permettant le mouvement contre la résistance, mais la force réalisée reste déficitaire
5 Force musculaire normale

Tableau 3.4. Évaluation des réflexes.


Score Réponse observée
0 Aréflexie
1 Réflexe diminué
2 Réflexe normal
3 Réponse augmentée
4 Réponse très augmentée

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE MEDICALE
de la douleur chronique 29

Tableau 3.5. Diagnostic topographique d’une atteinte radiculaire du membre supérieur.


Racine Déficits moteurs Réflexe Douleurs et/ou déficits sensitifs
C5 Abduction du bras, rotation de l’épaule Bicipital Moignon de l’épaule, face antérieure du bras
C6 Flexion du coude, supination de l’avant-bras, Stylo radial Face antérieure du bras, face externe de
flexion du pouce l’avant-bras jusqu’au pouce
C7 Extension du coude, du poignet et des doigts, Tricipital Face postérieure du bras jusqu’aux 2e et 3e
pronation de l’avant-bras doigts
C8-D1 Flexion des doigts, abduction des doigts Cubitopronateur Face interne du bras jusqu’aux 4e et 5e doigts

Tableau 3.6. Diagnostic topographique d’une atteinte radiculaire du membre inférieur.


Racine Déficits moteurs Réflexe Douleurs et/ou déficits sensitifs
L3 Extension du genou (muscles psoas Rotulien Fesse
et quadriceps fémoral) Face antérieure de la cuisse,
Face interne du genou
L4 Flexion dorsale du pied (muscle jambier Rotulien Fesse
antérieur) Face externe de la cuisse, face antérieure du genou
Face antéro-interne de la jambe
L5 Extenseurs des orteils (muscles péroniers - Fesse
latéraux et partiellement jambier antérieur) Face postérieure de la cuisse
Face externe de la jambe
Face dorsale du pied et du gros orteil
S1 Flexion plantaire du pied (muscle triceps sural : Achilléen Fesse
marche sur la pointe des pieds difficile ou Face postérieure de la cuisse, de la jambe, du talon, de la plante
impossible) du pied et du petit orteil

traction latérale de ses deux mains, on induit sciatique par une hernie discale L5-S1 produi-
un relâchement des autres groupes musculaires. sant une douleur radiculaire S1).
L’hyperréflexie est le signe d’une atteinte centrale. • Les douleurs référées sont plus complexes et
Il est important de rechercher une extension de la sont la conséquence du phénomène de conver-
zone réflexogène, un clonus (secousses répétées gence. Des influx nociceptifs de diverses origines
à l’étirement d’un muscle) ou un polycinétisme (cutanée, tendinomusculaire, ligamentaire,
(réponses musculaires multiples après une stimu- ostéoarticulaire ou viscérale) convergent, sans
lation unique). atteinte des voies nerveuses, vers le même neu-
On recherche les irradiations douloureuses au rone de la corne postérieure de la moelle qui
niveau des dermatomes (figure 3.8), des terri- transmet les afférences au niveau du thalamus et
toires des nerfs périphériques (figures 3.9 et 3.10) du cortex. L’origine de ces influx est mal inter-
ou des nerfs crâniens (figure 3.11). prétée par le cortex qui possède une capacité
Les douleurs projetées peuvent être de deux discriminative précise pour la peau ou les articu-
types : rapportées ou référées. lations, mais beaucoup plus imprécise pour les
• Les douleurs rapportées sont liées à une atteinte muscles et quasiment absente pour les viscères.
située sur les voies nerveuses et sont perçues Ainsi la sensation douloureuse provenant d’un
dans le territoire d’innervation correspondant viscère peut être localisée à tort dans la zone
à ces voies (par exemple : compression du nerf cutanée correspondant au même métamère.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


30 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Figure 3.8. La distribution des dermatomes.

Figure 3.9. Les territoires d’innervation sensitive du membre supérieur.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE MEDICALE
de la douleur chronique 31

Figure 3.10. Les territoires d’innervation sensitive du membre inférieur.

Figure 3.11. Les territoires d’innervation sensitive de la tête.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


32 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Examen de la colonne cervicale • Examen neurologique : recherche des signes


déficitaires (moteurs, sensitifs ou réflexes)
L’examen de la colonne cervicale est effectué sur permettant de préciser le territoire radiculaire
un patient assis. Il inclut les éléments suivants : ou périphérique.
• Inspection de l’alignement des épineuses et de • Signe de Hoffmann : la flexion forcée de
la lordose cervicale. la phalange distale de l’index suivie de son
• Palpation des apophyses épineuses et articulaires relâchement brusque entraîne une flexion des
postérieures par segment : segment supérieur : doigts et du pouce en présence d’un syndrome
C0-C3, moyen : C4-C5 et inférieur C6-C7. pyramidal.
C2, C4 (en regard de l’angle de la mandibule) • Le diagnostic différentiel d’une cervicobra-
et C7 (vertèbre cervicale la plus proéminente) chialgie inclut les pathologies d’origine non
constituent les repères anatomiques externes. cervicale : atteinte de la coiffe des rotateurs
• Palpation des muscles : élévateur de l’épaule, (trajet douloureux évoquant une radiculalgie
splénius du cou, trapèze, semi-épineux de la C5 ou C6), syndrome de Parsonage et Tur-
tête, transversaire épineux et sous-occipitaux, ner (plexopathie brachiale aiguë d’origine
à la recherche de cordons myalgiques, de inconnue associant douleurs de l’épaule et
contractures musculaires ou d’atrophie. du bras avec une amyotrophie secondaire),
• Évaluation de l’amplitude des mouvements syndrome du défilé thoracique (trajet C8),
actifs en rotation (normale : 80°), en flexion épicondylalgie ou syndrome du canal carpien
(normale : 45°), en extension (normale : 45°) (trajet C6).
et en inclinaison (normale : 45°), et recherche • Manœuvre de Roos (ou manœuvre du chan-
des limitations (douloureuses ou indolores). delier dynamique ) : cette manœuvre permet
• Manœuvre de Spurling (ou test de de reproduire les symptômes du syndrome du
compression foraminale) à la recherche d’une défilé thoracique (douleur graduelle au niveau
irritation radiculaire. La pression sur une de la colonne cervicale, l’épaule et le bras, ou
racine nerveuse atteinte aggrave la douleur paresthésies dans les avant-bras et les doigts).
radiculaire ou les dysesthésies associées. La On demande au patient de lever les bras en
tête est inclinée du côté symptomatique et abduction et rotation externe, de fléchir les
l’examinateur effectue une pression axiale coudes à 90°, et d’ouvrir et fermer les doigts
sur le sommet de la tête. La manœuvre est pendant 3 minutes. Ce test est le plus fiable
positive si la douleur radiculaire est augmen- dans le diagnostic du syndrome du défilé tho-
tée (spécificité élevée, faible sensibilité). racique.
• Manœuvre de distraction à la recherche d’une
irritation radiculaire par diminution de la ten-
sion sur la racine nerveuse atteinte. Le test Examen de la colonne thoracique
consiste à étirer la tête du patient. Il est positif
si la douleur radiculaire ou les dysesthésies L’examen de la colonne thoracique est effectué
diminuent (spécificité élevée, mais sensibilité sur un patient debout. Il inclut les éléments
faible). suivants :
• Manœuvre d’abduction de l’épaule à la • Inspection de la cyphose dorsale :
recherche d’une irritation radiculaire par dimi- – recherche de déviation latérale (scoliose vraie
nution de la tension sur la racine nerveuse avec rotation vertébrale ou attitude scolio-
atteinte. Le test consiste en une abduction tique antalgique) ou antérieure (cyphose) ;
passive complète de l’épaule du côté sympto- – différence de hauteur des épaules, asymétrie
matique. Il est positif si la douleur radiculaire thoracique. La scoliose peut être dorsale,
ou les dysesthésies diminuent au niveau des cervicodorsale ou dorsolombaire ;
racines C4 à C6 (spécificité élevée, faible – caractérisation de la scoliose (concave ou
sensibilité). convexe).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE MEDICALE
de la douleur chronique 33

• Palpation des épineuses et de la région paraver- • Évaluation de l’amplitude des mouvements


tébrale. actifs : rotation (normale : 30°), flexion (nor-
• Palpation musculaire à la recherche de cordons male : 90°), extension (normale : 30°) et
myalgiques, de contractures musculaires ou inclinaison (normale : 30°). Recherche des
d’atrophie. limitations (douloureuses ou indolores). Une
• Évaluation de l’amplitude des mouvements douleur lombaire en extension évoque une
actifs : lyse isthmique ou un canal étroit avec ou sans
– rotation (normale : 50°), flexion (normale : spondylolisthésis. Aucune étude n’a démontré
20°), extension (normale : 10°) et inclinai- de corrélation claire entre une douleur du
son avec contre-pression de la main opposée rachis lombaire à l’extension et la présence
(normale : 35°) ; d’arthrose au niveau des articulations pos-
– recherche des limitations (douloureuses ou térieures [8]. Sept facteurs corrélés de façon
indolores). Les mouvements de la colonne significative avec un syndrome facettaire ont
thoracique sont limités, notamment en raison été décrits par Jackson : âge avancé, antécédent
des articulations costales. de lombalgie, marche normale, douleur maxi-
• Mesure de l’ampliation thoracique (normale : male en extension, absence d’irradiation dans
6 cm). le membre inférieur, absence de spasme muscu-
• Signe de Foletti : une hypoesthésie thermique laire et absence d’impulsivité [9]. Une douleur
au froid en regard de la charnière dorsolombaire radiculaire provoquée par l’extension évoque
est fréquente dans le syndrome de Maigne. une sténose foraminale et possiblement une
discopathie inflammatoire. Une douleur lors
de l’inclinaison du côté opposé à la lombalgie
Examen de la colonne lombaire (« Lasègue du tronc ») peut être le signe d’une
atteinte des branches postérieures cutanées des
L’examen de la colonne lombaire inclut les élé- racines D12, L1 et L2 (charnière dorsolom-
ments suivants : baire).
• Mesure de la distance doigts-sol (DDS) en
En position debout centimètres (normale : 0 cm). La raideur liée à
• Évaluation de la marche, à la recherche d’ano- la contraction des muscles spinaux évoque une
malies provoquées par la douleur, une faiblesse pathologie discale ou arthrosique lombaire. La
musculaire, une atteinte neurologique ou une douleur peut n’être présente qu’à mi-course ou
asymétrie des membres inférieurs. La boiterie en fin d’exercice et disparaître par la suite (pas-
antalgique est due à une douleur au niveau du sage ou arc douloureux).
dos ou du membre inférieur dans son entier. • Le test de Schöber mesure le degré de sou-
Elle se présente généralement par une phase plesse de la colonne lombaire. Le protocole
d’appui raccourcie du côté douloureux. En du test consiste à effectuer deux marquages
cas de claudication neurogène, la douleur peut sur le patient en position debout. Le premier
limiter drastiquement le périmètre de marche. au niveau de l’apophyse épineuse de L5 et le
• Attitude antalgique (spontanée ou lors du dés- second 10 cm plus haut. L’allongement de
habillage). cette distance est ensuite mesurée en flexion
• Inspection de la lordose lombaire (hyperlordose, antérieure maximale. L’écart doit être supé-
rectitude, inversion), des déviations latérales (sco- rieur à 4 cm (indice de Schöber = + 4).
liose vraie avec rotation vertébrale, attitude scolio-
tique antalgique), déviation de la ligne du bassin.
En décubitus ventral
• Palpation des muscles multifidus, de l’érecteur
du rachis, des fessiers et du pyramidal à la • Palpation segmentaire depuis la charnière dor-
recherche de cordons myalgiques, de contrac- solombaire jusqu’au sacrum : décrite par Maigne
tures musculaires ou d’atrophie. [10], la manipulation qui consiste à associer

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


34 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

pression et frictions latérales de l’articulation sur le sac dural. En absence de radiculalgie, la


postérieure (à 1 cm de la ligne médiane) per- manœuvre de Lasègue peut éveiller une douleur
met de détecter le segment mobile douloureux lombaire évoquant davantage une pathologie
concerné et non l’origine articulaire postérieure discale.
des douleurs. La pression postéroantérieure de
l’épineuse (Spring Test) est utile pour met- Examen neurologique
tre en évidence une discopathie symptoma- Il recherche de signes déficitaires (moteurs, sensi-
tique. La palpation du ligament interépineux tifs ou réflexes) permettant de préciser le territoire
permet de déceler une bursite interépineuse. radiculaire ou périphérique.
La pression latérale de l’apophyse épineuse
provoque un mouvement de rotation de la Réflexes cutanés
vertèbre et complète l’examen segmentaire. Les
manœuvres de l’examen segmentaire révèlent Le réflexe cutané plantaire (L5, S1) obtenu par
les douleurs d’origine rachidienne. stimulation de la partie externe de la plante
• Signe de la sonnette : le déclenchement d’une du pied (de l’arrière vers l’avant) se manifeste
douleur radiculaire à la palpation para-épineuse chez l’adulte sain par une flexion des orteils.
oriente le diagnostic vers une atteinte radiculaire. Le signe de Babinski (ou signe de Koch )
• Signe de Léri (ou Lasègue inversé) : la flexion correspondant à l’inversion du réflexe cutané
du genou à 90° suivie de l’élévation de la cuisse plantaire avec extension du gros orteil, est
avec mouvement d’extension de la hanche pathognomonique d’un syndrome pyramidal.
réveille généralement la cruralgie. Ce test a une Le réflexe cutané abdominal (Th8 à Th12)
spécificité élevée, mais une faible sensibilité. est réalisé en stimulant les quatre quadrants
abdominaux, de la périphérie vers l’ombilic.
En décubitus dorsal L’ombilic se déplace normalement vers le côté
Le signe de Lasègue reproduit la douleur radi- stimulé. Il est aboli du côté ipsilatéral en cas de
culaire dans le membre inférieur après élévation lésion pyramidale.
passive de la jambe tendue. Le signe de Lasègue
est positif lorsque la douleur apparaît à un angle Examen des articulations
d’élévation inférieur à 60°. La manœuvre de sacro-iliaques
Lasègue a une sensibilité élevée, mais une faible
spécificité. • Une atteinte de l’articulation sacro-iliaque n’est
Deux manœuvres supplémentaires aident à révélée par aucun signe clinique spécifique. La
confirmer le diagnostic : la dorsiflexion du pied topographie des douleurs est essentiellement
aggrave la douleur, alors que la flexion du genou fessière, comme le suggère le « Finger Test » de
l’atténue. Le signe de la sonnette et les efforts Fortin, qui consiste à demander au patient de
physiologiques brusques comme le Valsalva, la désigner avec un seul doigt le site de la douleur
toux ou l’éternuement (signe de Déjerine ) sont maximale. Ce signe est positif (ou fortement
également évocateurs de compression radicu- suspect d’une douleur d’origine sacro-iliaque)
laire. Le signe de Lasègue croisé ou signe de si le patient indique un point situé à moins d’un
Bechterew (douleur reproduite par l’élévation centimètre en dessous et en dedans de l’épine
de la jambe controlatérale) est un signe de iliaque postérosupérieure.
sévérité. La manœuvre de Lasègue, qui peut être • Palpation minutieuse à la recherche d’une
réalisée à l’insu du patient assis, ne provoque pas néoarticulation entre une méga-apophyse trans-
seulement une traction sur les racines nerveuses verse L5 et le sacrum ou l’aile iliaque (syndrome
L5 et S1, mais également un étirement des mus- de Bertolotti : sacralisation ou pseudosacralisa-
cles ischiojambiers et grands fessiers, une flexion tion de L5, uni- ou bilatérale).
de la charnière dorsolombaire (lors de l’élévation • Test de Patrick ou FABER (Flexion, Abduc-
de la jambe au-delà de 60°) et une traction tion, External Rotation) au niveau de la hanche.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE MEDICALE
de la douleur chronique 35

Une douleur antérieure suggère un point de antérieure, du processus coracoïde, de l’acro-


départ du côté de la hanche ipsilatérale, une mion, de l’omoplate et du tendon du biceps.
douleur postérieure controlatérale une patho- • Amplitude des mouvements (actifs et passifs) :
logie sacro-iliaque. l’abduction et la rotation externe sont testées
• La positivité d’au moins trois sur cinq des en demandant au patient de venir toucher
tests les plus fiables (à réaliser conjointement) le sommet de l’épaule opposée en passant le
augmente considérablement la probabilité bras derrière la tête. L’adduction et la rotation
d’une douleur d’origine sacro-iliaque, avec une interne sont évaluées en demandant au patient
sensibilité proche de 90 % et une spécificité de toucher la pointe de l’omoplate opposée
d’environ 80 % [11] : en passant le bras derrière le dos. La rotation
– le test en distraction des ailes iliaques (test externe peut être testée isolément, avec le
d’Ericksen ) consiste à appuyer simultané- coude fléchi à 90°.
ment sur les épines iliaques antérosupérieures • Évaluation de la coiffe des rotateurs : la
comme pour écarter les deux ailes iliaques ; coiffe des rotateurs est composée des mus-
– dans le test en compression des ailes iliaques cles sus-épineux, sous-épineux, petit rond et
(test de Volkman ), l’examinateur appuie sous-scapulaire.
fortement sur une des ailes iliaques du patient – test du muscle sus-épineux : le patient tente
en décubitus latéral ; d’élever le bras contre une résistance, coude
– le test en compression du sacrum (Sacral en extension, bras en abduction et pouce
Thrust Test) est effectué en appuyant forte- pointant vers le bas ;
ment sur la partie médiane du sacrum du – test des muscles sous-épineux et petit rond :
patient en décubitus ventral, afin de provo- rotation externe contre résistance, bras en
quer une translation postérieure des articula- abduction et coude fléchi à 90° ;
tions sacro-iliaques ; – test du muscle sous-scapulaire : l’épaule est
– le test de cisaillement vertical (Thigh Thrust amenée passivement en rotation interne, en
Test ou test de Lessage ), effectué en décubi- légère extension, coude fléchi à 90°, afin
tus dorsal, consiste à appuyer fortement de de placer le dos de la main sur la région
haut en bas sur une des deux articulations lombaire. On demande au patient de décoller
sacro-iliaques en se servant du fémur homo- la main par une rotation interne supplémen-
latéral fléchi à 90° ; taire.
– le test de cisaillement horizontal des sacro- • Conflit sous-acromial : deux tests principaux
iliaques (test de Gaenslen ) s’effectue sur un permettent de mettre en évidence un conflit
patient en décubitus dorsal. Une des deux sous-acromial ou en d’autres termes, une irrita-
cuisses est fléchie au maximum avec l’aide tion du tendon du muscle sus-épineux par frot-
du patient, alors que l’autre cuisse est forcée tement itératif sur le ligament coraco-acromial,
en extension afin d’obtenir un cisaillement à l’origine d’une douleur de la face antérieure
de l’articulation sacro-iliaque controlatérale. de l’humérus :
Dans le cas où la manœuvre n’est pas possible – test de Neer : le bras en pronation complète
dans cette position, elle peut être effectuée est placé en flexion forcée. Pour empêcher
en décubitus latéral (test de Mennel , moins tout mouvement scapulothoracique, l’omo-
performant). plate doit être stabilisée au cours de la
manœuvre ;
Examen de l’épaule douloureuse – test d’Hawkin : le bras est fléchi à 90° et
l’épaule est forcée en rotation interne.
• Inspection (asymétrie, tuméfaction, atrophie • Arthropathie acromioclaviculaire : le test du
musculaire, cicatrice). bras croisé consiste à élever le bras à 90° et à
• Palpation des articulations sternoclavicu- forcer l’acromion dans l’extrémité distale de la
laire, acromioclaviculaire et scapulohumérale clavicule par une adduction active.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


36 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Examen de la hanche Waddell décrit trois catégories de comporte-


douloureuse ments en relation avec des problèmes d’ordre
psychosocial : la description de la douleur, les
• Inspection (asymétrie, tuméfaction, atrophie symptômes et les signes comportementaux [12].
musculaire, cicatrice). La description verbale de la douleur fait géné-
• Palpation (trochanter, région inguinale et ralement appel à des qualificatifs dramatiques et
fesse). exagérés (catastrophique, inimaginable, épouvan-
• Amplitude des mouvements (actifs et passifs) : table, atroce, etc.). La cartographie des douleurs
l’abduction (normale : 45°) et l’adduction ne correspond souvent à aucune entité anato-
(normale : 35°) sont mesurées en décubitus mophysiologique. Les patients posent souvent
dorsal, la rotation interne (normale : 30°) et eux-mêmes un diagnostic, erroné ou irréaliste.
externe (normale : 60°) en position debout Les symptômes comportementaux incluent des
avec la jambe tendue, la flexion (normale : 120° consultations ou des hospitalisations en urgence
avec le genou fléchi et 90° avec le genou en non justifiées, l’échec (ou la mise en échec par le
extension) et l’extension (normale : 10° avec le patient) de toutes les mesures thérapeutiques, un
genou fléchi et 20° avec le genou en extension) engourdissement diffus ou un lâchage global d’un
en position latérale. membre inférieur.
• Test de Patrick ou FABER (Flexion, Abduc- Les signes comportementaux sont classés en
tion External Rotation) : en décubitus dorsal, la quatre catégories : sensibilité diffuse à la palpation
hanche est soumise à une flexion, une abduction superficielle et profonde, limitation de la mobi-
et une rotation externe passives. Une douleur lité, distraction et signes régionaux. Une cause
antérieure suggère une origine au niveau de la non organique de la douleur doit être suspectée
hanche ipsilatérale (déchirure du labrum, lésion lorsque trois des cinq signes de Waddel sont
cartilagineuse ou conflit fémoro-acétabulaire), présents (tableau 3.7).
alors qu’une douleur postérieure controlatérale
évoque une pathologie sacro-iliaque.
• Test de FADIR (Flexion, Adduction, Inter-
nal Rotation) : en décubitus dorsal, la hanche Évaluation psychologique du
est soumise à une flexion, une adduction et patient douloureux chronique
une rotation interne passives. Une douleur
provoquée par ce test révèle une déchirure du L’évaluation du patient douloureux par un psy-
labrum, une lésion cartilagineuse ou un conflit chiatre ou un psychologue, particulièrement en
fémoro-acétabulaire. présence de douleurs chroniques rebelles, s’avère
• Test du Log roll : en décubitus dorsal, la jambe souvent indispensable en raison de l’interaction
fléchie est mobilisée en rotation interne puis forte entre les origines somatiques de la douleur
externe. L’apparition d’une douleur au niveau d’une part et les processus psychiques d’autre
de la fesse fait suspecter un syndrome piriforme. part. Dans certains cas, la douleur chronique peut
être un moyen d’expression inconscient face à un
conflit, une revendication à l’encontre d’un tiers,
Évaluation des douleurs ou dans des situations complexes et tendues. Plu-
non organiques sieurs indicateurs orientent vers la nécessité d’une
évaluation psychique du patient douloureux chro-
Les signes de douleurs non organiques ou signes nique : les caractéristiques de la plainte doulou-
comportementaux ont été décrits principalement reuse, sa topographie, sa description, la migration
dans les lombalgies et les cervicalgies chroniques. incessante des douleurs, le ressenti, les émotions
Ils représentent un risque de chronicisation et liées au récit du patient. Les douleurs intéres-
doivent être discriminés des manifestations de sant la totalité du corps ou sans systématisation
simulation ou d’exagération. anatomique peuvent être le reflet d’une origine

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE MEDICALE
de la douleur chronique 37

Tableau 3.7. Les cinq signes de Waddel.


Signes comportementaux Description
1 Sensibilité à la pression Douleurs à la palpation superficielle et profonde sur une zone étendue, pas seulement
lombaire
2 Manœuvre simulée Douleurs lombaires provoquées par pression légère sur le crâne en station debout
Douleurs lombaires lors de la rotation simultané du bassin et de la ceinture scapulaire
(pseudorotation)
3 Distraction Lasègue en position couchée (standard) et en position assise (à l’insu du patient)
4 Neuroanatomie Faiblesse de plusieurs groupes de muscles sans cohérence neuroanatomique
Troubles de la sensibilité ne correspondant à aucun territoire nerveux
5 Hyper-réaction Gémissements exagérés
Grimaces et mimiques
Contracture des muscles et tremblements
Appui en station debout et pendant la marche
Massage incessant de la zone douloureuse

psychique de la douleur. Le parcours médical les troubles de la personnalité sont néanmoins


du patient doit être pris en compte, notamment fréquents chez le patient douloureux chronique.
lorsque de nombreux spécialistes ont été consul- L’hypocondrie se manifeste par des préoccu-
tés ou qu’une quantité importante d’investiga- pations somatiques excessives, la crainte ou la
tions complémentaires (souvent normales) a été conviction d’être atteint d’une maladie grave. La
réalisée. L’absence totale d’amélioration, même douleur est alors associée à des plaintes physiques
transitoire, ou la présence de douleurs d’intensité variées motivant de nombreuses consultations.
constante sont des indications à une évaluation Le « tourisme médical » qui en résulte entraîne
psychique du patient. L’évaluation du contexte souvent une multitude d’investigations et d’exa-
familial (conflit, séparation, deuil), professionnel mens complémentaires. Souvent liée à des traits
(stress, mobbing, accident de travail) et médico­ de personnalité paranoïaque, l’hypocondrie peut
légal (conflit assécurologique, erreur médicale) est accompagner une symptomatologie dépressive
cruciale. Les antécédents psychiatriques, épisodes chez le jeune. La représentation ou l’idée que
dépressifs, troubles anxieux, décompensations se fait le patient de sa maladie peut mettre
psychotiques, traumatismes psychologiques (prin- à jour des troubles dissociatifs de conversion.
cipalement dans l’enfance), addictions diverses Anciennement connu sous le terme d’hystérie,
nécessitent également une évaluation et une prise la conversion est caractérisée par des symptômes
en charge psychiatrique. Dans les syndromes liés à la motricité volontaire ou aux fonctions
douloureux à composante psychique dominante, sensorielles. Ces symptômes font suspecter un
les patients mettent régulièrement en avant les trouble neurologique ou une affection médicale
symptômes organiques et nient les questions psy- générale, qui sont attribués à une cause psy-
chiques avec une certaine hostilité. chologique, car ils ne correspondent à aucune
Au cours de la consultation, il s’agit d’évaluer affection neurologique ou médicale connue et
en premier lieu les effets de la douleur sur le som- sont précédés par des conflits ou d’autres facteurs
meil, l’humeur, le moral (dépression ou anxiété), de stress. Les symptômes ou déficits ne sont
la vie sociale, familiale et professionnelle. Une pas feints, comme dans le trouble factice ou
seconde étape consiste à rechercher des événe- la simulation. Il s’agit d’une atteinte du corps
ments de vie ou des situations douloureuses anté- imaginaire et la maladie offre alors un refuge
rieures (deuils, séparations), pouvant expliquer la et apporte au patient des bénéfices secondaires.
persistance ou l’aggravation des douleurs. Les douleurs, les paresthésies et les paralysies ne
Si certains traits psychologiques sont davan- touchent pas le corps anatomique, mais le corps
tage la conséquence que la cause de la douleur, tel que l’individu se l’imagine. Cela explique des

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


38 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

trajets douloureux atypiques, des anesthésies inso- Références


lites ou des atteintes de fonction inhabituelles. Les 1. Cruccu G, Truini A. Tools for Assessing Neuro-
troubles mal compris sont encore trop souvent pathic Pain. PLoS Med 2009;6(4):e1000045. doi:
attribués à des causes psychologiques, comme 10.1371/journal.pmed.1000045.
ce fut longtemps le cas avec la fibromyalgie ou 2. Freynhagen R, Baron R, Gockel U, Tolle T. Pain-
le syndrome de fatigue chronique. Les premiers DETECT: A new screening questionnaire to detect
neuropathic components in patients with back pain.
symptômes de la sclérose en plaques sont parfois
Curr Med Res Opin 2006;22:1911–20.
aussi attribués à des causes psychologiques. Il 3. Krause SJ, Backonja MM. Development of a neuro-
est important de rechercher les personnalités pathic pain questionnaire. Clin J Pain 2003;19:306–
dépendantes qui justifient une surconsommation, 14.
notamment d’opiacés, par la tolérance et l’épuise- 4. Galer B, Jensen M. Development and preliminary
ment des effets. validation of a pain measure specific to neuro­
pathic pain. The neuropathic pain scale. Neurology
L’évaluation psychique repose donc essentielle- 1997;48:332–8.
ment sur un entretien psychiatrique, mais peut 5. Bennett M. The LANSS Pain Scale: The Leeds
être complétée au besoin par des questionnaires assessment of neuropathic symptoms and signs. Pain
spécifiques multidimensionnels et des tests psy- 2001;92:147–57.
chométriques (MMPI). 6. Bouhassira D, Attal N, Alchaar H, Boureau F, Bro-
chet B, Bruxelle J, et al. Comparison of pain syn-
dromes associated with nervous or somatic lesions
and development of a new neuropathic pain diagnos-
Suivi du patient tic questionnaire (DN4). Pain 2005;114:29–36.
7. Scholz J, Mannion RJ, Hord DE, Griffin RS, Rawal B,
douloureux chronique et al. A Novel Tool for the Assessment of Pain: validation
in Low Back Pain. PLoS Med 2009;6(4):e1000047.
Comme l’évaluation initiale, le suivi doit doi: 10.1371/journal.pmed.1000047.
8. Revel M, Poiraudeau S, Auleley GR, Payan C, Denke
tenir compte de tous les aspects de la douleur A, Nguyen M, Chevrot A, Fermanian J. Capacity
chronique et de leur évolution entre chaque of the clinical picture to characterize low back pain
consultation. Il requiert des outils sensibles relieved by facet joint anesthesia. Proposed criteria to
aux changements et des mesures avant et après identify patients with painful facet joints. Spine (Phila
l’instauration d’un traitement. L’importance du Pa 1976) 1998 Sep 15;23(18):1972–6. discussion
1977.
soulagement peut être évaluée grâce aux échelles
9. Jackson RP, Jacobs RR, Montesano PX. 1988 Volvo
visuelles, verbales simples ou numériques, en award in clinical sciences. Facet joint injection in
remplaçant la question sur l’intensité de la low-back pain. A prospective statistical study. Spine
douleur par une question sur l’importance du (Phila Pa 1976) 1988;13(9):966–71.
soulagement : « Par rapport à la précédente 10. Maigne JY. Examen clinique du rachis lombaire.
consultation, à combien estimez-vous l’impor- Elsevier-Masson. 2e édition, avril 2009.
11. Berthelot JM, Laslett M. Par quels signes cliniques
tance du soulagement : entre 0 % (pas du tout
s’assurer au mieux qu’une douleur est bien d’origine
soulagé) et 100 % (complètement soulagé) ? ». sacro-iliaque (sensu lato) ? Revue du Rhumatisme
L’absence d’évolution favorable pendant un 2009;76(8):741–9.
certain temps et plusieurs contrôles doit inciter 12. Waddell G, Main C. Illness behavior. In: Waddell G,
l’examinateur à réévaluer la situation et modifier editor. The Back Pain Revolution. Edinburgh: Chur-
la stratégie initialement adoptée. chill Livingstone; 1998. 155-172.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 4
L’IRM du rachis dégénératif
Bruno Marchand

Ce chapitre fournit des clés de lecture simples blanc, bien différencié de la moelle, des racines
de l’IRM du rachis dégénératif. Il comprend un et des disques qui sont en hyposignal. En T2, la
bref rappel des données techniques de base, des graisse est également blanche et des séquences
principales pathologies discales et dégénératives T2 avec saturation de graisse sont utilisées afin
du rachis couramment diagnostiquées par IRM. d’annuler ce signal : elles permettent de mieux
Les atteintes microcristallines, inflammatoires, détecter les zones d’œdème intraosseux ou périar-
infectieuses ou tumorales sont évoquées à titre de ticulaire. Bien que non spécifique, cet œdème est
diagnostic différentiel. alors particulièrement bien visible. Il peut corres-
pondre à une poussée œdémateuse congestive
d’arthrose, aussi bien qu’à une lésion traumatique,
Rappels techniques tumorale, inflammatoire ou microcristalline. La
saturation de graisse peut être réalisée par diverses
L’IRM est une technique d’imagerie basée sur le techniques comme la Fat Sat, ou des séquences
phénomène de résonance magnétique des pro- dites en inversion-récupération (utilisées notam-
tons d’hydrogène. Elle est donc sensible aux effets ment en cas d’exploration en présence de matériel
paramagnétiques. En conséquence, elle attire les en titane ou en métal afin de réduire les artefacts)
corps étrangers métalliques, caractéristique qui ou, enfin, récemment par la technique Dixon. Le
exige que soient respectées les contre-indications, T2 Dixon offre l’avantage de donner en un seul
absolues et relatives, et que certaines précautions temps des images T2 et des images T2 avec satura-
soient prises avant la réalisation d’un examen : tion de graisse. Les séquences T1 avec injection de
s’enquérir de la présence d’un pace-maker (cer- produits de contraste chélates de l’ion gadolinium
tains sont compatibles dans certaines conditions sont réservées à des cas particuliers : suspicion
à appliquer pendant et après l’IRM) ; obtenir les d’un processus infectieux ou tumoral, récidive
comptes rendus opératoires antérieurs afin de véri- de hernie discale opérée, recherche de granu-
fier la compatibilité de divers implants cardiaques lome à l’extrémité d’un cathéter ou d’une pompe
ou neurologiques avec l’IRM et son niveau de intrathécale. Ces produits peuvent être toxiques
champ magnétique ; connaître la compatibilité en cas d’insuffisance rénale, des cas mortels de
des pompes et des électrodes intrathécales à visée fibrose néphrogénique ont été rapportés dans la
antalgique. littérature [1]. On a trouvé récemment des dépôts
Les images ont une pondération dite T1 ou d’ions gadolinium dans les noyaux gris centraux
T2 selon les caractéristiques d’électrostimulation cérébraux, sans que leur signification clinique ne
et de recueil du champ magnétique sur la zone soit connue à ce jour [2].
anatomique explorée. Les images dites T1 (pondé-
rées T1) donnent des informations essentiellement
anatomiques : ainsi, la graisse est en hypersignal Rachis normal
(blanc) et le liquide en hyposignal (noir). En pon-
dération T2, les liquides sont en hypersignal blanc. Sur le plan morphologique, les courbures du
Sur les images T2 du rachis, le LCR est donc rachis doivent être harmonieuses. Il faut garder
Manuel pratique d'algologie
© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
40 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

présent à l’esprit que l’IRM est un examen réalisé


en position couchée ne permettant pas d’analyser
les courbures de manière fiable. Les quantifica-
tions des scolioses, des lordoses lombaires, des
cyphoses dorsales restent à effectuer sur des cli-
chés de radiologie réalisés en position debout.

Les structures osseuses


(corps vertébraux, articulations
postérieures…)
Les structures osseuses doivent avoir des contours
réguliers. Leur signal T1 et T2 varient en fonction
de la répartition des moelles osseuses jaune et rouge
hématopoïétique. La moelle jaune a un signal Figure 4.1. IRM lombaire normale pondérée T1.
graisseux en hypersignal T1 et T2 et en hyposignal a. Coupe sagittale T1. Le corps vertébral (étoile bleue)
T2 Fat Sat (figure 4.1). La moelle rouge, héma- est en hypersignal relativement au disque (étoile blanche).
topoïétique, est en hyposignal relatif T1 et inter- La graisse épidurale postérieure (flèche jaune)
est en hypersignal normal graisseux. Le LCR (flèche
médiaire T2. Le signal des corps vertébraux doit blanche) est en hyposignal T1 liquidien.
rester supérieur à celui des disques en pondération b. Coupe parasagittale foraminale T1. Le foramen
T1. Lorsque le signal T1 des structures osseuses est a un contenu graisseux (flèche jaune) en hypersignal.
inférieur à celui des disques, il importe de se méfier La racine nerveuse (flèche rouge) se situe à « l’étage
supérieur » du foramen. Le disque (étoile blanche)
d’un remplacement médullaire par un processus se situe à « l’étage inférieur » du foramen.
tumoral — myélome, métastase — (figure 4.2). À
un certain âge, la trame osseuse devient hétérogène
et présente un mélange de plages de moelle rouge

Figure 4.2. T1, la « pondération tumorale ».


a. Normal : les corps vertébraux sont « plus blancs » que les disques (en hypersignal relatif).
b. Diagnostic de myélome : les corps vertébraux sont « aussi foncés » que les disques. La moelle osseuse est remplacée
par du tissu tumoral.
c. Myélome en pondération T2 (même patient que b au même instant) : aspect normal des corps vertébraux. Le T1 Fat
Sat gadolinium est également normal chez ce patient : seule la pondération T1 permet de diagnostiquer la présence
de tissu tumoral en lieu et place de la moelle osseuse.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 4. L’IRM du rachisMEDICALE
dégénératif 41

et de moelle jaune qui doit être différencié d’un Le cône terminal prend fin entre D12 et L2. S’il
processus tumoral, notamment myélomateux (une s’insère plus bas, il faut rechercher une moelle
immunoélectrophorèse des protéines sanguines attachée par un filum terminale. Les racines de
peut être indiquée en cas de doute). Les veines la queue-de-cheval sont bien visibles au niveau
intracorporéales normales sont fréquemment lombaire, cernées de LCR dans le sac dural. L’IRM
visibles (figure 4.3). permet une bonne analyse des racines depuis leur
émergence dans le récessus latéral, puis le long de
leur trajet foraminal et extrarachidien (figure 4.6).
Les disques
Le disque normal est composé d’une partie cen- Pathologies discales
trale, le nucleus pulposus, et d’une partie fibreuse
périphérique, l’annulus fibrosus (figure 4.4). Le
nucleus pulposus est riche en protéinoglycanes, sa
Discopathies dégénératives
partie centrale présente donc un signal liquidien, Le premier stade de dégénérescence discale se
bien visible en T2. Le nucleus pulposus est ratta- traduit par une diminution de l’hydratation du
ché à l’anneau fibreux par des fibres, et reste en
hyposignal T2. L’anneau fibreux se fixe dans les
corps vertébraux, selon un équivalent d’enthèse,
au niveau des coins antérieurs et postérieurs des
corps vertébraux, ainsi que dans leur partie cen-
trale (zone des hernies de Schmörl).

Le canal
Le contenu du canal rachidien est bien analysé en
T2 : le sac dural contenant le LCR est en franc
hypersignal tandis que le cordon médullaire central
et les racines ont un signal intermédiaire. Le cordon
médullaire est régulier et homogène, sans hyper-
signal T2 central (figure 4.5). Au niveau cervical
Figure 4.4. Disque normal en pondération T2.
toutefois, une lame liquidienne centrale est parfois
Le disque normal a un hypersignal T2 liquidien central
visible en regard de C5-C6 ; elle correspond au normal (étoile blanche) entouré par l’hyposignal T2
renflement physiologique du canal épendymaire. de l’anneau fibreux (flèches noires).

Figure 4.3. Veine centrocorporéale postérieure normale (flèche blanche).


a. Pondération T2.
b. T2 Fat Sat (ou T2 Dixon sans et avec saturation acquise en un temps).
c. Moins T1.
d. T1 gadolinium Fat Sat.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
42 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Figure 4.5. IRM cervicale normale pondérée T2 : coupe sagittale.


Les corps vertébraux (étoile bleue) sont homogènes. Les disques (étoile blanche) gardent un signal hydrique central. Le
cordon médullaire (flèche jaune) est en hyposignal homogène, silhouetté par le LCR (flèche blanche) en hypersignal liquidien.

Figure 4.6. Anatomie lombaire normale axiale pondérée T2.


a. Coupe axiale à hauteur du disque : les racines (flèche blanche) sont bien visibles, en contraste avec le LCR (en
hypersignal T2 blanc) dans le sac dural. La graisse épidurale [flèche bleue] est également en hypersignal T2, quoique plus
atténué que le LCR. Les ligaments jaunes (flèche jaune) sont visibles, de même que l’interligne articulaire de l’articulation
interfacettaire postérieure (flèche rouge).
b. Coupe axiale à hauteur des foramens : anatomie normale axiale pondérée T2. Les racines (flèche blanche) sont
bien visibles dans leur trajet foraminal. En coupe axiale, on peut aisément analyser la trophicité de la musculature
paravertébrale (étoile blanche).
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 4. L’IRM du rachisMEDICALE
dégénératif 43

disque, par la perte de protéinoglycanes et par un « HIZ »


enrichissement en collagène. L’anneau fibreux se
distend. La « HIZ » pour High signal Intensity Zone est
Au début de la maladie, le disque perd son définie par un hypersignal T2 focal localisé dans
signal liquidien central physiologique. Ensuite, l’anneau fibreux (figure 4.8). Cette lésion est le
le disque bombe dans le canal postérieurement témoin d’une rupture et représente donc une
puis sur toute sa circonférence (figure 4.7). Au zone de faiblesse qui peut faire le lit d’une hernie
stade tardif, la partie centrale du disque dégénéré discale ultérieurement [3]. Cliniquement, la HIZ
devient le siège de cavités gazeuses ou liqui- peut se traduire par un lumbago aigu, des dou-
diennes. leurs discales ou être asymptomatique. Dans une
étude qui compare à des témoins en bonne santé
des adultes de moins de 50 ans souffrant d’une
lombalgie invalidante depuis plus de 6 mois, la
présence d’une HIZ a une sensibilité de 27 % et
une spécificité de 85 % [4].

Hernie discale ou « saillie


discale focale »
La hernie discale (HD) correspond à une saillie
discale focale du disque au travers d’une déchi-
rure complète de l’anneau fibreux [5]. Cette
saillie n’est pas globale, à la différence de la dis-
copathie dégénérative. Certains patients considè-
rent que le terme de hernie discale est péjoratif
Figure 4.7. Discopathie dégénérative en pondération T2. et synonyme de maladie, même si de nombreuses
Le disque dégénératif, qui a perdu son hypersignal T2
liquidien normal, présente un hyposignal intermédiaire
hernies discales sont asymptomatiques. Aussi,
(flèche blanche), associé à un bombement discal certains auteurs préconisent d’utiliser le terme de
postérieur (flèche noire). « saillie discale focale ».

Figure 4.8. « HIZ » L4-L5 en T2 sagittal (a) et T2 axial (b).


En IRM, la HIZ (High signal Intensity Zone) se traduit par une plage en hypersignal T2 liquidien au niveau de la face
postérieure du disque, signe d’une rupture de l’anneau fibreux (flèche blanche). En coupe axiale, la HIZ L4-L5 est visible
à gauche, ce qui coïncide avec la symptomatologie.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
44 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Les différents termes utilisés en France et transformation hydrique, lui conférant un


dans les pays anglo-saxons sont résumés dans le signal intermédiaire T1 et T2, parfois proche
tableau 4.1 [6]. du LCR [7]. L’injection de gadolinium montre
La hernie discale est définie par différents stades un rehaussement périphérique souvent annu-
en fonction de l’extension de la hernie par rapport laire autour de ce fragment exclu.
au complexe fibreux anneau fibreux-ligament lon- La topographie de la HD est analysée dans
gitudinal postérieur : le plan axial et caractérisée par sa position pos-
• la HD sous-ligamentaire est contenue par le térieure médiane ou paramédiane (synonyme :
complexe postérieur (figure 4.9) ; postérolatérale), récessale, foraminale ou extrafo-
• la HD extraligamentaire a rompu le complexe raminale (figure 4.12).
postérieur (figure 4.10) ; À l’exception de certaines HD exclues, la HD
• la HD exclue implique que le fragment discal lombaire est mieux visualisée sur les séquences
hernié s’est détaché du disque. La migration T2 en raison d’un contraste net entre le disque
de ce fragment vers le haut ou vers le bas peut (en hyposignal noir) et le LCR (en hypersignal
être analysée par une IRM (figure 4.11). Le blanc). Pour entraîner une symptomatologie, la
fragment discal exclu présente souvent une HD foraminale doit occuper la moitié supérieure

Tableau 4.1. Vocabulaire radiologique.


Définition Synonymes Terminologie nord-américaine
Discopathie dégénérative Bombement discal global (diffus-circonférentiel) Disc bulge
Bulging disc
HD (hernie discale) Saillie discale focale Herniated disc
Prolapsed disc
HD sous-ligamentaire Hernie contenue Contained disc
ou protruse Protruded disc
HD extraligamentaire Hernie transligamentaire, extrude ou rompue Non-contained herniated disc
Extruded disc
HD exclue Hernie séquestrée Sequestered disc
Disc sequestration

Figure 4.9. Hernie discale sous-ligamentaire L4-L5 gauche en pondération T2 Dixon.


a. T2.
b. T2 avec saturation de graisse.
c. axial T2. Hernie discale se traduisant par une saillie discale focale (flèche blanche), circonscrite par le complexe anneau
fibreux-ligament commun vertébral postérieur (flèche noire).
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 4. L’IRM du rachisMEDICALE
dégénératif 45

Figure 4.10. Hernie discale extraligamentaire L5-S1 droite (T2 sagittal et axial).
Hernie discale se traduisant par une saillie discale focale (flèche blanche). Elle a franchi le complexe anneau
fibreux-ligament commun vertébral postérieur (flèche noire). Une hernie est extraligamentaire si elle occupe 50 % ou plus
du diamètre antéropostérieur du canal rachidien.

Figure 4.11. Hernie discale exclue L4-L5 gauche.


a. T2 sagittal.
b. T1 sagittal.
c. Axial T2. Hernie discale L4-L5 paramédiane gauche extraligamentaire (flèche blanche). Le signal de la hernie est
différent de celui du disque, plus foncé en T1 et T2, indiquant une composante hydrique et la présence d’une HD exclue.

du foramen et venir au contact du ganglion notion de conflit entre la HD et la racine est suggé-
spinal (figure 4.13). Ainsi, une HD foraminale rée par divers signes. Le terme de « conflit » sous-
apparaissant uniquement en regard du disque est entend une notion de contrainte dynamique, stricto
rarement conflictuelle [8]. sensu non définissable en IRM, car l’examen est
Au niveau cervical, les séquences T1 sagit- réalisé couché et au repos. Toutefois, cette notion
tales permettent de différencier formellement de conflit peut être évoquée en présence des signes
un débord disco-ostéophytique d’une vraie HD suivants : la racine en aval du contact avec la HD
(figure 4.14). est hypertrophiée et/ou œdématiée (contrairement
Les coupes axiales T2 montrent bien les rapports à la racine en amont) ; la gaine de cette racine prend
entre la HD et les racines. La seule réserve reste la nettement le contraste (en cas d’examen injecté et à
réalisation d’un examen en position couchée. La l’exclusion d’une opération antérieure).
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
46 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Figure 4.12. Topographie des hernies discales (flèche blanche).


a. Axiale : HD paramédiane.
b. Axiale : HD récessale.
c. Sagittale : HD foraminale.
d. Axiale : HD foraminale.

Arthrose sous-chondral des plateaux vertébraux : ces anoma-


lies sont classées en trois types selon Modic [9] : le
Discarthrose type 1 œdémateux (figure 4.15), le type 2 graisseux
En plus des signes de discopathie dégénérative, (figure 4.16) et le type 3 scléreux (figure 4.17).
la discarthrose est caractérisée par des anomalies Des formes de discarthroses, en poussée
associées des plateaux vertébraux. Les clichés de congestive ou érosive, présentent un œdème en
radiologie ou le scanner montrent des plateaux miroir marqué et étendu des plateaux et des
condensés, irréguliers, associés à des ostéophytes corps vertébraux. Ces formes peuvent poser de
antérieurs et postérieurs. délicats problèmes de diagnostic différentiel avec
L’IRM peut révéler, avant le stade radiolo- des spondylodiscites infectieuses, inflammatoires
gique, des signaux anormaux au niveau de l’os ou microcristallines [10] (figure 4.18).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 4. L’IRM du rachisMEDICALE
dégénératif 47

Arthrose interfacettaire des articulaires postérieures (figure 4.19). À un


ou interzygomatique postérieure stade plus avancé apparaissent des subluxations
L’IRM montre les anomalies morphologiques articulaires à l’origine d’une déformation avec
habituelles de l’arthrose : pincement des rotation des corps vertébraux. L’IRM révèle
interlignes articulaires, géodes sous-chondrales également un épanchement intra-articulaire
(de signal liquidien), hypertrophie réactionnelle ou un œdème autour des articulations pos-
térieures, ces signes pouvant, bien que de
manière inconstante, prédire l’apparition d’une
symptomatologie.
L’IRM démontre parfaitement bien la présence
de kystes articulaires postérieurs et leur extension
extra- ou intracanalaire (figures 4.20 et 4.21).
Dans ce dernier cas, il existe un contact ou
un conflit entre le kyste (de signal liquidien)
et les racines. En fonction du tableau clinique,
cet élément permet de poser l’indication à une
ponction et infiltration du kyste sous scanner
(figures 4.22 et 4.23) [11].
Les formes unilatérales très œdémateuses doi-
vent être différenciées de pathologies d’origine
infectieuse [12], inflammatoire ou microcristal-
line [13] (figure 4.24).

Figure 4.13. Hernie discale foraminale L2- L3 droite,


d’allure exclue.
Arthrose interépineuse
Le signal hydrique de la HD (flèche blanche) est supérieur Les processus interépineux s’élargissent
à celui du disque (étoile blanche), ce qui suggère une HD
exclue. Elle migre « à l’étage supérieur » du foramen et
et l’espace interépineux diminue, subit une
vient au contact de la racine L2 droite (flèche rouge). La condensation osseuse et s’hypertrophie, attes-
graisse périradiculaire est effacée. tant la présence d’un syndrome de Baastrup.

Figure 4.14. Hernie discale cervicale C5-C6 droite.


a. Sagittal T2.
b. Sagittal T1.
c. Axial T2. La saillie discale focale (flèche blanche) C5-C6 se distingue parfaitement d’un ostéophyte (flèche rouge),
notamment en pondération T1.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


48 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Figure 4.15. Discarthrose Modic 1 L5-S1.


a. Sagittal T2.
b. Sagittal T2 Fat Sat.
c. Sagittal T1 Fat Sat gadolinium. Pincement discal L5-S1 avec irrégularités des plateaux vertébraux et œdème antérieur
(flèches blanches) en miroir des plateaux vertébraux captant le gadolinium (flèches rouges). Les données cliniques
et biologiques sont utiles pour exclure une spondylodiscite infectieuse débutante.

Figure 4.16. Discarthrose Modic 2 L5-S1.


a. Sagittal T1.
b. Sagittal T2 Fat Sat. Pincement discal L5-S1 avec débord ostéophytique antérieur et conversion graisseuse des plateaux
vertébraux en hypersignal T1 et asignal T2 Fat Sat (flèche blanche). Le centre du corps vertébral de S1 (étoile blanche)
montre un discret hypersignal T2 et un hyposignal T1 supérieur au disque, évoquant une plage de moelle hématopoïétique.

L’IRM individualise bien les bursites inter- Spécificité de l’étage cervical


épineuses, favorisées par les spondylolisthésis. À l’étage cervical, l’arthrose se localise à hauteur
Ces bursites peuvent communiquer avec les de l’uncus. Cette uncarthrose peut être isolée ou
articulations interapophysaires postérieures associée à une discarthrose, réalisant alors une
adjacentes. uncodiscarthrose. L’uncarthrose rétrécit la partie

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 4. L’IRM du rachisMEDICALE
dégénératif 49

Figure 4.17. Discarthrose Modic 3 L1-L2.


a. Sagittal T1.
b. Sagittal T2.
c. Sagittal T2 Fat Sat. Pincement discal L1-L2, irrégularités des plateaux vertébraux, plages en hyposignal T1 et T2
en miroir des plateaux vertébraux (flèches blanches). On observe une discarthrose Modic 1 « œdémateuse » en L2-L3,
une discarthrose Modic 2 « graisseuse » en L4-L5, une arthrose interépineuse marquée
et une calcification du ligament interépineux L1-L2 (flèche rouge).

Figure 4.18. Lyse spontanée d’une calcification d’apatite T5-T6 (diagnostic différentiel : lésion Modic 1
ou spondylodiscite).
a. Sagittal T1.
b. Sagittal T2.
c. Sagittal T1 Fat Sat gadolinium.
d. Reconstruction TDM sagittal sans injection. Patiente se plaignant de dorsalgies hautes invalidantes depuis 2 mois, sans
anomalie biologique, avec un début initial brutal sans facteur déclenchant.
a à c. Œdème marqué du plateau vertébral inférieur de T5 (flèches rouges), œdème plus discret au niveau du plateau
supérieur de T6 avec prise de contraste au gadolinium, évoquant une discopathie de type Modic 1 ou une spondylite
inflammatoire. L’asignal centrodiscal (flèches rouges) présent sur toutes les séquences fait suspecter une calcification discale.
d. Le scanner sans injection, sur les reconstructions MPR sagittales, confirme la présence d’une calcification centrodiscale
à bords flous (flèche rouge). Ce dernier élément signe la lyse spontanée d’une calcification d’apatite discale, associée à
un œdème périphérique marqué [sclérose du plateau inférieur de T5 (flèche blanche)].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


50 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Figure 4.19. Arthrose facettaire postérieure bilatérale L5-S1.


a. Signes d’arthrose habituels de l’articulation zygapophysaire postérieure : pincement articulaire, irrégularités des
surfaces sous-chondrales [flèches blanches], et ostéophytes [extension extracanalaire d’un ostéophyte (étoile blanche)].
L’arthrose génère une hypertrophie des massifs articulaires postérieurs.
b. Une expansion kystique de l’épanchement intra-articulaire est possible. Elle correspond à un kyste arthrosynovial
facettaire postérieur à extension extracanalaire dans ce cas (flèche rouge). À noter l’importante amyotrophie
de la musculature paravertébrale postérieure, très fréquente dans l’arthrose facettaire postérieure (étoile rouge).

Figure 4.20. Kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur L4-L5 droit.


a. Sagittal T2.
b. Axial T2. Le kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur, de signal liquidien (flèche blanche), est bien visible,
communiquant avec l’interligne articulaire postérieure L4-L5 droite (flèche rouge). Ce kyste, à extension intracanalaire,
refoule le sac dural. Le contact avec la racine L5 droite entraîne une radiculagie L5 droite invalidante. Une ponction
et infiltration du kyste sont indiquées et réalisées sous scanner (cf. figure 4.22).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 4. L’IRM du rachisMEDICALE
dégénératif 51

Figure 4.21. Kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur L5-S1 droit en conflit avec la racine S1 droite.
a. Sagittal T2.
b. et c. Axial. Le kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur, de signal liquidien (flèche rouge), est bien visible,
raccordé à l’interligne articulaire postérieur L5-S1 droit (flèche blanche). Ce kyste refoule la racine S1 droite (flèche jaune)
vers l’avant à la différence des HD qui refoulent les racines vers l’arrière.

Figure 4.22. Infiltration sous scanner du kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur L4-L5 droit (même
cas que figure 4.20).
a. Coupes de repérage natives. Le kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur n’est spontanément pas visible.
b. Injection de produit de contraste. La ponction et l’injection de contraste dans l’articulation interfacettaire postérieure
L4-L5 droite permettent d’opacifier le kyste intracanalaire (flèche rouge).
c. Infiltration. Le kyste opacifié est ponctionné par voie translamaire avec une aiguille spinale 22 G 3 ½. L’aspiration
du contenu du kyste est suivie de l’infiltration lente d’un médicament anti-inflammatoire à base de cristaux de cortisone
dans le kyste pour l’assécher (flèche blanche). Les récidives sont possibles et sont traitées de la même façon.

antérieure du foramen et peut être à l’origine d’un moins complet du LCR entre les racines au niveau
conflit avec la racine dans son trajet foraminal. lombaire, ou autour du cordon médullaire au
niveau cervical. Le RC apparaît secondairement à
une hypertrophie dégénérative des massifs osseux,
Rétrécissement à un débord discal marqué, et/ou une HD, mais
canalaire dégénératif surtout en association avec un spondylolisthésis
dégénératif lombaire. Les kystes interfacettaires
Au niveau lombaire postérieurs et l’hypertrophie de la graisse épidu-
rale postérieure peuvent également participer au
Le rétrécissement canalaire (RC) induit un rétré- rétrécissement. Tous ces éléments sont parfaite-
cissement du sac dural avec effacement plus ou ment analysés par l’IRM. Le RC est défini par un

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


52 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Figure 4.23. Infiltration sous scanner du kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur L5-S1 droit (même cas
que figure 4.20).
a. Coupes de repérage. Le kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur (flèche rouge) est visible spontanément. L’abord
foraminal L5-S1 droit est le seul possible.
b. et c. Ponction et injection de produit de contraste iodé intrakystique. Ponction directe avec une aiguille spinale 22 G
3½. Injection de 0,5 ml de contraste iodé qui confirme le positionnement intrakystique de l’extrémité de l’aiguille (flèche
blanche), puis infiltration lente intra- et périkystique (l’injection intrakystique reproduit exactement la radiculalgie S1 droite).

Figure 4.24. Goutte tophacée interapophysaire postérieure L5-S1 confirmée par biopsie.
a. T1.
b. T2.
a. et b. Arthropathie interapophysaire postérieure bilatérale L5-S1, irrégularités des surfaces articulaires (étoile rouge),
hypertrophie des parties molles adjacentes très inflammatoires [en hypersignal T2 (étoile rouge)].
c. Scanner sans injection. L’examen précédent motive la réalisation d’un scanner sans injection qui révèle des signes
d’arthropathie destructrice (flèche rouge), ainsi que des calcifications des parties molles postérieures périarticulaires
(flèche blanche).
d. Ponction-biopsie au trocard 14 G. La suspicion de goutte est confirmée par la biopsie.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 4. L’IRM du rachisMEDICALE
dégénératif 53

sac dural inférieur à 10 mm en antéropostérieur,


mais il faut un diamètre inférieur à 7 mm pour
que ce rétrécissement soit symptomatique [14].
Lorsque la surface du sac dural est inférieure à
80 mm2, on est en présence d’un RC ; lorsqu’elle
est inférieure à 70 mm2, ce RC est généralement
symptomatique.
La classification de Lausanne [15] permet de
différencier le RC modéré (stade B), dans lequel
il reste du LCR entre les racines, visible à l’IRM
(figure 4.25), d’un RC sévère ou extrême (stades
C et D), dans lesquels le LCR disparaît. Les
stades C et D sont les stades pouvant être symp-
tomatiques. Ils sont différenciés par la persistance
(stade C) ou non (stade D) de graisse épidurale
Figure 4.25. Rétrécissement canalaire (RC) lombaire postérieure (figure 4.26).
modéré (stade B de la classification de Lausanne) :
coupe axiale T2.
Le diamètre antéropostérieur du sac dural mesure
7,5 mm, mais on observe encore un peu de LCR Au niveau cervical
entre les racines (flèche blanche). Le rétrécissement,
à composante postérieure, est essentiellement
dégénératif. Il est consécutif à une apophysomégalie
Les causes du RC dégénératif cervical sont les
dégénérative des massifs articulaires postérieurs, mêmes qu’à l’étage lombaire. Le RC est défini
associée à une hypertrophie des ligaments jaunes. par l’effacement complet des espaces épiduraux,
La graisse épidurale postérieure, qui imprime également donc du LCR en pondération T2, autour du
une encoche postérieure sur le sac dural (flèche rouge),
peut contribuer à la sténose. Il existe dans ce cas
cordon médullaire (figure 4.27). L’IRM montre
également une composante discale dégénérative des lésions de myélopathie secondaire au RC sous
antérieure. la forme d’un hypersignal T2 intramédullaire

Figure 4.26. Rétrécissement canalaire (RC) lombaire sévère L4-L5 de stade C (classification de Lausanne).
a. Sagittal T2.
b. Axial T2. Rétrécissement canalaire serré (potentiellement symptomatique). Le LCR est complètement effacé entre les
racines (flèche blanche). Ce signe permet de diagnostiquer un RC d’un seul coup d’œil. Dûment mesuré, le diamètre
antéropostérieur du sac dural est de 5 mm. La composante dégénérative postérieure (étoile rouge), cause primaire du RC,
est aggravée par une composante antérieure marquée, secondaire à un antélisthésis L4-L5 (flèche rouge), à l’origine d’un
bombement discal postérieur global.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


54 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Figure 4.27. Rétrécissement canalaire C3-C4.


a. Sagittal T2.
b. Axial T2. Rétrécissement canalaire C3-C4 par débord disco-ostéophytique postérieur (flèches blanches), à l’origine
d’un effacement complet du LCR périmédullaire (flèche rouge). Le cordon médullaire est homogène, sans hypersignal T2,
donc sans signe de myélopathie cervicarthrosique.

pathologique. De la présence et de l’étendue discs and extruded disc fragments. Skeletal Radiol
de ces hypersignaux T2 dépend la récupération 1989;18:527–30.
8. Parlier-Cuau C, Chicheportiche V, Laredo JD. Imagerie
fonctionnelle postopératoire [16]. À un stade
de la lomboradiculagie commune du membre inférieur.
avancé, la myélopathie cervicarthrosique peut être Savoir Faire en radiologie ostéoarticulaire. 2012
le siège d’une cavité syringomyélique, de lésions 9. Modic MT, Steinberg PM, Ross JM, et al. Degene-
de myélomalacie, voire d’une atrophie du cordon rative disk disease: assessment of changes in verte-
médullaire. bral body marrow with MR imaging. Radiology
1988;166:193–9.
10. Resnik D. In Diagnosis of Bone and Joint Disorders.
Références 4th Edit. 2002 Saunders; 1388-1405.
1. Todd Dj, Kay J. Gadolinium-induced fibrosis. Ann. 11. Parlier-Cuau C, Wibier M, Nizard R, et al. Symp-
Rev. Med 2016;67:273–91. tomatic lumbar facet joint synovial cysts: clinical
2. Rhamalho J, Castillo MJ, Al Obaidy M, et al. High assessment of facet joint steroid injection after 1 and
signal intensity in globus pallidus and dentate nucleus 6 months and long term follow-up in 30 patients.
on unenhanced T1-weighted MR images: evaluation Radiology 1999;210:509–13.
of two linear gadolinium-based contrast agents. 12. Euvrard T, Biron F, Blineau N, et al. Factitious
Radiology 2015;276:836–44. disorder revealed by polymicrobial septic arthritis
3. Aprill C, Bogduk N. High–intensity zone. A diagnos- of a lumbar facet joint diagnosed by percutaneous
tic sign of painful lumbar disc on magnetic resonance biopsy]. J Radiol 2004;85(1):43–6.
imaging. Br J Radiol 1992;65:1361–8. 13. Bouariouia W, Menesson N, Marchand B, et al.
4. Weihaupt D, Zanetti M, Hodler J, et al. Painful lum- Localisation rachidienne d’une arthrite goutteuse -
bar disk derangement: relevance of endplate abnor- Revue de la Littérature : à propos d’un cas. Rhuma-
malities at MR Imaging. Radiology 2001;218:420–7. tologie 2005;57(4):17–20.
5. Fardon DF, Milette PC. Nomenclature and Clas- 14. Schonstrom NSR, Bolender NF, Spengler DM. The
sification of Lumbar Disc Pathology. Recommen- patho-morphology of spinal stenosis as seen on CT-
dations of the Combined Task Forces of the North scans of the lumbar spine. Spine 1985;10:806–11.
America Spine Society, American Society of Spine 15. Schizas C, Theumann N, Burn A, et al. Qualitative
Radiology and American Society of Neuroradiology. grading of severity of lumbar spinal stenosis based
Spine 2001:26; E93-E113. on the morphology of the dural sac on magnetic
6. Wiltse IL, Berger PE, Mc Culloch JA. A system for resonance images. Spine 2010;35(21):1919–24.
reporting the size and the location of lesions in the 16. Suri A, Chabbra RP, Mehta VS, et al. Effect of intra-
spine. Spine 1997;22:1534–7. medullary signal changes on the surgical outcome of
7. Glickstein MF, Burke L, Kressel HY. Magnetic patients with cervical spondylotic myelopathy. Spine
resonance demonstration of hyperintense herniated J 2003;3(1):33–45.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 5
L’électroneuromyogramme
Christophe Perruchoud

L’électroneuromyogramme (ENMG) est un site de stimulation en un point plus proximal du


examen fonctionnel du système nerveux péri- trajet nerveux permet d’étudier spécifiquement
phérique. Les indications à un ENMG incluent : l’état de la conduction dans le segment nerveux
la recherche d’une compression d’un nerf péri- correspondant. L’amplitude est normalement
phérique (nerf médian dans sa traversée du canal identique, mais la latence est plus longue. Le
carpien) ou d’une racine nerveuse (sciatalgie, cer- temps de propagation (latence) du courant élec-
vicobrachialgie), l’évaluation d’une atteinte plus trique et la mesure de la distance entre les points
diffuse (polyneuropathie ou polyradiculoneuropa- de stimulation et de réception permettent de cal-
thie), le bilan d’une faiblesse musculaire d’origine culer la vitesse de conduction nerveuse. La vitesse
musculaire (myopathie) ou de la jonction neuro- de conduction motrice est d’environ 50 à 60 m/s
musculaire (syndrome myasthénique). L’ENMG aux membres supérieurs et de 45 à 55 m/s aux
comprend l’étude des vitesses de conduction des membres inférieurs. Une diminution de la vitesse
fibres sensitives et motrices (stimulodétection de de conduction motrice segmentaire peut être due
surface), l’épreuve de stimulation répétitive et au ralentissement de la conduction par démyélini-
l’électromyogramme (EMG) [1]. sation (vitesse de l’ordre de 10 à 35 m/s) ou par
dégénérescence axonale (vitesse de l’ordre de 35
à 40 m/s) des fibres rapides du nerf.
Conduction motrice Les structures nerveuses proximales (plexus
ou racines) sont difficilement accessibles à la sti-
C’est l’enregistrement de l’activité d’un muscle mulation directe et sont évaluées par l’étude des
par des électrodes de surface et stimulation du réponses motrices tardives (réflexe H et onde F),
nerf afférent en plusieurs points, de l’extrémité qui transitent par la moelle épinière avant
distale vers la partie proximale du nerf. Dans la d’atteindre le muscle. Le réflexe H (ou réflexe
partie distale, la réponse motrice provoquée par d’Hoffmann) atteint la moelle par les fibres ner-
la stimulation électrique est de faible latence (3-4 veuses proprioceptives suite à l’activation réflexe
ms) et de bonne amplitude (7 à 15 millivolts). des motoneurones du muscle stimulé [2]. Il che-
L’amplitude est proportionnelle au nombre mine ensuite dans les fibres nerveuses motrices
de fibres nerveuses fonctionnelles dans le nerf. sur la totalité de leur longueur jusqu’au muscle.
Une diminution de l’amplitude distale peut être L’onde F correspond à l’activation antidromique
le reflet d’une atteinte du nerf entre les points de d’une partie des fibres motrices du muscle consi-
stimulation et d’enregistrement, ou d’une atteinte déré qui parvient à la moelle épinière puis revient
plus proximale ou plus diffuse, avec une dégéné- au muscle par le trajet orthodromique [3]. La
rescence axonale de la partie distale. Un allon- mesure de latence de ces réponses tardives
gement de la latence distale signe en général un permet de calculer des vitesses de conduction
processus de démyélinisation. Le déplacement du proximales.

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
56 BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE
Évaluation de la douleur BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
examens complémentaires

Conduction sensitive réponses enregistrées doit rester constante. Une


variation supérieure à 10 % traduit une anoma-
Ici, les mesures sont réalisées selon les mêmes lie au niveau de la jonction neuromusculaire
principes que pour la conduction motrice, mais sur (myasthénie ou syndrome de Lambert-Eaton, par
un nerf purement sensitif. En situation normale, exemple) [4].
l’amplitude du potentiel sensitif est de l’ordre de
10-30 microvolts et la vitesse de conduction sen-
sitive de 50 m/s. Une diminution de l’amplitude Électromyogramme
est généralement le reflet de la diminution du
nombre des fibres nerveuses sensitives fonction- L’électromyogramme étudie l’activité électrique
nelles provoquée par des lésions axonales. L’abais- des fibres musculaires à l’aide d’une aiguille-élec-
sement de la vitesse de conduction correspond trode insérée dans le muscle (figure 5.1). Aucune
à un ralentissement de la conduction due à une activité électrique n’est normalement enregistrée
démyélinisation. au repos.
La présence de potentiels de fibrillation ou
de potentiels lents signe une hyperexcitabilité
Épreuve de stimulation des fibres musculaires, en présence de dénerva-
répétitive tion (délai d’apparition de 2 à 3 semaines) ou
de myosite. Les salves myotoniques (bouffées
Cette épreuve enregistre la réponse d’un muscle à de potentiels) traduisent un trouble de l’excita-
la stimulation électrique répétée (10 stimulations bilité de la membrane des fibres musculaires, le
identiques délivrées à la fréquence de 3 Hz) d’un plus souvent secondaire à une dysfonction des
point distal d’un nerf moteur. L’amplitude des canaux ioniques membranaires. Les réponses

Figure 5.1. EMG d’un patient présentant des signes de dénervation aiguë au niveau du muscle fléchisseur du gros
orteil secondaire (d.) à une hernie discale irritative L5-S1 droite et une dénervation de la musculature paravertébrale
(c.) dans un contexte postopératoire (deux cures de hernie discale).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Chapitre 5. L’électroneuromyogramme 57

musculaires suite à une contraction volontaire Références


sont ensuite enregistrées. Les potentiels d’unité 1. Kimura J. Electrodiagnosis in disease of nerve and
motrice peuvent diminuer en nombre (tracé muscle: principles and practice. Oxford University
pauvre en cas d’atteinte neurogène) et en taille Press; 2001.
(réduction du nombre de fibres musculaires 2. Burke D. Clinical uses of H reflexes of upper and
fonctionnelles par unité motrice en cas d’atteinte lower limb muscles. Clinical Neurophysiology Prac-
tice 2016;1:9–17.
myogène), ou au contraire, augmenter en nom-
3. Wang FC, Massart N, Kaux JF, Bouquiaux O.
bre (recrutement excessif pour la force dévelop- F-waves. Rev Neurol 2011 Dec;167(12):938–44.
pée en cas d’inefficacité mécanique des fibres 4. Whittaker RG. Testing the neuromuscular junction:
musculaires activées lors d’atteinte myogène) et what neurophysiology can offer the neurologist.
en taille (augmentation du nombre de fibres Pract Neurol 2011;11:303–17.
musculaires fonctionnelles par unité motrice, 5. Bromberg MB. An Electrodiagnostic Approach to
the Evaluation of Peripheral Neuropathies Physical
signe direct de réinnervation collatérale et signe Medicine and Rehabilitation Clinics of North Ame-
indirect d’atteinte neurogène) [5]. rica 2013;24(1):153–68.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 6
Céphalées et algies de la face
Dragana Viceic

Les céphalées constituent un motif fréquent de • d’identifier les facteurs qui déclenchent et
consultation, aussi bien aux urgences qu’au cabi- influencent les céphalées du patient ;
net du médecin de famille. Il est primordial de • de reconstituer l’historique des traitements, des
distinguer les céphalées primaires sans cause sous- dosages utilisés, de leur efficacité et de leurs
jacente clairement définie des céphalées secon- effets secondaires ;
daires, dont l’origine peut engager le pronostic • d’évaluer la qualité de sommeil, l’activité phy-
vital, par exemple les céphalées sur rupture d’ané- sique, les habitudes et l’environnement socio-
vrysme. La distinction entre céphalées primaires professionnel.
et secondaires n’est pas toujours évidente et Une attention particulière est portée à l’état
requiert parfois l’avis spécialisé d’un neurologue. psychique du patient, à d’éventuels antécédents
La migraine et la céphalée de tension font partie psychiatriques, à des expériences traumatiques,
des céphalées primaires les plus fréquentes. La à son attitude vis-à-vis de la maladie et à ses
céphalée de tension par rapport à la migraine est attentes. Un examen clinique minutieux permettra
de loin la plus fréquente dans la population géné- d’aiguiller le diagnostic. En l’absence d’éléments
rale. Dans la majorité des cas, les céphalées de ten- concrets en faveur de céphalées secondaires, le
sion sont peu invalidantes et répondent bien aux praticien proposera différents traitements, s’effor-
traitements antalgiques simples. Les migraines, en cera d’impliquer activement le patient dans le
revanche, représentent le motif de consultation choix du traitement. Il l’encouragera à en docu-
le plus courant au cabinet médical. Du fait de menter l’efficacité et organisera un suivi régulier.
leur prévalence élevée, ces deux affections ont un
impact socioéconomique important. Elles engen-
drent des coûts financiers élevés, en termes de Migraine (ICHD-3
prise en charge et par l’absentéisme qu’elles génè- bêta 1.0 Migraine)
rent. De plus, elles altèrent souvent la qualité
de vie des patients, perturbent les relations et Dans la population, quatre femmes et deux
les interactions avec l’entourage familial, social hommes sur 10 vont souffrir de migraine au
et professionnel. Une prise en charge précoce, cours de leur existence [2]. Dans l’étude sur
adéquate et individualisée est primordiale pour les dépenses mondiales de morbidité («Global
un bon pronostic et pour éviter une évolution en Burden of Disease Study ») mise à jour en 2013,
céphalées chroniques réfractaires aux traitements. la migraine occupe la 3e position des affections
La prise en charge commence par une anamnèse les plus répandues au monde et la 1re place
sémiologique destinée à caractériser les céphalées des atteintes neurologiques. Elle représente la
sur la base des critères diagnostiques validés par 6e cause d’invalidité dans le monde. Les coûts
les experts internationaux publiés dans la classifi- engendrés par la migraine dépassent largement
cation ICHD-3 bêta (International Classification les dépenses occasionnées par l’ensemble des
of Headache Disorders, 3e édition, version bêta) en autres maladies neurologiques, y compris les acci-
2013 [1]. Il importe également : dents vasculaires cérébraux, la sclérose en plaques

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
62 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

et la maladie de Parkinson. Du point de vue Tableau 6.2. Critères diagnostiques de la migraine


physiopathologique, la migraine peut être définie avec aura typique (ICHD-3 bêta : 1.2.1).
comme un trouble d’excitabilité du cerveau et un A. Au moins deux crises répondant aux critères B et D
dérèglement des voies sensitives. Les modifica- B. Aura comprenant des troubles visuels et/ou sensitifs et/ou
tions vasculaires considérées dans le passé comme dysphasiques, tous entièrement régressifs, mais sans déficit
étant à l’origine de la douleur migraineuse se sont moteur et sans symptômes du tronc cérébral ou rétiniens
avérées n’être qu’un épiphénomène. C. Présence d’au moins deux des quatre critères suivants :
1. au moins un des symptômes de l’aura se développe
progressivement en 5 min et/ou un ou plusieurs
symptômes se succèdent
Critères diagnostiques 2. chaque symptôme individuel d’aura dure 5-60 min
3. au moins un symptôme de l’aura est unilatéral
Il existe deux grands sous-types de migraines, 4. l’aura est accompagnée ou suivie dans les 60 min
avec et sans aura. Dans 20 % des cas, la migraine par une céphalée
est associée à une aura, c’est-à-dire à des troubles D. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3,
neurologiques focaux transitoires qui précèdent après exclusion d’un accident ischémique transitoire
généralement et accompagnent parfois la cépha-
lée. Les critères ICHD-3 bêta des migraines avec
et sans aura sont résumés dans les tableaux 6.1 peut disparaître complètement avant le début
et 6.2 [1]. Si aucun des quatre critères A, B, C d’une crise migraineuse. Cette phase comprend
ou D n’est rempli, il s’agit d’une « migraine sans différents symptômes : hyper- ou hypoactivité,
aura probable ». irritabilité, dépression, fringales, bâillement exces-
L’aura peut être visuelle (90 % des cas), sensi- sif, fatigue et rigidité de la nuque.
tive ou aphasique (rare). L’aura qui comprend des Lorsqu’une migraine dure plus de 15 jours par
troubles moteurs est classée dans les « migraines mois pendant plus de 3 mois, ou que les céphalées
hémiplégiques ». Ce type de migraine, ainsi que la présentent des caractéristiques migraineuses pen-
« migraine avec aura du tronc cérébral » (ancien- dant au moins 8 jours par mois, la migraine appar-
nement « migraine basilaire) et la « migraine tient à la classe des « migraines chroniques ».
rétinienne » sont des sous-types de migraine plus
rares qui ne seront pas traités ici.
La migraine est parfois précédée d’une phase Traitement
prémonitoire de quelques heures ou jours qui
Le traitement de la crise migraineuse a pour but
de faire disparaître la céphalée dans un délai de
Tableau 6.1. Critères diagnostiques de la migraine 2 h et de couper l’apparition d’une nouvelle
sans aura (ICHD-3 bêta : 1.1). crise dans les 24 h [3]. Il est essentiel que le
A. Au moins cinq crises répondant aux critères B-D traitement spécifique soit pris dès l’apparition des
B. Crises de céphalées d’une durée de 4 à 72 heures premiers symptômes. En effet, la prise précoce
(sans traitement) du traitement, c’est-à-dire dans l’heure qui suit le
C. Céphalée possédant au moins deux des quatre caractéristiques début de la crise, augmente son efficacité et peut
suivantes : diminuer la durée de la crise migraineuse.
1. localisation unilatérale On ne peut présager de la réponse du patient au
2. caractère pulsatile
3. intensité modérée ou sévère
traitement et en cas d’échec, d’autres traitements
4. aggravation par les activités physiques de routine (montée peuvent être proposés. Le dosage et la formule
ou descente d’escaliers) médicamenteuse doivent être adaptés à chaque
D. Présence pendant la céphalée d’au moins un des caractères patient en fonction des symptômes associés. En
suivants : présence de nausées et de vomissements, il est
1. nausées et/ou vomissements préférable d’utiliser les injections sous-cutanées
2. photophobie et phonophobie
ou le spray nasal. Idéalement, le traitement de
E. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3
la crise devrait être limité à 2 jours par semaine

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 6. Céphalées MEDICALE
et algies de la face 63

afin d’éviter l’apparition de céphalées par sur- de l’ergot. Ils sont administrés en spray nasal (une
consommation de médicaments. Inducteurs de nébulisation de 0,5 mg dans chaque narine, à
céphalées iatrogènes, les opioïdes, peu efficaces, répéter après 15 min, maximum 2 mg/j) ou en
ne devraient jamais être administrés lors de crise intraveineux (0,5 à 1 mg, à répéter après 1 h, max
migraineuse. 3 mg/j).
Les agents thérapeutiques spécifiques de la crise
migraineuse sont les triptans (tableau 6.3) [2–4].
Bien que l’injection sous-cutanée de sumatriptan Quelle attitude en cas d’échec
(6 mg) soit la plus efficace, les patients préfèrent de traitement aux triptans ?
généralement les formes orales aux injections
L’absence de réponse à une première prise de trip-
ou aux sprays. La comparaison entre les formes
tans ne doit pas être nécessairement considérée
orales des différents triptans ne montre pas de
comme un échec. Il est en effet recommandé de
différence importante, en dehors du frovatriptan,
tester le même triptan au moins trois fois de suite
qui s’avère moins efficace, mais de plus longue
avant de conclure à son inefficacité.
durée d’action. Les triptans agissent généralement
En cas d’échec de traitement, il existe plusieurs
en 20 à 60 min. La prise peut être répétée 2 à 4 h
options : augmenter la dose, changer de formu-
plus tard. On peut les combiner avec des AINS ou
lation, associer un traitement adjuvant (par exem-
des antiémétiques. Leur prescription est contre-
ple, les AINS, max. 15 doses/mois), instaurer un
indiquée chez les patients vasculaires, coronariens,
traitement de fond. Il importe de rechercher des
hypertendus chroniques mal contrôlés ou présen-
céphalées tensionnelles, de répéter l’anamnèse à la
tant des antécédents d’AVC.
recherche de substances provoquant des céphalées
L’effet des dérivés de l’ergot est moins spé-
(médicaments, café, antalgiques, etc.).
cifique que celui les triptans dans le traitement
de la crise migraineuse. Responsables d’effets
secondaires plus importants, ils sont actuelle- Traitement de fond
ment moins utilisés. Certains patients les trouvent
néanmoins plus efficaces que les triptans. Les Le traitement de fond a pour but de diminuer la
maladies vasculaires, l’hypertension, l’insuffisance fréquence, la durée et la sévérité des crises migrai-
rénale, l’insuffisance hépatique et la grossesse sont neuses, de potentialiser la réponse au traitement
des contre-indications à la prescription des dérivés des crises [4]. Il permet de limiter la souffrance,

Tableau 6.3. Les triptans.


Médicaments Formes/dosages Demi-vie (h) Dose journalière max.
Almotriptan 12,5 mg (cp.) 3à4 25 mg
Elétriptan 20 mg et 40 mg (cp.) 4 80 mg
Rizatriptan 5 mg et 10 mg (cp.) 2à3 20 mg
5 mg et 10 mg (cp. linguaux)
Sumatriptan 50 mg (cp.) 3 200 mg oral
10 mg et 20 mg (spray nasal) 40 mg intranasal
6 mg/0,5 ml (sol. inj.) 12 mg sous-cutané
Naratriptan 2,5 mg (cp.) 6 5 mg
Zolmitriptan 2,5 mg (cp.) 3 10 mg
2,5 mg (cp. orodispersible)
2,5 mg et 5 mg (spray nasal)
Frovatriptan 2,5 mg (cp.) 26 5 mg

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


64 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

le handicap, la progression de la maladie et sa des doses de 25 mg et titrer l’augmentation des


chronicisation. Une étude récente a montré que doses (25 mg/semaine) en fonction de l’effica-
la prescription d’un traitement de fond pour les cité du médicament et de ses effets secondaires.
migraines est sous-utilisée alors que 40 % des L’apparition transitoire de paresthésies au niveau
patients migraineux pourraient en bénéficier. des extrémités, des modifications du goût, le
Les indications au traitement de fond sont ralentissement des fonctions cognitives, inquiè-
les suivantes : quatre crises ou plus par mois, tent souvent les patients en début de traitement.
une interférence importante des céphalées avec Ces symptômes s’amenuisent ou disparaissent par
les activités quotidiennes, un traitement de crise la suite. En ce qui concerne la grossesse, ce traite-
inefficace, contre-indiqué ou surutilisé, des effets ment a été récemment reclassifié dans la catégorie
secondaires importants du traitement de crise, le D en raison du risque du bec-de-lièvre. Une
désir du patient d’entreprendre un traitement de myopie aiguë et un glaucome secondaire aigu par
fond ou encore des circonstances particulières, fermeture de l’angle sont des complications rares,
enfants, personnes âgées, femmes enceintes [3]. mais potentiellement sévères.
Le choix du traitement de fond est fonction des Les bêtabloquants, propranolol et métoprolol,
comorbidités et des préférences du patient. Par ont longtemps été considérés comme un traite-
principe, le traitement de fond débute avec les ment préventif de première ligne. Néanmoins,
plus faibles doses qu’on augmente très lentement on trouve quelques séries de cas d’AVC chez des
pour éviter les effets secondaires, afin d’éva- patients migraineux avec aura traités par bêta-
luer l’efficacité de la prescription. Le traitement bloquants. En raison du risque de prise de poids
devrait être poursuivi pendant 2-3 mois au mini- et de diabète de type II, la prescription de bêta-
mum avant d’être modifié. L’arrêt progressif du bloquants exige des précautions chez les patients
traitement de fond peut être envisagé lorsque les en surpoids, chez les patients diabétiques ou dont
céphalées sont bien contrôlées pendant 6 mois. l’anamnèse familiale est positive, ou encore chez
La valeur des différents traitements de fond les patients souffrant de migraines avec aura [3].
a été récemment mise à jour : les médicaments L’amitriptyline est l’antidépresseur le plus sou-
les plus efficaces (niveau A) sont le valproate de vent utilisé. Des doses faibles (10 à 25 mg)
sodium, le topiramate, le métoprolol et le pro- sont parfois suffisantes. L’amitriptyline est indi-
pranolol [2]. quée chez les patients présentant également des
Les antiépileptiques valproate de sodium et troubles du sommeil. L’apparition d’une sédation
topiramate sont utilisés à doses plus faibles ou matinale peut être évitée par une prescription en
comparables à celles utilisées dans le traitement de fin d’après-midi.
l’épilepsie. Le valproate de sodium doit être évité
chez les femmes en âge de procréer, car il peut
provoquer des malformations fœtales. Il présente
Céphalée de tension
de nombreux effets secondaires : nausées, prise de (ICHD-3 bêta 2.0
poids, tremblements, alopécie, encéphalopathie, Céphalée de tension)
élévation des enzymes hépatiques, hépatite, pan-
créatite et agranulocytose, qui nécessitent des Dans la population générale, la prévalence de
contrôles (tests hépatiques, formule sanguine). la céphalée tensionnelle au cours de la vie varie
Malgré cela, le valproate de sodium est un trai- entre 30 % et 78 %. L’impact socioéconomique
tement efficace dans la prévention de la migraine de cette céphalée primaire est très élevé. Le méca-
et pourrait être utilisé en présence d’un trouble nisme exact de la céphalée de tension n’est pas
bipolaire associé. encore élucidé. On attribue les formes épisodiques
Le topiramate à des doses de 100 à 200 mg/j est à des mécanismes périphériques de la douleur
fréquemment utilisé comme traitement préventif alors que des mécanismes centraux semblent jouer
des migraines. Il faut néanmoins commencer avec un rôle primordial dans les formes chroniques.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 6. Céphalées MEDICALE
et algies de la face 65

Tableau 6.4. Signaux d’alarme (« red flags ») Tableau 6.5. Critères diagnostiques de la céphalée
pour les céphalées secondaires. de tension épisodique fréquente (ICDH-3 bêta : 2.2)

Âge < 5 ans et > 50 ans A. Au moins 10 épisodes de céphalées survenant de 1 à 14 jours
par mois en moyenne, sur une durée > 3 mois (≥ 12 et < 180
Céphalée nouvelle ou décrite comme « la pire douleur jamais
jours/an) et remplissant les critères B-D
ressentie »
B. Céphalée se prolongeant de 30 min à 7 jours
Existence d’une néoplasie sous-jacente, d’une hypertension
artérielle, d’un VIH, d’une maladie de système, d’un traitement C. Céphalée possédant au moins deux sur quatre caractéristiques
immunosuppresseur suivantes :
1. localisation bilatérale
Céphalée récente et d’installation rapidement progressive
2. qualité sous forme de pression ou de serrement
Céphalée récente et d’installation brusque (non pulsatile)
Céphalée inhabituelle chez un patient connu pour céphalées 3. intensité légère ou modérée
4. absence d’aggravation lors des activités physiques
Présence de signes neurologiques de routine
Céphalée d’effort, provoquée par une manœuvre de Valsalva, D. Les deux critères suivants :
des rapports sexuels 1. absence de nausées et de vomissements
Présence de signes généraux (fièvre, vitesse de sédimentation 2. un seul des deux signes suivants : photophobie
augmentée) ou phonophobie
Céphalée secondaire à un accouchement, un traumatisme E. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3
crânien, une ponction durale
Céphalée avec syncope ou crise d’épilepsie

souvent dans le courant de la journée, la céphalée


De nombreux facteurs favorisent la survenue de tension a tendance à s’aggraver le soir.
d’une céphalée de tension, les plus fréquents Les céphalées sont classées par fréquence : épiso-
étant la surcharge physique et psychique. La dique rare (< 1 jour/mois), épisodique fréquente
faim, la déshydratation, les troubles du sommeil, (1-14 jours/mois), chronique (≥ 15 jours/mois).
la surconsommation ou le sevrage en caféine, les La forme épisodique rare, qui touche presque
perturbations hormonales et les troubles mens- toute la population, a très peu d’impact sur la
truels sont autant de facteurs déclenchants [3]. personne, se résout spontanément ou avec des
La présence de signaux d’alarme (« red flags ») antalgiques simples et ne motive généralement
impose des investigations complémentaires afin pas de consultation médicale.
d’exclure des céphalées secondaires (tableau 6.4). À l’examen clinique, le signe pathologique le
La céphalée de tension est fréquemment asso- plus fréquent est une augmentation de la sensi-
ciée à d’autres pathologies, comme la dépression bilité des muscles ou des insertions tendineuses
majeure, le trouble panique, l’anxiété généralisée, péricrâniennes à la palpation manuelle [1]. La
les affections de l’articulation temporomandibu- palpation s’effectue par pression ferme et petits
laire et la spondylarthrose cervicale. mouvements rotatoires de 4-5 secondes sur les
8 paires de muscles et d’insertions tendineuses :
Critères diagnostiques muscles frontal, temporal, masséter, ptérygoïde
latéral, sterno-cléido-mastoïdien, insertion du
Les caractéristiques de la céphalée de tension sont muscle occipital et processus mastoïdien. La sen-
moins spécifiques que celle de la migraine. Elle sibilité du patient est cotée de 0 à 4 :
est définie par une céphalée en barre, bilatérale, • 0 = aucune réaction visible ou verbale ;
une pression d’intensité légère à modérée, non • 1 = minime réaction visible, absence de réaction
aggravée par l’activité physique (tableau 6.5) [1]. verbale à l’inconfort ;
La présence de nausées n’est pas significative, les • 2 = réaction visible et verbale à l’inconfort ;
vomissements, la photo-, la phono- et l’osmopho- • 3 = grimace marquée, retrait et réaction verbale
bie sont rarement présentes. Apparaissant le plus à une forte douleur.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


66 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Traitement L’attitude du patient influence considérable-


ment le pronostic. Pour cette raison, il est essen-
La prise en charge de la céphalée de tension inclut tiel d’évaluer dès le départ son état psychique, de
des modifications du style de vie, des mesures rechercher des signes d’anxiété ou de dépression,
physiques et un traitement pharmacologique. d’apprécier sa confiance en soi et sa motivation. Il
Le traitement pharmacologique est réservé aux est primordial d’impliquer le patient activement
épisodes aigus. Il comprend des analgésiques dans toutes les prises de décision thérapeutiques.
simples, des AINS ou une combinaison des deux. Il importe d’inspirer une attitude proactive afin
La durée du traitement ne devrait pas dépasser d’écarter les réflexes d’impuissance et de catastro-
2-3 jours/semaine afin d’éviter la survenue des phisme (« je ne vais jamais aller mieux », « aucun
céphalées par surconsommation de médicaments traitement ne peut m’aider », « je vais perdre mon
et la chronicisation. travail », « mon mari va me quitter »). Il a été
Parmi les AINS, l’ibuprofène et le naproxène démontré que le patient qui contrôle sa douleur
sont les traitements de première ligne en raison présente moins d’anxiété, de dépression et de
de leur meilleure tolérance gastro-intestinale [3]. handicap que le patient qui subit la douleur. Il
En cas d’échec des analgésiques simples ou des est donc extrêmement important d’encourager
AINS, l’adjonction de 130 à 200 mg de caféine le patient et de le convaincre qu’il est capable de
améliore significativement l’efficacité des sim- dominer sa douleur. Il convient par conséquent
ples analgésiques et des AINS. Les triptans et de prendre le temps de lui exposer les mécanismes
les relaxants musculaires ne sont pas efficaces à l’origine des céphalées, de lui présenter tous les
dans le traitement de la céphalée de tension traitements possibles et de l’aider à choisir celui
épisodique. Les opiacés ne sont ni efficaces ni qui lui conviendra le mieux.
recommandés en raison de leurs effets secondaires Certaines approches psychologiques se sont
(dépendance, céphalées par surconsommation des avérées efficaces dans la prise en charge des
médicaments). céphalées : thérapie cognitivocomportementale,
Un traitement de fond est indiqué lorsque les thérapie d’acceptation et d’engagement, rétro-
céphalées sont présentes plus de 2 à 3 jours par contrôle biologique (qui consiste à contrôler les
semaine, lorsque la fréquence et la sévérité des fonctions du corps généralement gérées par le
crises augmentent, en présence d’effets secon- subconscient), méthodes d’autorelaxation ou de
daires ou de baisse d’efficacité des traitements en méditation.
cours. Comme pour les migraines, il est recom- Le manque d’activité physique et la sédentarité
mandé de commencer par de très petites doses sont associés à une plus grande prévalence des
jusqu’à obtention de l’effet optimal. Un sevrage céphalées. Une étude récente a démontré que les
progressif n’est envisagé qu’après 6 à 12 mois de résultats obtenus avec 40 minutes d’aérobic 3 x/
traitement. Les traitements les plus efficaces sont semaine étaient comparables à ceux d’un traitement
les antidépresseurs et les anticonvulsivants, avec de topiramate et aux séances de relaxations. Les
l’amitriptyline en tête de file. tensions musculaires au niveau de la nuque peuvent
provoquer ou aggraver les céphalées. Les exercices
Prise en charge et traitements isométriques, à effectuer plusieurs fois par jour, ren-
non médicamenteux forcent la musculature et diminuent les douleurs.
Il s’agit d’exercer, pendant 10 à 15 secondes, une
Le succès de la prise en charge de la migraine et pression de la main au niveau des tempes de chaque
de la céphalée tensionnelle est en grande partie lié côté de la tête, puis sur le front et l’occiput tout en
à la mise en place concomitante de mesures non maintenant la tête en position neutre [3].
médicamenteuses [2-4]. Une information insuffi- L’alimentation joue également un rôle dans la
sante concernant la maladie, la passivité du patient prise en charge des céphalées. Les repas sautés ou
dans sa prise en charge et la réalisation d’inves- pris à des heures irrégulières, les repas riches en
tigations inutiles sont causes de chronicisation. glucides simples (hypoglycémie rebond), les repas

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 6. Céphalées MEDICALE
et algies de la face 67

riches en tyramines (chocolat, fromage) ou encore Afin d’optimiser la prise en charge et d’évaluer
la consommation d’alcool, d’aspartame ou de l’efficacité des traitements médicamenteux et non
nitrites peuvent entraîner des céphalées. Chez cer- médicamenteux, on recommande aux patients
tains patients, l’élimination du gluten (même en de tenir un agenda des crises, indiquant avec
l’absence de maladie cœliaque) peut contribuer précision les dates et heures, l’intensité et la
à diminuer la fréquence et la sévérité des crises. durée de la douleur, les facteurs déclenchants, les
Une grande consommation de caféine, connue médicaments et les moyens non médicamenteux
pour son effet analgésique comparable à celui utilisés pendant et hors des crises.
des opiacés, peut provoquer une tolérance et une
dépendance. Le sevrage de caféine peut aggraver
des céphalées. Encourager le patient à tenir un Céphalées
agenda de son alimentation afin d’identifier les trigémino-autonomiques
aliments induisant les céphalées s’avère très utile. (ICHD-3 bêta : 3.0 Céphalées
Le déficit en magnésium semble contribuer à trigémino-autonomiques)
l’apparition de céphalées. Le dosage du magné-
sium sérique est un faible reflet des réserves
Les céphalées trigémino-autonomiques (CTA)
de magnésium dans le cerveau. La présence de
sont des céphalées primaires responsables de
symptômes (contractions musculaires, crampes au
crises unilatérales sévères, décrites parfois comme
niveau des pieds et des mollets, fatigue, extrémités
atroces. Elles résultent de l’activation simultanée
froides, intolérance au froid, insomnie, palpita-
des voies nociceptives trigéminovasculaires et du
tions, syndrome prémenstruel) est le meilleur
système nerveux autonome intracrânien.
témoin d’un éventuel déficit en magnésium.
Les CTA sont prioritairement localisées dans
L’administration de 400 mg/j de magnésium
la région périorbitaire (dans le territoire V1).
pendant 1 mois est considérée comme poten-
Elles sont associées à des signes dysautonomiques
tiellement bénéfique.
latéralisés, ipsilatéraux à la céphalée. Elles sont
Les déficits en cofacteurs mitochondriaux, la
classées en fonction de leur fréquence et de leur
coenzyme Q10 et la vitamine B2 (riboflavine) ont
durée. La distinction des différents types de CTA
un effet délétère dans le cadre des céphalées. Une
est importante, car les traitements diffèrent.
substitution en coenzyme Q10 (100 mg 3 x/j
Font partie des CTA l’algie vasculaire de la face,
pendant 1 mois) et en riboflavine (400 mg/j pen-
l’hémicrânie paroxystique, les céphalées névralgi-
dant 3 mois) est efficace pour diminuer l’intensité
formes unilatérales de courte durée (« SUNHA-
et la fréquence des céphalées. Insomnie et dys-
Short-lasting unilateral neuralgiform headache
pepsie font partie des effets secondaires.
attacks ») et l’hémicrânie continue. L’hémicrânie
Certaines plantes telles que la pétasite (Petasites
continue, initialement classée dans le chapitre
hypridus) et la grande camomille (Tanacetum
ICHD-2 des autres céphalées primaires, vient
parthenium) se sont révélées efficaces dans la pré-
d’être intégrée dans le groupe des CTA [1].
vention des migraines. Ainsi, une étude récente
conclut que l’administration d’extrait de pétasite
officinale (75 mg 2 x/j) réduit de 48 % le nombre Critères diagnostiques
de crises de migraine chez les patients qui subis-
saient au moins deux à six crises par mois. Ce Les critères diagnostiques de l’algie vasculaire de la
traitement a obtenu un niveau d’efficacité A dans face se trouvent dans le tableau 6.6. Il s’agit de
les récentes recommandations pour la prévention la CTA la plus fréquente. Sa prévalence est 1/1
des migraines. La grande camomille est générale- 000 avec une nette prépondérance masculine
ment administrée sous forme de capsules dans la (3-4 hommes : 1 femme). Le début des crises
prévention des migraines. D’autres formulations se situe entre 20-40 ans. Les crises apparaissent
existent, qui contiennent des concentrations dif- par périodes (semaines ou mois), séparées par
férentes de l’ingrédient actif (parthénolide). des intervalles de rémission de plusieurs mois

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


68 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Tableau 6.6. Critères diagnostiques de l’algie vasculaire Tableau 6.7. Critères diagnostiques de l’hémicrânie
de la face (ICHD-3 bêta : 3.1). continue (ICHD-3 bêta : 3.4).
A. Au moins cinq crises remplissant les critères B-D A. Céphalée unilatérale remplissant les critères B-D
B. Douleur unilatérale, sévère ou très sévère, orbitaire, B. Présente depuis > 3 mois, avec des exacerbations d’intensité
supraorbitaire et/ou temporale, d’une durée de 15 à 180 minutes modérée ou sévère
en l’absence de traitement
C. Présence d’un ou des deux éléments suivants :
C. Présence d’un ou des deux éléments suivants : 1. La crise est associée à au moins un des symptômes
1. La crise est associée à au moins un des symptômes ou signes suivants du côté ipsilatéral à la céphalée :
ou signes suivants du côté de la céphalée : a) injection conjonctivale et/ou larmoiement
a) injection conjonctivale et/ou larmoiement b) congestion nasale et/ou rhinorrhée
b) congestion nasale et/ou rhinorrhée c) œdème de la paupière
c) œdème de la paupière d) sudation du front et de la face
d) sudation du front et de la face e) rougeur du front et de la face
e) rougeur du front et de la face f) sensation de la plénitude dans l’oreille
f) sensation de la plénitude dans l’oreille g) myosis et/ou ptosis
g) myosis et/ou ptosis 2. Impatience ou agitation motrice, ou aggravation de la
2. Impatience ou agitation motrice douleur par les mouvements
D. Fréquence de une à huit crises/jour D. Réponse complète aux doses thérapeutiques d’indométacine
E. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3 E. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3

à années. Les algies vasculaires de la face sont derrière l’oreille. Certains symptômes migraineux
caractérisées par une rythmicité circadienne et comme la photo- et la phonophobie sont pré-
circannuelle. La forme chronique, qui se carac- sents, mais seulement du côté de la douleur et des
térise par l’absence de période de rémission, est signes dysautonomiques.
plus rare, ne touchant que 10-15 % des patients ; Les hémicrânies paroxystiques représentent
25 % des patients présentent une crise unique. La environ 3 à 6 % des CTA. Leur prévalence est esti-
douleur est localisée dans les régions périorbitaire mée à 1/50 000 avec une légère prédominance
(92 %), supraorbitaire et temporale (70 %) ou féminine. Elles apparaissent vers l’âge moyen de
touche plusieurs de ces territoires. L’intensité des 40 ans. Les crises sont plus courtes que dans les
douleurs est qualifiée « d’atroce ». Il s’agit en effet algies vasculaires de la face, mais elles sont plus
des céphalées primaires les plus douloureuses. Le fréquentes (> 5 x/j). Les symptômes dysautono-
comportement des patients pendant les crises per- miques associés sont moins sévères (tableau 6.8).
met de distinguer l’algie vasculaire de la migraine :
les patients sont très agités et incapables de rester
couchés tranquillement. Les facteurs déclenchants Traitement
sont l’alcool, l’histamine, la nitroglycérine, une
odeur désagréable ou la sieste [3]. Comme les CTA sont très intenses, leur traite-
Les hémicrânies continues, plus rares que les ment doit être rapide et efficace [2]. Il comprend
algies vasculaires, se manifestent également entre le traitement de la crise, un traitement de fond
20 à 40 ans, mais touchent plus fréquemment les et, dans le cas d’algies vasculaires de la face, un
femmes (3 F :1 H). Les crises sont plus courtes traitement de transition [2]. Le traitement aigu
(tableau 6.7), mais plus fréquentes. Les symp- vise à soulager le patient en moins de 15 min
tômes dysautonomiques sont moins sévères que et à obtenir une rémission rapide au moyen des
dans les algies vasculaires de la face. La douleur traitements de fond et de transition. Le traitement
est sévère, « atroce », décrite comme un « coup de transition est prolongé jusqu’à ce que le trai-
de poignard ». Contrairement à la pathologie tement de fond devienne efficace, ce qui nécessite
précédente, le patient préfère rester immobile. parfois plusieurs semaines de titration progressive.
La douleur maximale se situe dans la région Dans les algies vasculaires de la face, le traite-
oculotemporale, au niveau du front, au-dessus et ment oral est déconseillé parce que trop lent. Sont

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 6. Céphalées MEDICALE
et algies de la face 69

Tableau 6.8. Critères diagnostiques de l’hémicrânie


paroxystique (ICHD-3 bêta : 3.2).
Céphalées
par surconsommation
A. Au moins 20 crises remplissant les critères B-E
B. Crises de douleur sévère unilatérale orbitaire, supraorbitaire
de médicaments (ICHD-3
ou temporale, d’une durée de 2 à 30 min bêta : 8.2 Céphalées
C. La céphalée est accompagnée par au moins un des signes par surconsommation
suivants du côté ipsilatéral à la céphalée : de médicaments)
1. injection conjonctivale et/ou larmoiement
2. congestion nasale et/ou rhinorrhée
3. œdème de la paupière Les céphalées dues à une surconsommation de
4. sudation du front et de la face médicaments sont appelées aussi « céphalées par
5. rougeur du front et de la face
abus médicamenteux » ou « céphalées médica-
6. sensation de la plénitude de l’oreille
7. myosis et/ou ptosis ipsilatéral menteuses ». L’auteur préfère le terme de « sur-
D. Les crises ont une fréquence supérieure à 5/j pendant
consommation » à celui « d’abus », qui peut
plus de la moitié du temps sous-entendre une perte de contrôle. Les cépha-
E. Les crises disparaissent complètement grâce à un traitement
lées par surconsommation de médicaments appar-
de fond avec des doses thérapeutiques d’indométacine tiennent au groupe des céphalées chroniques [5].
F. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3 Elles surviennent lors d’utilisation excessive d’une
substance médicamenteuse chez un sujet sensibi-
lisé. Le plus souvent, il s’agit des sujets souffrant
actuellement recommandés les injections sous- de céphalées épisodiques, de migraines (environ
cutanées de sumatriptan (6 mg, max 12 mg/j), 2/3 des cas) ou de céphalées de tension évoluant
le sumatriptan en spray nasal (20 mg) et le depuis 5 à 20 ans. Induites par une substance ou
zolmitriptan en spray nasal (5 mg) [2]. L’oxy- par le sevrage de cette substance, ces céphalées
gène 100 % administré au masque (et non aux sont des céphalées secondaires. Elles coexistent
lunettes !) à un débit de 10-15 l/min durant fréquemment avec les migraines chroniques,
15-20 min s’est également révélé efficace. Pour auquel cas le patient devrait en être informé. Bien
une meilleure efficacité, le patient doit adopter qu’il soit parfois difficile de distinguer les cépha-
la pose duPenseur de Rodin. D’autres types de lées par surconsommation de médicaments des
traitements semblent également efficaces, mais les migraines chroniques, l’approche thérapeutique
preuves de leur efficacité manquent. La transition est similaire.
entre la phase aiguë et le traitement de fonds est La prévalence des céphalées par surconsomma-
réalisée avec des injections suboccipitales ipsila- tion de médicaments varie entre 1 % à 2 % avec
térales du nerf grand occipital ou des stéroïdes une prépondérance féminine (3 F : 1 H) [5].
oraux [2]. Elles sont plus fréquentes chez les adultes autour
Le vérapamil est le médicament de première de la quarantaine et très rares chez les enfants, les
intention pour le traitement de fond. En cas adolescents et les personnes âgées. Elles sont sou-
d’échec, le lithium, le valproate, le topiramate, vent associées à des situations socioéconomiques
la mélatonine, la gabapentine ou l’indométacine défavorisées, à un index de masse corporelle élevé,
représentent des alternatives acceptables [2]. Le à des troubles du sommeil, au tabagisme, ainsi
traitement chirurgical reste réservé aux patients qu’à des comorbidités psychiatriques (dépression
réfractaires aux traitements médicamenteux. et anxiété).
L’indométhacine est le médicament de choix
(et une aide diagnostique) dans le traitement des
hémicrânies paroxystiques et continues. En cas Critères diagnostiques
d’intolérance à l’indométacine, les AINS, la méla-
tonine, la topiramate, la gabapentine ou encore Le diagnostic des céphalées par surconsomma-
les infiltrations du grand nerf occipital constituent tion de médicaments implique que c’est la subs-
des bons substituts [2]. tance médicamenteuse qui induit les céphalées.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


70 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Cette situation peut apparaître lorsqu’une Toute céphalée chronique doit faire l’objet
migraine épisodique évolue en migraine chronique d’une recherche systématique de surconsomma-
(2,5 %/an). Certains médicaments utilisés dans le tion médicamenteuse, au moyen d’un agenda des
traitement des crises migraineuses (opioïdes et céphalées établi par le patient.
analgésiques contenant les dérivés barbituriques)
peuvent augmenter le risque de chronicisation
d’une migraine épisodique. La recrudescence des Traitement
céphalées provoquées par la surconsommation
de médicaments incite le patient à consommer Le traitement a pour but un sevrage complet
encore plus de médicaments, ce qui crée un cer- du médicament incriminé, et par conséquent,
cle vicieux. En principe, toute substance utilisée la diminution de la fréquence et de la sévérité
dans le traitement des céphalées peut induire des des céphalées ainsi que le retour à des céphalées
céphalées par surconsommation. Le sevrage de la épisodiques. Le sevrage médicamenteux améliore
substance incriminée est associé à une diminution également la réponse aux traitements de crise et
de la fréquence et de l’intensité des céphalées. Les de fond. Après la phase aiguë de sevrage, l’objectif
rechutes dans la première année après le sevrage à long terme consiste à empêcher une rechute.
sont fréquentes (environ 40 %), d’où importance La prise en charge globale associe des approches
d’un suivi régulier. Certains facteurs sont de non pharmacologiques à un traitement de fond,
mauvais pronostic : consommation d’opioïdes, au sevrage du médicament surutilisé et à l’intro-
de substances psychoactives non antalgiques duction d’un autre traitement.
(tabac, alcool, benzodiazépines) et troubles du Les approches non pharmacologiques comp­
sommeil. Les opioïdes et les dérivés barbituriques rennent l’éducation thérapeutique, la gestion et
altèrent les voies de signalisation nociceptive res- l’adaptation du mode de vie, ainsi que l’évite-
ponsables de céphalées continues qui ne cèdent ment des facteurs provoquant la céphalée. Les
pas à un sevrage médicamenteux. approches cognitivocomportementales, les tech-
Les céphalées par surconsommation de médica- niques de relaxation, la gestion du stress et le
ments sont définies par la présence de céphalées rétrocontrôle biologique sont particulièrement
au moins 15 jours par mois chez un sujet souf- efficaces. Les troubles du sommeil provoquent
frant de céphalées consommant régulièrement un ou exacerbent les céphalées, incitent parfois les
ou plusieurs traitements symptomatiques depuis 3 patients à l’automédication (benzodiazépines ou
mois consécutifs. La surutilisation est définie par hypnotiques). Il est donc important d’investiguer
le nombre de jours par mois durant lesquels il y la qualité du sommeil et d’enseigner une bonne
a consommation d’un traitement de crise, quelle hygiène de sommeil. En présence d’une authen-
que soit sa quantité journalière. Le nombre de tique dépendance (par exemple aux opioïdes), un
jours définis varie en fonction des différentes avis spécialisé en addictologie s’avérera utile.
classes de médicaments : Plusieurs traitements de fond sont efficaces
• 10 jours par mois pour les opioïdes, les dérivés dans le traitement de la migraine épisodique.
de l’ergot, les triptans ou les formulations Cependant, peu d’études ont démontré l’effica-
combinées d’antalgiques (c’est-à-dire les médi- cité des traitements de fond dans les migraines
caments associant plusieurs principes actifs) ; chroniques et les céphalées par surconsommation
• 15 jours par mois pour les antalgiques simples de médicaments, sauf pour le topiramate et la
(paracétamol, acide acétylsalicylique, AINS) ; toxine botulinique de type A. L’efficacité d’un
• 10 jours par mois pour toute combinaison de traitement de fond médicamenteux est déterminée
dérivés de l’ergot, de triptans, d’antalgiques après 2 à 3 mois de prescription thérapeutique. La
simples ou d’opioïdes, même si l’identité ou la toxine botulinique de type A est administrée sous
quantité de la substance ne peut pas être établie forme d’injections intramusculaires (5 unités)
de manière fiable [1]. dans 31 sites céphaliques et cervicaux toutes les

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 6. Céphalées MEDICALE
et algies de la face 71

12 semaines. L’efficacité est évaluée après 2 ou forme bénigne de céphalées 2 mois après le
3 cycles de traitement. Pour plus d’informations, sevrage parlent pour une migraine chronique.
il est conseillé de consulter l’étude multicen-
trique PREEMPT (phase III,Research Evaluating
Migriane Prophylaxis Therapy) [6]. Céphalée cervicogénique
Les données actuelles sont insuffisantes pour (ICHD-3 bêta : 11.2.1
recommander un protocole de sevrage particulier, Céphalée cervicogénique)
qu’il soit lent ou rapide [2]. Un sevrage lent
(en 4 à 6 semaines) s’effectue en ambulatoire et
La céphalée cervicogénique est une céphalée
comporte les étapes suivantes :
secondaire provoquée par une pathologie de la
• introduction du traitement de fond (4 à 6
colonne cervicale au niveau de ses composantes
semaines) ;
osseuses, des disques intervertébraux ou du tissu
• détermination de la date d’arrêt de la substance
mou [7]. Elle peut être associée ou non à un
surutilisée, généralement après 4 semaines, date à
traumatisme crânien ou cervical. Il s’agit d’une
laquelle ce traitement ne devrait plus être utilisé ;
douleur référée dans une ou plusieurs parties
• proposition de traitement de crise spécifique
de la tête ou du visage par la stimulation des
pour les céphalées sévères à utiliser au maxi-
racines cervicales C1-C3 qui activent le noyau
mum 2 jours par semaine ;
caudal du trijumeau situé dans le segment supé-
• éducation thérapeutique, soutien psycholo-
rieur de la partie cervicale de la moelle épinière.
gique et choix d’une approche non pharmaco-
Dans ce contexte, toute structure innervée par
logique [2].
les nerfs spinaux C1-C3 peut être à l’origine
Le nouveau traitement devrait être choisi dans
d’une céphalée cervicogénique. La prévalence de
une autre classe thérapeutique et le patient ins-
la céphalée cervicogénique varie de 0,4 % à 2,5 %
truit de l’utilisation optimale de ce nouveau
dans la population générale, de 15 à 20 % chez les
médicament. Contrairement aux céphalées peu
patients souffrant de céphalées chroniques. Elle
fréquentes où le traitement doit être pris dès les
est plus fréquente chez les femmes (4 F : 1H).
premiers symptômes, les céphalées chroniques
Le début de la présentation se situe autour de la
légères doivent être abordées essentiellement par
quarantaine. Certains patients sont plus à risque
des méthodes non pharmacologiques : relaxa-
de développer une céphalée cervicogénique : les
tion, repos en chambre sombre, massages et
patients atteints d’anomalies congénitales de la
compresses froides sur les aires douloureuses.
jonction craniovertébrale et de la colonne supé-
L’utilisation médicamenteuse devrait être limitée
rieure, de tumeurs primaires ou secondaires de la
à 2 jours maximum par semaine.
région atlanto-occipitale, de la maladie de Paget,
La procédure de sevrage rapide effectuée en
d’ostéomyélite, de myélome multiple, de polyar-
ambulatoire ou en milieu hospitalier consiste
thrite rhumatoïde, de spondylarthrite ankylosante
à interrompre l’administration du médicament
du rachis cervical, de tendinite rétropharyngée, de
incriminé en une journée, à introduire un trai-
dystonies cervicales ou présentant des antécédents
tement de transition (AINS, stéroïdes, triptans,
de traumatisme ou d’entorse cervicale, avec éti-
dérivés ergotés) et un traitement de fond le même
rement des structures musculoligamentaires (par
jour. Cette manière de faire est particulièrement
exemple lors d’une accélération suivie d’une décé-
appropriée lorsque le patient présente d’impor-
lération brusque de la tête ou « coup du lapin »).
tantes comorbidités médicales et psychiatriques,
que les doses du médicament en cause sont
élevées ou que le patient ne bénéficie d’aucun Critères diagnostiques
soutien familial.
La disparition des céphalées confirme le diag- La céphalée cervicogénique est une douleur uni-
nostic. La réapparition et la persistance d’une latérale ressentie dans la nuque et dans la région

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


72 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

occipitale. Elle peut irradier vers les régions fron- cervicogénique est toujours unilatérale et ne
tale, orbitaire, temporale, jusqu’au vertex. Elle a change pas de côté (« side-locked pain ») [1]. La
un caractère non pulsatile et continu, d’intensité pression des doigts sur les muscles de la nuque
modérée, déclenchée ou exacerbée par les mou- ou lors des mouvements de la tête provoque une
vements ou une posture vicieuse persistante de douleur typique, irradiant dans l’axe postéroanté-
la nuque. Elle ne présente aucune des caractéris- rieur. Elle est parfois associée à une gêne dans le
tiques des douleurs et atteintes radiculaires. bras ipsilatéral.
L’examen clinique met en évidence une sensibi- Bien que de valeur limitée, l’imagerie diagnos-
lité augmentée, des spasmes musculaires cervicaux tique (IRM, CT-scan) peut néanmoins être utile
et paraspinaux, une posture cervicale anormale au diagnostic d’éventuelles causes secondaires
ou des mouvements passifs limités de la nuque. nécessitant un traitement chirurgical ou autre :
À la palpation, on note une hypertrophie ou une tumeurs de la fosse postérieure, malformations
contracture des muscles de la nuque. En l’absence d’Arnold-Chiari, spondylose cervicale, hernie du
de trouble dégénératif de la colonne cervicale, disque intervertébral avec compression des nerfs
une douleur myofasciale isolée correspond à une spinaux, dissection vertébrale et tumeurs intra- et
céphalée de tension. La présence de troubles extramédullaires.
dégénératifs isolés de la colonne cervicale n’est
pas un argument suffisant pour poser le diagnostic
de céphalée cervicogénique. Traitement
Pour répondre aux critères diagnostiques
Les traitements médicamenteux seuls sont limi-
d’ICHD-3, l’apparition de la céphalée a un lien
tés, une approche multidimensionnelle est néces-
temporel avec l’atteinte de la colonne cervicale.
saire [7].
Elle s’améliore ou disparaît après l’améliora-
Le traitement médicamenteux comprend des
tion ou la résolution de la pathologie primaire
antidépresseurs tricycliques, des antiépileptiques
(tableau 6.9) [1]. Le bloc anesthésique de C2 ou
et des antalgiques simples, avec en appoint des
du grand nerf occipital dissipe la céphalée.
relaxants musculaires à activité centrale de type
La céphalée cervicogénique est difficile à dis-
tizanidine et baclofène. Le traitement médica-
tinguer de la céphalée de tension en raison de
menteux améliore la compliance du patient à des
nombreux points communs. Contrairement à la
thérapies physiques. Les traitements médicamen-
céphalée de tension et à la migraine, la céphalée
teux sont généralement prescrits à faibles doses,
et augmentés progressivement pour atteindre la
Tableau 6.9. Critères diagnostiques de la céphalée dose thérapeutique tolérée.
cervicogénique (ICHD-3 bêta : 11.2.1)
A. Céphalée remplissant le critère C
B. Évidence clinique, biologique ou radiologique d’un trouble ou Névralgie du trijumeau
d’une lésion de la colonne cervicale ou des tissus mous du cou, (ICHD-3 bêta : 13.1
reconnus ou généralement acceptés comme cause de céphalée
Névralgie du trijumeau)
C. Preuve d’un lien de causalité démontrée par au moins deux
des quatre éléments suivants :
1. la céphalée s’est développée en relation temporelle au La névralgie du trijumeau est la plus fréquente et
début du trouble ou de la lésion de la colonne cervicale la plus douloureuse des névralgies crâniennes [2].
2. amélioration ou disparition de la céphalée avec Sa prévalence se situe entre 5 et 29/100 000 per-
amélioration ou résolution du trouble ou de la lésion
de la colonne cervicale
sonnes/an, son incidence annuelle entre 4 et
3. limitation des mouvements de la nuque et augmentation 5/100 000. Cette pathologie est définie par une
de la céphalée par des manœuvres provocatrices douleur intense de type lancinante dans le terri-
4. disparition de la céphalée après un bloc diagnostique toire sensitif du nerf trijumeau. Cette pathologie
au niveau d’une structure cervicale ou de son nerf sensitif
touche typiquement les sujets au-delà de 50 ans
D. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3. et les femmes plus fréquemment que les hommes

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 6. Céphalées MEDICALE
et algies de la face 73

(1,70 F : 1 H). La forme classique est souvent La douleur typique dure une fraction de
liée à la compression neurovasculaire de la racine seconde, mais peut aller jusqu’à 2 minutes.
du nerf trijumeau près de l’entrée de sa partie La fréquence des crises varie de 1 à 50 par jour. La
dorsale par l’artère cérébelleuse supérieure. Les douleur aiguë peut être associée à une douleur
formes secondaires (environ 15 %), actuellement faciale de fond persistante et d’intensité modérée,
désignées dans la classification ICHD-3 bêta sous signe de sensibilisation centrale. Les paroxysmes
le nom de neuropathies trigéminales douloureuses, douloureux peuvent survenir spontanément ou
sont associées à différentes pathologies : sclérose en être déclenchés à partir de points gâchettes qui ne
plaques, infection herpétique, trauma ou processus coïncident pas nécessairement avec la localisation
expansif intracrâniens (tumeurs ou anévrismes). de la douleur. Ces zones gâchettes se situent le
Tous les patients souffrant d’une névralgie du plus souvent dans la partie centrale de la face,
trijumeau devraient bénéficier d’une IRM et d’une autour du nez et la bouche (plis nasolabiaux).
angio-IRM au gadolinium avec des coupes fines La douleur peut être déclenchée par un stimulus
sur le trajet du nerf trijumeau. mécanique dans le territoire du nerf trijumeau
(toucher léger, souffle d’air), par des mouvements
de la face (sourire, parler, manger), par un stimu-
Critères diagnostiques lus tactile (rasage, maquillage).
À l’examen clinique, les sensibilités tactile
Les critères diagnostiques minimaux pour une et algique sont préservées. La présence d’une
névralgie du trijumeau incluent la localisation de hypoesthésie et d’une hypoanalgésie indique une
la douleur exclusivement dans le territoire d’une atteinte axonale qui nécessite des investigations
ou plusieurs divisions du nerf trijumeau, ainsi pour exclure une cause secondaire. L’intensité et
que le caractère paroxystique de la douleur. Le la présentation de la douleur font que le patient
tiers postérieur du scalp, l’oreille et l’angle de la se souvient exactement de la date de la première
mandibule ne sont pas innervés par le trijumeau, crise.
mais par les nerfs cervicaux [8]. Une douleur
dans ces territoires exclut donc le diagnostic de
névralgie du trijumeau. Même si la névralgie de la Traitements
division ophtalmique est la plus rare (< 5 %), il
n’y a pas d’évidence claire qu’elle est associée Le traitement de première ligne (niveau A) est
à une pathologie sous-jacente. En revanche, il sans conteste la carbamazépine [9]. Des doses
importe de la distinguer des autres types de faibles de 100 mg 2 x/jour suffisent initialement.
céphalées primaires (hémicrânies paroxystiques, Ce traitement peut être augmenté jusqu’à 1
par exemple). La névralgie du trijumeau secon- 200 mg/j. Les effets secondaires, neutropénie et
daire, bilatérale, touche des personnes jeunes. hyponatrémie, requièrent des contrôles sanguins
Elle est associée à des troubles sensitifs alors que réguliers.
les signes dysautonomiques francs de la face sont En cas d’échec ou de traitement insuffisant,
absents. il est possible d’introduire l’oxcarbazépine avec
La douleur de la névralgie du trijumeau est moins d’effets secondaires (600-1 800 mg/j)
de type paroxystique avec un début et une fin (niveau B), la lamotrigine, le baclofène, la gaba-
brusques [8]. Le paroxysme typique est une dou- pentine et la phénytoïne (niveau C) [9].
leur brève, sous forme de lancée ou de choc élec- En cas d’échec des traitements médicamen-
trique d’intensité très forte. La douleur intense teux (contrôle insuffisant de la douleur, effets
provoque une contraction ipsilatérale de la face, secondaires intolérables), la neurochirurgie par
appelée « tic douloureux ». Le paroxysme est suivi abord direct ou par voie percutanée peut s’avé-
d’une période réfractaire de plusieurs secondes à rer utile [10]. La décompression microvasculaire
minutes durant laquelle une nouvelle douleur ne (opération de Jannetta) est une procédure neuro-
peut être déclenchée. chirurgicale effectuée sous anesthésie générale :

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


74 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

on accède au nerf trijumeau par une petite cranio- Finalement, les résultats cliniques obtenus dans
tomie et on place un petit fragment de Dacron® des études préliminaires de stimulation électrique
ou de Téflon® entre le nerf et le vaisseau compres- cérébrale profonde sont prometteurs.
sif. Cette procédure a pour but de préserver la
fonction du nerf trijumeau. Les taux de réussite
sont élevés, les complications très faibles, mais
le taux de récidive d’environ 20 % à 5 ans. Cette
Névralgie occipitale
méthode est proposée aux patients sans comor- (ICHD-3 bêta : 13.4
bidités importantes chez qui on a démontré un Névralgie occipitale)
conflit vasculaire.
Les approches percutanées (thermocoagulation La névralgie occipitale est une douleur qui prend
sélective du ganglion de Gasser par radiofré- naissance dans la région de la nuque, suit le trajet
quence, compression par ballonnet et rhizolyse au d’un des trois nerfs suivants : nerf grand occipital
glycérol), consistant à introduire une canule par (racine du C2), nerf petit occipital (racines du
le foramen ovale pour provoquer une lésion du C2-C3), 3e nerf occipital (racine du C3), pour
ganglion ou de la racine du nerf trijumeau, sont irradier finalement vers le vertex, et parfois jusque
moins invasives. Elles ne nécessitent pas d’ouver- dans la région frontoorbitaire [2]. La douleur est
ture du crâne et sont réalisées en ambulatoire sous paroxystique, unilatérale dans 85 % des cas, de
anesthésie de courte durée. type décharge électrique ou coup de poignard, et
La thermocoagulation permet d’effectuer des dure de quelques secondes à quelques minutes.
lésions du nerf par radiofréquence à durée et Elle peut aussi être constante, avec des élance-
température contrôlées : 60-70°C pendant 60 ments sur fond de brûlure. Certains mouvements
secondes. L’objectif est atteint lorsqu’on obtient de la tête et de la nuque, des stimuli inoffensifs
une analgésie à la piqûre sans perte complète de (exposition au froid ou brossage de cheveux)
la sensibilité au toucher et sans altération de la peuvent déclencher la douleur. Celle-ci peut éga-
sensibilité cornéenne. L’efficacité immédiate est lement diffuser dans les territoires adjacents aux
d’environ 94 %, de 60 % à long terme. Les effets nerfs impliqués. À l’examen clinique, on retrouve,
secondaires incluent une hypoesthésie faciale, un dans 50 % des cas, une dysesthésie ou une allody-
déficit masticateur, une kératite, des dysesthésies nie dans le même territoire nerveux, ou encore
et une anesthésie douloureuse. une hyperpathie du cuir chevelu décrite par les
La compression par ballonnet produit une patients comme un « mal aux cheveux ». Une
lésion mécanique au moyen d’un cathéter et contracture musculaire ou une diminution de
d’un ballon gonflable. Le soulagement est immé- l’amplitude des mouvements de la nuque peuvent
diat dans 96 % des cas et se maintient à long être également associées.
terme dans 67 % des cas. Hypoesthésie faciale et Il s’agit d’une pathologie rare dont l’incidence
parésie masticatrice sont les effets secondaires les et la prévalence sont inconnues par manque de
plus fréquents. consensus à propos des critères diagnostiques. En
La rhizolyse au glycérol consiste à provoquer effet, le diagnostic est fréquemment attribué à tort
une lésion chimique du nerf trijumeau par injec- à toutes sortes de douleurs dans la région occipi-
tion de glycérol anhydre. tale. L’étiologie est la plus souvent idiopathique.
Le traitement de radiochirurgie stéréotaxique Les causes secondaires incluent un traumatisme
par rayons gamma (Gamma Knife) dirigés sur le impliquant l’un des trois premiers nerfs cervicaux,
ganglion de Gasser est une technique non invasive leur compression ou la compression de leur racine
pratiquée sous anesthésie locale qui nécessite la par les processus dégénératifs ou les discopa-
mise en place d’un cadre de stéréotaxie. Le délai thies cervicales, une tumeur affectant les racines
d’action de quelques mois constitue un sérieux nerveuses C2 et C3. D’autres causes doivent être
inconvénient de la technique. La récidive à 5 ans recherchées : infections, inflammations locales,
est d’environ 40 %. goutte, diabète et vasculites.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 6. Céphalées MEDICALE
et algies de la face 75

Critères diagnostiques thérapeutique, cette thérapie soulage la douleur


immédiatement et pour une durée de plusieurs
Les critères diagnostiques sont décrits dans le semaines à quelques mois. En présence de résul-
tableau 6.10 [1]. Le diagnostic différentiel s’étend tats négatifs, il faut suspecter un autre diagnostic.
à toute douleur impliquant l’un des premiers trois La neurostimulation du nerf occipital a été
nerfs cervicaux. Une névralgie occipitale nou- proposée aux patients réfractaires aux méthodes
velle, une douleur atypique, un examen clinique moins invasives. Cette technique n’est pas encore
anormal devraient être investigés par des IRM considérée comme une thérapie de routine et
cérébrales et cervicales afin d’exclure une origine ne devrait être pratiquée que dans les centres de
structurelle ou une lésion infiltrative. douleurs spécialisés en neuromodulation.

Références
Traitement
1. Headache Classification Committee of the Inter-
Un traitement conservateur par application de national Headache S. The International Classification
chaleur locale, massages et physiothérapie (pour of Headache Disorders, 3rd edition (beta version).
Cephalalgia: an international journal of headache
améliorer la posture et reprendre une activité 2013;33:629–808.
précoce dans les cas post-traumatiques) permet 2. Headache. Continuum : Lifelong Learning in Neuro-
de diminuer la douleur et les spasmes musculaires. logy 2015;21:939–1249.
Les traitements médicamenteux comprennent 3. Headache. Continuum : Lifelong Learning in Neuro-
les AINS, les relaxants musculaires, les antiépi- logy 2012;18:741–988.
leptiques (carbamazépine, gabapentine, phény- 4. Lanteri-Minet MVD, Géraud G, Lucas C, Donnet A.
Société française d’études des migraines et des cépha-
toïne, acide valproïque) ou les antidépresseurs lées. Prise en charge diagnostique et thérapeutique de
tricycliques [2]. Les infiltrations au niveau du la migraine chez l’adulte et chez l’enfant. Rev Neurol
nerf occipital constituent le traitement de choix, (Paris) 2013;169:14–29.
à condition qu’il soit effectué par des spécialistes 5. Lantéri-Minet MDG, Alchaar H, Bonnin J, Cornet
entraînés. Pratiquée dans un but diagnostique puis P, Douay X, Dousset V. Démarche diagnostique
générale devant une céphalée chronique quoti-
dienne (CCQ) – Prise en charge d’une CCQ chez
le migraineux: céphalée par abus médicamenteux
Tableau 6.10. Critères diagnostiques de la névralgie et migraine chronique / Recommandation de la
occipitale (ICHD-3 bêta : 13.4) SFEMC. ANLLF et SFETD. Revue Neurologique
2014;170:162–76.
A. Douleur unilatérale ou bilatérale remplissant les critères B-E
6. Diener HC, Dodick DW, Aurora SK, et al. Onabo-
B. La douleur est localisée dans la zone distribution des nerfs tulinumtoxinA for treatment of chronic migraine:
grand occipital, petit occipital et/ou du 3e nerf occipital results from the double-blind, randomized, pla-
C. La douleur présente deux des trois caractéristiques suivantes : cebo-controlled phase of the PREEMPT 2 trial.
1. survenue au cours des crises paroxystiques qui durent Cephalalgia: an international journal of headache
de quelques secondes à minutes 2010;30:804–14.
2. intensité sévère 7. Biondi DM. Cervicogenic headache: a review of
3. qualité lancinante, en coup de poignard diagnostic and treatment strategies. The Journal
D. La douleur est associée aux deux éléments suivants : of the American Osteopathic Association 2005;105:
1. dysesthésies et/ou allodynie apparente au cours d’une 16S–22S.
stimulation inoffensive du cuir chevelu et/ou des cheveux 8. Cruccu G, Finnerup NB, Jensen TS, et al. Trigeminal
2. un ou deux des éléments suivants : neuralgia: New classification and diagnostic grading
a) sensibilité au niveau des branches nerveuses touchées for practice and research. Neurology 2016;87:220–8.
b) points de déclenchement à l’émergence du nerf grand 9. Cruccu G, Gronseth G, Alksne J, et al. AAN-EFNS
occipital ou dans la zone de la distribution de C2 guidelines on trigeminal neuralgia management.
E. La douleur est atténuée temporairement par un bloc European journal of neurology 2008;15:1013–28.
anesthésique local du nerf atteint 10. Sindou MKY, Simon E, Mertens P. Névralgie du
trijumeau et neurochirurgie. Neurologie: EMC
F. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3
(Elsevier Masson SAS, Paris); 2012.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 7
Les douleurs buccales chroniques
Carlos Madrid

Définition Épidémiologie
Souvent méconnu, le SBB est une affection rela-
Le terme « stomatodynie », issu du grec stoma
tivement fréquente, particulièrement chez les
(la bouche) et odyne (la douleur), recouvre dif-
femmes âgées. Sa prévalence dans la population
férentes entités pathologiques. Selon Marie E.
générale varie au gré des définitions et des critères
Zakrzewska, on distingue la stomatodynie idio-
diagnostiques entre 0,6 à 15 % (12 à 18 % chez
pathique ou syndrome de la bouche brûlante
les femmes ménopausées) [4]. Selon les études,
(Burning Mouth Syndrome), de la stomatodynie
le ratio femmes/hommes fluctue entre 3 à 20
secondaire, symptôme isolé d’une affection sous-
pour 1 [5,6]. Cette affection n’apparaît que très
jacente, qu’il s’agit d’identifier [1]. La figure 7.1
rarement en dessous de 30 ans, n’a jamais été
résume la démarche diagnostique permettant de
rapportée chez l’enfant ou l’adolescent [7].
discriminer ces entités.

Le syndrome de la bouche Présentation clinique


brûlante (SBB) Dans la majorité des cas, l’examen clinique objec-
tif est totalement vierge. Les sensations sont
La stomatodynie primaire, de cause inconnue, complexes et difficiles à décrire. Les symptômes
se présente sous forme d’une gêne ou de dou- principaux, essentiellement des sensations de brû-
leurs au niveau de la muqueuse buccale. Les lures et des picotements, sont ressentis au niveau
brûlures buccales impliquent principalement la des muqueuses buccales. Les paresthésies doulou-
langue, plus rarement les lèvres, le palais ou le reuses peuvent s’avérer particulièrement envahis-
pharynx. Elles sont difficiles à reconnaître, car les santes et invalidantes. Elles sont fréquemment
muqueuses ne présentent aucune lésion identi- associées à une dysgueusie (70 % des patients
fiable. La symptomatologie varie de la sensation décrivent la présence permanente d’un goût amer
de gêne aux douleurs intenses [2]. L’Internatio- ou métallique), ou à une xérostomie (sensation
nal Association for the Study of Pain (IASP) définit de bouche sèche dans un contexte salivaire nor-
cette affection comme « une sensation de douleur mal) [8]. Ces symptômes peuvent prédominer et
brûlante au niveau de la langue ou de toute autre constituer le motif initial de la consultation.
muqueuse orale, d’une durée supérieure à 4 mois, Généralement, la symptomatologie s’aggrave au
dans le cadre d’examens cliniques et biologiques cours de la journée pour atteindre son paroxysme
normaux » [3]. en début de soirée. Les sensations peuvent être

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
78 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Figure 7.1. Démarche diagnostique en cas de stomatodynie.

exacerbées par l’ingestion d’aliments chauds, systémiques, sur des tests sanguins à la recherche
épicés ou acides et par le stress. Elles cessent à d’une carence martiale ou vitaminique et des
l’endormissement et ne réveillent pas les patients. cultures microbiennes. Le pronostic du SBB
Les symptômes primaires sont souvent asso- isolé est meilleur que celui de la stomatodynie
ciés à d’autres types de sensations : gonflement secondaire. Le tableau 7.1 précise les signes et
des tissus ou de la langue tout entière, rugo- symptômes cliniques du syndrome des brûlures
sité des muqueuses, présence d’un dépôt dentaire. buccales.
Ces perceptions sensorielles inhabituelles, sur
fond d’examen clinique normal, font trop souvent Physiopathologie
l’objet d’inutiles explorations ORL, dentaires ou
stomatologiques. Anciennement considéré comme une maladie
Les patients atteints de stomatodynie primaire psychogène, le SBB semble être lié à une atteinte
ont généralement un profil médical particulier. neuropathique des petites fibres de l’étage
L’anamnèse révèle de multiples investigations liées sous-épithélial de la muqueuse buccale et des
à la symptomatologie buccale, la présence conco- bourgeons gustatifs. Plusieurs études ont mis
mitante de céphalées chroniques, de douleurs au en évidence des interactions anormales entre
niveau de l’articulation temporomandibulaire, de les fonctions sensitives et sensorielles du nerf
vertiges, de troubles musculosquelettiques mal sys- facial et du nerf trijumeau [10]. Des altérations
tématisés, d’une fibromyalgie, d’un syndrome du histologiques ou immuno-histo-chimiques des
côlon irritable, de lésions dermatologiques (langue petites fibres ont été démontrées au niveau épi-
géographique ou glossite exfoliatrice marginée) ou thélial et sous-papillaire [11]. Des altérations
encore de troubles d’origine psychiatrique [9]. du système dopaminergique nigrostrié condui-
Le diagnostic repose essentiellement sur l’anam- sant à une diminution de la régulation centrale
nèse, sur l’exclusion de pathologies locales ou de la douleur semblent également associées au
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 7. Les douleurs MEDICALE
buccales chroniques 79

Tableau 7.1. Signes d’inclusion et signes le plus souvent Traitements topiques


associés au syndrome des brûlures buccales.
Le clonazépam par voie topique été testé avec
Signes cliniques Sensation de brûlure buccale depuis
cardinaux 4 à 6 mois
succès en essai randomisé contrôlé sous la forme
Sensation quotidienne de brûlure profonde de tablettes de 1 mg à sucer 3 fois par jour [14]
de la muqueuse buccale, calmée par ou de bains de bouche (tablettes de 1 à 1,5 mg,
l’ingestion d’aliments solides ou liquides soit 10 à 15 gouttes dans 25 cm3 d’eau, 2 fois
neutres et exacerbée par le stress et les
aliments acides ou épicés
par jour pendant 3 minutes). Une étude en
Dysgueusie (amer, métal, salé) double aveugle a démontré l’efficacité des bains
Xérostomie subjective (quantité et qualité de bouche chez 70 % des patients [15]. En raison
de la salive normales) d’un passage transmuqueux insignifiant, les effets
Intensité croissante dans la journée
et paroxysme vespéral
secondaires sont pratiquement inexistants, ce qui
Absence de perturbation du sommeil en fait un traitement de première intention, en
Amélioration lors des prises alimentaires particulier chez les patients âgés. L’association de
solides sauf aliments épicés ou acides clonazépam topique et systémique a également
Signes objectifs Examen clinique de la cavité buccale fait la preuve de son efficacité lorsque l’effet
et de l’oropharynx normal topique est insuffisant ou s’épuise [16].
Examen clinique des nerfs crâniens normal
Bilan biologique normal
Signes associés Altérations gustatives isolées sans altération Traitements systémiques
olfactive associée
Xérostomie strictement subjective L’utilisation du clonazépam par voie systémique
Anomalies sensitives : rugosités, est plus délicate, en particulier chez des sujets
gonflements, enduits déposés sur les dents
ou les muqueuses âgés qui en tolèrent mal les effets secondaires et
Anomalies sensorielles : déclenchement/ chez les patients atteints d’un syndrome d’apnée
exacerbation douleur par des aliments du sommeil pour lesquels il constitue une contre-
banals bien tolérés auparavant (vin rouge, indication. Il est recommandé d’adapter les doses
vinaigre, sauce salade, épices)
en cours de journée, en fonction de l’efficacité et
de la tolérance des patients.
SBB [12]. Malgré la corrélation épidémiologique Les antidépresseurs tricycliques (amitriptyline,
très forte entre SBB et ménopause, il n’existe à imipramine, desipramime, clomipramine et nor-
ce jour aucune preuve tangible d’un lien biolo- triptyline) ont également fait la preuve de leur
gique. Seule l’hypothèse proposée en 2009 par efficacité à des doses progressives jusqu’à 50 mg/
Gremeau-Richard et Woda permet d’esquisser jour. En cas d’effets secondaires indésirables (prise
une compréhension de cette observation. Une de poids, baisse de la libido), un traitement par
anxiété chronique pourrait conduire à la dérégu- sertraline 50 mg/jour ou paroxétine 20 mg/jour
lation des hormones corticostéroïdes à l’origine [1] constitue une alternative validée.
d’une production altérée des neurostéroïdes Les échecs complets sont souvent le fait de
actifs au niveau de la peau, des muqueuses et du patients au profil polyalgique complexe. Le
système nerveux. La diminution des stéroïdes recours à une psychothérapie est souvent d’un
sexuels lors de la ménopause pourrait avoir les bon apport.
mêmes effets [13].

Traitement
Les stomatodynies
secondaires
Le traitement est inhérent à l’origine neuropa-
thique de l’affection. Dans les cas de douleurs de Les stomatodynies secondaires sont classées
faible intensité, des applications topiques ou des d’après leur origine : locale, référée et systémique.
doses faibles de médicaments systémiques sont Le tableau 7.2 résume les principales caractéris-
généralement suffisantes. tiques des stomatodynies secondaires.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
80 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Tableau 7.2. Stomatodynies secondaires : causes, clinique, prise en charge.


Affection Cause/clinique Diagnostic/douleur Examens Traitement
complémentaires
Candidose Pseudomembraneuse Placards blanchâtres surélevés, Frottis, mise Antifongique topique ou
éliminés au grattage, douleur en culture systémique
diffuse, goût métallique
Érythémateuse Plaque rouge plane vernissée,
palais et langue atteints en
miroir, douleur diffuse, goût
métallique
Atrophique Fauchage localisé des papilles
filiformes de la muqueuse
linguale, consécutif à la prise
d’antibiotiques, douleur à type
de brûlure
Stomatite Manifestation orale du Le siège des douleurs Examen clinique Si douleur : antifon-
géographique psoriasis. Exacerbée par occupe les zones dépapillées uniquement. giques + ou – anxioly-
chocs émotionnels, stress, érythémateuses. La douleur Les examens tiques lors des poussées
états allergiques. Zone est inconstante : liée à une complémentaires
érythémateuse dépapillée surinfection candidosique ou sont anxio-/
principalement sur la langue à certains aliments acides ou algogènes et non
mais pouvant déborder sur épicés. La forme caractéristique contributifs
le plancher buccal. Lésions associe une zone d’érythème de
changeant de localisation contours réguliers soulignée par
plusieurs fois par jour un liseré périphérique. Souvent
(érythème migrant) associée à une langue fissurée
Anémie Ferriprive La carence en fer entraîne une Douleur diffuse de la langue, Diagnostic La correction du déficit
diminution des peroxydases gerçures des commissures biologique d’une amène une cicatrisation
salivaires et une réduction de labiales, coloration pâle des anémie ad integrum : permet de
la protection de la muqueuse muqueuses, glossite de Hunter suivre l’efficacité de la
contre les radicaux libres (langue rouge, vernissée, lisse, correction de la carence
douloureuse souvent jusqu’à la
dysphagie)
Anémie Défaut d’absorption de la – Atrophie des papilles linguales, Dosage de la – Correction du déficit
pernicieuse/ vitamine B12 démangeaisons, paresthésies vitamine B12 en vitamine B12
Carence en buccales, dysgueusie, intolérance
vitamine B12 des prothèses dentaires
préexistantes.
– Xérostomie
Autres carences Déficits alimentaires en Ulcérations buccales Dosage sérique des Correction du déficit
vitaminiques vitamines B1,B2,B6, vitamines
Xérostomie – Maladies de système – Absence de miction salivaire Sialométrie, test du – Médications
– Radiothérapie aux ostia des glandes salivaires buvard sialagogues
– Médications sialoprives +++ principales. systémiques :
– Salive épaisse, collante. pilocarpine, céviméline.
– Autoadhésion des muqueuses – Substituts salivaires
et formation d’ulcères et érosion (peu efficaces)
consécutifs
Diabète Si carence insulinique, accrois- Augmentation de la viscosité Diagnostic – L’équilibration du
sement du catabolisme buccal salivaire, baisse du pH, baisse du biologique du diabète ne suffit
et diminution de la résistance et débit salivaire, gingivostomatites diabète ou pas à stabiliser les
de la réparation tissulaires en foyer, parodontite agressive monitorage si lésions trophiques ou
diabète connu infectieuses.
– L’hygiène locale doit
être drastique

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 7. Les douleurs MEDICALE
buccales chroniques 81

Les stomatodynies Les stomatodynies


secondaires d’origine locale secondaires référées
Les douleurs dentaires sont les causes de douleurs Dans la zone orofaciale, les douleurs référées
buccales les plus communes. Elles irradient fré- ne sont pas rares et compliquent la démarche
quemment vers les zones cranio-maxillo-faciales. diagnostique [17]. Les Ve, VIIe, IXe et Xe paires
Exacerbées par les stimulations locales (tempéra- de nerfs crâniens convergent dans le noyau spinal
ture, percussion), les douleurs dentaires tendent du trijumeau, support anatomique de ce type de
à se modifier avec le temps : c’est pourquoi, douleurs. L’angor en est un exemple classique,
une douleur orofaciale chronique inchangée est la douleur angineuse issue du muscle cardiaque
rarement d’origine dentaire. À l’inverse, des myal- pouvant irradier jusqu’à l’angle mandibulaire. Elle
gies, des douleurs neuropathiques ou vasculaires peut se propager aux molaires mandibulaires et
peuvent mimer une odontalgie. De nombreuses simuler une « rage de dents ». La présence d’anté-
atteintes des muqueuses buccales, comme les cédents d’ischémie myocardique, l’exacerbation
gingivites ulcéronécrotiques, les stomatites her- des douleurs à l’effort, son accalmie au repos ou
pétiques, aphteuses récidivantes et candidosiques, son soulagement par les dérivés nitrés permettent
le lichen plan et les maladies vésiculobulleuses d’orienter le diagnostic.
sont à l’origine d’importantes douleurs orofaciales
(figure 7.2).
Les sinusites maxillaires sont souvent accompa- Les stomatodynies secondaires
gnées de douleurs dentaires sourdes, d’intensité d’origine systémique
variable mais constante. Les dents dont les racines
sont intrasinusiennes sont sensibles à la percussion Les articulations temporomandibulaires sont
et le patient éprouve une sensation de « dents parfois le siège de douleurs dues à l’arthrite rhu-
longues ». matoïde, au rhumatisme psoriasique ou au lupus
Les pathologies obstructives des glandes sali- érythémateux disséminé. Les douleurs myofa-
vaires s’accompagnent souvent de douleurs exa- ciales liées aux dysfonctionnements temporoman-
cerbées par la mastication. Dans le syndrome de dibulaires s’apparentent à celles de la fibromyalgie
Sjögren, les douleurs sont principalement dues et sont attribuées à des altérations des systèmes
à la sécheresse buccale. Les douleurs d’origine régulateurs de la douleur. Outre les douleurs oro-
tumorale ressemblent parfois aux douleurs des faciales lors de la mastication, les patients atteints
dysfonctionnements de l’articulation temporo- de la maladie de Lyme rapportent des odontal-
mandibulaire. gies vraies. La sclérose en plaques s’accompagne
fréquemment d’une névralgie du trijumeau res-
ponsable de crises douloureuses extrêmement
intenses. Enfin, la glossite atrophique (figure 7.3)
par carence en fer ou en vitamine B12 est encore
trop souvent confondue avec un syndrome de
brûlures buccales.
La figure 7.1 résume les démarches étiologique
et diagnostique des stomatodynies. Les stoma-
todynies primaire et secondaire se différencient
par leur origine. En effet, dans les deux types de
stomatodynies, les mécanismes responsables de la
douleur semblent très similaires. Il est essentiel
d’évoquer le diagnostic de stomatodynie primaire
lorsqu’il n’existe aucune lésion cliniquement
Figure 7.2. Candidose sous-prothétique. objectivable et que l’examen neurologique des

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


82 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Les signes et les symptômes permettent de


différencier :
• La luxation discale de l’ATM : il s’agit de la
dissociation entre les mouvements de la man-
dibule et ceux du ménisque articulaire qui ne
reprend plus sa place dans la cavité articulaire.
Les mouvements d’ouverture et de fermeture
de la bouche entraînent un blocage de l’ATM
(limitation de l’ouverture buccale et difficultés
à fermer la bouche), des claquements audibles
et une douleur aiguë localement. La douleur
irradie dans le territoire préauriculaire, la région
Figure 7.3. Glossite atrophique par carence en fer. temporale, la joue, l’angle de la mâchoire et
même la gorge. La présence d’une otalgie
paires crâniennes sensitives et motrices de la tête complique le diagnostic. Au début, la luxation
et du cou est négatif. Cela permet d’éviter bon se réduit spontanément. Avec les récidives,
nombre de consultations et d’examens complé- l’articulation peut se bloquer complètement,
mentaires inutiles et onéreux. la luxation devient irréductible et limite sévère-
ment l’ouverture buccale.
Douleurs des dysfonctions • La subluxation condylienne de l’ATM: situation
craniomandibulaires aiguë et douloureuse, la subluxation condy-
lienne résulte généralement d’une hyperlaxité
Les dysfonctions de l’articulation temporoman- capsuloligamentaire. Le condyle mandibulaire
dibulaire (ATM) provoquent des douleurs essen- franchit le tubercule articulaire de l’os tempo-
tiellement extrabuccales, mais peuvent entraîner ral. Souvent spontanée, la réduction requiert
des stomatodynies référées. Originairement parfois une manœuvre de Nelaton qui consiste
préauriculaires, elles s’accompagnent généra- à abaisser la mandibule par pression sur les
lement de douleurs rapportées dans la région molaires inférieures pour faire passer le condyle
temporale. Elles sont fréquemment déclenchées mandibulaire sous le tubercule articulaire de
par l’ouverture de la bouche et le serrement l’os temporal, avant de pousser la mandibule
des dents. Souvent exacerbées par les mouve- vers l’arrière pour lui faire délicatement rega-
ments masticatoires, elles doivent être distinguées gner la cavité articulaire.
d’autres myalgies masticatrices. On les provoque • Capsulites et synovites accompagnent presque
en palpant l’articulation et les muscles qui s’insè- systématiquement les dysfonctions articulaires.
rent sur sa capsule. L’inflammation périarticulaire et articulaire est
L’examen de l’articulation temporomandibu- souvent difficile à mettre en évidence à l’exa-
laire doit comprendre principalement : men visuel. La palpation du muscle ptérygoï-
• la palpation externe et interne. La bouche doit dien latéral homolatéral, dont le chef supérieur
être ouverte lentement pour permettre d’obser- traverse la capsule, entraîne une douleur aiguë
ver les mouvements du condyle sous la peau ; et un réflexe de fuite du patient, symptoma-
• l’examen de l’ouverture maximale de la bouche tiques de l’inflammation.
(minimum 45 mm) ; • Ostéoarthrite et polyarthrite : à l’instar des autres
• l’examen des mouvements de diduction mandi- articulations, les modifications dégénératives de
bulaire qui peut être douloureuse ; l’ATM (arthrose et arthrite) provoquent des
• la palpation de la musculature masticatrice et cer- douleurs chroniques accompagnées de divers
vicale à la recherche de spasmes et de myalgies ; bruits perceptibles à l’auscultation (crépitations,
• l’auscultation de l’articulation à la recherche de coulée de sable). La polyarthrite rhumatoïde
bruits articulaires (craquements, claquements). et les autres entités rhumatismales peuvent

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 7. Les douleurs MEDICALE
buccales chroniques 83

affecter les ATM au même titre que les autres objectifs suivants : rétablir la mandibule dans une
articulations. La symptomatologie, identique à position musculairement stable, qu’il s’agit de
celle de l’ostéoarthrite, se manifeste chez des pérenniser par une contention des mouvements
sujets généralement plus jeunes et déjà connus de subluxation, en particulier condylienne [23].
pour une arthrite rhumatismale [18]. Les attelles de libération et de repositionnement
antérieur permettent de mettre rapidement l’arti-
culation au repos. La gouttière de stabilisation est
Traitements une attelle de décharge, qui a pour but de lever
immédiatement les contraintes musculaires par
La prise en charge des douleurs de l’ATM dif-
l’interposition d’un dispositif empêchant l’occlu-
fère en fonction de leur présentation aiguë ou
sion dentaire totale. L’attelle de repositionnement
chronique.
antérieur, en revanche, permet de réduire la luxa-
Traitement aigu tion distale en plaçant la mandibule et la capsule
dans une position antérieure favorable. Elle n’est
Les manœuvres de forçage articulaire doivent être pas portée en permanence et fait l’objet d’un
proscrites lors d’épisodes aigus et douloureux de contrôle régulier [24].
luxation ou de subluxation. Le recours à l’anes- Les injections de toxine botulinique dans les
thésie générale peut être indiqué (manœuvre de muscles masticateurs, en particulier dans le mas-
Nélaton douloureuse, refus du patient). séter, donnent des résultats convaincants sur
Lorsque le mouvement articulaire est possible les douleurs dues aux dysfonctionnements de
bien que douloureux, plusieurs stratégies peuvent l’ATM [25].
être appliquées successivement ou simultanément. La chirurgie, quant à elle, n’occupe plus qu’une
L’infiltration extra-articulaire d’anesthésique place mineure dans le traitement des dysfonctions
local (1,8 ml d’articaïne adrénalinée 1/200 000) craniomandibulaires. Elle est réservée aux situa-
dans la partie haute de l’espace interptéry- tions post-traumatiques et aux formes sévères
goïdien a un effet immédiat sur la douleur et d’ostéoarthrite destructrice.
fournit une bonne myorésolution à distance de
l’infiltration [19]. Références
Une corticothérapie brève (1 à 1,5 mg/kg
1. Zakrewska JM, Forsell H, Glenny AM. Interven-
en prise unique le matin pendant 3 jours) pro-
tions for treatment of burning mouth syndrome.
cure des résultats rapides. Les injections intra- Cochrane Database of Systematic Review 2005; doi:
articulaires sont réservées aux formes sévères et 10.1002/14651858.CD002729.pub2. Issue I. Art.
évolutives d’ostéoarthrite. Leurs résultats restent No : CD002729.
controversés [20,21]. 2. Madrid C, Bouferrache K, Abarca M. Rares mais
Les myorelaxants permettent également de rebelles affections de la muqueuse buccale. Forum
Med Suisse 2013;13(25):499–504.
lever les contraintes musculaires à moyen terme. 3. Grinspan D, Fernandez Blanco G, Allevato MA,
La tizanidine (3 x 2 mg/j jusqu’à 3 x 4 mg/j) Stengel FM. Burning mouth syndrome. Int J Derma-
semble généralement mieux toléré que la tolpé- tol 1995;34:483–7.
risone, à l’inverse de ce qui est rapporté dans le 4. Aravindhan R, Vidyalakshmi S, Kumar MS, Satheesh
traitement de la spasticité des muscles longs [22]. C, Balasubramanium AM, Prasad VS. Burning mouth
syndrome: A review on its diagnostic and therapeutic
approach. J Pharm Bioall Sci 2014;6(Suppl S1):
Traitement chronique
21–5.
Le traitement des douleurs de l’ATM à moyen 5. Scala A, Checchi L, Montevecchi M, Marini I, Giam-
et long terme est mal codifié et dépend de la berardino MA. Update on burning mouth syndrome:
Overview and patient management. Crit Rev Oral
spécialité (stomatologie, chirurgie maxillofaciale,
Biol Med 2003;14:275–91.
occlusodontie). 6. Sun A, Wu KM, Wang YP, Lin HP, Chen HM,
Tous les spécialistes s’accordent sur le recours, Chiang CP. Burning mouth syndrome: A review and
même précoce, à la physiothérapie, avec les update. J Oral Pathol Med 2013;42:649–55.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


84 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

7. López-Jornet P, Camacho-Alonso F, Andujar-Mateos 17. Madrid C, Bouferrache K, Biollaz B, Möller P, Toma


P, Sánchez-Siles M, Gómez-Garcia F. Burning mouth S. [Primary and secondary stomatodynia: a difficult
syndrome: An update. Med Oral Patol Oral Cir Bucal diagnosis]. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2007
2010;15:e562–8. Oct;124(Suppl 1):S56–67.
8. Ship JA, Grushka M, Lipton JA, Mott AE, Sessle BJ, 18. Arabshahi B, Cron RQ. Temporomandibular joint
Dionne RA. Burning mouth syndrome: An update. J arthritis in juvenile idiopathic arthritis: the forgotten
Am Dent Assoc 1995;126:842–53. joint. Curr Opin Rheumatol 2006 Sep;18(5):490–5.
9. Klasser GD, Fischer DJ, Epstein JB. Burning 19. Kimura S, Hatano Y, Yokozuka S. The effect of
mouth syndrome: Recognition, understanding, and the local anesthesia to the posterior ramus of the
management. Oral Maxillofac Surg Clin North Am mandible in patients with temporomandibular joint
2008;20:255–71. problems. Shigaku 1990 Jun;78(1). 63-82/.
10. Grushka M, Epstein JB, Gorsky M. Burning mouth 20. de Souza RF, Lovato da Silva CH, Nasser M,
syndrome and other oral sensory disorders: A uni- Fedorowicz Z, Al-Muharraqi MA. Interventions
fying hypothesis. Pain Res Manag 2003;8:133–5. for the management of temporomandibular joint
11. Lauria G, Majorana A, Borgna M, Lombardi R, osteoarthritis. Cochrane Database Syst Rev 2012
Penza P, Padovani A, et al. Trigeminal small-fiber Apr 18;4:CD007261. doi: 10.1002/14651858.
sensory neuropathy causes burning mouth syndrome. CD007261.pub2.
Pain 2005;115:332–7. 21. Stoustrup P, Twilt M. Therapy. Intra-articular ste-
12. Jääskeläinen SK, Rinne JO, Forssell H, Tenovuo O, roids for TMJ arthritis--caution needed. Nat Rev
Kaasinen V, Sonninen P, et al. Role of the dopaminer- Rheumatol 2015 Oct;11(10):566–7. doi: 10.1038/
gic system in chronic pain - A fluorodopa-PET study. nrrheum.2015.97.
Pain 2001;90:257–60. 22. Saulino M, Jacobs BW. The pharmacological
13. Woda A, Dao T, Grémeau-Richard C. Steroid dys- management of spasticity. J Neurosci Nurs 2006
regulation and stomatodynia (burning mouth syn- Dec;38(6):456–9.
drome) J Orofacial Pain 2009;23:202–10. 23. Calixtre LB, Moreira RF, Franchini GH, Albur-
14. Gremeau-Richard C, Woda A, Navez ML, Attal N, querque-Sendín F, Oliveira AB. Manual therapy for
Bouhassira D, Gagnieu MC, Laluque JF, Picard P, the management of pain and limited range of motion in
Pionchon P, Tubert S. Topical clonazepam in stoma- subjects with signs and symptoms of temporomandibu-
todynia: a randomised placebo-controlled study. Pain lar disorder: a systematic review of randomised control-
2004 Mar;108(1-2):51–7. led trials. J Oral Rehabil 2015 Nov;42(11):847–61.
15. Rodríguez de Rivera Campillo E, López-López J, doi: 10.1111/joor.12321.
Chimenos-Küstner E. Response to topical clona- 24. Al-Ani MZ, Davies SJ, Gray RJ, Sloan P, Glenny AM.
zepam in patients with burning mouth syndrome: Stabilisation splint therapy for temporomandibular
a clinical study. Bull Group Int Rech Sci Stomatol pain dysfunction syndrome. Cochrane Database Syst
Odontol 2010 May 21;49(1):19–29. Rev 2004;(1):CD002778.
16. Cui Y, Xu H, Chen F, Liu J, Jiang L, Zhou Y, Chen 25. Sunil Dutt C, Ramnani P, Thakur D, Pandit M.
Q. Efficacy evaluation of clonazepam for symptom Botulinum toxin in the treatment of muscle specific
remission in burning mouth syndrome: a meta-analy- Oro-facial pain: a literature review. J Maxillofac Oral
sis. Oral Dis 2015 Dec 17; doi: 10.1111/odi.12422. Surg 2015 Jun;14(2):171–5.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 8
Les douleurs lombaires
Christophe Perruchoud

Définitions et épidémiologie d’origine non mécanique potentiellement graves


(drapeaux rouges) ou à risque de chronicisa-
La lombalgie est un symptôme très fréquent, tion (drapeaux jaunes, noirs ou bleus). En pré-
dont la prévalence dans la population générale se sence de drapeaux rouges, un examen médical
situe entre 60 à 90 %. Dans la majeure partie des précoce et des examens complémentaires sont
cas, il s’agit de lombalgies mécaniques, limitées indiqués. Les facteurs de risque de passage à la
dans le temps et évoluant favorablement dans les chronicité incluent des facteurs liés à l’épisode
4 à 6 semaines après leur apparition. Les dou- lui-même (intensité de la douleur, extension de
leurs lombaires ont un impact socioéconomique la zone douloureuse, récidive douloureuse) et
important : première cause d’invalidité chez les des facteurs liés à l’environnement sociopsycholo-
personnes de moins de 45 ans, elles constituent gique au moment de l’épisode.
la raison principale des arrêts de travail et moti-
vent de nombreuses consultations et examens Drapeaux rouges (red flags) :
médicaux. signes évocateurs
On distingue quatre types de lombalgies : de lombalgies non mécaniques
• les lombalgies aiguës d’une durée inférieure à 6 et critères de sévérité
semaines ;
• les lombalgies subaiguës qui durent 6 à 12 • âge < 20 ans ou > 50 ans ;
semaines ; • antécédents oncologiques ;
• les lombalgies chroniques d’une durée supé- • inappétence, perte de poids ou diminution de
rieure à 3 mois ; l’état général ;
• les lombalgies récidivantes. • traumatisme ayant précédé l’apparition des
On estime que 5 à 10 % des patients souffrant douleurs ;
de symptômes aigus développeront des lombalgies • douleur d’intensité croissante, non calmée par
chroniques, sous l’influence de mécanismes de le repos ;
sensibilisation nerveuse centrale et périphérique. • douleur principalement nocturne et génératrice
Ce faible pourcentage est néanmoins respon- d’insomnie ;
sable des coûts socioéconomiques les plus élevés, • raideur matinale d’une durée > 1 heure ;
environ 90 % des coûts totaux engendrés par les • état fébrile ;
lombalgies. Il est donc primordial d’empêcher la • injections récentes (médicaments, drogues,
chronicisation par une prise en charge précoce et transfusion) ;
efficace. La lombalgie subaiguë représente une • infections simultanées (urinaires, cutanées,
période charnière durant laquelle il est important autres) ;
d’intensifier le traitement. • traitement de cortisone de longue durée,
Des signaux d’alarme, qu’il faut rechercher immunodéficience ;
activement lors de l’anamnèse, permettent • signes neurologiques (syndrome de la queue-
d’identifier les patients présentant des lombalgies de-cheval, parésie ou amyotrophie).

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
86 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Drapeaux jaunes (yellow flags) : sportive régulière, de préférence axée sur les
facteurs psychologiques sports d’endurance (vélo, natation, ski de
et comportementaux fond), permet de diminuer la fréquence de sur-
venue d’une récidive. Aucune autre technique
• état dépressif, anxiété, stress ; (ceinture ou support lombaire) n’a démontré
• fausses croyances concernant le mal de dos ; son efficacité.
• attentes excessives concernant les traitements ;
• attitude passive face à la maladie.
Prescription d’examens
Drapeaux noirs (black flags) : complémentaires
facteurs occupationnels
ou environnementaux Les examens complémentaires, notamment radio-
logiques, ne sont généralement pas indiqués dans
• insatisfaction au travail ; la phase aiguë et en l’absence de critères de gravité
• chômage ; (red flags). En effet, il est fréquent de trouver des
• conflits assécurologiques ; anomalies sur les examens IRM des patients ne
• faible soutien social dans l’environnement de présentant aucun symptôme douloureux. Une
travail ; étude a noté la présence d’une hernie discale chez
• arrêt de travail > 8 jours ; 36 %, une sténose canalaire chez 21 %, et des dis-
• mauvaise ergonomie au travail (posture inadé- copathies dégénératives avec ou sans prolapsus
quate, port de charges répété) ; discal chez plus de 90 % des personnes asympto-
• faible qualification professionnelle ; matiques âgées de 60 ans et plus [1].
• inadéquation entre travail et salaire. Les examens radiologiques doivent donc tou-
jours être prescrits en fonction des symptômes et
des signes cliniques [2]. Dans une autre revue,
Drapeaux bleus (blue flags) : l’incidence de canal lombaire étroit asymptoma-
en relation avec le patient tique dans une population âgée de 40 ans atteint
les 10 à 15 %. En outre, il n’existe aucune évidence
• âge ;
qu’un diagnostic anatomique précis améliore le
• sexe ;
devenir des patients chez qui on a correctement
• données anthropométriques ;
diagnostiqué une lombalgie chronique mécanique
• condition physique ;
ou aspécifique.
• tabagisme ;
• localisation de la douleur.
Les signes de douleurs non organiques (signes
de Waddel) et de kinésiophobie sont également Étiologies des lombalgies
recherchés lors de l’examen clinique du patient d’origine non mécanique
lombalgique.
• maladies rhumatismo-inflammatoires : spondy-
larthrites séronégatives (maladie de Bechterew) ;
Prévention • traumatismes ;
• infections : spondylodiscites, abcès épiduraux ;
• En prévention primaire, aucune intervention • tumeurs : métastases osseuses, plus rarement
n’a montré son efficacité pour diminuer la tumeurs osseuses primaires ;
fréquence de survenue d’un premier épisode de • maladies malformatives du rachis ;
lombalgie. • maladies viscérales : atteinte retropéritonéale et
• En prévention secondaire, soit après l’apparition urogénitale ;
d’un premier épisode de lombalgie, la pratique • maladies métaboliques.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 8. MEDICALE
Les douleurs lombaires 87

Étiologie des lombalgies


mécaniques
L’étiologie des lombalgies mécaniques ou, en
d’autres termes, la structure génératrice des dou-
leurs, ne peut être identifiée que dans 20 % des
cas. Les causes identifiées incluent les syndromes
myofasciaux, les syndromes radiculaires, les sté-
noses canalaires ou foraminales, les syndromes
facettaires, l’instabilité rachidienne ou l’atteinte
sacro-iliaque. Dans la grande majorité des cas,
aucune cause objective ne peut être mise en évi-
dence et l’on parle alors de lombalgie aspécifique.
La plupart des lombalgies chroniques partagent
un même point commun, le déconditionnement
physique, qui se manifeste par une perte d’endu-
rance, de la mobilité globale et de la coordination.
Figure 8.1. Point gâchette myofascial.

Douleurs d’origine myofasciale


Un point gâchette myofascial est défini comme
Le diagnostic de lombalgie d’origine myofas- une zone hypersensible au niveau d’une bande
ciale a longtemps été évoqué lorsque l’examen de fibres musculaires squelettiques sous tension
n’objectivait aucune lésion organique. De nos (figure 8.1). Des points de tension non dou-
jours, la pathophysiologie des douleurs myofas- loureux latents existent chez presque tous les
ciales est mieux comprise. Des points gâchettes individus sains. En présence de circonstances
myofasciaux sont régulièrement identifiés au favorisantes, ces points peuvent se transformer en
niveau des muscles du tronc ou des extrémi- points douloureux actifs.
tés chez des patients souffrant d’une lombalgie La palpation d’une bande musculaire sous ten-
secondaire à un syndrome facettaire ou une disco­ sion et/ou d’un nodule exquis dans la région
pathie. Ces points gâchettes peuvent aussi en être sous tension confirme le diagnostic. Les patients
la cause principale, par exemple lorsqu’ils sont localisent facilement et indiquent avec précision
situés au niveau des muscles paravertébraux. En les points gâchettes isolés. L’examinateur repro-
effet, les contraintes exercées sur les muscles et duit aisément les douleurs habituelles du patient
les ligaments qui soutiennent la colonne verté- (localisées ou référées), par palpation ou simple
brale peuvent provoquer des lombalgies. Il existe pression sur les points gâchettes. Autre caractéris-
quatre principaux groupes musculaires au niveau tique diagnostique, l’existence d’une contraction
lombaire : les extenseurs, les fléchisseurs, les rapide et localisée en réponse au pianotage ou à la
rotateurs et les fléchisseurs latéraux. percussion perpendiculaire de la zone musculaire
Bien que la douleur puisse se manifester à sous tension. Des études ultrasonographiques
n’importe quel niveau de la colonne vertébrale, la récentes des régions musculaires sous tension ont
région lombaire est plus fréquemment impliquée révélé des zones hypoéchogènes correspondant
puisqu’il s’agit de la région qui supporte le plus de aux nodules de contractions [3].
poids et subit le plus de contraintes. Un syndrome La douleur myofasciale est facilement soulagée
douloureux myofascial survient typiquement après par un traitement approprié constitué de physio-
un traumatisme, des contractions répétées lors thérapie, de massages, d’étirements musculaires
de mouvements musculaires itératifs (travail ou ou d’injections musculaires d’anesthésiques
loisir), ou des contractions induites par le stress. locaux. Toutefois, si la cause n’est pas éliminée,

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


88 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

les douleurs récidivent fréquemment quelques une distribution dermatomale. Il s’agit d’une
jours ou semaines plus tard. douleur persistante aiguë, tranchante, aggravée
Les AINS sont efficaces dans les phases aiguës par les mouvements, la toux ou les éternuements.
ou subaiguës. Ils sont souvent insuffisants lors L’étiologie la plus fréquente est la hernie discale
de douleurs chroniques en raison de leur mau- (figure 8.2). Le mécanisme pathophysiologique
vaise absorption par les tissus cicatriciels. Les est plus inflammatoire que compressif. L’irritation
myorelaxants sont généralement inefficaces et de la racine nerveuse dans le foramen interverté-
pourvoyeurs d’effets secondaires (sédation, som- bral par des modifications dégénératives (sténose
nolence, faiblesse généralisée). Les blocs facet- foraminale) est également possible.
taires et les injections épidurales peuvent être La douleur radiculaire n’est pas synonyme
bénéfiques pour traiter les lésions du segment de radiculopathie. La radiculopathie est définie
postérieur, respectivement antérieur, à l’origine comme une altération de la conduction d’une
de douleurs myofasciales. L’acupuncture et le dry racine nerveuse, pouvant se manifester par des
needling ont été appliqués avec un certain succès déficits sensitifs ou moteurs, ou par des pares-
dans les douleurs myofasciales. Le dry needling thésies. Les déficits moteurs (parésie ou paralysie)
est une technique qui consiste à piquer dans les suivent une distribution myotomale alors que
points gâchettes avec précision à l’aide d’une les déficits sensitifs (hypoesthésie ou anesthésie)
aiguille très fine, sans injecter de médicament. ont une distribution dermatomale. Une radicu-
La stimulation électrique nerveuse transcuta- lopathie n’est pas forcément accompagnée d’une
née (TENS) apporte un soulagement temporaire douleur radiculaire et inversement.
[4]. La contraction musculaire provoquée par Contrairement à la croyance populaire, il est
l’« acupuncture-like » TENS a un effet identique souvent difficile de différencier cliniquement les
à un massage localisé et améliore la circulation hernies discales L4, L5 et S1 lorsqu’il n’existe
sanguine régionale [5]. qu’une douleur radiculaire. C’est souvent la radi-
L’injection d’anesthésiques locaux (lidocaïne culopathie qui permet de préciser l’atteinte, grâce
ou procaïne 0,5 %) est recommandée pour inac- à la distribution des troubles sensitifs et aux
tiver les points gâchettes. Parmi les muscles les modifications des réflexes ostéotendineux (L3 et
plus fréquemment infiltrés figurent les muscles L4 pour le réflexe rotulien, et S1 pour le réflexe
paravertébraux, les muscles iliocostaux, longis- achilléen).
simi, multifidi et carrés des lombes. Lorsque la Le traitement pharmacologique comprend les
cible est un muscle profond, l’aiguille est dirigée antalgiques habituels et des adjuvants (antidé-
perpendiculairement à la région douloureuse, car presseurs tricycliques et antiépileptiques). L’infil-
la palpation simultanée du point gâchette est tration épidurale (interlaminaire ou foraminale)
difficile à réaliser. L’injection intramusculaire de d’anesthésiques locaux et de corticoïdes, y compris
stéroïdes est déconseillée en raison du risque dans la phase aiguë, apporte un soulagement
de myotoxicité. La toxine botulinique A bloque la transitoire qui permet de reprendre une activité
libération présynaptique d’acétylcholine au niveau ou de suivre un traitement de physiothérapie dans
de la plaque motrice et relâche le muscle cible. de meilleures conditions.
Son action a été bien documentée dans le traite-
ment des douleurs myofasciales [6,7]. Canal lombaire étroit
Douleurs radiculaires L’étiologie du canal lombaire étroit acquis
inclut principalement les troubles dégénératifs
Les douleurs radiculaires sont provoquées par qui entraînent une diminution progressive du
l’irritation et l’inflammation d’une racine nerveuse volume du canal rachidien (prolapsus ou hernie
ou de son ganglion spinal. La douleur prend son discale, hypertrophie du ligament jaune ou des
origine dans la région lombaire pour irradier typi- articulations facettaires, lipomatose épidurale)
quement dans la fesse et le membre inférieur selon (figure 8.3). La sténose est parfois associée à

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 8. MEDICALE
Les douleurs lombaires 89

Figure 8.2. Hernie discale S1 droite (A) et L3 gauche (B), à l’origine de douleurs radiculaires.

Figure 8.3. Étiologie de la sténose canalaire acquise.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


90 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

d’autres altérations dégénératives, à un spondylo- Lors de sténose latérale, la distribution des dou-
listhésis, par exemple, à l’origine d’une instabilité leurs peut être dermatomale et ressembler à une
rachidienne. La sténose peut être centrale ou douleur radiculaire sur hernie discale foraminale.
localisée au niveau des récessus latéraux. Cer- En l’absence de signes de sévérité (syndrome
taines formes de canal (canal en forme de trèfle), de la queue-de-cheval), le traitement initial est
prédisposent à la sténose latérale, moins fréquente conservateur. L’adjonction de gabapentine au
lorsque le canal est rond ou ovale. traitement antalgique classique s’est révélée très
La forme congénitale se rencontre dans les modestement efficace dans une étude rando-
cas de pédicules constitutionnellement courts. misée et contrôlée par placebo [9]. Il n’existe
Les mécanismes pathophysiologiques incluent la actuellement pas d’évidence concernant l’utilisa-
compression et/ou l’ischémie des racines lombo- tion bénéfique des antidépresseurs tricycliques et
sacrées dues au rétrécissement central ou latéral des inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline
du canal rachidien. et de la sérotonine (SNRI). La physiothérapie et
Le symptôme cardinal d’une sténose lombaire les techniques d’hygiène posturale visant à réduire
centrale est la claudication intermittente neuro- la lordose lombaire peuvent être utiles. Selon
gène ou pseudo-claudication (par opposition à la une récente revue Cochrane, les données des 21
claudication vasculaire). Les patients rapportent études randomisées évaluant l’efficacité des trai-
aussi une fatigabilité importante au niveau des tements conservateurs dans la prise en charge du
cuisses ou des jambes, des paresthésies sous forme canal lombaire étroit symptomatique ne permet-
de fourmillements ou d’engourdissement, et des tent pas d’élaborer des recommandations [10].
crampes. Les douleurs au niveau des membres En cas d’échec des traitements conservateurs,
inférieurs, uni- ou bilatérales, sont rarement défi- les investigations radiologiques permettent de
citaires. La symptomatologie apparaît de façon guider les traitements interventionnels, voire
graduelle pendant la marche, limite le périmètre de poser l’indication à une chirurgie de décom-
de marche et oblige le patient à s’arrêter ou à pression. IRM et CT-scan permettent de mesurer
s’asseoir quelques minutes avant de pouvoir pour- la surface du sac dural. Le diamètre d’un canal
suivre son chemin. Les douleurs de repos peuvent lombaire normal se situe entre 15 et 27 mm
apparaître dans les cas sévères. À la différence de [11]. Le sac dural est considéré comme libre
la claudication d’origine vasculaire, les limitations lorsque le diamètre du canal est ≥ 12 mm et
et les distances de marche varient en fonction sa surface > 130 mm2. Le rétrécissement est
des jours. La douleur est souvent plus prononcée limite lorsque le diamètre est < 10 mm et la sur-
à la descente qu’à la montée, car le patient face < 80 mm2. Enfin, la compression est quali-
doit se redresser lors de la marche en descente : fiée de critique lorsque le diamètre est < 6 mm et
l’augmentation de la lordose lombaire entraîne la surface < 50 mm [2].
une diminution de la surface du canal rachidien. La hauteur normale d’un foramen se situe entre
La flexion antérieure soulage les douleurs, raison 20 et 23 mm. Une hauteur ≤ 15 mm indique
pour laquelle les patients adoptent naturellement une sténose foraminale. Comme les divergences
une position penchée vers l’avant (camptocormie) entre surface du canal et sévérité des symptômes
et prennent volontiers appui sur un déambulateur sont fréquentes, les chirurgiens orthopédistes de
ou un chariot (signe du Caddie). Lausanne (Suisse) ont développé une classification
Lorsqu’une lombalgie est présente, elle est basée sur la morphologie du canal rachidien sur
généralement sans relation avec la marche et l’IRM (figure 8.4) [12].
reflète davantage la composante inflammatoire La chirurgie n’est indiquée dans le traitement
liée aux troubles arthrosiques des articulations du canal lombaire étroit qu’en cas d’échec du
facettaires. Le périmètre de marche est limité de traitement conservateur ou en cas d’urgence neu-
manière plus importante en présence d’un canal rologique.
lombaire étroit que d’une coxarthrose ou d’une Les configurations de degré A (A1 à A4) sont
gonarthrose [8]. normales, le degré B décrit une sténose relative,

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 8. MEDICALE
Les douleurs lombaires 91

Figure 8.4. Classification de Lausanne (selon Schizas et coll.).

le degré C une sténose sévère et le degré D une cas sévères, l’atteinte motrice peut conduire à une
sténose extrême. Les degrés C et D sont grevés paraplégie flasque avec amyotrophie. Les réflexes
d’un risque 30 fois supérieur de ne pas répondre ostéotendineux aux membres inférieurs ainsi que
aux traitements conservateurs. les réflexes périnéaux, anaux, bulbocaverneux et
clitorido-anaux sont habituellement abolis. Les
Syndrome de la queue-de-cheval troubles génitosphinctériens apparaissent pré-
cocement : difficulté à commencer la miction,
La queue-de-cheval constitue l’ensemble des nécessité de pousser pour uriner. Les mictions
racines lombaires et sacrées, réunies dans le canal impérieuses avec incontinence urinaire sont fré-
lombaire, en dessous de la terminaison de la quentes, ainsi que la perte de sensibilité pendant
moelle épinière. Le cône médullaire se situe habi- le passage urinaire. La constipation est plus fré-
tuellement à hauteur de L1-L2. Un syndrome de quente que l’incontinence fécale. Les atteintes
la queue-de-cheval peut être complet (atteinte de génitales se manifestent par une impuissance ou
L3 à S5), incomplet (atteinte L5 à S5) ou latéral. une anesthésie vaginale.
Les troubles sensitifs comprennent des douleurs La hernie discale et le canal lombaire étroit
de type radiculalgie (cruralgies, sciatalgies), des représentent les causes les plus fréquentes du
douleurs pluriradiculaires uni- ou bilatérales, syndrome de la queue-de-cheval. Les épendy-
des douleurs sacrées, périnéales et génitales favo- momes du filum terminale sont d’évolution plus
risées par la manœuvre de Valsalva, des paresthé- lente, mais peuvent s’accompagner d’hémorragies
sies ou une anesthésie de topographie radiculaire méningées brutales à l’origine de douleurs lom-
au niveau des membres inférieurs. Il existe une baires intenses. Les neurinomes, les métastases ou
hypoesthésie du périnée, des organes génitaux les processus infectieux sont plus rares.
externes et de l’anus (anesthésie en selle). Les Le syndrome de la queue-de-cheval, confirmé
troubles moteurs ont une topographie mono- ou par IRM, représente une urgence neurochirurgi-
pluriradiculaire, uni- ou bilatérale, le plus souvent cale. Le pronostic fonctionnel, particulièrement
asymétrique. Le déficit moteur se manifeste par des troubles sphinctériens, dépend de la durée et
l’impossibilité de marcher sur la pointe des pieds de l’intensité de la compression des racines lom-
(atteinte de la racine S1) ou sur les talons (L5), bosacrées. L’objectif consiste à décomprimer les
d’étendre la jambe sur la cuisse (L3, L4) ou de racines lombosacrées par laminectomie lombaire
fléchir la cuisse sur le bassin (L1, L2). Dans les et exérèse de la masse compressive.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


92 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Syndrome facettaire lombaire latérale et la marche en montée. Les changements


de position, notamment le passage de la posi-
Les articulations facettaires ou zygapophysaires tion assise prolongée à la position debout, sont
sont situées postérieurement, entre deux ver- douloureux. Le dérouillage matinal et la raideur
tèbres adjacentes. Elles sont composées du pro- lombaire sont fréquents [15]. Jackson décrit sept
cessus articulaire supérieur (issu de la vertèbre facteurs corrélés de façon significative avec un
inférieure) et du processus articulaire inférieur syndrome facettaire : âge avancé, antécédents de
(issu de la vertèbre supérieure). Innervées par la lombalgie, marche normale, douleur maximale à
branche médiane du rameau dorsal, elles possè- l’extension, absence d’irradiation dans le mem-
dent une grande quantité de terminaisons libres et bre inférieur, absence de spasme musculaire et
encapsulées qui alimentent les afférences nocicep- absence d’impulsivité [16].
tives. Les articulations facettaires contribuent à la Il n’existe pas de signe radiologique pathogno-
stabilité du rachis, notamment dans les positions monique du syndrome facettaire. Une arthrose,
de torsion. Des ligaments stabilisent les articula- des ostéophytes ou une hypertrophie du ligament
tions facettaires et préviennent les mouvements jaune sont parfois présentes à l’IRM ou au CT-
et lésions dues à des hyperflexions et des hyper- scan. Les radiographies standards (statiques et
extensions. Les articulations facettaires représen- dynamiques) en vue oblique sont utiles pour
tent 15 à 40 % des douleurs dues aux lombalgies mettre en évidence des signes d’instabilité rachi-
[13,14]. Le diagnostic de syndrome facettaire dienne avec surcharge évidente sur les articu-
est souvent difficile. Les patients se présentent lations facettaires. Occasionnellement, un kyste
typiquement avec des douleurs du bas du dos, synovial adjacent à une articulation facettaire peut
qui irradient de manière pseudoradiculaire dans provoquer une sténose foraminale ou canalaire.
les fesses (pygalgies), dans la cuisse, la région tro- Si l’injection de stéroïdes au niveau de la facette
chantérienne ou le pli inguinal (figure 8.5). Les concernée permet la résolution du kyste dans 30 à
irradiations en dessous du genou sont rares, mais 40 % des cas, des injections répétées sont souvent
peuvent atteindre la cheville, tout en épargnant le nécessaires. La prise en charge du syndrome
pied. La douleur lombaire, sous forme de barre facettaire repose sur le traitement antalgique
horizontale, prédomine à celle du membre infé- médicamenteux (paracétamol, AINS +/- opiacés
rieur en termes d’intensité. La douleur est aggra- faibles), la physiothérapie, la médecine manuelle
vée par l’hyperextension, la rotation, l’inclinaison et les infiltrations facettaires des articulations pos-
térieures responsables des douleurs. Lorsque les
infiltrations sont bénéfiques, la radiofréquence ou
la cryothérapie des branches médiales permettent
de soulager les symptômes de manière durable.

Syndrome de la charnière
dorsolombaire (syndrome
de Maigne)
La jonction dorsolombaire est une région anato-
mique très sollicitée, car elle se situe à l’interface
entre un segment mobile (la colonne lombaire)
et un segment plus fixe (la colonne dorsale), sur
lequel repose la cage thoracique. Contrairement
à la colonne dorsale, la colonne lombaire est éga-
Figure 8.5. Irradiations de la douleur d’origine lement beaucoup moins mobile en rotation. La
facettaire. vertèbre D12 est une vertèbre de transition qui

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 8. MEDICALE
Les douleurs lombaires 93

possède les caractéristiques des vertèbres dorsales de distinguer une douleur superficielle d’une dou-
sur sa face supérieure et celles des vertèbres lom- leur profonde. En présence de douleur au niveau
baires sur sa face inférieure. Les zones concernées lombaire bas ou de la hanche, la palpation de la
sont le plus souvent le segment T12-L1, plus crête iliaque latérale met en évidence le « point
rarement T11-T12, L1-L2, parfois T10-T11. de crête », soit la zone de croisement entre les
Cette atteinte segmentaire est souvent provo- branches nerveuses latérales et la crête iliaque. Ce
quée par un déséquilibre intervertébral mineur point se situe habituellement à 7 ou 8 cm de la
au niveau de l’articulation postérieure, parfois par ligne médiane dans les lombalgies basses, latéra-
une arthrose articulaire postérieure, rarement par lement au-dessus du trochanter dans les douleurs
une discopathie. référées de la hanche (figure 8.6). L’anesthésie
Le syndrome de Maigne se caractérise par des articulations postérieures responsables de la
des douleurs essentiellement référées, à distance symptomatologie élimine les douleurs des points
de la colonne dorsolombaire. La plainte la plus de crête et du « pincé-roulé » des zones cutanées
fréquente est une lombalgie basse évoquant à correspondantes.
tort une origine lombosacrée ou sacro-iliaque. Le traitement du syndrome de Maigne, iden-
Les douleurs référées se situent au niveau du tique à celui du syndrome facettaire, fait essen-
dermatome innervé par les branches cutanées tiellement appel aux infiltrations des articulations
des branches latérales du rameau dorsal du nerf zygapophysaires de la charnière dorsolombaire.
rachidien concerné (figure 8.6). Les branches
latérales de D12 et L1 innervent la région lom-
baire inférieure, la partie supérieure des fesses, Douleur discogénique
le pli de l’aine, le sacrum, les grandes lèvres ou
le scrotum, la région trochantérienne et la face La discopathie est une source fréquente de
latérale de la cuisse. douleur lombaire chronique. Peu spécifiques, les
Le diagnostic repose principalement sur l’exa- symptômes sont essentiellement représentés par
men segmentaire du rachis lombaire, tel que des douleurs axiales sans irradiation radiculaire
décrit en détail dans le chapitre 3. Parfois, seule [17]. Les facteurs de dégénérescence discale
une discrète hypoesthésie thermique est présente sont multiples : extrinsèques (surcharges, immo-
en regard de la charnière dorsolombaire (signe de bilisation, vibrations) ou intrinsèques (tabac,
Foletti). Le « pincé-roulé » sur la zone cutanée maladies vasculaires, diabète, perte d’apports
référée est douloureuse. Cette manœuvre permet nutritifs sanguins). La dégénérescence du noyau

Figure 8.6. Innervation cutanée des branches latérales de D12 et L1.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


94 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

pulpeux à l’intérieur du disque s’accompagne de (Bioclavid®) pendant 100 jours a apporté une
fissures radiales ou concentriques de l’anneau amélioration très significative des douleurs après
fibreux. Les mécanismes pathophysiologiques à une année [19].
la base des douleurs chroniques impliquent la Dans une étude chinoise publiée en 2010,
croissance de terminaisons nociceptives en pro- l’injection intradiscale de bleu de méthylène en
fondeur de l’anneau fibreux et la libération de cas de douleur discogénique a montré d’excel-
molécules (damage-associated molecular patterns lents résultats [20]. Dans une étude plus récente
ou DAMPs), comme l’acide hyaluronique ou la appliquant le même protocole, les douleurs ont
fibronectine, capables d’induire et de maintenir diminué de 30 % chez 40 % des patients [21].
durablement une inflammation stérile du disque La discographie de provocation vise à repro-
[18]. Une infection anaérobie subclinique, favo- duire la douleur habituelle du patient par l’injec-
risée par des conditions hypoxiques, pourrait tion sous pression de produit de contraste dans
également jouer un rôle dans le développement le disque suspect. L’utilité clinique de ce test
de la discopathie. Cette hypothèse a été rete- est controversée en raison de sa faible spécifi-
nue par certains auteurs qui préconisent un cité. Outre les éventuelles complications liées
traitement antibiotique dans cette indication. à l’intervention, la ponction du disque atteint
Dans une étude randomisée, contrôlée par pla- ou du disque contrôle est susceptible d’accé-
cebo, incluant 162 patients atteints de lombal- lérer sa dégénérescence par atteinte structu-
gie chronique avec modification Modic de type relle, barotraumatisme ou toxicité du produit de
1 (figure 8.7), l’administration d’antibiotique contraste [22].

Figure 8.7. Modifications Modic de types 1 et 2 visibles à l’IRM en pondération T1 et T2.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 8. MEDICALE
Les douleurs lombaires 95

Instabilité rachidienne
Une instabilité lombaire peut être la conséquence
d’une lésion osseuse vertébrale, d’une hyperlaxité
ligamentaire ou d’une lésion de l’appareil dis-
coligamentaire. Rares, les instabilités postopéra-
toires sont surtout observées après laminectomie
étendue, élargie latéralement par une foraminoto-
mie, ouverture des recessus latéraux ou résection
partielle des facettes articulaires. Les modifica-
tions de la stabilité ont des répercussions sur les
trois fonctions rachidiennes principales : la sta-
tique, la dynamique et la protection des structures
médullaires ou radiculaires. Même démontrés par
des examens dynamiques, les signes radiologiques
évocateurs de lésions dégénératives instables n’ont
pas toujours une traduction clinique. L’origine
dynamique d’une symptomatologie douloureuse
reste difficile à documenter avec précision.
La spondylolyse lombaire touche 6 % de la
population. Elle est définie par la perte de conti-
nuité de l’isthme articulaire (pars interarticula-
ris) situé entre les deux apophyses articulaires
supérieure et inférieure. Dans 85 à 90 % des Figure 8.8. Spondylolyse sur lyse isthmique L5-S1
cas, elle se situe en L5. Elle peut être uni- ou (flèche) avec minime spondylolisthésis de L5 de degré I.
bilatérale, provoquer une micro-instabilité ou
une hypermobilité de l’arc vertébral postérieur.
Dans la plupart des cas, il s’agit d’une fracture tion normale. Responsable d’une augmentation
de fatigue, due à des microtraumatismes répétés du diamètre antéropostérieur, la lyse isthmique
sur un isthme parfois congénitalement déficient. n’entraîne pas de canal lombaire étroit.
La perte de continuité s’organise sous la forme Avant la rupture, la lombalgie est due à la solli-
d’un tissu fibreux (plus rarement pseudokys- citation excessive sur l’isthme. Après la fracture de
tique) appelé nodule de Gill. Le sport est incon- l’isthme, la lyse et l’instabilité du disque peuvent
testablement un facteur favorisant, l’incidence être douloureuses. La lombalgie est typiquement
moyenne dans la population de sportifs de haut mécanique, en barre horizontale basse, améliorée
niveau se situe autour des 20 %. Les sports par la position en cyphose lombaire. La radicu-
impliquant des positions en lordose, des sollicita- lalgie peut être provoquée par la sténose forami-
tions du rachis lombaire en hyperextension sont nale, l’étirement/glissement radiculaire, par les
particulièrement concernés : plongeon acroba- nodules fibrocartilagineux issus de la lyse (nodules
tique, haltérophilie, danse, aviron, gymnastique de Gill), par la compression de la racine entre
artistique, judo. Dans 50 % des cas de spondy- l’apophyse transverse et l’aileron sacré. Elle n’est
lolyse, on note une translation horizontale qui pas augmentée par la manœuvre de Valsalva, mais
définit le spondylolisthésis (figure 8.8). Le spon- peut être aggravée par la marche. La radiculalgie
dylolisthésis par lyse isthmique représente un sur lyse isthmique L5-S1 est de topographie L5.
glissement antérieur du corps vertébral, accom- De nombreux spondylolisthésis sont totalement
pagné de ses pédicules, des processus transverses asymptomatiques. Une stabilisation spontanée est
et articulaires supérieurs. Les lames, l’épineuse et également possible grâce à la formation d’un
les articulaires inférieures restent dans leur posi- ostéophyte antérieur au niveau du sacrum.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


96 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Par opposition à la lyse isthmique, le spondy- radiologique non corrélée à la clinique est inva-
lolisthésis arthrosique apparaît chez le sujet âgé. riablement vouée à l’échec.
Il est dû à des lésions arthrosiques, sans rup- Certains types de chirurgie du rachis sont asso-
ture vertébrale. Le glissement est généralement ciés à de meilleurs résultats que d’autres. Par
minime, rarement supérieur à 1 cm. Le glissement exemple, une cure de hernie discale sera plus
simultané de l’arc postérieur et du corps vertébral efficace en cas de sciatalgie que lors de lombalgies
provoque la diminution de la taille du canal et pures. De même, une spondylodèse pour insta-
donc un canal lombaire étroit acquis. bilité rachidienne aura de meilleurs résultats en
Les quatre degrés de glissement sont définis cas de spondylolisthésis que lors de discopathies
par rapport au plateau sacré de S1 divisé en trois pluriétagées.
tiers : un déplacement < 1/3 définit un glis- Parmi les autres causes de douleurs persistantes
sement de degré I, un déplacement entre 1/3 et après chirurgie du rachis, on retiendra les fusions
2/3 est de degré II, un déplacement > 2/3 est incomplètes ou insuffisantes, le syndrome du seg-
de degré III. Au-delà, lorsque L5 perd sa relation ment adjacent, les décompressions insuffisantes,
avec le sacrum, il s’agit d’un degré IV ou d’une les récidives de hernie discale (5 à 10 % dans les
spondyloptose. 3 mois) ou de sténose canalaire, les séquelles
En cas d’échec du traitement conservateur, persistantes de compression nerveuse, les lésions
le traitement chirurgical consiste en la recons- nerveuses peropératoires ou le développement
truction isthmique ou la spondylodèse. La recons- d’une fibrose épidurale ou périradiculaire.
truction isthmique permet de restaurer l’anatomie Une fusion nécessite entre 3 et 12 mois pour
et comprend l’excision du tissu fibreux d’inter- être solide. Pour cette raison, la plupart des chi-
position, la greffe osseuse et l’ostéosynthèse. Elle rurgiens n’envisagent pas de réopération durant
s’adresse à des patients jeunes, présentant une lyse cette période, à moins qu’une rupture évidente du
isthmique peu déplacée et avec un disque sain. matériel d’ostéosynthèse (vis pédiculaire, par exem-
La spondylodèse est envisagée en cas d’échec des ple) ne soit objectivée. La récidive plus tardive de
traitements médicaux et de contre-indication à la douleur peut être liée à la dégénération du segment
reconstruction isthmique. en dessous ou au-dessus du niveau fusionné. Cette
dégénération du segment adjacent est plus fré-
Douleur persistante quente en cas de spondylodèse sur plusieurs niveaux
après chirurgie du rachis et chez les jeunes patients (entre 30 et 50 ans), et
plus rare en cas de fusion isolée de L5-S1.
La douleur persistante après chirurgie du rachis Après une chirurgie de décompression, la récu-
ou failed back surgery syndrome en anglais est pération du nerf lésé peut prendre jusqu’à 3 mois,
un terme générique, utilisé pour décrire une période durant laquelle le succès de l’opération
évolution défavorable après une chirurgie du est très difficile à évaluer. Les autres symptômes
rachis, avec apparition ou persistance de douleur neurologiques tels les paresthésies, hypoesthé-
rachidienne avec ou sans irradiation dans les sies ou parésies peuvent persister beaucoup plus
membres. Il n’existe pas de terme équivalent longtemps.
pour d’autres types de chirurgie. Les raisons de Les complications opératoires ou postopéra-
l’échec sont nombreuses, même en l’absence toires sont parfois responsables de l’évolution
de complications chirurgicales. La chirurgie du défavorable : intervention réalisée au mauvais niveau,
rachis permet de corriger une structure anato- traumatisme nerveux peropératoire, hématome,
mique génératrice de douleurs, en libérant un infection, fibrose. La rééducation et les exercices
nerf comprimé ou en stabilisant une articulation d’étirement postopératoires diminuent l’appari-
douloureuse. Il est donc essentiel que l’étiologie tion de fibrose épidurale ou périradiculaire. La
douloureuse soit clairement identifiée avant la fibrose épidurale est souvent tenue comme res-
chirurgie. Une chirurgie ciblée sur une struc- ponsable de la persistance ou récidive de douleurs.
ture indolore ou visant à corriger une image Toutefois, son rôle est probablement surestimé,

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 8. MEDICALE
Les douleurs lombaires 97

notamment chez les patients qui présentent des sieurs auteurs, la douleur d’origine sacro-iliaque
douleurs pré- et postopératoires identiques ou se situe principalement dans la région fessière et
des récidives tardives. En revanche, une réappari- irradie dans la région trochantérienne.
tion progressive de douleurs après une période Dans le cas d’un syndrome sacro-iliaque,
favorable de 6 à 12 semaines peut être associée à notamment en cas d’atteinte bilatérale, il faut
la formation d’une cicatrice fibreuse, adhérente évoquer une cause rhumatismale inflammatoire,
à la racine nerveuse. en particulier une spondylarthrite séronégative.
Finalement, une douleur persistante après chi-
rurgie du rachis est parfois liée à une rééducation Références
postopératoire insuffisante.
1. Boden SD, Davis DO, Dina TS. Abnormal magnetic-
resonance scans of the lumbar spine in asymptomatic
Douleur sacro-iliaque subjects. A prospective investigation. J Bone Joint
Surg Am 1990;72(3):403–8.
L’articulation sacro-iliaque est une articulation 2. Chou R, Deyo RA, Jarvik JG. Appropriate use of lum-
particulière qui assure la stabilité et la mobilité du bar imaging for evaluation of low back pain. Radiol
haut du corps. Son innervation complexe n’est pas Clin North Am 2012;50(4):569–85.
3. Sikdar S, Shah JP, Gebreab T, et al. Novel applications
encore entièrement élucidée. Le rameau dorsal de of ultrasound technology to visualize and characterize
L5 et les branches latérales de S1 à S3 participent myofascial trigger points and surrounding soft tissue.
à son innervation sensitive. L’implication des arti- Arch Phys Med Rehabil 2009;90:1829–38.
culations sacro-iliaques dans la douleur lombaire, 4. Hsueh TC, Cheng PT, Kuan TS, et al. The imme-
bien reconnue de nos jours, peut être provoquée diate effectiveness of electrical nerve stimulation and
par l’arthrose, une entorse ou une enthésopathie, electrical muscle stimulation on myofascial trigger
points. Am J Phys Med Rehabil 1997;76:471–6.
via des mécanismes aussi divers que des tensions 5. Tanrikut A, Özaras N, Kaptan HA, et al. High
ligamentaires ou capsulaires, des compressions voltage galvanic stimulation in myofascial pain syn-
ou des cisaillements, l’hypermobilité ou un dés- drome. J Musculoske Pain 2003;11(2):11–5.
équilibre myofascial. 6. Acquadro MA, Borodic GE. Treatment of myofas-
La douleur d’origine sacro-iliaque échappe cial pain with botulinum A toxin. Anesthesiology
1994;80:705–6.
souvent au diagnostic. Elle devrait pourtant être
7. Cheshire WP, Abashian SW, Mann JD. Botulinum
évoquée en présence de douleurs aggravées par toxin in the treatment of myofascial pain syndrome.
la position assise ou les changements de posi- Pain 1994;59:65–9.
tion. Pour certains patients, le décubitus latéral 8. Winter CC, Brandes M, Muller C, Schubert T,
peut aussi être inconfortable. L’examen clinique Ringling M, Hillmann A, et al. Walking ability during
de l’articulation sacro-iliaque est décrit dans le daily life in patients with osteoarthritis of the knee or
the hip and lumbar spinal stenosis: a cross-sectional
chapitre 3. study. BMC Musculoskeletal Disorders 2010;11:233.
Dans une étude concernant 50 patients soula- 9. Yaksi A, Ozgönenel L, Ozgönenel B. The efficiency
gés par une injection d’anesthésique local dans of gabapentin therapy in patients with lumbar spinal
l’articulation, la douleur se situait dans la région stenosis. Spine 2007;32:939–42.
fessière (94 %), la région lombaire basse (72 %), 10. Ammendolia C, Stuber KJ, Rok E, Rampersaud
la face postérieure de la cuisse (50 %), la région R, Kennedy CA, Pennick V, et al. Nonoperative
treatment for lumbar spinal stenosis with neuroge-
sous-géniculaire (28 %) [23]. Certains patients nic claudication. Cochrane Database of Systematic
présentaient même des irradiations douloureuses Reviews 2013; doi: 10.1002/14651858.CD010712.
jusque dans les pieds (12 %) et dans la région Issue 8. Art. CD010712.
lombaire haute (6 %). Il n’est toutefois pas exclu 11. Ciricillo SF, Weinstein PR. Lumbar spinal stenosis.
que certaines irradiations puissent être dues à West J Med 1993;158(2):171–7.
12. Schizas C, Theumann N, Burn A, Tansey R, Wardlaw
une authentique douleur radiculaire, soulagée
D, Smith FW, Kulik G. Qualitative grading of severity
par une fuite d’anesthésique local vers les racines of lumbar spinal stenosis based on the morphology of
L4-S1, phénomène bien connu avec les infiltra- the dural sac on magnetic resonance images. Spine
tions intra-articulaires sacro-iliaques. Selon plu- 2010 Oct 1;35(21):1919–24.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


98 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

13. Cohen SP, Raja SN. Pathogenesis, diagnosis, and low back pain and vertebral bone edema (Modic
treatment of lumbar zygapophysial (facet) joint pain. type 1 changes): a double-blind randomized clinical
Anesthesiology 2007;106(3):591–614. controlled trial of efficacy. Eur Spine J 2013 Apr;
14. Filippiadis DK, Kelekis A. A review of percuta- 22(4):697–707. doi: 10.1007/s00586-013-2675-y.
neous techniques for low back pain and neural- Epub 2013 Feb 13.
gia: current trends in epidural infiltrations, 20. Peng B, Pang X, Wu Y, Zhao C, Song X. A randomi-
intervertebral disk and facet joint therapies. Br J zed placebo-controlled trial of intradiscal methylene
Radiol 2016;89(1057):20150357. doi: 10.1259/bjr. blue injection for the treatment of chronic discogenic
20150357. low back pain Pain 2010 Apr;149(1):124–9. Epub
15. Beresford ZM, Kendall RW, Willick SE. Lumbar facet 2010 Feb 18.
syndromes. Curr Sports Med Rep 2010;9(1):50–6. 21. Kallewaard JW, Geurts JW, Kessels A, Willems P,
16. Jackson RP, Jacobs RR, Montesano PX. 1988 Volvo van Santbrink H, van Kleef M. Efficacy, Safety, and
award in clinical sciences. Facet joint injection in low- Predictors of Intradiscal Methylene Blue Injection
back pain. A prospective statistical study. Spine (Phila for Discogenic Low Back Pain: Results of a Multi-
Pa 1976) 1988;13(9):966–71. center Prospective Clinical Series. Pain Pract 2016
17. He L, Hu X, Tang Y, et al. Efficacy of coblation Apr;16(4):405–12. doi: 10.1111/papr.12283. Epub
annuloplasty in discogenic low back pain: a pros- 2015 Mar 6.
pective observational study. Medicine (Baltimore) 22. Cuellar JM, Stauff MP, Herzog RJ, et al. Does pro-
2015;94(19):e846. vocative discography cause clinically important injury
18. Quero L, Klawitter M, Schmaus A, et al. Hyaluro- to the lumbar intervertebral disc? A 10-year matched
nic acid fragments enhance the inflammatory and cohort study. Spine J 2016;16(3):273–80.
catabolic response in human intervertebral disc cells 23. Slipman CW, Jackson HB, Lipetz JS, Chan KT, Lenrow
through modulation of toll-like receptor 2 signalling D, Vresilovic EJ. Sacroiliac joint pain referral zones.
pathways. Arthritis Res Ther 2013;15(4):R94. Arch Phys Med Rehabil 2000 Mar;81(3):334–8.
19. Albert HB, Sorensen JS, Christensen BS, Manniche
C. Antibiotic treatment in patients with chronic

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 9
Les coccygodynies
Jean-Pierre Mustaki, Christophe Perruchoud

Les syndromes douloureux pelviens constituent Physiopathologie


un motif de consultation fréquent. L’origine de
ces douleurs est souvent difficile à identifier et Coccygodynies
les patients ont, pour la plupart, déjà bénéficié de
multiples examens spécialisés avant d’être adressés
post-traumatiques
à une consultation spécialisée d’antalgie. De manière générale, les coccygodynies post-
Parmi les douleurs pelviennes, on distingue traumatiques s’observent plus couramment si le
les douleurs de l’articulation sacro-iliaque, les coccyx est droit et se déplace en extension lors
arthropathies de hanche, les douleurs lombaires du passage de la position verticale à la position
irradiant dans le petit bassin, les douleurs du assise [1].
pubis, celles d’origine musculaire (muscle grand L’anamnèse révèle communément un trauma-
fessier, piriforme, muscle élévateur de l’anus), les tisme direct du coccyx, avec des lésions radio-
bursites (ischioglutéale, iliopectinée, ischiatique, logiques documentées [2], ou des contraintes
trochantérienne), la méralgie paresthésique, le répétitives (longs voyages en position assise).
syndrome d’Alcock, les douleurs provenant des L’accouchement difficile et l’utilisation de forceps
organes creux du petit bassin. Les coccygodynies sont des causes souvent évoquées [3].
font partie des syndromes douloureux pelviens. La relation causale entre traumatisme et appa-
rition de la coccygodynie est très vraisemblable
lorsque le délai d’apparition de la douleur est court
Anatomie du coccyx (< 1 mois) et que les douleurs surviennent plus
fréquemment lorsque le coccyx est en position
rectiligne plutôt qu’en flexion. Au-delà de 3 mois,
Le coccyx est l’élément terminal de la colonne
la relation de causalité est improbable (figure 9.1).
vertébrale, vestige de la queue des mammifères. Il
compte, de manière variable, jusqu’à quatre ver-
tèbres (un coccyx long a plus de deux vertèbres) Spicule coccygien
alignées avec la colonne selon un angle plus ou
moins ouvert. Les articulations sont formées de Un coccyx long et courbe, peu mobile, en exten-
fibrocartilage, de disque, de synoviale ou inté- sion, peut présenter un éperon osseux à son
gralement ossifiées. extrémité qui, en position assise, occasionne une
La mobilité antérieure du coccyx (flexion) est bursite inflammatoire sous-jacente. Les patients
dépendante de la contraction des muscles rele- sont souvent maigres. On retrouve fréquemment
veurs de l’anus et du sphincter externe, la mobilité une fossette cutanée, voire un kyste en regard de
postérieure (extension) est liée à la relaxation de l’épine. Cette épine osseuse est souvent palpée
ces muscles et à la pression intra-abdominale. La à l’examen clinique et mise en évidence par un
rotation sagittale du bassin influence également la examen IRM ; 15 % des coccygodynies non trau-
position du coccyx. matiques sont liées à la présence de ce spicule [2].

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
100 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Figure 9.1. A. Radiographie standard de profil mettant en évidence une luxation traumatique de la dernière pièce
coccygienne (flèche rouge). B. Œdème d’origine traumatique des deux dernières pièces coccygiennes (flèche rouge)
visible sur l’IRM.

Figure 9.2. Lésions coccygiennes.


A. Luxation postérieure du coccyx. B. Hypermobilité entraînant un frottement (flèche) entre les corps coccygiens. C. Épine
coccygienne à la face postérieure de l’apex (flèche).
D’après Maigne [6].

Instabilité coccygienne hypermobilité est établie lorsque le coccyx se


fléchit à plus de 30° en position assise. Elle ne
L’instabilité coccygienne semble être respon- se retrouve pratiquement que chez la femme, de
sable de coccygodynies chroniques dans 25 % corpulence normale, et serait due à une rotation
des cas [4] (figure 9.2). Elle est visible sur pelvienne importante en position assise, pous-
des radiographies comparatives de l’ossature du sant le coccyx en avant. Elle est parfois liée à une
coccyx en position assise et debout [5]. Cette hyperlaxité ligamentaire généralisée.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre MEDICALE
9. Les coccygodynies 101

Autres étiologies causalité, durée, type et intensité de la douleur,


facteurs aggravants, facteurs de soulagement. Les
Les maladies inflammatoires, comme la spondy- signes d’accompagnement permettent d’orienter
larthrite ankylosante, peuvent être responsables le diagnostic : fièvre, sudations nocturnes, perte
de douleurs coccygiennes, mais dans ce cas, elles pondérale, dysurie, douleurs abdominales ou
sont associées à d’autres symptômes et d’autres anales, saignement ou écoulement urogénital,
localisations. lombalgies.
Dans le diagnostic différentiel, il faut aussi À l’examen clinique, en cas de coccygody-
considérer le CRPS, les atteintes inflammatoires nie commune ou post-traumatique, la palpation
liées à des dépôts calciques, les atteintes infec- locale est douloureuse à un endroit très précis.
tieuses, les atteintes métastatiques ou tumorales On ne retrouve de signes cutanés qu’en présence
primaires comme les chordomes, les tumeurs d’une fossette cutanée (ébauche d’un sinus pilo-
glomiques, le kyste dermoïde, les nécroses nidal) ou d’un kyste en cas de spicule. Le toucher
avasculaires, l’arachnoïdite des nerfs sacrés, un rectal entraîne des douleurs.
syndrome de somatisation dans un contexte Des radiographies de face et de profil peuvent
dépressif. montrer une fracture en cas de coccygodynie
post-traumatique, ou la présence d’un spicule
en cas de coccygodynie commune. Les examens
Épidémiologie dynamiques (position assise-debout) permet-
tent de mettre en évidence une hypermobilité
La prévalence des coccygodynies n’est pas connue, ou une subluxation du coccyx. Des examens
mais elle survient plus fréquemment chez les spécialisés, urogénital et gastroentérologique,
femmes et les personnes obèses. Dans 90 % des de même qu’une IRM du petit bassin, complè-
cas, une coccygodynie commune ou post-trauma- tent le bilan en fonction de l’anamnèse et du
tique évolue favorablement en quelques semaines statut.
ou en quelques mois, avec ou sans traitement.

Traitements
Présentations cliniques
La rareté des publications concernant ce sujet
spécifique, le manque d’études comparatives et les
La douleur est généralement localisée unique-
faibles collectifs de patients étudiés ne permettent
ment au coccyx et n’irradie pas. En cas de spasmes
pas de définir les pratiques ni de privilégier une
musculaires, des irradiations peuvent apparaître,
prise en charge plutôt qu’une autre [7].
en direction du plancher pelvien. La douleur sur-
vient typiquement en position assise, et lorsque
le patient s’incline vers l’arrière. Elle s’accroît Traitements d’épargne
parfois lors du passage de la position assise à la
position debout, lors de la défécation ou des Ils constituent la prise en charge initiale et le trai-
rapports sexuels. Le patient est capable de définir tement d’appoint des coccygodynies. Ils consis-
la localisation avec précision. Une douleur plus tent à privilégier la position assise en légère flexion
diffuse, présente aussi bien en position debout ou antérieure, de manière à ce que la contrainte
assise, doit faire évoquer une autre cause : dou- s’exerce sur les tubérosités ischiatiques plutôt
leurs lombaires irradiant vers le coccyx, douleurs que sur le coccyx. En position assise, on peut
fonctionnelles, névralgie pudendale, douleurs également utiliser un coussin ou une bouée pour
d’origine anale, douleurs sacro-iliaques. limiter l’appui direct sur le coccyx.
Hormis ces caractéristiques, l’histoire de cette L’application locale de glace ou de chaleur
coccygodynie est précisée lors de l’anamnèse : dépend des bénéfices décrits par le patient.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


102 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Figure 9.3. Bloc du ganglion impar.

Traitements médicamenteux principalement en cas d’instabilité ou d’éperon


coccygien. Ces injections sont effectuées, selon les
Bien qu’aucune étude n’ait pu analyser l’effi- cas, au niveau des jonctions articulaires, de l’épe-
cacité des analgésiques sur les coccygodynies, ron lui-même ou dans l’espace épidural [10,11].
la pratique courante consiste à administrer du Des améliorations significatives ont été rappor-
paracétamol et des AINS en combinaison ou non tées après infiltration unique ou répétées du gan-
avec du tramadol ou un opiacé fort. L’utilisation glion impar, qui se situe antérieurement au coccyx,
des AINS n’est pas recommandée en cas de au bout de la chaîne sympathique [12,13], chez
fracture, en raison des possibles effets négatifs 80 % des patients sur une période de plus de
sur la consolidation osseuse [8]. Dans ce cas, 6 mois [14] (figure 9.3). La thermoablation
le recours à la calcitonine intranasale pourrait de ce ganglion par radiofréquence a apporté des
représenter un traitement complémentaire [9]. améliorations de plus de 6 mois [15].
En cas de coccygodynies chroniques, le recours
à des médicaments comme les antiépileptiques
ou les antidépresseurs se justifie plus par le profil Traitements adjuvants
chronique des plaintes que par sa spécificité. Il
n’existe pas d’étude à ce sujet. Parmi ces traitements, on relève les approches
physiothérapeutiques du plancher pelvien, les
manipulations et massages du coccyx par voie
Infiltrations rectale, l’utilisation du TENS ou des ultrasons.

Les infiltrations sont utilisées en cas de persistance


des symptômes douloureux au-delà de 2-3 mois Neuromodulation
malgré une prise en charge conservatrice. Il s’agit
d’infiltrations d’anesthésique local avec ou sans Il existe peu de publications traitant des indica-
corticoïde, sous contrôle radioscopique ou CT, tions à la stimulation médullaire, à la stimulation

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre MEDICALE
9. Les coccygodynies 103

nerveuse périphérique ou sous-cutanée lors de 8. Jeffcoach DR, Sams VG, Lawson CM, Enderson BL,
coccygodynies [16,17]. Cependant, cette option Smith ST, Kline H, et al. Nonsteroidal anti-inflam-
matory drugs’ impact on nonunion and infection
doit être envisagée en raison du caractère peu
rates in long-bone fractures. University of Tennessee
invasif et de la réversibilité de la procédure. Medical Center, Department of Surgery. J Trauma
Acute Care Surg. 2014 Mar;76(3):779–83.
9. Foye PM, Shupper P, Wendel I. Coccyx fractures
Traitement chirurgical treated with intranasal calcitonin. Pain Physician
2014;17:E229.
Il est envisagé lorsque tous les autres traite- 10. Foye PM, Shupper P, Wendel I. Coccyx fractures
ments se sont révélés inefficaces et consiste en treated with intranasal calcitonin. Pain Physician
l’ablation partielle ou complète du coccyx. Les 2014;17:E229.
résultats obtenus semblent excellents [18,19]. 11. Mitra R, Cheung L, Perry P. Efficacy of fluoroscopi-
Cette option doit cependant être envisagée avec cally guided steroid injections in the management of
coccydynia. Pain Physician 2007;10:775.
prudence en l’absence d’études randomisées. 12. Foye PM. Ganglion impar injection techniques for
Les complications inhérentes au geste chirurgical coccydynia (coccyx pain) and pelvic pain. Anes-
comprennent hématomes et surinfections. thesiology 2007;106:1062.
13. Datir A, Connell D. CT-guided injection for ganglion
Références impar blockade: a radiological approach to the mana-
gement of coccydynia. Clin Radiol. 2010;65:21–5.
1. Maigne JY, Doursounian L, Chatellier G. Causes and 14. Gunduz OH, Sencan S, Kenis-Coskun O. Pain Relief
mechanisms of common coccydynia: role of body due to Transsacrococcygeal Ganglion Impar Block
mass index and coccygeal trauma. Spine 2000;25: in Chronic Coccygodynia: A Pilot Study. Pain Med
3072–9. 2015;16:1278.
2. Nathan ST, Fisher BE, Roberts CS. Coccydynia: a 15. Demircay E, Kabatas S, Cansever T, Yilmaz C,
review of pathoanatomy, aetiology, treatment and Tuncay C, Altinors N. Radiofrequency thermocoa-
outcome. J Bone Joint Surg B. 2010 Dec;92(12): gulation of ganglion impar in the management of
1622–7. coccydynia: preliminary results. Turk Neurosurg.
3. Maigne JY, Rusakiewicz F, Diouf M. Postpartum 2010;20:328–33.
coccydynia: a case series study of 57 women. Eur J 16. Kothari S. Neuromodulatory approaches to chronic
Phys Rehabil Med 2012;48:387. pelvic pain and coccygodynia. Acta Neurochir Suppl.
4. Lirette LS, Chaiban G, Tolba R, Eissa H. Coccy- 2007;97:365–71.
dynia: an overview of the anatomy, etiology, and 17. Feler Ca, Whitworth LA, Fernadez J. Sacral neuro-
treatment of coccyx pain. Ochsner J 2014;14:84. modulation for chronic pain conditions. Anesthesiol
5. Patel R, Appannagari A, Whang PG. Coccydynia. Clin North America 2003 Dec;21(4):785–95.
Curr Rev Musculoskelet Med 2008;1:223. 18. Kerr EE, Benson D, Schrot RJ. Coccygectomy
6. Maigne JY. Soulager le mal de dos. Paris, Masson for chronic refractory coccygodynia: clinical case
2009 185-196. series and literature review. J Neurosurg Spine 2011
7. Howard Paul D, Dolan Andrea N, Falco Anthony N, May;14(5):654–63.
Holland Brett M, Wilkinson Caitlin F, Zink Anna M. 19. Haddad B, Prasad V, Khan W, et al. Favourable out-
A comparison of conservative interventions and their comes of coccygectomy for refractory coccygodynia.
effectiveness for coccydynia: a systematic review. J Ann R Coll Surg Engl 2014;96:136.
Man Manip Ther. 2013 Nov;21(4):213–9.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 10
Le syndrome douloureux
régional complexe
Christophe Perruchoud

Le syndrome douloureux régional complexe réflexe, algodystrophie, dystrophie neurovas-


(SDRC, Complex Regional Pain Syndrome) est culaire réflexe ou encore syndrome épaule-
l’appellation actuelle d’une maladie connue pré- main). Il s’agit de la forme la plus courante.
cédemment sous différents noms (maladie de • Le SDRC de type II, anciennement causal-
Sudeck, algoneurodystrophie, causalgie, dys- gie, implique une lésion nerveuse périphérique
trophie sympathique réflexe, etc.). La première manifeste, et les douleurs sont plus importantes
description de ce syndrome date probablement et plus difficiles à contrôler.
du xvi siècle, lorsqu’Ambroise Paré relate les Après l’introduction des critères de Budapest,
douleurs chroniques et les contractures que le roi environ 15 % des patients anciennement porteurs
Charles IX développe après une banale saignée. du diagnostic de SDRC n’entraient plus dans
À la fin du xix siècle, Silas Mitchell, père de la la classification de types I et II. Une troisième
neurologie américaine, constate chez les vétérans catégorie a été créée pour catégoriser ces patients
de la guerre de Sécession une incidence élevée « sans diagnostic », le SDRC-NOS, Not Otherwise
de douleurs persistantes et disproportionnées par Specified, « non spécifié autrement ») [1].
rapport à la sévérité de leurs blessures. Il propose
le terme de causalgia, du grec kausis (feu) et algos
(douleur). En 1900, Paul H. M. Sudeck observe Épidémiologie
les caractéristiques radiologiques de l’atrophie
réflexe post-traumatique. En 1916, René Leriche Le SDRC est une pathologie peu fréquente dont
incrimine le système nerveux sympathique et l’incidence varie selon les critères diagnostiques
réalise des sympathectomies périartérielles. C’est utilisés (5-20/100 000). L’incidence est plus éle-
en 1946 que le Dr James Evans proposa le terme vée dans la quatrième décade et chez les femmes
de « dystrophie sympathique réflexe ». Dans un selon un rapport allant de 2:1 à 4:1. Le membre
souci d’uniformité, l’International Association for supérieur est atteint deux fois plus souvent que le
the Study of Pain (IASP) introduisit en 1994 membre inférieur. L’incidence varie entre 4,5 % et
le terme de Complex Regional Pain Syndrome 40 % après aponévrectomie de Dupuytren, entre
(CRPS) ou « syndrome douloureux régional 2 % et 5 % après une cure de tunnel carpien, entre
complexe » (SDRC), ainsi que ses critères diag- 22 % et 39 % après une fracture du poignet [2].
nostiques. Ces derniers seront modifiés en 2003 Les incidences les plus élevées sont associées aux
puis validés en 2010 (critères de Budapest). fractures intra-articulaires multifragmentaires du
Le SDRC est subdivisé en deux types : radius distal avec atteinte de la styloïde ulnaire,
• Les lésions nerveuses périphériques font défaut et aux fractures traitées par réduction fermée et
dans le SDRC de type I (anciennement connu plâtrée (par opposition à un embrochage per-
sous le nom de dystrophie sympathique réflexe, cutané) [3]. Un plâtre trop serré ou mal posé
maladie de Sudeck, dystrophie sympathique représente également un facteur de risque [4].

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
106 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Le tabagisme est régulièrement associé au SDRC, • un mécanisme auto-immun contribuant au


la vasoconstriction et l’hyperactivité sympathique développement initial et au maintien de la
constituant des facteurs prédisposants. sensibilisation centrale et périphérique.
L’incidence du SDRC est de 12 % après un
traumatisme cérébral [5], de 12 à 48 % après acci-
dent vasculaire cérébral avec hémiparésie séquel- Présentation clinique
laire et de 5 % après un infarctus myocardique [6].
Dans 10 à 26 % des cas, aucun facteur déclen- La douleur persistante est le symptôme cardinal
chant ne peut être mis en évidence [7]. L’inci- du SDRC. Elle est spontanée et/ou évoquée
dence de récidive du SDRC de type I est de 1,8 % (allodynie mécanique ou thermique), fréquem-
par an, dont la moitié est spontanée [8]. Sept ment décrite comme lancinante, sous forme de
pour cent des patients souffrant de SDRC d’un brûlure, de coup de couteau, de serrement dans
membre développent un SDRC dans un autre un étau, son intensité est disproportionnée par
membre. rapport à la lésion initiale. La douleur a une
localisation régionale, ne correspondant ni à un
dermatome ni à un territoire nerveux spécifique.
Physiopathologie Le processus inflammatoire joue aussi un rôle
central dans le SDRC étant donné la présence des
Chez la majorité des patients atteints de SDRC, signes classiques d’œdème, de rougeur, d’hyper-
l’anamnèse révèle un événement déclenchant thermie et d’altération de la fonction dès les
(traumatisme, chirurgie, ischémie, compression premiers stades du SDRC.
nerveuse). La raison pour laquelle seule une En plus des douleurs, le SDRC est caractérisé par
minorité de ces événements conduit à un SDRC des atteintes sensorielles, motrices, trophiques, psy-
reste toutefois inconnue. La diversité et l’hétéro- chologiques et une dysautonomie (figure 10.1).
généité des symptômes ne peuvent être expliquées Le SDRC est divisé en trois stades en fonction
par un seul et unique mécanisme pathophysiolo- de l’évolution des symptômes [10]. Bien que cette
gique, d’où le terme de syndrome « complexe ». chronologie ne soit pas systématique chez tous les
Parmi les mécanismes possiblement impliqués, patients, reconnaître le stade d’évolution permet
figurent [9] : d’optimiser la prise en charge (figure 10.2).
• des altérations de l’innervation cutanée (faible • Stade I (stade inflammatoire, de 0 à 3 mois) :
densité des petites fibres C et Aα) ; caractérisé essentiellement par les symptômes
• une sensibilisation centrale et périphérique douloureux et les anomalies sensorielles (hyper-
médiée par certains neuropeptides, dont la algésie, allodynie). Présence d’une dysfonction
substance P, la bradykinine ou le glutamate (via vasomotrice (tuméfaction extra-articulaire, cha-
les récepteurs NMDA) ; leur, rougeur) et sudomotrice (peau sèche ou
• une dysfonction du système nerveux sympa- hyperhydrose).
thique ; • Stade II (stade dystrophique, de 3 à 9 mois) :
• un niveau de catécholamines circulant bas, débute avec la réduction de l’hyperactivité sym-
une augmentation des cytokines locales et sys- pathique. Caractérisé par l’augmentation de la
témiques (TNF-α, interleukines-1, -2 et -6) ; douleur, une peau froide, cyanotique et moite,
• une diminution des cytokines anti-inflamma- une fonte musculaire, un épaississement des
toires systémiques (interleukines-10) ; ongles et une pilosité rugueuse.
• une réorganisation corticale (aire senso- • Stade III (stade atrophique, de 9 à 18 mois) :
rielle S1) ; caractérisé par une diminution des symptômes
• des facteurs génétiques (incidence augmentée douloureux et sensoriels, une persistance de
associée aux allèles HLA-DQ1, HLA-DQ8, l’atteinte vasomotrice et une augmentation
HLA-DR13, HLA-A3, HLA-B7 et HLA- marquée des troubles trophiques et moteurs,
b62) ; incluant une peau fine et luisante, une hyper-

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre SCIENCE
10. Le syndrome douloureux MEDICALE
régional complexe 107

Figure 10.1. Présentation clinique du SDRC.

Figure 10.2. SDRC des extrémités à différents stades.


À gauche : SDRC du genou gauche au stade atrophique, avec présence d’un livedo reticularis (haut) ; SDRC de la main
gauche au stade dystrophique : peau froide et moite (bas). À droite : SDRC de la main gauche au stade atrophique : peau
fine et luisante (haut) ; SDRC du pied gauche au stade atrophique, avec présence d’un livedo reticularis (bas).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


108 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

kératose, une contracture articulaire, une ostéo- supplémentaire. La subluxation scapulohumérale


pénie. constitue un autre facteur étiologique important.
Certains auteurs distinguent le SDRC forme En effet, durant la phase initiale, le muscle
chaude et le SDRC forme froide. Le SDRC supraépineux est flasque et le poids du bras peut
chaud reflète l’hyperactivité sympathique asso- conduire à la subluxation de la tête humérale
ciant chaleur, rougeur et tuméfaction, alors que dans la cavité glénoïde.
dans le SDRC froid, le membre atteint est froid,
cyanosé, raide, et présente des troubles fonction-
nels importants. L’évolution de la forme froide Diagnostic
est généralement moins favorable. Les asymé-
tries de température sont mesurées à l’aide d’un Le diagnostic est principalement clinique
thermomètre à infrarouge (précision ± 0,1 °C). et repose l’anamnèse et l’examen clinique.
Une différence de 1 °C est considérée comme Les premiers critères diagnostiques définis
significative. en 1994 par l’IASP avaient une sensibilité adé-
Le syndrome épaule-main est un cas parti- quate (0,98), mais leur faible spécificité (0,36)
culier du SDRC : il se manifeste par une dou- conduisait régulièrement à un surdiagnostic.
leur et une raideur de l’épaule, associées à une L’IASP modifia donc ces critères en 2003 pour
tuméfaction douloureuse de la main ipsilatérale. les rendre plus spécifiques (0,69) tout en main-
Les caractéristiques habituelles du SDRC sont tenant une bonne sensibilité (0,85). Ces cri-
également présentes. Cette atteinte fait généra- tères diagnostiques modifiés, validés en 2010,
lement suite à un accident vasculaire cérébral, un sont connus sous le nom de « critères de
traumatisme cérébral, un infarctus myocardique Budapest » (tableau 10.1).
ou une lésion médullaire cervicale. L’apparition Les critères 1 et 4 doivent toujours être rem-
et la sévérité du syndrome épaule-main après plis. Le critère 4 (diagnostic d’exclusion) justifie la
un accident vasculaire cérébral semblent être réalisation d’examens paracliniques (imagerie, par
liées à la gravité et à la récupération du déficit exemple) dans le processus diagnostique.
moteur, de la spasticité et des troubles senso-
riels. Une héminégligence représente un risque

Tableau 10.1. Critères diagnostiques de Budapest (IASP, 2010).


1. Douleur persistante et disproportionnée par rapport à l’événement initial
2. Au minimum un symptôme dans trois des quatre catégories suivantes :

a. Sensoriel : symptômes évocateurs d’une hyperalgésie, hyperpathie ou allodynie


b. Vasomoteur : description d’une asymétrie de couleur ou de température ou un changement de couleur
c. Sudomoteur : description d’un œdème ou d’une asymétrie de sudation
d. Moteur/trophique : description d’une raideur ou de troubles moteurs (faiblesse, trémor, dystonie) ou d’un changement trophique
(pilosité, ongle, peau)
3. Au minimum un signe dans deux des quatre catégories suivantes :

a. Sensoriel : confirmation d’une hyperalgésie, hyperpathie ou allodynie


b. Vasomoteur : confirmation d’une asymétrie de couleur ou de température ou un changement de couleur
c. Sudomoteur : confirmation d’un œdème ou d’une asymétrie de sudation
d. Moteur/trophique : confirmation d’une raideur ou de troubles moteurs (faiblesse, trémor, dystonie) ou d’un changement trophique
(pilosité, ongle, peau)
4. Il n’existe pas d’autre diagnostic qui explique de façon plus convaincante les symptômes et les signes cliniques

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre SCIENCE
10. Le syndrome douloureux MEDICALE
régional complexe 109

Figure 10.3. Radiographie de la main : présence d’une ostéopénie périarticulaire au niveau des articulations métacar-
pophalangiennes de la main gauche.

Investigations traceur radioactif se fixant sur l’os (ostétrope), les


zones hypercaptantes (fracture, tumeur, inflam-
mation, infection) ou hypocaptantes (nécrose,
Radiographie standard métastase lytique) peuvent être identifiées au
Les signes radiologiques du SDRC sont tardifs, moyen d’une gamma-caméra. L’acquisition des
inconstants et peu spécifiques. Apparaissant le images se déroule en trois phases :
plus souvent sous la forme d’une déminéra- • phase dynamique : au moment de l’injection,
lisation, ils consistent en une ostéoporose ou appréciation de la perfusion vasculaire ;
une ostéopénie périarticulaire, située principa- • phase précoce : dans les 3 minutes suivant
lement au niveau métaphysaire, une résorption l’injection, évaluation de l’imprégnation tis-
osseuse sous-périostée, une résorption osseuse sulaire ;
intracorticale conduisant à une striation cor- • phase tardive : 2 à 3 heures après l’injection,
ticale, une résorption osseuse endostéale à évaluation de la captation osseuse.
l’intérieur de la diaphyse élargissant le canal Les observations scintigraphiques du membre
médullaire, une érosion sous-chondrale et juxta- atteint de SDRC dépendent du stade d’évolution
articulaire entraînant des érosions périarticu- de la maladie [11] :
laires et des lacunes intra-articulaires dans l’os • stade inflammatoire : perfusion asymétrique
sous-chondral (figure 10.3). en phase dynamique, hypercaptation en phase
tardive ;
• stade dystrophique : perfusion normale et per-
Scintigraphie sistance de l’hypercaptation en phase tardive ;
• stade atrophique : hypoperfusion vasculaire
La scintigraphie osseuse est une technique et normalisation de l’hypercaptation en phase
d’imagerie de médecine nucléaire permettant de tardive.
visualiser tout ou partie du squelette en un seul En raison de la tendance naturelle de l’os à
examen (figure 10.4). Grâce à l’injection d’un retrouver un aspect normal, une scintigraphie

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


110 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Figure 10.4. Scintigraphie d’un patient présentant un SDRC des deux mains (hypercaptation en phase tardive).

négative n’exclut pas un SDRC (surtout lors Thermographie à infrarouge


d’évolution longue). Une récente méta-analyse
démontre également la mauvaise concordance La thermographie à infrarouge est une technique
entre une scintigraphie osseuse positive et la pré- permettant d’obtenir une image thermique du
sence ou l’absence d’un SDRC [12]. De ce fait, corps et de détecter des différences de température
la scintigraphie osseuse permet surtout d’exclure entre deux régions. Pour minimiser les influences
d’autres pathologies (arthrose, tumeur, fracture de facteurs externes, la consommation de nicotine,
ou maladie métabolique). de caféine et l’ingestion de médicaments vasoactifs
sont interrompues quelques jours avant l’examen.
Les images infrarouges sont réalisées au niveau
Imagerie par résonance du membre sain et du membre atteint, ainsi qu’à
magnétique d’autres endroits du corps (visage, abdomen ou
dos) à titre de référence. Une fois les images de
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est repos obtenues, on pratique des tests fonctionnels
utile en phase aiguë du SDRC où un épaissis- pour évaluer le réflexe de vasoconstriction au froid
sement cutané, un œdème périarticulaire et des en plongeant le membre sain dans de l’eau à 20 °C
tissus mous (rehaussement de contraste au niveau pendant 5 minutes. Si le système nerveux auto-
des fascias superficiels), ainsi qu’un œdème diffus nome fonctionne correctement, le membre atteint
de la moelle osseuse localisé au niveau de l’arti- refroidit également. À l’inverse, le réchauffement
culation atteinte sont mis en évidence avec une du membre atteint signe une dysautonomie.
haute sensibilité et malheureusement une faible
spécificité (nombreux faux positifs !). Dans le Test à la sueur
stade dystrophique, l’IRM est peu contributive,
seul un amincissement cutané est parfois visible. Lorsqu’on suspecte l’implication du système
Durant le stade atrophique, l’atrophie musculaire végétatif, on peut vérifier la présence d’une lésion
est la principale caractéristique retrouvée à l’IRM. en effectuant un test à la ninhydrine. Lors de ce
Tout comme la scintigraphie osseuse, l’IRM joue test, simple d’utilisation, la sueur est collectée sur
surtout un rôle dans le diagnostic différentiel. un papier puis colorée.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre SCIENCE
10. Le syndrome douloureux MEDICALE
régional complexe 111

Quantitative sensory testing Bien que non élucidé, le mécanisme d’action


semble lié aux propriétés antioxydantes de l’acide
Le Quantitative sensory testing (QST) évalue la ascorbique.
fonction des petites fibres nerveuses en mesurant Une étude comparant quatre prises en charge
le seuil de perception à différents stimuli sensoriels anesthésiques différentes de l’aponévrotomie per-
(toucher, pression, douleur, température, vibra- cutanée de Dupuytren a montré que l’incidence
tion). Ce test permet notamment d’objectiver une de SDRC est significativement réduite lors d’anes-
hyperalgésie ou une allodynie thermique lors de thésie par bloc axillaire ou anesthésie intravei-
diminution du seuil douloureux à la chaleur. Ce neuse (AVR) à la lidocaïne et clonidine [13].
test, long à réaliser, est utilisé davantage à des fins La prévention du syndrome épaule-main
de recherche qu’en pratique clinique. après AVC inclut l’immobilisation de l’épaule
plégique au moyen de dispositifs de soutien
(écharpe ou orthèse) pour limiter le risque de
Prévention subluxation.

Le traitement du traumatisme chirurgical, la sur-


veillance régulière du plâtre et autres contentions, Traitement
une bonne position du membre lésé, une réédu-
cation douce et précoce, le contrôle des per- Le traitement du SDRC a pour objectifs de
turbations circulatoires secondaires et une prise contrôler les douleurs et de restaurer la fonction
en charge optimale de la douleur constituent la du membre atteint. Un traitement précoce (avant
prévention primaire du SDRC. 6 mois) a un meilleur pronostic. Malheureu-
Plusieurs études démontrent l’efficacité de sement, le temps moyen entre le début des
l’administration de hautes doses de vitamine C symptômes et une consultation dans un centre
(> 500 mg/j pendant 45 à 50 jours après spécialisé est généralement supérieur à 2 ans. Une
le traumatisme) dans la prévention d’un SDRC approche interdisciplinaire permet d’obtenir de
après une fracture du poignet ou de la cheville. meilleurs résultats (figure 10.5).

Figure 10.5. Algorithme de traitement selon la présentation du SDRC.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


112 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Physiothérapie et ergothérapie épaule-main post-AVC où la thérapie du miroir


paraît également efficace au cours des stades plus
La physiothérapie constitue un des piliers thé- avancés. Toutefois, il n’existe actuellement pas
rapeutiques du SDRC [14]. Les objectifs de de consensus quant aux modalités d’application
la rééducation sont multiples : maintien d’une de cette technique en raison de l’absence de
mobilisation volontaire, permettant la conserva- randomisation et de groupe contrôle dans la
tion des amplitudes articulaires et de la trophicité plupart des travaux [15-17].
musculaire, réduction de l’œdème et maintien Le programme d’imagerie motrice (ou Gra-
d’une capacité fonctionnelle. Elle doit idéalement ded Motor Imagery) développé par Moseley a
commencer le plus tôt possible. Un traitement obtenu de bons résultats dans des cas de SDRC
antalgique efficace est souvent nécessaire pour d’évolution supérieure à 6 mois [18]. Cette thé-
que la rééducation puisse être effectuée dans de rapie se déroule en trois étapes, les deux pre-
bonnes conditions. Si le traitement médicamen- mières utilisant l’imagerie motrice et la dernière
teux est insuffisant, il faut recourir aux techniques la thérapie du miroir. Plusieurs études utilisant
interventionnelles. En cas de troubles sensoriels ce protocole rapportent des résultats positifs sur
(allodynie ou hyperalgésie), il est recommandé la douleur, l’œdème et la fonction du membre
de commencer un traitement d’ergothérapie de atteint, avec un effet persistant 6 mois après la
rééducation sensitive. thérapie. Le protocole comporte trois périodes de
La thérapie du miroir est une technique 2 semaines chacune. Durant les deux premières
facile à appliquer et peu coûteuse. On peut semaines, les sujets sont soumis à des exercices
opter pour du matériel conçu spécifiquement de reconnaissance de latéralité de membre à
(www.reflexpainmanagement.com) ou pour un partir de photographies placées dans des positions
simple miroir placé verticalement et un dispositif différentes. Le patient doit reconnaître le plus
masquant le membre atteint. Le patient effec- rapidement possible s’il s’agit du membre droit
tue une série de mouvements simples avec son ou gauche. Au cours des 2 semaines suivantes, le
membre sain (ouverture et fermeture de la main, patient doit s’imaginer effectuer le mouvement
flexion-extension du poignet, par exemple) et se représenté sur la photographie, en insistant cette
concentre sur l’image réfléchie en imaginant que fois-ci sur la qualité et non sur la rapidité du geste.
les mouvements sont effectués par le membre La thérapie du miroir intervient dans le courant
atteint. Les exercices ne doivent pas excéder des 2 dernières semaines.
5 minutes et sont répétés 5 à 6 fois par jour. La thérapie physique avec exposition à
L’objectif est de diminuer la kinésiophobie par la douleur (Pain exposure Physical Therapy)
l’interruption de la relation entre le mouvement est un concept aux antipodes de la rééduca-
d’un membre et la douleur provoquée par ce tion sensitive. Le patient, directement exposé
même mouvement. En effet, le retour visuel aux stimulations douloureuses, est encouragé à
congruent, bien qu’illusoire, l’emporte sur les retrouver une activité quotidienne normale aussi
informations proprioceptives et douloureuses. rapidement que possible, sans l’aide de médi-
La transmission d’influx pertinents est ainsi caments et en se forçant à ignorer la douleur.
rétablie entre le cortex pariétal postérieur et Il lui est expliqué que la douleur chronique ne
le cortex prémoteur, ce qui limite les phéno- constitue pas un signal d’alarme et qu’elle ne le
mènes douloureux et permet de récupérer, à protège d’aucune lésion potentielle. Au fur et à
terme, une représentation corticale normale du mesure du traitement, l’amélioration fonction-
membre atteint. Les résultats publiés dans la nelle s’accompagne d’une diminution des dou-
littérature sont encourageants. Le succès de la leurs. Cette thérapie a été jugée dans plusieurs
thérapie semble corrélé avec la durée d’évolution études rétrospectives et prospectives comme
du SDRC, les meilleurs résultats étant obtenus sûre et efficace. Une seule étude randomisée en
lorsque cette technique est appliquée préco- double aveugle comparant la thérapie physique
cement, à l’exception peut-être du syndrome avec exposition à la douleur à la physiothérapie

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre SCIENCE
10. Le syndrome douloureux MEDICALE
régional complexe 113

conventionnelle est disponible dans le cadre de façon exagérée. L’éducation thérapeutique


du SDRC de type I. L’amélioration dans le pre- permet également de rassurer le patient et son
mier groupe a été observée après cinq séances entourage. La grande fréquence de comporte-
seulement. Toutefois, l’efficacité était compa- ments inappropriés justifie l’utilisation des thé-
rable dans les deux groupes [19]. rapies cognitivocomportementales dans la prise
en charge thérapeutique. Les techniques utilisées
sont en général la relaxation, le biofeedback et
Traitement psychologique l’hypnose. L’efficacité de ces thérapies est bien
établie dans le SDRC [20].
La douleur prolongée a, par définition, toujours
un retentissement psychologique. Un traitement
psychologique constitue un soutien pour le Traitements médicamenteux
patient souffrant de SDRC, d’autant plus que
l’entourage et la famille (et parfois les médecins) Le choix du traitement dépend de l’intensité des dou-
peuvent considérer, à tort, que le patient se plaint leurs et de la présentation du SDRC (figure 10.6).

Figure 10.6. Résumé de l’efficacité des traitements pharmacologiques dans le SDRC.


D’après Wertli et al. [33].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


114 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Lors de la phase aiguë, en présence de signes inflam- L’efficacité de la prégabaline est pratiquement
matoires prédominants, les anti-inflammatoires identique à celle de la gabapentine et elle est
non stéroïdiens (AINS) traditionnels ou COX-2 souvent mieux tolérée. La prégabaline représente
sélectifs peuvent s’avérer utiles. une alternative acceptable même en l’absence de
Les corticoïdes sont potentiellement efficaces preuve. Une étude randomisée chez des patients
dans la phase aiguë, même s’il n’existe pas de souffrant de SDRC de type I conclut que la
consensus à propos des doses et de la durée du prise de 600 mg/j de carbamazépine pendant
traitement [21]. Plusieurs schémas sont décrits : 8 jours diminue considérablement les douleurs
prednisone 0,5 à 1 mg/kg per os avec diminu- par rapport au placebo [27].
tion progressive sur 3 mois ; méthylprednisolone L’efficacité des opiacés a été largement docu-
80 mg intramusculaire tous les 15 jours pendant mentée en cas de douleurs neuropathiques
2 mois (quatre injections au total). Les traite- en général, mais jamais spécifiquement dans
ments systémiques au long cours sont déconseillés le SDRC. La prescription d’opiacés est néanmoins
en raison des effets secondaires. Dans le syndrome raisonnable comme traitement de 2e ou 3e ligne
épaule-main après un accident vasculaire cérébral, des douleurs modérées à sévères dues au SRDC.
une étude a démontré la supériorité de la pred- Le tramadol et la méthadone sont les opiacés de
nisone (40 mg/j pendant 2 semaines suivi d’une choix pour leurs effets additionnels respective-
diminution progressive de 10 mg/semaine) par ment SNRI et anti-NMDA.
rapport au piroxicam (AINS) en ce qui concernait Les antagonistes des récepteurs NMDA
l’amélioration des douleurs et de l’amplitude des (kétamine, amantadine ou dextrométhorphane)
mouvements de l’épaule, ainsi que la diminution ont été étudiés spécifiquement dans le SDRC.
de l’œdème [22]. Leurs effets toxiques aux doses efficaces limitent
L’efficacité des capteurs de radicaux considérablement leur utilisation. L’efficacité de
libres ou antioxydants, comme le diméthy­ la kétamine intraveineuse à dose subanesthésique
lsulfoxyde (DMSO) 50 % ou le N-acétylcys- (10 à 50 mg/h) a été évaluée chez 33 patients
téine (NAC) a été prouvée dans une étude présentant un SDRC de type I ou II. Douze
randomisée incluant 146 patients traités soit par patients ont récidivé et bénéficié d’une deuxième
DMSO 50 % en application topique 5 fois par perfusion, trois patients ont reçu une troisième
jour, soit par NAC 600 mg 3 fois par jour per os perfusion. La durée moyenne de l’effet antalgique
pendant 17 semaines. Le DMSO 50 % semblait était de 9,4 mois [28].
être plus efficace dans les cas de SDRC-I chaud, Les biphosphonates sont de puissants inhibi-
le NAC en cas de SDRC-I froid [23]. L’adminis- teurs de la résorption osseuse et sont captés par le
tration d’anti-TNF alpha semble bénéfique selon squelette au niveau des sites de remodelage actif.
plusieurs petites séries de cas [24]. Les indications principales sont l’ostéoporose,
Lorsque le SDRC s’accompagne de douleurs les maladies métaboliques (maladie de Paget, par
à composante neuropathique (allodynie, hyper- exemple) et les métastases osseuses douloureuses.
algésie ou hyperpathie), un traitement anti- Les bisphosphonates agissent par réduction de
épileptique et/ou antidépresseur est souvent l’activité ostéoclatique, mais dans le cas du SDRC,
prescrit. Il n’existe pourtant aucune évidence le mode d’action est probablement plus complexe
de l’efficacité de la prégabaline, des antidépres- (réduction de la production d’acide lactique, inhi-
seurs tricycliques ou inhibiteurs de la recapture bition des macrophages et de la prolifération des
de la sérotonine et noradrénaline (SNRI) en monocytes, diminution du Nerve Growth Factor
cas de SDRC [25]. La gabapentine, adminis- et différentes cytokines, prévention de l’apoptose
trée précocement (dans les 2 premiers mois), des ostéoblastes et ostéoclastes) [29]. Plusieurs
à des doses entre 600 et 1 800 mg par jour, études de bonne qualité démontrant le bénéfice
peut apporter une diminution modérée des des bisphosphonates (alendronate, clodronate,
douleurs et possiblement de l’allodynie et de pamidronate ou neridronate) dans le SDRC ont
l’hyperalgésie dans le SDRC de type I [26]. été publiées ces dernières années.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre SCIENCE
10. Le syndrome douloureux MEDICALE
régional complexe 115

Le nombre nécessaire de patients à trai- Blocs et anesthésie régionale


ter (NNT) pour obtenir une diminution d’au
moins 50 % des douleurs est de 2,0 avec le clo- L’anesthésie intraveineuse (AVR) avec de la lido-
dronate (40 mg per os pendant 2 à 4 mois) [30] caïne et des stéroïdes a été étudiée dans le SDRC
et de 2,4 avec le neridronate (100 mg IV, quatre avec des résultats inconstants [36]. Le bloc sym-
doses espacées de 3 jours chacune) [31]. Géné- pathique (lombaire ou du ganglion stellaire) a
ralement bien tolérés, les bisphosphonates n’ont longtemps été considéré comme le gold standard
que peu d’effets secondaires : intolérance gas- dans le traitement du SDRC. Seule une minorité
tro-intestinale avec clodronate per os et douleurs d’études est de bonne qualité (randomisation
musculaires lors d’administration intraveineuse et contrôle par placebo). La brève durée de
de neridronate. L’efficacité des bisphosphonates l’effet antalgique et de la réduction des symp-
peut être évaluée par une scintigraphie au Tech- tômes vasomoteurs devrait être mise à profit pour
netium 99m. Un examen bisphosphonate-positif améliorer la mobilisation et la rééducation [37].
indique une meilleure captation et accumulation Des blocs sympathiques répétés chez des patients
du médicament. sélectionnés peuvent contribuer à une meilleure
La calcitonine est une hormone secrétée par participation à un programme de physiothérapie.
les cellules parafolliculaires de la thyroïde. Elle L’administration continue d’anesthésique local,
inhibe la résorption osseuse et régule la calcémie de clonidine ou d’opiacé par cathéter épidural
et la phosphatémie. Son mécanisme d’action dans a été évaluée dans le SRDC. La clonidine s’est
le SDRC reste incertain et implique possiblement révélée efficace dans une étude randomisée [38],
des mécanismes sérotoninergiques ou catéchola- de même que l’administration de baclofène, clo-
minergiques, des influx de Ca2+, une inhibition des nidine, bupivacaïne, morphine ou ziconotide par
cyclo-oxygénases et une action sur les récepteurs pompe intrathécale dans plusieurs séries de cas.
aux opiacés. En clinique, la calcitonine de saumon
est disponible en spray nasal. Les effets secondaires
les plus fréquents sont une rhinite, une épistaxis Neuromodulation
et des arthralgies. L’efficacité de la calcitonine
dans le SDRC est controversée : une méta-analyse L’application d’un TENS (Transcutaneous Elec-
effectuée en 2001 a conclu à son efficacité lors trical Nerve Stimulation) est limitée par la pré-
d’application intranasale à raison de 100-200 U sence d’une allodynie ou d’une hyperalgésie.
par jour [32] ; d’autres études ont abouti à des Une étude randomisée contrôlée chez
conclusions opposées. Toutefois, dans une méta- 36 patients souffrant de SDRC réfractaire au trai-
analyse récente, les biphosphonates apparaissent tement conventionnel a conclu que l’adjonction
comme le traitement de choix dans les formes de la stimulation médullaire à la physiothérapie
évoluant depuis moins d’une année alors que la diminue de manière significative (statistique et
calcitonine est plus efficace dans les formes chro- clinique) la sévérité des symptômes [39]. L’effet
nique de plus d’une année [33]. En raison d’une est maintenu pendant 2 ans. Une revue systéma-
association avec une incidence augmentée de néo- tique de la littérature portant sur 25 travaux (plus
plasies, l’administration de calcitonine devrait être de 500 cas) suggère que la stimulation médullaire
limitée à 6 semaines [34]. diminue les douleurs d’au moins 50 % chez des
La dystonie, les myoclonies et les spasmes patients soigneusement sélectionnés [40]. Il s’agit
musculaires sont traités par baclofène (oral, intra- certes d’une technique coûteuse présentant cer-
thécal), diazépam, clonazépam ou toxine botu- tains risques (infection, migration d’électrode),
lique A. Dans les formes froides du SDCR, un mais elle est considérée actuellement comme une
traitement vasodilatateur à base d’anticalcique option thérapeutique bénéficiant d’une bonne
(nifédipine 20 mg/j) ou d’antagoniste alpha-adré- validité d’efficience clinique.
nergique (phénoxybenzamine jusqu’à 120 mg/j) La stimulation magnétique transcrânienne
peut s’avérer efficace [35]. répétitive (rTMS) à haute fréquence a été décrite

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


116 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

chez 23 patients avec un SRDC type I du mem- 5. Gellman H, Keenan MA, Stone L, Hardy SE,
bre supérieur. Les effets positifs obtenus sur la Waters RL, Stewart C. Reflex sympathetic dys-
trophy in brain-injured patients. Pain 1992
diminution des douleurs pendant la période de
Dec;51(3):307–11.
stimulation (10 sessions) offre des perspectives 6. Rosen PS, Graham W. The shoulder-hand syndrome:
intéressantes pour les atteintes réfractaires [41]. historical review with observations on seventy-three
patients. Can Med Assoc J. 1957 Jul 15;77(2):86–
91.
Chirurgie 7. Veldman PH, Reynen HM, Arntz IE, Goris RJ.
Signs and symptoms of reflex sympathetic dys-
L’efficacité de la sympathectomie chirurgicale trophy: Prospective study of 829 patients. Lancet
a été étudiée dans une revue systématique [42], 1993;342:1012–6.
portant sur l’analyse rétrospective de cohortes 8. Veldman P, Goris R. Multiple reflex sympathetic
incluant de 7 à 73 personnes. Toutes les études dystrophy. Which patients are at risk for developing
a recurrence of reflex sympathetic dystrophy in the
rapportent une nette réduction de la douleur same or another limb. Pain 1996;64:463–6.
après la sympathectomie, avec toutefois une perte 9. Bruehl S. An update on the pathophysiology of
d’efficacité au fil du temps. Les études à long complex regional pain syndrome. Anesthesiology
terme montrent que les chances de succès sont 2010;113:713–25.
plus grandes si le traitement est réalisé précoce- 10. Bonica J. Causalgia and other reflex sympathetic dys-
ment (< 1 année) après le traumatisme initial. trophies. In: Bonica J, editor. Management of pain.
Philadelphia: Lea and Feibiger; 1990. p. 220–43.
Une amputation est parfois proposée pour 11. Demangeat JL, Constantinesco A, Brunot B, Fou-
améliorer la qualité de vie de patients atteints cher G, Farcot JM. Three-phase bone scanning in
de SDRC qui présentent des complications reflex sympathetic dystrophy of the hand. J Nucl
sérieuses, surinfection ou handicap fonctionnel Med. 1988;29:26–32.
important. Deux études rétrospectives ont éva- 12. Ringer R, Wertli M, Bachmann ML, Buck FM, Brun-
ner F. Concordance of qualitative bone scintigraphy
lué les résultats de l’amputation : dans la pre-
results with presence of clinical complex regional pain
mière [43], parmi les sept patients amputés, trois syndrome 1: Meta-analysis of test accuracy studies.
se disaient satisfaits et quatre insatisfaits ou indécis. Eur J Pain 2012;16:1347–56.
Dans la seconde étude [44], sur les 28 patients 13. Reuben SS, Pristas R, Dixon D, et al. The incidence
amputés, seuls deux patients ne ressentaient plus of complex regional pain syndrome after fasciectomy
de douleur. Une amélioration fonctionnelle était for Dupuytren’s contracture: a prospective observa-
tional study of four anesthetic techniques. Anesth
obtenue chez neuf patients. L’amputation d’un Analg 2006;102:499–503.
membre atteint de SDRC doit rester une solution 14. Oerlemans HM, Oostendorp RA, de Boo T, Goris RJ.
exceptionnelle et de dernier recours, après échec Pain and reduced mobility in complex regional pain
de toutes les autres options thérapeutiques. syndrome I: outcome of a prospective randomised
controlled clinical trial of adjuvant physical therapy
versus occupational therapy. Pain 1999;83:77–83.
Références
15. Grunert-Pluss N, Hufschmid U, Santschi L, Grunert
1. Wilson PR, Stanton-Hicks M, Harden RN. CRPS. J. Mirror therapy in hand rehabilitation: a review
Current Diagnosis and Therapy. Progress in Pain of the litterature, the St-Gallen protocol for mirror
Research and Management Series, Vol. 32. Seattle, therapy and evaluation of a cases series of 52 patients.
WA: IASP Press; 2005. Journal of Hand Therapy 2008;13(1):4–9.
2. Li Z, Smith BP, Tuohy C, Smith TL, Andrew Koman 16. Cacchio A. Mirror therapy for chronic regional pain
L. Complex regional pain syndrome after hand sur- syndrome type I and stroke. New England Journal of
gery. Hand Clin. 2010;26:281–9. Medecine 2009;361(6):634–5.
3. Zyluk A. Complex regional pain syndrome type I. 17. De Blasis E, Cacchio A, Necozione S, Di Orlo
Risk factors, prevention and risk of recurrence. J F, Santilli V. Mirror therapy in complex regional
Hand Surg Br. 2004;29:334–7. pain syndrome type I of the upper limb in stroke
4. Collins E. Complex regional pain syndrome. In: patients. Neurorehabilitation and Neural Repair.
Trumble T, Budoff J, Cornwall R, editors. Hand, 2009;23(8):792–9.
elbow, and shoulder: Core knowledge in orthopedics. 18. Moseley L. Graded motor imagery for pathologic
Philadelphia: Mosby Elsevier; 2006. p. 255–9. pain. Neurology 2006;67:2129–34.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre SCIENCE
10. Le syndrome douloureux MEDICALE
régional complexe 117

19. Barnhoorn KJ, van de Meent H, van Dongen RTM. nate: a randomized, double-blind, placebo-control-
Pain exposure physical therapy (PEPT) compared led study. Rheumatology (Oxford) 2013;52:534–42.
to conventional treatment in complex regional pain 32. Perez RS, Kwakkel G, Zuurmond WW, de Lange
syndrome type 1: a randomised controlled trial. BMJ JJ. Treatment of reflex sympathetic dystrophy
Open 2015 Dec 1;5(12):e008283. doi: 10.1136/ (CRPS type 1): a research synthesis of 21 rando-
bmjopen-2015-008283. mized clinical trials. J Pain Symptom Manage Jun,
20. Bruehl P. Psychological Interventions. In: Wilson 2001;21(6):511–26.
P, Stanton-Hicks M, Harden NH, editors. CRPS: 33. Wertli MM, Kessels AG, Perez RS, Bachmann LM,
current diagnosis and therapy. Progress in pain Brunner F. Rational pain management in complex
research and management. IASP, Press Seattle; 2005. regional pain syndrome 1 (CRPS 1) — a network
p. 201–16. meta-analysis. Pain Med. 2014 Sep;15(9):1575–89.
21. Christensen K, Jensen EM, Noer I. The reflex dys- 34. Letter on Drugs and Therapeutics. In Brief: Cancer
trophy syndrome response to treatment with systemic Risk with Salmon Calcitonin. The Medical Letter
corticosteroids. Acta Chir Scand 1982;148:653–5. Online 2013;(1414):29.
22. Kalita J, Vajpayee A, Misra UK. Comparison of pred- 35. Muizelaar JP, Kleyer M, Hertogs IA, DeLange DC.
nisolone with piroxicam in complex regional pain Complex regional pain syndrome (reflex sympa-
syndrome following stroke: a randomized controlled thetic dystrophy and causalgia): management with
trial. QJM 2006 Feb;99(2):89–95. the calcium channel blocker nifedipine and/or the
23. Perez RS, Zuurmond WW, Bezemer PD, et al. The alphasympathetic blocker phenoxybenzamine in
treatment of complex regional pain syndrome type I 59 patients. Clin Neurol Neurosurg 1997;99:26–30.
with free radical scavengers: a randomized controlled 36. Taskaynatan MA, Ozgul A, Tan AK, et al. Bier block
study. Pain 2003;102:297–307. with methylprednisolone and lidocaïne in CRPS type
24. Huygen FJ, Niehof S, Zijlstra FJ, et al. Successful I: a randomized, double-blinded, placebo-controlled
treatment of CRPS 1 with anti-TNF. J Pain Symptom study. Reg Anesth Pain Med 2004;29:408–12.
Manage 2004;27:101–3. 37. Cepeda MS, Carr DB, Lau J. Local anesthetic sympa-
25. Perez RS, Zollinger PE, Dijkstra PU, Thomassen- thetic blockade for complex regional pain syndrome.
Hilgersom IL, Zuurmond WW, Rosenbrand KC, Cochrane Database Syst Rev 2005;19(4):CD004598.
Geertzen JH. CRPS I task force. Evidence based 38. Rauck RL, Eisenach JC, Jackson K, et al. Epidural
guidelines for complex regional pain syndrome type clonidine treatment for refractory reflex sympathetic
1. BMC Neurol. 2010 Mar 31;10:20. dystrophy. Anesthesiology 1993;79:1163–9.
26. Vusse AC van de, Berg SG Stomp-van den, Kessels 39. Kemler MA, de Vet HC, Barendse GA, van den
AH, Weber WE. Randomised controlled trial of Wildenberg FA, van Kleef M. The effect of spinal
gabapentin in Complex Regional Pain Syndrome cord stimulation in patients with chronic reflex
type 1. BMC Neurol 2004,4 :13. sympathetic dystrophy: two years’ follow-up of
27. Harke H, Gretenkort P, Ladleif HU, Rahman S, the randomized controlled trial. Ann Neurol
Harke O. The response of neuropathic pain and 2004;55:13–8.
pain in complex regional pain syndrome I to car- 40. Taylor RS, Van Buyten JP, Buchser E. Spinal cord
bamazepine and sustained-release morphine in stimulation for complex regional pain syndrome: a
patients pre-treated with spinal cord stimulation: systematic review of the clinical and cost effectiveness
A double-blinded randomized study. Anesth Analg literature and assessment of prognostic factors. Eur J
2001;92:488–95. Pain 2006;10:91–101.
28. Correll GE, Maleki J, Gracely EJ, Muir JJ, Har- 41. Picarelli H, Teixeira MJ, de Andrade DC. Repetitive
but RE. Subanesthetic ketamine infusion therapy: a transcranial magnetic stimulation is efficacious as
retrospective analysis of a novel therapeutic approach an add-on to pharmacological therapy in complex
to complex regional pain syndrome. Pain Med regional pain syndrome (CRPS) type I. J Pain
2004;5:263–75. 2010;11(11):1203–10.
29. Varenna M, Adami S, Sinigaglia L. Bisphosphonates 42. Mailis A, Furlan A. Sympathectomy for neuropathic
in complex regional pain syndrome type I: how do pain. Cochrane Database Syst Rev 2003;CD002918.
they work? Clin Exp Rheumatol 2014;32:451–4. 43. Stam HJ, Rijst HV. The results of amputation in
30. Manicourt DH, Brasseur JP, Boutsen Y. Role of reflex sympathetic dystrophy of the upper extremity
alendronate in therapy for post-traumatic complex — an analysis of 7 cases. Physical Med Rehabil
regional pain syndrome type I of the lower extremity. 1994;4:134–6.
Arthritis Rheum 2004;50:3690–7. 44. Dielissen PW, Claassen AT, Veldman PH, Goris RJ.
31. Varenna M, Adami S, Rossini M. Treatment of Amputation for reflex sympathetic dystrophy. J Bone
complex regional pain syndrome type I with neridro- Joint Surg Br 1995;77:270–3.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 11
Les neuropathies périphériques
Michèle Bovy, Christophe Perruchoud

La neuropathie est un terme générique décrivant atteintes, on distingue les neuropathies motrices,
une atteinte fonctionnelle ou structurelle d’un sensitives, autonomes et sensitivomotrices.
nerf et regroupant un ensemble d’atteintes neu- La neuropathie sensitive peut être due l’atteinte
rologiques hétérogènes. Le terme de « névrite des grosses fibres myéliniques, des petites fibres
périphérique » est parfois utilisé comme syno- myéliniques ou des fibres amyéliniques. L’atteinte
nyme de neuropathie périphérique. Plusieurs des grosses fibres se manifeste par des troubles
étiologies sont possibles, incluant les étiologies proprioceptifs (marche talonnante, signe de
toxiques (médicaments, chimiothérapie), métabo- Romberg, hypopallesthésie, troubles sensibilité
liques (diabète, carence vitaminique, insuffisance arthrocinétique, hypo-/aréflexie). Une atteinte
rénale), infectieuses (Herpes zoster, HIV) ou héré- des petites fibres entraîne des troubles de la sen-
ditaires (maladie de Charcot). Les neuropathies sibilité tactile, au froid, au chaud et à la douleur,
peuvent être accompagnées ou non de symptômes ainsi qu’une atteinte dysautonomique. La sensibi-
et de douleurs. lité proprioceptive est conservée. La topographie
des lésions peut être symétrique ou asymétrique.
La mononeuropathie est une atteinte isolée
Épidémiologie d’un nerf. Les mononeuropathies multiples dési-
gnent l’atteinte simultanée de plusieurs troncs
nerveux. Cette atteinte est échelonnée dans le
La neuropathie périphérique est l’une des princi-
temps. Chaque nerf étant touché isolément, elle
pales raisons de consultation chez le neurologue.
aboutit à une répartition inégale et asymétrique
La prévalence de la douleur neuropathique péri-
des lésions.
phérique est d’environ 2,4 % de la population
Les polyneuropathies (PNP) se caractérisent
générale [1]. La prévalence augmente avec l’âge
par la symétrie des troubles neurologiques et leur
et atteint 8 % chez le patient âgé de plus de
prédominance distale. Elles échappent à une sys-
55 ans. La neuropathie périphérique est plus fré-
tématisation tronculaire ou radiculaire. L’atteinte
quente chez les patients diabétiques, infectés par
porte aussi bien sur les fibres sensitives, motrices
HIV, présentant des troubles dysprotéinémiques
ou végétatives. On distingue deux sous-groupes :
et ceux traités par chimiothérapie [2].
les PNP distales et les PNP proximales et distales :
• les PNP distales concernent les extrémités
(généralement des membres inférieurs) ;
Classification • les PNP proximales et distales sont le plus
et physiopathologie souvent des polyradiculoneuropathies ou poly-
radiculonévrites. Elles se différencient des PNP
Selon le mode d’installation et la durée des symp- distales par une atteinte neurologique diffuse,
tômes, les neuropathies sont classées en aiguës touchant aussi bien la racine que les extrémités
(< 4 semaines), subaiguës (entre 4 et 8 semaines) des membres et s’étendant aux muscles du
et chroniques (> 8 semaines). En fonction des tronc et aux nerfs crâniens.

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
120 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Présentation clinique • diabète : ancienneté, traitement et complica-


tions éventuelles ;
La neuropathie périphérique peut se révéler par • Consommation d’alcool : consommation régu­
des symptômes sensitifs positifs et/ou négatifs, lière et excessive d’alcool (> 30 g/j ou 3 verres/j
des symptômes moteurs positifs et/ou négatifs et pour un homme et 2 verres/j pour une femme),
des symptômes neurovégétatifs. association avec des troubles carentiels nutri-
Les symptômes sensitifs les plus fréquents sont tionnels ;
les suivants : • prise de médicaments potentiellement neuro-
• Paresthésie (picotements, fourmillements, sen- toxiques ;
sation de froid), dysesthésie (par exemple au • antécédents familiaux de neuropathie ;
contact des vêtements) et hypoesthésie localisée • syndrome d’immunodéficience acquise (sida) ;
le plus souvent aux membres inférieurs. • cancer ou hémopathie ;
• Douleurs souvent à prédominance nocturne • hypothyroïdie ;
(brûlures, froid douloureux, sensations d’étau, • insuffisance rénale chronique ;
de piqûre ou de marche sur du gravier). • hépatite ;
Les symptômes moteurs incluent : • exposition passée ou actuelle à des agents neu-
• La faiblesse musculaire, en particulier des loges rotoxiques, soit dans l’environnement soit dans
antéroexternes des jambes, se traduisant par un l’alimentation (plomb, mercure, polyacryla-
steppage. Une faiblesse proximale ou diffuse mide, etc.) ;
oriente le diagnostic vers une polyradiculoné- • séjours prolongés dans des pays tropicaux
vrite chronique et des pieds creux ou des orteils (lèpre, maladie de Chagas, etc.).
en griffe vers une neuropathie héréditaire. Les pathologies fréquemment associées à une
• Des crampes musculaires au repos, des fas- neuropathie incluent certaines maladies hérédi-
ciculations et plus rarement une amyotrophie taires (maladie de Charcot-Marie-Tooth-Hoff-
distale des membres supérieurs. mann, ataxie de Friedreich), systémiques ou
Les symptômes neurovégétatifs les plus fré- métaboliques (diabète, carence en vitamines,
quemment observés sont : urémie, tumeurs) et infectieuses ou inflamma-
• troubles de l’équilibre majorés par la perte du toires (HIV, hépatites, diphtérie, syndrome de
contrôle visuel ; Guillain-Barré, maladie de Lyme, polyarthrite
• malaises orthostatiques ou post-prandiaux ; rhumatoïde, syndrome de Sjögren, sarcoïdose,
• troubles de la sudation ; syphilis, lupus érythémateux systémique, maladie
• troubles mictionnels ; amyloïde) [3–5].
• troubles de l’érection et de l’éjaculation ;
• diarrhée motrice, sensation de plénitude gas-
trique ; Dépistage et investigations
• symptômes trophiques cutanés (peau sèche,
squameuse, atrophique) et profonds (rétraction Bien que de nombreux patients diabétiques soient
tendineuse, maux perforants plantaires) ; asymptomatiques, ils présentent une atteinte les
• hyperkératose puis ulcération indolore aux exposant à un risque de lésions cutanées, en raison
points d’appui de la plante des pieds. de la perte de sensation protectrice. Un dépistage
annuel de la neuropathie est donc recommandé
chez les patients diabétiques.
Diagnostic Parmi les tests disponibles, les plus utiles sont
le test du toucher au monofilament et le test
Le diagnostic repose principalement sur l’anam- au diapason. Lorsqu’ils sont réalisés isolément,
nèse. On recherchera notamment les facteurs ces tests ont une sensibilité d’environ 50 %. La
de risque ou un contexte familial ou personnel combinaison des deux tests permet une sensibilité
favorisant : de 90 % et une spécificité de 85-89 %.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE périphériques
Chapitre 11. Les neuropathies MEDICALE 121

Test au monofilament de Étapes des investigations


Semmes-Weinstein 5,07 (10 g)
1. Installer le patient pieds nus en décubitus dorsal
1re étape
ou en position assise. • Urine : glucose et protéine.
2. Lui expliquer que vous allez tester la sensibilité • Sang : FSC, VS, dosage vitamine B12 et acide
au niveau de ses pieds. folique, glycémie à jeun, Hb glyquée, créati-
3. Appliquer d’abord cet outil diagnostique sur le nine, ASAT, ALAT, TSH.
front ou le sternum afin que le patient sache ce
qu’il doit ressentir.
4. Demander au patient de répondre « oui » 2e étape
chaque fois qu’il sent la pression du monofila-
ment sur son pied durant l’examen. • Examens neurophysiologiques : évaluation
5. Lui dire de fermer les yeux et de garder ses de la stimulation nerveuse distale et proxi-
orteils tendus durant l’examen. male (amplitude et sommation des potentiels
6. Garder le monofilament perpendiculaire au d’action des nerfs moteurs et sensitifs et vitesse
pied du patient. Presser celui-ci contre le pied de conduction nerveuse).
jusqu’à ce qu’il se plie en formant un C (pres- • Examens de laboratoire : électrophorèse
sion de 10 g). Le patient devrait sentir le des protéines sériques par immunofixation
monofilament le temps qu’il s’incline. (recherche d’une paraprotéinémie monoclonale
7. Sur les deux pieds, utiliser la première, la ou dysglobulinémie), paramètres d’intoxica-
troisième et la cinquième tête métatarsienne et tion, dosage sérique de l’enzyme de conversion
la surface plantaire de l’hallux distal et du troi- de l’angiotensine.
sième orteil. Éviter les zones calleuses. Gardez • Bilan immunologique : facteurs antinucléaires,
le filament en place pendant 1 seconde. Répétez détection des auto-anticorps dirigés contre les
trois fois au même endroit. constituants du noyau cellulaire (anti-Ro et
anti-LA) et des anticorps anticytoplasme des
neutrophiles (ANCA).
Test vibratoire : diapason 128 Hz • Radiographie du thorax.
La sensation vibratoire peut être évaluée au moyen
d’un diapason de 128 Hz appliqué au niveau de la
cheville et le gros orteil. Si le sujet est incapable de 3e étape
percevoir les vibrations du diapason, c’est qu’il y a
• Urine : protéine de Bence-Jones.
perte de sensation protectrice. La sensation vibra-
• Examens de laboratoire : test de charge en
toire décline avec l’âge. Un quart des patients de
glucose par voie orale.
plus de 65 ans et un tiers des patients de plus de
• Liquide céphalorachidien : recherche de cel-
75 ans ne ressentent pas la sensation vibratoire
lules, protéines et immunoglobulines (bandes
à l’examen clinique. Cela peut conduire à une
oligoclonales).
surestimation du diagnostic de neuropathie péri-
• Biopsie musculaire et biopsie nerveuse.
phérique chez la personne âgée.
• Immunologie : anticorps anti-HIV, recherche
de maladie Lyme, dosage sérique de l’enzyme
Perception douloureuse de conversion de l’angiotensine, anticorps
superficielle (Pin Prick) antineuronaux, antigliadine, antigangliosides,
antimyéline associés à la glycoprotéine.
Au moyen d’une épingle à nourrice stérile, piquer • Test pour le syndrome de Sjögren : débit
le dessus des orteils, sous la base de l’ongle, en salivaire, test de Schirmer, test du rose bengale,
prenant soin de ne pas provoquer de lésion. biopsie d’une glande labiale.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


122 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

• Recherche d’un cancer, d’un lymphome, Neuropathie périphérique


d’un myélome solitaire : examen du diabétique
squelette, échographie pelvienne, tomo-
densitométrie de l’abdomen et du thorax,
La neuropathie diabétique est définie par l’atteinte
mammographie ou tomographie d’émission
du système nerveux périphérique et végétatif. La
par positron (PET).
neuropathie est classiquement la complication
• Tests de génétique moléculaire en cas de
chronique la plus précoce en cas de diabète. Sa
pathologies héréditaires.
prévalence varie selon les études entre 5 et 60 %
• Tests diagnostiques spécifiques : test de la
[6]. La gravité de cette complication est surtout
fonction des petites fibres et biopsie nerveuse.
liée aux troubles trophiques, douleurs neuropa-
thiques et atteintes dysautonomiques sévères. Elle
Test de la fonction des petites fibres prédomine initialement au niveau des membres
inférieurs en raison de la plus grande fragilité des
L’EMG et l’étude de la conduction nerveuse
longues fibres sensitives peu myélinisées, évolue
permettent de juger de la fonction et de l’inté-
de façon ascendante et atteint plus tardivement les
grité des grandes fibres nerveuses myélinisées
membres supérieurs. Elle doit systématiquement
Abêta. En revanche, ils ne permettent pas
être recherchée car elle précède l’apparition de
d’exclure une neuropathie périphérique par
lésions ulcéreuses et de destruction tissulaire au
atteinte des petites fibres (fibres C et petites
niveau des pieds, surtout après un traumatisme,
fibres myélinisées A delta), se manifestant typi-
même mineur. Le risque de neuropathie diabé-
quement par des douleurs, une hypoesthésie et
tique diminue avec le contrôle strict de la glycé-
une dysautonomie.
mie. Toutefois, un contrôle strict au long cours
Plusieurs tests sont disponibles pour détecter
de la glycémie ne suffit pas toujours à éliminer la
une atteinte des petites fibres (syndrome de Sjö-
survenue d’une polyneuropathie diabétique. La
gren, par exemple). Une biopsie cutanée met en
forme la plus fréquente est la neuropathie péri-
évidence une diminution de la densité intraépi-
phérique chronique sensitivomotrice longueur-
théliale en fibres nerveuses. Les tests neuro-
dépendante. Elle représente une complication
physiologiques non conventionnels incluant les
tardive du diabète sucré mal contrôlé. Elle appa-
potentiels évoqués par stimulation au laser, le
raît généralement en même temps que la réti-
réflexe cutané sympathique, l’évaluation quan-
nopathie ou la néphropathie diabétique. Si une
tifiée de la sensibilité cutanée ou Quantitative
neuropathie périphérique est découverte chez un
sensory testing (QST) et les tests des fonctions
patient diabétique sans qu’une rétinopathie ni une
autonomes sont altérés en cas d’atteinte de la
néphropathie ne soient mises en évidence, une
fonction des petites fibres.
cause non diabétique à la neuropathie doit être
recherchée.
La présence de paresthésies, d’allodynies ou de
Biopsie nerveuse
dysesthésies est fréquente. Les symptômes varient,
Les indications à la biopsie nerveuse comprennent : depuis de simples fourmillements à une sensation
• les pathologies infectieuses ; de pied chaud ou froid, jusqu’à des douleurs
• les pathologies interstitielles (amylose, sarcoï- importantes à type d’écrasement, de broiement,
dose, lèpre, lymphome) ; de brûlure ou de décharges électriques. Les dou-
• les vasculites ; leurs peuvent être continues. Le caractère noc-
• la suspicion de polyradiculonévrite chronique turne, symétrique, en chaussettes (puis en gants
atypique ; avec l’aggravation de la maladie), des douleurs
• les formes rares de neuropathie héréditaire ; à type de crampes, insomniantes et calmées par
• le symptôme douloureux d’apparition récente la position debout et la marche, sont évocateurs.
ou en progression, sans étiologie claire. Il n’est pas rare que les patients présentent une

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE périphériques
Chapitre 11. Les neuropathies MEDICALE 123

perte d’appétit et de poids avec importante amyo- L’atteinte motrice est beaucoup plus rare (fibres
trophie, décrit dans la littérature sous le terme de plus résistantes à l’hyperglycémie chronique) et
« cachexie de la neuropathie diabétique ». accompagne le plus souvent les atteintes sensitives
L’atteinte des membres inférieurs peut aussi sévères.
se manifester sous la forme d’une cruralgie, avec
apparition rapide de douleurs souvent décrites
comme des brûlures sur la face antérieure de Neuropathie hyperalgique
la cuisse ou parfois sur la face antéroexterne de
la jambe. Ces douleurs sont à recrudescence Cette forme clinique de polyneuropathie est
nocturne et insomniantes. Elles s’associent à une marquée par des douleurs très invalidantes,
hypoesthésie dans le territoire correspondant avec à prédominance nocturne, associées parfois à
amyotrophie quadricipitale et déficit générale- des hyperesthésies cutanées ou des sensations
ment modéré. En cas de déficit plus sévère, on de brûlure spontanée. L’atteinte des membres
parle alors de syndrome de l’amyotrophie proxi- supérieurs est possible mais beaucoup plus rare
male des membres inférieurs. Ce syndrome est et tardive. Ces formes hyperalgiques répondent
caractérisé par un déficit moteur le plus souvent favorablement à l’insulinothérapie et à l’amélio-
asymétrique avec amyotrophie quadricipitale, ration du contrôle du diabète. En effet, l’hyper-
entraînant une gêne à la marche, principalement glycémie influence la perception des douleurs
lors de la montée des escaliers. en abaissant le seuil via un effet modulateur du
L’atteinte des membres supérieurs est beaucoup glucose sanguin sur les récepteurs morphiniques.
plus rare et touche particulièrement les nerfs à Les variations rapides de la glycémie sont pro-
fort contingent de fibres sensitives comme le bablement plus délétères qu’une hyperglycémie
médian et le cubital. Le syndrome du canal car- stable, comme le suggère l’apparition de neuro-
pien est une complication neurologique classique pathie douloureuse lors de la mise en route d’un
du diabète en cas de compression du nerf médian. traitement insulinique et lors de la correction
L’atteinte des nerfs oculomoteurs est classique rapide d’une hyperglycémie.
dans le diabète. Les nerfs les plus communé-
ment touchés sont les nerfs oculaires communs
(III) et externe (VI). Leur atteinte entraîne une Examens complémentaires
diplopie, le plus souvent transitoire. L’atteinte
du nerf trochléaire (IV) est plus rarement iden- Le diagnostic de polyneuropathie diabétique
tifiée. L’évolution des paralysies oculomotrices se fonde sur l’anamnèse et l’examen clinique.
est favorable en quelques semaines ou mois, mais L’électromyographie confirme l’atteinte neuro­
la récidive du même côté ou du côté opposé est logique périphérique, en objectivant une diminu-
possible. tion précoce des vitesses de conduction sensitives
À l’examen clinique, des troubles de la sensibi- et motrices et la présence d’une axonopathie
lité profonde liés à une atteinte des grosses fibres démyélinisante.
sont objectivés par une perturbation précoce du
test au diapason. Une abolition ou diminution
des réflexes ostéotendineux achilléens puis rotu- Traitement de la polyneuropathie
liens sont associées. La proprioception du gros
orteil est également perturbée. Il peut exister des Les moyens thérapeutiques ont pour objectifs
anomalies de la perception du tact fin à la partie l’amélioration de l’équilibre glycémique par
distale des membres. La perte de la sensibilité l’optimisation du traitement antidiabétique
thermoalgique caractérisée par une atteinte des (insulinothérapie conventionnelle ou intensive
petites fibres est responsable de traumatismes par pompe). Le contrôle glycémique est souvent
indolores, entraînant dans un second temps des plus efficace lors de diabète de type I que de
troubles trophiques [7]. type II.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


124 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Prise en charge pharmacologique • Lidocaïne : une étude de 2006 confirme l’effi-


de la neuropathie cacité de la lidocaïne IV pour le traitement de
diabétique douloureuse la douleur neuropathique diabétique réfrac-
taire au traitement standard [12]. Des patchs
Les médicaments antalgiques disponibles dans de lidocaïne 5 % ont également montré leur
cette indication sont issus de plusieurs familles : efficacité dans plusieurs études. Selon les méta-
• les antidépresseurs tricycliques (amitryptiline) ; analyses effectuées, le patch de lidocaïne se
• les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et révélerait aussi efficace que la prise d’amitryp-
de la noradrénaline (venlafaxine, duloxétine) ; tiline, capsaïcine, gabapentine ou prégabaline
• les antiépileptiques (clonazépam, gabapentine, [13].
prégabaline) ; • Capsaïcine 8 % patch : des applications consé-
• les opiacés, dont l’efficacité est prouvée à court cutives semblent associées à une amélioration
et moyen termes, mais débattue à long terme. durable et progressive de la douleur neuropa-
Ces traitements ont des effets indésirables thique dans le cadre du diabète [14]. Le traite-
notoires et doivent être commencés à faible dose ment est maintenant reconnu pour la prise en
(en particulier chez le patient âgé ou insuffisant charge du patient diabétique.
rénal), puis titrés progressivement en fonction
de la réponse clinique. La vitaminothérapie B1,
Traitements émergents
B6, B12 (voie parentérale et orale), longtemps
utilisée, est considérée actuellement comme facul- • Toxine botulique : dans une méta-analyse de
tative et peu efficace. 2015, la neurotoxine botulique de type A injec-
tée en sous-cutané a montré une diminution
Traitements adjuvants de la douleur de façon prolongée. Cette ana-
• Acide alphalipoïque : le stress oxydatif joue lyse prometteuse nécessite des études élargies
un rôle majeur dans la pathogenèse des compli- [15,16].
cations microvasculaires diabétiques incluant la • Lacosamide : chez le rat diabétique, le laco-
neuropathie. Les antioxydants tels l’acide alpha- samide induit une diminution de l’allodynie
lipoïque influencent favorablement la poly­ thermique et mécanique et de l’hyperalgésie
neuropathie diabétique. Plusieurs méta-analyses au chaud et au stimulus mécanique [17]. Une
suggèrent un traitement initial de 600 mg 3 x/j étude en double aveugle enrôlant 119 patients
pendant 4 semaines puis 600 mg 1 x/j pendant avec des douleurs neuropathiques diabétiques
16 semaines [8,9]. a conclu à la supériorité du lacosamide sur le
• Actovegin : ultrafiltrat déprotéiné dérivé de placébo. Les effets secondaires (maux de tête,
sang de veau, il améliore l’absorption et l’uti- nausées, vertiges, nasopharyngite, arthralgies)
lisation de l’oxygène, ainsi que le métabolisme ont parfois nécessité l’interruption du traite-
énergétique cellulaire en stimulant le transport ment.
et l’oxydation du glucose. Ce traitement, admi- • Mirogabaline : la mirogabaline est un ligand
nistré initialement en perfusion intraveineuse α2δ-1 sélectif. Dans une étude randomisée et
puis per os, semble améliorer significativement contrôlée par placebo incluant 452 patients, la
les symptômes neuropathiques [8,10]. microgabaline s’est montrée plus efficace que la
• Benfotiamine : dérivé de la thiamine, elle prégabaline [18].
inhibe plusieurs mécanismes biochimiques • Tanezumab : c’est un anticorps monoclonal
majeurs impliqués dans la pathogenèse des contre le facteur de croissance nerveuse. Dans
atteintes vasculaires induits par l’hyperglycé- une étude contrôlée par placebo datant de
mie. Une étude montre une amélioration des 2015, une injection sous-cutanée de 20 mg de
symptômes neurologiques après 6 semaines tanezumab a permis une diminution signifi-
de traitement à la benfotiamine 300 mg cative des douleurs en cas de polyneuropathie
2 x/j [11]. diabétique [19].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE périphériques
Chapitre 11. Les neuropathies MEDICALE 125

• Le fulranumab, un autre anticorps monoclonal • Amiodarone : peut rarement provoquer une


contre le facteur de croissance nerveuse, semble polyneuropathie sensitivomotrice mixte, axo-
également démontrer, dans une étude de phase nale et démyélinisante, lentement progressive.
2, un effet antalgique supérieur au placebo dans Elle se présente le plus souvent avec une fai-
la neuropathie diabétique douloureuse [20]. blesse des membres inférieurs et une démarche
• Bloqueur des canaux sodiques : les canaux instable. Un trémor est fréquent. Une thérapie
sodiques dépendant du voltage jouent un rôle de plus de 12 mois est un facteur de risque. Les
important dans la genèse et la propagation du symptômes s’améliorent à l’arrêt du traitement.
potentiel d’action. Le blocage sélectif de ces • Procaïnamide : peut provoquer une radicu-
canaux sodiques pourrait permettre d’inter- loneuropathie démyélinisante qui peut être
rompre le signal anormal qui caractérise la confondue avec une polyneuropathie démyé-
douleur neuropathique tout en épargnant la linisante inflammatoire chronique. L’arrêt du
fonction somatosensorielle normale. Plusieurs traitement peut mener à une amélioration.
bloqueurs sodiques sont actuellement étudiés • Statine : de larges études ont démontré une
dans cette indication [21]. incidence plus élevée de neuropathies chez les
patients traités par statine [23,24].

Neuropathie toxique
Neuropathies héréditaires
Les chimiothérapies sont responsables de la majo-
rité des neuropathies toxiques. Les neuropathies
Plus de 30 gènes sont impliqués dans la survenue
liées aux métaux lourds, plus rares, correspondent
de neuropathies héréditaires.
généralement à des syndromes facilement identi-
fiables. L’alcool peut induire une neuropathie
même en l’absence de carence alimentaire ou de Maladie de Charcot-Marie-Tooth
déficit vitaminique.
La neuropathie toxique est dose-dépendante Cette maladie concerne environ 1 naissance sur
et potentialisée par une neuropathie préexistante. 2 500. Il s’agit d’une neuropathie périphérique
Si plusieurs agents neurotoxiques sont présents héréditaire sensitivomotrice touchant aussi bien
simultanément, ils agissent de manière synergique les hommes que les femmes. La maladie entraîne
et provoquent des lésions nerveuses plus pro- des troubles de la marche avec une faiblesse mus-
noncées. Habituellement, les manifestations de la culaire progressive, touchant principalement les
neuropathie toxique se stabilisent ou disparaissent extrémités, ainsi qu’une déformation des pieds
si l’exposition à l’agent toxique est interrompue. secondaire à une atrophie musculaire et une perte
Selon les toxiques (chimiothérapie à base de pla- de la sensibilité.
tine, par exemple), la symptomatologie peut tou- La maladie de Charcot-Marie-Tooth est clas-
tefois progresser durant des semaines, voire des sifiée sur la base :
mois après l’arrêt du toxique. Les fibres nerveuses • de la partie du nerf atteinte : myéline ou axone ;
sensitives sont plus fréquemment touchées, mais • du mode de transmission génétique : domi-
une atteinte motrice peut être présente et même nante, récessive ou liée au chromosome X.
dominer le tableau (tableau 11.1A et 11.1B). Les La plupart des cas sont autosomiques liées
neuropathies toxiques peuvent être associées à des au chromosome X. Cliniquement, la neuropa-
myopathies, à une atteinte du système nerveux thie héréditaire est suggérée par une apparition
central, à une neuropathie optique ou à d’autres insidieuse des symptômes avec une progression
atteintes systémiques [22]. lente sur plusieurs années. Les plaintes sont sur-
Certains médicaments cardiovasculaires sont tout motrices distales plutôt que sensitives. Les
aussi incriminés dans la survenue de neuropathie symptômes sensitifs sont essentiellement négatifs
périphérique : (perte de sensibilité). Une déformation des pieds

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


126 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Tableau 11.1A. Principales neuropathies dues aux toxiques (industriels et environnementaux).


Nom du toxique Conditions d’utilisation Type de neuropathie Signes associés
Acrylamide Agent floculant, stabilisation des Axonale, distale, sensitivomotrice Atteinte cérébelleuse associée
sols
Hexacarbones Industrie des laques et des colles Axonale, distale, avec Atteinte associée du système nerveux
(solvants) démyélinisation secondaire. autonome
Sévère, motrice si intoxication
volontaire
Plomb Intoxication domestique (peintures Mononeuropathie multiple Anémie, amaigrissement et troubles
contenant du plomb) débutant aux membres digestifs. Traitement possible par
supérieurs. Atteinte chélateurs (D-pénicillamine)
pseudoradiale fréquente
Arsenic Industrie de la fonderie Axonopathie distale Atteinte cutanée et unguéale (stries)
sensitivomotrice
Bisulfate de carbone Production des fibres de viscose et Axonopathie distale sensitive
de la cellophane
Cyanure Consommation de manioc dans les Axonopathie distale Troubles visuels et de l’audition,
pays africains sensitivomotrice douloureuse syndrome pyramidal
Acide Herbicide Axonopathie distale
dichlorophénoxy-acétique
Oxyde d’éthylène Gaz utilisé comme stérilisant Axonopathie distale
Bromure de méthyle Insecticide ou extincteurs Axonopathie Atteinte pyramidale et cérébelleuse
Tétrachlorobiphényle Agents plastifiants, isolants Neuropathie axonale sensitive Acné, pigmentation des ongles
électriques
Organophosphorés Insecticides et industrie du pétrole Neuropathie axonale chronique Syndrome pyramidal
Sels de thallium Insecticide, raticide Axonopathie sensitive Syndrome pyramidal, extrapyramidal,
douloureuse alopécie, stries unguéales
Mercure Exposition environnementale Ganglionopathie Réduction du champ visuel, ataxie
Protoxyde d’azote Inhalation (dentiste, anesthésie) Myéloneuropathie Ataxie, dysmyélopoïèse

et des chevilles (orteils en marteau, pieds creux, Neuropathie héréditaire


chevilles très fines) est présente. sensitive et autonomique
de type 2 (HSAN 2)
Neuropathie héréditaire
de type 1 (NSH 1) Elle est caractérisée par une perte profonde de
la sensibilité secondaire à l’atteinte des fibres
Lentement progressive, cette neuropathie est nerveuses de petit et grand calibre et par une
caractérisée par des pertes sensitives principale- hypotonie sévère. La prévalence est très faible.
ment distales localisées aux quatre membres, une L’HSAN 2 débute en période néonatale ou dans
fonte musculaire variable, des ulcères cutanés la petite enfance et elle n’est pas progressive.
chroniques ainsi que par des troubles autono- Les symptômes associés incluent des problèmes
miques. La transmission est autosomique domi- sévères de déglutition et d’alimentation, des
nante, avec une apparition de la maladie juvénile apnées fréquentes, des automutilations, un retard
ou à l’âge adulte. du développement, une perte des sensations

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE périphériques
Chapitre 11. Les neuropathies MEDICALE 127

Tableau 11.1B. Principales neuropathies d’origine médicamenteuse.


Classe médicamenteuse DCI Type de neuropathie Particularités
Antimitotiques
Vincristine, vinblastine Axonopathies distales sensitives Récupération longue à l’arrêt, toxicité dose-dépendante
Cisplatine Neuronopathies sensitives Toxicité cumulative
Paclitaxel Neuronopathies sensitives Toxicité cumulative
Procarbazine, Axonopathies distales Jusqu’à 25 % des cas traités
podophyllotoxine, cytarabine
Anti-infectieux
Fluoroquinolone Neuropathie périphérique versus perturbation sensitive
sans lésion nerveuse périphérique
Linézolide Peut affecter les ganglions de la colonne dorsale et causer
une neuropathie sensitive irréversible
Isoniazide Axonopathie distale, sensitive Prévenue par l’administration de pyridoxine (vit. B6)
Métronidazole Axonopathie surtout sensitive En cas de traitement au long cours
Nitrofurantoïne Axonopathie distale sensitivomotrice Surtout si insuffisance rénale
Chloroquine Neuromyopathie En cas de doses élevées et traitement prolongé
Phénicolés, vidarabine Axonopathies
Psychiatrie
Disulfirame Axonopathies chroniques, voire aiguës Utilisé pour désintoxication éthylique
Lithium Axonopathies à prédominance motrice Atteintes centrales associées
Phénytoïne, amitriptyline Axonopathies
Rhumatologie
Sels d’or Lésions axonales et démyélinisantes Installation souvent rapide
D-Pénicillamine, colchicine Axonopathies
Dermatologie
Dapsone Axonopathies à prédominance motrice
Thalidomide Axonopathies sensitives Effets tératogènes associés

douloureuses, une diminution sévère de la per- autonome entraînant des dysfonctionnements


ception thermique, une diminution des réflexes multisystémiques, elle affecte presque exclusive-
tendineux profonds (sans atrophie ni faiblesse ment la population juive d’Europe de l’Est. Elle
musculaire), une surdité dans 30 % des cas et une se manifeste dès la naissance et est d’évolution
hypotension orthostatique dans 25 % des cas. La progressive. Les symptômes associés incluent
transmission est autosomique récessive. des troubles de la déglutition, une hypotonie,
une instabilité thermique, un retard du dévelop-
Dysautonomiefamiliale (neuropathie pement, une cyphoscoliose fréquente et sévère,
héréditaire sensitive et autonomique une petite taille, une faiblesse musculaire, une
de type 3 ou HSAN 3) alacrymie, une dysfonction des chémorécepteurs
et des réflexes tendineux profonds diminués.
Caractérisée par une perte des sensations et La perception de la chaleur et de la douleur est
par une altération sévère du système nerveux altérée.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


128 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Neuropathie héréditaire Une fatigue marquée est le symptôme cardinal du


sensitive et autonomique béribéri. Il s’agit d’une neuropathie axonale sen-
de type 4 (HSAN 4) sitive habituellement caractérisée par des brûlures
dans les pieds et s’accompagnant souvent d’une
Caractérisée par une anhydrose, une insensibilité insuffisance cardiaque. Une ophtalmoplégie, une
à la douleur, des automutilations, un déficit intel- démence ainsi qu’une ataxie cérébelleuse sont
lectuel et des épisodes de fièvre. Elle apparaît dans parfois associées.
la petite enfance et est associée à une consangui-
nité dans 50 % des cas.
Déficit ou excès
en vitamine B6 (pyridoxine)
Neuropathie périphérique Le déficit en vitamine B6 est assez rare hormis
sur déficit vitaminique chez la femme enceinte, les adolescents ou les
personnes âgées. Un déficit peut provoquer une
Déficit en vitamine B12 polyneuropathie mais un excès de vitamine B6
peut également être responsable d’une neuro­
La vitamine B12 est essentielle à la synthèse de la pathie sensitive. Les signes cliniques sont ceux
myéline dans le système nerveux central. Chez les d’une atteinte des fibres de grand calibre. La
patients souffrant d’une neuropathie périphérique pyridoxine peut avoir un effet neurotoxique à
longueur-dépendante, le taux sérique de vitamine haute dose. Une dose moyenne causerait une
B12 doit être dosé. Cinq à 10 % des patients avec axonopathie réversible alors qu’une dose élevée
un taux normal ou légèrement abaissé de vitamine provoquerait une ganglionopathie irréversible.
B12 ont un taux élevé d’acide méthylmalonique,
signifiant un déficit cellulaire en vitamine B12.
Le dosage simultané de la vitamine B12, de Déficit en vitamine E
l’acide méthylmalonique et de l’homocystéine
Il est à l’origine d’une neuropathie périphérique
améliore la détection des patients avec un déficit
chez les patients à risque de malabsorption de
cellulaire en vitamine B12. Le dosage de l’acide
graisse.
méthylmalonique est toutefois peu spécifique,
avec un taux élevé de faux positifs en cas d’insuf-
fisance rénale. Il s’agit d’une analyse coûteuse et Déficit en cuivre
complexe rendant son utilisation limitée à des
situations particulières. L’atteinte neurologique liée à un déficit en cuivre
Les intervalles de référence du dosage de la est cliniquement proche d’une atteinte liée à un
vitamine B12 sont les suivants : déficit en vitamine B12, à savoir une myélopathie
• 300 pmol/l : déficit peu probable ; et une neuropathie à prédominance sensitive. Un
• entre 150 et 300 pmol/l : déficit incertain ; antécédent de chirurgie bariatrique ou un déficit
• < 150 pmol/l : déficit très probable. nutritionnel important peut être lié à ce déficit.
Des cas de tétraparésies à distance d’un by-pass-
gastrique pour obésité morbide ont été décrits.
Déficit en vitamine B1 : béri-béri
Le béri-béri est une maladie causée par un déficit
en vitamine B1. Elle peut se survenir en cas de Dysprotéinémies
malnutrition ou de malabsorption lors de la mala-
die cœliaque. Son nom provient du cingalais, la Jusqu’à 10 % des neuropathies périphériques sont
langue de la population majoritaire du Sri Lanka, associées à une dysprotéinémie dont la majorité
et signifie « je ne peux pas, je ne peux pas ». sont des gammapathies monoclonales type mgUS

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE périphériques
Chapitre 11. Les neuropathies MEDICALE 129

(gammapathie monoclonale de signification mixte, axonale et démyélinisante. Un simple trai-


indéterminée). Les protéines monoclonales les tement substitutif thyroïdien apporte la guérison
plus fréquemment associées à une neuropathie en quelques mois.
périphérique sont les IgM. Le diagnostic par
électrophorèse par immunofixation des protéines
sériques est plus sensible que par électrophorèse Neuropathie périphérique
simple. d’origine infectieuse
La mise en évidence d’une protéine mono-
clonale doit faire faire suspecter une pathologie
telle qu’une amyloïdose, un myélome multiple ou Maladie de Lyme
ostéosclérotique, un lymphome, une macroglobu- La maladie de Lyme ou borréliose est une infec-
linémie de Waldenström ou une cryoglobulinémie. tion systémique à Borrelia burgdorferi, un spiro-
La plupart des neuropathies associées à une chète transmis par les tiques. Les manifestations
dysprotéinémie sont axonales, sensitivomotrices neurologiques de la maladie de Lyme sont défi-
et longueur-dépendantes. nies sous le terme de « neuroborréliose ». Ces
Quelques paraprotéinémies sont associées à un dernières surviennent dans environ 15-20 % des
syndrome démyélinisant avec un déficit sévère dis- borrélioses de Lyme.
tal, symétrique, à prédominance sensitive (neuro- Les atteintes peuvent concerner le système
pathie symétrique démyélinisante acquise distale). nerveux central ou périphérique, isolément ou
Deux tiers de ces patients possèdent des anticorps en combinaison. Au niveau du système nerveux
antimyéline. La démyélinisation des nerfs périphé- périphérique, la neuroborréliose peut provoquer
riques se fait par altération du métabolisme de la une mononeuropathie multiple et une poly-
cellule de Schwann, entraînant un ralentissement radiculonévrite. Les manifestations cliniques
des vitesses de conduction par perturbation de la hétérogènes et l’inconstance de la notion de
conduction saltatoire de l’influx nerveux. Cette morsure de tique rendent parfois le diagnostic
démyélinisation est directement imputable à difficile. Toutefois, la survenue d’une neuropa-
l’activité de l’IgM monoclonale dirigée contre les thie multifocale subaiguë avec paralysie faciale
antigènes cibles de la myéline. Ce syndrome peut périphérique et accompagnée d’une méningite
répondre à un traitement immunomodulateur. lymphocytaire ou mixte est fortement évocatrice
La neuropathie périphérique associée au syn- du diagnostic, qui est ensuite confirmé par la
drome POEMS (Polyneuropathie Organomegalie sérologie. Dans les formes documentées de neu-
Endocrinopathie Monoclonal proteine Skin change) roborréliose, un traitement de ceftriaxone 2 g
est une polyradiculoneuropathie mixte, démyéli- 1 x/j IV pendant 15-21 jours est débuté. L’effi-
nisante et longueur-dépendante dans le contexte cacité n’est pas spectaculaire sur les manifes-
d’une dysprotéinémie (paraprotéinémie IgG et tations neurologiques. Il n’y a pas lieu de traiter
IgA à chaîne légère). de façon prolongée les formes dites chroniques
en l’absence de certitude diagnostique.
Neuropathie périphérique
d’origine endocrinienne Syndrome de Guillain-Barré
L’hypothyroïdie est une cause rare de neuropathie Le syndrome de Guillain-Barré est la cause
périphérique sensitive, apparaissant lentement, la plus fréquente de neuropathie paralytique
sur plusieurs années. Elle se manifeste par des aiguë. Cette polyneuropathie inflammatoire est
paresthésies des extrémités s’accompagnant de caractérisée par une faiblesse musculaire symé-
crampes, parfois très douloureuses. L’atteinte des trique ascendante, une déambulation instable
grosses fibres myélinisées est prédominante et et une hypoaréflexie d’installation et progres-
l’électromyogramme met en évidence une atteinte sion rapides. Les douleurs peuvent être intenses

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


130 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

au niveau du dos, des fesses et des cuisses. Infection au Virus Varicella Zoster
La physiopathologie exacte du syndrome de
Guillain-Barré est inconnue mais 50-70 % des La réactivation du Virus Varicella Zoster (cf. chap.
cas surviennent 1-2 semaines après une infection 13) survient chez la personne âgée ou immunosu-
respiratoire ou gastro-intestinale ou tout autre primée. La complication la plus fréquente est la
stimulus induisant une réponse auto-immune névralgie postherpétique de distribution derma-
aberrante. Le diagnostic doit être aussi précoce tomale. Une neuropathie motrice des extrémités
que possible et repose sur l’histoire, la clinique est rare mais a été reportée, particulièrement si la
et l’analyse du liquide céphalorachidien mettant réactivation a lieu dans les ganglions des racines
en évidence une dissociation cyto-albuminolo- nerveuses cervicales ou lombaires.
gique (numération cellulaire normale avec taux
de protéines élevé). Des anticorps antiganglio-
sides sériques sont retrouvés chez 50 % des
Neuropathie périphérique
patients. La prise en charge est symptomatique, et maladie cœliaque
comprenant le soutien respiratoire et hémo-
dynamique. Les douleurs sont habituellement La maladie cœliaque peut provoquer des troubles
soulagées par l’administration d’opioïdes et neurologiques divers, incluant une neuropathie
d’AINS. Des perfusions d’immunoglobulines et périphérique, une ataxie, une démence ou des
l’échange plasmatique font partie de la prise en troubles convulsifs. En cas de neuropathie péri-
charge habituelle. Des traitements émergents tels phérique, l’atteinte est à prédominance sensitive.
l’interféron-béta, la cyclophosphamide, le rituxi- Celle-ci peut apparaître avant les symptômes
mab ou l’eculizumab sont en cours d’évaluation digestifs. Un screening sérologique à la recherche
[25,26]. d’anticorps anti-tissue transglutaminase (anti-tTG)
semble le test le plus sensible avec, en revanche,
une specificité limitée [28]. Une biopsie de l’intes-
Virus de l’immunodéficience tin grêle est nécessaire avant d’attribuer une neu-
humaine (HIV) ropathie périphérique à la maladie cœliaque.
La dysfonction du système nerveux périphérique
secondaire à une infection par le HIV est bien Syndrome paranéoplasique
décrite. La présentation clinique habituelle est (syndrome de Denny-Brown)
celle d’une polyneuropathie distale symétrique.
Elle touche près de 30-50 % des patients à
Deux tiers des patients avec une atteinte neu-
un stade avancé de la maladie. Les symptômes
rologique liée à un syndrome paranéoplasique
sont typiquement des paresthésies en chaussettes-
consultent avant que la tumeur ne soit connue.
gants, mais près de 70 % peuvent être asympto-
Le syndrome paranéoplasique peut entraîner une
matiques. Le traitement repose sur le contrôle de
atteinte nerveuse périphérique, musculaire ou de
l’infection, même si plusieurs traitements antiré-
la jonction neuromusculaire. Une atteinte cen-
troviraux sont incriminés dans le développement
trale est aussi possible. La neuropathie périphé-
de conditions similaires [27].
rique classique ou syndrome de Denny-Brown
est une atteinte sensitive, subaiguë, asymétrique
Infection à cytomégalovirus et douloureuse avec une perte de propriocep-
(CMV) ou au virus tion. Il en résulte une ataxie sensitive sévère
d’Epstein-Barr (EBV) avec diminution, voire une abolition des réflexes.
L’identification des anticorps anti-Hu a une
Les infections à CMV et EBV sont également valeur diagnostique importante (spécificité 99 %
associées à une polyneuropathie démyélinisante et sensibilité 82 %), mais leur absence n’exclut pas
inflammatoire aiguë. la présence d’une néoplasie.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE périphériques
Chapitre 11. Les neuropathies MEDICALE 131

Neuropathie sensitive Actovegin in type 2 diabetic patients. Diabetes Care


2009;32:1479–84.
disséminée (ou migrante) 11. Stracke H, Gaus W, Achenbach U, Federlin K,
de Wartenberg Bretzel RG. Benfotiamine in diabetic polyneuropa-
thy (BENDIP): results of a randomised, double
blind, placebo-controlled clinical study. Exp Clin
Il s’agit d’une affection rare, régulièrement Endocrinol Diabetes 2008;116:600–5.
confondue avec une sclérose en plaques ou un 12. Viola V, Newnham HH, Simpson RW. Treatment of
syndrome de Guillain-Barré. La neuropathie sen- intractable painful diabetic neuropathy with intravenous
sitive disséminée de Wartenbergévolue par pous- lidocain. J Diabetes Complications 2006;20:34–9.
sées et rémissions et se manifeste sous forme 13. Wolff RF, Bala MM, Westwood M, Kessels AG,
Kleijnen J. 5 % lidocaïne medicated plaster in painful
d’une douleur neuropathique, suivie d’une perte diabetic peripheral neuropathy: a systematic review.
de sensibilité dans le territoire de distribution Swiss Med Wkly 2010;140:297–306.
d’un nerf cutané sensitif. Elle est déclenchée par 14. Simpson DM, Robinson-Papp J, Van J, Stoker M,
un mouvement d’étirement d’un membre qui Jacobs H, Snijder RJ, et al. Capsaicin 8 % patch in
peut être d’amplitude modérée. La douleur, les painful diabetic peripheral neuropathy: a randomized,
double-blind, placebo-controlled study. J Pain 2016
dysesthésies et la sensation d’engourdissement
Oct 13.pii: S1526-5900 (16) 30244-30249..
peuvent durer de quelques secondes à quelques 15. Attal N, de Andrade DC, Adam F, Ranoux D,
semaines. Il s’agit d’une affection bénigne. Teixeira MJ, Galhardoni R, et al. Safety and efficacy
of repeated injections of botulinum toxin A in peri-
pheral neuropathic pain (BOTNEP): a randomised,
Références double-blind, placebo-controlled trial. Lancet Neurol
1. Hughes RAC. Peripheralneuropathy. BMJ 2002; 2016;15:555–65.
23:466–9. 16. Lakhan SE, Velasco DN, Tepper D. Botulinum
2. James C, Watson MD, P. James B, Dyck MD. Peri- Toxin-A for Painful Diabetic Neuropathy: a Meta-
pheral Neuropathy: a practical Approach to Diagnosis Analysis. Pain Med 2015;16:1773–80.
and Symptom Management. Concise review for clini- 17. Beyreuther B, Callizot N, Stohr T. Antinociceptive
cians Mayo Clin Proc July 2015;90(7):940–51. efficacy of lacosamide in a rat model for painful dia-
3. Aslam A, Singh J, Rajbhandari SR. Pathogenesis of betic neuropathy. Eur J Pharmacol 2006;539:64–70.
Painful Diabetic Neuropathy. Review Article. Pain 18. Vinik A, rosenstock J, Sharma U, et al. Efficacy and
Research and Treatment. Volume 2014. safety of microgabalin for the treatment of diabetic
4. Kate T, Brizzi MD, Jennifer L, Lyons MD. Peripheral peripheral neuropathic pain: a randomized, double-
Nervous System Manifestation of Infectious Diseases. blind, placebo and active comparator-controlled,
Review. The Neurohospitalist 2014;Vol 4(4): adaptive proof-of-concept phase 2 study. Diabetes
230–40. Care 2014;37:3253–61.
5. Esposito S, Longo MR. Guillain-Barré syndrome. 19. Bramson C, Herrmann DN, Carey W, et al. Explo-
Review. Autoimmunity Reviews 2017 Jan;16(1):96– ring the role of Tanezumab as a novel treatment for
101. the relief of neuropathic pain. Pain Med 2015;16:
6. Boulton AJM. Management of diabetic peripheral 1163–76.
neuropathy. Clin Diabetes 2005;23(1):9–15. 20. Wang H, Romano G, frustaci ME, et al. Fulranu-
7. Perkins BA, Olaleye D, Zinman B, Bril V. Simple mab for treatment of diabetic peripheral neuropa-
screening tests for peripheral neuropathy in the dia- thic pain: a randomized controlled trial. Neurology
bètes clinic. Diabetes Care 2001;24(2):250–6. 2014;83:628–37.
8. Papanas N, Ziegler D. Emerging drugs for diabetic 21. Rivara M, Zuliani V. Novel Sodium Channel Anta-
peripheral neuropathy and neuropathic pain. Expert gonists in the treatment of neuropathic pain. Expert
Opinion on Emerging Drugs 2016 Dec;21(4):393– Opin Investig Drugs 2016;25:215–26.
407. 22. Karam C, Dyck JB. Toxic Neuropathies. Semin
9. Garcia-Alcala H, Santos Vichido Cl, Islas Macedo S, Neurol 2015;35:448–57.
et al. Treatment with alpha-lipoic acid over 16 weeks 23. Gaist D, Jeppesen U, Andersen M, Garcia Rodri-
in type 2 diabetic patients with symptomatic polyneu- guez LA, Hallas J, Sindrup SH. Statins and risk
ropathy who responded to initial 4 week High-dose of polyneuropathy: a case-control study. Neurology
loading. J Diabetes Res 2015;189857. 2002;58(9):1333–7.
10. Ziegler D, Movsesyan L, Mankovsky B, Gurieva 24. Tierney EF, Thurman DJ, Beckles GL, Cadwell BL.
I. Treatment of symptomatic polyneuropathy with Association of statin use with peripheral neuropathy

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


132 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

in the US population 40 years of age or older. J 27. Kranick SM, Nath A. Neurologic complications of
Diabetes 2013;5(2):207–15. HIV-1 infection and its treatment in the era of anti-
25. Schaller B, Radziwill AJ, Steck AJ. Successful treat- retroviral therapy. Contin Lifelong Learn Neurol
ment of Guillain-Barré Syndrome with combined 2012;18(6):1319–37.
administration of interferon-beta-1 and intravenous 28. McKeon A, Lennon VA, Pittock SJ, Kryzer TJ, Mur-
immunoglobulin. Eur Neurol 2001;46:167–8. ray J. The neurologic significance of celiac disease
26. Ostronoff F, Perales MA, Stubblefield MD, Hsu KC. biomarkers. Neurology 2014;83(20):1789–96.
Rituximab-responsive Guillain-Barré syndrome fol-
lowing allogenic hematopoietic SCT. Bone Marrow
Transplant 2008;42:71–2.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 12
Douleur fantôme après amputation
Élodie Andrieux-Chastonay, Christophe Perruchoud

L’amputation est probablement l’une des plus


anciennes opérations chirurgicales. Dans les pays
industrialisés, près de 80 % des amputations sont
dues à une insuffisance artérielle périphérique. Les
traumatismes accompagnés de lésions vasculaires
irréparables, les processus tumoraux ou infectieux
sont des causes plus rares (respectivement 15 %
et 5 %). Les différents niveaux d’amputation du
membre supérieur et inférieur sont décrits dans
la figure 12.1.
C’est Ambroise Paré qui, en 1545, décrit le
premier la douleur fantôme : « C’est vraiment
une chose étrange et prodigieuse et qui sera
rarement crue, seulement par ceux qui auront vu
avec leurs yeux et entendu avec leurs oreilles les
patients qui se sont, des mois après l’amputation
de leur jambe, cruellement plaints qu’ils res-
sentaient encore une grande douleur de leur
jambe ainsi coupée » [1]. En 1797, l’Amiral
Nelson, qui perd son bras dans la bataille de
Santa-Cruz-de-Tenerife, décrira « l’étrange sen-
sation de doigts creusant à l’intérieur de sa main
fantôme » [2]. Le terme « membre fantôme »
est utilisé pour la première fois dans un article
publié en 1871 par le chirurgien militaire améri-
cain, Silas Weir Mitchell. En juillet 1891, 2 mois
après l’amputation de sa jambe, Rimbaud écrit :
« Je commence à comprendre que les béquilles,
jambes de bois et jambes mécaniques sont un
tas de blagues et on n’arrive avec tout cela qu’à
Figure 12.1. Différents niveaux d’amputation de
se traîner misérablement sans pouvoir jamais membre.
rien faire. J’ai mon bout de jambe beaucoup
plus épais que l’autre et plein de névralgies. Le
médecin naturellement ne me voit plus ; parce En théorie, tout organe pourvu d’une
que, pour le médecin, il suffit que la plaie soit innervation sensitive peut être le siège d’une
cicatrisée pour qu’il vous lâche. Il vous dit que sensation ou d’une douleur fantôme après ampu-
vous êtes guéri » [3]. tation : membre, viscère, sein, œil ou dent.

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
134 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Des symptomatologies identiques ont été décrites La physiopathologie des sensations et des dou-
après avulsion de plexus ou en présence d’une leurs fantôme fait intervenir des mécanismes ner-
paraplégie. veux périphériques, médullaires, sous-corticaux
et corticaux. Les facteurs psychologiques ne sem-
blent pas contribuer à l’apparition de la sympto-
Épidémiologie de la douleur matologie, mais exercent une influence certaine
du membre fantôme sur l’évolution et la sévérité des douleurs [10].
L’implication de la moelle épinière dans la
Entre 70 et 100 % des patients amputés rappor- genèse des douleurs fantôme passe par un pro-
tent des sensations fantômes non douloureuses. cessus de sensibilisation centrale, caractérisé par
L’incidence des douleurs varie de 10 à 80 % en l’augmentation de l’excitabilité des neurones de
fonction des études. Dans une étude réalisée la corne dorsale, la diminution des voies inhibi-
auprès des vétérans américains, 85 % des amputés trices spinales (réduction de l’activité GABA et
présentaient des douleurs fantôme d’intensité régulation à la baisse des récepteurs opioïdes), et
suffisante pour empêcher toute activité profes- des changements structurels au niveau des ter-
sionnelle ou sociale [4]. minaisons des neurones sensoriels primaires, des
L’apparition d’une douleur fantôme semble interneurones et des neurones de projection. Les
être une donnée indépendante de l’ethnie, du neurones de la lamina II reçoivent normalement
sexe ou de l’âge du patient. Font exceptions des influx des fibres A delta et C, correspondant
les très jeunes patients (< 4 ans), qui ne pré- à des stimulations nociceptives. Une lésion des
sentent que très rarement des sensations ou des nerfs périphériques provoque la dégénérescence
douleurs fantôme [5]. Les patients nés avec une des terminaisons afférentes des fibres C dans
agénésie d’un membre peuvent éprouver des la lamina II. Les terminaisons des afférences
sensations fantômes (membre fantôme congé- mécanoceptives A bêta, présentes normalement
nital) [6]. dans les laminae III et IV, envahissent alors les
Les amputations proximales et bilatérales s’accom- laminae I et II. Les influx transmis par les fibres
pagnent fréquemment de douleurs fantôme [7]. A bêta sont alors interprétés comme des influx
L’association entre douleur du membre fantôme nociceptifs, à l’origine de l’allodynie [11].
et douleur du moignon est, elle aussi, relativement Au niveau cérébral, amputation et déafféren-
fréquente. La douleur du moignon, constante dans tation semblent entraîner des modifications de la
la période postopératoire immédiate, a tendance structure fonctionnelle du cortex somatosensoriel
à diminuer au fur et à mesure du processus de primaire (S1) controlatéral. Chez des patients
cicatrisation. L’intensité de la douleur aiguë, qui amputés d’un bras ou d’une main, la stimulation
précède ou succède à l’amputation, constitue un du visage (toucher, piqûre, froid) peut provo-
facteur de risque indépendant de chronicisation. quer des sensations fantômes du même côté que
La douleur chronique du moignon est également l’amputation [12]. Plusieurs études d’imagerie
liée à la durée de la douleur avant l’amputation [8]. fonctionnelle ont confirmé que l’amputation d’un
Contrairement aux sensations fantômes, les crises bras ou d’une main entraînait un déplacement
douloureuses semblent diminuer en nombre et en de la représentation de la bouche vers l’aire de
durée avec le temps, quand bien même l’intensité projection de la main au niveau du cortex soma-
des douleurs reste inchangée [9]. tosensoriel primaire (figure 12.2). L’intensité
de la douleur fantôme semble proportionnelle à
l’importance du déplacement. Cette réorganisa-
Physiopathologie tion touche aussi bien le cortex somatosensoriel
que le cortex moteur primaire [13]. Ces chan-
En raison de mécanismes différents, la présence gements corticaux peuvent dans certains cas être
simultanée de douleurs de moignon, de sen- reversés par une anesthésie du membre résiduel,
sations et de douleurs fantôme est possible. la thérapie du miroir ou l’imagerie mentale [14].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 12. Douleur fantôme aprèsMEDICALE
amputation 135

L’hypothèse de la participation du système


sympathique au développement et à la persis-
tance des douleurs fantôme repose sur les effets
bénéfiques des bêtabloquants et des blocs sympa-
thiques. La dysautonomie sympathique s’exprime
fréquemment par une hypersudation ou une
asymétrie de température. Le couplage entre
le système sympathique et le système sensoriel
s’effectue au niveau périphérique et au sein du
ganglion spinal. Ce dernier est également un site
d’activité ectopique augmentée capable d’ampli-
fier les décharges issues du membre résiduel ou de
déclencher la dépolarisation de neurones voisins.
Les acouphènes sont régulièrement assimilés à
une douleur fantôme en raison de l’hyperactivité et
du bourgeonnement axonal responsables des modi-
Figure 12.2. Réorganisation du cortex somatosensoriel
(S1) chez un patient amputé de la main.
fications des afférences au niveau du cortex auditif
[17]. L’interpénétration des mécanismes décrits
Le thalamus semble être également le siège ci-dessus est également à l’origine des douleurs
de changements sous-corticaux : l’enregistrement chroniques neuropathiques postopératoires [18].
des neurones thalamiques de patients amputés a
mis en évidence la persistance de la représentation
thalamique du membre amputé, persistant plu- Présentation clinique
sieurs années après l’amputation.
Infections, éperons osseux, cicatrices adhé-
Comme mentionné précédemment, les percep-
rentes et névromes sont les causes principales de
tions des patients amputés sont de trois types :
douleurs au niveau des moignons. Lorsqu’un
• sensations non douloureuses du membre fan-
nerf périphérique est sectionné, l’axone lésé pré-
tôme ;
sente des bourgeonnements régénératifs pouvant
• douleurs fantôme du membre amputé ;
évoluer en névrome, amas de terminaisons dés-
• douleurs du moignon.
organisées et élargies des fibres C et A non
myélinisées. Les névromes présentent une activité
ectopique spontanée élevée, qui peut augmen- Sensations non douloureuses
ter sous l’effet de stimulations mécaniques ou du membre fantôme
chimiques (régulation à la hausse des canaux
sodiques) [15]. L’injection de gallamine, accé- Cette catégorie exclut toutes les perceptions,
lérateur de la conductance sodique, à proximité paresthésies et dysesthésies douloureuses ainsi
d’un névrome déclenche les douleurs fantôme, que l’hyperalgésie. Dans les suites immédiates de
à l’inverse de la lidocaïne, bloqueur des canaux l’amputation, la perception du membre fantôme
sodiques, qui l’atténue ou la supprime. Des est identique à celle du membre amputé en termes
connexions non fonctionnelles (éphapses) entre de forme, longueur et volume.
les axones amplifient l’activité spontanée au sein Les patients décrivent des picotements, des
des névromes. L’acte chirurgical a son importance contractions, des pressions, des engourdisse-
dans le développement d’une douleur fantôme : ments, des démangeaisons, de la chaleur ou même
comparé à l’enfouissement des nerfs sectionnés la flexion des doigts ou des orteils. Le membre
dans le muscle, leur positionnement au contact semble parfois garder la sensation persistante
d’un fascia musculaire semble accroître l’activité d’une alliance ou d’une montre. Environ 30 %
spontanée post-lésionnelle [16]. des patients amputés décrivent une impression de

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


136 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

télescopage, de rétraction du membre fantôme en une douleur déclenchée par des stimuli répétés
direction du membre résiduel, à l’origine d’une (sommation temporelle). Dans de nombreux cas,
sensation de rapprochement de la main ou du des points gâchettes myofasciaux peuvent déclen-
pied. Des études rapportent une augmentation de cher des sensations et des douleurs fantôme [20].
la perception sensitive (évaluée par la discrimina- Les névromes ou les compressions musculaires
tion spatiale de deux points) et l’abaissement des et osseuses sont souvent à l’origine des douleurs
seuils douloureux au niveau du membre résiduel du moignon. Les douleurs rebelles interfèrent
comparé au membre intact controlatéral. considérablement avec l’appareillage prothétique
Après énucléation oculaire, les sensations et la réhabilitation des patients.
fantômes incluent également les hallucinations
visuelles simples (formes ou taches) ou complexes
(objets, scènes ou personnes, parfois en relation Diagnostic et investigations
avec des expériences passées) [19]. des douleurs fantôme

Douleurs du membre fantôme Le diagnostic des douleurs fantôme repose essen-


tiellement sur l’anamnèse. L’examen clinique du
Dans la plupart des cas (75 %), les douleurs membre résiduel recherche des points gâchettes,
apparaissent immédiatement après l’amputation, des troubles circulatoires ou infectieux, des signes
mais peuvent aussi se manifester des mois, voire neurologiques ou encore des lésions cutanées. Le
des années plus tard. Toute sensation douloureuse diagnostic de névrome est confirmé par échogra-
au niveau du membre amputé ou désafférenté phie ou IRM.
appartient à la catégorie des douleurs fantôme,
douleurs de type neuropathique. Elles survien-
nent souvent sous forme de crises de durées Prévention de la douleur
variables (quelques secondes à plusieurs heures).
Les douleurs sont décrites en termes de courant
du membre fantôme
électrique, piqûre, brûlure, crampe, écrasement,
L’analgésie préemptive fait référence à toute
pression et coup de couteau. Dans la majorité des
intervention analgésique précoce (avant le sti-
cas, elles se situent distalement dans le membre
mulus douloureux, par exemple préopératoire).
manquant, typiquement dans les orteils ou les
La combinaison d’une anesthésie générale et
doigts, là où l’innervation et la représentation
périphérique empêche les afférences nociceptives
corticale sont les plus importantes. Dans les cas
d’atteindre la moelle épinière et les centres céré-
d’amputations non traumatiques, les douleurs
braux. Si certaines études de cas ont rapporté une
postopératoires sont souvent identiques à celles
diminution du nombre de patients souffrant de
qui précèdent l’opération. L’évolution naturelle
douleurs fantôme postopératoires, aucune étude
des douleurs du membre fantôme au cours du
contrôlée n’a formellement confirmé l’effet pro-
temps est très variable. L’intensité des douleurs
tecteur d’une anesthésie combinée sur la douleur
décline chez certains patients, alors qu’elle per-
du membre fantôme [21]. Les modifications cen-
siste ou augmente chez d’autres.
trales, particulièrement corticales, induites par la
douleur ne seraient pas influencées par la brève
Douleurs du moignon suppression préopératoire des afférences nocicep-
tives. L’analgésie périphérique pourrait inhiber la
Les douleurs au niveau du moignon, fréquentes réorganisation centrale, mais serait incapable de
dans la période postopératoire immédiate, dimi- neutraliser des changements préexistants.
nuent et disparaissent avec le temps dans 90 à Lors d’amputation transfémorale, la coaptation
95 % des cas. À l’examen clinique, on retrouve méticuleuse des nerfs tibial et péronier commun
régulièrement une hyperalgésie, une allodynie et est associée à une diminution des scores de

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 12. Douleur fantôme aprèsMEDICALE
amputation 137

douleurs, de l’incidence des symptômes fantômes L’administration intraveineuse de kétamine


et de la formation des névromes [22]. (0,4 mg/kg sur 1 heure), en combinaison ou non
Les antagonistes NMDA et les agonistes GABA avec de la calcitonine, a été comparée au placebo
pourraient prévenir la réorganisation centrale et chez 20 patients souffrant de douleur fantôme.
l’apparition de douleurs fantôme. Dans une étude La kétamine s’est avérée supérieure au placebo.
randomisée en double aveugle, contrôlée par pla- L’association kétamine-calcitonine n’était pas plus
cebo, l’administration de mémantine, antagoniste efficace que la kétamine seule. La calcitonine seule
des récepteurs NMDA, à des patients subissant n’était pas supérieure au placebo.
des amputations de doigts ou de la main, réduit Le TNF-alpha, une cytokine inflammatoire,
significativement (20 %/72 %) l’incidence des joue un rôle important dans la genèse des dou-
douleurs fantôme 1 an après la chirurgie [23]. leurs neuropathiques. Cinq patients sur six trai-
tés par injections périnerveuses d’etanercept, un
antagoniste du TNF-alpha, ont rapporté une
Traitement amélioration significative des douleurs du moi-
gnon, des douleurs fantôme, des capacités fonc-
Traitements pharmacologiques tionnelles et psychologiques, persistant 3 mois
après les injections [35].
Le traitement des douleurs fantôme constitue Les benzodiazepines ne semblent pas efficaces.
un véritable défi. L’efficacité des nombreuses Il n’existe pas suffisamment de données fiables
molécules pharmacologiques testées, incluant concernant l’administration de bêtabloquants, de
les traitements anti-neuropathiques, est faible à calcitonine ou de capsaïcine.
modérée. En 2004, une étude a montré que le
tramadol et l’amitriptyline étaient plus efficaces
que le placebo. L’efficacité de l’amitriptyline n’est Traitements non
toutefois pas confirmée dans une autre étude pharmacologiques
contrôlée par placebo de 2005 [24]. Les résultats
avec la gabapentine (Neurontin®) sont incons- Les traitements de biofeedback, qui diminuent la
tants [25,26]. De bons résultats ont été obte- tension musculaire au niveau du membre résiduel,
nus avec la carbamazépine dans des études plus peuvent se révéler utiles au contrôle des douleurs
anciennes [27,28]. fantôme [36].
L’efficacité des opioïdes (morphine [29,30], Les prothèses myoélectriques sont des mem-
tramadol [31,32] et buprénorphine [33]) est bien bres artificiels contrôlés par des signaux élec-
démontrée. Concernant le tramadol, le nombre triques naturellement générés par les muscles du
de patients à traiter (NNT) pour obtenir une membre résiduel. Leur utilisation a été associée
réduction d’au moins 50 % des douleurs est à une diminution de la réorganisation corticale
de quatre [30]. L’utilisation de morphiniques à et des douleurs fantôme [37]. Chez les patients
long terme et à fortes doses risque de provoquer qui ne pouvent être appareillés avec une prothèse
une hyperalgésie et d’entretenir la sensibilisation myoélectrique, un entraînement de discrimination
centrale. par stimulation électrique au niveau du moignon,
La lidocaïne, bloqueur des canaux sodiques, et à raison de 2 heures par jour pendant 2 semaines,
son équivalent oral, la mexilétine, ont été bien diminue significativement les douleurs fantôme et
étudiées dans le traitement des douleurs fantôme. la réorganisation corticale.
Dans une étude contrôlée par placebo portant Du fait de son faible coût et de son innocuité,
sur 31 patients, l’administration intraveineuse de le feedback visuel fait partie de l’arsenal thérapeu-
lidocaïne a apporté une diminution significative tique des douleurs fantôme. L’imagerie mentale
des douleurs du moignon, mais n’avait pas d’effet vise à compenser la désafférentation sensorielle
sur la douleur fantôme [34]. La mexilétine avait par l’illusion de mouvements au niveau du mem-
une efficacité comparable à celle du placebo [29]. bre amputé. Une étude non contrôlée utilisant

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


138 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

cette technique chez 13 patients amputés du Neuromodulation


membre supérieur a conclu à une réduction des
douleurs fantôme, associée à un certain degré de La stimulation médullaire procure des effets béné-
réversibilité de la réorganisation corticale [38]. fiques à court et long terme. L’effet semble pour-
Certains auteurs recommandent la thérapie du tant s’atténuer avec le temps, avec notamment
miroir (20 à 30 minutes, minimum 3 fois par 52 % de bons résultats à 2 ans et 39 % à 5 ans
semaine) pour le traitement des douleurs fan- dans une étude portant sur 64 patients [46].
tôme. Une revue systématique récente évaluant la En cas d’échec des traitements non invasifs, la
thérapie du miroir n’a toutefois pas pu démontrer neuromodulation peut être une alternative pour
d’efficacité suffisante pour recommander cette des patients soigneusement sélectionnés.
thérapie en première intention [39]. La compo- Les données provenant de plusieurs centres
sante profonde de la douleur fantôme semble plus d’experts montrent que la stimulation corticale est
sensible à la thérapie du miroir que la composante aussi une option acceptable [47,48]. Les douleurs
superficielle. fantôme du membre supérieur sont plus faciles à
Plusieurs études ont montré qu’une séance contrôler en raison de leur large représentation
unique de stimulation magnétique transcrânienne au niveau du cortex moteur, mais certaines dou-
répétitive (rTMS) pouvait apporter un soulage- leurs fantôme du membre inférieur ont aussi été
ment transitoire chez certains patients souffrant traitées avec succès par l’implantation d’électrodes
de douleurs neuropathiques. Toutefois, l’applica- dans le sillon interhémisphérique. Une revue de
tion systématique de rTMS à la douleur fantôme 2011 suggère que la stimulation corticale apporte
est encore anecdotique [40,41]. En outre, les de bons résultats dans 53 % des cas [49].
effets obtenus sont généralement de courte durée.
Références
Traitements interventionnels 1. Whitaker HA. An historical note on the phantom
limb. Neurology 1979;29:273.
L’indication à des procédures destructives est 2. Ramachandran VS, Rogers-Ramachandran D.
limitée principalement aux patients présentant Phantom limbs and neural plasticity. Arch Neurol
2000;57:317–20.
des douleurs réfractaires dont l’espérance de vie 3. Rimbaud A. Œuvres complètes. Paris: Librairie
est courte. L’efficacité de blocs neurolytiques Générale Française, Collection « La Pochothèque » ;
sous contrôle ultrasonographique par injection 1999 : 731-738.
de phénol directement dans le névrome a été 4. Sherman RA, Sherman CJ, Parker L. Chronic phan-
étudiée prospectivement chez 82 patients. La tom and stump pain among American veterans:
results of a survey. Pain 1984;18:83–95.
majorité des patients a rapporté une amélioration
5. Simmel ML. Phantom experiences following amputa-
significative, 12 % d’entre eux signalant même tion in childhood. J. Neurol. Neurosurg. Psychiatry
la disparition totale des douleurs après 1 à 3 1962;25:69–78.
injections [42]. 6. Ramachandran V, Hirstein W. The perception of
Actuellement, on préfère les interventions non phantom limbs. The D. O. Hebb lecture. Brain
destructives, comme le bloc interscalénique ou 1998;121:1603–30.
7. Dijkstra PU, Geertzen JH, Stewart R, van der Schans
le bloc du ganglion stellaire pour les douleurs CP. Phantom pain and risk factors: a multivariate
du membre supérieur, et le bloc sympathique analysis. J Pain Symptom Manage 2002;24:578–85.
lombaire pour le membre inférieur. 8. Hanley MA, Jensen MP, Smith DG, Ehde DM,
La radiofréquence pulsée (42°C pendant 120 Edwards WT, Robinson LR. Preamputation pain and
secondes) au niveau du névrome ou du gan- acute pain predict chronic pain after lower extremity
glion spinal innervant le territoire douloureux amputation. J Pain 2007;8:102–9.
9. Nikolajsen L, Jensen T. Phantom limb pain. Br J
s’est révélée efficace dans plusieurs études de Anaesth 2001;87:107–16.
cas [43–45]. L’injection de toxine botulique A 10. Hill A. Phantom limb pain: a review of the literature
semble efficace en présence de points gachettes on attributes and potential mechanisms. J Pain Symp-
myofasciaux. tom Manage 1999;17:125–42.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 12. Douleur fantôme aprèsMEDICALE
amputation 139

11. Flor H. Phantom-limb pain: characteristics, causes, double-blind, placebo-controlled, cross-over study.
and treatment. Lancet Neurol 2002;1:182–9. Reg Anesth Pain Med 2002;27:481–6.
12. Ramachandran VS, Rogers-Ramachandran DC, 27. Patterson JF. Carbamazepine in the treatment of
Stewart M. Perceptual correlates of massive cortical phantom limb pain. South Med J. 1988;81:1100–2.
reorganization. Science 1992;258:1159–60. 28. Elliott F, Little A, Milbrandt W. Carbamazepine for phan-
13. Lotze M, Flor H, Grodd W, Larbig W, Birbaumer tom-limb phenomena. N Engl J Med 1976;295:678.
N. Phantom movements and pain: an fMRI study in 29. Huse E, LarbigW, Flor H, Birbaumer N. The effect
upper limb amputees. Brain 2001;124:2268–77. of opioids on phantom limb pain and cortical reorga-
14. MacIver K, Lloyd D, Kelly S, Roberts N, Nur- nization. Pain 2001;90:47–55.
mikko T. Phantom limb pain, cortical reorganization 30. Wu CL, Agarwal S, Tella PK, Klick B, Clark MR,
and the therapeutic effect of mental imagery. Brain Haythornthwaite JA. Morphine versus mexiletine for
2008;131(8):2181–91. treatment of postamputation pain: a randomized,
15. Nikolajsen L, Jensen T. Phantom limb pain. Br J placebo-controlled, crossover trial. Anesthesiology
Anaesth 2001;87:107–16. 2008;109:289–96.
16. Danielsen N, Shyu BC, Dahlin LB, Lundborg G, 31. Sindrup SH, Andersen G, Madsen C, Smith T,
Andersson SA. Absence of ongoing activity in fibres Brosen K, Jensen TS. Tramadol relieves pain and
arising from proximal nerve ends regenerating into allodynia in polyneuropathy: a randomised, double-
mesothelial chambers. Pain 1986;26:93–104. blind, controlled trial. Pain 1999;83:85–90.
17. Bartels H, Staal MJ, Albers FW. Tinnitus and neural 32. Wilder-Smith CH, Hill LT, Laurent S. Postampu-
plasticity of the brain. Otol Neurotol. 2007;28:178– tation pain and sensory changes in treatment-naive
84. patients : characteristics and responses to treatment
18. Kehlet H, Jensen TS, Woolf CJ. Persistent post- with tramadol, amitriptyline, and placebo. Anes-
surgical pain: risk factors and prevention. Lancet thesiology 2005;103:619–28.
2006;367:1618–25. 33. Omote K, Ohmori H, Kawamata M, Matsumoto
19. M. L. R. Rasmussen, J.U. Prause, M.J. Ocularist, and M, Namiki A. Intrathecal buprenorphine in the
P. B. Toft, “Phantom eye syndrome: types of visual treatment of phantom limb pain. Anesth Analg
hallucinations and related phenomena,” Ophthalmic 1995;80:1030–2.
Plastic & Reconstructive Surgery 2009, vol. 25, 34. Wu CL, Tella P, Staats PS, Vaslav R, Kazim DA, Wes-
n° 5 : 390-393. selmann U. Analgesic effects of intravenous lidocaïne
20. Kern KU, Martin C, Scheicher S, Müller H. Referred and morphine on postamputation pain: a randomized
pain from amputation stump trigger points into the double-blind, active placebo-controlled, crossover
phantom limb. Schmerz 2006;20:300–6. trial. Anesthesiology 2002;96:841–8.
21. Nikolajsen L, Ilkjaer S, Christensen JH, Kroner K, 35. Dahl E, Cohen SP. Perineural injection of etanercept
Jensen TS. Randomised trials of epidural bupiva- as a treatment for postamputation pain. Clin J Pain
caïne and morphine in prevention of stump and 2008;24:172–5.
phantom pain in lower-limb amputation. Lancet 36. Sherman RA. Stump and phantom limb pain. Neurol
1997;350:1353–7. Clin 1989;7:249–64.
22. Economides JM, DeFazio MV, Attinger CE, Barbour 37. Lotze M, Flor H, Grodd W, Larbig W, Birbaumer
JR. Prevention of Painful Neuroma and Phantom N. Phantom movements and pain: an fMRI study in
Limb Pain After Transfemoral Amputations Through upper limb amputees. Brain 2001;124:2268–77.
Concomitant Nerve Coaptation and Collagen Nerve 38. MacIver K, Lloyd DM, Kelly S, Roberts N, Nur-
Wrapping. Neurosurgery 2016 Jun 15. mikko T. Phantom limb pain, cortical reorganization
23. Wiech K, Preissl H, Kiefer T, et al. Prevention of and the therapeutic effect of mental imagery. Brain
phantom limb pain and cortical reorganization in the 2008;131:2181–91.
early phase after amputation in humans. Soc Neurosci 39. Barbin J, Seetha V, Casillas JM, Paysant J, Pérennou
Abstr 2001;28:163–9. D. The effects of mirror therapy on pain and motor
24. Robinson LR, Czerniecki JM, Ehde DM, et al. Trial control of phantom limb in amputees: A systematic
of amitriptyline for relief of pain in amputees: results review. Ann Phys Rehabil Med. 2016 May 30. pii :
of a randomized controlled study. Arch Phys Med S1877-0657 (16)30031-8.
Rehabil 2004;85:1–6. 40. Topper R, Foltys H, Meister IG, Sparing R, Boroo-
25. Nikolajsen L, Finnerup NB, Kramp S, Vimtrup AS, jerdi B. Repetitive transcranial magnetic stimulation
Keller J, Jensen TS. A randomized study of the of the parietal cortex transiently ameliorates phan-
effects of gabapentin on postamputation pain. Anes- tom limb pain-like syndrome. Clin Neurophysiol
thesiology 2006;105:1008–15. 2003;114(8):1521–30.
26. Bone M, Critchley P, Buggy DJ. Gabapentin in 41. Di Rollo A, Pallanti S. Phantom limb pain: low
post-amputation phantom limb pain: a randomized, frequency repetitive transcranial magnetic stimula-

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


140 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

tion in unaffected hemisphere. Case Report Med 46. Krainick JU, Thoder U. Spinal cord stimulation in
2011;2011:130751. post-amputation pain. In: Siegfried J, Zimmerman
42. Gruber H, Glodny B, Kopf H, et al. Practical expe- M, ed. Phantom and Stump Pain. Berlin: Springer-
rience with sonographically guided phenol instillation Verlag ; 2002 :527-553.
of stump neuroma: predictors of effects, success, and 47. Lima MC, Fregni F. Motor cortex stimulation for
outcome. AJR Am J Roentgenol 2008;190:1263–9. chronic pain. Systematic review and meta-analysis of
43. Wilkes D, Ganceres N, Solanki D, Hayes M. Pulsed the literature. Neurology 2008;70(24):2329–37.
radiofrequency treatment of lower extremity phan- 48. Fontaine D, Hamani C, Lozano A. Efficacy and safety
tom limb pain. Clin J Pain 2008;24:736–9. of motor cortex stimulation for chronic neuropathic
44. Restrepo-Garces CE, Marinov A, McHardy P, Faclier pain: critical review of the literature. J Neurosurg
G, Avila A. Pulsed radiofrequency under ultrasound 2009;110(2):251–6.
guidance for persistent stump-neuroma pain. Pain 49. Nguyen JP, Nizard J, Keravel Y, Lefaucheur JP.
Pract 2011;11:98–102. Invasive brain stimulation for the treatment of neuro­
45. Ramanavarapu V, Simopoulos TT. Pulsed radiofre- pathic pain. Nat Rev Neurol 2011;7(12):699–709.
quency of lumbar dorsal root Ganglia for chro-
nic post-amputation stump pain. Pain Physician
2008;11:561–6.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 13
Zona et névralgie postherpétique
Christophe Perruchoud

Le zona franchit pratiquement jamais la ligne médiane.


L’atteinte simultanée de plusieurs dermatomes
Le zona est une maladie infectieuse provoquée non contigus n’apparaît généralement que chez
par la réactivation du virus Varicella Zoster des patients immunodéprimés. De même, la dis-
(Human Herpes Virus 3). Le virus, responsable sémination du virus dans les organes profonds
de la varicelle contractée dans l’enfance, infecte (poumon, cerveau, foie) ne se voit en principe
les ganglions nerveux sensoriels. Il y reste à que chez les sujets fragilisés mais s’associe à un
l’état latent pendant de nombreuses années. Réac- taux de mortalité d’environ 10 %.
tivé à la faveur d’une baisse de l’immunité (âge Le zona ophtalmique reflète l’atteinte de la pre-
avancé, médicaments, stress, cancer, HIV, etc.), mière branche du nerf trijumeau (V1) : les lésions
il se manifeste sous la forme d’un zona, soit une cutanées recouvrent l’hémiface, du sommet du
dermatose caractérisée par une éruption cutanée front à l’aile du nez (signe de Hutchinson),
vésiculaire dans le territoire de distribution d’un l’atteinte oculaire est visible au niveau de la
nerf sensitif. Souvent précédées de prodromes cornée, de la conjonctive et de l’uvée.
(céphalées, fatigue, fièvre, nausées, paresthésies, La réactivation du Varicella Zoster Virus dans
douleur), les lésions cutanées apparaissent par le ganglion géniculé (zona otitique) entraîne
poussées successives, sous forme de placards une atteinte du nerf facial, pouvant provoquer
papuleux rouges, de grappes de vésicules et de une paralysie faciale. Les douleurs et l’éruption
lésions croûteuses qui disparaissent habituelle- cutanée apparaissent dans la zone d’innervation
ment en quelques semaines. L’absence occasion- sensitive du nerf facial (zone de Ramsay-Hunt),
nelle d’éruption cutanée (Zoster Sine Herpete) soit la face postérieure du conduit auditif externe,
complique le diagnostic. le tympan, la conque et les deux tiers antérieurs
Contrairement à la varicelle où le prurit est pré- de la langue.
dominant, le zona se caractérise par des douleurs L’incidence de zona augmente avec l’âge : elle
à caractère de coup de couteau, de brûlures, de est de 0,3 % chez les patients de moins de 50 ans,
piqûres et de décharges électriques qui peuvent 0,5 % entre 60 et 70 ans, entre 0,7 % et 1% chez
être très intenses. La douleur est souvent associée les patients de plus de 80 ans. Le zona n’est pas
à une allodynie et une hyperalgésie dans les zones transmissible. Cependant, le liquide contenu dans
concernées [1]. les vésicules est très contagieux et peut provoquer
Les zonas surviennent le plus souvent au niveau la varicelle chez une personne qui ne l’a jamais
du thorax (50-60 %), dans la région cervicale contractée, soit environ 5 % de la population
(10-20 %), au niveau de la face (10-20 %), dans adulte. Le taux de récidive du zona est extrê-
les régions lombaire (5-10 %) et sacrée (< 5 %). mement faible chez les patients en bonne santé,
L’éruption cutanée est unilatérale, s’étend sur mais avoisine 6 % chez les patients immunosup-
plusieurs dermatomes dans 20 % des cas, et ne primés. Les récents vaccins pédiatriques contre

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
142 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

la varicelle semblent protéger les patients contre Épidémiologie de la


l’apparition d’un zona à l’âge adulte. Un vaccin névralgie postherpétique
viral vivant atténué contre le zona est disponible
depuis plusieurs années pour les personnes de
Complication fréquente du zona, la névralgie
plus de 50 ans. Il ne garantit pas une protection
postherpétique (NPH) est l’exemple type de
individuelle totale et la population de patients
la douleur neuropathique. Elle est définie par
à risque susceptibles d’en profiter n’a jamais été
une douleur (VAS > 3), persistant 3 mois
clairement identifiée. De ce fait, la vaccination
après la guérison de l’éruption cutanée. Dans
de routine des personnes de plus de 50 ans reste
la population générale, elle accompagne 10 à
actuellement controversée.
15 % des zonas, alors qu’elle est présente chez
Le traitement du zona est principalement symp-
plus de 50 % des patients âgés (> 60 ans).
tomatique : il vise la guérison de l’éruption
Parmi les facteurs de risque avérés de dévelop-
cutanée et le contrôle des douleurs.
per une NPH, on relève notamment l’intensité
• Les solutions de sulfate d’aluminium et d’acé-
des douleurs lors de l’éruption cutanée, l’âge
tate de calcium (Domeboro®) en application
avancé et les localisations thoracique et ophtal-
locale accélèrent le séchage des vésicules.
mique [2]. La sévérité de l’éruption cutanée et
• Une antibiothérapie per os est prescrite unique-
la présence de prodromes sont des facteurs de
ment en cas de surinfection, le plus souvent
risque probables alors que le rôle préventif du
staphylococcique.
traitement antiviral ou des blocs nerveux reste
• Il est recommandé d’administrer un traitement
controversé. Aucune étude n’a mis en évidence
antiviral précoce (< 72 heures après l’éruption
l’utilité des corticoïdes dans la prévention de
cutanée) à tous les patients pendant une semaine.
la NPH.
Les différents antiviraux per os ont une efficacité
comparable : acyclovir (Zovirax®) 800 mg 5 x/j,
valaciclovir (Zelitrex®, Valtrex®) 1 g 3 x/j, fam-
ciclovir (Oravir®, Famvir®) 500 mg 3x/j ou
brivudin (Brivex®) 125 mg 1 x/j. Physiopathologie de la
• L’administration per os de corticoïdes n’est pas névralgie postherpétique
indiquée dans le zona, hormis lors des compli-
cations oculaires majeures du zona ophtalmique La physiopathologie de la NPH implique vrai-
(nécrose rétinienne). Outre leurs effets secon- semblablement des mécanismes centraux et péri-
daires, il n’est pas exclu que l’administration phériques. La réplication du virus entraîne une
de corticostéroïdes favorise la dissémination du réaction inflammatoire au niveau des nerfs péri-
Varicella Zoster Virus. phériques, des racines dorsales, des ganglions
• Les antalgiques de niveau II et les opiacés sont spinaux et de la moelle épinière, accompagnée
utiles lors de la phase aiguë en cas de douleurs d’une libération de médiateurs pro-inflamma-
modérées ou sévères. toires (TNF-alpha, substance P). Ces réactions
• L’administration de médicaments adjuvants, provoquent une atrophie de la corne postérieure,
antidépresseurs tricycliques ou antiépileptiques, une fibrose des ganglions spinaux postérieurs
est indiquée dans les cas de névralgie herpétique ainsi que la dégénérescence des corps cellulaires
aiguë. et des axones des afférences primaires. Ces modi-
• Lors de douleurs aiguës réfractaires aux trai- fications peuvent expliquer un tableau clinique
tements médicamenteux, les blocs nerveux disparate, associant une hypoesthésie secondaire
représentent une option temporairement effi- à la perte d’innervation cutanée, des troubles
cace : bloc stellaire en cas d’atteinte faciale, de la sensibilité pallesthésique dus à la perte non
injection épidurale d’anesthésiques locaux et uniforme de fibres nerveuses entraînant une dis-
de corticoïdes dans les atteintes thoraciques, crimination sensorielle altérée et des douleurs de
abdominales ou des membres inférieurs. désafférentation.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 13. Zona et SCIENCE MEDICALE
névralgie postherpétique 143

Présentations cliniques de aspects cognitifs, la gabapentine et la prégabaline


la névralgie postherpétique sont utiles en gériatrie.

Les patients décrivent généralement des douleurs Antidépresseurs


lancinantes, des brûlures, des piqûres, des lan-
cements ou des chocs électriques, présentes de Les antidépresseurs tricycliques ont un effet antal-
façon intermittente ou continue. Plus de 90 % gique dans la NPH, leur NNT se situant entre
des patients présentent une hyperalgésie ainsi 1,6 et 4,2 [3]. Ils ont néanmoins des effets secon-
qu’une allodynie mécanique et thermique dans les daires limitant leur utilisation chez les patients
dermatomes atteints. Les dermatomes adjacents âgés : hypotension orthostatique, troubles de
révèlent souvent une hypoesthésie. Les troubles la conduction cardiaque ou effets anticholiner-
du sommeil et de l’humeur associés influencent giques susceptibles d’aggraver des troubles cog-
négativement la qualité de vie des patients. nitifs. Les antidépresseurs tricycliques de type
amines secondaires (nortriptyline, désipramine)
sont mieux tolérés et tout aussi efficaces que les
Traitements médicamenteux amines tertiaires (amitriptyline, imipramine). Les
de la névralgie antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine et de la noradrénaline (SNRIs) comme
postherpétique la duloxétine (Cymbalta®) sont mieux supportés
que les antidépresseurs tricycliques. La venlafaxine
Le choix thérapeutique doit prendre en compte (Effexor®) est également efficace. Les inhibiteurs
l’état de santé, les comorbidités, les traitements sélectifs de la recapture de la sérotonine (SSRIs)
médicamenteux en cours et l’état cognitif du ne sont pas ou que peu efficaces dans la NPH.
patient, particulièrement lorsqu’il est très âgé. Pour
rappel, l’efficience d’une molécule est évaluée par
son number needed to treat (NNT), à savoir le Opiacés
nombre de patients qu’il faut traiter pour qu’un
patient bénéficie du traitement. La valeur du NNT Parmi les opioïdes forts, l’oxycodone, la mor-
est calculée pour des conditions particulières et phine et la méthadone sont les molécules les
dépend donc entre autres de la nature de la maladie mieux étudiées dans cette indication, avec un
traitée et de l’ampleur de l’effet thérapeutique NNT moyen de 2,7. En dépit d’un NNT rela-
recherché. En pharmacothérapie antalgique, on tivement favorable (4,8 dans la NPH, [3]), le
considère généralement qu’une diminution de tramadol ne doit pas être utilisé en association
30 % des douleurs est cliniquement significative et avec les antidépresseurs tricycliques en raison du
qu’une molécule est efficace dans une indication risque de syndrome sérotoninergique.
donnée lorsque son NNT est égal ou inférieur à 5. Toutefois, le développement rapide de tolé-
rance avec les opiacés, quels qu’ils soient, fait que
ces médicaments ne doivent pas être administrés
Antiépileptiques au long cours et leur prescription ne devrait pas
dépasser quelques semaines.
La gabapentine et la prégabaline ont une action
antalgique dans la NPH, avec un NNT de 4,4
et de 4,9 respectivement [3]. Les posologies Antagonistes des récepteurs
doivent être adaptées à la fonction rénale. Parmi N-méthyl-D-aspartate (NMDA)
les effets secondaires les plus courants figurent la
somnolence, les vertiges et les œdèmes des mem- Ni le dextrométhorphane ni la mémantine n’a
bres inférieurs. Les interactions médicamenteuses démontré d’efficacité supérieure au placebo dans
sont relativement limitées et sous réserve des les études à disposition sur la NPH [3].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


144 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Traitements topiques : et la qualité de la vie s’améliorent significative-


lidocaïne ou capsaïcine ment, peu de temps après l’administration, et ce
bénéfice peut durer pendant 2 et 4 mois.
Les patchs et pommades sont généralement
dénués d’effets secondaires systémiques et
d’interactions médicamenteuses. Ils sont par Antagonistes sélectifs
conséquent particulièrement intéressants chez le des récepteurs type 2
patient âgé. Leur utilisation est toutefois limitée de l’angiotensine II
par l’état cutané et l’étendue des zones à cou-
vrir. Les patchs de lidocaïne 5 % (Neurodol®) Il est démontré que les récepteurs de l’angio-
sont recommandés en première intention (NNT tensine II type 2 (AT2R) sont exprimés par
2). L’application de capsaïcine 8 % (Qutenza®) les neurones sensitifs (nociceptifs) chez
est efficace dans la NPH, avec un NNT entre l’homme comme chez le rongeur. L’adminis-
7 et 12 selon les études [4]. La manipulation tration d’antagonistes sélectifs des récepteurs
des emplâtres de capsaïcine hautement concen- AT2R a produit des effets analgésiques dans
trée nécessite des précautions qui font que ce des modèles animaux de douleurs neuro­
traitement est en général proposé en milieu pathiques. Cette nouvelle piste de traitement
hospitalier. L’application peut être renouvelée a été étudiée dans la NPH par une étude de
à intervalle de 3 mois selon l’évolution des phase II, randomisée et contrôlée par placebo.
symptômes. Une diminution modeste mais significative de
l’intensité des douleurs a été observée après
28 jours [7].
Lidocaïne intraveineuse
Bien qu’évaluée dans plusieurs études rando- Injection épidurale
misées contrôlées, la perfusion intraveineuse de
lidocaïne (jusqu’à 5 mg/kg en 2 heures) n’a Si les injections épidurales d’anesthésiques locaux
démontré aucune supériorité par rapport au pla- et de corticoïdes ont démontré leur efficacité
cebo. Elle n’a donc pas sa place dans le traitement dans les douleurs aiguës du zona, aucune évi-
de la NPH [3]. dence ne parle en faveur d’un effet durable en
cas de NPH.

Toxine botulique A Injection intrathécale


L’injection locale et périphérique de toxine L’injection intrathécale de méthylprednisolone
botulique A (BTX-A) entraîne une réduction (4 injections hebdomadaires de 60 mg) a été
de la libération de différentes substances impli- décrite dans une étude japonaise [8], portant sur
quées dans la régulation de la nociception et de 270 patients atteints de NPH (à l’exclusion des
l’inflammation [glutamate, substance P, pep- nerfs crâniens). L’effet antalgique était excellent
tide relié au gène calcitonine (calcitonin gene– (NNT 1,1). Ces résultats n’ont toutefois pas pu
related peptide ou CGRP]. Des études, dont être répliqués jusqu’à ce jour [9]. L’injection
plusieurs randomisées et contrôlées par placebo, intrathécale de méthylprednisolone comportant
ont récemment évalué l’efficacité de l’adminis- des risques non négligeables d’arachnoïdite, de
tration de BTX-A, sous forme de 20 et 190 UI radiculite lombaire, de myélite transverse ou
fractionnées en de nombreuses injections intra- encore de méningite aseptique, cette approche
dermiques réparties en échiquier dans la zone n’est pas recommandée en l’absence d’études
douloureuse [5,6]. Les douleurs, le sommeil supplémentaires.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 13. Zona et SCIENCE MEDICALE
névralgie postherpétique 145

Traitements non Références


médicamenteux de la 1. Dworkin RH, Gnann JW Jr, Oaklander AL, et al.
névralgie postherpétique Diagnosis and assessment of pain associated with
herpes zoster and postherpetic neuralgia. J Pain
2008;9:S37.
Acupuncture 2. Drolet M, Brisson M, Schmader K, Levin M, John-
son R, Oxman M, et al. Predictors of postherpetic
Les effets bénéfiques de l’acupuncture dans la neuralgia among patients with herpes zoster: a pros-
NPH ont été décrits dans plusieurs séries ou pective study. J Pain 2010 Nov;11(11):1211–21.
3. Hempenstall K, Nurmikko TJ, Johnson RW, et al.
rapports de cas. Les études contrôlées compa-
Analgesic therapy in postherpetic neuralgia: a quanti-
rant l’acupuncture au placebo ne montrent tative systematic review. PLoS Med 2005;2:e164.
aucune différence en termes d’analgésie. Dès 4. Derry S, Sven-Rice A, Cole P, et al. Topical cap-
lors, ce traitement ne peut pas être recommandé saicin (high concentration) for chronic neuropathic
actuellement. pain in adults. Cochrane Database Syst Rev
2013;2:CD007393.
5. Hyun-Mi Oh. Myung Eun Chung. Botulinum Toxin
for Neuropathic Pain: A Review of the Literature.
Cryothérapie Toxins 2015;7:3127–54.
6. Xiao L, Mackey S, Hui H, Xong D, Zhang Q, Zhang
La cryothérapie, principalement au niveau des D. Subcutaneous injection of botulinum toxin A
nerfs intercostaux, a été évaluée dans plusieurs is beneficial in postherpetic neuralgia. Pain Med
études [10,11]. Les résultats à moyen terme 2010;11(12):1827–33.
sont décevants, à l’exception d’une étude faisant 7. Rice ASC, Dworkin RH, McCarthy TD, et al.
EMA401, an orally administered highly selective
état d’une amélioration significative des douleurs
angiotensin II type 2 receptor antagonist, as a novel
à 3 mois chez plus de 50 % des patients [11]. treatment for postherpetic neuralgia: a randomi-
Plus récemment, la vaporisation répétée d’azote sed, double-blind, placebo-controlled phase 2 cli-
liquide pendant 30 secondes sur le dermatome nical trial. Lancet 2014; doi: 10.1016/s0140-6736
atteint (à une distance de 15 cm) a été décrite (13)62337-5.
chez 47 patients avec un résultat jugé bon ou 8. Kotani N, Kushikata T, Hashimoto H, et al. Intrathe-
cal methylprednisolone for intractable postherpetic
excellent dans 94 % des cas après une moyenne de neuralgia. N Engl J Med 2000;343:1514.
4,9 séances hebdomadaires [12]. Ce résultat reste 9. Rijsdijk M, van Wijck AJ, Meulenhoff PC, Kavelaars
à confirmer par d’autres travaux. A, van der Tweel I, Kalkman CJ. No beneficial
effect of intrathecal methylprednisolone acetate in
postherpetic neuralgia patients. Eur J Pain 2013
Stimulation médullaire May;17(5):714–23.
10. Jones MJ, Murrin KR. Intercostal block with cryo-
et stimulation périphérique therapy. Ann R Coll Surg Engl 1987 Nov;69(6):261–
sous-cutanée 2.
11. Green CR, de Rosayro AM, Tait AR. The role of
Dans deux études rétrospectives de 10 et 28 cryoanalgesia for chronic thoracic pain: results of
patients, l’efficacité à moyen et long termes de a long-term follow up. J Natl Med Assoc 2002
la stimulation médullaire était respectivement de Aug;94(8):716–20.
12. Calandria L. Cryoanalgesia for postherpetic neuralgia.
60 % et 82 % [13,14]. Des petites séries de stimu-
International Journal of Dermatology 2011;50:746–
lation périphérique sous-cutanée dans le territoire 50.
du nerf trijumeau décrivent la technique comme 13. Meglio M, Cioni B, Prezioso A, Talamonti G.
efficace [15,16]. Spinal cord stimulation (SCS) in the treatment of
Toutefois, les techniques de neuromodulation postherpetic pain. Acta Neurochir Suppl (Wien)
sont souvent limitées dans la NPH en raison du 1989;46:65–6.
14. Harke H, Gretenkort P, Ladleif HU, Koester P,
déficit sensoriel que l’on retrouve chez la majorité Rahman S. Spinal cord stimulation in postherpetic
des patients.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


146 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

neuralgia and in acute herpes zoster pain. Anesth 16. Johnson MD, Burchiel KJ. Peripheral stimulation for
Analg 2002 Mar;94(3):694–700. treatment of trigeminal postherpetic nerualgia and
15. Dunteman E. Peripheral nerve stimulation for unre- trigeminal postherpetic pain: a pilot study. Neurosur-
mitting opthalmic posherpetic neuralgia. Neuro­ gery 2004;55:135–42.
modulation 2002;5:279–90.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 14
Les douleurs cancéreuses
Nicolas Mariotti, Christophe Perruchoud

Épidémiologie inflammatoires et neuropathiques. L’origine des


douleurs est souvent multiple. Elles peuvent pro-
L’incidence et la prévalence de la maladie cancé- venir de l’invasion tumorale locale, provoquant
reuse sont très élevées à travers le monde avec 205 des compressions sur les organes de voisinage
cas pour 100 000 personnes chez les hommes et ou des tiraillements sur des organes creux, infil-
165 cas pour 100 000 personnes chez les femmes, trant la capsule d’organes pleins comme le foie.
soit 14 millions de nouveaux cas en 2012. L’évo- Elles peuvent être occasionnées par la stimulation
lution est malheureusement fatale dans un nom- directe de nocicepteurs au contact de substances
bre important de cas, avec plus de 8 millions de chimiques libérées par les cellules tumorales et
décès en 2012 au niveau mondial et 1,8 million certains médiateurs de l’inflammation, comme le
en Europe [1,2]. La prévalence des douleurs liées Tumor Necrosis Factor (TNF), le Nerve Growth
au cancer varie de 30 à 50 % et peut atteindre près Factor (NGF), les interleukines (IL-6), chemo-
de 80 % à un stade avancé de la maladie [1,2]. kines, prostanoïdes ou endothélines. Elles peuvent
Les cancers solides (pancréas, tumeurs ORL) et également provenir de localisations tumorales à
métastatiques (métastases osseuses) sont respon- distance, lors de métastases osseuses, par exemple,
sables de douleurs plus intenses que les cancers qui provoquent des douleurs liées aux distensions
liquides ou sanguins — leucémie, lymphome — périostées ou à des fractures pathologiques. Les
(figure 14.1). Les douleurs sont fréquemment le douleurs sont dans certains cas secondaires au
premier signe d’appel et un tiers des patients décrit traitement de la maladie primaire, certaines chi-
des douleurs modérées à sévères [2]. Vingt-cinq miothérapies provoquant des polyneuropathies
à 60 % des patients sous traitement antitumoral douloureuses, des douleurs osseuses diffuses, la
actif se plaignent de douleurs et 33 % présentent radiothérapie, une neurotoxicité périphérique, des
des douleurs chroniques persistantes malgré une mucites, entérites ou proctocolites et la chirurgie,
rémission de la maladie cancéreuse [3,4]. des douleurs aiguës périopératoires, qui, dans un
certain nombre de cas, perdurent et finissent par
devenir chroniques.
Physiopathologie
Il convient de déterminer l’étiologie des douleurs Évaluation
avec le plus de précision possible afin de proposer
le traitement le plus adapté à la situation. Ce Comme mentionné précédemment, l’établissement
traitement pourra d’ailleurs varier dans le temps d’un diagnostic étiologique aussi précis que pos-
en fonction de l’évolution de la maladie. sible est nécessaire. Il s’agit également de préciser
La nature des douleurs est fréquemment mixte, la plainte douloureuse. Comme pour toute dou-
avec une combinaison de douleurs nociceptives, leur chronique, l’anamnèse doit caractériser les

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
148 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Figure 14.1. Incidence des douleurs cancéreuses selon le type ou la localisation de la tumeur [5].

circonstances d’apparition, la durée, les variations modification de la symptomatologie ne pouvant


temporelles (douleur de fond et douleurs paroxys- être expliquée avec les éléments cliniques et para-
tiques), la localisation, les irradiations éventuelles, cliniques à disposition, les examens appropriés
l’intensité, la qualité, les facteurs déclenchants et seront refaits, même s’ils sont récents. Cette
apaisants ainsi que l’évolution des douleurs. Elle évaluation régulière doit permettre de fixer avec le
doit faire ressortir l’utilisation passée ou actuelle patient et son entourage des objectifs réalistes qui
d’analgésiques ou d’autres médications. La peuvent être définis en quatre niveaux :
recherche de douleurs chroniques préexistantes, • douleurs contrôlées durant la nuit, permettant
de l’utilisation d’opiacés au long cours et de son le repos et le sommeil ;
éventuelle utilisation abusive ou de la consom- • douleurs contrôlées au repos la journée ;
mation d’autres stupéfiants, est également impor- • douleurs contrôlées avec une mobilité limitée ;
tante. L’avancement de la maladie tumorale et • douleurs contrôlées avec une mobilité complète.
les comorbidités doivent être évalués tout comme
les éventuelles perturbations affectives, psychiques,
comportementales et sociales. Cela sera complété Traitement
par un examen clinique général et neurologique qui
doit permettre de clarifier la nature des douleurs, La prise en charge des douleurs cancéreuses sera
nociceptives ou neuropathiques ainsi que les réper- la plupart du temps multimodale. Son but sera,
cussions physiques de la maladie. Le cas échéant, à l’aide de moyens pharmacologiques ou non,
un complément de bilan paraclinique pourra être de répondre aux objectifs fixés. Un traitement
effectué, biologique, radiologique ou neurologique chirurgical ou antinéoplasique, qu’il soit chimio-
par exemple, afin d’affiner le diagnostic. thérapeutique ou radiothérapeutique, permettra,
Cette évaluation globale sera faite à intervalle dans un certain nombre de cas, une améliora-
régulier afin de suivre l’évolution des symptômes tion, voire la disparition de la symptomatologie
le plus objectivement possible. Plusieurs outils douloureuse lorsqu’elle est directement liée à
sont à disposition afin d’aider le praticien à évaluer la tumeur. C’est par exemple le cas des métas-
et suivre l’évolution des différentes composantes tases osseuses nécessitant une radiothérapie ou de
du syndrome douloureux. Ces derniers sont fractures pathologiques d’os longs nécessitant une
décrits en détail dans le chapitre 3. En cas de fixation chirurgicale.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 14. Les douleurs MEDICALE
cancéreuses 149

Figure 14.2. Échelle de l’Organisation mondiale de la Santé.

Dans d’autres situations, le recours à des chez les patients atteints de cancer. Ces recom-
techniques antalgiques interventionnelles pourra mandations ont ensuite été adaptées dans une
s’avérer nécessaire. La plupart du temps, les publication datant de 1997, avec notamment
patients sont soumis à une importante surcharge l’introduction d’un quatrième palier intégrant les
émotionnelle et un soutien psychologique est procédures interventionnelles (figure 14.2).
souvent très bénéfique. D’une manière générale, Le traitement pharmacologique constitue un
une prise en charge optimale nécessite une équipe élément central du traitement de la douleur can-
pluridisciplinaire incluant, par exemple, le méde- céreuse. On pourra distinguer :
cin de premier recours, les oncologues, les radio- • les traitements analgésiques, qui ont une acti-
thérapeutes, les chirurgiens, les anesthésistes, les vité analgésique primaire et opèrent au niveau
antalgistes, les psychiatres, les palliatologues, les des mécanismes physiologiques de la douleur ;
psychologues, les physiothérapeutes, les ergothé- • les traitements adjuvants, qui ont une indica-
rapeutes, les infirmiers spécialisés et les aumôniers. tion primaire différente et qui, dans certaines
situations cliniques, peuvent avoir un effet anal-
Traitement pharmacologique gésique.
L’utilisation des analgésiques dans la douleur
En 1986, l’Organisation mondiale de la Santé cancéreuse est bien établie et suit des recomman-
(OMS) a présenté suite aux recommandations dations claires basées sur l’introduction séquen-
d’un groupe d’experts internationaux une échelle tielle de médications de puissance croissante qui
analgésique progressive pour le traitement de la sont titrées jusqu’à l’obtention du résultat recher-
douleur cancéreuse. Ce document a été traduit ché. Ces médicaments seront administrés selon
en 22 langues et a permis d’attirer l’attention des une méthode qui est résumée en cinq phrases —
soignants sur l’importance de traiter la douleur traduit de l’anglais (tableau 14.1) :

Tableau 14.1. Méthode d’administration des analgésiques.


1 By the mouth Per os
2 By the clock À heure fixe
3 By the ladder Selon l’échelle
4 For the individual Individuellement
5 Attention to detail En prêtant attention aux détails

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


150 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Ces principes fondamentaux nous indiquent œdème. On pense en particulier aux symptômes
que les analgésiques doivent être administrés et douleurs liés à l’augmentation de la pres-
régulièrement, dans une galénique la plus simple sion intracrânienne lors de métastases cérébrales
possible (per os si possible) à intervalle approprié ou aux douleurs abdominales lors de métastases
à la pharmacocinétique de chaque molécule, afin hépatiques. Ils peuvent être utiles également dans
de maintenir un taux sérique efficace. Cela permet les douleurs neuropathiques ou secondaires à des
de prévenir l’apparition des douleurs, plutôt que métastases osseuses, lors de syndromes compres-
d’attendre leur retour inéluctable. sifs de l’abdomen, du petit bassin, de la nuque
Le choix des analgésiques sera adapté à l’inten- ou de la tête. Leur utilisation sera en revanche
sité des symptômes et l’augmentation de puis- limitée dans le temps et à la dose la plus faible
sance du traitement suivra les paliers de l’OMS. possible en raison des nombreux effets indési-
Néanmoins, il va de soi qu’en cas de douleurs rables de ces traitements, comme les troubles
extrêmement intenses à l’initiation du traitement, de l’équilibre glycémique, l’hypertension arté-
il est illusoire de pouvoir contrôler les symptômes rielle, les troubles électrolytiques, du sommeil, de
avec des analgésiques de palier 1 et que le choix l’humeur et neuropsychologiques, l’immunosup-
d’un traitement de palier 2, voire 3 d’emblée pression, l’inhibition de l’axe corticosurrénalien,
s’imposera. On veillera toutefois à adapter le la myopathie et les troubles cutanés et osseux.
dosage aux spécificités du patient, en particulier En cas d’utilisation prolongée, on diminuera les
s’il fait partie d’un groupe à risque comme la doses graduellement afin de limiter le risque
population gériatrique. La prudence voudra que d’insuffisance corticosurrénalienne.
l’on débute le traitement à petite dose, notam-
ment pour les paliers 3, et que l’augmentation Benzodiazépines
des doses soit prudente, selon la formule anglo- Les benzodiazépines (BZD) sont utilisées prin-
saxonne : « Start low, rise slow ». cipalement lorsque le patient présente des signes
Tout au long du traitement, un accès à des d’anxiété, d’agitation, d’insomnies liées aux dou-
médications de réserve, à dose appropriée, afin de leurs et pouvant majorer la perception de ces
traiter les accès de douleurs paroxystiques doit être dernières. On choisira la BZD avec la durée
prévu. On prendra également soin d’anticiper, de d’action adaptée à l’indication : courte pour un
prévenir si possible, sinon de traiter les effets indé- problème d’endormissement isolé, plus longue
sirables des traitements analgésiques introduits, en s’il y a un trouble anxieux surajouté. Elles peuvent
particulier la constipation et les nausées. également être utilisées à but myorelaxant.
L’efficacité des traitements sera évaluée à intervalle
régulier, afin d’interrompre ceux devenus inefficaces Neuroleptiques
au profit de traitements alternatifs. Les différents
médicaments analgésiques de paliers 1 à 3, ainsi En cas d’agitation n’ayant pas répondu aux traite-
que les principaux adjuvants, sont décrits dans le ments de BZD, de confusion ou d’hallucinations,
chapitre 18. Les adjuvants spécifiquement utiles lors le recours à un traitement neuroleptique peut
de douleurs cancéreuses incluent principalement les s’avérer nécessaire. Lors de l’utilisation d’halo-
corticoïdes, les benzodiazépines, les neuroleptiques, péridol, qui sera également utile dans le cadre
les myorelaxants et les biphosphonates. de nausées, on sera attentif à la survenue d’effets
extrapyramidaux.
Corticoïdes
Les corticoïdes sont utilisés fréquemment à des Myorelaxants
stades avancés de la maladie pour ses effets béné- Baclofène (Liorésal®), tizanidine (Sirdalud®)
fiques non spécifiques, comme l’amélioration du ou tolpérisone (Mydocalm®) sont utilisés à but
bien-être, de l’appétit, la diminution des nausées myorelaxant lors de spasmes, myoclonies ou
et de la fatigue. Ils sont également prescrits pour contractures musculaires. Ils sont toutefois grevés
leurs effets spécifiques comme la diminution d’un d’effets indésirables importants : étourdissements,

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 14. Les douleurs MEDICALE
cancéreuses 151

somnolence, vertiges, faiblesse musculaire et Ces blocs en injection unique ne sont malheu-
hypotension artérielle. À l’arrêt brutal du baclo- reusement efficaces que pour une durée limitée.
fène, un syndrome de sevrage peut se manifester Ils peuvent être pratiqués de manière répétée,
sous forme d’hallucinations, de psychose, de crise permettant ainsi, dans un certain nombre de cas,
convulsive. de diminuer les douleurs de manière prolongée.
Dans certaines localisations, la mise en place
Biphosphonates et inhibiteur RANKL d’un cathéter périnerveux est possible. La per-
Les biphosphonates sont utilisés dans les cas fusion continue d’anesthésiques locaux permet
de métastases osseuses avec une diminution de une analgésie prolongée sur quelques semaines,
la morbidité liée à ces dernières. Ils diminuent dépendant de la technique d’insertion. Toutefois,
l’activité ostéoclastique par diminution du recru- les risques infectieux finissent par devenir pro-
tement, de la différenciation et de l’action des blématiques et l’inconvénient de la connexion à
ostéoclastes. Ils sont généralement bien tolérés un dispositif de perfusion externe peut s’avérer
mais peuvent occasionnellement provoquer une gênant pour les patients et leur autonomie malgré
toxicité rénale et osseuse se manifestant par une la miniaturisation de certains dispositifs.
ostéonécrose de la mâchoire. La pratique de blocs neurolytiques chimiques
Le dénosumab est un anticorps monoclonal (alcool, phénol) ou thermiques (radiofréquence,
dirigé contre le ligand du récepteur RANK cryothérapie) demeure une possibilité pour assu-
(RANKL) empêchant l’activation du récepteur rer un effet prolongé. Ces techniques ciblent
RANK et ainsi la formation, la fonction et la préférentiellement les nerfs purement sensitifs afin
survie des ostéoclastes. Le récepteur RANK est d’éviter les risques de déficits moteurs. Ils sont
situé à la surface des ostéoclastes et de ses pré- précédés d’un bloc réversible aux anesthésiques
curseurs [6]. locaux, à visée diagnostique ou pronostique. La
régénération nerveuse est imprévisible et le déve-
Traitement interventionnel loppement de névrome ou de nouvelles douleurs
de désafférentation est possible, entraînant une
Dans un certain nombre de situations, le traite- récidive des douleurs, parfois même plus intenses
ment pharmacologique sera complété ou remplacé qu’avant le traitement. Les techniques de radio-
par des procédures antalgiques interventionnelles. fréquence trouvent principalement leur place dans
L’espérance de vie du patient est un élément à le cas de douleurs neuropathiques lors d’infil-
prendre en considération pour décider de la nature tration du plexus lombosacré ou de douleurs
et du timing du traitement interventionnel. Il est intercostales, par exemple. Les deux types de
toutefois important de rappeler que, même dans radiofréquence, continue ou pulsée, au niveau
contexte oncologique gravissime, il est toujours des ganglions rachidiens thoraciques, lombaires
possible de péjorer la situation, notamment lors de ou des racines sensitives sacrée peuvent soulager
la survenue de complications sévères, consécutives efficacement ce type de douleurs [7,8].
à une procédure interventionnelle (déficit moteur, Les traitements neurolytiques, y compris la
paraplégie, infection). neurolyse intrathécale, sont décrits dans le cha-
pitre consacré à ces thérapies (cf. chap. 26).
Blocs périphériques
Blocs sympathiques
Les blocs analgésiques périphériques sont prin-
cipalement indiqués pour des lésions périphé- L’implication du système nerveux sympathique
riques, au niveau des membres par exemple, au dans certains syndromes douloureux, notamment
niveau thoracique en cas de douleurs costales les douleurs cancéreuses, est connue de longue
ou encore au niveau inguinal pour des douleurs date. Le système nerveux sympathique est acces-
inguinopérinéales. L’utilisation de l’échographie, sible à diverses infiltrations diagnostiques ou thé-
en complément des techniques par neurostimula- rapeutiques. Les principales indications à ce type
tion, permet la réalisation de blocs très sélectifs. de procédure sont les douleurs neuropathiques,

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


152 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

qu’elles soient d’origine traumatique, toxique ou 15 % des patients [10]. Les complications infec-
infiltrative, de même que les douleurs viscérales tieuses ainsi que les migrations du cathéter en
abdominales [9]. Les blocs sympathiques sont dehors de l’espace épidural sont moins fréquentes
décrits dans le chapitre 23. avec les ports sous-cutanés implantables qu’avec
les cathéters tunnélisés [11].
Analgésie neuraxiale : administration Une revue systématique de la littérature
épidurale et intrathécale incluant 12 études (4 628 patients) a conclu à un
L’analgésie neuraxiale, qu’elle soit intrathécale ou taux d’infection profonde de 1 pour 2 391 jours
épidurale, offre des possibilités de traitement à de traitements ou 0,4 par 100 jours de traitement
cours, moyen ou long terme. Comparativement [12]. En d’autres termes, un patient sur 35 ayant
aux autres voies systémiques, l’administration un cathéter épidural en place pendant 74 jours
périmédullaire d’opiacés permet une analgésie développera une infection épidurale.
plus efficace avec une dose nettement plus faible
(rapport IV : épidural de 10:1 et IV : intrathécal de Administration intrathécale
100:1) et des effets indésirables nettement moin-
dres. De plus, la voie périmédullaire permet l’admi- L’administration intrathécale est une alternative à
nistration de médicaments adjuvants, comme des l’administration épidurale. En théorie, l’utilisation
anesthésiques locaux ou de la clonidine. d’un cathéter externalisé est indiquée chez les
La mise en place d’un cathéter épidural est indi- patients ayant une espérance de vie courte (< 6
quée pour un traitement à court terme, inférieur à semaines). Entre 6 et 12 semaines d’espérance de
3 mois, chez des patients présentant une maladie vie, l’implantation d’une chambre sous-cutanée
avancée. Ils sont posés par abord percutané et est proposée [13] et au-delà de 3 mois, une
peuvent sortir au niveau dorsal ou être tunnélisés pompe implantable est envisagée (figure 14.3).
dans le flanc. Il est également possible de les
connecter à une chambre implantable type « port-
à-cath ». L’indication généralement admise à la
mise en place d’une chambre implantable est une
espérance de vie supérieure à 6 semaines. Les
médicaments le plus souvent administrés en épidu-
ral sont les anesthésiques locaux de longue durée
d’action (bupivacaïne, ropivacaïne), les opiacés
(morphine, fentanyl) et la clonidine, seuls ou en
association. Ce type de traitement est compatible
avec une prise en charge ambulatoire pour peu
qu’un suivi à domicile puisse être proposé. Il existe
en effet de nombreux modèles de pompes externes
disponibles sur le marché : réutilisables ou à usage
unique, électriques ou non (pompe élastomérique,
pompe à pression négative ou à pression positive),
programmables ou à débit continu.
Les complications les plus fréquentes de l’admi-
nistration épidurale d’opiacés sont la rétention
urinaire, les problèmes infectieux superficiels
(4-40 %) ou profonds comme les abcès épiduraux
(1-15 %), les problèmes liés au cathéter lui-même, Figure 14.3. Radiographie d’un patient porteur d’une
pompe implantée dans la paroi abdominale gauche,
comme les fuites, les obstructions, les déplace- reliée à un cathéter intrathécal (radiotransparent), dont
ments ou encore les ruptures qui nécessitent le l’extrémité se situe à hauteur de D11-D12 (flèche rouge).
changement ou le retrait chez approximativement Seule la pointe du cathéter est radio-opaque.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 14. Les douleurs MEDICALE
cancéreuses 153

Toutefois, l’estimation de l’espérance de vie d’un espérance de vie limitée et consiste à interrom-
patient cancéreux est extrêmement hasardeuse et pre le faisceau spinothalamique latéral du côté
peut être radicalement modifiée par un contrôle controlatéral aux douleurs. Les lésions du faisceau
adéquat des douleurs. C’est pourquoi de nom- antérolatéral provoquent un déficit de sensation
breux spécialistes posent l’indication d’une douloureuse et de température du côté contro-
pompe intrathécale implantée en l’absence de latéral, deux à cinq segments sous le niveau de
signes de mort imminente. Tous les patients ne la cordotomie. Les fibres ont une disposition
sont pourtant pas de bons candidats et l’évalua- somatotopique, avec les segments cervicaux dis-
tion des comorbidités, de facteurs psychosociaux posés antéromédialement et les segments sacrés
en complément de l’évaluation de l’espérance de disposés postérolatéralement. La cordotomie est
vie devra être faite avec beaucoup de soin. le plus fréquemment utilisée dans le cadre de
Des études évaluant le rapport coût-bénéfice douleurs liées à un syndrome de Pancoast, à un
de cette technique comparée à la prise en charge mésothéliome, des lésions osseuses. Un soulage-
médicale ont conclu à un rapport bénéfique ment immédiat est obtenu chez plus de 60 % des
en faveur de la pompe intrathécale dès 3 mois patients [19]. Les complications rencontrées sont
d’utilisation. principalement liées à une lésion accidentelle d’un
En cas de douleurs non cancéreuses, l’implan- faisceau adjacent au faisceau spinothalamique laté-
tation définitive du système est souvent précédée ral. Différentes modalités de radioguidage sont
d’une ou plusieurs injections intrathécales, voire envisageables (radioscopie, CT-scan, IRM), ainsi
d’une perfusion intrathécale sur plusieurs jours. que le monitorage électrophysiologique.
Lors de ces injections test, on déterminera l’effi-
cacité du traitement prévu et les éventuels effets Cimentoplasties, vertébroplasties
indésirables. En cas de douleurs cancéreuses réfrac- et kyphoplasties
taires, l’implantation sans test préalable se justifie Les cimentoplasties, initialement développées
par la volonté de contrôler au plus vite les douleurs. pour le traitement minimalement invasif des frac-
Les médicaments le plus souvent utilisés sont les tures vertébrales (vertébroplasties), permettent
opiacés (morphine, fentanyl, hydromorphone), les de consolider un os fragilisé. Les indications
anesthésiques locaux (bupivacaïne), le ziconotide principales sont l’ostéoporose et les fractures qui
(Prialt®) et la clonidine. Ces médicaments peuvent peuvent en résulter, ainsi que les fractures patho-
être administrés seuls ou en combinaison. Des logiques ou les tumeurs primaires au niveau verté-
algorithmes décisionnels ont été élaborés par des bral, mais également dans d’autres localisations
groupes d’experts pour guider les praticiens dans comme le bassin [20]. La technique consiste à
la prise en charge des douleurs nociceptives ou injecter sous guidage radiologique (radioscopie
neuropathiques [14]. Des études prospectives ont +/- CT-scan), du ciment acrylique radio-opaque
montré une supériorité du traitement intrathécal (PMMA) au travers d’aiguilles introduites par
en comparaison d’un traitement conventionnel voie percutanée. L’abord vertébral est effectué
dans ce contexte clinique. Une amélioration de la en antérolatéral ou transbuccal au niveau cervical
survie a même été suggérée [15,16]. et en postérolatéral au niveau thoracolombaire,
Le traitement par dispositif implantable intra- généralement par voie transpédiculaire.
thécal est décrit en détail dans le chapitre 31. La kyphoplastie consiste à restaurer la hauteur
vertébrale par une expansion vertébrale à l’aide
Cordotomie d’un ballonnet avant l’injection du ciment.
La cordotomie cervicale percutanée est une Ces procédures, dépendant du nombre de
technique interventionnelle permettant de traiter niveaux à traiter, peuvent être effectuées en anes-
des patients souffrant de douleurs cancéreuses thésie locale. Cela permet de traiter des patients
sévères, réfractaires au traitement convention- dont l’état ne permettrait pas de procéder à une
nel, décrite dans les années 1960 [17,18]. Elle anesthésie générale. Le mécanisme d’action est
est généralement réservée aux patients avec une probablement multifactoriel, lié à la stabilisation

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


154 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

mécanique, mais également à une potentielle ther- n’est ni utile ni judicieux d’attendre un échappe-
mocoagulation des terminaisons nociceptives et ment de la situation au palier 3 pour proposer un
des cellules tumorales, lors de la polymérisation traitement interventionnel, par exemple. De plus,
du PMMA. Un effet cytotoxique du ciment est une espérance de vie réduite ne doit nullement
également possible, comme l’a montré la nécrose à être un frein au soulagement du patient présen-
l’interface PMMA-tumeur [21]. Les résultats mon- tant des douleurs cancéreuses.
trent une diminution partielle ou une disparition
des douleurs chez 50 à 97 % des patients avec un
Références
suivi de quelques semaines à 18 mois [22]. L’une
des complications principales est l’extravasation 1. Bruera E, Lawlor P. Cancer pain management. Acta
Anaesthesiol Scand 1997 Jan;41(1 Pt 2):146–53.
de ciment, souvent asymptomatique. Toutefois, la
2. Van den Beuken-van Everdingen M, de Rijke J, Kes-
fuite dans le canal rachidien ou le neuroforamen sels A, Schouten H, van Kleef M, Patijn J. Prevalence
peut provoquer respectivement une compression of pain in patients with cancer: a systematic review
médullaire et une radiculopathie, nécessitant dans of the past 40 years. Annals of Oncology. 2007 Aug
les cas sévères une décompression chirurgicale. La 13;18(9):1437–49.
fuite dans le réseau veineux paravertébral peut être 3. Van den Beuken-van Everdingen MHJ, de Rijke JM,
Kessels AG, Schouten HC, van Kleef M, Patijn J.
à l’origine d’une embolie pulmonaire. Le risque
High prevalence of pain in patients with cancer in
augmenté de fracture des vertèbres adjacentes est a large population-based study in The Netherlands.
également reporté [23]. Pain 2007 Dec;132(3):312–20.
4. Van den Beuken-van Everdingen M. Chronic Pain
in Cancer Survivors: A Growing Issue. J Pain Palliat
Conclusion Care Pharmacother 2012 Dec;26(4):385–7.
5. Van den Beuken-van Everdingen M, de Rijke J, Kes-
sels A, Schouten H, van Kleef M, Patijn J. Prevalence
Le traitement des douleurs cancéreuses repose sur of pain in patients with cancer: a systematic review
une prise en charge multidisciplinaire médicale of the past 40 years. Annals of Oncology 2007 Aug
et non médicale. Les lignes directrices théra- 13;18(9):1437–49.
6. Rolfo C, Raez LE, Russo A, Reguart N, Campelo
peutiques contenues dans l’échelle analgésique
RG, Bronte G, Papadimitriou K, Silvestris F. Mole-
de l’OMS ont ouvert la voie à de nombreuses cular target therapy for bone metastasis: starting a
améliorations dans la prise en charge de la douleur new era with denosumab, a RANKL inhibitor. Expert
cancéreuse, mais conviennent d’être constam- Opin Biol Ther 2014 Jan;14(1):15–26.
ment adaptées à chaque situation particulière. En 7. Yadav N, Philip FA, Gogia V, Choudhary P, Rana
effet, les différentes possibilités thérapeutiques SPS, Mishra S, et al. Radio Frequency Ablation in
Drug Resistant Chemotherapy-induced Peripheral
complémentaires aux trois paliers doivent être Neuropathy: A Case Report and Review of Litera-
intégrées dans un continuum (figure 14.4) et il ture. Indian J Palliat Care 2010 Jan;16(1):48–51.
8. Uchida K-I. Radiofrequency treatment of the thora-
cic paravertebral nerve combined with glucocorticoid
for refractory neuropathic pain following breast can-
cer surgery. Pain Physician 2009 Jul;12(4):E277–83.
9. Erdine S. Interventional treatment of cancer pain.
European Journal of Cancer Supplements 2005
Oct;3(3):97–106.
10. Smitt PS, Tsafka A, Teng-van de Zande F, van
der Holt R, Elswijk-de Vries I, Elfrink E, et al.
Outcome and complications of epidural analgesia
in patients with chronic cancer pain. Cancer 1998
Figure 14.4. Adaptation de l’échelle analgésique de Nov1;83(9):2015–22.
l’OMS n’ajoutant pas de palier supplémentaire, mais 11. De Jong PC, Kansen PJ. A comparison of epidural
plutôt un ensemble de prises en charge pouvant prendre catheters with or without subcutaneous injection
place à différents moments de l’évolution quelle que soit ports for treatment of cancer pain. Anesth Analg
l’intensité des douleurs. 1994 Jan;78(1):94–100.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 14. Les douleurs MEDICALE
cancéreuses 155

12. Ruppen W, Derry S, McQuay HJ, Moore RA. 17. Mullan S, Harper PV, Hekmatpanah J, Torres H,
Infection rates associated with epidural indwelling Dobbin G. Percutaneous interruption of spinal-pain
catheters for seven days or longer: systematic review tracts by means of a strontium 90 needle. J. Neuro-
and meta-analysis. BMC Palliat Care 2007 Apr surg 1963 Nov;20(11):931–9.
4;6:3. 18. Rosomoff HL, Brown CJ, Sheptak P. Percutaneous
13. Bedder MD, Burchiel K, Larson A. Cost analy- radiofrequency cervical cordotomy: technique. J.
sis of two implantable narcotic delivery systems. Neurosurg. 1965 Dec;23(6):639–44.
Journal of Pain and Symptom Management 1991 19. Raslan AM, Cetas JS, McCartney S, Burchiel KJ.
Aug;6(6):368–73. Destructive procedures for control of cancer pain: the
14. V Deer TR, Pope JE, Hayek S, Bux A, Buchser case for cordotomy. J. Neurosurg. American Associa-
E, Eldabe S, et al. The Polyanalgesic Consensus tion of Neurological Surgeons 2011 Jan;114(1):155–
Conference (PACC): Recommendations on Intra- 70.
thecal Drug Infusion Systems Best Practices and Gui- 20. Fourney DR, Schomer DF, Nader R, Chlan-Fourney
delines. Neuromodulation 2017 Jan;2 doi: 10.1111/ J, Suki D, Ahrar K, et al. Percutaneous vertebroplasty
ner.12538. and kyphoplasty for painful vertebral body frac-
15. Smith TJ, Staats PS, Deer T, Stearns LJ, Rauck RL, tures in cancer patients. J. Neurosurg 2003 Jan;98(1
Boortz-Marx RL, et al. Randomized clinical trial of Suppl):21–30.
an implantable drug delivery system compared with 21. Gangi A, Guth S, Imbert JP, Marin H, Dietemann
comprehensive medical management for refractory J-L. Percutaneous vertebroplasty: indications, tech-
cancer pain: impact on pain, drug-related toxicity, nique, and results. Radiographics 2003 Mar;23(2):
and survival. J Clin Oncol 2002;20:4040–9. e10–20.
16. Smith TJ, Coyne PJ, Staats PS, Deer T, Stearns LJ, 22. Wu AS, Fourney DR. Supportive Care Aspects of
Rauck RL, Boortz-Marx RL, Buchser E, Català E, Vertebroplasty in Patients with Cancer. Support Can-
Bryce DA, Cousins M, Pool GE. An implantable cer Ther 2012 Dec 28;2(2):98–104.
drug delivery system (IDDS) for refractory cancer 23. Uppin AA, Hirsch JA, Centenera LV, Pfiefer BA,
pain provides sustained pain control, less drug-rela- Pazianos AG, Choi IS. Occurrence of new ver-
ted toxicity, and possibly better survival compared tebral body fracture after percutaneous vertebro-
with comprehensive medical management (CMM). plasty in patients with osteoporosis. Radiology 2003
Ann Oncol 2005 May;16(5):825–33. Jan;226(1):119–24.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 15
La douleur chronique
postopératoire
Matthieu Cachemaille, Christophe Perruchoud

La douleur chronique postopératoire est devenue hommes [4], de même que les patients jeunes,
un problème de santé publique majeur du fait moins tolérants à la douleur que les patients plus
notamment de l’augmentation des interventions âgés.
chirurgicales ces dernières années. Selon les cri- Les patients dépressifs, anxieux ou souffrant
tères de l’International Association for the Study de surmenage sont également plus sujets aux
of Pain (IASP), il s’agit d’une douleur persistant douleurs postopératoires chroniques [5]. Compa-
plus de 2 mois après une opération chirurgicale. rés au syndrome d’anxiété généralisé, le catas-
La définition exclut les douleurs préexistantes au trophisme, la tendance à exagérer les sensations
niveau du site chirurgical ou en relation avec des douloureuses, ou encore un sentiment de vulné-
complications non résolues [1]. rabilité avant une opération, apparaissent comme
des facteurs prédictifs importants [6].
Actuellement, les facteurs génétiques font
l’objet de recherches importantes. Des muta-
Épidémiologie et facteurs tions au niveau des canaux sodiques seraient à
de risques l’origine de certains syndromes comme l’insen-
sibilité congénitale à la douleur, et de douleurs
Dans une grande étude norvégienne publiée chroniques à l’instar de l’érythermalgie primi-
en 2012 incluant plus de 10 000 cas, 40,4 % des tive. D’autres gènes codant pour des récepteurs
patients chirurgicaux présentaient des douleurs type TRP (Transient Receptor Potential) ou pour
persistantes dont 18,3 % d’intensité modérée les enzymes COMT (catéchol-O-méthyl-trans-
à sévère [2]. Une deuxième étude européenne férase) semblent être impliqués dans la chronicité
plus récente a montré que des douleurs modé- de la douleur. Dans le cas précis des douleurs
rées à sévères sont encore présentes chez près postopératoires, le gène GCH1 codant l’enzyme
de 12 % des patients une année après un acte GTP-cyclo-hydrolase impliquée dans la synthèse
chirurgical [3]. de neurotransmetteurs, élèverait le seuil de sen-
Selon la littérature, l’incidence globale des dou- sibilité douloureuse chez près de 15 % de la
leurs postopératoires est estimée à 20-30 %, toutes population [7]. Le groupe d’étude GENDOL-
chirurgies confondues. Les facteurs de risques CAT [8] a analysé 90 marqueurs génétiques de
sont liés au patient (sexe, âge, histoire doulou- 1 000 patients chirurgicaux, dont 50 % avaient
reuse, facteurs psychosociaux et génétiques), au développé des douleurs chroniques postopéra-
type de chirurgie ou au type d’anesthésie (ges- toires. En l’absence de différence significative
tion de la douleur postopératoire aiguë, lésions entre les patients et les sujets contrôles, les auteurs
nerveuses). démontrent un lien entre l’apparition des dou-
Les femmes sont plus souvent sujettes aux leurs chroniques postopératoires et les facteurs
douleurs postopératoires chroniques que les cliniques suivants : type d’opération, âge, santé

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
158 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

physique, santé mentale, douleur préopératoire au thoracique (34,5 %), chirurgie du sein (31,0 %),
niveau du site chirurgical, douleur préopératoire chirurgie prothétique de la hanche et du
autre. genou (19,8 %), prélèvement au niveau de la crête
Une étude précédente [5] avait relevé l’associa- iliaque (18,7 %), prostatectomie (14 %), chirur-
tion entre la douleur chronique postopératoire et gie gynécologique (13,7 %), chirurgie abdomi-
cinq facteurs liés au patient : nale (11 %), ostéotomie mandibulaire (10 %),
• burn-out au cours des 6 mois précédant la néphrectomie (donneur vivant) (9,6 %), hernie
chirurgie ; inguinale (7 %) et cure de varices (4,7 %) [9].
• douleur préopératoire au niveau du site chirur- Pour d’autres interventions, amputations (50-
gical ; 85 %) et chirurgie cardiaque (30-55 %) [10],
• douleur préopératoire sur un autre site ; la grande variabilité d’incidence est due aux
• intensité de la douleur postopératoire ; grandes tailles des populations analysées, à des
• facteurs de stress ≥ 1 (troubles du sommeil, biais de sélection, ou encore à la grande diversité
troubles anxieux, épuisement, vertiges, tachycar- des techniques chirurgicales et anesthésiques.
die, tremblements, consommation de sédatifs). Une étude récente révèle des douleurs modérées
L’addition de ces éléments permettrait de cal- à sévères chez encore 17 % des patients 1 an
culer le risque qu’un patient développe une dou- après cholécystectomie ouverte et chez près de
leur chronique 6 mois après un acte chirurgical : 8 % des patients après prothèse du genou [3].
• 0 facteur : 12 % ; Dans plus de 65 % des cas, les douleurs chro-
• 1 facteur : 30 % ; niques après chirurgie du sein et thoracotomie
• 2 facteurs : 37 % ; présentent des caractéristiques neuropathiques,
• 3 facteurs : 68 % ; attribuées à des lésions nerveuses iatrogènes
• 4 facteurs : 82 % ; mécaniques des nerfs intercostaux et intercos-
• 5 facteurs : 71 %. tobrachiaux. La proportion est plus faible dans
Les facteurs de risque en fonction de la phase la chirurgie herniaire (31 %) et prothétique de la
périopératoire sont présentés dans le tableau 15.1. hanche et du genou (6 %) [9].
Le type de chirurgie joue également un rôle Dans les centres spécialisés, environ 20 % des
dans l’apparition des douleurs chroniques post- consultations concernent des douleurs consécu-
opératoires, par ordre de prévalence : chirurgie tives à une intervention chirurgicale.

Tableau 15.1. Facteurs de risque pour le développement d’une douleur postopératoire chronique.
Phase préopératoire Phase peropératoire Phase postopératoire
Sexe féminin Type de chirurgie (ouverte vs mini-invasive) Durée et intensité de la douleur aiguë
postopératoire
Patients jeunes Chirurgie longue Douleurs à caractère neuropathique
Réopération
Troubles anxieux Absence d’infiltration cicatricielle ou
Catastrophisme d’anesthésie locorégionale
Troubles du sommeil
État dépressif
Signes de surmenage
Antécédents de douleurs chroniques Absence de traitement médicamenteux
(postopératoires) préventif (kétamine, magnésium,
gabapentinoïdes ?)
Facteur génétique ?

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 15. La douleur SCIENCE MEDICALE
chronique postopératoire 159

Physiopathologie et des questionnaires (par exemple, DN4 pour


les douleurs neuropathiques). La présence de
La douleur postopératoire semble avoir deux sensations particulières, de « brûlures », de
origines distinctes, inflammatoire et lésionnelle. « décharges électriques », d’« engourdissement »
Un mécanisme inflammatoire serait responsable ou de « picotements » dans le territoire opéré est
de la douleur aiguë. Le traumatisme tissulaire souvent synonyme d’une atteinte neuropathique
déclencherait une cascade inflammatoire à l’ori- périphérique, facteur pronostique défavorable
gine d’une hypersensibilité nerveuse périphérique de la survenue d’une douleur chronique. Les
et centrale. Cette hyperactivité serait à son tour symptômes peuvent apparaître dès les premiers
responsable d’une hyperalgésie secondaire au jours postopératoires, sous la forme d’une allody-
niveau du site chirurgical, à l’origine de la douleur nie mécanique et d’une hyperalgésie secondaire,
chronique. Mesurer la zone d’hyperalgésie périci- attestant d’une sensibilisation du système nerveux
catricielle 48 h après la chirurgie permettrait de central.
prédire l’apparition de douleurs chroniques [11].
La section ou l’écrasement peropératoire de
petites fibres nerveuses périphériques modifie- Traitements préventifs
raient la transmission neuronale (plasticité), res-
ponsable d’une hyperexcitabilité membranaire, Le rôle du chirurgien
puis d’une sensibilisation centrale entraînant
une douleur neuropathique de type hyperalgésie La voie d’abord et le choix de la technique
secondaire [12]. Les exemples les plus fréquents chirurgicale semblent avoir une influence capitale
sont représentés par les nerfs intercostaux en sur le devenir des patients. Comparée à l’inter-
chirurgie thoracique, les nerfs ilio-inguinal, ilio- vention ouverte, la chirurgie mini-invasive de
hypogastrique et génitofémoral dans la chirurgie la hernie inguinale entraîne moins de lésions
herniaire ou les nerfs intercostobrachiaux dans la nerveuses [13]. Les atteintes par écrasement et
chirurgie mammaire. par étirement semblent être plus délétères que les
Ces modalités peuvent être indépendantes l’une sections neuronales franches.
de l’autre ou coexister. Lorsqu’elles co-existent,
les risques d’apparition d’une douleur chronique Le rôle de l’anesthésiste
s’additionnent.
Le rôle préventif de l’anesthésiste dans l’appari-
tion d’une douleur chronique repose sur la prise
Dépistage en charge efficace et précoce de la douleur aiguë
postopératoire et l’utilisation adéquate de tech-
niques d’anesthésie multimodale permettant une
En préopératoire, il est recommandé de détec-
administration limitée des substances actives sur la
ter les patients susceptibles de développer des
composante hyperalgésique, comme les opiacés.
douleurs chroniques postopératoires sur la base
des facteurs de risque et des probabilités décrits
dans le tableau 15.1. La détection précoce est Opiacés
essentielle, car elle permet de prendre quelques
mesures préventives, par exemple une bonne pré- Les opiacés restent les médicaments de premier
médication, et d’exercer une éventuelle influence choix dans le traitement de la douleur aiguë
sur le choix des techniques chirurgicales (abord peropératoire. L’effet agoniste µ induit un phé-
mini-invasif, cœlioscopie) et anesthésiques (anes- nomène antinociceptif. Ils induisent également
thésie locorégionale, antagonistes NMDA). une cascade inflammatoire via des cytokines
Après l’acte chirurgical, le dépistage des dou- et des chémokines, dans les neurones, dans les
leurs se base sur l’anamnèse, l’examen clinique astrocytes et les cellules microgliales du système

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


160 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

nerveux central. Cette neuro-inflammation active réduire les douleurs aiguës et les phénomènes
à son tour les récepteurs NMDA au glutamate, d’hyperexcitabilité qui en découlent.
provoquant ainsi une excitation neuronale, une Le magnésium exerce un effet inhibiteur sur les
inhibition de l’effet analgésique des opiacés et par récepteurs NMDA. Il bloque l’influx de calcium
conséquent une hypersensibilité [14]. Ce proces- intracellulaire et la neuroexcitabilité. En adminis-
sus très complexe semble être dose-dépendant. tration peropératoire (bolus entre 30-50 mg/kg),
Dans des études animales tout au moins, plus il permet de diminuer les scores de douleur et la
la dose augmente, plus le niveau et la durée consommation de morphine de 24 % à 24 h [18].
de l’hyperalgésie augmentent. Selon une revue Son efficacité dans la prévention des douleurs
clinique de la littérature récente, l’hyperalgésie chroniques postopératoires n’a pas encore été
postopératoire et la consommation de morphine démontrée.
à 24 h augmente significativement après des doses Le protoxyde d’azote aurait également un effet
peropératoires élevées de rémifentanil [15]. Ces antagoniste sur les récepteurs NMDA. Une seule
effets n’ont pas encore été démontrés avec d’autres étude a démontré ses effets positifs sur l’apparition
opiacés, du fait du nombre limité d’études. de douleurs chroniques chez des patients exposés
Dans tous les cas, il semble préférable de au protoxyde d’azote pendant la chirurgie [19].
réduire les doses peropératoires d’opiacés en y À ce jour, son administration systématique reste
associant d’autres substances dans le but de dimi- controversée.
nuer le risque d’hyperalgésie, la consommation D’autres molécules, comme l’amantadine ou le
d’opioïdes et leurs effets indésirables. dextrométhorphane, ont été utilisées dans la pré-
vention des douleurs aiguës postopératoires. Bien
qu’ils contribuent à diminuer la consommation
Antagonistes NMDA d’opiacés, ils ne sont pas utilisés en routine.

La kétamine (Ketalar®) est un antagoniste non


compétitif des récepteurs NMDA (N-méthyl-D- Alpha-2-agonistes
aspartate) activés de manière physiologique par
le glutamate. De nombreuses méta-analyses mon- La clonidine (Catapresan®) et la dexmédétomi-
trent ses effets bénéfiques sur la diminution des dine (Dexdor®) sont les alpha-2-agonistes les plus
douleurs chirurgicales aiguës pendant 48 h et utilisés. Ils agissent principalement au niveau de
sur la réduction de la consommation d’opia- la moelle épinière sur les neurones pré- et post-
cés à 24 h [16]. L’administration de kétamine synaptiques. L’effet antalgique résulte respecti-
commence après l’induction avec un bolus de vement d’une réduction des neurotransmetteurs
0,15-0,3 mg/kg, suivie d’une dose d’entretien excitateurs et d’une hyperpolarisation des cellules
(0,125-0,25 mg/kg/h) jusqu’à 30 min avant la de la corne dorsale. Ils peuvent donc être adminis-
fin de l’intervention. À ces faibles doses, le risque trés par voie intrathécale, épidurale ou intravei-
d’hallucinations est inférieur à 1 %. Son effet neuse. Dans la période postopératoire immédiate,
sur la diminution des douleurs à long terme est ils diminuent la consommation de morphine à
moins évident. Une méta-analyse de 2014 mon- 24 h, ainsi que l’incidence des douleurs et des
tre néanmoins que l’administration intraveineuse nausées. Les effets secondaires hémodynamiques
de kétamine versus un placebo réduit l’appa- (bradycardie, hypotension) sont fréquents, quel
rition de douleurs chroniques postopératoires, que soit le mode d’administration [20]. Il existe
particulièrement les phénomènes d’hyperalgésie peu de recherche sur leurs effets sur l’hyper-
secondaire [17]. algésie secondaire. Une étude démontre un effet
L’utilisation de la kétamine comme adjuvant positif de la clonidine par voie intrathécale ou
paraît donc justifiée dans les chirurgies à haut épidurale chez des patients dans la chirurgie
risque, par exemple lors de contre-indication abdominale [21]. Les mêmes effets sont obtenus
à une anesthésie locorégionale, de manière à avec la clonidine par voie épidurale en chirurgie

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 15. La douleur SCIENCE MEDICALE
chronique postopératoire 161

thoracique [22]. Les résultats sont contradictoires peropératoire de gabapentine diminuait l’inci-
pour les infiltrations de clonidine au niveau du site dence de douleurs chroniques 2 mois après la
chirurgical [23,24]. chirurgie. Seules trois études comparaient la pré-
Par manque d’expérience à long terme, ces gabaline avec un placebo et, malgré le fait qu’elles
deux traitements ne sont actuellement pas indi- portaient sur un faible nombre de patients et
qués dans la prévention systématique des douleurs concernaient des dosages différents, toutes mon-
chroniques postopératoires. traient un effet positif. Plus récemment, Schmidt
et al. [27] ont relevé six études positives contre
quatre négatives pour la gabapentine et trois
Gabapentinoïdes études positives contre trois négatives pour la
prégabaline dans la prévention d’une neuropathie
La prégabaline (Lyrica®) et la gabapentine (Neu- postopératoire.
rontin®) agissent en inhibant la sous-unité alpha- En conclusion, des études supplémentaires
2-delta des canaux calciques voltage-dépendants de sur de plus larges populations sont nécessaires
type N, principalement dans la moelle épinière. pour confirmer les effets des gabapentinoïdes
De structure analogue à l’acide γ-aminobuti- dans la prévention des douleurs chroniques
rique (GABA), ils n’influencent cependant pas ses postopératoires.
récepteurs. Ils réduisent la libération présynap-
tique des neuropeptides excitateurs et inhibent Anesthésie locorégionale
la transmission glutamatergique postsynaptique.
Leur influence sur les récepteurs NMDA n’est L’anesthésie locorégionale fait partie intégrante
pas claire. de l’analgésie multimodale periopératoire. L’utili-
Ces dernières années, de nombreuses études sation de la péridurale dans la chirurgie thoracique
ont montré que l’administration adjuvante de et abdominale permet de diminuer la morbidité
gabapentine atténue les douleurs précoces et (complications pulmonaires et digestives) et la
la consommation de morphine [25]. L’effet consommation d’opiacés per- et postopératoires
de la prégabaline, moins étudiée, est moins tout en assurant le confort du patient. Il est assez
clair. Cependant, une méta-analyse récente surprenant que peu d’études se soient intéres-
portant sur 55 études qui comparent la pré- sées au rôle préventif de l’anesthésie locorégio-
gabaline à un placebo montre globalement nale dans l’apparition des douleurs chroniques.
une diminution des scores de douleur et de la En 2013, une revue Cochrane [29] a démontré le
consommation d’opiacés (- 8 mg) 24 h après rôle préventif de la péridurale dans l’apparition de
la chirurgie [26]. Le moment de l’adminis- douleurs chroniques 6 mois après thoracotomie
tration du médicament varie selon les études (trois études, 250 patients, NNT 4). Le bloc
entre une dose préopératoire unique ou des paravertébral aurait les mêmes effets dans la chi-
doses répétées jusqu’à 24 heures après l’inter- rurgie du sein (deux études, 89 patients, NNT 5).
vention. Des doses de gabapentine entre 300 et Concernant les autres types de chirurgie (lapa-
1 200 mg et de prégabaline entre 75 et 300 mg rotomies, amputations, césariennes), les études
ont démontré des effets positifs [26,27]. Les ne parviennent pas à mettre en évidence un
effets indésirables (sédation, vertiges, troubles quelconque effet préventif à long terme de la péri-
visuels) sont dose-dépendants. Ces médica- durale ou des infiltrations, en raison d’un nombre
ments sont déconseillés chez les patients âgés de patients insuffisant ou de biais de performance.
et les patients atteints d’une insuffisance rénale Dans une étude incluant plus de 400 patients, les
ou d’un SAOS. infiltrations d’anesthésiques locaux avaient perdu
Concernant la prévention des douleurs chro- leur effet positif 3 mois après une cure de hernie
niques, les effets de ces deux médicaments inguinale [30]. Seule l’infiltration continue de la
divergent. Selon Clarke et al. [28], quatre crête iliaque après prélèvement osseux a montré
études sur huit indiquaient que l’administration des effets bénéfiques prolongés.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


162 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Anesthésiques locaux (NNT 7,2), la prégabaline (NNT 7,7) et les


en perfusion intraveineuse patchs de capsaïcine (NNT 10,6).
En tenant compte des aspects sécuritaires
La perfusion intraveineuse de lidocaïne est plus et financiers, les antidépresseurs tricycliques,
efficace qu’un placebo pour diminuer les douleurs les SNRI et les antiépileptiques sont admis
aiguës pendant les premières 24 heures après comme traitement de première ligne. Les patchs
chirurgie abdominale par voie ouverte ou par de lidocaïne et de capsaïcine ainsi que le tramadol
cœlioscopie [31]. Cela permet de diminuer la sont recommandés en deuxième intention, suivis
consommation d’opiacés per- et postopératoires, par les opiacés forts et la toxine botulinique.
les nausées/vomissements, la durée de séjour hos- Une revue Cochrane n’a pas montré d’évidence
pitalier et la survenue d’iléus. Mais 2 jours après claire quant à l’utilisation de la lidocaïne topique
la chirurgie, il n’y a déjà plus assez d’évidence dans les douleurs neuropathiques [34]. Néan-
pour conclure à une véritable réduction des scores moins, les quelques études basées sur des petits
de douleur. Une diminution de l’incidence des nombres de patients et la pratique clinique sem-
douleurs chroniques à 6 mois n’a été démontrée blent favorables à son utilisation dans le cadre de
qu’après chirurgie du sein dans un collectif limité neuropathies périphériques.
de patientes ayant reçu une perfusion peropéra- Les autres traitements consistent en infiltrations
toire de lidocaïne versus un placebo [32]. locales d’anesthésiques locaux, avec ou sans cor-
ticoïde, au niveau de la cicatrice opératoire et en
perfusions intraveineuses de lidocaïne (3-5 mg/kg
Traitements après chirurgie en 30 min). La plupart du temps, ces théra-
peutiques apportent un soulagement rapide des
Traitements médicamenteux symptômes, mais nécessitent d’être répétées.

Les traitements des douleurs postopératoires à


caractère neuropathique reposent sur plusieurs Neurolyse
classes de médicaments :
• les antidépresseurs tricycliques : amitripty- Lorsque des infiltrations locales ont des effets posi-
line (Saroten®) ; tifs sur des zones opérées, il est possible de pro-
• les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine longer l’antalgie par une neurolyse, en détruisant
et de la noradrénaline ou SNRI : venlafaxine ou en décomprimant le nerf ou le groupe de nerfs
(Effexor®), duloxétine (Cymbalta®) ; responsables de la chronicité des douleurs. Dans les
• les antiépileptiques : prégabaline (Lyrica®), neuropathies périphériques, la neurolyse s’obtient
gabapentine (Neurontin®) ; par injection de phénol ou de glycérol, par radio-
• les opiacés faibles : tramadol (Tramal®) ; les fréquence à haute température, par cryothérapie
opiacés forts : morphine, oxycodone (Oxycon- ou plus récemment par libération chirurgicale ou
tin®, Targin®) ; section nerveuse. Ces techniques peuvent provo-
• les anesthésiques locaux topiques : patchs de quer des des névrites pendant la phase aiguë et des
lidocaïne (Neurodol®) ; hypoesthésies chroniques dans la zone dénervée.
• la toxine botulinique et les patchs de capsaïcine.
Finnerup et al. [33] ont établi un NNT (num- Références
ber needed to treat) pour chaque classe de médi- 1. Macrae WA. Chronic pain after surgery. Br J Anaesth
caments en se basant sur une diminution de 2001;87:88–98.
50 % des douleurs. Les NNTs les plus faibles ont 2. Johansen A, Romundstad L, Nielsen CS, Schirmer
H, Stubhaug A. Persistent postsurgical pain in a
été rapporté pour les antidépresseurs tricycliques
general population: prevalence and predictors in the
(NNT 3,6), les opiacés faibles (NNT 4,7) et forts Tromsø study. Pain 2012;153:1390–6.
(NNT 4,3) et la toxine botulinique (NNT 1,9), 3. Fletcher D, Stamer UM, Pogatzki-Zahn E, Zaslansky
suivis par les SNRI (NNT 6,4), la gabapentine R, Tanase NV, Perruchoud C, Kranke P, Komann M,

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 15. La douleur SCIENCE MEDICALE
chronique postopératoire 163

Lehman T, Meissner W. euCPSP group for the 16. Elia N, Tramèr MR. Ketamine and postoperative
Clinical Trial Network group of the European Society pain--a quantitative systematic review of randomised
of Anaesthesiology. Chronic postsurgical pain in trials. Pain 2005;113:61–70.
Europe: An observational study. Eur J Anaesthesiol 17. McNicol ED, Schumann R, Haroutounian S. A
2015;32:725–34. systematic review and meta-analysis of ketamine for
4. Mogil JS. Sex differences in pain and pain inhibition: the prevention of persistent post-surgical pain. Acta
multiple explanations of a controversial phenome- Anaesthesiol Scand 2014;58:1199–213.
non. Nat Rev Neurosci 2012;13:859–66. 18. Albrecht E, Kirkham KR, Liu SS, Brull R. Peri-
5. Althaus A, Hinrichs-Rocker A, Chapman R, operative intravenous administration of magnesium
Arránz Becker O, Lefering R, Simanski C, et al. sulphate and postoperative pain: a meta-analysis.
Development of a risk index for the prediction of Anaesthesia 2013;68:79–90.
chronic post-surgical pain. Eur J Pain Lond Engl 19. Chan MTV, Wan ACM, Gin T, Leslie K, Myles PS.
2012;16:901–10. Chronic postsurgical pain after nitrous oxide anes-
6. Theunissen M, Peters ML, Bruce J, Gramke H-F, thesia. Pain 2011;152:2514–20.
Marcus MA. Preoperative anxiety and catastrophi- 20. Blaudszun G, Lysakowski C, Elia N, Tramèr MR.
zing: a systematic review and meta-analysis of the Effect of perioperative systemic α2 agonists on post-
association with chronic postsurgical pain. Clin J Pain operative morphine consumption and pain intensity:
2012;28:819–41. systematic review and meta-analysis of randomized
7. Tegeder I, Costigan M, Griffin RS, Abele A, Belfer controlled trials. Anesthesiology 2012;116:1312–22.
I, Schmidt H, et al. GTP cyclohydrolase and tetrahy- 21. Lavand’homme P, Kock M De. The use of intrao-
drobiopterin regulate pain sensitivity and persistence. perative epidural or spinal analgesia modulates post-
Nat Med 2006;12:1269–77. operative hyperalgesia and reduces residual pain after
8. Montes A, Roca G, Sabate S, Lao JI, Navarro major abdominal surgery. Acta Anaesthesiol Belg
A, Cantillo J, Canet J. GENDOLCAT Study 2006;57:373–9.
Group. Genetic and Clinical Factors Associated 22. Ayad AE, Masry A El. Epidural steroid and clonidine
with Chronic Postsurgical Pain after Hernia for chronic intractable post-thoracotomy pain: a pilot
Repair, Hysterectomy, and Thoracotomy: A Two- study. Pain Pract Off J World Inst Pain 2012;12:7–
year Multicenter Cohort Study. Anesthesiology 13.
2015;122:1123–241. 23. Mohamed SA-B, Abdel-Ghaffar HS. Effect of the
9. Haroutiunian S, Nikolajsen L, Finnerup NB, Jen- addition of clonidine to locally administered bupiva-
sen TS. The neuropathic component in persistent caine on acute and chronic postmastectomy pain. J
postsurgical pain: a systematic literature review. Pain Clin Anesth 2013;25:20–7.
2013;154:95–102. 24. Bollag L, Richebe P, Siaulys M, Ortner CM, Gofeld
10. Macrae WA. Chronic post-surgical pain: 10 years on. M, Landau R. Effect of transversus abdominis plane
Br J Anaesth 2008;101:77–86. block with and without clonidine on post-cesarean
11. Martinez V, Ammar S Ben, Judet T, Bouhassira delivery wound hyperalgesia and pain. Reg Anesth
D, Chauvin M, Fletcher D. Risk factors predic- Pain Med 2012;37:508–14.
tive of chronic postsurgical neuropathic pain: the 25. Doleman B, Heinink TP, Read DJ, Faleiro RJ, Lund
value of the iliac crest bone harvest model. Pain JN, Williams JP. A systematic review and meta-regres-
2012;153:1478–83. sion analysis of prophylactic gabapentin for post-
12. Costigan M, Scholz J, Woolf CJ. Neuropathic pain: operative pain. Anaesthesia 2015;70:1186–204.
a maladaptive response of the nervous system to 26. Mishriky BM, Waldron NH, Habib AS. Impact of
damage. Annu Rev Neurosci 2009;32:1–32. pregabalin on acute and persistent postoperative pain:
13. Aasvang EK, Gmaehle E, Hansen JB, Gmaehle B, a systematic review and meta-analysis. Br J Anaesth
Forman JL, Schwarz J, Bittner R, Kehlet H. Predic- 2015;114:10–31.
tive risk factors for persistent postherniotomy pain. 27. Schmidt PC, Ruchelli G, Mackey SC, Carroll IR.
Anesthesiology 2010;112:957–69. Perioperative gabapentinoids: choice of agent, dose,
14. Hutchinson MR, Shavit Y, Grace PM, Rice KC, timing, and effects on chronic postsurgical pain.
Maier SF, Watkins LR. Exploring the neuroimmuno- Anesthesiology 2013;119:1215–21.
pharmacology of opioids: an integrative review of 28. Clarke H, Bonin RP, Orser BA, Englesakis M, Wijey-
mechanisms of central immune signaling and their sundera DN, Katz J. The prevention of chronic
implications for opioid analgesia. Pharmacol Rev postsurgical pain using gabapentin and pregabalin:
2011;63:772–810. a combined systematic review and meta-analysis.
15. Fletcher D, Martinez V. Opioid-induced hyperalgesia Anesth Analg 2012;115:428–42.
in patients after surgery: a systematic review and a 29. Andreae MH, Andreae DA. Regional anaesthesia
meta-analysis. Br J Anaesth 2014;112:991–1004. to prevent chronic pain after surgery: a Cochrane

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


164 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

systematic review and meta-analysis. Br J Anaesth 32. Terkawi AS, Sharma S, Durieux ME, Thammishetti
2013;111:711–20. S, Brenin D, Tiouririne M. Perioperative lidocaïne
30. Kurmann A, Fischer H, Dell-Kuster S, Rosenthal R, infusion reduces the incidence of post-mastectomy
Audigé L, Schüpfer G, Metzger J, Honigmann P. chronic pain: a double-blind, placebo-controlled
Effect of intraoperative infiltration with local anes- randomized trial. Pain Physician 2015;18:E139–146.
thesia on the development of chronic pain after 33. Finnerup NB, Attal N, Haroutounian S, McNicol E,
inguinal hernia repair: a randomized, triple-blinded, Baron R, Dworkin RH, et al. Pharmacotherapy for
placebo-controlled trial. Surgery 2015;157:144–54. neuropathic pain in adults: a systematic review and
31. Kranke P, Jokinen J, Pace NL, Schnabel A, Hollmann meta-analysis. Lancet Neurol 2015;14:162–73.
MW, Hahnenkamp K, Eberhart LHJ, Poepping DM, 34. Derry S, Wiffen PJ, Moore RA, Quinlan J. Topical
Weibel S. Continuous intravenous perioperative lido- lidocaïne for neuropathic pain in adults. Cochrane
caïne infusion for postoperative pain and recovery. Database Syst Rev 2014;7:CD010958.
Cochrane Database Syst Rev 2015;7:CD009642.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 16
Les vulvodynies
Martine Jacot-Guillarmod

Les vulvodynies représentent la première cause Des troubles psychologiques tels qu’angoisse,
de dyspareunie superficielle chez les femmes de dépression, troubles du sommeil, addiction, dys­
moins de 30 ans. Elles désignent des douleurs fonction sexuelle et difficultés dans la relation
vulvaires chroniques, souvent idiopathiques. On de couple constituent des complications de cette
distingue la vulvodynie provoquée de la vulvo­ maladie.
dynie généralisée. La vulvodynie provoquée Investiguer avec soin la plainte douloureuse
(anciennement vulvovestibulite) se caractérise par permet d’identifier le type de vulvodynie, provo­
une douleur localisée au niveau du vestibule quée ou généralisée, et de cibler la prise en charge
et déclenchée par le simple contact (pression, thérapeutique de façon appropriée [3].
rapport sexuel, port de vêtements serrés). Cette
forme de vulvodynie ne s’accompagne pas de
douleur spontanée. Elle peut être primaire ou Examen clinique
secondaire selon son apparition dès les premiers
rapports sexuels avec pénétration vaginale ou L’examen clinique est crucial dans l’investigation
après une période de rapports sexuels indolores. d’une patiente souffrant de douleurs vulvaires. Il
La vulvodynie généralisée se caractérise, elle, par consiste à rechercher l’étiologie de la vulvodynie
une sensation de brûlure qui s’étend à l’ensemble afin d’en déterminer le traitement spécifique.
de la vulve sans facteur déclenchant identifié [1]. Pour ce faire, l’examen de la vulve au colposcope
La classification des douleurs vulvaires persis­ (vulvoscopie) [4] est très contributif, car il permet
tantes établie en 2015 différencie les douleurs d’identifier des modifications cutanées sugges­
vulvaires liées à une cause spécifique (infectieuse, tives de pathologies dermatologiques (lichénifi­
inflammatoire, traumatique, etc.) des vulvodynies cation, ulcération, dépigmentation, fissures, etc.),
dont l’origine reste incertaine, qui peuvent cepen­ d’atteintes infectieuses, d’atrophie sur carence
dant être accompagnées de facteurs associés. hormonale, d’une suspicion de néoplasie ou de
L’évaluation initiale d’une patiente souffrant traumatisme. Ces différentes lésions peuvent
de vulvodynie comprend une anamnèse médicale être à l’origine de douleurs vulvaires chroniques,
somatique générale, un interrogatoire ciblé sur la les reconnaître permet d’adapter le traitement
douleur, une appréciation psychologique et un exa­ antalgique à l’étiologie. Un érythème localisé au
men de la musculature du plancher pelvien. Les niveau de l’abouchement des glandes de Bartholin
questions porteront donc sur les caractéristiques ou des glandes de Skene est très évocateur d’une
de la douleur (durée, localisation, facteurs déclen­ vulvodynie provoquée. La présence de cet éry­
chants, intensité), l’existence d’éventuelles maladies thème n’est toutefois pas un critère diagnostique
somatiques et psychologiques, le vécu de la sexua­ obligatoire de cette forme de vulvodynie.
lité et les traitements déjà expérimentés. Il existe L’examen génital est souvent source d’angoisse
de nombreux outils validés d’aide à l’investigation pour la patiente qui souffre de douleurs vulvaires.
comme le questionnaire FSFI (Female Sexual Func- En revanche, il peut aussi générer un senti­
tion Index) pour les questions liées à la sexualité [2]. ment de confiance à l’égard du praticien lorsque

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
166 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Figure 16.1. Anatomie vulvaire.

celui-ci met en évidence la douleur qui est dès lors vésical, les muscles élévateurs de l’anus, puis les
« validée ». La reconnaissance de la réalité de la épines sciatiques afin de localiser le nerf honteux à
douleur est la base sur laquelle peut se construire son entrée dans le canal d’Alcock. En cas de dou­
la relation de confiance entre la patiente et son leurs à la palpation du nerf honteux, le diagnostic
thérapeute, essentielle à la bonne prise en charge s’oriente préférentiellement vers une névralgie
de cette pathologie douloureuse. pudendale. Si la patiente le tolère, l’examen de
Le test du coton-tige est le test de référence l’utérus et des annexes par un toucher bimanuel
pour le diagnostic de vulvodynie provoquée. Il se classique clôture l’examen [3].
pratique en exerçant une légère pression avec un Il existe d’autres moyens permettant d’objecti­
coton-tige de préférence humide sur tout le pour­ ver la douleur, parmi lesquels le test du tampon
tour du vestibule (figure 16.1). Il est dit positif (introduction d’un tampon hygiénique lubrifié
lorsqu’il déclenche la douleur. Lorsque la douleur dans l’orifice vaginal), qui reproduit les conditions
est confinée au vestibule postérieur (5 h-7 h), les plus proches de la réalité. Son utilité est surtout
elle est souvent associée à une hypertonie de démontrée pour les travaux de recherche évaluant
la musculature du plancher pelvien, tandis que la performance de traitements étudiés [5].
lorsqu’elle concerne l’ensemble du vestibule, elle Un bilan sanguin endocrinien (œstradiol,
résulte plutôt d’une atteinte intrinsèque de la testostérone, Sex Hormone Binding Globuline
muqueuse vestibulaire. ou SHBG) est recommandé, particulièrement
L’examen neurologique sensoriel de l’ensemble chez les jeunes femmes sous contraception
de la région anogénitale, toujours à l’aide d’un orale combinée, puisqu’une telle contraception
coton-tige humide, permet d’identifier des zones entraîne une baisse de la testostérone libre
de réponse anormale à la douleur distinctes du responsable d’altérations de la muqueuse ves­
vestibule. tibulaire. Le dosage de la Follicle Stimulating
L’examen au spéculum est effectué à l’aide Hormone (FSH) a un intérêt lorsqu’une carence
d’un spéculum pédiatrique. Selon la sévérité des œstrogénique est suspectée.
douleurs, cette étape de l’examen n’est pas tou­ La vulvodynie est une maladie trop souvent
jours réalisable lors des premières consultations méconnue des professionnels de la santé, ce
et doit être différée. Après l’inspection des parois qui explique des parcours de patientes mar­
vaginales, un prélèvement des sécrétions suivi qués par une multitude de consultations et
d’une analyse du pH vaginal et d’un examen sans d’essais thérapeutiques avant l’établissement du
préparation au microscope permet d’exclure une diagnostic. Ce parcours génère découragement,
cause infectieuse (vaginose, mycose). baisse d’estime de soi et perte de confiance à
Le toucher vaginal se pratique préférentielle­ l’égard du corps médical chez les patientes.
ment à un doigt. On palpe l’urètre, le trigone Créer un lien de confiance, prendre le temps

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 16. LesMEDICALE
vulvodynies 167

nécessaire à la compréhension correcte, à la fois Physiopathologie


du tableau clinique et des expériences vécues
par la patiente, est une priorité absolue dans la La physiopathologie de la vulvodynie n’est pas
prise en charge. connue avec exactitude. Des phénomènes d’allo­
dynie ou de dysesthésie sont décrits au niveau des
Historique nerfs innervant la région génitale (nerfs fémoral
cutané postérieur, honteux, ilio-inguinal et géni­
L’International Society for the Study of Vulvo- tofémoral). La cause des douleurs est multifacto­
vaginal Disease (ISSVD) a été créée en 1970. rielle et parmi les diverses hypothèses sont émises,
En 1985, la société définit la vulvodynie comme les plus couramment admises sont :
une sensation de douleur vulvaire chronique, • Une hypertonie des muscles du plancher pel­
généralement décrite comme une brûlure. vien : cause ou conséquence de la vulvodynie,
En 1987, on identifie la triade de Friedrich des études qualitatives ont mis en évidence une
comme critère diagnostique de vulvovestibulite. augmentation du tonus musculaire chez les
Cette triade comprend une douleur importante femmes souffrant de vulvodynie provoquée [9].
au contact du vestibule, une douleur reproduc­ Par ailleurs, la douleur vulvaire chronique révèle
tible au test du coton-tige et un érythème du parfois des dysfonctions neuromusculaires et
vestibule localisé à 5 h et/ou 7 h. En 1995, musculosquelettiques qu’il convient de recher­
l’ISSVD convertit la notion de vulvovestibulite cher par un examen du rachis, du bassin et du
en « dysesthésie vulvaire », correspondant à périnée.
une sensation de brûlure vulvaire survenant en • Une association vulvodynie et médicaments :
l’absence de facteur déclenchant et évoluant des traitements antibiotiques peuvent induire
depuis plus de 3 mois. Cette terminologie est une vulvodynie de façon indirecte en exposant
modifiée en 2003 en « ulvodynie généralisée ou la femme à une mycose chronique qui peut
localisée ». Finalement, le consensus concernant se compliquer de vulvodynie. Plus communé­
la terminologie et la classification des douleurs ment, la contraception combinée œstroproges­
vulvaires persistantes a été formalisé en 2015 tative peut entraîner des lésions de la muqueuse
par l’ISSVD, l’International Society for the Study vestibulaire dues à la baisse du taux de testos­
of Women’s Sexual Health (ISSWSH) et l’Inter- térone libre circulante, qui se manifestent par
national Pelvic Pain Society (IPPS). une vulvodynie provoquée.
• Une prédisposition génétique : certaines
études suggèrent une prédisposition géné­
Épidémiologie tique au développement d’une vulvodynie.
Une étude menée aux États-Unis et en
Les données épidémiologiques varient selon les Suède a démontré un polymorphisme de
études publiées, en fonction notamment des l’allèle codant pour la Mannose-Binding Lec-
définitions utilisées et des populations étudiées. tin (MBL) active dans le système de défense
La prévalence varie de 14 % à 34 % chez les immunitaire inné [10]. Une autre étude a
femmes jeunes, diminue chez les femmes plus mis en évidence un polymorphisme du gène
âgées [6]. Plusieurs études américaines rappor­ codant pour le récepteur aux androgènes
tent des prévalences de la maladie entre 10 et associé à un taux abaissé de testostérone libre
28 % parmi les femmes en âge de procréer dans la comme facteur de risque de développer une
population générale [7]. Selon une publication vulvodynie chez les femmes sous contracep­
de 2014, 8 % des femmes entre 18 et 40 ans tion orale combinée [11].
rapportent au moins un épisode de vulvodynie • Divers travaux s’intéressent au rôle des média­
évoluant sur plus de 3 mois et limitant les teurs de l’inflammation dans le développement
rapports sexuels [8]. des vulvodynies [12].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


168 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

• Sur le plan épidémiologique, des associations • Physiothérapie du plancher pelvien et méde-


ont été décrites entre douleurs vulvaires chro­ cine manuelle ostéopathique. En raison de
niques et d’autres pathologies douloureuses l’inflammation chronique, de l’atteinte neu­
chroniques, en particulier la fibromyalgie, la rologique et de la diminution de la perfusion
cystite interstitielle et le syndrome du côlon musculaire, on observe souvent une hyper­
irritable [13]. sensibilité et une hypertonie musculaire chez
les femmes souffrant de vulvodynie. Les tech­
niques de biofeedback, de stimulation électrique
Présentation clinique (essentiellement de type TENS), ainsi que les
pratiques manuelles (mobilisation et étirements
Les patientes souffrant de vulvodynie provoquée myofasciaux et ligamentaires, mobilisation vis­
décrivent des douleurs localisées à l’orifice vagi­ cérale et neurale, manipulation coccygienne
nal, classiquement lors des rapports sexuels (dys­ et pubienne, etc.) sont privilégiées. L’objectif
pareunie superficielle), mais aussi à l’introduction consiste à décongestionner les tissus pelviens, à
d’un tampon hygiénique ou du spéculum lors rééquilibrer la statique et la dynamique dorso-
de l’examen gynécologique, parfois lors du port abdomino-pelvienne et assouplir et repro­
de vêtements serrés, de position assise prolongée grammer les muscles en lien avec la statique
et d’activités sportives telles que le cyclisme et dorsolombaire et abdominopelvienne. L’étire­
l’équitation. Ces douleurs sont habituellement ment de la musculature dorsale, abdominale et
ressenties comme des brûlures. Lors de vulvo­ des membres inférieurs contribue à renforcer la
dynie généralisée, la brûlure est étendue à toute statique pelvienne. L’utilisation de dilatateurs
la vulve et survient spontanément, en l’absence vaginaux associés à des exercices de respiration
de tout contact. Classiquement, les femmes ne diminue le tonus musculaire et l’hypersensi­
décrivent pas de prurit sauf en cas de mycose ou bilité vulvaire tout en améliorant la fonction
autre dermatose prurigineuse associée. sexuelle.
• Psychothérapie et sexothérapie, dont les
objectifs consistent à réduire la douleur, res­
Traitements taurer la fonction sexuelle et renforcer la rela­
tion de couple ainsi que la confiance en soi.
Le plan thérapeutique des vulvodynies comprend La qualité de vie des femmes souffrant de
des mesures dites non invasives (physiothérapie vulvodynies est fortement altérée par la maladie
ou psychothérapie), et si nécessaire des traite­ et ceci sur les plans personnel, social, profes­
ments médicamenteux. Occasionnellement, une sionnel, émotionnel et sexuel [14], ce qui
vestibulectomie chirurgicale est indiquée. Il justifie un soutien psychologique. L’approche
n’existe pas de traitement standardisé. L’approche cognitivocomportementale est la plus utilisée.
multidisciplinaire comprenant médecins, physio­ • Traitements médicamenteux :
thérapeutes, sexothérapeutes, psychologues et – Anesthésique local (gel de lidocaïne) : peut
autres professionnels de la santé concernés par la être proposé comme antalgie topique tran­
santé des femmes est recommandée. sitoire, par exemple conjointement à la pra­
La première mesure thérapeutique consiste à tique d’exercices de physiothérapie ou pour
éviter tout irritant vulvaire : éliminer les savons favoriser le maintien des relations sexuelles
et autres produits cosmétiques, privilégier les avec pénétration vaginale. L’administration à
sous-vêtements en coton et le port de vêtements long terme n’apporte aucun bénéfice et peut
amples. Ensuite, le choix thérapeutique dépend provoquer une sécheresse cutanée, source
de l’évaluation du type de vulvodynie et de la supplémentaire d’inconfort vulvaire.
réceptivité de la patiente. Il doit être adapté aux – Toxine botulique A : agit en diminuant la
objectifs fixés avec la patiente et comprend les libération de glutamate et d’autres substances
options suivantes : actives dans la régulation de la nociception.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 16. LesMEDICALE
vulvodynies 169

Les données publiées étant contradictoires, • Chirurgie : la vestibulectomie est recomman­


la toxine botulique ne doit pas être proposée dée en cas de vulvodynie provoquée invalidante
en première intention, mais peut être intro­ et résistante aux mesures thérapeutiques non
duite secondairement en cas de vulvodynie invasives. L’opération consiste en l’ablation
provoquée résistant aux autres mesures thé­ intégrale des glandes vestibulaires majeures et
rapeutiques [3]. Les injections sont répétées mineures et du vestibule postérieur qui sera
à intervalles de 3-4 mois. remplacé, soit par la paroi vaginale soit, dans
– Hormonothérapie topique : des travaux pré­ certains cas, par une greffe cutanée recouvrant
conisent une combinaison d’œstradiol 0,01 % la région vestibulaire.
et de testostérone 0,1 % dans le traitement • Thérapies alternatives : les données manquent
des vulvodynies provoquées apparues simul­ dans la littérature pour pouvoir recommander
tanément à l’initiation d’une contraception formellement des approches alternatives telles
orale combinée ou conjointement à l’arrêt de que l’hypnose ou l’acupuncture. Néanmoins,
cette contraception [15]. Par ailleurs, un trai­ l’acupuncture semble prometteuse dans la
tement topique d’œstradiol est recommandé diminution des douleurs vulvaires et de la dys­
chez les femmes ménopausées souffrant de pareunie [19].
vulvodynies.
– Antidépresseurs et antiépileptiques oraux :
Références
les évidences scientifiques disponibles ne
démontrent pas de bénéfice antalgique de 1. Bornstein J, et al. 2015 ISSVD, ISSWSH, and IPPS
ces traitements qui ne sont par conséquent Consensus Terminology and Classification of Per­
sistent Vulvar Pain and Vulvodynia. J Sex Med
plus recommandés dans les guides de bonne
2016;13:607–12.
pratique en matière de douleurs vulvaires 2. Rosen R, et al. The Female Sexual Function Index
chroniques [3]. Toutefois, les antidépres­ (FSFI): a multidimensional self-report instrument
seurs peuvent être utiles en cas de souffrance for the assessment of female sexual function. J Sex
psychique associée à la vulvodynie [16]. De Marital Ther 2000;26(2):191–208.
nombreux centres continuent à recourir aux 3. Goldstein AT, et al. Vulvodynia: Assessment and
Treatment. J Sex Med 2016;13:572–90.
antidépresseurs tricycliques et aux traite­
4. Sideri M, et al. The Role of Vulvoscopy in the Eva­
ments antiépileptiques, tels que la gabapen­ luation of Dyspareunia. In: Goldstein AT, Pukall CF,
tine et la prégabaline, avec de bons résultats Goldstein I, editors. Female Sexual Pain Disorders:
cliniques. Une étude randomisée contrôlée Evaluation and Management. Oxford, England:
publiée en 2010 a démontré une augmen­ Wiley-Blackwell; 2009. p. 32–42.
tation de l’index de satisfaction sexuelle 5. Foster DC, et al. The tampon test for vulvodynia
treatment outcomes research: reliability, construct
chez les femmes souffrant de vulvodynie validity, and responsiveness. Obstet Gynecol 2009
traitées par antidépresseurs tricycliques, sans Apr;113(4):825–32.
différence objectivable sur le plan des dou­ 6. van Lankveld JJ, et al. Women’s sexual pain disorders.
leurs [17]. Les effets secondaires tels que J Sex Med 2010 Jan;7:615–31.
somnolence, vertiges, troubles du rythme 7. Reed BD, et al. Vulvodynia incidence and remission
rates among adult women: a 2-year follow-up study.
cardiaque, hypotension orthostatique et
Obstet Gynecol 2008 Aug;112:231–7.
sécheresse buccale limitent parfois leur utili­ 8. Harlow BL, et al. Prevalence of symptoms consistent
sation. with a diagnosis of vulvodynia: population-based
– Anti-inflammatoires : diverses molécules à estimates from 2 geographic regions. Am J Obstet
effet anti-inflammatoire sont parfois pro­ Gynecol 2014 Jan;210(1):40.
posées dans le traitement des vulvodynies 9. Gentilcore-Saulnier E, et al. Pelvic floor muscle
assessment outcomes in women with and without
tels que corticostéroïdes topiques, injections
provoked vestibulodynia and the impact of a physical
d’interféron ou encore crème contenant un therapy program. J Sex Med 2010;7:1003–22.
lysat de fibroblastes fœtaux [18]. Ces traite­ 10. Babula O, et al. Altered distribution of mannose-bin­
ments ne sont pas validés. ging lectin alleles at exon I codon 54 in women with

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


170 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

vulvar vestibulitis syndrome. Am J Obstet Gynecol 15. Burrows LJ, et al. The treatment of vulvodynia
2004;191(3):762–6. with topical estradiol and testosterone. Sex Med
11. Goldstein AT, et al. Polymorphisms of the andro­ 2013;1(1):30–3.
gen receptor gene and hormonal contraceptive 16. Leo RJ, et al. A systemic review of the utility of
induced provoked vestibulodynia. J Sex Med antidepressant pharmacotherapy in the treatment of
2014;11(11):2764–71. vulvodynia pain. J Sex Med 2013;10:2497–505.
12. Falsetta ML, et al. A review of the available clini­ 17. Foster DC, et al. Oral desipramine and topical lido­
cal therapies for vulvodynia management and new caïne for vulvodynia: a randomized controlled trial.
data implicating proinflammatory mediators in Obstet Gynecol 2010;116:583–93.
pain elicitation. BJOG 2016; doi: 10.1111/147- 18. Donders GG, et al. Cream with cutaneous fibroblast
0528.14157. lysate for the treatment of provoked vestibulodynia: a
13. Reed BD, et al. Relationship between vulvodynia and double-blind randomized placebo-controlled crosso­
chronic comorbid pain conditions. Obstet Gynecol ver study. J Low Genital Tract Dis 2012;16:427–36.
2012;120(1):145–51. 19. Schlaeger JM, et al. Acupunture for the treatment of
14. Ponte M, et al. Effects of vulvodynia on quality of vulvodynia: a randomized wait-list controlled pilot
life. J Am Acad Dermatol 2009;60(1):70–6. study. J Sex Med 2015;12(4):1019–27.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 17
La fibromyalgie
Christophe Perruchoud

C’est un chirurgien de l’université d’Edimbourg, qu’au-dessus et au-dessous de la taille et avec des


William Balfour, qui décrit pour la première douleurs axiales.
fois en 1816 un syndrome douloureux pouvant
correspondre à l’actuelle fibromyalgie. En 1904,
le neurologue pédiatre William Gowers utilise le Épidémiologie
terme de « fibrosite » pour décrire des états de
douleurs musculosquelettiques chroniques. Au La prévalence de la fibromyalgie dans la popu-
cours des deux derniers siècles, la « fibrosite » lation générale se situe entre 1 et 5 % [1]. Elle
est régulièrement considérée comme une maladie varie selon les pays (2,2 % en France, 3,7 % au
psychiatrique, sinon « purement imaginaire ». Portugal, 5,5 % en Allemagne et 6,6 % en Italie).
En 1975, H. Moldofsky décrit une anomalie du Elle touche environ 6 millions d’Américains (2
sommeil profond chez les patients atteints de à 4 % de la population générale). Le rapport
« fibrosite » et émet l’hypothèse de l’implica- homme-femme est de 1:9. Bien que généralement
tion du système nerveux central dans la maladie. diagnostiquée entre 30 et 40 ans, la fibromyalgie
En 1977, H. A. Smythe et H. Moldofsky propo- peut débuter plus tôt, notamment pendant l’ado-
sent des critères diagnostiques de la « fibrosite ». lescence. Les plaintes douloureuses sont alors fré-
Du fait de l’absence de changements inflamma- quemment banalisées ou mises sur le compte de la
toires objectivables, l’American College of Rheu- croissance ou des menstruations. Le diagnostic est
matology (ACR) adopte le terme plus approprié rarement posé après 65 ans. La fibromyalgie est la
de « fibromyalgie » et édicte de nouveaux critères cause la plus fréquente de douleurs généralisées
diagnostiques basés sur la présence de points chez la femme entre 20 et 55 ans [2].
douloureux à l’examen clinique. En 2006, l’Orga-
nisation mondiale de la Santé (OMS) reconnaît la
fibromyalgie comme une maladie à part entière Physiopathologie
en lui attribuant un code spécifique (M79.7) dans
le Catalogue international des maladies (CIM). La pathogenèse exacte de la fibromyalgie reste
L’ACR adopte de nouveaux critères diagnos- inconnue mais semble résulter d’une combinaison
tiques en 2010. de mécanismes neurophysiologiques, génétiques
La fibromyalgie est actuellement définie et psychosociaux. Un certain nombre de méca-
comme un syndrome douloureux chronique dif- nismes sont évoqués : sensibilisation centrale et
fus, non articulaire, associé à un cortège d’autres périphérique au niveau de la moelle épinière et
symptômes (fatigue intense, troubles du som- du tronc cérébral [3-5], perception douloureuse
meil, troubles cognitifs) et de diverses autres altérée [6], somatisation [7,8]. Le fondement
comorbidités. L’American College of Rheuma- physiopathologique de la fibromyalgie serait donc
tology définit les douleurs chroniques diffuses lié à un système nerveux central sensibilisé et
comme des douleurs de plus de 3 mois, localisées hyperactif, responsable de l’abaissement du seuil
aussi bien du côté gauche que droit du corps, douloureux [9].

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
172 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Diagnostic Il est important de noter que certaines douleurs


articulaires (coude, poignet, genou ou cheville),
Le diagnostic de fibromyalgie est souvent ainsi que les douleurs des mains et des pieds, ne
difficile, posé en moyenne 2,3 ans après le sont pas prises en considération. Ces tests, faciles
début des symptômes et après 3,7 médecins à utiliser, introduisent également la notion de
consultés [10]. Les critères diagnostiques les sévérité de la maladie.
plus communément utilisés en pratique cli- Le diagnostic de fibromyalgie est posé en pré-
nique émanent de l’American College of Rheu- sence de :
matology (ACR). Les premiers critères publiés • douleurs diffuses chroniques d’une durée supé-
en 1990 prenaient en compte la présence de rieure à 3 mois ;
douleurs à la pression (4 kg/cm2) sur 11 des • de WPI ≥ 7/19 et de SS ≥ 5/12 ;
18 points gâchettes répertoriés [12]. Difficile à • de WPI compris entre 3 et 6 et de SS ≥ 9/12.
réaliser sans algomètre, cette procédure donnait La fibromyalgie reste un diagnostic d’exclu-
l’impression (fausse) d’une pathologie purement sion ; en conséquence, aucune autre pathologie
musculaire. L’ACR a donc publié en 2010 de susceptible d’expliquer les symptômes du patient
nouveaux critères dépendants uniquement des ne doit être présente.
symptômes (figure 17.1). Le score tient compte Un test rapide, intitulé Fibromyalgia Rapid
du nombre de zones douloureuses (Widespread Screening Tool (First), comprenant six questions
Pain Index ou WPI) et de la sévérité des symp- est également disponible. Un score égal à cinq
tômes associés (Severity Scale ou SS) — fatigue, réponses positives sur six a une sensibilité de
sommeil, troubles cognitifs et comorbidités. 90,5 % et une spécificité de 85,7 % (Tableau 17.1).

Figure 17.1. Critères diagnostiques de la fibromyalgie selon l’American College of Rheumatology (2010).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 17. LaMEDICALE
fibromyalgie 173

Tableau 17.1. Questionnaire Fibromyalgia Rapid Screening Tool (First).


Oui Non
Mes douleurs sont localisées partout dans tout mon corps
Mes douleurs s’accompagnent d’une fatigue générale permanente
Mes douleurs sont comme des brûlures, des décharges électriques ou des crampes
Mes douleurs s’accompagnent d’autres sensations anormales comme des fourmillements, des picotements
ou des sensations d’engourdissement, dans tout mon corps
Mes douleurs s’accompagnent d’autres problèmes de santé comme des problèmes digestifs, des problèmes
urinaires, des maux de tête, ou des impatiences dans les jambes
Mes douleurs ont un retentissement important dans ma vie : en particulier, sur mon sommeil, ma capacité à
me concentrer avec une impression de fonctionner au ralenti

Présentation clinique nocturnes, paresthésies de localisation non der-


matomales et syndrome des jambes sans repos
Le système nociceptif a des connexions avec le sont les plus fréquents.
système immun, le système limbique, ainsi que L’impact de la fibromyalgie sur la vie des
le système régulant le stress et le sommeil. Ces patients peut être évalué par le questionnaire
interconnexions expliquent en partie pourquoi Fibromyalgia Impact Questionnaire ou FIQ
la fibromyalgie est un syndrome hétérogène (figure 17.2). Il permet d’apprécier la sévérité de
composé d’une grande variété de symptômes la maladie ainsi que son évolution et la réponse
dont le principal est la douleur diffuse. La dou- aux traitements.
leur, souvent décrite comme constante, migrante,
sous forme de brûlures, de courbatures ou de
contusions, revêt un caractère météosensible. Investigations
Elle est aggravée par le stress, les émotions, les
contrariétés, l’activité ou les efforts physiques. Bien qu’il n’existe aucune recommandation quant
Les troubles du sommeil (latence d’endormis- à des investigations particulières, des tests san-
sement, réveils itératifs et précoces, sommeil non guins et des examens radiologiques semblent
récupérateur), une fatigue intense et généralisée, raisonnables dans un contexte de douleurs chro-
l’irritabilité aux stimuli externes (bruits, lumières, niques, même en l’absence de signes de gravité.
odeurs, foule, etc.) et les troubles cognitifs (pertes Ce bilan de base permettra de diagnostiquer
de mémoire, difficultés à se concentrer) sont ou d’exclure raisonnablement une hypothyroï-
fréquemment présents. Douleur et fatigue chro- die, une pathologie néoplasique ou rhumatis-
nique conduisent le plus souvent à un décondi- male. Plusieurs études ont mis en évidence des
tionnement musculaire important. modifications de l’activité cérébrale lors d’IRM
Plus d’une centaine de symptômes différents fonctionnelles réalisées chez des patients atteints
ont été décrits en relation avec la fibromyal- de fibromyalgie [12,13]. Ces examens restent
gie, témoignant du caractère très hétérogène de encore des outils de recherche et ne sont pas
ce syndrome. Céphalées, vertiges, acouphènes, appliqués de routine dans le diagnostic ou le suivi
troubles de la motilité œsophagienne (dégluti- de la maladie.
tion), douleurs thoraciques atypiques avec sensa-
tion de manque d’air, palpitations, hypotension
orthostatique, épigastralgies, douleurs abdo- Prise en charge
minales, ballonnements et troubles du transit
(côlon spastique ou irritable), pollakiurie (cystite En raison du caractère polysymptomatique de
interstitielle ou prostatite chronique), sudations la fibromyalgie, la prise en charge se doit d’être

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

174
Syndromes douloureux chroniques
Figure 17.2. Fibromyalgia Impact Questionnaire (FIQ).
Calcul du score : Dans la première section, les réponses vont de 0 (toujours) à 3 (jamais). La moyenne (somme des réponses divisée par le nombre de questions
auxquelles le patient a répondu) est multipliée par 3,3 pour obtenir une valeur entre 0 et 10. Pour la question 2, on soustrait de 7 le chiffre correspondant à la réponse,
et on multiplie le résultat par 1,43 pour obtenir une valeur entre 0 et 10. La réponse à la question 3 est directement multipliée par 1,43 pour obtenir une valeur entre 0
et 10. Les réponses 4 à 10 sont comprises entre 0 et 10. Le score global va de 0 à 100 (ou à 80, si le patient n’a pas d’activité professionnelle).
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 17. LaMEDICALE
fibromyalgie 175

multidisciplinaire et adaptée aux besoins de (SNRI) sont plus efficaces que les inhibiteurs purs
chaque patient. Le traitement médicamenteux de la recapture de la sérotonine (SSRI). Deux
seul est rarement suffisant. La prise en charge SNRIs sont reconnus dans la fibromyalgie : la
de ces patients vise essentiellement à réduire les duloxetine (Cymbalta®) et le milnacipran (Ixel®).
symptômes et restaurer la capacité fonctionnelle. Les agonistes dopaminergiques constituent
L’éducation thérapeutique du patient et de une classe de médicaments prometteuse : en effet,
son entourage est primordiale. Elle contribue la fibromyalgie est associée à des changements
à la reconnaissance des plaintes et de la souf- du métabolisme de la dopamine. L’efficacité du
france réelle du patient [14,15]. Le patient doit pramipexole et du ropinirole (Adartrel®, géné-
être conscient qu’il n’existe pas de médicaments ralement prescrit dans le syndrome des jambes
ou d’injections miracle et que l’évolution de sans repos), a été démontrée [26,27]. L’agoniste
la maladie est souvent faite d’alternances de dopaminergique partiel tergulide a amélioré de
périodes d’accalmie et d’exacerbation doulou- façon significative les symptômes dans un sous-
reuse. L’objectif principal de la prise en charge est groupe de fibromyalgiques présentant une sté-
de permettre au patient une amélioration générale nose canalaire cervicale [28]. La droxidopa et la
de la qualité de vie et la fonctionnalité. Les trai- carbidopa ont donné des résultats négatifs dans
tements en piscine chauffée et la balnéothérapie une étude randomisée contrôlée.
sont efficaces pour diminuer les douleurs et les Les opiacés forts, peu efficaces aux doses habi-
troubles fonctionnels [16]. Des programmes sur tuelles, ne sont pas recommandés dans le traite-
mesure incluant des exercices aérobiques et de ment de la fibromyalgie. Le tramadol constitue une
renforcement musculaire sont recommandés. Les exception, probablement en raison de ses proprié-
thérapies cognitivocomportementales, le soutien tés agonistes Mu et SNRI [29,30]. L’hyperacti-
psychologique, les techniques de relaxation, vité des opiacés endogènes abaisse la disponibilité
d’hypnose et d’autohypnose peuvent se révéler des récepteurs agonistes Mu au niveau du système
bénéfiques chez certains patients. nerveux central chez les patients atteints de fibro-
myalgie. La faible efficacité des opiacés exogènes
pourrait être expliquée par l’hyperactivité des
Traitements pharmacologiques opiacés endogènes responsable d’une hyperalgésie
induite [31]. Cette observation a fait récemment
La prégabaline (Lyrica®) est actuellement le seul l’objet d’une étude double aveugle, randomisée et
antiépileptique approuvé dans le traitement de contrôlée par placebo : l’administration de petites
la fibromyalgie aux États-Unis et dans 25 pays doses (4,5 mg/jour) de naltrexone (antagoniste
non européens. Elle n’est pas encore recon- des opiacés) a amélioré de manière significative les
nue en Europe pour cette indication. Dans un douleurs et la fatigue chez des patients atteints de
modèle animal, le lacosamide (Vimpat®), nouvelle fibromyalgie [32]. Il semble toutefois que l’effet
molécule antiépileptique, réduit l’hyperalgésie de la naltrexone aux doses décrites soit davantage
(douleur musculaire induite par TNF-alpha) de lié à l’effet anti-inflammatoire sur les cellules de la
manière plus efficace que la prégabaline ou que la microglie qu’à l’antagonisation des opiacés.
gabapentine (Neurontin®) [17]. Son efficacité ne Le système endocannabinoïde représente une
s’est pas révélée supérieure à celle du placebo dans cible thérapeutique intéressante. L’efficacité du
une étude randomisée chez des patients atteints nabilone, cannabinoïde synthétique administré
de fibromyalgie [18]. oralement, a été démontrée dans le cadre d’une
Les antidépresseurs (amitriptyline, fluoxé- étude en double aveugle, contrôlée par placebo
tine [19,20], duloxétine [21,22], milnaci- (diminution des douleurs et amélioration des
pran [23], moclobémide [24], pirlindole [25]) capacités fonctionnelles) [33]. Une autre étude,
atténuent les douleurs et améliorent souvent avec un protocole identique [34], a obtenu des
la fonction. Les molécules qui augmentent les résultats positifs sur la qualité du sommeil, mais
concentrations de sérotonine et de noradrénaline n’a pas confirmé l’effet bénéfique sur les douleurs.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


176 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

Les récepteurs NMDA jouent un rôle impor- coûteuse que la rTMS, réside principalement dans
tant dans le développement de la sensibilisation sa simplicité d’utilisation et de programmation.
centrale. L’administration d’antagonistes NMDA En conclusion, la prise en charge des patients
(dextrométhorphane [35], mémentine [36] ou atteints de fibromyalgie représente un défi.
kétamine [37,38]), évaluée chez des patients Des résultats insatisfaisants sont fréquents. De
présentant une fibromyalgie, donne des résultats nouvelles approches médicamenteuses et des
disparates. Des observations anecdotiques non procédures non invasives actuellement à l’étude
confirmées scientifiquement recommandent des pourraient prochainement compléter l’arsenal
régimes sans aspartame (agonistes NMDA) [39]. thérapeutique.

Références
Traitements 1. Abeles AM, Pillinger MH, Solitar BM, Abeles M.
non pharmacologiques « Narrative review: the pathophysiology of fibromyal-
gia ». Annals of Internal Medicine 2007;726–34.
La stimulation magnétique transcrânienne répé- 2. Goldenberg DL. Clinical manifestations and diag-
nosis of fibromyalgia in adults. UpToDate, 2016.
titive (rTMS) est une technique de neuromodu- http://www.uptodate.com/contents/clinical-mani-
lation non invasive. Elle permet de stimuler des festations-and-diagnosis-of-fibromyalgia-in-adults.
régions corticales spécifiques grâce à un courant 3. Henriksson KG. Fibromyalgia - From syndrome to
magnétique induit par une bobine placée à la disease. Overview of pathogenetic mechanisms. Jour-
surface du scalp. Le courant magnétique se trans- nal of Rehabilitation Medicine, Supplement 2003;
41:89–94.
forme en courant électrique au contact du tissu
4. Desmeules JA, Cedraschi C, Rapiti E, Baumgartner
nerveux. Dans une revue systématique d’études E, Finckh A, Cohen P, et al. Neurophysiologic
incluant des patients atteints de fibromyalgie, la evidence for a central sensitization in patients with
stimulation magnétique transcrânienne répétitive fibromyalgia. Arthritis & Rheumatism 2003;1420–9.
s’est révélée plus efficace que la stimulation pla- 5. Staud R, Cannon RC, Mauderli AP, Robinson ME,
cebo 1 mois après le début de la thérapie avec Price DD, Vierck CJ Jr. Temporal summation of
pain from mechanical stimulation of muscle tissue in
une amélioration significative des symptômes normal controls and subjects with fibromyalgia syn-
dépressifs, des scores de douleurs et de la qualité drome. Pain 2003;102:87–95.
de vie [40]. Les zones de stimulation doivent 6. Kosek E, Ekholm J, Hansson P. Sensory dysfunction
encore être décrites avec plus de précision et les in fibromyalgia patients with implications for patho-
protocoles optimalisés. La brièveté de l’effet cli- genic mechanisms. Pain 1996;68:375–83.
nique, principale limitation de la technique, peut 7. McBeth J, Macfarlane GJ, Benjamin S, Silman AJ.
Features of somatization predict the onset of chronic
être partiellement compensée par des séances widespread pain: Results of a large population-based
quotidiennes répétées pendant plusieurs jours, study. Arthritis & Rheumatism 2001;44:940–6.
suivies de séances de maintenance à intervalles 8. Geisser ME, Casey KL, Brucksch CB, Ribbens CM,
dégressifs. Appleton BB, Crofford LJ. Perception of noxious
La stimulation transcrânienne à courant and innocuous heat stimulation among healthy
women and women with fibromyalgia: Association
direct (tDCS) est une autre méthode non inva-
with mood, somatic focus, and catastrophizing. Pain
sive de stimulation cérébrale. Peu d’études ayant 2003;102:243–50.
évalué ses effets dans le cadre de la fibromyalgie, 9. Clauw DJ. Fibromyalgia and Related Conditions.
le niveau d’évidence reste inférieur à celui de Mayo Clin Proc May 2015;680–92.
la rTMS. Les résultats d’une étude randomisée 10. Cathébras P, Roblès A, Vergnon D. Algies diffuses,
contrôlée suggèrent que la tDCS a le potentiel que faire ? Rev Patr Med Gen 2012;26:867–73.
11. Wolfe F, Smythe HA, Yunus MB, Bennett RM,
d’induire une analgésie statistiquement significa- Bombardier C, Goldenberg DL, et al. The American
tive comparé au placebo, mais l’ampleur de l’effet college of rheumatology, 1990 criteria for the clas-
est insuffisante pour en confirmer l’utilité cli- sification of fibromyalgia. Arthritis & Rheumatism
nique [41]. L’avantage de cette technique, moins 1990;33:160–72.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 17. LaMEDICALE
fibromyalgie 177

12. Jensen KB, Kosek E, Petzke F, Carville S, Fransson 24. Hannonen P, Malminiemi K, Yli-Kerttula U, Isomeri
P, Marcus H, et al. Evidence of dysfunctional pain R, Roponen P. A randomized, double-blind, placebo-
inhibition in Fibromyalgia reflected in rACC during controlled study of moclobemide and amitriptyline
provoked pain. Pain. 2009 Jul;144(1-2):95–100. in the treatment of fibromyalgia in females without
13. Jensen KB, Srinivasan P, Spaeth R, Tan Y, Kosek E, psychiatric disorder. British Journal of Rheumatology
Petzke F, et al. Overlapping structural and functio- 1998;37:1279–86.
nal brain changes in patients with long-term expo- 25. Ginsberg F, Mancaux A, Joos E, Vanhove P, Famaey
sure to fibromyalgia pain. Arthritis Rheum. 2013 J-P. A randomized placebo-controlled trial of sus-
Dec;65(12):3293–303. tained-release amitriptyline in primary fibromyalgia.
14. Adams N, Sim J. Rehabilitation approaches in Journal of Musculoskeletal Pain 1996;4:37–47.
fibromyalgia. Disability & Rehabilitation 2005;27: 26. Holman AJ, Myers RR. A randomized, double-blind,
711–23. placebo-controlled trial of pramipexole, a dopamine
15. Burckhardt CS, Mannerkorpi K, Hedenberg L, Bjelle agonist, in patients with fibromyalgia receiving
A. A randomized, controlled clinical trial of educa- concomitant medications. Arthritis and Rheumatism
tion and physical training for women with fibromyal- 2005;2495–505.
gia. Journal of Rheumatology 1994;21:714–20. 27. Holman AJ. Ropinirole, open preliminary observa-
16. Altan L, Bingol U, Aykac M, Koc Z, Yurtkuran M. tions of a dopamine agonist for refractory fibromyal-
Investigation of the effects of pool-based exercise on gia. Journal of Clinical Rheumatology 2003;277–9.
fibromyalgia syndrome. Rheumatology International 28. Distler O, Eich W, Dokoupilova E. Evaluation of
2004;24:272–7. the efficacy and safety of terguride in patients with
17. Beyreuther BK, Geis C, Stöhr T, Sommer C. Anti- fibromyalgia syndrome: results of a twelve-week,
hyperalgesic efficacy of lacosamide in a rat model for multicenter, randomized, double-blind, placebo-
muscle pain induced by TNF. Neuropharmacology controlled, parallel-group study. Arthritis and Rheu-
Apr 2007;1312–7. matism 2010;291–300.
18. Wiffen PJ, Derry S, Moore RA, Aldington D, Cole 29. Russell J, Kamin M, Bennett RM, Schnitzer TJ,
P, Rice AS, et al. « Antiepileptic drugs for neuropa- Green JA, Katz WA. Efficacy of tramadol in treat-
thic pain and fibromyalgia. An overview of Coch- ment of pain in fibromyalgia. Journal of Clinical
rane reviews. Cochrane Database Syst Rev. 11 Nov Rheumatology 2000;6:250–7.
2013;(11):CD010567. doi: 10.1002/14651858. 30. Bennett RM, Kamin M, Karim R, Rosenthal N.
CD010567.pub2. Tramadol and acetaminophen combination tablets in
19. Goldenberg D, Mayskiy M, Mossey C, Ruthazer the treatment of fibromyalgia pain: a double-blind,
R, Schmid C. A randomized, double-blind cros- randomized, placebo-controlled study. American
sover trial of fluoxetine and amitriptyline in the Journal of Medicine 2003;114:537–45.
treatment offibromyalgia. Arthritis & Rheumatism 31. Harris RE, Clauw DJ, Scott DJ, McLean SA, Gra-
1996;39:1852–9. cely RH, Zu.bieta JK. Decreased central mu-opioid
20. Arnold LM, Hess EV, Hudson JI, Welge JA, Berno receptor availability in fibromyalgia. Journal of Neuro­
SE, Keck PE Jr. A randomized, placebo-controlled, science 2007;1000–6.
double-blind, flexible-dose study of fluoxetine in the 32. Younger J, Noor N, McCue R, Mackey S. Low-
treatment of women with fibromyalgia. American dose naltrexone for the treatment of fibromyalgia:
Journal of Medicine 2002;112:191–7. findings of a small, randomized, double-blind, pla-
21. Arnold LM, Lu Y, Crofford LJ, Wohlreich M, Detke cebo ontrolled, counter balanced, crossover trial
MJ, Iyengar S, et al. A double-blind, multicen- assessing daily pain levels. Arthritis and Rheumatism
ter trial comparing duloxetine with placebo in the 2013;529–38.
treatment of fibromyalgia patients with or without 33. Skrabek RQ, Galimova L, Ethans K, Perry D. Nabi-
major depressive disorder. Arthritis & Rheumatism lone for the treatment of pain in fibromyalgia. Jour-
2004;50:2974–84. nal of Pain 2008;164–73.
22. Arnold LM, Rosen A, Pritchett YL, D’Souza DN, 34. Ware MA, Fitzcharles MA, Joseph L, Shir Y. The
Goldstein DJ, Iyengar S, et al. A randomized, double- effects of nabilone on sleep in fibromyalgia: results
blind, placebo-controlled trial of duloxetine in the of a randomized controlled trial. Anesthesia and
treatment of women with fibromyalgia with or without Analgesia 2010;604–10.
major depressive disorder. Pain 2005;119:5–15. 35. Staud R, Vierck CJ, Robinson ME, Price DD. Effects
23. Vitton O, Gendreau M, Gendreau J, Kranzler J, of the N-methyl-D-aspartate receptor antagonist dex-
Rao SG. A double-blind placebo-controlled trial of tromethorphan on temporal summation of pain are
milnacipran in the treatment of fibromyalgia. Human similar in fibromyalgia patients and normal control
Psychopharmacology 2004;19:S27–35. subjects. J Pain May 2005;323–32.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


178 BIBLIOTHEQUE DE LA
Syndromes douloureux RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
chroniques

36. Olivan-Blázquez B, Herrera-Mercadal P, Puebla- 39. Smith JD, Terpening CM, Schmidt SO, Gums JG.
Guedea M2, Pérez-Yus MC, Andrés E3, Fayed N, Relief of fibromyalgia symptoms following disconti-
López-Del-Hoyo Y, et al. Efficacy of memantine nuation of dietary excitotoxins. Ann Pharmacother
in the treatment of fibromyalgia: A double-blind, June 2001;702–6.
randomised, controlled trial with 6-month follow-up. 40. Knijnik LM, Dussán-Sarria JA, Rozisky JR, Torres IL,
Pain, December 2014 : 2517-2525. Brunoni AR, Fregni F, Caumo W. Repetitive Trans-
37. Graven-Nielsen T, Aspegren Kendall S, Henriksson cranial Magnetic Stimulation for Fibromyalgia: Sys-
KG, Bengtsson M, Sörensen J, Johnson A, et al. tematic Review and Meta-Analysis. Pain Pract. 2016
Ketamine reduces muscle pain, tem - poral summa- Mar;16(3):294–304. doi : 10.1111/papr.12276.
tion, and referred pain in fibromyalgia patients. P. Epub 2015 Jan 12.
Pain 2000;483–91. 41. Fagerlund AJ1, Hansen OA, Aslaksen PM. Trans-
38. Noppers I, Niesters M, Swartjes M, Bauer M, Aarts cranial direct current stimulation as a treatment for
L, Geleijnse N, et al. Absence of long- term anal- patients with fibromyalgia: a randomized controlled
gesic effect from a short-term S-ketamine infusion tria. Pain, Jan 2015: 62-71.
on fibromyalgia pain: A randomized, prospective,
double blind, active placebo-controlled trial. Eur J
Pain 2011;942–9.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 18
Le traitement pharmacologique
des douleurs
Christophe Perruchoud

Généralités bouche. Les intervalles et les doses sont adaptés à


la pharmacocinétique de chaque molécule afin de
En fonction des mécanismes qui les génèrent, on maintenir un taux sérique efficace et contrôler au
définit quatre types de douleurs, qui peuvent se mieux les pics douloureux. Les médicaments sont
combiner : les douleurs nociceptives, inflammatoires, donc prescrits à heures fixes (« by the clock »), plu-
neuropathiques et dysfonctionnelles. Cette distinc- tôt qu’à la demande, et des réserves sont prévues
tion est importante puisqu’elle guide le médecin en quantité suffisante (figure 18.2).
dans le choix d’un médicament antalgique « clas-
sique » (paracétamol, AINS, opiacés) pour le trai-
tement des douleurs nociceptives et inflammatoires, Le paracétamol
ou de médicaments adjuvants (antidépresseurs,
antiépileptiques) pour traiter les douleurs neuropa- Le paracétamol, aussi appelé acétaminophène, est
thiques et dysfonctionnelles. En 2009, le marché un dérivé de l’aniline (colorant) qui a été isolé à
mondial des médicaments analgésiques représentait la fin du xix siècle. Disponible aux États-Unis et
plus de 50 milliards USD, dont 2,4 milliards pour en Europe depuis 1955, il est rapidement devenu
les seuls médicaments contre les douleurs neuropa- l’analgésique le plus prescrit pour le traitement des
thiques. Les prédictions pour 2020 prévoient une douleurs aiguës et chroniques d’intensité faible à
augmentation de 3,6 milliards. modérée. Ses activités antipyrétique et analgésique
La montée en puissance d’un traitement antal- sont dues à l’inhibition de la cyclo-oxygénase
gique suit l’échelle de l’Organisation mondiale (COX) de type 2 (dose normale) et de type 1
de la Santé(OMS), initialement développée pour (haute dose). La synthèse des prostaglandines
la prise en charge des douleurs cancéreuses [1]. diminue principalement dans le système nerveux
L’analgésique est choisi en fonction de l’inten- central. Comparé aux AINS, le paracétamol a un
sité de la douleur en suivant les niveaux de effet anti-inflammatoire minime et n’influence pas
l’échelle (figure 18.1). Les thérapies intervention- la production de thromboxane. Une variante de
nelles (blocs, thermoablation, cryothérapie, etc.) l’enzyme COX, la COX-3, surtout présente dans
peuvent être réalisées simultanément. Les médica- le tissu cérébral, est spécifiquement inhibée par le
tions doivent être constamment adaptées à l’état paracétamol. Toutefois, cette enzyme ne semble
clinique du patient et à l’intensité des douleurs. pas être impliquée, du moins chez l’humain,
Les analgésiques doivent être administrés de dans la synthèse des prostaglandines et il est peu
manière régulière, dans la forme galénique la probable que son inhibition participe à l’effet
plus simple et, dans la mesure du possible, par la antalgique ou antipyrétique du paracétamol.

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
184 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 18.1. Échelle analgésique de l’Organisation mondiale de la Santé.

Figure 18.2. Variation de la concentration plasmatique lors d’administration à la demande et à heures fixes.

Des données animales suggèrent également une paracétamol inhibe les effets du NO, neurotrans-
action analgésique via les récepteurs 5-hydroxy- metteur impliqué dans la transmission nociceptive
tryptamine de type 3 (5-HT3) et une potentia- au niveau spinal.
lisation de l’activité inhibitrice descendante de Le paracétamol est métabolisé par le cyto-
la voie sérotoninergique [2]. Chez l’homme, le chrome hépatique P450 (isoenzyme CYP2E1),
tropisetron (antagoniste 5-HT3) administré en puis conjugué selon deux voies distinctes
même temps que le paracétamol, neutralise son (glucuro- ou sulfuroconjugaison) en N-acétyl-1,4-
effet antalgique [3]. benzoquinone imine hépatotoxique, et en
Le p-aminophénol, un métabolite actif du para- 3-hydroxy-acétaminophène. Le N-acétyl-1,4
cétamol, est un puissant activateur du récepteur -benzoquinone imine est rapidement détoxifié
vanilloïde TRPV1 à l’origine d’une augmentation par la glutathion S-transférase en un métabolite
des cannabinoïdes endogènes [4]. Finalement, le non toxique. L’élimination des métabolites est
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
18. Le traitement pharmacologique des douleurs 185

urinaire. Du fait de sa courte demi-vie d’élimi- et de 100 mg/kg en 16 h. Le traitement doit être
nation (1 à 3 h), 98 % d’une dose unique de instauré lorsque le taux d’ALAT est supérieur à
paracétamol sont éliminés après 24 heures. 50 U/l ou que le taux plasmatique de paracétamol
La dose de paracétamol efficace varie de est supérieur à 10 mg/l (66 mmol/l).
500 mg à 1 g toutes les 6 à 8 heures et ne doit
pas dépasser 4 g par jour. La dose et l’intervalle
dépendent du poids du patient ainsi que d’une Les anti-inflammatoires
éventuelle maladie hépatique. Ainsi, lors d’insuf- non stéroïdiens
fisance hépatocellulaire, d’éthylisme chronique ou
de dénutrition sévère, on limitera la dose à 3 g par Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
jour, voire moins. sont probablement les médicaments analgésiques
L’administration simultanée de paracétamol et de les plus anciens. L’utilisation de décoctions
morphine permet de diminuer les doses d’opiacés d’écorce de saule, précurseur de l’acide salicy-
d’environ 20 %. Les effets indésirables cardiaques, lique, est décrite dans des parchemins égyptiens.
digestifs ou rénaux sont quasiment inexistants lors À la fin du xix siècle, un chimiste allemand de la
de traitements courts. Une élévation transitoire et firme Bayer synthétise l’acide acétylsalicylique pur
cliniquement insignifiante des enzymes hépatiques qui deviendra l’aspirine. L’activité antipyrétique,
peut se produire chez 25 à 40 % des volontaires analgésique et anti-inflammatoire des AINS
sains ingérant des doses thérapeutiques de paracé- est due à leur action inhibitrice des différentes
tamol pendant 1 à 2 semaines [5]. En revanche, sa isoformes de la cyclo-oxygénase (COX) sur la
consommation quotidienne et prolongée accroît le cascade des prostaglandines. L’enzyme constitu-
risque d’hypertension, d’infarctus myocardique et tive COX-1 est responsable de l’élaboration des
d’insuffisance cardiaque. prostaglandines physiologiques, protectrices des
En cas de surdosage aigu ou de prise prolongée à muqueuses gastrique et rénale. L’enzyme induc-
dose suprathérapeutique, on s’expose à des risques tive COX-2 apparaît dans les foyers inflamma-
d’hépatotoxicité potentiellement létale. Le sur- toires et déclenche la synthèse de prostaglandines
dosage en paracétamol représente la cause princi- à action délétère. Les AINS qui inhibent sélec-
pale d’insuffisance hépatique aiguë dans le monde tivement la COX-2, mais préservent la COX-1,
occidental. L’overdose de paracétamol est traitée conserveraient l’activité anti-inflammatoire et
par un antidote, l’acétylcystéine (Fluimicil®). Les entraîneraient théoriquement moins d’effets
autres mesures thérapeutiques incluent le charbon indésirables sur la muqueuse gastrique et le rein.
actif (dose unique ou répétée), le lavage gastrique, La réalité est plus complexe, puisqu’on a constaté
l’hémodialyse précoce (dans les 12 heures) et la récemment que la COX-1 pouvait aussi être
méthionine. En cas d’insuffisance hépatique aiguë induite par l’inflammation, alors que la COX-2
sévère, il faut envisager une greffe hépatique. Les pouvait aussi être constitutive au niveau du rein
effets secondaires les plus fréquents de l’acétylcys- et du cerveau. Cela permettrait d’expliquer en
téine sont les réactions gastro-intestinales (nausées, particulier les effets secondaires similaires des
vomissements, diarrhées) et allergiques (urticaire, AINS non sélectifs et des inhibiteurs spécifiques
bronchospasme, choc anaphylactique). Le traite- de la COX-2 sur les reins.
ment du surdosage est fonction de la concen- Les AINS peuvent être classés en fonction de
tration plasmatique de paracétamol, du délai après leur structure chimique (tableau 18.1), de leur
l’ingestion (courbe de Prescott), ainsi que du sélectivité ou de leur demi-vie d’élimination.
taux d’enzymes hépatiques (LDH, ASAT et alAT). Il existe quatre catégories d’AINS selon leur
Bien qu’aucune étude ne spécifie la dose optimale degré de sélectivité et d’inhibition pour une
d’acétylcystéine, le traitement per os comprend isoforme donnée de COX :
généralement une dose de charge de 140 mg/kg, • Classe 1 : inhibiteurs sélectifs de la COX-1.
suivie de 70 mg/kg aux 4 h pendant 72 heures. Le L’aspirine à faible dose (100 à 300 mg) utilisée
traitement intraveineux commence par 150 mg/ comme antiagrégant plaquettaire fait partie de
kg administré en 1 h, suivi de 50 mg/kg en 4 h cette classe.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
186 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Tableau 18.1. Classification des anti-inflammatoires chez les patients de plus de 75 ans. Les manifes-
non stéroïdiens en fonction de la structure chimique. tations digestives sont les effets secondaires les
AINS non sélectifs (inhibition COX-1 et COX-2) plus connus et surtout les plus fréquents. Les
Salicylés Aspirine, Aspégic®, Diflunisal® symptômes peuvent être mineurs (dyspepsie,
Pyrazolés Phénylbutazone gastralgies, nausées, vomissements) ou sévères
Indoliques Indométacine, sulindac
(ulcères, hémorragies, perforations digestives).
Les risques digestifs augmentent avec l’âge
Dérivés aryl-carboxyliques Diclofénac, aceclofénac,
kétoprofène, ibuprofène, naproxène
(> 65 ans), avec les doses élevées, lors d’associations
médicamenteuses (avec des antiagrégants plaquet-
Fénamates Acide méfénamique, acide
niflumique taires, des anticoagulants ou des corticostéroïdes),
en présence d’une infection à Helicobacter Pylori
Oxicams Piroxicam, méloxicam
et d’antécédents d’ulcères gastriques. Les coxibes
AINS sélectifs (inhibition COX-2 seulement)
entraînent moins d’effets secondaires gastro-intes-
Coxibes Célécoxib, étoricoxib tinaux que les AINS non sélectifs, avantage effacé
par la prise simultanée de 100 mg d’aspirine.
• Classe 2 : inhibiteurs non spécifiques de La voie parentérale ne diminue pas le risque
la COX, représentés par les AINS classiques et digestif. Environ 30 % des patients traités avec
l’aspirine à haute dose. des AINS présentent une dyspepsie, 10 à 20 % des
• Classe 3 : inhibiteurs préférentiels de la COX-2, ulcères gastro-intestinaux et 1 % des complications
représentés par le méloxicam et le nimésulide. graves, comme des hémorragies ou des perfora-
Cette spécificité disparaît lors de l’adminis- tions digestives. En présence de facteurs de risque
tration à haute dose. gastro-intestinaux, l’adjonction d’un inhibiteur de
• Classe 4 : inhibiteurs spécifiques de la COX-2 la pompe à protons est fortement conseillée.
ou coxibes, représentés par le célécoxib et Comme les prostaglandines interviennent dans
l’étoricoxib. le maintien du débit de filtration glomérulaire, les
La troisième classification tient compte de la patients qui présentent une hypoperfusion rénale
demi-vie d’élimination de l’AINS qui conditionne préexistante (secondaire à une insuffisance car-
la fréquence d’administration : diaque, à une hypovolémie par déshydratation, à un
• Les AINS dont la demi-vie est inférieure à traitement diurétique, à un syndrome néphrotique
6 heures, nécessitent deux à trois administra- ou à une cirrhose décompensée) sont à haut risque
tions quotidiennes : ibuprofène, kétoprofène, de développer une insuffisance rénale. Ce risque est
diclofénac et acide niflumique. équivalent pour les coxibes et les AINS non sélectifs.
• Les AINS à demi-vie supérieure à 12 heures, dont Les réactions allergiques ou d’intolérance se
les oxicams et la phénylbutazone, ne requièrent manifestent par un prurit, un bronchospasme, une
en principe qu’une seule prise quotidienne. rhinite, un œdème de Quincke et des réactions
Les AINS sont des analgésiques efficaces dans le anaphylactiques. Les manifestations plus sévères
traitement des douleurs faibles à modérées. Leurs de type dermite bulleuse (syndrome de Stevens-
propriétés anti-inflammatoires peuvent avoir un effet Johnson et de Lyell) sont rares. Les céphalées,
analgésique adjuvant. Ils sont caractérisés par un les vertiges et les acouphènes sont souvent dus
effet plafond, au-dessus duquel l’augmentation de la aux dérivés indoliques, même aux posologies
dose n’approfondit pas l’analgésie. La dose à laquelle habituelles. Ces effets secondaires témoignent
se manifeste l’effet plafond varie d’un patient à également d’un surdosage à l’aspirine.
l’autre, ce qui nécessite une titration. Cela concerne Les complications hématologiques, associées
particulièrement les patients oncologiques chez qui principalement aux dérivés pyrazolés, incluent de
la pharmacocinétique des AINS peut être perturbée. rares neutropénies et thrombopénies, exception-
Responsables du quart des réactions indési- nellement des agranulocytoses.
rables déclarées, les AINS ont des effets secon- La polémique autour des effets cardiovasculaires
daires importants qui limitent leur utilisation. Les dus aux AINS a commencé avec les coxibes.
AINS et les coxibes ne sont pas recommandés Tous les AINS peuvent provoquer des œdèmes
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
18. Le traitement pharmacologique des douleurs 187

périphériques et une hypertension artérielle par l’activation des voies inhibitrices descendantes et
rétention hydrosodée et par action sur le système un effet sur les cyclo-oxygénases au niveau périphé-
rénine-angiotensine [6]. Les modifications de la rique et central. Le métamizole est un traitement
pression artérielle induites par les AINS sont légères alternatif lors de douleurs à composante spastique,
chez le patient normotendu, plus marquées chez le ou de contre-indication aux AINS (insuffisance
sujet hypertendu. L’augmentation de la pression rénale). Il n’a pratiquement pas d’effet sur la
artérielle dépend aussi du traitement antihyperten- fonction rénale, à de rares exceptions près, et
seur prescrit et de l’AINS utilisé : les diurétiques, les peu d’effet sur la muqueuse gastro-intestinale
inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les bêta- sauf à haute dose [7–9]. Il n’entraîne pas de
bloquants ont un effet plus marqué que les antical- complication cardiovasculaire. La complication la
ciques. L’hypertension artérielle est plus importante plus redoutée est l’agranulocytose, dont l’inci-
avec le naproxène, l’indométacine ou l’étoricoxib. dence, très variée, est estimée entre 1:1 439 et
La rétention hydrosodée, l’altération de la fonction 1:1 000 000 [10]. Lorsque le médicament est
rénale et l’élévation de la pression artérielle peuvent stoppé et la prise en charge appropriée, le taux
entraîner une insuffisance cardiaque. de mortalité est inférieur à 7 % [11]. Le risque de
Contrairement à l’aspirine, l’effet antiagrégant décéder d’une agranulocytose induite par le méta-
plaquettaire in vitro des AINS ne leur confère mizole est plus faible que le risque de mort cardio-
pas le statut de traitement préventif de complica- vasculaire induit par les AINS classiques.
tions cardiovasculaires. Certains AINS (ibupro-
fène, naproxène, célécoxibe, diclofénac) inhibent
l’effet de l’aspirine à faible dose en raison d’une Les opioïdes
compétition au niveau du site de liaison sur le
récepteur COX-1. Lors d’utilisation de coxibes, Le pavot à opium (Papaver somniferum) était
le risque thrombotique artériel est lié au déséqui- cultivé en Mésopotamie dès 3 400 avant J.-C. Le
libre entre la production de thromboxane A2 et terme opiacé se réfère à un mélange d’alcaloïdes
de prostacycline. Une dose de célécoxib inférieure obtenu naturellement à partir de la graine de
à 400 mg/jour n’entraîne pas une plus grande pavot (par exemple : morphine et codéine), alors
toxicité cardiovasculaire que les AINS classiques. que le terme opioïde est utilisé plus largement
Les AINS sont contre-indiqués en présence pour décrire tous les composés qui agissent au
d’ulcère gastroduodénal, d’insuffisance hépatique niveau des récepteurs opioïdes.
ou rénale, de risque hémorragique acquis ou Depuis la découverte des endorphines (mor-
inné, pendant le troisième trimestre de grossesse. phines endogènes) en 1975, plusieurs récepteurs
L’aspirine n’est pas recommandée en période et sous-types de récepteurs ont été identifiés. La
d’allaitement. La prudence est de mise lors de majorité des opioïdes exercent leur activité au
maladie cardiaque ou cérébrovasculaire. niveau du récepteur Mu et sont donc considérés
La prescription d’un AINS dépend du rapport comme des agonistes Mu. Les récepteurs Mu sont
risque-bénéfice, des contre-indications et des également dénommés OP3 ou MOR (morphine
risques d’interactions médicamenteuses. La poso- opioid receptors), les récepteurs Kappa, OP2 ou
logie minimale efficace et la durée d’utilisation KOR (kappa opioid receptors) et les récepteurs
doivent être respectées. L’utilisation à long terme Delta, OP1 ou DOR (delta opioid receptors).
des AINS est proscrite. Le récepteur Sigma-σ est responsable des effets
psychomimétiques, dysphorétiques et dépressifs
induits par le stress. Il est actuellement davantage
Le métamizole considéré comme un récepteur à la phencycli-
dine (PCP) qu’un récepteur opioïde. On trouve
Le dérivé pyrazolé métamizole (Novalgine®, des récepteurs opioïdes dans le système nerveux
Minalgine®) a des propriétés analgésiques, antipy- central et les tissus périphériques (tableau 18.2).
rétiques et spasmolytiques, mais n’a pas d’action Les récepteurs opioïdes se situent sur la terminai-
anti-inflammatoire. Son mécanisme d’action inclut son nerveuse présynaptique des fibres C et A-delta.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
188 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Tableau 18.2. Récepteurs opioïdes.


Récepteur Mu-µ Delta-δ Kappa-k Autres effets
Localisation Tronc cérébral Cerveau Système limbique Diencéphale
Thalamus médial Moelle épinière Tronc cérébral
Tractus digestif Ganglion spinal Moelle épinière
SNP
Effets primaireset Mu 1 : analgésie supraspinale, Analgésie supraspinale, Analgésie spinale,
secondaires euphorie analgésie spinale, effets sédation, dyspnée, effets
Mu 2 : sédation, nausées, psychomimétiques psychomimétiques,
vomissements, constipation, et dysphorétiques, myosis, dépression
dépression respiratoire, myosis, dépendance physique respiratoire, euphorie, effets
prurit, euphorie, anorexie, et psychologique dysphorétiques, dysesthésies
sécrétion prolactine, rétention
urinaire, dépendance physique
et psychologique
Endorphines
Enképhaline Agoniste Agoniste
β-Endorphine Agoniste Agoniste
Dynorphine A Agoniste Agoniste
Agonistes
Codéine Agoniste faible Agoniste faible
Tramadol Agoniste faible Agoniste faible SNRI
Morphine Agoniste Agoniste faible
Hydromorphone Agoniste Agoniste faible
Fentanyl Agoniste
Tapentadol Agoniste Agoniste Agoniste SNRI
Mépéridine Agoniste faible Agoniste
Méthadone Agoniste Anti-NMDA
Agonistes partiels
Buprénorphine Agoniste partiel Antagoniste
Agonistes-antagonistes
Nalbuphine Antagoniste Agoniste
Antagonistes
Naloxone Antagoniste Antagoniste faible Antagoniste
Naltrexone Antagoniste Antagoniste faible Antagoniste

Leur activation par un agoniste inhibe le relargage de méthyl-D-aspartate (NMDA). À l’inverse, une
neurotransmetteurs pronociceptifs (glutamate, subs- stimulation de ces mêmes récepteurs NMDA
tance P, calcitonin gene-related peptide), et active les peut être à l’origine d’une hyperalgésie et d’une
récepteurs présynaptiques des neurones GABA. Il tolérance. Les nociceptines endogènes (orpha-
en résulte une diminution de la sécrétion de GABA nines), identifiées en 1995, possèdent un puissant
et l’activation des fibres dopaminergiques (sensation effet hyperalgésique et agissent via les récepteurs
de plaisir ou de récompense). ORL-1 (opioid-receptor-like).
Les opioïdes peuvent également activer les Les opioïdes sont classés en fonction de leur affi-
voies inhibitrices descendantes sérotoninergiques nité (force d’interaction avec le récepteur) et de leur
et noradrénergiques, et antagoniser les récepteurs efficacité (force de l’effet). Un agoniste possède

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
18. Le traitement pharmacologique des douleurs 189

Figure 18.3. Efficacité (A) et puissance (B) des opioïdes.


A. Efficacité : agoniste pur > agoniste partiel > antagoniste. B. Puissance : opiacé A (puissant) > opiacé B
> opiacé C (faible).

l’affinité et l’efficacité, un agoniste partiel pos- La naltrexone est plus efficace en administration
sède l’affinité mais une efficacité partielle, un orale et possède une durée d’action plus longue.
antagoniste possède l’affinité mais pas d’effica-
cité (figure 18.3). Les opioïdes peuvent avoir des
affinités et des efficacités variables en fonction Métabolisme des opiacés
des sous-types de récepteurs (par exemple, ago-
niste-antagoniste). La plupart des opioïdes sont métabolisés au niveau
Les opioïdes agonistes purs (morphine) ont une hépatique par le cytochrome P450 (métabolisme
réponse analgésique linéaire dose-dépendante. de phase I), puis conjugués par sulfuro- ou
L’augmentation de la dose est essentiellement limi- glucuroconjuguaison (métabolisme de phase II).
tée par les effets secondaires, également dose-dépen- La famille du cytochrome CYPP450 contient plus
dants. En revanche, les opioïdes agonistes partiels de 2 500 isoenzymes, CYP3A4 et CYP2D6 étant
(buprénorphine) et les agonistes-antagonistes (pen- les plus impliqués dans le métabolisme. Les taux
tazocine, nalbuphine, butorphanol, nalorphine) ont de ces isoenzymes peuvent varier d’un facteur 30
un effet plafond au-delà duquel l’augmentation de d’un individu à l’autre, ce qui explique les grandes
la dose n’apporte pas d’analgésie supplémentaire, différences en termes de biotransformation de
mais seulement des effets secondaires. Ils peuvent prodrogue (codéine, par exemple) ou d’élimina-
également déclencher un syndrome de sevrage s’ils tion de substance-mère active (méthadone, par
sont administrés chez un patient traité par un exemple). Pour les mêmes doses de prodogue,
agoniste pur. De plus, les effets secondaires, et les métaboliseurs lents (5 à 13 % de la population
notamment la dépression respiratoire, ne sont que caucasienne, 1 à 2 % de la population asiatique
partiellement réversés par les antagonistes. et africaine) ne bénéficieront d’aucun ou de peu
La naloxone (Narcan®) et la naltrexone sont d’effet analgésique [12], alors que les métabo-
des antagonistes compétitifs au niveau central liseurs ultrarapides (2 à 10 % de la population
et périphérique pour les récepteurs Mu, Kappa et caucasienne, 1 à 2 % de la population asiatique et
Delta, avec une affinité particulière pour le récep- africaine) [13] seront très sensibles et présenteront
teur Mu. La naloxone a une faible biodisponi- des risques d’intoxication, voire de décès [14]. Le
bilité orale. En perfusion intraveineuse, le délai polymorphisme du gène OPRM1, encodant pour
d’action est rapide et la durée d’action courte : le récepteur Mu, contribue également à la grande
cela entraîne un risque de réintoxication en cas variation de sensibilité aux opioïdes (analgésie,
de surdosage d’opioïdes à longue durée d’action. tolérance et dépendance) entre les individus [15].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


190 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Tableau 18.3. Propriétés pharmacologiques des principaux opioïdes.


Mode Délai d’action Durée d’action Demi-vie Métabolism Métabolites (+) :
d’administration (min) (heure) (heure) (phase I) actif (-) : inactif
Tramadol PO (libération 30-45 4-6 5-7 CYP3A O-déméthyl-tramadol (+)
immédiate) CYP2D6
PO (libération 40 12-24
prolongée)
IV 10 4-6
Codéine PO 30-45 4-6 3 CYP2D6 Morphine (+)
CYP3A Codéïne-6-glucuronide (-)
Morphine PO (libération 30-60 4-7 2-3.5 CYP3A Morphine-6-glucuronide (+)
immédiate) glucuroconjugaison Morphine-3-glucuronide (-)
Normorphine (-)
PO (libération 1-3 h 12-24
prolongée)
SC/IM 30-60 4-6
IV 5 4
Hydromorphone PO (libération 30-60 3-4 2-3 Métabolisme Hydromorphone-3-
immédiate) de phase II glucuronide (-)
(glucuroconjugaison)
PO (libération 3h 12-24
prolongée)
SC 15 4-5
Oxycodone PO (libération 60 3-4 2-3 CYP3A Noroxycodone (-)
immédiate) CYP2D6 Oxymorphone (+)
PO (libération 2-4 h 12
prolongée)
Fentanyl IV 3-5 0,5-1 3-4 CYP3A4 Norfentanyl (-)
Transdermique 12-24 h 72
Transmuqueux 5-10 1-3
Buprénorphine Sublinguale 30-90 6-8 3-5 CYP3A4 Buprénorphine-3-
glucuronide (+)
Transdermique 11-21 h 72-96
Nor-bupré-norphine-3-
SC 30-60 6-8 glucuronide (+)
Tapentadol PO (libération 30 4-6 4 Métabolisme Tapentadol-O-glucuronide (-)
immédiate) de phase II N-desmethyl tapentadol (-)
(glucuroconjugaison) Hydroxy-tapentadol (-)
PO (libération 2-4 h 12
prolongée)
Mépéridine PO 15-30 2-3 3-4 CYP3A4 Nor-mépéridine (-)
Métabolisme
IV 10-15 2
de phase II
(glucuroconjugaison)
Méthadone PO 2h 2-10 13-47 CYP3A4 2-éthylidène-1,5-dimé-
CYP2B6 thyl-3,3-diphényl-
SC/IM 10-20 24 (en dose
CYP2D6 pyrrolidine (EDDP) (-)
répétée)

L’index thérapeutique étroit des opioïdes, nombreuses interactions médicamenteuses


leur toxicité, les effets secondaires sévères et qui rendent leur utilisation parfois difficile
potentiellement mortels, leur grande varia- (tableaux 18.3 et 18.4). Les effets secon-
bilité interindividuelle, expliquent le risque daires des opioïdes sont résumés dans le
de dépendance, d’addiction, ainsi que les tableau 18.5.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
18. Le traitement pharmacologique des douleurs 191

Tableau 18.4. Principaux inducteurs et inhibiteurs des cytochromes impliqués dans le métabolisme des opioïdes.
Inhibiteur CYP450 Inducteur CYP450
CYP2D6 CYP3A CYP2B6 CYP3A CYP2B6
Amiodarone Amiodarone Clopidogrel Carbamazépine Carbamazépine
Celecoxib Chloramphénicol Ticlopidine Dexaméthasone Phénobarbital
Citalopram Ciprofloxacine Voriconazole Oxcarbazépine Phénytoïne
Duloxétine Clarithromycine Phénobarbital Rifampicine
Fluoxétine Diltiazem Phénytoïne
Méthadone Fluconazole Rifampicine
Métoclopramide Fluoxétine
Paroxétine Kétoconazole
Quinidine Vérapamil
Sertraline

Tableau 18.5. Effets secondaires des opioïdes cytochrome CYP2D6 pour exercer leur action
en fonction de leur fréquence. analgésique. Ces deux substances ont la même
Fréquents Occasionnels Rares puissance analgésique.
Nausées Hallucinations Dépression Seuls 2 à 10 % de la codéine sont métabolisés en
Vomissements Troubles de respiratoire morphine par le CYP2D6 et le CYP3A4, le reste
Constipation l’humeur Délire étant principalement métabolisé en codéine-6-
Sédation Anxiété Convulsions
Vertiges Prurit Hyperalgésie glucuronide, dépourvue d’action analgésique signi-
Troubles cognitifs Myoclonies Allodynie ficative. Lors d’administration de tramadol chez les
Myosis Sécheresse buccale Spasme biliaire métaboliseurs lents, la diminution de l’effet analgé-
Rétention urinaire Stase gastrique Œdème pulmonaire sique se fera au profit de l’inhibition du recaptage
Bronchoconstriction non cardiogénique
Tolérance de la sérotonine et noradrénaline [17].
Dépendance Les effets secondaires du tramadol et de la
physique codéine sont similaires à ceux des autres opioïdes
Addiction agonistes. Le tramadol semble entraîner moins de
dépression respiratoire et moins de constipation.
En revanche, les nausées sont plus fréquentes
Opioïdes de palier 2 : (effet sérotoninergique). Le risque de syndrome
tramadol et codéine sérotoninergique est corrélé à la dose, à l’âge du
patient et à l’administration d’autres médicaments
Le tramadol, analogue de la codéine, est un inhibant le recaptage de la sérotonine (IMAO,
opioïde atypique de par ses propriétés d’agoniste ISRS, inhibiteurs de la CYP2D6). Le tramadol
partiel Mu et d’inhibiteur de la recapture de la peut également déclencher des crises d’épilepsie.
noradrénaline et de la sérotonine (IRSN). Indi-
qué dans le traitement les douleurs modérées, le
tramadol est régulièrement utilisé lors des syn- Opioïdes de palier 3
dromes de sevrage [16].
Substance isolée en 1832, la codéine est le pro- Morphine
totype de l’opiacé faible. Sa puissance analgésique Les propriétés hydrophiles de la morphine expli-
est d’environ 50 % celle de la morphine, avec une quent pourquoi seulement 50 % de la dose admi-
demi-vie de 2,5 à 3 heures. nistrée par voie orale atteint le système nerveux
Le tramadol et la codéine sont des prodrogues central. La demi-vie d’élimination est de 2 heures
qui doivent d’abord être métabolisées par le environ.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
192 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

La morphine est métabolisée en morphine-6- d’action de la formule transdermique (Durogé-


glucuronide et en morphine-3-glucuronide dans sic®) est de 12 à 24 heures après l’application,
un rapport de 6:1. Seule 5 % de la morphine est l’équilibre est atteint en 3 à 6 jours, et une poche
métabolisée en normorphine. Contrairement à sous-cutanée peut persister jusqu’à 24 heures
la morphine-3-glucuronide et à la normorphine, la après le retrait du patch.
morphine-6-glucuronide est un métabolite actif
plus puissant que la substance mère, susceptible Mépéridine
de s’accumuler en cas d’insuffisance rénale. La
La mépéridine (Péthidine®) est un agoniste
morphine-3-glucuronide peut induire, à haute
faible Mu dont la puissance analgésique équi-
concentration, un état hyperalgésique. Une faible
vaut à environ 10 % de celle de la morphine.
proportion de la morphine est transformée en
La mépéridine possède également des propriétés
codéine et en hydromorphone.
anticholinergiques et d’anesthésique local. Elle est
métabolisée en normépéridine, composé neuro-
Oxycodone
toxique, dont l’accumulation peut provoquer une
L’oxycodone (Oxycontin®) est actif sur plusieurs dépression respiratoire sévère, une hyperthermie,
récepteurs opioïdes dont le récepteur Kappa. Per des myoclonies, un trémor, un syndrome d’exci-
os, il a une biodisponibilité élevée et une demi- tation du système nerveux central et des convul-
vie d’élimination de 2,5 à 3 h. La durée d’action sions. Ces effets secondaires sont plus marqués
de la forme retard est de 12 h, celle de la forme chez les patients insuffisants rénaux ou traités par
rapide est de 3 h. L’oxycodone est métabolisée en IMAO (inhibiteur de la mono-amine-oxydase), et
de nombreux composés éliminés dans les urines, ne sont pas antagonisés par la naloxone.
dont les principaux sont l’oxymorphone et la
noroxycodone (1 % de la puissance analgésique de Méthadone
l’oxycodone). Il n’est pas considéré comme une
prodrogue même si certains de ses métabolites La méthadone possède des propriétés agoniste Mu
sont actifs. L’oxymorphone (10 % des métabo- et antagoniste NMDA. Il s’agit d’un mélange de
lites totaux) dépend du cytochrome CYP2D6 et deux énantiomères, la R-méthadone, dont l’affi-
la noroxycodone (80 % des métabolites totaux) nité pour le récepteur Mu est 10 fois plus puis-
du CYP3A. sante, et la S-méthadone, responsable de l’effet
anti-NMDA, également inhibiteur de la recapture
Hydromorphone de la sérotonine et noradrénaline (IRSN). Sa
flexibilité de dosage, son faible coût et ses pro-
L’hydromorphone (Palladon®) agit principale- priétés anti-NMDA et IRSN font de cet opioïde
ment sur le récepteur Mu, et de manière moins une molécule très intéressante dans le traitement
marquée sur le récepteur Delta. Sa puissance des douleurs chroniques. Toutefois, le large usage
est 7 à 11 fois supérieure à celle de la morphine. de la méthadone dans le sevrage des toxicomanes
L’hydromorphone est métabolisée en hydromor- lui a conféré une image négative.
phone-3-glucuronide qui, comme la morphine-3- Grâce à son caractère lipophile, la biodispo-
glucoronide, est dépourvue d’effet analgésique, nibilité de la méthadone per os est excellente.
mais peut induire, à haute concentration, une Le polymorphisme génétique explique la grande
allodynie, des myoclonies et des convulsions. variabilité de demi-vie observée entre les indivi-
dus. La méthadone est redistribuée dans le tissu
Fentanyl graisseux, ce qui lui confère une longue demi-vie
Le fentanyl est un puissant agoniste Mu, approxi- d’élimination (entre 12 et 150 heures). Elle est
mativement 80 à 100 fois plus puissant que la métabolisée par le foie (CYP3A4 et CYP2D6) et
morphine. Hautement lipophile, il est métabolisé les intestins. Les métabolites, tous inactifs, sont
par le cytochrome CYP3A en métabolites inactifs presque exclusivement éliminés dans les selles. À
et non toxiques dont le norfentanyl. Le délai doses > 60 mg/j, la méthadone est associée à un

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
18. Le traitement pharmacologique des douleurs 193

risque de torsade de pointes sur allongement du par phosphorylation, ce qui entraîne une baisse
segment QT. d’affinité et d’efficacité de la transduction. Le
nombre de récepteurs opioïdes à la surface de la
Buprénorphine cellule est également régulé à la baisse par inter-
nalisation des récepteurs.
Grâce à ses caractéristiques hautement lipophiles, La dépendance physique se caractérise par
la buprénorphine (Temgésic®) per os a une excel- l’apparition de troubles physiques à l’arrêt du
lente biodisponibilité. Elle est métabolisée par le médicament ou lors d’administration d’un anta-
cytochrome CYP3A4. Son administration à des goniste. Le développement de la dépendance phy-
patients traités par des agonistes purs est contre- sique aux opioïdes implique le système nerveux
indiquée en raison du risque de syndrome de central. Le locus coeruleus, riche en récepteurs
sevrage. Un surdosage entraîne une dépression opioïdes Mu, est le lieu d’origine des neurones
respiratoire qui nécessite des hautes doses de noradrénergiques qui se projettent au niveau du
naloxone. système limbique. La stimulation électrique de ces
neurones noradrénergiques déclenche des symp-
Tapentadol tômes comparables à ceux qui surviennent lors du
Le tapentadol est un opioïde de moyenne puis- sevrage aux opioïdes. L’activation chronique des
sance, qui allie des propriétés d’agoniste Mu et récepteurs opioïdes Mu du locus coeruleus induit
d’inhibiteur de la recapture de la noradrénaline. une augmentation de l’activité des neurones
Il se lie également aux récepteurs Delta et Kappa. noradrénergiques. À l’inverse, la clonidine ou
Sa structure chimique est distincte de celle du la dexmédétomidine, agonistes alpha-2 centraux,
tramadol. Il est essentiellement glucuroconjugué diminuent l’activité des neurones noradréner-
en métabolites inactifs. Toutefois, lors d’accumula- giques et sont capables d’atténuer les symptômes
tion importante, le tapentadol-O-glucuronide peut du sevrage aux opiacés. Les récepteurs opioïdes
éventuellement déclencher des crises d’épilepsie. Delta sont également impliqués dans la dépen-
dance physique aux opioïdes.
Certains patients éprouvent un sentiment
Tolérance, dépendance d’euphorie lors de la prise d’opioïdes, qu’ils
et addiction aux opioïdes décrivent comme une sensation de plénitude ou
d’absence d’inquiétude. Cet effet est indépendant
La tolérance, ou accoutumance, est un méca- de l’effet analgésique des opioïdes et ne se pro-
nisme physiologique qui se manifeste par la duit que chez une faible proportion de patients.
diminution ou l’épuisement de la réponse à un On dit qu’un patient a une addiction ou une
médicament au fur et à mesure que l’organisme dépendance psychologique quand il recherche
y est exposé. Cette réaction implique que l’orga- compulsivement cet effet euphorique malgré
nisme supporte mieux les effets du médicament, les difficultés et les problèmes qu’engendre ce
et que, pour retrouver les effets obtenus en début comportement. De plus, la tolérance à cet effet
de traitement, il faut augmenter la dose. La euphorique se développe rapidement, poussant le
tolérance à un opioïde peut se développer pour patient dépendant à augmenter constamment les
tous ses effets pharmacologiques ou seulement doses. La dépendance aux opioïdes prescrits par
pour une partie d’entre eux (tolérance partielle). des médecins et les décès par surdosages ont aug-
Par exemple, une tolérance aux effets analgésiques menté dramatiquement en Amérique du Nord au
et dépresseurs respiratoires peut survenir en cours des 10 dernières années. Selon une récente
l’absence d’une tolérance à l’effet constipant. Les méta-analyse, 3,3 % des patients traités avec
opioïdes ont une action beaucoup plus longue des opioïdes pour des douleurs chroniques non
que les endorphines endogènes qui sont dégra- cancéreuses présentaient une dépendance. Les
dées en quelques minutes. Lors d’un traitement comportements déviants avaient une prévalence
prolongé, les récepteurs Mu sont désensibilisés de 11,5 % [18]. Le diagnostic d’une addiction est

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


194 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

souvent difficile, car les patients hésitent souvent à le médicament est inefficace (métaboliseur lent)
parler de leurs symptômes et des comportements ou en présence d’effets secondaires exagérés
associés. (métaboliseur ultrarapide). S’il est disponible,
Les neurones dopaminergiques qui proviennent un génotype peut être proposé pour guider la
de l’aire tegmentale ventrale et se projettent rotation vers un opioïde mieux adapté. En cas
dans le noyau accumbens sont impliqués dans la de douleurs chroniques à composante neuropa-
dépendance psychologique aux opioïdes. L’admi- thique, un opioïde possédant des propriétés IRSN
nistration chronique d’opioïdes augmente la libé- (tapendatol, tramadol) ou antagoniste NMDA
ration de dopamine dans le noyau accumbens (méthadone) peut être plus efficace.
via la stimulation des récepteurs opioïdes Mu Les comportements abusifs peuvent se manifes-
et Delta. La stimulation des récepteurs opioïdes ter par une consommation supérieure à la pres-
Kappa préviendrait l’apparition d’une addiction cription, par la perte récurrente de médicaments et
aux opioïdes. L’effet stimulateur des opioïdes d’ordonnances, ou encore par l’utilisation détour-
sur les neurones dopaminergiques s’exerce par née des comprimés (en administration intravei-
l’inhibition de la neurotransmission GABA. Le neuse, par exemple). Des antécédents d’abus ou
baclofène, un agoniste GABA, est utile pour d’addiction à d’autres molécules (alcool, mari-
lutter contre les phénomènes de dépendance psy- juana, benzodiazépines) constituent un facteur
chologique. de risque. La prescription de formules combinant
un opioïde et de la naloxone prévient l’utilisa-
Rotation des opioïdes tion intraveineuse abusive. Certains opioïdes sont
également disponibles en comprimés résistants à
Lorsqu’on met en route un traitement par opioïde, l’écrasement ou à la dissolution dans un liquide.
il faut en contrôler l’efficacité, de même que la Les opioïdes agonistes-antagonistes (buprénor-
compliance des patients, les effets secondaires et phine) et les agonistes associés à de la naloxone
un éventuel comportement d’utilisation abusive. exercent moins d’effets subjectifs positifs (plaisir
Dans certains cas, une réponse insuffisante, des intense, euphorie ou sensation de légèreté), ce qui
effets secondaires insupportables ou l’apparition les rend moins attractifs pour les toxicomanes. De
d’une tolérance à un opioïde donné nécessitent plus, à l’instar des agonistes partiels, ces opioïdes
qu’il soit substitué par rotation avec une autre présentent un effet plafond, ce qui signifie que
molécule potentiellement mieux adaptée aux leur efficacité est limitée en dessus d’une certaine
besoins du patient. L’accumulation de métabo- dose. En cas d’abus avérés, un sevrage s’impose.
lites toxiques ou de composés responsables d’une La conversion de la dose peut être calculée
hyperalgésie induite par les opioïdes peut égale- en utilisant des tabelles publiées (calculateurs en
ment justifier une rotation. De la même manière ligne, applications pour smartphones). Les cal-
qu’il n’existe pas de base scientifique claire pour culateurs le plus souvent utilisés sont le Johns
choisir un opioïde plutôt qu’un autre en début Hopkins Opioid Conversion Program Calculator,
de traitement, il n’en existe pas non plus pour le GlobalRPH calculator et le Practical Pain
choisir un nouvel opioïde lors d’une rotation. Le Management Opioid Calculator.
choix est principalement basé sur les préférences Les grandes variations interindividuelles et
et les habitudes du prescripteur, sur les différentes la tolérance croisée incomplète entre les diffé-
formules disponibles et les caractéristiques du rents opioïdes rendent les équivalences de doses
patient. Comme le métabolisme et certains effets approximatives et difficiles à établir. Lors de la
secondaires peuvent être spécifiques à un opioïde substitution d’un opioïde par un autre, ou du
donné, il faut tenir compte des comorbidités changement de voie d’administration, les doses
cardiovasculaires (intervalle QT, par exemple), équivalentes calculées sont d’autant plus approxi-
rénales et hépatiques. matives que les doses sont importantes. Lors
Lors de l’utilisation d’une prodrogue, il faut du calcul de conversion, il convient donc de
suspecter un polymorphisme génétique lorsque faire preuve de prudence en réduisant la dose

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
18. Le traitement pharmacologique des douleurs 195

« équivalente » de 25 à 50 % et en recourant à des Tableau 18.6. Signes et symptômes fréquents lors


doses de réserve en cas de sous-dosage. Les doses de sevrage aux opioïdes.
de réserve doivent représenter 10 à 15 % de la
Symptômes Signes
dose journalière totale et être administrées selon
Anxiété Bâillements
un mode de libération rapide. Lorsqu’un patient a
besoin d’au moins trois doses de réserve par jour, Frissons Mydriase
il faut augmenter la dose de base quotidienne. Sensation chaud-froid Tremblements
Nausées Larmoiement
Vomissements Écoulement nasal
Sevrage des opioïdes
Crampes musculaires Diaphorèse
Avant de prescrire un opioïde, une stratégie alter- Douleurs abdominales Piloérection (chair de poule)
native devrait toujours être considérée et discutée Insomnie Agitation
avec le patient. Un sevrage peut être décidé en Irritabilité Tachycardie
cas de réponse inadéquate ou de comportement Troubles de la concentration Leucocytose
abusif. Le sevrage d’un opioïde s’accompagne
Éosinopénie
de la disparition de l’hyperalgésie induite par les
Hyperglycémie
opioïdes, d’une amélioration de l’humeur et de
l’état de vigilance. Le sevrage peut être inten-
tionnel ou involontaire (réduction de la dose lors la dysphorie peuvent toutefois persister pendant
d’une rotation ou prescription d’un antagoniste plusieurs semaines, voire quelques mois. Les
ou d’un agoniste partiel). Le sevrage peut éga- signes objectifs du sevrage sont généralement
lement avoir lieu entre les doses et se manifester observés en cas d’arrêt brutal de fortes doses
par de l’irritabilité ou des douleurs généralisées d’opioïdes puissants. La Clinical Opiate With-
avant la prise de la dose suivante. Les signes drawal Scale est une échelle qui permet d’évaluer
et les symptômes d’un sevrage sont résumés la sévérité des signes et des symptômes liés au
dans le tableau 18.6. L’apparition d’un syndrome sevrage (tableau 18.7) [19].
de sevrage signifie que le patient a développé Le sevrage intentionnel est planifié et réalisé
une dépendance physique, accompagnée ou non sous surveillance médicale. Il peut être brutal
d’une accoutumance psychologique (addiction). (méthode appelée « cold turkey ») ou progres-
Les symptômes physiques apparaissent 6 sif. Le sevrage brutal nécessite un soutien actif,
à 24 heures après la dernière dose, atteignent médical et psychologique, souvent en milieu hos-
leur paroxysme au bout de 2 ou 3 jours, et se pitalier. Le taux de rechute est réputé élevé. Le
résorbent en grande partie dans un délai de 5 sevrage progressif dure plusieurs semaines. Les
à 10 jours. L’état de manque, l’insomnie et doses d’opioïdes sont réduites de 10 à 20 %

Tableau 18.7. Échelle clinique de sevrage aux opioïdes.


Nom du patient______________________________ Date et heure de l’examen : …./…./…
Motif de l’examen____________________________
Fréquence cardiaque de repos _______battements/minute Troubles gastro-intestinaux
Mesurée après 1 minute de repos en position assise ou couchée Au cours de la dernière demi-heure
0. Fréquence cardiaque ≤ 80 battements/minute 0. Absence de symptôme gastro-intestinal
1. Fréquence cardiaque entre 81 et 100 battements/minute 1. Crampes d’estomac
2. Fréquence cardiaque entre 101 et 120 battements/minute 2. Nausées ou selles molles
4. Fréquence cardiaque > 120 battements/minute 3. Vomissements ou diarrhées
5. Multiples épisodes de diarrhées ou de vomissements 

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


196 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

 Sudations Tremblements
Au cours de la dernière demi-heure, sans relation avec la tempéra- Examen des mains tendues
ture ambiante ou l’activité du patient
0. Le patient ne signale ni frissons ni sensation de chaleur 0. Absence de tremblement
1. Le patient signale des frissons ou une sensation de chaleur 1. Un tremblement est perçu mais n’est pas visible
2. L’examinateur observe un visage rouge ou moite 2. Tremblement fin visible
3. Perles de sueur sur le front ou le visage 4. Tremblement important ou contractions musculaires
4. Visage ruisselant de sueur
Agitation Bâillements
Telle qu’observée pendant l’examen Tels qu’observés pendant l’examen
0. Le patient est capable de rester assis tranquillement 0. Absence de bâillement
1. Le patient signale des difficultés à rester assis tranquillement, 1. Un ou deux bâillements pendant l’examen
mais il est capable de le faire
3. Le patient change fréquemment de position ou présente des 2. Plus de trois bâillements pendant l’examen
mouvements parasites des jambes ou des bras
5. Le patient est incapable de rester immobile plus de quelques 4. Bâillements plusieurs fois par minute
secondes
Diamètre pupillaire Anxiété ou Irritabilité
0. Pupilles punctiformes ou de taille normale pour la luminosité 0. Aucune anxiété ou irritabilité
ambiante
1. Pupilles éventuellement plus larges que normales dans la 1. Le patient signale une anxiété ou une irritabilité croissante
luminosité ambiante
2. Pupilles modérément dilatées 2. Le patient est manifestement anxieux ou irritable
5. Pupilles dilatées au point que seul le bord de l’iris est visible 4. Le patient est si irritable ou si anxieux que sa participation
à l’examen est difficile
Douleurs osseuses ou articulaires Chair de poule
Ne tenir compte que de douleurs imputables au sevrage
0. Absence de douleur 0. La peau est lisse
1. Inconfort léger et diffus 3. Piloérection perceptible sur les bras
2. Le patient signale des douleurs articulaires et musculaires 5. Piloérection marquée
diffuses mais sévères
4. Le patient masse ses articulations ou ses muscles et est
incapable de rester tranquillement assis à cause de l’inconfort
Écoulement nasal ou larmoiement Score total___________ = somme des 11 éléments
Sans relation avec des symptômes grippaux ou des allergies Scores de sevrage
0. Absence d’écoulement nasal ou de larmoiement 5-12 : léger
1. Congestion nasale ou yeux anormalement humides 13-24 : modéré
2. Écoulement nasal ou larmoiement 25-36 : modérément sévère
4. Écoulement nasal ininterrompu ou ruissellement de larmes > 36 : sévère
Pour chaque signe ou symptôme, entourez le chiffre qui correspond le mieux à la description du patient. N’évaluez que la relation directe avec le sevrage aux
opioïdes. Par exemple, une tachycardie due à un effort physique (jogging) juste avant l’examen ne doit pas être prise en compte.
Extrait de Wesson DR, Ling W. Psychoactive Drugs, 2003, Apr-Jun ; 35 (2) : 253-259.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
18. Le traitement pharmacologique des douleurs 197

chaque semaine. Les symptômes de sevrage sont En l’absence complète d’effet primaire ou en
traités par AINS (myalgies, frissons), antidiar- présence d’effets secondaires importants, il est
rhéiques et anxiolytiques (agitation, angoisse). La justifié de choisir un médicament d’une autre
clonidine, la lofexidine ou la dexmédétomidine classe thérapeutique d’efficacité égale. Lorsqu’un
(agonistes alpha-2-centraux) atténuent les symp- traitement n’est que partiellement efficace, les
tômes de sevrage. associations médicamenteuses suivantes sont
admises : antidépresseur tricyclique et antiépilep-
tique, inhibiteur de la recapture de la sérotonine
Traitement pharmacologique et noradrénaline et antiépileptique, opiacé et
de la douleur neuropathique antiépileptique. L’association de tramadol avec
un antidépresseur (tricyclique, inhibiteur de la
En raison de leurs effets secondaires, les médi- recapture de la sérotonine et de la noradrénaline)
caments contre la douleur neuropathique sont est contre-indiquée en raison du risque de syn-
administrés d’abord à faibles doses. La posologie drome sérotoninergique. La combinaison de deux
augmente tous les 5 à 7 jours en fonction de la antidépresseurs de la même classe est également
tolérance et de l’efficacité (titration). Le trai- déconseillée. En cas de douleurs d’origine mixte,
tement se prolonge plusieurs mois (≥ 6 mois), il ne faut pas oublier de traiter la composante
au cours desquels la tolérance et l’efficacité sont nociceptive ou inflammatoire par les analgésiques
régulièrement évaluées. Les doses sont progres- appropriés.
sivement réduites après 6 à 8 mois de traitement Le patient doit être averti du fait que ces
efficace à doses constantes. médicaments sont prescrits pour leurs propriétés

Tableau 18.8. Principales molécules utilisées dans la prise en charge de la douleur neuropathique et dysfonctionnelle.
Substance Exemple Dose initiale Palier de titration Dosage efficace Prise par jour *
Antiépileptiques
Prégabaline Lyrica® 50-75 mg 50-75 mg 150-600 mg 2à3
Gabapentine Neurontin® 300 mg 100-300 mg 900-3 600 mg 3
Clonazépam Rivotril® 0,5 mg 0,5 mg 0,5-1,5 mg 1à3
Carbamazépine Tégrétol® 200 mg 100 mg/2 j 800-1 200 mg 3à4
Antidépresseurs tricycliques
Amitriptyline Saroten® 10-25 mg 10-25 mg 50-150 mg 1à2
Imipramine Tofranil® 25 mg 25 mg 25-75 mg 1à2
Clomipramine Anafranil® 10 mg 10 mg 30-50 mg 1à2
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN)
Duloxétine Cymbalta® 30 mg 30 mg 60-120 mg 1à2
Venlafaxine Efexor® 37,5 mg 37,5 mg 75-225 mg 1à2
Antidépresseurs par antagonisme central des récepteurs α2-présynaptiques
Mirtazapine Remeron® 15 mg 15 mg 15-45 mg 1à2
Miansérine Tolvon® 30 mg 15 mg 60-90 mg 1à2
Agonistes dopaminergiques
Pramipexole Sifrol® 0,125 mg 0,125 mg 0,125-0,75 mg 1
Mémantine Axur® 5 mg 5 mg 20 mg 1
* La dose thérapeutique peut être divisée et répartie en plusieurs prises journalières.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


198 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

analgésiques et non pour leurs effets antidépres- Antidépresseurs tricycliques


seurs ou antiépileptiques. Il convient également
de l’informer du risque d’effets secondaires, de L’efficacité des antidépresseurs tricycliques est
l’efficacité souvent partielle du traitement de la largement démontrée dans le traitement des dou-
douleur, du délai d’action des médications leurs neuropathiques périphériques, comme la
(jusqu’à plusieurs semaines) et de l’importance neuropathie diabétique douloureuse ou la névral-
d’une prise régulière et sytématique (compliance). gie postherpétique [21–23].
La majorité des effets secondaires apparaissent Abstraction faite des neuropathies douloureuses
lors de l’augmentation des doses et sont souvent associées au VIH ou au cancer, l’amitriptyline est
réversibles. Les traitements et dosages sont résu- efficace chez près de 25 % des patients souffrant de
més dans le tableau 18.8. douleurs neuropathiques. Les tricycliques agissent
principalement sur les voies descendantes inhibi-
trices noradrénergiques. Ils possèdent également
Antiépileptiques des propriétés sérotoninergiques, stabilisatrices de
membrane, et des effets directs sur les récepteurs
L’efficacité de la gabapentine et de la prégaba- bêta-2-adrénergiques [24]. Ils n’ont en revanche
line est largement établie dans le traitement des pratiquement aucun effet sur la recapture de la
douleurs neuropathiques diabétique et posther- dopamine.
pétique. La carbamazépine et la phénytoïne sont Les effets indésirables sont dose-dépendants.
les médicaments de première intention dans le En raison de leurs propriétés anticholinergiques,
traitement de la névralgie du trijumeau. Les anti- les effets secondaires des tricycliques incluent
épileptiques agissent sur les phénomènes de sensi- fréquemment la sécheresse de bouche, la consti-
bilisation centrale par une action sur la sous-unité pation, des épisodes de transpiration profuse,
alpha-2-delta des canaux calciques [20]. Impres- des troubles visuels, des palpitations, la rétention
sion vertigineuse, somnolence, fatigue, prise de urinaire, des troubles cognitifs, des états confus,
poids, œdèmes périphériques, céphalées et bouche l’hypotension orthostatique et des risques de
sèche représentent les effets indésirables les plus chutes notamment chez le sujet âgé. Le traite-
fréquents. La pharmacocinétique linéaire de la ment commence généralement par une petite
prégabaline lui confère une efficacité dose-réponse dose à l’heure du coucher. Il est augmenté par
qui n’a jamais été établie pour la gabapentine, paliers jusqu’à la dose thérapeutique efficace, qui
mais sa tolérance n’est pas meilleure, notamment varie de 25 à 150 mg. Dans les essais cliniques, la
aux doses maximales de 600 mg/jour [10]. dose médiane efficace est de 75 mg/jour.
Les doses efficaces de gabapentine sont de 900
à 3 600 mg/jour, de 150 à 600 mg/jour pour
la prégabaline (les effets d’une dose de 150 mg/ Antidépresseurs inhibiteurs
jour sont inconstants). L’efficacité et les effets de la recapture de la sérotonine
indésirables des deux molécules sont similaires. et de la noradrénaline
L’augmentation des doses suit des paliers hebdo-
madaires de 50 à 75 mg pour la prégabaline, de Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture
300 mg pour la gabapentine. La surveillance de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN),
de leurs taux plasmatiques ne présente aucun venlafaxine et duloxétine, sont très efficaces dans
intérêt quand ils sont utilisés comme antalgiques. le traitement des neuropathies périphériques dia-
En ce qui concerne la carbamazépine, de nom- bétiques. Ils potentialisent les neurotransmetteurs
breuses interactions médicamenteuses (contra- des voies descendantes inhibitrices de la douleur.
ceptifs et certains macrolides) compliquent son Les effets indésirables les plus fréquents de
administration. L’hémogramme et la numération la duloxétine incluent les nausées, la constipa-
des enzymes hépatiques doivent être contrôlés au tion ou les diarrhées, l’inappétence, la séche-
cours d’un traitement de longue durée. resse de bouche et la somnolence. Quelques cas

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
18. Le traitement pharmacologique des douleurs 199

d’augmentation du taux d’enzymes hépatiques, chroniques neuropathiques, la sclérose en plaque,


d’hypertension artérielle et d’hémorragies diges- l’arthrite rhumatoïde et la neuropathie doulou-
tives ont été rapportés dans la littérature. La reuse du HIV étaient traitées de manière plus
duloxétine est contre-indiquée lors d’hépatopathie efficace par les cannabinoïdes que les douleurs
sévère ou d’hypertension artérielle mal contrôlée. aiguës [25].
Une élévation de la tension artérielle et des Le Canada a été le premier (2005) à approuver
anomalies cliniquement significatives de l’ECG la prescription de dronabinol (Sativex®), dont les
ont été rapportées chez 5 % des patients traités par principes actifs sont le THC et le cannabidiol, et
des doses élevées de venlafaxine (150-225 mg/j). qui s’administre en spray nasal ou en comprimé
Progressivement titrées par palier de 30 mg, sublingual (transmuqueux). Le nabilone (Cesa-
les doses efficaces de duloxétine sont comprises met®) est un dérivé synthétique du THC. La
entre 60 à 120 mg/j. Seules les doses élevées de synergie avec le système opioïde semble indiquer
venlafaxine sont efficaces (150-225 mg/j). que les cannabinoïdes pourraient exercer un effet
d’épargne morphinique, potentialiser les effets
analgésiques des opioïdes et limiter les problèmes
Agonistes dopaminergiques de tolérance. Des données récentes indiquent une
synergie possible avec les AINS, à l’origine d’une
Cette classe de médicaments a été étudiée prin-
augmentation de leurs effets [26].
cipalement dans le traitement du syndrome des
jambes sans repos ou de la fibromyalgie.

Les antagonistes NMDA


Les cannabinoïdes
Le récepteur N-méthyl-D-aspartate (NMDA) est
Font partie du système cannabinoïde les récep- responsable du phénomène de sommation tem-
teurs CB1 et CB2, les ligands endogènes anan- porelle de la douleur (« wind-up ») et pourrait
damide et 2-arachidonoylglycérol, ainsi que les intervenir dans la genèse et l’aggravation des
composés cannabinoïdes synthétiques. Le delta-9- douleurs chroniques.
tétrahydrocannabinol (THC), le composant • Le dextrométhorphane, alternative pharma-
psychoactif du cannabis, et ses dérivés ont des cologique à la morphine, synthétisée il y a
propriétés antinociceptives au niveau spinal, plus de 50 ans, est l’isomère dextrogyre du
supraspinal et périphérique. L’activité analgésique lévométhorphane (un opioïde), mais ne pos-
est obtenue par l’activation des récepteurs CB1 sède aucune activité opioïde. Il est antagoniste
et CB2. Le récepteur CB1 est principalement non compétitif des récepteurs NMDA, agoniste
exprimé dans le système nerveux central. Le des récepteurs sigma et inhibiteur de la recap-
récepteur CB2 se situe essentiellement au niveau ture de la noradrénaline. Constituant essentiel
des cellules immunitaires (lymphocytes B et NK, des sirops antitussifs, le dextrométorphane est
cellules de la microglie, monocytes, neutro- parfois utilisé à des fins analgésiques.
philes, mastocytes et cellules dendritiques) et • L’amantadine, médicament antiviral et antipar-
des terminaisons nerveuses périphériques. Lors kinsonien, est également un agent inhibiteur du
de douleur chronique, le CB2 est également récepteur NMDA, mais l’application des don-
exprimé dans le système nerveux central et dans nées expérimentales à la clinique est décevante.
les ganglions spinaux. Les agonistes sélectifs du • Seule la kétamine, généralement utilisée comme
récepteur CB2 ont une action analgésique dans anesthésique, a démontré son efficacité dans
différents modèles de douleurs inflammatoires le traitement des douleurs chroniques d’ori-
et nociceptives, incluant dans certains cas une gine neuropathique et cancéreuse. Outre ses
activation du système opioïde. Cependant, propriétés anti-NMDA, la kétamine active les
une étude a montré récemment que les douleurs récepteurs noradrénergiques, sérotoninergiques

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


200 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

et muscariniques [27]. Elle peut être adminis- postherpétique et des lésions nerveuses périphé-
trée par voie orale (30 à 60 mg/j), intranasale, riques. Elle est moins bien établie dans d’autres
sous-cutanée ou en perfusion intraveineuse types de douleurs neuropathiques. Les effets
(voir ci-dessous). La biodisponibilité de la kéta- secondaires sont quasi inexistants.
mine orale est de 20 %, avec un important effet
de premier passage hépatique. Elle est métabo-
lisée en norkétamine, qui possède environ 30 %
Les traitements en perfusion
de l’effet analgésique de la kétamine. intraveineuse
Lidocaïne
Les traitements topiques
Les effets systémiques de la lidocaïne ont été
rapportés pour la première fois en 1962 dans
Capsaïcine le cadre du traitement des douleurs aiguës
La capsaïcine, le composé vanilloïde qui donne postopératoires [28]. L’activation des canaux
au piment sa saveur épicée, se lie aux récep- sodiques voltage-dépendant est impliquée dans
teurs TRPV1 des fibres périphériques terminales la pathogenèse et la perpétuation des douleurs
des nocicepteurs. Elle peut agir comme sensibili- neuropathiques et inflammatoires, spontanées et
sateur et désensibilisateur neuronal. En injection provoquées.
cutanée, la capsaïcine provoque une hyperalgésie, La concentration plasmatique de lidocaïne
une allodynie et divers symptômes d’hypersen- nécessaire pour obtenir un effet analgésique est
sibilité cutanée. Toutefois, lors d’administration de l’ordre de 5 à 10 µm, inférieure à celle qui
prolongée ou répétée, la capsaïcine entraîne une bloque la conduction nerveuse. Récemment, une
inactivation et une désensibilisation des terminai- méta-analyse a passé en revue les études rando-
sons nociceptives. misées disponibles. Elle conclut à la supériorité
Divers patchs et crèmes locales disponibles de l’administration de lidocaïne intraveineuse et
sans ordonnance dans le commerce, délivrent des per os par rapport au placebo, à la morphine, à la
concentrations de capsaïcine entre 0,025-0,1 %. gabapentine, à l’amitriptyline ou à l’amantadine
Un patch hautement concentré (Qutenza® 8 %) dans la douleur neuropathique [29]. Les effets
est apparu récemment sur le marché. Des précau- secondaires sont dose-dépendants et nombreux :
tions d’application sont nécessaires afin d’éviter convulsions, somnolence, état confusionnel,
tout contact avec les mains et les muqueuses. céphalées, nausées et vomissements, engourdis-
Avant d’appliquer le gel de capsaïcine, il est sements et picotements, vertiges, goût métal-
conseillé de recouvrir la zone à traiter (surtout lique, sécheresse buccale, arythmies cardiaques
si elle est hyperalgique ou allodynique) de crème et instabilité hémodynamique. Les douleurs liées
anesthésique (EMLA) pendant 1 h. Le patch de aux neuropathies diabétiques, traumatiques ou
capsaïcine est laissé sur place pendant environ dues à un accident vasculaire cérébral semblent
1 h, puis remplacé par de la glace pour atténuer de meilleures indications que les polyneuropathies
la sensation de brûlure. Le traitement peut être du VIH, qui, comme les neuropathies d’origine
répété après 3 mois. tumorale, répondent mal à cette thérapie.
Les protocoles d’administration les plus fré-
quemment utilisés dans la littérature décrivent
Lidocaïne des doses totales de 5 mg/kg perfusées en 30 à
60 min. Certains auteurs préconisent des perfu-
La xylocaïne est disponible en patchs (Neurodol®, sions répétées pendant 5 jours.
Versatis®) à appliquer directement sur la zone Afin de limiter le risque d’arythmies, la lidocaïne
douloureuse (en peau saine). Son efficacité est ne doit être administrée qu’à des patients dont
démontrée dans le traitement de la névralgie l’électrocardiogramme et les électrolytes sont

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
18. Le traitement pharmacologique des douleurs 201

normaux. L’administration à long terme constitue previous use of analgesics and non-steroidal anti-
l’obstacle principal de ce type de traitement. inflammatory drugs. Catalan Countries Study on
Upper Gastrointestinal Bleeding. Lancet 1991 Jan
12;337(8733):85–9.
Kétamine 9. Bianchi Porro G, Ardizzone S, Petrillo M, Caruso I,
Montrone F. Endoscopic assessment of the effects of
À dose subanesthésique, la kétamine a une action dipyrone (metamizol) in comparison to paracetamol
and placebo on the gastric and duodenal mucosa
antihyperalgique, antiallodynique et antitolérance of healthy adult volunteers. Digestion 1996;57(3):
aux opioïdes. Elle peut être administrée en cas de 186–90.
résistance aux opioïdes ou de douleurs patholo- 10. Hedenmalm K, Spigset O. Agranulocytosis and other
giques avec sensibilisation centrale. blood dyscrasias associated with dipyrone (metami-
Associée à un opioïde, elle potentialise les zole). Eur. J. Clin. Pharmacol. Springer-Verlag ; 2002
Jul;58 (4):265-274.
effets antinociceptifs. À faibles doses, l’incidence
11. Liechti ME. Pharmacologie des analgésiques pour
d’effets indésirables est d’environ 10 % (halluci- la pratique - première partie : paracétamol, AINS
nations, cauchemars, troubles visuels). Les effets et métamizole. Forum Médical Suisse 2014;14(22–
psychocognitifs sont dose-dépendants. Ils sont 23):437–40.
rares avec les perfusions de 2,5 µg/kg/min, qui 12. Weinshilboum R. Inheritance and drug response. N.
ne dépassent pas 200 à 300 mg/24 h. À hautes Engl. J. Med. 2003 Feb 6;348(6):529–37.
13. Yue QY, Hasselström J, Svensson JO, Säwe J.
doses, la kétamine agit clairement comme anal-
Pharmacokinetics of codeine and its metabolites in
gésique, mais provoque des effets indésirables, Caucasian healthy volunteers : comparisons between
tachyarythmies, hallucinations et troubles du extensive and poor hydroxylators of debrisoquine.
comportement. Br J Clin Pharmacol. Wiley-Blackwell ; 1991 Jun;31
(6) :635-642.
Références 14. Gasche Y, Daali Y, Fathi M, Chiappe A, Cottini S,
Dayer P, et al. Codeine intoxication associated with
1. World Health Organisation. WHO’s cancer pain ultrarapid CYP2D6 metabolism. N. Engl. J. Med.
ladder for adults. [en ligne] www.who.int/cancer/ 2004 Dec 30;351(27):2827–31.
palliative/painladder/en/. (page consultée le 30 15. Han W, Soichiro I, Sora I, Yamamoto H, Ikeda K.
mars 2016). A possible genetic mechanism underlying individual
2. Pickering G, Esteve V, Loriot MA, et al. Acetamino- and interstrain differences in opioid actions: Focus on
phen reinforces descending inhibitory pain pathways. the mu opioid receptor gene. Ann New York Acad Sci
Clin Pharmacol Ther 2008;84:47–51. 2004;1025:370–5.
3. Pickering G, Loriot MA, Libert F, et al. Analgesic 16. Threlkeld M, Parran T, Adelman C, Grey S, Yu J.
effect of acetaminophen in humans: first evidence of Tramadol versus buprenorphine for the management
a central serotonergic mechanism. Clin Pharmacol of acute heroin withdrawal: A retrospective cohort
Ther 2006;79:371–8. controlled study. Am J Addict 2006;15:186–91.
4. Zygmunt PM, Chuang H, Movahed P, et al. The 17. Stamer UM, Musshoff F, Kobilay M, Madea B, Hoeft
anandamide transport inhibitor AM404 activates A, Stuber F. Concentrations of tramadol and O-
vanilloid receptors. Eur J Pharmacol 2000;396: desmethyltramadol enantiomers in different CYP2D6
39–42. genotypes. Clinical Pharmacology & Therapeutics
5. Watkins PB, Kaplowitz N, Slattery JT, et al. Amino- 2007 Jul;82(1):41–7.
transferase elevations in healthy adults receiving 4 18. Fishbain DA, Cole B, Lewis J, Rosomoff HL, Roso-
grams of acetaminophen daily: a randomized control- moff RS. What percentage of chronic nonmalignant
led trial. JAMA 2006;296(1):87–93. pain patients exposed to chronic opioid analgesic
6. Farkouh ME, Greenberg BP. An evidence-based therapy develop abuse/addiction and/or aberrant
review of the cardiovascular risks of nonsteroidal drug-related behaviors? A structured evidence-based
anti-inflammatory drugs. Am. J. Cardiol. Elsevier; review. Pain Med 2008;9(4):444–59.
2009 May;103 s(9):1227-1237. 19. Wesson DR, Ling WJ. The Clinical Opiate With-
7. Hassan K, Khazim K, Hassan F, Hassan S. Acute drawal Scale (COWS). Psychoactive Drugs 2003
kidney injury associated with metamizole sodium Apr-June;35(2):253–9.
ingestion. Ren Fail. 2011;33(5):544–7. 20. Bauer CS, Nieto-Rostro M, Rahman W, Tran-
8. Laporte JR, Carné X, Vidal X, Moreno V, Juan Van-Minh A, Ferron L, Douglas L, et al. The
J. Upper gastrointestinal bleeding in relation to increased trafficking of the calcium channel subunit

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


202 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

alpha2-delta-1 to presynaptic terminals in neuropa- 25. Beaulieu P, Ware M. Reassessment of the role of
thic pain is inhibited by the alpha2delta ligand pre- cannabinoids in the management of pain. Curr. Opin.
gabalin. J Neurosci. 2009;29:4076–88. Anaesthesiol. 2007;20:473.
21. Dworkin RH, O’Connor AB, Backonja M, Farrar 26. Anand P, Whiteside G, Fowler CJ, Hohmann AG.
JT, Finnerup NB, Jensen TS, et al. Pharmacologic Targeting CB2 receptors and the endocannabinoid
management of neuropathic pain: evidence based system for the treatment of painBrain Res. Rev.
recommendations. Pain 2007;132. 237-225. 2009;60:255.
22. Finnerup NB, Sindrup SH, Jensen TS. The evidence 27. Reich DL, Silvay G. Ketamine: an update on the first
for pharmacological treatment of neuropathic pain. twenty-five years of clinical experience. Can J Anaesth
Pain 2010;150:573–81. 1989;36:186–97.
23. Attal N, Cruccu G, Baron R. EFNS guidelines on 28. Bartlett EE, Hutaserani Q. Lidocaïne (xylocaine) for
pharmacological treatment of neuropathic pain. 2009 the relief of postoperative pain. J Am Med Womens
revision. Eur J Neurol. 2010;17. 1113-e88. Assoc 1962;17:809–15.
24. Yalcin I, Choucair-Jaafar N, Benbouzid M, Tessier 29. Tremont-Lukats IW, Challapalli V, McNicol ED, Lau
LH, Muller A, Hein L, et al. Bêta(2)-adrenoceptors J, Carr DB. Systemic administration of local anesthe-
are critical for antidepressant treatment of neuropa- tics to relieve neuropathic pain: A systematic review
thic pain. Ann Neurol. 2009;65:218–25. and meta-analysis. Anesth Analg 2005;101:1738–49.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 19
Le traitement médicamenteux
antalgique lors d’insuffisance
rénale ou hépatique
Vincent Bourquin

L’insuffisance rénale adaptée en fonction du plus bas débit de filtration


glomérulaire estimé.
La présence d’une insuffisance rénale ou hépa- Les KDIGO 2012 classe l’IRC en fonction de
tique complique la prescription médicamenteuse. la cause, du DFGe et de l’albuminurie. Le DFGe
Peu d’études se sont intéressées à la prise en est divisé en cinq stades (G1 à G5) et l’albuminu-
charge médicamenteuse de la douleur dans ces rie en trois stades (A1 à A3). L’adaptation de la
deux situations [1,2]. posologie ne se fait pas en fonction de l’albumi-
Chez les patients souffrant d’une insuffisance nurie, mais sa présence est cependant un signe de
rénale, la plupart des analgésiques et/ou leur(s) mauvais pronostic. On sera encore plus prudent
métabolite(s) peuvent s’accumuler. L’incidence en cas de DFGe abaissé et en présence simultanée
de l’insuffisance rénale augmente significative- d’une albuminurie.
ment dans la population âgée, posant le problème Le rein est l’organe principal de l’excrétion des
de l’adaptation posologique des médicaments. médicaments. Les modifications de la pharmaco-
L’insuffisance rénale chronique (IRC) est définie cinétique les plus fréquentes sont une diminution
comme une atteinte rénale ou une baisse du de l’élimination des substances et/ou de leur
débit de filtration glomérulaire (DFG) d’une métabolite. L’abaissement du DFGe et l’allon-
durée d’au moins 3 mois [3]. Le débit de fil- gement de la demi-vie d’un médicament vont
tration glomérulaire peut être soit mesuré par une généralement de pair. L’IRC modifie la réabsorp-
récolte urinaire de 24 heures ou estimé (DFGe) tion et la sécrétion tubulaire des substances. La
grâce à des équations. La plus connue est celle phase d’absorption et la fonction métabolique
de Cockcroft-Gault [4], dont l’avantage est de sont également altérées.
prendre en compte le poids du patient. Toutefois, Il convient de respecter les précautions sui-
il est recommandé d’utiliser la formule CKD- vantes lors de toute prescription d’antalgique à un
EPI, plus récente et issue de la classification patient présentant une insuffisance rénale :
KDIGO 2012 (Kidney Disease/Improving Global • confirmer l’indication du traitement en tenant
Outcomes) de l’IRC [5]. Une adaptation de la compte du rapport risque-bénéfice ;
posologie basée sur des équations plus anciennes • privilégier les traitements à marge thérapeu-
peut être inexacte et en cas de doute, la dose sera tique large et à élimination extrarénale ;

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
204 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 19.1. Algorithme de prise en charge de la douleur selon le DFGe.


Modifié selon Bourquin.

• évaluer la fonction rénale avec la formule Tableau 19.1. Débit de filtration glomérulaire
CKD-EPI et si possible, vérifier l’absence estimé (DFGe) selon KDIGO (2012).
d’albuminurie ; Stade DFGe (ml/ Interprétation de l’insuffisance
• modifier le schéma posologique en fonction min/1,73 m2) rénale
du DFGe. La dose peut être diminuée et/ou G1 ≥ 90 Normale ou élevée (hyperfiltration)
l’intervalle de prise allongé ; G2 60-89 légère
• évaluer la réponse au traitement antalgique G3a 45-59 Légère à modérée
(échelles d’autoévaluation) ; G3b 30-44 Modérée à sévère
• surveiller le patient quant à l’apparition
G4 15-29 Sévère
d’effet(s) toxique(s) ou indésirable(s) attendu(s)
G5 < 15 Terminale
du médicament.
L’algorithme (figure 19.1) proposé et per-
mettant le choix d’un analgésique en fonction
du stade d’IRC (tableau 19.1) contient trois d’une albuminurie ou d’une incertitude quant
niveaux : au DFGe incitera à choisir l’échelle « sûre ».
1. DFGe inférieur à 30 ml/min/1,73 m2 pour Sans cela, l’adaptation se fait selon les recom-
lequel l’échelle de l’OMS est remplacée par une mandations du tableau 19.2.
échelle dite « sûre » avec trois paliers adaptés. La présence de comorbidités complique le choix
Le palier 1 est le paracétamol, le palier 2 le posologique des analgésiques en cas d’IRC. L’âge
tramadol et le palier 3 la buprénorphine. est un facteur important, étant donné qu’au-
2. DFGe supérieur à 60 ml/min/1,73 m2 permet dessus de 70 ans, le nombre de comorbidités
la prescription de n’importe quel analgésique est de 5 contre 2,5 pour les moins de 70 ans
selon l’échelle « classique » de l’OMS. [6]. Cette catégorie de patients prend souvent
3. DFGe entre 30 et 60 ml/min/1,73 m2 pour plusieurs traitements pouvant interagir et modifier
lequel le choix doit se faire entre l’échelle la pharmacocinétique des analgésiques. Les effets
« sûre » et « classique ». La présence de comor- indésirables sont plus importants dans cette popu-
bidités(s), d’une insuffisance rénale aiguë, lation en raison des interactions médicamenteuses.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE
C hapitre 19. LeDE LA RECHERCHE
traitement BIBLIOGRAPHIQUE
médicamenteux SCIENCE
antalgique lors d’insuffisance MEDICALE
rénale ou hépatique 205

Tableau 19.2. Adaptation posologique des différents analgésiques couramment utilisés en cas d’insuffisance rénale.
Antalgiques Dosage habituel per os DFGe < 30 ml/ DFGe entre 30 et 60 ml/ DFGe > 60 ml/
min/1,73 m2 min/1,73 m2 min/1,73 m2
AINS 600 mg 3 x/j pour l’ibuprofène Contre-indiqués Contre-indiqués 100 %
Paracétamol 1 000 mg 4 x/j 100 % 100 % 100 %
Codéine 15-120 mg toutes les 4 à 6 h 50 % 75 % 100 %
Tramadol 50-100 mg toutes les 4 à 6 h 50-100 mg toutes les 12 h (max 200 mg/j) 100 %
(max 400 mg/j)
Morphine 5-120 mg toutes les 4 à 6 h 50 % en dose unique 75 % 100 %
(max 1,5 mg/kg par jour)
Oxycodone 2,5 à 5 mg toutes les 6 h 50 % en dose unique 75 % 100 %
Fentanyl 25-50 mcg/h (patch) 100 % 100 % 100 %
Buprénorphine 0,3 mg toutes les 6 à 8 h 100 % 100 % 100 %

Les différents analgésiques • Les reins excrètent 90 % du tramadol et


en cas d’insuffisance rénale la demi-vie d’élimination est d’environ 6 à
8 heures. En cas d’insuffisance rénale, la demi-
vie d’élimination est de 1,5 à 2 fois plus
• Les effets secondaires rénaux des AINS sont
longue [10]. L’intervalle entre chaque dose
consécutifs à l’inhibition de la cyclo-oxygénase
doit être augmenté et la dose totale journa-
(COX), entraînant une diminution de la syn-
lière diminuée. Les formes retard doivent être
thèse des prostaglandines. En cas de diminu-
évitées.
tion du DFG, cette inhibition provoque une
• La morphine est métabolisée par le foie en
vasoconstriction excessive et une diminution
métabolites actifs qui sont ensuite excrétés
du débit sanguin rénal pouvant conduire
dans les urines [11]. La clairance de la mor-
à une aggravation de l’insuffisance rénale,
phine est ralentie en cas de diminution du DFG
une hypertension artérielle mal contrôlée, une
avec accumulation de ses métabolites, dont la
hyponatrémie ou une hypokaliémie [7]. L’uti-
morphine-6-glucuronide qui peut induire une
lisation concomitante d’un inhibiteur du sys-
dépression respiratoire chez les patients avec
tème rénine-angiotensine-aldostérone et/ou de
insuffisance rénale [12]. Son administration en
diurétiques augmente le risque de développer
cas de DFGe inférieur à 30 ml/min doit être
ces complications. Si l’indication à un traite-
prudente, voire proscrite.
ment par AINS est malgré tout retenue chez
• L’oxycodone est métabolisé par le foie via le
un patient insuffisant rénal, celui-ci se fera en
cytochrome P450 2D6 et 3A4. Les métabo-
adaptant de la dose, sera le plus court possible et
lites sont éliminés par les urines. La demi-vie
en suivant de près la fonction rénale.
d’élimination est de 2 à 3 heures et s’allonge
• Une atteinte rénale liée au paracétamol se pro-
en cas d’insuffisance rénale, nécessitant une
duit presque exclusivement dans le cadre d’une
adaptation des doses.
overdose [8]. Les patients avec une atteinte
• Le fentanyl est métabolisé à plus de 99 % par
hépatique concomitante sont plus à risque,
le foie via le cytochrome P450 3A4 en méta-
même aux doses thérapeutiques usuelles.
bolites inactifs, dont le norfentanyl. L’excrétion
• La demi-vie d’élimination de la codéine est
des métabolites est urinaire.
d’environ 4 heures et augmente à plus de
• Le métabolisme de la buprénorphine est pure-
18 heures chez les patients avec IRC, néces-
ment hépatique avec élimination dans les selles
sitant un ajustement du dosage [9].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


206 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

(70 %) et dans les urines (20 %). Les métabolites prescription à un patient présentant une insuffi-
sont inactifs. Les propriétés pharmacocinétiques sance hépatique :
du fentanyl et de la buprénorphine en font les • Confirmer l’indication du traitement en tenant
analgésiques de choix pour la prise en charge compte du rapport risque-bénéfice.
de la douleur modérée à sévère chez les patients • Privilégier les traitements à marge thérapeu-
insuffisants rénaux. tique large et à élimination extrahépatique.
• Les antidépresseurs tricycliques et les inhibi- • Évaluer la sévérité de l’atteinte hépatique par les
teurs sélectifs de la recapture de la sérotonine scores validés.
ne nécessitent pas d’adaptation posologique • Modifier le schéma posologique en fonction de
particulière en cas d’insuffisance rénale. l’atteinte hépatique. La dose peut être dimi-
• En ce qui concerne les antiépiléptiques, la nuée et/ou l’intervalle de prise allongé.
carbamazépine est métabolisée principalement • Évaluer la réponse au traitement antalgique
par le foie et ne nécessite une réduction de dose (échelles d’autoévaluation).
qu’en cas d’insuffisance rénale terminale. Les • Surveiller le patient pour l’apparition d’effet(s)
antiépileptiques de seconde génération comme toxique(s) ou indésirable(s) attendu(s) du
la gabapentine et la prégabaline, nécessitent une médicament.
adaptation posologique en fonction du DFGe. Les AINS sont métabolisés par voie hépatique
En cas d’IRC modérée à sévère, la dose de et présentent une hépatotoxicité directe. Ils sont
gabapentine est de maximum 300 mg 3 x par responsables de 10 % des atteintes hépatiques
jour et de 300 mg par jour pour la prégabaline. d’origine médicamenteuse [14]. La prise d’AINS
En cas d’insuffisance sévère, la gabapentine augmente le risque hémorragique chez les patients
peut être donnée à raison de 300 mg tous les cirrhotiques [15]. Après administration d’AINS,
2 jours et la prégabaline est contre-indiquée. le débit de filtration glomérulaire diminue chez
les patients avec atteinte hépatique. L’utilisa-
tion d’AINS est également à proscrire chez les
L’insuffisance hépatique patients avec insuffisance hépatique, comme pour
les patients avec insuffisance rénale. Le risque
Le foie est indispensable au métabolisme de nom- d’hépatoxicité directe est important, ainsi que le
breux médicaments. La clairance hépatique d’un risque de complications graves hémorragiques et
médicament est déterminée par le flux sanguin rénales (syndrome hépatorénal).
hépatique, sa liaison aux protéines plasmatiques Une faible proportion du paracétamol est oxy-
et l’activité métabolique intrinsèque du foie. En dée en un métabolite hépatotoxique. Celui-ci est
cas d’atteinte hépatique, ces trois déterminants détoxifié par le glutathion. En cas de surdosage,
de la clairance sont altérés [13]. Il existe plusieurs une nécrose hépatique peut se produire lorsque le
scores de sévérité de l’atteinte hépatique, dont glutathion est épuisé. Des cas d’hépatites médica-
le Child-Pugh et le Model for End-Stage Liver menteuses graves peuvent survenir avec les doses
Disease (MELD). Il n’existe cependant pas de habituelles de paracétamol chez des patients pré-
marqueur sanguin, comme la créatinine pour sentant une consommation d’alcool chronique,
les reins, qui permette d’anticiper le risque de une malnutrition et la prise concomitante d’un
toxicité hépatique lors d’administration d’un inducteur des cytochromes [16]. La demi-vie
antalgique. L’adaptation posologique est de ce d’élimination du paracétamol augmente de 50 à
fait plus complexe. 100 % en cas d’insuffisance hépatique [17]. Le
Lors d’insuffisance hépatique, on peut noter paracétamol semble toutefois être bien toléré à
une augmentation de la biodisponibilité de cer- court terme chez les patients avec une atteinte
taines molécules, de la fraction libre de substance hépatique peu sévère. Il est toutefois recom-
fortement liées aux protéines et une diminution mandé de limiter la durée du traitement et la
du métabolisme intrinsèque. Il convient de res- dose journalière du paracétamol à 2 à 3 grammes
pecter les précautions suivantes lors de toute chez les patients avec une insuffisance hépatique

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE
C hapitre 19. LeDE LA RECHERCHE
traitement BIBLIOGRAPHIQUE
médicamenteux SCIENCE
antalgique lors d’insuffisance MEDICALE
rénale ou hépatique 207

Tableau 19.3. Adaptation posologique des différents analgésiques couramment utilisés en cas d’insuffisance
hépatique.
Antalgiques Dosage habituel per os Considération en cas d’insuffisance hépatique
AINS 600 mg 3 x/j pour l’ibuprofène Contre-indiqué. Hépatotoxicité directe. Risque de complications (hémorragies,
insuffisance rénale aiguë, décompensation d’ascite)
Paracétamol 1 000 mg 4 x/j Maximum 2 à 3 g/j, sur une courte période. Hépatotoxicité directe. Demi-vie
augmentée de 2 fois.
Codéine 15-120 mg toutes les 4 à 6 h Transformation en morphine diminuée.
Tramadol 50-100 mg toutes les 4 à 6 h Réduire les doses et doubler l’intervalle entre les prises. Transformation
(max 400 mg/j) en morphine diminuée. Demi-vie augmentée de 2 fois. Risque de syndrome
sérotoninergique.
Morphine 5-120 mg toutes les 4 à 6 h En IV, doubler l’intervalle entre les prises.
(max 1,5 mg/kg/j) En per os, doubler l’intervalle entre les prises et réduire les doses. Demi-vie
et biodisponibilité augmentées de 2 fois.
Oxycodone 2,5 à 5 mg toutes les 6 h Réduire les doses et augmenter l’intervalle entre les prises. Biodisponibilité
augmentée de 1,5 à 3 fois.
Fentanyl 25-50 mcg/h (patch) En intraveineux, pas de modification. Éviter les patchs, car augmentation
de la concentration.
Buprénorphine 0,3 mg toutes les 6 à 8 h Réduire les doses et surveillance étroite. Absence de données.
Modifié selon Innaurato [2].

[18,19]. Le tableau 19.3 résume l’adaptation est glucuroconjugée au niveau du foie par le cyto-
posologique des principaux analgésiques utilisés chrome P450 3A4. Sa pharmacocinétique n’est
en cas d’insuffisance hépatique. pas connue en cas d’insuffisance hépatique.
Tous les opiacés ont un métabolisme hépa- L’utilisation d’antidépresseurs tricycliques est
tique. Il existe un risque d’accumulation liée à une possible en cas d’insuffisance hépatique, en tout
clairance diminuée et/ou à une biodisponibilité cas dans le court terme, sans entraîner de som-
augmentée [20]. La codéine a une action anal- nolence ou d’encéphalopathie. Il faut toutefois
gésique par sa transformation en morphine via débuter avec la plus petite posologie possible et
le cytochrome P450 2D6. En cas d’insuffisance augmenter progressivement la dose. La desvenla-
hépatique, une diminution d’efficacité secondaire faxine est mieux tolérée que les autres inhibiteurs
à l’atteinte des cytochromes est généralement sélectifs de la recapture de la sérotonine, comme
observée. La demi-vie d’élimination du trama- la duloxétine ou la venlafaxine, car elle n’est pas
dol est doublée en cas d’insuffisance hépatique. métabolisée par le cytochrome P450.
La molécule mère s’accumule avec risque de En ce qui concerne les antiépileptiques, la
syndrome sérotoninergique. Il faut augmenter carbamazépine est métabolisée principalement par
l’intervalle entre les prises de tramadol et éviter les le foie et est contre-indiquée. Les traitements
formes retard. La morphine est glucuroconjugée antiépileptiques de seconde génération comme
au niveau hépatique. Sa demi-vie d’élimination la gabapentine ou la prégabaline sont autorisés et
augmente jusqu’à 100 % chez les patients avec n’ont pas besoin d’adaptation posologique en cas
une insuffisance hépatique sévère. Il faut doubler d’insuffisance hépatique.
l’intervalle posologique et réduire la dose en En conclusion, l’adaptation des analgésiques
cas d’administration per os. Lors d’administration en cas d’insuffisance rénale ou hépatique est une
intraveineuse, la pharmacocinétique du fentanyl gageure. Les recommandations données dans ce
n’est pas modifiée en cas d’insuffisance hépatique. chapitre sont principalement des avis d’experts.
Par voie transdermique, la demi-vie augmente et On retiendra toutefois que les AINS sont contre-
cette forme galénique n’est pas recommandée en indiqués en cas d’insuffisance rénale et hépa-
cas d’insuffisance hépatique. La buprénorphine tique. Le paracétamol peut être donné en cas

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


208 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

d’insuffisance rénale et d’insuffisance hépatique 10. Lee CR, McTavish D, Sorkin EM: Tramadol. A
sous réserve d’adapter la dose. Pour les opiacés, preliminary review of its pharmacodynamic and phar-
macokinetic properties, and therapeutic potential
il faut se référer aux tableaux et algorithme pour
in acute and chronic pain states. Drugs 1993;46:
une prescription adaptée au degré d’insuffisance 313–40.
de l’organe concerné. 11. Wolff J, Bigler D, Christensen CB, Rasmussen SN,
Andersen HB, Tønnesen KH. Influence of renal
Références function on the elimination of morphine and mor-
phine glucuronides. Eur J Clin Pharmacol 1988;34:
1. Bourquin V, Petignat P-A, Besson M, Piguet V. 353–7.
Analgesia and renal insufficiency. Rev Med Suisse 12. Osborne R, Joel S, Grebenik K, Trew D, Slevin M.
2008, 4:2218;20:2222-2223. The pharmacokinetics of morphine and morphine
2. Innaurato G, Piguet V, Simonet ML. Analgesia in glucuronides in kidney failure. Clin Pharmacol Ther
patients with hepatic impairment. Rev Med Suisse 1993;54:158–67.
2015;11(4):1380–2. 13. Dwyer JP, Jayasekera C, Nicoll A. Analgesia for the
3. Kidney Disease/Improving Global Outcomes. CKD cirrhotic patient: a literature review and recommen-
Evaluation & Management. [en ligne] www.kdigo.org/ dations. J Gastroenterol Hepatol 2014;29:1356–60.
home/guidelines/ckd-evaluation-management/. 14. Bessone F. Non-steroidal anti-inflammatory drugs:
(page consultée le 6 mars 2017). What is the actual risk of liver damage? World J Gas-
4. Cockcroft DW, Gault MH. Prediction of creati- troenterol 2010;16:5651–61.
nine clearance from serum creatinine. Nephron 15. Lee Y-C, Chang C-H, Lin J-W, Chen H-C, Lin M-S,
1976;16:31–41. Lai M-S. Non-steroidal anti-inflammatory drugs use
5. Levey AS, Stevens LA, Schmid CH, Zhang YL, and risk of upper gastrointestinal adverse events in
Castro AF, Feldman HI, et al. CKD-EPI (Chronic cirrhotic patients. Liver Int 2012;32:859–66.
Kidney Disease Epidemiology Collaboration): A new 16. Claridge LC, Eksteen B, Smith A, Shah T, Holt AP.
equation to estimate glomerular filtration rate. Ann Acute liver failure after administration of paracetamol
Intern Med 2009;150:604–12. at the maximum recommended daily dose in adults.
6. Luke RG, Beck LH. Gerontologizing nephrology. BMJ 2010;341:c6764–c6764.
Journal of the American Society of Nephrology 17. Bosilkovska M, Walder B, Besson M, Daali Y, Des-
1999;10:1824–7. meules J. Analgesics in patients with hepatic impair-
7. Ackerman Z, Cominelli F, Reynolds TB. Effect of ment: pharmacology and clinical implications. Drugs
misoprostol on ibuprofen-induced renal dysfunction 2012;72:1645–69.
in patients with decompensated cirrhosis: results of a 18. Benson GD, Koff RS, Tolman KG. The therapeutic
double-blind placebo-controlled parallel group study. use of acetaminophen in patients with liver disease.
Am J Gastroenterol. 2002;97:2033–9. Am J Ther 2005;12:133–41.
8. Mazer M, Perrone J. Acetaminophen-induced 19. Chandok N, Watt KDS. Pain management in the
nephrotoxicity: pathophysiology, clinical manifesta- cirrhotic patient: the clinical challenge. Mayo Clinic
tions, and management. J Med Toxicol 2008;4:2–6. Proceedings 2010;85:451–8.
9. Guay DR, Awni WM, Findlay JW, Halstenson CE, 20. Tegeder I, Lötsch J, Geisslinger G. Pharmacokine-
Abraham PA, Opsahl JA, et al. Pharmacokinetics tics of opioids in liver disease. Clin Pharmacokinet
and pharmacodynamics of codeine in end-stage renal 1999;37:17–40.
disease. Clin Pharmacol Ther 1988;43:6–71.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 20
Le traitement médicamenteux
antalgique durant la grossesse
et l’allaitement
Christophe Perruchoud

En cours de grossesse, les douleurs peuvent être du canal artériel, une insuffisance rénale et un
aiguës (traumatismes, infections) ou chroniques hydramnios chez le fœtus. Ils sont également
(douleurs préexistantes). Suite à l’œdème tis- responsables d’une prolongation de la gestation
sulaire dû aux modifications hormonales, des et d’un ralentissement du travail. Suspects de
douleurs neuropathiques compressives peuvent favoriser le déclenchement d’hémorragies fœtales
être déclenchées ou aggravées par la grossesse et néonatales, les AINS sont formellement contre-
(tunnels carpiens, méralgies paresthésiques, indiqués après la 24e semaine de gestation.
névralgies intercostales inférieures). L’aspirine peut aussi contribuer aux saigne-
Plus de 85 % des femmes prennent un traite- ments maternels et fœtaux. Une méta-analyse
ment pendant la grossesse. Après les vitamines, suggère la possible association entre la prise d’aspi-
les analgésiques sont les médicaments les plus rine au cours du 1er trimestre et le risque accru de
prescrits (plus de 50 %) [1]. La majorité d’entre laparoschisis (protrusion des viscères à travers
eux n’ont pas été testés dans le cadre d’études un défaut de la paroi abdominale antérieure)
bien contrôlées et ne doivent être prescrits [3]. Cependant, de larges études ont démontré
qu’après une évaluation soigneuse du rapport que l’aspirine à faible dose est un médicament
risque-bénéfice. sûr, dont les effets sont généralement positifs
sur la grossesse, notamment dans la prévention
des complications (pré-éclampsie) et des fausses
Grossesse couches à répétition.
Depuis longtemps, les opioïdes ont été utilisés
À doses thérapeutiques, le paracétamol est effi- à doses thérapeutiques par les femmes enceintes
cace et sûr pendant toute la grossesse. Bien que sans qu’un lien n’ait été établi avec un risque de
sa forme non conjuguée traverse le placenta, le malformation, majeure ou mineure. Les données
paracétamol ne présente aucun risque d’anomalies à long terme concernant le développement psy-
congénitales ou de complications gravidiques, chomoteur des nouveau-nés exposés aux opioïdes
selon une étude récente portant sur des milliers in utero sont également rassurantes. La principale
de grossesse [2]. préoccupation concernant la prise d’opioïde est le
Aucune étude animale ni humaine n’a démon- développement d’une tolérance et d’une dépen-
tré de risque tératogène associé à la prise d’AINS dance chez la mère et la possibilité d’un syndrome
pendant le 1er trimestre de la grossesse. Toutefois, de sevrage chez le nouveau-né. L’administration de
leur ingestion au cours du 3e trimestre de la gros- buprénorphine à la mère est préférable car semble
sesse peut provoquer la fermeture prématurée être bénéfique au nouveau-né en termes de poids

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
210 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

de naissance, incidence de syndrome de sevrage et Les AINS comme l’ibuprofène ou le diclofénac


durée du séjour hospitalier. L’incidence de sevrage sont compatibles avec l’allaitement, avec un pas-
est nettement diminuée lorsque le traitement de sage dans le lait inférieur à 1 % de la dose mater-
buprénorphine commence avant l’accouchement nelle. L’aspirine, dont 10 % de la dose maternelle
(26 % vs 60 % en post-partum) [4]. passe dans le lait, n’est pas recommandée en
Les antidépresseurs tricycliques ne sont pas raison des effets secondaires possibles chez le
associés à un taux augmenté de malformations nouveau-né, en particulier de syndrome de Reye
néonatales ou de troubles du développement neu- associant hépatopathie et encéphalopathie.
rologique [5]. Des cas de syndrome de sevrage La codéine a été à l’origine d’intoxications et
chez le nouveau-né ont été rapportés [6]. La de décès de nouveau-nés allaités par des mères
duloxétine n’a pas été étudiée chez la femme au métabolisme ultrarapide pour la codéine, avec
enceinte, mais des cas isolés de syndromes de pour effet une élévation rapide des concentrations
sevrage ou de syndromes sérotoninergiques ont été de morphine dans le lait maternel et une dépres-
décrits chez des nouveau-nés exposés in utero [7]. sion respiratoire fatale chez les nouveau-nés [11].
Les antiépileptiques doivent être utilisés seuls La gabapentine est contre-indiquée durant
et avec le plus petit dosage possible en raison du l’allaitement en raison du passage important dans
risque de fentes palatines et de malformations le lait.
majeures cardiaques, urogénitales, nerveuses. Ce
risque perdure jusqu’à 70 jours après la conception Références
[8]. Le topiramate est lié à un risque augmenté de 1. Henry A, Crowther C. Patterns of medication use
fente palatine, la gabapentine à des malformations during and prior to pregnancy: the MAP study. Aust
mineures. La carbamazépine présente le risque le N Z J obstet Gynaecol 2000;40:165–72.
plus faible de malformation congénitale. Chez 2. Rebordosa C, Kogevinas M, Bech BH, Sorensen HT,
l’animal, l’utilisation de la prégabaline pendant Olsen J. Use of acetaminophen during pregnancy and
risk of adverse pregnancy outcomes. Int J Epidemiol
la grossesse semble être associée à un bas poids
2009;38(3):706–14. Epub 2009 Mar 30.
de naissance et à des malformations osseuses [9]. 3. Kozer E, Nikfar S, Costei A, Boskovic R, Nulman I,
Son utilisation chez la femme enceinte a été très Koren G. Aspirin consumption during the first trimes-
récemment étudiée [10]. L’étude a comparé le ter of pregnancy and congenital anomalies: a meta-
déroulement de la grossesse et les naissances de analysis. Am J obstet Gynecol 2002;187:1623–30.
164 patientes exposées à la prégabaline pendant la 4. Jones HE, Johnson RE, Jasinski DR, O’Grady KE,
Chisholm CA, Choo RE. Buprenorphine versus
grossesse à un groupe contrôle de 656 patientes methadone in the treatment of pregnant opioid-
non exposées. Un taux de malformations majeures dependent patients: effects on the neonatal abstinence
plus élevé a été observé chez les patientes traitées syndrome. Drug Alcohol Depend. 2005;79:1–10.
par prégabaline au 1er trimestre de la grossesse par 5. Nulman I, Rovet J, Stewart DE, Wolpin J, Pace-Asciak
rapport au groupe contrôle (6 % versus 2,1 %). P, Shuhaiber S, et al. Child development following
En raison des limitations de l’étude (taille et exposure to tricyclic antidepressants or fluoxetine
throughout fetal life: a prospective, controlled study.
hétérogénéité de l’échantillon), cette observation Am J Psychiatry 2002;159:1889–95.
doit encore être confirmée par d’autres études, 6. Pariante CM, Seneviratne G, Howard L. Should we
mais il est recommandé dans l’intervalle de ne pas stop using tricyclic antidepressants in pregnancy?
prescrire de prégabaline durant la grossesse. Psychol Med. 2010;1–3.
7. Einarson A. Antidepressants and pregnancy:
complexities of producing evidence-based informa-
tion. CMAJ. 2010;182:1017–8.
Allaitement 8. Pennell PB. Antiepileptic drugs during pregnancy:
what is known and which AEDs seem to be safest?
Epilepsia. 2008;49(Suppl. 9):43–55.
Le paracétamol est considéré comme sûr en 9. Hill DS, Wlodarczyk BJ, Palacios AM, Finnell RH.
période d’allaitement. Environ 6 % de la dose Teratogenic effects of antiepileptic drugs. Expert Rev
maternelle passe dans le lait. Neurother. 2010;10:943–59.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DEtraitement
Chapitre 20. Le LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
médicamenteux SCIENCEetMEDICALE
antalgique durant la grossesse l’allaitement 211

10. Winterfeld U, Merlob P, Baud D, Rousson V, Pan- 11. Koren G, Cairns J, Chitayat D, Gaedigk A, Leeder
chaud A, Rothuizen LE, Bernard N, Vial T, Yates SJ. Pharmacogenetics of morphine poisoning in a
LM, Pistelli A, Ellfolk M, Eleftheriou G, de Vries breastfed neonate of a codeine-prescribed mother.
LC, Jonville-Bera AP, Kadioglu M, Biollaz J, Buclin Lancet 2006;368:704.
T. Pregnancy outcome following maternal exposure
to pregabalin may call for concern. Neurology 2016
Jun 14;86(24):2251–7.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 21
La stimulation nerveuse
électrique transcutanée
Christophe Perruchoud

La stimulation nerveuse électrique transcutanée Modes de stimulation


(Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation
ou TENS) consiste à appliquer une stimulation Une fréquence de stimulation inférieure à 10 Hz
électrique sur la peau dans le but de contrôler est considérée comme basse, une fréquence
une douleur, aiguë ou chronique. Le TENS haute est supérieure à 50 Hz (figure 21.2).
est une technique non invasive, peu coûteuse,
L’intensité est déterminée par la réponse du
sûre et facile à réaliser, même à domicile par le
patient et définie en termes sensitifs ou moteurs.
patient lui-même.
Pour le niveau sensitif, on augmente progressive-
Le TENS est constitué d’une ou plusieurs
ment l’intensité (voltage), jusqu’à la perception
paires d’électrodes cutanées délivrant une
d’un fourmillement confortable (en mode haute
stimulation de fréquences, d’intensités et de
fréquence) ou d’un tapotement (en mode basse
durées d’impulsion variable en fonction de la
fréquence). À cette amplitude de stimulation,
réponse clinique. Les électrodes existent éga-
on a affaire à un TENS de basse intensité.
lement sous forme de chaussettes ou de gants
pour les douleurs des extrémités, ainsi que Pour le niveau moteur, l’intensité est augmentée
des sondes endorectales et endovaginales pour jusqu’à la production d’une contraction mus-
les douleurs périnéales (figure 21.1). Le sys- culaire directe, à un seuil légèrement inférieur au
tème est alimenté par une ou plusieurs piles seuil douloureux. L’amplitude de stimulation est
(en général 9 V) ou des accumulateurs rechar- définie dans ce cas comme du TENS de haute
geables. Le plus souvent, les électrodes sont intensité.
placées directement sur la zone douloureuse, • En général, le TENS à haute fréquence est
un trigger point ou des points d’acupuncture. appliqué à basse intensité. Ce mode est appelé
En cas d’allodynies, on peut stimuler une zone TENS conventionnel.
en regard de la racine nerveuse ou du nerf • Par opposition, le TENS à basse fréquence est
périphérique concernés. Pour obtenir un effet administré à haute intensité, jusqu’à induire
antalgique, la durée du traitement ne doit pas une contraction musculaire. Ce mode de
être inférieure à 30 minutes. Comme il n’existe stimulation est connu sous la dénomination
pas de limite supérieure, certains patients l’utili- d’« acupuncture-like » TENS.
sent en continu durant la journée, voire la nuit. Les appareils récents proposent également un
Les effets indésirables et les complications sont mode Burst ou en rafale (salves de stimulation
estimés entre 2 % et 3 %. Ce sont principalement à haute fréquence (> 100 Hz) répétées à une
des réactions allergiques cutanées à l’un ou à fréquence beaucoup plus faible) et un mode
plusieurs des composants de l’électrode. Modulation dont le principe est de faire varier la

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
216 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 21.1. Modèles de TENS et d’accessoires (électrodes, gants, chaussettes, genouillères, sonde endorectale).

Figure 21.2. Modes de stimulation.

fréquence, la longueur d’impulsion et l’intensité Mécanismes d’action


dans le but de diminuer les phénomènes de
tolérance. Plusieurs théories tentent d’expliquer le méca-
Malgré l’absence de données robustes, certains nisme d’action du TENS. La première est la
cliniciens préconisent la stimulation infrasenso- théorie du portillon (gate control theory), qui
rielle ou stimulation électrique à microcourant. implique une inhibition segmentaire au niveau

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 21. La stimulation nerveuseSCIENCE
électrique MEDICALE
transcutanée 217

des neurones de la substantia gelatinosa de la d’antagonistes sélectifs confirme le rôle des opiacés
corne postérieure de la moelle par la stimulation endogènes : l’effet antihyperalgésique du TENS à
des fibres afférentes de gros calibre (Aß) qui basse fréquence est atténué par l’administration
inhibent la transmission des fibres nociceptives de naloxone (antagoniste du récepteur µ) et celui
de petit diamètre (C). Il a ensuite été démontré du TENS à haute fréquence par l’administration
qu’il existait également un mécanisme supraspinal de naltrindole (antagoniste du récepteur ∂) [7].
contribuant à l’effet analgésique par l’activation Finalement, le TENS pourrait potentiellement
des voies corticospinales inhibitrices des afférences avoir des effets sur le système nerveux autonome.
douloureuses. Chez l’animal, l’effet du TENS à Une augmentation régionale du flux sanguin a
haute fréquence est partiellement antagonisé par été décrite lors de stimulation TENS à basse ou
la section des fibres inhibitrices descendantes [1]. haute fréquence et à des intensités supérieures au
Les voies inhibitrices descendantes sont issues seuil sensitif [8].
de la substance grise périaqueducale et la moelle
rostroventrale. L’effet antinociceptif s’exerce via
la libération de sérotonine et d’endorphines au Efficacité clinique du TENS
niveau des cornes postérieures de la moelle. Le
blocage des récepteurs opioïdes au niveau de la Même si le nombre d’études évaluant l’efficacité
moelle rostroventrale produit la même diminu- du TENS dans différents syndromes douloureux a
tion d’effet du TENS que la section des voies des- considérablement augmenté durant ces dernières
cendantes [2]. La déplétion en sérotonine réduit années, la qualité méthodologique des études est
l’effet de la stimulation à haute fréquence chez souvent insuffisante pour tirer des conclusions
l’animal intact, mais pas chez l’animal dont les définitives sur l’efficacité de la thérapie.
voies descendantes ont été sectionnées [3].
Le TENS, même à haute fréquence, ne produit
pas de bloc de conduction. Les effets rémanents, Lombalgies chroniques
observés parfois plusieurs heures après l’arrêt de
Une revue systématique Cochrane [9] a inclus
la thérapie, parlent en faveur d’un mécanisme
cinq études randomisées contrôlées sur la prise
différent. Une autre théorie propose que l’adé-
en charge de la lombalgie chronique (plus de
nosine sécrétée par les fibres de gros calibre (Aß)
3 mois) par le TENS. Les modalités d’application
exerce un effet antinociceptif [4]. Cette théorie
du TENS et les mesures varient significativement
est soutenue par le fait que l’administration de
d’une étude à l’autre (1 et 4 séances/j et le place-
caféine, un bloqueur des récepteurs à l’adénosine,
ment des électrodes n’est pas standardisé). Dans
réduit significativement l’effet du TENS dans une
ce contexte, les auteurs concluent à l’absence
étude contrôlée chez des volontaires sains [5].
d’évidence en faveur de cette thérapie. Un autre
La libération d’opioïdes endogènes est souvent
essai visant à déterminer le placement optimal des
citée comme élément de base du mécanisme
électrodes pour chaque patient s’est révélé positif
d’action du TENS. Chez les volontaires sains, les
et recommande le traitement dans la lombalgie
concentrations d’endorphines augmentent dans
chronique.
le plasma et le liquide céphalorachidien après
traitement par TENS à haute ou basse fréquence.
La méthionine enképhaline et la dynorphine A Gonarthrose
(deux agonistes opioïdes) sont retrouvées en plus
fortes concentrations dans le liquide céphalora- Plusieurs études randomisées évaluant l’efficacité
chidien après une séance de TENS respectivement du TENS conventionnel ou du TENS acupunc-
à basse et haute fréquences [6]. Il existe ainsi au ture-like ont conclu à la supériorité du TENS par
niveau spinal une sécrétion d’endorphines et une rapport au placebo dans le traitement symptoma-
activation des récepteurs aux opiacés qui dépen- tique de la gonarthrose [10]. La durée d’applica-
dent de la fréquence du TENS. L’administration tion variait d’une séance unique de 30 minutes à

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


218 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

des séances quotidiennes pendant une semaine. Les première génération. Il est largement admis
séances répétées semblent avoir un effet cumulatif. que les instruments actuels ne contre-indiquent
plus l’utilisation d’un TENS. Par mesure de
précaution, les électrodes cutanées ne devraient
Dysménorrhée primaire pas être appliquées en regard du boîtier de
stimulation et du trajet des électrodes, particu-
Dans cette indication, les électrodes sont placées
lièrement lorsque celles-ci sont sous-cutanées.
au niveau du bas abdomen. Une revue systéma-
• L’utilisation du TENS durant le travail et
tique de neuf études randomisées et contrôlées
l’accouchement n’est pas contre-indiquée, mais
établit la supériorité du TENS à haute fréquence
peut interférer avec le monitoring fœtal.
par rapport au placebo, et l’absence de différence
• L’utilisation du TENS sur les régions épiphy-
entre le TENS à basse fréquence et le placebo.
saires actives reste controversée chez l’enfant.
Le temps de thérapie variait de 30 minutes à
8 heures [11].
Références
1. Woolf CJ, Mitchell D, Barrett GD. Antinociceptive
Douleurs postopératoires aiguës effect of peripheral segmental electrical stimulation
in the rat. Pain 1980;8:237–52.
L’utilisation du TENS dans le traitement des 2. Kalra A, Urban MO, Sluka KA. Blockade of opioid
receptors in rostral ventral medulla prevents anti-
douleurs postopératoires aiguës implique la mise
hyperalgesia produced by transcutaneous electrical
en place d’électrodes stériles sur une ligne paral- nerve stimulation (TENS). J Pharmacol Exp Ther
lèle à l’incision avec parfois une paire d’électrodes 2001;298:257–63.
complémentaire en regard des racines nerveuses 3. Woolf CJ, Mitchell D, Barrett GD. Antinociceptive
correspondantes. Plusieurs études ont évalué les effect of peripheral segmental electrical stimulation
scores de douleurs et la consommation d’analgé- in the rat. Pain 1980;8:237–52.
4. Salter MW, Henry JL. Evidence that adenosine
siques chez les patients traités par TENS en post- mediates the depression of spinal dorsal horn neurons
opératoire [12]. Sur 17 travaux randomisés, 15 induced by peripheral vibration in the cat. Neuro­
ne mettent en évidence aucun bénéfice du TENS science 1987;22:631–50.
dans cette indication alors que 17 des 19 études 5. Marchand S, Li J, Charest J. Effects of caffeine
non randomisées ont conclu à des effets positifs on analgesia from transcutaneous electrical nerve
stimulation. N Engl J Med 1995;333:325–6.
du TENS.
6. Han JS, Chen XH, Sun SL, Xu XJ, Yuan Y, Yan SC,
En l’absence d’études bien construites, le TENS Hao JX, Terenius L. Effect of low and high frequency
ne peut pas être actuellement recommandé dans TENS on metenkephalin-arg-phe and dynorphin
le traitement des douleurs postopératoires aiguës. A immunoreactivity in human lumbar CSF. Pain
1991;47:295–8.
7. Sluka KA, Deacon M, Stibal A, Strissel S, Terpstra
A. Spinal blockade of opioid receptors prevents the
Contre-indications analgesia produced by TENS in arthritic rats. J
Pharmacol Exp Ther 1999;289:840–6.
• Patient non coopérant ou incapable de 8. Wikstrom SO, Svedman P, Svensson H, Tanweer
comprendre les instructions relatives à la mani- AS. Effect of transcutaneous nerve stimulation on
microcirculation in intact skin and blister wounds in
pulation et au réglage du TENS. healthy volunteers. Scand J Plast Reconstr Surg Hand
• Lésions cutanées au site d’application des élec- Surg 199;33:195-201.
trodes. 9. Milne S, Welch V, Brosseau L, Saginur M, Shea
• Positionnement des électrodes sur les paupières B, Tugwell P, Wells G. Transcutaneous electrical
ou à la face antérieure du cou (sinus caroti- nerve stimulation (TENS) for chronic low back pain.
Chochrane Data Base Syst Rev 2001.
diens : contre-indication relative).
10. Osiri M, Welch V, Brosseau L, Shea B, McGowan J,
• Les pacemakers et autre stimulateurs élec- Tugwell P, Wells G. Transcutaneous electrical nerve
triques implantés ont constitué des contre- stimulation for knee osteoarthritis. Chochrane Data
indications relatives avec les dispositifs de Base Syst Rev 2001.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 21. La stimulation nerveuseSCIENCE
électrique MEDICALE
transcutanée 219

11. Igwea SE, Tabansi-Ochuogu CS, Abaraogu UO. 12. Schulz KF, Chalmers I, Hayes RJ, Altman DG. Empi-
TENS and heat therapy for pain relief and quality rical evidence of bias: Dimensions of methodological
of life improvement in individuals with primary dys- quality associated with estimates of treatment effects
menorrhea: A systematic review. Complement Ther in controlled trials. JAMA 1995;273:408–12.
Clin Pract. 2016 Aug;24:86–91.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 22
Hypnose médicale et douleurs
chroniques
Laurence Clivaz Mariotti, Nicolas Mariotti

Historique Pendant la transe hypnotique, le thérapeute


va tenter de remettre le patient en mouvement,
L’utilisation de l’hypnose en médecine date c’est-à-dire de le sortir d’un état figé, de le diriger
du XVIIIe siècle. Franz-Anton Mesmer (1734- vers un processus d’ouverture et de le remettre
1815), médecin allemand, décrit une théorie en relation avec son corps. « L’hypnose est une
appelée « magnétisme animal », qui sera rebap- façon d’employer la même langue que le patient,
tisée « hypnotisme » par ses illustres successeurs celle de sa souffrance, mais en lui proposant une
français, dont Jean-Martin Charcot (1825-1893), perspective différente par rapport à elle » [2].
Hyppolite Bernheim (1840-1919) et Ambroise- En modifiant son point de vue, le patient pourra
Auguste Liébault (1823-1904). Cette pratique percevoir sa douleur sous un angle différent, se
a ensuite été délaissée au profit des avancées défaire de certains automatismes négatifs, envisa-
médicales dans les domaines de l’anesthésie, de ger de nouvelles solutions, et s’ouvrir à nouveau
l’antalgie et de la psychanalyse. Le psychiatre en mobilisant ses propres ressources.
américain Milton Erickson (1901-1980) donne L’hypnose n’a donc pas la prétention de gué-
une nouvelle dimension à l’hypnose clinique en rir le patient de sa douleur mais de la rendre
développant son utilisation thérapeutique, encore supportable en diminuant la souffrance associée.
d’actualité à nos jours. « L’objectif étant que le message douloureux
devienne le moins investi possible et que le
patient gagne en sentiment de contrôle » [3].
C’est un élément important à préciser dès le
Modalités départ, car les attentes vis-à-vis de l’hypnose sont
souvent de l’ordre de la magie. Les thèmes et les
En complément aux thérapies conventionnelles objectifs (le plus petit changement possible qui
et uniquement après un bilan médical somatique indiquera que le patient va mieux) sont donc
complet, l’hypnose représente un outil intéres- discutés préalablement avec le patient. Lors du
sant. Elle est définie comme un « état de conscience premier entretien, une anamnèse détaillée permet
particulier, entre la veille et le sommeil, provoqué au thérapeute de faire un « état des lieux » :
par la suggestion » (Larousse) ou comme un processus biologiques (contractions musculaires,
« état de veille paradoxale » (François Roustang). inflammation, compressions nerveuses), cognition
Le terme communément utilisé est la « transe ». (catastrophisme), comportement (suivi médical,
Durant une séance d’hypnose, l’attention du médicaments, évitement), émotions (tristesse,
patient est détournée de la réalité extérieure et se colère, désarroi, désespoir) et recherche d’éven-
focalise sur un monde intérieur, dans lequel la sen- tuels bénéfices secondaires [4]. L’étude de Marie-
sorialité est différente et la conscience élargie [1]. France Le Goaziou et al, portant sur 148 patients

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
222 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

douloureux chroniques, dont la symptomatologie le souhaitera et au moment qu’il aura choisi (lors
évoluait depuis plus de 5 ans pour 54 % d’entre de la crise douloureuse ou dans d’autres circons-
eux, retrouvait une dépression chez 35,5 % et un tances). Cet apprentissage requiert en moyenne
état anxieux chez 47 % des patients. [5]. entre cinq et 10 séances avec un hypnothérapeute.
Il est aussi utile de faire dessiner sa douleur au Avec cet outil, le patient se sent moins démuni,
patient. Durant cet exercice, il pourra localiser la et donc aussi moins anxieux. Agir sur l’anxiété a
douleur sur un schéma corporel, lui donner des bien souvent un impact important sur les douleurs
couleurs spécifiques, des formes ou même un elles-mêmes.
nom. Il s’agit du processus de « chosification » de
la douleur qui permettra de la traiter comme une
entité spécifique. Indications
L’anamnèse révélera des souvenirs pénibles et
désagréables, ainsi que l’existence de phobies Le champ d’application de l’hypnose dans le
ou d’autres troubles psychologiques. Ces élé- cadre de la douleur chronique est assez large :
ments sont utiles pour que le thérapeute évite céphalées, brûlures, douleurs abdominales (côlon
de suggérer des situations angoissantes durant irritable, maladie de Crohn), lombalgies chro-
la transe et provoque ainsi des « abréactions » niques, arthrite chronique, fibromyalgie, dou-
(fortes décharges émotionnelles) de la part du leurs fantôme, dyspepsie, douleurs cancéreuses.
patient [6]. Les contre-indications à l’utilisation de l’hypnose
relèvent de l’expérience du thérapeute, qui, en
signant une charte éthique pendant sa forma-
Déroulement tion, s’engage à traiter les patients de façon
respectueuse et avec leur consentement éclairé,
Classiquement, une séance d’hypnose se déroule sans dépasser les limites de ses compétences. Les
en quatre temps : patients psychotiques, notamment, devraient être
• Induction : en fixant le regard sur un point par référés à un spécialiste.
exemple.
• Dissociation : la réalité extérieure s’estompe
pour laisser la place à la sensorialité intérieure : Recherche
le corps s’engourdit et les perceptions auditives,
visuelles et kinesthésiques sont atténuées. Plusieurs études scientifiques ont mis en évidence
• Perceptude : le patient se détache de sa douleur l’impact de l’hypnose au niveau cérébral. En effet,
et s’ouvre aux suggestions thérapeutiques. au PET-Scan, l’hypnose modifie la réponse corti-
• Sortie de transe. cale à la douleur par une variation du flux sanguin
Le thérapeute va s’appuyer principalement sur dans le cortex cingulaire antérieur (dimension
des métaphores, idéalement celles que le patient a affective de la douleur) ainsi que dans l’aire S1
utilisées dans l’anamnèse pour qualifier sa douleur (dimension sensorielle de la douleur) [8]. L’hyp-
(« coups de couteau », « décharges électriques », nose agit donc sur les deux composantes de la
« feu dévorant »). « Il s’agit là de l’outil le plus douleur, la sensation douloureuse et l’émotion
pointu et le plus caractéristique de la pratique de qui lui est associée. M.-E. Faymonville a démontré
l’hypnose » [7]. La séance d’hypnose se construit que l’hypnose réduisait la perception de la douleur
autour du patient et évolue avec lui. Elle intègre de 50 % [9]. Deux revues de la littérature, publiées
un travail sur les compétences propres du patient, en 2006 et 2007, confirment l’effet antalgique de
qui consiste à rehausser une estime de soi souvent l’hypnothérapie pour différents type de douleurs,
médiocre, ainsi que l’apprentissage de l’auto- effet qui se prolonge à moyen terme (jusqu’à
hypnose, qui permettra au patient de participer une année) [10,11]. Des résultats similaires ont
activement à son traitement. Utilisant ses propres été à nouveau rapportés dans une étude publiée
ressources, il pourra ainsi agir aussi souvent qu’il en 2014 portant sur une centaine de patients

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre SCIENCE
22. Hypnose médicale MEDICALE
et douleurs chroniques 223

souffrant de lombalgies chroniques et traités par 3. Bioy A. Hypnosis and pain: current and pers-
hypnose avec plus de la moitié des patients présen- pective knowledge. Rev Med Suisse. 2012 Jun
27;8(347):1399–400. 1402-1403.
tant une amélioration de la symptomatologie et un
4. Basler H-D, Kröner-Herwig B, Franz C, Rehfisch HP.
maintien de ce gain à 6 mois [12]. Psychologische Schmerztherapie. Springer; 2003.
5. Le Goaziou MF, Moreau A, Letrilliart L, Zerbib Y.
Patients and their chronic pain: how do they perceive
Conclusion it? A descriptive study in French general practice. Eur
J Gen Pract. 2005 Mar;11(1):25–6.
6. Forster A, Kooger N, Cuddy N. Les possibi-
Dans la prise en charge des douleurs chroniques, lités et les limites de l’hypnose dans l’approche
l’hypnose offre l’opportunité d’aborder ces patho- de la médecine psychosomatique. Rev Med Suisse
logies complexes par une approche différente, 2004;62(2476):725–7.
7. Bioy A, Keller P-H. Hypnose clinique et principe
centrée sur la personne dans son ensemble. En se
d’analogie. Fondements d’une pratique psychothéra-
détachant de son corps et donc de sa douleur, au peutique. Ed. De Boeck Supérieur, 2009.
travers de sa relation avec son thérapeute qui le 8. Rainville P, Hofbauer RK, Bushnell MC, et al. Hyp-
guide, le patient peut expérimenter de nouvelles nosis modulates activity in brain structures involved
perceptions, agir sur ses émotions en les adaptant in the regulation of consciousness. J Cogn Neurosci
à la réalité, et s’ouvrir progressivement à une nou- 2002;14(6):887–901.
9. Faymonville M-E, Roediger L, Del Fiore G, et al.
velle façon de vivre sa douleur et la rendre plus
Increased cerebral functional connectivity underlying
supportable. L’hypnose doit être pratiquée par the antinociceptive effects of hypnosis. Cogn Brain
des thérapeutes formés dans des écoles reconnues Res. 2003 Jul;17(2):255–62.
par la Société internationale d’Hypnose. 10. Jensen M, Patterson DR. Hypnotic treatment of
chronic pain. J Behav Med. 2006 Feb;29(1):95–124.
Références 11. Elkins G, Jensen MP, Patterson DR. Hypnotherapy
for the management of chronic pain. Int J Clin Exp
1. Roustang F. Qu’est-ce que l’hypnose ? Paris: Les Hypn. 2007 Jul;55(3):275–87.
Éditions de Minuit; 1994. 12. Tan G, Rintala DH, Jensen MP, Fukui T, Smith D,
2. Bioy A. Douleur chronique, une ignorance qui struc- Williams W. A randomized controlled trial of hypno-
ture. Hypnose et thérapies brèves. 2013 Mar;66–76. sis compared with biofeedback for adults with chronic
HS 7. low back pain. Eur J Pain 2015 Feb;19(2):271–80.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 23
L’antalgie interventionnelle
Christophe Perruchoud, Éric Buchser

Généralités d’opiacés au long cours. Une enquête allemande


révèle que près de 80 % de spécialistes hospitaliers
Historiquement, le recours à des thérapies et privés utilisent une méthode invasive, la plupart
interventionnelles était réservé aux patients ne du temps à plusieurs reprises, pour traiter un
répondant pas aux traitements antalgiques médi­ quart de leurs patients [3].
camenteux multimodaux ou lorsque leurs effets Les techniques interventionnelles invasives
secondaires étaient trop importants. En dépit devraient s’inscrire dans un plan de traitement
des progrès réalisés en pharmacologie, le traite­ comprenant des normes diagnostiques, des
ment des douleurs chroniques et la qualité de la approches thérapeutiques multimodales et un
vie des patients restent souvent insatisfaisants. contrôle qualité approprié. L’approche interven­
Par exemple, les médicaments adjuvants (anti­ tionnelle s’utilise aussi bien à des fins diagnos­
épileptiques ou antidépresseurs), recommandés tiques que pronostiques et/ou thérapeutiques.
dans le cadre d’une douleur neuropathique, ne Les procédures diagnostiques permettent de
sont pas efficaces chez tous les patients, tant cerner le ou les facteurs responsables d’une dou­
s’en faut ; l’administration chronique d’AINS leur chronique. Pour ce faire, des petits volumes
entraîne des risques bien définis [1] et la pres­ de 0,3 à 1 ml d’anesthésique local sont injectés au
cription d’opiacés à long terme dans le traite­ voisinage d’un nerf ou d’une autre structure (arti­
ment des douleurs chroniques non cancéreuses culation, muscle). L’utilisation de la fluoroscopie
fait également débat en raison de l’absence de ou de l’ultrason améliore considérablement la
bénéfices à long terme, voire d’une péjoration précision du bloc diagnostique. Lors de pro­
de l’état de santé [2, 3]. Finalement, les compli­ cédures répétées, l’administration de différents
cations de la chirurgie lombaire sont largement anesthésiques locaux (lidocaïne ou bupivacaïne)
supérieures à celles des injections lombaires, permet de corréler la durée de l’analgésie avec la
avec notamment un taux de mortalité 130 fois durée d’action attendue du médicament injecté.
plus élevé [2]. Cette technique n’élimine toutefois pas complè­
Ces éléments contrastent avec la relative inno­ tement le risque de blocs faussement positifs.
cuité de la plupart des procédures d’antalgie De plus, l’effet antalgique peut parfois dépasser
interventionnelle. Bien qu’il manque des données largement la durée d’action de l’anesthésique
robustes pour démontrer leur efficacité et le local. Cette observation rapportée à de multiples
bénéfice à long terme qu’elles apportent, les reprises reste largement inexpliquée [4]. Elle
techniques d’antalgie interventionnelles sont pro­ pourrait être due à la rupture d’un cercle vicieux
posées de plus en plus tôt dans les algorithmes entretenu par le système nerveux qui associe la
de prise en charge. Il est par exemple large­ douleur musculosquelettique à des contractures
ment admis qu’elles prévalent sur un traitement musculaires.

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
228 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Les blocs à visée pronostique permettent de anesthésiques locaux : les substances actives dont
prédire l’efficacité d’un traitement définitif et le nom contient deux « i », (par exemple, bupi­
de définir une stratégie thérapeutique. Un bloc vacaïne) sont des amides. Les autres molécules
nerveux temporaire peut, par exemple, permettre sont des esters (par exemple, procaïne).
de décider d’effectuer une procédure lésionnelle • Un groupe ionisable hydrophile (amine ter­
ou chirurgicale bloquant l’activité nerveuse pour tiaire ou plus rarement secondaire) détermine
une analgésie durable. Il est néanmoins admis l’ionisation de la molécule et donc sa diffusion
que la durée de l’effet antalgique des procédures tissulaire.
lésionnelles dépasse rarement une année.
Les blocs thérapeutiques ont pour objectif Mécanisme d’action et propriétés
de traiter la douleur à moyen ou long terme. des anesthésiques locaux
Le bloc thérapeutique peut être une répétition Les anesthésiques locaux inhibent la conduction
du bloc diagnostique. Dans ce cas, on associe nerveuse de façon réversible en abaissant la per­
généralement des corticoïdes aux anesthésiques méabilité membranaire aux ions sodium pendant
locaux pour en prolonger l’effet. Les blocs la phase de dépolarisation. Les fibres nerveuses
neurolytiques chimiques (phénol ou alcool), la sont inégalement sensibles à l’action des anes­
dénervation par cryothérapie ou la radiofré­ thésiques locaux, les axones de petit diamètre,
quence sont aussi considérés comme des blocs sans gaine de myéline (fibres C), étant plus
thérapeutiques. sensibles que les axones myélinisés de plus grand
diamètre (bloc différentiel).
Les anesthésiques locaux bloquent d’abord
Médicaments couramment les fibres C, B et Aδ (système végétatif, dou­
utilisés en pratique clinique leur, température), puis les fibres Aγ (sensibilité
tactile grossière), les fibres Aβ (sensibilité tac­
Anesthésiques locaux tile épicritique et vibratoire) et finalement les
fibres Aα (motricité et proprioception).
Tous les anesthésiques locaux partagent une L’activité des anesthésiques locaux est détermi­
structure moléculaire commune et un mode née par trois propriétés :
d’action semblable (tableau 23.1.) Leur structure • La solubilité lipidique : plus elle est élevée, plus
chimique est composée de trois parties : la molécule est puissante.
• Un groupe lipophile (cycle aromatique de type • La fixation aux protéines plasmatiques : les
acide benzoïque ou para-amino-benzoïque) favo­ molécules fortement liées aux lipoprotéines
risant la diffusion et la fixation de la molécule. tissulaires des membranes nerveuses se résor­
• Une chaîne carbonée intermédiaire (fonction bent lentement et ont une durée d’action
ester, éther, ou amide), dont la longueur prolongée.
influence la liposolubilité ou l’hydrosolubilité, • Le pKa : les anesthésiques locaux ne peuvent
et détermine la puissance et la toxicité du médi­ traverser les membranes que sous forme neutre,
cament. La liaison ester est instable et les anes­ d’où l’importance du pKa (proportion entre
thésiques locaux de type ester sont rapidement forme ionisée et non ionisée) et du pH extra-
dégradés par les estérases plasmatiques. La liai­ et intracellulaire. Plus le pKa est élevé, plus
son amide est plus stable. Les anesthésiques de petite est la fraction libre qui seule traverse les
ce groupe subissent une dégradation hépatique membranes nerveuses, et plus long sera le délai
plus lente, expliquant leur durée d’action plus d’action.
longue et la formation de métabolites souvent L’adjonction de vasoconstricteurs (adrénaline
actifs. Il existe une astuce mnémotechnique pour ou noradrénaline) réduit l’absorption systémique
déterminer la classe à laquelle appartiennent les de l’anesthésique local et prolonge ses effets.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 23. L’antalgie MEDICALE
interventionnelle 229

Tableau 23.1. Anesthésiques locaux.


Molécule Formes Concentrations Puissance Durée d’action Dose maximale
galéniques disponibles relative (solution (solution injectable)
injectable)
avec sans
adrénaline adrénaline
Amides Lidocaïne – Solution injectable 0,5 % 2 2h 7 mg/kg 3 mg/kg
(Rapidocain®, – Crème (Emla®) 1%
Xylocain®) – Patch (Neurodol®) 2%
– Gel oral 5 % EMLA
– Solution pour 10 % spray
muqueuse
– Nébuliseur
– Gel urétral
– Pâte gingivale
Mépivacaïne Solution injectable 1% 2 1,5 à 3 h 7 mg/kg 5 mg/kg
(Mépivacain®) 1,5 %
2%
Prilocaïne – Crème (Emla®) 0,5 % 2 0,5 à 1 h 7,5 mg/kg 5 mg/kg
(Prilocain®) – Patch (Emlapatch®) 1%
– Gel périodontal 2%
(Oraqix®) 5 % (Emla)
Bupivacaïne Solution injectable 0,125 % 8 4à6h 3 mg/kg 2 mg/kg
(Bupivacain®, 0,25 %
Carbostesin®, 0,5 %
Marcaine®) 4 % (à diluer)
Levo- Solution injectable 0,125 % 8 4à6h 3 mg/kg 2 mg/kg
bupivacaïne 0,25 %
(Chirocaïne®) 0,5 %
0,75 %
Ropivacaïne Solution injectable 0,2 % 6 3à4h 3 mg/kg 2 mg/kg
(Naropin®) 0,5 %
0,75 %
1%
Ester Procaïne Solution injectable 1% 1 1 à 1.5 h 10 mg/kg 8 mg/kg
(Procaine®) 2%
Chloroprocaïne Solution injectable 0,5 % 2 0,5 à 1,5 h 15 mg/kg 10 mg/kg
(Ivracaine®) 1%
2%
3%
Tertracaïne Solution injectable 1% 8 3à4h 2,5 mg/kg 1,5 mg/kg
(Tetracaïne®)

Les anesthésiques locaux possèdent des pro- sodiques : ils inhibent l’inflammation neurogène
priétés anti-inflammatoires intrinsèques dont le locale et pourraient diminuer les phénomènes
mécanisme d’action implique la modulation de la de sensibilisation et de chronicisation de la dou­
libération locale et systémique de médiateurs de leur (hyperalgésie et allodynie). Ces propriétés
l’inflammation. L’intérêt des anesthésiques locaux intrinsèques présentent leur intérêt, notamment
ne réside donc plus seulement dans leur capacité à lors d’administration intraveineuse de lidocaïne
bloquer les influx nociceptifs au niveau des canaux dans les syndromes douloureux chroniques.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


230 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Les anesthésiques locaux possèdent également la du QRS, une tachycardie, une fibrillation ven­
propriété d’inhiber l’agrégation plaquettaire in triculaire, une torsade de pointe ou une asys­
vivo et in vitro. tolie. Une réanimation cardiopulmonaire, parfois
prolongée, est généralement nécessaire. La ropi­
Toxicité des anesthésiques locaux vacaïne et la lévobupivacaïne sont réputées moins
cardiotoxiques que la bupivacaïne. Toutefois, ces
Tous les anesthésiques locaux sont toxiques pour
trois médicaments ont des puissances différentes
les neurones et cet effet est d’autant plus mar­
et il n’est pas certain que, pour une intensité de
qué que la concentration est élevée. En dépit
blocage donnée, les différences entre ces trois
de l’impression clinique, il n’est pas confirmé
agents aient une signification clinique. L’adminis­
que certains anesthésiques locaux sont moins
tration intraveineuse d’émulsion lipidique (Intra­
neurotoxiques que d’autres. Des données expé­
lipide®) est conseillée dès l’apparition des signes
rimentales suggèrent qu’à doses équipotentes, la
de toxicité nerveuse ou cardiaque (figure 23.1).
neurotoxicité de tous les anesthésiques locaux est
Le bien-fondé de ce traitement reste néanmoins
comparable [4].
discuté [5].
L’administration intrathécale de lidocaïne a
Les anesthésiques locaux à fortes concentrations
produit des effets neurotoxiques directs et per­
sont particulièrement toxiques au niveau cellu­
manents, sous forme de syndrome de la queue-
laire, car ils diminuent considérablement l’activité
de-cheval, de myélite ou d’arachnoïdite.
enzymatique de la chaîne respiratoire mitochon­
L’incidence de ces complications est inférieure
driale. Ce phénomène pourrait expliquer la toxi-
à 1 cas/10 000. Des troubles neurologiques
cité musculaire des anesthésiques locaux. La
transitoires (radiculites) sont classiquement
bupivacaïne est utilisée depuis longtemps comme
associés à l’injection intrathécale (plus rarement
inducteur de la myopathie de Duchenne en expé­
épidurale) de lidocaïne 5 % et de bupivacaïne
rimentation animale. Contrairement à la cardio­
0,5 % (incidences respectives de 5 % et 1 %).
toxicité, il n’existe pas de stéréospécificité pour la
Les douleurs peuvent durer 1 à 2 semaines, et
toxicité musculaire.
sont parfois accompagnées d’une incontinence
L’allergie aux anesthésiques locaux de classe
urinaire passagère. Ces douleurs sont fréquem­
amide est rare. La majorité des effets secondaires
ment aggravées par le mouvement et calmées par
rapportés après une anesthésie locale correspond
les AINS.
en fait au passage intravasculaire d’adrénaline.
Divers symptômes neurologiques annoncent
Les allergies vraies concernent principalement les
les effets toxiques systémiques des anesthésiques
anesthésiques locaux de type ester comme la
locaux : céphalées, fourmillements des extrémités
procaïne, la chloroprocaïne et la tétracaïne. Pour
et péribuccaux, goût métallique, bourdonnements
rappel, les préparations adrénalinées contiennent
d’oreille, vertiges, hallucinations visuelles ou audi­
aussi des agents conservateurs allergisants (par
tives. Les signes objectifs (vomissements, trem­
exemple, les sulfites).
blements, contractions musculaires) précèdent
les crises convulsives. L’incidence des accidents
convulsifs est estimée à 1/600 à 1/1 000 blocs. Corticoïdes
Les complications neurologiques sont plus fré­
quentes lorsque les blocs sont effectués au niveau Les (gluco-) corticoïdes utilisés en clinique sont
cervical. des dérivés synthétiques des hormones naturelles
Les effets toxiques des anesthésiques locaux cortisol et cortisone, dont ils se distinguent par
s’exercent d’abord au niveau du système ner­ une action anti-inflammatoire plus marquée et un
veux, puis du système cardiovasculaire, à l’excep­ effet minéralocorticoïde moindre.
tion de la bupivacaïne qui peut être d’emblée L’indication à l’administration de corticoïdes
cardiotoxique. La toxicité cardiaque peut se repose principalement sur leur activité anti-
manifester par une bradycardie, un élargissement inflammatoire, laquelle se manifeste déjà aux

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 23. L’antalgie MEDICALE
interventionnelle 231

Figure 23.1. Prise en charge d’une intoxication aux anesthésiques locaux

faibles doses (environ 0,1 mg/kg d’équivalent la douleur chronique secondaire à une discopa­
prednisone). Les corticoïdes inhibent notamment thie. Les corticoïdes inhibent également la voie de
l’enzyme phospholipase A2, responsable de la la lipoxygénase et diminuent la formation de leu­
conversion des phospholipides membranaires en cotriènes (médiateur inflammatoire) [6]. Outre
acide arachidonique, substrat de la formation des leur activité anti-inflammatoire, les corticoïdes
leucotriènes, prostaglandines et thromboxanes. limitent les dépôts de collagène et l’accumulation
De hautes concentrations de phospholipase A2 de fibrose, la perméabilité capillaire et la formation
semblent présentes dans les disques interverté­ d’œdèmes [7]. D’autres effets ont été démontrés,
braux, à l’origine d’un rôle non négligeable dans comme leur action antinociceptive directe par

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


232 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Tableau 23.2. Corticoïdes utilisés pour les infiltrations en pratique clinique.


Substance Nom commercial Équivalence Demi-vie biologique Durée d’action Dose habituelle
de doses (heures) (mg)
Triamcinolone (dérivé Triamcort® 4 mg 12-36 intermédiaire 40-80
fluoré) Kenacort® (acétonide
de triamcinolone)
Triamject®, 4 mg 12-36 longue 2-40 (selon la taille
Ledercort® de l’articulation)
(héxacétonide
de triamcinolone)
Bétaméthasone Celestone® 0,75 mg 36-54 longue 8-16
(dérivé fluoré) Diprophos®
Méthyl-prednisolone Urbason® 4 mg 12-36 intermédiaire 40-80
Solu-médrol®
Dépo-médrol ®
Dexaméthasone Fortecortin® 0,75 mg 36-54 intermédiaire 4-8
(dérivé fluoré) Méphameson®
Decadron®
Cortivazol Altim® 0,3 mg > 60 intermédiaire 3,75
Hydrocortisone 20 mg 8-12 courte 25-125
Prednisolone Hydrocortancyl® 5 mg 12-36 courte 2-50

altération de la conductivité des fibres C non de hernie discale [10]. Seule la dose de 5 mg était
myélinisées [8]. Des posologies plus élevées sont moins efficace.
nécessaires dans les traitements antiallergiques et Toutefois, l’utilisation des corticoïdes en injec­
immunosuppresseurs. tion épidurale reste controversée. En effet, de
Il n’existe pas de recommandations unani­ nombreuses études ont mis en évidence une
mement reconnues quant aux doses optimales corrélation entre le volume d’injection et l’effi­
et aux types de corticoïdes à injecter par voie cacité analgésique. L’injection de solution saline
épidurale (tableau 23.2). Les doses utiles sont (NaCl 0,9 %) sans corticoïde s’est révélée éga­
probablement inférieures à celles généralement lement efficace, probablement par effet osmo­
utilisées en clinique, exposant les patients à des tique et dilution des médiateurs inflammatoires
risques d’effets secondaires régionaux et sys­ ou par levée d’adhérences cicatricielles [11,12].
témiques moins importants (tableau 23.3). Le bénéfice lié à l’injection de grands volumes
Les résultats des études sont contradictoires : (généralement > 15 ml) doit être contrebalancé
les études observationnelles de bas niveau de par les risques de compression médullaire ou de
preuve rapportent un bénéfice analgésique et décompensation d’une sténose canalaire préexis­
fonctionnel à court et long termes, alors que les tante, surtout au niveau cervical.
études de haut niveau de preuve ne confirment Une étude publiée en 2014 dans le prestigieux
pas toujours ce bénéfice. Une étude randomisée New England Journal of Medicine a comparé
récente n’a pas montré de différence d’efficacité l’injection épidurale d’anesthésiques locaux avec
entre une dose de 40 mg et une dose de 80 mg ou sans corticoïde chez des patients souffrant
de dépo-méthyl-prednisolone en injection épi­ d’un canal lombaire étroit avec claudication neu­
durale interlaminaire en cas de radiculopathie rogène [13]. À 3 semaines, l’adjonction de corti­
lombaire [9]. De même, aucune différence n’a coïdes avait contribué à une amélioration modeste
été observée entre des doses de 10, 20 et 40 mg mais significative du score de douleur. Bien que
de triamcinolone en injection transforaminale lors ce bénéfice ne soit pas retrouvé 6 semaines après

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 23. L’antalgie MEDICALE
interventionnelle 233

Tableau 23.3. Effets secondaires des corticoïdes.


Effets secondaires régionaux Effets secondaires systémiques aigus Effets secondaires systémiques chroniques
Atrophie cutanée et sous-cutanée Diabète sucré (apparition ou décompensation Ostéoporose
d’un diabète préexistant
Lipomatose épidurale Rétention hydrosodée Laxité ligamentaire
Rupture tendineuse (surtout pour Embolie vasculaire (pour les formes contenant Ostéonécrose (ex. : tête fémorale)
les dérivés fluorés : bétaméthasone, des particules microcristallines)
triamcinolone et dexaméthasone)
Hypertension artérielle Suppression de l’axe hypothalamo-
hypophyso-surrénalien (Addison)
Allergie (sulfites) Prise pondérale
Bouffées de chaleur Cataracte
Insomnies Glaucome
Euphorie/dysphorie Immunosuppression
Psychose aiguë
Suppression de l’axe hypothalamo-
hypophyso-surrénalien (Addison)
Aménorrhée
Diminution de la libido
Acné

le traitement, la satisfaction et l’amélioration des voie interlaminaire thoracique et cervicale et lors


symptômes dépressifs des patients ayant reçu de blocs facettaires lombaires, thoraciques ou
des corticoïdes étaient en revanche plus éle­ cervicaux [15]. Toutefois, cette revue indique que
vées que celles des patients dont l’injection ne les effets des corticoïdes étaient supérieurs à ceux
comportait que des anesthésiques locaux (67 % des anesthésiques locaux seuls uniquement dans le
contre 54 %). Au vu de ces résultats, les auteurs traitement des hernies discales.
recommandent de ne pas répéter une injection À l’exception du canal carpien symptomatique,
épidurale de corticoïdes chez des patients souf­ il n’y a pas de bénéfice à ajouter des corticoïdes
frant d’un canal lombaire symptomatique si la ou des opiacés aux anesthésiques locaux dans
première injection n’est pas efficace. Cette étude les blocs nerveux périphériques (somatiques ou
a toutefois été largement critiquée, notamment en sympathiques). L’infiltration périphérique de cor­
raison de l’hétérogénéité des groupes (inclusion ticoïdes est indiquée en revanche dans les injec­
de patients présentant des douleurs aiguës et des tions intra-articulaires (arthrite inflammatoire et
sténoses étendues sur plusieurs niveaux) et de la poussées d’arthrose périphérique), les injections
méthode utilisée (infiltrations interlaminaires ou périarticulaires (bursites) et les injections périten­
transforaminales avec des volumes très variables). dineuses (tendinopathie).
De plus, l’évaluation des résultats 6 semaines Les corticoïdes sont disponibles sous forme de
après une intervention dont le bénéfice n’est solutions, de suspensions et de suspensions micro­
que de 3 à 4 semaines [14] est un problème cristallines. Seuls le phosphate de dexaméthasone
méthodologique supplémentaire. Une revue sys­ (Soludécadron®, Fortecortin®) et la methylpred­
tématique des études randomisées et contrôlées nisolone (Solu-Medrol SAB®) existent sous forme
a conclu à une efficacité similaire des infiltrations de solution. Les suspensions microcristallines
d’anesthésiques locaux avec et sans corticoïdes par (Triamcinolone®), moins solubles, ont un effet
voie épidurale lombaire, par voie interlaminaire, retardé et prolongé, car elles ne libèrent que pro­
transforaminale et caudale, de même que par gressivement le principe actif. C’est l’héxacétonide

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


234 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

de triamcinolone (Ledercort®) qui a l’effet retard teurs post-synaptiques alpha-2, essentiellement au


le plus prononcé (60 jours en moyenne), mais il niveau des terminaisons cutanées et muqueuses.
ne peut être injecté que par voie intra-articulaire. Au niveau central, l’activation des récepteurs
Les solutions microcristallines ont peu de dif­ alpha-2 limite la libération de noradrénaline dans
fusion systémique mais présentent des risques les terminaisons sympathiques post-ganglionnaires
importants d’atrophie cutanée, sous-cutanée et à l’origine de l’effet antihypertenseur [17]. Les
musculotendineuse. Seuls les corticoïdes sans propriétés analgésiques de la clonidine sont dues à
particules microcristallines et sans agent conser­ l’activation, au niveau de la moelle épinière et du
vateur (SAB ou sine alcohol benzylicus) sont cerveau, des récepteurs alpha-2 qui possèdent des
actuellement validés pour l’administration épidu­ caractéristiques fonctionnelles se superposant de
rale. Ces recommandations sont particulièrement manière significative avec celles des récepteurs µ.
importantes pour les approches transforaminales Lors d’administration épidurale ou intrathécale, la
ou les injections cervicales, toutes voies d’abord clonidine produit un effet analgésique. Associée
confondues. En France, seules deux suspensions, à un opioïde, elle en potentialise l’effet analgé­
l’acétate de prednisolone (Hydrocortancyl®) et sique [18]. La clonidine est métabolisée par le
le cortivasol (Altim®) sont autorisées sur le mar­ foie en cinq métabolites inactifs. Approximative­
ché (AMM) pour les infiltrations rachidiennes. ment 60 % de la clonidine est éliminée dans
Les incidents décrits dans la littérature en rela­ les urines sous forme inchangée. En pratique
tion avec l’injection épidurale de corticoïdes sont clinique, elle est principalement administrée par
principalement liés aux injections intra-artérielles voie intrathécale ou épidurale.
accidentelles. Des ischémies médullaires ont été
rapportées seulement avec des injections fora­
minales au niveau lombaire non opéré. Après
opération du rachis lombaire, les approches fora­ Contre-indications générales
minales, interlaminaires médianes et paramédianes à l’antalgie interventionnelle
ont toutes été associées à des complications d’ori­
gine artérielle. La voie interlaminaire cervicale De manière générale, les contre-indications à
expose au risque de lésion médullaire directe, l’antalgie interventionnelle sont les suivantes :
mais la majorité des accidents rapportés concerne • Refus du patient ou absence de consentement
la voie transforaminale où l’aiguille peut venir au éclairé signé par le patient.
contact des vaisseaux. L’IRM permet de mon­ • Infection locale ou systémique.
trer les zones artérielles ischémiques au niveau • Coagulopathie congénitale, acquise ou médi­
du cerveau, de la moelle ou du cône médullaire. camenteuse. L’arrêt des anticoagulants en
Les artères en cause paraissent être des artères fonction de leur durée d’action est néces­
vertébrales ou foraminales à destinée médullaire. saire (tableau 23.4) [19]. De manière générale,
Les antécédents de chirurgie du rachis permettent il est conseillé de suspendre le traitement anti­
d’expliquer le risque augmenté de complications : coagulant pour une durée équivalente à cinq
les zones cicatricielles sont hypervascularisées, demi-vies du médicament. L’arrêt de l’anti­
et les artères y sont fixées par la fibrose. coagulation ou de l’antiagrégation requiert
l’accord du médecin traitant ou des spécialistes
(cardiologue, neurologue, angiologue ou chi­
Clonidine rurgien vasculaire) en charge du patient. Il est
fortement recommandé de contrôler les para­
La clonidine est un agoniste adrénergique alpha mètres de la coagulation avant la procédure. En
possédant une sélectivité alpha-2/alpha-1 de cas de coagulopathie congénitale ou acquise,
220/1 [16]. l’administration des facteurs de coagulation
Au niveau périphérique, la clonidine produit manquants permet de corriger les troubles
une vasoconstriction par stimulation des récep­ de la coagulation dans la majorité des cas.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 23. L’antalgie MEDICALE
interventionnelle 235

Tableau 23.4. Gestion des AINS, antiagrégants et anticoagulants avant une procédure d’antalgie interventionnelle
de risque intermédiaire (injection épidurale ou bloc facettaire).
Substance Délai d’interruption avant la procédure Délai de reprise ou d’administration après
la procédure
Diclofénac (Diclofenac®) 24 heures * 24 heures *
Ibuprofène (Perdolan®) 24 heures * 24 heures *
Kétorolac (Toradol®) 24 heures * 24 heures *
Etodolac (Lodine®) 48 heures * 24 heures *
Aspirine (prophylaxie primaire) 6 jours 24 heures
Aspirine (prophylaxie secondaire) 4 jours 24 heures
Clopidogrel (Plavix®) 7 jours 12 heures (75 mg)
24 heures (dose de charge)
Prasugrel (Efient®) 7 à 10 jours 24 heures
Ticagrelor (Brilique®) 5 jours 24 heures
Acénocoumarol (Sintrom®) 3 jours 24 heures
INR normal
Warfarine (Coumadine®, Marevan®) 5 jours 24 heures
INR normal
Phenoprocoumone (Marcoumar®) 7 jours 24 heures
INR normal
Héparine non fractionnée (IV) 4 heures 2 heures
Héparine non fractionnée (SC) 8 à 10 heures 2 heures
Héparine de bas poids moléculaire (SC) : 12 heures (en l’absence d’insuffisance 12 heures
prophylaxie (< 1 mg/kg) rénale)
Héparine de bas poids moléculaire (SC) : 24 heures (en l’absence d’insuffisance 12 à 24 heures
thérapeutique (> 1 mg/kg) rénale)
Fondaparinux (Arixtra®) 4 jours 24 heures
Dabigatran (Pradaxa®) 4 à 5 jours (6 jours en cas d’atteinte de la 24 heures
fonction rénale)
Rivaroxaban (Xarelto®) 3 jours 24 heures
Apixaban 3 à 5 jours 24 heures
(Eliquis®)
Inhibiteurs des glycoprotéines IIb/IIIa : 2 à 5 jours Traitement en urgence, sous surveillance
Abciximab (ReoPro®) Tirofiban (Aggrasta®) neurologique
Eptifibatide (Integrilin®)
Agents thrombolytiques IV (Steptokinase®, 2 à 10 jours Traitement en urgence (si possible au min.
Urokinase®) 48 h après la procédure), sous surveillance
neurologique
* Il est conseillé d’interrompre les AINS seulement avant certaines procédures à risque intermédiaire (injections épidurales cervicales ou blocs du ganglion stellaire).

Une transfusion plaquettaire est nécessaire en Références


cas de thrombopénie inférieure à 80 giga/l. 1. Day RO, Graham GG. Non-steroidal anti-inflamma­
En cas de doute, une consultation hémato­ tory drugs (NSAIDs). BMJ 2013;346:f3195. doi:
logique est recommandée. Les injections 10.1136/bmj.f3195.
rachidiennes (blocs facettaires et injections épi­ 2. Manchikanti L, Kaye AD, Manchikanti K, Boswell
durales) sont considérées comme des procé­ M, Hirsch J. Efficacy of epidural injections in the
treatment on lumbar central spinal stenosis: a sys­
dures à risque intermédiaire de saignement.
tematic review. Anesth Pain Med 2015:e23139.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


236 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

3. Tafelski S, Beutlhauser T, Gouliou-Mayerhauser E, 13. Friedly JL, Comstock BA, Turner JA, Heagerty PJ,
Fritzsche T, Denke C, Schafer M. Practice of regional Deyo RA, Sullivan SD, et al. A randomized trial of
anesthesia for chronic pain patients in specialized pain epidural glucocorticoid injections for spinal stenosis.
services: A nationwide survey in Germany. Schmerz N Engl J Med. 2014 Jul 3;371(1):11–21.
2015;29(2):186–94. 14. Manchikanti L, Cash KA, McManus CD, Pampati
4. Lirk P, Picardi S, Hollmann MW. Local anaesthetics: V, Fellows B. Results of 2-year follow-up of a rando­
10 essentials. Eur J Anaesthesiol 2014;31:575–85. mized, doubleblind, controlled trial of fluoroscopic
doi: 10.1097/EJA.0000000000000137. caudal epidural injections in central spinal stenosis.
5. Litonius ES, Niiya T, Neuvonen PJ, Rosenberg PH. Pain Physician 2012;15:371–84.
Intravenous lipid emulsion only minimally influences 15. Manchikanti L, Nampiaparampil DE, Manchikanti
bupivacaïne and mepivacaine distribution in plasma KN, Falco FJE, Singh V, Benyamin RM, et al.
and does not enhance recovery from intoxication in Comparison of the efficacy of saline, local anesthetics,
pigs. Anesth Analg 2012;114:901–6. doi: 10.1213/ and steroids in epidural and facet joint injections for
ANE.0b013e3182367a37. the management of spinal pain: A systematic review
6. Manchikanti L, Singh V. Interventional Techniques of randomized controlled trials. Surg Neurol Int.
in Chronic Spinal Pain. Chapter 11: pharmacology of 2015;6(Suppl 4):S194–235.
neuraxial steroids. Paducah: ASIPP Publishing; 2007. 16. Virtanen R, Savola JM, Saano V, Nyman L. Charac­
7. Baqai A, Bal R. The mechanism of action and side terization of the selectivity, specificity and potency of
effects of epidural steroids. Tech Reg Anesth Pain medetomidine as an alpha 2-adrenoceptor agonist.
Manag. 2009;13:205–11. Eur J Pharmacol 1988;150(1–2):9–14.
8. Johansson A, Hao J, Sjolund B. Local corticosteroid 17. Kobinger. Central alpha-adrenergic systems as targets
application blocks transmission in normal nociceptive for hypotensive drugs. Rev Physiol Biochem Pharma­
C-fibers. Acta Anaesthesiol Scand. 1990;34:335–58. col 1978;81:39–100.
9. Owlia MB, Sami R, Akhondi M, et al. Comparison 18. Yaksh T. Pharmacology of spinal adrenergic sys­
of two doses of corticosteroid in epidural steroid tems which modulate spinal nociceptive processing.
injection for lumbar radicular pain. Singapore Med J. PharmacolBiochemBehav 1985;22:845–58.
2007;48:241–5. 19. Narouze S, Benzon HT, Provenzano DA, Buvanen­
10. Kang SS, Hwang BM, Son HJ, et al. The dosages dran A, De Andres J, Deer TR, Rauck R, Huntoon
of corticosteroid in transforaminal epidural steroid MA. Interventional spine and pain procedures in
injections for lumbar radicular pain due to a hernia­ patients on antiplatelet and anticoagulant medi­
ted disc. Pain Physician 2011;14:361–70. cations: guidelines from the American Society of
11. Rabinovitch DL, Peliowski A, Furlan AD. Influence Regional Anesthesia and Pain Medicine, the Euro­
of lumbar epidural injection volume on pain relief pean Society of Regional Anaesthesia and Pain The­
for radicular leg pain and/or low back pain. Spine J. rapy, the American Academy of Pain Medicine, the
2009;9:509–17. International Neuromodulation Society, the North
12. Manchikanti L, Singh V. Interventional Techniques American Neuromodulation Society, and the World
in Chronic Spinal Pain. Chapter 23: lumbar inter­ Institute of Pain. Reg Anesth Pain Med. 2015 May-
laminar epidural steroid injections. Paducah: ASIPP Jun;40(3):182–212.
Publishing; 2007.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 24
Les injections rachidiennes
Christophe Perruchoud, Éric Buchser

Les injections rachidiennes incluent les injec- combinaison de douleurs au niveau des membres
tions épidurales, les blocs facettaires et les blocs inférieurs ou des membres supérieurs et du rachis
sympathiques. lombaire ou cervical, souvent secondaires à des
troubles dégénératifs des segments adjacents tels
que pseudarthrose et instabilité postopératoires,
Injection épidurale décompression insuffisante ou sténose canalaire
persistante.
Avec un taux de succès moindre et une durée
Les premières injections épidurales de stéroïdes
d’efficacité plus courte, les douleurs dues à un
et d’anesthésiques locaux par voie caudale à visée
canal lombaire étroit font partie des indications
antalgique ont été décrites dès 1900 [1]. L’injec-
reconnues. Certains travaux font état d’une asso-
tion épidurale de stéroïdes compte actuellement
ciation positive entre le taux de succès et le degré
parmi les infiltrations les plus couramment effec-
de sténose [4] et une association négative [5]
tuées dans les centres de la douleur à travers
entre le taux de succès et la durée des symptômes.
le monde, avec un taux quadruplé depuis les
Divers syndromes douloureux neuropathiques
années 1990 [2]. Toutefois, les méta-analyses
des membres peuvent être allégés par une infiltra-
relèvent la pauvreté de la littérature concernant
tion épidurale : SDRC, névralgie postherpétique,
le nombre optimal d’injections, le produit à uti-
neuropathie douloureuse d’origine diabétique,
liser, la voie d’abord et l’absence de comparaison
douleur fantôme ou encore douleurs consécutives
directe avec l’administration systémique.
à un envahissement nerveux tumoral.
La douleur axiale du rachis (souvent disco-
Indications génique) est une indication controversée, étant
donné le faible pourcentage de patients qui en
• douleurs radiculaires sur hernie discale ; bénéficient.
• sténoses canalaires ; Certains facteurs sont associés à un mauvais
• douleurs axiales du rachis ; résultat : la durée prolongée des symptômes,
• douleurs neuropathiques des membres infé- les symptômes non radiculaires, le tabagisme
rieurs ou supérieurs. chronique, l’échec des traitements précédents,
L’indication principale concerne la douleur de hautes doses d’antalgiques per os, les dou-
radiculaire causée par une hernie discale. Les leurs non influencées par l’activité physique, le
compressions peu marquées semblent mieux chômage [6,7].
répondre à l’injection épidurale, possiblement Une infiltration épidurale peut aussi être pro-
en raison d’une douleur plus inflammatoire posée lors de douleurs aiguës survenant dans le
que compressive [3]. Les douleurs persistantes cadre d’un zona, d’une atteinte vasospastique ou
après chirurgie du rachis constituent également vaso-occlusive, d’une lésion radiculaire d’origine
une indication fréquente. Elles résultent d’une traumatique.

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
238 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Contre-indications spécifiques Quatre vertèbres cervicales sont typiques, trois


sont atypiques (figure 24.1). Les vertèbres C3
Outre les contre-indications générales à l’antal- à C6 sont typiques, car elles ont toutes une petite
gie interventionnelle (diathèse hémorragique, apophyse épineuse bifide et des apophyses trans-
infection locale ou systémique, refus du patient verses perforées de chaque côté par un foramen
ou absence de consentement éclairé), les contre- transverse pour le passage de l’artère et de la
indications spécifiques à l’injection épidurale veine vertébrales. Les vertèbres C1, C2 et C7
comprennent les anomalies congénitales ou sont anatomiquement atypiques : l’atlas n’a pas de
acquises du rachis, qui rendent la procédure corps vertébral ni d’apophyse épineuse, c’est un
techniquement difficile et risquée, même sous anneau formé d’un arc antérieur et d’un arc pos-
contrôle fluoroscopique. Il n’est pas recom- térieur. L’axis présente une projection supérieure
mandé d’aborder un niveau préalablement appelée apophyse odontoïde (ou dent de l’axis),
opéré en raison des possibles modifications qui s’articule avec l’arc antérieur de C1. C7 est
anatomiques (adhérence de la dure-mère) qui facilement reconnaissable à son apophyse épi-
peuvent compliquer l’identification de l’espace neuse proéminente non bifide. Dans le foramen
épidural. transverse de C7 ne passe généralement que la
veine vertébrale.
Les huit nerfs spinaux émergent au-dessus de
Rappel anatomique leurs vertèbres segmentaires, à l’exception de
la racine nerveuse de C8, qui émerge entre C7
La colonne vertébrale se compose de 33 ver-
et T1.
tèbres : 7 cervicales, 12 thoraciques ou dorsales,
5 lombaires, 5 sacrées fusionnées et 4 coccy-
Rachis thoracique
giennes également fusionnées. Les vertèbres sont
composées d’un corps antérieur et d’une arcade Les 12 vertèbres ont la particularité de présenter
neurale postérieure. Les apophyses transverses des articulations costovertébrales et des articula-
naissent de la jonction du pédicule, les processus tions costotransverses (figure 24.2). Les facettes
épineux de la fusion des lames gauche et droite. thoraciques qui sont orientées dans le plan frontal
Ces deux structures servent de bras de levier aux permettent les rotations et la flexion latérale du
muscles qui s’y insèrent. tronc.

Figure 24.1. Rachis cervical.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 24. Les injections MEDICALE
rachidiennes 239

Figure 24.2. Rachis thoracique.

Rachis lombaire l’approche caudale. Les risques de compli-


Les cinq vertèbres lombaires supportent 80 à cation grave sont les plus faibles avec la voie
90 % du poids du corps. L5 possède l’apo- interlaminaire.
physe transverse la plus épaisse et l’apophyse L’approche interlaminaire est effectuée au plus
épineuse la plus petite. L’apophyse transverse près du site pathologique. Le volume utilisé est
de L1 est la plus courte, celle de L3 la plus inférieur à celui de l’approche caudale. L’espace
longue (figure 24.3 A et B). épidural est délimité antérieurement par la dure-
mère, latéralement et postérieurement par les
parois ostéoligamentaires du canal vertébral.
Sacrum et coccyx Relativement étroit en avant et latéralement, cet
espace est en revanche très développé en arrière.
Le sacrum est formé par la fusion de cinq ver-
Il contient de la graisse et les plexus veineux. Il
tèbres et s’articule avec l’ilion. Le canal central
s’étend du foramen magnum (trou occipital) au
constitue la portion terminale du canal rachidien.
hiatus sacré.
Les rameaux ventraux de S1 à S4 sortent en avant
L’approche interlaminaire au niveau lombaire
par les foramens antérieurs et les rameaux pos-
et thoracique (figure 24.5) peut s’effectuer
térieurs par les foramens postérieurs. Le coccyx
chez un patient en position assise, en décubitus
se compose généralement de quatre vertèbres, la
latéral ou ventral, en fonction des préférences
première étant la plus large et munie de cornes.
de l’opérateur et du confort du patient. En
décubitus ventral, un coussin sous l’abdomen
Technique du patient efface la lordose lombaire. Les
positions assises ou en décubitus ventral sont
Il existe plusieurs façons d’accéder à l’espace épi- souvent privilégiées pour les injections épi-
dural : les voies interlaminaires, transforaminales durales cervicales. Les infiltrations épidurales
et caudales (figure 24.4). lombaires ne requièrent pas de monitorage
D’une manière générale, les résultats à court particulier ni d’accès veineux, contrairement
terme des injections transforaminales sont meil- aux procédures cervicales. Entre C6 et T1,
leurs que les approches interlaminaires [8]. Les l’espace épidural mesure de 4 à 6 mm. Dans les
résultats à long terme sont identiques avec les segments cervicaux supérieurs, l’élargissement
deux approches. Il existe peu d’évidence pour de la moelle épinière le rétrécit à 1 à 2 mm.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


240 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 24.3. Colonne lombaire.


A. Rachis lombaire.
B. Vertèbre lombaire.

Figure 24.4. Approches épidurales : interlaminaire (A), caudale (B) et transforaminale (C).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 24. Les injections MEDICALE
rachidiennes 241

Figure 24.5. Injection épidurale lombaire L5-S1 par approche interlaminaire.


A. Vue antéropostérieure.
B. Repérage et marquage de l’espace L5-S1.
C. Ponction interlaminaire paramédiane droite.
D. Contrôle du bon placement de l’aiguille par injection de produit de contraste.
E et F. Sur la vue latérale, le produit de contraste diffuse dans l’espace péridural antérieur (flèche rouge) et pos-
térieur (flèche verte).

Il est donc fortement déconseillé d’appro- • On privilégie l’abord paramédian de l’espace


cher l’espace épidural cervical par abord inter- péridural, qui permet de contourner les liga-
laminaire au-dessus de C6. Dans cette même ments intervertébraux calcifiés. La ponction
région, les variations anatomiques du liga- est effectuée 1 cm en dehors de la ligne inter-
ment jaune sont fréquentes et rendent difficile épineuse. L’aiguille est dirigée vers le grand axe
l’identification de l’espace épidural, ce qui du rachis selon un angle de 10 à 15° par rapport
peut exposer la moelle épinière à des lésions au plan sagittal. Après avoir traversé les muscles
traumatiques directes. Au niveau cervical (C6- paravertébraux, l’aiguille bute sur la lame verté-
C7 ou C7-D1), l’espace péridural peut être brale homolatérale. On retire alors l’aiguille
identifié par les techniques de perte de résis- de quelques millimètres, et on l’oriente en
tance ou de la goutte pendante — « hanging direction céphalique vers le ligament jaune.
drop » — (figure 24.6). • Identification de l’espace péridural.
Injection épidurale interlaminaire : • En l’absence de contre-indication, on vérifie le
• Repérage sous fluoroscopie et marquage du placement approprié de l’aiguille en injectant
point de ponction. 1 à 2 ml de produit de contraste (Iopamiro®
• Désinfection, champtage et anesthésie locale 200 ou 300). On évalue la diffusion axiale et
cutanée et profonde. antérieure du produit de contraste par des vues
• Ponction à l’aiguille de Tuohy (18 à 20 G). antéropostérieures et de profil.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


242 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 24.6. Injection épidurale cervicale par approche interlaminaire.


Sur le profil, la diffusion du produit de contraste est principalement visible au niveau de l’espace péridural
postérieur (flèche verte).

• Injection du mélange anesthésique local-cor-


ticoïdes ou de l’anesthésique local seul. Pour
apprécier la compliance de l’espace épidural, il est
conseillé d’utiliser la seringue à faible résistance.
• Rinçage et retrait de l’aiguille.
Plusieurs travaux ont estimé que dans près
de 40 % des cas, le mélange de médicaments
n’était pas injecté dans l’espace épidural. Seules
les procédures réalisées sous contrôle fluorosco-
pique (face et profil) et injection de contraste
permettent de confirmer le placement adéquat de
l’aiguille et d’exclure une ponction intrathécale
accidentelle (figure 24.7).
L’approche transforaminale permet d’atteindre
directement l’espace épidural antérolatéral en
n’utilisant qu’un faible volume (2 à 3 ml). Le
foramen vertébral est limité antérieurement par
les corps vertébraux postérolatéraux adjacents et
le disque intervertébral, postérieurement par la Figure 24.7. Ponction accidentelle de l’espace
pars interarticulaire (en haut) et l’articulation intrathécal avec visualisation d’un myélogramme.
facettaire (en bas), inférieurement par la courbure
supérieure du pédicule de la vertèbre inférieure
et supérieurement par la courbure inférieure du
pédicule de la vertèbre supérieure (figures 24.8 sous fluoroscopie chez un patient en décubitus
et 24.9). ventral (figure 24.10). Un coussin placé sous
Aux niveaux lombaires et thoraciques, les l’abdomen du patient efface la lordose lombaire.
injections épidurales transforaminales s’effectuent Il est déconseillé d’aborder les niveaux cervicaux

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 24. Les injections MEDICALE
rachidiennes 243

Figure 24.8. Anatomie du foramen vertébral.

Figure 24.9. Contenu du foramen intervertébral.

par approche transforaminale, même sous fluoro- adjacentes). L’arc-en-C est ensuite incliné en
scopie ou CT-Scan, en raison des complications direction du foramen, de façon à ce que l’apo-
potentielles sévères. Pour un bloc diagnostique physe épineuse se projette au niveau de la
au niveau cervical, une approche extraforaminale facette controlatérale.
sous ultrason est une alternative raisonnable (voir • Marquage du point de ponction au niveau
« Bloc sous ultrason, chap. 27 »). du quadrant supéro-externe du foramen. On
Injection épidurale transforminale : recherche le classique triangle de sécurité qui
• Repérage sous fluoroscopie : on recherche habituellement ne contient aucune structure
une vue antéropostérieure stricte au niveau du vasculaire ou nerveuse. Ce triangle est formé
foramen concerné (alignement des plateaux cranialement par la face inférieure du pédicule
supérieurs et inférieurs des deux vertèbres supérieur, latéralement par une ligne reliant

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


244 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 24.10. Injection épidurale transforaminale L5.


A. Vue fluoroscopique oblique(45°).
B. Marquage cutané du point de ponction.
C. Ponction en vue tunnel.
D. Contrôle de la profondeur de l’aiguille sur la vue de profil. La pointe se situe dans le quadrant dorsocranial du neuroforamen.
E et F. Injection de produit de contraste et évaluation de la diffusion dans l’espace épidurale et le long de la racine L5 en
vue latérale (E) et antéropostérieure (F).

les bords latéraux des pédicules supérieur


et inférieur et médialement par la racine
nerveuse.
• Désinfection, champtage, anesthésie locale
cutanée et profonde.
• Ponction à l’aiguille longue de 22 à 25 G
(aiguille spinale) munie d’une tubulure purgée
avec le produit de contraste. Progression de
l’aiguille en vision « tunnel » ou « pin point »,
soit parallèle au faisceau radiologique.
• On fait avancer l’aiguille sous vision latérale
jusqu’au quadrant dorsocranial du foramen
intervertébral (figure 24.11). Il est déconseillé
de cathétériser le foramen en profondeur en
raison du risque de lésions vasculaires ou ner-
veuses.
• Après un test d’aspiration et en l’absence de
contre-indication, vérification du placement Figure 24.11. Ponction du foramen intervertébral L4.
approprié de l’aiguille par injection de 1 à Position finale de l’aiguille dans le quadrant dorsocranial.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 24. Les injections MEDICALE
rachidiennes 245

Figure 24.12. Injection transforaminale sacrée S1 droite.


Sur l’incidence de profil (A), l’injection de produit de contraste dans le foramen S1 diffuse en présacré (flèche rouge). Sur
l’incidence de face (B), le trajet de la racine S1 est visible (flèche rouge) de même que l’extension épidurale en direction
craniale du produit de contraste.

2 ml de produit de contraste (Iopamiro® 200 L’approche caudale entraîne moins de compli-


ou 300). La diffusion du produit de contraste cations (ponction durale ou hématome), mais
le long du trajet de la branche antérieure n’est indiquée que pour les douleurs lombaires.
de la racine nerveuse en direction caudale Le patient est en décubitus ventral, un coussin
ou épidurale confirme le placement correct placé au niveau de la symphyse pubienne de façon
de l’aiguille. Il est important d’acquérir les à avoir les hanches légèrement fléchies. L’utilisa-
images radiologiques en temps réel de l’injec- tion de la fluoroscopie est hautement conseillée
tion de produit de contraste pour diminuer pour confirmer l’injection dans l’espace péridural.
le risque d’injection intravasculaire. Toutefois, En effet, 25 à 40 % des procédures effectuées à
l’absence d’opacification vasculaire n’exclut pas l’aveugle infiltrent l’espace sous-cutané, un mus-
la possibilité d’une ponction artérielle, qui ne cle, le périoste ou un ligament. Le sac thécal se
peut être attestée que par angiographie de terminant le plus souvent à hauteur de S2, la
soustraction digitale. ponction durale accidentelle est rare.
• Injection test de 1 ml de xylocaïne 1 %. Les Injection caudale :
corticoïdes sont injectés 1 à 2 minutes après • Repérage du hiatus sacré, délimité par les cornes
contrôle de l’absence de bloc moteur. Le sacrées et marquage du point de ponction.
volume total injecté est de 2 à 3 ml. • Désinfection, champtage, anesthésie locale
• Rinçage et retrait de l’aiguille. cutanée et profonde.
L’approche transforaminale sacrée (S1) est • Ponction à l’aiguille de Tuohy (18 G) par abord
similaire à l’abord lombaire. La fluoroscopie est médian ou paramédian.
orientée de sorte que les foramens ventral et dorsal • Le passage du ligament sacrococcygien pro-
se superposent. La présence de gaz intestinaux voque un léger craquement.
peut compliquer la visualisation des foramens. • Progression de l’aiguille jusqu’au contact de la
Le point de ponction se situe au niveau du bord paroi ventrale du canal sacré (en vision latérale).
latéral du foramen dorsal. Sur la vue latérale, la Léger retrait, réorientation en direction craniale
pointe de l’aiguille se trouve à 5 mm du plan- et poursuite de la progression de 1 à 2 cm dans
cher du canal sacré. Le produit de contraste le canal.
diffuse le long du trajet de la racine S1 en région • En l’absence de contre-indication, vérification
présacrée (figure 24.12). du placement adéquat de l’aiguille par injection

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


246 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

de 1 à 2 ml produit de contraste (Iopamiro® 200 comme sources potentielles de lombalgies [9].


ou 300). Contrôle de la diffusion dans le canal Ses constatations furent confirmées en 1927 par
sacré par une vue antéropostérieure et de profil. les travaux du chirurgien italien V. Putti [10].
• Injection du mélange anesthésique local-corti­ En 1933, R. K. Ghormley, également chirur-
coïdes ou de l’anesthésique local seul. Le volume gien orthopédiste, définit le syndrome facettaire
total injecté est de l’ordre de 10 à 20 ml. comme une douleur lombosacrée accompagnée
• Rinçage et retrait de l’aiguille. ou non d’irradiations, survenant brusquement
après une torsion ou une rotation de la colonne
lombaire [11]. En 1941, C. E. Badgley démontre
Surveillance après traitement que les facettes articulaires peuvent générer des
Les injections épidurales s’effectuent de préfé- douleurs dans les membres inférieurs indépendam-
rence chez des patients éveillés. Il est malgré tout ment d’une compression radiculaire [12]. Cepen-
conseillé de les surveiller pendant 1-2 heures sur dant, ce ne fut qu’en 1963 que C. Hirsch injecta
le plan neurologique (bloc moteur, déficit neuro- une solution saline hypertonique dans les articula-
logique nouveau, rétention urinaire) et hémody- tions facettaires et reproduisit expérimentalement
namique (hypotension, bradycardie) et de traiter la lombalgie irradiant vers les articulations sacro-
les éventuelles complications immédiates. Il est iliaques et le grand trochanter [13]. En 1976,
recommandé aux patients de ne pas conduire dans V. Mooney et J. Robertson utilisèrent le guidage
les heures qui suivent la procédure. par fluoroscopie pour l’injection de stéroïdes,
d’anesthésiques locaux et de corticoïdes [14].

Complications Indications
• En relation avec la procédure :
Le syndrome facettaire est une cause fréquente
– hématome superficiel et profond (rétropéri-
de douleurs chroniques chez 15 % à 45 % des
tonéal en cas de ponction transforaminale) ;
patients souffrant de lombalgies chroniques [15-
– infection superficielle (cutanée et sous-cutanée) ;
17], 54-67 % des patients présentant des cervical-
– infection profonde (méningite, abcès épidural) ;
gies [18, 19] et 48 % des patients des douleurs
– lésion neurologique (sur traumatisme ner-
dorsales [20].
veux direct ou lésion vasculaire en cas de
L’efficacité des blocs des branches médiales
variation anatomique du trajet de l’artère
avec ou sans corticoïde a été évaluée dans des
d’Adamkiewicz) ;
études randomisées, contrôlées et en double
– céphalées post-ponctionnelles sur brèche
aveugle chez des patients présentant des douleurs
durale accidentelle.
chroniques cervicales ou dorsales d’origine pré-
• En relation avec les médicaments injectés :
sumée facettaire [21,22]. À 1 an, environ 80 %
– anesthésiques locaux : bloc moteur, rachia-
des patients rapportaient de manière significative
nesthésie sur ponction durale accidentelle,
une amélioration fonctionnelle ainsi qu’une dimi-
toxicité systémique, embolie sur injection
nution des scores de douleurs. Les corticoïdes
vasculaire, rétention urinaire ;
ne s’avéraient pas supérieurs aux anesthésiques
– glucocorticoïdes : les effets secondaires et
locaux. En moyenne, 3-4 injections étaient néces-
indésirables sont résumés dans le tableau 23.2.
saires. Une revue systématique publiée en 2007
conclut à une évidence modérée en faveur de
l’efficacité à court et long termes des blocs répétés
Blocs facettaires des branches médiales (avec ou sans corticoïde) au
niveau lombaire, thoracique ou cervical [23]. En
C’est en 1911 que le chirurgien orthopédiste ce qui concerne les blocs facettaires intra-articu-
américain J. E. Goldthwait désigne pour la laires, l’évidence est modérée au niveau lombaire,
première fois les facettes articulaires lombaires faible au niveau cervical.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 24. Les injections MEDICALE
rachidiennes 247

Contre-indications les articulations facettaires ont une double inner-


vation, chaque articulation recevant des rameaux
Outre les contre-indications générales à l’antalgie nerveux issus des branches médianes inférieure et
interventionnelle (diathèse hémorragique, infec- supérieure : par exemple, l’articulation L3-L4 est
tion locale ou systémique, refus du patient ou innervée par les branches médianes de L3 et L4.
absence de consentement éclairé), la principale Cette double innervation explique le caractère
contre-indication spécifique aux blocs facettaires diffus et mal localisé des douleurs facettaires
est la présence de matériel chirurgical masquant la d’origine dégénérative et la nécessité de procéder
vision fluoroscopique et empêchant le placement à des injections pluriétagées. La branche médiale
correct des aiguilles. de C3, plus large, est aussi appelée troisième nerf
occipital.
Les branches intermédiaires innervent le muscle
Rappel anatomique longissimus et les branches latérales les muscles
iliocostaux. Au niveau de la charnière dorso-
Immédiatement après sa sortie du foramen, la lombaire (D12-L2), la branche latérale est res-
racine nerveuse se divise en un rameau ventral et ponsable de l’innervation sensitive de la région
un rameau dorsal. Le rameau dorsal se subdivise cutanée s’étendant de la crête iliaque au grand
ensuite en branches médiale, intermédiaire et trochanter ainsi que du pli inguinal.
latérale, à l’exception du rameau dorsal de L5 Le trajet des branches médiales est relativement
qui donne uniquement une branche médiale et constant par rapport aux repères osseux, ce qui
intermédiaire. facilite leur localisation par fluoroscopie.
La branche médiale innerve les muscles mul- Au niveau cervical, les branches médiales chemi-
tifidus et interépineux, le ligament interépineux nent au milieu de leurs piliers articulaires respec-
et les capsules articulaires des articulations facet- tifs entre C3-C6. Le troisième nerf occipital passe
taires ou zygapophysaires. La branche médiale le long de l’articulation C2-C3, dans la capsule
se divise en une branche supérieure et inférieure articulaire et innerve à lui tout seul C2-C3. La
innervant respectivement les articulations supé- branche médiale de C7 longe la partie supérieure
rieures et inférieures. Ainsi, en dessous de C2-C3, du processus articulaire (figure 24.13).

Figure 24.13. Trajet des branches médiales au niveau cervical.


BM : branche médiale.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


248 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Au niveau thoracique, entre D1-D4 et D9-D10, tubercule accessoire (en arrière de la transverse)
les branches médiales croisent au niveau des et le tubercule mamillaire (en arrière de l’articu-
angles supéroexternes des apophyses transverses. lation postérieure), avant d’innerver l’articulation
Entre D5 et D8, les branches médianes apparais- zygapophysaire (figure 24.15).
sent comme suspendues dans l’espace entre les
apophyses transverses, sans réel contact osseux. La
branche médiale de D11 court le long du proces- Technique
sus articulaire supérieur de D12 et celle de D12
suit le même trajet que les branches médiales Les blocs facettaires sont généralement effectués
lombaires (figure 24.14). sous contrôle fluoroscopique. Toutefois l’utilisa-
Au niveau lombaire, les branches médiales tion de l’ultrason se développe de plus en plus,
cheminent au travers de la jonction entre le surtout au niveau cervical. Dans un grand nombre
processus articulaire supérieur et l’apophyse de cas, cette technique permet même de visualiser
transverse et passent ensuite au-dessous du directement la branche médiale (voir « Bloc sous
ligament mamillo-accessoire, situé entre le ultrason, chap. 27 »).

Figure 24.14. Trajet des branches médiales au niveau thoracique.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 24. Les injections MEDICALE
rachidiennes 249

Figure 24.15. Trajet des branches médiales au niveau lombaire.

Bloc facettaire (branche médiale du niveau. Pour un bloc thérapeutique, on injecte


rameau dorsal) lombaire et thoracique généralement 2 ml par niveau.
• Le patient est installé en décubitus ventral. • Rinçage et retrait de l’aiguille.
Monitorage et accès veineux ne sont en général
pas nécessaires. Bloc facettaire (branche médiale
• Repérage sous fluoroscopie et marquage des du rameau dorsal) cervical
points de ponction :
• Le patient est installé en décubitus latéral, sur
– au niveau lombaire, le point de ponction se
le côté non douloureux. Monitorage et accès
situe à la hauteur de « l’œil du chien » (« scotty
veineux ne sont en général pas nécessaires.
dog ») sur une vue oblique d’environ 45°
• Repérage sous fluoroscopie et marquage des
(figure 24.16). Pour l’articulation L5-S1,
points de ponction (figure 24.17).
le repérage se fait en antéropostérieur, de
• Désinfection, champtage, anesthésie locale
manière à effacer le double contour entre
cutanée et profonde.
les processus articulaires supérieur de L5 et
• Ponction à l’aiguille fine (25 G) de 5 mm.
inférieur de S1 ;
• On fait progresser l’aiguille sous contrôle fluo-
– au niveau thoracique (à l’exception de D12-
roscopie en vision « tunnel » (« pin point »)
L1), on ne retrouve pas l’image radiologique
jusqu’au contact osseux.
typique du scotty dog. Le point de ponction
• En l’absence de reflux sanguin, injection du
se situe à l’angle supérolatéral de l’apophyse
mélange anesthésique local-corticoïdes ou de
transverse.
l’anesthésique local seul. Pour un bloc à visée
• Désinfection, champtage, anesthésie locale
purement diagnostique ou pronostique, le
cutanée et profonde.
volume ne doit pas excéder 0,5 ml par niveau.
• Ponction à l’aiguille fine (25 G) de 10 mm.
Pour un bloc thérapeutique, on peut injecter
• On fait progresser l’aiguille sous contrôle fluo-
1,5 ml par niveau.
roscopie en vision « tunnel » (« pin point »)
• Rinçage et retrait de l’aiguille.
jusqu’au contact osseux.
• En l’absence de reflux sanguin, injection du
mélange anesthésique local-corticoïdes ou Surveillance après traitement
de l’anesthésique local seul. Pour un bloc à
visée purement diagnostique ou pronostique, En l’absence de sédation, une surveillance de
le volume ne doit pas excéder 0,5 à 1 ml par 30 minutes est généralement suffisante et permet

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


250 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 24.16. Point de ponction au niveau de l’œil du scotty dog.


Le scotty dog est une image formée par la facette articulaire inférieure (oreille), l’apophyse transverse (museau), la pars
interarticulaire (collier), la facette articulaire inférieure (patte avant), la lamina (corps), l’apophyse transverse (patte arrière)
et l’apophyse transverse (queue).

Figure 24.17. Point de ponction au niveau cervical.


A. Sur une vue de profil stricte, le point de ponction se situe à l’intersection des diagonales (pointillés) des massifs
articulaires (parallélépipèdes bleus).
B. Blocs facettaires cervicaux C4, C5 et C6.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 24. Les injections MEDICALE
rachidiennes 251

d’exclure l’apparition d’une complication immé- 8. Rho ME, Tang CT. The efficacy of lumbar epidural
diate, par exemple un bloc moteur ipsilatéral en cas steroid injections: transforaminal, interlaminar and
caudal approaches. Phys Med Rehabil Clin N Am.
de diffusion de l’anesthésique local vers la racine
2011;22:139–48.
nerveuse. L’évaluation systématique des scores de 9. Goldthwait JE. The lumbo-sacral articulation : An
douleurs avant et immédiatement après la procédure explanation of many cases of lumbago, sciatica, and
représente un intérêt diagnostique et pronostique. paraplegia. Boston Med and Surg J. 1911;164:365–72.
10. Putti V. New concepts in the pathogenesis of sciatic
pain. Lancet 1927;2:53–60.
Complications 11. Ghormley RK. Low back pain. With special reference
to the articular facets, with presentation of an opera-
Les complications des blocs des branches médianes tive procedure. JAMA 1933;101:1773–7.
12. Badgley CE. The articular facets in relation to low
sont rares. Elles incluent les infections (spondylo-
back pain and sciatic radiation. J Bone Joint Surg Am.
discite ou arthrite septique), la recrudescence tran- 1941;23:481–96.
sitoire de douleurs, des paresthésies, une parésie 13. Hirsch C, Inglemark BE, Miller M. The anatomi-
ou une paralysie temporaire. Au niveau cervical, et cal basis for low back pain. Acta Orthop Scand.
principalement après des blocs intra-articulaires, 1963;33:1.
des complications neurologiques ont été rappor- 14. Mooney V, Robertson J. The facet syndrome. Clin
Orthop Relat Res. 1976;115:149–56.
tées, telles que tétraplégie transitoire, lésion de 15. Schwarzer AC, Aprill CN, Derby R, Fortin J, Kine G,
l’artère vertébrale, injection rachidienne, ménin- Bogduk N. The relative contributions of the disc and
gite chimique, bloc phrénique ou ataxie transitoire zygapophyseal joint in chronic low back pain. Spine
sur bloc du troisième nerf occipital [24–27]. Au 1994;19(7):801–6.
niveau thoracique, la survenue d’un pneumo- 16. Schwarzer AC, Wang SC, Bogduk N, McNaught PJ,
thorax est une complication rare mais redoutée. Laurent R. Prevalence and clinical features of lumbar
zygapophysial joint pain: A study in an Australian
population with chronic low back pain. Am Rheum
Références Dis. 1995;54(2):100–6.
1. Sicard A. Les injections médicamenteuses extra- 17. Manchikanti L, Pampati V, Fellows B, Bakhit CE.
durales par voie sacro-coccygienne. CR Soc Biol Prevalence of lumbar facet joint pain in chronic low
Paris. 1901;53:369. back pain. Pain Physician 1999;2(3):59–64.
2. Manchikanti L. The growth of interventional pain 18. Barnsley L, Lord SM, Wallis BJ, Bogduk N. The
management in the new millennium: a critical ana- prevalence of chronic cervical zygapophyseal joint
lysis of utilization in the Medicare population. Pain pain after whiplash. Spine. 1995;20(1):20–6.
Physician 2008;7:465–82. 19. Manchikanti L, Singh V, Rivera J, Pampati V. Preva-
3. Ghahreman A, Bogduk N. Predictors of a favorable lence of cervical facet joint pain in chronic neck pain.
response to transforaminal injection of steroids in Pain Physician. 2002;5(3):243–9.
patients with lumbar radicular pain due to disc 20. Manchikanti L, Singh V, Pampati V, Beyer CD,
herniation. Pain Med. 2011;12:871–9. Damron KS. Evaluation of the prevalence of facet
4. Kapural L, Mekhail N, Bena J, et al. Value of the joint pain in chronic thoracic pain. Pain Physician.
magnetic resonance imaging in patients with painful 2002;5(4):354–9.
lumbar spinal stenosis (LSS) undergoing lumbar epi- 21. Manchikanti L, Singh V, Falco FJ, Cash KM, Fellows
dural steroid injections. Clin J Pain 2007;23:571–5. B. Cervical medial branch blocks for chronic cervical
5. Jeong HS, Lee JW, Kim SH, et al. Effectiveness of facet joint pain: a randomized, double-blind, control-
transforaminal epidural steroid injection by using a led trial with one-year follow-up. Spine 2008 Aug
preganglionic approach: a prospective randomized 1;33(17):1813–20.
controlled study. Radiology 2007;245:584–90. 22. Manchikanti L, Singh V, Falco FJ, Cash KA, Pampati
6. Hopwood MB, Abram SE. Factors associated with V. Effectiveness of thoracic medial branch blocks
failure of lumbar epidural steroids. Reg Anesth. in managing chronic pain: a preliminary report of
1993;18:238–43. a randomized, double-blind controlled trial. Pain
7. Jamison RN, VadeBoncouer T, Ferrante FN. Low Physician 2008 Jul-Aug;11(4):491–504.
back pain patients unresponsive to epidural steroid 23. Boswell MV, Colson JD, Sehgal N, Dunbar EE,
injection: identifying predictive factors. Clin J Pain Epter R. A systematic review of therapeutic facet joint
1991;7:311–7. interventions in chronic spinal pain. Pain Physician.
2007 Jan;10(1):229–53.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


252 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

24. Heckmann JG, Maihöfner C, Lanz S, Rauch C, 26. Alcock E, Regaard A, Browne J. Facet joint injection:
Neundörfer B. Transient tetraplegia after cervical a rare form cause of epidural abscess formation. Pain
facet joint injection for chronic neck pain adminis- 2003;103(1-2):209–10.
tered without imaging guidance. Clinical Neurosur- 27. Windsor RE, Pinzon EG, Gore HC. Complications
gery and Neurology 2006;108(7):709–11. of common selective spinal injections: Prevention
25. Thomson SJ, Lomax DM, Collett BJ. Chemi- and management. Am J Orthop. 2000;29(10):759–
cal meningism after lumbar facet joint block 70.
with local anaesthetic and steroids. Anaesthesia
1991;46(7):563–4.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 25
Les blocs sympathiques
Christophe Perruchoud, Éric Buchser

Le système sympathique est une des voies de Indications


passage des influx douloureux entre les viscères
et le système nerveux central. Au sein du sys- • syndromes douloureux régionaux complexes
tème autonome, seul le tractus sympathique (SDRC) de types I et II ;
possède des fibres sensitives. Le blocage du • névralgies postherpétiques ;
système nerveux sympathique n’a pas seule- • douleurs neuropathiques chroniques de la face
ment un intérêt dans la prise en charge des et du cou ;
douleurs chroniques viscérales, mais également • hyperhidrose ;
dans le traitement des douleurs d’origine vas- • angine de poitrine réfractaire ;
culaire (insuffisance artérielle ou vasospasme). • syndrome de Raynaud ;
Le système sympathique peut être bloqué à • syndrome de CREST (sclérodermie) ;
différents niveaux en fonction de la localisation • artériopathie oblitérante des membres supé-
des douleurs (figure 25.1). rieurs ;
• vasospasmes ou embolies artérielles au niveau
des membres supérieurs ;
Bloc du ganglion stellaire • engelures des extrémités supérieures.

Anatomie Préparation
La chaîne sympathique cervicale est formée des Le patient est installé en décubitus dorsal. Il
ganglions cervicaux supérieur, moyen et inférieur. est recommandé de l’équiper d’un monitoring
Dans environ 80 % des cas, le ganglion cervical cardiaque et d’une voie veineuse périphérique. Le
inférieur est fusionné avec le premier ganglion repérage fluoroscopique du niveau C6-C7 s’effec-
thoracique pour former le ganglion cervicotho- tue en plaçant l’arc-en-C en position antéroposté-
racique ou ganglion stellaire. Il donne des effé- rieure et en ajustant son inclinaison pour effacer le
rences sympathiques aux membres supérieurs, à double contour des plateaux vertébraux C6-C7.
la tête, au cou et au cœur. Il est situé en avant et
latéralement au corps vertébral de C7, à proximité
de plusieurs structures anatomiques importantes : Procédure
la gaine carotidienne contenant la carotide (en
avant), la veine jugulaire interne et le nerf vague Après désinfection et anesthésie locale, la ponc-
(en dessous), l’apex pulmonaire, l’œsophage, le tion à l’aiguille 20 G de 50 mm est réalisée au
canal thoracique, la thyroïde, les nerfs laryngés niveau de la jonction entre l’apophyse trans-
récurrents et la trachée (médialement), le muscle verse et le corps vertébral de C6 ou de C7. Au
scalène antérieur, le nerf phrénique, le plexus contact osseux, on vérifie sur une vue oblique que
brachial et ses branches, l’artère vertébrale et le l’extrémité de l’aiguille est située antérieurement
muscle long du cou (en arrière). au foramen intervertébral. On effectue un test

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
254 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 25.1. Innervation sensitive du système sympathique.

d’aspiration et, s’il est négatif, on injecte 0,5 à • enrouement, en cas de propagation de l’anes-
1 ml de produit de contraste. Sur les vues antéro- thésique local vers le nerf laryngé récurrent ;
postérieure et oblique, on observe la propagation • douleur à la déglutition, en cas de ponction de
du produit de contraste en direction craniale et l’œsophage.
caudale. Après confirmation du bon placement
de l’aiguille, on injecte 5 ml d’anesthésique local
(lidocaïne 1 % ou bupivacaïne 0,25 %). Le bloc Contre-indication spécifique
du ganglion stellaire provoque l’apparition d’un
Le bloc du ganglion stellaire est contre-indiqué
syndrome de Claude-Bernard-Horner (ptose pal-
chez les patients présentant une paralysie récuren-
pébrale, myosis, enophtalmie, vasodilatation et
tielle ou phrénique controlatérale au bloc projeté.
anhidrose).
La procédure peut être effectuée sous contrôle
ultrasonographique plutôt que radiologique (cf.
chapitre 27).
Bloc du plexus cœliaque
Anatomie
Complications Le plexus cœliaque, anciennement appelé
« plexus solaire », est situé dans le rétropéritoine,
• injection intravasculaire (artère vertébrale) ; en regard des vertèbres D12 et L1, en avant
• lésion vasculaire, hématome ; des piliers du diaphragme. Il entoure l’aorte
• injection sous-arachnoïdienne ; abdominale ainsi que les artères cœliaque et
• chylothorax ; mésentérique supérieures. Il est composé de fibres
• paralysie diaphragmatique, dyspnée ; nerveuses sympathiques et parasympathiques. Il
• pneumothorax, injection dans la cavité pleurale ; contient trois paires de ganglions (semi-lunaires,

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 25.SCIENCE MEDICALE
Les blocs sympathiques 255

mésentériques supérieurs et aorticorénaux), où sous-cutané, puis redirigée latéralement selon un


convergent les fibres sympathiques des trois gan- angle de 60° de manière à dépasser le bord latéral
glions splanchniques (situés en arrière des piliers de L1, jusqu’au contact des pulsations aortiques.
du diaphragme), des fibres parasympathiques On retire le mandrin de l’aiguille qui est avancée
issues du nerf vague et des fibres motrices du jusqu’à perforation de la paroi postérieure de
nerf phrénique. Il assure l’innervation autonome l’aorte. On poursuit le mouvement jusqu’à la dis-
du foie, du pancréas, de la vésicule biliaire, de parition du reflux sanguin, signifiant le passage
l’estomac, de la rate, des reins, des intestins et des de la paroi aortique antérolatérale ou antérieure.
surrénales. On vérifie alors la position de l’aiguille par des
vues fluoroscopiques latérale et antéropostérieure.
La position correcte de l’aiguille est confirmée
Indications par l’injection de produit de contraste qui ne
doit pas diffuser postérieurement (vers les racines
• pancréatites aiguës et chroniques ; nerveuses) sur la vue latérale, mais doit se répartir
• douleurs viscérales du haut abdomen d’origine antérieurement (sur la vue antéropostérieure) en
cancéreuse. avant des corps vertébraux. En cas de diffusion
insuffisante du contraste, une seconde aiguille
est placée selon la même technique mais du côté
Préparation droit.
Le patient est installé en décubitus ventral, avec
un coussin sous l’abdomen pour accentuer la
cyphose de la colonne vertébrale thoracique. Il Abord paravertébral (rétrocrurale
est recommandé de l’équiper d’un monitoring - bloc splanchnique)
cardiaque et d’une voie veineuse périphérique.
Le corps vertébral de D12 est identifié et mar-
qué sur la vue antéropostérieure. L’arc-en-C est
Abord transaortique ensuite incliné en vue oblique à 45°. On marque
(antécrural - bloc cœliaque) le point de ponction qui se situe à l’intersection
de la côte et du corps vertébral. On effectue une
Les repères anatomiques, soit les croisements anesthésie locale de la peau, du tissu sous-cutané
entre la 12e côte et le bord latéral des muscles et des plans musculaires profonds. La ponction
paravertébraux (correspondant généralement à un est réalisée avec une aiguille 22 G de 15 cm. Sous
niveau L2) sont marqués à l’encre. Pour indiquer fluoroscopie, on avance la pointe de l’aiguille en
les directions de l’aiguille, on trace, parallèlement glissant le long du bord latéral du corps vertébral
à la face inférieure de la 12e côte, un trait qui pour la placer en avant de D12. Après un test
coupe la ligne médiane au niveau de L1. d’aspiration négatif, on injecte un produit de
La zone ainsi délimitée est ensuite désinfectée contraste qui doit diffuser dans l’espace préverté-
et recouverte d’un champ stérile. On effectue bral sur la vue latérale, et en dedans des contours
une anesthésie locale de la peau, du tissu sous- des corps vertébraux sur la vue antéropostérieure.
cutané et des plans musculaires profonds. La
procédure est réalisée avec une aiguille 22 G de
15 cm. On ponctionne d’abord le côté gauche. Abord transdiscal (rétrocrural -
Dans un premier temps, l’aiguille est dirigée bloc splanchnique)
à 45° par rapport à la ligne médiane, avec une
inclinaison de 15°, jusqu’au contact osseux avec Le niveau D12-L1 est identifié en vue antéropos-
la face latérale du corps vertébral de L1. On térieure et l’arc-en-C est d’abord incliné de sorte
note la profondeur de l’aiguille au moment du à aligner les plateaux vertébraux. Il est ensuite
contact osseux. L’aiguille est retirée jusqu’au tissu incliné du côté gauche selon un angle de 15

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


256 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

à 20°. Le point de ponction se situe à environ


5 cm de la ligne médiale. On désinfecte la zone
et on effectue une anesthésie locale de la peau
et du tissu sous-cutané. Une aiguille 22 G de
15 cm est avancée en vue « tunnel » jusque
dans le disque intervertébral D12-L1. On injecte
0,5 ml de produit de contraste pour confirmer
le placement intradiscal de l’aiguille. On pousse
ensuite l’aiguille jusqu’à l’obtention d’une perte
de résistance qui correspond à sa sortie du disque,
antérieurement.

Abord transabdominal
(antécrural - bloc cœliaque)
Actuellement, le bloc du plexus cœliaque est effec-
tué de plus en plus fréquemment sous contrôle
tomodensitométrique ou ultrasonographique, Figure 25.2. Les différents abords du bloc cœliaque.
par voie antérieure ou transabdominale. Le bloc
neurolytique du ganglion cœliaque peut aussi être Pour les blocs thérapeutiques, on administre des
réalisé par abord chirurgical direct, ou par voie volumes de 2 à 10 ml d’anesthésiques locaux
endoscopique (transgastrique). Les différentes ou d’alcool à 98 %. L’abord antécrural néces-
approches du plexus cœliaque sont résumées dans site l’administration de volume beaucoup plus
la figure 25.2. L’anesthésie des nerfs splanch- important, variant selon la distribution de l’injecta
niques se fait par abord rétrocrural, celle du plexus de 15 à 40 ml. Pour évaluer la diffusion des médi-
cœliaque par abord antécrural (figure 25.3). caments, la solution peut être mélangée avec un
Pour les blocs diagnostics par approche rétro- produit de contraste. Avant de retirer les aiguilles,
crurale, on injecte dans chaque aiguille 2 à 5 ml il convient de bien rincer l’agent neurolytique afin
de lidocaïne 1 % ou de bupivacaïne 0,25 %. de diminuer le risque de fistule.

Figure 25.3. Voies rétro- et antécrurale.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 25.SCIENCE MEDICALE
Les blocs sympathiques 257

Complications d’un monitoring cardiaque et d’une voie veineuse


périphérique.
• hypotension orthostatique (plus fréquente lors
de l’approche rétrocrurale) ;
• diarrhées ; Procédure
• parésies/paresthésies (1 % des cas) ;
Le niveau L3 est identifié sous fluoroscopie.
• dissection aortique (en cas d’approche trans-
L’arc-en-C est ajusté pour aligner les plateaux
aortique) ;
vertébraux. Il est ensuite incliné latéralement
• hématurie ;
jusqu’à ce que la pointe des apophyses trans-
• hémorragie rétropéritonéale ;
verses de L2, L3 et L4 se sur-projettent au
• paraplégie sur atteinte traumatique (aiguille)
niveau du bord latéral des corps vertébraux.
ou chimique (neurolytique) de l’artère spinale
Le point de ponction se situe à la jonction du
antérieure d’Adamkiewicz.
tiers moyen et du tiers inférieur du bord latéral
de L3. On désinfecte la zone et on effectue une
anesthésie locale de la peau et du tissu sous-
Bloc sympathique lombaire cutané. La ponction est réalisée avec une aiguille
22 G de 15 cm en vue tunnel. La profondeur
Anatomie est évaluée sur la vue latérale et l’aiguille est
avancée jusqu’au niveau du mur antérieur du
Les ganglions sympathiques lombaires font partie corps vertébral de L3. Sur la vue antéropos-
de la chaîne latérovertébrale qui chemine entre térieure, le contraste doit être visible en avant
les corps vertébraux et les apophyses transverses, du corps vertébral sans en dépasser les contours.
juste en avant du muscle psoas. La chaîne latéro- Une diffusion latérale indique généralement une
vertébrale est constituée de trois à cinq ganglions injection dans le muscle psoas. Dans ce cas,
fusiformes. l’aiguille doit être légèrement avancée. Sur la
vue latérale, le contraste diffuse le long du bord
antérolatéral du corps vertébral (figure 25.4). Le
Indications tronc sympathique lombaire peut être atteint en
une seule ponction au niveau de L3. En cas de
• syndrome douloureux régional complexe diffusion insuffisante du produit de contraste,
(SDRC) de types I et II ; on peut effectuer des ponctions supplémentaires
• névralgies postherpétiques ; en regard de L2 et de L4. Le bloc diagnostic
• artériopathie oblitérante des membres infé- requiert l’injection de 5 à 15 ml de lidocaïne
rieurs ; 1 % ou de bupivacaïne 0,25 %. L’effet du bloc
• vasospasmes ou embolies artérielles des mem- se manifeste par une vasodilatation accompagnée
bres inférieurs ; d’une augmentation de la température cutanée,
• engelures des pieds ; voire d’un œdème du membre inférieur.
• douleurs chroniques pelviennes ;
• ténesme rectal d’origine cancéreuse.
Complications
Préparation • hypotension orthostatique ;
• douleurs neuropathiques dues à une lésion des
Le patient est installé en décubitus ventral avec nerfs ilio-inguinal ou génitofémoral ;
un coussin placé sous l’abdomen pour diminuer la • impuissance (lors de blocs bilatéraux, en une ou
lordose lombaire. Il est recommandé de l’équiper deux sessions).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


258 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 25.4. Bloc sympathique lombaire gauche. Sur la vue antéropostérieure, la diffusion du produit de contraste est
visible le long du bord antérolatéral du corps vertébral (flèches).

Bloc du plexus lordose lombaire. Il est recommandé de l’équiper


hypogastrique d’un monitoring cardiaque et d’une voie veineuse
périphérique.
Anatomie
Le plexus hypogastrique ou présacré comprend Procédure
des fibres sympathiques et parasympathiques. Il
est situé en dessous du péritoine, au-dessus du L’interligne L4-L5 est repérée sous fluoro-
plancher pelvien, en arrière du rectum et en avant scopie. Le point de ponction se situe 5 à 7 cm
du promontoire, dans la bifurcation aortique. Il se en dehors de la ligne médiane. On désinfecte
divise en nerfs hypogastriques et nerfs érecteurs. la zone et on effectue une anesthésie locale de
Il innerve la vessie, le rectum et les organes géni- la peau, du tissu sous-cutané et des muscles
taux et joue un rôle dans le fonctionnement de paravertébraux. Une aiguille 22 G de 15 cm
ces organes (continence, miction, défécation). Le est avancée en dedans sous un angle de 45° et
plexus hypogastrique comprend un plexus inférieur, caudalement sous un angle de 30°, en direction
qui longe les organes pelviens, et un plexus supé- du promontoire. Après un test d’aspiration
rieur qui remonte jusqu’à la bifurcation aortique. négatif (vaisseaux iliaques) et vérification de la
diffusion du produit de contraste en avant du
disque intervertébral L5-S1, on injecte 6 à 8 ml
Indications de bupivacaïne 0,25 % de chaque côté. Le bloc
• douleurs pelviennes d’origine cancéreuse ; neurolytique requiert un volume de 6 à 8 ml de
• rectites ou cystites post-radiques ; phénol 10 %.
• douleurs pelviennes fonctionnelles (dysménor-
rhée).
Complications
Préparation
• neurolyse accidentelle de nerfs somatiques ;
Le patient est installé en décubitus ventral avec • injection intravasculaire ;
un coussin placé sous l’abdomen pour diminuer la • impuissance, en cas de bloc bilatéral.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 25.SCIENCE MEDICALE
Les blocs sympathiques 259

Bloc du ganglion impar On vérifie la position présacrée de l’extrémité de


l’aiguille sur la vue latérale. On confirme le place-
ment correct en injectant un produit de contraste
Anatomie (cf. figure 9.3).
Le ganglion impar (ganglion coccygien ou gan- Plusieurs techniques de neurolyse du ganglion
glion de Walther) est un ganglion sympathique impar ont été décrites :
situé à la convergence de la terminaison des deux • neurolyse chimique : 5 ml à 10 ml de phénol
chaînes sympathiques paravertébrales. Il reçoit des 5 % à 10 % ;
afférences sympathiques du périnée par le biais • radiofréquence continue : réponse à la sti-
des derniers ganglions sacrés et donne des fibres mulation sensitive à 50 Hz inférieure à 1 V,
efférentes pour le coccyx et le nerf coccygien. absence de stimulation motrice à 2 Hz jusqu’à
3 V, puis lésion thermique à 80° pendant
80 secondes ;
Indications • cryothérapie : 2 cycles de 3 minutes à - 60 °C
• douleurs périnéales d’origine cancéreuse (rec- sur la face ventrale de l’articulation sacrococcy-
tum, vulve, prostate) ; gienne ;
• vestibulodynies ; • l’infiltration du ganglion impar par de la toxine
• névralgies postherpétiques ; botulique décrite dans la prise en charge des
• coccygodynies ; douleurs périnéales peut améliorer durablement
• syndromes douloureux pelviens chroniques ; la symptomatologie [1].
• syndrome du releveur de l’anus.

Complications
Préparation
• infections ;
Le patient est installé en décubitus ventral avec
• hématomes ;
un coussin placé sous le bassin. L’articulation
• ponction du rectum.
sacrococcygienne est identifiée sous fluoroscopie.
Référence
Procédure 1. Lim SJ, Park HJ, Lee SH, Moon DE. Ganglion
Impar block with botulinum toxin type a for chro-
Après désinfection et anesthésie locale, une aiguille nic perineal pain -a case report. Korean J Pain
est insérée à travers le ligament sacrococcygien. 2010;23:65–9.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 26
Les procédures lésionnelles
Christophe Perruchoud, Éric Buchser

Généralités nerveuses, basés sur l’histologie et le pronostic


(figure 26.1, tableau 26.1).
H. J. Seddon proposa en 1943 une définition des Les procédures lésionnelles proposées dans
trois types de lésions nerveuses élémentaires [1] : le cadre du traitement des douleurs chroniques
• La neurapraxie est définie sur le plan électro- provoquent diverses lésions nerveuses. La radio-
physiologique par une diminution ou un bloc fréquence thermique et la cryothérapie (entre
de conduction axonal sans lésion anatomique. -20 et -100°C) entraînent une axonotmésis
Elle se manifeste cliniquement par un déficit de degré 2, alors que les blocs neurolytiques
fonctionnel, le plus souvent transitoire. Au chimiques donnent lieu à une axonotmésis de
niveau histologique, on peut observer une alté- degré 2 à 4, selon l’agent neurolytique utilisé et
ration morphologique de la gaine de myéline sa concentration. La radiofréquence pulsée n’est
ou une démyélinisation segmentaire. pas considérée comme une procédure lésion-
• L’axonotmésis désigne la rupture de l’axone nelle, mais comme une technique de neuro­
uniquement, sans qu’il y ait interruption des modulation.
enveloppes schwaniennes. Cette situation
fournit ainsi les conditions idéales pour une
régénération spontanée avec un risque minimal
d’ « erreur d’aiguillage » ou de formation de
névrome.
• La neurotmésis désigne l’interruption complète
de tous les éléments du nerf et requiert généra-
lement une révision chirurgicale.
En cas d’axonotemésis ou de neurotmésis, la
lésion axonale est suivie d’une dégénérescence
wallérienne. Il s’agit d’un processus biologique
faisant référence à la dégénérescence de la portion
distale de l’axone déconnecté physiquement du
corps cellulaire suite à la lésion. Ce phénomène
s’accompagne de la désintégration des neurofila-
ments qui provoque la fragmentation de l’axone.
Les débris sont ensuite éliminés par les macro-
phages. Lorsque l’endonèvre est intact, le nerf
peut régénérer spontanément à partir de l’axone.
À partir de la classification de Seddon, S. S.
Sunderland [2] définit cinq degrés de lésions Figure 26.1. Schéma d’un nerf.

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
262 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Tableau 26.1. Classification des lésions nerveuses selon Seddon et Sunderland.


Sunderland Axone Endonèvre Périnèvre Epinèvre Seddon Prognostic
Degré 1 + + + + Neurapraxie Récupération spontanée rapide
Degré 2 - + + + Axonotmésis Récupération spontanée par repousse axonale
Degré 3 - - + + Récupération spontanée possible, toujours partielle
Degré 4 - - - + Aucune récupération spontanée. Réparation par suture
ou greffe
Degré 5 - - - - Neurotmésis
Structure intacte : + structure lésée : -.

Blocs neurolytiques puisque les fibres alpha ne sont pas ou peu,


altérées. L’alcool éthylique agit sur les tissus
La neurolyse chimique est une méthode bien éta- nerveux par extraction du cholestérol, des phos-
blie et reconnue pour le traitement des douleurs pholipides et des cérébrosides et par précipitation
chroniques ou de la spasticité. En 1863 déjà, A. des muco- et lipoprotéines. Au niveau des nerfs
Luton décrit les effets bénéfiques d’une injection périphériques, les lésions observées intéressent à
sous-cutanée de solutions neurolytiques chez des la fois les axones et les cellules de Schwann, et
patients souffrant de sciatalgie [3]. R. Bartholow l’on note une destruction partielle des gaines de
pratiquait en 1874 des injections de chloroforme myéline. Cliniquement, l’injection d’alcool au
pour le traitement de la névralgie du trijumeau contact du nerf provoque des douleurs d’intensité
[4]. En 1925, Doppler décrivit pour la première très variable, parfois très importantes, bien que
fois l’utilisation de phénol [5] et A. M. Dogliotti brèves (1 à 2 minutes). Le patient doit en être
réalisa la première neurolyse intrathécale à l’alcool averti et peut être soulagé par une sédation ou
absolu (0,2-0,8 ml) en 1930. Le phénol a égale- l’injection préalable d’anesthésiques locaux. Le
ment été utilisé par voie intrathécale et épidurale. délai d’action est rapide, l’effet maximal est atteint
En injection épidurale, il agit probablement sur en 45 minutes. L’alcool est hypobare lorsqu’il est
le ganglion spinal, une structure principalement injecté en intrathécal.
sensitive. Le phénol est une alternative à l’alcool. Il
Actuellement, les deux agents chimiques princi- induit des lésions nerveuses sévères par coagu-
paux disponibles pour la réalisation de blocs neu- lation des protéines. L’injection de phénol est
rolytiques au niveau médullaire, périmédullaire et indolore grâce à son effet anesthésique local. Le
des nerfs périphériques sont l’éthanol et le phénol délai d’action est rapide, l’effet maximal est atteint
(tableau 26.2). en 10 minutes et dure entre 5 à 20 semaines. Le
L’alcool éthylique (éthanol) s’est rapidement phénol est disponible en solution aqueuse (6 %)
imposé comme l’agent neurolytique de référence. ou sous forme glycérinée (12 %). Cette dernière
Ses effets varient avec la concentration utilisée. formule est hyperbare lorsqu’elle est injectée en
À des concentrations de 95° à 100° (alcool intrathécal. La forme glycérinée est moins des-
absolu), les lésions neuronales sont permanentes tructive car elle diffuse moins. Le mélange avec
et s’étendent fréquemment aux tissus voisins, les un produit de contraste radio-opaque n’est pos-
altérations plus inégales aux concentrations infé- sible qu’avec le phénol. En pratique, la toxicité
rieures à 80°. Dans le traitement de la spasticité, du phénol est minime pour des doses inférieures
une concentration de 65° suffit pour détruire les à 600 mg.
fibres gamma, interrompant ainsi le réflexe mono- L’administration intramusculaire d’alcool ou
synaptique d’étirement, support de la réponse de phénol est proscrite en raison du risque des
spastique. La motricité volontaire est préservée lésions irréversibles (nécrose) du muscle.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 26. LesSCIENCE
procéduresMEDICALE
lésionnelles 263

Tableau 26.2. Agents neurolytiques.


Phénol Alcool
Concentrations disponibles 3 % (aqueuse) 12 % (glycériné) Jusqu’à 100 % (alcool absolu)
Mécanisme neurolytique Coagulation et précipitation des protéines Extraction lipidique et précipitation des
lipoprotéines
Douleur à l’injection Indolore (propriété intrinsèque d’anesthésique local) Douleur intense mais brève (1 à 2 min)
Baricité (LCR) Hyperbare Hypobare
Délai d’action 10 minutes 45 minutes
Durée d’action 5 à 20 semaines Plusieurs mois à permanent
Complications spécifiques Douleur de désafférentation Affinité importante pour les Douleur de désafférentation
structures vasculaires

La littérature médicale décrit l’utilisation plus rare laire ou l’administration intrathécale continue,
d’autres agents neurolytiques comme le glycérol, ont progressivement remplacé la neurolyse chi-
les solutions salines hypertoniques, les sels d’alumi- mique, y compris dans le traitement des douleurs
nium ou les anesthésiques locaux à forte concen- cancéreuses et de la spasticité. De par son faible
tration (xylocaïne 5 à 10 % ou bupivacaïne 2 %). coût, la neurolyse chimique reste néanmoins très
utile dans les pays en voie de développement ou
en cas d’échec des autres moyens thérapeutiques.
Indications
Les indications analgésiques de la neurolyse au Contre-indications
niveau d’un tronc nerveux périphérique sont les
suivantes : destruction d’un névrome cicatriciel, Les contre-indications générales incluent la dia-
traitement de douleurs neuropathiques par envahis- thèse hémorragique, l’infection locale ou sys-
sement néoplasique ou d’origine paranéoplasique, témique, le refus du patient et l’absence de
traitement des manifestations douloureuses par consentement éclairé.
atteintes virales (zona et névralgies postherpétiques). Le phénol provoque fréquemment d’impor-
Les neurolyses périphériques peuvent être tantes lésions vasculaires et de nombreux auteurs
effectuées au niveau de la plupart des troncs et déconseillent son injection dans des régions
plexus, ainsi que des paires crâniennes. L’utilisa- richement vascularisées (par exemple, le plexus
tion des blocs neurolytiques pour traiter la spas- cœliaque).
ticité, initialement proposée par le Pr Guy Tardieu
chez les infirmes moteurs cérébraux (IMC) [6],
se limite actuellement au traitement des séquelles Technique
spastiques des hémiplégies et des paraplégies post-
traumatiques ou après accident vasculaire céré- Neurolyse périphérique
bral. Quatre sites nerveux périphériques sont Un bloc à visée pronostique précède en toutes
couramment ciblés : l’anse des pectoraux, le nerf circonstances une neurolyse périphérique. Si le
médian, le nerf obturateur et le nerf tibial. bloc pronostique est positif, une injection de 1
Toutefois, la nécessité de répéter la procédure à à 2 ml de phénol aqueux (6 à 12 %) ou alcool
intervalles réguliers et les risques de complications absolu (95° à 100°) provoquera un bloc neuro-
parfois sévères ont entaché la popularité de la lytique (à effectuer sous anesthésie locale de 1
neurolyse chimique. Des techniques plus précises à 2 ml de lidocaïne 2 %). Si le bloc pronostique
et sûres comme la radiofréquence thermique, la est négatif (analgésie insuffisante, bloc moteur
cryothérapie et les procédures non lésionnelles de ou hypoesthésie gênante), on renoncera au bloc
neuromodulation, comme la stimulation médul- neurolytique.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


264 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Neurolyse intrathécale s’effectue sur un patient en position assise, par


La neurolyse intrathécale consiste à injecter un ponction de l’espace L4-L5 ou L5-S1 et injection
agent neurolytique dans l’espace sous-arachnoïdien de 0,5 à 1 ml de phénol hyperbare. Le patient
dans le but de détruire le plus sélectivement pos- reste assis pendant au moins 30 minutes.
sible les fibres sensitives des racines dorsales tout Neurolyse épidurale
en préservant au mieux les fibres motrices des
racines antérieures. En raison du trajet anato- Indiquée en cas de douleurs bilatérales limitées à
mique des nerfs spinaux, le niveau d’injection ne quelques dermatomes, la neurolyse épidurale est
correspond pas toujours à celui du dermatome. moins prédictible que la neurolyse intrathécale.
La neurolyse lombaire s’effectue au niveau D11- Après repérage de l’espace épidural par perte de
D12, la neurolyse sacrée au niveau L1-L2 et la résistance, un cathéter est inséré sous contrôle
neurolyse thoracique basse, un ou deux niveaux fluoroscopique jusqu’au niveau des dermatomes
au-dessus du dermatome à bloquer. à traiter. L’injection de produit de contraste
Il est fortement conseillé de se limiter aux confirme le placement adéquat du cathéter et
niveaux lombaires et thoraciques bas, afin d’éviter permet d’exclure une effraction intravasculaire ou
des complications plégiques au niveau des mem- intrathécale. La neurolyse fait suite à l’injection
bres supérieurs. de 3-5 ml d’alcool absolu ou de phénol 15 % [7].
La neurolyse intrathécale peut s’effectuer indif-
Bloc cœliaque
féremment avec de l’alcool ou du phénol. L’hypo-
baricité de l’alcool dans le LCR requiert que le Le bloc cœliaque est probablement le bloc neu-
patient soit installé sur le côté non douloureux, rolytique le plus répandu. Il est indiqué dans les
soit en décubitus latéral avec un tilt postérieur cas de douleurs, généralement épigastriques pro-
de 45°. À l’inverse, le phénol étant hyperbare, le voquées par une invasion métastatique rétropé-
patient sera installé sur le côté douloureux avec un ritonéale (pancréas, foie, estomac). Selon la voie
tilt antérieur de 45°. d’abord utilisée, on peut cibler préférentiellement
La ponction intrathécale est effectuée à l’aiguille le plexus cœliaque ou les nerfs splanchniques.
22 G et confirmée par reflux de liquide céphalora- Cette technique est décrite dans au chapitre 25.
chidien. L’agent neurolytique (alcool ou phénol) Comme mentionné plus haut, le choix de l’agent
est injecté par petits volumes successifs de 0,1 ml se porte sur l’alcool dans cette indication, le phénol
toutes les 90 secondes jusqu’à un volume total pouvant provoquer des lésions vasculaires sévères.
de 0,7 à 1 ml. En raison de ses propriétés d’anes-
thésique local, l’injection correcte de phénol est Complications spécifiques
confirmée par la diminution ou la disparition
des douleurs habituelles. L’injection d’alcool est • La destruction de toute structure nerveuse peut
réalisée au bon niveau si le patient décrit une provoquer des douleurs de désafférentation. De
brève et intense douleur ou brûlure, localisée ce fait, les méthodes qui laissent au nerf une
à l’endroit habituel des douleurs à traiter. Pour possibilité de se régénérer comportent moins
ces raisons, l’injection intrathécale de phénol ou de risques.
d’alcool ne doit pas être précédée de l’injection • Le phénol, davantage que l’alcool, a une
d’anesthésique local qui masquerait les réponses à grande affinité pour les vaisseaux sanguins. Son
l’agent neurolytique. Au besoin, la technique peut injection au voisinage des vaisseaux entraîne
être répétée sur plusieurs niveaux. Après l’injec- fréquemment des atteintes vasculaires respon-
tion, le patient garde la même position pendant sables de lésions ischémiques.
30 à 45 minutes, de manière à permettre à l’agent • Les lésions volontaires de nerfs moteurs ou
neurolytique de se fixer aux structures nerveuses. l’expansion accidentelle d’agents neurolytiques
En cas de douleurs pelviennes ou périnéales vers la racine ventrale lors de neurolyse intra-
d’origine cancéreuse, une neurolyse intrathé- thécale peuvent être à l’origine d’une parésie ou
cale en selle peut être proposée. Cette dernière d’une paralysie musculaire.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 26. LesSCIENCE
procéduresMEDICALE
lésionnelles 265

• La destruction de fibres sympathiques peut similaire à une coagulation monopolaire, qui est
conduire à des dysfonctions autonomes se transmis par une électrode à une structure ner-
manifestant par une hypotension orthostatique, veuse cible. Le courant chemine de l’électrode
une anhidrose, des troubles érectiles, vésicaux (ou pointe de l’aiguille de radiofréquence) à
ou intestinaux. l’électrode de mise à terre en passant par les tis-
sus. L’intensité du champ électrique à l’extrémité
Surveillance après la procédure de l’aiguille provoque une augmentation de la
température (limitée par les appareils modernes
Lors de neurolyses périphériques, une surveil- à 90°C) conduisant à une lésion nerveuse (et tis-
lance de quelques heures est souvent nécessaire, sulaire). Une température supérieure à 65-75°C
surtout lorsque la procédure est effectuée sous provoque une lésion neuronale. La taille de la
sédation. On recherche une parésie ou une para- lésion dépend de la longueur de l’extrémité active
lysie motrice ainsi que d’éventuelles complications de l’électrode, de la température générée et de
hémorragiques. En cas de neurolyse centrale ou la durée d’exposition. Les caractéristiques tis-
sympathique, il est conseillé de garder le patient sulaires comme le contenu en eau, la proximité
pour une surveillance neurologique et hémodyna- de vaisseaux sanguins ou de liquide céphalorachi-
mique pendant 24 à 48 heures. dien, agissant comme des échangeurs thermiques,
influencent également la taille de la lésion.
La durée de l’effet dépend du temps de régé-
Radiofréquence nération des nerfs coagulés. La lésion obte-
thermique continue nue est de forme ovale, parallèle à l’aiguille et
ne s’étend généralement pas au-delà la pointe.
La première description de l’utilisation de la radio- C’est pourquoi l’électrode est idéalement pla-
fréquence thermique à visée antalgique est attri- cée parallèlement à la structure nerveuse ciblée
buée à M. Krischner qui traita en 1931 un cas de (figure 26.2). La lésion thermique se déroule
névralgie du trijumeau par thermocoagulation du en plusieurs phases sur une durée d’environ 3
ganglion de Gasser [8]. Dans les années 1950, les semaines : coagulation, réaction inflammatoire
premiers équipements firent leur apparition sur le aiguë nécrose, dépôt de collagène et formation
marché, grâce notamment aux travaux de Cosman d’une cicatrice fibreuse. L’endonèvre et la lame
et Aronow [9]. N. Shealy décrivit en 1975 la pre- basale des cellules de Schwann étant conservés,
mière dénervation par radiofréquence d’une articu- le nerf peut ensuite régénérer spontanément.
lation zygapophysaire [10]. La technique, modifiée De nombreuses publications ont postulé que
par la suite, a rapidement gagné en popularité. la radiofréquence avait une action sélective sur
Bien que la plupart des études randomisées et les fibres C et Aδ. Cette hypothèse a été régu-
contrôlées concernent les articulations facettaires lièrement contestée dans de multiples études
lombaires et cervicales, la radiofréquence a été histologiques [11,12] et il est maintenant admis
décrite dans le cadre de douleurs chroniques
diverses : articulation sacro-iliaque, articulations
zygapophysaires thoraciques, névralgie du triju-
meau, douleurs d’origine sympathique, céphalées
cervicogéniques, névralgies intercostales et moelle
épinière (cordotomie).

Principe
La radiofréquence continue est une technique
qui utilise un courant alternatif à haute fré- Figure 26.2. Caractéristiques de la radiofréquence
quence (100-500 kHz) produit par un générateur continue.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


266 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

que la radiofréquence continue produit une • La radiofréquence continue au niveau du gan-


destruction non sélective des fibres nerveuses, glion dorsal a été décrite dans la prise en charge
motrices et sensitives. C’est pourquoi cette de douleurs neuropathique post-chirurgicales
technique s’applique principalement à des nerfs ou après avulsion de plexus nerveux. Toutefois,
sensitifs. Il a aussi été suggéré que c’était le en raison des risques spécifiques de cette région
champ électrique plutôt que la température qui et du faible niveau d’évidence quant à son effi-
était responsable de l’effet neuromodulateur sur cacité, la radiofréquence continue du ganglion
les voies de la douleur, au niveau du ganglion dorsal n’est actuellement pas recommandée.
spinal, de la corne dorsale et des afférences neu-
ronales, responsable des changements d’expres-
sion génétique. Ces constatations s’appliquent Technique
probablement d’avantage à la radiofréquence
La radiofréquence continue est précédée d’un
pulsée qu’à la radiofréquence thermique.
ou plusieurs blocs pronostiques avec des anes-
Les électrodes de radiofréquence possèdent une
thésiques locaux. Après anesthésie locale super-
extrémité active non isolée de 2 à 15 mm selon les
ficielle de la peau, le repérage des structures se
modèles. Le diamètre de la lésion est proportion-
fait idéalement sous fluoroscopie ou ultrason.
nel à la taille de l’électrode de radiofréquence, soit
Comme mentionné précédemment, une approche
en général environ 1,5 fois le diamètre de l’élec-
parallèle à la structure cible est préférable. On
trode. La température est mesurée en continu à
choisit une stimulation de détection à 100 Hz afin
l’extrémité de l’électrode. Le choix de l’électrode
de reproduire les paresthésies dans le territoire
dépend de l’anatomie et de la taille de la structure
recherché, avec des intensités entre 0,2 et 0,8 V.
cible.
L’injection de 0,5 ml de NaCl 0,9 % permet
parfois d’améliorer le seuil de détection. Aucune
Indications stimulation motrice ne doit être obtenue jusqu’à
une intensité de 3 V (à 2 Hz). On provoque la
• Douleurs rachidiennes avec ou sans irradiation :
lésion thermique après injection de 0,5 ml de
– branche médiale du rameau dorsal (syndrome
lidocaïne 1 %. La radiofréquence en continu dure
facettaire). Il s’agit de l’indication principale ;
entre 60 et 90 secondes, à une température de
– articulation sacro-iliaque ;
65°C à 85°C.
– céphalée cervicogénique (rameau dorsal de
La radiofréquence du ganglion de Gasser se
C2 et du IIIe nerf occipital).
fait par une approche du trou ovale à la base du
• Névralgie essentielle du trijumeau et névralgie
crâne, par voie transjugale antérieure en visant la
faciale essentielle ou « tic douloureux de Trous-
fosse ptérygoïdienne. La détection se pratique à
seau ». Plus de 80 % des patients rapportent
une stimulation de 60 Hz, entre 0,1 et 0,5 V, de
un soulagement complet des douleurs pendant
manière à ce que le patient puisse indiquer avec
plusieurs années. Approximativement 25 %
précision la localisation des paresthésies induites
des cas présentent une récidive douloureuse
au niveau de la face.
après 2 à 5 ans qui requiert la répétition de
La thermocoagulation se réalise sous sédation
la procédure [13]. Les indications concernant
par une ou plusieurs lésions pratiquées en fonc-
d’autres névralgies faciales atypiques sont plus
tion du territoire douloureux. La température est
discutables. En effet, la radiofréquence sélective
réglée entre 60°C et 80°C.
du ganglion de Gasser lors de douleurs cen-
trales et postherpétiques donne des résultats
très décevants. Contre-indications
• Dénervation des branches nerveuses sensitives
d’articulations douloureuses (genou, épaule ou • diathèse hémorragique. S’agissant de pro-
hanche) en cas d’arthrose non opérable ou cédures le plus souvent périphériques, les
après chirurgie prothétique. risques hémorragiques constituent une contre-

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 26. LesSCIENCE
procéduresMEDICALE
lésionnelles 267

indication absolue lorsqu’il existe un risque les plaies pour en diminuer les douleurs [14].
d’hémorragie occulte et de structures que l’on Dominique-Jean Larrey, chirurgien militaire sous
ne peut pas comprimer (hémorragie thoracique Napoléon, observa que les soldats français, souf-
lors de radiofréquence intercostale, hémorragie frant d’engelures durant la bataille de Moscou,
intracrânienne lors de radiofréquence du gan- toléraient une amputation d’un membre avec
glion de Gasser) ; relativement peu de douleurs [15]. En 1848,
• infection locale ou systémique ; J. Arnott rapportait les effets anesthésiants et
• absence de consentement éclairé. hémostatiques de l’application d’un mélange de
glace et de sels à - 20°C dans certains cas de
douleurs cancéreuses et neuropathiques [16].
Complications Richardson introduisit le spray d’éther en 1866,
puis le spray de chlorure d’éthyle en 1891, pour
Les complications générales comportent les sai-
l’anesthésie locale [17]. Trendelburg démontra en
gnements, les hématomes, l’infection et les lésions
1917 les effets lésionnels du froid sur les structures
nerveuses traumatiques directes. Les complica-
nerveuses, et l’absence de névrome après leur
tions spécifiques incluent les douleurs de désaffé-
régénération [18]. Cooper développa en 1961 un
rentation et les lésions thermiques involontaires
équipement fonctionnant à l’azote liquide capable
de structures nerveuse adjacentes, notamment
d’atteindre des températures de - 190°C [19].
sensitives et motrices.
Quelques années plus tard, S.P. Amoils, chirurgien
La radiofréquence du ganglion de Gasser, en
ophtalmique, conçut un appareil portable utilisant
cas de névralgie du trijumeau, peut se compliquer
le dioxyde de carbone ou le protoxyde d’azote à
d’une anesthésie de la cornée, d’une faiblesse du
des températures de - 70°C, facilitant ainsi l’utili-
masséter (lésion de la branche mandibulaire issue
sation de la cryoanalgésie [20].
de V3) ou plus rarement d’une diplopie (lésion du
nerf trochléaire ou IVe nerf crânien, lésion du nerf
abducens ou VIe nerf crânien). Ces complications Principe
sont dans la plupart des cas passagères.
La sonde est composée d’un tube externe creux
de grand diamètre contenant un petit tube interne
Surveillance après la procédure dans lequel est injecté un gaz (généralement du
N2O ou du CO2) sous une pression de 600 à 800
En l’absence de complications immédiates ou de
psi (figure 26.3). Le gaz pénètre ensuite dans le
sédation, aucune surveillance particulière n’est
tube externe grâce à de fines ouvertures situées
nécessaire lors des procédures périphériques. La
à l’extrémité de la sonde. L’expansion rapide du
radiofréquence du ganglion de Gasser nécessite
gaz à l’intérieur du tube externe entraîne une
en revanche une surveillance neurologique de
baisse de la température (effet Joule-Thompson).
plusieurs heures.
La pointe de la sonde peut atteindre – 90°C et

Cryoanalgésie
La cryothérapie (cryoanalgésie, cryoablation ou
cryoneurolyse) est une technique qui produit
une analgésie prolongée par l’application de froid
(généralement entre - 70°C et - 80°C) au voisi-
nage de structures nerveuses sensitives.
L’utilisation à visée antalgique du froid est
connue de très longue date. Hippocrate (460-
377 av. J. C.) décrivit l’application de neige sur Figure 26.3. Schéma d’une sonde de cryothérapie.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


268 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

de myéline et de l’endonèvre (axonotmésis de


degré 2, voir tableau 26.1). Le nerf peut ensuite
régénérer à raison de 1 à 1,5 mm par semaine.
Des températures inférieures à - 140°C provo-
quent des lésions irréversibles (axonotmésis de
degré 3 ou 4, voir tableau 26.1). La cryothérapie
ne provoque jamais de neurotmésis.
Des mécanismes auto-immuns semblent impli-
qués dans les effets à long terme de la cryothéra-
pie, via le relargage de protéines habituellement
séquestrées capables de déclencher une réponse
auto-immune.
Figure 26.4. Formation de glace à l’extrémité de la L’intensité et la durée de l’antalgie sont pro-
sonde de cryothérapie.
portionnelles à l’importance de la lésion ner-
veuse. La lésion dépend de la distance entre la
génère une boule de glace fusiforme au niveau sonde et la cible, de la taille de la sonde, de la
du tissu avoisinant à une température d’environ taille de la boule de glace, de la durée d’expo-
- 70°C. Le gaz est ensuite aspiré par la machine sition au froid et de la température des tissus
de cryothérapie dans le tube extérieur et évacué directement voisins de l’extrémité de la sonde.
par une valve de ventilation. Ce système fermé Cette dernière est influencée par les dissipateurs
évite que le gaz ne s’échappe et soit injecté au de chaleur locaux, comme la proximité d’un vais-
patient. Un débit de gaz précis est nécessaire pour seau sanguin.
assurer une procédure sûre et efficace : un débit
trop faible serait insuffisant pour produire une
température suffisamment basse (pas de forma- Indications
tion de boule de glace), alors qu’un débit excessif
provoquerait le gel de la sonde proximalement et Comparée aux autres techniques de neurolyse
des brûlures sur la peau. chirurgicale, chimique (phénol ou alcool) ou
Les sondes de 2,0 mm et 1,4 mm génèrent thermique (radiofréquence), la cryoanalgésie
une boule de glace respectivement de 5,5 mm n’est pas associée à l’apparition de névrites ou de
et 3,5 mm (figure 26.4). Certaines sondes sont névromes, même en cas de procédures répétées.
également équipées d’un stimulateur nerveux À de rares exceptions près (nerf suprascapulaire,
sensoriel (50 Hz) et moteur (2 Hz) intégré pour par exemple), la cryoanalgésie est appliquée uni-
une localisation plus précise du nerf cible. quement sur les nerfs sensitifs. La technique
L’application de froid sur les tissus crée un peut être utilisée chez des patients porteurs de
bloc de conduction, semblable à celui des anes- stimulateurs implantés (pacemaker cardiaque ou
thésiques locaux. Les fibres myélinisées de grand neurostimulateur) chez lesquels la thermoabla-
diamètre cessent de fonctionner à une tempé- tion par radiofréquence est une contre-indication
rature de 10°C, toutes les fibres nerveuses sont relative.
bloquées à - 20°C. Les indications incluent :
L’étendue et la durée de l’effet sont propor- • Névralgies périphériques de la face :
tionnelles à la température et à la durée d’exposi- – nerfs supraorbitaire, infraorbitaire, mandibu-
tion. À des températures entre - 20°C et - 100°C, laire et mentonnier ;
la formation de cristaux de glace au niveau des – nerf trijumeau.
vasa nervorum provoque un œdème de l’endo- • Douleurs des membres supérieurs :
nèvre dans les 2 heures qui suivent la procédure. – nerf suprascapulaire ;
Ces modifications provoquent une dégénéres- – nerf radial superficiel.
cence wallérienne avec conservation de la gaine • Névralgies thoraciques : nerf intercostal.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 26. LesSCIENCE
procéduresMEDICALE
lésionnelles 269

Figure 26.5. Cryothérapie des branches médiales L3-L4, L4-L5 et L5-S1 gauche sous contrôle fluoroscopique.

• Névralgies abdominales ou pelviennes : (0,5 et 1 ml), permet des blocs diagnostiques


– nerf ilio-inguinal ; spécifiques et reproductibles avec la cryoanalgésie,
– nerf ilio-hypogastrique ; car ils correspondent au volume de la boule de
– nerf génito-fémoral. glace générée par la sonde. L’évolution des scores
• Névralgies sacrées : racine S4 ou S5. de douleurs est ensuite évaluée pendant les heures
• Douleurs rachidiennes avec ou sans irradiation : (ou jours) suivants.
– branche médiale du rameau dorsal (syndrome Lors de la cryothérapie, l’utilisation d’un intro-
facettaire) (figure 26.5) ; ducteur est recommandée pour isoler la portion
– nerf glutéal supérieur (branches postérieures proximale de la sonde et diminuer le risque de
de L4, L5 et S1) ; gelure cutanée. Il permet également l’injection
– articulation sacro-iliaque ; d’anesthésiques locaux ou de sérum physiologique
– névralgie clunéale (branches cutanées laté- adrénaliné (1-2 ml de NaCl, 0,9 % avec adrénaline
rales des rameaux dorsaux de L1, L2 et L3). 1 :200 000), afin de diminuer les saignements et
• Douleurs des membres inférieurs : le réchauffement de la zone traitée par les tissus
– nerf cutané latéral de la cuisse ; avoisinants. De plus, la pointe de l’introducteur
– nerfs géniculaires (branches supérieures pénètre les tissus plus facilement que la sonde elle-
médiale et latérale et branche inférieure même. L’introducteur le plus couramment utilisé
médiale) ; est une canule veineuse de 12 G pour une sonde de
– nerf péronier superficiel ; 2 mm et 14 G ou 16 G pour une sonde de 1,4 mm.
– nerf saphène ; Il est conseillé d’utiliser la sonde la plus grande
– nerfs calcanéaux médial et latéral ; possible. Selon les fabricants, la longueur de la
– névrome de Morton. sonde varie de 20 à 175 mm et son diamètre de
• Douleurs postopératoires chroniques : 0,8 à 2 mm. L’extrémité de la sonde peut être
– névrome cicatricielle ; tranchante ou atraumatique.
– névrome du moignon. Une sonde avec neurostimulateur intégré per-
met d’en placer l’extrémité près de la cible et
Technique d’éviter de détruire un nerf moteur (absence de
stimulation motrice). La stimulation sensitive se
La cryoanalgésie est précédée d’un ou plusieurs fait à une fréquence de 100 Hz, l’obtention d’une
blocs pronostiques aux anesthésiques locaux. réponse sensitive idéalement en dessous de 0,5
L’injection de petits volumes d’anesthésique local volt. L’absence de contraction musculaire doit

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


270 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

être testée avec une stimulation à 2 Hz jusqu’à d’une hypoesthésie, voire d’une anesthésie dans
une intensité de 3 volts. le territoire du nerf sensitif traité.
Une fois la sonde en place, on effectue deux
à trois cycles de cryothérapie séparés par des Surveillance après la procédure
périodes de dégel. Des cycles de 3 minutes produi-
sent une densité optimale de la boule de glace. Des En l’absence de complications immédiates ou de
cycles plus longs n’apportent pas de bénéfice sup- sédation, aucune surveillance particulière n’est
plémentaire, la glace agissant comme isolant. Une nécessaire.
brève période de dégel (entre 20 et 40 secondes)
permet au cycle suivant d’augmenter la taille de la
boule de glace. La cryothérapie est généralement
Autres méthodes
indolore à l’exception parfois des premières 10 à de cryoanalgésie
15 secondes, durant lesquelles la température n’a
pas encore atteint le seuil du bloc de conduction La cryothérapie du corps entier se réalise au
(- 20°C). La majorité des sondes dispose d’un cap- moyen d’une cabine de cryosauna fonctionnant
teur de température intégré mesurant en continu à l’azote liquide. L’évaporation de gaz liquéfié
la température à l’extrémité de la sonde. Avant de permet d’obtenir rapidement des températures
retirer la sonde en fin de procédure, il faut atten- de - 120°C et - 150°C. Le patient entre dans la
dre une vingtaine de secondes que la sonde dégèle cabine, vêtu de vêtements de protection (gants,
à nouveau et n’adhère plus aux tissus. chaussettes de coton épais et maillot de bain).
La tête reste à l’extérieur de la cabine. La séance
dure 3 minutes. Bien que cette technique soit sur-
Contre-indications tout utilisée par les sportifs de haut niveau à des
fins de récupération musculaire, son application
• diathèse hémorragique. S’agissant de procédures s’est étendue ces dernières années aux douleurs
le plus souvent périphériques, les risques hémor- chroniques inflammatoires et diffuses. Une étude
ragiques constituent une contre-indication italienne a conclu que 15 séances consécutives
absolue lorsqu’il existe un risque d’hémorragie de cryosauna amélioraient significativement les
occulte et intéressant des structures que l’on ne scores de douleurs, de fatigue et de qualité de vie
peut pas comprimer (hémorragie thoracique sur chez des patients souffrant de fibromyalgie [21].
cryothérapie intercostale, hémorragie rétropéri- Une étude récente décrit l’utilisation répétée
tonéale sur cryothérapie du nerf obturateur) ; d’azote liquide vaporisé sur la peau de patients
• infection locale ou systémique ; souffrant d’une névralgie postherpétique [22].
• absence de consentement éclairé. La vaporisation s’effectue directement sur le der-
matome atteint dans le but de refroidir et non de
Complications léser la peau. Les résultats ont été considérés bons
à excellents dans 94 % des cas après environ cinq
Les complications générales comportent les séances hebdomadaires.
saignements, les hématomes, l’infection et les
lésions nerveuses traumatiques directes. Les Références
complications spécifiques incluent les risques 1. Seddon HJ, Medawar PB, Smith H. Rate of regene-
d’hyperpigmentation et d’alopécie au site de ration of peripheral nerves in man. The Journal of
cryothérapie. Ces manifestations peuvent être Physiology 1943;102 doi: 10.1113/jphysiol.1943.
particulièrement gênantes au niveau du visage sp004027.
ou des sourcils. En cas de cryoanalgésie du 2. Sunderland S. Nerves and Nerve Injuries. Edinburgh
& London: Livingstone, 1968:180.
nerf supraorbitaire, la sonde doit être placée 3. Luton A. Étude sur la médication substitutive. Pre-
à distance du sourcil. Il est important de bien mière partie, de la substitution parenchymateuse.
informer les patients de l’apparition possible Arch Gen Med 1863;2:57.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 26. LesSCIENCE
procéduresMEDICALE
lésionnelles 271

4. Stookey B, Ransohoff J. Trigeminal neuralgia: its 14. Hippocrates. Heracleitus on the Universe, Apho-
history and treatment. Springfield: IL: Charles C. risms, Vol. 4. Heinemann, London, 1931;5:165,
Thomas; 1959. 7 :201.
5. Haxton HA. Chemical sympathectomy. Br Med J 15. Larrey DJ. Mémoires de chirurgie militaire et cam-
1949 Jun 11;1(4614):1026–8. pagnes. Tome 4. Édition J. Smith (Paris) 1812.
6. Tardieu G, Tardieu C, Hariga J. Selective partial 16. Arnott J. On the treatment of cancer by the regulated
denervation by alcohol injections and their results in application of an anesthetic temperature. London: J
spasticity. Reconstr Surg Traumatol 1972;13:18–36. Churchill; 1851. 32- 54.
7. Korevaar WC. Transcatheter thoracic epidural 17. Richardson BW. On a new and ready mode of
neurolysis using ethyl alcohol. Anesthesiology producing local anaesthesia. Med Times and Gazette
1988;69:989–93. 1866;1:115.
8. Kirschner M. Zur Elektrochirurgie. Arch. Klin. Chir 18. Trendelenburg W. Uber Landauende Nervenaus-
1931;167:761. schaltung mit sicher Regenerationsfahigkeit. Zeit-
9. Aronow S. The use of radiofrequency power in mar- schrift für die gesamte experimentelle Medizin
king lesions in the brain. J. Neurosurg 1960;17:431– 1917;5:371–4.
8. 19. Cooper IS, Grissman F, Johnson R. A complete
10. Shealy CN. Percutaneous radiofrequency denerva- system for cytogenic surgery. St Barnab Hosp Med
tion of spinal facets. Treatment for chronic back pain Bull 1962;11–6.
and sciatica. J Neurosurg 1975;43:448–51. 20. Amoils SP. The Joules Thompson cryoprobe. Arch
11. Smith HP, McWhorter JM, Challa VR. Radiofre- Ophthalmol 1967;78:201–7.
quency neurolysis in a clinical model. J. Neurosurg 21. Bettoni L, Bonomi FG, Zani V, Manisco L, Indeli-
1981;55:246–53. cato A, Lanteri P, Banfi G, Lombardi G. Effects of
12. Letcher FS, Goldring S. The effect of radiofrequency 15 consecutive cryotherapy sessions on the clinical
current and heat on peripheral nerve action in the cat. output of fibromyalgic patients. Clin Rheumatol
J. Neurosurg 1968;29:42–7. 2013 Sep;32(9):1337–45.
13. Peters G, Nurmikko TJ. Peripheral and gasserian 22. Calandria L. Cryoanalgesia for post-herpetic neu-
ganglion level procedures for the treatment of trige- ralgia. International Journal of Dermatology
minal neuralgia. Clin J Pain 2002;18:28–34. 2011;50:746–50.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 27
Les blocs périphériques sous
contrôle ultrasonographique
Éric Albrecht, Sébastien Bloc

Bloc du nerf grand occipital Sonoanatomie


Identifiez :
Indication • l’artère occipitale au Doppler couleur
(figure 27.2) ;
Le bloc du nerf grand occipital est indiqué dans le • le nerf grand occipital, situé latéralement à
traitement des névralgies occipitales. l’artère.

Approche et injection
Anatomie d’anesthésique local
Le nerf grand occipital est formé du rameau • insérez l’aiguille dans ou hors du plan ;
postérieur de C2. Il émerge en dessous de l’arc • injectez 5-10 ml d’anesthésique local.
postérieur de l’atlas (C1), chemine avec l’artère
occipitale, remonte le long du muscle oblique Technique alternative
inférieur de la tête et le traverse pour innerver la
Une autre technique consiste à placer la sonde au
peau de la partie postérieure du crâne.
niveau de l’apophyse épineuse de C2, facilement
reconnaissable à sa forme bifide (figure 27.3).
Procédure
Installation et matériel
• Installez le patient sur le ventre ou en position
assise, la tête légèrement fléchie.
• Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence.
• Posez-la en position transverse entre la tubé-
rosité occipitale et l’apophyse mastoïdienne
(figure 27.1).
• Sélectionnez une profondeur de champ entre
1 et 2 cm ; le nerf se situe généralement à 0,5-
1,0 cm de profondeur ;
• Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur Figure 27.1. Bloc du nerf grand occipital : position de
de 50 mm. la sonde (patient en position ventrale).

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
274 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 27.2. Bloc du nerf grand occipital (profondeur


de champ : 1-2 cm). Avec cette approche, le nerf
grand occipital n’est pas visible mais se trouve sur la
portion latérale de l’artère occipitale (aO), au-dessus de
l’occiput.

Figure 27.4. Bloc du nerf grand occipital (profondeur


de champ : 1-3 cm).
A. Image échographique native.
B. Image échographique annotée. Le nerf grand occipital
(nGO) se trouve à côté de l’artère occipitale (aO), entre
le muscle semi-épineux de la tête (mSET) et les muscles
obliques inférieur et supérieur de la tête (mOs). L’aiguille
est insérée dans le plan, en direction latéromédiale (flèche
orange). apTr C2 : apophyse transverse de C2 ; mSp :
Figure 27.3. Bloc du nerf grand occipital : autre
muscle splénius de la tête.
position de la sonde (patient en position ventrale).

La profondeur de champ est un peu plus impor- Bloc du nerf accessoire


tante, 1-3 cm. Les muscles obliques inférieur et
supérieur de la tête sont identifiés en long axe
Indication
en effectuant une discrète rotation de la sonde
(figure 27.4). Le nerf grand occipital se situe juste Le bloc du nerf accessoire est indiqué dans le
au-dessus de ce muscle, sur la portion latérale de traitement des douleurs chroniques myofasciales
l’artère occipitale [1]. du muscle trapèze.

Revue de la littérature Anatomie


Dans l’étude de Shim et al. qui compare la Le nerf accessoire, XIe nerf crânien, innerve les
technique échographie à la technique classique muscles sterno-cléido-mastoïdien et trapèze. Issu
de repérage anatomique, les deux approches sont de la moelle épinière (C1-C5), il remonte dans
jugées équivalentes [2]. le crâne par le foramen magnum. Il en ressort par

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 275

• le muscle élévateur de la scapula en déplaçant


légèrement la sonde en direction postérieure ;
• le muscle trapèze, encore plus postérieur ;
• le nerf accessoire, hypoéchogène, posé sur le
muscle élévateur de la scapula.

Approche et injection
d’anesthésique local
• Les approches dans et hors du plan sont pos-
sibles.
• Injectez 5-10 ml d’anesthésique local.
Figure 27.5. Bloc du nerf accessoire. Position de la
sonde et insertion de l’aiguille en direction postéro­
antérieure (patient en position latérale gauche).
Astuces cliniques
le foramen jugulaire, conjointement avec les nerfs Les auteurs ayant décrit le bloc du nerf accessoire
glossopharyngien et vague, et la veine jugulaire ont également réussi à insérer un cathéter [3].
interne. Il descend le long de la carotide interne et
traverse ensuite le muscle sterno-cléido-mastoïdien.
Il émerge près du milieu du bord postérieur de ce
Revue de la littérature
dernier dans la région cervicale latérale et se dirige Il n’existe aucune étude comparative du bloc du
inférieurement à la surface du muscle élévateur de nerf accessoire sous échographie avec d’autres
la scapula vers la face profonde du muscle trapèze. techniques.
Au niveau du bord postérieur du muscle sterno-
cléido-mastoïdien, le nerf accessoire chemine
parallèlement au nerf grand auriculaire, plus
superficiel d’environ 1 cm.

Procédure
Installation et matériel
• Installez le patient en position latérale.
• Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence.
• Posez-la en position transverse sur le muscle
sterno-cléido-mastoïdien (figure 27.5).
• Sélectionnez une profondeur de champ entre 1
et 2 cm ; le nerf se situe généralement à 0,5 cm
de profondeur.
• Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur
de 50 mm. Figure 27.6. Bloc du nerf accessoire (profondeur de
champ : 1-2 cm).
A. Image échographique native.
Sonoanatomie B. Image échographique annotée. Le nerf accessoire
Identifiez (figure 27.6) : (nAcc), hypoéchogène, est posé sur le muscle élévateur
de la scapula (mEdS). L’aiguille est insérée dans le plan en
• le muscle sterno-cléido-mastoïdien, en super- direction postéroantérieure (flèche orange). mSM : muscle
ficie ; scalène moyen ; mSCM : muscle sterno-cléido-mas-
• le muscle scalène moyen, en profondeur ; toïdien ; mTr : muscle trapèze ; TSC : tissu sous-cutané.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


276 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Bloc du nerf suprascapulaire


Indication
Ce bloc est indiqué dans le traitement de certains
syndromes douloureux chronique de la ceinture
scapulaire ou des douleurs chroniques de l’épaule
secondaire à un traumatisme ou une chirurgie.

Anatomie
Issu du tronc supérieur du plexus brachial (C5),
le nerf suprascapulaire, qui reçoit parfois des
rameaux des racines C4, se dirige sous les mus-
cles trapèze et omohyoïdien, au-dessus du plexus
brachial, en direction de la fosse supraépineuse
par l’incisure scapulaire située sur la face médiale
de l’apophyse coracoïde. Il passe au-dessous du Figure 27.7. Nerf suprascapulaire et ses rameaux.
ligament transverse supérieur de la scapula alors RAS : rameau articulaire supérieur ; RAI : rameau
que l’artère et la veine suprascapulaires passent articulaire inférieur ; RSE : rameau pour le muscle
supraépineux ; RIE : rameau pour le muscle infraépineux.
généralement au-dessus.
Le nerf suprascapulaire innerve le muscle
supraépineux, le muscle infraépineux, l’articu-
lation acromioclaviculaire, la partie postérieure
de la capsule articulaire de l’épaule, ainsi que
les ligaments coracoacromial et coracoclaviculaire
(figure 27.7).

Procédure
Installation et matériel
• Installez le patient en position assise.
Figure 27.8. Bloc du nerf suprascapulaire. Position de
• Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence. la sonde et insertion de l’aiguille hors du plan (patient en
• Posez-la en position transverse sur le côté position assise).
médial l’apophyse coracoïde (figure 27.8).
• Sélectionnez une profondeur de champ entre 3 – le muscle trapèze ;
et 5 cm ; l’incisure scapulaire se trouve généra- – le muscle supraépineux ;
lement à moins de 5 cm de profondeur. – l’incisure scapulaire, recouverte par le muscle
• Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur trapèze et le muscle supraépineux ;
de 50 à 80 mm. – le ligament transverse supérieur de la scapula ;
– l’artère suprascapulaire, adjacente au ligament
Sonoanatomie
transverse supérieur de la scapula, visible au
• Inclinez la sonde en direction céphalocaudale, Doppler couleur (figure 27.10) ;
avec une discrète rotation dans le plan coronal. – le nerf suprascapulaire, fine structure hyper-
• Identifiez (figure 27.9) : échogène, à proximité immédiate de l’artère,

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 277

Figure 27.10. Bloc du nerf suprascapulaire : identifica-


tion de l’artère suprascapulaire au Doppler couleur.

Astuces cliniques
En cas d’identification difficile, il est recommandé
de procéder à une infiltration sous le ligament
transverse supérieur de la scapula.

Revue de la littérature
Le bloc du nerf suprascapulaire sous échogra-
phie est une technique récente [4]. L’équipe de
Figure 27.9. Bloc du nerf suprascapulaire (profondeur
Siegenthaler a décrit une approche supraclavi-
de champ : 3-5 cm). culaire antérieure [5], sans toutefois comparer
A. Image échographique native. l’efficacité des techniques pratiquées.
B. Image échographique annotée. Le nerf suprascapulaire
(nSpSc) se trouve sous le ligament transverse supérieur
de la scapula (lTrSc), au niveau de l’incisure scapulaire.
L’aiguille est insérée dans le plan en direction médiolaté- Bloc du nerf intercostal
rale (flèche orange). mSE : muscle supraépineux ; mTr :
muscle trapèze ; TSC : tissu sous-cutané.
Indication
en dessous du ligament transverse supérieur Un bloc du nerf intercostal est indiqué dans le
de la scapula. traitement des douleurs thoraciques après chirur-
gie ou traumatisme.
Approche et injection
d’anesthésique local
Anatomie
• Les approches dans et hors du plan sont pos-
sibles. En cas d’approche dans le plan, insérez Les muscles intercostaux forment trois couches :
l’aiguille à l’extrémité médiale de la sonde. externe, interne, intime. Le paquet vasculoner-
• Injectez 5-10 ml d’une solution d’anesthésique veux se situe entre les muscles interne et intime
local. (figure 27.11). Contrairement aux idées reçues,

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


278 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 27.11. Coupe transverse de la paroi thoracique. Figure 27.12. Bloc intercostal. Position longitudinale
de la sonde à une distance de 10-15 cm de l’apophyse
épineuse.

il ne se trouve dans la partie inférieure de la côte


que dans 17 % des cas ; dans 73 % des cas, il se Sonoanatomie
situe à mi-distance entre les deux côtes [6].
Les nerfs intercostaux sont issus des rameaux Identifiez (figure 27.13) :
ventraux des racines T1 à T11. La 12e racine • deux côtes adjacentes, soit deux lignes
nerveuse donne naissance au nerf subcostal. Le hyperéchogènes et leurs cônes d’ombre sous-
territoire d’innervation des nerfs intercostaux jacents ;
inclut la paroi thoracique, le muscle grand dorsal • la plèvre, ligne hyperéchogène et son image de
et une partie du muscle oblique externe. « queue de comète » ;
Les nerfs intercostaux 2 à 6 sont appelés nerfs • le muscle intercostal intime, juste au-dessus de
thoraciques, 7 à 11 nerfs thoraco-abdominaux, la plèvre ;
car ils innervent également la paroi abdominale • les muscles intercostaux interne et externe, vers
antérieure. Les nerfs intercostaux IX à XI sont la superficie ;
étroitement connectés au nerf subcostal et à la • l’espace triangulaire qui contient le paquet
première racine lombaire. Ils cheminent entre le vasculonerveux, en dessous de la côte supé-
muscle oblique interne et le muscle transverse de rieure, entre les muscles intercostaux interne
l’abdomen. et intime.

Approche et injection
d’anesthésique local
Procédure
• Les approches dans et hors du plan sont
Installation et matériel possibles, jusqu’à atteindre l’espace trian-
gulaire ; lors d’une approche dans le plan,
• Installez le patient en position ventrale, latérale
l’aiguille est insérée en rasant le bord de la
ou assise.
côte inférieure.
• Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence.
• Injectez 5 ml d’anesthésique local.
• Posez-la en position longitudinale à une dis-
tance de 10-15 cm latéralement au processus
épineux, de manière à visualiser deux côtes Astuces cliniques
adjacentes en court axe (figure 27.12).
• Sélectionnez une profondeur de champ entre 1 Un pneumothorax peut être exclu si l’image
et 3 cm ; les nerfs intercostaux se situent géné- en « queue de comète » persiste et que la
ralement entre 0,5 et 1,5 cm de profondeur. plèvre fluctue de manière synchrone avec la
• Prenez une aiguille 21-22 G de 50 mm. respiration.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 279

(incision de Pfannenstiel, appendicectomie, chi-


rurgie inguinale) ou par l’insertion d’un trocart
en laparoscopie. Les patients peuvent présenter
des neuropathies irradiant dans le haut de la
cuisse, dans les testicules ou les grandes lèvres.

Anatomie
Les nerfs ilioinguinal et iliohypogastrique, issus de
L1, émergent sous le ligament arqué médial à la
partie supérolatérale du psoas. Le nerf ilioingui-
nal, plus fin, a un trajet plus vertical que le nerf
iliohypogastrique. Après avoir croisé le muscle
carré des lombes antérieurement, les deux nerfs
traversent le muscle transverse de l’abdomen. Ils
cheminent ensuite entre le muscle transverse et le
muscle oblique interne à une distance variable de
l’épine iliaque antérosupérieure avant de traverser
les muscles obliques interne et externe.
Le nerf ilioinguinal est responsable de l’inner-
vation motrice des parties inférieures des mus-
cles oblique interne et transverse de l’abdomen,
et sensitive de la partie supéromédiale de la
cuisse, du scrotum et des grandes lèvres. Le nerf
Figure 27.13. Bloc intercostal droit (profondeur de
champ : 1-3 cm).
iliohypogastrique est un nerf moteur (muscles
A. Image échographique native. pyramidal, droit, transverse et oblique interne de
B. Image échographique annotée. Le site d’injection se l’abdomen) et sensitif (peau du scrotum et des
trouve entre les muscles intercostaux externe et interne grandes lèvres). Il arrive que la branche cutanée
(mIC) et le muscle intercostal intime (mICint), en dessous
de la côte supérieure. L’aiguille est insérée dans le plan
latérale du nerf iliohypogastrique traverse les mus-
en direction caudocéphalique (flèche orange). mEdR : cles obliques interne et externe juste au-dessus de
muscles érecteurs du rachis, TSC : tissu sous-cutané. la crête iliaque pour innerver le quadrant supéro-
latéral de la fesse ; il est donc approprié d’effectuer
le bloc derrière l’épine iliaque antérosupérieure.
Revue de la littérature
La technique décrite ci-dessus a été utilisée Procédure
initialement en antalgie chronique lors de
cryothérapie des nerfs intercostaux après tho- Installation et matériel
racotomie [7]. • Installez le patient en position dorsale.
• Exposez la partie inférieure de l’abdomen, la
crête iliaque et le pli de l’aine.
Bloc des nerfs ilio-inguinal • Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence.
et iliohypogastrique • Placez-la au-dessus de la ligne virtuelle qui
relie l’épine iliaque antérosupérieure à l’ombilic
Indication (figure 27.14).
• Sélectionnez une profondeur de champ entre 3
En raison de leur position anatomique, les nerfs et 5 cm ;
ilioinguinal, iliohypogastrique et génitofémoral • Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur
peuvent être lésés par une incision chirurgicale de 50 à 80 mm.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


280 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 27.14. Bloc des nerfs ilioinguinal et iliohypogas-


trique. Position de la sonde et insertion de l’aiguille dans le
plan en direction médiolatérale (patient en position dorsale).

Sonoanatomie
• Identifiez (figure 27.15) :
– la cavité péritonéale et les mouvements des
anses intestinales en dessous du muscle trans-
verse de l’abdomen ;
– le muscle transverse de l’abdomen ;
– le muscle oblique interne, plus épais ; Figure 27.15. Bloc des nerfs ilioinguinal et iliohypogas-
– le muscle oblique externe, plus superficiel, trique (profondeur de champ : 3-5 cm).
A. Image échographique native.
qui peut être aussi fin qu’une aponévrose, au B. Image échographique annotée et technique d’injection
niveau de la paroi inféromédiale de l’abdo- avec une insertion de l’aiguille dans le plan (flèches orange).
men ; L’extrémité de l’aiguille est placée à proximité des nerfs
– l’os iliaque recouvert par le muscle iliaque ilioinguinal (nII) et iliohypogastrique (nIH). L’anesthésique
local diffuse le long du fascia. AI : anse intestinale ; CP :
latéralement ; cavité péritonéale ; EIAS : épine iliaque antérosupérieure ;
– les nerfs ilioinguinal et iliohypogastrique, mOE : muscle oblique externe ; mOI : muscle oblique
souvent hypoéchogènes, se trouvent dans interne ; mPso : muscle psoas ; mTA : muscle transverse
le fascia qui sépare le muscle transverse de de l’abdomen ; TSC : tissu sous-cutané.
l’abdomen du muscle oblique interne, au-
dessus de l’épine iliaque antérosupérieure. Il
peut arriver que les deux nerfs traversent le
muscle oblique interne au niveau de l’épine l’aiguille sur le bord médial de la sonde jusqu’au
iliaque antérosupérieure et qu’on les trouve plan transverse.
entre les muscles obliques interne et oblique • Une aiguille à biseau court permet de sentir des
externe. ressauts (« pops ») lors du passage des aponé-
• Déplacez la sonde en direction caudale pour vroses superficielles et profondes du muscle
suivre les nerfs jusque derrière l’épine iliaque oblique interne.
antérosupérieure. • Injectez 5 à 10 ml d’anesthésique local (AL) à
• Identifiez au Doppler couleur les vaisseaux qui proximité des deux nerfs ; si les nerfs ne sont
se trouvent dans le même plan que le nerf. pas visibles, injectez l’AL dans le fascia qui
sépare le muscle transverse de l’abdomen du
Approche et injection
muscle oblique interne, à proximité des vais-
d’anesthésique local
seaux.
• Les approches dans et hors du plan sont pos- • Observez la diffusion de l’AL par un balayage
sibles. En cas d’approche dans le plan, insérez céphalocaudal de l’abdomen.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 281

tester le nerf fémoral avant de permettre à un


patient de se lever.

Bloc du nerf génitofémoral


Indication
Ce bloc est utilisé comme test diagnostique et
traitement d’une neuropathie postopératoire. En
effet, les nerfs génitofémoral, ilioinguinal et ilio-
Figure 27.16. Branche de l’artère iliaque circonflexe hypogastrique peuvent être lésés par une incision
profonde située dans le plan contenant les nerfs
ilioinguinal et iliohypogastrique.
chirurgicale (incision de Pfannenstiel, appendicec-
tomie, chirurgie inguinale) ou par l’insertion d’un
trocart en laparoscopie. Les patients peuvent pré-
Astuces cliniques senter des neuropathies irradiant dans le haut de
la cuisse, dans les testicules ou les grandes lèvres.
Localisation d’une branche de l’artère
iliaque circonflexe profonde
Anatomie
On trouve plusieurs structures hypoéchogènes
dans le plan situé entre les muscles oblique interne Le nerf génitofémoral, issu des racines L1 et L2,
et transverse de l’abdomen. Utilisez un Doppler traverse le muscle psoas d’arrière en avant au niveau
couleur pour différencier les structures vasculaires du disque intervertébral L3-L4. Sa branche fémo-
des structures nerveuses et éviter d’injecter l’AL rale suit l’artère iliaque externe sur sa face latérale,
dans une branche de l’artère iliaque circonflexe en compagnie de laquelle elle passe sous le ligament
profonde (figure 27.16). inguinal, avant de franchir le fascia lata pour inner-
ver le triangle fémoral. La branche génitale passe à
Incliner la sonde en direction travers l’anneau profond du canal inguinal du fascia
de l’aile iliaque transversalis, puis dans le canal inguinal, à proximité
Lorsque les structures musculaires sont difficiles immédiate ou à l’intérieur du cordon spermatique
à visualiser, inclinez la sonde en direction de l’os chez l’homme ou du ligament rond de l’utérus
iliaque. chez la femme. Elle innerve le muscle crémaster et
la peau du scrotum chez l’homme. Chez la femme,
Injection dans les deux plans elle suit le ligament rond et se termine dans le mont
du pubis et les grandes lèvres.
Une double infiltration entre les muscles trans- L’innervation sensitive de la région inguinale
verse et oblique interne, et les muscles obliques assurée par les nerfs génitofémoral, ilioinguinal
interne et externe, permet de tenir compte des et iliohypogastrique est très variable en raison
variations anatomiques. des nombreux rameaux communiquant entre les
différents nerfs.
Revue de la littérature
Le bloc des nerfs ilioinguinal et iliohypogastrique Procédure
entraîne un bloc du nerf fémoral dans 5 % à 8 %
des cas, qui s’explique par la continuité anato- Installation et matériel
mique entre les fascias transversalis et iliaca [8,9]. • Installez le patient en position dorsale.
Une solution injectée derrière le muscle oblique • Exposez la partie basse de l’abdomen, la crête
interne peut diffuser jusqu’au nerf fémoral. Il faut iliaque et l’aine.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


282 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 27.17. Bloc du nerf génitofémoral : position


de la sonde et insertion de l’aiguille dans le plan en
direction caudocéphalique (A) et hors du plan (B). Figure 27.18. Bloc du nerf génitofémoral (profondeur
Le patient est en position dorsale. de champ : 2-4 cm).
A. Image échographique native.
B. Image échographique annotée et technique d’injection
avec une insertion de l’aiguille dans le plan en direction
caudocéphalique. L’extrémité de l’aiguille est placée à
• Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence. l’intérieur et à l’extérieur du cordon spermatique (flèches
• Placez-la à côté du tubercule pubien, perpen- orange). aFem : artère fémorale ; aIE : artère iliaque
diculairement au ligament inguinal, qui relie le externe ; CaDf : canal déférent ; CoSp : cordon sperma-
tique ; TSC : tissu sous-cutané.
tubercule pubien à l’épine iliaque antérosupé-
rieure (figure 27.17).
• Sélectionnez une profondeur de champ entre 2
et 4 cm. structures circulaires contenant des vaisseaux,
• Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur en position plus superficielle et médiale que
de 50-80 mm. l’artère iliaque externe. Le canal défèrent est
souvent visible sous la forme d’un tube.

Sonoanatomie
Approche et injection
Identifiez (figure 27.18) :
d’anesthésique local
• l’artère fémorale ; modifiez l’orientation de la
sonde jusqu’à obtenir une image en long axe ; • Les approches dans ou hors du plan sont pos-
• l’artère iliaque externe, en déplaçant la sonde sibles.
en direction céphalique ; • Utilisez une solution d’AL sans adrénaline.
• le cordon spermatique chez l’homme/le liga- • Injectez 5 ml d’AL à l’extérieur et 5 ml à l’inté-
ment rond de l’utérus chez la femme (en rieur du cordon spermatique (ou du ligament
déplaçant la sonde légèrement médialement), rond).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 283

Astuces cliniques
Chez l’homme, la palpation douce du cordon
spermatique au contact de l’os pubien permet de
préciser le placement de la sonde.

Revue de la littérature
À notre connaissance, le bloc du nerf génitofémo-
ral sous échographie n’a été décrit que dans un
seul article rétrospectif [10].
Figure 27.19. Bloc du nerf cutané latéral de la cuisse.
Position de la sonde et insertion de l’aiguille dans le
plan en direction latéromédiale (patient en position
dorsale).
Bloc du nerf cutané
latéral de la cuisse
Indication
• Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence.
Le bloc du nerf cutané latéral de la cuisse est • Posez-la en position transverse le long du pli
indiqué dans le traitement de la méralgie pares- inguinal (figure 27.19).
thétique. Cette atteinte du nerf cutané latéral • Sélectionnez une profondeur de champ entre
de la cuisse est le plus souvent due à la compres- 1 et 3 cm ; le nerf se situe généralement à une
sion du nerf lors de son passage sous le ligament profondeur de 0,5 à 1,5 cm.
inguinal. • Prenez une aiguille 21-22 G d’une longueur de
50 mm.

Anatomie
Sonoanatomie
Issu des branches dorsales des racines L2-L3,
le nerf cutané latéral de la cuisse émerge latéra- Identifiez (figure 27.20) :
lement du muscle psoas et descend le long de • l’artère fémorale et la veine fémorale ;
son bord latéral en direction de l’épine iliaque • le muscle iliopsoas, en profondeur, en dessous
antérosupérieure. Il passe ensuite sous le ligament des vaisseaux fémoraux ;
inguinal, 1 cm à l’intérieur de l’épine iliaque • le fascia lata et le fascia iliaca, lignes hyper-
antérosupérieure, entre le muscle tenseur du fas- échogènes ;
cia lata et le muscle sartorius, puis se divise en • le muscle sartorius, puis le muscle tenseur du
plusieurs branches. fascia lata, qui apparaissent lorsque la sonde
Il est responsable de l’innervation sensitive de la est déplacée latéralement ; ces deux muscles
face latérale de la cuisse jusqu’au genou. se trouvent en dessous des fascias lata et
iliaca;
• les branches du nerf cutané latéral de la cuisse
Procédure (fine structure hypo- ou hyperéchogène) sont
situées dans le triangle formé par le fascia
Installation et matériel lata (superficiellement), le muscle sartorius
• Installez le patient en position dorsale. (médialement), et le muscle tenseur du fascia
• Exposez le pli inguinal, qui se trouve 4 à 5 cm lata (latéralement). Le nerf peut être difficile à
en dessous du ligament inguinal. visualiser.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


284 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 27.20. Bloc du nerf cutané latéral de la cuisse (profondeur de champ : 1-3 cm).
A. Image échographique native.
B. Image échographique annotée. Le nerf cutané latéral de la cuisse (nCLC) se trouve entre le muscle sartorius (mSa) et
le muscle tenseur du fascia lata (mTFL). L’aiguille est insérée dans le plan, en direction latéromédiale (flèche orange). FL :
fascia lata ; FI : fascia iliaca ; mgF : muscle grand fessier ; mIP : muscle iliopsoas.

Approche et injection Astuces cliniques


d’anesthésique local
Couplage à la neurostimulation
• Les approches dans et hors du plan sont pos-
sibles. Pour une approche dans le plan, l’aiguille La stimulation électrique déclenche des pares-
est insérée du côté latéral de la sonde. thésies au niveau de la face latérale de la cuisse.
• Injectez 5 à 10 ml d’AL, dans le triangle décrit
ci-dessus ; il n’est pas rare de ne voir apparaître
le nerf qu’après l’injection du produit ; Autre technique
• Observez la diffusion de l’AL par un balayage Une autre technique consiste à placer la sonde au
proximal et distal. contact de l’épine antérosupérieure (en dedans

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 285

et en dessous), sur le ligament inguinal et


d’identifier :
• l’épine iliaque antérosupérieure et son ombre
osseuse ;
• les fascias lata et iliaca, lignes hyperéchogènes
qui apparaissent lorsque la sonde est déplacée
en direction médiale et caudale ;
• le muscle sartorius, sous les fascias ;
• le nerf cutané latéral de la cuisse, fine structure
hyperéchogène en dessous de l’épine iliaque
antérosupérieure, entre le fascia iliaca et sarto-
rius ou plus distalement entre les fascias lata et Figure 27.21. Bloc du nerf pudendal. Position de la
iliaca. sonde et insertion de l’aiguille en direction postéro­
Insérez l’aiguille dans le plan selon un angle antérieure (patient en position ventrale).
rasant pour atteindre le plan interfascial juste en
dessous de l’épine iliaque antérosupérieure ; une
approche hors du plan est également possible.
terminales : le nerf rectal inférieur, le nerf périnéal
et le nerf dorsal du pénis (ou du clitoris).
Revue de la littérature
Une autre technique, validée dans une étude sur Procédure
20 cadavres, consiste à injecter l’AL plus proxima-
lement, dans le fascia qui sépare le muscle tenseur Installation et matériel
du fascia lata du muscle sartorius, à la hauteur du • Installez le patient en position ventrale avec un
ligament inguinal [11]. coussin sous le pelvis, ou en position gynécolo-
gique.
• Utilisez une sonde linéaire à basse fréquence.
• Posez-la en position transverse sur l’ischion
Bloc du nerf pudendal (figure 27.21).
• Sélectionnez une profondeur de champ entre 5
Indication et 7 cm.
• Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur
Le bloc du nerf pudendal est indiqué dans le
de 80-120 mm.
traitement de la douleur chronique du périnée.

Sonoanatomie
Anatomie
• Déplacez la sonde en direction céphalocaudale
Le nerf pudendal est formé des rameaux anté- pour repérer la longue ligne hyperéchogène de
rieurs des racines S2 à S4. Accompagné de l’artère l’ischion.
pudendale interne, il quitte le bassin par la grande • Identifiez (figure 27.22) :
échancrure sciatique entre les muscles pyriforme – l’épine ischiatique, épaississement de la ligne
et coccygien pour rejoindre l’épine ischiatique. hyperéchogène de l’ischion ;
À ce niveau, le nerf se situe entre les ligaments – l’artère pudendale interne ;
sacrospinal et sacrotubéral. C’est par la petite – le nerf sciatique sur l’épine ischiatique, latéra-
échancrure sciatique et le canal d’Alcock, situé sur lement à l’artère ;
la face médiale du muscle obturateur interne, qu’il – le nerf pudendal, sur la face médiale de
retourne dans le pelvis, où il donne trois branches l’artère.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


286 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

décrite ci-dessus [12]. Bellingham et al. la compa-


rent à la technique classique par imagerie fluoro-
scopique et concluent à une efficacité similaire
des deux techniques. La durée plus longue de la
procédure échographique (428 ± 151 secondes
vs 219 ± 65, p < 0,0001) est expliquée par la
courbe d’apprentissage de la technique échogui-
dée [13].

Infiltration du muscle
piriforme
Indication
L’infiltration du muscle piriforme est indiquée
dans le traitement des douleurs chroniques de la
fesse et de la hanche.
Certaines douleurs fessières, irradiant parfois
dans le membre inférieur, peuvent avoir leur ori-
gine au niveau du muscle piriforme. Elles sont la
conséquence d’une atteinte du muscle lui-même
Figure 27.22. Bloc du nerf pudendal (profondeur de ou d’une compression du nerf sciatique au niveau
champ : 5-7 cm).
A. Image échographique native.
du muscle.
B. Image échographique annotée. Le nerf pudendal (nP)
se trouve sur la face médiale de l’artère pudendale (aP),
alors que le nerf sciatique (nSc) se trouve sur la face Anatomie
latérale. L’aiguille est insérée dans le plan en direction
médiolatérale (flèche orange). EI : épine ischiatique ; mgF : Le muscle piriforme est un muscle de petite taille
muscle grand fessier.
en profondeur du muscle grand fessier. Il prend
son origine sur le bord antérolatéral du sacrum
Approche et injection de S2 à S4, et s’insère dans la fosse piriforme du
d’anesthésique local grand trochanter. Il permet la rotation externe
• Les approches dans et hors du plan sont pos- de la hanche lorsqu’elle est en extension et son
sibles. abduction lorsqu’elle est en flexion.
• Injectez 5-10 ml d’AL avec ou sans corticoïde
selon indication.
Procédure
Astuces cliniques
Installation et matériel
Si le nerf n’est pas visualisé, placez l’aiguille • Installez le patient en position ventrale.
dans le plan interligamentaire à la face médiale de • Utilisez une sonde linéaire à basse fréquence.
l’artère pudendale interne et injectez l’AL. • Posez-la en position transverse sur l’épine
iliaque postérosupérieure.
Revue de la littérature • Sélectionnez une profondeur de champ entre 5
et 7 cm.
Dans une étude prospective de faisabilité incluant • Prenez une aiguille 22-25 G d’une longueur de
17 patients, Rofaeel et al. valident la technique 80-120 mm.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 287

• Déplacez la sonde en direction caudale afin de


visualiser :
– l’ischion, en profondeur ;
– le muscle carré fémoral, sur l’ischion ;
– le muscle grand fessier, superficiel ;
– le nerf sciatique, entre les muscles carré
fémoral et grand fessier.
• Suivez le trajet du nerf en revenant en
dessous du muscle piriforme, en direction
céphalique.

Approche et injection
d’anesthésique local
• Insérez l’aiguille dans le plan en direction
médiolatérale.
• Injectez 5-10 ml de la solution appropriée (par
exemple, AL avec toxine botulinique) dans le
muscle piriforme, en évitant la région où se
situe le nerf sciatique (figure 27.23).

Astuces cliniques
Muscle difficile à visualiser
Figure 27.23. Infiltration du muscle piriforme (profon- L’identification du muscle piriforme est facilitée
deur de champ : 5-7 cm).
A. Image échographique native.
par la rotation externe passive de la hanche,
B. Image échographique annotée. Le muscle piriforme avec le genou fléchi, ce qui fait glisser le muscle
(mPi) se trouve sous le muscle grand fessier (mGF). piriforme sous le muscle grand fessier.
L’aiguille est insérée dans le plan en direction latéromé-
diale (flèche orange). GT : grand trochanter ; Il : ilion ; Sa :
sacrum.
Prévention d’une injection
à proximité du nerf sciatique
La stimulation électrique à 0,5-0,8 mA permet
d’éviter l’injection inappropriée de médica-
Sonoanatomie ments à proximité du nerf sciatique. L’appari-
tion d’une réponse motrice (flexion dorsale ou
• Déplacez la sonde en direction caudale pour
plantaire du pied) est une contre-indication à
visualiser le sacrum en position médiale et
l’injection.
l’épine iliaque postéro-inférieure en position
latérale.
• Identifiez (figure 27.23) : Revue de la littérature
– le sacrum, ligne hyperéchogène médiale ;
– l’épine iliaque postéro-inférieure, ligne Smith et al. ont validé la technique décrite ci-
hyperéchogène latérale ; dessus dans le cadre d’une étude prospective
– le grand trochanter, ligne hyperéchogène de faisabilité [14]. Dans une étude incluant 10
encore plus latérale ; pièces anatomiques, l’équipe de Finnoff et al.
– le muscle grand fessier, superficiel ; la considère équivalente à la technique fluoro-
– le muscle piriforme, en profondeur. scopique [15].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


288 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 27.24. Représentation schématique des apophyses transverses de C6 et C7 avec traduction échographique.

Bloc sélectif des racines cricoïde, à la hauteur de la 6e vertèbre cervicale.


cervicales Le sillon interscalénique se situe juste en dessous
du muscle sterno-cléido-mastoïdien.
Après leur émergence, les racines nerveuses
Indication passent à travers les trous de conjugaison des apo-
Le bloc sélectif des racines cervicales est indiqué physes transverses des vertèbres correspondantes.
dans le traitement des douleurs radiculaires des Les apophyses transverses de C3, C4, C5 et C6
membres supérieurs réfractaires aux traitements comportent un tubercule antérieur et un tuber-
conservateurs et médicamenteux. cule postérieur, alors que l’apophyse transverse
La diffusion de l’injectat dans l’espace péridural de C7 ne possède qu’un tubercule postérieur
à proximité des racines est difficile à visualiser ; (figure 27.24).
c’est pourquoi on utilise le terme « bloc sélectif des
racines cervicales » de préférence au terme « injec-
tion épidurale cervicale transforaminale » [16]. Procédure
Installation et matériel
Anatomie
• Installez le patient en position latérale.
Les racines du plexus brachial se situent dans • Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence.
le sillon interscalénique entre les muscles sca- • Posez-la en position transverse au niveau du
lènes antérieur et moyen, au niveau du cartilage cou (figure 27.25).
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 289

• Sélectionnez une profondeur de champ entre 2


et 3 cm.
• Prenez une aiguille 21-22 G d’une longueur de
50 mm.

Sonoanatomie
Identifiez (figure 27.26) :
• les racines C4, C5, C6 et C7 : déplacez la
sonde légèrement vers l’arrière, pour chercher les
processus transverses et visualiser les racines cor-
Figure 27.25. Bloc sélectif de la racine cervicale.
respondantes ; les apophyses transverses de C4,
Position de la sonde et insertion de l’aiguille en direction C5 et C6 possèdent deux tubercules, qui forment
postéroantérieure (patient en position latérale gauche). une image en U avec une ombre osseuse ;

Figure 27.26. Identification des racines nerveuses C5 (A), C6 (B) et C7 (C).


Le tubercule antérieur (TA) de l’apophyse transverse de C7 est rudimentaire, voire absent, alors que le tubercule postérieur
(TP) est proéminent ; cet aspect asymétrique facilite l’identification de la racine C7 ; les racines C6 et C5 sont identifiées
à la hauteur des apophyses transverses C6 et C5 respectivement par un balayage en direction céphalique. La racine C4
n’est pas toujours visualisable. aCa : artère carotide commune ; aV : artère vertébrale.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


290 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

• Placez la pointe de l’aiguille entre les tubercules


antérieur et postérieur des racines concernées
(de C3 à C8).
• Contrôlez l’absence de diffusion de l’AL autour
de la racine, qui atteste de la diffusion dans
l’espace péridural.

Astuces cliniques
Autre méthode de recherche du plexus
brachial dans le sillon interscalénique
Si les racines nerveuses sont difficiles à repérer,
placez la sonde en dessous de la clavicule pour
identifier les troncs et les divisions du plexus
brachial (image en « grappe de raisins » autour
de l’artère sous-clavière), et suivez les nerfs en
direction céphalique.

Complications fatales
Des complications graves sont rapportées dans
Figure 27.27. Bloc sélectif de la racine cervicale C6 la littérature, consécutives à l’injection de cor-
(profondeur de champ : 2-3 cm).
A. Image échographique native.
ticoïdes : lésions de l’artère vertébrale [17,18],
B. Image échographique annotée. L’aiguille est insérée infarcissement de la moelle épinière [19–21] ou
dans le plan, en direction postéroantérieure (flèche infarctus cérébelleux [22,23]. Ces complications
orange). L’absence de diffusion de l’anesthésique local ont conduit la plupart des praticiens à abandon-
autour de la racine atteste de sa dispersion dans l’espace
péridural. aCA : artère carotide commune ; mSCM :
ner le bloc sélectif des racines cervicales, et, cas
muscle sterno-cléido-mastoïdien ; TA : tubercule antérieur échéant, de n’utiliser que des anesthésiques locaux.
de l’apophyse transverse de C6 ; TP : tubercule postérieur
de l’apophyse transverse de C6.
Revue de la littérature
Le repérage des petites artères radiculaires est parfois
• l’apophyse transverse de C7 possède un tuber- difficile, surtout chez les patients obèses. Bien que
cule antérieur rudimentaire et un tubercule la technique échographique permette d’éviter une
postérieur proéminent ; l’image échographique injection intravasculaire, c’est la fluoroscopie qui
présente un aspect asymétrique qui facilite reste la valeur étalon pour la détecter [24].
l’identification de la racine C7 ;
• les autres racines sont identifiées dans le sillon
interscalénique par un déplacement céphalique Bloc facettaire cervical
de la sonde ;
• l’artère vertébrale qui se situe en dessous ou en Indication
avant de l’apophyse transverse de C6.
Le bloc facettaire est indiqué dans le traitement
Approche et injection des douleurs cervicales réfractaires aux traitements
d’anesthésique local conservateurs et médicamenteux. L’origine des
• Insérez l’aiguille dans le plan en direction pos- douleurs est généralement liée à un mouvement
téroantérieure (figure 27.27). brutal d’extension-flexion (« coup du lapin »).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 291

Figure 27.28. Bloc facettaire cervical. Position de la


sonde et insertion de l’aiguille en direction postéro­
antérieure (patient en position latérale gauche).

Quel que soit le niveau anatomique concerné, le


bloc facettaire consiste en une infiltration de la
branche médiale du rameau dorsal.

Anatomie
Figure 27.29. Bloc facettaire cervical (profondeur de
Les articulations facettaires ou zygoapophysaires
champ : 1-3 cm).
cervicales sont composées du processus articu- A. Image échographique native.
laire inférieur d’une vertèbre et du processus B. Image échographique annotée. La branche médiale
articulaire supérieur de la vertèbre inférieure. du nerf C3 (BM C3), structure hypoéchogène, se trouve
entre les articulations facettaires C2-C3 et C3-C4, le IIIe
Les fibres articulaires, issues des branches
nerf occipital (TNO), au sommet de l’articulation C2-C3.
médiales des rameaux cervicaux dorsaux, inner- L’aiguille est insérée dans le plan en direction caudo­
vent les articulations facettaires supérieures et céphalique ou hors du plan (flèches orange).
inférieures. En dessous de C2-C3, chaque arti-
culation reçoit donc une double innervation. • Prenez une aiguille 21-22 G d’une longueur de
La branche médiale du rameau cervical C3 50 mm.
donne une branche profonde et une branche
superficielle, plus large. Cette dernière, appelée Sonoanatomie
également IIIe nerf occipital, innerve l’ensemble
Identifiez (figure 27.29) :
de l’articulation facettaire C2-C3 ainsi que la peau
• l’apophyse transverse de C1 en déplaçant légè-
de la région sous-occipitale.
rement la sonde en direction caudale ;
• l’artère vertébrale, par un déplacement encore
Procédure commune plus caudal de la sonde ; suivez-la jusque dans
le foramen transverse de C2 ;
Installation et matériel • l’articulation C2-C3 postérieurement.
• Installez le patient en position latérale.
Bloc du IIIe nerf occipital : approche
• Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence.
et injection d’anesthésique local
• Posez-la en position longitudinale juste en des-
sous de l’apophyse mastoïde (figure 27.28). • Insérez l’aiguille hors du plan, juste en dessous
• Sélectionnez une profondeur de champ entre 1 de la sonde en direction de la convexité de
et 3 cm. l’articulation jusqu’au contact osseux.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


292 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

• Puis tournez la sonde de 90°, afin d’obtenir pour la première fois par Eichenberger et al. [25].
une meilleure visualisation du nerf ; le IIIe L’espace C2-C3 était repéré correctement chez
nerf occipital, petite structure hypoéchogène, 27 patients sur 28 et l’aiguille positionnée correc-
se trouve juste à l’extérieur de l’articulation, au tement chez 23 d’entre eux. Il n’existe, à notre
sommet de la ligne hyperéchogène. connaissance, aucune autre étude de faisabilité ni
aucune étude comparative entre les techniques
Bloc de la branche médiale échographique et fluoroscopique.
cervicale : approche et injection
d’anesthésique local
• Après repérage de l’espace C2-C3, tournez la Bloc facettaire lombaire
sonde de 90°, afin d’obtenir une vue longitudi-
nale de l’articulation. Indication
• Déplacez la sonde en direction caudale jusqu’à
visualisation du niveau désiré. Le bloc facettaire est indiqué dans le traite-
• La branche médiale cervicale se situe entre les ment des lombalgies réfractaires aux traitements
deux articulations, sur la ligne hyperéchogène conservateurs et médicamenteux.
concave. Quel que soit le niveau anatomique concerné,
• Insérez l’aiguille dans le plan. le bloc facettaire consiste en une infiltration de la
branche médiale du rameau dorsal.
Astuces cliniques
Fluoroscopie Anatomie
Le IIIe nerf occipital et les branches médiales sont À la sortie du foramen intervertébral, les racines
parfois difficiles à visualiser. Il peut être plus sûr lombaires donnent des rameaux postérieur et
d’utiliser la fluoroscopie lorsqu’une procédure antérieur ; le rameau postérieur se divise ensuite
extrêmement précise est requise (par exemple, en trois branches, médiale, intermédiaire et laté-
thermoablation par radiofréquence). rale. De la branche médiale partent des fibres ner-
veuses à destination des articulations facettaires
Différence entre l’articulation C2-C3 (zygapophysaires) du même niveau et du niveau
et les autres articulations cervicales supérieur ; ainsi, l’articulation facettaire L2-L3
est innervée par les branches médiales des racines
L’articulation facettaire C2-C3 n’est innervée que
L2 et L3. Pour rappel, les articulations facettaires
par le IIIe nerf occipital, contrairement aux arti-
ou zygapophysaires sont composées du processus
culations sous-jacentes qui reçoivent une double
articulaire inférieur d’une vertèbre et du proces-
innervation. En dessous de C3, il est donc néces-
sus articulaire supérieur de la vertèbre inférieure
saire d’infiltrer les deux branches médiales de l’arti-
(figure 27.30).
culation pour obtenir un bloc facettaire complet.
Cette double innervation explique le caractère
diffus et mal localisé des douleurs facettaires
Injection facettaire intra-articulaire d’origine dégénérative et la nécessité de procéder
En utilisant la même technique, il est possible à des injections pluriétagées.
d’infiltrer les articulations facettaires en plaçant
l’aiguille à l’intérieur de l’articulation. Il n’existe
aucune évidence scientifique que cette technique Procédure commune
soit plus efficace que le bloc sélectif des branches
Installation et matériel
médiales, qui reste la technique de référence.
Le bloc facettaire cervical effectué sous écho- • Installez le patient en position ventrale.
graphie et contrôlé par fluoroscopie a été décrit • Utilisez une sonde linéaire à basse fréquence.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 293

• Inclinez la sonde en direction médiane pour


obtenir une image de « dents de scie » ; chaque
ligne hyperéchogène représente une lame ver-
tébrale, chaque interruption de la ligne repré-
sente un espace interlaminaire (vue sagittale
longitudinale interlaminaire, figure 27.31 C).
• Tout en maintenant l’inclinaison de la sonde,
effectuez un balayage en direction caudale
pour visualiser la ligne hyperéchogène conti-
nue du sacrum. L’espace L5-S1 est repéré par
l’interruption de cette ligne lors d’un balayage
céphalique ; centrez l’image sur cet espace et
marquez-le au stylo.
• Comptez et marquez les espaces intervertébraux
jusqu’à T12, facilement reconnaissable à son
processus transverse qui s’articule avec la 12e
côte.

Bloc de la branche médiale du rameau


postérieur : approche et injection
• Identifiez le niveau désiré.
• tournez la sonde de 90° afin de visualiser les
Figure 27.30. Structure d’une vertèbre lombaire. Vue processus transverse et articulaire supérieur en
postérieure (A) ; vue oblique (B).
Les cercles rouges indiquent les sites sur lesquels court axe (figures 27.32 et 27.33).
l’extrémité de l’aiguille doit être placée. L’image du chien • Insérez une aiguille dans ou hors du plan, selon
écossais est surlignée en noir. CV : corps vertébral ; I : une orientation latéromédiale, en direction de
isthme ; L : lamina; PAI : processus articulaire inférieur ; la jonction entre la base du processus articulaire
PAS : processus articulaire supérieur ; PE : processus
épineux ; PT : processus transverse. supérieur et le bord supérieur du processus
transverse.
• Au contact osseux, orientez la sonde en posi-
• Posez-la en position sagittale à 3-4 cm de la
tion parasagittale.
ligne des processus épineux.
• Vérifiez que l’aiguille se trouve bien sur le bord
• Sélectionnez une profondeur de champ entre 4
supérieur du processus transverse désiré avant
et 6 cm.
d’injecter l’AL.
• Prenez une aiguille 20-22 G d’une longueur de
• Remarque : la projection osseuse de l’os iliaque
80-120 mm.
complique le bloc du rameau postérieur de L5.
Sonoanatomie
• Identifiez sur un axe longitudinal les processus Injection intra-articulaire :
transverses qui forment une image de « tri- approche et injection
dent » (vue sagittale paramédiane transversaire, • Identifiez le niveau désiré.
figure 27.31 A). • Tournez la sonde de 90° afin de visualiser les
• Déplacez légèrement la sonde en direction processus transverse et articulaire supérieur en
médiane jusqu’à l’apparition d’une ligne hyper- court axe.
échogène continue et incurvée, formant une • Visualisez l’espace facettaire entre les processus
série de vagues ; chaque « vague » représente articulaires supérieur et inférieur en déplaçant
une articulation facettaire (vue sagittale para- légèrement la sonde en direction céphalique ou
médiane facettaire, figure 27.31 B). caudale (figure 27.33).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


294 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 27.31. Sonde en position sagittale.


A. vue sagittale paramédiane transversale (image du trident) ; B. vue sagittale paramédiane facettaire (image de vagues) ;
C. vue sagittale paramédiane interlaminaire (image de dents de scie).

Astuces cliniques
Fluoroscopie
La profondeur des structures complique la visua-
lisation de l’aiguille et de l’injectat. Un contrôle
par fluoroscopie permet d’exclure une injection
intravasculaire.

Bloc sélectif des racines


nerveuses lombaires
Figure 27.32. Bloc facettaire lombaire. Position de la Les artéfacts osseux des structures avoisinantes
sonde. empêchent de voir les racines nerveuses lom-
baires ; par conséquent, la technique écho-
• Insérez l’aiguille dans ou hors du plan selon graphique décrite par Galiano et al. [26]
une orientation latéromédiale, en direction de s’apparente à un bloc paravertébral lombaire.
la facette (figure 27.34). Pour cette procédure, la fluoroscopie avec injec-
• Injectez l’AL avec ou sans corticoïde, selon tion de contraste et soustraction digitale reste la
l’indication clinique. technique de référence.
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 295

Figure 27.34. Représentation schématique d’un bloc


facettaire lombaire.

Revue de la littérature
L’infiltration de la branche médiale du rameau
postérieur décrite par Greher et al. [27], a été
validée dans des études sur cadavres [28] et en
clinique [29]. C’est en 2005 que l’équipe de
Galiano décrit l’injection intra-articulaire écho-
guidée [30] qu’ils comparent à la technique sous
CT 2 ans plus tard [31].

Bloc du ganglion stellaire


Indication
Figure 27.33. Bloc facettaire lombaire (profondeur de
champ : 4-6 cm). Le bloc du ganglion stellaire est indiqué dans le
A. Image échographique native. traitement des douleurs chroniques des membres
B. Image échographique annotée. supérieurs, du cou et de la tête.
C. L’aiguille est insérée dans le plan, en direction
latéromédiale, pour un bloc facettaire lombaire (1) ou
une injection intra-articulaire (2). Une approche hors du
plan est également possible. CP : complexe postérieur Anatomie
formé du ligament jaune et de la dure-mère ; FA : facette
articulaire ; PAI : processus articulaire inférieur ; PAS : Les fibres sympathiques de la tête, du cou et
processus articulaire supérieur ; PE : processus épineux ; des membres supérieurs proviennent des premiers
PT : processus transverse.
segments thoraciques (T1-T6) et forment les gan-
glions cervicaux supérieur, moyen et inférieur : ils
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
296 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 27.36. Bloc du ganglion stellaire. Position de la


sonde et insertion de l’aiguille en direction latéromédiale
(patient en position dorsale).

• Sélectionnez une profondeur de champ entre 1


et 3 cm ; le ganglion stellaire se trouve généra-
lement entre 2 et 3 cm de profondeur.
Figure 27.35. Région prévertébrale du cou. • Prenez une aiguille 21-22 G de 50 mm.

Sonoanatomie
constituent la chaîne cervicale sympathique. Le Identifiez (figure 27.37) :
ganglion stellaire résulte de la fusion du dernier • l’apophyse transverse de C6 avec son tubercule
ganglion cervical et du premier ganglion thora- antérieur proéminent et son tubercule pos-
cique. Il est situé en avant du processus transverse térieur plus petit ;
de C7, près de la tête de la première côte, à côté • la racine C6 ;
du muscle long du cou et derrière l’artère verté- • le muscle long du cou, structure ovalaire proche
brale. Une partie des fibres post-ganglionnaires de l’apophyse transverse et du corps vertébral
cheminent ensuite avec les racines cervicales C7 de C6 ; le muscle long de la tête, plus super-
et C8 et la première racine thoracique T1 : elles ficiel, est parfois également visible ;
sont responsables de l’innervation sympathique • le fascia prévertébral, au-dessus du muscle long
des membres supérieurs (figure 27.35). Une autre du cou ;
partie forme le nerf cardiaque inférieur, passant • l’artère carotidienne, la veine jugulaire interne,
le long de la trachée, à destination du cœur. Un et la glande thyroïde, situées médialement ;
troisième contingent de fibres participe au plexus • l’œsophage en position médiale, visible depuis
nerveux sympathique autour de l’artère vertébrale. le côté gauche.

Approche et injection
Procédure d’anesthésique local
• Les approches dans et hors du plan sont pos-
Installation et matériel
sibles ; en cas d’approche dans le plan, insérez
• Installez le patient en position dorsale, la tête l’aiguille au niveau du bord latéral de la sonde.
tournée du côté controlatéral. • Placez son extrémité sous le fascia prévertébral
• Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence. à proximité de l’artère carotidienne et de la
• Posez-la en position transverse à la hauteur du glande thyroïde.
cartilage cricoïde sur le muscle sterno-cléido- • Injectez 5-10 ml d’une solution d’AL avec ou
mastoïdien (figure 27.36). sans corticoïde selon l’indication.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre BIBLIOGRAPHIQUE
27. Les blocs SCIENCE
périphériques sous contrôle MEDICALE
ultrasonographique 297

3. Townsley P, Ravenscroft A, Bedforth N. Ultra-


sound-guided spinal accessory nerve blockade
in the diagnosis and management of trapezius
muscle-related myofascial pain. Anaesthesia
2011;66:386–9.
4. Chan CW, Peng PW. Suprascapular nerve block:
a narrative review. Regional Anesthesia and Pain
Medicine 2011;36:358–73.
5. Siegenthaler A, Moriggl B, Mlekusch S, et al. Ultra-
sound-guided suprascapular nerve block, description
of a novel supraclavicular approach. Regional Anes-
thesia and Pain Medicine 2012;37:325–8.
6. Hardy PA. Anatomical variation in the position of the
proximal intercostal nerve. British Journal of Anaes-
thesia 1988;61:338–9.
7. Byas-Smith MG, Gulati A. Ultrasound-guided inter-
costal nerve cryoablation. Anesthesia and Analgesia
2006;103:1033–5.
8. Ghani KR, McMillan R, Paterson-Brown S. Transient
femoral nerve palsy following ilio-inguinal nerve
blockade for day case inguinal hernia repair. J R Coll
Surg Edinb 2002;47:626–9.
9. Lehmann JM, Beckermann S. Transient femoral
nerve palsy complicating preoperative ilioinguinal
nerve blockade for inguinal herniorrhaphy. Br J Surg
Figure 27.37. Bloc du ganglion stellaire droit (profon- 1995;82:853.
deur de champ : 1-3 cm). 10. Peng PW, Tumber PS. Ultrasound-guided inter-
A. Image échographique native. ventional procedures for patients with chronic pelvic
B. Image échographique annotée. Le site d’injection se pain. A description of techniques and review of
trouve sous le fascia prévertébral à proximité de l’artère literature. Pain Physician 2008;11:215–24.
carotidienne et de la thyroïde. Une approche dans le plan 11. Ng I, Vaghadia H, Choi PT, Helmy N. Ultra-
est préférée (flèche orange). aCa : artère carotidienne ; C6 : sound imaging accurately identifies the lateral
racine C6 ; gTh : glande thyroïdienne ; mldC : muscle long femoral cutaneous nerve. Anesthesia and Analgesia
du cou ; mSA : muscle scalène antérieur ; mSCM : muscle 2008;107:1070–4.
sterno-cléido-mastoïdien ; TA : tubercule antérieur ; TP : 12. Rofaeel A, Peng P, Louis I, Chan V. Feasibility of
tubercule postérieur ; VJI : veine jugulaire interne.
real-time ultrasound for pudendal nerve block in
patients with chronic perineal pain. Regional Anes-
Revue de la littérature 13.
thesia and Pain Medicine 2008;33:139–45.
Bellingham GA, Bhatia A, Chan CW, Peng PW.
Randomized controlled trial comparing pudendal
Décrite pour la première fois en 1995 [32],
nerve block under ultrasound and fluoroscopic
l’approche échographique du bloc stellaire a été guidance. Regional Anesthesia and Pain Medicine
modifiée en 2007 par l’équipe de Shibata [33]. 2012;37:262–6.
14. Smith J, Hurdle MF, Locketz AJ, Wisniewski SJ.
Ultrasound-guided piriformis injection: technique
Références description and verification. Arch Phys Med Rehabil
1. Greher M, Moriggl B, Curatolo M, Kirchmair L, 2006;87:1664–7.
Eichenberger U. Sonographic visualization and ultra- 15. Finnoff JT, Hurdle MF, Smith J. Accuracy of ultra-
sound-guided blockade of the greater occipital nerve: sound-guided versus fluoroscopically guided contrast-
a comparison of two selective techniques confirmed controlled piriformis injections: a cadaveric study. J
by anatomical dissection. British Journal of Anaes- Ultrasound Med 2008;27:1157–63.
thesia 2010;104:637–42. 16. Narouze S, Peng PW. Ultrasound-guided inter-
2. Shim JH, Ko SY, Bang MR, et al. Ultrasound- ventional procedures in pain medicine: a review of
guided greater occipital nerve block for patients with anatomy, sonoanatomy, and procedures. Part II: axial
occipital headache and short term follow up. Korean structures. Regional Anesthesia and Pain Medicine
J Anesthesiol 2011;61:50–4. 2010;35:386–96.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


298 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

17. Wallace MA, Fukui MB, Williams RL, Ku A, Baghai to diagnose C2-C3 zygapophysial joint pain. Anes-
P. Complications of cervical selective nerve root thesiology 2006;104:303–8.
blocks performed with fluoroscopic guidance. AJR 26. Galiano K, Obwegeser AA, Bodner G, et al. Real-
Am J Roentgenol 2007;188:1218–21. time sonographic imaging for periradicular injections
18. Rozin L, Rozin R, Koehler SA, et al. Death during in the lumbar spine : a sonographic anatomic study of
transforaminal epidural steroid nerve root block (C7) a new technique. J Ultrasound Med 2005;24:33–8.
due to perforation of the left vertebral artery. Am J 27. Greher M, Scharbert G, Kamolz LP, et al. Ultra-
Forensic Med Pathol 2003;24:351–5. sound-guided lumbar facet nerve block: a sonoa-
19. Baker R, Dreyfuss P, Mercer S, Bogduk N. Cervical natomic study of a new methodologic approach.
transforaminal injection of corticosteroids into a Anesthesiology 2004;100:1242–8.
radicular artery: a possible mechanism for spinal cord 28. Greher M, Kirchmair L, Enna B, et al. Ultrasound-
injury. Pain 2003;103:211–5. guided lumbar facet nerve block: accuracy of a
20. Muro K, O’Shaughnessy B, Ganju A. Infarction of new technique confirmed by computed tomography.
the cervical spinal cord following multilevel trans- Anesthesiology 2004;101:1195–200.
foraminal epidural steroid injection: case report 29. Shim JK, Moon JC, Yoon KB, Kim WO, Yoon DM.
and review of the literature. J Spinal Cord Med Ultrasound-guided lumbar medial-branch block: a
2007;30:385–8. clinical study with fluoroscopy control. Regional
21. Brouwers PJ, Kottink EJ, Simon MA, Prevo RL. A Anesthesia and Pain Medicine 2006;31:451–4.
cervical anterior spinal artery syndrome after diag- 30. Galiano K, Obwegeser AA, Bodner G, et al. Ultra-
nostic blockade of the right C6-nerve root. Pain sound guidance for facet joint injections in the
2001;91:397–9. lumbar spine: a computed tomography-control-
22. Tiso RL, Cutler T, Catania JA, Whalen K. Adverse led feasibility study. Anesthesia and Analgesia
central nervous system sequelae after selective trans- 2005;101:579–83.
foraminal block: the role of corticosteroids. Spine J 31. Galiano K, Obwegeser AA, Walch C, Schatzer R,
2004;4:468–74. Ploner F, Gruber H. Ultrasound-guided versus
23. Beckman WA, Mendez RJ, Paine GF, Mazzilli MA. computed tomography-controlled facet joint injec-
Cerebellar herniation after cervical transforaminal tions in the lumbar spine: a prospective randomized
epidural injection. Regional Anesthesia and Pain clinical trial. Regional Anesthesia and Pain Medicine
Medicine 2006;31:282–5. 2007;32:317–22.
24. Narouze SN. Ultrasound-guided cervical spine 32. Kapral S, Krafft P, Gosch M, Fleischmann D, Weins-
injections : ultrasound “prevents” whereas tabl C. Ultrasound imaging for stellate ganglion
contrast fluoroscopy “detects” intravascular injec- block: direct visualization of puncture site and
tions. Regional Anesthesia and Pain Medicine local anesthetic spread. A pilot study. Reg Anesth
2012;37:127–30. 1995;20:323–8.
25. Eichenberger U, Greher M, Kapral S, et al. Sonogra- 33. Shibata Y, Fujiwara Y, Komatsu T. A new approach
phic visualization and ultrasound-guided block of the of ultrasound-guided stellate ganglion block. [letter].
third occipital nerve: prospective for a new method Anesth Analg 2007;105(2):550–1.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

IV
Neuromodulation
Plan de la section
Généralités 300
Chapitre 28. La stimulation médullaire 301
Chapitre 29. La radiofréquence pulsée 311
Chapitre 30. La stimulation magnétique transcrânienne répétitive 315
Chapitre 31. L’administration continue de médicaments par voie intrathécale 319

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Généralités1 la douleur n’a été pleinement acceptée par la


communauté médicale qu’après la publication
La neuromodulation est un terme générique qui en 1967 de P. D. Wall et W. H. Sweet, qui
décrit les thérapies permettant de modifier de démontrèrent qu’une stimulation à 100 Hz dont
façon réversible l’activité du système nerveux l’intensité était suffisante pour activer les fibres
central, périphérique ou autonome, au moyen afférentes de gros diamètre permettait de réduire
d’impulsions électriques ou par l’administration l’intensité de la douleur neuropathique [1]. Cette
intrathécale de médicaments. même année, Norman Shealy, neurochirurgien
L’électricité est utilisée de longue date en américain du Wisconsin, implantait le premier
médecine. Dans ses Compositiones medicae, rédi- neurostimulateur médullaire chez un patient
gées en l’an 47, Scribonius Largus, médecin de souffrant de douleurs cancéreuses [2].
l’empereur romain Claudius, préconisait l’appli- Suite à cette première implantation, il a fallu
cation d’un poisson Torpedo vivant chez les attendre encore plusieurs décennies pour que la
patients souffrant de migraine ou dans les crises neuromodulation en général, et la stimulation
de goutte. Placé à l’endroit même des douleurs, médullaire épidurale en particulier, puisse pro-
l’animal ne devait être retiré que lorsque la région fiter des développements technologiques et de
douloureuse s’engourdissait. Le poisson Torpedo matériel fiable. La miniaturisation des électrodes
est capable de produire des décharges électriques et des batteries implantables, rendue possible
de 200 volts et 30 ampères ! Par la suite, le déve- notamment grâce à l’avancée des pacemakers car-
loppement des batteries a permis de maîtriser la diaques, a progressivement permis le développe-
création, le stockage et l’administration de l’élec- ment d’électrodes multicontacts et de générateurs
tricité. En 1847, le Dr S. B. Smith mit au point implantables rechargeables par l’application d’un
une machine électromagnétique, baptisée Torpedo champ électromagnétique externe, compatibles
Machine en l’honneur du poisson électrique, qui avec les champs magnétiques puissants des scan-
fonctionnait grâce à une batterie cuivre-zinc déli- ners d’imagerie en résonance magnétique (IRM)
vrant un courant de 1,5 volts. G. M. Beard et ou délivrant des modes de stimulation complexes
A. D. Rockwell publièrent en 1871 un traité sans paresthésie. Actuellement, la neuromodu-
sur l’« utilisation médicale et chirurgicale de lation a intégré des thérapies ne nécessitant pas
l’électricité ». En 1881, A. Gaiffe construisit à d’implantation, comme la stimulation cérébrale
Paris une unité de stimulation électrique externe, non invasive ou la stimulation électrique nerveuse
véritable ancêtre du stimulateur électrique trans- externe.
cutané (TENS) actuel, dont le faible courant
Références
(3 milliampères) limitait l’emploi (90 milliam-
pères pour un TENS moderne). Charles Wil- 1. Wall PD, Sweet WH. Temporary abolition of pain in
man. Science 1967;155:108–9.
lie Kent inventa en 1911 le très fameux Electreat,
2. Shealy CN, Mortimer JT, Reswick JB. Electrical inhi-
produit et vendu à plus de 250 000 exemplaires bition of pain by stimulation of the dorsal columns:
à travers tous les États-Unis. Malgré cela, la preliminary clinical report. Anesth Analg. 1967 Jul-
stimulation électrique pour le soulagement de Aug;46(4):489–91.

1. Christophe Perruchoud, Eric Buchser

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 28
La stimulation médullaire
Christophe Perruchoud, Éric Buchser

Mécanisme d’action les possibles différences de mécanisme d’action


des « nouveaux » modes de stimulation, tous
La stimulation médullaire conventionnelle exerce partagent le fait que la quantité d’énergie délivrée
un effet spinal segmentaire via les fibres Aβ du au système lemniscal augmente considérablement
système lemniscal (sensibilité tactile et proprio- par rapport aux systèmes conventionnels. Il est
ception), qui activent un réseau d’interneurones possible que l’augmentation de l’énergie délivrée
inhibiteurs de la substantia gelatinosa, où se pro- constitue le déterminant le plus important pour
jettent les afférences douloureuses. La stimulation expliquer l’amélioration des effets observés.
médullaire induit une libération de médiateurs
inhibiteurs (GABA et sérotonine) et une diminu-
tion de la concentration de certains acides aminés Implantation d’électrodes
pronociceptifs comme le glutamate et l’aspartate. épidurales
Au niveau supraspinal, la stimulation médullaire
provoque une activation des voies descendantes Dans de nombreux pays, l’implantation d’élec-
sérotoninergiques inhibitrices, de même qu’une trodes épidurales est obligatoirement précédée
libération périphérique (par activation neuronale d’un test préimplantatoire qui permet d’éva-
antidromique) de substances vasodilatatrices luer l’efficacité du traitement et d’obtenir son
exerçant un effet modulateur sur le système sym- remboursement par les assurances maladies. Le
pathique. Récemment, de nouveaux modes de test se déroule généralement en ambulatoire et
stimulation ont fait leur apparition, caractérisés sur une période de 2 à 3 semaines. Dans des
par une stimulation à haute fréquence, à « haute conditions d’asepsie strictes, une ou deux élec-
densité » ou par rafales — Burst — (figure 28.1). trodes sont introduites dans l’espace péridural
Le mode d’action de la stimulation Burst repose postérieur, sous anesthésie locale et contrôle fluo-
sur l’activation d’un réseau neuronal supplémen- roscopique (figure 28.2). La position définitive
taire, modifiant la composante affective et l’atten- des électrodes est déterminée par les paresthésies
tion portée à la douleur (voie médiale affective). obtenues pendant l’intervention, qui doivent cou-
Le ou les mécanismes d’action de ces différents vrir le maximum de zones douloureuses. Les élec-
modes de stimulation restent mal compris. Il trodes sont ensuite connectées à un stimulateur
semble que dans tous les cas on obtient une dimi- externe provisoire. Le succès du test est jugé
nution de l’activité des neurones de gamme dyna- arbitrairement par la diminution d’au moins 50 %
mique étendue [Wide Dynamic Range (WDR) des douleurs. Le générateur définitif est alors
neurones], qui sont sensibilisés et hyperactifs dans implanté dans un second temps en anesthésie
un contexte de douleur chronique. Nonobstant locale ou générale.

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
302 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 28.1. Modes de stimulation.

Implantation d’électrodes le pied ou la main [2,3]. Toutefois, l’accès


au foramen se révèle souvent plus difficile à
au niveau du ganglion spinal obtenir, particulièrement pour les implanteurs
débutants. La procédure peut être inconfor-
Le ganglion spinal (DRG : Dorsal Root Ganglion) table, voire douloureuse, et nécessite parfois
est situé dans l’espace épidural latéral au niveau une sédation. Les structures vertébrales solides
du neuroforamen. Il abrite le corps cellulaire des qui entourent le ganglion spinal protègent les
neurones sensitifs primaires dont l’activité est électrodes, limitent leur migration et les risques
modifiée en cas de douleurs chroniques [1]. de stimulation excessive ou insuffisante lors
L’abord percutané permet de placer au des changements de position des patients. La
maximum quatre électrodes quadripolaires au couche de liquide céphalorachidien qui s’inter-
contact des ganglions spinaux correspondants pose entre les électrodes et le ganglion étant
au territoire douloureux (figures 28.3 et 28.4). très fine, la stimulation du ganglion spinal
Cette technique permet d’obtenir un bon effet requiert des énergies beaucoup plus faibles
antalgique et une meilleure spécificité derma- (microampères) que la stimulation médullaire
tomale. La stimulation de zones spécifiques conventionnelle (milliampères).
est plus aisée qu’avec la stimulation médullaire La stimulation du ganglion spinal fait partie des
conventionnelle, notamment le pli de l’aine, traitements reconnus des douleurs neuropathiques

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 28. SCIENCE MEDICALE
La stimulation médullaire 303

Figure 28.2. Radiographie standard F/P : stimulation médullaire.

périphériques, du syndrome douloureux régional ou apparaissent dans les suites d’une chirurgie
complexe, des douleurs chroniques postopéra- lombaire ou cervicale, techniquement satisfaisante
toires (hernie inguinale, thoracotomie ou pro- et sans complication.
thèse de genou) [4]. L’étiologie des douleurs est mal comprise,
mais a sans doute une origine mixte, mécanique
et neuropathique. L’incidence de ce syndrome
Indications à la stimulation varie de 20 à 40 % selon les séries. Dans l’étude
randomisée PROCESS [5], 48 % des patients
médullaire traités par stimulation médullaire conventionnelle
contre seulement 9 % des patients traités conser-
Douleurs persistantes vativement ont vu leurs douleurs diminuer d’au
après chirurgie du rachis moins 50 % à 1 an. La qualité de vie, la capacité
fonctionnelle et la satisfaction vis-à-vis de la pro-
Indication principale à l’implantation d’un neu- cédure étaient aussi significativement supérieures
rostimulateur, le syndrome douloureux après dans le groupe traité par stimulation médullaire.
chirurgie rachidienne (failed back surgery syn- Ces effets favorables sont maintenus lorsque les
drome) est défini par des douleurs axiales et/ patients sont réévalués 2 ans après l’implanta-
ou irradiant dans les membres qui persistent tion [6]. Dans une autre étude randomisée [7],

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


304 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 28.2. (suite) Radiographie standard F/P : stimulation médullaire.

la stimulation médullaire conventionnelle était au niveau des membres inférieurs, mais aussi au
plus efficace que la réopération en cas de dou- niveau lombaire, dans deux études randomisées
leurs persistantes après chirurgie du rachis (suivi et contrôlées par placebo [15, 16]. Toutefois, le
moyen de 3 ans). Plusieurs travaux montrent faible nombre de patients inclus dans l’étude et
qu’en comparaison avec les traitements conven- un suivi à trop court terme empêche de tirer des
tionnels, le rapport coûts-bénéfice est largement conclusions définitives. Une étude randomisée et
en faveur de la stimulation médullaire [8-13]. Sur multicentrique incluant 198 patients, comparant
la base de ces études, la stimulation médullaire la stimulation à haute fréquence (10 kHz) à la
conventionnelle a obtenu un niveau de recom- stimulation conventionnelle conclut à la supé-
mandation B (modérée) pour le Failed Back Sur- riorité de la première sur les douleurs des mem-
gery Syndrome [14]. bres inférieurs et les douleurs lombaires [17].
Plusieurs études récentes ont évalué en double À une année, les douleurs avaient diminué de
aveugle l’efficacité des nouveaux modes de stimu- moitié chez 80 % et 50 % des patients traités res-
lation. Des résultats prometteurs ont été obte- pectivement par stimulation haute fréquence et
nus avec la stimulation Burst, non seulement stimulation conventionnelle.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 28. SCIENCE MEDICALE
La stimulation médullaire 305

systématique regroupant 500 malades suivis pen-


dant 33 mois en moyenne, 67 % des patients
déclaraient que leurs douleurs avaient diminué
de plus de 50 %, leurs capacités fonctionnelles
et la qualité de leur vie s’étant améliorées elles
aussi de manière significative [21]. Les auteurs
ont également conclu à un rapport coûts-bénéfice
en faveur de la stimulation médullaire combinée
au traitement médical. La stimulation médullaire
conventionnelle a obtenu le plus haut niveau
d’évidence (grade A) pour le traitement des
patients atteints de SDRC. S’agissant des autres
modes de stimulation, seuls quelques cas ont
été rapportés dans la littérature [22,23], résultat
insuffisant pour tirer des conclusions définitives
en l’absence d’études supplémentaires.

Douleur d’origine ischémique


De larges études multicentriques [24-27] ont
confirmé les effets bénéfiques de la stimulation
Figure 28.3. Radiographie standard de la colonne
cervicale de face : électrode de stimulation DRG (Dorsal médullaire conventionnelle dans le traitement des
Root Ganglion) dans le foramen C7 droit chez un patient artériopathies périphériques et des maladies vas-
présentant un syndrome douloureux régional complexe culaires vasospastiques (maladie de Raynaud ou
de la main droite. maladie de Buerger). Une revue Cochrane [28]
basée sur six études comparant la stimulation
Syndrome douloureux médullaire au traitement conservateur conclut
régional complexe que le taux d’amputation est, moyennant cer-
taines conditions, significativement inférieur dans
L’efficacité de la stimulation médullaire conven- les groupes traités par stimulation médullaire.
tionnelle dans le syndrome douloureux régional En revanche, le temps de guérison des ulcères
complexe (SDRC) est bien documentée. Une n’est pas influencé de manière significative. Les
étude randomisée [18] a comparé traitement douleurs au repos sont améliorées dans les deux
médical et stimulation médullaire (n = 36) au seul groupes mais de manière plus importante chez
traitement médical (n = 18) chez des patients pré- les patients ayant bénéficié de la stimulation
sentant un SDRC depuis plus de 6 mois. Durant médullaire.
les deux premières années de suivi [19], les scores Le succès de la stimulation médullaire dans ce
de douleur des patients traités par stimulation contexte dépend en premier lieu de la vascularisa-
médullaire étaient significativement plus bas, leur tion périphérique (cutanée) résiduelle. Les valeurs
satisfaction plus grande. En revanche, aucune minimales de la pression partielle d’oxygène trans-
différence fonctionnelle n’a été observée entre cutanée (TcPO2) requises doivent être comprises
les deux groupes. À 5 ans, les scores de douleurs entre 10 et 30 mmHg avec une augmentation de
étaient identiques dans les deux groupes, mais cette valeur d’au moins 15 mmHg en passant de
la satisfaction restait supérieure dans le groupe la position couchée à assise.
traité par stimulation médullaire : 95 % des La stimulation médullaire est trop souvent
patients auraient accepté de répéter la procédure encore considérée (à tort) comme un traite-
pour un résultat semblable [20]. Dans une revue ment de dernier recours. En général, elle n’est

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


306 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 28.4 . Radiographie standard de la colonne lombaire : électrodes de stimulation DRG (Dorsal Root Ganglion)
dans les foramens L4 et L5 droit (flèches) chez un patient présentant une douleur neuropathique chronique de la
cheville droite.

proposée que trop tardivement, après épuisement amélioration de la qualité de vie. Une étude pros-
des options chirurgicales ou endovasculaires. pective et randomisée compare l’efficacité de la
Dans un contexte d’ischémie aiguë ou dépassée, stimulation médullaire (n = 51) à celle des pon-
les résultats risquent alors d’être décevants. Les tages aortocoronariens (n = 53) chez 104 patients
auteurs d’une revue de 2011, portant sur le coronariens [33]. Les symptômes angineux dimi-
traitement des vasculites et des maladies vas- nuent significativement et de manière identique
culaires périphérique chroniques, concluent à un dans les deux groupes. Toutefois, la mortalité et
haut niveau d’évidence en faveur de la stimulation les complications sont inférieures dans le groupe
médullaire conventionnelle [29]. Il n’existe en traité par stimulation médullaire, faisant de cette
revanche aucune donnée concernant les effets de approche une alternative raisonnable au pontage
la stimulation Burst ou à haute fréquence dans coronarien, en particulier chez les patients à
cette indication. haut risque ou lorsque la revascularisation car-
diaque complète n’est pas possible. La stimulation
médullaire n’agit pas en masquant les symptômes
Douleurs angineuses angineux, potentiellement protecteurs d’une
ischémie myocardique, mais en augmentant la
La stimulation médullaire a été utilisée depuis performance cardiaque et le seuil d’ischémie et en
les années 1980 pour traiter l’ « angine de poi- diminuant les arythmies. Suivis pendant 37 mois
trine chronique réfractaire », définie comme une dans le cadre d’une étude prospective, 10 patients
douleur thoracique secondaire à une insuffisance ayant présenté un infarctus myocardique aigu
coronarienne, mal contrôlée par un traitement alors qu’ils étaient traités par stimulation médul-
médical, endovasculaire ou chirurgical. laire ont clairement décrit une douleur différente
Plusieurs études [30-32] démontrent de celle de leur angor habituel [34]. Dans cette
une réduction des symptômes angineux et indication, seule la stimulation conventionnelle a
de la consommation de dérivés nitrés et une été décrite.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 28. SCIENCE MEDICALE
La stimulation médullaire 307

Prudence quant plexopathies brachiales et à la sclérose en plaques.


à l’interprétation En recherche clinique, la stimulation médullaire est
appliquée actuellement à des patients paraplégiques
des résultats de la littérature après lésion traumatique de la moelle dans le but de
restaurer la motricité volontaire.
Le domaine de la neuromodulation connaît une Des électrodes miniaturisées contenant une
expansion extrêmement rapide et largement sup- antenne et un stimulateur programmable ont
portée par l’industrie, alors que le nombre de été récemment développées pour la stimulation
centres académiques investissant dans ce domaine épidurale, du ganglion spinal et de nerfs péri-
de recherche reste relativement modeste. Dès phériques. L’énergie est délivrée par une batterie
lors, la grande majorité des travaux cliniques sont externe qui alimente l’électrode implantée par
financés par un (rarement plusieurs) fabriquant de radiofréquence. Le stimulateur est capable de
système de stimulation médullaire. À l’évidence, délivrer des courants conventionnels, à haute
le potentiel de biais est considérable et on peut fréquence ou en rafales Burst.
regretter que de nombreux essais cliniques, en Les avantages potentiels de cette technologie
particulier des études non contrôlées récentes, comprennent :
aient connu un retentissement que ni leur qualité • l’accès à toutes les modalités en un seul dis-
scientifique, ni (donc) leur crédibilité ne justifient. positif ;
La prudence quant à l’interprétation des résul- • l’absence de générateur implanté ;
tats ne concerne d’ailleurs pas seulement les essais • la compatibilité IRM conditionnelle pour le
dont la méthodologie est clairement insatisfai- corps entier (1,5 et 3 tesla).
sante. Une élégante revue récente montre qu’en Toutefois, l’application à large échelle de cette
dépit d’une randomisation et d’une évaluation technologie se heurte encore à des difficultés tech-
indépendante, le résultat des études « head to niques, en ce sens que la source d’énergie (externe)
head » comparant deux dispositifs (ou traitements) et l’antenne de réception (électrode) doivent être
est largement prévisible. En effet, s’il n’existe très proches l’une de l’autre pour qu’un transfert
qu’un sponsor pour l’étude, que celle-ci compare d’énergie suffisant puisse se produire.
deux produits sur une base de « non-infériorité »,
la probabilité que les résultats soient favorables au
produit de la compagnie qui finance le travail est Contre-indications
de 96,5 % [35]. Est-ce à dire que tous ces résultats
sont faux ? Certainement pas, et les preuves de Elles comprennent :
l’efficacité de la stimulation médullaire dans les • les troubles de la crase non corrigés (voir le
indications mentionnées ci-dessus sont largement paragraphe « Gestion périopératoire des anti-
documentées et acceptées. Ce qui est moins clair, coagulants ») ;
c’est l’ampleur de la différence de résultats entre • une infection systémique ou au site d’implanta-
les différents systèmes. Le lecteur est ainsi encou- tion ;
ragé à exercer un jugement critique à la mesure • une immunodéficience ;
des intérêts économiques considérables en jeu. • une affection psychiatrique sévère non compen-
sée.

Autres indications
et perspectives d’avenir Complications
La stimulation médullaire a été utilisée dans le traite- Si la stimulation électrique médullaire n’a pas
ment des douleurs chroniques associées aux névral- d’effet secondaire majeur, elle n’est pas dénuée
gies postherpétiques, aux neuropathies diabétiques, de complications. Souvent d’ordre technique,
aux douleurs fantôme, aux lésions médullaires, aux les plus fréquentes concernent l’électrode, avec

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


308 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

notamment un taux de migration de 13 % et de Compatibilité IRM


rupture de 9 % [4]. Près de 6 % des patients res-
sentent une douleur au niveau du site d’implan- La compatibilité IRM (ou plus précisément la
tation du neurostimulateur [36]. Les lésions conditionnalité) des systèmes de stimulation
neurologiques et la paraplégie sont des complica- médullaire dépend des modèles et doit être
tions extrêmement rares, associées essentiellement vérifiée avant de planifier un examen. Les sys-
à l’emploi d’électrodes chirurgicales. tèmes varient dans leurs tolérances vis-à-vis des
Une infection, nécessitant le plus souvent le champs magnétiques, permettent de réaliser soit
retrait complet du système, survient dans 3 à une IRM du corps entier, soit limitées seulement
5 % des cas. Les infections se développent le aux extrémités ou encore ne sont pas compatibles
plus souvent au niveau du boîtier du neuros- du tout avec ce type d’examen. Le non-respect
timulateur. Les infections profondes ou épidurales des consignes de sécurité peut provoquer des
sont heureusement plus rares. Font partie des fac- dysfonctionnements du neurostimulateur et des
teurs de risque d’une infection postopératoire les lésions médullaires secondaires à l’échauffement
foyers infectieux préexistants (infection cutanée, de l’électrode.
urinaire ou dentaire, sinusite, etc.), le tabagisme À noter que la compatibilité des systèmes
chronique, l’immunosuppression médicamen- est définie pour des conditions précises et une
teuse (corticoïdes, opiacés, immunosuppresseurs, « conditionnalité » pour un champ de 1,5 tesla ne
chimiothérapie), une infection chronique (HIV) se vérifie pas nécessairement pour un des champs
ou d’origine métabolique (diabète, malnutrition). magnétiques différents, qu’ils soient plus puissant
En chirurgie prothétique, les patients porteurs de ou plus faible.
staphylocoques méticilline-sensibles (MSSA) ou –
résistants (MRSA) présentent un risque infectieux
nettement supérieur à celui des autres patients.
Le dépistage et l’éradication des staphylocoques Conclusion
dorés permettent de diminuer de moitié le risque
infectieux postopératoire. Le protocole de déco- La stimulation médullaire est un traitement
lonisation comprend l’application nasale de crème réversible, sûr, peu invasif, dont l’efficacité et
de mupirocine deux fois par jour associée à des le rapport coûts-bénéfice favorables sont recon-
douches quotidiennes de savon à la chlorhexidine nus pour le traitement des douleurs chroniques
pendant les 5 jours précédant la chirurgie. Les neuropathiques et ischémiques. De ce fait, sa
bains ou les douches permettent d’éliminer les place dans l’algorithme de traitement n’est plus
foyers cutanés à distance du site d’implantation celle de la thérapie de la dernière chance. De
(plis ou crevasses cutanés). Toutefois, les pro- plus, l’apparition récente de nouvelles formes de
tocoles de décolonisation n’ont pas été étudiés stimulation suggère qu’il est possible d’obtenir
spécifiquement dans le domaine de la neuro- une analgésie sans produire de paresthésies. Ces
modulation. Il semble néanmoins raisonnable résultats doivent encore être confirmés par des
d’appliquer les recommandations standardisées études bien conduites, afin de préciser le mode
lors d’implantation de neurostimulateurs ou de de stimulation le mieux adapté à un syndrome
pompes intrathécales chez les patients porteurs douloureux chronique donné.
de staphylocoques dorés. Une antibiothérapie
prophylactique contre les agents pathogènes les Références
plus courants (S. aureus et S. epidermidis) est
1. McCallum JB, Kwok W-M, Sapunar D, Fuchs
également efficace. Il est recommandé d’adminis- A, Hogan QH. Painful peripheral nerve injury
trer une dose unique de céphalosporine ou de decreases calcium current in axotomized sensory
clindamycine (en cas d’allergie au bêtalactamase) neurons. Anesthesiology. NIH Public Access 2006
au minimum 30 minutes avant l’incision. Jul;105(1):160–8.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 28. SCIENCE MEDICALE
La stimulation médullaire 309

2. Deer TR, Grigsby E, Weiner RL, Wilcosky B, Kramer 15. De Ridder D, Plazier M, Kamerling N, Menovsky T,
JM. A prospective study of dorsal root ganglion Vanneste S. Burst spinal cord stimulation for limb and
stimulation for the relief of chronic pain. Neuromo- back pain. World Neurosurg 2013 Nov;80(5):642–9.
dulation 2013 Jan;16(1):67–71. discussion: 71-2. 16. Schu S, Slotty PJ, Bara G, von Knop M, Edgar D,
3. Liem L, Russo M, Huygen FJPM, Van Buyten J-P, Vesper J. A prospective, randomised, double-blind,
Smet I, Verrills P, et al. One-year outcomes of spinal placebo-controlled study to examine the effectiveness
cord stimulation of the dorsal root ganglion in the of burst spinal cord stimulation patterns for the
treatment of chronic neuropathic pain. Neuromodu- treatment of failed back surgery syndrome. Neuro-
lation 2015 Jan;18(1):41–8. discussion: 48-49. modulation. 2014 Jul;17(5):443–50.
4. Liem L. Stimulation of the Dorsal Root Ganglion. 17. Kapural L, Yu C, Doust MW, Gliner BE, Vallejo
Prog Neurol Surg. S. Karger AG 2015;29:213–24. R, Sitzman BT, Amirdelfan K, et al. Novel 10-kHz
5. Kumar K, Taylor RS, Jacques L, et al. Spinal cord High-frequency Therapy (HF10 Therapy) Is Super-
stimulation versus conventional medical manage- ior to Traditional Low-frequency Spinal Cord Sti-
ment for neuropathic pain: a multicentre randomized mulation for the Treatment of Chronic Back and
controlled trial in patients with failed back surgery Leg Pain: The SENZA-RCT Randomized Control-
syndrome. Pain 2007;132:179–88. led Trial. Anesthesiology 2015 Oct;123(4):851–
6. Kumar K, et al. The effects of spinal cord stimula- 60.
tion in neuropathic pain are sustained: a 24-month 18. Kemler MA, Barendse GA, van Kleef M, et al. Spinal
follow-up of the prospective randomized controlled cord stimulation in patients with chronic reflex sym-
multicenter trial of the effectiveness of spinal cord pathetic dystrophy. N Engl J Med 2000;343:618–24.
stimulation. Neurosurgery 2008;63:762–70. 19. Kemler MA, De Vet HC, Berendse GA, et al. The
7. North RB, Kidd DH, Farrokhi F, et al. Spinal cord effect of spinal cord stimulation in patients with
stimulation versus repeated lumbosacral spine sur- reflex sympathetic dystrophy: two years’ follow-up
gery for chronic pain: a randomized controlled trial. of the randomized controlled trial. Ann Neurol
Neurosurgery 2005;56:98–107. 2004;55:13–8.
8. Kumar K, Hunter G, Demeria DD. Treatment 20. Kemler MA, De Vet HC, Berendse GA, et al. Effect
of chronic pain by using intrathecal drug therapy of spinal cord stimulation for chronic complex regio-
compared with conventional pain therapies: a cost- nal pain syndrome Type I: five-year final follow-up
effectiveness analysis. Journal of Neurosurgery of the randomized controlled trial. J Neurosurg
2002;97:803–10. 2008;108:292–8.
9. Kumar K, Malik S, Demeria D. Treatment of chronic 21. Taylor RS, Van Buyten JP, Buchser E. Spinal cord
pain with spinal cord stimulation versus alternative stimulation for complex regional pain syndrome: a
therapies: cost-effectiveness analysis. Neurosurgery systematic review of the clinical and cost effectiveness
2002;51:106–15. discussion : 115-106. literature and assessment of prognostic factors. Eur J
10. Taylor RS, Van Buyten JP, Buchser E. Spinal cord Pain 2006;10:91–101.
stimulation for complex regional pain syndrome: a 22. Kriek N, Groeneweg G, Huygen FJ. Burst Spinal
systematic review of the clinical and cost-effectiveness Cord Stimulation in a Patient with Complex Regio-
literature and assessment of prognostic factors. Eur J nal Pain Syndrome: A 2-year Follow-Up. Pain Pract.
Pain 2006;10:91–101. 2015 Jul;15(6):E59–64. doi: 10.1111/papr.12295.
11. Taylor RS, et al. The cost effectiveness of spinal Epub 2015 Apr 10.
cord stimulation in the treatment of pain: a sys- 23. Russo M, Van Buyten JP. 10-kHz High-Frequency
tematic review of the literature. J Pain Symptom SCS Therapy : A Clinical Summary. Pain Medicine
Manage 2004;27:370–8. doi:10. 1016/j.jpainsym- 2014;16:934–42.
man.2003.09.009. 24. Kupers RC, Van den Oever R, Van Houndenhove B,
12. Taylor RJ, Taylor RS. Spinal cord stimulation for et al. Spinal cord stimulation in Belgium: a nationwide
failed back surgery syndrome: a decision-analytic survey on the incidence, indications and therapeutic
model and cost-effectiveness analysis. Int J Technol efficacy by the health insurer. Pain 1994;56:211–6.
Assess Health Care 2005;21:351–8. 25. Jivegard LE, Augustinsson LE, Holm J, et al. Effects
13. Taylor RS, et al. The cost-effectiveness of spinal cord of spinal cord stimulation (SCS) in patients with
stimulation in the treatment of failed back surgery inoperable severe lower limb ischemia: a prospective
syndrome. Clin J Pain 2010;26:463–9. randomized controlled study. Eur J Vasc Endovasc
14. Cruccu G, et al. EFNS guidelines on neurostimu- Surg 1995;9:421–5.
lation therapy for neuropathic pain. Eur J Neurol 26. Amann W, Berg P, Gersbach P, Gamain J, Raphael
2007;14:952–70. JH, Ubbink DT. Spinal cord stimulation in the

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


310 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

treatment of non-reconstructable stable critical leg mia during daily life in patients with severe coronary
ischaemia: results of the European Peripheral Vas- artery disease: a prospective ambulatory electrocar-
cular Disease Outcome Study (SCS-EPOS). Eur J diographic study. Br Heart J 1994;71:413–8.
Vasc Endovasc Surg. 2003 Sep;26(3):280–6. 32. Mannheimer C, Augustinsson LE, Carlsson CA.
27. Ubbink DT, Spincemaille GH, Prins MH, Reneman Epidural spinal electrical stimulation in severe angina
RS, Jacobs MJ. Microcirculatory investigations to pectoris. Br Heart J 1988;59:56–61.
determine the effect of spinal cord stimulation for cri- 33. Mannheimer C, Eliasson T, Augustinsson LE, et al.
tical leg ischemia: the Dutch multicenter randomized Electrical stimulation versus coronary artery bypass
controlled trial. J Vasc Surg 1999;30:370–1. surgery in severe angina pectoris: the ESBY study.
28. Ubbink DT, Vermeulen H. Spinal cord stimulation Circulation 1998;97:1157–63.
for the non-reconstructable chronic critical leg ische- 34. Andersen C, Hole P, Oxhoj H, Will SCS. treatment
mia [update of Cochrane Database Syst Rev 2003 ; for angina pectoris conceal myocardial infarction? Br
CD004001]. Cochrane Database Syst Rev 2005. Heart J 1994;71:419–21.
CD004001. 35. Flacco ME, et al. Head-to-head randomized trials are
29. Raso L, Deer T. Spinal Cord Stimulation in the mostly industry sponsored and almost always favor
Treatment of Acute and Chronic Vasculitis: Clinical the industry sponsor. J Clin Epidemiol 2015;68:811–
Discussion and Synopsis of the Literature. Neuromo- 20. doi: 10.1016/j.jclinepi.2014.12.016.
dulation 2011;14:225–8. 36. Turner JA, Loeser JD, Deyo RA, et al. Spinal cord
30. Augustinsson LE. Spinal cord electrical stimulation stimulation for patients with failed back surgery
in severe angina pectoris: surgical technique, intra­ syndrome or complex regional pain syndrome: a
operative physiology, complications, and side effects. systematic review of effectiveness and complications.
Pacing Clin Electrophysiol 1989;12(4 part 2):693–4. Pain 2004;108(1–2):137–47.
31. De Jongste MJ, Haaksma J, Hautvast RW, et al.
Effectsof spinal cord stimulation on myocardial ische-

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 29
La radiofréquence pulsée
Christophe Perruchoud, Éric Buchser

Bien que la compagnie Cosman Medical ait silence (480 ms) nécessaires à l’élimination de
construit le premier générateur de radiofré- chaleur. L’effet de la RF pulsée est incertain et a
quence (RF) dans les années 1950, la technique été attribué à l’effet thermique, au champ élec-
ne fut appliquée au traitement des douleurs trique à haut voltage ou à l’effet combiné des
chroniques qu’en 1974. Durant les premières deux phénomènes.
années, les contraintes techniques limitaient Le débat concernant l’effet minimalement
l’application de la RF aux branches médiales des lésionnel de la RF pulsée se poursuit. La notion
rameaux dorsaux chez des patients présentant selon laquelle le champ électrique généré pourrait
un syndrome facettaire. Le développement, dans influencer la membrane neuronale est soutenue
les années 1980, des canules de radiofréquence par plusieurs études neurophysiologiques mon-
de petit calibre (22 G) a permis de traiter trant des modifications de la transmission synap-
des régions anatomiques plus précises et de tique induites par électro­poration (déstabilisation
mieux contrôler la taille des lésions [1]. La tech- membranaire). Pendant la RF pulsée, la produc-
nique rencontrait encore un important obstacle, tion de chaleur dépend de la résistance tissulaire,
notamment la lésion accidentelle de nerfs mixtes du temps d’exposition et de l’ampérage délivré.
et le risque d’engendrer des déficits moteurs ou Les équipements disponibles sur le marché déli-
de nouvelles douleurs par désafférentation. C’est vrent des signaux d’une durée comprise entre 5
dans ce contexte que fut conçue la RF pulsée et 50 ms et d’une fréquence entre 1 à 10 Hz. La
où la température de l’extrémité de l’aiguille séquence la plus communément utilisée est à une
ne dépasse pas 45 °C, prévenant ainsi les effets fréquence de 2 Hz et d’une durée d’impulsion
lésionnels. La radiofréquence pulsée a été utilisée de 20 ms. L’oscillation intrinsèque du signal à
pour la première fois en 1998 au niveau d’un l’intérieur de chaque impulsion est d’environ
ganglion spinal lombaire [2]. Depuis lors, la 420 kHz (figure 29.1).
technique a été appliquée avec succès dans de
nombreux syndromes douloureux chroniques,
dont les douleurs radiculaires cervicales ou lom-
baires, les névralgies du trijumeau, les syndromes
facettaires, les douleurs sacro-iliaques, les dou-
leurs postopératoires chroniques et les douleurs
myofasciales.

Principe Figure 29.1. Signal de radiofréquence pulsée.


Composants du signal sur 1 seconde : λ = durée
de l’onde intrinsèque du courant de radiofréquence,
La radiofréquence pulsée dispense de courtes
généralement 2 µs ; 1/λ = fréquence intrinsèque du
séries d’impulsions (20 ms) à haute fréquence courant de radiofréquence (1/0,002 = 500 Hz) ; fréquence
(radiofréquence), espacées par des périodes de de pulsation = 1/durée d’un cycle de pulsation.

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
312 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Pour une intensité de courant donnée iden- RF continue [10]. La seconde étude, méthodo-
tique, l’augmentation moyenne de température logiquement moins robuste, ne montre aucune
générée par la RF pulsée est largement inférieure à différence en termes de scores de douleurs ou
celle de la RF classique. Pour cette raison, on peut de fonction (OWS - Oswestry Low Back Pain and
utiliser des voltages plus élevés en mode pulsé, Disability Score) entre la radiofréquence continue
sans dépasser le seuil de température de 45 °C qui et pulsée [11].
dénature les tissus. Néanmoins, des expériences
in vitro ont mis en évidence des pics de chaleurs
à l’extrémité de l’électrode de 45 à 50 °C en Douleurs radiculaires
fonction de l’impédance tissulaire. L’ampleur de
Une étude randomisée non contrôlée publiée
ces pics est considérablement réduite lorsque la
en 2008, incluant des patients atteints de dou-
longueur d’impulsion est abaissée de 20 à 10 ms.
leurs radiculaires lombosacrées, a comparé un
L’effet potentiellement lésionnel de ces pics de
traitement de RF pulsée seule avec un traitement
chaleur reste encore à clarifier. Chez l’animal,
de RF pulsée suivi de RF continue à la tempéra-
l’étude histologique des ganglions spinaux de
ture la plus élevée supportée par le patient [12].
rats [3] ou de lapins [4] traités par RF pulsée
Aucune différence n’a été observée entre les deux
n’a mis en évidence qu’un œdème transitoire
groupes en termes de diminution des scores de
de l’endonèvre. Des études en microscopie élec-
douleurs. Aucune complication (bloc moteur ou
tronique ont identifié des modifications struc-
trouble sensitif) n’a été décrite non plus. Une
turelles au niveau des membranes cellulaires et
récidive partielle des douleurs était rapportée par
des mitochondries, ainsi qu’une désorganisation
les patients des deux groupes, 2 et 4 mois après
des microtubules et des microfilaments [5]. Du
la procédure. À 8 mois, la majorité des patients
point de vue préclinique, la RF pulsée a des
présentait des douleurs identiques à celles qui
effets bénéfiques sur l’allodynie mécanique et
précédaient le traitement.
thermique dans plusieurs modèles animaux de
Selon une étude randomisée contrôlée concer-
douleurs neuropathiques [6,7].
nant des douleurs radiculaires cervicales, l’évolu-
tion à 3 mois des patients traités par RF pulsée
était meilleure que celle du groupe placebo en
Indications termes d’amélioration globale (> 50 %) ou de
score de douleurs (diminution de 20 points/100
Syndrome facettaire sur l’échelle visuelle analogique) [13]. L’évolu-
tion à moyen et long termes montre que le NNT
L’efficacité de la RF pulsée a été évaluée dans de
pour la radiofréquence pulsée est respectivement
nombreux travaux cliniques, de qualité variable.
de 1,1 à 3 mois et 1,6 à 6 mois.
À titre d’exemple, deux études rétrospectives
ont été effectuées chez des patients avec syn-
drome facettaire soulagé par un bloc aux anes- Douleurs faciales et céphalées
thésiques locaux. Un traitement de RF à 42 °C
pendant 120 secondes sur les branches médiales a Une étude randomisée contrôlée a comparé l’effi-
apporté 50 % d’amélioration à 4 mois chez 59 % cacité de la RF continue à celle de la RF pulsée
(68/114) [8] et 75 % (21/28) [9] des patients. appliquée au ganglion de Gasser chez des patients
Deux études randomisées ont comparé la radio- souffrant de névralgie essentielle du trijumeau.
fréquence pulsée à la radiofréquence continue. Trois mois après le traitement, seuls deux des
Dans la première, les deux traitements (RF pulsée 20 patients du groupe RF pulsée contre 20 des
à 42 °C pendant 120 secondes ou RF continue 20 patients du groupe RF continue ont rapporté
à 80 °C pendant 90 secondes) sont également une analgésie significative [14]. Dans une autre
efficaces 6 mois plus tard, mais l’amélioration ne travail, trois des cinq patients traités par RF
persiste à 1 année que chez les patients traités par pulsée (42 °C pendant 120 secondes) ont eu

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 29. SCIENCE MEDICALE
La radiofréquence pulsée 313

une analgésie complète à moyen terme (10 à périphérique paraissent constituer l’indication la
20 mois), un patient une analgésie quasi complète plus prometteuse à l’application de RF pulsée.
(90 %) à 22 mois, et un patient une analgésie L’application de RF pulsée au niveau des nerfs
partielle (75 %) à 1 mois [15]. Ce dernier a ilio-inguinal et génitofémoral, ou des racines corres-
rapidement bénéficié d’une microdécompression pondantes (D12, L1 et L2), a été évaluée chez des
vasculaire (opération de Janetta). patients présentant des douleurs inguinales chro-
Dans la névralgie occipitale, les traitements par niques après cure de hernie inguinale. Les résultats
RF pulsée au niveau des branches médiales des ont montré une amélioration durable des douleurs
rameaux dorsaux de C1 et C2 ont une efficacité pendant plusieurs mois après la procédure [21,22].
partielle à moyen terme [16]. La RF pulsée a également été appliquée au
niveau des racines nerveuses lors de thoracodynies
post-chirurgicales. Une étude rétrospective de
Douleurs inguinales 46 patients a conclu à la supériorité (> 50 % de
diminution de la douleur à 12 semaines) de la tech-
La RF pulsée (42 °C pendant 120 secondes) nique par rapport au traitement médicamenteux
appliquée aux nerfs ilio-inguinal et génitofémoral (p = 0,06) ou à la RF pulsée appliquée directe-
lors de douleurs inguinales ou scrotales a entraîné ment sur les nerfs intercostaux (p = 0,01) [23].
la disparition complète des douleurs à 6 mois dans
de petites séries de patients [17].
Technique,
contre-indications
Scapulalgies chroniques et complications
Une étude a comparé l’injection intra-articulaire La technique et le matériel sont identiques à ceux
de corticoïdes à la RF pulsée du nerf supras- utilisés avec la radiofréquence continue. Seuls les
capulaire [18]. Les deux procédures améliorent paramètres du traitement diffèrent. Les contre-
diminuent les douleurs, augmentent, l’amplitude indications et les complications sont les mêmes
des mouvements et la qualité de vie de manière que celles mentionnées pour les autres procédures
significative 3 mois après le traitement. L’injection d’antalgie interventionnelles. Toutefois, contrai-
intra-articulaire de corticoïdes est toutefois supé- rement à la RF continue, la RF pulsée n’entraîne
rieure à la RF pulsée pour ce qui est du contrôle pas de déficit moteur, de réactions de type névrite
des douleurs et de l’amélioration de l’amplitude ou de douleurs de désafférentation.
des mouvements. Les bénéfices de la RF pulsée
sont rapportés dans des séries observationnelles
jusqu’à 6 mois après la procédure [19]. Surveillance après
Shah et Racz ont décrit un traitement répété la procédure
de RF pulsée du nerf suprascapulaire (trois cycles
à 42 °C pendant 120 secondes) pour des douleurs Lorsque le traitement est réalisé sans sédation ni
sur capsulite rétractile. Chaque séance de RF pul- complication immédiate (malaise, exacerbation
sée a entraîné une analgésie significative et une des douleurs, etc.), aucune surveillance particu-
amélioration de la fonction de l’épaule pendant 4 lière n’est requise.
à 5 mois [20].
Références

Douleurs chroniques 1. Ahadian FM. Pulsed radiofrequency neurotomy:


advances in pain medicine. Curr Pain Headache Rep
postopératoires 2004;8:34–40.
2. Sluijter ME, Cosman E, Rittman W, et al. The effect
Les douleurs postopératoires chroniques secon- of pulsed radiofrequency fields applied to the dorsal
daires à une compression et lésion nerveuse root ganglion. Pain Clin 1998;11:109–17.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


314 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

3. Podhajsky RJ, Sekiguchi Y, Kikuchi S, et al. The 13. Van Zundert J, Patijn J, Kessels A, Lame I, van Suijle-
histologic effects of pulsed and continuous radio- kom H, van Kleef M. Pulsed radiofrequency adjacent
frequency lesions at 42 degrees C to rat dorsal root to the cervical dorsal root ganglion in chronic cervical
ganglion and sciatic nerve. Spine 2005;30:1008–13. radicular pain: a double blind sham controlled rando-
4. Erdine S, Yucel A, Cimen A, et al. Effects of pul- mized clinical trial. Pain 2007;127(1–2):173–82.
sed versus conventional radiofrequency current on 14. Erdine S, Ozyalcin NS, Cimen A, Celik M, Talu
rabbit dorsal root ganglion morphology. Eur J Pain GK, Disci R. Comparison of pulsed radiofrequency
2005;9:251–6. with conventional radiofrequency in the treatment
5. Erdine S, Bilir A, Cosman ER, Cosman ER Jr. of idiopathic trigeminal neuralgia. Eur J Pain
Ultrastructural changes in axons following expo- 2007;11(3):309–13.
sure to pulsed radiofrequency fields. Pain Pract 15. Van Zundert J, Brabant S, van de Kelft E, et al. Pul-
2009;9(6):407–17. sed radiofrequency treatment of the Gasserian gan-
6. Aksu R, Ugur F, Bicer C, Menku A, Guler G, Made- glion in patients with idiopathic trigeminal neuralgia.
noglu H, Canpolat DG, Boyaci A. The efficiency Pain 2003;104:449–52.
of pulsed radiofrequency application on L5 and l6 16. Navani A, Mahajan G, Kreis P, et al. A case of pulsed
dorsal roots in rabbits developing neuropathic pain. radiofrequency lesioning for occipital neuralgia. Pain
Reg Anesth Pain Med 2010;35(1):11–5. Med 2006;7:453–6.
7. Tun K, Cemil B, Gurcay AG, Kaptanoglu E, Sargon 17. Cohen SP, Foster A. Pulsed radiofrequency as a
MF, Tekdemir I, Comert A, Kanpolat Y. Ultras- treatment for groin pain and orchialgia. Urology
tructural evaluation of Pulsed Radiofrequency and 2003;61:645.
Conventional Radiofrequency lesions in rat sciatic 18. Eyigor C, Eyigor S, Korkmaz OK, Uyar M.
nerve. Surg Neurol 2009;72(5):496–500. Intra-articular corticosteroid injections versus
8. Mikeladze G, Espinal R, Finnegan R, et al. Pulsed pulsed radiofrequency in painful shoulder: a pros-
radiofrequency application in treatment of chronic pective, randomized, single-blinded study. Clin J Pain
zygapophyseal joint pain. Spine J 2003;3:360–2. 2010;26(5):386–92.
9. Lindner R, Sluijter ME, Schleinzer W. Pulsed radio- 19. Liliang PC, Lu K, Liang CL, Tsai YD, Hsieh CH,
frequency treatment of the lumbar medial branch Chen HJ. Pulsed radiofrequency lesioning of the
for facet pain: a retrospective analysis. Pain Med suprascapular nerve for chronic shoulder pain: a
2006;7:435–9. preliminary report. Pain Med 2009;10(1):70–5.
10. Tekin I, Mirzai H, Ok G, et al. A comparison of 20. Shah RV, Racz GB. Pulsed mode radiofrequency lesio-
conventional and pulsed radiofrequency denervation ning of the suprascapular nerve for the treatment of
in the treatment of chronic facet joint pain. Clin J chronic shoulder pain. Pain Physician 2003;6:503–6.
Pain 2007;23:524–9. 21. Martin DC. Pulsed radiofrequency application
11. Kroll HR, Kim D, Danic MJ, Sankey SS, Gariwala M, for inguinal herniorraphy pain. Pain Physician
Brown M. A randomized, double-blind, prospective 2006;9:271.
study comparing the efficacy of continuous versus 22. Rozen D, Ahn J. Pulsed radiofrequency for the treat-
pulsed radiofrequency in the treatment of lumbar ment of ilioinguinal neuralgia after inguinal hernior-
facet syndrome. J Clin Anesth 2008;20(7):534–7. rhaphy. Mt Sinai J Med 2006;73:716–8.
12. Simopoulos TT, Kraemer J, Nagda JV, Aner M, 23. Cohen SP, Sireci A, Wu CL, et al. Pulsed radio-
Bajwa ZH. Response to pulsed and continuous radio- frequency of the dorsal root ganglia is superior to
frequency lesioning of the dorsal root ganglion and pharmacotherapy or pulsed radiofrequency of the
segmental nerves in patients with chronic lumbar intercostal nerves in the treatment of chronic postsur-
radicular pain. Pain Physician 11(2):137-144. gical thoracic pain. Pain Physician 2006;9:227–35.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 30
La stimulation magnétique
transcrânienne répétitive
Christophe Perruchoud, Éric Buchser

La stimulation magnétique transcrânienne répé- Mécanismes d’action


titive [Repetitive Transcranial Magnetic Stimu-
lation (rTMS)] est une technique non invasive La stimulation à basse fréquence (1 Hz) est
et indolore. La création d’un champ magnétique généralement considérée comme inhibitrice de
induit par une bobine placée à la surface du scalp l’activation neuronale et la stimulation à haute fré-
permet de stimuler certaines zones corticales à quence (5 Hz) comme excitatrice. Ce paradigme
des fins diagnostiques, pronostiques ou théra- peut néanmoins être influencé par l’amplitude
peutiques. Le principe de la rTMS repose sur la de stimulation et le nombre de chocs délivrés.
loi de l’induction électromagnétique, décrite par Ainsi, selon les conditions, la stimulation à haute
Michael Faraday en 1831, qui dit qu’un champ fréquence peut induire une inhibition et la stimu-
magnétique changeant rapidement de direction lation à basse fréquence une excitation neuronale.
produit un courant électrique dans un conducteur De plus, il existe une grande variabilité inter-
placé à proximité. Dans le cas de la rTMS, le et intra-individuelle de la rTMS dont les effets
conducteur est représenté par le tissu neuronal du pourraient aussi dépendre du seuil d’excitabilité
cortex cérébral. corticale au moment du traitement.
Les effets de la stimulation magnétique du Les effets persistent parfois jusqu’à une heure
cortex cérébral ont été décrits pour la première après l’arrêt de la stimulation. La durée de cet
fois par Arsène d’Arsonval en 1896 et la pre- effet rémanent tend à augmenter avec le nombre
mière application clinique revient à A. T. Barker de chocs délivrés. L’origine de ce phénomène
qui, en 1985, stimula le cortex cérébral à l’aide pourrait être due à la modification de l’acti-
d’une bobine produisant un champ magné- vité synaptique au sein des réseaux corticaux
tique bref et intense à la surface du scalp [1]. induisant un effet biologique à distance du site
Le champ magnétique n’étant que faiblement de stimulation. Ainsi, l’action antalgique d’une
absorbé par les tissus cutanés et osseux, il pro- stimulation du cortex moteur primaire n’est
voque un courant d’amplitude suffisante pour pas corticale, mais passe par plusieurs structures
induire des potentiels d’action au niveau des nerveuses à distance du site de stimulation dont
axones de neurones corticaux. La rTMS se le cortex prémoteur, l’aire motrice supplémen-
résume donc à une stimulation électrique des taire, le cortex somatosensoriel primaire (S1),
neurones corticaux. Les premières descriptions le cortex cingulaire antérieur, les noyaux gris
de la rTMS à visée antalgique datent de la fin centraux ou le cervelet. Une modulation de la
des années 1990, mais son application clinique composante affective et de l’attention portée à la
reste, aujourd’hui encore, limitée à quelques douleur contribuerait également au mécanisme
centres spécialisés. d’action antalgique de la rTMS. Des études

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
316 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

ont aussi mis en évidence l’activation des sys- • les douleurs neuropathiques périphériques
tèmes opioïdes via la rTMS, qui pourraient focales ;
expliquer certains effets antalgiques diffus [2,3]. • les douleurs neuropathiques d’origine centrale ;
De même, la stimulation transcrânienne à cou- • la fibromyalgie, ou syndrome douloureux chro-
rant direct [transcranial Direct Curent Stimula- nique diffus ;
tion (tDCS)] du cortex préfrontal dorsolatéral a • la dépression pharmacorésistante ;
un effet antalgique qui n’est probablement pas • l’acouphène ;
dû à l’action locale au site de stimulation, mais • la schizophrénie, principalement en cas d’hallu-
à une diminution de l’activité neuronale dans les cinations auditives.
deux thalamus [4].

Technique
Indications Lorsqu’une stimulation magnétique transcrâ-
nienne est appliquée à une intensité suffisante
La plupart des études qui étudient l’efficacité en regard du cortex moteur primaire (M1), un
analgésique de la rTMS se concentrent sur des potentiel évoqué moteur est mesurable au niveau
syndromes douloureux chroniques réfractaires des muscles de l’hémicorps controlatéral. La
aux traitements conventionnels : la fibromyalgie contraction observée représente environ 10 % de
et les douleurs neuropathiques périphériques (dia- la contraction maximale du muscle ciblé. Les
bétiques, post-traumatiques, postherpétiques) ou bobines circulaires provoquent une stimulation
centrales (accidents vasculaires cérébraux, lésions diffuse, permettant de couvrir le cortex moteur
de la moelle épinière). Une revue systématique primaire, raison pour laquelle elles sont générale-
incluant 30 études randomisées contrôlées qui ment utilisées pour les explorations fonctionnelles
évaluent l’efficacité antalgique de la rTMS a neurologiques. Les bobines en forme de 8 ou
conclu à un effet bénéfique à court terme de hélicoïdales exercent une stimulation plus focale,
la rTMS à haute fréquence appliquée au cortex limitée à quelques centimètres carrés. Des bobines
moteur primaire (M1). À l’opposé, la rTMS à double cône ou H-coils ont été développées, dans
basse fréquence semble inefficace [5]. La répé- le but de stimuler le tissu cérébral en profondeur
tition des séances à une fréquence décroissante (deep rTMS). En pratique clinique, la stimulation
pourrait améliorer l’intensité et la durée de du cortex moteur primaire, se réalise au moyen
l’effet antalgique. Les récentes recommandations de bobines hélicoïdales. Au niveau du cortex
d’experts parlent en faveur de l’utilisation de moteur primaire, la zone cible est repérée grâce à
la rTMS à des fins antalgiques. La recomman- la génération d’un potentiel évoqué moteur situé
dation est d’utiliser une stimulation à haute généralement au niveau de la main (« hotspot »
fréquence appliquée au cortex moteur primaire moteur). Aucun repérage électrophysiologique
controlatéral à la zone douloureuse (évidence de n’étant possible pour ce qui concerne les zones
grade A). Un effet antidépresseur a également corticales autres que M1, elles sont localisées en
été rapporté pour la rTMS à haute fréquence du mesurant la distance par rapport à M1. Le cortex
cortex préfrontal dorsolatéral gauche (évidence préfrontal est généralement situé 5 à 7 cm en
de grade A) [6]. avant du hotspot moteur, sur une ligne parallèle
De plus, il existe un intérêt pronostique de au sillon interhémisphérique. Cette technique
la rTMS à haute fréquence de M1 puisqu’elle comporte toutefois des imprécisions et n’est pas
semble pouvoir prédire l’effet antalgique à long reproductible de manière fiable d’une séance à
terme de la stimulation du cortex moteur par des l’autre. Pour améliorer la localisation correcte du
électrodes épidurales corticales implantées [7]. site de stimulation, des systèmes de neuronavi-
Les indications thérapeutiques actuelles les plus gation ont été développés. La neuronavigation
répandues de la rTMS incluent : permet de superposer, en temps réel, les images

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 30. LaBIBLIOGRAPHIQUE
stimulation magnétique SCIENCE MEDICALE
transcrânienne répétitive 317

radiologiques du patient (IRM) avec le site de chroniques, notamment lorsque les traitements
stimulation dépendant de la position de la bobine. conventionnels et pharmacologiques ont échoué
Lors de la rTMS du cortex moteur primaire, ou sont mal tolérés. Toutefois, les zones corti-
l’amplitude de stimulation se situe généralement cales cibles ainsi que les paramètres optimaux de
entre 80 et 90 % du seuil moteur. Dans ces condi- stimulation doivent être davantage précisés. Par
tions, les stimulations sont indolores et ne génè- ailleurs, des travaux complémentaires sont néces-
rent aucune contraction musculaire. La rTMS du saires, pour préciser la place de cette modalité et
cortex préfrontal dorsolatéral est appliquée le plus améliorer et documenter son efficacité.
souvent à des amplitudes supérieures, entre 100
et 120 % du seuil moteur. Références
Les protocoles de stimulations incluent habi- 1. Barker AT, Jalinous R, Freeston IL. Non-invasive
tuellement des séances d’induction et de mainte- magnetic stimulation of human motor cortex. Lancet
nance. Les séances d’induction sont quotidiennes 1985;1:1106–7.
pendant 5 à 10 jours. Les séances de maintenance 2. De Andrade DC, Mhalla A, Adam F, Texeira MJ,
suivent un rythme dégressif, d’abord hebdoma- Bouhassira D. Neuropharmacological basis of rTMS-
induced analgesia: the role of endogenous opioids.
daire, bimensuel puis mensuel. Un protocole
Pain 2011;152:320–6.
complet inclut un total de 15 à 20 séances. 3. Maarrawi J, Peyron R, Mertens P, Costes N, Magnin
L’amplitude de stimulation est proportionnelle M, Sindou M, et al. Brain opioid receptor density
au seuil moteur de chaque patient et les para- predicts motor cortex stimulation efficacy for chronic
mètres de stimulation (nombre de chocs, nom- pain. Pain 2013;154:2563–8.
bre de trains, durée inter-trains) sont propres à 4. Stagg CJ, Lin RL, Mezue M, Segerdahl A, Kong
Y, Xie J, et al. Widespread modulation of cere-
chaque site de stimulation. bral perfusion induced during and after trans-
cranial direct current stimulation applied to the
left dorsolateral prefrontal cortex. J. Neuroscience
Contre-indications 2013;33:11425–31.
et complications 5. O’Connell NE, Wand BM, Marston L, Spencer S,
Desouza LH. Non-invasive brain stimulation tech-
niques for chronic pain. Cochrane Database Syst Rev.
La seule contre-indication absolue à la rTMS est 2014 Apr 11;(4):CD008208.
la présence de matériel ferromagnétique (clip 6. Lefaucheur JP, André-Obadia N, Antal A, Ayache
cérébral, corps étranger métallique intracérébral SS, Baeken C, Benninger DH, et al. Evidence-
ou intraoculaire) ou de dispositifs implantés de based guidelines on the therapeutic use of repeti-
tive transcranial magnetic stimulation (rTMS). Clin
neurostimulation (implant cochléaire, implants
Neurophysiol. 2014 Nov;125(11):2150–206.
de stimulation corticale motrice ou cérébrale pro- 7. Lefaucheur J-P, Ménard-Lefaucheur I, Goujon C,
fonde). Les pacemakers cardiaques et les stimula- Keravel Y, Nguyen J-P. Predictive value of rTMS in
teurs médullaires sont acceptables si l’on tient la the identification of responders to epidural motor
bobine éloignée des boîtiers de stimulation [8]. cortex stimulation therapy for pain. J. Pain Off. J.
Lorsque les précautions d’utilisation sont res- Am. Pain Soc. 2011;12:1102–11.
8. Lefaucheur J-P, André-Obadia N, Poulet E, Devanne
pectées, le risque de convulsion est estimé à moins H, Haffen E, Londero A, et al. French guidelines
de 0,5 %. Toutefois, des antécédents d’épilepsie on the use of repetitive transcranial magnetic stimu-
et de stimulation à haute fréquence, sont des lation (rTMS): safety and therapeutic indications.
facteurs défavorables. Neurophysiol. Clin. 2011;41:221–95.

Conclusion
La rTMS est une technique de neuromodulation
non invasive, sûre, bien tolérée et efficace pour
la prise en charge à court terme des douleurs

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 31
L’administration continue
de médicaments
par voie intrathécale
Christophe Perruchoud, Éric Buchser

C’est par un effet direct au niveau de leur site implantable (dispositif similaire aux Port-a-
d’action que les médicaments administrés par voie Cath). Les systèmes externes, moins onéreux et
intrathécale confèrent une antalgie supérieure et moins invasifs, sont généralement réservés aux
entraînent moins d’effets secondaires. Les effets tests pré-implantatoires de longue durée ou aux
d’1 mg de morphine injectée dans l’espace intra- patients cancéreux dont l’espérance de vie est
thécal équivalent à ceux de 10 mg administrés par inférieure à 3 mois.
voie épidurale ou de 300 mg absorbés per os. Les pompes implantables à débit constant ne
En 1898, August Bier procède à la pre- contiennent pas de batterie et ont, en théorie, une
mière injection intrathécale de cocaïne chez durée de vie illimitée. Elles contiennent un gaz
l’homme [1]. Peu après, Rudolph Matas ajoute sous pression (souvent du fréon), qui propulse
de la morphine à la cocaïne afin d’en diminuer les le médicament au travers d’une valve à débit
effets secondaires [2]. La rachianesthésie devient constant. Elles sont adaptées aux patients présen-
une technique courante dès les années 1940. La tant des douleurs chroniques d’intensité égale,
découverte des récepteurs spinaux aux opiacés sans accès paroxystique. En effet, le système ne
en 1973 [3] est à l’origine de l’utilisation de permet pas d’injecter des bolus ni de modifier les
pompes implantables pour l’administration de dosages sans changer la concentration du mélange,
médicaments par voie intrathécale en continu. ce qui nécessite des ponctions fréquentes dans le
La première implantation chez l’homme date réservoir et augmente les risques d’infections. Les
de 1981 [2]. pompes à débit constant coûtent moins cher que
Les premiers modèles permettent uniquement les pompes programmables. Les pompes Codman
d’administrer un débit fixe ; les doses ne peuvent 3 000® (Codman and Shurtleff, Massachusetts,
être adaptées qu’en modifiant la concentration du États-Unis), Medstream® (Codman and Shur-
mélange contenu dans le réservoir. La première tleff, Massachusetts, États-Unis) ou Isomed®
pompe programmable est introduite sur le mar- (Medtronic Inc, Minneapolis, États-Unis) sont
ché en 1991 [4]. Le modèle Patient Controlled des systèmes à débit constant (tableau 31.1). Les
Analgesia est disponible depuis 2004. pompes implantables à débit programmable, de
Actuellement, il existe deux types de pompes : type Synchromed II® (Medtronic Inc, Minnesota,
• les pompes implantables, à débit constant ou États-Unis) ou Prometra® (Flowonix Inc, New
programmable ; Jersey, États-Unis) permettent l’administration
• les pompes externes connectées directement d’un débit continu, variable ou par bolus. La
à un cathéter intrathécal, ou à une chambre programmation nécessite l’aide d’un dispositif

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
320 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Tableau 31.1. Pompes intrathécales.


Débit constant Codman 3 000 Isomed Tricumed IP 2 000

Réservoir 16, 30 et 50 ml 20, 35 et 60 ml 20 et 40 ml


Compatibilité IRM 3T
Disponibilité Retirée du marché États-Unis Allemagne et Autriche

Débit programmable Synchromed II Prometra II Siromedes Medallion

Réservoir 20 et 40 ml 20 ml 20 et 40 ml 20 ml
Compatibilité IRM 3T 1,5 T 3T 3T
Disponibilité Europe, États-Unis Europe, États-Unis Allemagne, Autriche, Italie En attente de la
certification FDA

externe. À l’heure actuelle, la majorité des pompes de la pompe (par exemple : fusion spinale, sco-
à débit constant ont été retirées du marché au liose, poche de colostomie, néphrostomie ou
profit des modèles programmables. cathéter vésical sus-pubien).

Douleurs cancéreuses
Indications
Au cours des 20 dernières années, l’adminis-
Les candidats à l’implantation d’une pompe intra- tration de médicaments par voie intrathécale a
thécale sont des patients souffrant d’effets secon- été admise comme alternative acceptable au trai-
daires importants lors d’un traitement aux opiacés tement médical conventionnel chez les patients
par voie orale, transdermique ou intraveineuse, souffrant de douleurs cancéreuses réfractaires. Les
ainsi que les patients pour lesquels de hautes doses diverses combinaisons médicamenteuses permet-
de morphiniques n’apportent pas de soulagement tent un traitement personnalisé et significative-
suffisant. D’autres facteurs doivent être pris en ment moins d’effets secondaires qu’un traitement
considération : échec d’un traitement conserva- aux opiacés per os. La voie intrathécale per-
teur, absence d’indication à un traitement chirur- met également d’administrer des anesthésiques
gical curateur, compliance thérapeutique, facteurs locaux, très efficaces en présence de douleurs
psychologiques, considérations anatomiques et cancéreuses au niveau abdominal ou thoracique.
techniques pouvant interférer avec l’implantation Plusieurs études prospectives et/ou randomisées

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUEChapitre
DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
31. L’administration SCIENCE
continue de médicaments par voieMEDICALE
intrathécale 321

ont évalué l’utilisation de pompes implantables Spasticité


dans des situations palliatives, principalement
oncologiques [5,6]. Ces études ont montré L’administration intrathécale de baclofène est un
une diminution des douleurs neuropathiques traitement efficace de la spasticité, notamment
et mixtes (nociceptives et neuropathiques), une lors de traumatisme médullaire ou cérébral, de
réduction des effets secondaires, des besoins en sclérose en plaques ou d’infirmité motrice céré-
antalgiques par voie systémique, et possiblement brale. Ce traitement est réservé aux patients dont
une meilleure survie [7]. la spasticité restreint les postures, le nursing ou
Malgré un coût initial important lié essen- le repos, interfère avec l’autonomie et la marche,
tiellement au matériel, l’administration intra- et provoque des douleurs. La thérapie a pour
thécale par pompe implantée est plus rentable objectif d’atténuer l’hypertonie, les spasmes et la
qu’un traitement médical optimal après déjà douleur, ainsi que de prévenir les complications
3 mois d’utilisation. Compte tenu du fait orthopédiques et cutanées.
que l’espérance de vie des patients cancéreux
est difficile à prédire et qu’elle pourrait être
prolongée par une prise en charge efficace Choix du médicament
de la douleur, certains auteurs recommandent
l’implantation d’une pompe chez les patients Différents types de médicaments peuvent être
dont l’espérance de vie est inférieure à 3 mois et perfusés par voie intrathécale : les opiacés, (mor-
qui ne présentent pas de signe évident de mort phine, hydromorphone, fentanyl et sufentanil),
imminente [8]. le ziconotide (Prialt®, bloqueur des canaux
calciques), le baclofène, ainsi que les adjuvants
comme la bupivacaïne (anesthésique local) et la
Autres types de douleurs clonidine (agoniste alpha-2). Seule l’administra-
tion intrathécale de morphine, de ziconotide et de
En dehors des douleurs d’origine cancéreuse, baclofène est approuvée par la FDA. Un groupe
les indications les plus courantes à une théra- d’experts internationaux (Polyanalgesic Consensus
pie intrathécale sont les douleurs rachidiennes, Conference ou PACC) se réunit régulièrement
principalement les lombosciatalgies persis- pour éditer des recommandations concernant les
tantes après chirurgie du rachis, les fractures différentes lignes de traitement (tableau 31.2),
vertébrales, les troubles dégénératifs et les les doses et les concentrations maximales des
rétrécissements canalaires. Les pathologies non solutions médicamenteuses (tableau 31.3).
rachidiennes incluent le syndrome douloureux
régional complexe, les neuropathies périphé-
riques, la pancréatite chronique et les maladies Test pré-implantatoire
rhumatismales [9]. Une évaluation psycho-
logique peut s’avérer utile chez les patients Un test pré-implantatoire est hautement recom-
souffrant de douleurs chroniques non cancé- mandé avant la mise en place définitive d’une
reuses. En effet, la dépression, l’anxiété sévère, pompe. Il n’existe aucune évidence quant à la
l’addiction médicamenteuse et les troubles supériorité d’une méthode par rapport à une
significatifs de la personnalité représentent un autre pour prédire l’efficacité du traitement à
mauvais pronostic de succès [10]. Les béné- moyen ou long terme. Les critères de succès de
fices fonctionnels potentiels sont évalués au la phase test consistent en une diminution de la
moyen d’un test pré-implantatoire. Pour une douleur d’au moins 50 % (ou jugée significative
meilleure prédictibilité, ce test ne devrait être par le patient) et l’absence d’effets indésirables
effectué qu’après sevrage de tout traitement intolérables.
aux opiacés [11]. En général, les patients sevrés Le test consiste à injecter dans l’espace
évoluent plus favorablement [12]. intrathécal un bolus d’un ou de plusieurs

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


322 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Tableau 31.2. Algorithme de traitement (selon PACC 2017) [13].


Douleurs cancéreuses localisées d’origine nociceptive ou neuropathique
Ligne 1A Ziconotide Morphine
Ligne 1B Fentanyl Morphine
(ou fentanyl)
+ bupivacaïne
Ligne 2 Hydromorphone Hydromorphone Morphine (ou Hydromorphone
+ Bupivacaïne hydromorphone ou morphine
ou fentanyl) ou fentanyl)
+ Clonidine + Ziconotide
Ligne 3 Hydromorphone (ou Ziconotide Ziconotide Hydromorphone Sufentanil
morphine ou fenta- + bupivacaïne + clonidine (ou morphine
nyl) + bupivacaïne ou fentanyl)
+ clonidine + bupivacaïne
+ ziconotide
Ligne 4 Sufentanil Sufentanil Baclofène Sufentanil Bupivacaïne Bupivacaïne
+ ziconotide + bupivacaïne + clonidine + clonidine + clonidine
+ ziconotide
Ligne 5 Sufentanil + bupiva-
caïne + clonidine
Ligne 6 Opiacés + bupiva-
caïne + clonidine
+ adjuvants*
Douleurs cancéreuses diffuses d’origine nociceptive ou neuropathique
Ligne 1A Ziconotide Morphine
Ligne 1B Hydromorphone Morphine (ou
hydromorphone)
+ bupivacaïne
Ligne 2 Hydromorphone Morphine (ou
(ou morphine) hydromorphone)
+ clonidine + Ziconotide
Ligne 3 Hydromorphone (ou Ziconotide Ziconotide Hydromorphone Sufentanil
morphine ou fenta- + bupivacaïne + clonidine (ou morphine
nyl) + bupivacaïne ou fentanyl)
+ clonidine + bupivacaïne
+ ziconotide
Ligne 4 Sufentanil Baclofène Sufentanil Sufentanil Bupivacaïne Bupivacaïne
+ ziconotide + bupivacaïne + clonidine + clonidine + clonidine
+ ziconotide
Ligne 5 Sufentanil + bupiva- Sufentanil Sufentanil
caïne + clonidine + bupivacaïne + clonidine
+ ziconotide + ziconotide
Ligne 6 Opiacés + bupiva-
caïne + clonidine
+ adjuvants*
Douleurs non cancéreuses diffuses d’origine nociceptive ou neuropathique
Ligne 1A Morphine Ziconotide
Ligne 1B Hydromorphone Morphine (ou
hydromorphone)
+ bupivacaïne

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUEChapitre
DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
31. L’administration SCIENCE
continue de médicaments par voieMEDICALE
intrathécale 323

 Ligne 2 Hydromorphone Fentanyl Ziconotide


(ou morphine) + bupivacaïne + morphine (ou
+ clonidine hydromorphone)
Ligne 3 Hydromorphone (ou Fentanyl Sufentanil Ziconotide
morphine) + bupiva- + Ziconotide + bupivacaïne + clonidine
caïne + clonidine (ou clonidine) +/- bupivacaïne
Ligne 4 Fentanyl (ou Sufen- Sufentanil Baclofène
tanil) + bupivacaïne + ziconotide
+ clonidine
Ligne 5 Opiacé + ziconotide
+ bupivacaïne (ou
clonidine)
Douleurs non-cancéreuses localisées d’origine nociceptive ou neuropathique
Ligne 1A Ziconotide Morphine
Ligne 1B Fentanyl Fentanyl
+ bupivacaïne
Ligne 2 Fentanyl + clonidine Hydromorphone Fentanyl Bupivacaïne
(ou morphine) + bupivacaïne
+ bupivacaïne + clonidine
Ligne 3 Fentanyl + ziconotide Morphine Ziconotide Bupivacaïne
+ bupivacaïne (ou hydromor- + clonidine + clonidine
phone) ++/- bupivacaïne
+ clonidine
Ligne 4 Sufentanil + bupiva- Baclofène Bupivacaïne
caïne (ou clonidine) + clonidine
+ ziconotide
Ligne 5 Sufentanil + bupiva- Sufentanil
caïne + clonidine + ziconotide
* Les adjuvants incluent : midazolam, kétamine, ocréotide.

médicaments à l’aide d’une aiguille de rachia- de médicaments. Outre les ponctions répétées,
nesthésie. Les effets sont évalués au cours des cette technique présente l’inconvénient de ne
heures suivant l’injection. Le test, peu onéreux, pouvoir être réalisée qu’en position lombaire
est facile à réaliser en ambulatoire. Il peut être basse (en dessous de L2), ce qui rend difficile
répété au besoin à quelques jours d’intervalle, l’évaluation des syndromes douloureux de la
avec des doses ou des combinaisons différentes partie supérieure du corps.

Tableau 31.3. Doses et concentrations maximales recommandées (selon PACC, 2017).


Médicament Dose maximale/jour Concentration maximale
Morphine 15 mg 20 mg/ml
Hydromorphone 10 mg 15 mg/ml
Fentanyl 1 000 mcg 10 mg/ml
Sufentanyl 500 mcg 5 mg/ml
Bupivacaïne 15-20 mg 30 mg/ml
Clonidine 600 mcg 1 mg/ml
Ziconotide 19,2 mcg 100 mcg/ml

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


324 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

être réalisée sous anesthésie générale ou sédation


profonde.

Remplissage
Les intervalles de remplissage varient entre 1 et
6 mois. Ils dépendent essentiellement du débit
de la pompe, du nombre de bolus effectués
par le patient et de la stabilité des médicaments
en solution. Le fabricant fournit une trousse
contenant des aiguilles de ponction ainsi qu’un
Figure 31.1. Pompe externe CADD-micro® utilisée pour gabarit facilitant l’identification du port d’accès
un test intrathécal avec cathéter externe.
au réservoir. Le remplissage doit être réalisé dans
les conditions d’asepsie les plus strictes. L’aiguille
Une autre méthode consiste à insérer un cathé- introduite dans le réservoir au travers de la cloison
ter externe dans l’espace intrathécal pour adminis- de silicone permet d’aspirer le contenu résiduel
trer des bolus répétés ou une perfusion continue. du réservoir. La comparaison du volume résiduel
Les pompes externes ne permettent toutefois réel avec le volume prédit par la télémétrie permet
pas des débits aussi bas que ceux des pompes d’évaluer la précision de la pompe et d’identifier
implantées, à l’exception de la pompe CADD- d’éventuelles dysfonctions (excès ou déficit de
micro® dont le débit continu minimal est de perfusion). On injecte ensuite dans la pompe le
20 microlitres/h (figure 31.1). nouveau volume du médicament ou du mélange
Selon une publication récente, il n’existe pas de approprié au travers du filtre antibactérien. En cas
différence entre un test par bolus répétés ou un de difficulté, notamment chez les patients obèses,
test par perfusion pour prédire l’efficacité à long l’accès au réservoir peut être identifié par fluoro-
terme [14]. scopie ou ultrason (figure 31.3).
La technique du cathéter externe permet Afin d’éviter les problèmes de sevrage, l’alarme
d’effectuer des tests de longue durée et d’essayer de la pompe est réglée à un volume résiduel de 1
plusieurs médicaments, en différentes combi- ou 2 ml. La date du prochain remplissage doit
naisons et dosages. Relativement onéreuse, elle être communiquée au patient.
requiert l’hospitalisation du patient et présente
des risques infectieux non négligeables. Certains
auteurs recommandent d’éviter cette étape chez Complications
les patients présentant des douleurs réfractaires
d’origine cancéreuse. Les complications de l’administration intrathécale
sont liées à l’intervention chirurgicale, à la médi-
cation administrée, au remplissage et au matériel
Technique d’implantation implanté.
Les complications chirurgicales incluent les
L’implantation d’un système d’administration hémorragies, les infections, les séromes, les fuites
intrathécale (figure 31.2) comporte deux étapes persistantes de liquide céphalorachidien (LCR) et
distinctes. La première, généralement réalisée en les lésions neurologiques. Le respect des règles
anesthésie locale, consiste en la mise en place du d’asepsie et l’administration d’une antibiothé-
cathéter dans l’espace intrathécal. La seconde rapie prophylactique limitent considérablement
phase inclue la tunnélisation du cathéter et le nombre d’infections postopératoires. L’appa-
l’implantation de la pompe. Cette dernière peut rition d’une infection, surtout si elle concerne le

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUEChapitre
DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
31. L’administration SCIENCE
continue de médicaments par voieMEDICALE
intrathécale 325

Figure 31.2. La technique d’implantation.


1. Positionnement du patient en décubitus latéral.
2. Ponction intrathécale sous anesthésie locale avec une aiguille de Tuohy.
3. Introduction du cathéter.
4. Contrôle du positionnement du cathéter sous fluoroscopie.
5. Vérification du reflux de LCR par le cathéter.
6. Fixation du cathéter.
7. Tunnélisation du cathéter jusque dans la paroi abdominale.
8. Préparation de la pompe.
9. Connexion du cathéter à la pompe.
10. Introduction de la pompe dans la logette sous-cutanée.
11. Fermeture du tissu sous-cutané et de la peau.

cathéter ou l’espace intrathécal, requiert souvent post-ponction due à une fuite persistante de LCR
l’ablation complète du matériel implanté. Dans les affecte environ 20 % des implantations de cathé-
séries publiées, l’incidence des infections super- ter intrathécal [15]. En présence de symptômes
ficielles se situe entre 2 et 5 %. Le risque plus sévères, un blood patch peut s’avérer nécessaire,
sérieux d’infections profondes (abcès épidural ou mais il existe un risque que l’aiguille de ponction
méningite) est inférieur à 0,5 %. La céphalée endommage le cathéter.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


326 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 31.3. Repérage du réservoir sous fluoroscopie (a) et sous ultrason (b).
a. Fluoroscopie. Accès au réservoir (flèche bleue) ; port accessoire ou accès au cathéter (flèche rouge).
b. Ultrason. Septum de silicone et accès au réservoir (flèche bleue) ; surface de la pompe (flèches vertes) ; artéfacts de
réverbération (flèches orange).

Les complications pharmacologiques sont talité est de 0,088 % 3 jours après l’implantation,
inhérentes à la molécule administrée. Les compli- de 0,39 % à 1 mois et de 3,89 % à 1 an. Compa-
cations sérieuses incluent les réactions anaphy- rés à des patients traités par neurostimulation,
lactiques, la dépression ou l’arrêt respiratoire. les patients traités par voie intrathécale ont un
Les effets secondaires et les manifestations de risque supplémentaire de décès de 7,56 % à
sevrage sont résumés dans le tableau 31.4. Chez 3 jours, de 3,64 % à 1 mois et de 2,25 % à 1 an.
les patients traités par pompe intrathécale, la mor- Cette surmortalité s’explique probablement par

Tableau 31.4. Complications et symptômes de sevrage des principaux médicaments utilisés par voie intrathécale.
Médicament Effets secondaires Symptômes Prise en charge
et surdosage de sevrage du sevrage
Opiacés (morphine, - Nausées Dans les 3 jours : - Morphine 0,05 à 0,1 mg/kg IV toutes les
hydromorphone, - Vomissements - hyperalgésie 15 minutes jusqu’à disparition des symptômes,
fentanyl, sufentanyl) - Sédation - agitation, anxiété puis relais par morphine per os.
- Prurit - myalgies - L’administration de clonidine (0,2 à 0,5 mcg/
- Constipation - mydriase kg/min) ou de dexmédétomidine (0,7 à 1,4 µg/
- Rétention urinaire - frissons kg/h) réduit l’anxiété, l’agitation, la tachycardie,
- Troubles cognitifs - larmoiement l’hypertension, les myalgies et les crampes
- Céphalées - insomnie abdominales
- Dépression respiratoire - écoulement nasal
- Arrêt respiratoire - sudations
- Hyperalgésie - bâillement
- Troubles endocriniens - trouble de l’odorat
(diminution de la - crampes abdominales
libido, hypogonadisme, - diarrhées
aménorrhée, - nausées
impuissance) - vomissements
- Obésité - tachycardie
- granulome - hypertension

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUEChapitre
DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
31. L’administration SCIENCE
continue de médicaments par voieMEDICALE
intrathécale 327

 Médicament Effets secondaires Symptômes Prise en charge


et surdosage de sevrage du sevrage
Clonidine - hypotension Dans les 12 heures : - Clonidine IV : bolus 50-150 mcg ou perfusion
- hypertension lors de - hypertension paradoxale 100 mcg/h (pic d’action 10 min et durée 3-7 h).
surdosage (risque d’infarctus myocardique - Clonidine per os : 50 à 500 mcg (pic d’action
- bradycardie ou cérébral, hémorragie) 60-90 min)
- sédation - nausées - Clonidine transdermique
- insomnie
- céphalées
- agitation
- arythmies (tachycardie
ventriculaire)
Bupivacaïne - Troubles végétatifs Absence de symptômes de
- Parésie, bloc moteur sevrage, à l’exception d’une
- Trouble sensoriel recrudescence des douleurs
- Neurotoxicité
- Faiblesse
- Fatigue, somnolence
- Rétention urinaire
Ziconotide (Prialt®) - Vertiges Absence de symptômes de
- Nystagmus sevrage, à l’exception d’une
- Nausées vomissements recrudescence des douleurs
- Rétention urinaire
- Trouble de la marche
- Confusion
- Psychose
- Suicide
- Rhabdomyolyse [16]
Baclofène - Nausées Situation critique potentiellement - Administration précoce de hautes doses de
- Vomissements létale, dans les 1 à 3 jours : baclofène oral (ou par la sonde nasogastrique)
- Vertiges - prurit (prodrome) jusqu’à 120 mg/j réparties en 6 à 8 doses.
- Rétention urinaire - paresthésies - En cas d’inefficacité (fréquente) de la forme
- Constipation - tachycardie- hypotension orale : restauration de la dose intrathécale
- Fatigue - labilité tensionnelle habituelle (side-port, ponction lombaire)
- Hypotonie - hyperthermie - Titration de benzodiazépines IV en continu
- Paresthésies - dysphorie, malaise ou en bolus jusqu’à l’obtention d’une relaxation
- troubles de l’état de musculaire, de la normothermie, de la stabilisation
conscience hémodynamique et de l’arrêt des convulsions
- spasticité de rebond dantrolène IV : effet uniquement sur la spasticité
- dyspnée (associée à
l’hypertonie musculaire)
- convulsions

le nombre de complications respiratoires dues implique la dégranulation des mastocytes, induite


aux opiacés. par les opiacés au niveau de la dure-mère. Cette
L’apparition d’un granulome est généralement dernière entraîne la libération de facteurs profi-
associée à l’administration intrathécale d’opiacés. brotiques, la prolifération de fibroblastes et la
Le granulome est une masse non infectieuse, loca- sécrétion de collagène. Le granulome évolue pro-
lisée à l’extrémité du cathéter et essentiellement gressivement d’une masse composée de collagène
composée de fibroblastes et de collagène avec pré- immature à une cicatrice organisée.
sence d’un infiltrat inflammatoire de macrophages Bien que rare (l’incidence est de 0,04 % à 1 an
et de lymphocytes. L’hypothèse la plus probable et de 1,16 % après 6 ans de thérapie intrathécale),

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


328 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 31.4. Contrôle d’un système intrathécal par injection de produit de contraste.
Opacification du cathéter (flèche bleue) ; myélogramme (flèche rouge).

les conséquences neurologiques peuvent être Les complications techniques induisent le


sévères et entraîner une compression médullaire. plus souvent une diminution abrupte du débit,
L’incidence du granulome est beaucoup plus suivie d’un syndrome de sevrage. Elles sont dues
fréquente avec les opiacés hydrophiles (morphine le plus souvent à une migration du cathéter hors
ou hydromorphone) qu’avec les opiacés lipophiles de l’espace intrathécal, à une occlusion, une plica-
(fentanyl ou sufentanyl), surtout lors d’adminis- ture, une fuite ou une déconnection du cathéter,
tration de solutions concentrées et à bas débit. ou encore à un arrêt du moteur de la pompe. Les
Comparativement au débit continu, l’administra- augmentations de débit à l’origine d’overdoses
tion de bolus diminue significativement l’apparition sont rarement dues à des problèmes techniques,
de granulomes. Le diagnostic est essentiellement plus fréquemment à des erreurs humaines de
clinique : douleur différente, déficit neurologique, programmation. Le taux annuel de complications
perte d’efficacité de la thérapie intrathécale. Il est techniques nécessitant une révision chirurgicale
confirmé par une IRM et l’injection de gadoli- atteint 10,5 %, il s’agit dans la majorité des cas
nium, ou par une myélographie sous CT-scan. La (65 %) d’un problème de cathéter [17].
majorité des granulomes régresse spontanément
après l’arrêt du médicament responsable ou par le Vérification du système
retrait du cathéter de 2 à 3 cm. L’excision chirur-
gicale du granulome est parfois nécessaire dans les En cas de doute, l’intégrité du système est contrô-
cas de déficit neurologique moteur. lée par l’injection de produit de contraste par
Les complications survenant durant le rem- le port accessoire de la pompe. Après ponction
plissage de la pompe incluent les erreurs de du port accessoire sous fluoroscopie, l’aspiration
médicaments (concentrations ou médications de LCR (2-3 ml) permet de confirmer la position
erronées), les erreurs de reprogrammation, et de l’extrémité du cathéter dans l’espace intra-
l’injection de médicaments hautement concentrés thécal. Le contenu du cathéter est aspiré et le
en dehors du réservoir, dans le tissu sous-cutané, produit de contraste est injecté à la recherche
qui peuvent provoquer une toxicité systémique et d’une fuite au niveau des connexions et du
une overdose parfois létale. cathéter (figure 31.4).
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUEChapitre
DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE
31. L’administration SCIENCE
continue de médicaments par voieMEDICALE
intrathécale 329

Références 10. Brown J, Klapow J, Doleys D, Lowery D, TUtak


U. Disease specific and generic health outcomes: a
1. Bier A. Versuche über Cocainisirung of the Rücken- model for the evaluation of long-term intrathecal
markes. Langenbecks Arch Klin Chir Ver. Dtsch Z opioid therapy in noncancer low back pain patients.
Chir. 1899;51:361–9. Clin J Pain 1999;15:122–31.
2. Onofrio BM, Yaksh TL, Arnold PG. Continuous 11. Hamza M, Doleys D, Wells M, Weisbein J, Hoff J,
low-dose intrathecal morphine administration in the Martin M, Soteropoulos C, Barreto J, Deschner S,
treatment of chronic pain of malignant origin. Mayo Ketchum J. Prospective study of 3-year follow-up
Clin Proc. 1981;56:516–20. of low-dose intrathecal opioids in the management
3. Pert CB, Snyder SH. Opiate receptor: demonstration of chronic nonmalignant pain. Pain Med. 2012
in nervous tissue. Science 1973;179:1011–4. Oct;13(10):1304–13.
4. Wallace M, Yaksh TL. Long-term spinal analgesic 12. Doleys DM, Kraus T. Trialing for intrathecal therapy:
delivery: a review of the preclinical and clinical Comments and considerations. Pract Pain Manage
literature. Reg Anesth Pain Med 2000;25:117–57. 2007;7(5):48–50.
5. Smith TJ, Staats PS, Deer T, Stearns LJ, Rauck RL, 13. Deer TR, Pope JE, Hayek S, Bux A, Buchser E,
Boortz-Marx RL, et al. Randomized clinical trial of Eldabe S, et al. The Polyanalgesic Consensus Confe-
an implantable drug delivery system compared with rence (PACC): Recommendations on Intrathecal
comprehensive medical management for refractory Drug Infusion Systems Best Practices and Guide-
cancer pain: impact on pain, drug-related toxicity, lines. Neuromodulation. 2017 Jan 2; doi: 10.1111/
and survival. J Clin Oncol 2002;20:4040–9. ner.12538.
6. Rauck RL, Cherry D, Boyer MF, Kosek P, Dunn J, 14. Hamza M, Doleys DM, Saleh IA, Medvedovsky
Alo K. Long-term intrathecal opioid therapy with a A, Verdolin MH, Hamza M. A prospective, ran-
patient-activated, implanted delivery system for the domized, single-blinded, head-to-head long-term
treatment of cancer pain. J Pain 2003;4:441–7. outcome study, comparing intrathecal (IT) boluses
7. Smith TJ, Staats PS, Deer T, Stearns LJ, Rauck RL, with continuous infusion trialing techniques prior
Boortz-Marx RL, et al. Implantable Drug Delivery to implantation of drug delivery systems (DDS)
Systems Study Group. Randomized clinical trial for the treatment of severe intractable chronic
of an implantable drug delivery system compa- nonmalignant pain. neuromodulation 2015
red with comprehensive medical management for Oct;18(7):636–48.
refractory cancer pain: impact on pain, drug-rela- 15. Bottros MM, Christo PJ. Current perspectives on
ted toxicity, and survival. J Clin Oncol. 2002 Oct intrathecal drug delivery. Journal of pain research.
1;20(19):4040–9. 2014;7:615–26.
8. Deer TR, Smith HS, Burton AW. Comprehensive 16. Upadhyay SP, Mallick PN. Intrathecal drug delivery
consensus based guidelines on intrathecal drug deli- system for cancer pain management: a review and
very systems in the treatment of pain caused by updates. Am J Hosp Palliat Care. 2012;29:388–98.
cancer pain. Pain Physician. 2011;14:E283–312. 17. Steams L, Boortz-Marx R, Du Pen S. Intrathecal
9. Turner JA, Sears JM, Loeser JD. Programmable drug delivery for the management of cancer pain: a
intrathecal opioid delivery systems for non cancer multidisciplinary consensus of best clinical practices.
chronic pain: a systematic review of effectiveness and J Support Oncol. 2005;3:399–408.
complications. Clin J Pain 2007;23:180–95.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 32
La prise en charge chirurgicale
des pathologies rachidiennes
Benoît Marlier, Tanguy Vendeuvre, Charles Peltier, Alexandra Simard, Philippe Rigoard

Qui, quand et pourquoi ostéosynthèses percutanées, voire des expansions


opérer ? vertébrales cimentées.
L’indication chirurgicale « primitive » corres-
pond à un geste invasif irréversible en réponse à
Le rachis constitue l’entité anatomique de tran-
une problématique biomécanique menaçante ou
sition entre l’encéphale et les membres. Il est
résistant au traitement médical. Elle conditionnera
délimité par un contenant osseux robuste, résul-
toute la suite de la prise en charge et de l’accompa-
tant de l’empilement des vertèbres interfacées
gnement du patient. Ce tournant dans l’histoire de
par les amortisseurs « discaux ». Sa vocation est
la maladie d’une pathologie rachidienne ne peut
de protéger son contenu noble, fait de tissu neu-
s’envisager comme un simple geste technique isolé.
rologique, pour permettre à l’individu de diriger
Il doit s’inscrire dans une prise en charge globale
son corps dans l’espace et d’appréhender son
des douleurs dans laquelle le chirurgien garde
environnement. L’adaptation à la station érigée
un rôle d’expert technique, ponctuel, tandis que
est responsable des courbures et contre-courbures
l’algologue se définira comme le vrai partenaire,
qui caractérisent son profil complexe, bien loin
l’accompagnant du patient sur le long terme,
d’une simple « colonne ».
sur un axe temporel longitudinal. Une véritable
Il revient au chirurgien du rachis de prendre
complémentarité entre les mondes « spine » et
en charge :
« pain » est primordiale, pour converger vers l’inté-
• la correction chirurgicale des déformations
rêt du malade, au cœur de cette prise en charge.
idiopathiques ou secondaires du rachis (sco-
lioses, cyphoses, spondylolisthésis) ;
• la décompression et/ou la stabilisation des Cadre nosologique
pathologies rachidiennes dégénératives (disco­
pathie, hernie discale, rétrécissement canalaire) ; La pathologie rachidienne constitue un problème
• la prise en charge des pathologies tumorales ou de santé publique majeur, non seulement par le
traumatiques. nombre de consultations qu’elle nécessite, mais
La stratégie chirurgicale associe de manière aussi par la complexité du suivi du patient qu’elle
variable des gestes de décompression et de stabi- implique, une fois la prise en charge amorcée.
lisation. Les différentes techniques chirurgicales On estime qu’elle touche entre 60 et 90 % des
ont considérablement évolué au fil du temps personnes au cours de leur activité profession-
jusqu’à proposer aujourd’hui des chirurgies dites nelle [1]. Le symptôme « douleur lombaire »
mini-invasives, permettant de décomprimer les correspond au motif de consultation de médecine
structures neurologiques par voie endoscopique générale le plus fréquent, après les pathologies
ou de stabiliser les éléments rachidiens par des respiratoires [2]. Derrière ce symptôme universel
Manuel pratique d'algologie
© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
334 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

se cachent plusieurs nécessités pour le praticien de symptomatique, ce qui correspond générale-


première ligne : ment à une posologie de morphiniques supé-
• la réalisation d’une enquête physiopatholo- rieure à 30 mg x 2/j.
gique extrêmement précise pour caractériser les • Un syndrome de la queue-de-cheval rapidement
douleurs, voire les déficits ; évolutif (le degré d’urgence restant controversé
• l’exigence de réaliser des imageries parfois dans la littérature [6, 7]).
sophistiquées si le symptôme ne cède pas rapi- D’une manière générale, il faut distinguer trois
dement sous traitement initial ; grands types d’indications chirurgicales :
• l’importance de corréler ces éléments, en mobi- • la décompression ;
lisant des compétences anatomiques, bioméca- • la stabilisation (appelée aussi « fusion » dans les
niques, radiologiques puis chirurgicales, pour pays anglo-saxons) ;
déterminer si le substrat potentiel des douleurs • l’association décompression-stabilisation.
justifiera, à un moment donné, un acte de Cette chirurgie peut concerner :
chirurgie rachidienne ou pas. • la pathologie dégénérative ;
Dans un premier temps, l’approche médicale • la pathologie tumorale ;
non invasive devra toujours être privilégiée. Il • la traumatologie rachidienne.
paraît utile de préciser par exemple que l’évolu- In fine, l’attitude chirurgicale aboutira à un
tion spontanée des sciatalgies d’origine discale, geste plus ou moins sophistiqué. Son invasivité
sans traitement chirurgical, est favorable pour dépendra de la notion de stabilité ou d’instabilité
une proportion de patients importante, jusqu’à du rachis sous-jacent, venant se greffer sur la pro-
92-98 % dans certaines séries, sur des périodes blématique de compression du système nerveux.
variant de 3 à 10 ans de suivi [3]. Ci-dessous quelques exemples illustrent la
Ce n’est donc qu’en cas de résistance à un traite- diversité des possibilités chirurgicales qui s’offrent
ment bien conduit ou lors de situation d’urgence à l’opérateur :
qu’il est légitime d’envisager une approche chi- • Dans le cadre d’une lombo-radiculalgie L5 gauche
rurgicale et de choisir la meilleure option. sur conflit discoradiculaire (hernie discale para-
Si le bon compromis en termes d’indication et médiane en L5-S1 s’étendant au foramen L5-S1
de timing chirurgical doit être trouvé, il est aussi gauche), un geste de décompression (mini-invasif
important, a contrario, de ne pas passer à côté d’une si possible) peut être proposé (figure 32.1).
« bonne » indication initiale de décompression, en • Dans le cadre d’une scoliose thoracolombaire
laissant « vieillir » un conflit discoradiculaire deve- évolutive, se manifestant par des dorsolombal-
nant neuropathique, et pour lequel l’utilité d’une gies invalidantes et réfractaires au traitement
chirurgie tardive de sauvetage radiculaire apparaît orthopédique, une chirurgie de correction et
illusoire. Une étude publiée récemment démontre de stabilisation de la déformation peut être
qu’un résultat positif au questionnaire DN4 [4], indiquée (figure 32.2).
dans le cadre d’une radiculalgie sur hernie discale, • Dans le cadre d’un spondylolisthésis dégéné-
représente un mauvais pronostic à long terme d’un ratif instable ou d’une épidurite métastatique
geste de décompression [5]. altérant significativement la stabilité d’un corps
vertébral, une association décompression-stabi-
Options chirurgicales lisation sera optimale (figure 32.3).

Dans le cadre de l’urgence, on portera l’indica- Plaidoyer pour


tion chirurgicale rachidienne sur trois critères
principaux :
une caractérisation
• Un déficit neurologique évolutif depuis moins physiopathologique
de 24 h s’il est radiculaire, et moins de 8 h s’il de la douleur rachidienne
est d’origine médullaire, dans l’idéal.
• Le caractère dit « hyperalgique » d’un Ce paragraphe représente une évidence pour
patient souffrant d’un conflit discoradiculaire l’algologue qui a construit sa culture sur
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE
charge chirurgicale des SCIENCE
pathologies MEDICALE
rachidiennes 335

Figure 32.1. Hernie discale L5-S1 gauche en coupe axiale et coupe sagittale.

l’investigation clinique, mais il s’agit du principal dermatomale superficielle de l’innervation


écueil en chirurgie rachidienne : prendre le temps d’un organe ou d’une structure (par exemple
d’examiner correctement son patient, c’est-à-dire l’articulation sacro-iliaque), connectée au sys-
de manière systématisée. tème végétatif par des afférences viscérales
et des efférences mixtes (rameaux communi-
cants blancs et gris), empruntant l’innervation
Généralités sur le processus nociceptive.
de chronicisation de la douleur
Comme évoqué ci-dessus, face à des douleurs Caractérisation
rachidiennes ou lomboradiculaires invalidantes, physiopathologique de la douleur
il apparaît primordial de mener une enquête nociceptive aiguë
physiopathologique soigneuse afin d’identifier un
trigger pouvant être à l’origine d’une partie ou de Dans le cadre d’une douleur identifiée, qu’elle soit
la totalité des symptômes. d’origine lombaire ou radiculaire, il est important
Il s’agit de distinguer la composante axiale d’un point de vue physiopathologique [8], d’iden-
lombaire de la composante radiculaire dès le tifier la composante douloureuse répondant à un
début de l’analyse. Il faut en revanche toujours excès de nociception (phase 1 de la figure 32.4).
garder à l’esprit que la souffrance radiculaire et la Il s’agit d’une stimulation pathologique d’un sys-
souffrance axiale sur un dermatome donné corres- tème nerveux encore intègre, lequel va réagir de
pondent toutes deux à une atteinte des branches manière physiologique à une agression neuronale.
d’innervation postérieures et antérieures d’une On se positionne à titre d’exemple dans le cadre
même racine nerveuse. d’une compression discoradiculaire responsable
Cette démarche permettra par ailleurs de dif- d’une radiculalgie aiguë, nociceptive. Ces infor-
férencier la radiculopathie vraie d’une douleur mations sont médiées par les voies spinothala-
projetée. La première traduit une souffrance miques et intégrées au niveau cortical, après avoir
neurologique lésionnelle liée à une agression passé le filtre thalamique.
radiculaire directe, tandis que la douleur pro- À ce stade, la douleur est accessible aux antal-
jetée ou référée correspond à la projection giques classiques et, dans le cadre d’un conflit
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
336 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 32.2. Scoliose thoracolombaire dans le plan sagittal et axial.

Figure 32.3. Spondylolisthésis L5-S1.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE
charge chirurgicale des SCIENCE
pathologies MEDICALE
rachidiennes 337

Figure 32.4. Schéma récapitulatif du processus de chronicisation de la douleur.

discoradiculaire, elle répondra à une décompres- de plus en plus indépendante des efforts menés
sion chirurgicale. La « guérison » est possible. par le patient. Nous nous trouvons alors dans
une phase intermédiaire où il sera nécessaire
de reverser la situation avant qu’elle ne se
Caractérisation chronicise.
physiopathologique
de la douleur inflammatoire
Caractérisation
Lors d’un processus d’inflammation chronique, physiopathologique de la douleur
un phénomène d’hyperalgésie primaire survient chronique neuropathique
progressivement, impliquant, non seulement le
système nerveux périphérique, mais aussi le sys- Le stade ultime correspond à la phase 3 de la
tème nerveux central (phase 2 de la figure 31.4). figure 31.4 et implique des modifications irréver-
Il s’agit de modifications adaptatives restant sibles du système nerveux périphérique et central.
encore réversibles mais si le stimulus persiste, on Il traduit un processus de chronicisation de la
observera une perte progressive de cette plasticité douleur responsable d’une altération neuronale
adaptative neurale pour engendrer des modifica- pour laquelle tout traitement à visée étiologique,
tions plus définitives. La douleur inflammatoire qu’il soit pharmacologique ou non, sera voué à
peut encore être contrôlée par des antalgiques l’échec. Nous sommes alors en présence d’une
antinociceptifs ou des anti-inflammatoires [4] véritable lésion nerveuse, telle que B. Bennett
dans sa phase initiale. et Xie en 1990 définissent la douleur neuropa-
On peut illustrer ce propos en évoquant thique [9]. La composante mécanique sur le plan
l’exemple de la sacro-iliite, responsable de de l’interrogatoire et de l’examen sémiologique
lombalgies inflammatoires. Progressivement, sera absente et tout geste de décompression
la symptomatologie continuera à évoluer de infructueux. Les traitements antalgiques anti-
manière diurne mais aussi nocturne, devenant nociceptifs n’auront plus lieu d’être prescrits.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


338 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Le patient devra donc s’inscrire au niveau de non spécifiques, complètement dépendant des
son parcours de soins dans une démarche non compétences du praticien et de sa rigueur
plus à visée étiologique, mais à visée palliative d’analyse [13]. Si l’on admet que la lombalgie
ou symptomatologique. Il n’y aura plus de place correspond à une irradiation douloureuse sur
pour la chirurgie rachidienne dans ce contexte, des métamères compris entre la zone T11 et S3,
bien évidemment. et que toute douleur traduit une agression
du système nerveux, on peut supposer qu’à
l’origine de la lombalgie, correspond une agres-
Caractérisation sémiologique sion des branches postérieures responsables de
de la composante neuropathique l’innervation métamérique de cette région, et
donc des branches postérieures des racines T11
Une douleur neuropathique présente des caracté- à S3 [4].
ristiques sémiologiques comprenant [10,11] : De même, si l’on admet qu’une douleur neu-
• une indépendance vis-à-vis des efforts et des ropathique peut être secondaire à une lésion
sollicitations mécaniques ; nerveuse et que la radiculalgie peut être neu-
• un caractère nocturne ; ropathique, il est logique et légitime d’émettre
• des caractéristiques à type de brûlure, de sensa- l’hypothèse qu’une lombalgie puisse également
tion d’étau, de décharges électriques, avec des être neuropathique, au moins partiellement, si
pics paroxystiques ; l’on s’en réfère au processus de chronicisation de
• une zone d’hypoesthésie ou de modification de la douleur décrit ci-dessus [14,15].
la perception ;
• une zone d’allodynie ;
• une non-réponse à des traitements antalgiques Synthèse de l’analyse
à visée antinociceptive. sémiologique
À l’opposé, les douleurs mécaniques sont
plutôt : Composante périphérique radiculaire
• impulsives à la toux ; C’est la première à caractériser. L’analyse n’est pas
• dépendantes des efforts et des sollicitations si délicate, dans la mesure où il faut rester binaire :
mécaniques ; • Soit le praticien fera face à une radiculalgie plu-
• accentuées au cours de la journée ; tôt mécanique, volontiers aiguë, pour laquelle
• absentes pendant le sommeil ou la station de la symptomatologie sera dépourvue de conno-
décubitus ; tation neuropathique. L’examen clinique met-
• absentes en position antalgique ; tra volontiers en évidence des signes de tension
• accessibles aux antalgiques classiques ; radiculaire de type Lasègue ou une impulsivité
• dépourvues de connotation neuropathique à la toux. Une imagerie devra être effectuée
(brûlure, décharges électriques, fourmis, pour rechercher un conflit discoradiculaire ou
engourdissement, etc.). une explication mécanique/biomécanique à la
douleur présentée par le patient. Dans ce cas,
Description de la lombalgie on aboutira au final à une expertise chirurgicale
rachidienne pour savoir s’il existe un conflit à
neuropathique
l’origine d’un substrat pouvant être accessible à
D’une manière générale, la lombalgie affecte un geste à visée étiologique, dans un contexte
entre 70 et 85 % la population l’adulte au résistant à la prise en charge ou dans le cadre
cours de sa vie [12] ; 45 à 75 % des patients d’une urgence.
expérimentent cette douleur pendant au moins • Soit la douleur radiculaire sera neuropathique,
12 mois [2]. Un diagnostic précis ne peut pas avec ou sans antécédents chirurgicaux. Les
être posé chez environ 85 % des patients, ce arguments mécaniques au niveau sémiologique
qui se traduit par un étiquetage de lombalgies seront pauvres. Il n’y aura, par exemple, pas

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE
charge chirurgicale des SCIENCE
pathologies MEDICALE
rachidiennes 339

d’impulsivité à la toux ou de position antal- potentielles accessibles à un traitement, voire une


gique. On observera une certaine indépen- chirurgie. Le bilan doit être systématique.
dance de la douleur par rapport à l’effort, des
réveils nocturnes et une caractérisation neuro-
Analyse des disques
pathique, à type de brûlures, serrement dans
un étau et fourmillements. Dans ce contexte, Le score de Pfirrmann est utilisé pour caractériser
l’imagerie est plutôt effectuée pour exclure une l’état d’hydratation et la hauteur discale [17].
compression résiduelle. Une image de fibrose Il permet de grader sur l’IRM la dégénéres-
postopératoire ou d’inflammation périnerveuse cence du disque sur les séquences sagittales en
ira plutôt dans le sens d’une abstention chirur- pondération T2 et STIR. Le grade 1 correspond
gicale. à un disque sain et le grade 5 correspond à un
collapsus discal.
Composante axiale et lombaire La classification Modic permet une analyse
des plateaux vertébraux et de classifier leur
Comme évoquée précédemment, l’identification
état inflammatoire, accompagnant souvent la
des structures potentiellement génératrices de
dégénérescence discale. Décrite en trois stades,
douleurs est beaucoup plus complexe. La douleur
cette classification révèle des anomalies fré-
sera le plus souvent mixte avec une compo-
quentes et plusieurs études récentes tendent à
sante mécanique et neuropathique qui peuvent
prouver qu’elles sont associées à une origine
s’intriquer si les symptômes persistent au-delà de
discogénique de la lombalgie, en particulier
6 mois.
en cas de stade Modic 1. Ce score semble
L’expertise de chirurgie rachidienne sera déci-
être l’un des outils les plus pertinents pour
sive car elle devra passer scrupuleusement en
identifier une zone génératrice de douleur [18]
revue :
avec une forte valeur prédictive liée au change-
• la composante musculaire ;
ment de signal IRM du corps vertébral [19].
• la composante discogénique ;
L’hypothèse physiopathologique supportant la
• une potentielle instabilité ;
théorie du Modic est confortée par la recrudes-
• l’équilibre frontal et sagittal du patient ;
cence histologique des terminaisons nocicep-
• la composante articulaire postérieure ;
tives retrouvées au niveau des plateaux altérés
• l’analyse biomécanique post-chirurgicale si le
dans certaines études, en comparaison avec des
patient a déjà été opéré [16].
disques sains [20].
Des explorations radiologiques compléte-
Une analyse IRM du disque intervertébral per-
ront la clinique et préciseront si une indication
mettra aussi [18] :
chirurgicale comporte suffisamment de garan-
• de détecter une éventuelle tumeur ;
ties pour soulager, au moins partiellement, le
• de documenter d’éventuels signes de compres-
patient.
sions et de conflit discoradiculaire.
L’indication opératoire reposera au final :
• sur la dichotomie d’analyse sémiologique :
– dos/membres inférieurs, Analyse de la stabilité rachidienne
– mécanique/neuropathique ;
Seuls les clichés dynamiques du rachis en
• la confrontation de l’examen clinique aux
flexion, extension et inclinaison latérale per-
explorations complémentaires.
mettront de documenter une atteinte de la
stabilité discoligamentaire de manière for-
Bilan radiologique préopératoire melle. L’IRM est également précieuse en cas
de suspicion d’instabilité post-traumatique
L’imagerie représente une des clés de l’analyse pour l’analyse morphologique des structures
morphologique lésionnelle. Elle permet d’éta- ligamentaires, mais elle n’est pas un examen
blir des corrélations et d’identifier des cibles d’imagerie dynamique.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


340 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Analyse de l’équilibre • Faut-il compléter la décompression par une


La radiographie du rachis ne constitue qu’un stabilisation ?
élément du bilan initial, et tend à être remplacée • Quel type de stabilisation choisir, le cas
par l’EOS, qui permet une analyse plus fine de échéant ?
la statique et de l’équilibre sagittal. L’imagerie
EOS est actuellement en plein essor et de plus Quand décomprimer ?
en plus disponible dans de nombreux centres
[21]. Elle permet d’avoir une vision globale du Il faut décomprimer lorsqu’il y a conflit et donc
rachis (imagerie pan-rachidienne), et d’en évaluer sténose. Celle-ci peut être centrale ou foraminale.
les différentes courbures. Ce type d’imagerie a Elle caractérise soit un conflit discoradiculaire,
tendance à devenir un examen de référence afin soit un conflit médullaire.
d’établir un bilan de surveillance et de diagnostic Pour le préciser, il est nécessaire de déterminer
des déformations telles que les scolioses, mais son étiologie, son mécanisme, sa localisation, l’éten-
également de planifier la chirurgie. Ces imageries due de la sténose (nombre d’étages vertébraux) et
permettent d’effectuer une analyse fine du rachis le caractère statique ou dynamique du rachis.
de face et de profil, en entier, dans sa composante La compression canalaire peut être antérieure
statique avec une irradiation moindre qu’une (bourrelet discal, barre disco-ostéophytique,
radiographie standard [22]. lésion tumorale) ou postérieure (hypertrophie
Le scanner donne également de bons ren- arthrosique articulaire et dégénérative ligamen-
seignements radiologiques, en permettant des taire, kystes articulaires, lésion tumorale).
reconstructions dans les trois axes avant une chi- Au niveau du foramen, le rétrécissement peut
rurgie. L’IRM permet elle aussi une analyse de la être secondaire à une pathologie ou conflit disco-
déformation rachidienne et plus particulièrement ou arthroradiculaire (hernie discale foraminale ou
des tissus mous. sténose arthrosique). La clinique permet d’orien-
D’autres examens (myéloscanner et myélo- ter les hypothèses de localisation du processus
IRM) restent possibles, mais de moins en moins compressif. Une cruralgie traduit souvent un
utilisés du fait de l’amélioration progressive de la conflit foraminal en L3-L4 ou L4-L5. Une scia-
définition et de la sensibilité de l’imagerie. Des talgie L5 traduit souvent un conflit foraminal
infiltrations scano- ou radioguidées permettent en L5-S1 ou paramédian au niveau sus-jacent, à
une reproduction de la douleur, et/ou d’effectuer l’émergence de la racine, soit ici en L4-L5. Une
un test thérapeutique avec l’injection de produits sciatalgie S1 traduit souvent un conflit L5-S1
anesthésiants ou anti-inflammatoires. paramédian, à l’émergence du nerf.
Ces types de sténoses sont particulièrement
bien étudiés en IRM (tissus mous) ou en tomo-
densitométrie (os) [23].
À ce jour, il existe plusieurs études de niveau
Chirurgie rachidienne : de preuve scientifique suffisant pour recomman-
quand décomprimer ? der une chirurgie rachidienne de décompression
Quand stabiliser ? en cas de sténose lombaire symptomatique, par
exemple face à une claudication neurogène avec
La chirurgie rachidienne consiste en un équilibre sténose canalaire bien établie en imagerie [24].
subtil entre lever la décompression radiculaire D’un point de vue pratique, il s’agit d’abor-
et/ou canalaire, tout en préservant une bonne der le rachis lombaire le plus souvent par voie
stabilité rachidienne. postérieure, après repérage soigneux des étages
Les quatre questions fondamentales sont les concernés, grâce à un amplificateur de brillance en
suivantes : pré- et peropératoire. Puis l’on expose la totalité
• Faut-il réaliser une décompression ? de l’arc postérieur des vertèbres concernées (par
• Quelles racines ou niveau faut-il décomprimer ? un abord inter-myo-lamaire) [25] : processus

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE
charge chirurgicale des SCIENCE
pathologies MEDICALE
rachidiennes 341

épineux, lames et bords internes des isthmes d’imagerie préopératoire (voir précédemment).
reliant les processus articulaires. La décompres- Cependant, il convient de se méfier, car toute
sion correspond le plus souvent à un geste de mobilité pathologique n’est pas forcément
laminectomie. L’abord du canal vertébral se fait symptomatique ou visible sur des éléments
d’abord par ouverture du ligament jaune puis d’imagerie statique.
par l’exérèse bilatérale des lames, à la pince de • Une arthrectomie totale uni- ou bilatérale
Kerrison le plus souvent. La compression est engendre une déstabilisation du segment, et
ainsi levée sur la dure-mère en libérant l’espace doit être complétée par une stabilisation [28].
épidural qui ne comporte plus de graisse épi- • L’orientation des processus articulaires
durale à cet endroit. Il faut ensuite libérer plus (facettes), lorsqu’ils sont très sagittalisés, expose
latéralement, au plus près des articulaires, sans au risque de déstabilisation comme le décrivent
toutefois compromettre la stabilité si un geste de Sato et al [29].
stabilisation complémentaire n’est pas envisagé. • La prise en compte de l’équilibre sagittal et
La décompression peut s’étendre au foramen, de frontal du rachis : un déséquilibre principale-
manière oblique, en réalisant une foraminotomie ment de l’axe antéropostérieur est un argument
associée, afin de parfaire la libération radiculaire. supplémentaire pour stabiliser.
Tout comme pour la cure de hernie discale, Il existe de nombreux exemples d’instabilité tel
il existe également des techniques dites mini- que le spondylolisthésis, qui peut être clinique-
invasives, parfois avec abord endoscopique, ment asymptomatique et ne requiert alors aucune
réalisées à l’identique. Si la compression est correction chirurgicale [30]. À l’inverse, un spon-
franchement latéralisée, il peut être décidé dylolisthésis symptomatique pourra nécessiter une
d’opérer par un abord unilatéral ou par un chirurgie.
abord interépineux. Il faut donc ne pas omettre l’analyse des
La morbidité opératoire reste faible, avec 70 facettes articulaires et de leur sagittalisation [29],
à 90 % de bons résultats sur ce type d’inter- mais aussi l’évaluation et la mesure de l’équilibre
ventions [26]. À l’identique de la chirurgie de frontal et sagittal du rachis entier, afin de pouvoir
la hernie discale, la chirurgie de la sténose cana- décider de la procédure chirurgicale la plus
laire apporte un bénéfice plus important sur les adaptée.
signes radiculaires que sur les lombalgies, ce
dont le patient doit être clairement informé en
préopératoire. Comment fixer ?
L’arthrodèse lombaire a pour objectif de fixer
Quand stabiliser ? définitivement une ou plusieurs des articulations
intervertébrales.
Quelle que soit la lésion incriminée, il faut tou- La voie postérieure est plus souvent utilisée
jours veiller à ne pas engendrer d’instabilité iatro- que la voie antérieure [25], puisqu’elle permet
gène. Le rachis doit répondre aux trois fonctions d’intervenir sur le canal rachidien et de lever une
de base que sont la statique, le dynamisme et éventuelle compression associée (figure 32.5).
la protection des éléments nerveux. La fixation Comparées aux chirurgies de canal lombaire étroit
chirurgicale des vertèbres permet de corriger et de cure de hernie discale, les indications de chi-
l’altération d’une de ces fonctions au niveau du rurgie d’arthrodèse lombaire sont plus variées et
segment pathologique. controversées [30]. Toutes les techniques chirur-
Les éléments de choix stratégiques incluent : gicales ont leurs avantages et leurs inconvénients,
• L’instabilité préopératoire : la littérature tend avec toujours pour principe d’obtenir une fusion
à montrer que l’adjonction d’une stabilisation osseuse des vertèbres au moyen de vis implantées
améliore les résultats fonctionnels constatés dans les corps vertébraux et reliées par des tiges
[27], ce qui souligne l’importance des bilans ou plaques de différents matériaux.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


342 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 32.5. Ostéosynthèse thoraco-lombo-sacrée sur


fracture L4 initialement traitée par un montage court, puis
compliquée d’une pseudarthrose (vertèbre non vissée),
nécessitant une extension longitudinale du montage,
un geste de décompression postérieure et un geste de
stabilisation latérale au niveau des disques adjacents.

Le but de la chirurgie est de stabiliser de


manière primaire (ostéosynthèse) afin d’obtenir
une fusion secondaire (arthrodèse). Le choix
de la technique utilisée est affaire d’équipe
chirurgicale. Figure 32.6. Schémas des différentes approches
L’arthrodèse par voie postérieure consiste à chirurgicales d’arthrodèses intersomatiques en coupe
implanter des vis pédiculaires le plus souvent axiale.
bilatérales, lesquelles seront reliées par des tiges
longitudinales. Des dispositifs transverses per-
mettent de sécuriser le montage en augmentant
considérablement leur rigidité et en évitant l’effet Certaines techniques requièrent la mise en place
de cisaillement/balayage des tiges observé dans de matériel de fusion dans l’espace intervertébral
les montages qui en sont dépourvus. Le point antérieur (système de « cages »), entre les plateaux
d’entrée des visées pédiculaires peut être pos- vertébraux. Ces cages sont des systèmes creux
térolatéral, entre le processus articulaire et le introduits dans l’espace intervertébral, ensuite
processus transverse (voie transpédiculaire), ou remplis d’os spongieux, après discectomie et avi-
directement au niveau de l’articulaire postérieure vement des plateaux vertébraux.
(trans-lamino-facétaire). La fusion osseuse est Une arthrodèse intersomatique peut être réali-
donc assurée par la mise en place d’un greffon sée selon plusieurs approches (figure 32.6) :
osseux au contact du matériel d’ostéosynthèse et • par voie postérieure ou Posterior Lumbar Inter-
l’avivement des éléments osseux adjacents (lames, body Fusion (PLIF) [31] ;
processus transverses et articulaires). Une greffe • par voie transversaire ou Transverse Lumbar
osseuse autologue (os du patient) ou l’utilisation Interbody Fusion (TLIF) [32] ;
d’os de banque est souvent nécessaire à la fusion. • par voie antérieure ou Anterior Lumbar Inter-
L’utilisation de médicaments agissant sur la struc- body Fusion (ALIF) [33] ;
ture osseuse et sur la minéralisation, en favorisant • par voie latérale ou eXtreme Lateral Interbody
la fusion, n’est actuellement pas recommandée. Fusion (XLIF) [34].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE
charge chirurgicale des SCIENCE
pathologies MEDICALE
rachidiennes 343

Posterior Lumbar Transforaminal Lumbar


Interbody Fusion (PLIF) Interbody Fusion (TLIF)
Dans la technique PLIF, l’accès chirurgical au L’approche TLIF a pour avantage principal un
disque intervertébral s’obtient à partir d’un abord accès direct et unilatéral à l’espace interverté-
strictement postérieur [31]. Le patient est installé bral foraminal tout en réduisant la dissection
en décubitus ventral sur la table d’opération. directe et le traumatisme chirurgical des mus-
On peut utiliser une approche de ligne médiane cles rachidiens [32]. Il est possible de réaliser
ouverte avec une dissection bilatérale intramus- une arthrodèse antérieure en n’ouvrant le canal
culaire par discision musculaire ou voie de Wiltse rachidien que d’un seul côté, afin de limiter
pour accéder à l’arc postérieur du corps verté- le risque de dommages des racines nerveuses.
bral [25]. Une fois que le processus épineux et les Comme d’autres procédures de fusion, le TLIF
lames sont identifiés (L1-S1), une laminectomie peut être effectué par une procédure ouverte
peut être réalisée jusqu’aux facettes articulaires. ou bien une procédure dite MIS (« mini-
La dure-mère doit être réclinée pour exposer le open »). Une incision mini-invasive paramé-
disque. Les surfaces articulaires peuvent alors être diane est alors utilisée, permettant un accès
préparées pour permettre l’insertion d’implants/ privilégié à l’espace discal adapté, entre les
cages ou de greffons. L’approche postérieure niveaux L1 et S1. L’accès au canal rachidien
peut convenir aux rachis dégénératifs nécessitant est possible par une laminectomie unilatérale
une procédure de fusion. Une instabilité segmen- et une facetectomie inférieure, pour faciliter
taire (en cas de spondylolisthésis, par exemple), le placement du greffon osseux. Les indica-
une hernie discale récurrente, une sténose rachi- tions d’une approche TLIF incluent toutes
dienne symptomatique (canal lombaire étroit, par les pathologies dégénératives, y compris les
exemple), ainsi qu’une pseudarthrose peuvent prolapsus de disque à large base, la maladie
bénéficier d’une procédure par PLIF. discale dégénérative évoluée, la hernie discale
Il existe plusieurs avantages associés à la récurrente, la pseudarthrose et la spondylose
chirurgie PLIF : symptomatique.
• C’est une approche lombaire traditionnelle Les avantages de l’approche TLIF :
à laquelle la majorité des chirurgiens de la • L’accès aux structures postérieures, y compris
colonne vertébrale sont formés. au ligament jaune et aux surfaces articulaires,
• Une exposition postérieure du fourreau dural est relativement plus facile.
permet une excellente visualisation des racines • Comparée à une technique PLIF tradition-
nerveuses sans compromettre l’apport sanguin nelle, elle préserve les structures ligamentaires
au greffon. qui sont essentielles pour restaurer la stabilité
• Elle permet une restauration adéquate de la biomécanique du segment et des structures
hauteur intercorporéale [35], permettant une adjacentes.
décompression neurale tout en maintenant des • L’abord mini-invasif peut réduire davantage les
structures de soutien postérieures. blessures musculaires associées à l’approche,
• Elle permet également une fusion potentielle à minimiser les saignements et ainsi améliorer la
360 degrés par une seule incision. récupération postopératoire.
Il existe néanmoins des inconvénients que le L’inconvénient est que le TLIF, comme
chirurgien doit prendre en condition : lésions le PLIF, est associé à une lésion musculaire
iatrogènes paraspinales associées à une rétraction iatrogène paraspinale avec une rétraction mus-
musculaire prolongée, difficultés à corriger le dés- culaire prolongée. Des études ont montré une
équilibre sagittal et restaurer la lordose, ainsi que moins bonne réduction du déséquilibre sagittal
les lésions nerveuses lors du passage de la cage et une moins bonne restauration de la lordose
(7,8 % PLIF vs 2 % TLIF) et les brèches durales par rapport aux approches antérieures, avec néan-
(17 % PLIF vs 9 % TLIF) [36]. moins moins de complications vasculaires.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


344 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Mini Transforaminal Lumbar


Interbody Fusion (miTLIF)
Il s’agit de réaliser le même abord que le TLIF,
toujours par une voie transmusculaire, mais d’y
associer cette fois une instrumentation controlaté-
rale par voie percutanée. Cette technique présente
les mêmes bénéfices que le TLIF en termes de
fusion mais des saignements peropératoires moin-
dres et une récupération plus rapide.

Extraforaminal Lumbar
Interbody Fusion (ELIF)
Il s’agit d’une voie encore plus latérale que le mi-
TLIF, et réalisée par voie intermusculaire entre
les muscles longissimus et multifidus [37]. Elle
permet des résultats comparables en termes de Figure 32.7. Fusion intersomatique latérale XLIF L2-L3
gauche sus-jacente à une arthrodèse par voie pos-
fusion, mais avec encore moins de délabrement térieure L3-L4-L5.
musculaire que les voies mini-invasives classiques.

eXtreme Lateral Interbody


Oblique Lumbar Interbody Fusion (XLIF) ou Lumbar Lateral
Fusion (OLIF) Interbody Fusion (LLIF)
L’approche a été décrite la première fois en 1977 Il s’agit d’une technique de fusion inter-
et implique un abord entre le péritoine et le somatique latérale extrême décrite par Ozgur
muscle psoas. La technique est utile si la chirurgie et al. en 2006 [34]. L’accès à l’espace dis-
ne nécessite pas de fixation ou de libération cal est possible par un couloir rétropéritonéal
postérieure. trans-psoatique (figure 32.7).
Elle a comme avantage qu’elle ne dissèque ni ne L’approche LLIF est adaptée pour des condi-
traverse le muscle psoas. L’installation en décubi- tions qui nécessitent un accès à l’espace entre
tus latéral droit ou gauche, selon les préférences les disques entre T12 et L5. Cette technique
du chirurgien, en facilite l’accès. Une incision n’est pas adaptée au niveau L5-S1, en raison de
latérale et paramédiane est effectuée en fonc- l’emplacement de la crête iliaque qui obstrue
tion de la position et de l’angulation du disque l’accès latéral. De plus, en regard des derniers
lors du repérage scopique après installation du niveaux lombaires, le plexus lombaire se dirige
patient. L’enregistrement électrophysiologique plus vers l’avant et les vaisseaux iliaques se dépla-
n’est pas nécessaire car aucun muscle ni nerf cent plus latéralement, ce qui augmente le risque
n’est rencontré. La technique OLIF convient de blessure par une approche latérale. Le patient
aux niveaux L1-S1. Les indications comprennent est positionné latéralement, à gauche ou à droite,
tout le rachis dégénératif et en particulier la prise selon la préférence du chirurgien et la facilité
en charge de déformation dans le plan sagittal et d’accès. Une petite incision latérale est réalisée
coronal et en particulier la scoliose dégénérative en fonction de la position et de l’angulation
lombaire avec latérolisthésis. Les complications du disque lors du repérage par amplificateur de
principales sont : l’infection (4,4 %) l’iléus réflexe brillance lorsque le patient est installé. Le neu-
(2,9 %) et les plaies vasculaires (2,9 %). romonitoring est essentiel pour l’accès à l’espace

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE
charge chirurgicale des SCIENCE
pathologies MEDICALE
rachidiennes 345

discal au travers du psoas, afin de ne pas léser des Les principales indications de l’ALIF sont les
rameaux nerveux. douleurs discogéniques ainsi que les lombalgies
postopératoires en rapport avec une hernie dis-
cale sans radiculalgie. L’un des avantages de la
Anterior Lumbar Interbody technique est l’absence de lésion ou de rétraction
Fusion (ALIF) musculaire ainsi que la limitation des saignements
peropératoires, un accès complet et symétrique
Initialement développée par Capener en 1932 au disque et une préparation sans équivalent des
pour traiter un spondylolisthésis par voie anté- plateaux vertébraux.
rieure, puis par Burns en 1933, cette technique Si les étages sont fusionnés à l’aide d’une
fut progressivement délaissée au profit des « cage » avec greffe osseuse, on parle alors bien
approches postérieures pour leur plus faible taux d’arthrodèse, mais à l’inverse, la mise en place
de complications opératoires et de morbidité. Elle d’une prothèse, assurant un certain degré de
constitue pourtant une approche très intéressante, mobilité rachidienne, peut être indiquée en cas de
notamment en L5-S1. lombalgies isolées sans radiculalgies (figure 32.8).

Figure 32.8. Arthrodèse lombaire antérieure L5-S1 avec mise en place d’une cage intervertébrale de type ALIF, avec
double ancrage.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


346 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Les étages opérés sont le plus souvent les étages du matériel [35]. À ce stade de la procédure,
inférieurs L5-S1 et/ou L4-L5, du fait de l’impos- la taille de l’implant est choisie en fonction de
sibilité d’accéder à la partie antérieure du disque l’espace aménagé, qu’il s’agisse d’une cage de
intervertébral aux étages supérieurs, gêné par les fusion osseuse (arthrodèse) ou d’une prothèse
axes vasculaires aortocaves et leurs bifurcations discale (arthroplastie).
iliaques. Un bilan d’imagerie vasculaire (angios- Pour résumer, le geste d’arthrodèse intersoma-
canner ou angio-IRM) est indispensable afin de tique permet de :
déterminer la hauteur de la bifurcation des axes • reconstituer une hauteur de l’espace intersoma-
aortiques et cave pour planifier l’intervention et tique équivalente à celle du disque [35] ;
choisir la meilleure approche. • créer une fusion antérieure grâce à une greffe
Par opposition à l’arthrodèse lombaire posté- osseuse concomitante ;
rieure, la fusion osseuse ne peut s’envisager qu’en • réouvrir les foramens latéraux intervertébraux
avant sur le disque intervertébral, sans possibilité et ainsi réaliser une décompression radiculaire
de geste sur les processus articulaires postérieurs. indirecte.
On accède à la partie antérieure du rachis L’association d’une stabilisation intersomatique
lombaire par une incision à la partie basse de à une instrumentation postérieure définit une
l’abdomen (semblable à celle de la césarienne de arthrodèse circonférentielle [40], permettant aux
Pfannenstiel), menant à l’espace rétropéritonéal. trois systèmes articulaires de fusionner.
Après incision, les muscles droits de l’abdomen Ces chirurgies présentent une faible morbidité
sont réclinés pour permettre de mobiliser le péri- dans la plupart des séries publiées [41].
toine avec ses viscères sans l’ouvrir, et ainsi accé- Les principales complications peropératoires
der à l’espace rétropéritonéal. Les complications sont :
spécifiques à cette chirurgie sont essentiellement • La brèche de dure-mère, pouvant être à l’ori-
dues à la voie d’abord et comprennent principa- gine d’un méningocèle, d’une fistule cutanée,
lement les lésions vasculonerveuses et du tractus voire d’une méningite postopératoire. Cette
urogénital. On pourra mentionner : complication peut conduire à une ou plusieurs
• Les éléments nerveux, tels que le nerf géni- réintervention(s).
tofémoral sur la face antérieure du psoas, et • Les lésions du système nerveux, allant de
le plexus hypogastrique accolé au péritoine l’embrochage radiculaire à la contusion médul-
en avant du rachis lombaire, le plus souvent laire.
en L5-S1, encadré par les chaînes sympathiques Les complications chirurgicales postopératoires
latérovertébrales. sont de différents ordres :
• Les éléments vasculaires, tels que la veine iliaque • L’hématome (cutané, sous-cutané, sous-apo-
gauche commune, la veine cave inférieure et la névrotique ou intracanalaire) : complication
veine iliolombaire [38], et parfois l’artère sacrée souvent précoce, qui se situe souvent sur la
moyenne qui est inconstante. voie d’abord, et peut provoquer des douleurs
• Les éléments urologiques avec les uretères ou l’apparition d’un déficit neurologique. Elle
s’abouchant à la vessie, ainsi que le péritoine impose parfois une reprise chirurgicale en
lui-même en rapport avec des ganglions lym- urgence sans attendre d’imagerie.
phatiques. • Une infection peut également survenir en
• L’éjaculation rétrograde par lésion du plexus général plus à distance de la chirurgie (du 8e
hypogastrique chez l’homme et la sécheresse au 15e jour). Elle peut nécessiter une reprise
vaginale chez la femme [39]. chirurgicale au cours de laquelle sont réalisés de
Suite à la bonne exposition chirurgicale de nombreux prélèvements. Une antibiothérapie
l’espace intervertébral, aidé d’un repérage sco- de 6 à 8 semaines est actuellement recom-
pique par amplificateur de brillance, on réalise mandée en cas d’infection profonde [42]. En
une discectomie pour extraire le disque et aviver présence de matériel, et en cas d’échec après un
les plateaux vertébraux en vue de la mise en place premier lavage, il est conseillé d’en pratiquer

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE
charge chirurgicale des SCIENCE
pathologies MEDICALE
rachidiennes 347

l’ablation et/ou son remplacement dans le notamment dans la chirurgie du spondylolisthésis.


même temps opératoire. Le germe en cause Enfin, la chirurgie rachidienne robotisée connaît
peut modifier cette stratégie (slime caractéris- un engouement récent, avec près de 10 ans de
tique des staphylocoques rendant l’issue beau- retard sur d’autres spécialités.
coup plus péjorative, en l’absence d’ablation, si
l’infection est au contact de matériel).
• les complications thromboemboliques ; Chirurgie de la déformation
• la pseudarthrose ;
• la défaillance du matériel liée aux contraintes ; Les déformations du rachis ne doivent, à l’heure
• les lésions des organes adjacents, en cas de mal- actuelle, plus être traitées comme des lésions iso-
position de vis ou d’abord par voie antérieure. lées d’un étage ou d’une vertèbre. Il faut pouvoir
Pour conclure, les méta-analyses et les revues les intégrer dans un concept d’équilibre général,
systématiques de la littérature ne montrent pas de face comme de profil, en prenant en compte
d’avantage significatif de l’ALIF par rapport la position du sacrum et du pelvis par rapport au
au TLIF en termes de taux de fusion, mais une rachis (paramètres spinopelviens). Ce sont des
augmentation des plaies vasculaires (2,6 % versus valeurs et des concepts fondamentaux dans l’éva-
0 %), une diminution a contrario des brèches luation de la statique et dynamique rachidienne.
durales (0,4 % vs 3,8 %) et des taux d’infection
comparables [43].
L’équilibre rachidien
Techniques mini-invasives Depuis de nombreuses années, le développement
de l’imagerie et d’applications dédiées permet
Apparue dans les années 1990, la chirurgie mini- l’analyse de différents angles et orientations pour
invasive s’est développée sous l’essor de la chirur- chaque patient, afin de rétablir un équilibre adapté
gie microscopique, de la chirurgie vidéoassistée, à ses courbures propres [44].
puis de la chirurgie endoscopique. Les techniques Dans le plan sagittal, on retrouve :
percutanées ont été initialement indiquées pour • L’incidence pelvienne qui est un angle mor-
la prise en charge des fractures thoracolombaires, phologique formé par le bassin et son orien-
ainsi que pour celle des hernies discales par tation, avec l’angle formé par une première
voie endoscopique. Les abords classiques ont droite reliant le centre des têtes de fémur et le
été transformés en « mini-abords », dans le but milieu du plateau sacré de S1 et une seconde
de permettre une récupération plus rapide. Des droite perpendiculaire au plateau de S1 : cet
abords transmusculaires (voie de Wiltse) ont été angle est de 51,4° en moyenne dans une
développés en utilisant des tubes fermés souples population d’adultes jeunes et sains [45]. À
puis rigides, et ensuite des tubes distractables puis une forte incidence sont souvent corrélées
expansibles permettant une nette amélioration de une forte lordose lombaire et une cyphose
l’éclairage in situ (par des systèmes de lumière thoracique [45,46].
froide et l’utilisation de microscopes). Les indi- • L’angle de version pelvienne est un angle
cations ont ensuite été étendues à des gestes de formé par la verticale des têtes fémorales et une
décompression-fixation. droite reliant le centre des têtes fémorales et le
Ces techniques sont censées être moins trauma- milieu du plateau sacré. Cet angle est de 12°
tisantes sur le plan musculaire et limiter les pertes en moyenne. Il va augmenter si le bassin se
sanguines ainsi que la durée opératoire. Elles rétroverse, c’est-à-dire si le sacrum se vertica-
auraient aussi comme avantage une diminution lise, donc avec une pente sacrée diminuée : il
de la durée d’hospitalisation, un taux moindre s’agit d’un angle positionnel. On calcule ainsi
d’infection, ainsi qu’une réduction des douleurs avec la rétroversion du bassin et l’obliquité des
postopératoires. Cela reste toutefois à démontrer, fémurs l’index full balance integrated (FBI)

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


348 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

permettant d’évaluer de manière globale la de la lordose au rachis. L’ostéotomie créant foca-


correction à réaliser et la méthode opératoire lement un « vide » corporéal antérieur, il est
la plus adaptée [47]. nécessaire de le combler par une greffe osseuse ou
• Le troisième angle, lui aussi positionnel, cor- une cage [48], afin de maintenir la correction et
respond à l’angle de gîte sagittale en T9 (ver- de limiter le risque de pseudarthrose.
tèbre considérée comme le centre de gravité du On distingue les déformations à type de sco-
corps). Cet angle se mesure entre la verticale lioses primaires, fréquemment diagnostiquées à
abaissée sur les têtes fémorales et la droite l’adolescence durant la croissance et les scolioses
reliant les têtes fémorales et le milieu du corps secondaires qui sont, elles, pathologiques et appa-
de T9 ; il est assez constant, à 11° en moyenne. raissent avec l’âge, favorisées par l’ostéoporose.
L’imagerie complète du rachis, permise par Il est également à noter que la déformation
le système EOS [42] (figure 32.9), permet iatrogène consécutive à une chirurgie d’arthro-
de calculer rapidement et précisément dans dèse vertébrale conduit à la création d’une entité
le plan frontal l’angle de Cobb pour chiffrer particulière : le syndrome du segment adjacent
l’amplitude de la déformation : il s’agit de la ou adjacent level syndrom [49]. L’arthrodèse lom-
mesure de l’angle formé par les deux lignes baire peut supprimer une partie de la souplesse du
tangentielles aux plateaux des deux vertèbres rachis et entraîner des contraintes mécaniques sup-
limites, les plus inclinées sur l’horizontale (pla- plémentaires aux étages adjacents (figure 32.11).
teau inférieur de la vertèbre la plus caudale de Le traitement chirurgical des déformations doit
la déformation et le plateau supérieur de la donc être adapté à l’étiologie et au type de
vertèbre la plus craniale). En préopératoire, ce déformation avec une analyse fine des paramètres
type de système permet de connaître la cyphose préopératoires, notamment l’équilibre du rachis,
globale entre T4 et T12 et la cyphose locale grâce à l’imagerie dédiée.
des différents étages. Il convient d’analyser cet
équilibre rachidien, afin de choisir les zones
nécessitant une fusion ou une libération par Facteurs prédictifs
ostéotomie (figure 32.10).
psychosociaux et
environnementaux de succès
Une grande diversité
Les pathologies rachidiennes sont donc devenues
des pratiques chirurgicales
un problème de santé publique majeur et l’on
L’arthrodèse par voie postérieure est le plus sou- estime que 80 % de la population en souffre ou
vent pratiquée en cas de déformation. Lorsque en souffrira au cours de son existence [12]. De
celle-ci est considérée comme souple sur les cli- nombreuses études se sont attachées à évaluer
chés radiographiques préopératoires et sur la table les coûts et le retentissement des douleurs rachi-
d’intervention (table spéciale de mise en exten- diennes et en particulier des lombalgies. Dans un
sion du rachis), une correction par instrumenta- contexte de douleur chronique, il a été établi que
tion postérieure est plus généralement proposée. les facteurs psychosociaux peuvent être prédic-
À l’opposé, les cyphoses peu évoluées et très teurs de mauvais pronostic dans les suites d’un
peu réductibles sont une bonne indication à une traitement chirurgical même bien conduit [50].
chirurgie par voie antérieure ou latérale. Cette Il faut donc s’obstiner à identifier les facteurs
stratégie est généralement appliquée à l’adulte de risque de survenue de la pathologie, d’une
jeune en fin de croissance. rechute ou d’une récidive. L’installation d’une
Lorsque la cyphose engendre un déséquilibre chronicisation des signes lombaires impose
douloureux, une arthrodèse avec ostéotomie pos- un coût important au système de soins (voir
térieure (OTP) peut être proposée pour redonner chapitre 1).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE
charge chirurgicale des SCIENCE
pathologies MEDICALE
rachidiennes 349

Figure 32.9. Mesure des paramètres angulaires rachidiens.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


350 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Figure 32.10. Correction chirurgicale d’un trouble de l’équilibre sagittal après extension d’une arthrodèse thoraco-
lombosacrée avec ostéotomie transpédiculaire (OTP).

Facteurs de risques Pour cela, plusieurs tests abrégés sont utilisés,


et facteurs prédictifs tels qu’un questionnaire de qualité du sommeil,
l’échelle HAD (Hospital Anxiety and Depression
de survenue et de chronicité Scale) qui peut se révéler adapté aux lombal-
des douleurs rachidiennes giques [53], l’inventaire de dépression de Beck
postopératoires (Beck Depression Inventory ou BDI), l’inven-
taire d’anxiété état-trait (State-Trait Anxiety
L’un des premiers éléments étudiés au niveau Inventory ou STAI), l’inventaire d’anxiété de
des facteurs de risque d’échec du traitement Beck (Beck Anxiety Inventory ou BAI), l’échelle
chirurgical du rachis est sans conteste l’aspect de pensée catastrophique (Pain Catastrophizing
psychologique. Le principal facteur retrouvé Score ou PCS) et l’échelle d’évaluation des
dans les études est le stress global mais sur- stratégies d’adaptation (Pain Coping Strategies
tout au travail, comme dans de nombreuses Questionnaire ou PCSQ). Il est aussi possible de
pathologies chroniques [51]. Parmi ces critères quantifier les capacités fonctionnelles du patient
psychologiques, plusieurs composantes peuvent ainsi que sa qualité de vie au moyen de ques-
être explorées : la dépression, l’anxiété, la per- tionnaires validés. La plus couramment utilisée
sonnalité, l’estime de soi, le coping (stratégie en chirurgie rachidienne est l’Oswestry Disability
d’adaptation développées par le patient face à Index (ODI) pour documenter l’impact fonc-
la douleur). Le chirurgien doit en avoir pleine tionnel des lombalgies chroniques [54].
conscience car par exemple, la dépression et De nombreuses études démontrent que le
l’anxiété qui sont des stratégies d’adaptation second facteur de risque majeur après le stress
inappropriées deviennent des variables préchirur- correspond aux efforts physiques répétés qui,
gicales associées à des résultats négatifs [50,52]. au travail, peuvent augmenter la prévalence des

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE
charge chirurgicale des SCIENCE
pathologies MEDICALE
rachidiennes 351

À l’inverse des facteurs physiques et psy-


chologiques, il existe peu d’études robustes
concernant les facteurs psychosociaux. Encore
une fois, les facteurs étudiés sont rapportés au
travail avec une augmentation des douleurs,
et un risque augmenté de survenue chez les
personnes insatisfaites de leur emploi ou ayant
peu de stimulation professionnelle [51,57]. On
comprendra aisément que le taux d’échec et
d’insatisfaction de la chirurgie soit augmenté
chez ces patients peu désireux de reprendre leur
travail et de poursuivre le traitement de leur
pathologie.
Plusieurs autres facteurs associés à l’emploi
ont été étudiés, comme le statut professionnel, le
contact social à l’intérieur de celui-ci, la notion
d’indemnisation et le salaire [61,62]. Ainsi, même
si les professions impliquant un travail physique
intense semblent associées à une fréquence accrue
de lombalgies, il apparaît que le poids des fac-
teurs psychosociaux et environnementaux est plus
important que celui des facteurs physiques et
mécaniques purs pour expliquer la récidive et la
chronicité de la lombalgie malgré un traitement
chirurgical.

Évaluation des handicaps


associés à l’échec
d’une chirurgie rachidienne
Les lombalgies représentent la pathologie chro-
nique entraînant le plus souvent une limitation
d’activités fonctionnelles tant physique que psy-
Figure 32.11. Téléradiographie système EOS face
et profil : arthrodèse lombaire laissant persister
chique, parmi la population de plus de 45 ans :
un déséquilibre sagittal et frontal majeur. elles sont l’une des principales causes de handicap
chronique [63]. Les premiers critères de handicap
du modèle de Wood se définissaient comme le dés-
lombalgies [50]. L’intensité du travail, notam- avantage social pour un individu donné résultant
ment physique, augmente non seulement le d’une déficience ou d’une incapacité qui limite
nombre de lombalgiques dans la population, ou interdit l’accomplissement d’un rôle normal.
mais également l’incidence du début des symp- Les situations de handicap concernent les actes
tômes et le taux d’échec d’une chirurgie bien essentiels de la vie quotidienne, familiale, profes-
conduite [55,56]. Parmi ces facteurs physiques sionnelle et sociale. C’est un aspect important de
aggravants, on retrouve également la statique cette pathologie qui ne doit pas être négligé et
avec la position assise prolongée, les vibrations qui démontre une fois encore qu’une préparation
ou encore le soulèvement de charges lourdes et multidisciplinaire pré- et post-chirurgicale reste
la position penchée. un élément primordial.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


352 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Il n’est plus à démontrer que la qualité de


vie des patients souffrant de douleurs du rachis
est largement inférieure à celle de la population
générale saine [64]. La capacité à reprendre et
maintenir une activité professionnelle est l’un
des critères objectifs principaux d’une éventuelle
chirurgie. La réinsertion professionnelle après
chirurgie doit toujours être envisagée même si
celle-ci est d’autant plus ambitieuse en raison
d’une augmentation du nombre et de la durée des
arrêts de travail. En effet, en cas de lombalgies, la
majorité des patients retourne travailler, après un
premier arrêt court, mais il est démontré que plus
la période des arrêts de travail s’allonge, plus les
chances de reprise diminuent [65]. On considère
même qu’une reprise de poste après 2 ans d’arrêt
de travail est plus qu’incertaine, voire quasi nulle.
Pire encore, certaines études mettent en évidence Figure 32.12. Mise en place d’une stimulation médul-
que le coût des lombalgies dans la population laire chez le même patient pour juguler la composante
active est comparable à celui de la dépression, des douloureuse neuropathique des membres inférieurs
pathologies coronariennes et du diabète [66]. après traitement par arthrodèse des douleurs méca-
niques lombaires.
La prise en compte des facteurs de risques psy-
chosociologiques permet donc d’obtenir de meil-
leurs résultats chirurgicaux. Ainsi, une approche souvent réfractaires. Il est donc important de
collaborative interdisciplinaire est essentielle à comprendre et d’envisager que là où la porte de
l’évaluation initiale d’un candidat à une chirurgie la réintervention ou d’une nouvelle chirurgie doit
du rachis, afin d’éviter ou de minimiser l’évolu- se fermer, celle de la prise en charge multidis-
tion vers la chronicité ou la récidive. ciplinaire de la douleur s’impose.
Il doit exister une collaboration entre les
chirurgiens du rachis et les spécialistes de la
Conclusion douleur pour proposer la meilleure option au
meilleur moment, ce d’autant que les patients
La chirurgie rachidienne apporte un bénéfice douloureux ne présentent que rarement des
indéniable au patient, sous réserve d’un processus douleurs exclusivement neuropathiques ou
de sélection rigoureux qui passe par un examen mécaniques (figure 32.12). On peut aujourd’hui
clinique détaillé, une caractérisation typologique aboutir à des prises en charge dites « combinées »
des douleurs et une corrélation radioclinique où chez un même patient, une chirurgie à visée
infaillible. étiologique peut concerner la composante méca-
Elle constitue un geste irréversible qui doit être nique de la douleur puis une chirurgie palliative,
soigneusement pesé pour régler de manière défi- telle que l’implantation d’une neurostimulation,
nitive une problématique biomécanique donnée. pourra être envisagée dans un second temps, afin
Restaurer l’anatomie par une technique chirurgi- de traiter la composante douloureuse neuropa-
cale à n’importe quel prix peut être dangereux. En thique, identifiée d’emblée (figure 32.12). La
cas d’échec, la réitération, voire la multiplication décision est souvent difficile. Elle doit inclure la
de chirurgies rachidiennes, sans expertise interdis- prise en compte des facteurs psychosociaux dans
ciplinaire du patient, se grèvera très probablement le cadre d’une évaluation multidisciplinaire. Pour
d’un mauvais pronostic, lié à l’apparition ou construire l’avenir, cette collaboration devra se
la persistance de douleurs chroniques le plus matérialiser par des unités de fonctionnement

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE
charge chirurgicale des SCIENCE
pathologies MEDICALE
rachidiennes 353

communes et l’intégration nécessaire du chirur- 12. Hult L. Cervical, dorsal and lumbar spinal syn-
gien du rachis dans une réflexion plus globale de dromes; a field investigation of a non-selected mate-
rial of 1200 workers in different occupations with
prise en charge de la douleur.
special reference to disc degeneration and so-called
muscular rheumatism. Acta Orthop Scand Suppl.
Références 1954;17:1–102.
1. Fayad F, Lefevre-Colau MM, Poiraudeau S, Ferma- 13. Airaksinen O, Brox JI, Cedraschi C, Hildebrandt J,
nian J, Rannou F, Wlodyka Demaille S, et al. Chro- Klaber-Moffett J, Kovacs F, et al. European guide-
nicity, recurrence, and return to work in low back lines for the management of chronic nonspecific low
pain: common prognostic factors. Ann Readaptation back pain. Eur Spine J Off Publ Eur Spine Soc Eur
Med Phys Rev Sci Soc Francaise Reeducation Fonct Spinal Deform Soc Eur Sect Cerv Spine Res Soc.
Readaptation Med Phys. 2004 May;47(4):179–89. 2006 Mar;15(Suppl 2):S192–300.
2. Hart LG, Deyo RA, Cherkin DC. Physician office 14. Attal N, Perrot S, Fermanian J, Bouhassira D. The
visits for low back pain. Frequency, clinical evalua- Neuropathic Components of Chronic Low Back
tion, and treatment patterns from a U.S. national Pain: A Prospective Multicenter Study Using the
survey. Spine 1995 Jan 1;20(1):11–9. DN4 Questionnaire. J Pain. 2011 Oct;12(10):1080–
3. Awad JN, Moskovich RM. Lumbar Disc Herniations: 7.
Surgical versus Nonsurgical Treatment. Clin Orthop. 15. Baron R, Binder A, Attal N, Casale R, Dickenson
2006 Feb;443:183–97. AH, Treede R-D. Neuropathic low back pain in
4. Nijs J, Apeldoorn A, Hallegraeff H, Clark J, Smeets clinical practice. Eur J Pain. 2016 Jul;20(6):861–73.
R, Malfliet A, et al. Low back pain: guidelines for 16. Assaker R, Zairi F. Failed back surgery syndrome:
the clinical classification of predominant neuropa- to re-operate or not to re-operate? A retrospective
thic, nociceptive, or central sensitization pain. Pain review of patient selection and failures. Neurochirur-
Physician. 2015 Jun;18(3):E333–346. gie 2015 Mar;61(Suppl 1):S77–82.
5. Shamji MF, Shcharinsky A. Use of neuropathic 17. Pfirrmann CW, Metzdorf A, Zanetti M, Hodler J,
pain questionnaires in predicting persistent post- Boos N. Magnetic resonance classification of lumbar
operative neuropathic pain following lumbar dis- intervertebral disc degeneration. Spine 2001 Sep
cectomy for radiculopathy. J Neurosurg Spine. 2016 1;26(17):1873–8.
Feb;24(2):256–62. 18. Thompson KJ, Dagher AP, Eckel TS, Clark M,
6. Fehlings MG, Perrin RG. The Timing of Surgical Reinig JW. Modic changes on MR images as studied
Intervention in the Treatment of Spinal Cord Injury: with provocative diskography: clinical relevance. A
A Systematic Review of Recent Clinical Evidence. retrospective study of 2457 disks. Radiology 2009
Spine 2006 May;31(Supplement):S28–35. Mar;250(3):849–55.
7. Ahn UM, Ahn NU, Buchowski JM, Garrett ES, Sieber 19. Modic MT, Steinberg PM, Ross JS, Masaryk TJ,
AN, Kostuik JP. Cauda equina syndrome secondary to Carter JR. Degenerative disk disease: assessment of
lumbar disc herniation: a meta-analysis of surgical changes in vertebral body marrow with MR imaging.
outcomes. Spine 2000 Jun 15;25(12):1515–22. Radiology 1988 Jan;166(1 Pt 1):193–9.
8. Blond S, Mertens P, David R, Roulaud M, Rigoard 20. Coppes MH, Marani E, Thomeer RTWM, Oudega
P. From “mechanical” to “neuropathic” back pain M, Groen GJ. Innervation of annulus fibrosis in low
concept in FBSS patients. A systematic review based back pain. The Lancet 1990 Jul 21;336(8708):189–
on factors leading to the chronification of pain (part 90.
C). Neurochirurgie 2015 Mar;61(Suppl 1):S45–56. 21. Courvoisier A, Garin C, Vialle R, Kohler R. The
9. Bennett GJ, Xie YK. A peripheral mononeuropathy change on vertebral axial rotation after posterior
in rat that produces disorders of pain sensation like instrumentation of idiopathic scoliosis. Childs Nerv
those seen in man. Pain. 1988 Apr;33(1):87–107. Syst. 2015 Dec 1;31(12):2325–31.
10. Bouhassira D, Attal N, Alchaar H, Boureau F, Bro- 22. Guigui P, Levassor N, Rillardon L, Wodecki P,
chet B, Bruxelle J, et al. Comparison of pain syn- Cardinne L. Physiological value of pelvic and spinal
dromes associated with nervous or somatic lesions parameters of sagital balance: analysis of 250 healthy
and development of a new neuropathic pain diagnos- volunteers. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot.
tic questionnaire (DN4). Pain. 2005 Mar;114(1– 2003 Oct;89(6):496–506.
2):29–36. 23. Morvan G. Imaging of lumbar stenosis. J Radiol.
11. Nijs J, Torres-Cueco R, van Wilgen CP, Girbes EL, 2002 Sep;83(9 Pt 2):1165–75. discussion 1177-
Struyf F, Roussel N, et al. Applying modern pain 1179.
neuroscience in clinical practice: criteria for the clas- 24. Lee SY, Kim T-H, Oh JK, Lee SJ, Park MS. Lumbar
sification of central sensitization pain. Pain Physician. Stenosis: A Recent Update by Review of Literature.
2014 Oct;17(5):447–57. Asian Spine J 2015;9(5):818.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


354 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

25. Wiltse LL, Spencer CW. New uses and refinements 39. Sasso RC, Kenneth Burkus J, Le Huec J-C.
of the paraspinal approach to the lumbar spine. Spine Retrograde Ejaculation After Anterior Lumbar
1988 Jun;13(6):696–706. Interbody Fusion: Transperitoneal Versus Retroperi-
26. Transfeldt EE, Topp R, Mehbod AA, Winter RB. toneal Exposure. [Miscellaneous Article]. Spine 2003
Surgical outcomes of decompression, decompression May;28(10):1023–6.
with limited fusion, and decompression with full 40. Mofidi A, Sedhom M, O’Shea K, Fogarty EE, Dow-
curve fusion for degenerative scoliosis with radiculo- ling F. Is high level of disability an indication for
pathy. Spine 2010 Sep 15;35(20):1872–5. spinal fusion? Analysis of long-term outcome after
27. Lee C-H, Hyun S-J, Kim K-J, Jahng T-A, Kim H- posterior lumbar interbody fusion using carbon fiber
J. Decompression Only Versus Fusion Surgery for cages. J Spinal Disord Tech. 2005 Dec;18(6):479–
Lumbar Stenosis in Elderly Patients Over 75 Years 84.
Old: Which is Reasonable? Neurol Med Chir (Tokyo) 41. Deyo RA, Cherkin DC, Loeser JD, Bigos SJ, Ciol
2013;53(12):870–4. MA. Morbidity and mortality in association with
28. Johnsson KE, Willner S, Johnsson K. Postoperative operations on the lumbar spine. The influence of
instability after decompression for lumbar spinal ste- age, diagnosis, and procedure. J Bone Jt Surg.
nosis. Spine 1986 Mar;11(2):107–10. 74(4) :536-543.
29. Sato K, Wakamatsu E, Yoshizumi A, Watanabe N, Irei 42. Kasliwal MK, Tan LA, Traynelis VC. Infection with
O. The configuration of the laminas and facet joints spinal instrumentation: Review of pathogenesis, diag-
in degenerative spondylolisthesis. A clinicoradiologic nosis, prevention, and management. Surg Neurol Int.
study. Spine 1989 Nov;14(11):1265–71. 2013 Oct 29;4(Suppl 5):S392–403.
30. Rillardon L, Guigui P. Les instabilités: indications et 43. Epstein NE. A review: Reduced reoperation rate
techniques de stabilisation. Cah Enseign SOFCOT. for multilevel lumbar laminectomies with nonins-
2003;83:74–89. trumented versus instrumented fusions. Surg Neurol
31. Cloward RB. The treatment of ruptured lumbar Int. 2016;7(Suppl 13):S337–346.
intervertebral discs by vertebral body fusion. I. Indi- 44. Roussouly P, Gollogly S, Berthonnaud E, Dimnet J.
cations, operative technique, after care. J Neurosurg. Classification of the normal variation in the sagittal ali-
1953 Mar;10(2):154–68. gnment of the human lumbar spine and pelvis in the
32. Ghasemi AA. Transforaminal lumbar interbody standing position. Spine. 2005 Feb 1;30(3):346–53.
fusion versus instrumented posterolateral fusion in 45. Legaye J, Duval-Beaupère G, Hecquet J, Marty C.
degenerative spondylolisthesis: An attempt to eva- Pelvic incidence: a fundamental pelvic parameter for
luate the superiority of one method over the other. three-dimensional regulation of spinal sagittal curves.
Clin Neurol Neurosurg. 2016 Nov;150:1–5. Eur Spine J. 1998 May;7(2):99–103.
33. Pradhan BB, Nassar JA, Delamarter RB, Wang JC. 46. Boissière L, Vital J-M, Aunoble S, Fabre T, Gille O,
Single-level lumbar spine fusion: a comparison of Obeid I. Lumbo-pelvic related indexes: impact on
anterior and posterior approaches. J Spinal Disord adult spinal deformity surgery. Eur Spine J. 2015 Jun
Tech. 2002 Oct;15(5):355–61. 1;24(6):1212–8.
34. Ozgur BM, Aryan HE, Pimenta L, Taylor WR. 47. Le Huec JC, Leijssen P, Duarte M, Aunoble S.
Extreme Lateral Interbody Fusion (XLIF): a novel Thoracolumbar imbalance analysis for osteotomy
surgical technique for anterior lumbar interbody planification using a new method: FBI technique.
fusion. Spine J 2006 Jul;6(4):435–43. Eur Spine J. 2011 Sep;20(Suppl 5):669–80.
35. Tropiano P, Huang RC, Girardi FP, Cammisa FP, 48. Charles YP, Schuller S, Sfeir G, Steib J-P. Mini open
Marnay T. Lumbar total disc replacement. Surgical tumor resection and percutaneous instrumentation
technique. J Bone Joint Surg Am. 2006 Mar;88(Suppl for T11 renal cell carcinoma metastasis. Eur Spine J.
1 Pt 1):50–64. 2013 Jun;22(6):1440–2.
36. Mehta VA, McGirt MJ, Garcés Ambrossi GL, 49. Park P, Garton HJM, Gala VC, Hoff JT, McGilli-
Parker SL, Sciubba DM, Bydon A, et al. Trans- cuddy JE. Adjacent Segment Disease after Lumbar or
foraminal versus posterior lumbar interbody fusion : Lumbosacral Fusion: Review of the Literature. Spine
comparison of surgical morbidity. Neurol Res. 2011 2004 Sep;29(17):1938–44.
Jan;33(1):38–42. 50. Baber Z, Erdek MA. Failed back surgery syndrome:
37. Epstein NE. Extreme lateral lumbar interbody fusion: current perspectives. J Pain Res. 2016 Nov 7;9:979–
Do the cons outweigh the pros? Surg Neurol Int. 87.
2016;7(Suppl 25):S692–700. 51. Waddell G, Burton AK. Occupational health gui-
38. Tribus CB, Belanger T. The Vascular Anatomy delines for the management of low back pain at
Anterior to the L5-S1 Disk Space. Spine 2001 work: evidence review. Occup Med. 2001 Mar
Jun;26(11):1205–8. 1;51(2):124–35.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE
Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE
charge chirurgicale des SCIENCE
pathologies MEDICALE
rachidiennes 355

52. Celestin J, Edwards RR, Jamison RN. Pretreatment do current and past physical and psychosocial occu-
Psychosocial Variables as Predictors of Outcomes pational factors explain care-seeking for low back pain
Following Lumbar Surgery and Spinal Cord Stimu- in a working population?: Results from the Musculos-
lation: A Systematic Review and Literature Synthesis. keletal Intervention Center-Norrtalje Study. Spine
Pain Med 2009 May 1;10(4):639–53. 2000 Feb;25(4):493–500.
53. Zigmond AS, Snaith RP. The hospital anxiety 61. Krause N, Ragland DR, Fisher JM, Syme SL. Psycho-
and depression scale. Acta Psychiatr Scand. 1983 social job factors, physical workload, and incidence
Jun;67(6):361–70. of work-related spinal injury: a 5-year prospective
54. Million R. Back Pain: New Approaches to Reha- study of urban transit operators. Spine. 1998 Dec
bilitation and Education. Ann Rheum Dis 1990 1;23(23):2507–16.
Jul;49(7):493. 62. Muller CFD, Monrad T, Biering-Sorensen F, Darre
55. Adams MA, Mannion AF, Dolan P. Personal risk E, Deis A, Kryger P. The influence of previous
factors for first-time low back pain. Spine 1999 Dec low back trouble, general health, and working
1;24(23):2497–505. conditions on future sick-listing because of low
56. Takenaka S, Aono H. Prediction of Postoperative Cli- back trouble: A 15-year follow-up study of risk
nical Recovery of Drop Foot Attributable to Lumbar indicators for self-reported sick-listing caused by
Degenerative Diseases, via a Bayesian Network. Clin low back trouble. [Miscellaneous Article]. Spine
Orthop Relat Res. 2016 Dec 2;1–9. 1999 Aug;24(15).
57. Schaafsma FG, Anema JR, van der Beek AJ. Back 63. Borenstein D. Epidemiology, etiology, diagnostic
pain: Prevention and management in the work- evaluation, and therapy of low back pain. Curr Opin
place. Best Pract Res Clin Rheumatol. 2015 Rheumatol. 1994 Mar;6(2):217–22.
Jun;29(3):483–94. 64. Morken T, Riise T, Moen B, Bergum O, Hauge
58. Valat JP, Goupille P, Rozenberg S, Urbinelli R, SHV, Holien S, et al. Frequent musculoskeletal
Allaert F. Spine group of the Societe Francaise. symptoms and reduced health-related quality of life
Acute low back pain: predictive index of chronicity among industrial workers. Occup Med. 2002 Mar
from a cohort of 2487 subjects. Spine Group of the 1;52(2):91–8.
Société Française de Rhumatologie. Jt Bone Spine 65. Watson PJ, Main CJ, Waddell G, Gales TF, Purcell-
Rev Rhum. 2000;67(5):456–61. Jones G. Medically certified work loss, recurrence
59. Williams RA, Pruitt SD, Doctor JN, Epping-Jordan and costs of wage compensation for back pain: a
JE, Wahlgren DR, Grant I, et al. The contribution follow-up study of the working population of Jersey.
of job satisfaction to the transition from acute to Br J Rheumatol. 1998 Jan;37(1):82–6.
chronic low back pain. Arch Phys Med Rehabil. 1998 66. Druss BG, Rosenheck RA, Sledge WH. Health
Apr;79(4):366–74. and disability costs of depressive illness in a
60. Vingard E, Alfredsson L, Hagberg M, Kilbom A, major U.S. corporation. Am J Psychiatry 2000
Theorell TM, Waldenstrom M, et al. To What extent Aug;157(8):1274–8.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Chapitre 33
L’effet placebo en antalgie
Chantal Berna

L’attention de la communauté médicale sur l’effet placebo nécessiterait un troisième groupe


l’importance de l’effet placebo a été attirée sans traitement (figure 33.1). Néanmoins, des
en 1955 par une étude intitulée The powerful pla- méta-analyses plus récentes menées dans le cadre
cebo, consacrée aux améliorations thérapeutiques d’études d’analgésiques ont confirmé l’ampleur
dans des groupes placebos d’études contrôlées [1]. significative de cette réponse [2,3]. En parallèle,
À noter que la méthodologie utilisée dans cette des études centrées sur l’analgésie placebo ont
publication initiale permet d’estimer l’ampleur démontré qu’un traitement placebo peut être
de la réponse placebo (qui inclut l’effet placebo équivalent à l’administration de 8 mg de mor-
et des facteurs non spécifiques comme les biais phine IV [4] ou diminuer la douleur de deux
d’observation ou l’amélioration spontanée), et points sur une échelle visuelle analogue [5,6]. Par
non l’effet placebo spécifiquement. La mesure de ailleurs, il a été démontré que la naloxone pouvait

Figure 33.1. Schémas d’études et définitions.


A. Effets et réponses observés dans un modèle d’étude randomisée contrôlée.
B et C. Modèles d’études permettant d’investiguer l’accroissement de l’effet placebo ou d’un effet placebo-like. À noter :
la taille des différents effets observés varie selon les études.
Dans cette figure, les valeurs sont arbitraires et purement illustratives.

Manuel pratique d'algologie


© 2017 BIBLIOTHEQUE
Elsevier Masson SAS. DE
TousLA RECHERCHE
droits réservés. BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
360 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Tableau 33.1. Définitions.


Traitement Placebo
Traitement placebo pur Substance inerte (ex. comprimé de cellulose, perfusion de NaCl) ou intervention inactive (ex. acupuncture avec
des aiguilles rétractiles)
Traitement placebo impur Substance ou intervention active sans effet attendu sur la maladie traitée (par exemple en antalgie : comprimés
de vitamine C, aiguilles d’acupuncture positionnées pour une autre indication)
But de l’utilisation d’un Susciter une réponse psychobiologique appelée « effet placebo »
traitement placebo
Effet placebo et nocebo Effets positif et négatif observés après administration d’un traitement placebo, indépendants de l’évolution
spontanée de la maladie. Soit positif : Amélioration de la maladie (figure 33.1) ; négatif : Péjoration de la maladie
ou apparition de nouveaux symptômes inattendus/non imputables au traitement donné.
Analgésie placebo Diminution de la douleur obtenue avec un traitement placebo ; effet placebo en antalgie
Réponse placebo Réponse au traitement telle qu’elle peut être observée dans le groupe placebo d’une étude randomisée
contrôlée. En l’absence d’un groupe comparatif sans traitement, cette réponse inclut l’effet placebo, les effets
d’observation, l’évolution naturelle de la maladie et la régression à la moyenne (figure 33.1)
Effets non spécifiques Effets observés lors d’un traitement actif qui ne peuvent être attribués ni aux propriétés pharmacologiques ou
du traitement ou effets physiologiques du médicament ou de l’intervention, ni à l’évolution naturelle de la maladie (figure 33.1)
placebo-like

antagoniser un effet placebo antalgique, ce qui Modulation des attentes


suggère l’implication d’endorphines dans l’anal-
gésie placebo [7]. Ensemble, ces publications ont Des attentes positives peuvent entraîner des
ouvert de nouveaux champs d’études, qui ont changements cognitifs, émotionnels et compor-
conduit à la définition de l’effet placebo comme tementaux qui augmentent la probabilité d’obte-
phénomène psychobiologique. nir le résultat escompté [10]. L’anticipation d’un
Ce chapitre vise à présenter brièvement les stimulus douloureux accroît l’activité des aires
connaissances actuelles de la psychologie et de cérébrales impliquées dans la régulation de la
la neurobiologie de l’effet placebo. Seront abor- nociception, entre autres le cortex cingulaire
dés également l’importance de l’effet placebo en antérieur (CCA) et le tronc cérébral [11,12].
antalgie, le potentiel thérapeutique et les considé- Pour des stimuli induits d’une intensité constante,
rations éthiques impliquées. la douleur perçue par des volontaires est fonction
Le terme placebo (du latin « je plairai »), concer- des attentes (prédiction d’un stimulus intense
nait initialement des interventions visant à plaire menant à une perception intense) avec des chan-
au patient plutôt qu’à le traiter. Actuellement, le gements correspondants au niveau des aires céré-
mot « placebo » qualifie différents concepts. Le brales impliquées dans la nociception [13,14].
tableau 33.1 présente quelques définitions. De plus, les attentes des patients douloureux
chroniques face à un nouveau traitement sont
significativement corrélées avec les résultats de
Mécanismes cette nouvelle prise en charge [15,16]. Ainsi,
psychologiques les attentes préexistantes, basées sur des expé-
riences personnelles, les médias, les interactions
L’effet placebo résulte de différents mécanismes, sociales, semblent affecter de manière détermi-
qui peuvent être classés essentiellement en deux nante les bénéfices d’un nouveau traitement.
catégories [8,9] : Les soignants peuvent influencer ces attentes par
• la création d’attentes positives ; des informations pertinentes, des suggestions
• des processus d’apprentissage. ou d’autres formes de communication verbales

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 33. L’effet MEDICALE
placebo en antalgie 361

ou non. Une méta-analyse des études évaluant comparée à un groupe contrôle conditionné à un
l’effet positif des suggestions sur les attentes de échec de traitement) [20].
patients lors de procédures médicales ou expé- Parallèlement au conditionnement, d’autres
rimentales a démontré une forte diminution des formes d’apprentissage ont été impliquées dans
douleurs [17]. l’effet placebo, comme l’apprentissage social,
qu’il soit le fruit d’observations de tiers ou de
Apprentissage rumeurs [21,22].
L’étude séparée de ces processus de modu-
Le conditionnement classique est une forme lation des attentes et d’apprentissage suggère
reconnue d’apprentissage implicite. Il s’agit que le conditionnement engendre une analgésie
d’apparier répétitivement un stimulus neutre avec placebo plus solide que des attentes induites
un stimulus menant avec certitude à un change- par des suggestions isolées [23,24]. Cette dis-
ment physiologique (le stimulus inconditionné). tinction est néanmoins ténue, sachant qu’il est
Par la suite, lorsque le stimulus neutre est pré- difficile de conditionner un humain sans impli-
senté seul, il entraîne une réponse conditionnée. À quer une modulation des attentes [25,26]. Il
ce stade, il devient un stimulus conditionné. Ainsi, est encore plus difficile d’isoler ces facteurs en
par exemple, l’administration de morphine est un clinique [17,27], où ils pourraient conjointe-
stimulus inconditionné puisqu’elle entraîne de ment créer un cercle vertueux : le patient dont
manière prédictible une réduction de la douleur. la première expérience est positive développera
Après administration répétée de morphine sous de plus grandes attentes vis-à-vis des bénéfices
la forme d’un comprimé vert (stimulus neutre), thérapeutiques, un conditionnement positif
la prise d’un comprimé vert ne contenant pas de amplifié lors d’un nouveau traitement, et au
morphine (stimulus conditionné) entraînera éga- final un effet placebo accru [28].
lement une analgésie (réponse conditionnée). En
clinique, n’importe quelle partie du rituel médical
(soignant particulier, technique d’injection, lieu, Mécanismes
odeur), peut faire l’objet d’un conditionnement. neurobiologiques
Dans la recherche expérimentale sur l’analgésie
placebo, le conditionnement consiste soit à associer Structures cérébrales
un traitement antalgique avec des stimuli induits
répétés (dont l’intensité est réellement diminuée La compréhension actuelle des structures céré-
par la substance pharmacologique active), ou à brales impliquées dans l’effet placebo repose
apparier un traitement placebo avec une séquence sur la démonstration dans des modèles animaux
de stimuli induits dont l’intensité est réduite à que l’excitabilité nociceptive spinale peut être
l’insu du volontaire. Ce type de procédés entraîne modulée par des informations descendantes [29].
une analgésie placebo qui peut durer jusqu’à Un système descendant inhibiteur de la dou-
7 jours [18]. Un stimulus conditionné peut mener leur a été décrit également chez l’humain, avec
à un effet placebo même s’il est présenté de des relais centraux incluant le cortex préfrontal,
manière subliminale, soit pendant une durée trop le cortex cingulaire antérieur, la matière grise
courte pour une reconnaissance consciente [19]. périacqueductale et un site d’action primaire dans
Il est important de noter que le conditionnement la corne postérieure de la moelle épinière [30].
d’une analgésie placebo dépend d’expériences Différentes études de neuro-imagerie fonction-
antérieures : ainsi un traitement initial inefficace nelle ont démontré l’implication des régions clés
peut influencer de manière négative les effets d’un de ce système dans l’analgésie placebo, du cortex
médicament actif administré en deuxième inten- préfrontal à la moelle épinière, établissant ainsi
tion [18]. De manière similaire, un deuxième que la voie descendante inhibitrice est vraisem-
traitement placebo peut bénéficier d’un premier blablement la voie neuroanatomique responsable
conditionnement positif (analgésie renforcée de cette modulation de la douleur [31-34].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


362 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Neurotransmetteurs d’halopéridol, un agent antidopaminergique,


ne bloque pas une analgésie placebo [46].
• Opiacés : Plusieurs études ont démontré le • Endocannabinoïdes : le conditionnement par
blocage partiel de l’analgésie placebo par la un AINS n’est pas réversible par la naloxone,
naloxone (antagoniste des récepteurs µ-opia- contrairement au conditionnement avec un
cés) [7]. L’imagerie par émission de positrons opiacé [24]. En revanche, le rimonabant, anta-
a démontré que l’analgésie placebo est asso- goniste du récepteur endocannabinoïde CB1,
ciée à une augmentation de l’activation des bloque spécifiquement une analgésie placebo
récepteurs µ dans certaines régions préfrontales après conditionnement au kétorolac, ce qui
et sous-corticales [31,35]. De plus, l’activité suggère que, dans certaines circonstances, les
d’aires cérébrales riches en récepteurs µ tels que endocannabinoïdes sont impliqués dans l’effet
le cortex préfrontal, l’amygdale et la matière placebo [47].
grise périaqueducale, est corrélée avec la dimi- • Ocytocine : connu pour ses effets dans la période
nution des scores de la douleur dans des études d’accouchement et d’allaitement, ce neuropep-
d’analgésie placebo [36,37]. Finalement, de tide semble jouer un rôle dans les interactions
hautes doses de naloxone, permettant d’inhiber sociales. L’analgésie placebo augmentée lors de
la fixation d’endorphines, suppriment la cor- l’administration d’ocytocine pourrait être attri-
rélation fonctionnelle physiologique pendant buée à une confiance renforcée dans le soi-
une analgésie placebo entre le cortex cingu- gnant [48].
laire antérieur et la matière grise périaquedu-
cale [32].
• Cholécystokinine : cette neurohormone, sécré-
tée dans la muqueuse du duodénum, est associée Études de l’effet placebo
à des états d’anxiété et à des effets antiopioï- pertinentes pour la clinique
dergiques [38,39]. Un groupe de chercheurs
a démontré que la cholécystokinine ainsi que Les études randomisées contrôlées de traite-
la pentagastrine (agoniste du même récepteur) ments antalgiques versus placebo ont permis
peuvent bloquer une analgésie placebo [40,41]. d’observer des réponses placebo significatives.
De plus, l’administration du proglumide, un Ce type d’étude peut révéler qu’une interven-
antagoniste de la cholécystokinine, peut majorer tion thérapeutique n’est pas plus efficace que le
une analgésie placebo [42] ou diminuer une placebo. Si la réponse placebo est importante,
hyperalgésie nocebo [43]. elle peut compliquer la validation d’un traite-
• Dopamine : ce neurotransmetteur est impliqué ment [3,49,50]. Par exemple, deux études ont
dans les processus de récompense, de motiva- démontré une amélioration symptomatique et
tion et de comportement dirigé vers un but. fonctionnelle comparable entre la vertébroplastie
Il est sécrété dans le noyau accumbens et le avec injection de ciment et la même procédure
striatum pendant les phases d’anticipation et sans injection [51,52]. Cependant, en l’absence
d’expérience de soulagement de la douleur. Le de groupe sans intervention, il est difficile de
soulagement peut être conceptualisé comme déterminer si les deux bras du traitement étaient
une récompense inhérente à l’expérience supérieurs ou égaux à l’évolution naturelle.
algique [44]. Pendant une analgésie placebo, Bien qu’importantes, les études randomisées
la libération de dopamine corrèle avec le degré contrôlées sont assez éloignées de la pratique
d’analgésie selon une étude par imagerie céré- clinique. Qu’en est-il des effets placebo ou pla-
brale à émission de positron [45]. Il semble cebo-like dans le contexte clinique ? Quels fac-
néanmoins que la dopamine soit avant tout teurs influencent ces effets chez les patients ?
libérée en relation avec l’expérience de soulage- Comment peuvent-ils être amplifiés ? Ces ques-
ment, et n’est pas un neurotransmetteur néces- tions demandent des canevas expérimentaux spé-
saire à l’effet placebo. En effet, l’administration cifiques (figures 33.1B et C).

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 33. L’effet MEDICALE
placebo en antalgie 363

D’une part, un plan de traitement caché ver- les éléments valorisant le traitement (sans mentir
sus ouvert (figure 33.1B) implique l’adminis- pour autant). Les patients atteints de démence
tration d’un médicament actif à l’insu du patient peuvent avoir besoin de doses d’antalgiques
comparé au même traitement associé à tout le accrues. Les prises en charge interventionnelles
rituel médical, et possibles attentes du patient. ou invasives peuvent recruter des effets placebos
Ceci permet d’évaluer la part des effets placebo- importants. En l’absence de preuve scientifique,
like dans le bénéfice global d’un traitement. les bénéfices et les risques associés à ces inter-
Ainsi, une étude sur les douleurs induites chez ventions doivent être soigneusement évalués.
des volontaires sains a démontré que les effets Les effets placebo-like ou effets non spéci-
d’une perfusion de rémifentanil étaient nette- fiques liés au traitement peuvent être étudiés
ment diminués si elle était administrée à l’insu en administrant un traitement placebo associé
des participants, et qu’ils étaient même abolis à différentes modulations d’aspects relationnels
lorsqu’on les informait que le traitement avait (figure 33.1C). Par exemple, on peut mesurer
été interrompu et qu’ils encouraient un risque l’amélioration de l’analgésie placebo obtenue
d’hyperalgésie [53]. Les aspects implicites du lorsque des volontaires ont le libre choix du médi-
rituel médical comme la taille, la couleur ou le cament (deux préparations inertes identiques pré-
prix d’un comprimé de placebo ont aussi un sentées comme des antalgiques différents) [63].
impact sur l’effet placebo [54-56]. D’autre facteurs relationnels peuvent être étudiés :
Dans le contexte clinique, l’importance de des patients atteints de côlon irritable réfractaire
l’étiquette sur une boîte de médicaments a été au traitement standard ont été randomisés dans
démontrée dans un groupe de patients souf- trois conditions : liste d’attente vs pseudo-acu-
frant de fréquentes migraines [57]. L’analgésie puncture effectuée par un thérapeute soit limitant
placebo -like s’avère plus importante lorsque l’interaction interpersonnelle au strict minimum ;
l’étiquette mentionne un médicament actif ou très chaleureux, empathique, à l’écoute et
(« risatriptan »), versus un placebo (« placebo ». rassurant [64].
Aussi, le traitement « placebo ouvert » est plus L’interaction optimisée a apporté de meil-
efficace que l’absence de traitement. Cependant, leurs résultats que l’interaction limitée, qui reste
les patients atteints de démence, incapables de plus efficace que l’absence de traitement. Ces
développer des attentes, représentent un cas données font penser que le rituel thérapeutique
particulier, puisqu’ils ne bénéficient pas des effets (aiguilles d’acupuncture) associé à une bonne
accrus d’un traitement ouvert comparé à un relation médecin-patient apporte des bénéfices
traitement caché [58]. aux patients de manière indépendante.
Par ailleurs, un rituel médical important De ces études, nous retiendrons l’impor-
entraîne un effet placebo renforcé comparé à tance d’impliquer les patients dans les choix de
un rituel moins invasif [59, 60]. Les études traitements afin de favoriser une réponse béné-
comparatives impliquant des gestes chirurgicaux fique. Une relation thérapeutique harmonieuse
ou des procédures antalgiques versus des pla- constitue le terrain favorable à des attentes
cebos actifs et crédibles sont rares et difficiles à positives.
réaliser [61]. Dès lors, de nombreux traitements
interventionnels antalgiques sont fournis sans
preuve scientifique de leur supériorité par rapport Utilisation de l’effet
à un placebo [62]. placebo en clinique
Toutes ces études soulignent le rôle crucial du
rituel médical et des attentes du patient dans les Pratique courante
effets thérapeutiques. La répétition d’informa- et questions éthiques
tions claires et pertinentes relatives aux médi-
caments administrés fait partie de ce rituel. Il Plusieurs enquêtes ont révélé que les médecins
s’agit avant tout d’informer les patients de tous prescrivent souvent des traitements placebo,

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


364 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Tableau 33.2. Considérations éthiques relatives à la prescription d’un placebo impur ou d’un traitement
au mécanisme d’action incertain.
1. Absence de malveillance, bienfaisance
A. La substance peut-elle être nocive ?
B. Le traitement empêche-t-il le patient de recevoir un traitement plus efficace ou validé ?
En cas de réponse positive à A ou B, le traitement ne devrait pas être administré.
Questions corollaires :
Quelles sont les chances de succès thérapeutique ?
Quelle est la gravité de la maladie traitée ?
2. Autonomie du patient, consentement éclairé
- Quelle explication reçoit le patient ?
- À quel traitement le patient consent-il ?
- Quelles sont les motivations du médecin ?
- Est-ce que la confiance du patient pourrait être ébranlée ?

le plus fréquemment sous la forme de « pla- impurs méritent discussion. Certains patients
cebos impurs » — multivitamines, sédatifs, ont de grandes attentes envers des traitements
ou autres substances actives sans effet analgé- peu validés, la plupart souhaitent un traitement
sique prouvé (voir tableau 33.1) —, rarement symptomatique. Quelle attitude adopter ? Le
des « placebos purs » [65-68]. Cette pratique tableau 33.2 propose une grille de réflexion per-
a d’importantes implications éthiques. Par le mettant d’éviter les traitements dangereux. En
passé, la prescription de traitements placebo l’absence de risque, le clinicien peut exercer son
était justifiée par le principe de dissimulation libre choix, qu’il pourra expliciter de manière
bienveillante (vérité cachée pour le bien du rationnelle au patient qui le demande. Il est
patient). Néanmoins, la prescription intention- recommandé d’évaluer les risques liés à la rup-
nelle d’un traitement placebo en lieu et place ture de la relation thérapeutique et les bénéfices
d’un traitement actif implique un mensonge, escomptés du traitement.
qui dénature le consentement éclairé et rompt
De nouvelles études impliquant un traitement
le contrat de confiance entre le patient et le
placebo administré en tant que tel (« open-label
médecin [68]. Les recommandations pratiques
placebo ») remettent en question la notion que
diffèrent : la German Medical Association
la dissimulation est nécessaire pour produire une
autorise l’utilisation d’un traitement placebo
analgésie placebo en clinique. Une étude rando-
tant que le principe de bienfaisance est res-
pecté [70] (tableau 33.2), alors que l’American misée contrôlée comparant les effets d’un médi-
Medical Association considère la dissimulation cament placebo contre l’absence de traitement
bienveillante comme une forme de paternalisme pour des patients souffrant de côlon irritable
inacceptable [71]. Les recommandations améri- a démontré une amélioration significative des
caines autorisent cependant explicitement la dis- symptômes sous placebo [72].
simulation consentie, soit l’accord préliminaire D’autres études plaident également en faveur
donné par le patient à son prescripteur de de l’efficacité de traitements placebo ouvertement
recevoir des informations limitées par exemple déclarés dans la migraine [73], ou les lombal-
quant au rythme d’un sevrage ou une liste gies [74]. Dans l’ensemble, ces études semblent
d’effets secondaires. indiquer qu’une information adéquate sur le
Les traitements dont l’efficacité n’a pas été mécanisme d’action potentiel d’un placebo ne
démontrée scientifiquement et les placebos l’empêcherait pas d’exercer des effets bénéfiques.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 33. L’effet MEDICALE
placebo en antalgie 365

Tableau 33.3. Comment augmenter l’effet placebo-like dans la rencontre thérapeutique ?


1. Optimiser la relation thérapeutique (cf. « modulation de l’effet placebo », figure 33.1A)
La relation thérapeutique est basée sur la confiance, le respect, l’empathie, la réassurance et l’écoute.
La communication verbale est optimisée (questions ouvertes, reformulation, écoute active, marques d’empathie, etc.).
La communication non verbale est soignée (gestes empathiques, positionnement au niveau du patient, contact visuel, posture ouverte,
limitation des interférences électroniques et téléphoniques).
Chaque rencontre thérapeutique constitue une occasion de renforcer la relation.
Le patient est invité à participer aux choix thérapeutiques dans la mesure de ses désirs et de ses compétences.
Cette relation est un cadre rassurant qui permettra d’explorer l’expérience personnelle du patient (qui englobe les composantes subjectives
émotionnelles et sociales de la douleur), ainsi que ses ressources.
2. Augmenter les attentes du patient vis-à-vis du traitement et améliorer le rituel médical (cf. « traitement caché vs ouvert »,
figure 33.1B)
Le soignant cherchera à comprendre les attentes préexistantes du patient, ses expériences passées.
Les attentes négatives (liées à des croyances, des peurs ou des informations préalables) peuvent être progressivement modifiées par des
informations rassurantes ou des suggestions positives émanant du médecin, des vidéos explicatives, des sites de vulgarisation scientifique
ou des groupes de patients.
Le parcours médical des patients douloureux chroniques est souvent long et parsemé d’échecs thérapeutiques. Mobiliser les attentes
positives peut être d’autant plus difficile que les chances de trouver une solution simple et définitive sont faibles. Il est donc important de ne
pas susciter d’espoirs déraisonnables et de favoriser des attentes positives réalistes.
Il faut s’assurer que le patient est conscient du traitement qu’il reçoit, souligner les éléments qui le valorisent.
On peut choisir une communication positive. Par exemple, on préférera annoncer une anesthésie locale ainsi : une anesthésie locale
va endormir la zone, ce sera confortable pour vous pendant le reste du geste) en lieu et place de « Vous allez sentir comme une piqûre
d’abeille, ce sera la pire partie de la procédure. » [77].
On sera attentif aux suggestions contenues dans les propos explicatifs. Par exemple, préférer la formule : « La plupart des patients (70 %)
ont une expérience positive de ce traitement » à celle-ci : « 30 % des patients ont des effets secondaires avec ce médicament »

Néanmoins, ces résultats restent à valider sur le facteurs favorisent une bonne analgésie pla-
plus long terme. cebo : traits de personnalité tels que l’optimisme,
Finalement, au-delà de la prescription ou de l’altruisme, l’extroversion et l’empathie [21,
l’administration d’un traitement placebo, la 78-80], ou facteurs neuroanatomiques tels
recherche suggère qu’il est possible d’amplifier qu’une plus grande quantité de substance
les effets placebo-like de traitements actifs, en grise dans des régions cérébrales riches en
favorisant les attentes positives du patient, en dopamine [81]. Dans une étude clinique de
augmentant le rituel médical ou en soignant la patients souffrant de lombalgies chroniques,
relation thérapeutique [75]. Obtenir ces résul- le niveau de dépression et d’anxiété est cor-
tats (tableau 33.3) constitue un élément central rélé avec de meilleurs résultats en réponse
d’une consultation d’antalgie chronique tout en à une injection intraveineuse de saline [82].
s’accordant avec les valeurs éthiques de transpa- La réponse à un traitement placebo pourrait
rence et de partage des décisions thérapeutiques cependant dépendre plus de la situation que
caractéristique de la prise en charge médicale des caractéristiques psychologiques du patient
actuelle [76]. (par exemple, la croyance aux bienfaits de l’acu-
puncture) [83,84]. Il est néanmoins important
de noter que la réponse à un traitement placebo
Existe-t-il un profil de répondeur ne fournit pas d’indication quant à la cause de la
au traitement placebo ? douleur. A priori, tout patient et toute douleur
peuvent répondre à ce genre de traitement, à
La recherche sur des volontaires sains avec l’exception de patients atteints de démence ou
des douleurs induites suggère que certains d’une affection du cortex préfrontal [58].

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


366 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Comment réduire l’effet nocebo ? neuroanatomique, le circuit descendant inhibiteur


de la douleur, des endorphines ainsi que d’autres
La communication pendant la rencontre thérapeu- neurotransmetteurs accessoires. L’effet placebo
tique peut favoriser un effet placebo, mais peut n’est pas seulement observé après l’administration
aussi provoquer ou prévenir un effet nocebo [85]. d’un traitement placebo utilisé comme contrôle
L’effet nocebo contribue probablement dans dans les études cliniques, mais il existe comme effet
beaucoup de situations à l’absence de réponse non spécifique de tout traitement médicamenteux
et d’adhésion au traitement [86,87]. Plusieurs (effet placebo-like). L’effet placebo-like peut être
études montrent que le choix des mots est impor- modulé et étudié en tant que tel. En parallèle, des
tant pour prévenir un effet nocebo. Par exemple, modèles d’études utilisant un traitement placebo et
l’omission du mot « douleur » avant l’anesthé- modulant l’aspect relationnel permettent de mieux
sie locale d’une péridurale chez des parturientes comprendre comment le contexte thérapeutique
diminue l’évaluation de la douleur induite par ce peut être optimisé. La prescription d’un traitement
geste (voir tableau 33.3) [77]. La mention d’un placebo pur en pratique clinique n’est pas recom-
risque d’effets secondaires peut significativement mandée. La prescription de traitements placebo
augmenter la proportion de patients qui en font impurs ou dont le mécanisme d’action est inconnu
l’expérience (p.ex. de six fois dans une étude est acceptable s’il n’y a pas de danger et que l’auto-
sur les effets secondaires gastro-intestinaux dus nomie du patient est respectée. Optimiser la rela-
à l’aspirine [88]). Dès lors, l’évocation d’effets tion thérapeutique et renforcer l’effet placebo-like
secondaires lors de l’introduction de nouveaux permettent d’exploiter l’effet placebo et devraient
traitements mérite d’être soigneusement préparée. être inclus dans toute prise en charge antalgique.
Ainsi, pour éviter une suggestion nocebo directe, Malgré les progrès obtenus en pharmacologie et
les effets secondaires non spécifiques (céphalées, dans les thérapies interventionnelles, un nombre
troubles digestifs légers ou altérations du sommeil) significatif de patients douloureux chroniques est
pourraient être omis et remplacés par un conseil insuffisamment soulagé. Dès lors, il est important
plus générique du type « contactez le prescripteur d’utiliser au mieux l’analgésie placebo, d’accen-
dans le cas peu probable où de nouveaux symp- tuer la réponse aux traitements existants, d’éviter
tômes inhabituels viennent à se présenter » [86]. d’interrompre un traitement prometteur à cause
La probabilité qu’un patient développe un d’un effet nocebo, et de renforcer l’adhésion
effet nocebo semble dépendre d’une combinai- thérapeutique en antalgie clinique.
son complexe de facteurs, incluant des attentes
négatives, la suggestibilité, l’anxiété, et des expé- Références
riences antérieures négatives [87,89]. Un certain
1. Beecher HK. The powerful placebo. JAMA
nombre de ces facteurs sont souvent présents chez 1955;159(17):1602–6.
le patient douloureux chronique. Dans le contexte 2. McQuay H, Carroll D, Moore A. Variation in
d’une relation thérapeutique stable, c’est au méde- the placebo effect in randomised controlled trials
cin de comprendre quels degrés d’autonomie of analgesics: all is as blind as it seems. Pain
et d’implication dans les choix de traitement le 1996;64(2):331–5.
3. Tuttle AH, Tohyama S, Ramsay T, et al. Increasing
patient souhaite, et possiblement d’instaurer une placebo responses over time in U.S. clinical trials of
dissimulation autorisée afin d’éviter une recrudes- neuropathic pain. Pain 2015;156(12):2616–26.
cence d’anxiété et un effet nocebo. 4. Levine JD, Gordon NC. Influence of the method of
drug administration on analgesic response. Nature
1984;312(5996):755–6.
Conclusions 5. Gracely RH, Dubner R, Wolskee PJ, Deeter WR.
Placebo and naloxone can alter post-surgical pain by
separate mechanisms. Nature. 1983;306:264–5.
L’analgésie placebo est un phénomène psycho-
6. Amanzio M, Pollo A, Maggi G, Benedetti F. Response
biologique ancré dans les attentes et les expé- variability to analgesics: a role for non-specifc activa-
riences précédentes. Il implique un réseau tion of endogenous opioids. Pain. 2001;90:205–15.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 33. L’effet MEDICALE
placebo en antalgie 367

7. Levine J, Gordon N, Fields H. The mechanism of pla- involves the cyclooxygenase-prostaglandins pathway.
cebo analgesia. The Lancet 1978;312(8091):654–7. Pain. 2014;155(5):921–8.
8. Price DD, Milling LS, Kirsch I, Duff A, Montgomery 23. Voudouris NJ, Peck CL, Coleman G. The role of
GH, Nicholls SS. An analysis of factors that contri- conditioning and verbal expectancy in the placebo
bute to the magnitude of placebo analgesia in an response. Pain. 1990;43(1):121–8.
experimental paradigm. Pain. 1999;83(2):147–56. 24. Amanzio M, Benedetti F. Neuropharmacological
9. Finniss DG, Kaptchuk TJ, Miller F, Benedetti F. dissection of placebo analgesia: Expectation-acti-
Biological, clinical, and ethical advances of placebo vated opioid systems versus conditioning- activa-
effects. Lancet. 2010;375(9715):686–95. ted specific subsystems. The Journal Neuroscience
10. Schwarz KA, Pfister R, Buchel C. Rethinking Explicit 1999;19(1):484–94.
Expectations: Connecting Placebos, Social Cogni- 25. Montgomery GH, Kirsch I. Classical conditioning
tion, and Contextual Perception. Trends Cogn Sci and the placebo effect. Pain. 1997;72(1-2):107–
2016. 13.
11. Ploghaus A, Tracey I, Gati JS, et al. Dissociating pain 26. Benedetti F, Pollo A, Lopiano L, Lanotte M, Vighetti
from its anticipation in the human brain. Science S, Rainero I. Conscious expectation and unconscious
1999;284(5422):1979–81. conditioning in analgesia, motor, and hormonal pla-
12. Fairhurst M, Wiech K, Dunckley P, Tracey I. Antici- cebo/nocebo responses. The Journal Neuroscience
patory brainstem activity predicts neural processing 2003;23(10):4315–23.
of pain in humans. Pain. 2007;128(1-2):101–10. 27. Stewart-Williams S, Podd J. The placebo effect: dis-
13. Atlas LY, Bolger N, Lindquist MA, Wager TD. solving the expectancy versus conditioning debate.
Brain mediators of predictive cue effects on per- Psychological bulletin 2004;130(2):324.
ceived pain. The Journal of neuroscience: the 28. Finniss DG, Kaptchuk TJ, Miller FG, Benedetti F.
official journal of the Society for Neuroscience Biological, clinical, and ethical advances of placebo
2010;30(39):12964–77. effects. The Lancet 2010;375(9715):686–95.
14. Koyama T, McHaffie JG, Laurienti PJ, Coghill RC. 29. Basbaum AI, Fields HL. Endogenous pain control
The subjective experience of pain: Where expecta- systems: brainstem spinal pathways and endor-
tions become reality. Proceedings of the National phin circuitry. Annual Review of Neuroscience
Academy of Sciences of the United States of America 1984;7:309–38.
2005;102(36):12950–5. 30. Tracey I, Mantyh PW. The cerebral signature
15. Kongsted A, Vach W, Axo M, Bech RN, Hestbaek for pain perception and its modulation. neuron
L. Expectation of recovery from low back pain: a 2007;55(3):377–91.
longitudinal cohort study investigating patient cha- 31. Petrovic P, Kalso E, Petersson KM, Ingvar M. Pla-
racteristics related to expectations and the association cebo and opioid analgesia: Imaging a shared neuronal
between expectations and 3-month outcome. Spine. network. Science 2002;295(5560):1737–40.
2014;39(1):81–90. 32. Eippert F, Bingel U, Schoell ED, et al. Activa-
16. Cormier S, Lavigne GL, Choiniere M, Rainville P. tion of the Opioidergic Descending Pain Control
Expectations predict chronic pain treatment out- System Underlies Placebo Analgesia. Neuron.
comes. Pain. 2016;157(2):329–38. 2009;63(4):533–43.
17. Peerdeman KJ, van Laarhoven AI, Keij SM, et al. Relie- 33. Eippert F, Finsterbusch J, Bingel U, Buchel C. Direct
ving patients’ pain with expectation interventions: A evidence for spinal cord involvement in placebo
meta-analysis. Pain 2016 Jun;157(6):1179–91. analgesia. Science 2009;326(5951):404.
18. Colloca L, Benedetti F. How prior experience shapes 34. Wager TD, Rillings JK, Smith EE, et al. Placebo-
placebo analgesia. Pain. 2006;124(1):126–33. induced changes in fMRI in the anticipation and
19. Jensen KB, Kaptchuk TJ, Kirsch I, et al. Noncons- experience of pain. Science 2004;303(5661):1162–7.
cious activation of placebo and nocebo pain res- 35. Zubieta JK, Bueller JA, Jackson LR, et al. Pla-
ponses. PNAS 2012;109(39):15959–64. cebo Effects Mediated by Endogenous Opioid
20. Kessner S, Wiech K, Forkmann K, Ploner M, Bingel Activity on {micro}-Opioid Receptors. J. Neurosci.
U. The effect of treatment history on therapeutic 2005;25(34):7754–62.
outcome: an experimental approach. JAMA internal 36. Wager TD, Scott DJ, Zubieta JK. Placebo effects
medicine 2013;173(15):1468–9. on human mu-opioid activity during pain. Pro-
21. Colloca L, Benedetti F. Placebo analgesia indu- ceedings of the National Academy of Sciences
ced by social observational learning. Pain. 2007;104(26):11056–61.
2009;144(1):28–34. 37. Zubieta JK, Bueller JA, Jackson LR, et al. Placebo
22. Benedetti F, Durando J, Vighetti S. Nocebo and effects mediated by endogenous opioid activity on
placebo modulation of hypobaric hypoxia headache mu-opioid receptors. The Journal of neuroscience:

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


368 BIBLIOTHEQUE
Traitements DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

the official journal of the Society for Neuroscience. spinal fractures. The New England journal of medi-
2005;25(34):7754–62. cine 2009;361(6):569–79.
38. Eser D, Leicht G, Lutz J, et al. Functional neuroana- 53. Bingel U, Wanigasekera V, Wiech K, et al. The
tomy of CCK-4-induced panic attacks in healthy volun- effect of treatment expectation on drug effi-
teers. Human brain mapping 2009;30(2):511–22. cacy: imaging the analgesic benefit of the opioid
39. Hebb AL, Poulin JF, Roach SP, Zacharko RM, remifentanil. Science translational medicine
Drolet G. Cholecystokinin and endogenous opioid 2011;3(70):70ra14.
peptides: interactive influence on pain, cognition, and 54. Waber RL, Shiv B, Carmon Z, Ariely D. Commercial
emotion. Progress in neuro-psychopharmacology & Features of Placebo and Therapeutic Efficacy. JAMA
biological psychiatry. 2005;29(8):1225–38. 2008;299(9):1016–7.
40. Benedetti F. Cholecystokinin Type A and Type B 55. Buckalew LW, Ross S. Relationship of perceptual
Receptors and Their Modulation of Opioid Analge- characteristics to efficacy of placebos. Psychological
sia. News Physiol Sci. 1997;12:263–8. Reports 1981;49(3):955–61.
41. Benedetti F, Amanzio M, Thoen W. Disruption of 56. Buckalew LW, Coffield KE. An investigation of drug
opioid-induced placebo responses by activation of expectancy as a function of capsule color and size and
cholecystokinin type-2 receptors. Psychopharmaco- preparation form. Journal of clinical psychopharma-
logy 2011;213(4):791–7. cology 1982;2(4):245–8.
42. Benedetti F, Amanzio M, Maggi G. Potentiation 57. Kam-Hansen S , Jakubowski M , Kelley JM , et al.
of placebo analgesia by proglumide. The Lancet Altered placebo and drug labeling changes the out-
1995;346(8984):1231. come of episodic migraine attacks. Science translational
43. Benedetti F, Amanzio M, Vighetti S, Asteggiano G. medicine 2014;6(218): 218ra215.
The biochemical and neuroendocrine bases of the 58. Benedetti F, Arduino C, Costa S, et al. Loss of
hyperalgesic nocebo effect. The Journal of neuros- expectation-related mechanisms in Alzheimer’s
cience: the official journal of the Society for Neuro­ disease makes analgesic therapies less effective. Pain.
science. 2006;26(46):12014–22. 2006;121(1-2):133–44.
44. Leknes S, Tracey I. A common neurobio- 59. Kaptchuk TJ, Goldman P, Stone DA, Stason WB. Do
logy for pain and pleasure. Nat Rev Neurosci. medical devices have enhanced placebo effects? Jour-
2008;9(4):314–20. nal of Clinical Epidemiology 2000;53(8):786–92.
45. Scott DJ, Stohler CS, Egnatuk CM, Wang H, Koeppe 60. Kaptchuk TJ, Stason WB, Davis RB, et al. Sham
RA, Zubieta JK. Placebo and nocebo effects are defi- Device Versus Inert Pill: Randomised Controlled
ned by opposite opioid and dopaminergic responses. Trial Of Two Placebo Treatments. BMJ: British
Arch Gen Psychiatry 2008;65(2):220–31. Medical Journal. 2006;332(7538):391–4.
46. Wrobel N, Wiech K, Forkmann K, Ritter C, Bingel 61. Jonas WB, Crawford C, Colloca L, et al. To what
U. Haloperidol blocks dorsal striatum activity but not extent are surgery and invasive procedures effective
analgesia in a placebo paradigm. Cortex; a journal beyond a placebo response? A systematic review with
devoted to the study of the nervous system and meta-analysis of randomised, sham controlled trials.
behavior. 2014;57:60–73. BMJ Open 2015;5(12):e009655.
47. Benedetti F, Amanzio M, Rosato R, Blanchard 62. Diener HC, Bingel U. Surgical treatment for
C. Nonopioid placebo analgesia is mediated migraine: Time to fight against the knife. Cephalalgia
by CB1 cannabinoid receptors. Nature medicine 2015;35(6):465–8.
2011;17(10):1228–30. 63. Geers AL, Rose JP, Fowler SL, Rasinski HM, Brown
48. Kessner S, Sprenger C, Wrobel N, Wiech K, Bingel JA, Helfer SG. Why does choice enhance treatment
U. Effect of oxytocin on placebo analgesia: a rando- effectiveness? Using placebo treatments to demons-
mized study. Jama 2013;310(16):1733–5. trate the role of personal control. Journal of Persona-
49. Rief W, Glombiewski JA. The hidden effects of blin- lity and Social Psychology 2013;105(4):549–66.
ded, placebo-controlled randomized trials: an experi- 64. Kaptchuk TJ, Kelley JM, Conboy LA, et al. Compo-
mental investigation. Pain. 2012;153(12):2473–7. nents of placebo effect: randomised controlled trial
50. Rutherford BR, Roose SP. A model of placebo res- in patients with irritable bowel syndrome. BMJ.
ponse in antidepressant clinical trials. Am J Psychia- 2008;336(7651):999–1003.
try. 2013;170(7):723–33. 65. Meissner K, Höfner L, Fässler M, Linde K. Wides-
51. Buchbinder R, Osborne RH, Ebeling PR, et al. A pread use of pure and impure placebo interventions by
randomized trial of vertebroplasty for painful osteo- GPs in Germany. Family practice 2012;29(1):79–85.
porotic vertebral fractures. The New England journal 66. Howick J, Bishop FL, Heneghan C, et al. Placebo
of medicine 2009;361(6):557–68. use in the United kingdom: results from a natio-
52. Kallmes DF, Comstock BA, Heagerty PJ, et al. A nal survey of primary care practitioners. PloS one.
randomized trial of vertebroplasty for osteoporotic 2013;8(3):e58247.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE
Chapitre 33. L’effet MEDICALE
placebo en antalgie 369

67. Tilburt JC, Emanuel EJ, Kaptchuk TJ, Curlin 78. Peciña M, Azhar H, Love TM, et al. Persona-
FA, Miller FG. Prescribing “placebo treatments”: lity trait predictors of placebo analgesia and
results of national survey of US internists and neurobiological correlates. Neuropsychopharmaco-
rheumatologists. BMJ. 2008 Oct 23;337:a1938. doi: logy 2012;38(4):639–46.
10.1136/bmj.a1938. 79. Geers AL, Wellman JA, Fowler SL, Helfer SG, France
68. Hrobjartsson A, Norup M. The use of placebo CR. Dispositional Optimism Predicts Placebo Anal-
interventions in medical practice--a national ques- gesia. The Journal of Pain 2010;11(11):1165–71.
tionnaire survey of Danish clinicians. Eval Health 80. Kelley JM, Lembo AJ, Ablon JS, et al. Patient
Prof. 2003;26(2):153–65. and practitioner influences on the placebo effect in
69. Annoni M, Miller FG. Placebos in clinical prac- irritable bowel syndrome. Psychosomatic medicine
tice: an ethical overview. Douleur et Analgesie. 2009;71(7):789.
2014;27(4):215–20. 81. Schweinhardt P, Seminowicz DA, Jaeger E, Duncan
70. Kupferschmidt K. More placebo use promoted in GH, Bushnell MC. The anatomy of the mesolimbic
Germany. Canadian Medical Association Journal reward system: a link between personality and the
2011;183(10):E633–4. placebo analgesic response. The Journal of Neuros-
71. Bostick NA, Sade R, Levine MA, Stewart DM. Pla- cience 2009;29(15):4882–7.
cebo use in clinical practice: report of the American 82. Wasan AD, Kaptchuk TJ, Davar G, Jamison RN. The
Medical Association Council on Ethical and Judicial association between psychopathology and placebo
Affairs. Journal of Clinical Ethics. 2008;19(1):58. analgesia in patients with discogenic low back pain.
72. Kaptchuk TJ, Friedlander E, Kelley JM, et al. Place­ Pain Medicine 2006;7(3):217–28.
bos without deception: a randomized controlled 83. Hoffman GA, Harrington A, Fields HL. Pain and
trial in irritable bowel syndrome. PloS one. the placebo: what we have learned. Perspectives in
2010;5(12):e15591. biology and medicine. 2005;48(2):248–65.
73. Kam-Hansen S, Jakubowski M, Kelley JM, et al. Alte- 84. Liberman R. An experimental study of the placebo
red placebo and drug labeling changes the outcome response under three different situations of pain.
of episodic migraine attacks. Science translational Journal of psychiatric research. 1964;2(4):233–46.
medicine 2014;6(218):218ra215. 85. Bingel U, Enck P, Rief W, Schedlowski M. Avoiding
74. Carvalho C, Caetano JM, Cunha L, Rebouta P, nocebo effects to optimize treatment outcome. Jama.
Kaptchuk TJ, Kirsch I. Open-label placebo treatment 2014;312(7):693–4.
in chronic low back pain: a randomized controlled- 86. Wells RE, Kaptchuk TJ. To tell the truth, the whole
trial. Pain. 2016;157(12):2766-2772. truth, may do patients harm: the problem of the
75. Benedetti F. Mechanisms of placebo and placebo- nocebo effect for informed consent. Amer J Bioethics
related effects across diseases and treatments. Annual 2012;12(3).
review of pharmacology and toxicology 2008;48:33– 87. Barsky AJ, Saintfort R, Rogers MP, Borus JF. Non­
60. specific medication side effects and the nocebo phe-
76. Blease C. The principle of parity: the ‘placebo effect’ nomenon. JAMA 2002;287(5):622–7.
and physician communication. Journal of medical 88. Myers MG, Cairns JA, Singer J. The consent form as
ethics. 2012;38(4):199–203. a possible cause of side effects. Clinical Pharmacology
77. Varelmann D, Pancaro C, Cappiello EC, Camann & Therapeutics 1987;42(3):250–3.
WR. Nocebo-induced hyperalgesia during local 89. Spiegel H. Nocebo: the power of suggestibility.
anesthetic injection. Anesthesia and analgesia Preventive medicine 1997;26(5):616–21.
2010;110(3):868–70.

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Index

A Céphalées névralgiformes unilatérales de courte


Acide alphalipoïque, 124 durée, 67
Acouphène, 135, 316 Cholécystokinine, 362
Actovegin, 124 Cimentoplasties, 153
Addiction, 193 Classification de Lausanne, 53, 91
Administration intrathécale, 152 Claudication intermittente neurogène, 90
Agonistes dopaminergiques, 199 Clonazépam, 79
AINS, 185, 206, 209, 210 Clonidine, 197, 234
Alcool éthylique, 262 Codéine, 191, 205, 210
Algie vasculaire de la face, 67 Cordotomie, 153
Algoneurodystrophie, 105 Cortex cingulaire antérieur, 361
Allaitement, 209 Cortex préfrontal, 361
Amantadine, 199 Corticoïdes, 230
Amitriptyline, 198 Cytochrome CYPP450, 189
Amygdale, 11 D
Anesthésiques locaux, 228 Dépendance, 193
Anterior Lumbar Interbody Fusion (ALIF), 342 Dérivés de l’ergot, 63
Approche épidurale Dermatomes, 30
–– caudale, 240 Dexmédétomidine, 197
–– interlaminaire, 240 Dextrométhorphane, 199
–– transforaminale, 240 Discarthrose, 46
Approches épidurales, 240 Discographie de provocation, 94
Arthrose interfacettaire, 47 Discopathie dégénérative, 46
Articulation temporomandibulaire, 82 Dopamine, 362
Axonotmésis, 261 Douleur neuropathique en quatre questions (DN4), 21
B Douleurs du moignon, 136
Bbuprénorphine, 205 Duloxétine, 198
Beck Depression Inventory (BDI), 26 Dystrophie sympathique réflexe, 105
Benfotiamine, 124 E
Béri-béri, 128 Échelle
Biopsie nerveuse, 122 –– ALGOPLUS, 19
Biphosphonates, 114, 151 –– comportementale pour personne âgée, 19
Bleu de méthylène, 94 –– de l’Organisation mondiale de la Santé, 149, 183
Brief Pain Inventory (BPI), 22 –– des visages, 19
Buprénorphine, 193 –– DOLOPLUS, 19
C –– numérique, 18
Calcitonine, 115 –– PACSLAC, 19
Cannabinoïdes, 199 –– verbale simple, 19
Capsaïcine, 200 –– visuelle analogique, 18
Capteurs de radicaux libres, 114 Effet
Carbamazépine, 73, 198 –– nocebo, 366
Causalgie, 105 –– placebo, 359

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


372 BIBLIOTHEQUE
Index DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Électromyogramme, 55 M
Électroneuromyogramme, 55 Maladie
Endocannabinoïdes, 362 –– de Bechterew, 86
EuroQoL 5-dimensions (EQ-5D)., 26 –– de Charcot-Marie-Tooth, 125
Extraforaminal Lumbar Interbody Fusion (ELIF), 344 –– de Lyme, 81, 120, 129
eXtreme Lateral Interbody Fusion (XLIF), 342 –– de Sudeck, 105
F Manœuvre
Failed back surgery syndrome, 96, 303 –– de Jendrassik, 28
Fentanyl, 205 –– de Lasègue, 34
Fibre nerveuse, 7 –– de Nélaton, 83
Foramen vertébral, 242 –– de Roos, 32
Fulranumab, 125 –– de Spurling, 32
G Matière grise périacqueductale, 361
Gabapentine, 198, 210 McGill Pain Questionnaire (MPQ), 21
Gamma Knife, 74 Medical Outcome Study Short Form-36 (MOS SF-36), 23
Ganglion Mépéridine, 192
–– de Gasser, 74, 265, 266, 312 Métamizole, 187
–– de Walther, 259 Méthadone, 192
–– impar, 259 Métoprolol, 64
–– spinal, 302 Mirogabaline, 124
–– stellaire, 253, 295 Modic, 46, 94, 339
Ganglions sympathiques lombaires, 257 Moelle rostroventrale, 11
Gate control theory, 11, 216 Morphine, 191, 205
Glycérol, 74, 263 Multidimensional Pain Inventory (MPI), 22
Granulome, 327 Myélogramme, 242
Grossesse, 209 N
Gyrus cingulaire antérieur, 11 Naloxone, 189
H Naltrexone, 189
Hémicrânie continue, 67 Neurapraxie, 261
Hémicrânie paroxystique, 67 Neurone nocicepteur, 7
Hernie discale, 43 Neuropathic Pain Questionnaire (NPQ), 21
High signal Intensity Zone, 43 Neurostimulation
Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD), 26 –– du nerf occipital, 75
Hydromorphone, 192 Neurotmésis, 261
Hypothalamus, 11 Nodule de Gill, 95
I O
Imagerie EOS, 340 Oblique Lumbar Interbody Fusion (OLIF), 344
K Ocytocine, 362
Kétamine, 199, 201 Onde F, 55
Kinésiophobie, 86, 112 Opération
Kyphoplasties, 153 –– de Jannetta, 73
Kystes articulaires postérieurs, 47 Opioïdes, 187
L –– agonistes partiels, 189
Lacosamide, 124 –– agonistes purs, 189
Lamotrigine, 73 –– agonistes-antagonistes, 189
Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs Oswestry Disability Index (ODI), 23
(LANSS), 21 Oxcarbazépine, 73
Lidocaïne, 200 Oxycodone, 192, 205
Locus coeruleus, 11 P
Lofexidine, 197 Pain matrix, 9
Lumbar Lateral Interbody Fusion (LLIF), 344 PainDETECT, 21
Lupus érythémateux, 120 Paracétamol, 183, 205, 206, 209, 210
Lyse isthmique, 95 Phénol, 262, 268

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE



BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
Index 373

Phénytoïne, 73 Soupe inflammatoire, 12


Pin Prick, 121 Spasticité, 321
Plexus cœliaque, 254 Spondylodiscites, 86
Plexus hypogastrique, 258 Spondylolisthésis arthrosique, 96
Point gâchette myofascial, 87 Spondylolyse lombaire, 95
Posterior Lumbar Interbody Fusion (PLIF), 342 Standardized Evaluation of Pain (StEP), 21
Potentiels de fibrillation, 56 Stimulation magnétique transcrânienne répétitive
Prégabaline, 198 (rTMS), 138, 176, 315
Programme d’imagerie motrice, 112 Stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS),
Propranolol, 64 176, 316
Q Stomatodynie, 77
Quantitative sensory testing (QST), 111, 122 Substance grise périaqueducale, 11
Questionnaire Syndrome
–– concis sur les douleurs, 22 –– de Baastrup, 47
–– de Saint-Antoine, 21 –– de Bertolotti, 34
–– Fibromyalgia Impact Questionnaire, 173 –– de Claude-Bernard-Horner, 254
–– FSFI (Female Sexual Function Index), 165 –– de Guillain-Barré, 120, 129
Questionnaires, 21 –– de la queue-de-cheval, 85, 91
R –– de Maigne, 92
Radiculopathie, 88 –– de Sjögren, 120
Récepteur –– du segment adjacent, 96
–– Delta, 187 –– épaule-main, 108
–– Kappa, 187 –– facettaire, 33, 87, 246, 266, 269, 312
–– Mu, 187 Syphilis, 120
–– Sigma, 187 T
Réflexe H, 55 Tanezumab, 124
Rétrécissement canalaire, 51 Tapentadol, 193
Roland Disability Questionnaire (RDQ), 23 Test
Rotation des opioïdes, 194 –– au monofilament de Semmes-Weinstein, 121
S –– d’Ericksen, 35
Sarcoïdose, 120 –– d’Hawkin, 35
Scintigraphie osseuse, 109 –– de cisaillement horizontal des sacro-iliaques, 35
Score –– de cisaillement vertical, 35
–– de Pfirrmann, 339 –– de FADIR, 36
Sensibilisation –– de Gaenslen, 35
–– centrale, 13 –– de Lessage, 35
–– périphérique, 12 –– de Mennel, 35
Sevrage des opioïdes, 195 –– de Neer, 35
Signe –– de Patrick (ou FABER), 34, 36
–– de Babinski, 34 –– de Schöber, 33
–– de Bechterew, 34 –– de Volkman, 35
–– de Déjerine, 34 –– du coton-tige, 166
–– de Foletti, 33, 93 –– du Log roll, 36
–– de Hoffmann, 32 –– en compression des ailes iliaques, 35
–– de Koch, 34 –– en compression du sacrum, 35
–– de la sonnette, 34 –– en distraction des ailes iliaques, 35
–– de Lasègue, 34 –– vibratoire, 121
–– de Lasègue croisé, 34 Théorie du portillon, 11, 216
–– de Léri (ou Lasègue inversé), 34 Thérapie du miroir, 112, 134, 138
–– du Caddie, 90 Thérapie physique avec exposition à la douleur, 112
Signes Tolérance, 193
–– de douleurs non organiques, 36 Topiramate, 64
–– de Waddel, 36, 86 Toxine botulinique, 83, 88, 162

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE


374 BIBLIOTHEQUE
Index DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Toxine botulique, 124, 144, 168, 259 Vertébroplasties, 153


Tramadol, 191, 205 Virus Varicella Zoster, 141
Transverse Lumbar Interbody Fusion (TLIF), 342 Voie
Triptans, 63 –– descendante inhibitrice, 11
U –– lemniscale médiale, 8
Uncarthrose, 48 –– spinothalamique latérale, 8
V –– spinothalamique médiale, 9
Valproate de sodium, 64 Z
Venlafaxine, 198 Zone de Ramsay-Hunt, 141

BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE

Vous aimerez peut-être aussi