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1
Examen clinique du rachis
cervical : reproductibilité
et validité des tests cliniques ?
B. Tamalet
Service de rééducation et traumatologie du sport, Hôpitaux de Saint-Maurice,
14, rue du Val d'Osne, 94415 Saint-Maurice cedex
Introduction
Les cervicalgies représentent un motif de consultation d'une extrême fréquence en
soins primaires. De même, en consultation spécialisée de médecine du sport,
rhumatologie, médecine physique, les cervicalgies rebelles, chroniques ou
récurrentes sont une part importante des soins. La première approche est essen-
tiellement clinique et doit le rester. Les symptômes sont riches et l'examen phy-
sique détaillé, systématisé, constitue une étape incontournable de l'analyse. Sans
apporter le diagnostic étiologique précis, ces faisceaux d'arguments cliniques
dessinent un cadre nosologique qui permet de mettre en place une stratégie de
prise en charge thérapeutique et conduit, lorsque c'est nécessaire, à la prescription
d'examens complémentaires orientés.
Études cliniques
Quelques définitions préalables de vocabulaire sont nécessaires.
TABLEAU 1.1. Classification proposée par Landis et Koch sur l'interprétation du coefficient k
kappa
<0 Désaccord total poor agreement
0,0–0,20 Accord mauvais ou très faible slight
0,21–0,40 Accord médiocre ou faible fair
0,41–0,60 Accord modéré moderate
0,61–0,80 Accord bon ou fort good or substantial
0,81–1,00 Accord excellent ou presque excellent or almost perfect
parfait
Examen clinique du rachis cervical : reproductibilité et validité des tests cliniques ? 7
Discussion
Les études de fiabilité (reproductibilité) montrent des chiffres très variables et peu
comparables entre eux.
Il apparaît que les études de validités sont très différentes quant à leurs objectifs
et les enseignements tirés de ces résultats sont finalement assez faibles concernant
la validité des tests cliniques que nous utilisons au quotidien. Les tests mettant en
évidence des conflits disco-radiculaires : Spurling, TMTRMS, traction semblent
les plus validés.
De manière courante, les auteurs s'accordent pour dire qu'aujourd'hui nous ne
savons pas ce que signifient, en termes de diagnostic, les éléments simples comme
une limitation d'amplitude, un muscle douloureux [5, 13]. Les études concernant
les muscles cervicaux ne permettent pas de déterminer si le muscle est à l'origine de
la douleur ou si sa perturbation douloureuse (contracture) est la conséquence
d'une lésion d'une autre structure du rachis cervical par le biais de l'innervation
[1]. En ce qui concerne les entorses cervicales, aucune étude clinique n'a été
retrouvée permettant d'associer formellement une lésion ou une atteinte ligamen-
taire à une douleur cervicale [1].
10 Généralités
Conclusion
La combinaison d'un interrogatoire précis et d'un examen clinique détaillé,
notamment palpatoire, permet de cibler la zone potentiellement responsable de
la douleur sans pour autant en déterminer l'étiologie avec certitude. Seules les
articulaires postérieures ont pu être scientifiquement reconnues comme sources de
douleurs cervicales et les tests cliniques les concernant, s'ils ne sont pas parfaite-
ment reproductibles, sont relativement validés. Dans le cas des névralgies cervico-
brachiales, certains signes cliniques ont montré leur validité. En revanche, le rôle
du disque comme source de douleurs cervicales communes est sujet à discussion et
il n'existe pas de signe clinique valide.
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Examen clinique du rachis cervical : reproductibilité et validité des tests cliniques ? 11
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13
2
Examen clinique du rachis
lombaire
J.-Y. Maigne
Hôpital Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis Notre-Dame, 75181 Paris cedex 4
Introduction
L'intérêt de l'examen clinique lombaire a souvent été remis en cause car très peu
d'éléments en ont été validés. Il n'en reste pas moins qu'il est une étape indispen-
sable avant toute décision thérapeutique, comme nous allons le voir.
L'examen clinique vient en complément de l'interrogatoire, partie la plus contri-
butive [1]. Ce dernier doit être directif : les patients ont tendance à utiliser l'ordre
chronologique pour expliquer leur problème, mais l'ordre inverse a un meilleur
rendement diagnostique (partir de la douleur actuelle, ses caractéristiques puis
remonter à son origine). Il doit être structuré en quatre étapes : topographie de la
douleur, ancienneté et cause éventuelle, facteurs d'aggravation ou d'amélioration
et état psychologique. Le fil conducteur est de chercher à mettre en évidence une
« logique d'organe » à la douleur, l'organe étant ici le rachis lombaire [2]. Lorsque
cette logique est présente, la douleur possède des caractéristiques en rapport avec
l'anatomie et la physiologie vertébrale lombaire. Il est alors très probable qu'elle a
une origine vertébrale. Dans le cas contraire, l'origine est plus probablement liée
à un dysfonctionnement des voies centrales de la douleur.
L'examen physique va chercher à confirmer l'impression donnée par
l'interrogatoire.
Anomalies de flexion
La douleur peut être présente en fin de course ou seulement à mi-course (vers 30°
de flexion) et disparaître au-delà. On parle alors de passage (ou d'arc) doulou-
reux. La raideur est liée à la contraction des spinaux en flexion par perte du
phénomène de flexion-relaxation. Malgré cela, l'amplitude globale du mouve-
ment peut rester normale si les ischio-jambiers et les hanches sont souples. Une
attitude antalgique peut être associée, visible en position érigée ou ne se révélant
qu'en flexion, si le tronc se déporte sur le côté. Une raideur douloureuse traduit
théoriquement une pathologie discale, mais ceci n'est pas démontré. Une raideur
peu douloureuse traduit souvent une arthrose lombaire importante. La
cinésiophobie désigne la peur du mouvement, le sujet hésitant à se pencher
au-delà de 10 à 20°. Elle révèle un comportement anormal face à la douleur.
L'examen de la flexion lombaire a démontré une bonne reproductibilité [6-8].
Sa valeur pronostique n'est pas établie [9].
Anomalies de l'extension
L'extension, d'amplitude plus réduite de moitié que la flexion, s'analyse de la
même façon (figure 2.1). Cette dernière a démontré une bonne reproductibilité
[6-8, 11]. Une douleur en extension évoque classiquement une lyse isthmique ou
un canal lombaire étroit avec ou sans spondylolisthésis. L'équation « douleur
en extension = douleur articulaire postérieure » a été démentie par diverses
études [10]. La reproduction d'une douleur radiculaire par l'extension est
censée traduire la présence d'une sténose foraminale. L'attention a été attirée
sur l'association douleur en extension et discopathie inflammatoire, avec ou
sans signe de Modic à l'IRM [12, 13]. La présence d'une douleur réveillée par
l'extension est donc plus intéressante à étudier d'un point de vue diagnostique
que la douleur en flexion.
Anomalies de la latéro-flexion
Lorsque la latéro-flexion est douloureuse du côté opposé à la lombalgie, il paraît
plausible (mais non validé) d'évoquer une atteinte des branches postérieures
cutanées issues de la charnière thoraco-lombaire (T12, L1 et L2). Elles sont, en
effet, étirées par cette manœuvre qui équivaut à une sorte de Lasègue du tronc.
Examen clinique du rachis lombaire 15
[(Figure_1)TD$IG]
FIGURE 2.1. La douleur provoquée par l'extension lombaire a plus de valeur diagnostique
que celle provoquée par la flexion.
[(Figure_2)TD$IG]
FIGURE 2.2. Pression sur la ligne des articulaires postérieures. L'index appuie sur la 3e
phalange du majeur.
Examen clinique du rachis lombaire 17
[(Figure_3)TD$IG]
[(Figure_4)TD$IG]
FIGURE 2.4. Pression latérale sur l'épineuse. Cette manœuvre, comme les précédentes, doit
être répétée à tous les étages lombaires et jusqu'à la charnière thoraco-lombaire.
Examen clinique du rachis lombaire 19
Lasègue
En cas de lombalgie, on ne rencontre que des Lasègue lombaires, c'est-à-dire une
reproduction (plus ou moins nette) de la douleur lombaire par l'élévation du
membre inférieur tendu. Cette manœuvre n'exerce pas seulement une traction
sur les racines L5 et S1. Les muscles ischio-jambiers et grands fessiers sont étirés et
la charnière lombo-sacrée est mise en légère flexion à partir de 70° d'élévation. Le
sac dural est tiré vers le bas. Malgré l'absence de radiculalgie, il peut donc exister
une limitation de l'élévation du membre inférieur (aux alentours de 60-70°) avec
apparition d'une douleur lombaire. Le Lasègue lombaire pourrait évoquer une
pathologie discale, mais ceci n'est pas validé. Deux causes d'erreur possibles : une
rétraction des ischio-jambiers qui se traduit par une limitation bilatérale et indo-
lore de l'élévation du membre inférieur ou une coxopathie évoluée limitant la
flexion de hanche.
Réflexes ostéo-tendineux
La percussion de l'achilléen doit être systématique, certaines hernies discales
n'entraînant que des douleurs lombo-fessières. Une abolition de tous les
réflexes chez un lombalgique peut aussi être la marque d'une neuropathie
diabétique.
Muscles lombaires
Quatre muscles doivent être examinés : le multifidus, l'érecteur du rachis, les
glutéaux et le piriforme. Leur sensibilité s'apprécie par rapport au côté opposé.
20 Généralités
Muscle multifidus
Principal stabilisateur lombaire, le multifidus est souvent sensible à la palpation
d'un voire des deux côtés. La palpation doit se faire en pressant le muscle contre la
face latérale des épineuses. Cette sensibilité est plus ou moins étendue en hauteur.
Elle peut parfois remonter jusqu'à la charnière thoraco-lombaire. En bas, elle peut
descendre le long de la face dorsale du sacrum. Il est intéressant de noter que cette
sensibilité diminue lorsque le muscle est étiré (patient placé en travers de la table).
Le « multifidus test » décrit dans la littérature consiste à chercher une plus forte
tension d'un côté en palpant simultanément les deux côtés à l'aide de l'index et du
majeur en V. La reproductibilité de ce test est acceptable avec un kappa entre 0,12
et 0,48 [22]. La constatation fréquente d'une atrophie musculaire en cas de
lombalgie unilatérale rend compliquée l'explication de cette tension [23].
Muscles glutéaux
Ils sont presque toujours sensibles, avec présence de cordons myalgiques du côté
de la lombalgie lorsqu'elle est latéralisée, l'autre côté étant indolore. Pour ce faire,
la palpation est effectuée doigts en crochet, perpendiculairement à la direction des
fibres, sans agresser le muscle.
Muscle piriforme
Il est situé au milieu de la fesse entre le grand trochanter et le milieu du bord latéral
du sacrum. À son bord inférieur se fait l'émergence superficielle du nerf sciatique.
Il est particulièrement sensible lorsque la douleur du patient est localisée au milieu
de la fesse.
Conclusion
Bien que l'interrogatoire soit le temps le plus important, l'examen clinique lom-
baire doit garder sa place. Il permet d'abord de rassurer le patient et de lui montrer
que l'on prend son cas au sérieux [30]. Cependant, il reste insuffisant et ne permet
pas, à lui seul, de diagnostiquer une hernie discale (ou, a fortiori, d'autres causes
de douleur) [31]. En revanche, confronté aux données de l'interrogatoire et de
l'imagerie, il permet de fournir des arguments en faveur soit d'une origine
vertébrale segmentaire de la douleur (présence d'une « logique d'organe »), soit
d'un dysfonctionnement des voies centrales de la douleur (absence de logique
22 Généralités
d'organe) et c'est là son intérêt majeur. Enfin, il est possible qu'à l'avenir, les
données de l'examen clinique participent à l'élaboration de règles prédictives
thérapeutiques [32].
Références
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Examen clinique du rachis lombaire 23
3
Imagerie du rachis normal :
variantes et images pièges
D. Godefroy1, B. Rousselin2, L. Sarazin2
1
Professeur associé au Collège de Médecine des Hôpitaux de Paris,
Institut de Radiologie de Paris , 2Institut de Radiologie de Paris, 31, avenue Hoche, 75008 Paris
Introduction
Les images considérées comme étant de simples variantes de la normale ainsi que
les images normales mais trompeuses sont très nombreuses et font l'objet de
beaucoup de traités de plusieurs centaines de pages chacun auxquels tous les
radiologues se réfèrent en cas de doute. On peut observer ces images sur les
clichés standard, mais aussi sur les tomodensitométries ou les IRM [1, 2]. Nous
ne les envisagerons pas sur le plan de leur description mais plutôt sur l'intérêt de
les reconnaître en raison des problèmes qu'elles sont susceptibles de poser dans
une population de sportifs.
Généralités
Ces images s'expliquent par plusieurs mécanismes :
la simple variabilité statistique de l'anatomie rachidienne. Certaines personnes
sont grandes et élancées et d'autres petites et trapues. Ces différences sont
considérées comme normales si l'on excepte les extrêmes qui confinent quand
même au pathologique. Il en est de même pour la morphologie du rachis notam-
ment pour les dimensions des vertèbres, la largeur du canal rachidien et
l'épaisseur des disques. Le fait de s'éloigner de la zone centrale de la courbe de
Gauss induit cependant des conditions anatomiques favorables ou défavorables
à la pratique de certains sports impliquant une modification de la mobilité du
rachis, de sa résistance aux traumatismes ou encore de la tolérance de la moelle ou
des racines à une éventuelle agression traumatique ou dégénérative ;
FIGURE 3.1. Aspect du rachis cervical sur un cliché standard de profil avec la succession des
lignes classiques.
Ligne 1 : parties molles prérachidiennes. Ligne 2 : bord antérieur des corps vertébraux.
Ligne 3 : bord postérieur des corps vertébraux qui marque la limite antérieure du canal
rachidien. Ligne 4 : bord antérieur des massifs articulaires. Ligne 5 : bord postérieur des
massifs articulaires. Ligne 6 : ligne spino-lamaire qui marque la limite postérieure du canal
rachidien osseux. Ligne 7 : corticale postérieure des processus épineux.
Les trois lignes les plus importantes pour évaluer la largeur du canal rachidien sont les lignes
3, 4 et 6. Les lignes 3 et 4 sont très proches l'une de l'autre. Lorsque la ligne 4 se superpose ou
passe en avant de la ligne 3, les pédicules sont courts et les foramens sont étroits.
28 Généralités
L'analyse fine du cliché de profil fournit donc une bonne idée de la morpho-
logie et de la largeur du canal. On peut ainsi mesurer grossièrement sa largeur
entre la 3° et la 6° ligne. Le diamètre sagittal (diamètre antéro-postérieur osseux
ou DAP) varie en moyenne entre 12 et 17 mm et dépend naturellement du
morphotype du patient. Pour s'affranchir des problèmes d'agrandissement radio-
logique liés à la largeur des épaules, certains utilisent le rapport de Torg qui
correspond au rapport de la longueur du canal sur celle du corps vertébral. Il
est normalement égal à 1. Une valeur inférieure à 0,80 et surtout à 0,60 est un
signe de canal étroit. Cette mesure reste utile bien que discutable en raison des
modifications possibles du corps vertébral dans l'arthrose. Le plus important est
la dimension du canal utile pour permettre un passage facile de la moelle. Seule
l'IRM permet d'approcher cette notion. Sur l'IRM, on mesure l'indice médullo-
canalaire (IMC) correspondant au diamètre de la moelle divisé par le diamètre
antéro-postérieur osseux. Cet indice tient compte de l'épaisseur des parties molles
protectrices de la moelle (espace épidural et LCR). Toutes ces mesures qui varient
selon les individus sont importantes à considérer car elles permettent de prévoir
des conditions anatomiques défavorables, responsables de ce que l'on appelle des
« sur-risques » dans les sports de contacts durs comme le rugby. Ces sports
à risque doivent donc faire rechercher des anomalies ou même des variations
congénitales minimes qui passeraient totalement inaperçues et seraient sans
intérêt ni conséquence chez une personne « normale » mais qui représentent un
risque certain de vulnérabilité médullaire dans certains contextes sportifs. Un
chapitre est d'ailleurs consacré au rugby dans ce livre.
La largeur et l'étroitesse éventuelle du canal rachidien lombaire peuvent être
également évaluées sur des clichés simples [4].
FIGURE 3.2. Cliché standard du rachis lombaire de profil chez une jeune fille de 15 ans. La
lordose lombaire est harmonieuse. Le disque L4-L5 (flèche blanche) doit être considéré
comme légèrement pincé puisque son épaisseur est identique à celle du disque sus-jacent.
À noter que les listels marginaux antérieurs (flèches noires) ne sont pas encore totalement
soudés aux corps vertébraux.
La fusion peut intéresser uniquement les corps vertébraux mais inclut souvent
partiellement les arcs postérieurs. Les vertèbres sont plus petites dans le plan
sagittal mais la hauteur du bloc correspond à la hauteur théorique du disque et
des deux corps vertébraux. Une petite fente horizontale est souvent visible à la
place du disque normal. Les foramens sont arrondis et plus petits que les foramens
sus- et sous-jacents. Ces blocs congénitaux sont en général bien tolérés, bien que la
mécanique rachidienne soit légèrement perturbée. Leur aspect radiologique per-
met de les distinguer facilement des blocs acquis secondaires à une spondylodis-
cite ou à une spondylarthropathie.
Les anomalies transitionnelles lombo-sacrées sont fréquentes. La lombalisa-
tion de S1 est relativement rare. L'hémisacralisation et surtout la sacralisation de
L5 sont plus fréquentes. Pour situer la fréquence de ces anomalies transitionnelles,
on peut dire que sur 1 172 examens radiologiques, Korber et Bloch, cités par
Bonafé [6], rapportent 4 cas de lombalisation de S1 (0,3 %), 22 cas
d'hémisacralisation de L5 (1,9 %) et 59 cas de sacralisation de L5 (5 %). Le
diagnostic d'anomalie est évident sur les clichés standard (figure 3.3). Il est plus
difficile sur la tomodensitométrie ou l'IRM qui montrent le plus souvent une
hypertrophie uni- ou bilatérale d'une ou des transverses de L5 qui vient au contact
de l'aileron sacré et peut même être plus ou moins fusionnée avec lui (figure 3.4).
Le disque transitionnel est pincé. Les sacralisations de L5 et les rares lombalisa-
tions complètes de S1 ne font que supprimer ou ajouter un étage discal et sont bien
tolérées. En revanche, l'hémisacralisation de L5 est responsable d'une asymétrie
mécanique dans les mouvements de la charnière avec une possibilité d'instabilité
unilatérale, d'autant que les massifs articulaires sus-jacents sont également
fréquemment asymétriques. La dénomination exacte de l'anomalie est parfois
[(Figure_3)TD$IG]
[(Figure_6)TD$IG]
FIGURE 3.6. Hernie intraspongieuse de Schmorl de petite taille sur le plateau inférieur de L2
(flèche blanche). Séquelles de dystrophie de croissance sur le plateau inférieur de L1
(petites flèches noires).
Imagerie du rachis normal : variantes et images pièges 33
disque adjacent est habituellement pincé. C'est dans ces cas que
tomodensitométrie et/ou IRM sont utiles. Une hernie de Schmorl isolée peut
être considérée comme une image banale, variante du normal. Lorsque ces
« hernies » sont nombreuses et intéressent plusieurs étages, elles s'intègrent dans
le cadre des séquelles de dystrophie de croissance.
Les hernies rétromarginales antérieures se traduisent radiologiquement par la
persistance à l'âge adulte du listel marginal qui prend l'aspect d'un ossicule
triangulaire plus ou moins hypertrophique, accolé à l'angle antéro-supérieur ou
inférieur de la vertèbre avec une condensation des deux bords ou une fusion
complète. Le disque est pincé en regard. Cet aspect ne devra naturellement pas
être confondu avec un arrachement traumatique. Les hernies prémarginales
postérieures avec fracture-arrachement du limbus représentent une véritable
lésion traumatique et non une simple variante. Leur diagnostic est plus difficile.
Les clichés simples peuvent ne pas montrer la lésion. L'IRM, souvent demandée en
première intention à cause des signes neurologiques fréquemment associés, peut
méconnaître le fragment épiphysaire arraché. L'examen tomodensitométrique
avec coupes axiales et reconstruction sagittale reste le meilleur outil diagnostique.
Les anomalies de la charnière cervico-occipitales sont variables et fréquentes
mais doivent rester discrètes pour permettre une pratique sportive satisfaisante.
Elles sont au mieux étudiées par tomodensitométrie. Elles sont souvent bien
tolérées mais peuvent naturellement être responsables d'une instabilité et d'une
fragilité de la charnière susceptibles de poser un problème dans les sports de
contact. Elles méritent d'être alors systématiquement recherchées.
Les méga cul-de-sac, les kystes radiculo-méningés (ou kystes de Tarlov) et les
méningocèles intrasacrées diffèrent sur le plan anatomique. Le méga cul-de-sac
lombosacré se traduit par un élargissement isolé du fourreau dural dans sa por-
tion terminale. Son diagnostic est évident en tomodensitométrie ou en IRM. La
frontière entre simple variante du normal et processus pathologique est cependant
difficile à situer avec précision car un méga cul-de-sac peut parfois être sympto-
matique et entraîner des lombo-radiculalgies. Les kystes radiculo-méningés et les
méningocèles intra-sacrées ont des aspects radiographiques, tomodensitométri-
ques et IRM assez proches, se traduisant par la présence de masses liquidiennes
responsables d'érosions osseuses avec scalloping du sacrum et d'élargissement du
canal et des trous sacrés concernés.
[(Figure_8)TD$IG]
FIGURE 3.8. IRM du rachis cervico-thoracique. Coupe sagittale (A) et axiale (B) T2. Image
trompeuse rétromédullaire par artefact de flux (flèches) pouvant simuler une
malformation vasculaire ou un processus expansif.
[(Figure_9)TD$IG]
FIGURE 3.9. Clichés standard du rachis cervical de profil (A) et de face (B).
Uncodiscarthrose banale. Le petit trait clair visible de profil (flèches) s'explique par la
tangence du rayonnement sur les ostéophytes des uncus (B).
36 Généralités
ostéophytes affrontés horizontaux sur le cliché de face (figure 3.9). Sur le cliché de
profil, cette image prend la forme d'un trait clair horizontal, parallèle au disque,
pouvant simuler un trait de fracture lorsqu'il est net.
L'artère vertébrale suit un trajet relativement complexe à l'étage cervical. De
C6 à C2, elle chemine dans le trou des transverses. Son diamètre est souvent
asymétrique entre les côtés droit et gauche. Des boucles physiologiques sont
possibles et peuvent entraîner des érosions osseuses sans valeur pathologique
dans la vie habituelle mais susceptibles de rendre l'artère plus vulnérable dans
certains contextes sportifs [12]. En C2, l'artère vertébrale quitte la transverse de
C2 avec un trajet horizontal et externe. Le foramen (trou) transversaire de C2 est
plus vertical qu'horizontal. Son image apparaît sur le cliché de profil et peut
simuler une géode osseuse.
Conclusion
L'aspect du rachis normal est relativement variable sur les clichés simples, la
tomodensitométrie ou l'IRM selon les individus et notamment leur morphotype.
Certaines images considérées comme de simples variantes du normal peuvent
poser des difficultés d'interprétation et soulever des problèmes de tolérance lors
de la pratique de certains sports de contact en raison d'une fragilité accrue du
rachis. Elles doivent donc être connues et interprétées en fonction des risques
éventuels qu'elles sont susceptibles d'entraîner dans le contexte sportif.
Références
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12 Anderson RE, Shealy CN. Cervical pedicle erosion and rootlet compression caused by a tortuous
vertebral artery. Radiology 1970 ; 96 : 537-8.
37
4
Statique pelvirachidienne
normale et pathologique.
Évaluation actuelle
G. Morvan, V. Vuillemin, H. Guérini, F. Thévenin
Imagerie Léonard de Vinci, 4, rue Cortambert, 75016 Paris
Introduction
La posture statique prolongée et la course rapide bipède sont des caractéristiques
spécifiquement humaines. L'évolution d'Homo sapiens a conduit l'être humain
à une station érigée, une marche, une course les plus efficaces possibles pour la
dépense d'énergie la plus basse possible. On conçoit intuitivement, en se trans-
portant au sein d'un peuple de chasseurs aux conditions d'existence des plus
rudes, qu'un individu dont l'essentiel des forces serait consacré à tenir debout
et à marcher aux dépens de multiples autres activités vitales soit condamné
à disparaître. Même si cela nous paraît normal, tant nous y sommes habitués,
tenir debout sur ses deux pieds, de manière stable et économique, est un extra-
ordinaire et fragile acquis biomécanique, apte à faire pâlir de jalousie nos
meilleurs cabinets d'ingénierie actuels. Il suffit, si l'on en doute, de constater les
conséquences rapides et dramatiques sur la déambulation de multiples affections
traumatiques, rhumatismales, neurologiques ou musculaires...
Vivre debout implique un squelette adapté, de nombreux capteurs sensoriels de
différentes natures dont les données sont intégrées, analysées, comparées et
filtrées en temps réel, une centrale de coordination et d'anticipation du mouve-
ment performante, une musculature optimalisée, tout cela devant fonctionner de
la manière la plus économique possible. Notre fonctionnement est donc régi
depuis la nuit des temps par des impératifs d'économie qui n'ont été
redécouverts que fort récemment.
Bassin
Incidence
L'un des facteurs majeurs de la statique sagittale est la forme du bassin.
Constitutionnellement nos bassins sont plus ou moins épais dans le sens
antéropostérieur (figure 4.1). Pour chiffrer cette particularité, une simple
mesure de la distance antéropostérieure entre le centre du plateau sacré et celui
des têtes fémorales (figure 4.2) paraîtrait logique. Cependant, comme elle
méconnaît le mode d'implantation du sacrum, fixé de manière plus ou moins
inclinée sur le bassin, cette simple mesure demeurerait incomplète. Duval-
Beaupère [1, 2] a imaginé un critère associant les deux éléments précédents :
la distance centre du plateau sacré/têtes fémorales et le mode d'implantation
du sacrum. C'est l'angle que fait la ligne CS (joignant le centre C des têtes et le
Statique pelvirachidienne normale et pathologique 39
[(Figure_1)TD$IG]
FIGURE 4.1. Vue latérale de deux bassins en 3D. La dimension antéropostérieure des deux
bassins est très différente : le bassin A est épais, le bassin B est plat.
[(Figure_2)TD$IG]
FIGURE 4.2. Vue médiale d'un hémi-bassin droit. La flèche illustre cette notion de
« profondeur » du bassin.
40 Généralités
Version pelvienne
La version pelvienne est l'angle que fait la ligne CS avec la verticale (figure 4.4).
Cet angle caractérise la position du bassin dans l'espace, plus ou moins penché en
avant (figure 4.5). Sa normale est de 13° W 6° [3]. Ce petit angle est normale-
ment ouvert en arrière, dans la mesure où le centre du plateau sacré est norma-
lement situé un peu en arrière des têtes fémorales. La version du bassin se définit
par rapport au pôle cranial de celui-ci. Les épines iliaques antérosupérieures
(figure 4.5), par exemple, constituent un repère commode. Si elles basculent en
avant, le bassin est antéversé. Si elles basculent en arrière, on parle d'une
rétroversion. Le corps du sacrum s'horizontalise et son plateau se verticalise. On
conçoit que dans ce cas, le rachis lombaire – à qui le plateau sacré sert de socle –
pour retrouver un trajet vertical, devra fortement se cambrer (forte lordose) exac-
tement comme un arbre qui pousserait sur un sol fortement incliné (figure 4.6).
[(Figure_3)TD$IG]
FIGURE 4.4. Angle de version pelvienne. La version pelvienne est l'angle entre la verticale et
le segment CS. Elle traduit la position du bassin dans l'espace, plus ou moins penché en
avant. Sa normale est de 13°W 6°.
FIGURE 4.5. Bassin anté- et rétroversé. Le cercle blanc figure les épines iliaques antéro-
supérieures. Si elles basculent en avant : antéversion. Si elles basculent en arrière : rétroversion.
42 Généralités
[(Figure_6)TD$IG]
FIGURE 4.6. Un arbre qui naît d'un talus incliné doit se cintrer pour retrouver la verticale.
Pente sacrée
La pente sacrée est l'angle que fait la tangente au plateau sacré avec l'horizontale.
Sa normale est de 41 W 8° (figure 4.8) [3]. Cette pente détermine la position du
rachis « planté » sur le plateau sacré comme un arbre sur un sol plus ou moins
pentu.
Dans la mesure où la somme (angle de pente sacrée + angle de version pelvienne
= angle d'incidence) est constante pour un individu donné, les deux termes de
cette somme varient en proportion inverse : quand la version pelvienne augmente
Statique pelvirachidienne normale et pathologique 43
[(Figure_7)TD$IG]
FIGURE 4.7. Bassin antéversé (en haut) et rétroversé (en bas). Vue TDM 3D et
radiographiques (patients différents).
[(Figure_8)TD$IG]
FIGURE 4.8. Angle de pente sacrée. La pente sacrée est l'angle entre l'horizontale et la
tangente au plateau sacré. Elle traduit la position du plateau sacré, plus ou moins incliné.
Sa normale est de 41°W 8°.
44 Généralités
Rachis
La statique sagittale de la tige souple qu'est le rachis humain est normalement
constituée d'une alternance de courbes : cyphose sacrée, lordose lombaire,
cyphose thoracique et lordose cervicale, les unes compensant les autres.
Chacune de ces courbes interagit avec les courbes voisines, avec la statique
pelvienne et celle des membres inférieurs afin de trouver, pour un individu
donné, la position érigée la plus confortable, la plus stable et la plus économe
en énergie.
Les positions des membres inférieurs, du bassin et du rachis sont intimement
liées et indissociables. Ces trois structures constituent un seul et même ensemble.
À ce titre, l'ensemble pelvirachidien peut être comparé à un accordéon (figure 4.9).
Quand on étire l'accordéon pelvien (bassin profond à incidence importante), on
étire de facto simultanément l'accordéon rachidien : lordose lombaire et cyphose
thoracique importantes. Quand on comprime l'accordéon pelvien (bassin plat
à incidence faible) on comprime aussi l'accordéon rachidien : lordose lombaire et
cyphose thoracique faibles.
À l'état normal, la lordose lombaire est du même ordre de grandeur que la
cyphose thoracique et que l'incidence pelvienne.
Statique pelvirachidienne normale et pathologique 45
[(Figure_9)TD$IG]
Moyens d'étude
Radiographies argentiques et numériques
Hormis l'examen clinique, fondamental, et quelques tentatives de techniques non
radiographiques peu utilisées en pratique (franges de Moiré), l'étude de la sta-
tique pelvienne repose sur la radiographie.
En technique argentique, les clichés de face et de profil étaient effectués sur
des films de grand format 30 cm x 120 cm en téléradiographie (figure 4.10).
Cette technique avait deux inconvénients notables : une irradiation importante
et une piètre qualité photographique, surtout chez les patients corpulents, notam-
ment pour les clichés de profil.
Différents systèmes numériques ont progressivement remplacé les clichés tradi-
tionnels argentiques, avec des technologies variables : téléradiographie, balayage,
collage secondaire de vues fragmentaires... Dans l'ensemble, l'irradiation est un peu
moins importante. La qualité photographique, très variable en fonction des
systèmes, reste globalement médiocre, surtout chez les patients volumineux.
Système EOS
Le système EOS a révolutionné l'exploration de la statique pelvirachidienne.
Basé sur les détecteurs ultrasensibles de Charpak [4], ce système utilise deux
tubes à rayons X orthogonaux couplés à deux détecteurs (figure 4.11), le tout
46 Généralités
[(Figure_0)TD$IG]
[(Figure_1)TD$IG]
FIGURE 4.11. Système EOS. a : Il est composé de deux tubes orthogonaux et de deux
détecteurs qui coulissent verticalement. b : Patient en place dans le système.
Statique pelvirachidienne normale et pathologique 47
FIGURE 4.12. Système EOS. a : vues simultanées du corps entier de face et de profil. Mesure
des paramètres pelvirachidiens en 2D.
48 Généralités
[(Figure_2)TD$IG]
Cette dernière est essentielle : c'est elle qui donne la position de chaque vertèbre
par rapport au bassin, à la ligne médiane ainsi que son degré de rotation. C'est
l'incidence majeure du scoliologue. Tous les paramètres pelviens et rachidiens,
ainsi que la rotation de chaque vertèbre sont calculés en 3D. Les potentialités
énormes de cet outil – qui n'en est qu'à sa phase initiale – ainsi que son caractère
très peu irradiant le rendent d'ores et déjà incontournable dans l'étude de la
statique pelvirachidienne.
La tomodensitométrie, nettement plus irradiante, réalisée en décubitus est d'un
intérêt majeur dans l'étude morphologique du rachis, mais n'a pas de place dans
une étude statique.
Quelques rares IRM verticales sont susceptibles de réaliser des images en
charge du rachis, mais celles-ci ne peuvent être assimilées à une étude statique.
[(Figure_2)TD$IG]
[(Figure_3)TD$IG]
[(Figure_5)TD$IG]
lombaire importante qui reporte en arrière les contraintes sur les articulations
zygapophysaires d'où leur possible dégénérescence arthrosique. L'association
arthrose zygapophysaire et pente sacrée importante constitue un facteur
prédisposant pour la survenue d'un olisthésis antérieur (scwab) (figure 4.15).
De nombreuses autres pathologies, qu'il n'est pas envisageable d'aborder en
quelques lignes, peuvent bénéficier de ce type d'analyse : spondylolisthésis par
lyse, maladie de Scheuerman. . .
Conclusion
Homo sapiens s'est transformé pour acquérir une station érigée permanente
stable et économique. Cette transformation a été globale. On ne peut aborder
l'étude de la statique rachidienne que dans cet esprit de globalité, sans séparer le
rachis, le bassin, les membres inférieurs et leur musculature. Les outils diagnosti-
ques d'imagerie actuels nous le permettent.
Références
1 Duval-Beaupère G, Robain G. Visualization on full spine radiographs of the anatomical connec-
tions of the centres of the segmental body mass supported by each vertebra and measured in vivo.
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6 Dubousset J, Charpak G, Skalli W, Kalifa G, Lazennec JY. Système EOS : la radiographie de la tête
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7 Schwab FJ, Farcy JP, Roye DP Jr. The sagittal pelvic tilt index as a criterion in the evaluation of
spondylolisthesis. Preliminary observations. Spine 1997 ; 22 : 1661-7.
Partie II
Rachis traumatique
57
5
Rachis cervical et rugby
Y. Bohu1,2, H. Pascal-Moussellard2, Y. Catonné2
1
Centre médico-chirurgical Paris V, 36, boulevard Saint-Marcel,
75005 Paris ; 2Service du Pr Y. Catonné, chirurgie orthopédique et traumatologie du sport,
Groupe hospitalier de la Pitié Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13
Introduction
La connaissance de la traumatologie du rugbyman évolue dans le même temps
que le rugby se développe au sein de notre société. Nous avons désormais des
études prospectives de grande échelle, organisées et développées par l'encadre-
ment médical des fédérations.
Les traumatismes du rachis cervical associent deux aspects : le premier est le
risque de tétraplégie consécutive à un traumatisme aigu et le second celui de
dégénérescence arthrosique précoce par microtraumatismes répétés. Ces deux
risques sont dus à des phases de jeu spécifiques du rugby qui engagent des
contraintes sur le rachis cervical (plaquage, mêlée).
Nous présentons l'état des connaissances actuelles illustré d'exemples cliniques
issus de notre pratique.
Traumatisme aigu
Historique de la description des traumatismes du rachis
cervical au rugby
Les premières descriptions des accidents du rachis cervical liés à la pratique du
rugby datent des années 1970. Les premiers éditoriaux de pays anglophones
voulaient sensibiliser l'opinion publique sur ce jeu rugueux et pourvoyeur de
phases de combat potentiellement dangereuses [1].
Aux États-Unis, Torg et al. [2, 3] ont été les précurseurs des travaux sur le
rachis cervical et le sport. Ils ont décrit et développé un facteur de risque, un indice
[(Figure_1)TD$IG]
Onze phases de jeu concernent les mêlées. Neuf joueurs sont des talonneurs.
Quatorze des 18 blessés sont des avants. Le tableau 5.1 récapitule les chiffres
donnés par les différentes études. L'ensemble de ces travaux donne une descrip-
tion des mécanismes traumatiques des accidents engendrant des tétraplégies :
phase de jeu : mêlée dans 8 cas sur 10 ;
postes concernés : les premières lignes dans 7 cas sur 10 ;
match en compétition dans 7 cas sur 10 ;
période de la saison : le début et la reprise ;
catégorie : les seniors.
Plus récemment, les règles ont évolué pour protéger les joueurs en phase de
mêlée et de plaquage. La phase de mêlée ordonnée a été modifiée. Elle se fait en
quatre temps sous le contrôle de l'arbitre. Shelly et al. [14], en Irlande, rapportent
12 cas de tétraplégie entre 1995 et 2004 dont 8 sur phase de plaquage, impliquant
pour 9 cas sur 12 des postes d'arrière.
En France, depuis la saison 1999-2000, la licence est assortie d'une non-contre-
indication spécifique aux joueurs de première ligne. La poussée en mêlée est
limitée à 1,50 m en catégorie amateur. Les plaquages à caractères dangereux
ont été interdits, comme la projection au sol du joueur plaqué (« spear-tackle »,
en fer de lance) ou le plaquage au-dessus des épaules. Les études qui ont suivi ces
modifications de règles montrent une diminution des accidents graves. Depuis
août 1995, le rugby est devenu un sport professionnel. L'augmentation du rythme
et celle du nombre d'entraînements s'accompagnent d'une croissance du nombre
de blessures [15]. Des études épidémiologiques se sont multipliées pour évaluer et
diminuer le coût lié à ces accidents par la volonté commune des assureurs et des
employeurs. Une étude prospective sur une période de deux saisons du cham-
pionnat professionnel anglais (12 clubs et 546 joueurs) apporte quelques données
qualitatives sur les traumatismes du rachis [16]. L'incidence des lésions était de
10,90 pour 1 000 heures de match et de 0,37 pour 1 000 heures d'entraînement.
Il n'y a eu aucune lésion médullaire grave. Trois joueurs ont dû mettre un terme
à leur carrière en raison d'une blessure. Les avants étaient plus touchés que les
arrières que ce soit en match (p < 0,01) ou à l'entraînement (p = 0,02) ;
4 037 jours d'arrêt étaient dus à ce type de blessure. La phase de jeu la plus
pourvoyeuse de lésions est le plaquage (37 %). Des atteintes nerveuses
périphériques ont causé 15 % des arrêts, soit 621 jours.
FIGURE 5.2. Incidence des blessés médullaires en France entre 1995/96 et 2005/06.
Rachis traumatique
1 19 2005 second row second row tackle junior unknown unknown unknown unknown
2 20 2005 hocker hocker scrum junior unknown unknown unknown unknown
3 31 2005 hocker hocker scrum senior C4-C5 D C5 tetraplegia uncomplete crutch
4 19 2004 hocker hocker maul junior C4-C5 D C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
5 27 2004 second row second row maul senior C3-C4 DF C4 tetraplegia uncomplete crutch
6 29 2003 fly half fly half contact senior C5-C6 DF T2 tetraparesia uncomplete walking
7 34 2003 third row third now line out senior C6-C7 D C7 hemiparesia uncomplete walking
8 36 2003 third row third now maul senior C3-C4 DH C4 tetraplegia uncomplete crutch
9 25 2002 hocker hocker scrum senior C4-C5 D C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
10 25 2001 centre centre unknown senior unknown unknown unknown unknown
11 16 2001 third row third now ruck junior C4-C5 D C4 tetraplegia none wheelchair
12 18 2000 third row prop scrum junior C5-C6 D C6 tetraplegia uncomplete wheelchair
13 20 2000 third row hocker scrum junior C5-C6 D C5 tetraplegia none wheelchair
14 20 2000 hocker hocker scrum junior C4-C5 DH C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
15 36 2000 third row third now maul senior medullar C5 tetraplegia uncomplete deambulator
bruise C4
16 35 1999 third row third now tackle senior C5-C6 DH C5 tetraplegia complete walking
17 26 1999 second row second row tackle senior medullar C4 tetraplegia uncomplete walking
bruise C4
18 17 1999 third row third now ruck junior C3-C4 HD C4 tetraplegia uncomplete crutch
19 15 1998 scrum half scrum half contact minime C4-C5 DF C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
TABLEAU 5.2. Caractéristiques des 39 blessés médullaires entre 1995/96 et 2005/06 (suite)
N° AGE SEASON USUAL INJURIED phase of CATEGORY DIAGNOSIS neurological neurological AUTONOMY
position poilton game initial status outcome
20 21 1998 third row prop scrum junior C4-C5 DF C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
21 30 1998 prop prop scrum senior C4-C5 DF C5 tetraplegia uncomplete wheelchair
22 24 1998 hocker hocker scrum senior C5-C6 F C5 tetraplegia uncomplete crutch
23 18 1998 second row second row contact junior C3-C4 S C5 tetraplegia complete walking
24 18 1998 hocker hocker scrum junior C5-C6 D C5 tetraplegia none wheelchair
25 30 1997 hocker hocker scrum senior C3-C4 D C4 tetraplegia none wheelchair
26 16 1997 third row third now contact cadet C4-C5 DF C5 tetraplegia uncomplete wheelchair
27 33 1997 prop prop scrum senior C4-C5 D C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
28 29 1997 hocker hocker scrum senior C5-C6 DF C5 tetraplegia uncomplete wheelchair
29 30 1997 hocker hocker scrum senior C5-C6 DF C5 tetraplegia none wheelchair
30 25 1997 prop prop scrum senior C2-C3 S C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
31 22 1997 hocker prop scrum senior C5-C6 DF C6 tetraplegia uncomplete wheelchair
32 18 1997 third row third now maul junior C4-C5 DF C4 tetraplegia none wheelchair
63
64 Rachis traumatique
[(Figure_4)TD$IG]
integrum. Encore une fois, le patient doit être indemne de tout signe fonctionnel,
et avoir un examen physique normal. Dans le cas de lésions neurologiques
périphériques, un examen électromyographique est recommandé pour confirmer
la récupération neurologique. Si le patient a été opéré, l'avis du chirurgien
spécialisé est nécessaire pour confirmer la consolidation définitive.
Trois situations sont à distinguer : contre-indication absolue, absence de
contre-indication et contre-indication relative (figures 5.5 et 5.6). En pratique,
68 Rachis traumatique
[(Figure_5)TD$IG]
il faut retenir qu'une hernie discale guérie, une fracture non déplacée, stable (ou
stabilisée après intervention) ou un seul niveau de fusion ne sont pas une contre-
indication. En revanche, une raideur, une douleur, une instabilité clinique ou
radiologique, une fusion C1-C2 ou de plusieurs niveaux, une fracture non
consolidée ou instable, une hernie non guérie, des signes neurologiques sont des
contre-indications absolues à la reprise du rugby.
Cas cliniques
Le premier dossier a été choisi pour illustrer le cas particulier des traumatismes sur
canal cervical étroit, les particularités diagnostiques et thérapeutiques de sa prise
en charge. Le deuxième exemple reflète parfaitement le cas d'un accident grave :
[(Figure_6)TD$IG]
[(Figure_7)TD$IG]
Conclusion
Les traumatismes du rachis cervical au rugby sont fréquents. Ce sport de contact
propose des situations de jeu spécifiques, la mêlée et le plaquage, qui mettent en
contrainte le rachis cervical. Les accidents médullaires sont cependant exception-
nels par rapport à la fréquence des situations traumatisantes. Mais leur coût
humain et social est très élevé. Ils constituent une préoccupation de la Fédération
française de rugby et les efforts de prévention ont montré leur efficacité.
Rachis cervical et rugby 71
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72 Rachis traumatique
6
Football et rachis lombaire
P. Vautravers, C. Blaes, M.-E. Isner
Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg,
1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex
Introduction
Les rachialgies, en particulier les lombalgies, sont classiquement corrélées à une
activité physique insuffisante. Une activité modérée, de type loisir, épargne ces
douleurs. En revanche, une pratique intense, de type compétition, augmente le
risque, plus particulièrement dans certaines activités sportives [1-3]. Toutefois, de
nombreux paramètres doivent être pris en compte avant d'imputer la lombalgie
à la pratique du sport (contexte – examen clinique – type et niveau de pratique –
ancienneté...) [4].
Les sports les plus fréquemment responsables de rachialgies sont : la gymnas-
tique [2], la lutte, le football américain, le rugby, les sports de combat, le volley, le
tennis, l'haltérophilie. Les atteintes rachidiennes survenant lors de la pratique du
football (soccer) sont rares et ne représentaient, en 1987, que 2 % des accidents
déclarés aux Assurances mutuelles nationales des Sports ; 70 % des cas étaient
des lombalgies [5].
Dans près de la moitié des cas, une agression mécanique aiguë, un macro-
traumatisme, sont retrouvés. Les microtraumatismes, le « surmenage », l'hyper-
sollicitation du rachis par des gestes sportifs agressifs et répétés se conjuguent très
souvent aux macrotraumatismes.
Les médecins se doivent impérativement de détecter les étiologies organiques,
viscérales et les symptômes en rapport avec une infection, une tumeur, une
pelvispondylite rhumatismale : 20 % de ces dernières débutant avant l'âge de
20 ans. C'est la raison pour laquelle un examen clinique médical et minutieux doit
être systématiquement réalisé. Au cours de cet examen (détaillé dans un autre
chapitre de l'ouvrage) doivent être mis en exergue l'interrogatoire permettant de
préciser les caractéristiques de la douleur ressentie par le patient, l'examen de la
Étiologies
Maladie de Scheuermann
La maladie de Scheuermann qui affecte 20 % de la population générale, est
indiscutablement favorisée par l'activité physique [12]. La scoliose, la lyse isth-
mique constatée, selon les auteurs, chez 30 à 60 % de certains sportifs [13] ainsi
que le spondylolisthésis, qui sont autant d'affections susceptibles de déclencher
des rachialgies, sont développés dans d'autres chapitres de cet ouvrage.
Discopathies lombaires
Mise à part l'avulsion du listel marginal postérieur chez l'adolescent, les discopa-
thies protrusives lombaires ne sont pas plus fréquentes chez les adultes pratiquant
la plupart des sports de loisir ou de compétition [14]. Toutefois, la fréquence des
signes radiologiques lombaires et IRM de dégénérescence discale est plus élevée
chez certains sportifs que dans la population générale [15]. Les anomalies
retrouvées sont corrélées à l'âge, le niveau et l'ancienneté de la pratique
notamment en compétition, la durée d'entraînement hebdomadaire... [2, 3].
Des tentatives de recherche d'apparition de modifications radiographiques du
rachis lombaire commencent à être réalisées chez les footballeurs, en fonction de
leur ancienneté et de leur poste sur le terrain de jeu [16].
Chez l'adulte jeune, la discopathie protrusive avec fissure de l'annulus et
migration plus ou moins importante du nucléus se traduit cliniquement par un
tableau de lumbago, « d'entorse » discale, voire de radiculalgie. Le sportif
vétéran présente plutôt une discopathie avec insuffisance discale responsable
d'un tableau douloureux postural et chronique.
Le traitement n'est pas spécifique au milieu sportif. L'arrêt de l'activité doit
être limité dans le temps, associé à la prise d'antalgiques et d'anti-inflammatoires
non stéroïdiens. Les infiltrations péridurales, les manipulations vertébrales sont
Football et rachis lombaire 75
Hypothèses pathogéniques
Ainsi, sont élaborées de très nombreuses hypothèses étiopathogéniques, à l'instar
des tentatives scientifiques actuelles de détermination de « sous-groupes » dans le
domaine des lombalgies de la population générale [19]. En pratique quotidienne
sont ainsi évoqués les souffrances discales, interapophysaires postérieures, mus-
culaires, ligamentaires ainsi que les troubles de la posture, les anomalies des sacro-
iliaques, la « bascule » du bassin... Malgré les efforts scientifiques actuels,
aucune théorie n'est encore validée scientifiquement.
du tronc par les muscles obliques et favorise ainsi les lombalgies par surmenage
articulaire postérieur ou musculaire au niveau de la charnière dorso-lombaire.
Les pathologies présumées articulaires postérieures, musculaires ou ligamen-
taires sont souvent intriquées et bénignes. Les thérapeutiques manuelles, en par-
ticulier ostéopathiques, sont utiles dans la prise en charge de ces lésions,
à condition de respecter les règles draconiennes d'application – comme chez les
non-sportifs – pour éviter tout accident [29].
La prévention reste fondée idéalement sur l'examen clinique, l'évaluation de la
force musculaire des membres inférieurs par méthode isocinétique, l'apprentis-
sage des étirements musculaires (stretching) de façon précoce, adaptée et simple
ainsi que sur la limitation de la durée de l'entraînement chez les jeunes [30]. Le
renforcement musculaire proprement dit doit être qualitatif et quantitatif, adapté
à chacun et bien équilibré. La surveillance médicale et paramédicale doit être
impérative tout au long du cursus.
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79
7
Entorses du rachis cervical :
apport de l'imagerie
D. Safa
Service d'imagerie médicale (Pr Vallée), Hôpital Universitaire Raymond Poincaré,
104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches
Introduction
De nombreux sports comportent un risque de traumatisme grave du rachis cervi-
cal, en particulier le rugby ou le sport automobile. Les entorses du rachis cervical
correspondent à des lésions ligamentaires ou disco-ligamentaires. Elles touchent
principalement le rachis « mobile », cervical inférieur de C3 à C7. Elles sont très
fréquentes. Elles résultent d'un traumatisme en flexion seule, en extension seule
ou en flexion – extension (« whiplash » des Anglo-Saxons). Ce dernier est
particulièrement le cas des sports automobiles et des accidents de voiture en
général (lors du choc : flexion cervicale, puis extension par effet rebond). Il peut
également s'agir d'une chute sur la tête (gymnaste).
Les entorses sont le plus souvent « bénignes ». La distinction entre entorse
bénigne et entorse grave est uniquement due à la sévérité des lésions ligamentaires.
En cas d'entorse bénigne, les lésions ligamentaires se limitent à une simple dis-
tension et n'entraînent pas d'instabilité de l'étage atteint. Cette dernière est
présente dans les entorses graves en raison d'une déchirure des ligaments. Il existe
alors une « subluxation » vertébrale.
Les radiographies permettent un diagnostic de certitude. Les erreurs ou les
insuffisances diagnostiques peuvent être lourdes de conséquences. C'est pourquoi,
en l'absence de spécificité des signes cliniques, un bilan radiographique chez tout
traumatisé du rachis cervical est indispensable et obligatoire, avec la réalisation
systématique de clichés dynamiques à distance (J8) [1-5]. Le risque principal est de
méconnaître une entorse grave. L'absence de diagnostic peut conduire à l'évolution
vers un cal vicieux définitif, les ligaments ne cicatrisant pas spontanément.
FIGURE 7.1. Six lignes de profil, d'avant en arrière : parties molles prévertébrales, bord
antérieur, des corps vertébraux (CV) mur postérieur des CV, bord postérieur des
apophyses articulaires, base des épineuses, pointe des épineuses.
Incidence de face
L'incidence de face montre (figure 7.2) :
les corps vertébraux de C3 à T2, dont la hauteur est identique à l'étage cervical ;
le bon alignement médian des épineuses ;
l'empilement régulier des massifs articulaires des deux côtés ;
la hauteur identique des disques intervertébraux.
FIGURE 7.2. Cliché de face. Alignement latéral des massifs articulaires. Alignement des
épineuses. Hauteur identique des corps vertébraux et des disques intervertébraux.
[(Figure_3)TD$IG]
FIGURE 7.3. Cliché de face bouche ouverte : alignement des masses latérales de C1 et du
corps de C2 et centrage de l'odontoïde, équidistant des masses latérales de C1.
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 83
Incidences obliques
Elles sont parfois réalisées en complément. Aux critères de normalité de face
concernant l'empilement des corps vertébraux et des massifs articulaires s'ajoute
celui de l'alignement régulier des trous de conjugaison dont les parois sont fermées
et à limites nettes.
Entorses bénignes
Dans ce cas, il existe une distension ligamentaire, parfois une petite déchirure,
mais sans rupture du ligament concerné. Il est aisé de comprendre qu'un trauma-
tisme en extension entraîne une lésion du ligament longitudinal antérieur et qu'un
traumatisme en flexion entraîne une lésion des éléments ligamentaires postérieurs
(d'arrière en avant : ligament supraspinal, ligament interspinal, ligaments jaunes
et capsules articulaires postérieures) (figure 7.4).
Le patient se plaint le plus souvent de cervicalgies post-traumatiques.
L'examen clinique élimine une lésion neurologique.
Les radiographies permettent surtout d'éliminer une luxation ou une fracture
d'emblée (figure 7.5), ou encore une fracture parcellaire. Dans la majorité des cas,
[(Figure_4)TD$IG]
[(Figure_5)TD$IG]
FIGURE 7.5. Entorse grave C2C3. Fracture associée de l'anneau de Harris (flèche).
Entorses graves
Elles sont rares, mais leur méconnaissance peut être dramatique et évoluer vers
une luxation vertébrale fixée.
Elles sont dues à la rupture des moyens d'union intervertébraux qui forment
le « segment mobile rachidien » et qui correspondent aux structures disco-
ligamentaires unissant deux vertèbres (figure 7.4). On note d'avant en arrière :
le ligament longitudinal antérieur, le disque intervertébral, le ligament longitudi-
nal postérieur (LLP), les capsules articulaires, le ligamentum flavum (ou ligament
jaune), le ligament interspinal et le ligament supraspinal [5].
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 85
[(Figure_6)TD$IG]
FIGURE 7.6. Jeune sportive de 18 ans, entorse bénigne J1 : attitude scoliotique de face,
raideur de profil. Noter le canal cervical congénitalement étroit.
[(Figure_7)TD$IG]
FIGURE 7.7. Même patiente, clichés dynamiques à J8 : absence de signe d'entorse grave.
86 Rachis traumatique
FIGURE 7.9. Entorse grave C6C7 : décoaptation articulaire postérieure complète. Tous les
critères de Roy-Camille sont présents.
[(Figure_0)TD$IG]
FIGURE 7.10. Entorse grave C6C7 avec fracture du coin antérieur et supérieur de C7, mieux
visible en TDM.
FIGURE 7.11. Entorse grave en extension. Recul des articulaires de C2 sur C3. Rétrolisthésis
de C2 sur C3. Fracture parcellaire antérieure du corps de C2.
[(Figure_2)TD$IG]
[(Figure_4)TD$IG]
FIGURE 7.14. Homme de 60 ans, accident de ski. Tétraplégie C4. IRM : hernie discale
C2C3 gauche sur canal rétréci, rétrolisthésis de C2 sur C3, séquelles d'hématome
intramédullaire en regard (cavité, hyposignal en T1). Persistance d'un œdème médullaire
périphérique.
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 93
[(Figure_5)TD$IG]
FIGURE 7.16. Même patient que figure 7.9 : vissage postérieur. Aspect postopératoire.
[(Figure_7)TD$IG]
FIGURE 7.17. Homme de 68 ans. Entorse grave du rachis cervical en C5C6, vissage
antérieur. Signes cliniques d'irritation pyramidale. L'IRM confirme le démontage du
matériel et la déstabilisation secondaire. Pas d'anomalie du signal médullaire.
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 95
[(Figure_8)TD$IG]
FIGURE 7.18. Homme de 31 ans. Antécédent d'entorse grave C5C6 + fracture du corps de
C5 et tétraparésie. IRM à 6 ans : cyphose cervicale fixée, grande cavité syringomyélique
de C4 à T9, atrophie médullaire sus-jacente (myélomalacie). Coupes sagittales en T1 et
coupe axiale T2 en C7.
96 Rachis traumatique
[(Figure_9)TD$IG]
FIGURE 7.19. Enfant 11 ans. Antécédent d'entorse grave C6C7 sur rachis malformatif avec
Chiari I et tétraparésie. IRM à distance : syringomyélie « suspendue ».
l'adulte (normale jusqu'à 5 mm). Par ailleurs, les zones les plus sollicitées (ou
« zones pivot ») vont en « descendant » avec l'âge.
Chez le jeune enfant, il existe une sub-luxation physiologique C2-C3, corres-
pondant à la zone « pivot ». Sur la radiographie du rachis cervical de profil, la
normalité de la ligne spino-lamaire de Swischuck est l'élément qui permet d'iden-
tifier cet aspect comme normal (figure 7.20). Les parties molles prévertébrales
sont également plus épaisses à cet âge, classiquement inférieures à 15 mm en
avant de C2-C3. De fausses images d'épaississement des parties molles sont
souvent présentes, créées par une incidence en expiration ou une extension cervi-
cale incomplète.
Les lésions ligamentaires traumatiques sont beaucoup plus fréquentes que les
lésions osseuses vertébrales chez le jeune enfant. Parmi celles-ci, les subluxations
rotatoires C1-C2 sont, de loin, le plus rencontrées et peuvent survenir lors d'un
traumatisme relativement minime (ex. : roulade). Cliniquement, l'enfant présente
une attitude en torticolis irréductible. Les radiographies du rachis cervical de
profil éliminent une fracture et une lésion sous-jacente et la TDM permet de
confirmer, le cas échéant, la subluxation (figure 7.21).
En raison de l'hyperélasticité ligamentaire physiologique, des lésions
SCIWORA (spinal cord injury without radiological abnormality) sont très
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 97
[(Figure_0)TD$IG]
fréquentes chez le jeune enfant, avec une apparition de signes neurologiques qui
peut être retardée jusqu'à 4 jours après le traumatisme. L'IRM médullaire est
donc indispensable au moindre signe clinique, même en l'absence de signe
osseux. Des lésions SCIWORA peuvent également se voir dans des contextes
particuliers tels qu'un traumatisme obstétrical ou un syndrome de l'enfant
secoué.
À partir de 8-10 ans, la zone « pivot » est située comme chez l'adulte en
C5-C6 et les lésions se localisent alors au rachis cervical inférieur, de C3 à C7.
L'imagerie est similaire à celle de l'adulte.
[(Figure_1)TD$IG]
FIGURE 7.21. Subluxation rotatoire C1C2. Cliché de face bouche ouverte montrant
aussi l'attitude en torticolis. Coupe TDM confirmant l'excentration gauche de
l'odontoïde.
98 Rachis traumatique
Conclusion
Si les entorses « bénignes » sont très fréquentes, les entorses graves du rachis
cervical sont rares mais nécessitent un diagnostic rapide et une prise en charge en
milieu spécialisé. Les erreurs diagnostiques peuvent avoir des conséquences lour-
des. La tomodensitométrie doit être réalisée au moindre doute. L'IRM permet de
faire un bilan précis, surtout en cas de lésions neurologiques à radiographies
normales (SCIWORA). Elle permet également le diagnostic des complications
à distance, notamment des syringomyélies post-traumatiques.
Remerciements
L'auteur remercie Catherine Adamsba.
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99
8
Traumatismes du rachis cervical
en pathologie sportive
R. Zahi, F. Khiami, H. Pascal-Mousselard
Service de chirurgie orthopédique et traumatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière,
83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13
Introduction
Les traumatismes du rachis cervical sont fréquents en pathologie sportive. Les
entorses cervicales bénignes constituent la majorité des lésions cervicales trauma-
tiques et, fort heureusement, guérissent sans séquelles. Cependant, il faut toujours
garder à l'esprit qu'un traumatisme du rachis cervical peut être potentiellement
grave en raison du risque neurologique, médullaire ou radiculaire.
Le mécanisme lésionnel peut varier en fonction du sport pratiqué, du niveau
sportif, de la cinétique de l'accident et surtout de la position de la tête au moment
de l'impact. Schématiquement, il est classique de séparer les macrotraumatismes,
souvent à haute énergie, des microtraumatismes répétitifs qui génèrent des lésions
chroniques. Dans le premier cas, les lésions sont osseuses ou disco-ligamentaires,
parfois graves, sources de déstabilisation aiguë et de menace neurologique. Dans
le second cas, les conséquences sont plus tardives et chroniques associant diverse-
ment cervicalgies communes, instabilités chroniques, sténoses dégénératives du
canal cervical avec risque de myélopathie ou de névralgies cervico-brachiales.
Les sports à risque pour le rachis cervical sont nombreux comprenant de
manière non exhaustive les sports dits sans risque particulier (tennis, golf), les
sports « contacts » (rugby, sports de combat) et les sports « motorisés » (course
automobile, motocross) à haut risque lésionnel.
Face à un sportif traumatisé, le dépistage des atteintes graves du rachis cervical
est une priorité, afin de ne pas mettre en jeu le pronostic neurologique. La prise en
charge doit être rigoureuse. Elle doit débuter sur le terrain jusqu'au transfert en
centre médicalisé où des investigations complémentaires fiables seront réalisées
pour décider du traitement le plus adapté.
Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?
Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
100 Rachis traumatique
Rappels anatomiques
Le rachis cervical comprend sept vertèbres. Cinq d'entre elles suivent un schéma
commun à toutes les vertèbres de la colonne (C3 à C7) et deux (C1 et C2 ou Atlas
et Axis) ont une construction anatomique différente. Les deux secteurs décrits au
rachis cervical sont : le rachis cervical supérieur (RCS) compris entre l'occiput et le
bord inférieur de C2 et le rachis cervical inférieur (RCI) compris entre les disques
C2-C3 et C7-D1.
Les importantes possibilités dynamiques du rachis cervical reposent sur la
complexité de sa structure poly articulaire. Le jeu articulaire s'effectue dans des
limites d'amplitude physiologique qu'il nous paraît essentiel de rappeler pour une
juste appréciation des conséquences d'un traumatisme. On reconnaît ainsi au
rachis cervical trois libertés de mouvement.
Flexion-extension
L'amplitude globale de flexion-extension pour l'ensemble du rachis cervical serait
d'environ 127° [11].
Près d'un tiers de cette amplitude est assuré par le RCS, essentiellement au
niveau de l'articulation entre les condyles occipitaux et les masses latérales de C1.
Au RCI, Louis [12] a montré qu'il s'agissait pour chaque étage d'un mouvement
central dont l'axe transversal est situé au niveau de la vertèbre sous-jacente. Le
contrôle de ce mouvement physiologique serait pour certains [13] assuré par la
partie postérieure du disque et le ligament vertébral commun postérieur. Ces deux
structures auraient un rôle stabilisateur identique à celui des ligaments croisés du
genou avec lesquels ils partagent la même situation centrale et la même tendance
à l'absence de cicatrisation spontanée.
Inclinaison latérale
Ce mouvement est toujours couplé à la rotation du fait de la disposition des
facettes articulaires postérieures [14].
Son amplitude est minimale au RCS, prédominant en C0-C1 pour certains
[15], en C1-C2 pour d'autres [11], où elle atteindrait 13°, entraînant un débord de
la masse latérale de l'atlas qui n'est donc pas toujours pathologique, comme
l'avaient énoncé Mansat et Autissier.
L'amplitude globale, 40° de chaque côté, est donc essentiellement sous la
dépendance du RCI.
102 Rachis traumatique
Rotation
Classiquement [16] considérée comme absente en C0-C1, elle serait en fait de 6°
de chaque côté [11]. L'essentiel du mouvement siège dans l'articulation C1-C2
autour de l'odontoïde tant que le ligament transverse reste intact. L'atlas entraîne
la tête dans son mouvement de rotation-inclinaison latérale de 30 à 35° de chaque
côté. Au RCI, une rotation unilatérale de 5 à 6° environ [11] est possible à chaque
étage et on conçoit que l'arthrodèse C1-C2 ou même C0-C2 laisse persister en
moyenne plus du tiers de la mobilité globale.
Luxations occipito-atloïdiennes
Il s'agit d'une lésion rare, souvent rapidement létale, dont la fréquence est certaine-
ment sous-estimée. Elle est souvent causée par un accident à haute énergie dans
le cadre d'un polytraumatisme. La variété lésionnelle comprend les luxations
par distraction pure (souvent non vues sur les radios sans traction), les luxations
antérieures (hyperflexion) et postérieures (hyperextension) de diagnostic souvent
difficile sur des radiographies standard (recherche d'une rupture du cintre occi-
pito-odontoïdien).
neurologiques sont inconstants. L'axe de rotation passe par l'une des deux arti-
culations atloïdo-axoïdiennes. La luxation rotatoire bilatérale est rarissime [17]
chez l'adulte. Elle est vraisemblablement létale le plus souvent, mais des cas sans
trouble neurologique [17] sont décrits dans la littérature.
Les lésions osseuses (ou fracture) sont constituées par les fractures suivantes.
Fractures de C1
L'atlas est un anneau osseux avec deux masses latérales. Il présente quatre points
de faiblesse à l'union des arcs et des masses latérales.
Fractures de C2
Fracture de l'arc postérieur
Il s'agit d'un ensemble de fractures siégeant en arrière du corps de C2. L'analogie
avec les lésions retrouvées sur les victimes de la pendaison judiciaire fait regrouper
ces lésions sous le terme de « Hangman’s fracture » par les anglophones ou
fracture du pendu pour les francophones.
Le mécanisme lésionnel principal est l'extension, plus ou moins aggravé par des
vecteurs secondaires de compression ou de flexion, responsables des
déplacements. Quand la force d'arrachement est considérable, la mort est subite
(comme dans la pendaison) ; quand elle est plus faible, il se produit une fracture de
l'arc postérieur de C2, le plus souvent entre l'apophyse articulaire supérieure et
inférieure, raison pour laquelle on appelle fréquemment cette fracture, fracture
des isthmes de C2. Parfois la fracture siège à la jonction arc postérieur – corps de
C2 et on parlera de fracture des pédicules. La classification la plus utilisée est
celle d'Effendi et Laurin. Elle précise l'instabilité croissante des lésions [19].
Roy-Camille et al. [18] y ajoutent un stade IV pour les fractures des pédicules
associées à une fracture de l'apophyse odontoïde.
Les troubles neurologiques sont rares, même avec un déplacement important.
L'indication opératoire est de règle en cas d'atteinte du disque C2-C3.
104 Rachis traumatique
Fracture du corps
Elles sont rares et n'ont rien de spécifique. Le trait de fracture peut être vertical
frontal (mécanisme en extension et compression), vertical sagittal (mécanisme en
compression axiale) ou horizontal (correspondant au type II d'Anderson et
Alonzo) [20].
[(Figure_1)TD$IG]
FIGURE 8.2. Fracture oblique en bas et en arrière (OBAR) avec déplacement postérieur
classique.
[(Figure_3)TD$IG]
FIGURE 8.3. Fracture oblique en bas et en avant (OBAV) et fracture horizontale typique [13].
106 Rachis traumatique
[(Figure_4)TD$IG]
FIGURE 8.5. Exemple d'entorse grave du rachis cervical : radiographie initiale statique dans
les limites de la normale diagnostic définitif à J10 sur les clichés dynamiques.
108 Rachis traumatique
[(Figure_6)TD$IG]
grave, le traumatisme sur canal cervical étroit peut entraîner une diplégie bra-
chiale, voire une tétraplégie complète.
Le bilan complémentaire comprendra la réalisation de radiographies standard,
d'une tomodensitométrie et/ou d'une IRM, pour objectiver un canal cervical
étroit et rechercher des lésions associées arthrosiques, congénitales (blocs cervi-
caux), discales (hernies), ostéoligamentaires (fracture ou luxation) ou neurolo-
giques (recherche de signes de contusion médullaire sous la forme d'un hypersignal
intramédullaire en T2).
La découverte d'un canal cervical étroit chez un sportif « contact » peut
contraindre à un arrêt définitif de sa pratique ou à une reconversion vers un sport
sans contact.
(conscience, respiration, pouls...). Dans ce cas, il doit faire appel à une équipe
médicalisée en urgence (SAMU).
En l'absence de signes engageant le pronostic vital, il faudra rechercher des
signes de gravité de la blessure par l'interrogatoire (siège et intensité de la douleur,
cinétique du traumatisme) et l'examen clinique (recherche de déformation/
hématome/œdème, examen neurologique rapide mais précis) du blessé. En cas
de signes de gravité de la blessure ou de douleur persistante, l'examen du rachis
cervical sera prudent, évitant toute mobilisation excessive.
Les signes devant faire craindre un traumatisme grave du rachis cervical sont :
perte de connaissance ;
déficit neurologique, sensitif ou moteur, du tronc ou des membres ;
paresthésies des membres ;
douleur intense du cou ;
raideur cervicale d'installation rapide ;
déformation de la colonne vertébrale cervicale.
[(Figure_7)TD$IG]
Syndrome hémi-médullaire
Plus connu sous le nom de syndrome de Brown-Séquard, il est rarement associé
à des lésions traumatiques. Il se caractérise par une paralysie et une altération de la
notion de position dans l'espace d'un côté du corps (côté de la lésion) et par une
perte de la sensibilité douloureuse et thermique du côté opposé à la lésion.
Syndrome radiculaire
Certains patients présentent seulement une lésion d'une racine nerveuse au niveau
de la fracture ou de la luxation spinale. Ce type de lésion affecte plus fréquemment
la région cervicale et se manifeste par une douleur sur le trajet de la racine, une
faiblesse et atrophie des muscles innervés par cette racine.
Le pronostic sera plus favorable pour les tétraplégies incomplètes, sous réserve
d'une prise en charge spécialisée optimale et rapide comportant trois étapes
essentielles : réduction, décompression et stabilisation.
114 Rachis traumatique
Bilan d'imagerie
L'exploration des traumatisés du rachis cervical est souvent conditionnée par la
présence de lésions associées, d'un engagement du pronostic neurologique ou
même vital et enfin par la difficulté de mobilisation du blessé.
L'exploration minimale comprendra :
un bilan radiographique conventionnel en n'oubliant pas de dégager les
charnières, notamment cervico-thoracique ;
une tomodensitométrie (TDM) avec reconstruction en trois dimensions centrés
sur les lésions ;
éventuellement une imagerie par résonance magnétique (IRM), plus difficile
d'accès en urgence, en cas de doute diagnostique ou de mauvaise corrélation
radioclinique.
Radiologie conventionnelle
L'incidence de première intention est le cliché de profil strict de l'ensemble du
segment. De nombreux auteurs insistent sur la qualité nécessaire de cette inci-
dence car elle fournit l'essentiel des éléments sémiologiques. Il est indispensable de
pouvoir visualiser le rachis cervical dans son ensemble jusqu'au disque C7-T1. En
effet, l'extrémité inférieure du rachis cervical est souvent masquée par les épaules
du patient qu'il faut abaisser pour la réalisation du cliché radiologique de profil
(figure 8.8). Le cliché de face présente moins d'intérêt sauf pour vérifier l'aligne-
ment des épineuses.
[(Figure_8)TD$IG]
FIGURE 8.8. Exemple de luxation C5C6 non visualisée sur une radiographie de profil du
rachis cervical. La lésion est démasquée par l'abaissement des épaules.
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 115
[(Figure_9)TD$IG]
[(Figure_0)TD$IG]
FIGURE 8.10. Fracture de Jefferson (cliché radiologique de face du rachis cervical « bouche
ouverte » montrant un débord des masses latérales de C1 par rapport à C2,
comparativement à un cliché normal).
Tomodensitométrie
C'est l'examen de référence dans l'exploration des lésions ostéoarticulaires.
L'indication doit être systématique en cas de clichés radiographiques anormaux
ou difficilement interprétables (cou court, superpositions d'images, non-visuali-
sation de la charnière cervico-thoracique), avec un examen clinique anormal
(discordance clinico-radiologique). La tomodensitométrie analyse l'ensemble du
rachis cervical de la charnière occipito-cervicale à la charnière cervico-thoracique.
Elle peut ainsi déterminer si les lésions sont symétriques ou asymétriques. La
topographie et la direction des traits fracturaires, les déplacements fragmentaires
seront utiles dans la détermination du mécanisme lésionnel (compression, flexion-
extension, rotation, mécanismes combinés). Il faut savoir reconnaître les fausses
images de fracture (clarté des vaisseaux intrasomatiques, ostéophytes).
Les reconstructions en trois dimensions, notamment dans le plan sagittal, per-
mettent l'analyse précise des articulaires, souvent difficile sur les radiographies
standard. Les fractures articulaires [30] sont parmi les fractures passant les plus
inaperçues sur les radiographies conventionnelles. Sur la coupe axiale des articu-
lations inter apophysaires, on recherchera une image normale correspondant à une
articulation faite de deux images osseuses et seulement deux. La visualisation d'une
articulaire unique implique une luxation ; la présence de trois pièces osseuses ou
plus doit faire conclure à une fracture uni- ou bi-articulaire. Le diagnostic de
diastasis articulaire est plus difficile, et l'analyse d'un interligne se fait toujours en
comparaison avec les interlignes controlatéraux sus- et sous-jacents.
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 117
IRM
L'IRM est moins accessible en urgence que les autres moyens et, par conséquent,
sous-utilisée ou mal utilisée malgré l'apport capital dans l'analyse des structures
disco-ligamentaires et neurologiques. En dehors des contre-indications formelles
à la réalisation de cet examen (stimulateurs cardiaques, clips métalliques
intracrâniens, corps étrangers métalliques intraoculaires et matériel
d'ostéosynthèse d'installation récente), elle sera utile et efficace pour analyser
les lésions traumatiques rachidiennes cervicales.
L'IRM est ainsi supérieure à la tomodensitométrie dans l'analyse des hernies
discales traumatiques avec la possibilité d'étudier les rapports du disque avec les
éléments voisins (ligament longitudinal postérieur, moelle, racine nerveuse).
L'IRM apporte également des éléments essentiels sur l'atteinte du complexe
ligamentaire (zones de rupture au niveau des ligaments interépineux, hypersignal
paraligamentaire signant la présence d'un hématome).
Enfin, l'IRM permet l'exploration fine de la pathologie médullaire. Il permet
de dépister et de dater les hématomes médullaires. Il faut se souvenir de
l'évolution de l'hématome en fonction de sa composition en fer et en matériel
magnétique. D'abord en hyposignal en T1, le sang passe en hypersignal après
quelques jours. En revanche, il est en hypersignal T2 plus ou moins hétérogène.
Les compressions du canal médullaire par des fragments osseux ou herniaires
seront également analysées finement. À distance du traumatisme, l'IRM aura
pour but de rechercher des signes de syringomyélie post-traumatique (signal
hydrique intramédullaire longitudinale).
Traitement
Prévention primaire
La prévention des accidents potentiellement graves en rapport avec les trauma-
tismes du rachis cervical en pathologie sportive est primordiale et repose sur une
sensibilisation des joueurs, entraîneurs et préparateurs physiques à l'égard du
risque traumatique inhérent à certaines pratiques.
La préparation physique spécifique aux sports à risque doit privilégier le
renforcement musculaire périrachidien et de la ceinture scapulaire. Le travail
des préparateurs physiques doit être poursuivi régulièrement avec parfois recours
à des techniques spécifiques de rééducation comme le travail proprioceptif ou la
reprogrammation oculo-céphalique. L'apprentissage des mécanismes de protec-
tion du rachis cervical et le perfectionnement du geste sportif sont également
essentiels. Enfin, nous insisterons sur l'importance des exercices d'échauffement
et d'assouplissement des muscles cervicaux avant le début de l'activité sportive.
Au rugby, certaines mesures visant à réduire la fréquence des traumatismes
cervicaux ont été adoptées. Le recours à un joueur de troisième ligne pour
suppléer l'absence d'un joueur de première ligne n'est désormais plus autorisé.
Les poussées en mêlée sont interdites chez les jeunes. L'engagement en mêlée a
également été modifié, se faisant désormais en séquentiel ligne par ligne.
L'arbitrage s'est enfin adapté en sanctionnant de manière plus sévère les placages
hauts (type cathédrale) et les mêlées effondrées ou tournées [7].
Dans le cyclisme, l'attitude du rachis cervical longtemps maintenue en position
forcée en avant peut entraîner des cervicalgies. La prévention consiste en une
rééducation musculaire rachidienne et en certaines astuces techniques [40] : change-
ment fréquent du positionnement des mains sur le guidon et/ou de la tête, utilisation
de gants en d'un guidon capitonnés, utilisation de pneus larges permettant d'amortir
les chocs répétés de la route.
Au judo, l'apprentissage des techniques de chute (UKEMI) participe à la
réduction du taux de traumatismes cervicaux, notamment en flexion cervicale.
Il faut d'ailleurs rappeler que la fréquence des traumatismes cervicaux dans ce
sport est d'autant plus élevée que le sportif est moins entraîné [41].
Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical est indiqué en cas de lésions instables d'origine disco-
ligamentaire (entorses grave du rachis cervical), de fracture ou luxation avec
retentissement neurologique (urgence chirurgicale) ou de lésions à potentiel
évolutif délétère (fracture séparation du massif articulaire non déplacée, fracture
de l'odontoïde...).
Différents algorithmes décisionnels existent dans la littérature permettant un
démembrement des lésions traumatiques du rachis cervical.
Pour le rachis cervical inférieur, Vaccaro et al. [42] ont développé une classifi-
cation (subaxial cervical spine injury classification scale) (tableau 8.1) des lésions
en fonction du mécanisme traumatique, de l'atteinte du complexe ligamentaire et
du statut neurologique, permettant de poser les indications opératoires.
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 121
[(Figure_2)TD$IG]
FIGURE 8.12. Exemple de fracture par compression de C6, traitée par corporectomie de C6,
greffe et plaque antérieure C5C7.
FIGURE 8.13. Exemple de luxation complète uni-articulaire C5C6 traitée par réduction
à ciel ouvert et synthèse postérieure.
double temps postérieur (pour réduction plus ou moins synthèse), puis antérieur
(pour discectomie, greffe et plaque) sera nécessaire.
Si le corps vertébral est défaillant, l'attitude sera différente. En cas de fracture
d'un plateau vertébral, un temps postérieur pour réduction et synthèse à ciel
ouvert sera indiqué. En revanche, une fracture « burst » ou « tear drop » du
corps nécessitera un double temps postérieur puis antérieur pour réduction et
synthèse.
124 Rachis traumatique
[(Figure_4)TD$IG]
FIGURE 8.14. Exemple de luxation complète uni-articulaire C5C6 traitée par réduction en
traction progressive préopératoire sur étrier et arthrodèse cervicale antérieure.
[(Figure_6)TD$IG]
FIGURE 8.16. Exemple de fracture type OBAR selon Roy-Camille et type II d'Alonso,
déplacée en arrière réduction ostéosynthèse par vissage antérieur direct.
[(Figure_7)TD$IG]
Rééducation
La rééducation après un traumatisme du rachis cervical et une arthrodèse chirur-
gicale chez le sportif, comprend trois phases, bien décrites par Savalli [43].
Phase de préparation au retour sur les terrains, dans les sports à risque
Cette phase n'est nécessaire que chez le sportif à risque et correspond à une
intensification du programme de renforcement musculaire et de rééducation
neuro-motrice.
Type de lésion
Pour Sénégas [7], la fusion sur un niveau ne constitue pas une contre-indica-
tion à la reprise du rugby. En revanche, une fusion sur deux niveaux ou plus est
une contre-indication absolue à la reprise sportive. Pour certains auteurs,
lorsque la fusion concerne l'étage C1C2 ou C2C3, il s'agit également d'une
contre-indication [47].
Séquelles neurologiques
L'existence d'une lésion neurologique (radiculaire ou médullaire) séquellaire
représente pour Sénégas [7] une contre-indication absolue à la reprise de sports
violents.
Conclusion
La pratique sportive peut être à l'origine de pathologies traumatiques variées et
peu spécifiques du rachis cervical. La prise en charge des macrotraumatismes
responsables de lésions aiguës sur des rachis sains doit être rigoureuse avec un
bilan diagnostique précis, à la fois clinique et paraclinique, afin de dépister une
lésion instable à risque de retentissement neurologique secondaire. En cas
d'atteinte neurologique initiale, la prise en charge en urgence dans un centre
spécialisé est de règle. L'atteinte microtraumatique du rachis cervical chez le
sportif est d'évolution plus lente, pouvant entraîner notamment des
rétrécissements arthrosiques accélérés du canal vertébral cervical avec,
à l'extrême, un risque de décompensation neurologique aiguë d'origine trauma-
tique ou de myélopathie. Le dépistage de ces sportifs à risque de décompensation
neurologique est désormais obligatoire dans les sports dangereux impliquant des
collisions. La législation dans ce domaine évolue et il faut savoir informer assez tôt
le sportif des dangers encourus et de la nécessité d'interrompre un sport à risque
en cas de contre-indications liées au rachis cervical.
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Traumatisme dorsolombaire :
conduite à tenir
M.-A. Rousseau1, C. Laville2
1
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Pitié Salpêtrière,
75013 Paris ; 2Clinique Ambroise Paré, 92200 Neuilly-sur-Seine
Introduction
Les traumatismes du rachis dorsolombaire sont fréquents chez les athlètes [1, 2].
Ils représentent environ 10 % des accidents sportifs. L'éventail des lésions est
large, allant du lumbago à la paraplégie traumatique. De nombreux sports sem-
blent concernés : la gymnastique [3], le golf [4], le tennis [5], le rugby [6], l'aviron
[7], le basket, le cricket [8], l'équitation, le ski [9, 10], le sport automobile. Le
retentissement est souvent important, avec arrêt prolongé ou définitif de l'activité.
Le taux de retour au sport au niveau antérieur est de 80 % après hernie discale
lombaire selon Iwamtoto et al. [7] avec un délai moyen de 5 mois. Il ressort de
plusieurs études que la période de l'adolescence, qui correspond à la croissance du
rachis, est une période critique qui expose particulièrement le rachis dorsolom-
baire à une évolution secondaire [11, 12].
Biomécanique
Les contraintes liées à la pratique sportive sur le rachis dorsolombaire dépendent
bien entendu du type de sport pratiqué. Des mécanismes lésionnels préférentiels
spécifiques ont été rapportés ou sont intuitivement retrouvés :
le mécanisme d'extension brutale ou répété est classiquement associé à la sur-
venue de fracture de l'isthme (pars interaticularis) [13] ou plus rarement de
fracture facettaire [14]. L'exemple type est celui des gymnastes. La fracture
de l'isthme peut être associée ou non à un spondylolisthésis ou une dysplasie en
fonction de la durée d'évolution et de l'âge d'apparition. L'inflammation
En pratique
La question de la prise en charge du traumatisme du rachis dorsolombaire par
accident sportif peut être abordée en distinguant deux situations : l'évaluation
initiale sur le terrain et la prise en charge secondaire dans un environnement
spécialisé.
Traumatisme dorsolombaire : conduite à tenir 135
Évaluation initiale
L'évaluation initiale sur le terrain a pour objectif de répondre à deux questions :
y a-t-il des signes de gravité ?
le retour à l'activité est-il possible sur le champ ?
Le médecin présent doit reconnaître des signes de gravité qui nécessitent
une prise en charge spécifique urgente. Pour le rachis thoracolombaire, le
statut neurologique est la question prioritaire. Son évaluation est simple :
sensibilité, motricité sont très rapidement vérifiées. L'examen doit tout de
même être complet et l'on peut s'aider des éléments du tableau ASIA (American
Spinal Injury Association) pour rester systématique et précis (figure 9.1).
Rappelons également que c'est le premier bilan qui précise le mieux l'anamnèse :
heure, circonstances exactes, mécanisme lésionnel, enchaînement des faits,
responsabilités.
En cas de lésion neurologique d'emblée, médullaire, radiculaire ou pluriradi-
culaire comme le syndrome de la queue de cheval, l'évacuation urgente du patient
[(Figure_1)TD$IG]
FIGURE 9.1. Coupe sagittale IRM en pondération T2 du rachis lombaire. Distinction entre
les disques normaux bien hydratés où l'on différencie l'annulus du pulposus et les disques
dégénérés déshydratés où l'on ne fait plus la différence entre ces deux structures.
136 Rachis traumatique
se fait selon les moyens habituels de secours avec régulation du parcours de soins
vers un centre chirurgical spécifique adapté.
En l'absence de signe de complication neurologique, la question de la reprise
immédiate de l'activité reste à évaluer. La distinction entre une douleur fracturaire
et une simple contusion osseuse ou musculaire peut être difficile à établir initia-
lement. La palpation détermine le siège médian ou paravertébral de la douleur, le
caractère très localisé ou diffus, la présence ou non d'une contracture musculaire
associée, la mise en évidence éventuelle d'une déviation des épineuses ou d'un
écart interépineux anormal. L'effet des mesures déjà entreprises : massages,
cryothérapie et l'évolution dans les premiers instants contribueront aussi à faire
la part des choses et à déterminer si le joueur a la possibilité de reprendre ou non le
cours du jeu. Seuls les patients présentant une contusion manifestement mineure
avec une douleur d'évolution très rapidement favorable, sans retentissement
anormal vers les membres inférieurs, pourront reprendre l'action de jeu.
Évaluation complémentaire
L'évaluation secondaire a lieu dans un environnement calme et reposé : il est alors
possible de comparer l'état du patient avant et après l'accident. Le profil évolutif
est en effet un paramètre important pour la compréhension de la lésion et pour la
détermination du projet thérapeutique. Les antécédents concernant le rachis
dorsolombaire pourront être fouillés, documents à l'appui.
La sémiologie sera plus complète : inspection du patient dévêtu de dos et de
profil, examen dynamique si possible, palpation, percussion des réflexes aux
membres inférieurs, testing musculaire, testing sensitif précis et selon plusieurs
modes (épicritique, proprioceptif, éventuellement thermo-algique), examen des
hanches et des sacro-iliaques, palpation systématique des pouls distaux, examen
neurologique différentiel avec recherche de signes pyramidaux, de signes
cérébelleux, examen neurologique des membres supérieurs.
Les examens complémentaires qui auront été déjà réalisés seront lus à la
lumière des renseignements cliniques. Les radiographies de la zone douloureuse
(face et profil au minimum) sont nécessaires et systématiques. L'IRM précoce peut
être « trop riche » et montrer des signes non spécifiques ou au contraire « passer
à côté » si l'examen réalisé de manière systématique n'a pas ciblé la zone anato-
mique d'intérêt, dans le bon plan de coupe ou avec la bonne séquence d'acquisi-
tion. L'IRM montre l'anatomie du canal spinal, le signal des structures osseuses,
disco-ligamentaires et musculaires et potentiellement de caractère aigu ou chro-
nique et le potentiel évolutif. D'autres examens seront demandés au cas par cas :
grand cliché de la colonne entière (au mieux imagerie EOS) pour apprécier dans sa
globalité l'équilibre sagittal, explorer une éventuelle déformation scoliotique,
compter les vertèbres dans le cas des anomalies transitionnelles suspectées. La
tomodensitométrie reste la référence pour apprécier les lésions traumatiques
osseuses en cas de fracture. Les radiographies dynamiques en flexion/extension
à distance rechercheront une instabilité. Plus rarement, la saccoradiculographie
Traumatisme dorsolombaire : conduite à tenir 137
garde une place à côté de l'IRM pour l'exploration des compressions radiculaires
dans des cas particuliers (sténose dynamique, déformation 3D de la scoliose,
rachis déjà opéré).
Types de lésions
Lésions musculaires
Contusion par choc direct ou déchirure par étirement ou contraction contrariée,
les lésions musculaires sont probablement les plus fréquentes. À cela s'ajoutent les
contractures-réflexes secondaires de causes ostéo-articulaires diverses. La dou-
leur est paravertébrale, reproduite à la palpation superficielle des masses muscu-
laires. Les muscles longs ayant des zones d'insertion multiples et élargies, les
irradiations des déchirures myofasciales peuvent être diffuses le long du rachis.
Il ne s'agit pas en règle générale de ruptures totales et le traitement est fonctionnel.
Lésions osseuses
Parmi les lésions osseuses, la rupture isthmique est une lésion classique du sportif
[22]. L'isthme est la zone de jonction entre le massif articulaire supérieur et
inférieur de chaque côté de la vertèbre. La configuration anatomique dans le plan
sagittal (angle d'incidence pelvienne élevé et importante lordose associée), les
sollicitations répétées en extension par l'impaction répétée sur l'isthme de la
pointe de l'articulaire inférieure de la vertèbre sus-jacente, sont des facteurs de
risque de cette lésion. La symptomatologie est lombaire et/ou radiculaire. Les
radiographies de trois quarts et surtout la tomodensitométrie sont les examens du
diagnostic positif de la fracture osseuse [22]. Les radiographies debout de profil
recherchent un spondylolisthésis ou une dysplasie des plateaux vertébraux si la
lésion est ancienne ou survenant avant la fin de la croissance de la portion
rachidienne du squelette. L'IRM permet d'évaluer le caractère récent ou chro-
nique, avec le potentiel de consolidation [23] et de documenter l'éventuelle dis-
copathie associée selon la classification de Pfirman et celle de Modic. Un faux
aspect de hernie médiane peut être rencontré sur l'IRM en cas de glissement. Le
traitement est orthopédique pour les lésions aiguës traumatiques avec restriction
d'activité, corset, puis rééducation [24]. Un vissage isthmique avec greffe peut être
indiqué en cas de pseudarthrose avérée, cause de la lombalgie. La solution ultime
est l'arthrodèse avec la vertèbre sous-jacente à la lyse.
Les fractures du corps par compression de la colonne antérieure sont également
classiquement rencontrées [25], notamment dans le contexte spécifique
d'ostéoporose et d'aménorrhée secondaire. Les nodules de Schmorl sont des
hernies intraspongieuses liées à la fragilité et au caractère dégénératif du corps
vertébral vis-à-vis du même mécanisme.
Les autres lésions osseuses de traumatologie peuvent être rencontrées pour des
accidents à plus haute énergie par écrasement ou par choc violent à haute
cinétique. On retrouve alors les éléments de la classification très utilisée de
138 Rachis traumatique
Lésions ligamentaires
Les ligaments épi-épineux ou interépineux mis en tension brutalement en flexion
forcée peuvent être le siège de microdéchirures symptomatiques pendant plusieurs
semaines. Ils sont à traiter de manière fonctionnelle [15].
Lésions discales
L'atteinte discale correspond à une désorganisation des tissus du nucleus pulpo-
sus et de l'annulus fibrosus. Si les contraintes mécaniques jouent un rôle évident
dans la dégénérescence discale [26], la littérature et les communications récentes
insistent sur la part prépondérante des facteurs génétiques qui sont en cours de
démembrement [27]. Le contenu en protéoglycane et l'hydratation du nucleus
diminuent, accompagnés d'une dégénérescence chondrocytique de ses cellules.
L'annulus, dont les couches de collagène vont se délaminer et se fissurer, peut
compléter sa rupture à la faveur d'un traumatisme supplémentaire à l'origine
d'une hernie discale. La hernie discale lombaire est rarement traumatique mais
ce type de mécanisme a été décrit par accident sportif [28]. La lombosciatique qui
en résulte a une origine double : le conflit discoradiculaire mécanique par
compression et l'excitation nociceptive biologique par inflammation.
Rappelons l'importance du caractère déclenchant des manœuvres d'hyperpres-
sion (Valsalva, effort de toux) à l'interrogatoire pour suspecter une origine dis-
cale. L'IRM est l'examen clé du diagnostic. Étant donné la fréquence des images
asymptomatiques de la population générale, l'IRM doit toujours être interprétée
en fonction des données cliniques. Les radiographies restent indispensables pour
le diagnostic différentiel (niveau, scoliose, spondylolisthésis). Dans la grande
majorité des cas, la hernie isolée va se résorber en quelques semaines
spontanément ou avec l'appui des infiltrations de corticoïdes [7]. En dehors des
cas présentant des signes déficitaires (cotation de force musculaire < 3) ou de très
volumineuses hernies hyperalgiques pour lesquelles l'intervention est indiquée
d'urgence, la discectomie lombaire est habituellement réservée aux formes
résistantes. Le retour à la pratique sportive après chirurgie n'est pas prédictible
et semble dépendre de paramètres autres qu'anatomiques comme le type de sport
[29], le niveau du joueur, sa motivation et son coaching [30]. Dans une étude sur
des basketteurs professionnels américains de très haut niveau, Anakwenze et al.
[31] observent que la suite de la carrière était similaire chez les joueurs opérés et
chez des joueurs non opérés appariés (poursuite de l'activité et niveau d'activité).
Il n'y a pas de données sur l'activité sportive après prothèse discale. En revanche,
la réalisation d'une arthrodèse n'est pas compatible avec la pratique d'un sport de
contact [32].
Traumatisme dorsolombaire : conduite à tenir 139
Lésions articulaires
Si elle est la plus fréquente, la hernie n'est pas la seule cause de douleur lombos-
ciatique aiguë. Un kyste articulaire peut se constituer de manière très rapidement
progressive et entraîner un conflit radiculaire localisé. Comme dans le cas des
autres articulations de l'organisme, le kyste articulaire postérieur est, en règle
générale, secondaire à un désordre cinématique de l'articulation concernée qu'il
faut prendre en compte. Il faut s'attacher à rechercher une instabilité sur des
clichés dynamiques ou des signes de dégénérescence articulaire (excès de liquide,
amincissement cartilagineux, remodelage ostéophytique) ou discale associée (grades
de Modic, cotation de Pfirmann).
Diagnostic différentiel
Certaines lésions non rachidiennes peuvent faire évoquer à tort une atteinte du
rachis thoracique ou lombaire. On retiendra les très fréquentes douleurs liées aux
articulations sacro-iliaques, dont les irradiations musculaires à la face postérieure
de la cuisse (pygalgies) sont un diagnostic différentiel de sciatique tronquée.
L'examen clinique redresse le diagnostic. Plus difficile, la compression du nerf
sciatique à la fesse par hypertrophie du muscle piriforme pourra être évoquée chez
un athlète particulièrement musclé avec des signes sciatiques francs sans origine
rachidienne retrouvée [2]. Les manœuvres de contraction contrariée du piriforme
(abduction–rotation externe de hanche) ou d'étirement (rotation interne de la
hanche en extension) sont positives. La méralgie paresthésique est rappelée ici
comme diagnostic différentiel classique de la cruralgie. Au rachis thoracique, un
syndrome de subluxation costo-transversaire a été décrit chez les nageurs de
papillon, spécifiquement à la région de la pointe de la scapula [2].
Évolution à distance
Les problèmes de rachis dégénératif avec la lombalgie étagée d'origine mixte
disco-facettaire et les sténoses canalaires associées (canal lombaire étroit, canal
cervical étroit) sont rencontrés avec une plus forte incidence chez d'anciens spor-
tifs [33, 34]. La situation la plus précocement défavorable semble être liée à l'arrêt
des activités sportives qui favorise la décompensation par le déconditionnement
musculaire qui en résulte.
Prévention
La prévention des lésions du rachis dorsolombaire passe par l'utilisation de pro-
tections adaptées pour les sports de contact ou les sports de vitesse. Au golf ou au
tennis, la technique peut être travaillée pour limiter les attitudes vicieuses et les
mouvements parasites [35]. Dans un article de synthèse, Gluck et al. [4] exposent
précisément les caractéristiques du swing dans la perspective de la prévention du
140 Rachis traumatique
Conclusion
Les lésions du rachis dorsolombaire sont fréquentes. L'éventail des possibilités
étiologiques et la gravité immédiate ou secondaire sont importants, imposant au
médecin impliqué dans la prise en charge de bien reconnaître les différentes
situations cliniques. Pour le rachis du sportif comme pour le rachis traumatique
en général, la prise en charge obéit à certaines règles, mais reste avant tout
personnalisée en fonction de la lésion, du profil du patient, des enjeux et des
aspirations sportives.
Références
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Traumatisme dorsolombaire : conduite à tenir 141
10
Paraplégie et sport :
quelle pratique ?
Devenir à moyen et long termes
D. Pailler, J.C. Druvert
Fédération française Handisport,
42, rue Louis-Lumière, 75020 Paris
Le blessé médullaire
Le blessé médullaire était généralement sportif avant l'accident mais il choisit le
plus souvent un sport différent. Pour McVeigh [1], la moitié des paraplégiques
sportifs pratiquait en compétition avant la lésion médullaire. On peut ajouter que
les accidents de sport (sports mécaniques, sports aériens, plongeon, ski, rugby,
etc.) représentent 16 % des causes de lésions médullaires.
Le sportif, par essence plus actif, sera exposé à ces contraintes en plus grand
nombre chaque jour que le non-actif et s'y ajouteront les contraintes propres des
gestes sportifs et, éventuellement, des déséquilibres musculaires entre agonistes et
antagonistes, par défaut dans l'entraînement et par manque d'étirements.
S'il n'est pas étonnant que les pathologies des sportifs paraplégiques soient les
mêmes que celles des paraplégiques vieillissants, on peut se demander quelle est la
part respective, dans la surutilisation des membres supérieurs, du sport, de l'âge et
de la durée de la paraplégie.
Les risques fonctionnels de ces pathologies tiennent probablement à une perte
d'autonomie, aboutissant à un tableau de tétraplégie fonctionnelle.
La morbidité
Avec le vieillissement
Dans les plaintes des paraplégiques, viennent en premier une fatigabilité crois-
sante puis ensuite les douleurs et de nombreux problèmes physiques.
La prévention des facteurs de risque coronariens tels que l'inactivité physique,
la surcharge pondérale et l'augmentation du LDL-cholestérol, fréquentes chez le
blessé médullaire, doit être une préoccupation constante tout au long de leur vie.
Le risque thromboembolique est surtout élevé pendant la première année et
dans les atteintes complètes. Ultérieurement, il diminue tout en restant plus élevé
que dans la population générale [2].
Au plan locomoteur
L'ostéoporose s'installe rapidement dès les premières semaines [3]. La perte de
masse osseuse atteint 41 % en sous-lésionnel [4]. Elle augmente avec la durée de
la paraplégie, en particulier en proximal sur le fémur et en distal sur le tibia. Elle
n'est pas influencée par les contraintes mécaniques.
Le risque de fracture est accru chez le paraplégique. Il augmente avec la durée
du handicap [5]. Leurs sièges se situent essentiellement aux membres inférieurs,
avec une prépondérance des fractures fémorales supracondyliennes [6] et, selon
Dauty [4], au tiers inférieur du fémur et au tiers supérieur du tibia.
Les douleurs rachidiennes atteignent 61 % des paraplégiques, plus fréquentes
lorsque la cyphose est entre 20 et 35° [7].
Paraplégie et sport : quelle pratique ? Devenir à moyen et long termes 147
Aux membres inférieurs, les patients non actifs ou avec une activité réduite
auraient tendance à développer plus de lésions dégénératives de la hanche (65 %)
que les actifs (38 %) dont les lésions dégénératives sont peu sévères [8]. La
coxarthrose serait plus fréquente dans les atteintes flasques et dans les lésions
médullaires cervicales.
Les pathologies du membre supérieur sont au premier plan. Les douleurs
d'épaule sont très fréquentes : de 34 à 74 % des cas suivant les séries. Leur
fréquence augmente avec l'âge et/ou avec la durée de la paraplégie. Pour
Gellman [9], elles concernent 100 % des sujets après 15 ans d'évolution ; pour
d'autres auteurs, elles sont constantes après 25 ans.
Outre la propulsion du FR et les soulèvements d'appui, sont mis en cause le
contrôle statique perturbé par les troubles sensitifs et moteurs et la station assise
en cyphose.
Le rôle des transferts semble également évident. La pression de repos dans
l'espace acromio-deltoïdien passe de 40 mmHg à 250 mmHg lors de la phase
portante d'un transfert latéral [10]. Et le poids du sujet est, bien sûr, un facteur
aggravant.
Les pathologies d'épaule concernent surtout la coiffe et l'articulation acromio-
claviculaire.
Les lésions très évoluées et irréparables de la coiffe entraînent toujours des
pertes d'autonomie. Leur prévention passe par une kinésithérapie adaptée (ren-
forcement de la coiffe et des abaisseurs), l'organisation de l'environnement, la
prévention des gestes brusques et l'apprentissage des règles de protection articu-
laire [11].
Le développement des lésions dégénératives est favorisé par le déplacement en
pendulaire avec deux cannes anglaises chez les paraplégiques incomplets.
Des nécroses de la tête humérale ont été observées chez certains patients ;
l'ischémie pourrait être favorisée par les transferts au cours desquels la pression
intra-articulaire a été mesurée jusqu'à 2,5 fois la pression artérielle [12].
Au coude, les pathologies sont dominées par les tendinites et l'hygroma. Les
tendinites s'expliquent par des gestes répétitifs d'extension effectués lors de la
propulsion du FR, des transferts, etc. L'hygroma est favorisé par les microtrau-
matismes répétés par contacts et frottements directs sur la région du coude.
Au poignet et à la main, les douleurs sont très fréquentes chez les paraplégiques.
Deux sujets sur trois ont un syndrome de canal carpien (SCC). Les paresthésies
des mains existent dans 74 % des cas [13], avec confirmation électro-myogra-
phique dans 55 % des cas. Les conséquences fonctionnelles sont importantes,
avec modifications des activités et de la dépendance dans 28 % des cas [14].
La fréquence du SCC est proportionnelle à la durée de la paraplégie, allant de
28 % après 6 à 10 ans à 64 % au-delà de 10 ans selon Gellman [9]. L'atteinte du
côté dominant est plus fréquente. Un syndrome du nerf ulnaire au coude est
associé dans 40 % des cas.
La physiopathologie mise en cause est l'augmentation de la pression dans le
canal carpien lors des transferts répétés dans la journée.
148 Rachis traumatique
À l'épaule
L'incidence des douleurs est, pour certains, identique chez les sportifs et les non-
sportifs ; pour d'autres, elle est deux fois moins élevée chez les sportifs. Pour
Fullerton [17], les sportifs ont une latence de 12 ans d'utilisation du FR avant
l'apparition de douleurs, contre seulement 8 ans pour les non-sportifs. Pour
Finley [18], 61,5 % des sujets ont souffert de leurs épaules et, parmi ceux-ci,
44 % avaient des signes cliniques de rupture de coiffe et 50 % des signes de
« tendinite du biceps ».
Une étude IRM de la coiffe des rotateurs chez 64 sportifs dont 37 paraplégiques
(26 symptomatiques, 11 asymptomatiques) a montré que, chez les sujets symp-
tomatiques, 73 % des paraplégiques contre 59 % des valides avaient une lésion
évidente. Sur la totalité des paraplégiques, symptomatiques ou non, 57 % avaient
une atteinte de la coiffe dont la prévalence et l'importance des ruptures étaient
corrélées à l'âge et à la durée de la paraplégie [19].
Des échographies pratiquées avant et après un match de basket chez 44
paraplégiques ont montré qu'après l'activité, l'échogénicité du tendon bicipital
diminue de 12 % tandis que son diamètre augmente de 5 %. Ces modifications
sont corrélées au temps de jeu [20].
Pour Jeon [21], dans une étude sur 33 tennismen de haut niveau, c'est la
pathologie acromio-claviculaire qui est la plus fréquente sur l'épaule dominante
chez 63,6 % des joueurs. Des déchirures complètes du tendon suprasupinatus ont
été trouvées sur 8 épaules dominantes et 6 épaules non dominantes. Aucune
corrélation n'existe entre la pathologie d'épaule et les variables étudiées : âge,
quantité d'entraînement quotidien, durée d'utilisation du FR, durée de la carrière
sportive.
Au poignet
Un syndrome de canal carpien existe chez 57 % des utilisateurs de fauteuil et
parmi eux 72,2 % de façon bilatérale. Les paresthésies des mains constituent le
signe le plus commun. Dans 60 % des cas, l'examen clinique est probant et, dans
ce cas, la durée de la paraplégie est plus élevée ; 78 % ont des signes électriques de
neuropathie [22].
Des échographies avant et après match ont été pratiquées [23] chez 28 basket-
teurs en fauteuil. Après match, des changements significatifs ont été trouvés
concernant l'aspect du nerf médian : diminution de 4 % du rayon sur les coupes
transversales et œdème. L'ancienneté de l'utilisation du FR est plus grande
(17,1 ans) chez les joueurs symptomatiques d'un canal carpien que chez les
joueurs asymptomatiques (9 ans).
Aux membres supérieurs
Bernardi [24] a étudié les douleurs musculaires attribuées au sport par des
nageurs, basketteurs, coureurs, skieurs, escrimeurs et tennismen : 55 %
déclaraient avoir souffert dans l'année précédente. La localisation des douleurs
était aux épaules pour 56 %, aux membres inférieurs pour 33 % et au niveau
150 Rachis traumatique
Physiopathologie
De nombreux facteurs sont évoqués comme susceptibles d'engendrer ces patho-
logies des membres supérieurs.
Les douleurs, évaluées chez 60 basketteurs avec et sans abdominaux, par le
Wheelchair User’s Shoulder Pain Index (WUSPI), avec un index de 15 items pour
mesurer les douleurs lors des activités quotidiennes, sont corrélées pour Yildirim
[26] à la durée du handicap et au nombre quotidien de transferts.
Si le poids du sujet est associé à l'atteinte du nerf médian dans les SCC, le poids
total sportif/fauteuil est bien sûr d'autant plus source de contrainte qu'il est élevé.
Les déséquilibres musculaires entre agonistes et antagonistes sont mis en cause
chez les coureurs en fauteuil par Ferrara [15]. Ces déséquilibres sont différents
suivant le sport pratiqué.
L'importante répétitivité des mouvements a certainement un rôle : un coureur
de marathon effectue un minimum de 6 400 mouvements de propulsion et un
basketteur parcourt dans un match près de 2,7 km en environ 30 minutes de jeu
réel, en effectuant 240 démarrages et arrêts brutaux de son fauteuil.
À chaque impulsion de propulsion, se produit un choc sur la main courante
dont les caractéristiques (cadence, force et qualité du geste) peuvent être sources
de blessures [25].
Des poussées longues et douces sont généralement la meilleure façon de pro-
pulser un FR pour éviter des lésions, mais cela ne correspond pas au besoin de la
plupart des sports, particulièrement s'il faut effectuer des accélérations [27].
Une grande amplitude des mouvements de flexion-extension de poignet lors
des poussées protégerait des atteintes du nerf médian, demandant pour rouler
à une vitesse donnée moins de force et moins de poussées [28].
Des caractéristiques biomécaniques sont également importantes : les dimen-
sions du fauteuil et son carrossage (inclinaison des roues arrière par rapport à la
verticale) jouent sur le degré d'abduction de l'épaule ; la position de l'axe des
roues arrière doit idéalement être à la verticale du centre de l'articulation gléno-
humérale.
Reid a comparé la cinétique du service de 2 tennismen paraplégiques à celle de
12 valides et considère que les contraintes sur l'épaule sont identiques [29]. Mais
la vitesse à l'impact est moindre chez les joueurs en fauteuil qui ne bénéficient pas
de la cinétique du poids du corps vers l'avant.
Retentissement fonctionnel
Les conséquences fonctionnelles de ces pathologies des membres supérieurs sont
beaucoup plus importantes chez un blessé médullaire que chez un valide. Une
Paraplégie et sport : quelle pratique ? Devenir à moyen et long termes 151
Course en fauteuil
C'est un sport mécanique où, comme toujours, le poids est l'ennemi. Il faut
disposer du FR le plus léger possible et avoir un poids de corps optimal pour
diminuer les forces transmises aux membres supérieurs pendant la propulsion.
152 Rachis traumatique
Références
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Partie III
Rachis du sujet jeune
157
11
Maladie de Scheuermann
C. Marty-Poumarat1, R.-Y. Carlier2, P. Marty3
1
GH de l'Ouest Parisien, Pôle neurolocomoteur, service de rééducation, hôpital universitaire
Raymond Poincaré, 92380 H Garches ; 2GH de l'Ouest Parisien, Pôle neurolocomoteur, service d'imagerie
médicale, hôpital universitaire Raymond Poincaré, 92380 H Garches ; 3Service d'orthopédie pédiatrique,
hôpital universitaire Armand Trousseau, 75012 Paris
Introduction
La maladie de Scheuermann ou dystrophie vertébrale de croissance ou épiphysite
de croissance a été décrite initialement à l'étage thoracique (cyphose dystrophique
thoracique). Cette pathologie, bien que fréquente chez les adolescents, reste mal
connue. La localisation lombaire est particulièrement mal étudiée. En effet, les
spécialistes de l'enfant ne connaissent pas les graves conséquences éventuelles
survenant à l'âge adulte. Le diagnostic précoce, la prévention des déformations
et de la dégénérescence discale sont primordiaux.
Historique et définitions
Scheuermann a décrit pour la première fois en 1921 l'hypercyphose thoracique
structurée avec cunéiformisation des vertèbres [1]. Sorensen a, en 1964, donné
une définition radiologique de la maladie de Scheuermann thoracique :
cunéiformisation antérieure d'au moins trois vertèbres adjacentes à l'apex de la
cyphose thoracique (définition classique de la forme typique) [2] (figure 11.1). En
fait, il existe d'autres formes de maladie de Scheuermann :
selon la topographie avec atteinte du rachis dorsal bas et du rachis lombaire
(figure 11.2) ;
selon les lésions radiologiques : nodules de Schmorl (hernie intraspongieuse),
irrégularités des plateaux vertébraux, cunéiformisation des vertèbres (la cunéi-
formisation d'une seule vertèbre est suffisante pour Bradford), pincements dis-
caux [2-5]. Cleveland parle de maladie de Scheuermann quand deux de ces
critères existent [6] ;
Épidémiologie et physiopathologie
La prévalence est différente selon la définition. La fréquence de la forme thora-
cique classique est de 5 à 10 % selon les études. Dans un travail sur 1 384
cadavres, Scoles a trouvé 103 cyphoses thoraciques dystrophiques, soit une
prévalence de 7,4 %. Si l'on retient l'irrégularité des plateaux, cela touche 50
à 60 % des adolescents [7]. Il était classique de dire que cette pathologie affecte
une majorité de garçons, ce qui est contredit par certaines études (Murray : 2/1
pour les hommes, Bradford : ratio femmes/hommes de 2/1) [5, 8, 9].
L'étiologie reste inconnue. Le corps vertébral est anormal mais l'arc postérieur
est indemne. À la naissance, le corps vertébral est une masse cartilagineuse avec un
noyau central de petite taille. Ce cartilage s'ossifie progressivement. L'ossification
Maladie de Scheuermann 159
[(Figure_2)TD$IG]
Clinique
Les motifs de consultation sont les douleurs, une mauvaise statique – « il se tient
mal » –, un souci esthétique, plus rarement une scoliose, un contexte familial et,
parfois, une découverte fortuite. Mais il existe trop fréquemment un retard de
diagnostic. Les douleurs ou gênes chez l'enfant et l'adolescent sont des dorsalgies
ou lombalgies en général modérées, intermittentes, non invalidantes, favorisées
par l'activité, le port de charges lourdes (cartable), les positions debout ou assise
prolongées. On doit toujours prendre en considération les douleurs rachidiennes
infantiles et ne pas dire « ce sont des douleurs de croissance ». Elles disparaissent
en position allongée. De fréquence variable selon les études et souvent
Maladie de Scheuermann 161
[(Figure_3)TD$IG]
clinique de cette cyphose qui peut être angulaire, très raide et alors de plus
mauvais pronostic pour la réussite du traitement, ou plus harmonieuse et partiel-
lement ou complètement réductible. On mesure l'extensibilité des ischio-jambiers
qui sont très souvent rétractés dans la maladie de Scheuermann, plus rarement les
droits antérieurs et les psoas. On recherche une gibbosité qui peut être signe d'une
scoliose associée (dans un tiers des cas environ en raison de l'asymétrie vertébrale)
mais rarement très évolutive. On note la taille globale et celle du tronc. Les stades
de maturation sexuelle sont appréciés selon les normes internationales en fonction
du développement de la pilosité pubienne, des testicules et des seins. L'examen
neurologique est exceptionnellement perturbé dans de rares cas de compression
médullaire en raison d'une très importante cyphose angulaire raide ou plutôt en
raison d'une hernie thoracique [18,19]. On fait un examen général complet. Chez
un certain nombre d'adolescents, il existe des vergetures horizontales au niveau
du sommet de la cyphose. Quelle en est la signification ? Une spirométrie est
réalisée mais la capacité vitale est le plus souvent normale.
Il faut faire la différence avec la simple cyphose posturale. Il s'agit d'une cyphose
étendue, complètement réductible, non douloureuse, chez un adolescent souvent
non sportif, « avachi » avec absence de lésions radiologiques de Scheuermann.
Après avoir éliminé une pathologie neuromusculaire, une rééducation bien faite et
la pratique du sport améliorent spectaculairement la statique.
Examen radiologique
Il comprend impérativement des radiographies du rachis en entier (Holorachis) de
face et de profil debout. Elles sont les seules permettant d'analyser correctement la
statique du rachis. Les radiographies de profil sont faites avec hanches et genoux
tendus, les bras posés en avant à l'horizontale, têtes fémorales visibles. Idéalement
et compte tenu du jeune âge des patients, on réalisera les clichés sur les systèmes
permettant une irradiation la plus faible possible en sachant qu'il existe un facteur
10 entre les systèmes conventionnels et le système issu de la chambre à fil de
Charpak. On mesurera différents paramètres (figure 11.4) :
angles de lordose maximum entre le plateau sacré et le plateau le plus oblique
sur l'horizontal, vertèbre jonctionnelle avec la cyphose et angle de cyphose maxi-
mum entre cette vertèbre jonctionnelle et le plateau vertébral de C7 ou T4 (la plus
visible) ;
nombre de vertèbres dans la lordose ;
pente sacrée entre le plateau sacré et l'horizontale ;
incidence pelvienne : angle formé par la perpendiculaire au plateau sacré en
son milieu et la droite joignant le milieu du plateau sacré au centre de l'axe
bicoxofémoral ;
version pelvienne : angle formé par la droite joignant le milieu du plateau sacré
et le centre de l'axe bicoxofémoral et la verticale.
Une radiographie soit en hyperextension debout, soit plutôt couché à plat dos
avec un billot en dessous du sommet de la cyphose est réalisée afin d'évaluer la
réductibilité de la cyphose.
Maladie de Scheuermann 163
[(Figure_4)TD$IG]
Qu'entend-on par cyphose et/ou lordose normale ? Les études récentes ont
montré qu'il n'est pas possible de faire référence à de simples fourchettes angu-
laires pour définir la normalité. Actuellement, la majorité des spécialistes recou-
rent aux résultats des travaux menés par Duval-Beaupère et al. [20-22]. En fait,
chaque individu est différent et le bassin gère les courbures sagittales du rachis.
Ainsi, on décrit un angle : l'incidence pelvienne qui est un paramètre anatomique.
Sa valeur moyenne est de 52 ° (min : 33,7° ; max : 77,5°). Il existe une cascade de
corrélations très significatives entre incidence et pente sacrée, pente sacrée et
lordose lombaire, lordose et cyphose. Nous utilisons un tableau de corrélations
permettant pour chaque individu de déterminer qu'elles doivent être la pente
sacrée, la lordose et la cyphose pour obtenir un équilibre debout normal,
164 Rachis du sujet jeune
[(Figure_5)TD$IG]
[(Figure_6)TD$IG]
un groupe sans hernie de Schmorl et l'autre avec au moins une hernie de Schmorl.
Ils ont utilisé la classification de Schneidermann [30] pour avoir un score de
« maladie discale dégénérative ». Ce travail a montré que la localisation la plus
fréquente des hernies de Schmorl est L1-L2 et L2-L3, probablement en raison de
contraintes plus fortes dans la région dorsolombaire. Cette étude de Mok est la
seule qui montre qu'il existe une forte relation linéaire entre la présence de hernie
de Schmorl (HS) et la sévérité de la dégénérescence discale et rejoint les résultats
d'autres travaux [31-33]. Sur la population de Mok, 16,4 % avaient une ou
plusieurs HS (incidence peut-être en rapport avec la population étudiée et
l'étude ne portant que sur le rachis lombaire), 49,6 % sur un seul niveau,
50,3 % sur plusieurs niveaux. Dar a montré que l'incidence des HS est ethnique-
dépendante, plus fréquente chez les Américains d'origine européenne par rapport
aux Américains d'origine africaine. Poids, taille et indice de masse corporelle sont
significativement plus grands dans le groupe HS, avec une prédominance mascu-
line [34].
Le radiologue comme le médecin rééducateur, le rhumatologue et le médecin
généraliste ou le pédiatre ont un rôle important dans le diagnostic mais aussi la
« sensibilisation » et l'orientation des sujets jeunes présentant une maladie de
Scheuermann.
168 Rachis du sujet jeune
Histoire naturelle
Elle est en fait mal connue, avec une grande variabilité contrairement à la scoliose.
Bradford [9] a, chez l'adolescent, noté une évolution spontanée avant traitement
de la cyphose thoracique dans 96 cas sur 168. Il est indéniable que les cyphoses
peuvent s'aggraver à la puberté, parfois de façon dramatique, aboutissant aux
cyphoses angulaires thoraciques ou à la perte de lordose avec discopathies. Mais
nous n'avons pas de facteur prédictif en dehors du suivi. Ces cyphoses s'aggravent
jusqu'à maturité osseuse.
Quelle est l'évolution à l'âge adulte ? Elle est encore moins connue que celle
de l'adolescent. Travaglini a montré chez 43 patients suivis sur 25 ans qu'il
existait une augmentation angulaire dans 80 % des cas [35]. Murray [8] a revu
67 patients porteurs d'un Scheuermann thoracique selon les critères de Sorensen,
d'âge moyen de 53 ans, avec un recul de 32 ans en moyenne, avec un angle de
cyphose d'environ 71 °. Ces patients ont été comparés à des sujets témoins de
même âge et indemnes de pathologie rachidienne. Il existe de façon significative
plus de douleurs thoraciques dans le groupe Scheuermann mais sans conséquence
significativement différente sur la vie quotidienne. Ces patients exerçaient des
métiers moins « physiques ». Le souci esthétique pour Murray diminuait avec
l'âge mais il y avait de façon significative plus de célibataires. Cependant, sur les
118 patients, seuls 50 % ont été revus et il n'est pas fait mention de l'évolution de
l'angle de la cyphose en sachant qu'il peut s'aggraver avec le vieillissement. Il
n'existe pas de retentissement respiratoire notable sauf dans les cyphoses
supérieures à 100 °. Dans la plupart des études, les douleurs sont un des
critères d'indication chirurgicale. Lowe et Kasten ont trouvé que les adultes ayant
des déformations sévères de plus de 75 ° avaient des douleurs thoraciques plus
fortes et qu'ils étaient significativement limités par leur maladie [36]. L'aspect
esthétique est la raison principale de demande de traitement de la part des ado-
lescents et adultes jeunes (155/168 dans la série de Bradford). La maladie de
Scheuermann lombaire semble beaucoup plus péjorative à l'âge adulte en raison
des lésions discales dégénératives précoces et de la perte de lordose lombaire.
Ainsi, Heithoff note sur 1 419 patients, venant consulter pour lombalgies et
sciatiques, un fort pourcentage de maladie de Scheuermann thoracolombaire avec
lésions discales dégénératives, soit 9 % et ces patients étaient âgés en majorité
entre 21 et 40 ans avec 48 % avant 30 ans et 10 % avant 21 ans [27]. Pour
Heithoff, cette population correspond à un groupe méconnu, bien que doulou-
reux pendant l'enfance, avec des lésions de dégénérescence discale précoce en
lombaire. De même, Paajanen a trouvé qu'il existait un ou plusieurs disques
anormaux chez 57 % de jeunes adultes lombalgiques contre 35 % chez les
asymptomatiques et que les signes de Scheuermann lombaire étaient toujours
associés à une dégénérescence discale en IRM [37]. Cela est plus particulière-
ment vrai chez les sportifs de haut niveau [38,39].
Ces constats rejoignent notre expérience qui nous amène à traiter le plus
précocement possible.
Maladie de Scheuermann 169
Traitement
Pour Tribus, les raisons de traiter une maladie de Scheuermann sont au nombre
de cinq : la douleur, la progression des déformations, l'existence de signes neu-
rologiques, un retentissement cardiorespiratoire et l'aspect esthétique [44]. On
évalue difficilement le risque d'évolution devant une déformation au début ou
devant des lésions de Scheuermann. Il n'existe pas de parallélisme anatomo-
clinique connu. Le but du traitement est de stopper l'évolution et d'essayer de
réduire les déformations.
Méthodes
Kinésithérapie
Avec un travail individuel au moins deux fois par semaine comprenant :
un travail postural avec des autograndissements assis et debout dont le
but est de corriger la statique du rachis d'autant mieux que la courbure est
réductible ;
un travail d'assouplissement de la cyphose dorsale ;
un travail lordosant en lombaire en cas de Scheuermann lombaire ;
des étirements et des postures d'élongation des ischio-jambiers, des pectoraux et
parfois des fléchisseurs de hanche ;
éventuellement une rééducation respiratoire ;
un travail musculaire actif des extenseurs du rachis ;
des tractions sur table sont associées en cas de rééducation en centre.
Corsets
[(Figure_0)TD$IG]
une chirurgie par voie postérieure uniquement suffit. Au-delà, l'abord antérieur
est indispensable, car même si la déformation est souple, le vide antérieur crée par
l'ouverture discale ne sera pas comblé ; les sollicitations au niveau du matériel et
de l'arthrodèse postérieure seront trop importantes.
Lorsque la déformation est raide, l'abord antérieur permet de donner de la
souplesse et d'obtenir une correction satisfaisante. Chez l'adulte, il y a la possi-
bilité d'abord postérieur avec ostéotomies étagées.
Indications
Traitement orthopédique
Les indications dépendent de la sévérité des lésions, du stade de maturation
osseuse, du niveau de la cyphose (les localisations basses sont les moins bien
tolérées), de l'existence de douleurs et de la demande esthétique.
On connaît mal le risque évolutif mais on sait que le traitement est d'autant plus
efficace qu'il est fait tôt et sur des déformations réductibles. Les indications sont
174 Rachis du sujet jeune
porté à temps plein afin de permettre une correction passive complète, puis porté
seulement la nuit pour maintenir la correction jusqu'au stade de maturité osseuse.
La prudence est de mise tant qu'il existe des lésions osseuses.
Si la cyphose est raide : 1 à 2 plâtres successifs à 1 à 3 mois d'intervalle portés de
nuit puis le relais est pris par un corset anti-cyphose porté jour et nuit ou, pour
d'autres équipes, corset plâtré porté jour et nuit puis relais par un corset anti-
cyphose. Le traitement sera d'autant plus difficile que la cyphose est importante et
que la maturation osseuse est avancée.
Dans tous les cas, il faut une surveillance rigoureuse clinique et radiologique
tous les 4 mois environ avec réglage ou renouvellement des corsets jusqu'à
maturité osseuse.
À l'âge adulte
Si les lombalgies sont gênantes en position assise et debout, on peut proposer un
corset coutil baleiné réalisé par des couturières expérimentées, corset lordosant en
lombaire avec bonne prise de taille.
Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical doit prendre en compte tous les éléments et surtout
essayer d'évaluer les avantages et les inconvénients sachant que l'hypercyphose
thoracique semble relativement bien tolérée. Pour certains, l'indication se ferait
pour des cyphoses supérieures à 75 °, pour d'autres à 90 °. En fait, il faut décider
176 Rachis du sujet jeune
Conclusion
La maladie de Scheuermann est une pathologie fréquente de l'adolescent et pro-
bablement de l'enfant. Elle comporte encore beaucoup de points obscurs : sa
physiopathologie, les critères diagnostiques à un stade précoce, son évolution,
ses conséquences à l'âge adulte. Cependant, on connaît actuellement les
conséquences néfastes, en particulier sur le rachis lombaire, avec des lésions
dégénératives discales déjà présentes chez l'adolescent. L'importance de l'aspect
esthétique dans notre société est aussi une raison pour traiter un Scheuermann
thoracique. Plus la prise en charge est précoce, plus elle est facile et efficace. En
fait, la détection et la prévention sont essentielles chez l'enfant comme pour la
scoliose. Il faudrait enseigner cette pathologie aux pédiatres, généralistes,
médecins scolaires et surtout médecins du sport qui ne prennent pas toujours
en compte l'importance des lésions lombaires pour l'avenir des jeunes sportifs.
On peut aussi se poser la question du rôle favorisant des cartables particu-
lièrement lourds en France à un âge où les vertèbres sont encore très immatures.
La chirurgie a un résultat remarquable sur la correction de la cyphose et l'aspect
esthétique mais c'est un geste conséquent, non dénué de risques. Il faut continuer
à surveiller toute cyphose à l'âge adulte, environ tous les 5 ans.
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28 Parisini P, Silvestre MD, Greggi T, Miglietta A, Paderni S. Lumbar disc excision in children and
adolescent. Spine 2001 ; 26 : 1997-2002.
178 Rachis du sujet jeune
12
La spondylolyse : clinique
et traitement médical
P. Middleton1, S. Brunot2, O. Hantkie1, V. Moreau1, H. Petit1
1
Clinique Les Grands Chênes, 33000 Bordeaux ; 2Clinique du Tondu, 33000 Bordeaux
Introduction
La spondylolyse se définit par la survenue d'une solution de continuité au niveau
de l'isthme vertébral ou pars interarticularis. Il s'agit d'une affection acquise qui
touche dans 85 à 95 % des cas la vertèbre L5 et dans 5 à 15 % des cas la vertèbre
L4. Elle est exceptionnelle aux autres étages. La spondylolyse est souvent
bilatérale et produit dans 30 à 50 % des cas un glissement vertébral ou olisthésis.
À l'origine de cette pathologie, on met en avant :
des facteurs dysplasiques [1] intéressant le sacrum dont le plateau devient
convexe ou en S italique, le disque L5-S1 et la vertèbre L5 présentant un aspect
trapézoïdal avec des isthmes courts ;
des facteurs traumatiques et microtraumatiques [2, 3]. La pratique sportive et
notamment certains gestes techniques associant hyperlordose et inclinaison
latérale favorisent la lyse isthmique.
La spondylolyse se produit, en règle générale, vers 6 ans. Parfois, elle apparaît
plus tardivement. Elle est retrouvée chez 5 à 6 % de la population générale. Il
existe des formes familiales avec 35 % de sujets touchés dans une même famille
[4] et des formes ethniques avec, notamment 40 à 60 % de sujets touchés chez les
Esquimaux. On la retrouve avec une fréquence élevée lors de la pratique sportive
intensive. Rossi [5] dénombre 63 % de lyse isthmique chez les plongeurs, 36,2 %
chez les haltérophiles et 32,8 % chez les gymnastes. Les garçons sont deux fois
plus touchés que les filles.
Le jeune sportif présente deux facteurs favorisants :
une courbure lombaire très prononcée avec hyperlordose, une pente sacrée et
une incidence pelvienne élevées [6] ;
[(Figure_1)TD$IG]
Données de l'imagerie
L'imagerie permet le diagnostic positif. Nous disposons du bilan radiographique,
de la scintigraphie, de la tomodensitométrie (TDM) et de l'IRM. Cette dernière se
justifie pour éliminer certains diagnostics différentiels : ostéome ostéoïde, tumeur
médullaire, hernie discale, lésion osseuse primitive, malformation [1]).
Radiographie
Sur le cliché de face en décubitus avec rayon ascendant sous compression, on
recherchera soit la lyse, soit une anisocorie pédiculaire de L5 qui témoigne d'une
surcharge au niveau d'un arc postérieur. Elle traduit un état de prélyse.
L'incidence de profil retrouve la lyse isthmique quand celle-ci est bilatérale et
permet de noter l'existence ou non d'un glissement (figures 12.2 et 12.3).
Les clichés de trois quarts ou obliques permettent de voir la lyse représentée par
l'image du petit chien décapité de Lachapelle.
La radiographie peut être mise en défaut en cas de lyse unilatérale. Pour Amato
[11], le cliché de face ascendant permet d'établir un diagnostic dans 55 % des cas
de lyse contre 32 % pour les obliques.
[(Figure_2)TD$IG]
Scintigraphie
La scintigraphie au technétium 99 est un examen d'une grande sensibilité mais de
faible spécificité. Elle permet de réaliser un diagnostic de souffrance osseuse
précoce (figure 12.4). Associée à des coupes tomographiques, la scintigraphie
permet de quantifier le stress osseux, de localiser la lésion, d'évaluer son
ancienneté. Pour Anderson (12), plus le ratio d'hyperfixation est élevé, plus la
lésion est précoce et plus le traitement conservateur sera efficace. Il a également
montré la corrélation existant entre l'amélioration clinique et la réduction du
ratio d'activité.
Tomodensitométrie (TDM)
La TDM permet une bonne analyse osseuse : visualisation du trait de fracture,
topographie et ancienneté de la lésion, caractère uni ou bilatéral, état de conso-
lidation osseuse. Mais elle pose le problème de l'irradiation chez des sujets jeunes
(figures 12.5 et 12.6).
184 Rachis du sujet jeune
[(Figure_4)TD$IG]
IRM
L'IRM est aujourd'hui moins performante que la TDM pour l'analyse osseuse.
En revanche, c'est une technique non irradiante. Elle met en évidence l'existence
d'un œdème osseux en cas de lyse « active », montre l'état des plateaux
vertébraux en cas de spondylolisthésis (Modic 1) et surtout permet de bien
[(Figures_6)TD$IG]
Moyens thérapeutiques
Différentes thérapeutiques peuvent être proposées, allant du simple repos sportif
à la chirurgie.
Traitement symptomatique
Le traitement symptomatique est préconisé en phase douloureuse. Il associe la
prise médicamenteuse et le repos sportif. La poursuite d'activités évitant l'hyper-
lordose lombaire peut être discutée.
Infiltration radioguidée
L'infiltration sous contrôle radiographique de la spondylolyse peut améliorer au
moins transitoirement le patient. Il existe une communication entre les articula-
tions zygapophysaires craniale et caudale via la lyse isthmique et parfois une
communication droite gauche en cas de lyse bilatérale via une bourse séreuse
interépineuse [10].
[(Figure_7)TD$IG]
FIGURE 12.7. IRM discopathie L5-S1, signe de Modic 1 plateau vertébral L5.
186 Rachis du sujet jeune
Traitement orthopédique
Le traitement orthopédique par corset donne de bons résultats.
Il favorise la consolidation osseuse. Celle-ci a plus de chance de se produire
quand le traitement est instauré précocement et quand la lyse est unilatérale.
Il est également préconisé dans le cadre des spondylolisthésis douloureux.
Pour De Mauroy [13], c'est au moment de la poussée de croissance que la
charnière lombo-sacrée est la plus fragile et justifie une contention. L'objectif du
corset est de corriger la statique (délordose + correction de la version pelvienne) et
de diminuer les contraintes mécaniques. Le corset doit recueillir les pressions sous
les fausses côtes et les transmettre au niveau des ailes iliaques.
Il n'y a cependant pas de consensus sur la durée, ni sur les modalités de
l'immobilisation. Pour certains auteurs, il est important de corriger la lordose
lombaire [13, 14], alors que d'autres recherchent plutôt le parallélisme entre les
plateaux de L5 et de S1 sans recherche de la délordose [15]. Il faut cependant
immobiliser la charnière dorsolombaire et lombosacrée (immobilisation de T8
à S3). Certains préconisent une immobilisation en hémi-bermuda [16].
La durée d'immobilisation varie, selon les auteurs, de 6 semaines à 6 mois,
voire plus. Pour Herman [17], le sevrage du corset se fait quand l'indolence est
obtenue, entre 6 et 12 semaines et que la TDM montre une consolidation en cours.
L'immobilisation est suivie d'un programme de rééducation puis de la reprise
sportive. Pour Micheli [14], le port du corset est systématique. La reprise du sport
avec corset est possible une fois l'indolence obtenue. Le délai moyen de conso-
lidation osseuse est de 6 mois. Les résultats du traitement orthopédique sont bons
dans 80 % des cas dans les stades 0 et 1 et dans 66 % dans les stades 2
(déplacement compris entre 25 et 50 %).
Rééducation
La rééducation doit associer plusieurs techniques [18, 19]. Elle peut être proposée
à titre préventif ou thérapeutique. Les objectifs sont de lutter contre l'hyperlor-
dose par un travail d'étirement des muscles lombaires et ischio-jambiers (figure
12.8), par un travail de renforcement de la sangle abdominale, des muscles spinaux
profonds et des psoas iliaques (figure 12.9) auxquels on associera un travail du geste
technique quand cela est possible. Macey [20] met en avant la notion de poutre
composite qui correspond à l'empilement des disques et des vertèbres. La stabilité
de cette poutre est favorisée par les ligaments et le manchon musculaire composé
des muscles iliopsoas en avant et des muscles spinaux en arrière. Le caisson abdo-
minal renforce cette stabilité. O’Sullivan [21], dans une étude prospective
randomisée, a mis en évidence l'efficacité d'un programme associant renforcement
en co-contraction des muscles profonds de l'abdomen et des muscles lombaires.
Chirurgie
L'indication chirurgicale se pose dans les glissements supérieurs à 50 % (ou stade
3, 4 et 5 de Meyerding), en cas de progression rapide du glissement, en cas d'échec
La spondylolyse : clinique et traitement médical 187
[(Figure_8)TD$IG]
[(Figure_9)TD$IG]
Discussion
La décision du choix thérapeutique est souvent difficile chez des jeunes sportifs
motivés car le traitement orthopédique est long et peut mettre un terme aux
ambitions de carrière professionnelle. Il est donc important de tenir compte de
certaines données.
La spondylolyse est très souvent fort bien tolérée par les sportifs, ce qui
explique que le diagnostic soit fait tardivement.
Le glissement vertébral se produit le plus souvent dans l'adolescence ou chez
l'adulte jeune. Le facteur prépondérant semble être la morphologie de l'arc neural
et du plateau sacré.
S'il est admis que la pratique sportive peut être responsable de la lyse isthmique,
sa responsabilité sur l'évolution de la pathologie est discutée. Il apparaît cepen-
dant que l'arrêt de l'activité sportive puisse freiner le glissement sans réduire
toutefois le glissement final.
Pour Micheli [14], il n'existe pas de corrélation entre la consolidation osseuse
obtenue par le traitement orthopédique et la qualité de la reprise sportive. Dans sa
série, il note 88 % de reprise sportive alors que la consolidation osseuse n'est
obtenue que dans 32 % des cas.
Le résultat du traitement orthopédique a plus de chance d'être positif quand le
traitement est instauré précocement et quand la lyse est unilatérale (75 % de
consolidation).
Pour De Mauroy [13], la rééducation est illusoire si le bassin est en rétroversion.
Ainsi, s'il semble logique de préconiser un traitement orthopédique en cas de
spondylolyse aiguë diagnostiquée précocement, dans les autres cas de figure
l'objectif est d'obtenir la sédation des douleurs.
En pratique, lors d'une consultation d'un sujet jeune pour lombalgie, il paraît
important de faire préciser le mode de début de la symptomatologie. S'agit-il d'une
douleur d'apparition brutale sur un geste précis en hyperlordose ou des douleurs
mécaniques de type positionnel ou de fin de journée ? Le bilan clinique analyse la
mobilité du rachis, recherche des signes neurologiques, la présence d'un syndrome
dure-mérien et localise la région douloureuse par un examen palpatoire. S'il existe
une douleur en hyperextension du rachis, on recherchera de parti pris une lyse
isthmique par un bilan radiographique associant un cliché de face ascendant en
décubitus avec compression, un profil et des obliques. La radiographie permet dans
un bon nombre de cas de faire le diagnostic de spondylolyse ou de spondylolisthésis.
En cas de doute diagnostique ou sur l'ancienneté de la lésion, on sera amené
à demander une scintigraphie avec tomographie. La TDM sera réalisée si la
radiographie est négative et la scintigraphie positive.
En cas de scintigraphie positive, il est logique de proposer le traitement
orthopédique pour obtenir la cicatrisation de la lésion osseuse. Pour être efficace,
La spondylolyse : clinique et traitement médical 189
l'immobilisation doit être prolongée, ce qui n'est pas sans conséquence pour le
devenir sportif du patient. Le suivi de la consolidation osseuse peut être réalisé par
examen tomodensitométrique, avec le risque d'irradiation chez cette jeune popu-
lation ou en surveillant la diminution de la fixation à la scintigraphie. La bonne
tolérance de la lyse isthmique chez des sportifs motivés peut faire discuter une
immobilisation moins longue (6 semaines) suivie d'une rééducation et de conseils
techniques. Il est également possible d'autoriser la reprise des activités physiques
avec corset. Le traitement est réalisé à la carte, une fois qu'une information de
qualité est donnée au jeune comme à ses parents.
En cas de scintigraphie négative et s'il existe une spondylolyse : on préconisera
en première intention, un traitement symptomatique, médical, rééducatif, voire
une infiltration radioguidée. Ce n'est qu'en cas d'échec que l'on pourra proposer
un traitement orthopédique.
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191
13
Le spondylolisthésis par lyse
isthmique de l'adulte
P. Guigui, T. Lenoir, C. Dauzac
Service de chirurgie orthopédique, hôpital Beaujon,
100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy
Introduction
La lyse isthmique avec ou sans glissement est une affection fréquente. Son taux
d'incidence varie dans une population nord-américaine de 5 % à 7 % chez l'homme
et de 2 % à 5 % chez la femme. Chez l'adulte, dans la grande majorité des cas,
l'indication à un traitement chirurgical est évoquée devant une symptomatologie
douloureuse lombaire et/ou radiculaire. La principale difficulté est alors, devant une
symptomatologie fonctionnelle finalement peu spécifique, de rapporter celle-ci à une
lyse isthmique associée ou non à un glissement intervertébral, constaté sur une
radiographie standard. Le spondylolisthésis par lyse isthmique est en effet une
affection fréquente restant le plus souvent asymptomatique, comme en témoigne
par exemple le faible nombre de cas rapportés dans les séries consacrées au traite-
ment chirurgical de cette pathologie.
Lombalgie
Sémiologie
Il s'agit là du symptôme le plus fréquemment invoqué pour justifier d'une indica-
tion à un traitement chirurgical. D'un point de vue sémiologique, la lombalgie de
patients atteints de spondylolisthésis par lyse isthmique ne présente aucune
spécificité particulière. Dans un travail récent, Moller et al. [6] ont comparé, dans
une étude prospective, la symptomatologie douloureuse de patients suivis pour
spondylolisthésis par lyse isthmique à celle de patients souffrant de lombalgies
communes non spécifiques. La comparaison portait sur l'histoire et les modalités
évolutives de la symptomatologie douloureuse, le type de douleur lombaire, sa
localisation et sa diffusion par l'intermédiaire d'un schéma sur lequel étaient
rapportées les zones douloureuses et, enfin, sur la gêne fonctionnelle
occasionnée dans la vie quotidienne par les douleurs lombaires. Les auteurs
concluaient à l'absence de différence de la sémiologie de la douleur lombaire dans
les deux groupes de patients étudiés. La seule différence rapportée était une plus
grande gêne fonctionnelle dans la vie quotidienne dans le groupe de patients suivis
pour lombalgie commune non spécifique.
Facteurs de la lombalgie
Dégénérescence discale
La physiopathologie de la douleur lombaire dans le spondylolisthésis par lyse
isthmique comporte encore de nombreuses incertitudes. L'explication la plus
fréquemment avancée est la dégénérescence du disque olisthésique,
dégénérescence secondaire à l'hypermobilité et surtout aux contraintes en rota-
tion et en cisaillement subies par ce disque en raison de la solution de continuité
présente au niveau de l'isthme. Ainsi, Seitsalo [8] qui a suivi un groupe de 227
adolescents pendant en moyenne 15 ans (extrêmes : 5 à 30 ans), rapporte, en
l'absence de tout traitement au dernier recul, un taux d'incidence de
dégénérescence discale à l'étage olisthésique de 54 %. L'apparition d'une telle
lésion serait, toujours pour cet auteur, significativement plus fréquente lorsque le
glissement siège à l'étage L4L5 et en cas de glissement supérieur à un grade II.
Le diagnostic de dégénérescence discale est, en règle générale, aisé reposant classi-
quement sur l'analyse d'une radiographie standard, ou plus spécifiquement sur une
IRM en séquence T2 ou une discographie. Tout le problème va être ensuite
d'apprécier le caractère douloureux ou non des lésions constatées sur le bilan d'ima-
gerie. Autrement dit, l'immobilisation, quel qu'en soit le type, du ou des étages
pathologiques permettra-t-elle de supprimer la symptomatologie douloureuse lom-
baire alléguée par le patient ? Comme nous l'avons vu, même si cette lésion est plus
fréquente en cas de spondylolisthésis par lyse isthmique, elle n'en reste pas moins non
spécifique et fréquemment rencontrée dans une population adulte. Plusieurs solutions
sont possibles en sachant qu'aucune ne permettra de conclure avec certitude :
la plus simple est probablement le test d'immobilisation par corset lombaire
avec ou sans prise crurale. Cependant, la valeur prédictive de ce test est loin d'être
absolue ;
Le spondylolisthésis par lyse isthmique de l'adulte 193
Radiculalgies
Une autre indication possible à un traitement chirurgical face à un
spondylolisthésis par lyse isthmique est la persistance d'une radiculalgie malgré
un traitement médical bien conduit. Il est, dans un premier temps, nécessaire de
bien différencier les douleurs lombaires irradiant aux membres inférieurs (dou-
leurs dites référées) et les véritables radiculalgies (douleurs d'un ou des membres
inférieurs occupant un dermatome bien précis). Plusieurs causes à ces radiculal-
gies ont été décrites et il convient de bien les analyser afin d'établir une stratégie
thérapeutique précise et adaptée. Dans cette optique, et en présence d'une
véritable radiculalgie, le bilan d'imagerie va associer comme à l'habitude IRM
et/ou TDM et/ou myélographie et/ou discoscanner.
La compression nerveuse peut être secondaire à une hernie discale. Celle-ci
siège rarement au niveau du disque olisthésique mais plus souvent au niveau du
disque immédiatement sus-jacent à celui-ci. La position de la hernie dans le plan
horizontal doit être analysée avec soin. Dans un spondylolisthésis L5S1, la
présence d'une hernie très latérale pouvant comprimer la racine L5 n'est pas rare.
Ce type de hernie est difficile à mettre en évidence. Les coupes sagittales en IRM
passant par les trous de conjugaison et le discoscanner sont alors particulièrement
utiles au diagnostic.
Une autre cause possible de compression radiculaire, notamment chez l'adulte,
est la constitution progressive avec le temps de lésions arthrosiques au niveau des
massifs articulaires immédiatement sous-jacents à la zone de lyse isthmique. La
tomodensitométrie peut permettre le diagnostic, mais il existe souvent un facteur
dynamique à cette compression soulignant l'utilité de la myélographie, associant
des clichés en position debout et couché et en flexion et extension pour mettre en
évidence ce mécanisme compressif.
Les racines peuvent également être comprimées à la sortie du récessus, dans le
canal de conjugaison, par le nodule fibrocartilagineux (nodule de Gill) de la lyse
isthmique. Ce mécanisme compressif est difficile à mettre en évidence quel que soit
le type d'examen complémentaire demandé, IRM, TDM ou myélographie. Il en
est de même de l'étirement d'une racine sur le crochet isthmique ou sur le dôme
sacré en cas de glissement L5S1, ou enfin de la compression d'une racine L5
au-delà du trou de conjugaison entre la transverse de L5 et l'aileron sacré. La
mobilité exagérée de l'étage où siège la rupture isthmique participe également
à l'irritation radiculaire au niveau de la zone de pseudarthrose fibreuse.
Au terme du bilan d'imagerie, si une indication à un traitement chirurgical est
retenue, il est important de bien distinguer les patients ayant subi un mécanisme
compressif identifié avec certitude et ceux chez lesquels aucune compression
radiculaire n'est mise en évidence.
Le spondylolisthésis par lyse isthmique de l'adulte 195
Contexte psycho-social
Le dernier élément à prendre en compte, avant de poser l'indication à un traite-
ment chirurgical face à un spondylolisthésis par lyse isthmique, est le contexte
dans lequel survient la symptomatologie douloureuse. Comme nous l'avons vu, la
symptomatologie douloureuse secondaire à cette affection est peu spécifique ; les
lésions anatomiques mises en évidence au bilan d'imagerie sont également assez
habituelles chez l'adulte, et, si l'on tient compte du fait que la lyse isthmique est
souvent présente bien avant le début de la symptomatologie douloureuse, on
conçoit le rôle majeur joué par les facteurs psycho-sociaux. Dans une mise au
point récente sur ce thème, Vaccaro et al. [9] ont souligné le rôle néfaste de la
notion d'accident de travail, de conflit avec l'employeur et d'un profil psycho-
logique défavorable sur le résultat du traitement chirurgical des spondylolisthésis
par lyse isthmique. Il souligne même que ces facteurs psycho-sociaux sont les seuls
facteurs prédictifs du résultat à long terme.
Arthrodèse
La réalisation d'une arthrodèse est l'un des principes de base du traitement
chirurgical d'un spondylolisthésis par lyse isthmique. La question posée est donc
plutôt : « Quelle arthrodèse réaliser ? ». Schématiquement, il est possible de
Le spondylolisthésis par lyse isthmique de l'adulte 197
Réduction
Il paraît pertinent de remplacer la question « Faut-il réduire ? » par la question
« Que faut-il réduire ? ». Certains spondylolisthésis, et notamment ceux de grade
élevé, s'accompagnent d'une cyphose lombosacrée et d'un déséquilibre antérieur.
Comme l'a bien souligné Bradford [1], la réduction du seul glissement sans
prendre en compte une éventuelle cyphose lombosacrée ne peut être satisfaisante
ni à court, ni à long terme. Pour répondre à la question posée, le premier élément
à prendre en compte est donc l'analyse du plan sagittal. En présence d'une
cyphose lombosacrée, et si un traitement chirurgical est envisagé, il faudra en
obtenir la correction. Les manœuvres corrigeant cette cyphose lombosacrée per-
mettront d'obtenir une réduction partielle du glissement, ce qui le plus souvent est
suffisant pour ne pas altérer à court ou moyen terme la qualité du résultat
fonctionnel obtenu. Dans cette situation (présence d'une cyphose lombosacrée,)
la réduction d'un glissement ne peut être considérée comme une fin en soi.
Ostéosynthèse
L'arthrodèse doit-elle être associée à une ostéosynthèse ? Il est une situation où
l'utilisation d'une instrumentation rachidienne ne se discute pas : la réduction
d'une cyphose lombosacrée. Dans ce cas, l'ostéosynthèse permet d'obtenir la
réduction de la déformation et le maintien de cette réduction jusqu'à consolida-
tion de l'arthrodèse. En dehors de cette situation, l'utilisation d'une ostéosynthèse
a pour objectif de mieux immobiliser l'étage à arthrodéser dans le but
198 Rachis du sujet jeune
Conclusions
Le spondylolisthésis par lyse isthmique est une affection fréquente chez l'adulte,
à l'origine d'une symptomatologie douloureuse finalement assez peu spécifique.
Avant de porter l'indication d'un traitement chirurgical, il convient, tout d'abord,
de traiter médicalement ces patients de façon la plus complète possible ; puis, si ce
traitement échoue, il est impératif de s'assurer de l'absence de facteurs psychoso-
ciaux défavorables. L'indication d'un traitement chirurgical sera alors fonction de
la demande fonctionnelle du patient et de l'enquête étiologique telle que nous
l'avons décrite (bilan de la lombalgie, bilan d'une éventuelle radiculalgie, recherche
d'une évolutivité du glissement, recherche d'un déséquilibre antérieur). En termes
de chirurgie de l'adulte, les deux situations les plus fréquemment rencontrées sont
les suivantes : traitement d'une lyse isthmique isolée sans glissement, traitement
d'un spondylolisthésis de faible grade (I ou II). La stratégie thérapeutique peut alors
se résumer de la façon suivante :
en cas de lyse isthmique isolée sans glissement, il est possible de proposer une
intervention de réparation isthmique à condition que le disque sous-jacent à la
zone de lyse soit sain, non dégénératif. Plusieurs types de réparation isthmique
sont possibles mais aucun ne semble avoir montré d'avantages réels. Même si
certains ont proposé ce type d'intervention en cas de dégénérescence du disque
sous-jacent à la zone de lyse, mieux vaut dans ces cas réaliser une arthrodèse
postérolatérale associée à la réparation isthmique ;
en cas de glissement peu important, les quatre gestes précédemment décrits se
discuteront. L'indication d'une libération nerveuse sera fonction de la sympto-
matologie douloureuse décrite par le patient et du bilan d'imagerie préopératoire.
En l'absence de radiculalgie préopératoire et de nécessité de réduction d'un glis-
sement ou d'une cyphose lombosacrée, il n'existe aucune indication à une
libération nerveuse. En présence d'une radiculalgie et d'un facteur compressif
bien authentifiés sur le bilan d'imagerie, il est nécessaire de réaliser une
libération nerveuse. En présence d'une radiculalgie et en l'absence de compression
bien authentifiée sur le bilan d'imagerie, nous avons vu que deux attitudes étaient
possibles, arthrodèse avec ou sans libération nerveuse. À de rares exceptions près,
Le spondylolisthésis par lyse isthmique de l'adulte 199
il existe une indication à une arthrodèse. Il pourra s'agir soit d'une arthrodèse
antérieure isolée, soit d'une arthrodèse circonférentielle en un ou deux temps, soit
d'une arthrodèse postérolatérale isolée. Pour notre part, nous réalisons une
arthrodèse postérolatérale soit isolée, soit associée à une arthrodèse intersoma-
tique. L'arthrodèse intersomatique sera effectuée soit par voie postérieure en cas
de libération nerveuse, soit par voie antérieure, dans un second temps, au cours de
la même anesthésie, dans les cas ne comportant pas, lors du temps postérieur,
d'ouverture du canal rachidien. Cette arthrodèse intersomatique est, pour nous,
indiquée en cas de glissement très mobile, notamment à l'étage L4L5, et lorsque
cette hypermobilité est associée à un espace discal important. En cas d'arthrodèse
postérolatérale, nous complétons celle-ci par une ostéosynthèse en cas
d'hypermobilité de l'étage olisthésique, en cas d'hypermobilité associée à un
espace discal important, et, le plus souvent, en cas de libération nerveuse
associée. L'étendue de la zone de fusion est fonction du bilan d'imagerie
préopératoire. Dans ce type de glissement, il n'existe, en règle générale, aucun
déséquilibre antérieur ni aucune cyphose lombosacrée. Nous ne préconisons
pas de réduction du glissement. La seule réduction effectuée est celle obtenue
automatiquement, sous anesthésie lors de l'installation. Bien évidemment, s'il
existe une cyphose lombosacrée, nous réalisons une correction de celle-ci
à l'aide d'une instrumentation postérieure.
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Partie IV
Rachis dégénératif
203
14
Rachis dégénératif.
Physiopathologie du
vieillissement rachidien
V. Foltz
Service de rhumatologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,
47, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13
Quelques données
Le vieillissement de la population dans nos pays industrialisés apparaît comme un
phénomène constant et irréversible. L'augmentation de l'espérance de vie, due en
partie à l'amélioration de la santé, combinée à une diminution drastique du taux
de natalité, a conduit à cette situation. En Europe, la proportion de sujets âgés de
plus de 65 ans était de 10,8 % en 1950, 14 % en 1970, 19,1 % en 1995 et devrait
atteindre 30,1 % en 2025 et 42,2 % en 2050 [1]. Les conséquences globales de
cette distorsion de la pyramide des âges s'observent au niveau de l'organisme avec
son vieillissement, sur le développement de la santé, sur l'accès aux soins et sur le
coût de la prise en charge qui est énorme. Aux États-Unis, approximativement
80 % des individus de plus de 65 ans souffrent d'une pathologie chronique et
50 % de deux [2].
Le vieillissement du rachis peut s'accompagner de symptômes : la douleur
(lombalgie) est très fréquente, sa prévalence allant de 60 à 90 % [3, 4]. Chez
les personnes âgées, la lombalgie constitue la première plainte de troubles mus-
culo-squelettiques et le troisième symptôme le plus fréquemment rapporté
indépendamment de la pathologie sous-jacente [4].
Si la lombalgie est très fréquente, sa cause exacte reste en revanche très difficile
à identifier, particulièrement dans le cadre de douleurs chroniques. Faute de
connaissances suffisantes, la dégénérescence rachidienne est souvent incriminée
dans la genèse de ces douleurs. Pourtant, les données de la littérature montrent
mouvements liquidiens de telle sorte que les DIV perdent lentement l'eau, même
quand ils sont soumis à des charges physiologiques importantes. L'hydrophilie du
DIV est directement liée à la pression osmotique exercée par les PG et l'absorption
d'eau est limitée par le réseau de collagène résistant à la traction.
La dernière région distincte du DIV est la PCV. C'est une une fine couche de
cartilage hyalin, usuellement inférieure à 1 mm d'épaisseur et correspondant
à une zone d'interface.
Le DIV de l'adulte est avasculaire (ou peu vascularisé en périphérie) mais
présente quelques structures nerveuses principalement à la périphérie de l'AF.
Le PCV, comme les autres structures hyalines du cartilage, est lui aussi totalement
avasculaire et non innervé chez l'adulte sain. La nutrition et l'élimination des
produits de dégradation du métabolisme cellulaire s'effectuent essentiellement
par un processus de diffusion avec les vaisseaux péridiscaux, principalement
à travers la PCV située à l'interface disque-os [10] et accessoirement avec les
plexus vasculaires à la périphérie de l'AF.
Le DIV a plusieurs fonctions : il permet à la fois de résister à la pesanteur et
à des contraintes mécaniques externes complexes mais également d'assurer une
mobilité multidirectionnelle.
Au niveau macroscopique
On a pu observer durant la croissance et la maturation du squelette que les limites
entre l'AF et le NP deviennent de moins en moins évidentes. Avec le vieillissement,
le NP devient fibrotique et perd de plus en plus sa consistance gélatineuse [13],
tandis que le réseau de l'AF se désorganise petit à petit. Des fissures concentriques
et radiaires sont fréquemment retrouvées dans le DIV dès la 3e et 4e décennies de la
vie, particulièrement dans le NP.
Au niveau moléculaire
Dans le DIV normal, un équilibre existe entre la synthèse et la dégradation des
éléments matriciels. Lors du vieillissement, la diminution de la teneur en eau et en
aggrécanes, la perturbation du réseau de collagène et la perte de hauteur du DIV
font partie des modifications précoces observées. Une seule étude s'est
véritablement intéressée au turn over de la matrice extracellulaire chez l'homme
Physiopathologie du vieillissement rachidien 207
L'âge
La dégénérescence discale commence généralement au cours de la deuxième
décennie et ne fait qu'empirer au fil du temps. À l'âge de 49 ans, 97 % des disques
lombaires montrent des signes de dégénérescence [30]. Cette dernière est
souvent asymptomatique [31, 32] et, réciproquement, le mal de dos n'est pas
toujours corrélé à la dégénérescence discale détectée par la radiographie [33]. Il
faut néanmoins souligner que les disques douloureux exhibent la même appa-
rence chimique, structurelle et radiographique que les disques asymptomati-
ques, mais semblent sérieusement plus dégénérés [34, 35]. En effet, leurs
Physiopathologie du vieillissement rachidien 209
Facteur vasculaire
Une des premières causes incriminée a été le défaut de nutrition des cellules
discales. Toutes les cellules ont besoin de nutriments comme l'oxygène et le
glucose pour rester vivantes et actives. In vitro, l'activité des cellules du DIV est
extrêmement sensible à l'oxygène extracellulaire et au PH avec des taux de
synthèse chutant aux PH acide ou lors de situations d'hypoxie. Une diminution
de nutrition conduisant à ces dernières situations (baisse en oxygène et acidité)
pourrait ainsi perturber le métabolisme des cellules discales, le maintien d'une
matrice extracellulaire de qualité et aboutir à la dégénérescence.
Ce défaut de vascularisation peut être lié à différents phénomènes : atteinte de
la PCV et atteinte vasculaire.
L'intégrité de la PCV jouerait probablement un rôle majeur pour la vascularisa-
tion du DIV et donc sa dégénérescence discale. L'importance des échanges entre
les vaisseaux sanguins et le DIV est liée à la densité des vaisseaux au niveau de la
surface de contact. Bien que la périphérie de l'AF soit en partie vascularisée et très
perméable, la voie de nutrition principale reste la PCV. Seule sa partie centrale,
située en regard du NP, est perméable [37] et est directement en contact avec la
moelle osseuse [38]. La vitalité du DIV et son vieillissement dépendraient donc en
grande partie de l'intégrité de la PCV. Il a été montré que les anomalies (calcifi-
cations et autres) et le décollement des PCV du corps vertébral adjacent seraient
responsables d'un déclin de la cellularité discale puis de sa dégénérescence liée
à une déficience de nutrition. Le défaut de vascularisation du DIV serait ainsi un
phénomène précoce de la dégénérescence discale [38].
Atteinte vasculaire à proprement parler. Le lien avec la dégénérescence discale
a été étudié d'un point de vue épidémiologique et macroscopique [39-49]. Les
études post mortem apportent quelques renseignements en montrant une asso-
ciation entre athérome de l'aorte et dégénérescence discale et entre occlusion
d'une artère vertébrale et antécédent de lombalgie [40]. Dans les études cliniques
transversales, l'observation de calcifications aortiques est associée à la douleur
lombaire, celle de sténose d'une artère lombaire à la lombalgie et à la
dégénérescence discale [41-43]. Enfin, dans les études épidémiologiques, les
facteurs de risques cardiovasculaires, comme le tabac et un taux élevé de
cholestérol, sont ceux qui sont le plus associés à la dégénérescence discale et
à la douleur lombaire [44-46]. Le tabac joue à ce titre un rôle probablement
primordial. En effet, à cause de la nicotine, les vaisseaux sanguins se contractent.
De plus, fumer accélère le processus d'athérosclérose et la sténose des orifices
des artères [47, 49]. Le flux sanguin parvenant au corps vertébral est
donc réduit, limitant l'apport des nutriments aux cellules du DIV. Par ailleurs,
la toux chronique, fréquente parmi les fumeurs, pourrait entraîner une
210 Rachis dégénératif
Stress mécanique
L'application de charges mécaniques anormales (stress mécanique) pourrait aussi
être incriminée dans la dégénérescence discale en participant à la régulation de
l'apoptose des cellules discales et aux phénomènes inflammatoires locaux.
Pendant plusieurs années, on a pensé que la cause majeure des lombalgies était
liée à des lésions structurales secondaires à des blessures, souvent liées au travail.
Ainsi, croyait-on que ces lésions initiaient un processus qui conduisait secondai-
rement à la dégénérescence du DIV puis aux symptômes cliniques, la lombalgie
[52]. Cependant, les liens de causalité ne sont pas forcément aussi simples. Bien
que les exercices intenses ne semblent pas affecter le DIV [53], on observe dans
certaines études des phénomènes anaboliques avec synthèse de PG en réponse
à des régimes de force physiologique appliqués sur du long terme [54]. D'autres
travaux de surcharge expérimentale ou de lésions du DIV montrent des résultats
allant dans le sens inverse [55, 56].
Facteurs génétiques
Des études récentes suggèrent l'existence d'une composante génétique importante
dans le processus de dégénérescence. Plusieurs travaux ont montré une
prédisposition familiale forte pour le vieillissement discal et la hernie [57-59].
Les résultats de deux études faites chez des jumeaux montreraient une héritabilité
excédant 60 % [60, 61]. Les personnes ayant un polymorphisme sur le gène
aggrécane auraient un fort risque de dégénérescence précoce du DIV. Enfin, des
études chez la souris ont démontré que des mutations sur les molécules apparte-
nant à la composition de la matrice extracellulaire, les aggrécanes [62], le
collagène de type II [63], et le collagène de type IX [64] conduisaient à une
dégénérescence du DIV.
L'os
L'os constitue la composante statique de l'unité vertébrale. Il va subir des chan-
gements majeurs durant le vieillissement avec, soit un excès de formation osseuse
(sclérose, ostéophyte), soit un excès de déminéralisation.
Le tissu osseux est en perpétuel remodelage avec une activité de résorption et de
formation. Cet équilibre repose sur des mécanismes de régulations systémiques et
locaux grâce à une communication étroite entre les différentes cellules osseuses et
permet ainsi l'homéostasie du tissu osseux. Au cours du vieillissement, il existe
une modification de la balance formation/résorption, mais le couplage est pour-
tant maintenu. Néanmoins, la balance osseuse (différence entre la quantité d'os
résorbé et la quantité d'os formé) est négative [67]. Plusieurs mécanismes,
à travers leur action sur les ostéoblastes et les ostéoclastes, influencent la perte
osseuse [68, 69]. La PTH, la vitamine D, le système ostéoprotégérine RANK-
RANKL, la calcitonine et un mécanisme de contrôle hypothalamique sont actuel-
lement les facteurs les mieux connus [69].
212 Rachis dégénératif
Les ligaments
Le rachis comprend plusieurs ligaments :
le ligament longitudinal postérieur (LLP) ou ligament vertébral commun
postérieur : c'est une bande fibreuse qui s'étend depuis l'occiput jusqu'au sacrum,
sur le versant postérieur des corps vertébraux ;
les ligaments de Hofmann : segmentaires et pairs, ils s'étendent du versant
antérieur du sac dural à la couche superficielle du LLP ;
les ligaments postérieurs : les ligaments jaunes (LJ), intertransversaires,
interépineux et supraépineux unissent respectivement les lames, les processus
transverses et le processus épineux.
Ces ligaments contribuent à la stabilité intrinsèque du rachis et à la limitation des
mouvements dans toutes les directions. Leur composant principal est le collagène.
Les LJ contiennent également un fort pourcentage en élastine, permettant la
contraction durant la flexion et l'élongation [65]. Lors du processus de vieillisse-
ment, les ligaments subissent des modifications chimiques et macroscopiques.
Physiopathologie du vieillissement rachidien 213
La principale est une hypertrophie prédominant aux étages L3L4 et L4L5 [72]. Les
causes sont multiples, liées au niveau d'activité, à l'âge, au stress mécanique. Les
études histologiques montrent que lors de l'hypertrophie des LJ, on observe une
diminution et une dégénérescence des fibres d'élastine, une augmentation du
collagène, l'apparition de calcification et d'ossification et une chondrométaplasie
[73-75]. Sur des données de microscopie électronique, Postacchini et al. concluent
que la perte de l'élasticité du LJ pourrait être la cause de son bombement dans le
canal survenant en particulier en position debout [76]. Les données biologiques
ont permis d'essayer de mieux appréhender les mécanismes liés à l'hypertrophie du
LJ. Ainsi, le transforming growth factor (TGF)-b serait pour le moment la seule
cytokine observée dans le LJ favorisant sa transformation fibrosante puis son
bombement [77, 78], mais son rôle exact reste encore indéterminé.
Les muscles
Les muscles dits « intrinsèques » s'insèrent sur le rachis lombaire et ont une action
directe sur le rachis qu'ils mobilisent et stabilisent. Il s'agit des muscles
paravertébraux dorsaux, du quadratus lumborum ou carré des lombes, et de la
portion vertébrale du psoas. Les muscles dits extrinsèques sont les quatre muscles
de la paroi antérolatérale de l'abdomen qui forment la sangle abdominale.
Ces muscles participent à la stabilisation et au mouvement du rachis. Ils per-
mettent de modifier la répartition des charges en situation statique et dynamique.
Lors du vieillissement, on observe une myopathie dégénérative. L'utilisation
d'appareil d'évaluation de la force musculaire du tronc (Cybex back testing) a
permis de mettre en évidence les premiers signes de déficience musculaire en
objectivant une diminution de force des muscles extenseurs du rachis [79].
Cette diminution des performances musculaires s'accompagne d'altérations de
leur structure histologique. Les biopsies ont ainsi montré une diminution du
diamètre des fibres musculaires de type II (impliquées dans la vitesse) et surtout
un aspect mité des fibres de type I (impliquées dans l'endurance) [80]. Des modi-
fications macroscopiques sont aussi visualisables en TDM ou en IRM où la
densité des fascicules musculaires diminue, remplacée par des coulées graisseuses.
La diminution des performances musculaires évolue parallèlement à cette
dégénérescence. Ces lésions compromettent petit à petit la statique et la dyna-
mique rachidienne, entraînant un dysfonctionnement et une instabilité vertébrale.
La camptocormie est un bon exemple de déstabilisation liée à une insuffisance
musculaire.
Il reste à démontrer si ce processus musculaire est la cause ou la conséquence
des autres altérations rachidiennes.
Conclusion
Différentes lésions sont observées au cours du vieillissement du rachis, plus ou
moins intriquées, les unes probablement liées aux autres. Le mécanisme de leur
survenue et leur cinétique évolutive, de même que leur signification en termes de
« vieillissement physiologique » et de conséquences symptomatologiques, restent
pour le moment des données non élucidées.
Les conséquences du vieillissement peuvent être doubles : douleur et
déstabilisation du rachis. Le premier phénomène peut être lié notamment à la
néo-innervation observée dans le DIV, aux phénomènes inflammatoires locaux
objectivés, à l'arthrose AP et aux troubles de la statique. Le second est la
conséquence des lésions élémentaires puis segmentaires des éléments rachidiens
retentissant sur les courbures, puis sur la stabilité rachidienne de la colonne
lombaire.
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Physiopathologie du vieillissement rachidien 217
15
Rachis lombaire dégénératif
Imagerie : comment ?
pour quoi faire ?
J.-L. Brasseur, J. Renoux, G. Mercy, D. Zeitoun-Eiss
Service de radiologie polyvalente et interventionnelle (Pr P. Grenier), hôpital de La Pitié-Salpêtrière,
83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13
Introduction
Le développement du sport de loisir et l'augmentation de la moyenne d'âge des
sportifs font en sorte que la pathologie sportive n'est pas uniquement traumatique
ou microtraumatique mais fait intervenir de plus en plus souvent une notion
supplémentaire : la dégénérescence.
Cela semble particulièrement vrai au niveau du rachis qui est mis à contribution
de manière systématique dans de nombreux sports pratiqués après 40 ans (tennis,
golf, etc.).
Voyons les principaux éléments à rechercher dans ce cadre et la stratégie d'ima-
gerie à adopter pour ne pas « empiler » systématiquement et coûteusement les
différents examens.
Que rechercher ?
En pathologie dégénérative, il est évident que le but de l'imagerie n'est pas de
décrire les ostéophytes et tous les pincements rencontrés, mais d'essayer d'expli-
quer au mieux l'origine de la symptomatologie pour orienter la thérapeutique
(une infiltration guidée, par exemple) [1, 2].
Il existe une très importante disparité entre les « images » et la symptomato-
logie clinique ; quand on voit les clichés de certaines colonnes, on se demande
parfois comment il est possible que le patient puisse tenir debout alors que son
problème n'est qu'une petite douleur en fin de match [3-7]. L'atteinte dégénérative
est un processus de vieillissement mais elle comporte une composante d'adapta-
tion. Ainsi, le développement des ostéophytes est surtout destiné à augmenter la
surface d'un disque pour mieux répartir la pression et la rendre moins
importante ; ce n'est donc en aucun cas ce « bec de perroquet », si anxiogène
pour nos patients, qui sera à l'origine de la symptomatologie : il est le simple
témoin d'une réaction des plateaux vertébraux.
Dans les douleurs d'origine mécanique, il existe deux grands cadres : la lom-
balgie et la lomboradiculalgie pouvant se compliquer d'une composante de blo-
cage, voire d'impotence.
Lombalgie
Elle a classiquement deux composantes (discale et articulaire postérieure)
impliquées de manière isolée ou associée et auxquelles peut se rajouter une
contracture réactionnelle.
[(Figure_1)TD$IG]
[(Figure_2)TD$IG]
postérieur. Elle est rarissime à ce stade où l'aspect est essentiellement celui d'un
débord discal diffus éventuellement asymétrique.
[(Figure_3)TD$IG]
FIGURE 15.3. Saillie d'une hypertrophie des articulaires postérieures au sein du canal.
La ligne pointillée tangente au versant antérieur des massifs articulaires sur le cliché en
oblique correspond au versant postérolatéral du canal ; la portion d'articulaire débordant
cette ligne correspond à la saillie endocanalaire.
Rachis lombaire dégénératif 223
[(Figure_4)TD$IG]
Lomboradiculalgie
La détermination précise du siège du (ou des) conflit(s) avec la (ou les) racine(s)
doit être le but de l'imagerie dans ce cas, en adéquation avec la symptomatologie
clinique. Cette recherche n'est nécessaire que si cette précision topographique est
susceptible d'orienter ou de modifier le traitement [9].
224 Rachis dégénératif
[(Figure_5)TD$IG]
FIGURE 15.6. Spondylolyse bilatérale de L5 visible sur le cliché L5-S1 de face centré avec
contour sous-pédiculaire bilatéral.
[(Figure_7)TD$IG]
FIGURE 15.7. Décalage des épineuses L5 et S1 dans le cadre d'une spondylolyse unilatérale
droite de L5 ; à noter la condensation réactionnelle du pédicule gauche.
Rachis lombaire dégénératif 225
Débord discal
Le disque affaissé s'étale de manière quasi automatique à l'origine d'un débord
extrêmement fréquent, rarement conflictuel avec les racines. Il s'agit donc plus
d'un étalement que d'une protrusion (même si le résultat diverge peu) et il ne faut
en aucun cas appeler ces images « hernies » vu l'importance des conséquences
(psychologiques ++) que ce terme mal utilisé peut engendrer.
Ce débord n'est pas visible de manière significative sur les clichés standard et
une étude en coupes (TDM ou IRM) est indispensable à son analyse. Celle-ci
nécessite en revanche une coupe passant exactement dans l'axe du disque, ce qui
n'est pas toujours facile en cas de déviation scoliotique. Le travail de reconstruc-
tion à la console est donc capital car, sans lui, de nombreuses fausses images de
débord asymétrique s'observent à l'origine de bien des erreurs (figure 15.8).
[(Figure_8)TD$IG]
FIGURE 15.8. Faux comblement du foramen L5-S1 gauche en raison d'une coupe
asymétrique chez un patient légèrement scoliotique.
226 Rachis dégénératif
[(Figure_9)TD$IG]
FIGURE 15.9. Sur cette coupe bien symétrique, il existe indiscutablement une saillie
asymétrique, postérolatérale droite du disque venant en conflit avec le versant antérieur
du sac.
Récessus
Le rétrécissement d'un récessus latéral par une hypertrophie dégénérative de
l'articulaire postérieure peut venir « coincer » une racine (figure 15.10), mais elle
est le plus souvent refoulée sans conséquence clinique.
Il ne faut donc pas uniquement analyser la déformation et le rétrécissement du
récessus mais surtout rechercher si la racine est en conflit à ce niveau. Les recon-
structions sagittales et la recherche d'une tuméfaction radiculaire sous-jacentes
sont des aides précieuses dans ce cas.
Rachis lombaire dégénératif 227
[(Figure_0)TD$IG]
Foramen
La composante discale (disque ou ostéophytose) et celle de l'hypertrophie
dégénérative de l'articulaire postérieure interviennent ici de manière isolée ou
conjointe.
Pour visualiser l'importance du rétrécissement du foramen, d'origine discale ou
ostéophytique, une coupe passant exactement par l'axe du disque est indispen-
sable nécessitant souvent, en cas de scoliose, une reconstruction tridimension-
nelle. C'est le seul moyen d'éviter une erreur diagnostique fort fréquente à ce
niveau. Le débord vient combler la partie inférieure du foramen en refoulant la
racine vers l'extérieur et vers le haut (figure 15.11). Ce débord est souvent très
important en cas de spondylolyse en raison du chevalet discal qui en résulte.
Pour l'articulaire postérieure, c'est l'apex de l'apophyse supérieure qui vient
« coincer » la racine contre la corticale supérieure du foramen (syndrome de
Crock) ; l'hypertrophie dégénérative de l'articulaire intervient mais aussi la
[(Figure_1)TD$IG]
FIGURE 15.11. Conflit au niveau du foramen ; la coupe est bien symétrique et il existe
indiscutablement un comblement du foramen gauche avec refoulement radiculaire.
228 Rachis dégénératif
Rétrécissement canalaire
Sa détection est importante car elle peut modifier de manière notable la stratégie
thérapeutique [10]. On connaît le caractère congénital (pédicule court) et le
caractère acquis (hypertrophie dégénérative) de cette pathologie. Cette dernière
composante prédomine en cas d'atteinte dégénérative mais les deux éléments se
surajoutent fréquemment. Il ne faut jamais perdre de vue que le rétrécissement
prédomine à hauteur de l'interligne alors que la surface du sac reste souvent
satisfaisante en regard du corps vertébral. Sur une vue frontale de radiculogra-
phie, on peut comparer ce sac à un « chapelet de saucisses » montrant les sténoses
étagées à hauteur des interlignes (figure 15.13).
[(Figure_2)TD$IG]
FIGURE 15.13. Aspect en « chapelet de saucisses » du canal rétréci qui présente des sténoses
étagées en regard des intersomatiques.
[(Figure_4)TD$IG]
FIGURE 15.14. Canal rétréci avec sagittalisation des surfaces articulaires postérieures.
[(Figure_5)TD$IG]
FIGURE 15.15. L'aspect de la graisse postérieure du canal est important à évaluer dans le
cadre d'un rétrécissement ; dans ce cas, elle n'entraîne aucune déformation sur le versant
postérieur du canal et le rétrécissement doit être considéré comme modéré.
[(Figure_6)TD$IG]
FIGURE 15.16. Découverte fortuite d'un méningiome dans le cadre d'un examen TDM
systématique avant infiltration pour cruralgie.
232 Rachis dégénératif
Conclusion
Oui, le recours à l'imagerie est utile en cas d'atteinte dégénérative du rachis
lombaire chez le sportif mais il n'est certainement pas systématique. Seules les
atteintes persistantes malgré le traitement doivent être explorées en débutant
systématiquement par les clichés standard.
L'étude en coupe est rare en cas de lombalgies, plus fréquente dans la lombo-
radiculalgie. Elle doit être utilisée pour décider de la thérapeutique, en particulier
avant infiltration guidée où cette imagerie doit être systématique. La TDM sera
préférée dans ces atteintes dégénératives sauf en préopératoire où l'IRM semble
incontournable.
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233
16
Lombalgies communes
Mise au point sur le traitement médical
et rééducatif
J. de Lecluse
Hôpitaux Nationaux de Saint-Maurice, 14, rue du Val-d'Osne, 94410 Saint-Maurice
Introduction
Les lombalgies non spécifiques sont extrêmement fréquentes dans la population
générale. D'une simple gêne lombaire sporadique lors d'un mouvement forcé à la
lombalgie chronique évoluant depuis plus de 6 mois, l'éventail clinique est infini,
avec un retentissement sur la fonction et le vécu très vaste et variable d'un patient
à un autre. Les incidences de la lombalgie vont également être particulières selon le
contexte socio-professionnel. Les exigences physiques sont élevées chez le travail-
leur manuel et le sportif, mais, chez ce dernier, la moindre lombalgie peut per-
turber ses capacités fonctionnelles et ainsi nuire à ses performances ; il aura donc
une demande supplémentaire de « guérir au plus vite ».
S'il y avait une thérapeutique efficace de la lombalgie, il serait inutile de faire
une mise au point... La difficulté vient du fait qu'il s'agit d'une pathologie
incluant une multitude de formes cliniques dans une population protéiforme
incluant des facteurs personnels difficilement « généralisables », le tout dans un
contexte de dégénérescence physiologique. C'est pourquoi il n'existe pas une
stratégie unique de la lombalgie mais toute une panoplie de moyens à adapter
au cas par cas.
Le nombre de publications concernant le traitement des lombalgies est en
hausse exponentielle, majorant d'une certaine façon les incertitudes sur la
stratégie thérapeutique à adopter. Cependant, la notion d'« evidence based
medicine » permet, via les revues de la littérature et les méta-analyses, de
sélectionner les travaux offrant une méthodologie et un niveau de preuve
suffisants.
Nous allons passer en revue les moyens thérapeutiques d'une lombalgie non
spécifique, soit aiguë (mois de 6 semaines d'évolution), soit chronique, en
excluant les thérapeutiques comportementales, cognitives et éducationnelles, de
type écoles du dos, qui seront traitées dans d'autres chapitres.
Corticoïdes
Il n'y a pas d'études ayant démontré l'efficacité des corticoïdes oraux ou intra-
musculaires dans la lombalgie commune.
Antalgiques
Antalgiques de niveau I
Avec une efficacité qui semble admise par l'usage, ils sont recommandés dans les
lombalgies aiguës ou chroniques [7].
Cependant, une revue systématique publiée en 2008 [8] sur l'efficacité du
paracétamol n'a pas retrouvé d'essai versus placebo dans la lombalgie aiguë.
Lombalgies communes 235
De plus, les études avaient des groupes de petite taille et leur méthodologie était de
faible qualité. Les auteurs ont donc conclu à un niveau de preuve insuffisant pour
admettre l'efficacité du paracétamol dans les lombalgies.
Les résultats des études comparant paracétamol et AINS sont discordants
[4, 7].
Antalgiques de niveau II
Utilisés en seconde intention, ils ont fait l'objet de quelques études.
La prise de tramadol, comparée à un placebo, fournit de meilleurs résultats sur
le plan des douleurs et de la fonction et provoque moins d'abandon du traitement
pour inefficacité [9].
Des résultats similaires ont été obtenus avec l'association tramadol-
paracétamol versus placebo dans la lombalgie chronique avec un bon profil de
tolérance [10].
Décontracturants et myorelaxants
Cette classe de médicaments (benzodiazépine ou non) a démontré une efficacité
supérieure au placebo dans la lombalgie aiguë [13-17]. Ils réduisent significati-
vement les douleurs, les contractures musculaires et la raideur à court terme.
Dans la lombalgie chronique, leur utilité n'est pas déterminée de façon certaine.
Il ne semble pas exister de différence d'efficacité entre les produits disponibles.
Il n'y a pas d'étude comparative avec des antalgiques ou des AINS, mais un effet
additionnel lors d'une coprescription d'AINS est probable [17].
Les effets secondaires ne sont pas négligeables et relativement fréquents,
plus particulièrement avec les benzodiazépines (somnolence, céphalées, verti-
ges, dépendance), incitant à limiter leur prescription à un traitement de courte
durée.
Antidépresseurs
Leur efficacité dans les lombalgies chroniques a été démontrée dans des essais
thérapeutiques randomisés versus placebo [18, 19]. À l'effet antidépresseur
236 Rachis dégénératif
Autres médications
Des études contrôlées ont démontré l'inefficacité de la colchicine [22] et la
supériorité de la vitamine B12 par rapport au placebo sur les phénomènes dou-
loureux [23]. La phytothérapie a également été testée : les extraits de saule sem-
blent plus efficaces que le placebo et d'une efficacité comparable à celle du
rofecoxib [24].
Mésothérapie
Il n'a pas été retrouvé d'étude de niveau de preuve suffisant comparant le traite-
ment des lombalgies par mésothérapie versus placebo ou autres thérapeutiques.
Une étude récente randomisée chez des patients présentant une lombalgie aiguë
a comparé deux protocoles de traitement : l'un associant du kétoprofen 160
(1 mL), du méthylprednisone 40 mg (1 mL) et de la lidocaïne 2 % (1 mL)
administré par voie mésothérapique 5 fois sur une période de 14 jours, et l'autre
associant du kétoprofen 160 mg/j et de la méthylprednisone 40 mg/j pendant
4 jours, puis 20 mg un jour sur deux jusqu'au 14e jour, administré par voie
intramusculaire les 4 premiers jours et ensuite par voie per os. Dans les deux
groupes, les douleurs et l'incapacité fonctionnelle ont diminué à la fin du traite-
ment et à 6 mois sans qu'il n'y ait de différence significative entre les deux groupes
[27].
Lombalgies communes 237
Acupuncture
Les études sur les effets de l'acupuncture dans la lombalgie aiguë sont insuffisantes
et non concluantes.
Une méta-analyse de 33 essais randomisés [28] conclut que l'acupuncture
semble avoir un effet symptomatique significatif à court terme sur la lombalgie
chronique, comparativement au placebo ou à l'absence de traitement. Mais ces
résultats ne préjugent pas de son efficacité à long terme ni ne démontrent la
supériorité de cette thérapeutique sur les autres.
Traitements physiques
Repos
Il est maintenant bien admis que le repos strict au lit n'a aucun effet thérapeutique
dans la lombalgie aiguë. Le maintien d'un maximum d'activités tolérables semble
même accélérer la récupération, réduire les durées d'arrêt de travail et le passage
à la chronicité [7, 29-31].
Tractions vertébrales
Dans l'indication classique qui est la lombalgie d'origine discale, leur effet sédatif
est discuté. Les différentes analyses d'études randomisées ne permettent pas
d'affirmer l'efficacité clinique des tractions lombaires avec un niveau élevé de
preuve [7, 33, 34].
Manipulations vertébrales
La place des manipulations rachidiennes dans les lombalgies reste controversée.
Pour Assendeft [35], leur efficacité n'est pas démontrée, quel que soit le type de
manipulation pratiqué, et aucune parmi les différentes techniques manuelles n'a
fait la preuve de sa supériorité. Cependant. . .
Dans les lombalgies aiguës, des études semblent démontrer leur l'efficacité sur
les douleurs à court terme [7, 36-39] et l'incapacité fonctionnelle à moyen terme
[40].
Dans une revue récente, les méthodes chiropractiques comparées à aucun
traitement ou une combinaison d'autres traitements, apportent une diminution
significative des phénomènes douloureux à court et moyen terme, et de
l'incapacité fonctionnelle uniquement à court terme [41].
238 Rachis dégénératif
Dans un essai randomisé contrôlé réalisé chez 240 patients présentant une
lombalgie récente comparant la prise de diclofénac (100 mg/jour) et/ou des mani-
pulations vertébrales en complément d'un traitement commun comprenant la prise
de 4 g de paracétamol par jour et l'application d'une hygiène lombaire, aucun des
deux traitements testés n'a réduit le temps de guérison de la lombalgie [42].
Dans les lombalgies chroniques, deux études anciennes montrent une différence
significative au profit des groupes traités par manipulations vertébrales par
comparaison aux groupes non traités, sur la disparition des symptômes douloureux
[43, 44]. Il en est de même de l'effet bénéfique significatif des manipulations par
rapport à la pratique d'exercices physiques réguliers [45].
Le traitement par des méthodes chiropractiques semble peu efficace sur les
lombalgies chroniques [41].
Masso-kinésithérapie
De nombreuses publications ont évalué l'efficacité d'une technique mais peu
d'études répondent à des critères d'évaluation clinique fiables avec, pour certaines,
aucune distinction faite entre les lombalgies aiguës, sub-aiguës et chroniques.
Dans les lombalgies aiguës, hormis les massages et autre thérapies sédatives, la
rééducation proprement dite n'est à effectuer qu'après la résolution de la crise
dans le but de prévenir les récidives et corriger les éventuels facteurs prédisposants
(insuffisance musculaire, raideur tendino-musculaire...). Ceci est confirmé
par une méta-analyse comparant la rééducation à l'absence de traitement ou
à d'autres traitements dans les lombalgies aiguës : il n'a pas été mis en évidence
de différence entre les groupes étudiés [46].
Dans les lombalgies chroniques, certaines études s'intéressant aux résultats des
programmes d'exercices intensifs concluent plutôt à leur efficacité [47-53]. L'effet
bénéfique de la pratique d'exercices physiques concerne principalement la dimi-
nution des douleurs et, à un moindre degré, l'incapacité [46, 54]. Ces effets sont
significatifs à court et moyen terme [52] mais ne le sont plus à long terme [54, 56].
Les études sur les effets bénéfiques selon les types et modes d'exercices sont
parfois contradictoires. La revue systématique effectuée par van Tulder [57] et les
travaux de Hurwitz [58] indiquent que, si l'exercice est efficace, il ne semble pas
exister de différence entre les méthodes utilisées.
Les massages sont insuffisants [59]. Pour certains, les exercices en extension
sont à privilégier [60] ; pour d'autres, il n'y a pas de différence entre ceux effectués
en flexion ou en extension [61]. Un effet bénéfique d'un programme d'étirement
des groupes musculaires douloureux a été rapporté dans deux études [62, 63].
En pratique, les exercices doivent être adaptés et spécifiques à chaque patient
en fonction de ses carences et de l'étiologie de la lombalgie [64, 65].
Physiothérapie
Aucun procédé de physiothérapie n'a démontré son efficacité dans les lombalgies.
Trois méthodes ont été particulièrement étudiées :
Lombalgies communes 239
Conclusion
Au terme de cette synthèse bibliographique sur le traitement des lombalgies non
spécifiques, des tendances se dégagent mais pas de certitudes. On peut recom-
mander mais on ne peut affirmer [7, 74, 75].
La difficulté de conclure vient de l'hétérogénéité des études concernant une
pathologie protéiforme liée à des étiologies variées, intriquées où se mêlent du
somatique et du fonctionnel.
Si certaines causes sont reconnues et quantifiables telles l'insuffisance ou la
dégénérescence discale, l'insuffisance ou déséquilibre musculaire, de nombreuses
lombalgies non spécifiques n'ont pas de substrat reconnu. De plus, pour une
même cause, chaque patient répondra différemment selon une multitude de fac-
teurs personnels identifiables ou non. La lombalgie chez le sportif en est un
exemple parfait : une interruption-modification obligée de son programme spor-
tif va provoquer des répercussions physiques mais aussi sociales et psychologi-
ques qui compliquent sa prise en charge. À ce jour, il n'existe pas d'étude
concernant spécifiquement le traitement des lombalgies du sportif.
Tout ceci explique en grande partie l'absence d'une thérapeutique univoque et
efficace des lombalgies non spécifiques.
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17
Restauration fonctionnelle
pour lombalgie
J. Beaudreuil
Service de rhumatologie, Pôle locomoteur, hôpital Lariboisière, AP-HP ; Université Paris 7, Paris
Introduction
La problématique – ou ensemble de questions posées – liée à la lombalgie est
constante depuis une vingtaine d'années. Elle repose sur deux observations
vérifiables à l'envi : la lombalgie commune est une affection fréquente chez
l'adulte dans nos contrées ; les patients évoluant vers la chronicité cristallisent
l'impact individuel et collectif de la maladie. La prévention primaire de la lom-
balgie est en échec non moins constant [1]. Une explication définitive de cet état de
fait situe les mesures de prévention primaire potentiellement utiles dans les
champs social, culturel, et professionnel, pour bonne partie hors de portée de la
décision médicale. La stratégie thérapeutique de la lombalgie est par conséquent
tournée, en aval de cette démarche idéale, vers l'aide à la résolution des épisodes
douloureux, la prévention des récurrences et l'approche palliative des formes
persistantes. La restauration fonctionnelle est une approche palliative des formes
persistantes de lombalgie commune lourdement invalidantes.
Cibles thérapeutiques
Syndrome de déconditionnement et facteurs de risque psycho-sociaux sont certes
deux concepts redondants par certains de leurs aspects. Ils traduisent deux appro-
ches expérimentales différentes et n'en sont pas moins les marqueurs du
déterminisme multifactoriel de la condition des patients lombalgiques chroniques
en situation de handicap lourd. Les éléments du syndrome de déconditionnement
et les facteurs de risque psycho-sociaux apparaissent alors comme autant de cibles
thérapeutiques. La restauration fonctionnelle y répond point par point [2].
gardent une part d'initiative. Les exercices physiques peuvent être modifiés si non
tolérés. Au registre des peurs et croyances inadaptées, les questions posées
amènent à aborder de façon récurrente la dissociation existant entre les
données d'imagerie de type dégénératif et la douleur, et entre la douleur et
l'activité physique. Une prise en charge spécialisée conjointe est parfois requise
en cas d'éléments anxio-dépressifs marqués. Les modalités de la reprise de travail
sont envisagées de façon progressive à mesure de l'avancée du programme et de
façon consensuelle tripartite avec le patient, son médecin du travail et le respon-
sable médical du programme de restauration fonctionnelle.
Activité professionnelle
L'impact de la restauration fonctionnelle sur le critère activité professionnelle est,
quant à lui, controversé [9-13, 15, 16]. Les caractéristiques des populations et des
programmes étudiés ainsi que le contexte médico-social général dans lequel ces
travaux ont été réalisés pourraient en être des explications. Le rôle du contexte
national a bien été mis en évidence par l'étude d'une cohorte de plus de 2 000
patients lombalgiques chroniques en arrêt de travail, suivie à travers six pays [17].
Le taux d'activité professionnelle à 1 et 2 ans était en effet différent pour chacun
d'entre eux, mais ceci n'apparaissait pas expliqué par des différences de prise en
charge thérapeutique. En France, plusieurs études ouvertes [8, 18-21] et un essai
randomisé [12, 13] attestent de l'intérêt des programmes de restauration fonc-
tionnelle en termes de reprise et de maintien d'activité professionnelle, ainsi que de
réduction de nombre de jours d'arrêt de travail chez les patients lombalgiques
chroniques en situation de handicap lourd.
Perspectives
La question des alternatives thérapeutiques persiste toutefois. La prise en charge
rééducative de la dimension physique uniquement n'apparaît plus comme une
option crédible [1]. L'arthrodèse lombaire parfois évoquée dans l'indication des
formes les plus invalidantes de lombalgie chronique n'a pas fait la preuve de sa
supériorité comparativement à un programme de rééducation structuré au terme
de deux essais randomisés [25]. Les thérapies cognitivo-comportementales et les
programmes multidisciplinaires moins lourds mais gardant dans leurs modules
l'investissement du champ professionnel restent quant à eux candidats à cette
alternative [26, 27].
Thérapies cognitivo-comportementales
Une étude randomisée réalisée chez 700 patients souffrant de lombalgies
subaiguës ou chroniques a évalué l'impact de la thérapie cognitivo-comportemen-
tale [26]. Le programme thérapeutique comprenait 6 séances de groupe de 8
personnes. Il était comparé à la poursuite des soins usuels. Cette étude montrait
une amélioration à 1 an des patients en termes de croyances, douleur et incapacité.
De plus, le coût par QALY apparaissait bas et acceptable, comparativement
à d'autres interventions thérapeutiques préalablement testées dont l'acupuncture,
les exercices physiques et les manipulations.
250 Rachis dégénératif
Conclusion
La restauration fonctionnelle est une prise en charge multidisciplinaire intensive
de la lombalgie chronique dans ses formes les plus invalidantes. Il s'agit d'une
proposition cohérente qui a fait la preuve de son efficacité en termes d'incapacité
et d'activité professionnelle dans notre pays. Ses résultats tranchent avec ceux
d'autres modalités thérapeutiques testées dans cette même indication. Ils doivent
inciter à orienter de façon prioritaire vers cette prise en charge tout patient
lombalgique en situation de handicap lourd marqué le plus souvent par
l'impossibilité de travailler, dès le 3e mois de son histoire clinique.
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253
18
Hernie discale lombaire
et pratique sportive :
Qui opérer ? Quel geste ?
Quand ?
C. Garreau de Loubresse
Service de chirurgie orthopédique, hôpital Raymond Poincaré, 92380 Garches
Épidémiologie
La lombalgie du sportif n'est pas seulement un problème de hernie.
Le conflit discoradiculaire se traduit par l'apparition d'une souffrance sur le
métamère correspondant. Au niveau lombaire, les étages inférieurs sont les plus
touchés. La hernie discale se situe fréquemment aux niveaux L4-L5 et L5-S1 et est
source de lombosciatique. L'atteinte des disques L3-L4 et L2-L3 est plus rare et
peut occasionner une lombocruralgie. La pratique sportive sollicite bien
évidemment le rachis lombaire. Celui-ci est le siège de plusieurs pathologies et
tableaux cliniques qu'il faudra différencier de celui de la hernie discale.
La survenue d'un épisode de lombalgie est fréquente chez le sportif de haut
niveau. Baranto et al. [1] ont rapporté 89 % de lombalgies dans une étude
prospective chez de jeunes sportifs expérimentés. Ces symptômes douloureux
sont associés à des modifications radiologiques ou de l'imagerie par résonance
magnétique (IRM). La perte de hauteur discale est souvent corrélée avec la
lombalgie. Chez le jeune footballeur, Iwamoto et al. [2] ont décrit 59 % de
lombalgies en présence d'une diminution de hauteur intersomatique. Cette perte
de hauteur discale est présente dans 13 % des cas chez de jeunes rugbymen [3] et
3 % de jeunes pratiquant le tennis à un haut niveau [4]. Les modifications IRM
sont encore plus fréquentes et sont rencontrées dans 8,3 % chez des sujets jeunes
asymptomatiques [5] mais aussi dans 6,1 % chez des joueurs de tennis sans
Urgences chirurgicales
Les sportifs, comme tous les autres patients, doivent être adressés aux urgences
chirurgicales devant l'apparition de troubles sphinctériens, d'une sciatique para-
lysante (déficit moteur < 3) ou d'une radiculalgie hyperalgique (résistante à la
morphine). Ces trois situations imposent une intervention chirurgicale en urgence
pour donner toutes les chances de récupération et apporter un soulagement.
Bilan d'imagerie
Une imagerie lombaire ne se justifie pas dans le cas d'une symptomatologie
clinique évocatrice d'une lombosciatique commune. En revanche, l'absence de
réponse à la première phase de traitement ou une suspicion particulière doit faire
prescrire une imagerie [13, 14].
Hernie discale lombaire et pratique sportive... 255
Radiographies
Les radiographies standard du rachis lombaire en position debout éliminent les
autres pathologies susceptibles de donner un tableau de radiculalgie. La lombos-
ciatique commune doit rester un diagnostic d'élimination. Ces radiographies sont
prescrites après 2 semaines d'inefficacité du traitement médical.
IRM ou tomodensitométrie
L'absence de soulagement après 4 à 6 semaines impose la réalisation d'un bilan
d'imagerie par tomodensitométrie ou IRM lombaire. Son but est de confirmer le
diagnostic de hernie discale et de préciser les caractéristiques du conflit discora-
diculaire. Son intérêt est aussi de vérifier la concordance entre les images obtenues
et la clinique. Il est en effet démontré que la fréquence d'une image de hernie
discale est de l'ordre de 20 à 36 % dans la population générale asymptomatique
[15]. La tomodensitométrie est aussi performante que l'IRM mais cette dernière
n'expose pas aux irradiations et les tissus mous sont mieux visualisés.
Méthodes thérapeutiques
L'information du patient sur la nature de la douleur, de sa cause et sur le pronostic
habituellement très favorable est un élément important qu'il ne faut surtout pas
négliger. Toutefois, cette éducation thérapeutique qui semble très bénéfique n'a
pas été évaluée par des études randomisées.
Le repos strict prolongé n'est plus recommandé et il faut lui préférer le maintien
d'une activité limitée à la douleur. Le traitement médical associé à une
physiothérapie voire une infiltration épidurale radioguidée reste la partie fonda-
mentale du traitement de la lombosciatique par hernie discale. En cas d'échec, les
thérapeutiques chirurgicales sont proposées [16].
Méthodes percutanées
La chymonucléolyse par injection de chymopapaïne était largement utilisée mais elle
n'est plus commercialisée depuis plus de 10 ans. Une revue Cochrane comparative
de tous les essais randomisés comparant la chirurgie à la chymonucléolyse a
confirmé la supériorité des résultats de la discectomie chirurgicale [17].
256 Rachis dégénératif
Techniques chirurgicales
Depuis la description par Mixter et Barr en 1934, la hernie discale lombaire était
traitée classiquement par un abord chirurgical large permettant une laminectomie
et une discectomie [18]. En 1977, Caspar [19] et Yasargil [20] ont redéfini la
technique chirurgicale par l'utilisation de microscope dans le but de préserver au
mieux les structures avoisinantes et notamment la musculature paravertébrale. Le
curetage discal agressif doit être abandonné au profit d'une discectomie partielle
réalisant l'exérèse de la hernie intracanalaire et des fragments discaux mobilisa-
bles dans l'espace intersomatique [21].
Depuis cette description, la chirurgie par abord très limité est la procédure habi-
tuelle. Son efficacité a pu être démontrée et ses résultats sont supérieurs aux traite-
ments fonctionnels [22, 23]. La chirurgie améliore indiscutablement les patients mais
il faut savoir qu'à long terme, après un délai de 1 à 2 ans, il n'y a pas de différence
significative avec le traitement médical complet [24]. Cette proposition de prolonger
le traitement conservateur sur une très longue période est parfois incompatible avec
les activités d'un sportif de haut niveau, a fortiori s'il est professionnel.
Techniques endoscopiques
Discectomie tubulaire
La technique débute par la mise en place d'une broche guide centrée sur l'espace
interlamaire. Des dilatateurs de taille croissante sont utilisés pour disciser pro-
gressivement les muscles paravertébraux et constituer un espace de travail.
Ensuite, l'ouverture du canal lombaire, la herniectomie et la discectomie sont
identiques à celle de la microdiscectomie. La réinsertion ou la suture musculaire
est inutile. L'incision cutanée est de l'ordre de 20 mm. Le lever est autorisé le jour
même de l'intervention.
L'utilisation de la technique de discectomie tubulaire comparée avec la chirur-
gie de microdiscectomie conventionnelle ne montre pas d'amélioration significa-
tive. Selon des études randomisées, la discectomie tubulaire aurait de moins bons
scores concernant la radiculalgie, la lombalgie, la récupération et le coût de la
technique est plus élevé que la microdiscectomie [25, 26]. Mais il faut reconnaître
que la récupération postopératoire du premier mois est souvent plus rapide avec
la discectomie tubulaire.
Discectomie transforaminale
Les techniques endoscopiques par voie latérale sont connues depuis 1983 [27]. En
1992, le laser a été associé à cette voie pour la réalisation de discectomie par voie
foraminale. Les indications de cette technique sont les mêmes que celle de la
Hernie discale lombaire et pratique sportive... 257
Discectomie microendoscopique
Une instrumentation a été récemment conçue pour une chirurgie totalement
endoscopique par voie postérieure lombaire interlamaire. Comme dans la tech-
nique tubulaire, une broche-guide est placée sous contrôle endoscopique jusqu'au
plan du ligament jaune interlamaire. L'endoscope, similaire à celui d'une arthros-
copie du genou, est introduit dans une gaine de travail. On obtient ainsi un accès
dans l'espace épidural. Le fragment herniaire est retiré. La discectomie est difficile
avec cette instrumentation. Il n'y a pour l'instant aucune évaluation fiable de cette
technique. Son intérêt est la récupération immédiate et le peu d'utilisation d'antal-
giques en postopératoire.
Récidives
Le taux de récidive des hernies discales lombaires varie suivant les auteurs entre
1 % [32, 33] et 15 %. De nombreux facteurs généraux ont été incriminés comme
la notion de traumatisme, l'âge, le tabac et l'obésité [33]. Selon la méta-analyse
publiée par McGirt et al. [34], la discectomie agressive diminue de moitié la
survenue des récidives en comparaison avec une discectomie partielle (3,5 % de
récidives vs 7 %), mais expose à des suites plus douloureuses et des lombalgies
chroniques. Si une chirurgie de reprise est réalisée sur une symptomatologie
concordante avec l'imagerie, l'évolution est favorable [35].
258 Rachis dégénératif
Conclusion
La hernie discale lombaire est une pathologie fréquente qui évolue favorablement
dans la très grande majorité des cas après traitement médical. Une intervention
chirurgicale n'est indiquée qu'exceptionnellement en urgence et surtout devant la
survenue de troubles sphinctériens. La persistance après 4 à 6 semaines d'une
radiculalgie doit faire proposer une chirurgie. Le respect des structures lombaires,
et en particulier musculaires, est déterminant pour donner des capacités de reprise
précoce des activités sportives, même de haut niveau. L'encadrement
postopératoire en rééducation fonctionnelle, en accord avec le chirurgien, doit
être proportionnel aux ambitions du patient sportif.
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261
19
Canal lombaire étroit : place du
traitement médical
S. Rozenberg
Service de rhumatologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,
47, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13
Introduction
Le retentissement de la douleur lombaire, fessière, des membres inférieurs lié au
canal lombaire rétréci peut être variable d'un sujet à l'autre. Il conditionne le
choix du traitement à proposer. L'objectif thérapeutique principal est de soulager
la douleur et de maintenir ou améliorer la fonction.
restants a été de 57,2 mois. L'âge moyen était de 74,8 ans à l'admission. À
l'évaluation finale, 34,8 % des patients avaient une amélioration subjective des
symptômes, 22,5 % se disaient inchangés, 42,5 % aggravés. Quarante pour
cent des patients considéraient avoir un score ADL bon ou excellent, 20,2 %
des problèmes importants pour les ADL. Il n'y avait pas de corrélation
entre l'évolution et la présence d'un spondylolisthésis ou d'une scoliose ;
l'évolution a été moins favorable chez les patients ayant eu un arrêt complet de
leurs activités.
La « Maine Lumbar Spine Study » a fait un suivi prospectif d'une cohorte de
patients traités médicalement ou chirurgicalement dans l'état du Maine.
La population comportait des sujets ayant un canal lombaire rétréci avec
claudication neurogénique et des signes radiologiques de sténose du canal lom-
baire. Les critères d'inclusion étaient d'avoir eu au moins 2 semaines de traitement
conservateur dans les 2 mois précédents sans ressentir d'amélioration satisfai-
sante. Le suivi des patients s'est fait à 3, 6 et 12 mois, et 10 ans. L'effectif initial
était de 81 patients dans le groupe chirurgie, 67 dans le groupe traitement
médical. L'âge moyen des patients à l'inclusion était de 60 ans. Initialement, les
patients du groupe chirurgie avaient une douleur sciatique significativement plus
intense, un score fonctionnel moins bon, une activité plus réduite, un score
physique du SF 36 plus dégradé. Le traitement chirurgical a été le plus souvent
une laminectomie. Les traitements conservateurs comportaient : repos au lit
(28,6 %), exercices (39,3 %), port d'un corset (14,3 %), manipulation (23 %),
infiltration épidurale de corticoïdes (18 %), prise d'analgésiques narcotiques
(20 %).
À 1 an (2), une amélioration très importante ou importante de la douleur
radiculaire a été obtenue pour 55 % des patients opérés versus 28 % des patients
non opérés. L'amélioration des critères fonction et qualité de vie était significa-
tivement meilleure dans le groupe chirurgie.
À 4 ans, les données sont disponibles pour 67/81 des patients opérés, 52/67des
patients non opérés [3]. Le facteur à baseline le plus prédictif d'une évolution
favorable s'avère être le recours à la chirurgie (OR 5,7 (IC 95 % 2,1-17,4)
p < 0,001 ; 63 % des patients du groupe chirurgie étaient satisfaits de leur
état versus 42 % du groupe traitement médical. Les patients non opérés n'ont
pas eu de modification significative de leurs paramètres. Nous ne disposons pas de
données concernant le traitement médical de ces patients.
À 10 ans, les données sont disponibles pour 56 patients opérés et 41 traités
médicalement [4]. Les chiffres concernant la satisfaction des patients à propos de
leur état sont relativement stables : 55 % des patients du groupe opéré versus
42 % du groupe traité médicalement.
Parmi les patients non opérés : 50 % estiment leur douleur lombaire améliorée
par rapport à baseline, 40 % leur douleur sciatique améliorée, 48 % s'estiment
satisfaits, 64 % choisiraient à nouveau le même traitement. À 10 ans, 23 % des
patients chirurgicaux ont eu une nouvelle intervention, 39 % des non opérés ont
dû être opérés.
Canal lombaire étroit : place du traitement médical 263
Les résultats ne diffèrent pas selon que l'évaluation s'est faite en fonction du
traitement effectivement reçu ou en fonction du groupe initial de traitement.
Dans l'ensemble, on peut considérer que 40 à 50 % des patients souffrant de
canal lombaire rétréci ont un état stable sur plusieurs années et sont relativement
satisfaits de leur état sous traitement médical.
Traitement médical
Les antalgiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les myorela-
xants sont couramment utilisés pour traiter les symptômes du canal lombaire
rétréci. Leur utilisation est extrapolée à partir des pratiques du traitement de la
lombosciatique. Il n'y a pas de preuve de l'efficacité des ces diverses classes
thérapeutiques. Il faut être vigilant face aux risques d'effets secondaires, en parti-
culier des AINS et se méfier des contre-indications liées à l'âge, aux comorbidités,
aux associations médicamenteuses déconseillées.
Infiltrations
Infiltrations épidurales sans contrôle scopique
Une étude prospective non randomisée portant sur 65 patients souffrant de canal
lombaire rétréci confirmé par IRM a évalué l'effet d'une infiltration de 40 mg de
triamcinolone [5]. L'âge moyen des patients était de 74 ans. Le critère d'évalua-
tion était le score douleur du SF36. Il a été amélioré significativement à 1 et 3 mois
(score douleur SF 36 baseline : 27,4 13,6, à 1 mois : 41,7 22, à 3 mois :
35,8 19).
Pour Campbell [6], il n'a pas été noté de relation entre la taille du canal et
l'efficacité des infiltrations.
Une étude prospective randomisée a comparé l'effet d'une infiltration épidurale
d'une association anesthésique-corticoïde versus l'injection intramusculaire des
mêmes produits [7]. Les patients souffraient d'une lombosciatique depuis au
moins 6 semaines, dont l'intensité justifiait le recours à la chirurgie. Quatre vingt
treize patients ont été inclus. Le diagnostic confirmé par IRM était : une hernie
discale pour 43 patients, une sténose canalaire pour 32 patients, l'association des
2 pour 17 patients. Six semaines après l'injection, une infiltration épidurale de
corticoïdes a été réalisée pour tous les patients non améliorés par la 1e injection.
À J35, une amélioration statistiquement significative de la douleur a été constatée
dans le groupe infiltration épidurale. Cette différence est devenue significative
10 jours après l'injection. Une 2e injection épidurale a été réalisée dans 16 cas
(7 dans le groupe épidurale, 9 dans le groupe intramusculaire).
Trente-cinq pour cent des patients ont dû être opérés (pas de différence signi-
ficative entre les groupes). Il n'y avait pas de différence entre les patients souffrant
de hernie discale et ceux souffrant de canal rétréci mais les effectifs étaient faibles.
À long terme, aucune différence n'a été observée entre les groupes.
264 Rachis dégénératif
Rééducation
La seule étude randomisée [11] identifiée sur l'effet de la rééducation dans le canal
lombaire rétréci a comparé deux modalités de prise en charge : la thérapie
manuelle plus exercices et programme ambulatoire de contrôle du poids versus
l'association d'exercices de flexion, d'ultrasons et de marche sur tapis roulant. Le
traitement comportait deux séances d'exercices par semaine de 45 à 60 minutes
pendant 6 semaines. Tous les patients devaient marcher chaque jour jusqu'au
déclenchement des douleurs. Les patients ayant des symptômes de canal lombaire
Canal lombaire étroit : place du traitement médical 265
rétréci, un âge supérieur ou égal à 50 ans, des signes IRM de canal rétréci, et une
amélioration des symptômes par la position assise étaient inclus.
Vingt-neuf patients ont été inclus dans chaque groupe. La compliance aux
exercices a été mesurée pendant les 6 semaines du programme, puis de 6 semaines
à 1 an, et s'est avérée comparable entre les groupes.
Une amélioration significative de la capacité fonctionnelle, de la distance de
marche, de la douleur et de la satisfaction au traitement a été observée dans les
deux groupes (amélioration significativement plus importante de la perception de
l'amélioration dans le groupe traitement manuel).
Cette étude, même si elle comporte des limites (choix du programme, faible
effectif, absence d'aveugle), a l'intérêt de montrer que les patients souffrant d'un
canal lombaire rétréci peuvent être soulagés par la prise en charge physique.
En conclusion, les données concernant l'utilisation des médicaments, des infil-
trations et de la rééducation sont très limitées dans le canal lombaire rétréci. Il faut
noter que l'évolution naturelle n'est pas forcément péjorative. Il est important de
prendre en compte les attentes et préférences du patient et de l'informer afin qu'il
puisse prendre part à une décision thérapeutique partagée.
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267
20
Gestes rachidiens et
anti-agrégation plaquettaire
B. Fautrel
Université Pierre et Marie Curie, Paris 6 ; service de rhumatologie, Groupe Hospitalier
Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13
Introduction
Le vieillissement de la population – y compris celle des sportifs – et la prévalence
accrue des maladies cardio-vasculaires ont multiplié la prescription de
médications anti-agrégantes plaquettaires (AAP), dont les indications ont crû
de façon spectaculaire du fait de l'emploi de plus en plus large des stents nus ou
actifs et de la mise en place de nouvelles modalités de prévention primaire ou
secondaire du risque thromboembolique Après 50 ans, 12 % de la population
sont traités par aspirine à faible dose en prévention primaire, soit 2,4 millions de
personnes, dont 5 % en association avec un autre AAP (aspirine et clopidogrel-
PlavixÒ ou prasugrel-EffientÒ) et 1 % avec un anticoagulant de type anti-vita-
mine K (AVK). Une estimation de la Société française de cardiologie indique que
200 000 à 300 000 personnes débutent un traitement AAP chaque année.
Cette prescription doit être intégrée par le médecin prenant en charge les
problèmes rachidiens. En effet, la réalisation d'un geste percutané, notamment
une infiltration, chez un patient traité par AAP expose à un double risque :
hémorragique, dont l'intensité dépend à la fois de l'acte envisagé, du traitement
en cours et de la pathologie sous-jacente ;
thrombotique, dont l'intensité dépend principalement de la pathologie ayant
conduit à les prescrire.
Pour évaluer le rapport bénéfice/risque du geste envisagé, un échange entre
médecin du sport et cardiologue est généralement nécessaire afin d'apprécier :
le risque lié à l'arrêt éventuel de l'AAP, lequel varie selon son indication initiale ;
le risque hémorragique de base lié au geste (lequel est, en général, mal connu ou
mal quantifié) ;
l'efficacité attendue du geste ainsi que son degré d'urgence.
TABLEAU 20.2. Durée d'arrêt de l'AAP à respecter avant un geste invasif si le risque
hémorragique est important
Arrêt Reprise
Aspirine 3 jours Lendemain du geste
Clopidogrel (PlavixÒ) 5 jours Lendemain du geste
Prasugrel (EffientÒ) 7 jours Lendemain du geste
TABLEAU 20.3. Risque hémorragique lié aux gestes rachidiens chez des patients sous
anticoagulants
Risque hémorragique majeur - gestes épi/périduraux et intraduraux
- gestes foraminaux
- ponction-biopsie disco-vertébrale
- cimentoplastie
Risque hémorragique modéré - gestes articulaires postérieurs
- gestes costo-vertébraux
270 Rachis dégénératif
Il n'a pas été observé d'hématome épidural dans l'une ou l'autre étude. Aucune
donnée n'a par ailleurs été publiée sur le risque associé aux AAP de type
thiénopyridine, c'est-à-dire le clopidogrel et le prasugrel.
Sur ces bases scientifiques, plusieurs sociétés savantes – dont la SFAR – ont
émis des recommandations sur la pratique de l'anesthésie locorégionale chez les
patients sous traitement antithrombotique ou thrombolytique, les plus récentes
étant celles de l'American Society for Regional Anesthesia (ASRA) [8, 12]. Leurs
principales conclusions sont :
il est possible de réaliser des gestes épi/périduraux sous aspirine ou AINS ;
du fait de l'absence de données de la littérature, il est recommandé de ne pas
réaliser de tels gestes sous clopidogrel et/ou prasugrel (ou de les arrêter 5 à 7 jours
avant ; cf. supra).
Conclusion
La réalisation de gestes rachidiens sous AAP nécessite la définition de prises en
charge plus standardisées, et ce d'autant plus qu'il existe dans la littérature un
certain nombre de données permettant de dépasser le seul principe de précaution,
lequel laisse régulièrement le patient dans une sorte d'impasse thérapeutique. Un
tel consensus devrait être bientôt disponible grâce à un travail formalisé réalisé en
partenariat avec l'HAS et plusieurs sociétés savantes dont la SFR qui pilote le
groupe de réflexion sur les gestes percutanés.
Gestes rachidiens et anti-agrégation plaquettaire 271
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