Vous êtes sur la page 1sur 269

Rachis et sports

Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Chez le même éditeur

Des mêmes auteurs, dans la même collection :


LES CONFLITS DU MEMBRE SUPÉRIEUR CHEZ LE SPORTIF, sous la direction de J. RODINEAU ET S. BESCH. 28e journée
de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. 2010, 300 pages.
PATHOLOGIE DU COMPLEXE PELVI-FÉMORAL DU SPORTIF, sous la direction de J. RODINEAU ET S. BESCH. 27e journée
de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. 2009, 278 pages.
LA CHEVILLE TRAUMATIQUE : DES CERTITUDES EN TRAUMATOLOGIE DU SPORT, SOUS la direction de J. RODINEAU ET S.
BESCH. 26e journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. 2008, 184 pages.
SÉQUELLES DES TRAUMATISMES ARTICULAIRES CHEZ LES SPORTIFS, sous la direction de J. RODINEAU ET E. ROLLAND.
25e journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. 2007, 304 pages.
PATHOLOGIE INTRA- ET PÉRITENDINEUSE DU MEMBRE SUPÉRIEUR DES SPORTIFS, SOUS la direction de J. RODINEAU ET E.
ROLLAND. 24e journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. 2006, 336 pages.
ARTHROSCOPIE THÉRAPEUTIQUE EN TRAUMATOLOGIE DU SPORT, sous la direction de J. RODINEAU ET G. SAILLANT.
23e journée de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. 2005, 288 pages.
ANOMALIES ANATOMIQUES ET PATHOLOGIE SPORTIVE, sous la direction de J. RODINEAU, G. SAILLANT. 22e journée
de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. 2004, 304 pages.
e
LA LÉSION LIGAMENTAIRE PÉRIPHÉRIQUE RÉCENTE, sous la direction de J. RODINEAU, G. SAILLANT. 21 journée
de traumatologie du sport de la Pitié-Salpêtrière. 2003, 272 pages.
Des mêmes auteurs :
LE COUDE MICROTRAUMATIQUE, sous la direction de C. HÉRISSON, J. RODINEAU. Collection Pathologie locomo-
trice et médecine orthopédique. 2006, 280 pages.
MUSCLE TRAUMATIQUE ET MÉCANIQUE, sous la direction de C. HÉRISSON, J. RODINEAU. Collection Pathologie
locomotrice et médecine orthopédique. 2005, 192 pages.
PATHOLOGIE DE LA COIFFE DES ROTATEURS DE L'ÉPAULE, par J. PÉLISSIER, L. SIMON, J. RODINEAU. 1993, 360 pages.
Les autres ouvrages :
MÉDECINE DU SPORT, par E. BRUNET-GUEDJ, B. BRUNET, J. GIRARDIER, B. MOYEN. Collection Sport. 2006,
7e édition, 424 pages.
EXAMEN CLINIQUE DES MEMBRES ET DU RACHIS, par S. HOPPENFELD. Traduit par D. DUIZABO. 2006, édition revue
et mise à jour avec la nouvelle nomenclature anatomique, 320 pages.
RÉÉDUCATION DE L'APPAREIL LOCOMOTEUR, par A. QUESNOT, J.-C. CHANUSSOT, R.-G. DANOWSKI. Collection
Abrégés. 2006, 384 pages.
TRAUMATOLOGIE DU SPORT, par R.-G. DANOWSKI, J.-C. CHANUSSOT. Collection Sport. 2005, 7e édition,
416 pages.
Rachis et sports
Quels risques ? Quels effets
benefiques ?
29e journée de traumatologie du sport
de la Pitié-Salpêtrière
Sous la direction de
Jacques Rodineau
et
Sylvie Besch
Avec la collaboration de :

J. Beaudreuil, C. Blaes, Y. Bohu, J.-L. Brasseur, S. Brunot,


R.-Y. Carlier, Y. Catonné, C. Dauzac, J. de Lecluse, J.C. Druvert,
B. Fautrel, V. Foltz, C. Garreau de Loubresse, D. Godefroy,
H. Guérini, P. Guigui, O. Hantkie, M.-E. Isner, F. Khiami, C. Laville,
T. Lenoir, J.-Y. Maigne, P. Marty, C. Marty-Poumarat, G. Mercy,
P. Middleton, V. Moreau, G. Morvan, D. Pailler, H. Pascal-
Mousselard, H. Petit, J. Renoux, M.-A. Rousseau, B. Rousselin,
S. Rozenberg, D. Safa, L. Sarazin, B. Tamalet, F. Thévenin,
P. Vautravers, V. Vuillemin, R. Zahi, D. Zeitoun-Eiss
Ce logo a pour objet d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir
de l'écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement
massif du « photo-copillage ». Cette pratique qui s'est généralisée, notamment dans
les établissements d'enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres,
au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de
les faire éditer correctement est aujourd'hui menacée.
Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le
recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d'autorisation de photocopier
doivent être adressées à l'éditeur ou au Centre français d'exploitation du droit de
copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.

Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous
pays.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des
pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur est illicite et constitue une
contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les reproductions strictement réservées à l'usage privé
du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d'autre part, les courtes citations justifiées
par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L.
122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).

Ó 2011, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés


ISBN : 978-2-294-71588-4

Elsevier Masson SAS, 62, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
V

Liste des collaborateurs

Beaudreuil J. – Service de rhumatologie, Pôle locomoteur, hôpital Lariboisière,


AP-HP ; Université Paris 7, Paris.
Besch S. – Service de médecine physique et réadaptation, hôpital National, 14, rue du
Val-d'Osne, 94410 Saint-Maurice.
Blaes C. – Service de médecine physique et de réadaptation, hôpitaux universitaires de
Strasbourg, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex.
Bohu Y. – Centre médico-chirurgical Paris-V, 36, boulevard Saint-Marcel, 75005
Paris ; Service du Pr Y. Catonné, chirurgie orthopédique et traumatologie du sport,
groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris
cedex 13.
Brasseur J.-L. – Service de radiologie polyvalente et interventionnelle (Pr P. Grenier),
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
Brunot S. – Clinique du Tondu, 33000 Bordeaux.
Carlier R.-Y. – GH de l'Ouest Parisien, pôle neurolocomoteur, service d'imagerie,
médicale, hôpital universitaire Raymond-Poincaré, 92380 Garches.
Catonné Y. – Service du Pr Y. Catonné, chirurgie orthopédique et traumatologie
du sport, Groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital,
75651 Paris cedex 13.
Dauzac C. – Service de chirurgie orthopédique, hôpital Beaujon, 100, boulevard du
Général-Leclerc, 92110 Clichy.
De Lecluse J. – Hôpitaux Nationaux de Saint-Maurice, 14, rue du Val-d'Osne, 94410
Saint-Maurice.
Druvert J.C. – Fédération française Handisport, 42, rue Louis-Lumière, 75020 Paris.
Fautrel B. – Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris-6 ; service de rhumatologie, groupe
hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
Foltz V. – Service de rhumatologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, bou-
levard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
Garreau de Loubresse C. – Service de chirurgie orthopédique, hôpital Raymond-
Poincaré, 92380 Garches.
Godefroy D. – Professeur associé au Collège de Médecine des Hôpitaux de Paris,
Institut de radiologie de Paris, 31, avenue Hoche, 75008 Paris.
Guérini H. – Imagerie Léonard-de-Vinci, 4, rue Cortambert, 75016 Paris.
Guigui P. – Service de chirurgie orthopédique, hôpital Beaujon, 100, boulevard du
Général-Leclerc, 92110 Clichy.
Hantkie O. – Clinique Les Grands Chênes, 33000 Bordeaux.
Isner M.-E. – Service de médecine physique et de réadaptation, hôpitaux universitai-
res de Strasbourg, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex.
Khiami F. – Service de chirurgie orthopédique et traumatologie, hôpital Pitié-
Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
VI

Laville C. – Clinique Ambroise Paré, 92200 Neuilly-sur-Seine.


Lenoir T. – Service de chirurgie orthopédique, hôpital Beaujon, 100, boulevard du
Général-Leclerc, 92110 Clichy.
Maigne J.-Y. – Hôpital Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis Notre-Dame, 75181 Paris
cedex 4.
Marty P. – Service d'orthopédie pédiatrique, hôpital universitaire Armand
Trousseau, 75012 Paris.
Marty-Poumarat C. – GH de l'Ouest Parisien, Pôle neurolocomoteur, service de
rééducation, hôpital universitaire Raymond-Poincaré, 92380 Garches.
Mercy G. – Service de radiologie polyvalente et interventionnelle (Pr P. Grenier),
hôpital de La Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
Middleton P. – Clinique Les Grands Chênes, 33000 Bordeaux.
Moreau V. – Clinique Les Grands Chênes, 33000 Bordeaux.
Morvan G. – Imagerie Léonard de Vinci, 4, rue Cortambert, 75016 Paris.
Pailler D. – Fédération française Handisport, 42, rue Louis-Lumière, 75020 Paris.
Pascal-Mousselard H. – Service du Pr Y. Catonné, chirurgie orthopédique et trauma-
tologie du sport, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de
l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
Petit H. – Clinique Les Grands Chênes, 33000 Bordeaux.
Renoux J. – Service de radiologie polyvalente et interventionnelle (Pr P. Grenier),
hôpital de La Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
Rodineau J. – Service de médecine physique et réadaptation, groupe hospitalier de
la Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
Rousseau M.-A. – Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Pitié
Salpêtrière, 75651 Paris cedex 13.
Rousselin B. – Institut de Radiologie de Paris, 31, avenue Hoche, 75008 Paris.
Rozenberg S. – Service de rhumatologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47,
boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
Safa D. – Service d'imagerie médicale (Pr Vallée), Hôpital Universitaire Raymond
Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches.
Sarazin L. – Institut de Radiologie de Paris, 31, avenue Hoche, 75008 Paris.
Tamalet B. – Service de rééducation et traumatologie du sport, Hôpitaux de Saint-
Maurice, 14, rue du Val d'Osne, 94415 Saint-Maurice cedex.
Thévenin F. – Imagerie Léonard-de-Vinci, 4, rue Cortambert, 75016 Paris.
Vautravers P. – Service de médecine physique et de réadaptation, hôpitaux universi-
taires de Strasbourg, 1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex.
Vuillemin V. – Imagerie Léonard de Vinci, 4, rue Cortambert, 75016 Paris.
Zahi R. – Service de chirurgie orthopédique et traumatologie, hôpital Pitié-
Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
Zeitoun-Eiss D. – Service de radiologie polyvalente et interventionnelle (Pr P. Grenier),
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13.
Partie I
Généralités
3

1
Examen clinique du rachis
cervical : reproductibilité
et validité des tests cliniques ?
B. Tamalet
Service de rééducation et traumatologie du sport, Hôpitaux de Saint-Maurice,
14, rue du Val d'Osne, 94415 Saint-Maurice cedex

Introduction
Les cervicalgies représentent un motif de consultation d'une extrême fréquence en
soins primaires. De même, en consultation spécialisée de médecine du sport,
rhumatologie, médecine physique, les cervicalgies rebelles, chroniques ou
récurrentes sont une part importante des soins. La première approche est essen-
tiellement clinique et doit le rester. Les symptômes sont riches et l'examen phy-
sique détaillé, systématisé, constitue une étape incontournable de l'analyse. Sans
apporter le diagnostic étiologique précis, ces faisceaux d'arguments cliniques
dessinent un cadre nosologique qui permet de mettre en place une stratégie de
prise en charge thérapeutique et conduit, lorsque c'est nécessaire, à la prescription
d'examens complémentaires orientés.

Problème posé par l'évaluation des signes cliniques


au rachis cervical
La validité ou l'exactitude d'un signe d'examen (sa capacité à mettre en évidence
avec certitude ce que l'on recherche) ne peut être établie qu'en fonction d'un
examen servant d'étalon or (« gold standard »). Dans bien des cas, ce référent
n'existe pas ou bien sa qualité même d'étalon est sujette à caution.

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
4 Généralités

Les diagnostics les plus couramment rencontrés, chez le sportif notamment


(bien qu'il n'existe pas vraiment de pathologie absolument spécifique du sport en
ce qui concerne le rachis cervical), sont les suivants :
 les fractures : c'est l'élément le plus simple car il peut être confronté à l'imagerie
par radiographies standard et tomodensitométrie, bien qu'il existe des études de
reproductibilité de la lecture de l'imagerie du rachis cervical traumatique [8, 9] ;
 les hernies discales : que penser de l'imagerie par IRM ? On connaît le nombre
de hernies asymptomatiques. De ce fait, la concordance des signes cliniques avec
l'image ne suffit pas pour affirmer avec certitude que la lésion visualisée est bien
responsable de la douleur ressentie [10] ;
 la réalisation de discographie ? Initiée par Cloward [6] et reprise par d'autres
auteurs à sa suite [16], elle est moins fréquemment utilisée à l'étage cervical que
lombaire compte tenu de son risque potentiel et ne peut pas être de réalisation
courante dans les études cliniques. Les travaux sur la discographie concernent
plus des patients douloureux chroniques pour lesquels une indication chirurgicale
se discute. Elle n'est pas utilisée en tant qu'étalon dans les études de validité des
signes cliniques ;
 les douleurs d'origine articulaire postérieure : ce sont les mieux documentées.
Plus que l'imagerie, c'est actuellement la réalisation de blocs tests anesthésiques
sélectifs et comparatifs des articulaires postérieures (double bloc) qui servent de
« gold standard » pour affirmer l'origine de la douleur zygapophysaire. Initiée en
1988 par Bogduk [4], reprise ensuite par tous les auteurs sur ce sujet, cette
technique a des conséquences pratiques immédiates pour soulager le patient,
notamment par des injections de corticoïdes, voire de rhizolyse par
radiofréquence. Les injections facettaires ont permis d'établir des correspondan-
ces métamériques entre l'articulation injectée et la région dans laquelle la douleur
est ressentie, correspondant au territoire de la racine postérieure du nerf rachidien
impliqué. Ainsi, Dwyer et al. [7] ont établi une cartographie précise de ces terri-
toires, confirmant les zones de projection établies cliniquement par Maigne dès les
années 1960 [13,14]. Cette valeur étalon sert également de point de référence
à toutes les études récentes concernant la validité des tests cliniques des articulaires
postérieures.
 le dérangement intervertébral mineur : il n'existe pas à proprement parler de
« gold standard » auquel se référer. En revanche, la notion de cartographies
métamériques décrites précédemment est une sorte de référence dans ce concept.
 les entorses : pour les entorses graves, il existe des critères radiologiques établis
[3] mais pour les stades inférieurs, il n'existe aucun examen paraclinique de
référence. Pour certains, cela remet en cause l'existence même d'entorse bénigne.
 pour le diagnostic de douleur d'origine musculaire, par définition, il n'existe pas
de référentiel.

Différentes composantes de l'examen clinique


standardisé
Après les signes d'interrogatoire fournissant des informations essentielles, notam-
ment sur la présence de drapeaux rouges et l'existence de signes d'appel
Examen clinique du rachis cervical : reproductibilité et validité des tests cliniques ? 5

inflammatoires, neurologiques, l'examen physique proprement dit comprend


pour l'essentiel :
 l'étude des mobilités : mesure des amplitudes, leurs limitations relatives, l'exis-
tence de douleurs en fin de course, que ce soit dans une direction donnée ou de
façon globale. Parfois, un mouvement spécifique combinant plusieurs directions
permet de déclencher la douleur. Pour certains praticiens de médecine manuelle,
l'analyse des mobilités segmentaires est un point important ;
 la palpation : c'est certainement l'élément le plus important. Elle intéresse les
processus épineux, les espaces interépineux, les masses paravertébrales et les
massifs articulaires au travers d'elles. La palpation des muscles recherche une
douleur ou un état de contracture; la palpation de leurs insertions recherche des
douleurs spécifiques unilatérales [11–13] ;
 la recherche de cellulalgie par la manœuvre de pincer-rouler pour tenter de
corréler l'irradiation décrite par le patient à un étage cervical précis selon les
territoires décrits par Maigne [13, 14] ;
 l'examen neurologique des membres supérieurs et les manœuvres de mise
en tension ou de compression radiculaire dans le cas des névralgies cervico-
brachiales [18, 19, 20].

Études cliniques
Quelques définitions préalables de vocabulaire sont nécessaires.

Outils de mesures de la validité d'un test


Ce sont :
 la sensibilité (vrais positifs) = proportion de personnes ayant la maladie cible
avec un test positif ;
 la spécificité (vrais négatifs) = proportion de patients sans la maladie cible avec
un test négatif ;
 le ratio de probabilité positive (likelihood ratio + ou LR + ) = force d'un test
à déterminer la présence d'un signe. Un LR+ élevé reflète une forte capacité
à détecter une pathologie si le signe est positif. Un ratio de probabilité négative
(LR-) identifie combien la fréquence d'un diagnostic diminue lorsque le test est
négatif.

Outils de mesures de la reproductibilité d'un test


 La reproductibilité d'un test : c'est en réalité le préalable indispensable avant de
déterminer sa validité. Elle détermine si l'instrument de mesure est précis ; on dit
encore qu'elle mesure la fidélité, la fiabilité (reliability), la concordance (ces trois
termes faisant appel à la même notion). La reproductibilité d'un test est sa
capacité à donner le même résultat lorsqu'il est réalisé par deux examinateurs
6 Généralités

distincts (reproductibilité inter-observateur) ou par le même examinateur à des


moments distincts (reproductibilité intra-observateur).
 Le coefficient kappa k : c'est une mesure de la concordance ou reproductibilité.
Il intéresse les tests cliniques dont les résultats sont qualitatifs. Par exemple, la
palpation de l'articulaire postérieure est-elle douloureuse : oui/non ?
Kappa = (% concordance observée – % concordance due au hasard)/(1 – %
de concordance due au hasard).
Quand la concordance observée est totale, le kappa (k) vaut 1. Lorsque la
concordance observée est égale à la concordance due au hasard, le k vaut 0.
Si l'on est entre une concordance totale et une concordance due au hasard, le
k vaut 0,5 (tableau 1.1).
Néanmoins, il faut se méfier de ce que les statisticiens appellent le paradoxe du
coefficient k : à concordance constante, le k est d'autant plus grand que le pour-
centage de diagnostic positif est proche de 50 %. Le k est d'autant plus mauvais
quand la prévalence du signe est soit très faible, soit très forte. Or, toutes les études
vont comparer leur k. Mais, avec cet outil, on ne peut pas comparer des popula-
tions différentes. En effet, même avec une bonne concordance, le kappa peut être
plus faible dans une étude, si la population est peu ou au contraire fortement
symptomatique.
Le coefficient de corrélation intra-classe (ICC dans la littérature anglo-
saxonne) permet d'évaluer la concordance (ou reproductibilité) pour les tests
dont les résultats sont des variables quantitatives. Exemple : la reproductibilité
de la mesure en degrés de la flexion cervicale.

Revue des études concernant la reproductibilité


des tests cliniques
Williams [21], dans une revue récente de la littérature sur les outils de mesure des
amplitudes du rachis cervical, conclut que l'estimation visuelle n'est pas suffisam-
ment fiable pour servir de méthode d'évaluation et que l'utilisation d'outils de
mesure (au minimum l'inclinomètre) est préférable.

TABLEAU 1.1. Classification proposée par Landis et Koch sur l'interprétation du coefficient k
kappa
<0 Désaccord total poor agreement
0,0–0,20 Accord mauvais ou très faible slight
0,21–0,40 Accord médiocre ou faible fair
0,41–0,60 Accord modéré moderate
0,61–0,80 Accord bon ou fort good or substantial
0,81–1,00 Accord excellent ou presque excellent or almost perfect
parfait
Examen clinique du rachis cervical : reproductibilité et validité des tests cliniques ? 7

L'étude de Pool [15] a évalué la fiabilité de l'examen à rechercher une limitation


et une douleur à la mobilisation. Trente-deux patients, tous cervicalgiques chroni-
ques (plus de 13 semaines) ou de manière récurrente, ont été examinés par deux
médecins entraînés. Pour 78 % des patients le symptôme principal était la douleur,
pour 41 % d'entre eux c'était la raideur. Le pourcentage d'accord pour la mobilité
générale (variable qualitative : limitée ou non) variait de 52 à 97 %, k allant de
0,05 à 0,61. Le pourcentage d'accord pour la mobilité segmentaire variait de 48 %
à 90 %, k de -0,09 à 0,63. Seuls les étages C2C3 et T1T2 ont montré un
k > 0,40. Le pourcentage d'accord pour le score de douleur provoquée sur une
échelle numérique de 0 à 10, à 1 point près était de 53,7 % en moyenne, et à 2
points près de 70,6 %. Le coefficient de corrélation intra-classe (ICC) pour les
scores de douleurs provoquées était compris entre 0,36 et 0,71. L'appréciation
pessimiste des auteurs sur la reproductibilité et la fiabilité des examens cliniques
répétés les ont amenés à se demander si les patients étaient à même de coter leur
douleur de façon reproductible à deux examens faits à 15 minutes d'intervalle.
Bertilson et al. [2] ont construit une étude originale cherchant à évaluer
l'influence que peut avoir la connaissance de l'histoire du patient par l'exami-
nateur sur les résultats observés à l'examen clinique. Deux examinateurs ont
évalué 100 patients à l'aide de 66 tests cliniques regroupés en neuf catégories. Il
n'y a pas eu de différence significative de reproductibilité inter-examinateur avec
ou sans connaissance de l'histoire mais la prévalence des signes positifs a
augmenté lorsque l'histoire était connue. Les meilleures reproductibilités inter-
observateurs étaient pour le soulagement par la traction cervicale et la sensibilité
à la douleur lors de la palpation cervicale ; les valeurs les plus basses (moins bonne
concordance) pour les réflexes ostéotendineux et l'amyotrophie. Les tests de mise
en tension radiculaire de membre supérieur, les tests de mobilité du cou et les tests
de force musculaire ont montré une reproductibilité (coefficient k) de faible
à modérée.
La seule étude française est celle de Maigne et Chantelot [13]. Elle concernait
59 patients cervicalgiques chroniques sans radiculalgie dont l'EVA était
supérieure à 4. Les auteurs ont retrouvé une concordance très bonne pour la
mesure globale des rotations cervicales par les deux examinateurs, à 10 ° près.
La reproductibilité était satisfaisante (k de 0,71 et 0,76) pour la douleur en flexion
ou extension, acceptable (k ¼ 0,44) pour la douleur à la palpation des muscles
(trapèze, levator scapulae, splenius et semi spinalis). Concernant la palpation du
rachis, la localisation d'une zone douloureuse au toucher avait une
reproductibilité acceptable (k ¼ 0,53) si l'on évaluait la capacité à différencier
le segment douloureux (rachis supérieur, moyen et inférieur) et non l'étage même.
Il existait peu de correspondance entre le côté le plus douloureux et la rotation la
plus restreinte. Ils ont retrouvé une corrélation statistique entre le questionnaire
fonctionnel INDIC et le nombre de points douloureux à la palpation, se rappro-
chant ainsi des conclusions de Sandmark [17].
À la lecture de ces articles et de ceux auxquels ils se référent, il apparaît
clairement que, compte tenu des différences de populations et des méthodes de
calculs, les valeurs retrouvées de k ne sont pas comparables.
8 Généralités

Revue des études concernant la validité des tests


cliniques
Cook et Hegedus [7] ont publié en 2011 une revue systématique des études
cliniques, puis les ont triées selon des critères très stricts de qualité
méthodologique (5 études seulement remplissent leurs critères sur les 213 articles
sélectionnés initialement). À partir de cette revue, cinq tests cliniques paraissent
validés : le test de mise en tension radiculaire du membre supérieur (TMETRMS)
(que certains appellent en France « Lasègue du bras ») [22], la palpation des
masses latérales, les tests de mobilités accessoires (antéropostérieures et
latérales) étage par étage et le test de Spurling [19, 20, 22]. Les tests utilisés de
façon combinée apportent plus d'éléments pour nous conduire au diagnostic.
Shah et Rajshekar ont étudié la valeur du test de Spurling pour diagnostiquer la
présence d'un conflit disco-radiculaire [19]. Le test comparé aux résultats de
l'IRM d'une part, et des constatations peropératoires d'autre part, montre une
sensibilité de 92 % et une spécificité de 95 % avec une VPP de 96,4 % et une VPN
de 90,9 %.
Viikari-Juntura et Porras [20] estiment également que la spécificité du test de
Spurling est excellente (la myélographie servant de référence) mais sa sensibilité
moins bonne (26 à 50 %) ; un test de Spurling négatif permet donc d'éliminer
presque à coup sûr un conflit disco-radiculaire. Selon les mêmes auteurs, le test de
traction cervicale a une spécificité de 97 % et une sensibilité de 44 % lorsqu'il
permet une diminution ou une disparition des symptômes.
Wainner [22] a évalué la validité des tests cliniques en se référant à l'EMG. Le
test de mise en tension radiculaire du membre supérieur (TMTRMS) montre une
sensibilité de 97 % et une spécificité de 22 %. Dans ce travail, la technique de
réalisation du test a été parfaitement décrite par l'auteur : patient en décubitus
dorsal, abduction-rotation externe d'épaule puis extension du coude,
latéroflexion de la tête du côté opposé puis homolatérale.
La sensibilité n'est que de 72 % si le test est réalisé d'une autre façon : moins
d'abduction, rotation interne d'épaule, flexion de la main et des doigts. Selon ce
même auteur, le test de traction cervicale a une spécificité de 90 % et une
sensibilité de 44 %.
Wainner retrouve une précision diagnostique acceptable avec d'autres tests : la
rotation homolatérale côté atteint inférieure à 60°, la flexion de moins de 55°, la
diminution du stretch reflex du biceps, le soulagement par la traction, le testing
moteur du biceps, la question « Où ressentez-vous les symptômes maximaux ? »,
la manœuvre de Valsalva, le test de Spurling, l'abduction de l'épaule, « Est-ce que
vos symptômes diminuent lorsque vous bougez ou repositionnez les cervicales ? »,
la présence d'un trouble sensitif dans le territoire C5.
Le biceps stretch reflex et la distraction ont une spécificité élevée et un LR + ;
ils sont donc utiles au diagnostic. À partir de ces éléments, l'auteur a étudié la
validité des quatre meilleurs tests regroupés : Spurling, TMTRMS, traction, rota-
tion inférieure à 60 °. Ainsi, lorsque les quatre tests sont positifs, on observe une
Examen clinique du rachis cervical : reproductibilité et validité des tests cliniques ? 9

sensibilité de 24 %, une spécificité de 99 %, un LR+ de 30,3. En toute logique, en


regroupant les tests, la spécificité augmente au prix d'une diminution de la
sensibilité.
King [11] a étudié la validité de l'examen clinique à diagnostiquer une douleur
d'origine articulaire postérieure dans une étude réalisée sur 173 patients vus en
consultation de ville et pour lesquels les signes d'examen clinique étaient
évocateurs (malheureusement les tests utilisés ne sont pas précisés). Après
confrontation aux résultats des blocs anesthésiques des articulaires postérieures
(double bloc), il apparaît que la sensibilité de l'examen clinique est élevée (89 %)
pour les niveaux cervicaux usuels mais la spécificité est faible (47 %). Le ratio de
probabilité positive (LR + ), à peine supérieur à 1 (1,7), a montré que l'examen
manuel manque de validité dans le diagnostic des douleurs articulaires
postérieures.
Un autre axe d'étude concerne la capacité de l'examinateur à identifier en
aveugle le statut du sujet : cervicalgique ou non. Ainsi, Sandmark [17] a
comparé les données de la palpation des articulaires postérieures dans deux
groupes constitués par rapport aux résultats de questionnaires fonctionnels (un
groupe douloureux, l'autre non, les examinateurs étant aveugles pour la
répartition des patients dans les différents groupes). Il apparaît que la
sensibilité de la palpation des articulaires postérieures est bonne (82 %), la
spécificité également (79 %), la VPP de 62 %, inférieure à la VPN qui est de
91 %. L'auteur conclut que la palpation démontre une meilleure capacité
à identifier les patients asymptomatiques que ceux rapportant des douleurs.

Discussion
Les études de fiabilité (reproductibilité) montrent des chiffres très variables et peu
comparables entre eux.
Il apparaît que les études de validités sont très différentes quant à leurs objectifs
et les enseignements tirés de ces résultats sont finalement assez faibles concernant
la validité des tests cliniques que nous utilisons au quotidien. Les tests mettant en
évidence des conflits disco-radiculaires : Spurling, TMTRMS, traction semblent
les plus validés.
De manière courante, les auteurs s'accordent pour dire qu'aujourd'hui nous ne
savons pas ce que signifient, en termes de diagnostic, les éléments simples comme
une limitation d'amplitude, un muscle douloureux [5, 13]. Les études concernant
les muscles cervicaux ne permettent pas de déterminer si le muscle est à l'origine de
la douleur ou si sa perturbation douloureuse (contracture) est la conséquence
d'une lésion d'une autre structure du rachis cervical par le biais de l'innervation
[1]. En ce qui concerne les entorses cervicales, aucune étude clinique n'a été
retrouvée permettant d'associer formellement une lésion ou une atteinte ligamen-
taire à une douleur cervicale [1].
10 Généralités

Conclusion
La combinaison d'un interrogatoire précis et d'un examen clinique détaillé,
notamment palpatoire, permet de cibler la zone potentiellement responsable de
la douleur sans pour autant en déterminer l'étiologie avec certitude. Seules les
articulaires postérieures ont pu être scientifiquement reconnues comme sources de
douleurs cervicales et les tests cliniques les concernant, s'ils ne sont pas parfaite-
ment reproductibles, sont relativement validés. Dans le cas des névralgies cervico-
brachiales, certains signes cliniques ont montré leur validité. En revanche, le rôle
du disque comme source de douleurs cervicales communes est sujet à discussion et
il n'existe pas de signe clinique valide.

Références
1 Bergeron Y, Fortin L, Leclaire R. Pathologie médicale de l'appareil locomoteur (2e éd.). Edisem–
Maloine; 2008.
2 Bertilson BC, Grunnesjö M, Strender LE. Reliability of clinical tests in the assessment of patients
with neck/shoulder problems-impact of history. Spine (Phila Pa 1976) 2003 ; 28 : 2222-31.
3 Bisserié M. Les entorses graves du rachis cervical inférieur. In: Roy-Camil, ed. Rachis cervical
traumatique non neurologique (1res journées de la Pitié). Paris: Masson; 1979. p. 137-41.
4 Bogduk N, Marsland A. The cervical zygapophysial joints as a source of neck pain. Spine 1988 ;
13 : 610-7.
5 Bogduk N, McGuirk B, Guierre A. Prise en charge des cervicalgies aiguës et chroniques. Une
approche fondée sur les preuves. Paris: Elsevier Masson; 2007.
6 Cloward RB. Cervical discography. A contribution to the etiology and mechanism of neck,
shoulder and arm pain. Ann Surg 1959 ; 150 : 1052-64.
7 Cook C, Hegedus E. Diagnostic utility of clinical tests for spinal dysfunction. Manual Therapy
2011 ; 16 : 21-5.
8 Dwyer A, Aprill C, Bogduk N. Cervical zygapophyseal joint pain patterns. I: A study in normal
volunteers. Spine 1990 ; 15 : 453-7.
9 Gale SC, Gracias VH, Reilly PM, Schwab CW. The inefficiency of plain radiography to evaluate
the cervical spine after blunt trauma. J Trauma 2005 ; 59 : 1121-5.
10 Holmes JF, Akkinepalli R. Computed tomography versus plain radiography to screen for cervical
spine injury: a meta-analysis. J Trauma 2005 ; 58 : 902-5.
11 King W, Lau P, Lees R, Bogduk N. The validity of manual examination in assessing patients with
neck pain. Spine J 2007 ; 7 : 22-6.
12 Kuijper B, Tans JT, van der Kallen BF, et al. Root compression on MRI compared with clinical
findings in patients with recent onset cervical radiculopathy. J Neurol Neurosurg Psychiatr 2011 ;
82 : 561-3.
13 Maigne JY, Chantelot F, Chatellier G. Interexaminer agreement of clinical examination of the
neck in manual medicine. Ann Phys Rehab Med 2009 ; 52 : 41-8.
14 Maigne R. Diagnostic et traitement des douleurs communes d'origine vertébrale. Paris:
Expansion scientifique française; 1989.
15 Manchikanti L, Dunbar EE, Wargo BW, Shah RV, Derby R, Cohen SP. Systematic review of
cervical discography as a diagnostic test for chronic spinal pain. Pain Physician 2009 ; 12 :
305-21.
16 Pool JJ, Hoving JL, de Vet HC, van Mameren H, Bouter LM. The interexaminer reproductibility
of physical examination of the cervical spine. J Manipulative Physiol Ther 2004 ; 27 : 84-90.
17 Sandmark H, Nisell R. Validity of five common manual neck pain provoking tests. Scand
J Rehabil Med 1995 ; 27 : 131-6.
18 Shah RV, Everett CR, McKenzie-Brown AM, Sehgal N. Discography as a diagnostic test for
spinal pain: a systematic and narrative review. Pain Physician 2005 ; 8 : 187-209.
Examen clinique du rachis cervical : reproductibilité et validité des tests cliniques ? 11

19 Shah KC, Rajshekhar V. Reliability of diagnosis of soft cervical disc prolapse using Spurling’s
test. Br J Neurosurg 2004 ; 18 : 480-3.
20 Viikari-Juntura E, Porras M, Laasonen EM. Validity of clinical tests in the diagnosis of root
compression in cervical disc disease. Spine 1989 ; 14 : 253-7.
21 Williams MA, McCarthy CJ, Chorti A, Cooke MW, Gates S. A systematic review of reliability
and validity studies of methods for measuring active and passive cervical range of motion.
J Manipulative Physiol Ther 2010 ; 33 : 138-55.
22 Wainner RS, Fritz JM, Irrgang JJ, Boninger ML, Delitto A, Allison S. Reliability and diagnostic
accuracy of the clinical examination and patient self-report measures for cervical radiculopathy.
Spine 2003 ; 28 : 52-62.
13

2
Examen clinique du rachis
lombaire
J.-Y. Maigne
Hôpital Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis Notre-Dame, 75181 Paris cedex 4

Introduction
L'intérêt de l'examen clinique lombaire a souvent été remis en cause car très peu
d'éléments en ont été validés. Il n'en reste pas moins qu'il est une étape indispen-
sable avant toute décision thérapeutique, comme nous allons le voir.
L'examen clinique vient en complément de l'interrogatoire, partie la plus contri-
butive [1]. Ce dernier doit être directif : les patients ont tendance à utiliser l'ordre
chronologique pour expliquer leur problème, mais l'ordre inverse a un meilleur
rendement diagnostique (partir de la douleur actuelle, ses caractéristiques puis
remonter à son origine). Il doit être structuré en quatre étapes : topographie de la
douleur, ancienneté et cause éventuelle, facteurs d'aggravation ou d'amélioration
et état psychologique. Le fil conducteur est de chercher à mettre en évidence une
« logique d'organe » à la douleur, l'organe étant ici le rachis lombaire [2]. Lorsque
cette logique est présente, la douleur possède des caractéristiques en rapport avec
l'anatomie et la physiologie vertébrale lombaire. Il est alors très probable qu'elle a
une origine vertébrale. Dans le cas contraire, l'origine est plus probablement liée
à un dysfonctionnement des voies centrales de la douleur.
L'examen physique va chercher à confirmer l'impression donnée par
l'interrogatoire.

Examen de la mobilité lombaire


L'appréciation de la mobilité lombaire apporte des renseignements importants
montrant d'abord comment le patient se comporte avec son dos. Une analyse plus
fine est souvent possible [3].

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
14 Généralités

Le patient est en sous-vêtements. On lui demande de se pencher en avant


(genoux raides), en arrière et sur les côtés. On profite de l'étude de la mobilité
pour dépister une scoliose ou une attitude antalgique, voire un spondylolisthésis
[4]. Il faut analyser le caractère douloureux ou non du mouvement et la présence
d'une raideur. D'une façon générale, les hommes sont moins souples que les
femmes et leurs ischio-jambiers moins extensibles. La distance doigts-sol est bien
corrélée à la flexion lombaire [5].

Anomalies de flexion
La douleur peut être présente en fin de course ou seulement à mi-course (vers 30°
de flexion) et disparaître au-delà. On parle alors de passage (ou d'arc) doulou-
reux. La raideur est liée à la contraction des spinaux en flexion par perte du
phénomène de flexion-relaxation. Malgré cela, l'amplitude globale du mouve-
ment peut rester normale si les ischio-jambiers et les hanches sont souples. Une
attitude antalgique peut être associée, visible en position érigée ou ne se révélant
qu'en flexion, si le tronc se déporte sur le côté. Une raideur douloureuse traduit
théoriquement une pathologie discale, mais ceci n'est pas démontré. Une raideur
peu douloureuse traduit souvent une arthrose lombaire importante. La
cinésiophobie désigne la peur du mouvement, le sujet hésitant à se pencher
au-delà de 10 à 20°. Elle révèle un comportement anormal face à la douleur.
L'examen de la flexion lombaire a démontré une bonne reproductibilité [6-8].
Sa valeur pronostique n'est pas établie [9].

Anomalies de l'extension
L'extension, d'amplitude plus réduite de moitié que la flexion, s'analyse de la
même façon (figure 2.1). Cette dernière a démontré une bonne reproductibilité
[6-8, 11]. Une douleur en extension évoque classiquement une lyse isthmique ou
un canal lombaire étroit avec ou sans spondylolisthésis. L'équation « douleur
en extension = douleur articulaire postérieure » a été démentie par diverses
études [10]. La reproduction d'une douleur radiculaire par l'extension est
censée traduire la présence d'une sténose foraminale. L'attention a été attirée
sur l'association douleur en extension et discopathie inflammatoire, avec ou
sans signe de Modic à l'IRM [12, 13]. La présence d'une douleur réveillée par
l'extension est donc plus intéressante à étudier d'un point de vue diagnostique
que la douleur en flexion.

Anomalies de la latéro-flexion
Lorsque la latéro-flexion est douloureuse du côté opposé à la lombalgie, il paraît
plausible (mais non validé) d'évoquer une atteinte des branches postérieures
cutanées issues de la charnière thoraco-lombaire (T12, L1 et L2). Elles sont, en
effet, étirées par cette manœuvre qui équivaut à une sorte de Lasègue du tronc.
Examen clinique du rachis lombaire 15
[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 2.1. La douleur provoquée par l'extension lombaire a plus de valeur diagnostique
que celle provoquée par la flexion.

Examen segmentaire vertébral


Maigne a codifié l'examen segmentaire rachidien [14]. L'idée de départ était que si
la douleur provenait d'un segment mobile, ce segment devait être douloureux lors
de manœuvres de sollicitation. Il a décrit quatre manœuvres : la pression sur
l'articulaire postérieure, la pression postéro-antérieure puis latérale sur
l'épineuse et la pression sur le ligament interépineux. Ces manœuvres doivent
être répétées à chaque étage de la zone douloureuse et souvent à distance, en
raison de la fréquence des douleurs référées. Leur effet sur le segment mobile est
réel et peut être facilement objectivé sur le cadavre. En pratique, seule la pression
sur l'articulaire postérieure est vraiment importante, les autres étant facultatives
car donnant des renseignements moins précis. La position idéale pour l'examen
lombaire est le placement du patient à plat ventre en travers de la table d'examen
pour effacer la lordose et étirer les muscles paravertébraux. L'épineuse de L5 se
projetant approximativement sur la ligne bi-iliaque, il est possible de localiser à peu
près l'étage sensible. En fait, cette technique n'est précise qu'à un étage près [15-17].
16 Généralités

En ce qui concerne la reproductibilité, il apparaît, en règle générale, que les


manœuvres de déclenchement de la douleur sont nettement plus reproductibles
que celles visant à apprécier la mobilité segmentaire [18].

Pression sur l'articulaire postérieure


Afin d'assurer une pression suffisamment appuyée (il y a 5 à 7 centimètres de
tissus mous entre le doigt et l'articulaire postérieure lombaire), on palpe avec le
majeur, l'index appuyant sur la face dorsale de P3 de ce dernier pour le renforcer
(figure 2.2). La palpation se fait de haut en bas pour le rachis lombaire, à environ
un centimètre de la ligne médiane en commençant par la charnière thoraco-
lombaire et en descendant vers la charnière lombo-sacrée. La pression est
complétée par de petits mouvements de friction longitudinaux. Certaines causes
d'erreur doivent cependant être prises en compte. Si le muscle multifidus est
sensible, la pression du doigt examinateur le comprime contre le plan osseux et
déclenche une douleur. L'installation du patient en travers de la table (en flexion
lombaire) minimise ce problème, car le muscle étiré devient moins sensible.

[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 2.2. Pression sur la ligne des articulaires postérieures. L'index appuie sur la 3e
phalange du majeur.
Examen clinique du rachis lombaire 17

La présence d'une douleur à la pression de l'articulaire postérieure ne signifie en


aucun cas que la douleur est articulaire postérieure [3]. Ce point est capital
à comprendre. En effet, en cas de souffrance du segment mobile d'origine discale,
par exemple, c'est l'ensemble des éléments de ce segment mobile qui devient
sensible, y compris les tissus mous et le périoste de l'arc postérieur. L'articulaire
étant la plus proche du doigt palpateur, c'est elle qui apparaît la plus sensible.

Autres manœuvres de l'examen segmentaire


Pression postéro-antérieure sur l'épineuse
À l'aide des deux pouces superposés, on imprime une pression lente sur le sommet
de l'épineuse pour la pousser en direction ventrale (figure 2.3). Il s'ensuit une
accentuation localisée de la lordose lombaire qui concerne avant tout l'étage
examiné mais aussi, à un moindre degré, les étages sus- et sous-jacents. À titre
anecdotique, des auteurs ont appliqué des vibrations sur les épineuses lombaires
de patients lombalgiques (à l'aide d'un appareil utilisant un moteur de brosse
à dents électrique) en confrontant le caractère douloureux ou non de cette
manœuvre aux données de la discographie et de l'IRM. Hormis les cas de hernie
discale, la corrélation d'une douleur provoquée avec la présence d'une discopa-
thie symptomatique était excellente [19, 20]. Une variante de cette manœuvre (on
utilise le pisiforme pour transmettre la pression) est dénommée « spring test »
dans la littérature internationale et est utilisée pour rechercher une perte de
mobilité segmentaire. Dans un second temps, il est apparu que sa
reproductibilité était meilleure lorsqu'elle était utilisée dans un but de
déclenchement de la douleur [18]. C'est alors exactement la même manœuvre
que celle que nous dénommons pression postéro-antérieure sur l'épineuse.

[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 2.3. Pression postéro-antérieure sur l'épineuse.


18 Généralités

Pression latérale sur l'épineuse


Les deux pouces superposés exercent une pression lente sur la face latérale droite
puis gauche de l'épineuse (figure 2.4). Il s'ensuit une contrainte en rotation droite
puis gauche qui concerne l'étage examiné et, à un moindre degré, les étages voisins.

Pression sur le ligament interépineux


Avec un doigt, on exerce une pression lente et bien localisée sur le ligament
interépineux. Cette manœuvre, bien que peu utilisée, est cependant la seule
capable de dépister une rare bursite interépineuse.

Résultats de l'examen segmentaire


Lorsque la douleur est d'origine rachidienne, les quatre manœuvres de l'examen
segmentaire sont en général positives sur le même segment. On parle de souffrance
segmentaire, ce qui ne préjuge pas de la cause. Les signes de souffrance segmen-
taire sont souvent unilatéraux, même si le patient perçoit sa douleur comme
bilatérale. Ce sont les zones charnières qui sont les plus fréquemment atteintes :
charnière lombo-sacrée (L4 à S1) ou thoraco-lombaire (T10 à L1). Ce sont en effet
les zones mécaniquement les plus sollicitées. Plus rarement, c'est un segment
lombaire moyen qui est concerné. Dans tous les cas, il est difficile de préciser le
niveau à un étage près sur la seule palpation pour les raisons que nous avons
évoquées (cf. supra). La présence d'une sensibilité lombaire plus diffuse s'intègre
souvent dans une dysfonction des voies de la douleur (comme dans la fibromyalgie
par exemple). Lorsque l'invalidité lombalgique est au premier plan, la cinésiophobie
est l'élément le plus marquant de l'examen.

[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 2.4. Pression latérale sur l'épineuse. Cette manœuvre, comme les précédentes, doit
être répétée à tous les étages lombaires et jusqu'à la charnière thoraco-lombaire.
Examen clinique du rachis lombaire 19

Examen des membres inférieurs dans le cadre


de l'évaluation du rachis lombaire
Cet examen doit être fait, qu'il y ait ou non sciatique.

Lasègue
En cas de lombalgie, on ne rencontre que des Lasègue lombaires, c'est-à-dire une
reproduction (plus ou moins nette) de la douleur lombaire par l'élévation du
membre inférieur tendu. Cette manœuvre n'exerce pas seulement une traction
sur les racines L5 et S1. Les muscles ischio-jambiers et grands fessiers sont étirés et
la charnière lombo-sacrée est mise en légère flexion à partir de 70° d'élévation. Le
sac dural est tiré vers le bas. Malgré l'absence de radiculalgie, il peut donc exister
une limitation de l'élévation du membre inférieur (aux alentours de 60-70°) avec
apparition d'une douleur lombaire. Le Lasègue lombaire pourrait évoquer une
pathologie discale, mais ceci n'est pas validé. Deux causes d'erreur possibles : une
rétraction des ischio-jambiers qui se traduit par une limitation bilatérale et indo-
lore de l'élévation du membre inférieur ou une coxopathie évoluée limitant la
flexion de hanche.

Réflexes ostéo-tendineux
La percussion de l'achilléen doit être systématique, certaines hernies discales
n'entraînant que des douleurs lombo-fessières. Une abolition de tous les
réflexes chez un lombalgique peut aussi être la marque d'une neuropathie
diabétique.

Inégalité de longueur des membres inférieurs


Les patients attribuent parfois leurs douleurs à une différence de longueur de
jambes. En fait, aucun travail n'a pu à ce jour prouver son caractère nocif [21]. La
recherche systématique d'une anomalie de ce type est donc inutile car elle est
dépourvue de signification.

Examen des tissus mous dans le cadre de l'évaluation


du rachis lombaire
Les tissus mous comprennent les muscles et leurs insertions tendino-périostées, la
peau et le tissu sous-cutané. Ils sont anatomiquement solidaires du rachis lom-
baire ou innervés par des racines lombaires ou thoraco-lombaires. Leur examen
est indissociable de celui du rachis.

Muscles lombaires
Quatre muscles doivent être examinés : le multifidus, l'érecteur du rachis, les
glutéaux et le piriforme. Leur sensibilité s'apprécie par rapport au côté opposé.
20 Généralités

Muscle multifidus
Principal stabilisateur lombaire, le multifidus est souvent sensible à la palpation
d'un voire des deux côtés. La palpation doit se faire en pressant le muscle contre la
face latérale des épineuses. Cette sensibilité est plus ou moins étendue en hauteur.
Elle peut parfois remonter jusqu'à la charnière thoraco-lombaire. En bas, elle peut
descendre le long de la face dorsale du sacrum. Il est intéressant de noter que cette
sensibilité diminue lorsque le muscle est étiré (patient placé en travers de la table).
Le « multifidus test » décrit dans la littérature consiste à chercher une plus forte
tension d'un côté en palpant simultanément les deux côtés à l'aide de l'index et du
majeur en V. La reproductibilité de ce test est acceptable avec un kappa entre 0,12
et 0,48 [22]. La constatation fréquente d'une atrophie musculaire en cas de
lombalgie unilatérale rend compliquée l'explication de cette tension [23].

Muscle érecteur du rachis


Situé en dehors du multifidus, il est assez souvent sensible à son insertion sur le
quart interne de la crête iliaque.

Muscles glutéaux
Ils sont presque toujours sensibles, avec présence de cordons myalgiques du côté
de la lombalgie lorsqu'elle est latéralisée, l'autre côté étant indolore. Pour ce faire,
la palpation est effectuée doigts en crochet, perpendiculairement à la direction des
fibres, sans agresser le muscle.

Muscle piriforme
Il est situé au milieu de la fesse entre le grand trochanter et le milieu du bord latéral
du sacrum. À son bord inférieur se fait l'émergence superficielle du nerf sciatique.
Il est particulièrement sensible lorsque la douleur du patient est localisée au milieu
de la fesse.

Tissus cutanés et sous-cutanés lombaires


La technique du pincer-rouler permet l'examen des dermatomes T11 à L2. La
région lombaire basse est en effet innervée par les branches postérieures cutanées
provenant de la charnière thoraco-lombaire [24]. Cet examen est utile lorsque la
douleur est latéralisée (possible douleur référée de la charnière thoraco-lombaire).
Dans ce cas, le pincer-rouler peut mettre en évidence une cellulalgie (douleur au
pincement appréciée par rapport à l'autre côté, supposé sain) dans ces dermatomes.
La cellulalgie s'accompagne en général de la présence d'un point de crête postérieur.
Ce point, situé à 7 centimètres de la ligne médiane, correspond au croisement de la
crête iliaque par le rameau postérieur cutané de L1 (ou de L2).

Autres tests lombaires


Il existe d'autres manœuvres segmentaires d'inspiration ostéopathique dont le but
n'est plus de reproduire une douleur mais d'évaluer une perte de mobilité localisée.
Examen clinique du rachis lombaire 21

La plus connue est le spring test, ou mobilisation postéro-antérieure de l'épineuse,


décrit ci-dessus et qui évalue la perte de souplesse segmentaire.
D'autres tests évaluent la mobilité accessoire en rotation ou en flexion. Leur
reproductibilité est variablement appréciée, selon les études [25, 26]. La notion
même qu'une perte de mobilité segmentaire isolée pourrait être à l'origine de
douleur n'est pas validée. Inversement, on peut se demander si un segment dou-
loureux présente ou non une perte de mobilité. La réponse serait négative puis-
qu'il semble que la mobilité augmente avec la progression de la dégénérescence
discale et zygapophysaire [27] et que les segments lombaires douloureux
à l'examen clinique soient plutôt hypermobiles [28].
Les tests de non-organicité ont été décrits par Waddell. Ils sont censés dépister
des douleurs liées à un trouble du comportement. Ce sont les tests suivants :
 Lasègue à l'insu du patient. Le patient est assis au bord de la table d'examen. On
soulève sa jambe, genou tendu, à l'horizontale pour étudier, par exemple, le
réflexe plantaire. Cette manœuvre est indolore chez le simulateur ;
 manœuvres simulant une contrainte lombaire. Le patient debout, on peut simuler
une rotation du dos en faisant tourner simultanément les épaules et le bassin. On
peut également appuyer sur sa tête pour mimer une compression axiale ;
 douleur diffuse au pincer-rouler. La présence d'une douleur diffuse et bilatérale
à cette manœuvre est un signe de non-organicité que Waddell sépare de la cellu-
lalgie localisée dans un dermatome ;
 hypoesthésie non systématisée. Une hypoesthésie sans systématisation neuro-
logique (en chaussette par exemple) évoque une pathologie hystérique ;
 sur-réactivité : trop de mots pour décrire la douleur, trop de mimiques, trop de
réactions d'évitement à l'examen. Elle peut être simplement l'expression d'une
anxiété.
On reste circonspect à leur égard, du fait des facteurs culturels d'expression de
la douleur. Surtout, ces signes mélangent des états radicalement opposés, à savoir
la simulation consciente (avec bénéfice secondaire) avec le faux Lasègue, l'hystérie
de conversion avec l'hypoesthésie, les dysfonctionnements des voies centrales de
la douleur (comme la fibromyalgie) avec la douleur diffuse au pincer-rouler et la
sur-réactivité et les lombalgies chroniques invalidantes avec cinésiophobie (simu-
lation d'une contrainte lombaire). Plutôt que de parler de non-organicité, il nous
semble préférable de recourir à notre classification en trois cercles [29].

Conclusion
Bien que l'interrogatoire soit le temps le plus important, l'examen clinique lom-
baire doit garder sa place. Il permet d'abord de rassurer le patient et de lui montrer
que l'on prend son cas au sérieux [30]. Cependant, il reste insuffisant et ne permet
pas, à lui seul, de diagnostiquer une hernie discale (ou, a fortiori, d'autres causes
de douleur) [31]. En revanche, confronté aux données de l'interrogatoire et de
l'imagerie, il permet de fournir des arguments en faveur soit d'une origine
vertébrale segmentaire de la douleur (présence d'une « logique d'organe »), soit
d'un dysfonctionnement des voies centrales de la douleur (absence de logique
22 Généralités

d'organe) et c'est là son intérêt majeur. Enfin, il est possible qu'à l'avenir, les
données de l'examen clinique participent à l'élaboration de règles prédictives
thérapeutiques [32].

Références
1 Deyo RA, Rainville J, Kent DL. What can the history and physical examination tell us about low
back pain? JAMA 1992 ; 268 : 760-5.
2 Maigne JY. Towards a model of back pain. The 3 circles of pain. Eura Medicophys 2004 ; 40 :
21-7.
3 Maigne JY. Le mal de dos. Paris : Masson ; 2008.
4 Kalpakcioglu B, Altinbilek T, Senel K. Determination of spondylolisthesis in low back pain by
clinical evaluation. J Back Musculoskelet Rehabil 2009 ; 22 : 27-32.
5 McCombe PF, Fairbank JC, Cockersole BC, Pynsent PB. Reproductibility of physical signs in
low-back pain. Spine 1989 ; 14 : 908-18.
6 Perret C, Poiraudeau S, Fermanian J, et al. Validity, reliability, and responsiveness of the finger-
tip-to-floor test. Arch Phys Med Rehabil 2001 ; 82 : 1566-70.
7 Strender LE, Sjöblom A, Sundell K, Ludwig R, Taube A. Interexaminer reliability in physical
examination of patients with low back pain. Spine 1997 ; 22 : 814-20.
8 Hunt DG, Zuberbier OA, Kozlowski AJ, et al. Reliability of the lumbar flexion, lumbar exten-
sion, and passive straight leg raise test in normal populations embedded within a complete
physical examination. Spine 2001 ; 26 : 2714-8.
9 Borge JA, Leboeuf-Yde C, Lothe J. Prognostic values of physical examination findings in patients
with chronic low back pain treated conservatively: a systematic literature review. J Manipulative
Physiol Ther 2001 ; 24 : 292-5.
10 Revel M, Poiraudeau S, Auleley GR, et al. Capacity of the clinical picture to characterize low back
pain relieved by facet joint anesthesia. Proposed criteria to identify patients with painful facet
joints. Spine 1998 ; 23 : 1972-6, discussion 1977.
11 Poiraudeau S, Foltz V, Drapé JL, et al. Value of the bell test and the hyperextension test for
diagnosis in sciatica associated with disc herniation: comparison with Lasègue’s sign and the
crossed Lasègue’s sign. Rheumatology (Oxford) 2001 ; 40 : 460-6.
12 Maigne JY, Ballard M. Y a-t-il des signes cliniques spécifiques de discopathie inflammatoire
lombaire ? Analyse de quelques critères cliniques avec test au CortancylÒ. Rev Méd Vertébrale
2004 ; 13 : 12-4.
13 Kjaer P, Korsholm L, Bendix T, et al. Modic changes and their associations with clinical findings.
Eur Spine J 2006 ; 15 : 1312-9.
14 Maigne R. La séméiologie clinique des dérangements intervertébraux mineurs. Ann Méd Phys
1972 ; 15 : 275-92.
15 Robinson R, Robinson HS, Bjørke G, Kvale A. Reliability and validity of a palpation technique
for identifying the spinous processes of C7 and L5. Man Ther 2009 ; 14 : 409-14.
16 Snider KT, Kribs JW, Snider EJ, et al. Reliability of Tuffier’s line as an anatomic landmark. Spine
2008 ; 33 : E161-5.
17 Kim HW, Ko YJ, Rhee WI, et al. Interexaminer reliability and accuracy of posterior superior iliac
spine and iliac crest palpation for spinal level estimations. J Manipulative Physiol Ther 2007 ; 30 :
386-9.
18 Schneider M, Erhard R, Brach J, et al. Spinal palpation for lumbar segmental mobility and pain
provocation: an interexaminer reliability study. J Manipulative Physiol Ther 2008 ; 31 : 465-73.
19 Yrjämä M, Vanharanta H. Bony vibration stimulation: a new, non-invasive method for examin-
ing intradiscal pain. Eur Spine J 1994 ; 3 : 233-5.
20 Yrjämä M, Tervonen O, Kurunlahti M, Vanharanta H. Bony vibration stimulation test combi-
ned with magnetic resonance imaging. Can discography be replaced? Spine 1997 ; 22 : 808-13.
21 Morgenroth DC, Shakir A, Orendurff MS, Czerniecki JM. Low-back pain in transfemoral
amputees: is there a correlation with static or dynamic leg-length discrepancy? Am J Phys Med
Rehabil 2009 ; 88 : 108-13.
Examen clinique du rachis lombaire 23

22 Qvistgaard E, Rasmussen J, Laetgaard J, Hecksher-Sørensen S, Bliddal H. Intra-observer and


inter-observer agreement of the manual examination of the lumbar spine in chronic low-back
pain. Eur Spine J 2007 ; 16 : 277-82.
23 Ploumis A, Michailidis N, Christodoulou P, et al. Ipsilateral atrophy of paraspinal and psoas
muscle in unilateral back pain patients with monosegmental degenerative disc disease. Br
J Radiol 2010 [Epub ahead of print].
24 Maigne JY, Lazareth JP, Guérin Surville H, Maigne R. The lateral cutaneous branches of the
dorsal rami of the thoraco-lumbar junction. An anatomical study on 37 dissections. Surg Radiol
Anat 1989 ; 11 : 289-93.
25 Hicks GE, Fritz JM, Delitto A, Mishock J. Interrater reliability of clinical examination measures
for identification of lumbar segmental instability. Arch Phys Med Rehabil 2003 ; 84 : 1858-64.
26 Landel R, Kulig K, Fredericson M, et al. Intertester reliability and validity of motion assessments
during lumbar spine accessory motion testing. Phys Ther 2008 ; 88 : 43-9.
27 Kong MH, Morishita Y, He W, et al. Lumbar segmental mobility according to the grade of the
disc, the facet joint, the muscle, and the ligament pathology by using kinetic magnetic resonance
imaging. Spine 2009 ; 34 : 2537-44.
28 Kulig K, Powers CM, Landel RF, et al. Segmental lumbar mobility in individuals with low back
pain: in vivo assessment during manual and self-imposed motion using dynamic MRI. BMC
Musculoskelet Disord 2007 ; 8 : 8.
29 Waddell G, McCulloch JA, Kummel E, Venner RM. Nonorganic physical signs in low-back pain.
Spine 1980 ; 5 : 117-25.
30 Indahl A, Velund L, Reikeraas O. Good prognosis for low back pain when left untampered. A
randomized clinical trial. Spine 1995 ; 20 : 473-7.
31 van der Windt DA, Simons E, Riphagen II, et al. Physical examination for lumbar radiculopathy
due to disc herniation in patients with low-back pain. Cochrane Database Syst Rev 2010 ; 17 : ,
CD007431.
32 May S, Rosedale R. Prescriptive clinical prediction rules in back pain research: a systematic
review. J Man Manip Ther 2009 ; 17 : 36-45.
25

3
Imagerie du rachis normal :
variantes et images pièges
D. Godefroy1, B. Rousselin2, L. Sarazin2
1
Professeur associé au Collège de Médecine des Hôpitaux de Paris,
Institut de Radiologie de Paris , 2Institut de Radiologie de Paris, 31, avenue Hoche, 75008 Paris

Introduction
Les images considérées comme étant de simples variantes de la normale ainsi que
les images normales mais trompeuses sont très nombreuses et font l'objet de
beaucoup de traités de plusieurs centaines de pages chacun auxquels tous les
radiologues se réfèrent en cas de doute. On peut observer ces images sur les
clichés standard, mais aussi sur les tomodensitométries ou les IRM [1, 2]. Nous
ne les envisagerons pas sur le plan de leur description mais plutôt sur l'intérêt de
les reconnaître en raison des problèmes qu'elles sont susceptibles de poser dans
une population de sportifs.

Généralités
Ces images s'expliquent par plusieurs mécanismes :
 la simple variabilité statistique de l'anatomie rachidienne. Certaines personnes
sont grandes et élancées et d'autres petites et trapues. Ces différences sont
considérées comme normales si l'on excepte les extrêmes qui confinent quand
même au pathologique. Il en est de même pour la morphologie du rachis notam-
ment pour les dimensions des vertèbres, la largeur du canal rachidien et
l'épaisseur des disques. Le fait de s'éloigner de la zone centrale de la courbe de
Gauss induit cependant des conditions anatomiques favorables ou défavorables
à la pratique de certains sports impliquant une modification de la mobilité du
rachis, de sa résistance aux traumatismes ou encore de la tolérance de la moelle ou
des racines à une éventuelle agression traumatique ou dégénérative ;

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
26 Généralités

 des variantes anatomiques en rapport avec un trouble du développement ou de


la croissance du rachis pendant la vie intra-utérine, l'enfance ou l'adolescence.
Elles sont souvent de découverte fortuite lorsqu'elles sont discrètes et sans
conséquence fonctionnelle. Elles peuvent cependant faciliter l'apparition de cer-
taines pathologies mécaniques (surtout dans les rachis sollicités par la pratique
sportive) en modifiant, même discrètement, la statique rachidienne et l'harmo-
nieuse répartition des forces et des pressions. Elles posent un double problème :
– reconnaître ces variantes sur les images de clichés simples, de
tomodensitométrie ou d'IRM, ce qui est plus ou moins facile selon les cas car
elles sont parfois évidentes, mais parfois beaucoup plus subtiles à voir ou
à comprendre ;
– savoir si leur existence est susceptible de favoriser la survenue d'une sympto-
matologie clinique mécanique, voire de contre-indiquer la pratique de certains
sports ;
 des images anatomiques strictement normales mais dont l'aspect est inhabituel
en raison d'artéfacts ou de ce qu'on appelle des « images construites ».
Un autre facteur intervient et devrait être pris en considération : c'est l'âge du
sujet et le vieillissement physiologique du rachis dont la traduction anatomique
apparaît sur les examens d'imagerie. Un pincement discal ou une ostéophytose
sont des images banales, presque normales chez le sportif vétéran, mais ne sont
pas normales chez le sportif junior.
Nous envisagerons quelques exemples intéressants par leur fréquence ou leur
interférence avec la pratique sportive.
Insistons enfin sur le fait que les examens d'imagerie susceptibles d'explorer ces
variantes peuvent délivrer une irradiation non négligeable surtout chez les sujets
jeunes. Il convient donc :
 que les indications de ces examens soient bien pesées. Elles ne sont justifiées que
si un doute diagnostique persiste ou si les informations obtenues débouchent sur
une conséquence dans la pratique sportive ;
 que les performances des appareils d'imagerie soient optimisées en ayant le plus
possible recours à des procédures « basse dose », même si les images obtenues
semblent moins flatteuses à l'œil ;
 que les préférences aillent progressivement vers les techniques non irradiantes
(IRM plutôt que clichés simples multiples ou tomodensitométriques) toutes les
fois où cela est possible.

Variabilité de l'anatomie rachidienne


Largeur du canal rachidien cervical
Le cliché de profil montre le rachis de la base du crâne jusqu'à la jonction cervico-
thoracique. Celle-ci est plus ou moins bien visible selon la morphologie du patient.
Elle est difficile à étudier chez les hommes trapus, larges d'épaules, à cou court,
même si les clichés numérisés améliorent actuellement les contrastes. Il ne faut pas
hésiter à s'aider d'une tomodensitométrie en cas de doute sur une pathologie
traumatique à ce niveau.
Imagerie du rachis normal : variantes et images pièges 27

La projection de la vertèbre sur le cliché de profil permet l'identification facile


de ses structures [3] avec la succession des lignes classiques (figure 3.1) :
 ligne 1 : parties molles prérachidiennes ;
 ligne 2 : bord antérieur des corps vertébraux ;
 ligne 3 : bord postérieur des corps vertébraux qui constitue la limite antérieure
du canal rachidien ;
 ligne 4 : bord antérieur des massifs articulaires ;
 ligne 5 : bord postérieur des massifs articulaires ;
 ligne 6 : ligne spino-lamaire qui constitue la limite postérieure du canal
rachidien osseux ;
 ligne 7 : corticale postérieure des processus épineux.
Ces lignes sont courbes et respectent à peu près la lordose physiologique cervicale.
Les lignes 3 et 4 sont très proches l'une de l'autre, souvent plus ou moins superposées.
La projection de ces lignes varie en fait selon la morphologie, la longueur et
l'obliquité des pédicules et des lames :
 lorsque les pédicules sont courts, la ligne du bord antérieur des massifs articu-
laires peut passer en avant de la ligne du bord postérieur des corps vertébraux. La
largeur du canal est réduite et les foramens sont étroits ;
 lorsquelaligne spino-lamaire se rapproche delaligne dubordpostérieur des massifs
articulaires, la largeur du canal est également réduite mais les foramens peuvent
conserver des dimensions satisfaisantes si la ligne 4 reste en arrière de la ligne 3.
[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 3.1. Aspect du rachis cervical sur un cliché standard de profil avec la succession des
lignes classiques.
Ligne 1 : parties molles prérachidiennes. Ligne 2 : bord antérieur des corps vertébraux.
Ligne 3 : bord postérieur des corps vertébraux qui marque la limite antérieure du canal
rachidien. Ligne 4 : bord antérieur des massifs articulaires. Ligne 5 : bord postérieur des
massifs articulaires. Ligne 6 : ligne spino-lamaire qui marque la limite postérieure du canal
rachidien osseux. Ligne 7 : corticale postérieure des processus épineux.
Les trois lignes les plus importantes pour évaluer la largeur du canal rachidien sont les lignes
3, 4 et 6. Les lignes 3 et 4 sont très proches l'une de l'autre. Lorsque la ligne 4 se superpose ou
passe en avant de la ligne 3, les pédicules sont courts et les foramens sont étroits.
28 Généralités

L'analyse fine du cliché de profil fournit donc une bonne idée de la morpho-
logie et de la largeur du canal. On peut ainsi mesurer grossièrement sa largeur
entre la 3° et la 6° ligne. Le diamètre sagittal (diamètre antéro-postérieur osseux
ou DAP) varie en moyenne entre 12 et 17 mm et dépend naturellement du
morphotype du patient. Pour s'affranchir des problèmes d'agrandissement radio-
logique liés à la largeur des épaules, certains utilisent le rapport de Torg qui
correspond au rapport de la longueur du canal sur celle du corps vertébral. Il
est normalement égal à 1. Une valeur inférieure à 0,80 et surtout à 0,60 est un
signe de canal étroit. Cette mesure reste utile bien que discutable en raison des
modifications possibles du corps vertébral dans l'arthrose. Le plus important est
la dimension du canal utile pour permettre un passage facile de la moelle. Seule
l'IRM permet d'approcher cette notion. Sur l'IRM, on mesure l'indice médullo-
canalaire (IMC) correspondant au diamètre de la moelle divisé par le diamètre
antéro-postérieur osseux. Cet indice tient compte de l'épaisseur des parties molles
protectrices de la moelle (espace épidural et LCR). Toutes ces mesures qui varient
selon les individus sont importantes à considérer car elles permettent de prévoir
des conditions anatomiques défavorables, responsables de ce que l'on appelle des
« sur-risques » dans les sports de contacts durs comme le rugby. Ces sports
à risque doivent donc faire rechercher des anomalies ou même des variations
congénitales minimes qui passeraient totalement inaperçues et seraient sans
intérêt ni conséquence chez une personne « normale » mais qui représentent un
risque certain de vulnérabilité médullaire dans certains contextes sportifs. Un
chapitre est d'ailleurs consacré au rugby dans ce livre.
La largeur et l'étroitesse éventuelle du canal rachidien lombaire peuvent être
également évaluées sur des clichés simples [4].

Épaisseur des disques lombaires


Les disques intervertébraux sont légèrement plus hauts en avant qu'en arrière,
notamment en L5-S1, et contribuent à créer la lordose physiologique. Leur hauteur
est de l'ordre de 10 à 12 mm sauf en L5-S1 qui est nettement moins épais. En fait,
cette épaisseur discale varie nettement selon les individus et l'âge du patient. Il est
donc relativement difficile de dire d'emblée si les disques ont une épaisseur normale
ou non. Il faut retenir que leur hauteur croît légèrement en descendant de T12-L1
jusqu'à L4-L5 qui est normalement le disque le plus épais. On peut donc dire qu'un
disque L4-L5 dont l'épaisseur est identique à celle de L3-L4 est pincé (figure 3.2).

Variantes et malformations congénitales osseuses


mineures
On admet que certaines morphologies strictement normales mais extrêmes (par
exemple, un cou très long et mobile) soient davantage sollicitées et plus fragiles
lors de traumatismes aigus ou répétés et amènent à contre-indiquer la pratique de
certains sports agressifs.
Imagerie du rachis normal : variantes et images pièges 29
[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 3.2. Cliché standard du rachis lombaire de profil chez une jeune fille de 15 ans. La
lordose lombaire est harmonieuse. Le disque L4-L5 (flèche blanche) doit être considéré
comme légèrement pincé puisque son épaisseur est identique à celle du disque sus-jacent.
À noter que les listels marginaux antérieurs (flèches noires) ne sont pas encore totalement
soudés aux corps vertébraux.

Les anomalies congénitales à proprement parler sont d'importance variable.


Seules nous intéresseront les formes discrètes et bien tolérées dont la découverte
est souvent fortuite sur des clichés simples. Elles modifient cependant plus ou
moins l'anatomie générale de la colonne et sont donc susceptibles de retentir sur
son bon fonctionnement en générant des douleurs (des lombalgies le plus souvent)
ou une diminution de la mobilité physiologique. Elles peuvent donc être assez mal
supportées lorsque le rachis est très sollicité chez le sportif. Dans tous les cas, il
faudra savoir les reconnaître [5] et les identifier pour ne pas les prendre à tort pour
des affections acquises et savoir si elles sont susceptibles de retentir sur le bon
fonctionnement du rachis, voire de le fragiliser.
La régression de la notochorde se fait progressivement pendant la période
d'ossification vertébrale. Au stade membraneux, la chorde dorsale prend la forme
d'une succession de fuseaux dont les rétrécissements se situent en regard des corps
vertébraux et les renflements en regard des disques. Au stade d'ossification, la
chorde dorsale disparaît totalement en regard des corps vertébraux et persiste
simplement en regard du nucleus pulposus du disque. Une régression incomplète
dans le corps vertébral entraîne la persistance d'une image d'importance variable,
allant de la vertèbre papillon à une petite image arrondie centrale en diabolo. La
vertèbre papillon est une anomalie relativement fréquente en rapport avec
l'absence de fusion des deux noyaux mésenchymateux latéraux. Sur le cliché de
face, la malformation est plus ou moins évidente, allant d'une simple bande
verticale radiotransparente à la présence de deux hémi-vertèbres triangulaires
à sommet interne. Le corps vertébral est élargi et les plateaux vertébraux adjacents
des vertèbres sus- et sous-jacentes sont légèrement remaniés par la mauvaise
répartition des pressions. Les disques sont légèrement pincés.
Les blocs vertébraux congénitaux sont secondaires à des erreurs de segmenta-
tion et se présentent comme une fusion partielle ou totale de deux ou de plusieurs
vertèbres contiguës. Ils touchent surtout les étages lombaires et cervicaux.
30 Généralités

La fusion peut intéresser uniquement les corps vertébraux mais inclut souvent
partiellement les arcs postérieurs. Les vertèbres sont plus petites dans le plan
sagittal mais la hauteur du bloc correspond à la hauteur théorique du disque et
des deux corps vertébraux. Une petite fente horizontale est souvent visible à la
place du disque normal. Les foramens sont arrondis et plus petits que les foramens
sus- et sous-jacents. Ces blocs congénitaux sont en général bien tolérés, bien que la
mécanique rachidienne soit légèrement perturbée. Leur aspect radiologique per-
met de les distinguer facilement des blocs acquis secondaires à une spondylodis-
cite ou à une spondylarthropathie.
Les anomalies transitionnelles lombo-sacrées sont fréquentes. La lombalisa-
tion de S1 est relativement rare. L'hémisacralisation et surtout la sacralisation de
L5 sont plus fréquentes. Pour situer la fréquence de ces anomalies transitionnelles,
on peut dire que sur 1 172 examens radiologiques, Korber et Bloch, cités par
Bonafé [6], rapportent 4 cas de lombalisation de S1 (0,3 %), 22 cas
d'hémisacralisation de L5 (1,9 %) et 59 cas de sacralisation de L5 (5 %). Le
diagnostic d'anomalie est évident sur les clichés standard (figure 3.3). Il est plus
difficile sur la tomodensitométrie ou l'IRM qui montrent le plus souvent une
hypertrophie uni- ou bilatérale d'une ou des transverses de L5 qui vient au contact
de l'aileron sacré et peut même être plus ou moins fusionnée avec lui (figure 3.4).
Le disque transitionnel est pincé. Les sacralisations de L5 et les rares lombalisa-
tions complètes de S1 ne font que supprimer ou ajouter un étage discal et sont bien
tolérées. En revanche, l'hémisacralisation de L5 est responsable d'une asymétrie
mécanique dans les mouvements de la charnière avec une possibilité d'instabilité
unilatérale, d'autant que les massifs articulaires sus-jacents sont également
fréquemment asymétriques. La dénomination exacte de l'anomalie est parfois
[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 3.3. Anomalie transitionnelle lombo-sacrée. A : cliché du rachis en entier type « De


Sèze ». B : Cliché localisé sur la charnière lombo-sacrée. La dénomination de cette
anomalie est difficile à préciser. Il existe en effet 5 vertèbres lombaires sans côte qui
pourrait orienter vers une hémilombalisation droite de S1. La projection des crêtes iliaques
(ligne pointillée) qui se situe normalement au niveau de L4-L5 oriente en fait plutôt vers
une hémisacralisation gauche de L5 avec agénésie des 12es côtes. L'identification exacte de
ce type d'anomalie est en réalité peu importante en pratique clinique, sauf en cas de
discordance radioclinique dans le bilan préopératoire d'une radiculalgie.
Imagerie du rachis normal : variantes et images pièges 31
[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 3.4. Anomalie transitionnelle lombo-sacrée en tomodensitométrie. Aspect de


mégatransverse droite décalée en avant de L5 sur la coupe axiale classique (A). Image
évidente sur la reconstruction volumique (B).

difficile à préciser car une anomalie de la jonction thoraco-lombaire peut être


associée avec une hypoplasie des 12es côtes ou, au contraire, une ébauche de côte
sur L1. La réalisation d'un cliché thoracique, voire cervical, peut être utile si l'on
souhaite préciser le type de malformation devant un syndrome radiculaire
atypique.
Les côtes cervicales sont fréquentes (figure 3.5) et habituellement bien tolérées.
Elles sont cependant susceptibles d'entraîner un conflit vasculaire ou nerveux
dans certaines positions, notamment lors de l'élévation des bras.
Les anomalies isolées et discrètes de l'arc postérieur sont souvent découvertes
de façon fortuite car elles sont bien tolérées. On les devine parfois sur les clichés
simples mais elles sont mieux étudiées en tomodensitométrie. L'absence de sou-
dure d'une ou de plusieurs épineuse(s) est très banale et sans valeur pathologique.
Plus intéressante est l'hypo- ou l'agénésie d'un pédicule ou d'une lame qui crée une
image parfois trompeuse sur le cliché standard de face réalisant ce qu'on appelle
une anisocorie. L'anomalie pédiculaire se traduit par la disparition, ou au moins
[(Figure_5)TD$IG]

FIGURE 3.5. Cliché standard de face de la jonction cervico-thoracique. Présence de deux


côtes cervicales (flèches) implantées sur C7.
32 Généralités

une diminution nette, de la taille et de la densité de l'image du pédicule. Il s'y


associe fréquemment une modification discrète de la morphologie de la totalité de
l'hémi-arc postérieur correspondant et surtout une densification, et parfois même
une hypertrophie, du pédicule controlatéral. Cet aspect assez caractéristique [7]
traduit l'existence d'un processus ancien, laissant tout le temps à l'autre pédicule
de modifier sa morphologie. Cette hypertrophie pédiculaire controlatérale
s'explique par l'augmentation des forces mécaniques qui le traversent entre
l'arc postérieur et le corps vertébral.
La hernie de Schmorl correspond à une inclusion intrasomatique de matériel
discal à travers une solution de continuité d'un plateau vertébral. Elle se présente
comme une lacune bordée d'un liseré dense, ouverte sur le disque. Son aspect est
évocateur lorsqu'elle est petite et bien limitée (figure 3.6). La tomodensitométrie
ou l'IRM ne sont alors pas nécessaires au diagnostic qui peut très bien être porté
sur de simples clichés. Le diagnostic devient plus difficile lorsque la lacune est très
volumineuse et occupe une bonne partie du corps vertébral [8], d'autant que le

[(Figure_6)TD$IG]

FIGURE 3.6. Hernie intraspongieuse de Schmorl de petite taille sur le plateau inférieur de L2
(flèche blanche). Séquelles de dystrophie de croissance sur le plateau inférieur de L1
(petites flèches noires).
Imagerie du rachis normal : variantes et images pièges 33

disque adjacent est habituellement pincé. C'est dans ces cas que
tomodensitométrie et/ou IRM sont utiles. Une hernie de Schmorl isolée peut
être considérée comme une image banale, variante du normal. Lorsque ces
« hernies » sont nombreuses et intéressent plusieurs étages, elles s'intègrent dans
le cadre des séquelles de dystrophie de croissance.
Les hernies rétromarginales antérieures se traduisent radiologiquement par la
persistance à l'âge adulte du listel marginal qui prend l'aspect d'un ossicule
triangulaire plus ou moins hypertrophique, accolé à l'angle antéro-supérieur ou
inférieur de la vertèbre avec une condensation des deux bords ou une fusion
complète. Le disque est pincé en regard. Cet aspect ne devra naturellement pas
être confondu avec un arrachement traumatique. Les hernies prémarginales
postérieures avec fracture-arrachement du limbus représentent une véritable
lésion traumatique et non une simple variante. Leur diagnostic est plus difficile.
Les clichés simples peuvent ne pas montrer la lésion. L'IRM, souvent demandée en
première intention à cause des signes neurologiques fréquemment associés, peut
méconnaître le fragment épiphysaire arraché. L'examen tomodensitométrique
avec coupes axiales et reconstruction sagittale reste le meilleur outil diagnostique.
Les anomalies de la charnière cervico-occipitales sont variables et fréquentes
mais doivent rester discrètes pour permettre une pratique sportive satisfaisante.
Elles sont au mieux étudiées par tomodensitométrie. Elles sont souvent bien
tolérées mais peuvent naturellement être responsables d'une instabilité et d'une
fragilité de la charnière susceptibles de poser un problème dans les sports de
contact. Elles méritent d'être alors systématiquement recherchées.

Variantes des structures intracanalaires


Les plexus veineux intrarachidiens circulent dans l'espace épidural antérieur.
Leur hypertrophie, qui ne présente naturellement aucune valeur pathologique,
peut être source de confusion avec une saillie discale médiane sur la
tomodensitométrie. Leur reconnaissance est plus facile en IRM. Ils prolongent
en arrière le hile de la vertèbre qui dessine parfois de véritables fentes vasculaires
intrasomatiques qu'il ne faut pas prendre pour une fracture vertébrale dans un
contexte traumatique.
Les racines conjointes représentent une anomalie rare de la segmentation radi-
culaire (fréquence de l'ordre de 1 %). Dans la forme la plus fréquente, les racines
L5 et S1 quittent le fourreau dural par une gaine commune, descendent le long de
ce fourreau puis se séparent ; L5 sort par la partie basse du foramen L5-S1 et S1
continue à descendre vers le 1er trou sacré. Une image trompeuse de pseudo-hernie
migrée apparaît alors dans la gouttière de L5 (figure 3.7). Ces racines à naissance
conjointe sont, en outre, plus vulnérables et susceptibles d'être le siège d'un conflit
en cas d'étroitesse canalaire constitutionnelle ou acquise, rétrécissant la gouttière
en raison d'une inadéquation contenant-contenu et d'une mobilité limitée dans le
récessus latéral. Leur existence est actuellement bien connue [9, 10, 11] et leur
diagnostic est en règle générale facile sur les coupes de tomodensitométrie ou
d'IRM si l'on suit attentivement le trajet de chaque racine.
34 Généralités
[(Figure_7)TD$IG]

FIGURE 3.7. Coupes axiales de tomodensitométrie. Naissance conjointe des racines L5 et S1


droites. Comblement partiel par une image opaque de la gouttière droite de L5 pouvant
simuler une hernie migrée (A et B). Séparation des racines L5 et S1 sur les coupes sous-
jacentes (C et D).

Les méga cul-de-sac, les kystes radiculo-méningés (ou kystes de Tarlov) et les
méningocèles intrasacrées diffèrent sur le plan anatomique. Le méga cul-de-sac
lombosacré se traduit par un élargissement isolé du fourreau dural dans sa por-
tion terminale. Son diagnostic est évident en tomodensitométrie ou en IRM. La
frontière entre simple variante du normal et processus pathologique est cependant
difficile à situer avec précision car un méga cul-de-sac peut parfois être sympto-
matique et entraîner des lombo-radiculalgies. Les kystes radiculo-méningés et les
méningocèles intra-sacrées ont des aspects radiographiques, tomodensitométri-
ques et IRM assez proches, se traduisant par la présence de masses liquidiennes
responsables d'érosions osseuses avec scalloping du sacrum et d'élargissement du
canal et des trous sacrés concernés.

Images normales trompeuses et artefacts


Ces images trompeuses sont multiples mais, en règle générale, bien connues des
radiologues. Nous en citerons quelques-unes fréquemment rencontrées.
Les artefacts de flux sont particulièrement fréquents sur les IRM à l'étage
dorsal avec les séquences T2 utilisées quotidiennement. Ils réalisent des images
en hyposignal au sein du LCR rétromédullaire, trompeuses sur les coupes sagit-
tales et axiales (figure 3.8). Il convient de les connaître afin de ne pas suspecter
l'existence d'un processus expansif ou d'une dilatation vasculaire.
L'arthrose cervicale est particulièrement fréquente et banale, notamment en
C5-C6. Elle associe le plus souvent une discarthrose et une uncarthrose, réalisant
une disco-uncarthrose. L'ostéophytose est nette en regard des uncus et dessine des
Imagerie du rachis normal : variantes et images pièges 35

[(Figure_8)TD$IG]

FIGURE 3.8. IRM du rachis cervico-thoracique. Coupe sagittale (A) et axiale (B) T2. Image
trompeuse rétromédullaire par artefact de flux (flèches) pouvant simuler une
malformation vasculaire ou un processus expansif.

[(Figure_9)TD$IG]

FIGURE 3.9. Clichés standard du rachis cervical de profil (A) et de face (B).
Uncodiscarthrose banale. Le petit trait clair visible de profil (flèches) s'explique par la
tangence du rayonnement sur les ostéophytes des uncus (B).
36 Généralités

ostéophytes affrontés horizontaux sur le cliché de face (figure 3.9). Sur le cliché de
profil, cette image prend la forme d'un trait clair horizontal, parallèle au disque,
pouvant simuler un trait de fracture lorsqu'il est net.
L'artère vertébrale suit un trajet relativement complexe à l'étage cervical. De
C6 à C2, elle chemine dans le trou des transverses. Son diamètre est souvent
asymétrique entre les côtés droit et gauche. Des boucles physiologiques sont
possibles et peuvent entraîner des érosions osseuses sans valeur pathologique
dans la vie habituelle mais susceptibles de rendre l'artère plus vulnérable dans
certains contextes sportifs [12]. En C2, l'artère vertébrale quitte la transverse de
C2 avec un trajet horizontal et externe. Le foramen (trou) transversaire de C2 est
plus vertical qu'horizontal. Son image apparaît sur le cliché de profil et peut
simuler une géode osseuse.

Conclusion
L'aspect du rachis normal est relativement variable sur les clichés simples, la
tomodensitométrie ou l'IRM selon les individus et notamment leur morphotype.
Certaines images considérées comme de simples variantes du normal peuvent
poser des difficultés d'interprétation et soulever des problèmes de tolérance lors
de la pratique de certains sports de contact en raison d'une fragilité accrue du
rachis. Elles doivent donc être connues et interprétées en fonction des risques
éventuels qu'elles sont susceptibles d'entraîner dans le contexte sportif.

Références
1 Teplick JG, Teplick SK, Goodman L, Haskin ME. Pitfalls and unusual findings in computed
tomography of the lumbar spine. J Comput Assist Tomogr 1982 ; 6 : 888-93.
2 Helms CA, Vogler JB, Hardy DC. CT of the lumbar spine; normal variants and pitfalls.
RadioGraphics 1987 ; 7 : 447-63.
3 Chevrot A, Drapé JL, Godefroy D, Dupont AM. Imagerie du rachis cervical douloureux. J Radiol
2003 ; 84 : 181-239.
4 Babin E, Capesius P, Maitrot D. Signes radiologiques osseux des variétés morphologiques des
canaux étroits. Ann Radiol 1977 ; 20 : 491-9.
5 Kumar R, Guinto FC, Madewell JE, Swischuk LE, David R. The vertebral body: radiographic
configurations in various congenital and acquired disorders. Radiographics 1988 ; 8 : 455-85.
6 Bonafé A, Escudé B. Variantes du normal et images pièges. In: Manelfe C, éd. Imagerie du rachis
et de la moelle. Paris: Vigot; 1989. p. 365-85.
7 Maldague B, Malghem J. Unilateral arch hypertrophy with spinous process tilt: a sign of arch
deficiency. Radiology 1976 ; 121 : 567-74.
8 Resnick D, Niwayama G. Intervertebral disk herniation: cartilaginous (Schmorl’s) nodes.
Radiology 1978 ; 126 : 57-65.
9 Epstein JA, Carras R, Ferrar J, Hyman RA, Khan A. Conjointed lumbosacral nerve roots.
Management of herniated discs and lateral recess in patients with this anomaly. J Neurosurg
1981 ; 55 : 585-9.
10 Peyster RG, Teplick JG, Haskin ME. Computed tomography of lumbosacral conjoined nerve
root anomalies. Potential cause of false-positive reading for herniated nucleus pulposus. Spine
1985 ; 10 : 331-7.
11 Torricelli P, Spina V, Martinelli C. CT diagnosis of lumbosacral conjointed nerve roots. Findings
in 19 cases. Neuroradiology 1987 ; 29 : 374-9.
12 Anderson RE, Shealy CN. Cervical pedicle erosion and rootlet compression caused by a tortuous
vertebral artery. Radiology 1970 ; 96 : 537-8.
37

4
Statique pelvirachidienne
normale et pathologique.
Évaluation actuelle
G. Morvan, V. Vuillemin, H. Guérini, F. Thévenin
Imagerie Léonard de Vinci, 4, rue Cortambert, 75016 Paris

Introduction
La posture statique prolongée et la course rapide bipède sont des caractéristiques
spécifiquement humaines. L'évolution d'Homo sapiens a conduit l'être humain
à une station érigée, une marche, une course les plus efficaces possibles pour la
dépense d'énergie la plus basse possible. On conçoit intuitivement, en se trans-
portant au sein d'un peuple de chasseurs aux conditions d'existence des plus
rudes, qu'un individu dont l'essentiel des forces serait consacré à tenir debout
et à marcher aux dépens de multiples autres activités vitales soit condamné
à disparaître. Même si cela nous paraît normal, tant nous y sommes habitués,
tenir debout sur ses deux pieds, de manière stable et économique, est un extra-
ordinaire et fragile acquis biomécanique, apte à faire pâlir de jalousie nos
meilleurs cabinets d'ingénierie actuels. Il suffit, si l'on en doute, de constater les
conséquences rapides et dramatiques sur la déambulation de multiples affections
traumatiques, rhumatismales, neurologiques ou musculaires...
Vivre debout implique un squelette adapté, de nombreux capteurs sensoriels de
différentes natures dont les données sont intégrées, analysées, comparées et
filtrées en temps réel, une centrale de coordination et d'anticipation du mouve-
ment performante, une musculature optimalisée, tout cela devant fonctionner de
la manière la plus économique possible. Notre fonctionnement est donc régi
depuis la nuit des temps par des impératifs d'économie qui n'ont été
redécouverts que fort récemment.

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
38 Généralités

Les grands primates, qui ne sont qu'occasionnellement bipèdes, ont un rachis


cyphotique. Il en est de même de l'enfant humain avant la marche ou de l'homme
non marchant. Le rachis d'Homo sapiens adulte associe normalement des zones
de lordose et de cyphose. Cette alternance de courbes opposées en augmente la
souplesse et la résistance tout en laissant une place aux muscles érecteurs du
rachis.
Deux des avancées majeures de ces dernières années en matière de statique
rachidienne découlent de ce qui précède :
 un individu constitue un tout indissociable de la tête aux pieds. Chaque partie
de son appareil moteur est étroitement liée aux structures sus- ou sous-jacentes :
la position du rachis dépend de celle du bassin, qui dépend elle-même de celle des
hanches...
 chaque individu est unique. En fonction de son morphotype, chacun doit
trouver sa propre station érigée, la plus efficace et la plus adaptée à son cas. Ce
qui est bon pour l'un ne l'est pas forcément pour l'autre. Il n'existe pas de situation
standard, ce qui implique que les thérapeutiques doivent être individualisées.

Statique pelvirachidienne normale


Dans le plan frontal, le rachis est rectiligne, vertical, sans rotation des vertèbres.
La verticale abaissée du processus odontoïde passe, via tous les processus
épineux, par la symphyse pubienne.
Dans le plan sagittal, les choses sont nettement plus complexes. D'une manière
générale, chez un patient debout au repos, pour obtenir une position stable sans
effort, dite « économique », il est nécessaire que la verticale abaissée des méats
auditifs passe entre le plateau sacré et les têtes fémorales, afin qu'elle se prolonge
vers le centre des genoux et celui du polygone de sustentation formé par les pieds.
Il existe plusieurs manières d'atteindre cet objectif, compte tenu des différents
morphotypes. Comme chacun peut le constater, la statique normale d'un Masaï
élancé diffère sensiblement de celle d'un Inuit trapu.

Bassin
Incidence
L'un des facteurs majeurs de la statique sagittale est la forme du bassin.
Constitutionnellement nos bassins sont plus ou moins épais dans le sens
antéropostérieur (figure 4.1). Pour chiffrer cette particularité, une simple
mesure de la distance antéropostérieure entre le centre du plateau sacré et celui
des têtes fémorales (figure 4.2) paraîtrait logique. Cependant, comme elle
méconnaît le mode d'implantation du sacrum, fixé de manière plus ou moins
inclinée sur le bassin, cette simple mesure demeurerait incomplète. Duval-
Beaupère [1, 2] a imaginé un critère associant les deux éléments précédents :
la distance centre du plateau sacré/têtes fémorales et le mode d'implantation
du sacrum. C'est l'angle que fait la ligne CS (joignant le centre C des têtes et le
Statique pelvirachidienne normale et pathologique 39
[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 4.1. Vue latérale de deux bassins en 3D. La dimension antéropostérieure des deux
bassins est très différente : le bassin A est épais, le bassin B est plat.

[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 4.2. Vue médiale d'un hémi-bassin droit. La flèche illustre cette notion de
« profondeur » du bassin.
40 Généralités

point S, milieu du plateau sacré [reflet de « l'épaisseur » du bassin]) avec la


tangente au plateau sacré (témoin de la position du sacrum). En pratique, c'est
son angle complémentaire qui a été retenu sous le nom d'angle d'incidence
pelvienne (figure 4.3). Sa normale est de 55° W 10° [3]. L'incidence est une
caractéristique anatomique propre à chacun, indépendante de la position,
comme le sont le calibre du canal rachidien ou la torsion du squelette jambier.
Elle caractérise la morphologie sagittale du bassin et conditionne l'équilibre
rachidien.
Pour des raisons géométriques simples, l'angle d'incidence pelvienne est la
somme de deux autres angles : la version pelvienne et la pente sacrée.

Version pelvienne
La version pelvienne est l'angle que fait la ligne CS avec la verticale (figure 4.4).
Cet angle caractérise la position du bassin dans l'espace, plus ou moins penché en
avant (figure 4.5). Sa normale est de 13° W 6° [3]. Ce petit angle est normale-
ment ouvert en arrière, dans la mesure où le centre du plateau sacré est norma-
lement situé un peu en arrière des têtes fémorales. La version du bassin se définit
par rapport au pôle cranial de celui-ci. Les épines iliaques antérosupérieures
(figure 4.5), par exemple, constituent un repère commode. Si elles basculent en
avant, le bassin est antéversé. Si elles basculent en arrière, on parle d'une
rétroversion. Le corps du sacrum s'horizontalise et son plateau se verticalise. On
conçoit que dans ce cas, le rachis lombaire – à qui le plateau sacré sert de socle –
pour retrouver un trajet vertical, devra fortement se cambrer (forte lordose) exac-
tement comme un arbre qui pousserait sur un sol fortement incliné (figure 4.6).

[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 4.3. Angle d'incidence pelvienne.


Statique pelvirachidienne normale et pathologique 41
[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 4.4. Angle de version pelvienne. La version pelvienne est l'angle entre la verticale et
le segment CS. Elle traduit la position du bassin dans l'espace, plus ou moins penché en
avant. Sa normale est de 13°W 6°.

À l'inverse, en cas de diminution de la lordose lombaire physiologique, quelle


qu'en soit la raison, le bassin aura tendance à se placer en rétroversion
réactionnelle afin de mettre le plateau sacré à l'aplomb d'un rachis lombaire trop
verticalisé. Lors de l'antéversion, si le plateau sacré passe en avant des têtes, l'angle
de version pelvienne s'inverse.
[(Figure_5)TD$IG]

FIGURE 4.5. Bassin anté- et rétroversé. Le cercle blanc figure les épines iliaques antéro-
supérieures. Si elles basculent en avant : antéversion. Si elles basculent en arrière : rétroversion.
42 Généralités

[(Figure_6)TD$IG]

FIGURE 4.6. Un arbre qui naît d'un talus incliné doit se cintrer pour retrouver la verticale.

L'antéversion du bassin s'accompagne d'une bascule en avant de l'acetabulum


(figure 4.5), ce qui accroît la couverture antérieure de la tête et diminue sa
couverture postérieure. La rétroversion provoque le phénomène inverse : en
basculant l'acetabulum en arrière, elle découvre la tête en avant et provoque
une avancée de la paroi postérieure. Ceci a une incidence sur la physiologie de
la hanche naturelle (diminution de la capacité d'extension de la hanche), mais
revêt surtout une importance considérable en cas d'arthroplastie (risques de
conflits et de limitations antérieures ou (surtout) postérieures, risques de luxation
d'une prothèse par effet came postérieur).
L'antéversion du bassin abaisse le pubis, verticalise le détroit supérieur, hori-
zontalise les trous obturateurs et le corps du sacrum. La rétroversion provoque
l'effet l'inverse : le pubis remonte, les trous obturateurs et le sacrum se verticali-
sent. Ces modifications sont parfaitement décelables sur une radiographie du
bassin de face, sur laquelle, d'un simple coup d'œil, on peut faire le diagnostic
d'anomalie de la version pelvienne (figure 4.7).

Pente sacrée
La pente sacrée est l'angle que fait la tangente au plateau sacré avec l'horizontale.
Sa normale est de 41 W 8° (figure 4.8) [3]. Cette pente détermine la position du
rachis « planté » sur le plateau sacré comme un arbre sur un sol plus ou moins
pentu.
Dans la mesure où la somme (angle de pente sacrée + angle de version pelvienne
= angle d'incidence) est constante pour un individu donné, les deux termes de
cette somme varient en proportion inverse : quand la version pelvienne augmente
Statique pelvirachidienne normale et pathologique 43
[(Figure_7)TD$IG]

FIGURE 4.7. Bassin antéversé (en haut) et rétroversé (en bas). Vue TDM 3D et
radiographiques (patients différents).

[(Figure_8)TD$IG]

FIGURE 4.8. Angle de pente sacrée. La pente sacrée est l'angle entre l'horizontale et la
tangente au plateau sacré. Elle traduit la position du plateau sacré, plus ou moins incliné.
Sa normale est de 41°W 8°.
44 Généralités

(rétroversion du bassin) la pente sacrée diminue et quand la version pelvienne


diminue (antéversion du bassin), la pente sacrée augmente. Pour une version
pelvienne donnée, l'incidence détermine donc la valeur de la pente sacrée et,
par conséquent, de la lordose lombaire. Vialle et al. [3] ont établi des formules
qui permettent de calculer la lordose théorique à partir de la version pelvienne
pour une incidence donnée :
 pente sacrée = [7,3 + 0,63 incidence pelvienne] ;
 lordose lombaire maximale = [–16 – 1,06 pente sacrée] ;
 version pelvienne = [–7 + 0,37 incidence pelvienne] ;
 lordose lombaire maximale = [–2,72 – 1,1 incidence pelvienne + 1,1 version
pelvienne – 0,31 cyphose thoracique maximale] ;
 incidence pelvienne = [2,9 + 0,12 gîte en T9 + 0,82 pente sacrée + 1,02 ver-
sion pelvienne – 0,1 lordose lombaire maximale – 0,032 cyphose thoracique
maximale].
Ces calculs sont utiles pour chiffrer les anomalies constatées et, en
préopératoire, pour planifier le réglage des arthrodèses.
Une incidence faible déterminera une pente sacrée, une lordose lombaire et une
cyphose thoracique faibles ainsi que des courbures rachidiennes sagittales peu
accentuées. Plus l'angle d'incidence est petit et les courbures rachidiennes faibles,
plus la marge d'adaptation du rachis en situation pathologique sera étroite.
Inversement, une incidence forte déterminera des courbures sagittales importantes.
Plus l'angle d'incidence est grand et les courbures sagittales du rachis marquées,
plus le chirurgien aura de la difficulté à obtenir en postopératoire une arthrodèse
suffisamment lordosée.

Rachis
La statique sagittale de la tige souple qu'est le rachis humain est normalement
constituée d'une alternance de courbes : cyphose sacrée, lordose lombaire,
cyphose thoracique et lordose cervicale, les unes compensant les autres.
Chacune de ces courbes interagit avec les courbes voisines, avec la statique
pelvienne et celle des membres inférieurs afin de trouver, pour un individu
donné, la position érigée la plus confortable, la plus stable et la plus économe
en énergie.
Les positions des membres inférieurs, du bassin et du rachis sont intimement
liées et indissociables. Ces trois structures constituent un seul et même ensemble.
À ce titre, l'ensemble pelvirachidien peut être comparé à un accordéon (figure 4.9).
Quand on étire l'accordéon pelvien (bassin profond à incidence importante), on
étire de facto simultanément l'accordéon rachidien : lordose lombaire et cyphose
thoracique importantes. Quand on comprime l'accordéon pelvien (bassin plat
à incidence faible) on comprime aussi l'accordéon rachidien : lordose lombaire et
cyphose thoracique faibles.
À l'état normal, la lordose lombaire est du même ordre de grandeur que la
cyphose thoracique et que l'incidence pelvienne.
Statique pelvirachidienne normale et pathologique 45
[(Figure_9)TD$IG]

FIGURE 4.9. L'accordéon pelvirachidien.

Moyens d'étude
Radiographies argentiques et numériques
Hormis l'examen clinique, fondamental, et quelques tentatives de techniques non
radiographiques peu utilisées en pratique (franges de Moiré), l'étude de la sta-
tique pelvienne repose sur la radiographie.
En technique argentique, les clichés de face et de profil étaient effectués sur
des films de grand format 30 cm x 120 cm en téléradiographie (figure 4.10).
Cette technique avait deux inconvénients notables : une irradiation importante
et une piètre qualité photographique, surtout chez les patients corpulents, notam-
ment pour les clichés de profil.
Différents systèmes numériques ont progressivement remplacé les clichés tradi-
tionnels argentiques, avec des technologies variables : téléradiographie, balayage,
collage secondaire de vues fragmentaires... Dans l'ensemble, l'irradiation est un peu
moins importante. La qualité photographique, très variable en fonction des
systèmes, reste globalement médiocre, surtout chez les patients volumineux.

Système EOS
Le système EOS a révolutionné l'exploration de la statique pelvirachidienne.
Basé sur les détecteurs ultrasensibles de Charpak [4], ce système utilise deux
tubes à rayons X orthogonaux couplés à deux détecteurs (figure 4.11), le tout
46 Généralités
[(Figure_0)TD$IG]

FIGURE 4.10. Téléradiographie traditionnelle du rachis de face et de profil. a : position.


Noter la position des membres supérieurs, reposant sur un support, de façon à dégager le
rachis sans modifier la statique naturelle. b : résultat (autre patient).

[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 4.11. Système EOS. a : Il est composé de deux tubes orthogonaux et de deux
détecteurs qui coulissent verticalement. b : Patient en place dans le système.
Statique pelvirachidienne normale et pathologique 47

coulissant verticalement en balayant jusqu'à 180 cm, soit la taille du corps


entier. Les caractéristiques technologiques de ce système permettent d'obtenir
soit une vue de face, soit une vue de profil, soit les deux simultanément, avec une
qualité d'image exceptionnelle et une dosimétrie de l'ordre du dixième de la dose
de la radiographie conventionnelle (figure 4.12 a). Les paramètres pelviens et rachi-
diens peuvent être mesurés en 2D sur les vues frontales et sagittales (figure 4.12 b).
Il est également possible, grâce à la technique du « bone morphing », à partir
des deux vues simultanées de face et de profil, par déformation progressive
d'un modèle théorique plaqué sur le rachis (figure 4.12 b), de calculer l'enveloppe
3D du rachis (figure 4.12 c). Cette envelope peutêtre analysée en vue antérieure,
postérieure, latérales droite et gauche et surtout en vue axiale (figure 4.12 d).
[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 4.12. Système EOS. a : vues simultanées du corps entier de face et de profil. Mesure
des paramètres pelvirachidiens en 2D.
48 Généralités
[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 4.12. (suite). b : technique du « bone morphing ».

Cette dernière est essentielle : c'est elle qui donne la position de chaque vertèbre
par rapport au bassin, à la ligne médiane ainsi que son degré de rotation. C'est
l'incidence majeure du scoliologue. Tous les paramètres pelviens et rachidiens,
ainsi que la rotation de chaque vertèbre sont calculés en 3D. Les potentialités
énormes de cet outil – qui n'en est qu'à sa phase initiale – ainsi que son caractère
très peu irradiant le rendent d'ores et déjà incontournable dans l'étude de la
statique pelvirachidienne.
La tomodensitométrie, nettement plus irradiante, réalisée en décubitus est d'un
intérêt majeur dans l'étude morphologique du rachis, mais n'a pas de place dans
une étude statique.
Quelques rares IRM verticales sont susceptibles de réaliser des images en
charge du rachis, mais celles-ci ne peuvent être assimilées à une étude statique.

Statique pelvirachidienne pathologique


Les scolioses juvéniles idiopathiques, sujet trop vaste, ne seront pas traitées ici. Le
système EOS (figure 4.13) a rendu plus précise, moins irradiante et plus
Statique pelvirachidienne normale et pathologique 49
[()TD$FIG]

[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 4.12. (suite). c : résultat. Enveloppe 3D du rachis en vues antérieure, postérieure et


latérales droite et gauche. d : enveloppe 3D en vue axiale craniale.
50 Généralités

[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 4.13. Scoliose juvénile idiopathique thoracolombaire droite T11 de 41°.

comparative l'imagerie de ces scolioses, en facilitant notamment l'appréciation de


l'action du corset sur la rotation des scolioses débutantes, ce vers quoi s'oriente la
scoliologie actuelle. Dubousset l'a dit de manière on ne peut plus claire : La
scoliose est essentiellement une maladie du plan axial [5, 6].
Statique pelvirachidienne normale et pathologique 51
[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 4.14. Homme de 78 ans. Rachialagies invalidantes. Lombarthrose. Scoliose


lombaire dégénérative. Dans le plan frontal, le tronc est incliné vers la droite du fait d'une
scoliose thoracolombaire droite centrée sur L1. En fait, les troubles statiques majeurs
siègent dans le plan sagittal. L'incidence pelvienne à 55° (normale) sous-entendrait une
lordose lombaire du même ordre. En réalité, celle-ci est de 9°. La cyphose thoracique n'a
que faiblement diminué à 35°. Le tronc est donc penché en avant. Pour compenser le bassin
s'est rétroversé au maximum (version pelvienne à 30°), puis les hanches se sont fléchies.
Malgré ces mesures adaptatives, la verticale abaissée des méats auditifs continue à passer
très en avant des têtes fémorales, position inconfortable et douloureuse.

En matière de pathologie dégénérative du rachis, l'imagerie actuelle ne fait que


confirmer un fait connu depuis longtemps : rachis, bassin et membres inférieurs
constituent un ensemble indissociable.
La discarthrose lombaire affecte habituellement des patients dont l'incidence
pelvienne est normale ou faible. Le scénario évolutif est souvent stéréotypé. La
discarthrose diminue la lordose lombaire pour des raisons mécaniques (perte de la
hauteur des disques) et posturales (position antalgique destinée à éviter une
hyperpression discale postérieure). Cette diminution de la lordose lombaire
52 Généralités

[(Figure_5)TD$IG]

FIGURE 4.15. Femme de 72 ans. Très importante incidence pelvienne à 82°.


Spondylolisthésis dégénératif de L5 sur S1. Malgré une rétroversion du bassin et un
flessum de hanches, la verticale abaissée des méats auditifs passe en avant des têtes.

entraîne une diminution plus ou moins importante de la cyphose thoracique. Le


dos a donc tendance à s'aplatir et le tronc à se pencher en avant, attitude incon-
fortable et douloureuse du fait de la fatigue des muscles érecteurs du rachis,
contractés pour conserver un relatif équilibre lors de la station érigée. D'où une
rétroversion réactionnelle du bassin qui, en horizontalisant le plateau sacré,
translate vers l'arrière le poids du corps et soulage les muscles érecteurs. Si cela
ne suffit pas, une flexion des hanches et des genoux s'y ajoute afin de transférer le
poids du corps au-dessus des têtes fémorales et des pieds (figure 4.14). L'usage
d'une canne est parfois nécessaire pour élargir le polygone de sustentation et
rendre plus tolérables les troubles statiques décrits ci-dessus.
Dans les spondylolisthésis dégénératifs, le plus souvent l'incidence pelvienne
est forte, supérieure à la normale [7]. Cette particularité entraîne une lordose
Statique pelvirachidienne normale et pathologique 53

lombaire importante qui reporte en arrière les contraintes sur les articulations
zygapophysaires d'où leur possible dégénérescence arthrosique. L'association
arthrose zygapophysaire et pente sacrée importante constitue un facteur
prédisposant pour la survenue d'un olisthésis antérieur (scwab) (figure 4.15).
De nombreuses autres pathologies, qu'il n'est pas envisageable d'aborder en
quelques lignes, peuvent bénéficier de ce type d'analyse : spondylolisthésis par
lyse, maladie de Scheuerman. . .

Conclusion
Homo sapiens s'est transformé pour acquérir une station érigée permanente
stable et économique. Cette transformation a été globale. On ne peut aborder
l'étude de la statique rachidienne que dans cet esprit de globalité, sans séparer le
rachis, le bassin, les membres inférieurs et leur musculature. Les outils diagnosti-
ques d'imagerie actuels nous le permettent.

Références
1 Duval-Beaupère G, Robain G. Visualization on full spine radiographs of the anatomical connec-
tions of the centres of the segmental body mass supported by each vertebra and measured in vivo.
Int Orthop 1987 ; 11 : 261-9.
2 Duval-Beaupère G, Schmidt C, Cosson P. A Barycentimetric study of the sagittal shape of spine
and pelvis: the conditions required for an economic standing position. Ann Biomed Eng 1992 ; 20 :
451-62.
3 Vialle R, Levassor N, Rillardon L, Templier A, Skalli W, Guigui P. Radiographic analysis of the
sagittal alignment and balance of the spine in asymptomatic subjects. JBJS 2005 ; 87-A : 260-7.
4 Barthe N, Coulon P, Hennion C, Ducassou D, Basse-Cathalinat B, Charpak G. Optimization of a
new scintillation gas detector used to localize electrons emitted by 99mTc. J Nucl Med 1999 ; 40 :
868-75.
5 Dubousset J, Charpak G, Dorion I et al. A new 2D and 3D imaging approach to musculoskeletal
physiology and pathology with low-dose radiation and the standing position: the EOS system. Bull
Acad Nat Méd 2005 ; 189 : 287-97, discussion 297-300.
6 Dubousset J, Charpak G, Skalli W, Kalifa G, Lazennec JY. Système EOS : la radiographie de la tête
aux pieds face et profil simultanés à très basses doses de radiations. Rev Chir Orthop Reparatrice
Appar Mot 2007 ; 93(6 Suppl) : 141-3.
7 Schwab FJ, Farcy JP, Roye DP Jr. The sagittal pelvic tilt index as a criterion in the evaluation of
spondylolisthesis. Preliminary observations. Spine 1997 ; 22 : 1661-7.
Partie II
Rachis traumatique
57

5
Rachis cervical et rugby
Y. Bohu1,2, H. Pascal-Moussellard2, Y. Catonné2
1
Centre médico-chirurgical Paris V, 36, boulevard Saint-Marcel,
75005 Paris ; 2Service du Pr Y. Catonné, chirurgie orthopédique et traumatologie du sport,
Groupe hospitalier de la Pitié Salpêtrière, 47-83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13

Introduction
La connaissance de la traumatologie du rugbyman évolue dans le même temps
que le rugby se développe au sein de notre société. Nous avons désormais des
études prospectives de grande échelle, organisées et développées par l'encadre-
ment médical des fédérations.
Les traumatismes du rachis cervical associent deux aspects : le premier est le
risque de tétraplégie consécutive à un traumatisme aigu et le second celui de
dégénérescence arthrosique précoce par microtraumatismes répétés. Ces deux
risques sont dus à des phases de jeu spécifiques du rugby qui engagent des
contraintes sur le rachis cervical (plaquage, mêlée).
Nous présentons l'état des connaissances actuelles illustré d'exemples cliniques
issus de notre pratique.

Traumatisme aigu
Historique de la description des traumatismes du rachis
cervical au rugby
Les premières descriptions des accidents du rachis cervical liés à la pratique du
rugby datent des années 1970. Les premiers éditoriaux de pays anglophones
voulaient sensibiliser l'opinion publique sur ce jeu rugueux et pourvoyeur de
phases de combat potentiellement dangereuses [1].
Aux États-Unis, Torg et al. [2, 3] ont été les précurseurs des travaux sur le
rachis cervical et le sport. Ils ont décrit et développé un facteur de risque, un indice

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
58 Rachis traumatique

radiologique, corrélé à des tétraplégies transitoires au cours de la pratique d'un


sport de contact, le football américain. Cet indice radiologique, rapport canal/
corps vertébral (figure 5.1), a évolué et n'est plus un facteur prédictif suffisant de
traumatisme aigu. Ces travaux concordent avec la création de registres nationaux
des traumatisés médullaires [3]. Depuis 1974, le National Spinal Cord Injury
Statistical Center (NSCISC) enregistre tous les accidents médullaires sur treize
centres américains et permet l'accès à sa base de données statistiques sur les
causes, les coûts, l'évolution médicale et sociale des blessés [4].
Les nations majeures du rugby ont réalisé les premiers travaux : Afrique du
Sud, Angleterre et Nouvelle-Zélande. Les premiers articles impliquent le plaquage
et la mêlée [5, 6]. L'incidence, la gravité, les mécanismes exacts n'étaient pas
rapportés. Ensuite, de nombreuses études rétrospectives concernant les accidents
graves vont se succéder. Scher [7-10], en Afrique du Sud, suit l'évolution des
accidents depuis 20 ans. Quarrie et al. [11] en Nouvelle-Zélande traitent toute
l'épidémiologie du rugby. Ces auteurs constatent une modification des circons-
tances de survenue des blessures après une prise de conscience du nombre d'acci-
dents sur mêlée et la mise en place de mesures de prévention. Berry et al. [12] en
Australie constatent également une efficacité des mesures préventives. Secin et al.
[13] en Argentine collectent 18 cas de tétraplégie sur une période de 20 ans.

[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 5.1. Indice radiologique de Torg : pathologique si < 0,8.


Rachis cervical et rugby 59

Onze phases de jeu concernent les mêlées. Neuf joueurs sont des talonneurs.
Quatorze des 18 blessés sont des avants. Le tableau 5.1 récapitule les chiffres
donnés par les différentes études. L'ensemble de ces travaux donne une descrip-
tion des mécanismes traumatiques des accidents engendrant des tétraplégies :
 phase de jeu : mêlée dans 8 cas sur 10 ;
 postes concernés : les premières lignes dans 7 cas sur 10 ;
 match en compétition dans 7 cas sur 10 ;
 période de la saison : le début et la reprise ;
 catégorie : les seniors.
Plus récemment, les règles ont évolué pour protéger les joueurs en phase de
mêlée et de plaquage. La phase de mêlée ordonnée a été modifiée. Elle se fait en
quatre temps sous le contrôle de l'arbitre. Shelly et al. [14], en Irlande, rapportent
12 cas de tétraplégie entre 1995 et 2004 dont 8 sur phase de plaquage, impliquant
pour 9 cas sur 12 des postes d'arrière.
En France, depuis la saison 1999-2000, la licence est assortie d'une non-contre-
indication spécifique aux joueurs de première ligne. La poussée en mêlée est
limitée à 1,50 m en catégorie amateur. Les plaquages à caractères dangereux
ont été interdits, comme la projection au sol du joueur plaqué (« spear-tackle »,
en fer de lance) ou le plaquage au-dessus des épaules. Les études qui ont suivi ces
modifications de règles montrent une diminution des accidents graves. Depuis
août 1995, le rugby est devenu un sport professionnel. L'augmentation du rythme
et celle du nombre d'entraînements s'accompagnent d'une croissance du nombre
de blessures [15]. Des études épidémiologiques se sont multipliées pour évaluer et
diminuer le coût lié à ces accidents par la volonté commune des assureurs et des
employeurs. Une étude prospective sur une période de deux saisons du cham-
pionnat professionnel anglais (12 clubs et 546 joueurs) apporte quelques données
qualitatives sur les traumatismes du rachis [16]. L'incidence des lésions était de
10,90 pour 1 000 heures de match et de 0,37 pour 1 000 heures d'entraînement.
Il n'y a eu aucune lésion médullaire grave. Trois joueurs ont dû mettre un terme
à leur carrière en raison d'une blessure. Les avants étaient plus touchés que les
arrières que ce soit en match (p < 0,01) ou à l'entraînement (p = 0,02) ;
4 037 jours d'arrêt étaient dus à ce type de blessure. La phase de jeu la plus
pourvoyeuse de lésions est le plaquage (37 %). Des atteintes nerveuses
périphériques ont causé 15 % des arrêts, soit 621 jours.

TABLEAU 5.1. Incidence des tétraplégies par pays par an


(D'après Paul T Haylen. Spinal injuries in rugby union, 1970–2003: lessons and responsibili-
ties. MJA 2004 ; 181 : 48-50)
1976–1986 1986–1996 1986–2000
Angleterre 4,5 1,4
Afrique du sud 8,7
Australie 3,1 2,8
France 3,6 5 7,2
Nouvelle-Zélande 8,3
60 Rachis traumatique

Tous ces différents travaux sur le rachis cervical et le rugby aboutissent


à quelques conclusions communes :
 la nécessité de créer un registre national et international pour suivre l'évolution
des blessés ;
 l'élaboration de mesures préventives (modification des règles, préparation des
postes à risques), leur application et leur évaluation.

Études épidémiologiques de la Fédération


française de rugby
Les études françaises en cours, dirigées par l'auteur, dans le cadre du programme
de prévention de la Fédération française de rugby (FFR) appelé « défi rachis »,
apportent les premières données épidémiologiques françaises [17]. Le projet se
développe en deux études.
La première étude est prospective. Cette première enquête d'incidence a recensé
de manière exhaustive tous les traumatismes cervicaux, quel que soit le degré de
gravité au cours de la saison 2006-2007. Le recueil de données s'est fait à partir
des déclarations d'accident de l'assureur de la FFR. La base de données de
l'assureur a recueilli toutes les déclarations des accidents dans le cadre défini
par la FFR. Au cours d'une saison, il y a eu 16 000 accidents déclarés pour le
rugby dont 5 % (800 cas) concernaient le rachis cervical. Cette étude a inclus 80
à 110 cas par mois.
Nous avons retrouvé quatre diagnostics principaux par ordre de gravité
croissante :
 57 % de contusions musculaires, le plus souvent associées à d'autres trauma-
tismes (notamment maxillo-faciale et scapulaire) ;
 38 % d'entorses bénignes, avec un bilan radiologique normal, traitées par un
arrêt sportif de 10 jours, de la physiothérapie et un port de collier antalgique ;
 1 % d'entorses graves ;
 4 % de lésions disco-ligamentaires ou osseuses, luxations, hernies discales et
fractures.
Parmi toutes ces lésions, 10 % associaient des signes neurologiques :
névralgies cervicobrachiales, diplégies brachiales, paraparésies ou paraplégies,
tétraparésies ou tétraplégies, symptômes transitoires ou définitifs.
Cinq patients ont présenté des lésions médullaires graves : un patient est décédé
au 15e jour en réanimation, deux ont récupéré rapidement sur le plan neurolo-
gique et deux ont un pronostic sévère.
Les symptômes associant névralgies cervicobrachiales transitoires et trauma-
tisme cervical doivent être différenciés des compressions du plexus brachial par
traumatisme scapulaire direct, appelé « burning-hand syndrom », très fréquent
au cours de la pratique du rugby, notamment lors des phases de plaquage.
La deuxième étude du projet de la FFR est rétrospective. Cette étude
épidémiologique descriptive rétrospective pour la période 1994-2005 avait pour
but de décrire les accidents du rachis cervical ayant entraîné des lésions
médullaires graves et d'ouvrir un registre des accidentés médullaires du rugby
Rachis cervical et rugby 61
[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 5.2. Incidence des blessés médullaires en France entre 1995/96 et 2005/06.

afin d'améliorer la compréhension des mécanismes lésionnels et la prise en charge


de ces patients. Les accidents graves ont été étudiés sur une période de 10 saisons,
de 1995/1996 à 2005/2006 (figure 5.2).
Les critères d'inclusion ont été : tous les traumatismes du rachis cervical ayant
entraîné des lésions médullaires graves, de tous âges, de toutes catégories. Les
patients ont été recensés à partir des différentes sources possibles (fondation
Ferrasse, Association rugby espoir solidarité, l'assurance GMF). Les données
ont été recueillies auprès des patients à l'aide d'un questionnaire.
Les critères principaux étudiés sont récapitulés sur le tableau 5.2 : l'âge, le
poste occupé, le mécanisme traumatique, la phase de jeu, la catégorie, le diag-
nostic, le déficit neurologique initial et la récupération, le type de traitement
chirurgical, le statut social (professionnel et familial) et une évaluation subjective
de la qualité de vie.
Vingt-deux patients ont été revus directement, 11 contactés par téléphone, cinq
d'après leur dossier médical et un perdu de vue.
Les résultats de l'étude : 39 cas (tous de sexe masculin) ont été répertoriés, dont
28 avant 2000 et 11 après. L'âge moyen était de 25,4 ans. Les catégories senior,
junior, cadet et minime représentaient respectivement 68, 23, 3 et 3 %. Les phases
de jeu suivantes : la mêlée, le plaquage, les mauls, les phases de contact et les rucks
représentaient respectivement 50, 13, 13, 10 et 8 % des accidents. En mêlée, les
accidents sont survenus soit à l'entrée par défaut de positionnement ou d'attention,
soit après effondrement de celle-ci. Les blessés étaient des avants dans 89,7 % des
cas et des joueurs de première ligne dans 56 % des cas. Le mécanisme comportait
une hyperflexion dans 70 % des cas (isolée ou associée à une rotation forcée).
Les diagnostics ont été : 2 entorses graves, 13 luxations, 7 fractures-luxations,
62
TABLEAU 5.2. Caractéristiques des 39 blessés médullaires entre 1995/96 et 2005/06
N° AGE SEASON USUAL INJURIED phase of CATEGORY DIAGNOSIS neurological neurological AUTONOMY
position poilton game initial status outcome

Rachis traumatique
1 19 2005 second row second row tackle junior unknown unknown unknown unknown
2 20 2005 hocker hocker scrum junior unknown unknown unknown unknown
3 31 2005 hocker hocker scrum senior C4-C5 D C5 tetraplegia uncomplete crutch
4 19 2004 hocker hocker maul junior C4-C5 D C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
5 27 2004 second row second row maul senior C3-C4 DF C4 tetraplegia uncomplete crutch
6 29 2003 fly half fly half contact senior C5-C6 DF T2 tetraparesia uncomplete walking
7 34 2003 third row third now line out senior C6-C7 D C7 hemiparesia uncomplete walking
8 36 2003 third row third now maul senior C3-C4 DH C4 tetraplegia uncomplete crutch
9 25 2002 hocker hocker scrum senior C4-C5 D C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
10 25 2001 centre centre unknown senior unknown unknown unknown unknown
11 16 2001 third row third now ruck junior C4-C5 D C4 tetraplegia none wheelchair
12 18 2000 third row prop scrum junior C5-C6 D C6 tetraplegia uncomplete wheelchair
13 20 2000 third row hocker scrum junior C5-C6 D C5 tetraplegia none wheelchair
14 20 2000 hocker hocker scrum junior C4-C5 DH C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
15 36 2000 third row third now maul senior medullar C5 tetraplegia uncomplete deambulator
bruise C4
16 35 1999 third row third now tackle senior C5-C6 DH C5 tetraplegia complete walking
17 26 1999 second row second row tackle senior medullar C4 tetraplegia uncomplete walking
bruise C4
18 17 1999 third row third now ruck junior C3-C4 HD C4 tetraplegia uncomplete crutch
19 15 1998 scrum half scrum half contact minime C4-C5 DF C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
TABLEAU 5.2. Caractéristiques des 39 blessés médullaires entre 1995/96 et 2005/06 (suite)
N° AGE SEASON USUAL INJURIED phase of CATEGORY DIAGNOSIS neurological neurological AUTONOMY
position poilton game initial status outcome
20 21 1998 third row prop scrum junior C4-C5 DF C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
21 30 1998 prop prop scrum senior C4-C5 DF C5 tetraplegia uncomplete wheelchair
22 24 1998 hocker hocker scrum senior C5-C6 F C5 tetraplegia uncomplete crutch
23 18 1998 second row second row contact junior C3-C4 S C5 tetraplegia complete walking
24 18 1998 hocker hocker scrum junior C5-C6 D C5 tetraplegia none wheelchair
25 30 1997 hocker hocker scrum senior C3-C4 D C4 tetraplegia none wheelchair
26 16 1997 third row third now contact cadet C4-C5 DF C5 tetraplegia uncomplete wheelchair
27 33 1997 prop prop scrum senior C4-C5 D C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
28 29 1997 hocker hocker scrum senior C5-C6 DF C5 tetraplegia uncomplete wheelchair
29 30 1997 hocker hocker scrum senior C5-C6 DF C5 tetraplegia none wheelchair
30 25 1997 prop prop scrum senior C2-C3 S C4 tetraplegia uncomplete wheelchair
31 22 1997 hocker prop scrum senior C5-C6 DF C6 tetraplegia uncomplete wheelchair
32 18 1997 third row third now maul junior C4-C5 DF C4 tetraplegia none wheelchair

Rachis cervical et rugby


33 28 1996 prop prop scrum senior D10-D11 DH D12 paraplegia none wheelchair
34 32 1996 second row second row tackle senior medullar cone L1 paraparesia complete walking
bruise
35 21 1996 hocker hocker scrum senior C5-C6 D C7 tetraplegia none wheelchair
36 30 1996 fly half fly half tackle senior C6-C7 D C5 tetraplegia uncomplete wheelchair
37 40 1996 prop crop scrum senior C5-C6 D C7 tetraplegia complete walking
38 27 1996 hocker hocker ruck senior C4-C5 DF C5 tetraplegia uncomplete crutch
39 28 1996 hocker hocker scrum senior C5-C6 D C6 tetraparesia uncomplete walking

63
64 Rachis traumatique

5 hernies discales et 2 contusions médullaires. Il y a eu 30 tétraplégies


complètes initialement. Trente-sept patients ont été opérés. Le niveau lésionnel
était le rachis cervical inférieur dans 37 cas, le niveau thoracique dans 1 cas et
lombaire dans 1 cas. La durée totale cumulée d'hospitalisation a été en moyenne
de 13 mois.
Ce projet, précurseur en France, décrit l'épidémiologie des traumatismes du
rachis cervical et a pour but d'aboutir à un registre des blessés médullaires du
rugby, d'énoncer l'incidence de ces lésions et de proposer des mesures de
prévention.

Risque d'arthrose cervicale précoce lié


à la pratique du rugby
Le faible nombre de travaux s'explique par la difficulté de la population à étudier.
Il est nécessaire d'analyser les éléments cliniques et radiologiques de rachis cervi-
cal en rapport avec l'activité sportive. L'échantillon représentatif idéal serait
constitué d'anciens joueurs, revus après plusieurs années d'arrêt de leur sport.
Il n'existe pas d'études cliniques prospectives randomisées comparant une
population d'anciens joueurs à une population témoin. Mais des études sur
modèle animal ont montré que des lésions dégénératives étaient la conséquence
d'une sollicitation mécanique de faible intensité mais répétée. Des modèles de
rachis cervicaux ont été soumis à des cycles de flexion-extension, correspondant
à des microtraumatismes répétés, et ont présenté des lésions dégénératives
précoces avec des ostéophytes, des discopathies étagées et des signes d'arthrose
interapophysaire postérieure sur le rachis cervical [18].
Berge et al. [19] et Marque [20] ont apporté des réponses sur l'évolution
dégénérative précoce d'une population de joueurs de rugby. Dans une série
de 47 rugbymen versus 40 patients témoins, les auteurs ont comparé des
critères radiographiques et par IRM. Les principales anomalies morphologiques
retrouvées parmi les joueurs seniors et vétérans étaient une ostéosclérose du corps
vertébral ou de l'odontoïde, une dégénérescence de l'articulaire postérieure, des
ostéophytes antérieurs et/ou postérieurs, un espace discal diminué de 50 % et un
canal cervical rétréci. Le diamètre canalaire était significativement diminué entre
les différentes catégories de joueurs et les témoins. Le calibre canalaire diminuait
également avec l'âge. Tous ces résultats montrent que la pratique du rugby
entraîne une dégénérescence précoce du rachis cervical avec des lésions arthrosi-
ques inhabituelles pour l'âge. Mais il n'y a pas d'étude chez le rugbyman qui
établisse une corrélation directe entre ces anomalies radiologiques et des
conséquences cliniques. La principale question qui reste en suspens est le risque
pour un joueur de rugby de développer une myélopathie cervicarthrosique après
l'arrêt de sa carrière de joueur. Yue et al. [21] donnent la probabilité d'évolution
d'un patient vers une myélopathie selon l'âge et l'indice de Torg du patient. Ces
auteurs mettent en corrélation le risque de myélopathie cervicarthrosique et une
sténose canalaire mesurée par cet indice.
Rachis cervical et rugby 65

Recommandations en pratique courante


Prévention primaire : certificat préalable
à la pratique du rugby
La situation la plus courante du médecin du sport est la rédaction du certificat de
non-contre-indication à la pratique du rugby. L'examen du rachis cervical est l'un
des éléments essentiels. Le joueur doit être indemne de tout signe fonctionnel avec
absence de raideur, de douleur, d'instabilité. L'examen neurologique doit être
normal. On peut recommander la recherche d'une pathologie rachidienne contre
indiquant la pratique d'un sport de contact. C'est dans ce cadre que l'on mesure le
canal cervical (figure 5.3). Pour les joueurs de première ligne, une IRM est
recommandée et obligatoire pour l'entrée en filière de haut niveau. Les cas difficiles
sont étudiés en commission d'experts. La licence est assortie d'une non-contre-
indication à jouer en première ligne. On reconnaît une aptitude spécifique au poste
de première sur ce « passeport-rugby » (figure 5.4).

Prévention secondaire : conduite à tenir


après un traumatisme
La prise en charge de la suspicion ou de la présence de lésions cervicales se fait en
milieu spécialisé. La gravité de la lésion conditionne le délai de prise en charge.
[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 5.3. Mesure du diamètre sagittal du canal cervical, rapport anatomoradiologique.


66 Rachis traumatique

[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 5.4. « Passeport-rugby » : certificat de non-contre-indication à jouer en première


ligne et au rugby.

Une tétraplégie post-traumatique transitoire ou permanente nécessite un trans-


port médicalisé urgent vers un centre de référence. Une cervicalgie avec légère
raideur après un plaquage à faible cinétique nécessite une consultation dans la
semaine avec un orthopédiste après consultation aux urgences. Les critères de
reprise du rugby après une lésion du rachis cervical ne sont pas consensuels et
clairement définis, source de controverses dans la littérature [22-26]. Cependant,
la reprise ne peut s'envisager qu'après un retour des capacités physiques ad
Rachis cervical et rugby 67
[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 5.4. (suite)


Voir légende page précédente.

integrum. Encore une fois, le patient doit être indemne de tout signe fonctionnel,
et avoir un examen physique normal. Dans le cas de lésions neurologiques
périphériques, un examen électromyographique est recommandé pour confirmer
la récupération neurologique. Si le patient a été opéré, l'avis du chirurgien
spécialisé est nécessaire pour confirmer la consolidation définitive.
Trois situations sont à distinguer : contre-indication absolue, absence de
contre-indication et contre-indication relative (figures 5.5 et 5.6). En pratique,
68 Rachis traumatique

[(Figure_5)TD$IG]

FIGURE 5.5. Retour au jeu, absence de contre-indication.

il faut retenir qu'une hernie discale guérie, une fracture non déplacée, stable (ou
stabilisée après intervention) ou un seul niveau de fusion ne sont pas une contre-
indication. En revanche, une raideur, une douleur, une instabilité clinique ou
radiologique, une fusion C1-C2 ou de plusieurs niveaux, une fracture non
consolidée ou instable, une hernie non guérie, des signes neurologiques sont des
contre-indications absolues à la reprise du rugby.

Cas cliniques
Le premier dossier a été choisi pour illustrer le cas particulier des traumatismes sur
canal cervical étroit, les particularités diagnostiques et thérapeutiques de sa prise
en charge. Le deuxième exemple reflète parfaitement le cas d'un accident grave :

[(Figure_6)TD$IG]

FIGURE 5.6. Retour au jeu, contre-indication absolue.


Rachis cervical et rugby 69

un joueur de première ligne, au cours d'une mêlée, présente une tétraplégie


complète par fracture luxation du rachis cervical inférieur. Le troisième soulève
les conditions de reprise du sport à la suite d'une intervention sur le rachis cervical.

1er cas : contusion médullaire sur canal cervical étroit


Un joueur de 23 ans, évoluant en deuxième division amateur, jouant en 2e ligne,
est percuté sans ballon dans le dos, par un défenseur en cours de jeu. Il rapporte
une hyperextension brutale du rachis cervical. Le blessé s'écroule, conscient,
paralysé des quatre membres. Il récupère partiellement au cours des 12
premières heures, d'abord aux membres inférieurs puis aux membres
supérieurs, la force motrice puis la sensibilité, sans anomalie sphinctérienne. Il
persiste des parésies brachiales bilatérales mais asymétriques. Il n'est pas opéré.
Les radiographies et la tomodensitométrie (TDM) ne retrouvent aucune anomalie
structurale osseuse statique ou dynamique. L'IRM montre une contusion
médullaire de niveau C4-C5-C6 sur un canal médullaire étroit congénital. Le
patient est surveillé en milieu chirurgical pendant quelques jours, puis transféré
en centre de rééducation. Le diagnostic retenu est un traumatisme médullaire aigu
sur canal cervical étroit. Il s'agit d'une cause de tétraplégie rare mais grave sur un
terrain particulier. Un canal cervical étroit est un facteur de risque de lésions
médullaires graves pour des traumatismes à faible cinétique, en hyperextension.
Ces lésions ont été isolées par Pascal-Mousselard parmi les lésions traumatiques
du rachis cervical au cours du symposium de la Société française de chirurgie
orthopédique et traumatologique 2001 [27]. Ce cas clinique inciterait au
dépistage individuel des canaux cervicaux chez le rugbyman par une IRM cervi-
cale. Mais sur 49 cas de tétraplégies au cours de la pratique du rugby en 12 ans en
France, deux seulement sont directement liés à un canal cervical étroit. Cette faible
incidence justifie-t-elle un dépistage systématique ? La contre-indication à la pra-
tique d'un sport de contact en cas de canal cervical étroit asymptomatique reste
controversée [23,25, 28]. En pratique, en cas de sténose visible à l'IRM, il faut
réaliser des radios et une IRM dynamiques pour évaluer la réserve fonctionnelle,
c'est-à-dire la présence de LCR en flexion et extension. Une commission nationale
d'experts sera consultée en cas de difficulté.

2e cas : fracture luxation C5-C6


Un joueur de 21 ans, évoluant en division d'honneur au poste de talonneur
s'écroule après une entrée en mêlée. Il s'agit de la cinquième mêlée de suite, son
pilier droit n'est pas en position d'engagement, tandis que lui et son pilier gauche
sont rentrés en mêlée. Il a été percuté par la première ligne adverse alors qu'il
n'était pas prêt. Son cou a été comprimé en flexion rotation sur le côté droit. Il a
entendu un craquement et a ressenti une brûlure dans les quatre membres. Il a
présenté une tétraplégie incomplète de niveau C5. Les examens radiographiques
et scanographiques ont révélé une luxation bi-articulaire C4-C5 (figure 5.7). Il a
été opéré dans les 6 heures suivant l'accident dans un centre spécialisé de chirurgie
du rachis : réduction par voie postérieure de la luxation et ostéosynthèse par
70 Rachis traumatique

[(Figure_7)TD$IG]

FIGURE 5.7. Luxation bi-articulaire C4-C5 : coupe sagittale de TDM.

plaque de Roy-Camille de l'étage cervical C4-C5. Il a porté une minerve pendant 3


mois. La récupération s'est faite progressivement et partiellement pendant son
hospitalisation en centre de rééducation spécialisé. Son retour à domicile a été
réalisé 14 mois après l'accident, avec des aménagements de l'habitat et des aides
quotidiennes (auxiliaire de vie, kinésithérapie). Il marche avec des béquilles, se
déplace en voiture aménagée. Il est autonome pour les besoins quotidiens. Il n'a
pas pu reprendre son activité professionnelle.

3e cas : hernie discale cervicale post-traumatique


Un joueur de 21 ans, troisième ligne de niveau national, présente une cervicalgie
sur un plaquage. Sans antécédent, il consulte ensuite pour une raideur cervicale
résiduelle, associée à des névralgies cervicobrachiales dans le territoire de C6-C7.
Une IRM retrouve une hernie discale C6-C7, protruse, paramédiane,
homolatérale aux symptômes. Le diagnostic retenu est une névralgie cervicobra-
chiale par hernie discale traumatique. La pratique du rugby lui est alors contre-
indiquée. Il bénéficie d'une discectomie et arthodèse antérieure instrumentée avec
greffon iliaque. À 6 mois de son intervention, il est asymptomatique, ses mobilités
sont normales, la greffe est consolidée. Il a donc l'autorisation de rejouer.

Conclusion
Les traumatismes du rachis cervical au rugby sont fréquents. Ce sport de contact
propose des situations de jeu spécifiques, la mêlée et le plaquage, qui mettent en
contrainte le rachis cervical. Les accidents médullaires sont cependant exception-
nels par rapport à la fréquence des situations traumatisantes. Mais leur coût
humain et social est très élevé. Ils constituent une préoccupation de la Fédération
française de rugby et les efforts de prévention ont montré leur efficacité.
Rachis cervical et rugby 71

Une approche globale de ces accidents est en cours de développement. À partir de


l'expérience des autres nations du rugby et de nos travaux épidémiologiques, la
FFR aménage les règles, améliore la formation des arbitres et des éducateurs,
développe des outils de recherche fondamentale dans le but de protéger ses joueurs.
Cependant, le risque de dégénérescence arthrosique précoce du rachis cervical
des joueurs de rugby est reste encore peu connu. L'évolution vers une myélopathie
cervicarthrosique secondaire, notamment pour les joueurs de première ligne, reste
à déterminer.

Références
1 Cervical spine injuries and Rugby Union. The Lancet 1984 ; 19 : 1108.
2 Torg JS, Pavlov H, Genuario SE et al. Neurapraxia of the cervical spinal cord with transient
quadriplegia. J Bone Joint Surg 1986 ; 68A : 1354-70.
3 Torg JS, Vegso JJ, Sennett B, Das M. The National Football Head and Neck Injury Registry. 14-
year report on cervical quadriplegia, 1971 through 1984. JAMA 1985 ; 254 : 3439-43.
4 National Spinal Cord Injury Statistical Center. University of Alabama. www.NSCIC.org.
5 Scher AT. Rugby injuries to the cervical cord. S Afr Med J 1977 ; 51 : 473-5.
6 Silver JR. Injuries of the spine sustained in rugby. Br Med J 1984 ; 288 : 37-43.
7 Scher AT. Rugby injuries to the cervical spine and spinal cord: a 10-year review. Clin Sports Med
1998 ; 17 : 195-206.
8 Scher AT. Spinal cord concussion in rugby players. Am J Sports Med 1991 ; 19 : 485-8.
9 Scher AT. Catastrophic rugby injuries of the spinal cord: changing patterns of injury. Br J Sports
Med 1991 ; 25 : 57-60.
10 Scher AT. Rugby injuries of the spine and spinal cord. Clin Sports Med 1987 ; 6 : 87-99.
11 Quarrie KL, Cantu RC, Chalmers DJ. Rugby union injuries to the cervical spine and spinal cord.
Sports Med 2002 ; 32 : 633-53.
12 Berry JG, Harrison JE, Yeo JD, Cripps RA, Stephenson SC. Cervical spinal cord injury in rugby
union and rugby league: are incidence rates declining in NSW ? Aust N Z J Public Health 2006 ;
30 : 268-74.
13 Secin FP, Poggi EJ, Luzuriaga F, Laffaye HA. Disabling injuries of the cervical spine in Argentine
rugby over the last 20 years. Br J Sports Med 1999 ; 33 : 33-6.
14 Shelly MJ, Butler JS, Timlin M, Walsh MG, Poynton AR, O'Byrne JM. Spinal injuries in Irish
rugby: a ten-year review. J Bone Joint Surg Br 2006 ; 88 : 771-5.
15 Garraway WM, Lee AJ, Hutton SJ, Russell EB, Macleod DA. Impact of professionalism on
injuries in rugby union. Br J Sports Med 2000 ; 34 : 348-51.
16 Fuller CW, Brooks JH, Kemp SP. Spinal injuries in professional rugby union: a prospective
cohort study. Clin J Sport Med 2007 ; 17 : 10-6.
17 Bohu Y, Julia M, Bagate JC. Congrès annuel de la Fédération Française de Rugby : rapport
annuel de la commission médicale 2007.
18 Wada E, Ebara S, Saito S, Ono K. Experimental spondylosis in the rabbit spine. Overuse could
accelerate the spondylosis. Spine 1992 ; 17(Suppl) : S1-6.
19 Marque B. Etude par IRM du rachis cervical des joueurs et anciens joueurs de rugby. Thèse de
Médecine, 1993, Bordeaux.
20 Berge J, Marque B, Vital JM, Senegas J, Caille JM. Age-related changes in the cervical spines of
front-line rugby players. Am J Sports Med 1999 ; 27 : 422-9.
21 Yue WM, Tan SB, Tan MH, Koh DC, Tan CT. The Torg-Pavlov ratio in cervical spondylotic
myelopathy: a comparative study between patients with cervical spondylotic myelopathy and a
nonspondylotic, nonmyelopathic population. Spine 2001 ; 26 : 1760-4.
22 White AA, Johnson RM, Panjabi MM, et al. Biomechanical analysis of clinical stability in
cervical spine. Clin Orthop 1975 ; 109 : 85-6.
23 Torg JS, Glasgow SG. Criteria for return to contact activities following cervical spine injury. Clin
J Sport Med 1991 ; 1 : 12-26.
72 Rachis traumatique

24 Cantu RC. Functional cervical spinal stenosis: a contraindication to participation in contact


sports. Med Sci Sports Exerc 1993 ; 25 : 316-7.
25 Cantu RC. The cervical spinal stenosis controversy. Clin Sports Med 1998 ; 17 : 121-6.
26 Cantu RV, Cantu RC. Current thinking: return to play and transient quadriplegia. Curr Sports
Med Rep 2005 ; 4 : 27-32.
27 Pascal-Mousselard H, Heyman D, Ribeyre D, Delattre O, Rouvillain JL, Catonné Y.
Traumatisme du rachis cervical sur canal cervical étroit. Rev Chir Ortho 2002 ; 88 : 147-50.
28 Cantu RC, Bailes JE, Wilberger JE Jr. Guidelines for return to contact or collision sport after a
cervical spine injury. Clin Sports Med 1998 ; 17 : 137-46.
73

6
Football et rachis lombaire
P. Vautravers, C. Blaes, M.-E. Isner
Service de médecine physique et de réadaptation, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg,
1, avenue Molière, 67098 Strasbourg cedex

Introduction
Les rachialgies, en particulier les lombalgies, sont classiquement corrélées à une
activité physique insuffisante. Une activité modérée, de type loisir, épargne ces
douleurs. En revanche, une pratique intense, de type compétition, augmente le
risque, plus particulièrement dans certaines activités sportives [1-3]. Toutefois, de
nombreux paramètres doivent être pris en compte avant d'imputer la lombalgie
à la pratique du sport (contexte – examen clinique – type et niveau de pratique –
ancienneté...) [4].
Les sports les plus fréquemment responsables de rachialgies sont : la gymnas-
tique [2], la lutte, le football américain, le rugby, les sports de combat, le volley, le
tennis, l'haltérophilie. Les atteintes rachidiennes survenant lors de la pratique du
football (soccer) sont rares et ne représentaient, en 1987, que 2 % des accidents
déclarés aux Assurances mutuelles nationales des Sports ; 70 % des cas étaient
des lombalgies [5].
Dans près de la moitié des cas, une agression mécanique aiguë, un macro-
traumatisme, sont retrouvés. Les microtraumatismes, le « surmenage », l'hyper-
sollicitation du rachis par des gestes sportifs agressifs et répétés se conjuguent très
souvent aux macrotraumatismes.
Les médecins se doivent impérativement de détecter les étiologies organiques,
viscérales et les symptômes en rapport avec une infection, une tumeur, une
pelvispondylite rhumatismale : 20 % de ces dernières débutant avant l'âge de
20 ans. C'est la raison pour laquelle un examen clinique médical et minutieux doit
être systématiquement réalisé. Au cours de cet examen (détaillé dans un autre
chapitre de l'ouvrage) doivent être mis en exergue l'interrogatoire permettant de
préciser les caractéristiques de la douleur ressentie par le patient, l'examen de la

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
74 Rachis traumatique

statique afin d'apprécier les éventuelles déviations rachidiennes mais surtout le


morphotype du sportif avec prédominance de « chaînes musculaires » en exten-
sion ou en flexion [6] ; l'examen est complété par un examen spécifique, palpa-
toire, du rachis, de la peau, des muscles, des crêtes osseuses selon Robert Maigne
[7], Travell et Simons [8]. L'examen médical ne saurait être complet sans la
recherche de signes dure-mériens, l'appréciation de l'état neuro-orthopédique
des membres inférieurs, l'existence de rétractions musculaires et l'examen podos-
copique. En cas de pathologie prolongée, un examen postural doit permettre au
thérapeute de démasquer la logique des adaptations posturales pathologiques [9].
Enfin, il n'est pas inutile de penser à rechercher des foyers dentaires infectieux ou
irritatifs qui seraient susceptibles de provoquer, pour certains, des troubles
à distance [10]. L'examen clinique général (température, palpation et ausculta-
tion abdominale, palpation des fosses lombaires et des aires ganglionnaires, etc.)
doit être réalisé au moindre doute [11].

Étiologies
Maladie de Scheuermann
La maladie de Scheuermann qui affecte 20 % de la population générale, est
indiscutablement favorisée par l'activité physique [12]. La scoliose, la lyse isth-
mique constatée, selon les auteurs, chez 30 à 60 % de certains sportifs [13] ainsi
que le spondylolisthésis, qui sont autant d'affections susceptibles de déclencher
des rachialgies, sont développés dans d'autres chapitres de cet ouvrage.

Discopathies lombaires
Mise à part l'avulsion du listel marginal postérieur chez l'adolescent, les discopa-
thies protrusives lombaires ne sont pas plus fréquentes chez les adultes pratiquant
la plupart des sports de loisir ou de compétition [14]. Toutefois, la fréquence des
signes radiologiques lombaires et IRM de dégénérescence discale est plus élevée
chez certains sportifs que dans la population générale [15]. Les anomalies
retrouvées sont corrélées à l'âge, le niveau et l'ancienneté de la pratique
notamment en compétition, la durée d'entraînement hebdomadaire... [2, 3].
Des tentatives de recherche d'apparition de modifications radiographiques du
rachis lombaire commencent à être réalisées chez les footballeurs, en fonction de
leur ancienneté et de leur poste sur le terrain de jeu [16].
Chez l'adulte jeune, la discopathie protrusive avec fissure de l'annulus et
migration plus ou moins importante du nucléus se traduit cliniquement par un
tableau de lumbago, « d'entorse » discale, voire de radiculalgie. Le sportif
vétéran présente plutôt une discopathie avec insuffisance discale responsable
d'un tableau douloureux postural et chronique.
Le traitement n'est pas spécifique au milieu sportif. L'arrêt de l'activité doit
être limité dans le temps, associé à la prise d'antalgiques et d'anti-inflammatoires
non stéroïdiens. Les infiltrations péridurales, les manipulations vertébrales sont
Football et rachis lombaire 75

un apport intéressant de même, dans certaines structures, que les tractions


lombaires.
L'immobilisation courte dans un corset en résine associée à une rééducation
précoce peut permettre la reprise plus rapide de l'activité sportive. Une reprise
trop précoce conduit le plus souvent à la persistance de douleurs lors de la
pratique de certains sports [17]. Chez le vétéran, la discopathie peut entraîner
l'arrêt de l'activité ou, tout du moins, une diversification ou une réorientation.
Dans la plupart des sports, en particulier le football, Bloesch et Chantraine en
1995 [18] constataient qu'aucun diagnostic étiologique ne pouvait être établi
dans 85 % des cas : ni discopathie herniaire ou insuffisance discale, ni lyse
isthmique. En pratique sportive quotidienne, les lombalgies dites communes
mécaniques sont très souvent multifactorielles, objet d'aucune déclaration
auprès des assurances ni de publications. Même les consultations sont rares en
dehors des sportifs de haut niveau.

Hypothèses pathogéniques
Ainsi, sont élaborées de très nombreuses hypothèses étiopathogéniques, à l'instar
des tentatives scientifiques actuelles de détermination de « sous-groupes » dans le
domaine des lombalgies de la population générale [19]. En pratique quotidienne
sont ainsi évoqués les souffrances discales, interapophysaires postérieures, mus-
culaires, ligamentaires ainsi que les troubles de la posture, les anomalies des sacro-
iliaques, la « bascule » du bassin... Malgré les efforts scientifiques actuels,
aucune théorie n'est encore validée scientifiquement.

Dysfonctionnements intervertébraux mineurs


Parmi celles-ci, les dysfonctionnements intervertébraux mineurs (DIM) d'origine
articulaire postérieure lombaire, dorso-lombaire ou lombo-sacrée, décrites par
Maigne [7], semblent être empiriquement constatées très fréquemment sur le
terrain. Les syndromes myofasciaux [8] ou d'autres pathologies musculaires
(syndrome du muscle piriforme, théorie du strain-counterstrain de Jones, etc.)
sont également évoqués dans le milieu sportif. Ces dérangements ou dysfonction-
nements réagissent très favorablement – et souvent rapidement – aux thérapeutiques
manuelles [20].

Technopathies dans la pratique du football


Ces DIM peuvent être considérés comme de véritables technopathies dans la
pratique du football.

Football (soccer), sport asymétrique


Il comporte de nombreux macrotraumatismes (chutes, collisions, coups, etc.) et
microtraumatismes répétés ; ceux-ci se font en rotation du tronc (shoot, reprise
de volée, entraînement, etc.) et peuvent être responsables d'une dysfonction
76 Rachis traumatique

articulaire postérieure et/ou musculaire de la charnière dorso-lombaire. Les


microtraumatismes en extension (shoot, amorti, tacle, etc.) pourraient provoquer
une souffrance articulaire postérieure lombaire basse et/ou un syndrome
facettaire.
Ces contraintes peuvent survenir sur un rachis préalablement malformé avec
cyphose dorsale, spondylolisthésis préexistants... Elles peuvent également être
exagérées en raison de l'environnement du sportif footballeur : chaussures
à crampons, terrain synthétique, activité professionnelle...
Enfin, le morphotype du footballeur fait l'objet de nombreuses publications. Le
déséquilibre musculaire, statique et/ou dynamique, entre la ceinture musculaire
inférieure, hypertrophiée et la ceinture musculaire supérieure, abdominale, insuf-
fisamment développée, l'athlétisation des membres inférieurs, fait l'objet de nom-
breuses recherches et publications depuis une vingtaine d'années dans la
littérature [21-23]. La force musculaire et l'équilibre voire les dysmorphies ont
été mesurés par de nombreux auteurs en isocinétisme [24]. Toutefois, l'évaluation
par cette méthode, très largement utilisée en pratique courante, est difficile et doit
être interprétée avec prudence en tenant compte du caractère global de
l'évaluation et en étant toujours précédée d'un bilan clinique [25].

Conséquences pathologiques de l'athlétisation


Les conséquences pathologiques de l'athlétisation des membres inférieurs du
footballeur restent controversées. Croisier (26) et d'autres (27) ont montré des
corrélations relativement certaines entre les déséquilibres musculaires des mem-
bres inférieurs et le risque de lésion musculaire à ce niveau. Toutefois, si la plupart
des auteurs ont montré que les footballeurs présentaient un rapport ischio-
jambier/quadriceps (I/Q) supérieur aux témoins, ils ne retrouvent pas de différence
entre le côté dominant et le côté non dominant et les liens avec la pathologie
douloureuse lombaire ne sont pas établis scientifiquement. Dans ce domaine,
l'évaluation isocinétique de la musculature du tronc n'a pas montré de
différences significatives entre les jeunes footballeurs lombalgiques et ceux qui
ne se plaignaient d'aucun symptôme (28).

Hypertrophie des muscles ischio-jambiers


Empiriquement, sur le terrain, l'hypertrophie des muscles ischio-jambiers, mus-
cles explosifs, très courts, peu compliants et hypoextensibles, est souvent respon-
sable d'une pathologie musculo-tendineuse postérieure associée à des rachialgies
musculaires, voire discales. Ces groupes musculaires entrent dans le cadre des
« chaînes musculaires de flexion » rapportées par Busquet [6]. Inversement, le
quadriceps et les adducteurs, muscles puissants et courts font partie de « la chaîne
musculaire d'extension » ; ils sont responsables d'une antéversion du bassin avec
hyperlordose lombaire qui pourrait être associée à un syndrome facettaire
postérieur lombo-sacré.
Enfin, l'insuffisance relative de la ceinture musculaire du tronc assure une
mauvaise protection du rachis, un mauvais freinage des mouvements de rotation
Football et rachis lombaire 77

du tronc par les muscles obliques et favorise ainsi les lombalgies par surmenage
articulaire postérieur ou musculaire au niveau de la charnière dorso-lombaire.
Les pathologies présumées articulaires postérieures, musculaires ou ligamen-
taires sont souvent intriquées et bénignes. Les thérapeutiques manuelles, en par-
ticulier ostéopathiques, sont utiles dans la prise en charge de ces lésions,
à condition de respecter les règles draconiennes d'application – comme chez les
non-sportifs – pour éviter tout accident [29].
La prévention reste fondée idéalement sur l'examen clinique, l'évaluation de la
force musculaire des membres inférieurs par méthode isocinétique, l'apprentis-
sage des étirements musculaires (stretching) de façon précoce, adaptée et simple
ainsi que sur la limitation de la durée de l'entraînement chez les jeunes [30]. Le
renforcement musculaire proprement dit doit être qualitatif et quantitatif, adapté
à chacun et bien équilibré. La surveillance médicale et paramédicale doit être
impérative tout au long du cursus.

Références
1 Salminen JJ, Erkintalo M, et al. Low back pain in young. A prospective three-year follow-up
study of subjects with and without low back pain. Spine 1995 ; 20 : 2101-8.
2 Swärd L, Hellström M, Jacobsson B, et al. Disc degeneration and associated abnormalities of the
spine elite gymnasts. A MRI study. Spine 1991 ; 16 : 437-43.
3 Legoff P. Le sport parmi les facteurs de risque de la lombalgie. Rev Rhum 2007 ; 74 : 573-80.
4 Saraux A, Kervarek P, Devauchelle-Pinsek V, et al. Principales pathologies rhumatologiques
observées selon les sports. Rev Rhum 2007 ; 74 : 547-52.
5 Coudurier J. Sept années de traumatologie d'un Club de Football Professionnel. Mémoire pour
l'obtention du CES de Médecine et Biologie du Sport, Créteil ; 1987.
6 Busquet L. Les chaînes musculaires. Paris : Frison Roche ; 2005.
7 Maigne R. Diagnostic et traitement des douleurs communes d'origine rachidienne. Paris,
Expansion Scientifique Française 1-516 ; 1989.
8 Travell JG, Simons DG. Douleurs et troubles fonctionnels myofasciaux. Traités des points
détentes musculaires. 2 tomes. Bruxelles : Hang International ; 1993.
9 Gasq D, Busquet L, Montoya R, et al. Complexe odonto-gnathique et posture. In : Bonneau D,
Vautravers P, Herisson C, eds. Sphère odonto-gnathique et thérapies manuelles. Montpellier :
Sauramps ; 2010. p. 93-112.
10 Tosello C. Foyers dentaires, qu'en retenir ? In : Bonneau D, Vautravers P, Herisson C, eds. Sphère
odonto-gnathique et thérapies manuelles. Montpellier : Sauramps ; 2010. p. 149-55.
11 Vautravers P. Rachis et football. J Traumatol Sport 2004 ; 21 : 249-53.
12 Revel M. Dystrophie rachidienne de croissance et sport. Rachis et Sport, Montpellier, Paris :
Masson ; 1995, p. 18-24.
13 Rossi F, Dragonis S. Lumbar spondylolysis occurence in competiting athletes. Updated achieve-
ments in a serie of 390 cases. J Sports Med 1990 ; 30 : 450-2.
14 Mundt DJ, Kelsey JL, et al. An epidemiologic study of sports and weight lifting as possible risk
factors for herniated lumbar and cervical discs. Am J Sports Med 1993 ; 21 : 854-60.
15 Hangai M, Caneoka K, Hinotsus, et al. Lumbar intervertebral disk degeneration in athlets. Am
J Sports Med 2009 ; 37 : 149-55.
16 Oztürk A, Oscan Y, Osdemir RM. Radiografic changes in the lumbar spine in former professio-
nal football players: a comparative an matched controlled study. Eur Spine J 2008 ; 17 : 136-41.
17 Micheli LJ. Back injuries in soccers. Clin Sports Med 1983 ; 2 : 473-84.
18 Bloesch D, Pasquier Y, Chantraine A. Recherche de dysbalance musculaire du rachis chez des
sportifs d'élite : influence de la nature symétrique ou asymétrique du geste sportif. Rachis et sport,
Montpellier. Paris : Masson ; 1995, p. 190-5.
78 Rachis traumatique

19 Kamper SJ, Maher CJ, Hancock MJ, et al. Treatment based sub groupes of low back pain: a guide
to appraisal of research studies and a summary of current evidence. Clin Rhum 2010 ; 24 :
181-91.
20 Herisson C, Vautravers P. Rachis lombaire et thérapies manuelles. Montpellier : Sauramps
Médical ; 2006.
21 Rochcongar P, Morvan P, Yan J, et al. Isokinetik investigation of knee extensors and flexors in
young french soccer players. Int J Sports Med 1988 ; 9 : 448-50.
22 Oberg B, Moller M, Gillquist J, Ekstraud J. Isokinetic torque levels for knee extensors and knee
flexors in soccer players. Int J Sports Med 1986 ; 7 : 50-3.
23 Lehance C, Binet J, Bury T, Croisier JL. Muscular treng, fonctional performances and injury risk
in professionnel and junior elite soccer players. Scand J Med Sci Sports 2009 ; 19 : 243-51.
24 Cometi G, Mafiouletti NA, Pousson M. Isokinetik straing and anareobi power of elite, subelite
and amateur french soccer players. Int J Sports Med 2001 ; 22 : 45-51.
25 Rochcongar P. Isokinetic thigh muscle strength in sports : review. Ann Réadapt Med Phys 2004 ;
47 : 274-81.
26 Croisier JL, Forthomme B, Namuzois MH, et al. Hamstring muscle strain recurrence and strengle
performance disorders. Am J Sports Med 2002 ; 30 : 199-203.
27 Witvrouw E, Danneels L, et al. Muscle flexibility as a risk factor for developping muscle injuries
in male professionnal soccer players. Am J Sports Med 2003 ; 31 : 41-6.
28 Maus U, Kieffer O, Siebert Ch, et al. Comparison of trunk muscle strength of soccer players with
and without low back pain. Z Orthop Unfall 2010 ; 148 : 459-65.
29 Dupeyron A, Vautravers P. Evaluation de la fréquence des accidents liés aux manipulations
vertébrales à partir d'une enquête rétrospective réalisée dans quatre départements français. Ann
Réadapt Med Phys 2003 ; 46 : 33-40.
30 Hangai M, Caneoka K, Okubo Y, et al. Relation ship between low back pain and competitive
sports activities during youth. Am J Sports Med 2010 ; 38 : 791-6.
79

7
Entorses du rachis cervical :
apport de l'imagerie
D. Safa
Service d'imagerie médicale (Pr Vallée), Hôpital Universitaire Raymond Poincaré,
104, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches

Introduction
De nombreux sports comportent un risque de traumatisme grave du rachis cervi-
cal, en particulier le rugby ou le sport automobile. Les entorses du rachis cervical
correspondent à des lésions ligamentaires ou disco-ligamentaires. Elles touchent
principalement le rachis « mobile », cervical inférieur de C3 à C7. Elles sont très
fréquentes. Elles résultent d'un traumatisme en flexion seule, en extension seule
ou en flexion – extension (« whiplash » des Anglo-Saxons). Ce dernier est
particulièrement le cas des sports automobiles et des accidents de voiture en
général (lors du choc : flexion cervicale, puis extension par effet rebond). Il peut
également s'agir d'une chute sur la tête (gymnaste).
Les entorses sont le plus souvent « bénignes ». La distinction entre entorse
bénigne et entorse grave est uniquement due à la sévérité des lésions ligamentaires.
En cas d'entorse bénigne, les lésions ligamentaires se limitent à une simple dis-
tension et n'entraînent pas d'instabilité de l'étage atteint. Cette dernière est
présente dans les entorses graves en raison d'une déchirure des ligaments. Il existe
alors une « subluxation » vertébrale.
Les radiographies permettent un diagnostic de certitude. Les erreurs ou les
insuffisances diagnostiques peuvent être lourdes de conséquences. C'est pourquoi,
en l'absence de spécificité des signes cliniques, un bilan radiographique chez tout
traumatisé du rachis cervical est indispensable et obligatoire, avec la réalisation
systématique de clichés dynamiques à distance (J8) [1-5]. Le risque principal est de
méconnaître une entorse grave. L'absence de diagnostic peut conduire à l'évolution
vers un cal vicieux définitif, les ligaments ne cicatrisant pas spontanément.

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
80 Rachis traumatique

La fréquence des fractures passées inaperçues pouvant être associées aux


entorses a été notablement réduite par l'apport de la tomodensitométrie
(TDM). Ces lésions devront être prises en charge dans un milieu spécialisé, de
même que les lésions qui s'accompagnent de signes neurologiques d'emblée.
L'IRM permettra alors de rechercher une contusion médullaire ou une avulsion
radiculaire, surtout en cas de radiographies initiales normales (SCIWORA : spi-
nal cord injury without radiological anomaly).
Nous définirons les aspects radiologiques normaux, les signes radiologiques
d'entorse bénigne et les critères d'entorse grave [3, 5], l'apport de la TDM et de
l'IRM, la surveillance postopératoire des entorses graves compliquées. Un petit
chapitre sera consacré au cas de l'enfant et de l'adolescent.

Radiographies standard et critères de normalité


Il faut faire un bilan correct d'emblée : un cliché de face en position antéro-
postérieure (dos-plaque, patient sur le dos), un cliché de profil strict (ou vue
latérale) et, au minimum, un cliché de face bouche ouverte pour l'étude de C0-
C1-C2. Des clichés obliques droit et gauche sont également réalisés, si possible,
pour l'étude des massifs articulaires et des foramens.
Ces incidences s'effectuent en position debout, assise ou couchée, selon l'état
du patient. Les performances radiographiques sont variables en fonction du
niveau lésionnel (Dosch) : elles sont médiocres à la charnière cervico-occipitale,
bonnes au niveau du rachis moyen et inférieur et acceptables à la charnière
cervico-thoracique, à condition de les réaliser avec soin et d'abaisser les épaules
du patient.

Incidence de profil strict


L'incidence la plus utile est le profil strict : plus de 90 % des lésions sont
identifiées sur cette seule vue [6]. Ce profil doit être réalisé avec soin et doit
montrer les charnières cervico-occipitale et cervico-thoracique, le palais osseux,
ainsi que les parties molles antérieures et postérieures (figure 7.1).
Sur cette incidence, six lignes sont visibles d'avant en arrière :
 parties molles prévertébrales ;
 murs antérieurs des corps vertébraux (CV) ;
 murs postérieurs des CV ;
 bords postérieurs des apophyses articulaires ;
 base des épineuses ;
 pointe des épineuses.
Ces lignes sont harmonieuses, régulières, sans aucun « épaulement » ou
décalage.
Par ailleurs, cette incidence permet visuellement et d'emblée le diagnostic de
canal cervical constitutionnellement étroit. Dans ce cas, l'espace « de sécurité »
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 81
[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 7.1. Six lignes de profil, d'avant en arrière : parties molles prévertébrales, bord
antérieur, des corps vertébraux (CV) mur postérieur des CV, bord postérieur des
apophyses articulaires, base des épineuses, pointe des épineuses.

ou espace spino-articulaire, normalement de 4 à 5 mm, est fortement réduit voire


inexistant [7, 8].

Incidence de face
L'incidence de face montre (figure 7.2) :
 les corps vertébraux de C3 à T2, dont la hauteur est identique à l'étage cervical ;
 le bon alignement médian des épineuses ;
 l'empilement régulier des massifs articulaires des deux côtés ;
 la hauteur identique des disques intervertébraux.

Cliché de face bouche ouverte


Le cliché de face bouche ouverte centré sur C2 montre (figure 7.3) :
 la position centrale de l'odontoïde, à distance égale des masses latérales droite et
gauche de C1 ;
 le bon alignement latéral de C1 avec C2.
82 Rachis traumatique
[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 7.2. Cliché de face. Alignement latéral des massifs articulaires. Alignement des
épineuses. Hauteur identique des corps vertébraux et des disques intervertébraux.
[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 7.3. Cliché de face bouche ouverte : alignement des masses latérales de C1 et du
corps de C2 et centrage de l'odontoïde, équidistant des masses latérales de C1.
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 83

Incidences obliques
Elles sont parfois réalisées en complément. Aux critères de normalité de face
concernant l'empilement des corps vertébraux et des massifs articulaires s'ajoute
celui de l'alignement régulier des trous de conjugaison dont les parois sont fermées
et à limites nettes.

Clichés dynamiques de profil


Ils sont à réaliser à J8, en présence du radiologue, et de façon active, par le patient
lui-même, doucement. Il faut toujours commencer par la flexion, après avoir
réalisé la position neutre de profil strict. La persistance d'un bon alignement
des corps vertébraux et des massifs articulaires, sans décoaptation ni
bâillement, et l'absence de listhésis, font partie des critères de normalité.

Entorses bénignes
Dans ce cas, il existe une distension ligamentaire, parfois une petite déchirure,
mais sans rupture du ligament concerné. Il est aisé de comprendre qu'un trauma-
tisme en extension entraîne une lésion du ligament longitudinal antérieur et qu'un
traumatisme en flexion entraîne une lésion des éléments ligamentaires postérieurs
(d'arrière en avant : ligament supraspinal, ligament interspinal, ligaments jaunes
et capsules articulaires postérieures) (figure 7.4).
Le patient se plaint le plus souvent de cervicalgies post-traumatiques.
L'examen clinique élimine une lésion neurologique.
Les radiographies permettent surtout d'éliminer une luxation ou une fracture
d'emblée (figure 7.5), ou encore une fracture parcellaire. Dans la majorité des cas,

[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 7.4. Le segment mobile rachidien (d'après Laporte et Saillant). A : ligament


longitudinal antérieur ; B : disque intervertébral ; C : ligament longitudinal postérieur ;
D : capsules articulaires ; E : ligamentum flavum ; F : ligament interspinal ; G : ligament
supraspinal.
84 Rachis traumatique

[(Figure_5)TD$IG]

FIGURE 7.5. Entorse grave C2C3. Fracture associée de l'anneau de Harris (flèche).

on notera des anomalies posturales sagittales et/ou frontales. L'empilement des


corps vertébraux reste par ailleurs harmonieux. Il n'y a pas de diastasis
interépineux, interapophysaire ou de bâillement discal. Les parties molles sont
normales (absence d'hématome).
On ne peut cependant pas éliminer formellement une entorse grave en cas de
« normalité » des clichés initiaux. Ces clichés ne sont d'ailleurs pas vraiment
normaux rétrospectivement : on y retrouve, à l'analyse fine, de discrètes anoma-
lies, au moins posturales : perte de la lordose, raideur ou cyphose sagittales,
parfois une attitude antalgique frontale, un « torticolis » (figure 7.6). C'est pour-
quoi il est recommandé de réaliser alors systématiquement des clichés dynamiques
à J8, après immobilisation (figure 7.7). C'est la persistance des douleurs qui alerte.
Ailleurs, les signes d'entorse grave apparaissent à distance, une fois que les
douleurs ont cédé. Dans les deux cas, la répétition des clichés et les incidences
dynamiques permettent de corriger le diagnostic.

Entorses graves
Elles sont rares, mais leur méconnaissance peut être dramatique et évoluer vers
une luxation vertébrale fixée.
Elles sont dues à la rupture des moyens d'union intervertébraux qui forment
le « segment mobile rachidien » et qui correspondent aux structures disco-
ligamentaires unissant deux vertèbres (figure 7.4). On note d'avant en arrière :
le ligament longitudinal antérieur, le disque intervertébral, le ligament longitudi-
nal postérieur (LLP), les capsules articulaires, le ligamentum flavum (ou ligament
jaune), le ligament interspinal et le ligament supraspinal [5].
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 85
[(Figure_6)TD$IG]

FIGURE 7.6. Jeune sportive de 18 ans, entorse bénigne J1 : attitude scoliotique de face,
raideur de profil. Noter le canal cervical congénitalement étroit.

[(Figure_7)TD$IG]

FIGURE 7.7. Même patiente, clichés dynamiques à J8 : absence de signe d'entorse grave.
86 Rachis traumatique

Lors d'un traumatisme en flexion, les lésions ligamentaires s'effectuent


d'arrière en avant. C'est la rupture du LLP qui entraîne l'instabilité et l'entorse
grave. Les entorses ligamentaires « pures » ne s'accompagnent pas de lésion
osseuse associée. Il peut cependant exister un arrachement osseux associé (arra-
chement épineux ou articulaire).
Lors du traumatisme en extension, les lésions se font d'avant en arrière et
expliquent les lésions discales post-traumatiques retrouvées (d'emblée ou
à distance). Les traumatismes de type « whiplash » associent les deux
mécanismes.
En l'absence de signes neurologiques, les radiographies montrent les signes
directs d'entorse grave. Les critères radiologiques sont maintenant bien codifiés et
connus, dits de Roy-Camille (figure 7.8), et doivent être systématiquement
recherchés [2, 5]. Ces critères sont présents d'emblée ou sur les radiographies
dynamiques à distance.
En ce qui concerne les entorses graves en flexion, ces signes sont (figure 7.9) :
 un antélisthésis supérieur ou égal à 3,5 mm mesuré au niveau du mur
postérieur, sur un cliché de profil au repos ou dynamique en flexion ;
 un bâillement interépineux de taille supérieure à celle de l'espace interépineux
sus et sous-jacent de profil. Ce bâillement peut également être visible de face ;
[(Figure_8)TD$IG]

FIGURE 7.8. Critères de Roy-Camille de l'entorse grave (d'après Laporte et Saillant).


1 : augmentation de l'écart interépineux ; 2 : bâillement articulaire postérieur ;
3 : antélisthésis de plus de 3,5 mm ; 4 : cyphose discale de 11° de plus que les étages
adjacents.
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 87
[(Figure_9)TD$IG]

FIGURE 7.9. Entorse grave C6C7 : décoaptation articulaire postérieure complète. Tous les
critères de Roy-Camille sont présents.

 un bâillement postérieur des articulaires avec une décoaptation articulaire


supérieure ou égale à 50 % ;
 une angulation des corps vertébraux et une cyphose discale de 11° de plus que
les étages adjacents.
D'autres signes peuvent être présents :
 un épaississement des parties molles prévertébrales traduisant un hématome.
C'est un signe précoce ; il est mieux visible entre C1 et C4 où les parties molles
sont normalement inférieures à 3 mm d'épaisseur [9] ;
 la fracture d'une épineuse (arrachement du ligament interspinal) ;
 une fracture- tassement du coin antéro-supérieur de la vertèbre sous-jacente [5]
(figure 7.10).
Pour les entorses graves en extension, la radiographie de profil montre
(figure 7.11) :
 une accentuation de la lordose cervicale avec bâillement discal antérieur ;
 un rétrolisthésis au niveau de la lésion, qui peut être étagé en cas de lésions
multiples ;
 il est associé à un recul des articulaires de la vertèbre sus-jacente sur les articu-
laires de la vertèbre sous-jacente.
La TDM a révolutionné la prise en charge des traumatismes du rachis, notam-
ment cervical. Elle permet une analyse fine des structures osseuses en cas d'entorse
grave, surtout à la recherche de fractures ou d'arrachements osseux passés inaperçus
sur les clichés simples (figure 7.12). Cet examen est particulièrement indiqué
chez les patients ayant des signes radiologiques de canal cervical étroit. Au niveau
du rachis cervical inférieur, les lésions discales post-traumatiques, les microfrac-
tures articulaires et les lésions des uncus peuvent échapper aux radiographies.
88 Rachis traumatique

[(Figure_0)TD$IG]

FIGURE 7.10. Entorse grave C6C7 avec fracture du coin antérieur et supérieur de C7, mieux
visible en TDM.

Elles sont à l'origine de douleurs persistantes à distance du traumatisme. Des


discopathies post-traumatiques peuvent être sources de douleurs résiduelles, avec
une fréquence de 40 % après un traumatisme rachidien banal [10, 11].
L'examen neurologique initial anormal oriente d'emblée vers la gravité
(tétraparésie, névralgie cervico-brachiale avec déficit sensitivo-moteur, paralysie
du plexus brachial, etc.) et le bilan doit alors se faire en milieu spécialisé. Les
radiographies peuvent être normales (SCIWORA). Dans ces conditions, l'IRM est
indispensable et doit être rapidement et d'emblée réalisée. Elle retrouve des
signes d'œdème médullaire, voire de contusion ou d'hématome intramédullaire
(figure 7.13), avec ou sans lésion discale (figure 7.14) ou radiculaire associée
(avulsion radiculaire, figure 7.15).
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 89
[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 7.11. Entorse grave en extension. Recul des articulaires de C2 sur C3. Rétrolisthésis
de C2 sur C3. Fracture parcellaire antérieure du corps de C2.

Imagerie dans le suivi des entorses graves opérées


Elle sera faite le plus souvent par des radiographies simples. Ces clichés montrent
alors la disparition de l'anté- ou du rétro-listhésis, la réduction de la cyphose
discale, le bon alignement des massifs articulaires (figure 7.16).
Ils permettent également la surveillance du matériel d'arthrodèse, à la recher-
che notamment d'un démontage ou d'une déstabilisation. La TDM et/ou l'IRM
est souvent utile dans ces cas, avant une reprise chirurgicale (figure 7.17).
En cas d'atteinte médullaire, initiale ou secondaire, la surveillance IRM permet
de suivre l'évolution et, en particulier, de dépister une syringomyélie post-
traumatique. Celle-ci peut apparaître tardivement. Elle peut s'étendre sur une
grande hauteur ou être « suspendue » (figures 7.18 et 7.19).

Cas particulier de l'enfant


Chez le jeune enfant, les difficultés de lecture des radiographies sont liées
à l'aspect des corps vertébraux, à l'existence de synchondroses et aux
conséquences de l'hyperlaxité ligamentaire. L'existence éventuelle de malfor-
mations congénitales associées peut compliquer l'interprétation (absence d'arc
90 Rachis traumatique

[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 7.12. Homme de 55 ans. Entorse datant de 5 mois. Persistance de douleurs.


Radiographies : cyphose centrée sur C2C3, discarthrose étagée. TDM : fracture
méconnue masse latérale gauche de C2, cal osseux.
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 91
[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 7.13. Homme de 41 ans, accident de plongée (décompression). Oxygénothérapie


hyperbarre. Persistance d'un hémi-syndrome pyramidal droit et hypoesthésie des
membres inférieurs. Radios normales. IRM : contusion médullaire et hypersignal
intramédullaire en T2 (SCIWORA).

postérieur, bloc vertébral, etc.) et il est fondamental de distinguer les malforma-


tions équilibrées des malformations susceptibles d'entraîner des déviations
rachidiennes dans le plan sagittal (cyphoses, lordoses par hémi-vertèbre
postérieure) et/ou frontal (scolioses par hémi-vertèbre latérale ou barre
unilatérale) (figure 7.19).
Les corps vertébraux ont un aspect cunéiforme jusqu'à l'âge de 8 ans, puis la
géométrie du corps vertébral devient proche de la forme adulte.
Les synchondroses, en particulier à la base de l'odontoïde et de l'arc antérieur
de l'atlas, peuvent être prises à tort pour des fractures. Elles peuvent persister
jusqu'à l'âge de10 ans environ.
Il existe chez l'enfant une hyperlaxité ligamentaire physiologique. Ainsi, de
profil, la distance odontoïde-arc antérieur de l'atlas est plus importante que chez
92 Rachis traumatique

[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 7.14. Homme de 60 ans, accident de ski. Tétraplégie C4. IRM : hernie discale
C2C3 gauche sur canal rétréci, rétrolisthésis de C2 sur C3, séquelles d'hématome
intramédullaire en regard (cavité, hyposignal en T1). Persistance d'un œdème médullaire
périphérique.
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 93
[(Figure_5)TD$IG]

FIGURE 7.15. Homme de 25 ans. Paralysie post-traumatique du plexus brachial gauche.


Radios normales. IRM avec séquence « myélographique » : avulsions radiculaires C7 et
T1 gauches.
94 Rachis traumatique
[(Figure_6)TD$IG]

FIGURE 7.16. Même patient que figure 7.9 : vissage postérieur. Aspect postopératoire.

[(Figure_7)TD$IG]

FIGURE 7.17. Homme de 68 ans. Entorse grave du rachis cervical en C5C6, vissage
antérieur. Signes cliniques d'irritation pyramidale. L'IRM confirme le démontage du
matériel et la déstabilisation secondaire. Pas d'anomalie du signal médullaire.
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 95
[(Figure_8)TD$IG]

FIGURE 7.18. Homme de 31 ans. Antécédent d'entorse grave C5C6 + fracture du corps de
C5 et tétraparésie. IRM à 6 ans : cyphose cervicale fixée, grande cavité syringomyélique
de C4 à T9, atrophie médullaire sus-jacente (myélomalacie). Coupes sagittales en T1 et
coupe axiale T2 en C7.
96 Rachis traumatique

[(Figure_9)TD$IG]

FIGURE 7.19. Enfant 11 ans. Antécédent d'entorse grave C6C7 sur rachis malformatif avec
Chiari I et tétraparésie. IRM à distance : syringomyélie « suspendue ».

l'adulte (normale jusqu'à 5 mm). Par ailleurs, les zones les plus sollicitées (ou
« zones pivot ») vont en « descendant » avec l'âge.
Chez le jeune enfant, il existe une sub-luxation physiologique C2-C3, corres-
pondant à la zone « pivot ». Sur la radiographie du rachis cervical de profil, la
normalité de la ligne spino-lamaire de Swischuck est l'élément qui permet d'iden-
tifier cet aspect comme normal (figure 7.20). Les parties molles prévertébrales
sont également plus épaisses à cet âge, classiquement inférieures à 15 mm en
avant de C2-C3. De fausses images d'épaississement des parties molles sont
souvent présentes, créées par une incidence en expiration ou une extension cervi-
cale incomplète.
Les lésions ligamentaires traumatiques sont beaucoup plus fréquentes que les
lésions osseuses vertébrales chez le jeune enfant. Parmi celles-ci, les subluxations
rotatoires C1-C2 sont, de loin, le plus rencontrées et peuvent survenir lors d'un
traumatisme relativement minime (ex. : roulade). Cliniquement, l'enfant présente
une attitude en torticolis irréductible. Les radiographies du rachis cervical de
profil éliminent une fracture et une lésion sous-jacente et la TDM permet de
confirmer, le cas échéant, la subluxation (figure 7.21).
En raison de l'hyperélasticité ligamentaire physiologique, des lésions
SCIWORA (spinal cord injury without radiological abnormality) sont très
Entorses du rachis cervical : apport de l'imagerie 97
[(Figure_0)TD$IG]

FIGURE 7.20. Ligne de Swischuck.

fréquentes chez le jeune enfant, avec une apparition de signes neurologiques qui
peut être retardée jusqu'à 4 jours après le traumatisme. L'IRM médullaire est
donc indispensable au moindre signe clinique, même en l'absence de signe
osseux. Des lésions SCIWORA peuvent également se voir dans des contextes
particuliers tels qu'un traumatisme obstétrical ou un syndrome de l'enfant
secoué.
À partir de 8-10 ans, la zone « pivot » est située comme chez l'adulte en
C5-C6 et les lésions se localisent alors au rachis cervical inférieur, de C3 à C7.
L'imagerie est similaire à celle de l'adulte.

[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 7.21. Subluxation rotatoire C1C2. Cliché de face bouche ouverte montrant
aussi l'attitude en torticolis. Coupe TDM confirmant l'excentration gauche de
l'odontoïde.
98 Rachis traumatique

Conclusion
Si les entorses « bénignes » sont très fréquentes, les entorses graves du rachis
cervical sont rares mais nécessitent un diagnostic rapide et une prise en charge en
milieu spécialisé. Les erreurs diagnostiques peuvent avoir des conséquences lour-
des. La tomodensitométrie doit être réalisée au moindre doute. L'IRM permet de
faire un bilan précis, surtout en cas de lésions neurologiques à radiographies
normales (SCIWORA). Elle permet également le diagnostic des complications
à distance, notamment des syringomyélies post-traumatiques.

Remerciements
L'auteur remercie Catherine Adamsba.

Références
1 Dosch JC. Conduite de l'imagerie dans les lésions traumatiques du rachis cervical. Monographie
du GETROA Opus XXVII, Sauramps Medical ed. ; 2000.
2 Roy-Camille R, Saillant G, Berteaux D, Lorta-Jacob A, Bisserié M. Entorses graves par lésion
traumatique du segment mobile rachidien (SMR) de la colonne cervicale. J Chir (Paris) 1977 ; 113 :
121-30.
3 Argenson C, Frehel M, Lovet J, Griffet J, de Peretti F. Les contusions médullaires cervicales graves
sans lésion ostéo-discoligamentaire traumatique. Rev Chir Orthop 1990 ; 76 : 507-18.
4 Argenson C, de Peretti F, Eude P, Ghabris A, Hovorka I. Classification des lésions traumatiques
du rachis cervical inférieur. In : Imagerie du rachis cervical. Monographie du GETROA Opus
XXVII, Sauramps Medical éd., 2000.
5 Laporte C, Saillant G. Les entorses du rachis cervical inférieur. In : Maîtrise orthopédique n° 68,
1997.
6 Gehweiler JA, Osborn RL, Becker FG. The radiology of vertebral trauma. Philadelphia:
Saunders ; 1980.
7 Morvan G. Imagerie des névralgies cervico-brachiales. In : Imagerie du rachis cervical.
Monographie du GETROA Opus XXVII, Sauramps Medical éd., 2000.
8 Dietemann JL, Zöllner G, Doll A. Le canal cervical étroit constitutionnel. In : Imagerie du rachis
cervical. Monographie du GETROA Opus XXVII, Sauramps Medical éd., 2000.
9 Penning L. Prevertebrae hematoma in cervical spine injury: Incidence and etiologic significance.
AJR 1981 ; 136 : 553-61.
10 Hohl M. Soft tissue injuries of the neck in automobile accidents. Factors influencing prognosis.
J Bone Joint Surg 1974 ; 56A : 1675-82.
11 Rizzolo SJ, Piazza MR, Cotler JM, Balderston RA, Schaefer D, Flanders A. Intervertebral disc
injury complicating cervical spine trauma. Spine 1991 ; 16 : 187-9.
99

8
Traumatismes du rachis cervical
en pathologie sportive
R. Zahi, F. Khiami, H. Pascal-Mousselard
Service de chirurgie orthopédique et traumatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière,
83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13

Introduction
Les traumatismes du rachis cervical sont fréquents en pathologie sportive. Les
entorses cervicales bénignes constituent la majorité des lésions cervicales trauma-
tiques et, fort heureusement, guérissent sans séquelles. Cependant, il faut toujours
garder à l'esprit qu'un traumatisme du rachis cervical peut être potentiellement
grave en raison du risque neurologique, médullaire ou radiculaire.
Le mécanisme lésionnel peut varier en fonction du sport pratiqué, du niveau
sportif, de la cinétique de l'accident et surtout de la position de la tête au moment
de l'impact. Schématiquement, il est classique de séparer les macrotraumatismes,
souvent à haute énergie, des microtraumatismes répétitifs qui génèrent des lésions
chroniques. Dans le premier cas, les lésions sont osseuses ou disco-ligamentaires,
parfois graves, sources de déstabilisation aiguë et de menace neurologique. Dans
le second cas, les conséquences sont plus tardives et chroniques associant diverse-
ment cervicalgies communes, instabilités chroniques, sténoses dégénératives du
canal cervical avec risque de myélopathie ou de névralgies cervico-brachiales.
Les sports à risque pour le rachis cervical sont nombreux comprenant de
manière non exhaustive les sports dits sans risque particulier (tennis, golf), les
sports « contacts » (rugby, sports de combat) et les sports « motorisés » (course
automobile, motocross) à haut risque lésionnel.
Face à un sportif traumatisé, le dépistage des atteintes graves du rachis cervical
est une priorité, afin de ne pas mettre en jeu le pronostic neurologique. La prise en
charge doit être rigoureuse. Elle doit débuter sur le terrain jusqu'au transfert en
centre médicalisé où des investigations complémentaires fiables seront réalisées
pour décider du traitement le plus adapté.
Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?
Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
100 Rachis traumatique

Traumatismes aigus du rachis cervical


Épidémiologie
Les traumatismes du rachis cervical survenus lors de la pratique sportive sont
superposables à ceux rencontrés en traumatologie courante : chute accidentelle
d'un lieu élevé parfois, accident de la voie publique ou domestique.
Il n'y a que très peu de spécificités en rapport avec le type de sport pratiqué.
Chez le « vieux » sportif, le dépistage du canal cervical étroit peut être utile,
surtout dans des sports à risques, afin de prendre les mesures préventives qui
s'imposent. En effet, on note une prévalence plus élevée de canaux cervicaux
étroits acquis (arthrosiques) asymptomatiques chez le rugbyman, par exemple.
La survenue d'un traumatisme en hyperextension sur canal cervical étroit peut
occasionner une contusion centromédullaire dont la conséquence clinique (syn-
drome de Kahn et Schneider - diplégie brachiale) constitue une lésion neurolo-
gique grave et potentiellement définitive.
Les sports motorisés (course automobile, motocross) sont fréquemment
impliqués dans les traumatismes du rachis cervical, en raison principalement de
la haute cinétique des accidents ou des chutes et de l'importance des forces de
décélération. Le mécanisme traumatique peut prendre plusieurs formes, dont le
classique « coup du lapin » ou « whiplash » des Anglo-Saxons, correspondant
à une hyperextension brutale du rachis cervical, suivie d'une brutale hyperflexion
ou en sens inverse selon la localisation de l'impact.
Outre les sports motorisés, certains sports « contacts » tels que le football
américain, le hockey sur glace ou le rugby, sont grands pourvoyeurs d'atteintes
cervicales [1, 3, 6, 7, 8].
En France, les études épidémiologiques montrent que les atteintes cervicales
représentent 5 % des traumatismes du rugbyman. Il se produit deux à trois
accidents par saison, compliqués de lésions médullaires graves entraînant des
séquelles fonctionnelles sévères. Plusieurs études réalisées par les nations majeures
du rugby ont évalué les risques traumatiques. Les facteurs de risques retrouvés ont
été : le début et la reprise de la saison, la phase de mêlée (à l'effondrement ou au
retournement), les postes de première ligne (piliers et talonneurs) et les postes
exposés aux plaquages (plaqueurs ou plaqués).
L'importance des forces générées par les deux packs lors de la mêlée (jusqu'à 1
tonne et demie) [9] explique, en grande partie, la prédisposition aux traumatismes
cervicaux des premières lignes. Il peut s'agir aussi bien de traumatismes en recti-
tude (entrée en mêlée), en hyperflexion (relever de mêlée) ou en hyperextension
(effondrement de mêlée) [7]. Selon Sénégas, un traumatisme en rectitude lors
d'une entrée en mêlée ou sur un placage entraîne souvent une lésion en extension
qui peut secondairement se déplacer en flexion.
Warren [10] a évalué les lésions du rachis cervical de l'athlète et les classe selon
trois catégories :
 le type I correspond à une lésion médullaire permanente ;
 le type II regroupe les déficits neurologiques transitoires régressifs en quelques
minutes ou quelques heures. Le « burning hands syndrome » à l'origine de
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 101

paresthésies C5 C6, associées à une faiblesse du membre supérieur et de la main,


en est un exemple. Il se produit à la suite d'une chute, à la faveur d'un mécanisme
en inclinaison cervicale forcée avec abaissement du moignon de l'épaule,
entraînant un étirement du plexus brachial supérieur ;
 le type III associe des traumatismes correspondant à des lésions purement
radiographiques telles que les fractures, fractures-luxations, entorses, hernies
discales.

Rappels anatomiques
Le rachis cervical comprend sept vertèbres. Cinq d'entre elles suivent un schéma
commun à toutes les vertèbres de la colonne (C3 à C7) et deux (C1 et C2 ou Atlas
et Axis) ont une construction anatomique différente. Les deux secteurs décrits au
rachis cervical sont : le rachis cervical supérieur (RCS) compris entre l'occiput et le
bord inférieur de C2 et le rachis cervical inférieur (RCI) compris entre les disques
C2-C3 et C7-D1.
Les importantes possibilités dynamiques du rachis cervical reposent sur la
complexité de sa structure poly articulaire. Le jeu articulaire s'effectue dans des
limites d'amplitude physiologique qu'il nous paraît essentiel de rappeler pour une
juste appréciation des conséquences d'un traumatisme. On reconnaît ainsi au
rachis cervical trois libertés de mouvement.

Flexion-extension
L'amplitude globale de flexion-extension pour l'ensemble du rachis cervical serait
d'environ 127° [11].
Près d'un tiers de cette amplitude est assuré par le RCS, essentiellement au
niveau de l'articulation entre les condyles occipitaux et les masses latérales de C1.
Au RCI, Louis [12] a montré qu'il s'agissait pour chaque étage d'un mouvement
central dont l'axe transversal est situé au niveau de la vertèbre sous-jacente. Le
contrôle de ce mouvement physiologique serait pour certains [13] assuré par la
partie postérieure du disque et le ligament vertébral commun postérieur. Ces deux
structures auraient un rôle stabilisateur identique à celui des ligaments croisés du
genou avec lesquels ils partagent la même situation centrale et la même tendance
à l'absence de cicatrisation spontanée.

Inclinaison latérale
Ce mouvement est toujours couplé à la rotation du fait de la disposition des
facettes articulaires postérieures [14].
Son amplitude est minimale au RCS, prédominant en C0-C1 pour certains
[15], en C1-C2 pour d'autres [11], où elle atteindrait 13°, entraînant un débord de
la masse latérale de l'atlas qui n'est donc pas toujours pathologique, comme
l'avaient énoncé Mansat et Autissier.
L'amplitude globale, 40° de chaque côté, est donc essentiellement sous la
dépendance du RCI.
102 Rachis traumatique

Rotation
Classiquement [16] considérée comme absente en C0-C1, elle serait en fait de 6°
de chaque côté [11]. L'essentiel du mouvement siège dans l'articulation C1-C2
autour de l'odontoïde tant que le ligament transverse reste intact. L'atlas entraîne
la tête dans son mouvement de rotation-inclinaison latérale de 30 à 35° de chaque
côté. Au RCI, une rotation unilatérale de 5 à 6° environ [11] est possible à chaque
étage et on conçoit que l'arthrodèse C1-C2 ou même C0-C2 laisse persister en
moyenne plus du tiers de la mobilité globale.

Classification des traumatismes du rachis cervical


Nous utiliserons dans ce chapitre les classifications employées en traumatologie
générale, les différentes atteintes traumatiques du rachis cervical n'ayant pas
réellement de spécificité en rapport avec la pratique sportive. Nous distinguerons
la classification des traumatismes du RCS et celle des traumatismes du RCI.

Rachis cervical supérieur


Les lésions ligamentaires ou disco-ligamentaires sont constituées par les luxations
et les entorses suivantes.

Luxations occipito-atloïdiennes
Il s'agit d'une lésion rare, souvent rapidement létale, dont la fréquence est certaine-
ment sous-estimée. Elle est souvent causée par un accident à haute énergie dans
le cadre d'un polytraumatisme. La variété lésionnelle comprend les luxations
par distraction pure (souvent non vues sur les radios sans traction), les luxations
antérieures (hyperflexion) et postérieures (hyperextension) de diagnostic souvent
difficile sur des radiographies standard (recherche d'une rupture du cintre occi-
pito-odontoïdien).

Entorses graves du ligament transverse odontoïdien avec instabilité


sagittale
Un traumatisme en flexion est responsable de l'instabilité sagittale. Elle entraîne
un déplacement antérieur de C1 par rapport à C2. L'écart normal radiologique
entre l'odontoïde et l'arc antérieur de C1 est toujours inférieur à 3 mm. En cas de
rupture isolée du ligament transverse, l'écart s'élève à 5 mm. Cet écart peut aller
jusqu'à 15 mm en cas d'atteintes associées des autres ligaments stabilisateurs C1-
C2 (alaires et en Y). Il est souvent nécessaire d'avoir recours à une radiographie
dynamique pour dépister une instabilité sagittale.
Seul un traitement chirurgical peut s'opposer à cette instabilité dont les
conséquences neurologiques peuvent être graves.

Luxations rotatoires C1-C2 uni- ou bilatérales avec instabilité rotatoire


Le contrôle de la rotation est dû au ligament en Y, mais surtout au ligament alaire.
La luxation rotatoire unilatérale est la plus fréquente, provoquée soit par une
rupture du ligament transverse, soit par une fracture de l'odontoïde. Les troubles
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 103

neurologiques sont inconstants. L'axe de rotation passe par l'une des deux arti-
culations atloïdo-axoïdiennes. La luxation rotatoire bilatérale est rarissime [17]
chez l'adulte. Elle est vraisemblablement létale le plus souvent, mais des cas sans
trouble neurologique [17] sont décrits dans la littérature.
Les lésions osseuses (ou fracture) sont constituées par les fractures suivantes.

Fractures de C1
L'atlas est un anneau osseux avec deux masses latérales. Il présente quatre points
de faiblesse à l'union des arcs et des masses latérales.

Fracture isolée d'un des deux arcs, antérieur ou postérieur


Secondaire à un mécanisme traumatique en hyperextension, elle est souvent peu
ou pas déplacée et est traitée orthopédiquement sans séquelles à terme.

Fracture isolée d'une masse latérale


Secondaire à un mécanisme traumatique en compression latéralisée. Souvent peu
déplacée, elle peut favoriser l'arthrose sous-occipitale à distance.

Fracture luxation divergente des masses latérales


Appelée aussi fracture de Jefferson, décrite en 1920, elle est secondaire à un
mécanisme traumatique en compression axiale. Si le ligament transverse est
intact, la fracture est stable. En revanche, dès que l'écartement excède 5 mm,
Roy Camille et al. [18] considèrent qu'il y a une instabilité par rupture du ligament
transverse, avec possible indication de stabilisation chirurgicale. La majorité
requiert un traitement orthopédique et les séquelles sont peu importantes.

Fractures de C2
Fracture de l'arc postérieur
Il s'agit d'un ensemble de fractures siégeant en arrière du corps de C2. L'analogie
avec les lésions retrouvées sur les victimes de la pendaison judiciaire fait regrouper
ces lésions sous le terme de « Hangman’s fracture » par les anglophones ou
fracture du pendu pour les francophones.
Le mécanisme lésionnel principal est l'extension, plus ou moins aggravé par des
vecteurs secondaires de compression ou de flexion, responsables des
déplacements. Quand la force d'arrachement est considérable, la mort est subite
(comme dans la pendaison) ; quand elle est plus faible, il se produit une fracture de
l'arc postérieur de C2, le plus souvent entre l'apophyse articulaire supérieure et
inférieure, raison pour laquelle on appelle fréquemment cette fracture, fracture
des isthmes de C2. Parfois la fracture siège à la jonction arc postérieur – corps de
C2 et on parlera de fracture des pédicules. La classification la plus utilisée est
celle d'Effendi et Laurin. Elle précise l'instabilité croissante des lésions [19].
Roy-Camille et al. [18] y ajoutent un stade IV pour les fractures des pédicules
associées à une fracture de l'apophyse odontoïde.
Les troubles neurologiques sont rares, même avec un déplacement important.
L'indication opératoire est de règle en cas d'atteinte du disque C2-C3.
104 Rachis traumatique

Fracture de l'apophyse odontoïde


Ce sont les lésions les plus fréquentes du rachis cervical supérieur. Elles sont dues
à un traumatisme associant cisaillement antérieur ou postérieur et compression.
Deux données anatomiques sont nécessaires pour comprendre la physiopatho-
logie et l'évolution de cette fracture :
 d'une part, la vascularisation de l'odontoïde est riche ;
 d'autre part, le porte-à-faux occipito-atloïdo-axoïdien, décrit par Maestro et al.
[49], entraîne une contrainte physiologique oblique en bas et légèrement en
arrière ; il rend compte de la meilleure stabilité des fractures de la base à trait
oblique en bas et en avant.
Ces deux notions confirment que les sollicitations mécaniques sont plus
à l'origine des pseudarthroses que ne le sont les conditions circulatoires.
La classification la plus répandue est celle d'Anderson et Alonzo : type I :
fracture de la pointe, type II : fracture du col, type III : fracture de la base.
La classification de Roy-Camille (figure 8.1) a le mérite d'introduire la notion
de déplacement et d'instabilité. Il isole trois types de traits : oblique en bas et en
avant (OBAV), oblique en bas et en arrière (OBAR) (figure 8.2) et horizontal
(HTAL). La variété HTAL (figure 8.3) présente l'aspect radiologique d'un
« chapeau de bobby londonien ». Son instabilité est maximale et le risque de
pseudarthrose est élevé. Les fractures type OBAV sont stables car le porte-à-faux
de la charnière met le trait en compression, la pseudarthrose est rare. Les fractures
OBAR sont en règle générale instables.

Fracture du corps
Elles sont rares et n'ont rien de spécifique. Le trait de fracture peut être vertical
frontal (mécanisme en extension et compression), vertical sagittal (mécanisme en
compression axiale) ou horizontal (correspondant au type II d'Anderson et
Alonzo) [20].

[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 8.1. Classification anatomopathologique de Roy-Camille [13].


Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 105
[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 8.2. Fracture oblique en bas et en arrière (OBAR) avec déplacement postérieur
classique.
[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 8.3. Fracture oblique en bas et en avant (OBAV) et fracture horizontale typique [13].
106 Rachis traumatique

Il est indispensable de rappeler que les associations lésionnelles sont fréquentes


et que le diagnostic d'une lésion doit en faire rechercher une autre.

Rachis cervical inférieur


La classification la plus utilisée en France pour le démembrement des lésions du
rachis cervical inférieur est la classification d'Argenson [20]. Il a classé les lésions
en quatre types selon le mécanisme lésionnel.

Lésions par compression de type A


Elles comportent toujours une atteinte osseuse plus ou moins importante :
 sous-type I : tassement antérieur ;
 sous-type II : fractures comminutives ;
 sous-type III : fracture « tear drop » (associant à l'atteinte osseuse des lésions
disco-ligamentaires) (figure 8.4).

Lésions par flexion-distraction de type B


Elles sont caractérisées par l'importance des lésions disco-ligamentaires. On
trouve par ordre de gravité croissante :
 sous-type I : entorses bénignes par élongation des structures disco ligamentaires
(les plus fréquentes et les moins graves) ;
 sous-type II : entorses graves par rupture disco-ligamentaire à point de départ
postérieur (figure 8.5) ;
 sous-type III : luxations-fractures bi-articulaires où l'hyperflexion est respon-
sable des déplacements articulaires sagittaux.

[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 8.4. Fracture « tear drop » de C6.


Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 107
[(Figure_5)TD$IG]

FIGURE 8.5. Exemple d'entorse grave du rachis cervical : radiographie initiale statique dans
les limites de la normale diagnostic définitif à J10 sur les clichés dynamiques.
108 Rachis traumatique

Lésions par extension-distraction de type C


Elles sont encore peu connues et ont bénéficié de l'apport de la tomodensitométrie
et de l'imagerie par résonance magnétique :
 sous-type I : entorses bénignes (idem par rapport à flexion-distraction) ;
 sous-type II : entorses graves (idem par rapport à flexion-distraction mais point
de départ antérieur).

Lésions par rotation de type D


 Sous-type I : fractures uni-articulaires.
 Sous-type II : fracture-séparation du massif articulaire ou FSMA.
 Sous-type III : luxations uni-articulaires, les plus neuro-agressives (figure 8.6).

Microtraumatismes du rachis cervical


Ces atteintes sont, en règle générale, moins graves sur le plan ostéoarticulaire et
ligamentaire que celles observées lors des macrotraumatismes. Elles s'apparentent
aux lésions dégénératives rencontrées en pathologie rachidienne. Par le biais des
microtraumatismes répétitifs, le rachis cervical peut subir une usure articulaire
accélérée pouvant entraîner un retentissement clinique invalidant chez le sportif.
Le parallélisme anatomoclinique est souvent plus difficile à individualiser.
Différents tableaux cliniques peuvent se rencontrer : les cervicalgies communes
du sportif, les instabilités chroniques, les sténoses dégénératives du canal cervical
(avec le risque de décompensation aiguë et de myélopathie chronique) et les
sténoses dégénératives des foramens intervertébraux (avec le risque de névralgie
cervico-brachiale).

[(Figure_6)TD$IG]

FIGURE 8.6. Exemple de luxation uni-articulaire C6-C7.


Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 109

Cervicalgies communes du sportif


De nombreux sports sont susceptibles d'entraîner des microtraumatismes cervi-
caux. Les plus courants sont les sports dans lesquels le rachis est sollicité dans des
positions de contrainte par des mouvements brusques des membres supérieurs
(volley-ball, basket-ball, hand-ball. . .) ou encore ceux où le rachis cervical est
maintenu en position forcée (hyperextension ou hyperflexion) sur de longues
durées (cyclisme, ski. . .). La cervicalgie représente un motif de consultation
fréquent dans ces sports sollicitant particulièrement la tête et le cou [22].
La cervicarthrose est fréquente chez ces sportifs, même si elle n'est pas toujours
symptomatique. Elle est d'autant plus fréquente que le patient est âgé (de plus de
40 ans). Les autres facteurs de risque de cervicarthrose sont les antécédents de
traumatismes cervicaux, le nombre d'années de pratique sportive et le nombre
d'heures d'entraînement [23]. Cliniquement, le patient présente souvent une cervi-
calgie aspécifique, sans aucun retentissement neurologique. L'examen pourra
retrouver une raideur articulaire, des points douloureux ou des myalgies. Maigne
réunit ces symptômes dans un cadre du « dérangement intervertébral mineur » [24].
Le bilan paraclinique aura pour but d'éliminer essentiellement une lésion
rachidienne instable par le biais de clichés dynamiques devant tout traumatisme
aigu, une fois la phase douloureuse soulagée. Ce bilan permet le dépistage d'un
canal cervical étroit par la réalisation d'IRM régulières, surtout chez les patients
à haut risque (premières lignes dans le rugby, par exemple) [25].

Sténoses dégénératives du canal cervical


Les traumatismes répétés sont à l'origine de lésions dégénératives précoces sus-
ceptibles de favoriser la survenue d'un canal cervical étroit et secondairement
d'une myélopathie cervicale.
La fréquence des canaux rétrécis, en particulier chez les sportifs soumis à des
contacts répétés et violents sur le rachis cervical (rugbyman de 1re ligne, par
exemple), a amené les instances dirigeantes à reconsidérer les critères d'aptitude
à ce sport (cf. chapitre législation).
La physiopathologie des rétrécissements du canal cervical du sportif est multi-
factorielle. D'une part, en période de croissance, les traumatismes répétés peuvent
entraîner une stérilisation de la plaque de croissance épiphysaire à l'origine de
platyspondylie et de rétrécissement du canal vertébral [26]. D'autre part, les
traumatismes peuvent générer, de par leur fréquence et leur intensité, des
lésions dégénératives précoces, à l'origine du rétrécissement du canal central avec
un risque de myélopathie ou de contusion médullaire lors de traumatismes en
hyperextension.
Le tableau clinique d'une décompensation aiguë post-traumatique d'un canal
cervical étroit, souvent méconnu avant le traumatisme, peut se manifester par des
sensations de brûlures et de paresthésies ou de faiblesse musculaire touchant les
quatre membres. La durée de ces symptômes est le plus souvent brève mais peut se
prolonger au-delà de 48 heures dans les formes graves. Dans sa forme la plus
110 Rachis traumatique

grave, le traumatisme sur canal cervical étroit peut entraîner une diplégie bra-
chiale, voire une tétraplégie complète.
Le bilan complémentaire comprendra la réalisation de radiographies standard,
d'une tomodensitométrie et/ou d'une IRM, pour objectiver un canal cervical
étroit et rechercher des lésions associées arthrosiques, congénitales (blocs cervi-
caux), discales (hernies), ostéoligamentaires (fracture ou luxation) ou neurolo-
giques (recherche de signes de contusion médullaire sous la forme d'un hypersignal
intramédullaire en T2).
La découverte d'un canal cervical étroit chez un sportif « contact » peut
contraindre à un arrêt définitif de sa pratique ou à une reconversion vers un sport
sans contact.

Sténoses dégénératives des foramens intervertébraux


Les sténoses dégénératives des foramens intervertébraux peuvent être responsa-
bles de névralgies cervico-brachiales invalidantes pour le sportif. Ces manifesta-
tions ne sont pas rares chez le sportif exposé à des microtraumatismes répétés du
rachis cervical et donc à la cervicarthrose. De nombreux sports sont concernés et
les plus cités sont le rugby, la lutte, le basket, le hockey ou encore le football
américain [27].
Les manifestations douloureuses des membres supérieurs chez le sportif peuvent
exister sous la forme de neurapraxie, faisant suite à des phénomènes de traction
radiculaire ou plexique, voire de compression sur le versant controlatéral,
à l'occasion de traumatismes en inclinaison brutale du rachis cervical avec abaisse-
ment de l'épaule controlatérale. Dans ce cadre, la symptomatologie, représentée par
des sensations à type de brûlure de topographie variée selon le niveau étiré ou
comprimé (racine C6 le plus souvent), est transitoire et le patient a tendance
à négliger le traumatisme. À l'extrême, dans les traumatismes violents, il peut
apparaître un déficit neurologique non régressif spontanément. Le bilan devra
éliminer alors en urgence une entorse grave ou une subluxation du rachis cervical.
L'atteinte dégénérative des foramens intervertébraux touche, en général, le
sujet sportif en fin de carrière, dans le cadre d'une cervicarthrose avancée avec
uncarthrose. Il n'y a pas de prise en charge spécifique au sportif et le traitement de
1re intention sera médical. En dernier recours, la chirurgie peut être indiquée sous
la forme de décompression par voie antérieure ou postérieure.

Gestion du traumatisme sur le terrain


et orientation du malade
Médicalisation sur le terrain
La survenue d'un traumatisme rachidien cervical dans le cadre sportif doit, en
premier lieu, faire interrompre la compétition (automobile, terrain...), le temps de
l'évaluation et du conditionnement du blessé. Le premier bilan devra être effectué
par le médecin responsable, à la recherche de signes engageant le pronostic vital
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 111

(conscience, respiration, pouls...). Dans ce cas, il doit faire appel à une équipe
médicalisée en urgence (SAMU).
En l'absence de signes engageant le pronostic vital, il faudra rechercher des
signes de gravité de la blessure par l'interrogatoire (siège et intensité de la douleur,
cinétique du traumatisme) et l'examen clinique (recherche de déformation/
hématome/œdème, examen neurologique rapide mais précis) du blessé. En cas
de signes de gravité de la blessure ou de douleur persistante, l'examen du rachis
cervical sera prudent, évitant toute mobilisation excessive.
Les signes devant faire craindre un traumatisme grave du rachis cervical sont :
 perte de connaissance ;
 déficit neurologique, sensitif ou moteur, du tronc ou des membres ;
 paresthésies des membres ;
 douleur intense du cou ;
 raideur cervicale d'installation rapide ;
 déformation de la colonne vertébrale cervicale.

Immobilisation et transfert en centre spécialisé


En cas de suspicion d'atteinte cervicale, le patient doit être immobilisé dans un
collier cervical rigide et, éventuellement, dans un matelas coquille en cas de doute
sur des lésions associées du rachis thoraco-lombaire, notamment dans les trau-
matismes à haute énergie (motorisé). Le transfert doit s'effectuer vers un centre
spécialisé s'il existe des signes de gravité de la blessure et notamment un déficit
neurologique. Le centre médical devra disposer d'une structure adaptée à la prise
en charge des traumatisés rachidiens en urgence, comprenant la disponibilité
d'investigations diagnostiques performantes (TDM, IRM), ainsi qu'une équipe
médicochirurgicale spécialisée (anesthésiste-réanimateur, chirurgien orthopédiste
ou neurochirurgien).

Gestion du malade aux urgences


Examen clinique (ce que l'on doit chercher)
Le pronostic immédiat des traumatisés du rachis cervical est fonction en premier
lieu des lésions associées, de l'état de la fonction cardiaque et respiratoire. La
présence d'une bradycardie, d'une hypothermie et/ou d'une hypotension peut
traduire un dérèglement sévère du système neurovégétatif.
L'examen clinique diffère selon que le traumatisé est conscient ou non, la perte
de connaissance constituant un signe de gravité du traumatisme crânien et/ou
rachidien cervical.
Chez un blessé conscient, l'attention est attirée par la douleur et la raideur
antalgique, alors que chez le blessé inconscient, l'inspection et la palpation du
patient rechercheront une saillie anormale d'une épineuse. À titre systématique, il
faudra respecter la règle de la radiographie cervicale systématique chez tout
traumatisé crânien dont 5 % peuvent présenter une atteinte de la colonne
cervicale.
112 Rachis traumatique

Un examen neurologique soigneux est indispensable chez tous les traumatisés


rachidiens, la gravité étant conditionnée par la présence d'une complication radi-
culaire ou médullaire, telle qu'une tétraplégie. Les travaux de l'école bordelaise
[28,29] ont tout particulièrement insisté sur la nécessité d'une réduction précoce des
lésions ostéoarticulaires compliquées d'atteinte neurologique, car au-delà de la 3e
heure, l'ischémie liée à la compression radiculaire ou médullaire a toutes les chances
d'entraîner des lésions de nécroses intraneurales définitives.
L'examen clinique initial est fondamental et doit être minutieux. La réponse
motrice de chaque myotome est évaluée de 0 à 5, porté dans la fiche ASIA
(figure 8.7), 0 correspondant à la paralysie totale. Il en est de même pour la
sensibilité de 0 à 2. L'étude de la sensibilité périnéale et le toucher rectal
appréciant la tonicité du sphincter sont obligatoires.
L'ensemble des résultats de l'examen neurologique peut être reporté sur la fiche
de l'IRME (Institut pour la recherche sur la moelle épinière), dérivée de la fiche
ASIA (American Spinal Injury Association) [21]. Elle sera éventuellement
complétée et soigneusement tenue à jour par la suite.
Au total, le pronostic neurologique peut être établi comme suit :
 tétraplégies complètes définies par l'absence de réponse motrice, sensitive et
réflexe ;
 tétraplégies incomplètes où persiste une motricité ou une sensibilité à rechercher
jusqu'au dernier métamère sacré.

[(Figure_7)TD$IG]

FIGURE 8.7. Fiche d'évaluation clinique neurologique ASIA [21].


Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 113

Parmi ces tétraplégies incomplètes, plusieurs diagnostics syndromiques en


fonction de la localisation de la compression neurologique peuvent être
différenciés.

Syndrome médullaire antérieur


Il se caractérise par une atteinte des deux tiers antérieurs de la moelle, se mani-
festant par un déficit moteur et sensitif au-dessous du niveau de la lésion, avec
préservation de la sensibilité profonde (sensibilité vibratoire et notion de la posi-
tion des parties du corps dans l'espace). Ce syndrome suggère une compression
antérieure de la moelle, comme celle observée dans les hernies discales trauma-
tiques ou les lésions ischémiques secondaires.

Syndrome médullaire postérieur


Il se caractérise par une atteinte de la corde postérieure, entraînant des troubles de
la notion de position des parties du corps dans l'espace. On observe une anomalie
de la marche (base élargie, soulèvement excessif des jambes ensuite projetées sur le
sol qu'elles touchent avec le talon) et, dans les cas de lésion cervicale, perte
d'habileté des membres supérieurs et incoordination accentuée par la privation
de vision pendant la réalisation des mouvements.

Syndrome médullaire central


Les syndromes centromédullaires d'origine traumatique sont plus fréquents chez
les patients ayant déjà un canal cervical étroit, comme dans les cas de processus
dégénératif des articulations intervertébrales (spondylarthrose) et subissant une
lésion par hyperextension cervicale. On constate une lésion plus importante de la
substance grise cervicale, entraînant faiblesse et atrophie des membres supérieurs
et une atteinte moindre des membres inférieurs (ces patients ne peuvent, en
général, pas marcher), mais sans altération sensitive importante.

Syndrome hémi-médullaire
Plus connu sous le nom de syndrome de Brown-Séquard, il est rarement associé
à des lésions traumatiques. Il se caractérise par une paralysie et une altération de la
notion de position dans l'espace d'un côté du corps (côté de la lésion) et par une
perte de la sensibilité douloureuse et thermique du côté opposé à la lésion.

Syndrome radiculaire
Certains patients présentent seulement une lésion d'une racine nerveuse au niveau
de la fracture ou de la luxation spinale. Ce type de lésion affecte plus fréquemment
la région cervicale et se manifeste par une douleur sur le trajet de la racine, une
faiblesse et atrophie des muscles innervés par cette racine.
Le pronostic sera plus favorable pour les tétraplégies incomplètes, sous réserve
d'une prise en charge spécialisée optimale et rapide comportant trois étapes
essentielles : réduction, décompression et stabilisation.
114 Rachis traumatique

Bilan d'imagerie
L'exploration des traumatisés du rachis cervical est souvent conditionnée par la
présence de lésions associées, d'un engagement du pronostic neurologique ou
même vital et enfin par la difficulté de mobilisation du blessé.
L'exploration minimale comprendra :
 un bilan radiographique conventionnel en n'oubliant pas de dégager les
charnières, notamment cervico-thoracique ;
 une tomodensitométrie (TDM) avec reconstruction en trois dimensions centrés
sur les lésions ;
 éventuellement une imagerie par résonance magnétique (IRM), plus difficile
d'accès en urgence, en cas de doute diagnostique ou de mauvaise corrélation
radioclinique.

Radiologie conventionnelle
L'incidence de première intention est le cliché de profil strict de l'ensemble du
segment. De nombreux auteurs insistent sur la qualité nécessaire de cette inci-
dence car elle fournit l'essentiel des éléments sémiologiques. Il est indispensable de
pouvoir visualiser le rachis cervical dans son ensemble jusqu'au disque C7-T1. En
effet, l'extrémité inférieure du rachis cervical est souvent masquée par les épaules
du patient qu'il faut abaisser pour la réalisation du cliché radiologique de profil
(figure 8.8). Le cliché de face présente moins d'intérêt sauf pour vérifier l'aligne-
ment des épineuses.

[(Figure_8)TD$IG]

FIGURE 8.8. Exemple de luxation C5C6 non visualisée sur une radiographie de profil du
rachis cervical. La lésion est démasquée par l'abaissement des épaules.
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 115

L'interprétation des images radiologiques de profil commence par une lecture


verticale (figure 8.9) :
 rapports avec la base du crâne : ligne occipito-palatine (Chamberlain) au des-
sous de laquelle l'arc antérieur de C1 doit toujours se projeter. D'autres indices
existent pour l'étude de la charnière occipito-cervicale. Les plus utiles sont d'une
part la mesure de l'intervalle basion-axis (BAI) et d'autre part la mesure de
l'intervalle basion-dent (BDI). Le BAI est la mesure de la distance entre le basion
(pointe du clivus) et la ligne verticale tangente à la corticale postérieure du corps
de C2 ; elle mesure moins de 12 mm. Le BDI est la mesure de la distance entre le
basion et le cortex supérieur de la dent ; mesurée exclusivement chez l'adulte, elle
varie entre 2 et 15 mm ;
 cintre occipito-odontoïdien ;
 intervalle C1C2 : la distance maximale mesurée entre l'arc antérieur de C1 et
l'odontoïde ne doit pas dépasser 3 mm chez l'adulte ;
 analyse des parties molles : la ligne prévertébrale correspondant aux parties
molles rétropharyngées, d'épaisseur variable selon l'étage, ne doit pas dépasser
4 mm en C4 ;
 alignement des lignes antérieures (figure 8.9) (face antérieure des corps
vertébraux), postérieures (mur postérieur des corps vertébraux, ligne interarticu-
laire antérieure et postérieure, ligne de la pointe des épineuses) et spinolamaires
(unissant le bord postérieur des lames et l'origine des épineuses).

[(Figure_9)TD$IG]

FIGURE 8.9. Lecture radiologique du rachis cervical de profil. 1 : espace prévertébral.


2 : alignement vertébral antérieur. 3 : alignement vertébral postérieur. 4 : alignement
spinolamaire. 5 : alignement des massifs articulaires. 6 : alignement des épineuses.
116 Rachis traumatique

[(Figure_0)TD$IG]

FIGURE 8.10. Fracture de Jefferson (cliché radiologique de face du rachis cervical « bouche
ouverte » montrant un débord des masses latérales de C1 par rapport à C2,
comparativement à un cliché normal).

La lecture radiologique horizontale comprendra :


 analyse d'un tassement vertébral ;
 mesure de l'angulation des plateaux vertébraux ;
 alignement des articulaires.
Le cliché de face bouche ouverte (figure 8.10) permet d'analyser la charnière
occipito-cervicale jusqu'à C2. Il explore essentiellement l'alignement des masses
latérales C1-C2 (5 mm), le centrage de l'odontoïde et la présence d'un trait de
fracture en C1 ou C2.

Tomodensitométrie
C'est l'examen de référence dans l'exploration des lésions ostéoarticulaires.
L'indication doit être systématique en cas de clichés radiographiques anormaux
ou difficilement interprétables (cou court, superpositions d'images, non-visuali-
sation de la charnière cervico-thoracique), avec un examen clinique anormal
(discordance clinico-radiologique). La tomodensitométrie analyse l'ensemble du
rachis cervical de la charnière occipito-cervicale à la charnière cervico-thoracique.
Elle peut ainsi déterminer si les lésions sont symétriques ou asymétriques. La
topographie et la direction des traits fracturaires, les déplacements fragmentaires
seront utiles dans la détermination du mécanisme lésionnel (compression, flexion-
extension, rotation, mécanismes combinés). Il faut savoir reconnaître les fausses
images de fracture (clarté des vaisseaux intrasomatiques, ostéophytes).
Les reconstructions en trois dimensions, notamment dans le plan sagittal, per-
mettent l'analyse précise des articulaires, souvent difficile sur les radiographies
standard. Les fractures articulaires [30] sont parmi les fractures passant les plus
inaperçues sur les radiographies conventionnelles. Sur la coupe axiale des articu-
lations inter apophysaires, on recherchera une image normale correspondant à une
articulation faite de deux images osseuses et seulement deux. La visualisation d'une
articulaire unique implique une luxation ; la présence de trois pièces osseuses ou
plus doit faire conclure à une fracture uni- ou bi-articulaire. Le diagnostic de
diastasis articulaire est plus difficile, et l'analyse d'un interligne se fait toujours en
comparaison avec les interlignes controlatéraux sus- et sous-jacents.
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 117

IRM
L'IRM est moins accessible en urgence que les autres moyens et, par conséquent,
sous-utilisée ou mal utilisée malgré l'apport capital dans l'analyse des structures
disco-ligamentaires et neurologiques. En dehors des contre-indications formelles
à la réalisation de cet examen (stimulateurs cardiaques, clips métalliques
intracrâniens, corps étrangers métalliques intraoculaires et matériel
d'ostéosynthèse d'installation récente), elle sera utile et efficace pour analyser
les lésions traumatiques rachidiennes cervicales.
L'IRM est ainsi supérieure à la tomodensitométrie dans l'analyse des hernies
discales traumatiques avec la possibilité d'étudier les rapports du disque avec les
éléments voisins (ligament longitudinal postérieur, moelle, racine nerveuse).
L'IRM apporte également des éléments essentiels sur l'atteinte du complexe
ligamentaire (zones de rupture au niveau des ligaments interépineux, hypersignal
paraligamentaire signant la présence d'un hématome).
Enfin, l'IRM permet l'exploration fine de la pathologie médullaire. Il permet
de dépister et de dater les hématomes médullaires. Il faut se souvenir de
l'évolution de l'hématome en fonction de sa composition en fer et en matériel
magnétique. D'abord en hyposignal en T1, le sang passe en hypersignal après
quelques jours. En revanche, il est en hypersignal T2 plus ou moins hétérogène.
Les compressions du canal médullaire par des fragments osseux ou herniaires
seront également analysées finement. À distance du traumatisme, l'IRM aura
pour but de rechercher des signes de syringomyélie post-traumatique (signal
hydrique intramédullaire longitudinale).

Place des radiographies dynamiques (indication, critères


de réalisation, interprétation)
L'intérêt des radiographies dynamiques est le dépistage de lésions disco-ligamen-
taires graves, non visibles sur des clichés réalisés en position statique. Ces lésions
peuvent entrer dans le cadre diagnostique des entorses graves du rachis cervical,
avec atteinte du segment mobile rachidien, source d'instabilité spinale et donc de
danger pour les structures neurologiques avoisinantes. Le segment mobile rachi-
dien (SMR) est constitué de l'ensemble des structures disco-ligamentaires
réunissant deux vertèbres entre elles (figure 8.11). Le mécanisme traumatique
est plus souvent en hyperflexion qu'en hyperextension.
Les clichés dynamiques sont pratiqués sur un patient assis et toujours conscient
à qui l'on demande de fléchir la tête au maximum jusqu'à ce que le menton touche
le sternum, puis d'étendre la tête jusqu'à ce que la nuque rencontre le haut du dos
[31,32]. Ils peuvent être proposés lorsque les clichés de profil au repos suspectent
une entorse grave sans toutefois pouvoir affirmer le diagnostic. Lorsque le diag-
nostic est évident sur un cliché au repos, une radiographie de profil est pratiquée
en extension à la recherche d'une réductibilité de la lésion [32-34]. Ils sont contre-
indiqués en présence d'une fracture corporéale, d'une luxation ou d'une subluxa-
tion sur les radiographies initiales.
118 Rachis traumatique
[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 8.11. Le segment mobile rachidien. A : ligament longitudinal antérieur ; B : disque


intervertébral ; C : ligament longitudinal postérieur ; D : capsules articulaires ;
E : ligament jaune ; F : ligament interépineux ; G : ligament supraspinal.

Le délai entre le cliché au repos et les clichés dynamiques dépend de l'état de


relaxation du patient et de la douleur ressentie. Certains auteurs proposent de
réaliser ces clichés de principe lors d'une consultation à date fixe par rapport
au traumatisme : 6 jours pour Argenson [20], 5 à 10 jours pour Bisserié [32]
et Roy-Camille et al. [33, 34], 5 à 21 jours pour Louis [35]. Mais cette notion
de délai peut tout à fait être discutée. Rien n'empêche de pratiquer des clichés
dynamiques en urgence, si la douleur le permet, la raideur ne s'étant pas installée
et le premier bilan ayant formellement éliminé une fracture ou une luxation.
Les critères radiologiques d'entorse grave ont été énoncés par de nombreux
auteurs : Braakman et Penning [36], Evans [37], Green et al. [38], Louis [35],
Roy-Camille et al. [33, 34], Webb et al. [39].
Pour Bisserié [32] et Roy-Camille et al. [33,34], le diagnostic repose, à la lecture
des clichés de profil au repos ou dynamiques, sur la constatation des signes
suivants (en fonction de l'importance des déformations sur un cliché statique
ou de la nette aggravation lors de la pratique d'un cliché en flexion) :
 augmentation de l'écart interépineux d'un étage par rapport aux étages sus- et
sous-jacents ;
 déchaussement articulaire ;
 bâillement articulaire vers l'arrière ;
 cyphose discale et antélisthésis.
L'augmentation de l'écart interépineux est aussi visible sur un cliché de face.
Pour Louis [19, 20], trois des cinq critères suivants réalisés sur des clichés au
repos ou en flexion suffisent pour poser le diagnostic :
 antélisthésis supérieur ou égal à 3,5 mm au-dessus de C4 et 2,5 mm en dessous,
mesuré au bord antérieur des vertèbres ;
 bâillement interépineux supérieur à l'espace interépineux sus- et sous-jacent ;
 perte de parallélisme des facettes articulaires ;
 perte du contact des facettes articulaires égale ou supérieure à 50 % ;
 rupture angulaire de l'alignement corporéal appréciée sur la ligne de projection du
mur postérieur des corps vertébraux, avec une angulation supérieure ou égale à 15°.
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 119

Les entorses graves en extension sont diagnostiquées sur une radiographie de


profil grâce aux trois signes suivants :
 exagération de la lordose cervicale avec bâillement discal antérieur ;
 rétrolisthésis ;
 recul des articulaires inférieures de la vertèbre sus-jacente sur les articulaires
supérieures de la vertèbre sous-jacente.

Traitement
Prévention primaire
La prévention des accidents potentiellement graves en rapport avec les trauma-
tismes du rachis cervical en pathologie sportive est primordiale et repose sur une
sensibilisation des joueurs, entraîneurs et préparateurs physiques à l'égard du
risque traumatique inhérent à certaines pratiques.
La préparation physique spécifique aux sports à risque doit privilégier le
renforcement musculaire périrachidien et de la ceinture scapulaire. Le travail
des préparateurs physiques doit être poursuivi régulièrement avec parfois recours
à des techniques spécifiques de rééducation comme le travail proprioceptif ou la
reprogrammation oculo-céphalique. L'apprentissage des mécanismes de protec-
tion du rachis cervical et le perfectionnement du geste sportif sont également
essentiels. Enfin, nous insisterons sur l'importance des exercices d'échauffement
et d'assouplissement des muscles cervicaux avant le début de l'activité sportive.
Au rugby, certaines mesures visant à réduire la fréquence des traumatismes
cervicaux ont été adoptées. Le recours à un joueur de troisième ligne pour
suppléer l'absence d'un joueur de première ligne n'est désormais plus autorisé.
Les poussées en mêlée sont interdites chez les jeunes. L'engagement en mêlée a
également été modifié, se faisant désormais en séquentiel ligne par ligne.
L'arbitrage s'est enfin adapté en sanctionnant de manière plus sévère les placages
hauts (type cathédrale) et les mêlées effondrées ou tournées [7].
Dans le cyclisme, l'attitude du rachis cervical longtemps maintenue en position
forcée en avant peut entraîner des cervicalgies. La prévention consiste en une
rééducation musculaire rachidienne et en certaines astuces techniques [40] : change-
ment fréquent du positionnement des mains sur le guidon et/ou de la tête, utilisation
de gants en d'un guidon capitonnés, utilisation de pneus larges permettant d'amortir
les chocs répétés de la route.
Au judo, l'apprentissage des techniques de chute (UKEMI) participe à la
réduction du taux de traumatismes cervicaux, notamment en flexion cervicale.
Il faut d'ailleurs rappeler que la fréquence des traumatismes cervicaux dans ce
sport est d'autant plus élevée que le sportif est moins entraîné [41].

Traitement fonctionnel et orthopédique


Le traitement fonctionnel est de mise dans les entorses bénignes du rachis cervical
ou en cas de « dérangements » cervicaux communs, avec normalité du bilan
120 Rachis traumatique

clinique et paraclinique (clichés/TDM/IRM/clichés dynamiques). Le traitement


fonctionnel chez le sportif ne présente que peu de particularités. Il fait appel au
traitement antalgique, anti-inflammatoire (hors contre-indication) et
décontracturant musculaire pendant la phase douloureuse. L'immobilisation
par collier cervical en phase aiguë peut être nécessaire à titre antalgique, et en
cas de traumatisme, tant que l'entorse n'a pas fait la preuve de sa bénignité. La
rééducation peut avoir une place en période aiguë (physiothérapie, massage et
techniques myorelaxantes) ou à distance (récupération des amplitudes, renforce-
ment musculaire). Les manipulations cervicales, réalisées dans de bonnes condi-
tions, constituent un traitement de choix chez le sportif. Elles sont contre-
indiquées en cas de traumatisme cervical récent, avant la fin du bilan diagnos-
tique, éliminant une lésion rachidienne instable. L'intérêt des manipulations cer-
vicales réside dans leur possible efficacité immédiate, permettant de diminuer la
prise de médicaments et une reprise plus précoce du sport [22]. Les manipulations
sont faites par un spécialiste compétent après un bilan complémentaire exhaustif
ayant formellement éliminé toute lésion cervicale grave.
Le traitement orthopédique est choisi en cas de lésions rachidiennes stables et
non déplacées. L'existence d'une instabilité d'origine purement osseuse, du fait du
caractère temporaire de cette instabilité, n'est pas toujours un critère opératoire
formel, d'autant plus si le patient refuse la chirurgie ou s'il existe une contre-
indication à un geste chirurgical. L'immobilisation par une orthèse cervicale
adaptée jusqu'à la consolidation des lésions est le point principal du traitement
orthopédique. Différentes orthèses sont disponibles sur le marché, en termes
d'appui, de hauteur, de rigidité des matériaux et de moulage. L'immobilisation
du rachis cervical supérieur aura pour but de bloquer les rotations et nécessitera
un appui mentonnier, occipital avec bandeau frontal sur le segment céphalique,
sternal et dorsal sur le tronc (« corselet minerve »). L'immobilisation du rachis
cervical inférieur aura recours à des colliers en mousse dans les entorses bénignes
ou rigides à appui sternal, dorsal et sus claviculaire dans les entorses de moyenne
gravité (3 à 6 semaines) ou les fractures stables (3 mois).

Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical est indiqué en cas de lésions instables d'origine disco-
ligamentaire (entorses grave du rachis cervical), de fracture ou luxation avec
retentissement neurologique (urgence chirurgicale) ou de lésions à potentiel
évolutif délétère (fracture séparation du massif articulaire non déplacée, fracture
de l'odontoïde...).
Différents algorithmes décisionnels existent dans la littérature permettant un
démembrement des lésions traumatiques du rachis cervical.
Pour le rachis cervical inférieur, Vaccaro et al. [42] ont développé une classifi-
cation (subaxial cervical spine injury classification scale) (tableau 8.1) des lésions
en fonction du mécanisme traumatique, de l'atteinte du complexe ligamentaire et
du statut neurologique, permettant de poser les indications opératoires.
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 121

TABLEAU 8.1. Subaxial Cervical Spine Injury Classification Scale [42]


Mécanisme traumatique Pas d'anomalie 0
Compression (burst) 1 + 1 = 2
Distraction (hyperextension) 3
Rotation/translation (luxation articulaire, Tear
drop) 4
Complexe disco-ligamentaire Intact 0
Indéterminé (élargissement interépineux,
changements IRM) 1
Perturbé (élargissement espace discal antérieur,
luxation articulaire) 2
Statut neurologique Intact 0
Lésion radiculaire 1
Lésion médullaire complète 2
Lésion médullaire incomplète 3
Compression médullaire + 1
Score  5 = chirurgie, score  3 = fonctionnel ou orthopédique et score = 4 = chirurgical ou
orthopédique

Grâce à cette classification, les auteurs obtiennent un algorithme décisionnel


pour les principaux types d'atteinte traumatique du rachis cervical inférieur et
proposent une conduite thérapeutique.

Fracture « burst » par compression (score de 4 à 6)


Le traitement de choix est la corporectomie par voie antérieure, associée à une
greffe (os iliaque) et à une ostéosynthèse par plaque vissée antérieure dans les
vertèbres adjacentes à la fracture (figure 8.12).

Fracture (ou fracture avulsion) en hyperextension (score de 5 à 9)


Le traitement de choix est la discectomie antérieure associée à une greffe
(os iliaque) et à une ostéosynthèse par plaque vissée dans les vertèbres adjacentes
au disque lésé, plus ou moins associée à une synthèse postérieure dans les rachis
très raides (colonne bambou des spondylarthropathies, par exemple).

Luxation uni- ou bi-articulaire (score de 5 à 9) (figures 8.13 et 8.14)


En l'absence d'expulsion discale sur l'IRM, deux approches sont possibles : soit
une réduction par voie postérieure à ciel ouvert et sous contrôle de la vue avec
ostéosynthèse associée, soit une discectomie antérieure avec greffe et plaque
vissée après mise en extension douce du rachis cervical pour réaligner les deux
vertèbres luxées ou traction cervicale progressive sur étrier en préopératoire. En
présence d'une expulsion discale sur l'IRM, la voie antérieure est le traitement
de choix.
122 Rachis traumatique

[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 8.12. Exemple de fracture par compression de C6, traitée par corporectomie de C6,
greffe et plaque antérieure C5C7.

L'inconvénient du temps postérieur est le risque de pincement discal progressif


et de cyphose segmentaire. L'inconvénient du temps antérieur unique est le risque
de réduction incomplète et l'absence de cicatrisation des éléments postérieurs.

Fracture luxation uni- ou bi-articulaire (score de 6 à 9)


Si le corps vertébral est sain avec expulsion discale sur l'IRM, le traitement de
choix sera la discectomie par voie antérieure associée à une tentative de réduction
avec greffe et plaque. Si la réduction est impossible par voie antérieure unique, un
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 123
[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 8.13. Exemple de luxation complète uni-articulaire C5C6 traitée par réduction
à ciel ouvert et synthèse postérieure.

double temps postérieur (pour réduction plus ou moins synthèse), puis antérieur
(pour discectomie, greffe et plaque) sera nécessaire.
Si le corps vertébral est défaillant, l'attitude sera différente. En cas de fracture
d'un plateau vertébral, un temps postérieur pour réduction et synthèse à ciel
ouvert sera indiqué. En revanche, une fracture « burst » ou « tear drop » du
corps nécessitera un double temps postérieur puis antérieur pour réduction et
synthèse.
124 Rachis traumatique

[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 8.14. Exemple de luxation complète uni-articulaire C5C6 traitée par réduction en
traction progressive préopératoire sur étrier et arthrodèse cervicale antérieure.

Cas particulier : la décompensation aiguë de myélopathie


cervicarthrosique sur canal cervical étroit (score de 4) (figure 8.15)
Le traitement chirurgical sera indiqué en général sans urgence, sauf compression
médullaire (hernie discale ou hématome) ou instabilité.
En cas de sténose multi-étagée sur un rachis cervical lordotique, une lami-
nectomie ou laminoplastie pour libération médullaire par voie postérieure
sera indiquée. En cas de compression sur un à deux niveaux sur un rachis
cervical cyphotique, les corporectomies ou discectomies multiples par voie
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 125
[(Figure_5)TD$IG]

FIGURE 8.15. Exemple de contusion médullaire (hypersignal intramédullaire en T2


à l'IRM) C3C4 sur canal cervical étroit arthrosique.

antérieure seront préférables, parfois associées à des gestes de libération


postérieure.
Les atteintes traumatiques du rachis cervical supérieur sont nettement plus
rares qu'au rachis cervical inférieur. L'atteinte traumatique la plus fréquente au
rachis cervical supérieur est la fracture de l'apophyse odontoïde (C2) décrite
précédemment. Les indications opératoires dans cette lésion sont les fractures
de type II de la classification d'Anderson et Alonzo et les fracture HTAL et OBAR
de la classification de Roy-Camille, du fait de leur instabilité ou en cas de
déplacement fragmentaire à risque neurologique (figure 8.16). Le traitement de
choix de la fracture de l'apophyse odontoïde est le vissage direct par voie
antérieure, après réduction.
Dans les cas de fracture bi-pédiculaire de C2 (figure 8.17), l'indication
opératoire est la règle en cas d'atteinte du disque C2C3, avec deux approches
chirurgicales possibles par voie postérieure classiquement ou par voie antérieure.
Cette fracture survenant en hyperextension brutale du rachis cervical reste rare en
traumatologie sportive courante.
126 Rachis traumatique

[(Figure_6)TD$IG]

FIGURE 8.16. Exemple de fracture type OBAR selon Roy-Camille et type II d'Alonso,
déplacée en arrière réduction ostéosynthèse par vissage antérieur direct.

[(Figure_7)TD$IG]

FIGURE 8.17. Exemple de fracture bipédiculaire de C2 avec antélisthésis de C2 sur C3


traitée par réduction et ostéosynthèse par voie postérieure.
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 127

Rééducation
La rééducation après un traumatisme du rachis cervical et une arthrodèse chirur-
gicale chez le sportif, comprend trois phases, bien décrites par Savalli [43].

Phase de consolidation osseuse et disco-ligamentaire


Elle dure environ 3 mois et la rééducation est le plus souvent limitée au travail
statique, infra douloureux, contre résistance manuelle des muscles cervicaux. S'y
associe un travail d'entretien prudent des membres supérieurs et inférieurs, du
rachis thoraco-lombaire avec parfois un programme d'entretien cardio-vasculaire
sur cyclo-ergomètre ou sur stepper.

Phase de sevrage de la contention et de récupération des qualités


analytiques du rachis cervical
Elle permet le retour à des activités sportives légères et de la vie quotidienne. Elle
débute obligatoirement après un contrôle radiographique et avec l'autorisation
du chirurgien. Le sevrage doit être progressif pour éviter les cervicalgies d'origine
musculaire liées au déconditionnement en rapport avec la contention et l'immo-
bilisation. La récupération des amplitudes du rachis cervical est essentielle durant
cette phase associant travail cervical actif et rééducation oculo-cervicale. Le ren-
forcement musculaire enfin permet une tonification des muscles cervicaux et péri
scapulaires avec des travaux spécifiques de gainage en co-contraction
fléchisseurs-extenseurs et de proprioception.

Phase de préparation au retour sur les terrains, dans les sports à risque
Cette phase n'est nécessaire que chez le sportif à risque et correspond à une
intensification du programme de renforcement musculaire et de rééducation
neuro-motrice.

Législation et modalités de reprise sportive


La fréquence des canaux rétrécis, et le risque potentiel de retentissement neuro-
logique grave, en particulier chez les joueurs de première ligne du rugby, ont
amené les instances sportives à reconsidérer les critères d'aptitude à ce sport.
L'objectif d'un travail réalisé par la Ligue Nationale de Rugby (LNR) et la
Fédération Française de Rugby (FFR) a été d'élaborer une classification permet-
tant de définir des critères d'aptitude. Sénégas avait développé, dans les années
1990, une classification dérivée des travaux de Torg [44] qui a été réévaluée par
un groupe d'experts à la lumière des données de l'IRM. Cette nouvelle classifica-
tion, rapportée par Bernard [45], repose sur trois éléments : l'examen clinique, les
radiographies du rachis cervical (face, profil et clichés de profil en flexion-exten-
sion) et l'IRM datant de moins de 6 mois.
La radiographie de profil du rachis cervical permet de mesurer l'indice de Torg,
défini par le rapport du diamètre antéropostérieur du canal sur celui du corps
vertébral. On parle de canal rétréci pour un indice de Torg inférieur à 0,8.
128 Rachis traumatique

TABLEAU 8.2. Classification des populations à risque pour le rugby [45]


Groupe Critères
Groupe 0 aucune pathologie cervicale
Groupe 1 pathologie n'entraînant pas de contre-indication à la pratique du rugby en
compétition
 critères cliniques :
– épisode de radiculalgie résolutive
 critères radiologiques :
– entorse bénigne
– fracture vertébrale consolidée stable
– sténose foraminale arthrosique
– protrusion discale sténose développementale modérée du canal rachidien
(Torg < 0,8 mais DAP > 11 mm)
– hernie discale non compressive sur la moelle
Groupe 2 contre-indication relative (sur risque connu, à faire accepter par le joueur)
 critères cliniques :
– radiculalgie chronique
– antécédent de médullapraxie
 critères radiologiques :
– sténose développementale franche du canal rachidien (Torg compris entre 0,6 et
0,8 et DAP inférieur ou égal à 11 mm sans image de compression de la moelle)
(persistance de LCR en arrière du cordon)
– hernie discale compressive sur la moelle (sans signes neurologiques)
– bloc congénital ou fusion chirurgicale à un ou deux niveaux entre C1 et T1
Groupe 3 contre-indication absolue
 critères cliniques :
– trouble neurologique déficitaire moteur radiculaire ou médullaire
– tétra parésie transitoire de plus de 36 heures
– trois épisodes ou plus de tétra parésie transitoire
– syndrome tétra pyramidal avéré (Babinski + , Hoffmann +)
 critères radiologiques :
– entorse ligamentaire avec laxité importante (entorse grave)
– sténose canalaire modérée ou franche (Torg < 0,8) avec instabilité
ligamentaire
– sténose développementale sévère du canal rachidien (Torg < 0,6 ou Torg
compris entre 0,6 et 0,8 et DAP inférieur ou égal à 11 mm avec image de
compression de la moelle) (pas de persistance de LCR en arrière du cordon)
– hernie discale compressive sur la moelle (avec signes neurologiques)
– agénésie ou hypoplasie de l'odontoïde, bloc congénital ou fusion chirurgicale de
3 niveaux ou plus, cavité syringomyélique, malformation de Chiari, hypersignal
intramédullaire.

La classification comporte quatre groupes présentant des risques médullaires


croissants (tableau 8.2) :
 groupe 0 : probabilité de risque médullaire non modifiée ;
 groupe 1 : probabilité de risque médullaire voisine de la normale. Le joueur doit
cependant être informé des anomalies ;
 groupe 2 : probabilité de risque médullaire augmentée mais jugée comme
« acceptable ». Le joueur doit cependant être informé des anomalies. Le consente-
ment éclairé doit être matérialisé ;
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 129

 groupe 3 : probabilité de risque médullaire très augmentée, jugée comme


« inacceptable ». Le joueur doit être informé des anomalies.
D'autres critères entrent en jeu dans la reprise du sport et ont été étudiés par
Savalli [43] dans les cas de sportifs opérés d'un traumatisme cervical par
arthrodèse.

Type de sport pratiqué


Morganti classe les sports en cinq catégories en fonction de leur dangerosité [46].
Plus simplement, Savalli [43] classe les sports en trois catégories.
 Les sports impliquant des collisions, comme le football américain, le rugby, le
hockey sur glace constituent des sports à dangerosité élevée.
 Les sports à dangerosité modérée, susceptibles de provoquer des chutes poten-
tiellement traumatisantes pour le rachis cervical comme la lutte, la gymnastique
ou comme certains sports de vitesse (snow-board) ou exposant le rachis cervical
à des microtraumatismes répétés (plongeon).
 Les sports à faible dangerosité sont représentés par les sports à la fois peu
contraignants pour le rachis cervical et où le risque de chute est exceptionnel.

Type de lésion
Pour Sénégas [7], la fusion sur un niveau ne constitue pas une contre-indica-
tion à la reprise du rugby. En revanche, une fusion sur deux niveaux ou plus est
une contre-indication absolue à la reprise sportive. Pour certains auteurs,
lorsque la fusion concerne l'étage C1C2 ou C2C3, il s'agit également d'une
contre-indication [47].

Séquelles neurologiques
L'existence d'une lésion neurologique (radiculaire ou médullaire) séquellaire
représente pour Sénégas [7] une contre-indication absolue à la reprise de sports
violents.

Raideur cervicale, douleurs séquellaires, récupération


musculaire insuffisante
Dans ces situations, le risque de blessure itérative représente une contre-indication
à la reprise de sports à risque de traumatisme rachidien cervical.
Dans sa série de 111 rugbymen traumatisés rachidiens cervicaux entre 1972 et
1996, Sénégas rapporte un taux de reprise du sport de 24 % seulement, malgré un
taux d'absence de séquelles de 45 % et de séquelles mineures de 33 %. Dans cette
même série, Sénégas rapporte 20 % de séquelles majeures, parmi lesquelles 15
tétraplégies définitives et 2 décès.
Lorsque la reprise du sport à risque est contre-indiquée, certains auteurs [43]
insistent sur le fait que la reprise d'un autre sport considéré comme à risque
moindre pour le rachis cervical peut être envisagée.
130 Rachis traumatique

TABLEAU 8.3. Contre-indications à la reprise du sport


Contre-indications absolues Fracture récente du rachis cervical
Instabilité C1C2, avec ou sans fracture
Instabilité occipito-cervicale, avec ou sans fracture
Instabilité rachidienne d'origine ligamentaire
Fracture « tear drop »
Arthrodèse sur 3 vertèbres ou plus
Fractures guéries avec retentissement neurologique initial
Fracture avec atteinte du canal vertébral
Fracture de l'odontoïde
Contre-indications relatives Canal cervical étroit symptomatique
Fracture de Jefferson
Arthrodèse cervicale sur 2 niveaux
Pas de contre-indication Canal cervical étroit asymptomatique
Fracture du corps vertébral en compression, stable et consolidée
Fracture consolidée du processus épineux
Fracture consolidée d'un plateau vertébral
Arthrodèse cervicale sur 1 niveau

De nombreuses autres sources, notamment anglo-saxonnes, indiquant les


contre-indications à la reprise du sport après traumatisme rachidien cervical
existent dans la littérature. Celles n'ayant pas été déjà citées sont résumées dans
le tableau 8.3 [48].

Conclusion
La pratique sportive peut être à l'origine de pathologies traumatiques variées et
peu spécifiques du rachis cervical. La prise en charge des macrotraumatismes
responsables de lésions aiguës sur des rachis sains doit être rigoureuse avec un
bilan diagnostique précis, à la fois clinique et paraclinique, afin de dépister une
lésion instable à risque de retentissement neurologique secondaire. En cas
d'atteinte neurologique initiale, la prise en charge en urgence dans un centre
spécialisé est de règle. L'atteinte microtraumatique du rachis cervical chez le
sportif est d'évolution plus lente, pouvant entraîner notamment des
rétrécissements arthrosiques accélérés du canal vertébral cervical avec,
à l'extrême, un risque de décompensation neurologique aiguë d'origine trauma-
tique ou de myélopathie. Le dépistage de ces sportifs à risque de décompensation
neurologique est désormais obligatoire dans les sports dangereux impliquant des
collisions. La législation dans ce domaine évolue et il faut savoir informer assez tôt
le sportif des dangers encourus et de la nécessité d'interrompre un sport à risque
en cas de contre-indications liées au rachis cervical.

Références
1 Bottini E, Poggi EJ, Luzuriaga F, Secin FP. Incidence and nature of the most common rugby
injuries sustained in Argentina (1991-1997). Br J Sports Med 2000 ; 34 : 94-7.
2 Lemoine J, Breittmayer K. Rachis cervical du rugbyman. Un grand risque pour les premières
lignes. Médecins du sport 1998 ; 24 : 22-4.
Traumatismes du rachis cervical en pathologie sportive 131

3 McCoy GF, Piggot J, Macafee AL, Adair IV. Injuries of the cervical spine in schoolboy rugby
football. J Bone Joint Surg 1984 ; 66 : 500-3.
4 Molsa JJ, Tegner Y, Alaranta H, Myllynen P, Kujala UM. Spinal cord injuries in ice hockey in
Finland and Sweden from 1980 to 1996. Int J Sports Med 1999 ; 20 : 64-7.
5 Scher AT. Catastrophic rugby injuries of the spinal cord: changing patterns of injury. Br J Sports
Med 1991 ; 25 : 57-60.
6 Secin FP, Poggi EJ, Luzuriaga F, Laffaye HA. Disabling injuries of the cervical spine in Argentine
rugby over the last 20 years. Br J Sports Med 1999 ; 33 : 33-6.
7 Sénégas J. Traumatisme grave du rachis cervical chez le rugbyman. Sport Med 1997 ; 92 : 36-9.
8 Wetzler MJ, Akpata T, Laughlin W, Levy AS. Occurrence of cervical spine injuries during the
rugby scrum. Am J Sports Med 1998 ; 26 : 177-80.
9 Scher AT. Rugby injuries to the cervical spine and spinal cord: a 10 year review. Clin Sports Med
1998 ; 17 : 195-205.
10 Warren WL, Baisel JE. On the field evaluation of athletic injury. Clin Sports Med 1998 ; 17 : 99-110.
11 Lavaste F. Conférence d'enseignement de la SOFCOT. Paris: Expansion Scientifique Française;
1997.
12 Louis R. Chirugie du rachis. Anatomie chirurgicale et voie d'abord. Paris: Springer Verlag; 1993.
13 Roy camille R et al. Rachis cervical supérieur. Cinquième journée d'orthopédie de la pitié. Paris:
Masson; 1986.
14 Penning L, Van der Zaag P. Biomechanical aspect of spondylotic myelopathy. Acta Radiol Scand
1996 ; 5 : 1090.
15 De Peretti F et al. Triple et quadruple image au scanner des fractures des apophyses articulaires du
rachis cervical inférieur. J Radiol 1994 ; 75 : 597-602.
16 White A, Panjabi. Clinical biomechanics of the spine. Philadelphia: Lippincott; 1978.
17 Bohlman F. Acute fractures and dislocations of the cervical spine. J Bone Joint Surg 1970 ; 61A :
1119-42.
18 Brashear J, Venlers C, Preston E, Hill C. Fracture of the neural arch of the axis. J Bone Joint Surg
1975 ; 57A : 879-87.
19 Argenson C et al. Traumatic rotatory displacement of the lower cervical spine. Spine 1988 ; 13 :
767-73.
20 Argenson C et al. Chirurgie des traumatismes du rachis cervical. Encycl Med chir (Elsevier Paris),
Techniques chirurgicales – Orthopédie – Traumatologie ; 1994.
21 American spinal injury association Standard for neurologic and functionnal class of spinal cord
injury. J Bone Joint Surg 1994 ; 76A : 1882-96.
22 Boullier De Branche B, Fefdmann JL. Cervicalgie banale ou commune du sportif. In: Simon L,
Rodineau J, Saillant G, Benezis C, eds. Actualités en Médecine du Sport. Rachis et sport. Paris:
Masson; 1995. p. 48-53.
23 Sabourin F, Saillant G. Les atteintes microtraumatiques du rachis cervical en pratique sportive.
In: Simon L, Rodineau J, Saillant G, Benezis C, eds. Actualités en Médecine du Sport. Rachis et
sport. Paris: Masson; 1995. p. 38-41.
24 Maigne R. Diagnostic et traitement des douleurs communes d'origine rachidienne. Une nouvelle
approche. Paris: Expansion Scientifique Française; 1989, p. 516.
25 Marque B. Etude par IRM des lésions du rachis cervical des premières lignes du rugby de haut
niveau durant leur carrière. Thèse de Médecine, Bordeaux 2, 1993.
26 Berge J, Marque B, Vital JM et al. Age-related changes in cervical spines of front-line rugby
players. Am J Sports Med 1999 ; 27 : 422-9.
27 Munnings F. Should athletes return to play after transient quadriplegia? Phys Sport Med 1991 ;
9 : 127-34.
28 Senegas J. Traitement d'urgence des tétraplégies traumatiques. Conférences d'enseignement de la
SOFCOT. Paris: Expansion Scientifique Française; 1977.
29 Taylor AR, Blackwood W. Paraplegia in hyperextension cervical injuries with normal radio-
graphic appearances. J Bone Joint Surg 1948 ; 30B : 245-8.
30 Denis F. Spinal instability as defined by the three column spine concept in acute spinal trauma.
Clin Orthop 1984 ; 189 : 65-70.
31 Bisserié M. Les entorses graves du rachis cervical inférieur. In: Roy-Camille R, ed. Rachis cervical
traumatique non neurologique (1res journées de la Pitié). Paris: Masson; 1979. p. 137-41.
132 Rachis traumatique

32 Bisserié M. Lésions du segment mobile rachidien. In: Roy-Camille, ed. Rachis cervical trauma-
tique non neurologique (1res journées de la Pitié). Paris: Masson; 1979. p. 133-5.
33 Roy-Camille R, Saillant G, Berteaux D, Bisserie M. Entorses graves du rachis cervical. Traitement
par voie postérieure. Rev Chir Orthop 1978 ; 64 : 677-84.
34 Roy-Camille R, Saillant G, Berteaux D, Lorta-Jacob A, Bisserié M. Entorses graves par lésion
traumatique du segment mobile rachidien (SMR) de la colonne cervicale. J Chir (Paris) 1977 ; 113 :
121-30.
35 Louis R. Traumatismes du rachis cervical : 1) Entorse et hernies discales. 2) Fractures et luxa-
tions. Nouv Presse Med 1979 ; 8 : 1843-9, 1931-7.
36 Braakman R, Penning L. The hyperflexion sprain of the cervical spine. Radiol Clin Biol 1968 ; 3 :
309-20.
37 Evans DK. Anterior cervical subluxation. J Bone Joint Surg 1976 ; 58B : 318-21.
38 Green JD, Hartle TS, Harris JH. Anterior subluxation of the cervical spine: Hyperflexion sprain.
Am J Neuroradiol 1984 ; 2 : 243-50.
39 Webb JK, Broughton RB, Sweeney MCT, Park WM. Hidden flexion injury of cervical spine.
J Bone Joint Surg 1976 ; 58B : 332-7.
40 Mellion MB. Neck and back pain in bicycling. Clin Sports Med 1994 ; 13 : 137-64.
41 Causse C. Traumatismes cervicaux et judo de haut niveau. A propos des judokas s'entraînant
à l'I.N.S.E.P. de 1978 à 1990. Thèse de Doctorat en Médecine. Paris VII 1993.
42 Vaccaro AR, Hulbert J, Fisher C, et al. and the Spine Trauma Study Group. The Sub-axial
Cervical Spine Injury Classification System (SLIC): A Novel approach to recognize the
Importance of morphology, neurology and integrity of the disco-ligamentous complex. Spine
2007 ; 32 : 2365-74.
43 Arthrodèse post-traumatique du rachis cervical chez le sportif compétiteur. Rééducation, reprise
du sport et prévention. L. Savalli, P. L. Puig, P. Trouve. www.lombalgie-info.fr : 2010.
44 Torg JS, Naranja RJ, Pavlov H et al. The relationship of developmental narrowing of the cervical
spinal canal to reversible and irreversible injury of the cervical spinal cord in football players.
J. Bone Joint Surg 1996 ; 78A : 1308-14.
45 Bernard P, Senegas J, Pegrin JC, et al. Nouvelle classification des lésions cervicales pour l'aptitude
au rugby professionnel. J Traumatol Sport 2009 ; 26 : 148-54.
46 Morganti C, Sweeney CA, Albanese SA, Burak C, Hosea T, Connolly PJ. Return to play after
cervical spine injury. Spine 2001 ; 15 : 1131-6.
47 Cantu RC, Bailes JE, Wilberger JE Jr. Guidelines for return to contact or collision sport after a
cervical spine injury. Clin Sports Med 1998 ; 17 : 137-46.
48 Hertner GL, Sherwin SW Ho. Cervical spine acute bony injuries in sports medicine follow-up
emedicine.medscape.com : 2008.
133

9
Traumatisme dorsolombaire :
conduite à tenir
M.-A. Rousseau1, C. Laville2
1
Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital Pitié Salpêtrière,
75013 Paris ; 2Clinique Ambroise Paré, 92200 Neuilly-sur-Seine

Introduction
Les traumatismes du rachis dorsolombaire sont fréquents chez les athlètes [1, 2].
Ils représentent environ 10 % des accidents sportifs. L'éventail des lésions est
large, allant du lumbago à la paraplégie traumatique. De nombreux sports sem-
blent concernés : la gymnastique [3], le golf [4], le tennis [5], le rugby [6], l'aviron
[7], le basket, le cricket [8], l'équitation, le ski [9, 10], le sport automobile. Le
retentissement est souvent important, avec arrêt prolongé ou définitif de l'activité.
Le taux de retour au sport au niveau antérieur est de 80 % après hernie discale
lombaire selon Iwamtoto et al. [7] avec un délai moyen de 5 mois. Il ressort de
plusieurs études que la période de l'adolescence, qui correspond à la croissance du
rachis, est une période critique qui expose particulièrement le rachis dorsolom-
baire à une évolution secondaire [11, 12].

Biomécanique
Les contraintes liées à la pratique sportive sur le rachis dorsolombaire dépendent
bien entendu du type de sport pratiqué. Des mécanismes lésionnels préférentiels
spécifiques ont été rapportés ou sont intuitivement retrouvés :
 le mécanisme d'extension brutale ou répété est classiquement associé à la sur-
venue de fracture de l'isthme (pars interaticularis) [13] ou plus rarement de
fracture facettaire [14]. L'exemple type est celui des gymnastes. La fracture
de l'isthme peut être associée ou non à un spondylolisthésis ou une dysplasie en
fonction de la durée d'évolution et de l'âge d'apparition. L'inflammation

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
134 Rachis traumatique

interépineuse (bursite de Baastrup) est un diagnostic différentiel de mécanisme


similaire [15] ;
 le mécanisme en torsion est celui de nombreux sports de lancer comme le tennis
ou le golf ;
 la flexion en compression, comme dans l'effort de ramer dans le cas de l'aviron,
expose particulièrement le disque intervertébral lombaire ;
 l'effet d'un agent vulnérant extérieur a un effet de compression, comme la barre
dans le développé couché avec des cas rapportés dramatiques de paraplégie par
écrasement du rachis thoracique [16]. Il s'agissait en règle générale de sportifs non
expérimentés ;
 enfin, la projection par chute (cheval, ski, sport mécanique) provoque des
traumatismes violents.
La quantité d'énergie intervient de façon évidente : la lésion se produit si celle-ci
est suffisante pour atteindre le point de déformation plastique (élongation d'un
ligament) ou de rupture (fracture osseuse, rupture ligamentaire, déchirure annu-
laire). Les valeurs mesurées ou estimées dans les sports de contact sont
particulièrement élevées jusqu'à 10 fois les valeurs normales de repos dans le
cas du football américain selon Gatt et al. [17]. Un autre facteur est la vitesse
d'application de l'énergie (puissance) sur le rachis : un impact brutal provoquera
plus volontiers une lésion osseuse qu'un impact progressif qui favoriserait davan-
tage une lésion disco-ligamentaire [18]. En dehors, les contraintes cycliques pro-
voquent les fractures de fatigue si elles dépassent les capacités de régénération
spontanée du tissu osseux et le remodelage des micro-fissures. Dans ce cas, la pars
interarticularis (isthme) est la plus fréquemment lésée, mais d'autres localisations
ont pu être rapportées comme les pédicules [19, 20].
Les conditions préalables des ligaments et des muscles autour du rachis jouent
un rôle crucial. L'échauffement détermine le degré de précontrainte tendineux et
ligamentaire dont le comportement biomécanique est non linéaire. La zone
élastique, zone de sécurité avant la rupture, bénéficie du cyclage que constitue
l'échauffement et la préparation physique avant la pratique sportive. Le tonus
musculaire est également un facteur important : la rigidification de la colonne
vertébrale qui accompagne la co-contraction des muscles posturaux la rend plus
résistante aux forces vulnérantes de flexion et de cisaillement [21]. Non seulement
il faut avoir la masse musculaire suffisante (athlète entraîné sur le plan physique en
général), mais aussi la commande de contraction au moment opportun (athlète
entraîné sur le plan de la coordination dans l'action avec une bonne connaissance
de la phase de jeu) pour protéger au mieux le rachis dorsolombaire de l'accident
sportif.

En pratique
La question de la prise en charge du traumatisme du rachis dorsolombaire par
accident sportif peut être abordée en distinguant deux situations : l'évaluation
initiale sur le terrain et la prise en charge secondaire dans un environnement
spécialisé.
Traumatisme dorsolombaire : conduite à tenir 135

Évaluation initiale
L'évaluation initiale sur le terrain a pour objectif de répondre à deux questions :
 y a-t-il des signes de gravité ?
 le retour à l'activité est-il possible sur le champ ?
Le médecin présent doit reconnaître des signes de gravité qui nécessitent
une prise en charge spécifique urgente. Pour le rachis thoracolombaire, le
statut neurologique est la question prioritaire. Son évaluation est simple :
sensibilité, motricité sont très rapidement vérifiées. L'examen doit tout de
même être complet et l'on peut s'aider des éléments du tableau ASIA (American
Spinal Injury Association) pour rester systématique et précis (figure 9.1).
Rappelons également que c'est le premier bilan qui précise le mieux l'anamnèse :
heure, circonstances exactes, mécanisme lésionnel, enchaînement des faits,
responsabilités.
En cas de lésion neurologique d'emblée, médullaire, radiculaire ou pluriradi-
culaire comme le syndrome de la queue de cheval, l'évacuation urgente du patient

[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 9.1. Coupe sagittale IRM en pondération T2 du rachis lombaire. Distinction entre
les disques normaux bien hydratés où l'on différencie l'annulus du pulposus et les disques
dégénérés déshydratés où l'on ne fait plus la différence entre ces deux structures.
136 Rachis traumatique

se fait selon les moyens habituels de secours avec régulation du parcours de soins
vers un centre chirurgical spécifique adapté.
En l'absence de signe de complication neurologique, la question de la reprise
immédiate de l'activité reste à évaluer. La distinction entre une douleur fracturaire
et une simple contusion osseuse ou musculaire peut être difficile à établir initia-
lement. La palpation détermine le siège médian ou paravertébral de la douleur, le
caractère très localisé ou diffus, la présence ou non d'une contracture musculaire
associée, la mise en évidence éventuelle d'une déviation des épineuses ou d'un
écart interépineux anormal. L'effet des mesures déjà entreprises : massages,
cryothérapie et l'évolution dans les premiers instants contribueront aussi à faire
la part des choses et à déterminer si le joueur a la possibilité de reprendre ou non le
cours du jeu. Seuls les patients présentant une contusion manifestement mineure
avec une douleur d'évolution très rapidement favorable, sans retentissement
anormal vers les membres inférieurs, pourront reprendre l'action de jeu.

Évaluation complémentaire
L'évaluation secondaire a lieu dans un environnement calme et reposé : il est alors
possible de comparer l'état du patient avant et après l'accident. Le profil évolutif
est en effet un paramètre important pour la compréhension de la lésion et pour la
détermination du projet thérapeutique. Les antécédents concernant le rachis
dorsolombaire pourront être fouillés, documents à l'appui.
La sémiologie sera plus complète : inspection du patient dévêtu de dos et de
profil, examen dynamique si possible, palpation, percussion des réflexes aux
membres inférieurs, testing musculaire, testing sensitif précis et selon plusieurs
modes (épicritique, proprioceptif, éventuellement thermo-algique), examen des
hanches et des sacro-iliaques, palpation systématique des pouls distaux, examen
neurologique différentiel avec recherche de signes pyramidaux, de signes
cérébelleux, examen neurologique des membres supérieurs.
Les examens complémentaires qui auront été déjà réalisés seront lus à la
lumière des renseignements cliniques. Les radiographies de la zone douloureuse
(face et profil au minimum) sont nécessaires et systématiques. L'IRM précoce peut
être « trop riche » et montrer des signes non spécifiques ou au contraire « passer
à côté » si l'examen réalisé de manière systématique n'a pas ciblé la zone anato-
mique d'intérêt, dans le bon plan de coupe ou avec la bonne séquence d'acquisi-
tion. L'IRM montre l'anatomie du canal spinal, le signal des structures osseuses,
disco-ligamentaires et musculaires et potentiellement de caractère aigu ou chro-
nique et le potentiel évolutif. D'autres examens seront demandés au cas par cas :
grand cliché de la colonne entière (au mieux imagerie EOS) pour apprécier dans sa
globalité l'équilibre sagittal, explorer une éventuelle déformation scoliotique,
compter les vertèbres dans le cas des anomalies transitionnelles suspectées. La
tomodensitométrie reste la référence pour apprécier les lésions traumatiques
osseuses en cas de fracture. Les radiographies dynamiques en flexion/extension
à distance rechercheront une instabilité. Plus rarement, la saccoradiculographie
Traumatisme dorsolombaire : conduite à tenir 137

garde une place à côté de l'IRM pour l'exploration des compressions radiculaires
dans des cas particuliers (sténose dynamique, déformation 3D de la scoliose,
rachis déjà opéré).

Types de lésions
Lésions musculaires
Contusion par choc direct ou déchirure par étirement ou contraction contrariée,
les lésions musculaires sont probablement les plus fréquentes. À cela s'ajoutent les
contractures-réflexes secondaires de causes ostéo-articulaires diverses. La dou-
leur est paravertébrale, reproduite à la palpation superficielle des masses muscu-
laires. Les muscles longs ayant des zones d'insertion multiples et élargies, les
irradiations des déchirures myofasciales peuvent être diffuses le long du rachis.
Il ne s'agit pas en règle générale de ruptures totales et le traitement est fonctionnel.

Lésions osseuses
Parmi les lésions osseuses, la rupture isthmique est une lésion classique du sportif
[22]. L'isthme est la zone de jonction entre le massif articulaire supérieur et
inférieur de chaque côté de la vertèbre. La configuration anatomique dans le plan
sagittal (angle d'incidence pelvienne élevé et importante lordose associée), les
sollicitations répétées en extension par l'impaction répétée sur l'isthme de la
pointe de l'articulaire inférieure de la vertèbre sus-jacente, sont des facteurs de
risque de cette lésion. La symptomatologie est lombaire et/ou radiculaire. Les
radiographies de trois quarts et surtout la tomodensitométrie sont les examens du
diagnostic positif de la fracture osseuse [22]. Les radiographies debout de profil
recherchent un spondylolisthésis ou une dysplasie des plateaux vertébraux si la
lésion est ancienne ou survenant avant la fin de la croissance de la portion
rachidienne du squelette. L'IRM permet d'évaluer le caractère récent ou chro-
nique, avec le potentiel de consolidation [23] et de documenter l'éventuelle dis-
copathie associée selon la classification de Pfirman et celle de Modic. Un faux
aspect de hernie médiane peut être rencontré sur l'IRM en cas de glissement. Le
traitement est orthopédique pour les lésions aiguës traumatiques avec restriction
d'activité, corset, puis rééducation [24]. Un vissage isthmique avec greffe peut être
indiqué en cas de pseudarthrose avérée, cause de la lombalgie. La solution ultime
est l'arthrodèse avec la vertèbre sous-jacente à la lyse.
Les fractures du corps par compression de la colonne antérieure sont également
classiquement rencontrées [25], notamment dans le contexte spécifique
d'ostéoporose et d'aménorrhée secondaire. Les nodules de Schmorl sont des
hernies intraspongieuses liées à la fragilité et au caractère dégénératif du corps
vertébral vis-à-vis du même mécanisme.
Les autres lésions osseuses de traumatologie peuvent être rencontrées pour des
accidents à plus haute énergie par écrasement ou par choc violent à haute
cinétique. On retrouve alors les éléments de la classification très utilisée de
138 Rachis traumatique

Magerl (A : compression ; B : distraction ; C : rotation). Outre les éventuelles


lésions neurologiques à décomprimer en urgence, la perte de stabilité mécanique
ou la déformation frontale ou sagittale excessives indiquent très souvent une
arthrodèse chirurgicale instrumentée.

Lésions ligamentaires
Les ligaments épi-épineux ou interépineux mis en tension brutalement en flexion
forcée peuvent être le siège de microdéchirures symptomatiques pendant plusieurs
semaines. Ils sont à traiter de manière fonctionnelle [15].

Lésions discales
L'atteinte discale correspond à une désorganisation des tissus du nucleus pulpo-
sus et de l'annulus fibrosus. Si les contraintes mécaniques jouent un rôle évident
dans la dégénérescence discale [26], la littérature et les communications récentes
insistent sur la part prépondérante des facteurs génétiques qui sont en cours de
démembrement [27]. Le contenu en protéoglycane et l'hydratation du nucleus
diminuent, accompagnés d'une dégénérescence chondrocytique de ses cellules.
L'annulus, dont les couches de collagène vont se délaminer et se fissurer, peut
compléter sa rupture à la faveur d'un traumatisme supplémentaire à l'origine
d'une hernie discale. La hernie discale lombaire est rarement traumatique mais
ce type de mécanisme a été décrit par accident sportif [28]. La lombosciatique qui
en résulte a une origine double : le conflit discoradiculaire mécanique par
compression et l'excitation nociceptive biologique par inflammation.
Rappelons l'importance du caractère déclenchant des manœuvres d'hyperpres-
sion (Valsalva, effort de toux) à l'interrogatoire pour suspecter une origine dis-
cale. L'IRM est l'examen clé du diagnostic. Étant donné la fréquence des images
asymptomatiques de la population générale, l'IRM doit toujours être interprétée
en fonction des données cliniques. Les radiographies restent indispensables pour
le diagnostic différentiel (niveau, scoliose, spondylolisthésis). Dans la grande
majorité des cas, la hernie isolée va se résorber en quelques semaines
spontanément ou avec l'appui des infiltrations de corticoïdes [7]. En dehors des
cas présentant des signes déficitaires (cotation de force musculaire < 3) ou de très
volumineuses hernies hyperalgiques pour lesquelles l'intervention est indiquée
d'urgence, la discectomie lombaire est habituellement réservée aux formes
résistantes. Le retour à la pratique sportive après chirurgie n'est pas prédictible
et semble dépendre de paramètres autres qu'anatomiques comme le type de sport
[29], le niveau du joueur, sa motivation et son coaching [30]. Dans une étude sur
des basketteurs professionnels américains de très haut niveau, Anakwenze et al.
[31] observent que la suite de la carrière était similaire chez les joueurs opérés et
chez des joueurs non opérés appariés (poursuite de l'activité et niveau d'activité).
Il n'y a pas de données sur l'activité sportive après prothèse discale. En revanche,
la réalisation d'une arthrodèse n'est pas compatible avec la pratique d'un sport de
contact [32].
Traumatisme dorsolombaire : conduite à tenir 139

Lésions articulaires
Si elle est la plus fréquente, la hernie n'est pas la seule cause de douleur lombos-
ciatique aiguë. Un kyste articulaire peut se constituer de manière très rapidement
progressive et entraîner un conflit radiculaire localisé. Comme dans le cas des
autres articulations de l'organisme, le kyste articulaire postérieur est, en règle
générale, secondaire à un désordre cinématique de l'articulation concernée qu'il
faut prendre en compte. Il faut s'attacher à rechercher une instabilité sur des
clichés dynamiques ou des signes de dégénérescence articulaire (excès de liquide,
amincissement cartilagineux, remodelage ostéophytique) ou discale associée (grades
de Modic, cotation de Pfirmann).

Diagnostic différentiel
Certaines lésions non rachidiennes peuvent faire évoquer à tort une atteinte du
rachis thoracique ou lombaire. On retiendra les très fréquentes douleurs liées aux
articulations sacro-iliaques, dont les irradiations musculaires à la face postérieure
de la cuisse (pygalgies) sont un diagnostic différentiel de sciatique tronquée.
L'examen clinique redresse le diagnostic. Plus difficile, la compression du nerf
sciatique à la fesse par hypertrophie du muscle piriforme pourra être évoquée chez
un athlète particulièrement musclé avec des signes sciatiques francs sans origine
rachidienne retrouvée [2]. Les manœuvres de contraction contrariée du piriforme
(abduction–rotation externe de hanche) ou d'étirement (rotation interne de la
hanche en extension) sont positives. La méralgie paresthésique est rappelée ici
comme diagnostic différentiel classique de la cruralgie. Au rachis thoracique, un
syndrome de subluxation costo-transversaire a été décrit chez les nageurs de
papillon, spécifiquement à la région de la pointe de la scapula [2].

Évolution à distance
Les problèmes de rachis dégénératif avec la lombalgie étagée d'origine mixte
disco-facettaire et les sténoses canalaires associées (canal lombaire étroit, canal
cervical étroit) sont rencontrés avec une plus forte incidence chez d'anciens spor-
tifs [33, 34]. La situation la plus précocement défavorable semble être liée à l'arrêt
des activités sportives qui favorise la décompensation par le déconditionnement
musculaire qui en résulte.

Prévention
La prévention des lésions du rachis dorsolombaire passe par l'utilisation de pro-
tections adaptées pour les sports de contact ou les sports de vitesse. Au golf ou au
tennis, la technique peut être travaillée pour limiter les attitudes vicieuses et les
mouvements parasites [35]. Dans un article de synthèse, Gluck et al. [4] exposent
précisément les caractéristiques du swing dans la perspective de la prévention du
140 Rachis traumatique

risque rachidien lombaire. L'encadrement des pratiques et l'information des nou-


veaux joueurs sont primordiaux.

Conclusion
Les lésions du rachis dorsolombaire sont fréquentes. L'éventail des possibilités
étiologiques et la gravité immédiate ou secondaire sont importants, imposant au
médecin impliqué dans la prise en charge de bien reconnaître les différentes
situations cliniques. Pour le rachis du sportif comme pour le rachis traumatique
en général, la prise en charge obéit à certaines règles, mais reste avant tout
personnalisée en fonction de la lésion, du profil du patient, des enjeux et des
aspirations sportives.

Références
1 Harvey J, Tanner S. Low back pain in young athletes. A practical approach. Sports Med 1991 ;
12 : 394-406.
2 Khan N, Husain S, Haak M. Thoracolumbar injuries in the athlete. Sports Med Arthrosc 2008 ;
16 : 16-25.
3 Kruse D, Lemmen B. Spine injuries in the sport of gymnastics. Curr Sports Med Rep 2009 ; 8 :
20-8.
4 Gluck GS, Bendo JA, Spivak JM. The lumbar spine and low back pain in golf : a literature review
of swing biomechanics and injury prevention. Spine 2008 ; 8 : 778-88.
5 Hjelm N, Werner S, Renstrom P. Injury profile in junior tennis players : a prospective two year
study. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2010 ; 18 : 845-50.
6 Fuller CW, Brooks JH, Kemp SP. Spinal injuries in professional rugby union : a prospective
cohort study. Clin J Sport Med 2007 ; 17 : 10-6.
7 Iwamoto J, Takeda T, Sato Y, Wakano K. Short-term outcome of conservative treatment in
athletes with symptomatic lumbar disc herniation. Am J Phys Med Rehabil 2006 ; 85 : 667-74;
quiz 75-7.
8 Ferdinands RE, Kersting U, Marshall RN. Three-dimensional lumbar segment kinetics of fast
bowling in cricket. J Biomech 2009 ; 42 : 1616-21.
9 Anderson HE, Roberts WO, Ronneberg K. Acute traumatic spine injury in a competitive snow-
boarder. Curr Sports Med Rep 2008 ; 7 : 319-22.
10 Dodwell ER, Kwon BK, Hughes B, et al. Spinal column and spinal cord injuries in mountain
bikers : a 13-year review. Am J Sports Med 2010 ; 38 : 1647-52.
11 Baranto A, Hellstrom M, Cederlund CG, Nyman R, Sward L. Back pain and MRI changes in the
thoraco-lumbar spine of top athletes in four different sports : a 15-year follow-up study. Knee
Surg Sports Traumatol Arthrosc 2009 ; 17 : 1125-34.
12 DePalma MJ, Bhargava A. Nonspondylolytic etiologies of lumbar pain in the young athlete. Curr
Sports Med Rep 2006 ; 5 : 44-9.
13 Ciullo JV, Jackson DW. Pars interarticularis stress reaction, spondylolysis, and spondylolisthesis
in gymnasts. Clin Sports Med 1985 ; 4 : 95-110.
14 Fehlandt AF Jr, Micheli LJ. Lumbar facet stress fracture in a ballet dancer. Spine 1993 ; 18 :
2537-9.
15 DePalma MJ, Slipman CW, Siegelman E, et al. Interspinous bursitis in an athlete. J Bone Joint
Surg 2004 ; 86B : 1062-4.
16 Gallo RA, Reitman RD, Altman DT, Altman GT, Jones CB, Chapman JR. Flexion-distraction
injury of the thoracolumbar spine during squat exercise with the smith machine. Am J Sports
Med 2004 ; 32 : 1962-7.
17 Gatt CJ Jr, Hosea TM, Palumbo RC, Zawadsky JP. Impact loading of the lumbar spine during
football blocking. Am J Sports Med 1997 ; 25 : 317-21.
Traumatisme dorsolombaire : conduite à tenir 141

18 Kasra M, Shirazi-Adl A, Drouin G. Dynamics of human lumbar intervertebral joints.


Experimental and finite-element investigations. Spine 1992 ; 17 : 93-102.
19 Parvataneni HK, Nicholas SJ, McCance SE. Bilateral pedicle stress fractures in a female athlete :
case report and review of the literature. Spine 2004 ; 29 : E19-21.
20 Amari R, Sakai T, Katoh S, et al. Fresh stress fractures of lumbar pedicles in an adolescent male
ballet dancer : case report and literature review. Arch Orthop Trauma Surg 2009 ; 129 : 397-401.
21 Alexander MJ. Biomechanical aspects of lumbar spine injuries in athletes : a review. Can J Appl
Sport Sci 1985 ; 10 : 1-20.
22 Leone A, Cianfoni A, Cerase A, Magarelli N, Bonomo L. Lumbar spondylolysis : a review.
Skeletal Radiol 2011 ; 40 : 683-700.
23 Sakai T, Sairyo K, Mima S, Yasui N. Significance of magnetic resonance imaging signal change
in the pedicle in the management of pediatric lumbar spondylolysis. Spine 2010 ; 35 : E641-5.
24 Blanda J, Bethem D, Moats W, Lew M. Defects of pars interarticularis in athletes : a protocol for
nonoperative treatment. J Spinal Disord 1993 ; 6 : 406-11.
25 Katz DA, Scerpella TA. Anterior and middle column thoracolumbar spine injuries in young
female gymnasts. Report of seven cases and review of the literature. Am J Sports Med 2003 ; 31 :
611-6.
26 Alderson J, Hopper L, Elliott B, Ackland T. Risk factors for lower back injury in male dancers
performing ballet lifts. J Dance Med Sci 2009 ; 13 : 83-9.
27 Min SK, Nakazato K, Yamamoto Y, et al. Cartilage intermediate layer protein gene is associated
with lumbar disc degeneration in male, but not female, collegiate athletes. Am J Sports Med
2010 ; 38 : 2552-7.
28 Rouseau MA, Pascal-Moussellard H, Bellefqih S, Zeitoun D, Saillant G. Acute paralyzing
sciatica due to traumatic lumbar disc herniation in grass hochey player. Eur J Trauma 2005 ;
6 : 590-2.
29 Burnett MG, Sonntag VK. Return to contact sports after spinal surgery. Neurosurg Focus 2006 ;
21 : E5.
30 Alsobrook J, Clugston JR. Return to play after surgery of the lumbar spine. Curr Sports Med Rep
2008 ; 7 : 45-8.
31 Anakwenze OA, Namdari S, Auerbach JD, et al. Athletic performance outcomes following
lumbar discectomy in professional basketball players. Spine 2010 ; 35 : 825-8.
32 Eck JC, Riley LH 3rd. Return to play after lumbar spine conditions and surgeries. Clin Sports
Med 2004 ; 23 : 367-79, viii.
33 Ozturk A, Ozkan Y, Ozdemir RM, et al. Radiographic changes in the lumbar spine in former
professional football players : a comparative and matched controlled study. Eur Spine J 2008 ;
17 : 136-41.
34 Gerbino PG, d'Hemecourt PA. Does football cause an increase in degenerative disease of the
lumbar spine? Curr Sports Med Rep 2002 ; 1 : 47-51.
35 Krabak B, Kennedy DJ. Functional rehabilitation of lumbar spine injuries in the athlete. Sports
Med Arthrosc 2008 ; 16 : 47-54.
143

10
Paraplégie et sport :
quelle pratique ?
Devenir à moyen et long termes
D. Pailler, J.C. Druvert
Fédération française Handisport,
42, rue Louis-Lumière, 75020 Paris

Les pratiques sportives des paraplégiques


Nous avons analysé les licences Handisport de l'année 2009-2010. Le nombre de
paraplégiques est de 2086 dont 15 % de femmes, réparties dans 45 sports.
Cependant, beaucoup de ces disciplines ne sont pratiquées que par quelques
personnes.
Ces chiffres ne sont qu'indicatifs : la déclaration de la forme du handicap n'est
pas obligatoire et ne correspond pas toujours à un diagnostic médical. De même,
ils n'autorisent pas à quantifier la proportion de paraplégiques qui ont des
activités sportives parmi les 50 000 qui vivent dans notre pays. En effet d'une
part, le chiffre de cette population est lui-même une évaluation et d'autre part, de
nombreux paraplégiques ont des activités physiques avec des fédérations hors
handisport ou système fédéral.

Pour ceux qui pratiquent en compétition


Pour ceux qui pratiquent en compétition, soit 56 % des licenciés paraplégiques,
les sports les plus pratiqués sont : le basket, le tennis, le tennis de table et le
handbike. À eux quatre, ils concernent 70 % des licenciés.
Les paraplégiques sont, plus que les autres handicapés, attirés par le sport de
compétition : s'ils représentent 9 % des licenciés, ils sont 28 % des inscrits sur la
liste ministérielle de haut niveau.

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
144 Rachis traumatique

Pour ceux qui pratiquent un sport-loisir


Les sports préférés sont : le basket, le handbike, la natation et le ski alpin (39 %
à eux 4) avec un éparpillement nettement plus important puisque 70 % se
répartissent sur 12 activités.
Certaines pratiques peuvent sembler étonnantes mais sont rendues possibles
par des adaptations techniques ou matérielles : le judo que quelques-uns prati-
quent au sol, le pilotage d'avion ou de kart avec des commandes tout-à-main,
l'équitation que l'on ne recommanderait pas à un débutant mais qui est parfois
reprise après un accident par des cavaliers confirmés, le cyclisme avec un hand-
bike, l'aviron avec un siège fixe et un sanglage en cas d'absence d'abdominaux, le
ski nordique sur une luge de fond, le ski nautique ou le golf en position assise. . .

Âge des sportifs paraplégiques


Les sportifs paraplégiques sont âgés : 55 % des licenciés ont entre 30 et 50 ans.
Seulement 6,3 % ont moins de 20 ans et 8 % plus de 60 ans, dont un
nonagénaire. Cet âge élevé est logique : survenue d'un accident le plus souvent
autour des 20 ans puis 4 à 5 années avant une reprise d'activités sportives et, pour
ceux qui atteignent un niveau international, une demi-douzaine d'années
supplémentaires.
Compte tenu de la relative faiblesse des effectifs dans chaque classe, il n'y a pas
de catégories d'âge, donc pas de surclassement possible. Il faut savoir limiter la
pratique d'un adolescent concourant avec des adultes.
Pour un enfant, avant d'établir un certificat de dispense, il faut se rappeler que,
comme les autres jeunes, l'élève handicapé peut acquérir des points aux examens
grâce à des barèmes adaptés.

Le blessé médullaire
Le blessé médullaire était généralement sportif avant l'accident mais il choisit le
plus souvent un sport différent. Pour McVeigh [1], la moitié des paraplégiques
sportifs pratiquait en compétition avant la lésion médullaire. On peut ajouter que
les accidents de sport (sports mécaniques, sports aériens, plongeon, ski, rugby,
etc.) représentent 16 % des causes de lésions médullaires.

Concernant les sportifs de haut niveau


Nous avons étudié les dossiers de nos paraplégiques présents aux Jeux paralym-
piques d'été depuis ceux de Séoul en 1988. Ils totalisent 228 sélections dont 51
pour des femmes (22 %).
Cinquante-sept paraplégiques, soit 44 %, ont participé à plusieurs Jeux et
notamment 31 (24 %) à au moins trois reprises, ce qui est certainement beaucoup
plus que chez les valides et rend bien compte de leur longévité sportive : d'une part
parce que la concurrence est moins nombreuse et d'autre part, parce que la
dépense énergétique est moins déterminante dans la plupart des sports.
Paraplégie et sport : quelle pratique ? Devenir à moyen et long termes 145

La moyenne d'âge varie de 32 à 36,4 ans. Trois sports concentrent près de la


moitié des sélections (45 %) : l'escrime, le tennis de table et le basket.

Le désir de sports à risques


Il est assez fort chez certains jeunes qui veulent se prouver à eux-mêmes et aux
autres qu'ils n'ont aucune limite. Le médecin doit être attentif à ceux qui n'ont pas
encore fait un travail de deuil de leurs pertes fonctionnelles.
De façon générale, on constate que ce sont les amis ou la famille qui ont poussé
le paraplégique vers une pratique sportive. Il avait assez souvent été initié pendant
sa rééducation, puis quelques années ont passé pendant lesquelles il lui a fallu
régler les problèmes de logement, de travail, de famille, de transports avant de
songer aux loisirs.
Il faut aussi savoir que ce patient n'a vraisemblablement jamais vu de médecin
depuis sa sortie du centre de rééducation et tout praticien doit savoir profiter de sa
consultation, quel qu'en soit le motif, pour l'inciter à faire le point de son handi-
cap avec un spécialiste.
De nombreuses études, dont celle de McVeigh [1], ont montré de meilleurs
résultats en termes d'intégration sociale et de qualité de vie chez les sportifs par
rapport aux non sportifs.
Il est certain que pour un paraplégique, la pratique d'activités physiques
régulières est bénéfique : meilleure forme et athlétisation des membres
supérieurs entre autre. De patient qui subit, il devient acteur. Il s'autovalorise
à travers l'utilisation de matériel spécifique, le port de vêtements particuliers, le
retour à un statut de consommateur. Son corps, aux fonctions diminuées, lui
permet de retrouver la capacité de beaux gestes et lui procure des satisfactions.
A priori, aucune pratique sportive n'est à écarter systématiquement chez un
paraplégique mais, à chaque fois, il faut confronter les composantes du handicap
aux contraintes techniques de la discipline et respecter des contre-indications
temporaires (escarres, infection urinaire avec signes généraux, etc.).

De quoi doit se méfier un sportif paraplégique


pour sa santé ?
Un paraplégique peut développer des complications générales de son handicap
mais aussi de l'appareil locomoteur, essentiellement par surutilisation de ses
membres supérieurs. Ceux-ci lui servent non seulement à se déplacer, soit en
fauteuil roulant (FR), soit avec des cannes, mais aussi lors de soulèvements pour
soulager les appuis dans le cadre de la prévention cutanée, pour effectuer des
transferts et, comme tout le monde, pour saisir des objets et porter des charges ;
mais ces derniers sont situés à une hauteur relative plus élevée que pour une
personne debout.
Les contraintes liées à ces différentes actions sont majorées par la répétitivité au
quotidien, avec un cumul lié à la durée du handicap, par le poids du corps et par le
poids du couple corps/fauteuil.
146 Rachis traumatique

Le sportif, par essence plus actif, sera exposé à ces contraintes en plus grand
nombre chaque jour que le non-actif et s'y ajouteront les contraintes propres des
gestes sportifs et, éventuellement, des déséquilibres musculaires entre agonistes et
antagonistes, par défaut dans l'entraînement et par manque d'étirements.
S'il n'est pas étonnant que les pathologies des sportifs paraplégiques soient les
mêmes que celles des paraplégiques vieillissants, on peut se demander quelle est la
part respective, dans la surutilisation des membres supérieurs, du sport, de l'âge et
de la durée de la paraplégie.
Les risques fonctionnels de ces pathologies tiennent probablement à une perte
d'autonomie, aboutissant à un tableau de tétraplégie fonctionnelle.

Le vieillissement des paraplégiques


La mortalité
Si, jusqu'au milieu du XXe siècle, les blessés médullaires décédaient très rapide-
ment, au plus en quelques mois, ils ont maintenant une espérance de vie quasi-
ment normale et l'on peut dès lors étudier chez eux les effets du vieillissement.
Au-delà de la première année, leur espérance de vie se rapproche de celle de la
population générale.

La morbidité

Avec le vieillissement
Dans les plaintes des paraplégiques, viennent en premier une fatigabilité crois-
sante puis ensuite les douleurs et de nombreux problèmes physiques.
La prévention des facteurs de risque coronariens tels que l'inactivité physique,
la surcharge pondérale et l'augmentation du LDL-cholestérol, fréquentes chez le
blessé médullaire, doit être une préoccupation constante tout au long de leur vie.
Le risque thromboembolique est surtout élevé pendant la première année et
dans les atteintes complètes. Ultérieurement, il diminue tout en restant plus élevé
que dans la population générale [2].

Au plan locomoteur
L'ostéoporose s'installe rapidement dès les premières semaines [3]. La perte de
masse osseuse atteint 41 % en sous-lésionnel [4]. Elle augmente avec la durée de
la paraplégie, en particulier en proximal sur le fémur et en distal sur le tibia. Elle
n'est pas influencée par les contraintes mécaniques.
Le risque de fracture est accru chez le paraplégique. Il augmente avec la durée
du handicap [5]. Leurs sièges se situent essentiellement aux membres inférieurs,
avec une prépondérance des fractures fémorales supracondyliennes [6] et, selon
Dauty [4], au tiers inférieur du fémur et au tiers supérieur du tibia.
Les douleurs rachidiennes atteignent 61 % des paraplégiques, plus fréquentes
lorsque la cyphose est entre 20 et 35° [7].
Paraplégie et sport : quelle pratique ? Devenir à moyen et long termes 147

Aux membres inférieurs, les patients non actifs ou avec une activité réduite
auraient tendance à développer plus de lésions dégénératives de la hanche (65 %)
que les actifs (38 %) dont les lésions dégénératives sont peu sévères [8]. La
coxarthrose serait plus fréquente dans les atteintes flasques et dans les lésions
médullaires cervicales.
Les pathologies du membre supérieur sont au premier plan. Les douleurs
d'épaule sont très fréquentes : de 34 à 74 % des cas suivant les séries. Leur
fréquence augmente avec l'âge et/ou avec la durée de la paraplégie. Pour
Gellman [9], elles concernent 100 % des sujets après 15 ans d'évolution ; pour
d'autres auteurs, elles sont constantes après 25 ans.
Outre la propulsion du FR et les soulèvements d'appui, sont mis en cause le
contrôle statique perturbé par les troubles sensitifs et moteurs et la station assise
en cyphose.
Le rôle des transferts semble également évident. La pression de repos dans
l'espace acromio-deltoïdien passe de 40 mmHg à 250 mmHg lors de la phase
portante d'un transfert latéral [10]. Et le poids du sujet est, bien sûr, un facteur
aggravant.
Les pathologies d'épaule concernent surtout la coiffe et l'articulation acromio-
claviculaire.
Les lésions très évoluées et irréparables de la coiffe entraînent toujours des
pertes d'autonomie. Leur prévention passe par une kinésithérapie adaptée (ren-
forcement de la coiffe et des abaisseurs), l'organisation de l'environnement, la
prévention des gestes brusques et l'apprentissage des règles de protection articu-
laire [11].
Le développement des lésions dégénératives est favorisé par le déplacement en
pendulaire avec deux cannes anglaises chez les paraplégiques incomplets.
Des nécroses de la tête humérale ont été observées chez certains patients ;
l'ischémie pourrait être favorisée par les transferts au cours desquels la pression
intra-articulaire a été mesurée jusqu'à 2,5 fois la pression artérielle [12].
Au coude, les pathologies sont dominées par les tendinites et l'hygroma. Les
tendinites s'expliquent par des gestes répétitifs d'extension effectués lors de la
propulsion du FR, des transferts, etc. L'hygroma est favorisé par les microtrau-
matismes répétés par contacts et frottements directs sur la région du coude.
Au poignet et à la main, les douleurs sont très fréquentes chez les paraplégiques.
Deux sujets sur trois ont un syndrome de canal carpien (SCC). Les paresthésies
des mains existent dans 74 % des cas [13], avec confirmation électro-myogra-
phique dans 55 % des cas. Les conséquences fonctionnelles sont importantes,
avec modifications des activités et de la dépendance dans 28 % des cas [14].
La fréquence du SCC est proportionnelle à la durée de la paraplégie, allant de
28 % après 6 à 10 ans à 64 % au-delà de 10 ans selon Gellman [9]. L'atteinte du
côté dominant est plus fréquente. Un syndrome du nerf ulnaire au coude est
associé dans 40 % des cas.
La physiopathologie mise en cause est l'augmentation de la pression dans le
canal carpien lors des transferts répétés dans la journée.
148 Rachis traumatique

Risques fonctionnels de ces pathologies


Ils vont vers une perte d'autonomie aboutissant à des tableaux de tétraplégie
fonctionnelle.

Pathologies des sportifs paraplégiques


Les études ne sont pas encore très nombreuses et les populations sont très
hétérogènes, mêlant souvent plusieurs formes de handicap, parfois restreintes
aux utilisateurs de FR, et/ou plusieurs disciplines sportives. Même quand il s'agit
de blessés médullaires, les caractéristiques de l'atteinte ne sont pas évoquées alors
qu'elles peuvent avoir un rôle (niveau neurologique, spastique ou flasque,
complet ou incomplet).

Constatations aux Jeux


Dans notre expérience d'accompagnement des équipes de France à 7 Jeux para-
lympiques d'été, environ la moitié de nos consultations (de 45 à 55 %) concernent
des paraplégiques alors qu'ils ne constituent à chaque Jeux qu'un gros quart des
équipes (de 26,8 à 29,3 %).
Les motifs sont en rapport soit avec le handicap (lésions cutanées, infections
urinaires, troubles digestifs), soit avec le sport. Il s'agit essentiellement de patho-
logies musculo-tendineuses des membres supérieurs mais aussi, comme chez tous
les sportifs, on rencontre des affections ORL ou respiratoires.
La fréquence des pathologies témoigne bien de la fragilité liée à l'atteinte du
système nerveux central qu'il faut d'autant plus garder à l'esprit que les intéressés
la nient.
En ce qui concerne les blessures, des études réalisées par les organisateurs des
Jeux d'été ont montré des taux de 9,3/1 000, très voisins de ce qui est retrouvé au
basket, au football américain et au football dans les universités américaines [15].
Les lésions cutanées, les entorses, les contractures et les contusions sont plus
fréquentes que les fractures et les luxations. La localisation des blessures est
sport-dépendante. Les lésions des membres supérieurs sont plus fréquentes chez
les utilisateurs de FR.
Aux Jeux d'hiver de 2002, 9 % des sportifs ont présenté une pathologie : pour
32 % une entorse, 21 % une fracture, 14 % des contractures et 14 % des
déchirures musculaires [16].

Pathologies des sportifs


À sport égal, les pathologies des paraplégiques sont les mêmes que chez les valides,
mais elles sont souvent plus fréquentes. Dominées par les atteintes des membres
supérieurs, on peut voir également :
 des cervicalgies du tennisman en fauteuil, par surmenage rachidien du fait des
mouvements incessants de la tête pour suivre la balle des yeux ;
 des gelures chez les skieurs ;
 des arthropathies acromio-claviculaires chez les haltérophiles, présentes aussi
chez les valides qui pratiquent le même développé-couché.
Paraplégie et sport : quelle pratique ? Devenir à moyen et long termes 149

À l'épaule
L'incidence des douleurs est, pour certains, identique chez les sportifs et les non-
sportifs ; pour d'autres, elle est deux fois moins élevée chez les sportifs. Pour
Fullerton [17], les sportifs ont une latence de 12 ans d'utilisation du FR avant
l'apparition de douleurs, contre seulement 8 ans pour les non-sportifs. Pour
Finley [18], 61,5 % des sujets ont souffert de leurs épaules et, parmi ceux-ci,
44 % avaient des signes cliniques de rupture de coiffe et 50 % des signes de
« tendinite du biceps ».
Une étude IRM de la coiffe des rotateurs chez 64 sportifs dont 37 paraplégiques
(26 symptomatiques, 11 asymptomatiques) a montré que, chez les sujets symp-
tomatiques, 73 % des paraplégiques contre 59 % des valides avaient une lésion
évidente. Sur la totalité des paraplégiques, symptomatiques ou non, 57 % avaient
une atteinte de la coiffe dont la prévalence et l'importance des ruptures étaient
corrélées à l'âge et à la durée de la paraplégie [19].
Des échographies pratiquées avant et après un match de basket chez 44
paraplégiques ont montré qu'après l'activité, l'échogénicité du tendon bicipital
diminue de 12 % tandis que son diamètre augmente de 5 %. Ces modifications
sont corrélées au temps de jeu [20].
Pour Jeon [21], dans une étude sur 33 tennismen de haut niveau, c'est la
pathologie acromio-claviculaire qui est la plus fréquente sur l'épaule dominante
chez 63,6 % des joueurs. Des déchirures complètes du tendon suprasupinatus ont
été trouvées sur 8 épaules dominantes et 6 épaules non dominantes. Aucune
corrélation n'existe entre la pathologie d'épaule et les variables étudiées : âge,
quantité d'entraînement quotidien, durée d'utilisation du FR, durée de la carrière
sportive.

Au poignet
Un syndrome de canal carpien existe chez 57 % des utilisateurs de fauteuil et
parmi eux 72,2 % de façon bilatérale. Les paresthésies des mains constituent le
signe le plus commun. Dans 60 % des cas, l'examen clinique est probant et, dans
ce cas, la durée de la paraplégie est plus élevée ; 78 % ont des signes électriques de
neuropathie [22].
Des échographies avant et après match ont été pratiquées [23] chez 28 basket-
teurs en fauteuil. Après match, des changements significatifs ont été trouvés
concernant l'aspect du nerf médian : diminution de 4 % du rayon sur les coupes
transversales et œdème. L'ancienneté de l'utilisation du FR est plus grande
(17,1 ans) chez les joueurs symptomatiques d'un canal carpien que chez les
joueurs asymptomatiques (9 ans).
Aux membres supérieurs
Bernardi [24] a étudié les douleurs musculaires attribuées au sport par des
nageurs, basketteurs, coureurs, skieurs, escrimeurs et tennismen : 55 %
déclaraient avoir souffert dans l'année précédente. La localisation des douleurs
était aux épaules pour 56 %, aux membres inférieurs pour 33 % et au niveau
150 Rachis traumatique

lombaire pour 13 %. Une durée d'entraînement de plus de 7 heures hebdoma-


daires était associée à ces douleurs.
Plus de 50 % des paraplégiques développent des douleurs et des blessures des
membres supérieurs, en liaison avec la répétition des chocs sur les mains courantes
lors de la propulsion du fauteuil [25].

Physiopathologie
De nombreux facteurs sont évoqués comme susceptibles d'engendrer ces patho-
logies des membres supérieurs.
Les douleurs, évaluées chez 60 basketteurs avec et sans abdominaux, par le
Wheelchair User’s Shoulder Pain Index (WUSPI), avec un index de 15 items pour
mesurer les douleurs lors des activités quotidiennes, sont corrélées pour Yildirim
[26] à la durée du handicap et au nombre quotidien de transferts.
Si le poids du sujet est associé à l'atteinte du nerf médian dans les SCC, le poids
total sportif/fauteuil est bien sûr d'autant plus source de contrainte qu'il est élevé.
Les déséquilibres musculaires entre agonistes et antagonistes sont mis en cause
chez les coureurs en fauteuil par Ferrara [15]. Ces déséquilibres sont différents
suivant le sport pratiqué.
L'importante répétitivité des mouvements a certainement un rôle : un coureur
de marathon effectue un minimum de 6 400 mouvements de propulsion et un
basketteur parcourt dans un match près de 2,7 km en environ 30 minutes de jeu
réel, en effectuant 240 démarrages et arrêts brutaux de son fauteuil.
À chaque impulsion de propulsion, se produit un choc sur la main courante
dont les caractéristiques (cadence, force et qualité du geste) peuvent être sources
de blessures [25].
Des poussées longues et douces sont généralement la meilleure façon de pro-
pulser un FR pour éviter des lésions, mais cela ne correspond pas au besoin de la
plupart des sports, particulièrement s'il faut effectuer des accélérations [27].
Une grande amplitude des mouvements de flexion-extension de poignet lors
des poussées protégerait des atteintes du nerf médian, demandant pour rouler
à une vitesse donnée moins de force et moins de poussées [28].
Des caractéristiques biomécaniques sont également importantes : les dimen-
sions du fauteuil et son carrossage (inclinaison des roues arrière par rapport à la
verticale) jouent sur le degré d'abduction de l'épaule ; la position de l'axe des
roues arrière doit idéalement être à la verticale du centre de l'articulation gléno-
humérale.
Reid a comparé la cinétique du service de 2 tennismen paraplégiques à celle de
12 valides et considère que les contraintes sur l'épaule sont identiques [29]. Mais
la vitesse à l'impact est moindre chez les joueurs en fauteuil qui ne bénéficient pas
de la cinétique du poids du corps vers l'avant.

Retentissement fonctionnel
Les conséquences fonctionnelles de ces pathologies des membres supérieurs sont
beaucoup plus importantes chez un blessé médullaire que chez un valide. Une
Paraplégie et sport : quelle pratique ? Devenir à moyen et long termes 151

banale épicondylite peut empêcher un utilisateur de fauteuil roulant de réaliser ses


transferts, d'aller travailler car il ne peut plus prendre sa voiture, voire l'empêcher
de pratiquer ses soulagements d'appui d'où majoration des risques d'escarre et, au
pire, d'être confiné au lit.
Pour Bernardi [24], 71 % des sujets disent que la durée de leurs douleurs a été
de moins de 7 jours. L'activité professionnelle a dû être interrompue dans 11 %
des cas. Les blessés médullaires sont plus concernés que les autres formes de
handicap par ces cessations d'activité.
Pour Ferrara [15], 52 % des blessures amènent un arrêt d'activité sportive de
moins de 7 jours, 29 % de 8 à 21 jours et 19 % de plus de 22 jours.
Moyens de prévention
Les lésions cutanées des mains des sportifs en FR peuvent être prévenues par
l'amélioration de la propulsion du fauteuil et par celle de la tenue éventuelle d'une
raquette, mais aussi par le port de gants pour prévenir hématomes, phlyctènes et
érosions [27]. Aux gants, on demande un compromis entre protéger les tissus
mous de la main sans trop amortir la force d'impact sur la main courante et
permettre une bonne adhésion pour limiter les déperditions de rendement.
Ferrara [15] a conclu que les motifs de pathologies d'épaule chez les sportifs en
FR étaient les mêmes que chez les sportifs valides et que les mesures préventives
seraient donc les mêmes – bonne adaptation du matériel, entraînement technique
pour optimiser les gestes, renforcement musculaire équilibré et assouplissements –
auxquelles on peut ajouter une bonne hydratation que les débutants paraplégiques
ont tendance à négliger, compte tenu de leur troubles vésico-sphinctériens.
Le principal traitement des pathologies d'hyperutilisation d'épaule réside dans
la prévention.
Celle des déséquilibres musculaires doit surtout viser le renforcement des
muscles rotateurs, adducteurs et spinaux supérieurs.
Les sportifs doivent également effectuer des assouplissements bien
programmés. La souplesse de l'épaule doit permettre de maintenir la longueur
des pectoraux. Leur étirement se fait au mieux avec l'aide d'un tiers, les bras
tendus étant maintenus à l'horizontale et tirés en arrière franchement jusqu'à
contact avec la poitrine. L'étirement des articulations non fonctionnelles des
membres inférieurs est également important, en particulier pour le coureur en
FR qui doit se mettre en position « à genoux », la plus aérodynamique et la plus
utilisée [30].
La prévention des lésions du nerf médian et du syndrome de canal carpien passe
par des précautions identiques à celles des pathologies de l'épaule : bonne assise,
qualité de l'entraînement des utilisateurs de FR, bonne maintenance du FR et
perte de poids [31].

Course en fauteuil
C'est un sport mécanique où, comme toujours, le poids est l'ennemi. Il faut
disposer du FR le plus léger possible et avoir un poids de corps optimal pour
diminuer les forces transmises aux membres supérieurs pendant la propulsion.
152 Rachis traumatique

La qualité du mouvement de propulsion, importante dans tous les sports,


devient essentielle pour la course en fauteuil. Les coureurs utilisent un mouvement
par friction très particulier, dit « para back hand technique », qui demande
plusieurs années pour être bien maîtrisé et ainsi permettre vitesse et
préservation des membres supérieurs. Il se décompose en cinq phases où la main
courante droite est comparée à une horloge : l'attaque entre midi et 1 h puis un
contact jusqu'à 3 h, un accompagnement sans contact de la main avec la main
courante jusqu'à 6 h, suivi d'un ample mouvement de réarmement avec une
rétropulsion maximale d'épaule et une extension de coude, enfin une phase
d'accélération avec flexion de coude et retour de l'extension d'épaule. La phase
d'accompagnement entre 3 et 6 h serait très importante pour prévenir les lésions.
Tant que le coureur n'a pas acquis un bon geste de propulsion du FR, il ne lui
sert à rien de renforcer sa force musculaire ; c'est la technique qui est le facteur
limitant. L'entraînement spécifique avec des gestes propres au sport est alors
nettement préférable à une musculation classique.
L'entraîneur doit bien connaître cette technique pour conseiller le coureur mais
le contrôle du geste peut être réalisé par analyse vidéo ou, plus rarement, par la
vue dans des miroirs lors d'entraînement sur home-trainer à rouleaux.
Chez le débutant, de nombreuses pathologies sont décrites : tendinites et
ténosynovites du poignet, épicondylalgies et épitrochléites, fracture de fatigue...
Handbike
Van der Woude [32] a montré que le pédalage synchrone est plus efficace et moins
traumatisant que le pédalage asynchrone. Le rendement du handbike est très
supérieur à celui du fauteuil et permet une amélioration de la condition physique
des tétraplégiques sans pathologie concomitante [33].
Quel que soit le sport
Quel que soit le sport, le fauteuil doit autoriser un réglage des positions de l'axe
des roues arrière. Chaque sportif doit trouver son bon positionnement afin
d'améliorer la biomécanique de la propulsion [34].
Le médecin doit avoir à l'esprit que, s'il lui faut pousser un paraplégique
à l'exercice physique, il doit insister pour que l'entraînement trouve un
équilibre entre amélioration de la performance et prévention des lésions, en se
rappelant que la musculature des membres supérieurs est déjà surutilisée dans les
actes quotidiens [35].
En cas de survenue de blessure, sachant que le repos complet est impossible du
fait de l'utilisation quotidienne pour la propulsion et les transferts, il doit insister
pour que le sportif attende une récupération à 100 % avant de reprendre des
activités sportives afin d'éviter les récidives et leurs conséquences fonctionnelles.

Références
1 McVeigh S, Hitzig SL, Craven BC. Influence of sport participation on community integration and
quality of life: A comparison between sport participants and non-sport participants with spinal
cord injury. J Spinal Cord Med 2009 ; 32 : 115-24.
Paraplégie et sport : quelle pratique ? Devenir à moyen et long termes 153

2 McKinley WO, Jackson AB, Cardenas DD, DeVivo MJ. Long-term medical complications after
traumatic spinal cord injury: a regional model systems analysis. Arch Phys Med Rehabil 1999 ;
80 : 1402-10.
3 Szollar SM, Martin EME, Parthemore JG, Sartoris DJ, Deftos LJ. Densitometric patterns of
spinal cord injury associated bone loss. Spinal Cord 1997 ; 395 : 374-82.
4 Dauty M, Perrouin Verbe B, Maugars Y, Dubois C, Mathe JF. Supralesional and ublesional bone
mineral density in spinal cord injured patients. Bone 2000 ; 27 : 305-9.
5 Krause J, Carter RE, Brotherton S. Association of mode of locomotion and independence in
locomotion with long-term outcomes after spinal cord injury. Spinal Cord Med 2009 ; 32 :
237-48.
6 Ragnarsson KT, Sell GH. Lower extremity fractures after spinal cord injury: a retrospective
study. Arch Phys Med Rehabil 1981 ; 62 : 418-23.
7 Beuret Blanquart F, Boucand MH. Aging with spinal cord injury. Ann readapt Med phys 2003 ;
46 : 578-91.
8 Bendaya S, Thevenin-Lemoine E, Lebreton F, et al. Le vieillissement du paraplégique. Lettre de
Médecine Physique et Réadaptation 2002 N° 64.
9 Gellman H. Late complications of the weight-bearing upper extremity in the paraplegic patient.
Clin Orthopaedics 1988 ; 223 : 132.
10 Barber DB, Gall NG. Osteonecrosis. an overdose injury of the shoulder in paraplegia case report.
Paraplegia 1991 ; 29 : 423-6.
11 Sinott KA, Milburn P, McNaughton H, et al. Factors associated with thoracic spinal cord injury,
lesion level and rotator cuff disorders. Spinal Cord 2000 ; 12 : 748-53.
12 Bailey JC, Cochran TP, Sledge CB. The impingment syndrome in paraplegics. J Bone Joint Surg
1987 ; 5 : 676-8.
13 Davidoff G, Werner R, Waring W. Compressive mononeuropathies of the upper extremity in
chronic paraplegia. Paraplegia 1991 ; 29 : 17-24.
14 Dalyan M, de Groot S, Veeger HE, et al. Upper extremity pain after spinal cord injury. Spinal
Cord 1999 ; 3 : 191-5.
15 Ferrara MS, Peterson CL. Injuries to athletes with disabilities: identifying injury patterns. Sports
Med 2000 ; 30 : 137-43.
16 Webborn N, Willick MS, Reeser JC. Injuries among disabled athletes during the 2002 Winter
Paralympic Games. Med Sci Sports Exerc 2006 ; 38 : 811-5.
17 Fullerton HD, Borckardt JJ, Alfano AP. Shoulder pain: a comparaison of wheelchair athletes and
non athletic wheelchair users. Med Sci Sports Exerc 2003 ; 35 : 1958-61.
18 Finley MA, Rodgers MM. Prevalence and identification of shoulder pathology in athletic and
non athletic wheelchair users with shoulder pain: a pilot study. J Rehabil Res Dev 2004 ; 41 : 395-
402.
19 Escobedo EM, Hunter JC, Hollister MC, Patten RM, Goldstein B. MR imaging of rotator cuff
tears in individuals with paraplegia. Am J Roentgenol 1997 ; 168 : 919-23.
20 Van Drongelen S, Boninger ML, Impink BG, Khalaf T. Ultrasound imaging of acute biceps
tendon changes after wheelchair sports. Arch Med Phys Rehabil 2007 ; 88 : 381-5.
21 Jeon IH, Kochhar H, Lee JM, et al. Ultrasonographic evaluation of the shoulder in elite wheel-
chair tennis player. J Sport Rehabil 2010 ; 19 : 161-72.
22 Yang J. Carpal tunnel syndrome in manual wheelchair users with spinal cord injury: a cross-
sectional multicenter study. Arch Med Phys Rehabil 2009 ; 88 : 1007-16.
23 Impink BG, Boninger ML, Walker H, Collinger JL, Niyonkuru C. Ultrasonographic
median nerve changes after a wheelchair sporting event. Arch Med Phys Rehabil 2009 ;
90 : 1489-94.
24 Bernardi M, Castellano V, Ferrara MS, Sbriccoli P, Sera F, Marchetti M. Muscle pain in athletes
with locomotor disability. Med Sci Sports Exerc 2003 ; 35 : 199-206.
25 Boninger ML, Koontz AM, Sisto SA, et al. Pushrim biomechanics and injury prevention in spinal
cord injury: recommendations based on CULP-SCI investigations. J Rehabil Res Dev 2005 ; 42
(Suppl 1) : 9-19.
26 Yildirim NU, Comert E, Ozengin N. Shoulder pain: a comparison of wheelchair basketball
players with trunk control and without trunk control. J Back Musculoskele Rehabil 2010 ; 23 :
55-61.
154 Rachis traumatique

27 Boninger ML, Souza AL, Cooper RA, Fitzgerald SG, Koontz AM, Fay BT. Propulsion patterns
and pushrim biomechanics in manual wheelchair propulsion. Arch Med Phys Rehabil 2002 ; 83 :
718-23.
28 Boninger ML, Impink BG, Cooper RA, Koontz AM. Relation between median and ulnar nerve
function and wrist kinematics during wheelchair propulsion. Arch Med Phys Rehabil 2004 ; 85 :
1141-5.
29 Reid M, Elliott B, Alderson J. Shoulder joint kinetics of the elite wheelchair tennis serve. Br
J Sports Med 2007 ; 41 : 739-44.
30 Grey-Thomson, Thomson I. Wheelchair racing. In: Goosey-Tolfrey, ed. Wheelchair Sport.
Human Kinetics Publishers; 2010. p. 146.
31 Boninger ML, Cooper RA, Baldwin MA, Shimada SD, Koontz A. Wheelchair pushrim kinetics:
body weight and median nerve function. Arch Phys Med Rehabil 1999 ; 80 : 910-5.
32 Van der Woude LH, Bosmans I, Bervoets B, Veeger HE. Handcycling: different modes and gear
ratios. J Med Eng & Tech 2000 ; 24 : 242-9.
33 Valent LJ, Dallmeijer AJ, Houdijk H, et al. Effects of hand cycle training on physical capacity in
individuals with tetraplegia: a clinical trial. Physic Ther 2009 ; 89 : 1051-60.
34 Boninger Ml, Baldwin M, Cooper RA, Koontz A, Chan L. Manual wheelchair pushrim biome-
chanics and axle position. Arch Med Phys Rehabil 2000 ; 81 : 608-13.
35 Goosey-Tolfrey V, Price M. Physiology of wheelchair sport. In: Goosey-Tolfrey, ed. Wheelchair
Sport. Human Kinetics Publishers; 2010. p. 70.
Partie III
Rachis du sujet jeune
157

11
Maladie de Scheuermann
C. Marty-Poumarat1, R.-Y. Carlier2, P. Marty3
1
GH de l'Ouest Parisien, Pôle neurolocomoteur, service de rééducation, hôpital universitaire
Raymond Poincaré, 92380 H Garches ; 2GH de l'Ouest Parisien, Pôle neurolocomoteur, service d'imagerie
médicale, hôpital universitaire Raymond Poincaré, 92380 H Garches ; 3Service d'orthopédie pédiatrique,
hôpital universitaire Armand Trousseau, 75012 Paris

Introduction
La maladie de Scheuermann ou dystrophie vertébrale de croissance ou épiphysite
de croissance a été décrite initialement à l'étage thoracique (cyphose dystrophique
thoracique). Cette pathologie, bien que fréquente chez les adolescents, reste mal
connue. La localisation lombaire est particulièrement mal étudiée. En effet, les
spécialistes de l'enfant ne connaissent pas les graves conséquences éventuelles
survenant à l'âge adulte. Le diagnostic précoce, la prévention des déformations
et de la dégénérescence discale sont primordiaux.

Historique et définitions
Scheuermann a décrit pour la première fois en 1921 l'hypercyphose thoracique
structurée avec cunéiformisation des vertèbres [1]. Sorensen a, en 1964, donné
une définition radiologique de la maladie de Scheuermann thoracique :
cunéiformisation antérieure d'au moins trois vertèbres adjacentes à l'apex de la
cyphose thoracique (définition classique de la forme typique) [2] (figure 11.1). En
fait, il existe d'autres formes de maladie de Scheuermann :
 selon la topographie avec atteinte du rachis dorsal bas et du rachis lombaire
(figure 11.2) ;
 selon les lésions radiologiques : nodules de Schmorl (hernie intraspongieuse),
irrégularités des plateaux vertébraux, cunéiformisation des vertèbres (la cunéi-
formisation d'une seule vertèbre est suffisante pour Bradford), pincements dis-
caux [2-5]. Cleveland parle de maladie de Scheuermann quand deux de ces
critères existent [6] ;

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
158 Rachis du sujet jeune
[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 11.1. Maladie de Scheuermann thoracique. Lésions radiologiques : hernies


intraspongieuses ; cunéformisation des vertèbres ; irrégularités des plateaux ; pincements
discaux.

 selon le type de cyphose avec tout un spectre allant de la cyphose posturale


passant par la maladie de « pré-Scheuermann » aboutissant à la maladie clas-
sique de Scheuermann avec une réductibilité variable. Ainsi, ces distinctions
peuvent rendre le diagnostic difficile et les décisions thérapeutiques controversées.

Épidémiologie et physiopathologie
La prévalence est différente selon la définition. La fréquence de la forme thora-
cique classique est de 5 à 10 % selon les études. Dans un travail sur 1 384
cadavres, Scoles a trouvé 103 cyphoses thoraciques dystrophiques, soit une
prévalence de 7,4 %. Si l'on retient l'irrégularité des plateaux, cela touche 50
à 60 % des adolescents [7]. Il était classique de dire que cette pathologie affecte
une majorité de garçons, ce qui est contredit par certaines études (Murray : 2/1
pour les hommes, Bradford : ratio femmes/hommes de 2/1) [5, 8, 9].
L'étiologie reste inconnue. Le corps vertébral est anormal mais l'arc postérieur
est indemne. À la naissance, le corps vertébral est une masse cartilagineuse avec un
noyau central de petite taille. Ce cartilage s'ossifie progressivement. L'ossification
Maladie de Scheuermann 159
[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 11.2. Deux formes topographiques de la maladie de Scheuermann thoracique


et thoracolombaire.

primaire se terminant entre 7 et 9 ans, l'ossification secondaire qui nous intéresse


ici va alors commencer. Elle se fait par l'intermédiaire de plaques cartilagineuses
très proches des cartilages de croissance des os longs (ossification endochondrale).
Un anneau périphérique, le listel marginal, va apparaître puis se souder entre 14 et
25 ans au reste du corps vertébral. Ce listel n'a aucun rôle dans la croissance de la
vertèbre et sert essentiellement d'attache au ligament vertébral antérieur [10]. Il
est indemne dans la maladie de Scheuermann. Ce sont en fait les plaques cartila-
gineuses de croissance qui sont atteintes. Il existe probablement un facteur
mécanique car la fréquence est plus forte chez les travailleurs de force qui ont
souvent commencé à travailler jeune, chez les sportifs de haut niveau, chez les
obèses et en raison de la réversibilité possible de la cunéiformisation vertébrale
avec le corset. Il y a une fréquence élevée de dystrophie de croissance chez les
enfants ayant un entraînement sportif intensif [11-13]. Pour certains, la rétraction
des ischio-jambiers, en entraînant une rétroversion du bassin, peut favoriser la
cyphose dystrophique. Pour Ogden [14], la maladie de Scheuermann serait
160 Rachis du sujet jeune

purement mécanique et la conséquence de stress anormaux répétés, mais ce n'est


pas l'avis d'autres auteurs. Les études histologiques montrent qu'il existe une
altération des cartilages des plateaux vertébraux avec une diminution du
collagène par rapport aux protéoglycans, entraînant un prolapsus discal intraos-
seux et un trouble de l'ossification enchondrale, avec diminution de la croissance
verticale de la partie antérieure du corps vertébral [15,16]. Bradford y a vu une
forme d'ostéoporose juvénile non confirmée par d'autres auteurs. Il s'agit peut-
être de différentes formes de dystrophie du complexe discovertébral ? On a décrit
également une prédisposition génétique avec une transmission autosomique
dominante à pénétrance et expressivité variables. Damborg a, sur une popula-
tion de 35 000 jumeaux, trouvé une prévalence de cyphose par maladie de
Scheuermann de 2,8 % [17]. En comparant les jumeaux mono- et dizygotes, il
a trouvé une transmissibilité de 74 % avec une prédominance masculine de 2/1 [16].
Nous constatons dans la pratique clinique et radiologique courante qu'il est très
fréquent de trouver chez les parents ou la famille proche des lésions de
Scheuermann semblables à celles de l'adolescent. Dans ce cadre, la maladie de
Scheuermann est mieux connue des familles sous sa forme thoracique que
lombaire. L'âge de début de la cyphose dystrophique est difficile à établir. Il était
communément admis que c'était une maladie de la puberté. En fait, les lésions
classiques sont visibles pendant la phase pubertaire mais la maladie est présente
avant, bien que difficile à détecter en l'absence de critères définis. De plus, il faut
connaître le défaut de sensibilité initiale des radiographies standard simples,
surtout à l'étage thoracique, comparé aux techniques d'imagerie en coupes et
en particulier à l'IRM.
Sorensen [2] a décrit chez le petit enfant entre 4 et 8 ans une forme de posture
asthénique qui se fixera ensuite en cyphose. Notre expérience nous a montré qu'il
existe des images sur certaines vertèbres lombaires et dorsales chez l'enfant de
7 à 9 ans qui pourraient être annonciatrices de lésions dystrophiques et qui sont
à prendre en considération si l'enfant a une mauvaise posture assis en cyphose
dorsolombaire, s'il se plaint de lombalgies et s'il existe des antécédents familiaux.
Mais ces constatations personnelles demandent à être vérifiées car, si elles se
confirment, un traitement préventif avant la structuration de la cyphose et l'appa-
rition des lésions discales serait souhaitable.

Clinique
Les motifs de consultation sont les douleurs, une mauvaise statique – « il se tient
mal » –, un souci esthétique, plus rarement une scoliose, un contexte familial et,
parfois, une découverte fortuite. Mais il existe trop fréquemment un retard de
diagnostic. Les douleurs ou gênes chez l'enfant et l'adolescent sont des dorsalgies
ou lombalgies en général modérées, intermittentes, non invalidantes, favorisées
par l'activité, le port de charges lourdes (cartable), les positions debout ou assise
prolongées. On doit toujours prendre en considération les douleurs rachidiennes
infantiles et ne pas dire « ce sont des douleurs de croissance ». Elles disparaissent
en position allongée. De fréquence variable selon les études et souvent
Maladie de Scheuermann 161

sous-estimées, elles peuvent être présentes au début (environ 50 %) puis dimi-


nuent en fin de puberté (25 %). Leur siège correspond généralement à celui des
lésions radiologiques.
L'examen clinique comprend l'appréciation globale du type de profil (normal,
augmentation des courbures rachidiennes sagittales, inversion des courbures avec
cyphose dorsolombaire ou lombaire) et l'examen de l'équilibre frontal et sagittal
du rachis et du bassin avec règle millimétrée et fil à plomb. L'examen du profil
consiste en la mesure des flèches sagittales et la détermination du sommet de la
cyphose (figure 11.3). Dans la forme classique de cyphose thoracique dystro-
phique, il existe une augmentation des flèches cervicale et lombaire avec présence
d'une flèche sacrée. L'hypercyphose thoracique entraîne une hyperlordose lom-
baire compensatrice et une rétroversion relative du bassin, ce qui permet de
restituer l'équilibre sagittal. Il existe souvent une projection antérieure de la tête
et du cou et un enroulement antérieur des épaules avec une rétraction des pecto-
raux. En cas de cyphose lombaire ou thoracolombaire, il existe une inversion de
courbures avec une augmentation de la flèche cervicale, souvent une flèche
dorsale, un point de tangence en dorsal bas ou lombaire haut, une flèche lombaire
variable et, là aussi, présence d'une flèche sacrée. On apprécie la réductibilité

[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 11.3. Mesure des flèches sagittales.


162 Rachis du sujet jeune

clinique de cette cyphose qui peut être angulaire, très raide et alors de plus
mauvais pronostic pour la réussite du traitement, ou plus harmonieuse et partiel-
lement ou complètement réductible. On mesure l'extensibilité des ischio-jambiers
qui sont très souvent rétractés dans la maladie de Scheuermann, plus rarement les
droits antérieurs et les psoas. On recherche une gibbosité qui peut être signe d'une
scoliose associée (dans un tiers des cas environ en raison de l'asymétrie vertébrale)
mais rarement très évolutive. On note la taille globale et celle du tronc. Les stades
de maturation sexuelle sont appréciés selon les normes internationales en fonction
du développement de la pilosité pubienne, des testicules et des seins. L'examen
neurologique est exceptionnellement perturbé dans de rares cas de compression
médullaire en raison d'une très importante cyphose angulaire raide ou plutôt en
raison d'une hernie thoracique [18,19]. On fait un examen général complet. Chez
un certain nombre d'adolescents, il existe des vergetures horizontales au niveau
du sommet de la cyphose. Quelle en est la signification ? Une spirométrie est
réalisée mais la capacité vitale est le plus souvent normale.
Il faut faire la différence avec la simple cyphose posturale. Il s'agit d'une cyphose
étendue, complètement réductible, non douloureuse, chez un adolescent souvent
non sportif, « avachi » avec absence de lésions radiologiques de Scheuermann.
Après avoir éliminé une pathologie neuromusculaire, une rééducation bien faite et
la pratique du sport améliorent spectaculairement la statique.

Examen radiologique
Il comprend impérativement des radiographies du rachis en entier (Holorachis) de
face et de profil debout. Elles sont les seules permettant d'analyser correctement la
statique du rachis. Les radiographies de profil sont faites avec hanches et genoux
tendus, les bras posés en avant à l'horizontale, têtes fémorales visibles. Idéalement
et compte tenu du jeune âge des patients, on réalisera les clichés sur les systèmes
permettant une irradiation la plus faible possible en sachant qu'il existe un facteur
10 entre les systèmes conventionnels et le système issu de la chambre à fil de
Charpak. On mesurera différents paramètres (figure 11.4) :
 angles de lordose maximum entre le plateau sacré et le plateau le plus oblique
sur l'horizontal, vertèbre jonctionnelle avec la cyphose et angle de cyphose maxi-
mum entre cette vertèbre jonctionnelle et le plateau vertébral de C7 ou T4 (la plus
visible) ;
 nombre de vertèbres dans la lordose ;
 pente sacrée entre le plateau sacré et l'horizontale ;
 incidence pelvienne : angle formé par la perpendiculaire au plateau sacré en
son milieu et la droite joignant le milieu du plateau sacré au centre de l'axe
bicoxofémoral ;
 version pelvienne : angle formé par la droite joignant le milieu du plateau sacré
et le centre de l'axe bicoxofémoral et la verticale.
Une radiographie soit en hyperextension debout, soit plutôt couché à plat dos
avec un billot en dessous du sommet de la cyphose est réalisée afin d'évaluer la
réductibilité de la cyphose.
Maladie de Scheuermann 163
[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 11.4. Paramètres rachidiens et pelviens mesurés sur la RX full-spine de profil


debout.

Qu'entend-on par cyphose et/ou lordose normale ? Les études récentes ont
montré qu'il n'est pas possible de faire référence à de simples fourchettes angu-
laires pour définir la normalité. Actuellement, la majorité des spécialistes recou-
rent aux résultats des travaux menés par Duval-Beaupère et al. [20-22]. En fait,
chaque individu est différent et le bassin gère les courbures sagittales du rachis.
Ainsi, on décrit un angle : l'incidence pelvienne qui est un paramètre anatomique.
Sa valeur moyenne est de 52 ° (min : 33,7° ; max : 77,5°). Il existe une cascade de
corrélations très significatives entre incidence et pente sacrée, pente sacrée et
lordose lombaire, lordose et cyphose. Nous utilisons un tableau de corrélations
permettant pour chaque individu de déterminer qu'elles doivent être la pente
sacrée, la lordose et la cyphose pour obtenir un équilibre debout normal,
164 Rachis du sujet jeune

[(Figure_5)TD$IG]

FIGURE 11.5. Tableau des corrélations.

c'est-à-dire économique, avec la projection de la ligne de gravité du tronc en


arrière des têtes fémorales (figure 11.5). La dispersion de la valeur de l'incidence
pelvienne correspond à la dispersion des profils rachidiens, allant du profil plat et
sacrum plat à petite incidence au profil et sacrum très incurvés à grande incidence.
Toutes ces mesures cliniques et radiologiques permettent de juger de l'impor-
tance du retentissement sur la statique et de suivre de façon précise l'évolution
pendant le traitement puis après arrêt de celui-ci.
En cas de Scheuermann thoracique, il existe une augmentation de la cyphose
thoracique avec hyperlordose lombaire compensatrice (figure 11.1). En cas de
Scheuermann lombaire, il existe une diminution de la lordose, parfois cyphose
lombaire ou dorsolombaire avec diminution du nombre de vertèbres dans la
lordose (figure 11.2) [23].
On peut compléter le bilan d'imagerie par des clichés électifs pour préciser les
lésions vertébrales. On recherche une éventuelle lyse isthmique associée et un
spondylolisthésis. La radiographie de face permet de mesurer une possible cour-
bure scoliotique associée. On évalue l'âge osseux chez l'enfant avec une radio-
graphie de la main gauche (Greulich et Pyle) et du coude de face et de profil
(Sauvegrain et Nahum), soit plus tard à l'adolescence, après le pic de croissance,
avec une radiographie couchée enfilant les crêtes iliaques pour évaluer le signe de
Risser (stades d'ossification des crêtes iliaques) et l'aspect de fusion ou non des
listels marginaux sachant que ce sont les lombaires qui fusionnent en premier.
Les lésions radiologiques de la maladie de Scheuermann sont (pourcentages
notés sur une série de 441 cas présentés à Berck en 1985) [24] :
 un aspect feuilleté et irrégulier des plateaux vertébraux (87 %) ;
 des empreintes dans les plateaux vertébraux dues à des hernies intra spongieuses
ou nodules de Schmorl (80,5 %). Les nodules les plus volumineux seraient visi-
bles selon notre expérience à l'étage lombaire ;
Maladie de Scheuermann 165

 des hernies rétromarginales antérieure ou postérieure : la hernie de matériel


discal se fait à la frontière entre la plaque cartilagineuse et le listel marginal
(33,5 %) ;
 une cunéiformisation avec aplatissement du mur antérieur des vertèbres
(78,5 %) ;
 des pincements discaux. Est-ce le résultat des hernies intraspongieuses ou une
véritable dégénérescence discale comme le montre parfois l'IRM ?
Les diagnostics différentiels sont :
 la dysplasie spondylo-épiphysaire. Dans certains cas, on peut se poser la question
d'une forme modérée de dysplasie et s'interroger sur la possibilité d'un continuum
entre les dysplasies spondylo-épiphysaires et les dystrophies de croissance ;
 le bloc vertébral antérieur progressif avant la soudure des vertèbres avec un
aspect trapézoïdal à grande base antérieure ;
 une spondylodiscite (germe banal, Pott) ;
 chez l'adulte, un tassement vertébral ostéoporotique. Masharawi a défini un
index montrant que sur le plateau vertébral supérieur, l'intersection de la ligne
joignant le bord antérieur au milieu du plateau vertébral et la ligne joignant le bord
postérieur au milieu du plateau est un angle de dépression en cas d'ostéoporose et
un angle d'élévation en cas de Scheuermann [25].
Les localisations sont variables :
 thoracique avec la définition classique de Scheuermann ;
 lombaire et thoracolombaire : classification de Blumenthal [26], maladie
discale juvénile avec signes de dégénérescence discale à l'IRM associés à ceux
de la maladie de Scheuermann. Cleveland et Heithoff sont en faveur d'une théorie
uniciste pour la maladie de Scheuermann lombaire et la maladie discale
juvénile [6,27].
L'imagerie en coupes complète utilement les clichés du rachis en entier, en
particulier en cas de douleurs invalidantes ou de signes neurologiques (beaucoup
plus rare). On privilégiera l'IRM qui permet une couverture large et n'est pas
irradiante.
Idéalement, l'exploration comportera une étude du rachis en entier en deux ou
trois segments fusionnés dans le plan sagittal en séquences T1 et T2, saturation de
graisse ou STIR et, dans le plan frontal, en séquences T2 ou STIR.
Le complément de coupes axiales n'est utile qu'en cas de lésion(s) intracana-
laire(s) ou foraminale(s) associée(s) aux lésions dystrophiques discovertébrales.
Elle permet en séquences pondérées T2 de différencier les pincements avec
déshydratation discale (disques plus noirs) des pincements avec des disques au
relief irrégulier répondant à celui des plateaux vertébraux sans déshydratation
discale (disques blancs avec cleft discal encore bien visible) (figure 11.5).
Elle permettra de détecter des lésions inflammatoires actives vertébrales
associées aux lésions dystrophiques (Modic I) ou la transformation graisseuse
cicatricielle d'anciennes lésions inflammatoires (Modic II) (figure 11.6) ou des
lésions plus rares de fragilisation vertébrale sur une volumineuse hernie de
Schmorl (figure 11.7) ou, encore plus exceptionnelle, de greffe bactérienne avec
spondylodiscite lors d'une bactériémie. L'IRM permettra aussi le diagnostic
différentiel avec une spondylodiscite et/ou une spondylarthrite juvénile.
166 Rachis du sujet jeune

[(Figure_6)TD$IG]

FIGURE 11.6. Scheuermann débutant : lésions vertébrales inflammatoires.

Elle appréciera le retentissement des déformations et complications focales sur


les structures nerveuses intracanalaires et foraminales.
Pour Heithoff, la maladie de Scheuermann serait un défaut intrinsèque du disque
et/ou des cartilages des plateaux, du « complexe discovertébral » entraînant une
faiblesse structurale et une dégénérescence précoce [27]. Dans une étude sur les
chirurgies pour hernies discales chez 129 enfants et adolescents de 12 à 18 ans,
Parisini trouve 31 % d'anomalies structurales dont 11 % de lésions de
Scheuermann lombaires [28]. Il trouve également une perte partielle de la lordose
dans 19 % des cas et un rachis lombaire complètement plat dans 25 % des cas.
Il n'y pas de parallélisme anatomoclinique entre l'importance de la cyphose et
l'importance des lésions radiologiques.
Mok et al. ont réalisé une étude sur une population de 3 000 Chinois du sud,
chacun ayant une coupe sagittale T2 du rachis lombaire avec lecture par deux
observateurs indépendants [29]. Cette population a été divisée en deux groupes :
Maladie de Scheuermann 167
[(Figure_7)TD$IG]

FIGURE 11.7. Hernie intraspongieuse avec réaction inflammatoire et fracture de la coque


vertébrale.

un groupe sans hernie de Schmorl et l'autre avec au moins une hernie de Schmorl.
Ils ont utilisé la classification de Schneidermann [30] pour avoir un score de
« maladie discale dégénérative ». Ce travail a montré que la localisation la plus
fréquente des hernies de Schmorl est L1-L2 et L2-L3, probablement en raison de
contraintes plus fortes dans la région dorsolombaire. Cette étude de Mok est la
seule qui montre qu'il existe une forte relation linéaire entre la présence de hernie
de Schmorl (HS) et la sévérité de la dégénérescence discale et rejoint les résultats
d'autres travaux [31-33]. Sur la population de Mok, 16,4 % avaient une ou
plusieurs HS (incidence peut-être en rapport avec la population étudiée et
l'étude ne portant que sur le rachis lombaire), 49,6 % sur un seul niveau,
50,3 % sur plusieurs niveaux. Dar a montré que l'incidence des HS est ethnique-
dépendante, plus fréquente chez les Américains d'origine européenne par rapport
aux Américains d'origine africaine. Poids, taille et indice de masse corporelle sont
significativement plus grands dans le groupe HS, avec une prédominance mascu-
line [34].
Le radiologue comme le médecin rééducateur, le rhumatologue et le médecin
généraliste ou le pédiatre ont un rôle important dans le diagnostic mais aussi la
« sensibilisation » et l'orientation des sujets jeunes présentant une maladie de
Scheuermann.
168 Rachis du sujet jeune

Histoire naturelle
Elle est en fait mal connue, avec une grande variabilité contrairement à la scoliose.
Bradford [9] a, chez l'adolescent, noté une évolution spontanée avant traitement
de la cyphose thoracique dans 96 cas sur 168. Il est indéniable que les cyphoses
peuvent s'aggraver à la puberté, parfois de façon dramatique, aboutissant aux
cyphoses angulaires thoraciques ou à la perte de lordose avec discopathies. Mais
nous n'avons pas de facteur prédictif en dehors du suivi. Ces cyphoses s'aggravent
jusqu'à maturité osseuse.
Quelle est l'évolution à l'âge adulte ? Elle est encore moins connue que celle
de l'adolescent. Travaglini a montré chez 43 patients suivis sur 25 ans qu'il
existait une augmentation angulaire dans 80 % des cas [35]. Murray [8] a revu
67 patients porteurs d'un Scheuermann thoracique selon les critères de Sorensen,
d'âge moyen de 53 ans, avec un recul de 32 ans en moyenne, avec un angle de
cyphose d'environ 71 °. Ces patients ont été comparés à des sujets témoins de
même âge et indemnes de pathologie rachidienne. Il existe de façon significative
plus de douleurs thoraciques dans le groupe Scheuermann mais sans conséquence
significativement différente sur la vie quotidienne. Ces patients exerçaient des
métiers moins « physiques ». Le souci esthétique pour Murray diminuait avec
l'âge mais il y avait de façon significative plus de célibataires. Cependant, sur les
118 patients, seuls 50 % ont été revus et il n'est pas fait mention de l'évolution de
l'angle de la cyphose en sachant qu'il peut s'aggraver avec le vieillissement. Il
n'existe pas de retentissement respiratoire notable sauf dans les cyphoses
supérieures à 100 °. Dans la plupart des études, les douleurs sont un des
critères d'indication chirurgicale. Lowe et Kasten ont trouvé que les adultes ayant
des déformations sévères de plus de 75 ° avaient des douleurs thoraciques plus
fortes et qu'ils étaient significativement limités par leur maladie [36]. L'aspect
esthétique est la raison principale de demande de traitement de la part des ado-
lescents et adultes jeunes (155/168 dans la série de Bradford). La maladie de
Scheuermann lombaire semble beaucoup plus péjorative à l'âge adulte en raison
des lésions discales dégénératives précoces et de la perte de lordose lombaire.
Ainsi, Heithoff note sur 1 419 patients, venant consulter pour lombalgies et
sciatiques, un fort pourcentage de maladie de Scheuermann thoracolombaire avec
lésions discales dégénératives, soit 9 % et ces patients étaient âgés en majorité
entre 21 et 40 ans avec 48 % avant 30 ans et 10 % avant 21 ans [27]. Pour
Heithoff, cette population correspond à un groupe méconnu, bien que doulou-
reux pendant l'enfance, avec des lésions de dégénérescence discale précoce en
lombaire. De même, Paajanen a trouvé qu'il existait un ou plusieurs disques
anormaux chez 57 % de jeunes adultes lombalgiques contre 35 % chez les
asymptomatiques et que les signes de Scheuermann lombaire étaient toujours
associés à une dégénérescence discale en IRM [37]. Cela est plus particulière-
ment vrai chez les sportifs de haut niveau [38,39].
Ces constats rejoignent notre expérience qui nous amène à traiter le plus
précocement possible.
Maladie de Scheuermann 169

Les complications aiguës pouvant émailler l'évolution d'une maladie de


Scheuermann sont, outre les dorsalgies et les lombalgies, les hernies discales et
leurs complications neurologiques parfois dramatiques. Ainsi, les compressions
médullaires dorsales sur hernie discale seraient, dans une très grande proportion
de cas, associées à une maladie de Scheuermann et plus rarement à une dysplasie
spondylo-épiphysaire [40-42].
Des cas de compression médullaire ont aussi été décrits dans des cyphoses
majeures compliquant des maladies de Scheuermann [43]. Nous avons, pour
notre part, observé plusieurs cas de hernies discales thoraciques postéro-
latérales ou foraminales responsables d'une ischémie médullaire par compression
d'une artère radiculo-médullaire (publication en cours).
De très rares cas d'association de maladie de Scheuermann et de kyste épidural
thoracique ont aussi été décrits [42].

Traitement
Pour Tribus, les raisons de traiter une maladie de Scheuermann sont au nombre
de cinq : la douleur, la progression des déformations, l'existence de signes neu-
rologiques, un retentissement cardiorespiratoire et l'aspect esthétique [44]. On
évalue difficilement le risque d'évolution devant une déformation au début ou
devant des lésions de Scheuermann. Il n'existe pas de parallélisme anatomo-
clinique connu. Le but du traitement est de stopper l'évolution et d'essayer de
réduire les déformations.

Méthodes
Kinésithérapie
Avec un travail individuel au moins deux fois par semaine comprenant :
 un travail postural avec des autograndissements assis et debout dont le
but est de corriger la statique du rachis d'autant mieux que la courbure est
réductible ;
 un travail d'assouplissement de la cyphose dorsale ;
 un travail lordosant en lombaire en cas de Scheuermann lombaire ;
 des étirements et des postures d'élongation des ischio-jambiers, des pectoraux et
parfois des fléchisseurs de hanche ;
 éventuellement une rééducation respiratoire ;
 un travail musculaire actif des extenseurs du rachis ;
 des tractions sur table sont associées en cas de rééducation en centre.

Corsets

Corset plâtré avec ou sans têtière selon le niveau de la cyphose


Il est confectionné en décubitus, dans le cadre dérivé du cadre d'Abott, avec
correction de la cyphose à l'aide d'une bande en U placé en dessous de son
sommet, en veillant à conserver une lordose lombaire et une antéversion du bassin
170 Rachis du sujet jeune

correctes avec projection du segment supérieur du corps en arrière des têtes


fémorales. Ce corset est renouvelé régulièrement pour permettre une correction
progressive.

Corset de Milwaukee (figure 11.8)


C'est une orthèse dynamique permettant l'extension progressive du rachis et la
correction de la cyphose grâce à la têtière et à deux tampons placés en dessous du
sommet de la cyphose. On y associe des appuis préhuméraux ou des sangles
d'épaules. Il faut également veiller à corriger la lordose lombaire et la version
pelvienne.

Corsets anti-cyphose de différents types (figure 11.9)


Ils sont faits en différents matériaux, réglables séparément. Ils doivent comporter
trois appuis : un appui postérieur en dessous du sommet de la cyphose, et deux
contre-appuis antérieurs, préhuméraux et abdominaux. Le segment supérieur du
corps doit se projeter en arrière des têtes fémorales.
[(Figure_8)TD$IG]

FIGURE 11.8. Corset de Milwaukee anticyphose.


Maladie de Scheuermann 171
[(Figure_9)TD$IG]

FIGURE 11.9. Corset anticyphose en polypropylène.

Corset court lordosant


Pour la maladie de Scheuermann lombaire, on peut utiliser un corset court
lordosant en polypropylène (figure 11.10) dont le but est de rétablir ou de
conserver la lordose lombaire et de corriger une cyphose localisée.
En cas de scoliose associée, on ajoute des appuis et des chambres libres lors de
la confection du plâtre. On peut adapter le corset de Milwaukee en ajoutant des
mains d'appui latéral, ou utiliser éventuellement le corset type Cheneau qui
permet un bon remodelage du corps et peut corriger une cyphose dorsale basse.
Les corsets sont faits après moulage et essayage en présence du médecin et de
l'appareilleur.

Traitement chirurgical (figure 11.11)


Le traitement chirurgical des cyphoses, quelle qu'en soit l'origine, consiste
à essayer d'obtenir la meilleure correction possible, en prenant un risque neuro-
logique minimum et faire en sorte qu'elle se maintienne dans le temps. La correc-
tion elle-même se décompose en deux temps :
 donner de la souplesse au rachis : ceci passe dans tous les cas par une libération
postérieure (arthrectomies à tous les étages, résection de la partie inférieure des
apophyses épineuses et éventuellement des lames). Lorsque la déformation est
très raide, la rétraction antérieure impose un premier temps de libération
172 Rachis du sujet jeune

[(Figure_0)TD$IG]

FIGURE 11.10. Corset court lordosant.

antérieure incluant la résection des disques intervertébraux, mais aussi la section


du ligament commun vertébral antérieur à tous les niveaux ;
 profiter au maximum de cette souplesse en utilisant des instrumentations
métalliques mises en place par voie postérieure qui, par diverses méthodes
(compression, translation, cintrage in situ) complètent la correction et la stabilisent
au moins temporairement. Toutes les équipes utilisent maintenant des implants
métalliques sur les vertèbres (crochets – vis) reliés par des tiges métalliques.
Le maintien à long terme de la correction passe par une arthrodèse vertébrale
qui bloque les étages compris dans cette arthrodèse et donc enraidit le rachis. Le
choix des limites de l'arthrodèse est difficile. Il doit répondre à deux impératifs :
inclure au moins l'ensemble des vertèbres intéressées par la cyphose et mettre
dans des conditions optimales de fonctionnement les étages laissés libres. Ceci
implique, dans la majorité des cas, d'inclure les zones jonctionnelles dans
l'arthrodèse.
Ces interventions sont lourdes, nécessitent des équipes entraînées à ces techni-
ques. Le risque neurologique n'est pas nul. Il impose d'utiliser les techniques
actuelles de surveillance peropératoire du bon fonctionnement des voies
médullaires (potentiels évoquées somesthésiques et/ou moteurs). La durée d'hos-
pitalisation est d'une dizaine de jours. Une convalescence de 2 à 3 mois est souvent
nécessaire. Les instrumentations actuelles permettent de se passer de maintien
orthopédique. Toute activité sportive est proscrite pour une durée d'un an.
Lorsque la déformation est souple, et que le potentiel de croissance est suffisant
pour espérer une croissance résiduelle au niveau des corps vertébraux (Risser 2),
Maladie de Scheuermann 173
[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 11.11. Arthrodèse vertébrale pour cyphose thoracique.

une chirurgie par voie postérieure uniquement suffit. Au-delà, l'abord antérieur
est indispensable, car même si la déformation est souple, le vide antérieur crée par
l'ouverture discale ne sera pas comblé ; les sollicitations au niveau du matériel et
de l'arthrodèse postérieure seront trop importantes.
Lorsque la déformation est raide, l'abord antérieur permet de donner de la
souplesse et d'obtenir une correction satisfaisante. Chez l'adulte, il y a la possi-
bilité d'abord postérieur avec ostéotomies étagées.

Indications
Traitement orthopédique
Les indications dépendent de la sévérité des lésions, du stade de maturation
osseuse, du niveau de la cyphose (les localisations basses sont les moins bien
tolérées), de l'existence de douleurs et de la demande esthétique.
On connaît mal le risque évolutif mais on sait que le traitement est d'autant plus
efficace qu'il est fait tôt et sur des déformations réductibles. Les indications sont
174 Rachis du sujet jeune

controversées. Cependant, pour tous, devant une déformation importante et si la


maturité osseuse n'est pas atteinte, il faut traiter. Chaque équipe a sa méthode
mais toutes reconnaissent l'efficacité des corsets.
Le plus souvent, le traitement pour un Scheuermann thoracique consiste dans
un 1er temps en un corset plâtré soit de port diurne soit, pour d'autres équipes,
jour et nuit. Le relais est pris au bout de 3 mois soit par un 2e corset plâtré, soit par
un corset de Milwaukee ou anticyphose. Ce traitement est poursuivi jusqu'à
maturité osseuse avec, si la réduction est bonne et se maintient, un passage à un
port de nuit.
Pour un Scheuermann lombaire, le traitement est beaucoup mieux supporté car
le corset est court. Le but est de redonner une lordose correcte et d'augmenter le
nombre de vertèbres dans la lordose. Ce corset est porté jour et nuit mais
particulièrement le jour car il corrige la cyphose lombaire en position assise.
Pour certains, même après maturité osseuse, on peut traiter et récupérer par-
tiellement la déformation [9]. Cependant, plus l'adolescent avance en âge, plus
psychologiquement le traitement est difficile à supporter. Aussi, il faut bien peser
les risques et avantages, bien les expliquer à l'adolescent et à sa famille. Ce
traitement doit être associé à la rééducation, à condition qu'elle soit bien faite.
Les résultats dans la littérature montrent que plus la courbure est réductible,
meilleur est le résultat final, constat que conteste Bradford. Les facteurs pronos-
tiques de réussite du traitement orthopédique sur la cyphose thoracique ont fait
l'objet d'un travail du centre de Massues à Lyon [45]. Dans cette étude, ces
facteurs pronostiques sont : l'importance de la réductibilité initiale, l'absence
de scoliose, le degré de cyphose initiale, l'âge osseux précoce, le degré de cunéi-
formisation des vertèbres (angle moyen inférieur à 10 °).
Gutowski [46] a trouvé que, chez 75 patients, 31 % ont arrêté le traitement au
bout de 4 mois. La cyphose des patients compliants a été améliorée de 31 % avec le
corset anti-cyphose et de 35 % avec le Milwaukee. On remarque un fort taux
d'abandon supérieur à celui du traitement de la scoliose d'autant plus qu'ils sont
raides et diagnostiqués tard. Bradford [9] a montré que chez 120 sur 274 patients
traités pour cyphose thoracique, la cyphose diminuait de 50 % mais qu'il y avait
ensuite une perte de correction. Le corset était porté en moyenne à plein temps
pendant 14 mois et 18 mois à temps partiel. Au bout de 5 ans, chez les patients
compliants au traitement, 76 patients étaient améliorés, 24 aggravés et 10 inchangés.
Aucune étude ne traite du Scheuermann lombaire. Il est donc difficile de
codifier le traitement.
Notre attitude est la suivante.

En cas de Scheuermann thoracique


En l'absence de trouble de la statique et en cas de lésions modérées, nous ne
traitons pas sauf en cas de douleurs gênantes mais nous surveillons tous les 4 mois
environ.
Si la cyphose est réductible : selon le degré de réductibilité soit corset de
Milwaukee avec port partiel après l'école et la nuit, soit corset anti-cyphose
Maladie de Scheuermann 175

porté à temps plein afin de permettre une correction passive complète, puis porté
seulement la nuit pour maintenir la correction jusqu'au stade de maturité osseuse.
La prudence est de mise tant qu'il existe des lésions osseuses.
Si la cyphose est raide : 1 à 2 plâtres successifs à 1 à 3 mois d'intervalle portés de
nuit puis le relais est pris par un corset anti-cyphose porté jour et nuit ou, pour
d'autres équipes, corset plâtré porté jour et nuit puis relais par un corset anti-
cyphose. Le traitement sera d'autant plus difficile que la cyphose est importante et
que la maturation osseuse est avancée.
Dans tous les cas, il faut une surveillance rigoureuse clinique et radiologique
tous les 4 mois environ avec réglage ou renouvellement des corsets jusqu'à
maturité osseuse.

En cas de Scheuermann lombaire ou thoracolombaire


Nous traitons systématiquement car le traitement est bien accepté et il est très
efficace sur les douleurs, les risques à l'âge adulte sont très importants et la perte
de la lordose lombaire est plus délétère que l'augmentation des courbures. Nous
mettons un corset correcteur à porter surtout de jour, voire jour et nuit.
Nous associons toujours le port du corset à la kinésithérapie à condition qu'elle
soit bien faite, ce qui doit être vérifié par le médecin.
On conseille d'arrêter les sports violents comportant des sauts, des chutes
et le port de charges. Certains sports peuvent se faire avec le corset en cas de
Scheuermann lombaire.

Chez l'enfant avant la puberté


En cas de mauvaise attitude en position assise chez un enfant qui se plaint de
lombalgies, surtout s'il existe un « aspect immature » des vertèbres et des anté-
cédents familiaux, nous réalisons un corset lordosant lombaire à porter surtout
de jour associé à la rééducation. Dans la majorité des cas, le traitement entraîne
l'arrêt des douleurs et la correction de la mauvaise attitude. Le corset peut être
arrêté au bout d'un an. Il faut ensuite surveiller l'évolution.
Le problème actuel est notre incapacité à pouvoir diagnostiquer de façon
certaine un pré-Scheuermann avant la puberté et de prédire l'évolution à la
puberté.

À l'âge adulte
Si les lombalgies sont gênantes en position assise et debout, on peut proposer un
corset coutil baleiné réalisé par des couturières expérimentées, corset lordosant en
lombaire avec bonne prise de taille.

Traitement chirurgical
Le traitement chirurgical doit prendre en compte tous les éléments et surtout
essayer d'évaluer les avantages et les inconvénients sachant que l'hypercyphose
thoracique semble relativement bien tolérée. Pour certains, l'indication se ferait
pour des cyphoses supérieures à 75 °, pour d'autres à 90 °. En fait, il faut décider
176 Rachis du sujet jeune

individuellement selon l'aspect clinique et radiologique de l'équilibre sagittal,


l'importance du préjudice esthétique et les douleurs. L'indication chirurgicale
est beaucoup plus rare que dans la scoliose. Là encore, les indications se discutent
plus dans les cyphoses thoraciques basses ou thoracolombaires en raison de la
plus mauvaise tolérance à l'âge adulte.
C'est essentiellement en fin de croissance (stade Risser 3) que se discutent les
indications chirurgicales car le traitement orthopédique est habituellement effi-
cace chez l'adolescent plus jeune.
La survenue exceptionnelle d'une complication neurologique constitue
évidemment une indication chirurgicale.
Les douleurs résistantes au traitement médical sont l'argument le plus fréquent
en faveur de la chirurgie. Lorsqu'elles sont franchement mécaniques et en rapport
avec la déformation, localisées dans la région de la cyphose ou à l'hyperlordose
compensatrice sous-jacente, soulagées par l'immobilisation en correction, la
chirurgie est efficace et peut être discutée.
Le préjudice esthétique amène certains patients à demander la correction de
leur déformation. Les indications doivent être posées avec une extrême prudence
en raison des risques de la chirurgie mais les résultats sont souvent excellents sur le
plan esthétique.

Conclusion
La maladie de Scheuermann est une pathologie fréquente de l'adolescent et pro-
bablement de l'enfant. Elle comporte encore beaucoup de points obscurs : sa
physiopathologie, les critères diagnostiques à un stade précoce, son évolution,
ses conséquences à l'âge adulte. Cependant, on connaît actuellement les
conséquences néfastes, en particulier sur le rachis lombaire, avec des lésions
dégénératives discales déjà présentes chez l'adolescent. L'importance de l'aspect
esthétique dans notre société est aussi une raison pour traiter un Scheuermann
thoracique. Plus la prise en charge est précoce, plus elle est facile et efficace. En
fait, la détection et la prévention sont essentielles chez l'enfant comme pour la
scoliose. Il faudrait enseigner cette pathologie aux pédiatres, généralistes,
médecins scolaires et surtout médecins du sport qui ne prennent pas toujours
en compte l'importance des lésions lombaires pour l'avenir des jeunes sportifs.
On peut aussi se poser la question du rôle favorisant des cartables particu-
lièrement lourds en France à un âge où les vertèbres sont encore très immatures.
La chirurgie a un résultat remarquable sur la correction de la cyphose et l'aspect
esthétique mais c'est un geste conséquent, non dénué de risques. Il faut continuer
à surveiller toute cyphose à l'âge adulte, environ tous les 5 ans.

Références
1 Scheuermann H. Kyphosis dorsalis juvenilis. Z Orthop Chir 1921 ; 41 : 305-17.
2 Sorensen KH. Scheuermann’s juvenile kyphosis, clinical appearances, Radiography, Actiology
and prognosis. Copenhagen: Munksgaard; 1964.
Maladie de Scheuermann 177

3 Schmorl G, Junghanns H. The Human Spine in Health and Disease. New York: Grune and
Staton; 1959.
4 Laredo JD, Bard M, Chretien J, Kahn MF. Lumbar posterior marginalintraosseous cartilaginous
node. Skeletal Radiol 1986 ; 15 : 201-8.
5 Bradford DS, Lonstein JE, Moe JH, Ogilvie JW, Winter RB. Juvenile kyphosis in bradford DS.
Moe’s textbook of scoliosis and other spinal deformities. 2nd ed. Philadelphia: WB Saunders;
1987, p. 347-68.
6 Cleveland RH, Delong GR. The relashionship of juvenile disc disease and Scheuermann disease.
Pediatr Radiol 1981 ; 10 : 161-4.
7 Scoles PV, Latimer BM, Digiovanni BF, Vargo E, Bauza S, Jellema LM. Vertebral alterations in
Scheuermann’s Kyphosis. Spine 1991 ; 16 : 5.
8 Murray PM, Weinstein SL, Spratt K. The natural history and long-term follow-up of
Scheuermann kyphosis. J Bone Joint Surg 1993 ; 75A : 237-48.
9 Bradford DS, Moe JH, Montalvo FJ, Winter RB. Scheuermann' s kyphosis and roundback
deformit. Results of Milwaukee brace treatment. J. Bone Joint Surg 1974 ; 56A : 740-58.
10 Bick E, Coppel J. Ring apophysis of human vertebra: contribution to human osteogeny. J Bone
Joint Surg 1951 ; 33A : 783-7.
11 Endler M, Haber P, Hofner W. Spinal deformities and their mechanopathology in oarsmen
(author’s transl). Z Orthop Ihre Grenzgeb 1980 ; 118(Suppl 1) : 91-100.
12 Falter EW et al. Spinal lesions following modified exercises in adolescent high performance
gymnasts. Fortschr Med 1981 ; 99(Suppl 5) : 145-8.
13 Horne J, Cockshott WP, Shannon HS. Spinal column damage from water ski jumping. Skeletal
Radiol 1987 ; 16(Suppl 8) : 612-6.
14 Ogden JW, Gancy TM, Sassa J, Neame PJ, Hilbelinck DR. Development and maturation of the
axial skeleton in Weinstein SI. The pediatric Dpine, principles and Practice Vol. 1. New York:
Raven Press; 1994, p. 3-69.
15 Aufdermaur M, Spycher M. Pathogenesis of osteochondrosis juvenilis Scheuermann. J Orthop
Res 1986 ; 4(Suppl 4) : 452-7.
16 Ippolito E et al. Juvenile kyhosis: an ultrastructural study. J Pediatr Orthop 1985 ; 5(Suppl 3) :
315-22.
17 Damborg F, Engell V, Andersen M, Ohm Kivik K, Thomsen K. Prevalence, concordance and
heritability of Scheuermann Kyphosis based on a study of twins. J Bone Joint Surg 2006 ; 88A :
213-32136.
18 Bradfort DS, Garcia A. Neurological complications in scheuermann’s disease: a case report and
review of literature. J Bone Joint Surg 1969 ; 51A : 567-72.
19 Yablon JS, Kasdon DL, Levine H. Thoracic cord compression in Scheuermann’s disease. Spine
1988 ; 13 : 896-8.
20 Duval-Beaupère G, Schmidt C, Cosson PH. A barycentremetric study of the sagittal shape of
spine and pelvis. Ann Biomed Engin 1992 ; 20 : 451-62.
21 Legaye J, Duval-Beaupère G, Hecquet J, Marty C. The Incidence, fundamental pelvic parameter
for the tridimensionnal regulation of the spinal sagittal curves. Eur Spine 1998 ; 7 : 99-103.
22 Marty C, Boisaubert B, Descamps H et al. The sagittal anatomy of the sacrum among young
adults, infants and spondylolisthesis patients. Eur Spine 2002 ; 11 : 119-25.
23 Marty C. Maladie de Scheuermann, proceedings du groupe d'étude de la scoliose. CDRom. GES
Éditeur ; 2001.
24 Berlemont M, Weber A. Revue de 441 dossiers de malades traités en hospitalisation. Maladie de
Scheuermann in Symposium. Berck ; 1985.
25 Masharawi Y, Rothschild B, Peled N, Hershkovitz I. A simple radiological method for recogniz-
ing osteoporotic thoracicvertebral compression fractures and distinguishing them from
Scheuermann Disease. Spine 2009 ; 34 : 1995-9.
26 Blumenthal SL, Roach J, Herring A. Lumbar Scheuermann’s. A clinical series and classification.
Spine 1987 ; 12 : 929-32.
27 Heithoff KB, Gundry CR, Burton CV, Winter RB. Juvenile discogenic disease. Spine 1994 ; 19 :
335-40.
28 Parisini P, Silvestre MD, Greggi T, Miglietta A, Paderni S. Lumbar disc excision in children and
adolescent. Spine 2001 ; 26 : 1997-2002.
178 Rachis du sujet jeune

29 Mok F, Samartzis D, Karpinnen J, Luk K, Fong D, Cheung K. Prevalence, Determinants and


Association of Schmorl nodes of the Lumbar Spine with Disc Degeneration. Spine 2010 ; 35 :
1944-52.
30 Schneiderman G, Flanigan B, Kingston S. Magnetic resonance imaging in the diagnosis of disc
degeneration : correlation with discography. Spine 1987 ; 12 : 276-81.
31 Williams FM, Manek NJ, Sambrook PN et al. Schmorl' nodes: common hightly heritable and
related to lumbar disc disease. Ann Rheum Dis 2007 ; 57 : 855-60.
32 Wu HT, Morrison WB, Schweitzer ME. Edematous Schmorl’s nodes on thoracolumbar Mr
imaging: characteristic patterns and changes over time. Skeletal Radiol 2006 ; 35 : 212-9.
33 Pfirrmann CW, Resnick D. Schmorl’s nodes of the thoracic and lumbar spine: radiographic-
pathology study of prevalence, characterization and correlation with degenerative changes of
1650 spinal levels in 100 cadavers. Radiology 2001 ; 219 : 368-74.
34 Dar G, Peleg S, Masharawi Y, Steinberg N, May H. Demographical aspects of Schmorl nodes, a
skeletal study. Spine 2009 ; 34 : E312-5.
35 Travaglini F, Conte M. Cifosi 25 anni dopo. Progressi in pathologia vertebrale. Le cifosi, vol.5-A,
Bologna, A. Gaggi ; 1982.
36 Lowe TG, Kasten MD. An analysis of sagittal curves and balance after Cotrel-dubousset ins-
trumentation for kyphosis secondary to Scheuermann’s disease. A review of 32 patients. Spine
1994 ; 19 : 160-8.
37 Paajanen H, Erkintalo M, Kuusela T, Dahlstrom S, Kormano M. Magnetic resonance study of
disc degeneration in young low-back pain patients. Spine 1989 ; 14 : 69-73.
38 Swärd L, Hellström M, Jacobson BO, Nyman R, Peterson L. Disc degeneration and associated
abnormalities of the spine in elite gymnasts. A magnetic resonance imaging study. Spine 1991 ; 16 :
437-43.
39 Rachbauer F, Sterzinger W, Eibl G. Radiographic abnormalities in the thoracolumbar spine of
young elite skiers. J Sports Med 2001 ; 29 : 446-9.
40 Iffenecker C, Carlier RY, Cirille S, Dupas B, Gayet-Delacroix M, Doyon D. Stratégie diagnos-
tique dans les hernies et calcifications discales dorsales : étude de huit cas. Rachis 1995 ; 7 : 69-76.
41 Nakamura K, Hoshino Y, Shiba M. Thoracic disc herniation in spondyloepiphyseal dysplasia.
A report on two cases. Acta Orthop Scand 1993 ; 64(Suppl 1) : 105-6.
42 Galtier B, Irthum B, Ristori JM, Bussière JL, Rampon S. Dorsal disk hernia. Apropos of 6 cases.
Review of the literature. Rev Rhum Mal Osteoartic 1987 ; 54(Suppl 11) : 737-44.
43 Putz C, Stierle I, Grieser T, Mohr G, Gerner HJ, Fürstenberg CH, Wiedenhöfer B. Progressive
spastic paraplegia: the combination of Scheuermann’s disease, a short-segmented kyphosis and
dysplastic thoracic spinous processes. Spinal Cord 2009 ; 47(Suppl 7) : 570-2.
44 Tribus CB. Scheuermann’s kyphosis in adolescent and adults: diagnosis and management. J of
the Am. Acad Orthopaedic Surg 1998 ; 6 : 36-44.
45 Boeuf J. Traitement des cyphoses de plus de 60 ° par plâtre et corset de Milwaukee. Thèse : Lyon,
1990.
46 Gutowski WT, Renschaw TS. Orthotic results in adolescent kyphosis. Spine 1988 ; 13 : 485-9.
179

12
La spondylolyse : clinique
et traitement médical
P. Middleton1, S. Brunot2, O. Hantkie1, V. Moreau1, H. Petit1
1
Clinique Les Grands Chênes, 33000 Bordeaux ; 2Clinique du Tondu, 33000 Bordeaux

Introduction
La spondylolyse se définit par la survenue d'une solution de continuité au niveau
de l'isthme vertébral ou pars interarticularis. Il s'agit d'une affection acquise qui
touche dans 85 à 95 % des cas la vertèbre L5 et dans 5 à 15 % des cas la vertèbre
L4. Elle est exceptionnelle aux autres étages. La spondylolyse est souvent
bilatérale et produit dans 30 à 50 % des cas un glissement vertébral ou olisthésis.
À l'origine de cette pathologie, on met en avant :
 des facteurs dysplasiques [1] intéressant le sacrum dont le plateau devient
convexe ou en S italique, le disque L5-S1 et la vertèbre L5 présentant un aspect
trapézoïdal avec des isthmes courts ;
 des facteurs traumatiques et microtraumatiques [2, 3]. La pratique sportive et
notamment certains gestes techniques associant hyperlordose et inclinaison
latérale favorisent la lyse isthmique.
La spondylolyse se produit, en règle générale, vers 6 ans. Parfois, elle apparaît
plus tardivement. Elle est retrouvée chez 5 à 6 % de la population générale. Il
existe des formes familiales avec 35 % de sujets touchés dans une même famille
[4] et des formes ethniques avec, notamment 40 à 60 % de sujets touchés chez les
Esquimaux. On la retrouve avec une fréquence élevée lors de la pratique sportive
intensive. Rossi [5] dénombre 63 % de lyse isthmique chez les plongeurs, 36,2 %
chez les haltérophiles et 32,8 % chez les gymnastes. Les garçons sont deux fois
plus touchés que les filles.
Le jeune sportif présente deux facteurs favorisants :
 une courbure lombaire très prononcée avec hyperlordose, une pente sacrée et
une incidence pelvienne élevées [6] ;

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
180 Rachis du sujet jeune

 la réalisation d'une pratique sportive à risque qui engendre des contraintes en


cisaillement au niveau de l'isthme et augmente l'incidence de la lésion.
La spondylolyse se développant dans la petite enfance se constitue de manière
progressive. Elle correspond à une absence de fusion osseuse. Elle est peu symp-
tomatique, voire asymptomatique.
Parfois, la lyse est brutale. Il s'agit d'une véritable fracture de fatigue. En
extension, L5 subit d'importantes forces de compression. En raison de son hori-
zontalisation, l'isthme de L5 est pris en tenaille entre les apophyses articulaires
sus- et sous-jacentes. C'est le mécanisme en coupe-cigare.
La spondylolyse est la cause la plus fréquente de lombalgie chez le sujet jeune
[7, 8]. Le diagnostic est souvent établi dans le cadre d'un épisode de lombalgie
aiguë chez un adolescent ou un adulte jeune. Tout le problème de l'évaluation
initiale, clinique et paraclinique, va être de déterminer l'ancienneté de la lyse et si
la symptomatologie présentée par le patient peut lui être imputée. Plus le sujet est
jeune, plus la relation entre lombalgie et lyse isthmique semble évidente. Mais elle
doit être discutée du fait de la fréquence des lyses asymptomatiques.
La lyse isthmique évolue de façon variable [9] :
 soit vers la guérison complète. La consolidation peut être spontanée ou
favorisée par une immobilisation en corset ;
 soit vers la pseudarthrose ;
 il peut se produire un cal hypertrophique fibreux ou ostéo-fibreux au niveau du
récessus latéral (nodule de GIL) responsable d'une compression de la racine au
niveau du foramen ou d'une compression du fourreau dural ;
 il peut se produire un allongement progressif de la pars interarticularis sans
solution de continuité. Cet allongement est en relation avec la survenue de micro-
fractures répétées à l'origine d'un pseudo-glissement ;
 la lésion peut se bilatéraliser ;
 dans les atteintes bilatérales, il peut se produire un glissement qui définit le
spondylolysthésis. Le glissement est évalué sur les radiographies de profil. La
classification s'effectue :
– en pourcentage en fonction du déplacement des plateaux vertébraux ;
– en stades :
– 5 stades selon Meyerding (stade 0 = lyse sans déplacement ; stade
1 = déplacement compris entre 0 et 25 % de la largeur du plateau sous-jacent ;
stade 2 = déplacement entre 25 et 50 % ; stade 3 = déplacement entre 50 et
75 % ; stade 4 = déplacement entre 75 et 100 % ; stade 5 = spondyloptose,
absence de rapport entre les deux plateaux vertébraux) ;
– 4 stades, le plateau vertébral étant divisé en 3 et non en 4 comme ci-
dessus.

Éléments du diagnostic positif


La survenue d'un épisode de lombalgie aiguë chez un sujet jeune doit faire
évoquer le diagnostic de spondylolyse. Il impose la réalisation d'un bilan d'ima-
gerie qui aura pour objectif d'affirmer le diagnostic et d'expliquer la cause de la
douleur.
La spondylolyse : clinique et traitement médical 181

En effet, tout le problème de l'évaluation clinique et paraclinique va être de


déterminer si la symptomatologie présentée par le patient est liée à la lyse isth-
mique, à l'existence d'une discopathie sus- et/ou sous-jacente, ou due à un début
d'atteinte dégénérative des éléments postérieurs de la charnière lombosacrée.

Données du bilan clinique


En faveur de la spondylolyse aiguë chez un adolescent, on note :
 la survenue d'une douleur brutale, unilatérale, lors d'un geste précis en hyper
lordose ;
 la reproduction de la douleur lors de la mobilisation passive ou active en
extension du rachis lombaire (figure 12.1) ;
 le signe de la cigogne ou réveil de la douleur en hyperlordose et appui
monopodal.
Lorsque la lyse est ancienne, l'épisode de lombalgie aiguë peut être la porte
d'entrée vers un tableau de lombalgie ou lombosciatalgie chronique. La douleur
est favorisée par la survenue d'un glissement supérieur à 15 mm, d'une hyper-
lordose lombaire ou d'une dégénérescence discale. La survenue d'une radiculalgie
peut s'expliquer par une compression de la racine au niveau du foramen du fait
d'un rétrécissement du récessus (nodule de Gill) ou par une compression disco-
foraminale. Le syndrome facettaire est plus volontiers responsable d'une sciatal-
gie tronquée à bascule.

[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 12.1. Réveil de la douleur en hyperextension active.


182 Rachis du sujet jeune

Le bilan clinique recherche également une hyper lordose, l'existence d'une


scoliose parfois associée, des rétractions musculaires dans le secteur sous-pelvien,
notamment des muscles ischio-jambiers, la présence d'un syndrome dure-mérien
témoignant d'une irritation sciatique ainsi que l'existence de troubles
neurologiques.

Données de l'imagerie
L'imagerie permet le diagnostic positif. Nous disposons du bilan radiographique,
de la scintigraphie, de la tomodensitométrie (TDM) et de l'IRM. Cette dernière se
justifie pour éliminer certains diagnostics différentiels : ostéome ostéoïde, tumeur
médullaire, hernie discale, lésion osseuse primitive, malformation [1]).

Radiographie
Sur le cliché de face en décubitus avec rayon ascendant sous compression, on
recherchera soit la lyse, soit une anisocorie pédiculaire de L5 qui témoigne d'une
surcharge au niveau d'un arc postérieur. Elle traduit un état de prélyse.
L'incidence de profil retrouve la lyse isthmique quand celle-ci est bilatérale et
permet de noter l'existence ou non d'un glissement (figures 12.2 et 12.3).
Les clichés de trois quarts ou obliques permettent de voir la lyse représentée par
l'image du petit chien décapité de Lachapelle.
La radiographie peut être mise en défaut en cas de lyse unilatérale. Pour Amato
[11], le cliché de face ascendant permet d'établir un diagnostic dans 55 % des cas
de lyse contre 32 % pour les obliques.

[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 12.2. Spondylolysthésis de stade 1. Aspect trapézoïdal de L5 et en S italique du


plateau de S1.
La spondylolyse : clinique et traitement médical 183
[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 12.3. Spondyloptose. Stade 5, classification de Meyerding.

La radiographie permet également d'analyser la morphologie de l'arc neural,


du plateau sacré et de rechercher des troubles statiques du rachis sus-jacent. On
sera attentif à l'existence d'une dysplasie en S du plateau sacré et d'une
déformation associée du corps vertébral de L5 qui prend une forme
trapézoïdale. Cette dysplasie se rencontre dans les formes à glissement progressif.
On évaluera également l'incidence pelvienne, la pente sacrée et la lordose lom-
baire qui sont souvent augmentées dans cette population.

Scintigraphie
La scintigraphie au technétium 99 est un examen d'une grande sensibilité mais de
faible spécificité. Elle permet de réaliser un diagnostic de souffrance osseuse
précoce (figure 12.4). Associée à des coupes tomographiques, la scintigraphie
permet de quantifier le stress osseux, de localiser la lésion, d'évaluer son
ancienneté. Pour Anderson (12), plus le ratio d'hyperfixation est élevé, plus la
lésion est précoce et plus le traitement conservateur sera efficace. Il a également
montré la corrélation existant entre l'amélioration clinique et la réduction du
ratio d'activité.

Tomodensitométrie (TDM)
La TDM permet une bonne analyse osseuse : visualisation du trait de fracture,
topographie et ancienneté de la lésion, caractère uni ou bilatéral, état de conso-
lidation osseuse. Mais elle pose le problème de l'irradiation chez des sujets jeunes
(figures 12.5 et 12.6).
184 Rachis du sujet jeune
[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 12.4. Hyperfixation de l'isthme vertébral gauche de L3.

IRM
L'IRM est aujourd'hui moins performante que la TDM pour l'analyse osseuse.
En revanche, c'est une technique non irradiante. Elle met en évidence l'existence
d'un œdème osseux en cas de lyse « active », montre l'état des plateaux
vertébraux en cas de spondylolisthésis (Modic 1) et surtout permet de bien

[(Figures_6)TD$IG]

FIGURES 12.5 et 12.6. Lyse bilatérale de L3 sans glissement vertébral.


La spondylolyse : clinique et traitement médical 185

analyser les éventuelles lésions discales. Elle a un intérêt indiscutable en pré


opératoire (figure 12.7).

Moyens thérapeutiques
Différentes thérapeutiques peuvent être proposées, allant du simple repos sportif
à la chirurgie.

Traitement symptomatique
Le traitement symptomatique est préconisé en phase douloureuse. Il associe la
prise médicamenteuse et le repos sportif. La poursuite d'activités évitant l'hyper-
lordose lombaire peut être discutée.

Infiltration radioguidée
L'infiltration sous contrôle radiographique de la spondylolyse peut améliorer au
moins transitoirement le patient. Il existe une communication entre les articula-
tions zygapophysaires craniale et caudale via la lyse isthmique et parfois une
communication droite gauche en cas de lyse bilatérale via une bourse séreuse
interépineuse [10].

[(Figure_7)TD$IG]

FIGURE 12.7. IRM discopathie L5-S1, signe de Modic 1 plateau vertébral L5.
186 Rachis du sujet jeune

Traitement orthopédique
Le traitement orthopédique par corset donne de bons résultats.
Il favorise la consolidation osseuse. Celle-ci a plus de chance de se produire
quand le traitement est instauré précocement et quand la lyse est unilatérale.
Il est également préconisé dans le cadre des spondylolisthésis douloureux.
Pour De Mauroy [13], c'est au moment de la poussée de croissance que la
charnière lombo-sacrée est la plus fragile et justifie une contention. L'objectif du
corset est de corriger la statique (délordose + correction de la version pelvienne) et
de diminuer les contraintes mécaniques. Le corset doit recueillir les pressions sous
les fausses côtes et les transmettre au niveau des ailes iliaques.
Il n'y a cependant pas de consensus sur la durée, ni sur les modalités de
l'immobilisation. Pour certains auteurs, il est important de corriger la lordose
lombaire [13, 14], alors que d'autres recherchent plutôt le parallélisme entre les
plateaux de L5 et de S1 sans recherche de la délordose [15]. Il faut cependant
immobiliser la charnière dorsolombaire et lombosacrée (immobilisation de T8
à S3). Certains préconisent une immobilisation en hémi-bermuda [16].
La durée d'immobilisation varie, selon les auteurs, de 6 semaines à 6 mois,
voire plus. Pour Herman [17], le sevrage du corset se fait quand l'indolence est
obtenue, entre 6 et 12 semaines et que la TDM montre une consolidation en cours.
L'immobilisation est suivie d'un programme de rééducation puis de la reprise
sportive. Pour Micheli [14], le port du corset est systématique. La reprise du sport
avec corset est possible une fois l'indolence obtenue. Le délai moyen de conso-
lidation osseuse est de 6 mois. Les résultats du traitement orthopédique sont bons
dans 80 % des cas dans les stades 0 et 1 et dans 66 % dans les stades 2
(déplacement compris entre 25 et 50 %).

Rééducation
La rééducation doit associer plusieurs techniques [18, 19]. Elle peut être proposée
à titre préventif ou thérapeutique. Les objectifs sont de lutter contre l'hyperlor-
dose par un travail d'étirement des muscles lombaires et ischio-jambiers (figure
12.8), par un travail de renforcement de la sangle abdominale, des muscles spinaux
profonds et des psoas iliaques (figure 12.9) auxquels on associera un travail du geste
technique quand cela est possible. Macey [20] met en avant la notion de poutre
composite qui correspond à l'empilement des disques et des vertèbres. La stabilité
de cette poutre est favorisée par les ligaments et le manchon musculaire composé
des muscles iliopsoas en avant et des muscles spinaux en arrière. Le caisson abdo-
minal renforce cette stabilité. O’Sullivan [21], dans une étude prospective
randomisée, a mis en évidence l'efficacité d'un programme associant renforcement
en co-contraction des muscles profonds de l'abdomen et des muscles lombaires.

Chirurgie
L'indication chirurgicale se pose dans les glissements supérieurs à 50 % (ou stade
3, 4 et 5 de Meyerding), en cas de progression rapide du glissement, en cas d'échec
La spondylolyse : clinique et traitement médical 187
[(Figure_8)TD$IG]

FIGURE 12.8. Étirement des chaînes postérieures du membre inférieur.

[(Figure_9)TD$IG]

FIGURE 12.9. Travail de renforcement des muscles lombaires.


188 Rachis du sujet jeune

d'un traitement conservateur bien conduit pendant 6 mois et en cas de désordres


neurologiques.

Discussion
La décision du choix thérapeutique est souvent difficile chez des jeunes sportifs
motivés car le traitement orthopédique est long et peut mettre un terme aux
ambitions de carrière professionnelle. Il est donc important de tenir compte de
certaines données.
La spondylolyse est très souvent fort bien tolérée par les sportifs, ce qui
explique que le diagnostic soit fait tardivement.
Le glissement vertébral se produit le plus souvent dans l'adolescence ou chez
l'adulte jeune. Le facteur prépondérant semble être la morphologie de l'arc neural
et du plateau sacré.
S'il est admis que la pratique sportive peut être responsable de la lyse isthmique,
sa responsabilité sur l'évolution de la pathologie est discutée. Il apparaît cepen-
dant que l'arrêt de l'activité sportive puisse freiner le glissement sans réduire
toutefois le glissement final.
Pour Micheli [14], il n'existe pas de corrélation entre la consolidation osseuse
obtenue par le traitement orthopédique et la qualité de la reprise sportive. Dans sa
série, il note 88 % de reprise sportive alors que la consolidation osseuse n'est
obtenue que dans 32 % des cas.
Le résultat du traitement orthopédique a plus de chance d'être positif quand le
traitement est instauré précocement et quand la lyse est unilatérale (75 % de
consolidation).
Pour De Mauroy [13], la rééducation est illusoire si le bassin est en rétroversion.
Ainsi, s'il semble logique de préconiser un traitement orthopédique en cas de
spondylolyse aiguë diagnostiquée précocement, dans les autres cas de figure
l'objectif est d'obtenir la sédation des douleurs.
En pratique, lors d'une consultation d'un sujet jeune pour lombalgie, il paraît
important de faire préciser le mode de début de la symptomatologie. S'agit-il d'une
douleur d'apparition brutale sur un geste précis en hyperlordose ou des douleurs
mécaniques de type positionnel ou de fin de journée ? Le bilan clinique analyse la
mobilité du rachis, recherche des signes neurologiques, la présence d'un syndrome
dure-mérien et localise la région douloureuse par un examen palpatoire. S'il existe
une douleur en hyperextension du rachis, on recherchera de parti pris une lyse
isthmique par un bilan radiographique associant un cliché de face ascendant en
décubitus avec compression, un profil et des obliques. La radiographie permet dans
un bon nombre de cas de faire le diagnostic de spondylolyse ou de spondylolisthésis.
En cas de doute diagnostique ou sur l'ancienneté de la lésion, on sera amené
à demander une scintigraphie avec tomographie. La TDM sera réalisée si la
radiographie est négative et la scintigraphie positive.
En cas de scintigraphie positive, il est logique de proposer le traitement
orthopédique pour obtenir la cicatrisation de la lésion osseuse. Pour être efficace,
La spondylolyse : clinique et traitement médical 189

l'immobilisation doit être prolongée, ce qui n'est pas sans conséquence pour le
devenir sportif du patient. Le suivi de la consolidation osseuse peut être réalisé par
examen tomodensitométrique, avec le risque d'irradiation chez cette jeune popu-
lation ou en surveillant la diminution de la fixation à la scintigraphie. La bonne
tolérance de la lyse isthmique chez des sportifs motivés peut faire discuter une
immobilisation moins longue (6 semaines) suivie d'une rééducation et de conseils
techniques. Il est également possible d'autoriser la reprise des activités physiques
avec corset. Le traitement est réalisé à la carte, une fois qu'une information de
qualité est donnée au jeune comme à ses parents.
En cas de scintigraphie négative et s'il existe une spondylolyse : on préconisera
en première intention, un traitement symptomatique, médical, rééducatif, voire
une infiltration radioguidée. Ce n'est qu'en cas d'échec que l'on pourra proposer
un traitement orthopédique.

Références
1 Julia M, Hérisson C. Spondylolyse et spondylolithésis chez l'enfant et l'adolescent sportif. In: Biot
B, Diméglio A, Hérisson C, eds. Le spondylolisthésis : de l'enfant à l'adolescent. Paris : Elsevier
Masson ; 2007. p. 73-82.
2 Cyron BM, Hutton WC. Variations in the amount and distribution of cortical bone across the
pars interarticularis of L5: a predisposing factor in spondylolysis? Spine 1979 ; 4 : 163-7.
3 Wiltse LL, Wide LL, Jackson DW. Fatigue fracture: the basic lesion in isthmic spondylolysthesis.
J Bone Joint Surg 1975 ; 57A : 17-22.
4 Wynne-Davies R, Scott JH. Inheritance and spondylolysthesis: a radiographic family survey.
J Bone Joint Surg 1979 ; 61-B : 301-5.
5 Rossi F. Spondylolysis, spondylolysthesis and sports. J Sports Med Phys Fitness 1978 ; 18 :
317-40.
6 Jackson RP, Philipps T, Hales C, Suebert J. Pelvic lordosis and alignement in spondylolisthesis.
Spine 2003 ; 28 : 151-60.
7 Laurent LE, Einola S. Spondylolisthesis in children and adolescents. Acta Orthop Scand 1961 ;
31 : 45-64.
8 Micheli LJ, Wood R. Back pain in young athletes: significant differences from adults in causes
and patterns. Arch Pediatr Adolesc Med 1995 ; 149 : 15-8.
9 Maldague B, Malghem J. La spondylolyse en activité. J Radiol 1985 ; 66 : 263-74.
10 Morvan G, Vuillemin V, Mathieu P, Wybier M. Imagerie des lyses isthmiques et des
spondylolysthésis. In: Biot B, Diméglio A, Hérisson C, eds. Le spondylolisthésis : de l'enfant
à l'adolescent. Paris: Elsevier Masson ; 2007. p. 83-95.
11 Amato ME, Totty WG. Spondylolysis of the lumbar spine. Demonstration of defects and laminal
fragmentation. Radiology 1984 ; 153 : 627-9.
12 Anderson K, Sarwak JF, Conway JJ, Scott-Logue M, Schafer MF. Quantitative assessment with
SPECT imaging of stress injuries of the pars interarticularis and response to bracing. J Pediatr
Orthop 2000 ; 20 : 28-33.
13 De Mauroy JC, Voutey JN. Traitement orthopédique lyonnais du spondylolysthésis. In : La
rééducation et le spondylolysthésis lombaire. Journée de médecine physique et de rééducation.
Expansion Scientifique Française. 1991 : 104-111.
14 Micheli LJ, Hall JE, Miller ME. Use of modified Boston brace for back injuries in athletes. Am
J Sports Med 1994 ; 19 : 1-5.
15 Bernard JC. Prise en charge du spondylolisthésis douloureux. In: Biot B, Diméglio A, Hérisson C,
eds. Le spondylolisthésis : de l'enfant à l'adolescent. Paris : Elsevier Masson ; 2007. p. 43-59.
16 Vital JM, Pedram M. Spondylolisthésis par lyse isthmique. EMC Appareil locomoteur [15-835-
A-10] 2005 ; 2 : 125-50.
190 Rachis du sujet jeune

17 Herman MJ, Pizzutillo PD, Cavalie R. Spondylolysis and spondylolisthesis in the child and
adolescent athlete. Orthop Clin North Am 2003 ; 34 : 461-7.
18 Sinaki M, Lutness MP, Ilstrup DM, Chu CP, Gramse RR. Lumbar spondylolisthesis: retrospec-
tive comparison and three year follow-up of two conservative treatment programs. Archiv Phys
Med Rehabil 1989 ; 70 : 594-8.
19 MacNeely ML, Torrance G, Magee DJ. A systematic review of physiotherapy for spondylolysis
and spondylolisthesis. Man Therp 2003 ; 8 : 80-91.
20 Mace Y, Rannou F, Fayad F, Poiraudeau S, Revel M. Spondylolisthésis chez l'adulte:
Epidémiologie, physiopathologie, traitement médical. In: Biot B, Diméglio A, Hérisson C, eds.
Le spondylolisthésis : de l'enfant à l'adolescent. Paris : Elsevier Masson ; 2007. p. 114-23.
21 O’Sullivan PB, Phyty GD, Twomey LT, Allison GT. Evaluation of specific stabilizing exercise in
the treatment of chronic low back pain with radiologic diagnosis of spondylolysis or spondylo-
listhesis. Spine 1997 ; 22 : 2259-67.
191

13
Le spondylolisthésis par lyse
isthmique de l'adulte
P. Guigui, T. Lenoir, C. Dauzac
Service de chirurgie orthopédique, hôpital Beaujon,
100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy

Introduction
La lyse isthmique avec ou sans glissement est une affection fréquente. Son taux
d'incidence varie dans une population nord-américaine de 5 % à 7 % chez l'homme
et de 2 % à 5 % chez la femme. Chez l'adulte, dans la grande majorité des cas,
l'indication à un traitement chirurgical est évoquée devant une symptomatologie
douloureuse lombaire et/ou radiculaire. La principale difficulté est alors, devant une
symptomatologie fonctionnelle finalement peu spécifique, de rapporter celle-ci à une
lyse isthmique associée ou non à un glissement intervertébral, constaté sur une
radiographie standard. Le spondylolisthésis par lyse isthmique est en effet une
affection fréquente restant le plus souvent asymptomatique, comme en témoigne
par exemple le faible nombre de cas rapportés dans les séries consacrées au traite-
ment chirurgical de cette pathologie.

Indications du traitement chirurgical dans


les spondylolisthésis par lyse isthmique de l'adulte
Schématiquement, quatre types d'indications peuvent être retenus en sachant que
celles-ci sont fréquemment intriquées : la lombalgie, les radiculalgies, la progres-
sion du glissement avec le temps et les troubles de la statique rachidienne. Quelle
que soit l'indication retenue, ce n'est qu'après l'échec d'un traitement médical bien
conduit qu'un traitement chirurgical sera envisagé.

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
192 Rachis du sujet jeune

Lombalgie
Sémiologie
Il s'agit là du symptôme le plus fréquemment invoqué pour justifier d'une indica-
tion à un traitement chirurgical. D'un point de vue sémiologique, la lombalgie de
patients atteints de spondylolisthésis par lyse isthmique ne présente aucune
spécificité particulière. Dans un travail récent, Moller et al. [6] ont comparé, dans
une étude prospective, la symptomatologie douloureuse de patients suivis pour
spondylolisthésis par lyse isthmique à celle de patients souffrant de lombalgies
communes non spécifiques. La comparaison portait sur l'histoire et les modalités
évolutives de la symptomatologie douloureuse, le type de douleur lombaire, sa
localisation et sa diffusion par l'intermédiaire d'un schéma sur lequel étaient
rapportées les zones douloureuses et, enfin, sur la gêne fonctionnelle
occasionnée dans la vie quotidienne par les douleurs lombaires. Les auteurs
concluaient à l'absence de différence de la sémiologie de la douleur lombaire dans
les deux groupes de patients étudiés. La seule différence rapportée était une plus
grande gêne fonctionnelle dans la vie quotidienne dans le groupe de patients suivis
pour lombalgie commune non spécifique.

Facteurs de la lombalgie
Dégénérescence discale
La physiopathologie de la douleur lombaire dans le spondylolisthésis par lyse
isthmique comporte encore de nombreuses incertitudes. L'explication la plus
fréquemment avancée est la dégénérescence du disque olisthésique,
dégénérescence secondaire à l'hypermobilité et surtout aux contraintes en rota-
tion et en cisaillement subies par ce disque en raison de la solution de continuité
présente au niveau de l'isthme. Ainsi, Seitsalo [8] qui a suivi un groupe de 227
adolescents pendant en moyenne 15 ans (extrêmes : 5 à 30 ans), rapporte, en
l'absence de tout traitement au dernier recul, un taux d'incidence de
dégénérescence discale à l'étage olisthésique de 54 %. L'apparition d'une telle
lésion serait, toujours pour cet auteur, significativement plus fréquente lorsque le
glissement siège à l'étage L4L5 et en cas de glissement supérieur à un grade II.
Le diagnostic de dégénérescence discale est, en règle générale, aisé reposant classi-
quement sur l'analyse d'une radiographie standard, ou plus spécifiquement sur une
IRM en séquence T2 ou une discographie. Tout le problème va être ensuite
d'apprécier le caractère douloureux ou non des lésions constatées sur le bilan d'ima-
gerie. Autrement dit, l'immobilisation, quel qu'en soit le type, du ou des étages
pathologiques permettra-t-elle de supprimer la symptomatologie douloureuse lom-
baire alléguée par le patient ? Comme nous l'avons vu, même si cette lésion est plus
fréquente en cas de spondylolisthésis par lyse isthmique, elle n'en reste pas moins non
spécifique et fréquemment rencontrée dans une population adulte. Plusieurs solutions
sont possibles en sachant qu'aucune ne permettra de conclure avec certitude :
 la plus simple est probablement le test d'immobilisation par corset lombaire
avec ou sans prise crurale. Cependant, la valeur prédictive de ce test est loin d'être
absolue ;
Le spondylolisthésis par lyse isthmique de l'adulte 193

 la discographie réalisée à l'étage olisthésique et éventuellement aux étages


adjacents à celui-ci permettra de préciser l'état de ces disques, sains ou d'aspect
dégénératif, et d'apprécier l'importance des lésions constatées. Le deuxième ren-
seignement fourni par cet examen est l'apparition d'une symptomatologie dou-
loureuse lors de l'injection du produit de contraste. La reproduction d'une
douleur identique à celle habituellement ressentie par le patient est considérée
comme le signe permettant d'incriminer le disque examiné dans la genèse de la
lombalgie à traiter. De nombreux auteurs en font le préalable indispensable à une
indication à un traitement chirurgical. Cependant, comme l'a bien souligné
Carragee [2], l'intensité de la douleur ressentie au moment de l'injection est très
fortement influencée par le niveau émotionnel du patient et son profil psycho-
logique. Cet auteur a par ailleurs montré que l'injection d'un disque dégénératif en
l'absence de lombalgie pouvait être douloureuse et que le taux d'incidence de
douleur provoquée après injection d'un disque pathologique n'était pas signifi-
cativement différent dans un groupe de patients lombalgiques que dans un groupe
de patients non lombalgiques ;
 en IRM, la diminution du signal discal en séquence T2 est étroitement corrélée
à la dégénérescence du disque. Les faux positifs et les faux négatifs sont rares
à condition de choisir lors de la réalisation de cet examen une séquence ad hoc.
De nombreuses études ont été réalisées afin de déterminer si, en cas de
dégénérescence discale, il existait une sémiologie IRM particulière permettant
d'incriminer le disque examiné dans la genèse de la lombalgie à traiter. La
présence d'un hyposignal en séquence T1, souvent associé à un hypersignal en
séquence T2 des plateaux vertébraux du niveau glissé, est probablement un bon
témoin du caractère douloureux de la discopathie dégénérative. La présence d'un
hypersignal en séquence T2 de la partie postérieure du disque olisthésique semble
beaucoup moins spécifique.
Ainsi, tout comme la discographie, l'IRM ne peut donc formellement conclure
quant au caractère douloureux d'un disque dégénératif.

Autres facteurs de la lombalgie


Mise à part la discopathie dégénérative, d'autres mécanismes ont été évoqués pour
expliquer la lombalgie en cas de spondylolisthésis par lyse isthmique. Un facteur
facilement identifiable est le conflit entre l'arc postérieur mobile de la vertèbre
glissée et celui de la vertèbre sus-jacente. Ce conflit, rarement pris en compte dans
l'analyse de la lombalgie, est facilement mis en évidence en IRM sous la forme d'une
zone hyperintense en séquence T2 (témoin d'une bursite inflammatoire) entre
les épineuses des deux arcs postérieurs décrits précédemment. L'hypermobilité
(théorique) secondaire à la rupture de l'isthme seule ou associée aux facteurs déjà
décrits a également été incriminée dans la genèse de la lombalgie décrite par ces
patients. Elle peut être mise en évidence à l'aide de clichés radiographiques de profil
réalisés en flexion et en extension. Cette hypermobilité peut être angulaire et/ou
antéro-postérieure. L'hypermobilité dans le spondylolisthésis par lyse isthmique est
cependant inconstante ; elle est probablement plus fréquente en cas de glissement
de grade élevé et en l'absence de dégénérescence discale associée. Enfin, la présence
194 Rachis du sujet jeune

d'un important déséquilibre antérieur (secondaire à une cyphose lombosacrée),


d'une dégénérescence arthrosique des massifs zygapophysaires, ainsi que la zone
de lyse elle-même ont également été invoqués comme facteurs générateurs ou
favorisants de la lombalgie.

Radiculalgies
Une autre indication possible à un traitement chirurgical face à un
spondylolisthésis par lyse isthmique est la persistance d'une radiculalgie malgré
un traitement médical bien conduit. Il est, dans un premier temps, nécessaire de
bien différencier les douleurs lombaires irradiant aux membres inférieurs (dou-
leurs dites référées) et les véritables radiculalgies (douleurs d'un ou des membres
inférieurs occupant un dermatome bien précis). Plusieurs causes à ces radiculal-
gies ont été décrites et il convient de bien les analyser afin d'établir une stratégie
thérapeutique précise et adaptée. Dans cette optique, et en présence d'une
véritable radiculalgie, le bilan d'imagerie va associer comme à l'habitude IRM
et/ou TDM et/ou myélographie et/ou discoscanner.
La compression nerveuse peut être secondaire à une hernie discale. Celle-ci
siège rarement au niveau du disque olisthésique mais plus souvent au niveau du
disque immédiatement sus-jacent à celui-ci. La position de la hernie dans le plan
horizontal doit être analysée avec soin. Dans un spondylolisthésis L5S1, la
présence d'une hernie très latérale pouvant comprimer la racine L5 n'est pas rare.
Ce type de hernie est difficile à mettre en évidence. Les coupes sagittales en IRM
passant par les trous de conjugaison et le discoscanner sont alors particulièrement
utiles au diagnostic.
Une autre cause possible de compression radiculaire, notamment chez l'adulte,
est la constitution progressive avec le temps de lésions arthrosiques au niveau des
massifs articulaires immédiatement sous-jacents à la zone de lyse isthmique. La
tomodensitométrie peut permettre le diagnostic, mais il existe souvent un facteur
dynamique à cette compression soulignant l'utilité de la myélographie, associant
des clichés en position debout et couché et en flexion et extension pour mettre en
évidence ce mécanisme compressif.
Les racines peuvent également être comprimées à la sortie du récessus, dans le
canal de conjugaison, par le nodule fibrocartilagineux (nodule de Gill) de la lyse
isthmique. Ce mécanisme compressif est difficile à mettre en évidence quel que soit
le type d'examen complémentaire demandé, IRM, TDM ou myélographie. Il en
est de même de l'étirement d'une racine sur le crochet isthmique ou sur le dôme
sacré en cas de glissement L5S1, ou enfin de la compression d'une racine L5
au-delà du trou de conjugaison entre la transverse de L5 et l'aileron sacré. La
mobilité exagérée de l'étage où siège la rupture isthmique participe également
à l'irritation radiculaire au niveau de la zone de pseudarthrose fibreuse.
Au terme du bilan d'imagerie, si une indication à un traitement chirurgical est
retenue, il est important de bien distinguer les patients ayant subi un mécanisme
compressif identifié avec certitude et ceux chez lesquels aucune compression
radiculaire n'est mise en évidence.
Le spondylolisthésis par lyse isthmique de l'adulte 195

Progression du glissement intervertébral


La troisième indication possible à un traitement chirurgical est la constatation de
la progression du glissement, décrite chez l'adolescent, mais assez inhabituelle
chez l'adulte, secondaire alors à la dégénérescence du disque olisthésique. Ce
phénomène paraît être plus fréquent lorsque la lyse siège en L4 qu'en L5. Les
remaniements arthrosiques constatés chez ces patients sont souvent importants,
expliquant bien dans ce cas la présence de radiculalgies secondaires à une sténose
canalaire siégeant au niveau de l'étage olisthésique.

Troubles de la statique rachidienne


Le dernier argument en faveur d'une indication d'un traitement chirurgical chez
l'adulte est la présence d'un déséquilibre antérieur. Ces troubles de la statique
concernent, en général, les spondylolisthésis à grand déplacement et sont secon-
daires à une cyphose de la région lombosacrée. Ils participent fortement aux
lombalgies, ne serait-ce que par les contractures permanentes des muscles
postérieurs nécessaires au maintien de l'équilibre. L'analyse de la statique dans
le plan sagittal (incluant les hanches) est un temps indispensable du bilan d'un
spondylolisthésis, notamment si un traitement chirurgical est envisagé [4, 7].

Contexte psycho-social
Le dernier élément à prendre en compte, avant de poser l'indication à un traite-
ment chirurgical face à un spondylolisthésis par lyse isthmique, est le contexte
dans lequel survient la symptomatologie douloureuse. Comme nous l'avons vu, la
symptomatologie douloureuse secondaire à cette affection est peu spécifique ; les
lésions anatomiques mises en évidence au bilan d'imagerie sont également assez
habituelles chez l'adulte, et, si l'on tient compte du fait que la lyse isthmique est
souvent présente bien avant le début de la symptomatologie douloureuse, on
conçoit le rôle majeur joué par les facteurs psycho-sociaux. Dans une mise au
point récente sur ce thème, Vaccaro et al. [9] ont souligné le rôle néfaste de la
notion d'accident de travail, de conflit avec l'employeur et d'un profil psycho-
logique défavorable sur le résultat du traitement chirurgical des spondylolisthésis
par lyse isthmique. Il souligne même que ces facteurs psycho-sociaux sont les seuls
facteurs prédictifs du résultat à long terme.

Conduite de la stratégie chirurgicale et place


de l'arthrodèse postérolatérale avec ou sans
instrumentation
Schématiquement, une fois la décision chirurgicale prise, quatre questions se
poseront à l'opérateur : faut-il réaliser une libération de l'axe neurologique ?
Faut-il arthrodéser et quel type d'arthrodèse réaliser ? Faut-il réduire et quoi ?
Faut-il ostéosynthéser ?
196 Rachis du sujet jeune

Libération de l'axe neurologique


Le premier élément à prendre en compte pour répondre à la question « Faut-il
réaliser une décompression nerveuse ? » est la symptomatologie douloureuse
décrite par le patient. En cas de radiculalgie vraie, cette question paraît pertinente
et la réponse à cette dernière va dépendre du bilan d'imagerie préopératoire.
Lorsque celui-ci a permis d'authentifier nettement un agent compressif (hernie
discale, sténose lombaire associée, etc.), la réponse est, à l'évidence, oui. Le type de
décompression sera alors adapté au mécanisme de la compression. La réponse
à cette question est plus difficile en présence d'une radiculalgie vraie et en
l'absence d'agent compressif authentifié par le bilan d'imagerie. Nous avons vu
le rôle joué par l'hypermobilité à l'étage olisthésique, le nodule fibrocartilagineux
de la zone de pseudarthrose et celui de l'étirement des racines. Deux attitudes sont
alors possibles : la décompression associée à une arthrodèse et l'arthrodèse isolée.
Dans un travail prospectif et récent, Carragee [3] a comparé, en l'absence d'agent
compressif bien authentifié, les résultats obtenus sur la radiculalgie en fonction de
la réalisation ou non d'une décompression radiculaire. Les résultats obtenus sur la
radiculalgie étaient similaires, qu'une décompression ait été ou non effectuée. Les
auteurs soulignent par ailleurs le rôle néfaste de la décompression sur la conso-
lidation de l'arthrodèse.
En l'absence de radiculalgie vraie, la question de la libération radiculaire ne se
pose que si une réduction du glissement ou de la cyphose lombosacrée est envisagée.
Dans ces cas, il est recommandé de réaliser une libération radiculaire large.
Un dernier élément est à discuter, celui de la réalisation ou non d'une
arthrodèse en cas de libération radiculaire. Le risque, en l'absence de fusion
associée, est l'apparition d'une déstabilisation postopératoire, c'est-à-dire l'appa-
rition ou l'aggravation d'un glissement intervertébral à distance de l'intervention.
La réponse à cette question est donc ici, en principe, oui. En cas de libération
radiculaire, il faut associer une arthrodèse quel qu'en soit le type. Cependant,
Weiner [10] a rapporté les résultats à long terme d'une série de patients souffrant
d'une radiculalgie L5 secondaire, soit à une compression osseuse, soit à une
compression discale et ayant eu une décompression isolée a minima sans
arthrodèse associée, de la racine L5. Les résultats obtenus sur la radiculalgie
ont dans tous les cas été satisfaisants et aucune déstabilisation postopératoire
n'a été signalée par l'auteur. Celui-ci conclut qu'il existe, probablement dans des
cas limités, une alternative à une intervention de décompression et d'arthrodèse.
Enfin, un cas particulier est celui de la radiculalgie prédominante chez un patient
atteint d'un spondylolisthésis de faible grade et chez qui une hernie discale est mise
en évidence au niveau de l'étage olisthésique. Là encore, et après information du
patient, il est possible de ne réaliser qu'une libération simple.

Arthrodèse
La réalisation d'une arthrodèse est l'un des principes de base du traitement
chirurgical d'un spondylolisthésis par lyse isthmique. La question posée est donc
plutôt : « Quelle arthrodèse réaliser ? ». Schématiquement, il est possible de
Le spondylolisthésis par lyse isthmique de l'adulte 197

réaliser une arthrodèse postérolatérale isolée, une arthrodèse intersomatique


isolée, une arthrodèse postérolatérale associée par voie postérieure à une
arthrodèse intersomatique et une arthrodèse circonférentielle en deux temps,
l'un postérieur et l'autre antérieur. De nombreuses études, le plus souvent
rétrospectives, ont été publiées rapportant les résultats de l'une ou l'autre de ces
techniques. Cependant, comme bien souvent en matière de pathologie rachi-
dienne, l'analyse des résultats rapportés est rendue difficile par l'hétérogénéité
des groupes de patients étudiés et le choix des critères d'analyse du résultat
fonctionnel. En fonction des séries analysées, l'arthrodèse postérolatérale permet-
trait d'obtenir une fusion dans 52 % à 93 % des cas et un bon résultat fonctionnel
dans 60 % à 83 % des cas ; l'arthrodèse antérieure isolée, une fusion dans 71 %
à 90 % des cas et un bon résultat fonctionnel dans 72 % à 90 % des cas et
l'arthrodèse combinée à une consolidation une fusion dans 82 % à 100 % des
cas et un bon résultat fonctionnel dans 75 % à 90 % des cas.
Le choix entre ces différentes techniques est fonction :
 de la réalisation ou non d'une libération de l'axe neurologique ;
 de la surface de greffe disponible ;
 de la présence ou non d'une discopathie inflammatoire à l'étage olisthésique ;
 de la nécessité ou non de réduire une cyphose lombosacrée ;
 et de la mobilité préopératoire de l'étage olisthésique.

Réduction
Il paraît pertinent de remplacer la question « Faut-il réduire ? » par la question
« Que faut-il réduire ? ». Certains spondylolisthésis, et notamment ceux de grade
élevé, s'accompagnent d'une cyphose lombosacrée et d'un déséquilibre antérieur.
Comme l'a bien souligné Bradford [1], la réduction du seul glissement sans
prendre en compte une éventuelle cyphose lombosacrée ne peut être satisfaisante
ni à court, ni à long terme. Pour répondre à la question posée, le premier élément
à prendre en compte est donc l'analyse du plan sagittal. En présence d'une
cyphose lombosacrée, et si un traitement chirurgical est envisagé, il faudra en
obtenir la correction. Les manœuvres corrigeant cette cyphose lombosacrée per-
mettront d'obtenir une réduction partielle du glissement, ce qui le plus souvent est
suffisant pour ne pas altérer à court ou moyen terme la qualité du résultat
fonctionnel obtenu. Dans cette situation (présence d'une cyphose lombosacrée,)
la réduction d'un glissement ne peut être considérée comme une fin en soi.

Ostéosynthèse
L'arthrodèse doit-elle être associée à une ostéosynthèse ? Il est une situation où
l'utilisation d'une instrumentation rachidienne ne se discute pas : la réduction
d'une cyphose lombosacrée. Dans ce cas, l'ostéosynthèse permet d'obtenir la
réduction de la déformation et le maintien de cette réduction jusqu'à consolida-
tion de l'arthrodèse. En dehors de cette situation, l'utilisation d'une ostéosynthèse
a pour objectif de mieux immobiliser l'étage à arthrodéser dans le but
198 Rachis du sujet jeune

d'augmenter les chances de consolidation de l'arthrodèse. La validité de cet


argument a fait l'objet de nombreuses études dans la littérature internationale.
Récemment, par exemple, dans un travail prospectif et randomisé, Moller [5] a
comparé les résultats obtenus sur la symptomatologie douloureuse et le taux de
fusion de deux groupes de patients, l'un traité par arthrodèse postérolatérale sans
instrumentation et l'autre par arthrodèse postérolatérale avec instrumentation.
L'utilisation d'une instrumentation n'a pas, dans cette étude, permis d'améliorer
ni le résultat fonctionnel constaté au dernier recul, ni le taux de fusion.
Dans ce domaine, notre attitude est plus pragmatique et nous pensons que
plusieurs facteurs doivent être pris en compte dans l'indication à l'utilisation
d'une ostéosynthèse : la mobilité préopératoire de l'étage à fusionner, la hauteur
du disque olisthésique et la réalisation ou non d'une décompression nerveuse.

Conclusions
Le spondylolisthésis par lyse isthmique est une affection fréquente chez l'adulte,
à l'origine d'une symptomatologie douloureuse finalement assez peu spécifique.
Avant de porter l'indication d'un traitement chirurgical, il convient, tout d'abord,
de traiter médicalement ces patients de façon la plus complète possible ; puis, si ce
traitement échoue, il est impératif de s'assurer de l'absence de facteurs psychoso-
ciaux défavorables. L'indication d'un traitement chirurgical sera alors fonction de
la demande fonctionnelle du patient et de l'enquête étiologique telle que nous
l'avons décrite (bilan de la lombalgie, bilan d'une éventuelle radiculalgie, recherche
d'une évolutivité du glissement, recherche d'un déséquilibre antérieur). En termes
de chirurgie de l'adulte, les deux situations les plus fréquemment rencontrées sont
les suivantes : traitement d'une lyse isthmique isolée sans glissement, traitement
d'un spondylolisthésis de faible grade (I ou II). La stratégie thérapeutique peut alors
se résumer de la façon suivante :
 en cas de lyse isthmique isolée sans glissement, il est possible de proposer une
intervention de réparation isthmique à condition que le disque sous-jacent à la
zone de lyse soit sain, non dégénératif. Plusieurs types de réparation isthmique
sont possibles mais aucun ne semble avoir montré d'avantages réels. Même si
certains ont proposé ce type d'intervention en cas de dégénérescence du disque
sous-jacent à la zone de lyse, mieux vaut dans ces cas réaliser une arthrodèse
postérolatérale associée à la réparation isthmique ;
 en cas de glissement peu important, les quatre gestes précédemment décrits se
discuteront. L'indication d'une libération nerveuse sera fonction de la sympto-
matologie douloureuse décrite par le patient et du bilan d'imagerie préopératoire.
En l'absence de radiculalgie préopératoire et de nécessité de réduction d'un glis-
sement ou d'une cyphose lombosacrée, il n'existe aucune indication à une
libération nerveuse. En présence d'une radiculalgie et d'un facteur compressif
bien authentifiés sur le bilan d'imagerie, il est nécessaire de réaliser une
libération nerveuse. En présence d'une radiculalgie et en l'absence de compression
bien authentifiée sur le bilan d'imagerie, nous avons vu que deux attitudes étaient
possibles, arthrodèse avec ou sans libération nerveuse. À de rares exceptions près,
Le spondylolisthésis par lyse isthmique de l'adulte 199

il existe une indication à une arthrodèse. Il pourra s'agir soit d'une arthrodèse
antérieure isolée, soit d'une arthrodèse circonférentielle en un ou deux temps, soit
d'une arthrodèse postérolatérale isolée. Pour notre part, nous réalisons une
arthrodèse postérolatérale soit isolée, soit associée à une arthrodèse intersoma-
tique. L'arthrodèse intersomatique sera effectuée soit par voie postérieure en cas
de libération nerveuse, soit par voie antérieure, dans un second temps, au cours de
la même anesthésie, dans les cas ne comportant pas, lors du temps postérieur,
d'ouverture du canal rachidien. Cette arthrodèse intersomatique est, pour nous,
indiquée en cas de glissement très mobile, notamment à l'étage L4L5, et lorsque
cette hypermobilité est associée à un espace discal important. En cas d'arthrodèse
postérolatérale, nous complétons celle-ci par une ostéosynthèse en cas
d'hypermobilité de l'étage olisthésique, en cas d'hypermobilité associée à un
espace discal important, et, le plus souvent, en cas de libération nerveuse
associée. L'étendue de la zone de fusion est fonction du bilan d'imagerie
préopératoire. Dans ce type de glissement, il n'existe, en règle générale, aucun
déséquilibre antérieur ni aucune cyphose lombosacrée. Nous ne préconisons
pas de réduction du glissement. La seule réduction effectuée est celle obtenue
automatiquement, sous anesthésie lors de l'installation. Bien évidemment, s'il
existe une cyphose lombosacrée, nous réalisons une correction de celle-ci
à l'aide d'une instrumentation postérieure.

Références
1 Bradford DS. Surgical treatment of isthmic spondylolisthesis in the adult. In: Compagny WBS,
ed. The lumbar Spine. Philadelphia ; 1996. p. 684-99.
2 Carragee EJ. Is lumbar discography a determinate of discogenic low back pain: provocative
discography reconsidered. Curr Rev Pain 2000 ; 4 : 301-8.
3 Carragee EJ. Single-level posterolateral arthrodesis, with or without posterior decompression,
for the treatment of isthmic spondylolisthesis in adults. A prospective, randomized study. J Bone
Joint Surg 1997 ; 79 : 1175-80.
4 Mac-Thiong JM, Labelle H, Berthonnaud E et al. Sagittal spinopelvic balance in normal children
and adolescents. Eur Spine J 2007 ; 16 : 227-34.
5 Moller H, Hedlund R. Instrumented and noninstrumented posterolateral fusion in adult spon-
dylolisthesis-a prospective randomized study: part 2. Spine 2000 ; 25 : 1716-21.
6 Moller H, Sundin A, Hedlund R. Symptoms, signs, and functional disability in adult spondylolis-
thesis. Spine 2000 ; 25 : 683-9.
7 Roussouly P, Gollogly S, Berthonnaud E et al. Sagittal alignment of the spine and pelvis in the
presence of L5-s1 isthmic lysis and low-grade spondylolisthesis. Spine 2006 ; 31 : 2484-90.
8 Seitsalo S, Osterman K, Hyvarinen H et al. Progression of spondylolisthesis in children and
adolescents. A long-term follow-up of 272 patients. Spine 1991 ; 16 : 417-21.
9 Vaccaro AR, Ring D, Scuderi G et al. Predictors of outcome in patients with chronic back pain
and low-grade spondylolisthesis. Spine 1997 ; 22 : 2030-4.
10 Weiner BK, McCulloch JA. Microdecompression without fusion for radiculopathy associated
with lytic spondylolisthesis. J Neurosurg 1996 ; 85 : 582-5.
Partie IV
Rachis dégénératif
203

14
Rachis dégénératif.
Physiopathologie du
vieillissement rachidien
V. Foltz
Service de rhumatologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,
47, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13

Quelques données
Le vieillissement de la population dans nos pays industrialisés apparaît comme un
phénomène constant et irréversible. L'augmentation de l'espérance de vie, due en
partie à l'amélioration de la santé, combinée à une diminution drastique du taux
de natalité, a conduit à cette situation. En Europe, la proportion de sujets âgés de
plus de 65 ans était de 10,8 % en 1950, 14 % en 1970, 19,1 % en 1995 et devrait
atteindre 30,1 % en 2025 et 42,2 % en 2050 [1]. Les conséquences globales de
cette distorsion de la pyramide des âges s'observent au niveau de l'organisme avec
son vieillissement, sur le développement de la santé, sur l'accès aux soins et sur le
coût de la prise en charge qui est énorme. Aux États-Unis, approximativement
80 % des individus de plus de 65 ans souffrent d'une pathologie chronique et
50 % de deux [2].
Le vieillissement du rachis peut s'accompagner de symptômes : la douleur
(lombalgie) est très fréquente, sa prévalence allant de 60 à 90 % [3, 4]. Chez
les personnes âgées, la lombalgie constitue la première plainte de troubles mus-
culo-squelettiques et le troisième symptôme le plus fréquemment rapporté
indépendamment de la pathologie sous-jacente [4].
Si la lombalgie est très fréquente, sa cause exacte reste en revanche très difficile
à identifier, particulièrement dans le cadre de douleurs chroniques. Faute de
connaissances suffisantes, la dégénérescence rachidienne est souvent incriminée
dans la genèse de ces douleurs. Pourtant, les données de la littérature montrent

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
204 Rachis dégénératif

que la pathologie dégénérative, identifiée par l'imagerie moderne, est faiblement


associée à la douleur lombaire chez l'adulte âgé de plus de 53 ans [5]. De plus,
l'existence de signes de dégénérescence en IRM, chez des sujets asymptomatiques,
n'est pas prédictive d'apparition de symptômes et ce après un suivi de plusieurs
années [6]. Ainsi, les relations entre vieillissement, dégénérescence rachidienne et
symptômes restent encore très mal connues.
Trop peu de recherches sont consacrées à ce sujet. Pourtant, une meilleure
compréhension permettrait d'améliorer le diagnostic et, par voie de conséquence,
les traitements proposés.

Dégénérescence pathologique ou vieillissement ?


Certains auteurs essayent de faire une distinction entre ces deux phénomènes.
La colonne vertébrale est une structure flexible et multi-segmentaire. Sa fonc-
tion est, en position debout, de maintenir une stabilité tout en permettant une
mobilité segmentaire. Le rachis comprend un élément statique, le corps vertébral,
décrit sous la forme d'un trépied composé en avant du disque intervertébral (DIV)
et en arrière des facettes postérieures (FP). La mobilité, la stabilité, l'équilibre et le
contrôle de la position rachidienne se font grâce à l'action des puissants muscles
fléchisseurs et extenseurs du rachis. Comme pour l'ensemble des tissus du corps
humain, les composants du rachis ont une viabilité cellulaire génétique
prédéterminée et/ou sont soumis à des forces mécaniques tout au long de leur
vie. Quel que soit le mécanisme de vieillissement, plus ou moins physiologique, ce
dernier aboutit à des modifications dégénératives débutant par des altérations
biochimiques, suivies d'anomalies microstructurales et, enfin, à d'importantes
lésions de l'unité rachidienne. Ce processus dégénératif et ses conséquences bio-
chimiques modifient progressivement l'anatomie fonctionnelle, sources de dou-
leurs et de déstabilisation.
La difficulté est de savoir ce qui revient au vieillissement physiologique et à la
pathologie dégénérative, davantage associée à un phénomène d'usure mécanique
anormal [7]. Pour le moment, cette distinction reste très « philosophique » et n'a
pas encore de conséquence thérapeutique.
Dans le reste de cet article, nous analyserons les données actuelles de la phy-
siologie du vieillissement du rachis pour chacun de ces composants : le disque
intervertébral (DIV), les muscles, les ligaments, et l'os par lui-même.
Le DIV étant de loin la structure à avoir été la plus étudiée chez l'homme, nous
présenterons donc surtout des données le concernant et ne ferons qu'aborder le
problème du vieillissement des autres structures.

Le disque intervertébral [8]


Le disque intervertébral normal
Le DIV se situe entre les corps vertébraux. Il est relié à ces derniers par
l'intermédiaire d'une fine plaque de cartilage hyalin, la plaque cartilagineuse
vertébrale (PCV). En avant et en arrière, le DIV donne insertion à deux ligaments
Physiopathologie du vieillissement rachidien 205

longitudinaux, antérieur et postérieur, tendus tout le long du rachis. Le DIV


présente deux régions principales : une zone centrale, le nucleus pulposus (NP),
et une zone externe ou annulus fibrosus (AF) (tableau 14.1).
Macroscopiquement, le NP est une structure blanchâtre, gélatineuse et ovoïde,
qui occupe environ 50 % du volume du DIV. Le NP est situé légèrement en arrière
du centre du DIV et se déplace lors des mouvements du rachis. Il est inextensible,
incompressible mais très hydrophile et déformable. Le NP contient des fibres de
collagène organisées de façon aléatoire, des fibres d'élastine au sein d'un gel
hydraté contenant des aggrécanes. Le NP contient une très faible densité cellulaire
dont le phénotype ressemble à celui des chondrocytes. Ces cellules fabriquent des
protéoglycanes (PG) de type aggrécanes et du collagène de type II. En revanche,
elles n'expriment ni le collagène de type I (normalement absent de la matrice
cartilagineuse et plus spécifique des fibroblastes), ni le collagène de type X,
marqueur de l'hypertrophie des chondrocytes.
L'AF est une structure fibreuse, lamellaire, blanchâtre, ferme et élastique,
attachée solidement au bourrelet marginal de la vertèbre, en périphérie des
PCV. L'AF est constitué de 7 à 15 lamelles concentriques de collagène de type
I, disposées de façon oblique. Des fibres d'élastine sont tendues entre les lamelles.
Cette composition donne à l'AF une remarquable extensibilité et permet proba-
blement au disque de retrouver sa forme initiale après déformation suite à des
mouvements de flexion, extension ou inclinaison. Entre les lamelles, se trouvent
des cellules et une matrice extracellulaire. Les cellules de l'AF ont un phénotype de
type fibroblaste dans la partie externe et de type chondrocytaire dans la partie
interne de l'annulus. Les cellules chondrocytaires produisent des PG qui sont à la
base de l'hydratation du DIV et de sa résistance aux contraintes mécaniques. Les
études réalisées chez l'homme en immunocytochimie montrent également un
marquage positif pour les collagènes de type II (plus spécifique du cartilage) et
de type I.
Ces cellules, ainsi que celles du NP, peuvent présenter plusieurs projections
cytoplasmiques. Leur fonction est encore inconnue mais certains suggèrent
qu'elles pourraient agir comme détecteur et transmetteur des forces mécaniques
au tissu [9].
L'eau occupe 65 à 90 % du volume du DIV ; elle est en grande partie extra-
cellulaire formant un gel avec les PG. Les pores très fins de la matrice freinent les

TABLEAU 14.1. Constituant biochimique du disque intervertébral


DIV non dégénéré Cellules Matrice
NP 9 000/mm3 PG
Grosses cellules vacuolaires Collagène type II
AF 3 000/mm3 PG
Partie externe : fibroblastes Collagène type II
Partie interne : chondrocytes Collagène type I
PCV 15 000/mm3
206 Rachis dégénératif

mouvements liquidiens de telle sorte que les DIV perdent lentement l'eau, même
quand ils sont soumis à des charges physiologiques importantes. L'hydrophilie du
DIV est directement liée à la pression osmotique exercée par les PG et l'absorption
d'eau est limitée par le réseau de collagène résistant à la traction.
La dernière région distincte du DIV est la PCV. C'est une une fine couche de
cartilage hyalin, usuellement inférieure à 1 mm d'épaisseur et correspondant
à une zone d'interface.
Le DIV de l'adulte est avasculaire (ou peu vascularisé en périphérie) mais
présente quelques structures nerveuses principalement à la périphérie de l'AF.
Le PCV, comme les autres structures hyalines du cartilage, est lui aussi totalement
avasculaire et non innervé chez l'adulte sain. La nutrition et l'élimination des
produits de dégradation du métabolisme cellulaire s'effectuent essentiellement
par un processus de diffusion avec les vaisseaux péridiscaux, principalement
à travers la PCV située à l'interface disque-os [10] et accessoirement avec les
plexus vasculaires à la périphérie de l'AF.
Le DIV a plusieurs fonctions : il permet à la fois de résister à la pesanteur et
à des contraintes mécaniques externes complexes mais également d'assurer une
mobilité multidirectionnelle.

Modifications du disque intervertébral liées au vieillissement


[8]
La dégénérescence discale a été étudiée sous différents aspects mais la
compréhension exacte de ces mécanismes reste encore inconnue.
Les études épidémiologiques montrent que la dégénérescence discale est très
fréquente dans la population générale, particulièrement parmi les adultes les plus
âgés [11]. À ce titre, le DIV a été souvent impliqué dans la genèse des douleurs
lombaires. Cependant, les données actuelles sur la relation dégénérescence discale
et douleur lombaire sont contradictoires. [12].

Au niveau macroscopique
On a pu observer durant la croissance et la maturation du squelette que les limites
entre l'AF et le NP deviennent de moins en moins évidentes. Avec le vieillissement,
le NP devient fibrotique et perd de plus en plus sa consistance gélatineuse [13],
tandis que le réseau de l'AF se désorganise petit à petit. Des fissures concentriques
et radiaires sont fréquemment retrouvées dans le DIV dès la 3e et 4e décennies de la
vie, particulièrement dans le NP.

Au niveau moléculaire
Dans le DIV normal, un équilibre existe entre la synthèse et la dégradation des
éléments matriciels. Lors du vieillissement, la diminution de la teneur en eau et en
aggrécanes, la perturbation du réseau de collagène et la perte de hauteur du DIV
font partie des modifications précoces observées. Une seule étude s'est
véritablement intéressée au turn over de la matrice extracellulaire chez l'homme
Physiopathologie du vieillissement rachidien 207

au cours du vieillissement [14]. Dans ce travail, les DIV de patients âgés de 12


semaines à 79 ans ont été analysés quant à leur contenu en aggrécanes et en
collagène de type I et II. Trois phases ont été décrites (tableau 14.2) :
 de la naissance à 15 ans, il existe une production de collagène de type I, de type
II et d'aggrécanes associée à une dégradation du collagène de type II ;
 de 15 à 40 ans, on observe une diminution des protéines matricielles, excepté
pour le collagène de type I et une diminution de la dégradation du collagène de
type II ;
 entre 40 et 80 ans, on note une augmentation de la production de collagène de
type I, de la dégradation du collagène de type II et une diminution de la production
de collagène de type II et d'aggrécanes.
Les phénomènes observés aux deux dernières phases sont d'autant plus impor-
tants que la dégénérescence discale est marquée. L'hypothèse actuelle est que ce
processus de vieillissement normal du DIV pourrait s'accélérer sous certaines
conditions et aboutir à un phénomène de dégénérescence pathologique.
La diminution des PG pourrait en elle-même favoriser l'accélération de la
dégénérescence discale par différents mécanismes. Les PG influencent le mouve-
ment de molécules dans et en dehors du DIV. Les aggrécanes dans le DIV normal,
du fait de leur forte concentration et de leur charge, empêchent le mouvement
dans la matrice des autres grosses molécules non chargées, comme les protéines
sériques et les cytokines [15]. La diminution de la concentration d'aggrécanes
dans le DIV dégénéré pourrait accélérer la perte des petits fragments d'aggrécanes,
osmotiquement actifs, accélérant ainsi probablement secondairement le processus
de dégénérescence. Par ailleurs, la diminution des aggrécanes favorise la pénétration
dans le DIV de grosses molécules comme les facteurs de croissance complexes et
les cytokines perturbant le comportement cellulaire et favorisant probablement là
aussi, le processus de dégénérescence. Enfin, la vascularisation et l'innervation du
DIV dégénéré seraient probablement la conséquence de la diminution des
aggrécanes qui, en temps normal, inhibent la croissance neurale [16-18].
Simultanément à ces modifications de la matrice, de nombreuses modifications
inflammatoires ont été observées. Le niveau de protéases, responsable du pro-
cessus de dégradation enzymatique, augmente au sein du DIV [8]. Plusieurs
familles d'enzymes capables de fragmenter les composants de la matrice extra-
cellulaire (les cathepsines, les métalloprotéases [MMP] et les aggrécanases) ont été

TABLEAU 14.2. Évolution de la synthèse et dégradation des constituants de la matrice


extracellulaire du DIV selon l'âge
Collagène de type I Collagène de type II Aggrécanes
0-15 ans Production Production Production
Dégradation
15-40 ans Production Production Production
Dégradation
40-80 ans Production Production Production
dégradation
208 Rachis dégénératif

retrouvées au sein du DIV. Outre la présence enzymatique, d'autres phénomènes


inflammatoires locaux ont été observés en immunohistochimie dans les DIV
dégénérés ou au sein des hernies discales, avec la présence de cytokines pro-
inflammatoires (interleukines [IL]1a, IL1b, d'IL-6, tumor necrosis factor-a
[TNF-a], monocyte chemottractant protein-1 (MCP-1) et macrophage inflam-
matory protein-1a [MIP-1a], de facteurs de croissance et de facteurs
angiogéniques (platelet derived growth factor-1 [PDGF-1], basic fibroblast
growth factor [bFGF], transforming growth factor-b [TGF-b], epidermal growth
factor [EGF], vascular endothelial growth factor [VEGF]) d'acide nitrique (NO)
[19-22]. Les événements biochimiques survenant au cours du vieillissement du
rachis et, en particulier, le rôle de ces médiateurs de l'inflammation sur la
dégénérescence discale, n'ont pas encore été parfaitement étudié.
Parallèlement à ces événements, une vascularisation, une innervation et une
prolifération cellulaire se développent au sein du DIV [23]. Un phénomène de
mort cellulaire est observé, les cellules prenant l'apparence de cellules nécrotiques
et apoptotiques [24, 25]. Ce phénomène est d'autant plus important qu'il n'existe
aucun processus de prolifération cellulaire dans le DIV en temps normal. Ces
éléments suggèrent que l'apopotose pourrait être responsable de la diminution de
la synthèse des composants de la matrice que cela implique, du vieillissement du
DIV.
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer les phénomènes apop-
totiques et la provenance des molécules pro-inflammatoires. La première
suggère que les cytokines et les médiateurs de l'inflammation pourraient pro-
venir de cellules (monocytes, lymphocytes) ayant envahi le DIV par le biais d'un
granulome inflammatoire ou d'une néovascularisation [26-28]. D'autres
études suggèrent que les cellules discales synthétiseraient ces facteurs en
réponse à des stimuli extérieurs. Les cellules de l'AF stimulées par l'IL1
entraîneraient une production locale de MMP, phospholipase A2 et prosta-
glandine [29].

Mécanismes de la dégénérescence discale


Plusieurs mécanismes sont incriminés dans la dégénérescence discale : l'âge et les
facteurs vasculaires, mécaniques ou génétiques.

L'âge
La dégénérescence discale commence généralement au cours de la deuxième
décennie et ne fait qu'empirer au fil du temps. À l'âge de 49 ans, 97 % des disques
lombaires montrent des signes de dégénérescence [30]. Cette dernière est
souvent asymptomatique [31, 32] et, réciproquement, le mal de dos n'est pas
toujours corrélé à la dégénérescence discale détectée par la radiographie [33]. Il
faut néanmoins souligner que les disques douloureux exhibent la même appa-
rence chimique, structurelle et radiographique que les disques asymptomati-
ques, mais semblent sérieusement plus dégénérés [34, 35]. En effet, leurs
Physiopathologie du vieillissement rachidien 209

analyses biochimiques sont similaires à celle de disques asymptomatiques


appartenant à des individus plus âgés [36]. Les disques d'individus souffrant
de mal de dos subissent donc une accélération du processus normal de vieillisse-
ment probablement favorisée par une conjonction de phénomènes vasculaires et
environnementaux.

Facteur vasculaire
Une des premières causes incriminée a été le défaut de nutrition des cellules
discales. Toutes les cellules ont besoin de nutriments comme l'oxygène et le
glucose pour rester vivantes et actives. In vitro, l'activité des cellules du DIV est
extrêmement sensible à l'oxygène extracellulaire et au PH avec des taux de
synthèse chutant aux PH acide ou lors de situations d'hypoxie. Une diminution
de nutrition conduisant à ces dernières situations (baisse en oxygène et acidité)
pourrait ainsi perturber le métabolisme des cellules discales, le maintien d'une
matrice extracellulaire de qualité et aboutir à la dégénérescence.
Ce défaut de vascularisation peut être lié à différents phénomènes : atteinte de
la PCV et atteinte vasculaire.
 L'intégrité de la PCV jouerait probablement un rôle majeur pour la vascularisa-
tion du DIV et donc sa dégénérescence discale. L'importance des échanges entre
les vaisseaux sanguins et le DIV est liée à la densité des vaisseaux au niveau de la
surface de contact. Bien que la périphérie de l'AF soit en partie vascularisée et très
perméable, la voie de nutrition principale reste la PCV. Seule sa partie centrale,
située en regard du NP, est perméable [37] et est directement en contact avec la
moelle osseuse [38]. La vitalité du DIV et son vieillissement dépendraient donc en
grande partie de l'intégrité de la PCV. Il a été montré que les anomalies (calcifi-
cations et autres) et le décollement des PCV du corps vertébral adjacent seraient
responsables d'un déclin de la cellularité discale puis de sa dégénérescence liée
à une déficience de nutrition. Le défaut de vascularisation du DIV serait ainsi un
phénomène précoce de la dégénérescence discale [38].
 Atteinte vasculaire à proprement parler. Le lien avec la dégénérescence discale
a été étudié d'un point de vue épidémiologique et macroscopique [39-49]. Les
études post mortem apportent quelques renseignements en montrant une asso-
ciation entre athérome de l'aorte et dégénérescence discale et entre occlusion
d'une artère vertébrale et antécédent de lombalgie [40]. Dans les études cliniques
transversales, l'observation de calcifications aortiques est associée à la douleur
lombaire, celle de sténose d'une artère lombaire à la lombalgie et à la
dégénérescence discale [41-43]. Enfin, dans les études épidémiologiques, les
facteurs de risques cardiovasculaires, comme le tabac et un taux élevé de
cholestérol, sont ceux qui sont le plus associés à la dégénérescence discale et
à la douleur lombaire [44-46]. Le tabac joue à ce titre un rôle probablement
primordial. En effet, à cause de la nicotine, les vaisseaux sanguins se contractent.
De plus, fumer accélère le processus d'athérosclérose et la sténose des orifices
des artères [47, 49]. Le flux sanguin parvenant au corps vertébral est
donc réduit, limitant l'apport des nutriments aux cellules du DIV. Par ailleurs,
la toux chronique, fréquente parmi les fumeurs, pourrait entraîner une
210 Rachis dégénératif

augmentation de la pression intradiscale et donc provoquer des dommages


mécaniques [48].
Ainsi, l'apparition de discopathies et de douleurs lombaires pourrait en partie
être expliquée par des phénomènes d'hypovascularisation des composants rachi-
diens [38, 50, 51].

Stress mécanique
L'application de charges mécaniques anormales (stress mécanique) pourrait aussi
être incriminée dans la dégénérescence discale en participant à la régulation de
l'apoptose des cellules discales et aux phénomènes inflammatoires locaux.
Pendant plusieurs années, on a pensé que la cause majeure des lombalgies était
liée à des lésions structurales secondaires à des blessures, souvent liées au travail.
Ainsi, croyait-on que ces lésions initiaient un processus qui conduisait secondai-
rement à la dégénérescence du DIV puis aux symptômes cliniques, la lombalgie
[52]. Cependant, les liens de causalité ne sont pas forcément aussi simples. Bien
que les exercices intenses ne semblent pas affecter le DIV [53], on observe dans
certaines études des phénomènes anaboliques avec synthèse de PG en réponse
à des régimes de force physiologique appliqués sur du long terme [54]. D'autres
travaux de surcharge expérimentale ou de lésions du DIV montrent des résultats
allant dans le sens inverse [55, 56].

Facteurs génétiques
Des études récentes suggèrent l'existence d'une composante génétique importante
dans le processus de dégénérescence. Plusieurs travaux ont montré une
prédisposition familiale forte pour le vieillissement discal et la hernie [57-59].
Les résultats de deux études faites chez des jumeaux montreraient une héritabilité
excédant 60 % [60, 61]. Les personnes ayant un polymorphisme sur le gène
aggrécane auraient un fort risque de dégénérescence précoce du DIV. Enfin, des
études chez la souris ont démontré que des mutations sur les molécules apparte-
nant à la composition de la matrice extracellulaire, les aggrécanes [62], le
collagène de type II [63], et le collagène de type IX [64] conduisaient à une
dégénérescence du DIV.

Conséquences fonctionnelles liées au vieillissement


Secondairement aux événements décrits précédemment, la perte de la hauteur
discale et de son caractère amortissant ont d'importantes conséquences
biomécaniques. La perte des PG entraîne une chute de la pression osmotique
du DIV qui devient incapable de maintenir une hydratation normale. Ainsi, en
charge, le DIV dégénéré perd de la hauteur et ses capacités à rester hydraté. De la
même façon, les altérations du réseau de collagène affectent l'absorption et la
redistribution des forces de mouvement appliquées à la nature viscoélastique et
hydrostatique du DIV normal. Ces forces se retrouvent concentrées de façon
inappropriée sur l'AF et/ou les plateaux vertébraux. Petit à petit, la perte des
Physiopathologie du vieillissement rachidien 211

compétences mécaniques du DIV et son écrasement aboutissent à une protrusion


diffuse [51].
Ces modifications du comportement du DIV ont de fortes conséquences sur les
autres structures vertébrales pouvant affecter à leur tour leur anatomie et leur
fonction.

Les articulaires postérieures


Les articulaires postérieures (AP) sont les seules articulations « synovialisées » du
rachis. Elles comprennent, comme toute articulation, du cartilage hyalin recou-
vrant l'os sous-chondral. Willis et al. ont décrit l'unité vertébrale sous la forme
d'un trépied comprenant le DIV en avant et les deux AP en arrière [in 7, 65]. En
temps normal, le DIV supporte les charges maximales. Les AP ont un rôle de
soutien postérieur au port de charge, mais surtout de stabilisateurs dans les
mouvements de flexion et d'extension limitant ainsi les mouvements de torsion
excessif sur le DIV. La principale lésion observée sur les AP est l'arthrose [66]. Il
est aujourd'hui admis que ces lésions surviendraient secondairement à la
dégénérescence discale. Cette dernière, associée à l'instabilité qui en découle,
entraînerait sur les AP adjacentes une augmentation de forces générant peu
à peu des subluxations et une altération du cartilage. L'arthrose des AP est
identique à toutes les lésions d'arthrose rencontrées au sein des diarthroses. La
dégradation du cartilage aboutit à des phénomènes inflammatoires locaux, des
modifications cartilagineuses et de l'os sous-chondral. L'hypertrophie, les sub-
luxations facettaires ainsi que les ostéophytes créent progressivement une sténose
du canal et/ou des foramens. Au final, la déstabilisation de ce trépied entraîne une
instabilité rachidienne dégénérative source de spondylolisthésis et de scoliose. Les
terminaisons nerveuses nociceptives identifiées dans les capsules articulaires se
trouvent stimulées par les modifications et peuvent ainsi être source de douleurs.

L'os
L'os constitue la composante statique de l'unité vertébrale. Il va subir des chan-
gements majeurs durant le vieillissement avec, soit un excès de formation osseuse
(sclérose, ostéophyte), soit un excès de déminéralisation.
Le tissu osseux est en perpétuel remodelage avec une activité de résorption et de
formation. Cet équilibre repose sur des mécanismes de régulations systémiques et
locaux grâce à une communication étroite entre les différentes cellules osseuses et
permet ainsi l'homéostasie du tissu osseux. Au cours du vieillissement, il existe
une modification de la balance formation/résorption, mais le couplage est pour-
tant maintenu. Néanmoins, la balance osseuse (différence entre la quantité d'os
résorbé et la quantité d'os formé) est négative [67]. Plusieurs mécanismes,
à travers leur action sur les ostéoblastes et les ostéoclastes, influencent la perte
osseuse [68, 69]. La PTH, la vitamine D, le système ostéoprotégérine RANK-
RANKL, la calcitonine et un mécanisme de contrôle hypothalamique sont actuel-
lement les facteurs les mieux connus [69].
212 Rachis dégénératif

L'ostéoporose sénile, liée à l'âge, est essentiellement due au défaut de fonction


ostéoblastique ; la perte osseuse concerne à la fois l'os trabéculaire et cortical
expliquant ainsi les différents types de fractures. La carence œstrogénique est
vraisemblablement responsable de cette perte osseuse à la fois chez la femme et
chez l'homme. D'autres facteurs comme la carence en vitamine D, les différences
de microarchitecture entre hommes et femmes, et la perte de la capacité de
prolifération et de différenciation des cellules souches participent à la perte
osseuse liée à l'âge. Elle est rapide juste après la ménopause puis devient ensuite
plus lente.
Lors du vieillissement osseux, on observe une réduction du nombre de travées
osseuses, une diminution de leur épaisseur moyenne, une augmentation de la
distance entre les travées et une altération de leurs connexions. La lecture des
radiographies montre que la raréfaction osseuse n'est pas uniforme et qu'il existe,
en particulier, une disparition préférentielle des travées horizontales. Certains
auteurs suggèrent que, plus que la masse osseuse, ce sont les modifications
qualitatives de la structure qui jouent un rôle dans le risque fracturaire. Ainsi, à
masse osseuse identique, une structure osseuse désorganisée, faite de travées épaisses
peu nombreuses, mal connectées, séparées les unes des autres, possède des qualités
biomécaniques moindres qu'un arrangement de fines travées, plus nombreuses,
moins espacées et mieux connectées [69]. L'ensemble de ces modifications aboutit
à une fragilité excessive de l'os pouvant se compliquer de tassements vertébraux.
Lorsque l'on sait que la survenue d'une fracture augmente le risque de nouvelles
fractures dans les 2 ans, la complication majeure est, à terme, d'aboutir à différents
types de déformations : cyphose, scoliose, sténose foraminale, etc. [70].
Outre la perte osseuse, le vieillissement rachidien peut entraîner des modifica-
tions de la physionomie des vertèbres. Pollintine et al. ont montré que l'applica-
tion de charges compressives sur des rachis de cadavres entraînait des
déformations prédominant au niveau de la vertèbre [71].

Les ligaments
Le rachis comprend plusieurs ligaments :
 le ligament longitudinal postérieur (LLP) ou ligament vertébral commun
postérieur : c'est une bande fibreuse qui s'étend depuis l'occiput jusqu'au sacrum,
sur le versant postérieur des corps vertébraux ;
 les ligaments de Hofmann : segmentaires et pairs, ils s'étendent du versant
antérieur du sac dural à la couche superficielle du LLP ;
 les ligaments postérieurs : les ligaments jaunes (LJ), intertransversaires,
interépineux et supraépineux unissent respectivement les lames, les processus
transverses et le processus épineux.
Ces ligaments contribuent à la stabilité intrinsèque du rachis et à la limitation des
mouvements dans toutes les directions. Leur composant principal est le collagène.
Les LJ contiennent également un fort pourcentage en élastine, permettant la
contraction durant la flexion et l'élongation [65]. Lors du processus de vieillisse-
ment, les ligaments subissent des modifications chimiques et macroscopiques.
Physiopathologie du vieillissement rachidien 213

La principale est une hypertrophie prédominant aux étages L3L4 et L4L5 [72]. Les
causes sont multiples, liées au niveau d'activité, à l'âge, au stress mécanique. Les
études histologiques montrent que lors de l'hypertrophie des LJ, on observe une
diminution et une dégénérescence des fibres d'élastine, une augmentation du
collagène, l'apparition de calcification et d'ossification et une chondrométaplasie
[73-75]. Sur des données de microscopie électronique, Postacchini et al. concluent
que la perte de l'élasticité du LJ pourrait être la cause de son bombement dans le
canal survenant en particulier en position debout [76]. Les données biologiques
ont permis d'essayer de mieux appréhender les mécanismes liés à l'hypertrophie du
LJ. Ainsi, le transforming growth factor (TGF)-b serait pour le moment la seule
cytokine observée dans le LJ favorisant sa transformation fibrosante puis son
bombement [77, 78], mais son rôle exact reste encore indéterminé.

Les muscles
Les muscles dits « intrinsèques » s'insèrent sur le rachis lombaire et ont une action
directe sur le rachis qu'ils mobilisent et stabilisent. Il s'agit des muscles
paravertébraux dorsaux, du quadratus lumborum ou carré des lombes, et de la
portion vertébrale du psoas. Les muscles dits extrinsèques sont les quatre muscles
de la paroi antérolatérale de l'abdomen qui forment la sangle abdominale.
Ces muscles participent à la stabilisation et au mouvement du rachis. Ils per-
mettent de modifier la répartition des charges en situation statique et dynamique.
Lors du vieillissement, on observe une myopathie dégénérative. L'utilisation
d'appareil d'évaluation de la force musculaire du tronc (Cybex back testing) a
permis de mettre en évidence les premiers signes de déficience musculaire en
objectivant une diminution de force des muscles extenseurs du rachis [79].
Cette diminution des performances musculaires s'accompagne d'altérations de
leur structure histologique. Les biopsies ont ainsi montré une diminution du
diamètre des fibres musculaires de type II (impliquées dans la vitesse) et surtout
un aspect mité des fibres de type I (impliquées dans l'endurance) [80]. Des modi-
fications macroscopiques sont aussi visualisables en TDM ou en IRM où la
densité des fascicules musculaires diminue, remplacée par des coulées graisseuses.
La diminution des performances musculaires évolue parallèlement à cette
dégénérescence. Ces lésions compromettent petit à petit la statique et la dyna-
mique rachidienne, entraînant un dysfonctionnement et une instabilité vertébrale.
La camptocormie est un bon exemple de déstabilisation liée à une insuffisance
musculaire.
Il reste à démontrer si ce processus musculaire est la cause ou la conséquence
des autres altérations rachidiennes.

Conséquences biomécaniques globales


Les anomalies des différentes structures de la colonne aboutissent petit à petit
à une altération de la statique du rachis, source de handicap important. En temps
214 Rachis dégénératif

normal, il existe une interaction permanente entre rachis, bassin et membres


inférieurs. Toute modification de l'un de ces éléments, liée à un vieillissement
de la colonne, retentit sur les deux autres conduisant à des troubles statiques :
perte de lordose, scoliose, spondylolisthésis, cyphose dorsale.

Conclusion
Différentes lésions sont observées au cours du vieillissement du rachis, plus ou
moins intriquées, les unes probablement liées aux autres. Le mécanisme de leur
survenue et leur cinétique évolutive, de même que leur signification en termes de
« vieillissement physiologique » et de conséquences symptomatologiques, restent
pour le moment des données non élucidées.
Les conséquences du vieillissement peuvent être doubles : douleur et
déstabilisation du rachis. Le premier phénomène peut être lié notamment à la
néo-innervation observée dans le DIV, aux phénomènes inflammatoires locaux
objectivés, à l'arthrose AP et aux troubles de la statique. Le second est la
conséquence des lésions élémentaires puis segmentaires des éléments rachidiens
retentissant sur les courbures, puis sur la stabilité rachidienne de la colonne
lombaire.

Références
1 IIASA/ERD Database (2002) International Institute for Applied Systems Analysis, Laxenburg,
Austria. www.iiasa.ac.
2 Mullahy J. Live long, live well: quantifying the health of heterogeneous populations. Health Econ
2001 ; 10 : 429-40.
3 Brodke DS, Ritter SM. Nonsurgical management of low back pain and lumbar disk degenera-
tion. Instr Course Lect 2005 ; 54 : 279-86.
4 Bressler HB, Keyes WJ, Rochon PA, Badley E. prevalence of low back pain in the elderly. A
systematic review of the literature. Spine 1999 ; 24 : 1813-9.
5 Jarvik JJ, Hollingworth W, Heagerty P, Haynor DR, Deyo RA. The Longitudinal Assessment of
Imaging and Disability of the Back (LAIDBack) Study: baseline data. Spine 2001 ; 26 : 1158-66.
6 Borenstein DG, O'Mara JW Jr, Boden SD, et al. The value of magnetic resonance imaging of the
lumbar spine to predict low-back pain in asymptomatic subjects: a seven-year follow-up study.
J Bone Joint Surg 2001 ; 83-A : 1306-11.
7 Garfin, Herkowitz H. Lumbar disc degeneration: normal aging or a disease process? In: Wiesel
SW, Weinstein JN, Herkowitz H, Dvorak J, Bell G, eds. The lumbar spine. Philadelphia: WB
Saunders, 1996 : 458-73.
8 Raj PP. Intervertebral disc: anatomy-physiology-pathophysiology-treatment. Pain Practice 2008 ;
8 : 18-44.
9 Errington RJ, Puustjarvi K, White IR, Roberts S, Urban JP. Characterisation of cytoplasm-filled
processes in cells of the intervertebral disc. J Anat 1998 ; 192 : 369-78.
10 Hughes SPF, Wallace AL, McCarthy IE, Fleming RH, Wyatt BC. Measurement of blood flow to
the vertebral bone and disc. Eur Spine J 1993 ; 2 : 96-8.
11 Yoshimura N, Dennison E, Wilman C, Hashimoto T, Cooper C. Epidemiology of chronic disc
degeneration and osteoarthritis of the lumbar spine in Britain and Japan: a comparative study.
J Rheumatol 2000 ; 27 : 429-33.
12 Peterson CK, Bolton JE, Wood AR. A cross-sectional study correlating lumbar spine degenera-
tion with disability and pain. Spine 2000 ; 25 : 218-23.
Physiopathologie du vieillissement rachidien 215

13 Buckwalter JA. Aging and degeneration of the human intervertebral disc. Spine 1995 ; 20 :
1307-14.
14 Antoniou J, Steffen T, Nelson F, et al. The human lumbar intervertebral disc: evidence for
changes in the biosynthesis and denaturation of the extracellular matrix with growth, matura-
tion, ageing, and degeneration. J Clin Invest 1996 ; 98 : 996-1003.
15 Maroudas A. Biophysical chemistry of cartilaginous tissues with special reference to solute and
fluid transport. Biorheology 1975 ; 12 : 233-48.
16 Freemont AJ, Peacock TE, Goupille P, Hoyland JA, O'Brien J, Jayson MI. Nerve ingrowth into
diseased intervertebral disc in chronic back pain. Lancet 1997 ; 350 : 178-81.
17 Johnson WE, Caterson B, Eisenstein SM, Hynds DL, Snow DM, Roberts. Human intervertebral
disc aggrecan inhibits nerve growth in vitro. Arthritis Rheum 2002 ; 46 : 2658-64.
18 Melrose J, Smith S, Little CB, Kitson J, Hwa SY, Ghosh P. Spatial and temporal localization of
transforming growth factor-beta, fibroblast growth factor-2, and osteonectin, and identification
of cells expressing alpha-smooth muscle actin in the injured anulus fibrosus: implications for
extracellular matrix repair. Spine 2002 ; 27 : 1756-64.
19 Kang JD, Georgescu HI, McIntyre-Larkin L, Stefanovic-Racic M, Donaldson WF 3rd, Evans
CH. Herniated lumbar intervertebral discs spontaneously produce matrix metalloproteinases,
nitric oxide, interleukin-6, and prostaglandin E2. Spine 1996 ; 21 : 271-7.
20 Saal JS, Franson RC, Dobrow R, Saal JA, White AH, Goldthwaite N. High levels of inflamma-
tory phospholipase A2 activity in lumbar disc herniations. Spine 1990 ; 15 : 674-8.
21 Grönblad M, Virri J, Rönkkö S et al. A controlled biochemical and immunohistochemical study
of human synovial-type (group II) phospholipase A2 and inflammatory cells in macroscopically
normal, degenerated, and herniated human lumbar disc tissues. Spine 1996 ; 21 : 2531-8.
22 Takahashi H, Suguro T, Okazima Y, Motegi M, Okada Y, Kakiuchi T. Inflammatory cytokines
in the herniated disc of the lumbar spine. Spine 1996 ; 21 : 218-24.
23 Johnson WE, Eisenstein SM, Roberts S. Cell cluster formation in degenerate lumbar interver-
tebral discs is associated with increased disc cell proliferation. Connect Tissue Res 2001 ; 42 :
197-207.
24 Trout JJ, Buckwalter JA, Moore KC. Ultrastructure of the human intervertebral disc: II. Cells of
the nucleus pulposus. Anat Rec 1982 ; 204 : 307-14.
25 Gruber HE, Hanley EN. Analysis of aging and degeneration of the human intervertebral disc-
comparison of surgical specimens with normal controls. Spine 1998 ; 23 : 751-7.
26 Grönblad M, Virri J, Tolonen J et al. A controlled immunohistochemical study of inflammatory
cells in disc herniation tissue. Spine 1994 ; 19 : 2744-51.
27 Haro H, Shinomiya K, Komori H, et al. Upregulated expression of chemokines in herniated
nucleus pulposus resorption. Spine 1996 ; 21 : 1647-52.
28 Ito T, Yamada M, Ikuta F et al. Histologic evidence of absorption of sequestration-type herniated
disc. Spine 1996 ; 21 : 230-4.
29 Poiraudeau S, Monteiro I, Anract P, Blanchard O, Revel M, Corvol MT. Phenotypic characte-
ristics of rabbit intervertebral disc cells. Comparison with cartilage cells from the same animals.
Spine 1999 ; 24 : 837-44.
30 Miller JA, Schmatz C, Schultz AB. Lumbar disc degeneration: correlation with age, sex, and spine
level in 600 autopsy specimens. Spine 1988 ; 13 : 173-8.
31 Boden SD, McCowin PR, Davis DO, Dina TS, Mark AS, Wiesel S. Abnormal magnetic-reso-
nance scans of the cervical spine in asymptomatic subjects. A prospective investigation. J Bone
Joint Surg 1990 ; 72A : 1178-84.
32 Powell MC, Wilson M, Szypryt P, Symonds EM, Worthington BS. Prevalence of lumbar disc
degeneration observed by magnetic resonance in symptomless women. Lancet 1986 ; 2 : 1366-7.
33 Witt I, Vestergaard A, Rosenklint A. A comparative analysis of x-ray findings of the lumbar spine
in patients with and without lumbar pain. Spine 1984 ; 9 : 298-300.
34 Paajanen H, Erkintalo M, Parkkola R, Salminen J, Kormano M. Age-dependent correlation of
low-back pain and lumbar disc regeneration. Arch Orthop Trauma Surg 1997 ; 116 : 106-7.
35 Salminen JJ, Erkintalo MO, Pentti J, Oksanen A, Kormano MJ. Recurrent low back pain and
early disc degeneration in the young. Spine 1999 ; 24 : 1316-21.
36 Herbert CM, Lindberg KA, Jayson MI, Bailey AJ. Proceedings. Intervertebral disc collagen in
degenerative disc disease. Ann Rheum Dis 1975 ; 34 : 467.
216 Rachis dégénératif

37 Holm H, Maroudas A, Urban JP, Selstam G, Nachemson A. Nutrition of the intervertebral disc:
solute transport and metabolism. Connect Tissue Res 1981 ; 8 : 101-19.
38 Inoue H. Three-dimensional architecture of lumbar intervertebral discs. Spine 1981 ; 6 : 139-46.
39 Kauppila LI. Atherosclerosis and disc degeneration/low-back pain-a systematic review. Eur
J Vasc Endovasc Surg 2009 ; 37 : 661-70.
40 Kauppila LI. Prevalence of stenotic changes in arteries supplying the lumbar spine. A postmortem
angiographic study on 140 subjects. Ann Rheum Dis 1997 ; 56 : 591-5.
41 Schneider S, Mohnen SM, Schiltenwolf M, Rau C. Comorbidity of low back pain: representative
outcomes of a national health study in the Federal Republic of Germany. Eur J Pain 2007 ; 11 :
387-97.
42 Leino-Arjas P, Kauppila L, Kaila-Kangas L, Shiri R, Heistaro S, Heliovaara M. Serum lipids in
relation to sciatica among Finns. Atherosclerosis 2008 ; 197 : 43-9.
43 Shiri R, Viikari-Juntura E, Leino-Arjas P et al. The association between carotid intima-media
thickness and sciatica. Semin Arthritis Rheum 2007 ; 37 : 174-81.
44 Jhawar BS, Fuchs CS, Colditz GA, Stampfer MJ. Cardiovascular risk factors for physician-
diagnosed lumbar disc herniation. Spine 2006 ; 6 : 684-91.
45 Leino-Arjas P, Kaila-Kangas L, Solovieva S, Riihimaki H, Kirjonen J, Reunanen A. Serum lipids
and low back pain: an association? A follow-up study of a working population sample. Spine
2006 ; 31 : 1032-7.
46 Zhu K, Devine A, Dick IM, Prince RL. Association of back pain frequency with mortality,
coronary heart events, mobility, and quality of life in elderly women. Spine 2007 ; 32 : 2012-8.
47 Frymoyer JW, Pope MH, Clements JH, Wilder DG, MacPherson B, Ashikaga T. Risk factors in
low-back pain. An epidemiological survey. J Bone Joint Surg 1983 ; 65A : 213-8.
48 Frymoyer JW, Pope MH, Costanza MC, Rosen JC, Goggin JE, Wilder DG. Epidemiologic studies
of low-back pain. Spine 1980 ; 5 : 419-23.
49 Auerbach O, Garfinkel L. Atherosclerosis and aneurysm of aorta in relation to smoking habits
and age. Chest 1980 ; 78 : 805-9.
50 Vernon-Roberts B, Moore RJ, Fraser RD. The natural history of age-related disc degeneration:
the influence of age and pathology on cell populations in the L4-L5 disc. Spine 2008 ; 33 :
2767-73.
51 Rajasekaran S, Venkatadass K, Naresh Babu J, Ganesh K, Shetty AP. Pharmacological enhance-
ment of disc diffusion and differentiation of healthy, ageing and degenerated discs: Results from
in-vivo serial post-contrast MRI studies in 365 human lumbar discs. Eur Spine J 2008 ; 17 :
626-43.
52 Allan DB, Waddell G. An historical perspective on low back pain and disability. Acta Orthop
Scand Suppl 1989 ; 234 : 1-23.
53 Puustjärvi K, Lammi M, Helminen H, Inkinen R, Tammi M. Proteoglycans in the intervertebral
disc of young dogs following strenuous running exercise. Connect Tissue Res 1994 ; 30 : 225-40.
54 Iatridis JC, Mente PL, Stokes IA, Aronsson DD, Alini M. Compression-induced changes in
intervertebral disc properties in a rat tail model. Spine 1999 ; 24 : 996-1002.
55 Osti OL, Vernon-Roberts B, Fraser RD. 1990 Volvo Award in experimental studies. Anulus tears
and intervertebral disc degeneration. An experimental study using an animal model. Spine 1990 ;
15 : 762-7.
56 Lipson SJ, Muir H. Experimental intervertebral disc degeneration: morphologic and proteogly-
can changes over time. Arthritis Rheum 1981 ; 24 : 12-21.
57 Heikkilä JK, Koskenvuo M, Heliövaara M et al. Genetic and environmental factors in sciatica.
Evidence from a nationwide panel of 9365 adult twin pairs. Ann Med 1989 ; 21 : 393-8.
58 Matsui H, Kanamori M, Ishihara H, Yudoh K, Naruse Y, Tsuji H. Familial predisposition for
lumbar degenerative disc disease. A case-control study. Spine 1998 ; 23 : 1029-33.
59 Varlotta GP, Brown MD, Kelsey JL, Golden AL. Familial predisposition for herniation of a lumbar
disc in patients who are less than twenty-one years old. J Bone Joint Surg 1991 ; 73A : 124-8.
60 Battié MC, Videman T, Gibbons LE, Fisher LD, Manninen H, Gill K. 1995 Volvo Award in
clinical sciences. Determinants of lumbar disc degeneration. A study relating lifetime exposures
and magnetic resonance imaging findings in identical twins. Spine 1995 ; 20 : 2601-12.
61 Sambrook PN, MacGregor AJ, Spector TD. Genetic influences on cervical and lumbar disc
degeneration: a magnetic resonance imaging study in twins. Arthritis Rheum 1999 ; 42 : 366-72.
Physiopathologie du vieillissement rachidien 217

62 Watanabe H, Nakata K, Kimata K, Nakanishi I, Yamada Y. Dwarfism and age-associated spinal


degeneration of heterozygote cmd mice defective in aggrecan. Proc Natl Acad Sci USA 1997 ; 94 :
6943-7.
63 Li SW, Prockop DJ, Helminen H, et al. Transgenic mice with targeted inactivation of the Col2
alpha 1 gene for collagen II develop a skeleton with membranous and periosteal bone but no
endochondral bone. Genes Dev 1995 ; 9 : 2821-30.
64 Kimura T, Nakata K, Tsumaki N, et al. Progressive degeneration of articular cartilage and
intervertebral discs. An experimental study in transgenic mice bearing a type IX collagen muta-
tion. Int Orthop 1996 ; 20 : 177-81.
65 Fraser RD, Bleael JF, Moskowitz RW. Spinal degeneration. Pathogenesis and medical manage-
ment. In: Frymoyer JW, ed. The adult spine: principles and practice. Philadelphia, Lippincott
Raven, 1997 : 735-58.
66 Hicks GE, Morone N, Weiner DK. Degenerative lumbar disc and facet disease in older adults:
prevalence and clinical correlates. Spine 2009 ; 34 : 1301-6.
67 Funck-Brentano T, Cohen-Solal M. Le vieillissement osseux : les nouveaux acteurs de commu-
nication intercellulaire. Médecine & Longévité 2010 ; 2 : 200-4.
68 Bono CM, Einhorm TA. Overview of osteoporosis pathophysiology and determinants of bone
strength. In: Aebi M, Gunzburg R, Szpalski M, eds. The aging spine. Berlin, Spinger, 2005 : 8-14.
69 Kleerekoper M, Villanueva AR, Stanciu J, Rao DS, Parfitt AM. The role of three-dimensional
trabecular microstructure in the pathogenesis of vertebral compression fractures. Calcif Tissue
Int 1985 ; 37 : 594-7.
70 Roux C, Fechtenbaum J, Kolta S, Briot K, Girard M. Mild prevalent and incident vertebral
fractures are risk factors for new fractures. Osteoporos Int 2007 ; 18 : 1617-24.
71 Pollintine P, van Tunen MS, Luo J, Brown MD, Dolan P, Adams MA. Time-dependent compres-
sive deformation of the ageing spine: relevance to spinal stenosis. Spine 2010 ; 35 : 386-94.
72 Sairyo K, Biyani A, Goel V, et al. Pathomechanism of ligamentum flavum hypertrophy: a
multidisciplinary investigation based on clinical, biomechanical, histologic, and biologic assess-
ments. Spine 2005 ; 30 : 2649-56.
73 Okuda T, Baba I, Fujimoto Y, et al. The pathology of ligamentum flavum in degenerative lumbar
disease. Spine 2004 ; 29 : 1689-97.
74 Postacchini F, Gumina S, Cinotti G, Perugia D, DeMartino C. Ligamenta flava in lumbar disc
herniation and spinal stenosis. Light and electron microscopic morphology. Spine 1994 ; 19 :
917-22.
75 Schräder PK, Grob D, Rahn BA, Cordey J, Dvorak J. Histology of the ligamentum flavum in
patients with degenerative lumbar spinal stenosis. Eur Spine J 1999 ; 8 : 323-8.
76 Postacchini F, Gumina S, Cinotti G, Perugia D, DeMartino C. Ligamenta flava in lumbar disc
herniation and spinal stenosis. Light and electron microscopic morphology. Spine 1994 ; 19 :
917-22.
77 Park JB, Chang H, Lee JK. Quantitative analysis of transforming growth factor-beta 1 in
ligamentum flavum of lumbar spinal stenosis and disc herniation. Spine 2001 ; 26 : E492-5.
78 Nakatani T, Marui T, Hitora T, Doita M, Nishida K, Kurosaka M. Mechanical stretching force
promotes collagen synthesis by cultured cells from human ligamentum flavum via transforming
growth factor-beta1. J Orthop Res 2002 ; 20 : 1380-6.
79 Gracovetsky S, Farfan H, Helleur C. The abdominal mechanism. Spine 1985 ; 10 : 317-24.
80 Mattila M, Hurme M, Alaranta H, Paljärvi L, et al. The multifidus muscle in patients with lumbar
disc herniation. A histochemical and morphometric analysis of intraoperative biopsies. Spine
1986 ; 11 : 732-8.
219

15
Rachis lombaire dégénératif
Imagerie : comment ?
pour quoi faire ?
J.-L. Brasseur, J. Renoux, G. Mercy, D. Zeitoun-Eiss
Service de radiologie polyvalente et interventionnelle (Pr P. Grenier), hôpital de La Pitié-Salpêtrière,
83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13

Introduction
Le développement du sport de loisir et l'augmentation de la moyenne d'âge des
sportifs font en sorte que la pathologie sportive n'est pas uniquement traumatique
ou microtraumatique mais fait intervenir de plus en plus souvent une notion
supplémentaire : la dégénérescence.
Cela semble particulièrement vrai au niveau du rachis qui est mis à contribution
de manière systématique dans de nombreux sports pratiqués après 40 ans (tennis,
golf, etc.).
Voyons les principaux éléments à rechercher dans ce cadre et la stratégie d'ima-
gerie à adopter pour ne pas « empiler » systématiquement et coûteusement les
différents examens.

Que rechercher ?
En pathologie dégénérative, il est évident que le but de l'imagerie n'est pas de
décrire les ostéophytes et tous les pincements rencontrés, mais d'essayer d'expli-
quer au mieux l'origine de la symptomatologie pour orienter la thérapeutique
(une infiltration guidée, par exemple) [1, 2].
Il existe une très importante disparité entre les « images » et la symptomato-
logie clinique ; quand on voit les clichés de certaines colonnes, on se demande
parfois comment il est possible que le patient puisse tenir debout alors que son

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
220 Rachis dégénératif

problème n'est qu'une petite douleur en fin de match [3-7]. L'atteinte dégénérative
est un processus de vieillissement mais elle comporte une composante d'adapta-
tion. Ainsi, le développement des ostéophytes est surtout destiné à augmenter la
surface d'un disque pour mieux répartir la pression et la rendre moins
importante ; ce n'est donc en aucun cas ce « bec de perroquet », si anxiogène
pour nos patients, qui sera à l'origine de la symptomatologie : il est le simple
témoin d'une réaction des plateaux vertébraux.
Dans les douleurs d'origine mécanique, il existe deux grands cadres : la lom-
balgie et la lomboradiculalgie pouvant se compliquer d'une composante de blo-
cage, voire d'impotence.

Lombalgie
Elle a classiquement deux composantes (discale et articulaire postérieure)
impliquées de manière isolée ou associée et auxquelles peut se rajouter une
contracture réactionnelle.

Sur le plan discal


Outre le pincement, la recherche de l'espace discal douloureux est au mieux
déterminée par l'imagerie par résonance magnétique (IRM) [8], reléguant aux
oubliettes la discographie étagée ! La dégénérescence discale (perte de l'hypersignal
T2 du disque) et sa réaction sur les plateaux vertébraux de voisinage (Modic 1 en

[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 15.1. Discopathie susceptible d'être à l'origine d'une symptomatologie


douloureuse ; coupe sagittale pondérée T2 ; disparition de l'hypersignal du disque et
remaniement en hypersignal du plateau adjacent.
Rachis lombaire dégénératif 221

hyposignal T1 et hypersignal T2) sont les éléments les plus importants


à rechercher (figure 15.1).
Il faut aussi essayer de déterminer si un facteur n'a pas favorisé le
développement de cette dégénérescence, ce qui revient en imagerie à éliminer
une atteinte statique sous-jacente et/ou une mobilité anormale.
Cette notion « statique » étant si souvent associée à celle de la dégénérescence,
il semble évident que l'examen radiographique en charge (debout) soit, après
l'examen clinique, incontournable.
Dans le cadre de la mobilité anormale, les ostéophytes de « traction » consti-
tuent d'excellents signes indirects d'orientation mais ce sont les épreuves dyna-
miques sagittales qui montrent une éventuelle mobilisation et le niveau atteint
(figure 15.2). Rappelons ici l'importance d'une technique parfaite de réalisation
pour dépister ces mobilisations, ce qui n'est pas toujours évident chez des patients
douloureux !
Peut également être évoquée comme étiologie douloureuse une saillie discale
focale (voire une véritable hernie), franchement postérieure, sans compression
radiculaire mais à l'origine d'une tension sur le ligament commun vertébral

[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 15.2. a. et b. Mobilisation du disque L3-L4 en hyperflexion.


222 Rachis dégénératif

postérieur. Elle est rarissime à ce stade où l'aspect est essentiellement celui d'un
débord discal diffus éventuellement asymétrique.

Au niveau des articulaires postérieures


Au niveau des articulaires postérieures (ou plutôt de l'arc postérieur dont les
articulaires sont l'une des composantes), l'importance de l'hypertrophie, celle
du pincement et celle de la condensation réactionnelle sont les signes indirects
de l'atteinte dégénérative. Ils sont extrêmement variables, fréquents, favorisés par
l'hyperlordose, bien visualisés sur les clichés radiographiques de profil ou en
oblique. Ce dernier montre également la répercussion de cette hypertrophie
réactionnelle sur la surface canalaire par déformation de son versant
postérolatéral (figure 15.3).
Un phénomène de vide, bien visible en tomodensitométrie (TDM), ou un
contenu liquidien associé éventuellement à une réaction des surfaces articulaires
(hypersignal T2 en IRM), sont d'autres éléments pouvant impliquer ces articu-
laires dans la symptomatologie clinique.
On connaît également la possibilité d'une distension de ces articulations. Il en
résulte soit une décoaptation des facettes (pseudo-élargissement de l'interligne)
avec composante rotationnelle en cas d'atteinte unilatérale, soit un glissement
(spondylolysthésis arthrosique) en cas d'atteinte bilatérale (figure 15.4). Ce der-
nier est important à rechercher car il favorise souvent le rétrécissement canalaire.
La distension bilatérale à l'origine de ce glissement peut également s'accompagner

[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 15.3. Saillie d'une hypertrophie des articulaires postérieures au sein du canal.
La ligne pointillée tangente au versant antérieur des massifs articulaires sur le cliché en
oblique correspond au versant postérolatéral du canal ; la portion d'articulaire débordant
cette ligne correspond à la saillie endocanalaire.
Rachis lombaire dégénératif 223
[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 15.4. Spondylolysthésis arthrosique par glissement des articulaires postérieures


à l'origine d'un rétrécissement canalaire en regard du plateau vertébral sous-jacent
(L5 dans ce cas).

d'une mobilité anormale de tout le segment vertébral et retentir sur le disque


(comme décrit ci-dessus).
La spondylolyse est, en premier lieu, une étiologie douloureuse de l'adolescent
mais peut également être à l'origine d'une symptomatologie lombaire chez le
sportif âgé qui « mobilise » cette zone de faiblesse et de mobilité accentuée lors
de sa pratique. Les nodules réactionnels qu'elle entraîne peuvent également inter-
venir mais c'est surtout la déstabilisation de l'arc postérieur et la survenue d'une
bursite interépineuse de voisinage (bien visualisée en arthrographie) (figure 15.5)
qui sont impliquées.
Outre le cliché en oblique, parfois difficile à interpréter en cas d'arthrose
surajoutée, c'est le contour sous-pédiculaire sur le cliché de face centré (figure
15.6) qui fera le diagnostic ainsi que le décalage des épineuses et l'anisocorie des
pédicules en cas d'atteinte unilatérale (figure 15.7). Ces éléments sont présents
dans tous les dossiers radiologiques des patients et sont rarement recherchés alors
que sur les examens « en coupe » (TDM et IRM), ces spondylolyses sont parfois
peu visibles ou non visualisées en TDM sur les clichés fournis (car ils ne repren-
nent qu'une partie des coupes effectuées).

Lomboradiculalgie
La détermination précise du siège du (ou des) conflit(s) avec la (ou les) racine(s)
doit être le but de l'imagerie dans ce cas, en adéquation avec la symptomatologie
clinique. Cette recherche n'est nécessaire que si cette précision topographique est
susceptible d'orienter ou de modifier le traitement [9].
224 Rachis dégénératif

[(Figure_5)TD$IG]

FIGURE 15.5. Bursite interépineuse accompagnant une spondylolyse de L5.


[(Figure_6)TD$IG]

FIGURE 15.6. Spondylolyse bilatérale de L5 visible sur le cliché L5-S1 de face centré avec
contour sous-pédiculaire bilatéral.
[(Figure_7)TD$IG]

FIGURE 15.7. Décalage des épineuses L5 et S1 dans le cadre d'une spondylolyse unilatérale
droite de L5 ; à noter la condensation réactionnelle du pédicule gauche.
Rachis lombaire dégénératif 225

Trois sites peuvent être conflictuels : le versant antérieur du canal, le récessus


latéral et le foramen. Dans le premier cas, le conflit se fait essentiellement avec le
disque, dans le deuxième, il résulte surtout d'une hypertrophie dégénérative des
articulaires postérieures et dans le troisième, ces deux éléments se surajoutent
souvent.
Le débord discal et la dégénérescence hypertrophique de l'articulaire étant très
fréquents, la (ou les) racine(s) en cause devra(ont) être suivie(s) sur tout son (leur)
trajet pour déterminer le (ou les) élément(s) conflictuel(s) !
Il faut également rechercher un rétrécissement du canal pouvant être à l'origine
d'irradiation aux membres inférieurs parfois mal interprétée. Sa recherche et la
détermination de son importance exacte doivent être systématiques dans ce cadre.

Débord discal
Le disque affaissé s'étale de manière quasi automatique à l'origine d'un débord
extrêmement fréquent, rarement conflictuel avec les racines. Il s'agit donc plus
d'un étalement que d'une protrusion (même si le résultat diverge peu) et il ne faut
en aucun cas appeler ces images « hernies » vu l'importance des conséquences
(psychologiques ++) que ce terme mal utilisé peut engendrer.
Ce débord n'est pas visible de manière significative sur les clichés standard et
une étude en coupes (TDM ou IRM) est indispensable à son analyse. Celle-ci
nécessite en revanche une coupe passant exactement dans l'axe du disque, ce qui
n'est pas toujours facile en cas de déviation scoliotique. Le travail de reconstruc-
tion à la console est donc capital car, sans lui, de nombreuses fausses images de
débord asymétrique s'observent à l'origine de bien des erreurs (figure 15.8).

[(Figure_8)TD$IG]

FIGURE 15.8. Faux comblement du foramen L5-S1 gauche en raison d'une coupe
asymétrique chez un patient légèrement scoliotique.
226 Rachis dégénératif

[(Figure_9)TD$IG]

FIGURE 15.9. Sur cette coupe bien symétrique, il existe indiscutablement une saillie
asymétrique, postérolatérale droite du disque venant en conflit avec le versant antérieur
du sac.

Outre le disque, l'ostéophytose postérieure doit également être prise en compte


car elle peut aussi être à l'origine d'un conflit radiculaire.
Ce qui est important, que ce soit pour le disque ou pour l'ostéophyte, est
l'obtention d'une coupe passant parfaitement dans l'axe de l'intersomatique et
de visualiser si ce débord ou cet ostéophyte entraîne un refoulement significatif et
asymétrique par comparaison au côté opposé (figure 15.9), sur le versant
antérieur du sac dural, voire sur une émergence radiculaire. La tuméfaction
asymétrique des racines sous-jacentes est, de plus, un excellent signe
complémentaire.
Ce débord peut de plus migrer vers le haut, source d'un conflit avec
« l'aisselle » de la racine ou vers le bas, venant en conflit avec « l'épaule ». Un
fragment exclu doit également être recherché en sachant qu'il est rare dans ce
cadre.

Récessus
Le rétrécissement d'un récessus latéral par une hypertrophie dégénérative de
l'articulaire postérieure peut venir « coincer » une racine (figure 15.10), mais elle
est le plus souvent refoulée sans conséquence clinique.
Il ne faut donc pas uniquement analyser la déformation et le rétrécissement du
récessus mais surtout rechercher si la racine est en conflit à ce niveau. Les recon-
structions sagittales et la recherche d'une tuméfaction radiculaire sous-jacentes
sont des aides précieuses dans ce cas.
Rachis lombaire dégénératif 227
[(Figure_0)TD$IG]

FIGURE 15.10. Déformation du récessus gauche en raison d'une hypertrophie dégénérative


des articulaires postérieures ; la racine est simplement refoulée et n'est pas en conflit dans
le récessus.

Foramen
La composante discale (disque ou ostéophytose) et celle de l'hypertrophie
dégénérative de l'articulaire postérieure interviennent ici de manière isolée ou
conjointe.
Pour visualiser l'importance du rétrécissement du foramen, d'origine discale ou
ostéophytique, une coupe passant exactement par l'axe du disque est indispen-
sable nécessitant souvent, en cas de scoliose, une reconstruction tridimension-
nelle. C'est le seul moyen d'éviter une erreur diagnostique fort fréquente à ce
niveau. Le débord vient combler la partie inférieure du foramen en refoulant la
racine vers l'extérieur et vers le haut (figure 15.11). Ce débord est souvent très
important en cas de spondylolyse en raison du chevalet discal qui en résulte.
Pour l'articulaire postérieure, c'est l'apex de l'apophyse supérieure qui vient
« coincer » la racine contre la corticale supérieure du foramen (syndrome de
Crock) ; l'hypertrophie dégénérative de l'articulaire intervient mais aussi la
[(Figure_1)TD$IG]

FIGURE 15.11. Conflit au niveau du foramen ; la coupe est bien symétrique et il existe
indiscutablement un comblement du foramen gauche avec refoulement radiculaire.
228 Rachis dégénératif

discopathie en raison d'une diminution d'épaisseur de l'intersomatique qui en


résulte et ce phénomène peut se majorer en station.
La meilleure technique de détection d'un conflit radiculaire à ce niveau est de le
visualiser sur une reconstruction sagittale avec déformation de la racine et dis-
parition de la graisse périradiculaire (hypodense en TDM et en hypersignal T1 en
IRM) (figure 15.12).

Rétrécissement canalaire
Sa détection est importante car elle peut modifier de manière notable la stratégie
thérapeutique [10]. On connaît le caractère congénital (pédicule court) et le
caractère acquis (hypertrophie dégénérative) de cette pathologie. Cette dernière
composante prédomine en cas d'atteinte dégénérative mais les deux éléments se
surajoutent fréquemment. Il ne faut jamais perdre de vue que le rétrécissement
prédomine à hauteur de l'interligne alors que la surface du sac reste souvent
satisfaisante en regard du corps vertébral. Sur une vue frontale de radiculogra-
phie, on peut comparer ce sac à un « chapelet de saucisses » montrant les sténoses
étagées à hauteur des interlignes (figure 15.13).

[(Figure_2)TD$IG]

FIGURE 15.12. Conflit foraminal entre la racine et la pointe de l'articulaire supérieure en


raison d'une hypertrophie dégénérative de l'articulaire et d'un affaissement de
l'intersomatique.
Rachis lombaire dégénératif 229
[(Figure_3)TD$IG]

FIGURE 15.13. Aspect en « chapelet de saucisses » du canal rétréci qui présente des sténoses
étagées en regard des intersomatiques.

Ce rétrécissement doit être suspecté en radiologie standard sur le cliché de


profil en regardant le diamètre sagittal du canal mais aussi de face si une sagitta-
lisation des articulaires est présente (figure 15.14).
En cas de suspicion sur les clichés standard, un examen en coupe se justifie afin
de quantifier d'abord ce rétrécissement en hauteur en mentionnant à quels
niveaux le canal redevient normal. Ensuite, il faut préciser, dans le plan axial,
l'importance de la sténose à hauteur des interlignes entrepris (ou du plateau
supérieur de la vertèbre en cas de spondylolysthésis arthrosique). Les mesures
sont rarement nécessaires et parfois trompeuses surtout si elles sont effectuées
à hauteur du corps vertébral ! On recherche en revanche une asymétrie entre la
surface du sac à hauteur de l'interligne et la surface à hauteur du corps vertébral.
Le débord discal, l'hypertrophie de l'articulaire postérieure et l'épaississement du
ligament jaune interviennent mais c'est surtout l'aspect de la graisse intracanalaire
qui doit retenir l'attention car, en cas de sténose sévère, elle entraîne une compres-
sion sur le versant postérieur qui présente alors une concavité postérieure typique
(figure 15.15). L'évaluation de l'importance du rétrécissement est la dernière
indication de la radiculographie mais l'IRM en station debout paraît capable
de la faire disparaître [11].
230 Rachis dégénératif

[(Figure_4)TD$IG]

FIGURE 15.14. Canal rétréci avec sagittalisation des surfaces articulaires postérieures.

[(Figure_5)TD$IG]

FIGURE 15.15. L'aspect de la graisse postérieure du canal est important à évaluer dans le
cadre d'un rétrécissement ; dans ce cas, elle n'entraîne aucune déformation sur le versant
postérieur du canal et le rétrécissement doit être considéré comme modéré.

Quelles techniques et dans quel ordre ?


Il faut d'abord rappeler les recommandations de l'HAS en cas de lombalgie et de
lomboradiculalgie. Dans le premier cas, seuls les clichés standard se justifient mais
après 7 semaines de traitement médical bien conduit, c'est rarement le cas en
pratique. Pour la lomboradiculalgie, le recours à l'imagerie en coupe ne s'effectue
qu'après les clichés standard et uniquement pour orienter le traitement (et en
particulier orienter une infiltration guidée).
Rachis lombaire dégénératif 231

On remarque que ces recommandations ne sont pas systématiquement suivies.


Un consensus se dégage pour débuter systématiquement, dans la lombalgie et
la lomboradiculalgie, par les clichés standard, seule technique à être effectuée en
station. Ces clichés montrent les déviations axiales et sagittales (spondylolysthésis
arthrosique) et l'importance de l'atteinte dégénérative intersomatique et/ou arti-
culaire postérieure. Ils suspectent un rétrécissement canalaire et une mobilisation
anormale (irrégularité des plateaux vertébraux et/ou ostéophytes de traction)
permettant de faire des dynamiques sagittales de confirmation. Si un problème
statique justifiant une correction est présent, le recours à l'étude statique tridi-
mensionnelle avec reconstruction (EOS) paraît indispensable à ce jour [12].
Après les clichés standard, le recours à l'examen en coupe devrait être très rare
en cas de lombalgie. En cas d'atteinte dégénérative, seuls le justifient : un bilan
avant infiltration (des articulaires postérieures dans cette indication), la confir-
mation d'une discopathie érosive (avant fixation chirurgicale) ou la recherche
d'une exceptionnelle atteinte discale postérieure focale.
Dans la lomboradiculalgie, le recours à l'imagerie en coupe est plus souvent
justifié, même s'il ne doit pas être systématique. La recherche du siège exact du
conflit est bien entendu le but de cet examen, essentiellement pour guider un geste
infiltratif et pour rechercher ou confirmer une sténose canalaire.
En pathologie dégénérative, faut-il faire plutôt une IRM ou une TDM ?
Comme on recherche surtout un conflit ostéo-discoradiculaire, la présence
d'ostéophytes est un argument pour utiliser l'imagerie calcium la plus efficace,
c'est-à-dire la TDM. Elle présente, de plus, l'avantage d'être deux à trois fois
moins onéreuse. Reste le problème de l'irradiation, mais il ne semble pas décisif
à l'âge de la dégénérescence, alors qu'il s'agit d'un élément capital chez le jeune
(qui ne présente par ailleurs pas d'ostéophyte) et chez qui on préférera l'IRM de
manière quasi systématique. Ce recours à l'imagerie en coupe doit en revanche
être systématique avant une infiltration guidée car les surprises ne sont pas rares
(figure 15.16) ! Il est indispensable en préopératoire où l'IRM est préférée avant
arthrodèse (signal du disque et des plateaux) et avant libération canalaire (effet

[(Figure_6)TD$IG]

FIGURE 15.16. Découverte fortuite d'un méningiome dans le cadre d'un examen TDM
systématique avant infiltration pour cruralgie.
232 Rachis dégénératif

myélographique en T2). Effectuer cette IRM en charge paraît constituer un


avantage dans l'évaluation de ces sténoses [11].

Conclusion
Oui, le recours à l'imagerie est utile en cas d'atteinte dégénérative du rachis
lombaire chez le sportif mais il n'est certainement pas systématique. Seules les
atteintes persistantes malgré le traitement doivent être explorées en débutant
systématiquement par les clichés standard.
L'étude en coupe est rare en cas de lombalgies, plus fréquente dans la lombo-
radiculalgie. Elle doit être utilisée pour décider de la thérapeutique, en particulier
avant infiltration guidée où cette imagerie doit être systématique. La TDM sera
préférée dans ces atteintes dégénératives sauf en préopératoire où l'IRM semble
incontournable.

Références
1 Morvan G, Wybier M, Mathieu P, Vuillemin V, Guerini H. Apport de l'imagerie aux indications
thérapeutiques en pathologie discale. In: Lecouvet F, Goupille P, Guigui P, et al. Le Rachis.
Montpellier: Sauramps Médical; 2008. p. 23-34.
2 Gilbert JJ, Grant AM, Gillan MGC, Vale LD, Campbell MK, Scott NW. Low back pain:
influence of early MR imaging or CT on treatment and outcome- Multicenter randomized trial.
Radiology 2004 ; 231 : 343-51.
3 Hicks GE, Morone N, Weiner DK. Degenerative lumbar disc and facet disease in older adults:
prevalence and clinical correlates. Spine 2009 ; 34 : 1301-6.
4 Manchikanti L, Manchikanti KN, Cash KA, Singh V, Giordano J. Age-related prevalence of
facet-joint involvement in chronic neck and low back pain. Pain Physician 2008 ; 11 : 67-75.
5 Kalichman L, Kim DH, Li L, Guermazi A, Hunter DJ. Computed tomography-evaluated features
of spinal degeneration: prevalence, intercorrelation, and association with self-reported low back
pain. Spine J 2010 ; 10 : 200-8.
6 Kalichman L, Guermazi A, Li L, Hunter DJ. Association between age, sex, BMI and CT-evalua-
ted spinal degeneration features. Back Musculoskelet Rehabil 2009 ; 22 : 189-95.
7 Rudy TE, Weiner DK, Lieber SJ, Slaboda J, Boston JR. The impact of chronic low back pain on
older adults: a comparative study of patients and controls. Pain 2007 ; 131 : 293-301.
8 Kjaer P, Korsholm L, Bendix T, Sorensen JS, Leboeuf YC. Modic changes and their associations
with clinical findings. Eur Spine J 2006 ; 15 : 1312-9.
9 Bard H. Radiculalgies et pseudoradiculalgies lombaires. In: Lecouvet F, Goupille P, Guigui P, et
al. Le Rachis. Montpellier: Sauramps Médical; 2008. p. 45-54.
10 Kent DL, Haynor DR, Larson EB, Deyo RA. Diagnosis of lumbar spinal stenosis in adults: a meta
analysis of the accuracy of CT, MR and myelography. AJR Am J Roentgenol 1992 ; 158 :
1135-44.
11 Zamani AA, Moriarty T, Hsu L, et al. Functional MRI of the lumbar spine in erect position in a
superconducting open-configuration MR system: preliminary results. J Magn Reson Imaging
1998 ; 8 : 1329-33.
12 Feydy A, Ferey S, Merzoug H, et al. Imagerie de la scoliose. Place du système EOS. In: Lecouvet F,
Goupille P, Guigui P, et al. Le Rachis. Montpellier: Sauramps Médical; 2008. p. 425-42.
233

16
Lombalgies communes
Mise au point sur le traitement médical
et rééducatif

J. de Lecluse
Hôpitaux Nationaux de Saint-Maurice, 14, rue du Val-d'Osne, 94410 Saint-Maurice

Introduction
Les lombalgies non spécifiques sont extrêmement fréquentes dans la population
générale. D'une simple gêne lombaire sporadique lors d'un mouvement forcé à la
lombalgie chronique évoluant depuis plus de 6 mois, l'éventail clinique est infini,
avec un retentissement sur la fonction et le vécu très vaste et variable d'un patient
à un autre. Les incidences de la lombalgie vont également être particulières selon le
contexte socio-professionnel. Les exigences physiques sont élevées chez le travail-
leur manuel et le sportif, mais, chez ce dernier, la moindre lombalgie peut per-
turber ses capacités fonctionnelles et ainsi nuire à ses performances ; il aura donc
une demande supplémentaire de « guérir au plus vite ».
S'il y avait une thérapeutique efficace de la lombalgie, il serait inutile de faire
une mise au point... La difficulté vient du fait qu'il s'agit d'une pathologie
incluant une multitude de formes cliniques dans une population protéiforme
incluant des facteurs personnels difficilement « généralisables », le tout dans un
contexte de dégénérescence physiologique. C'est pourquoi il n'existe pas une
stratégie unique de la lombalgie mais toute une panoplie de moyens à adapter
au cas par cas.
Le nombre de publications concernant le traitement des lombalgies est en
hausse exponentielle, majorant d'une certaine façon les incertitudes sur la
stratégie thérapeutique à adopter. Cependant, la notion d'« evidence based
medicine » permet, via les revues de la littérature et les méta-analyses, de
sélectionner les travaux offrant une méthodologie et un niveau de preuve
suffisants.

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
234 Rachis dégénératif

Nous allons passer en revue les moyens thérapeutiques d'une lombalgie non
spécifique, soit aiguë (mois de 6 semaines d'évolution), soit chronique, en
excluant les thérapeutiques comportementales, cognitives et éducationnelles, de
type écoles du dos, qui seront traitées dans d'autres chapitres.

Médication par voie générale


Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Dans les lombalgies aiguës
Plusieurs études ont démontré de façon significative un retour plus rapide
à l'indolence grâce à la prise d'un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS)
[1, 2]. Il a également été constaté une amélioration globale et un moindre recours
à d'autres analgésiques [3]. Aucun AINS ne semble supérieur à un autre, ni même
à l'aspirine, et il n'y a pas de raison de proposer une autre voie d'administration
que la voie per os [3, 4].

Dans les lombalgies chroniques


Si les AINS sont plus efficaces que le placebo [3], il n'y a pas de données suffi-
samment pertinentes pour conclure à leur intérêt par rapport aux antalgiques
[3, 4]. La préférence va à la prise d'AINS présentant le moins d'effets secondaires,
notamment les anti-Cox2 sélectifs [3, 4]. Dans des études évaluant la prise de
rofecoxib [5] ou d'etoricoxib [6] versus placebo, les patients des groupes anti-
Cox2 se sont améliorés significativement sur l'ensemble des critères (douleur,
fonction, qualité de vie, appréciation globale) après une semaine de traitement,
atteignant le maximum de récupération à la quatrième semaine.
Ainsi, l'efficacité des AINS en cas de lombalgie aiguë ou chronique est
supérieure au placebo sur la sédation de la douleur et l'amélioration globale.
Cependant, les progrès sont faibles et évalués essentiellement à court terme (2
à 14 jours en cas de douleur aiguë ; 4 à 12 semaines en cas de douleur chronique).
Les études comparant AINS et manipulations vertébrales, physiothérapie et repos
au lit sont de piètre qualité, ce qui ne permet pas d'en tirer des conclusions valides.

Corticoïdes
Il n'y a pas d'études ayant démontré l'efficacité des corticoïdes oraux ou intra-
musculaires dans la lombalgie commune.

Antalgiques
Antalgiques de niveau I
Avec une efficacité qui semble admise par l'usage, ils sont recommandés dans les
lombalgies aiguës ou chroniques [7].
Cependant, une revue systématique publiée en 2008 [8] sur l'efficacité du
paracétamol n'a pas retrouvé d'essai versus placebo dans la lombalgie aiguë.
Lombalgies communes 235

De plus, les études avaient des groupes de petite taille et leur méthodologie était de
faible qualité. Les auteurs ont donc conclu à un niveau de preuve insuffisant pour
admettre l'efficacité du paracétamol dans les lombalgies.
Les résultats des études comparant paracétamol et AINS sont discordants
[4, 7].

Antalgiques de niveau II
Utilisés en seconde intention, ils ont fait l'objet de quelques études.
La prise de tramadol, comparée à un placebo, fournit de meilleurs résultats sur
le plan des douleurs et de la fonction et provoque moins d'abandon du traitement
pour inefficacité [9].
Des résultats similaires ont été obtenus avec l'association tramadol-
paracétamol versus placebo dans la lombalgie chronique avec un bon profil de
tolérance [10].

Antalgiques de niveau III


Ils sont rarement nécessaires dans les lombalgies sans radiculalgie. S'ils sont
efficaces sur la douleur, ils sont sans effet significatif sur la fonction et l'état
psychologique [11].
Dans une méta-analyse d'essais comparant un analgésique à un placebo [12], la
moitié des 34 traitements étudiés ont une efficacité statistiquement démontrée
mais l'importance de cet effet est faible ou modérée ; sur une échelle de 0-100 :
47 % ont un effet inférieur à 10 points ; 38 % entre10 et 20 points et 15 %
supérieur à 20 points, confirmant la nécessité de rester prudent et critique vis-à-vis
des résultats obtenus dans les études sur le bénéfice des analgésiques.

Décontracturants et myorelaxants
Cette classe de médicaments (benzodiazépine ou non) a démontré une efficacité
supérieure au placebo dans la lombalgie aiguë [13-17]. Ils réduisent significati-
vement les douleurs, les contractures musculaires et la raideur à court terme.
Dans la lombalgie chronique, leur utilité n'est pas déterminée de façon certaine.
Il ne semble pas exister de différence d'efficacité entre les produits disponibles.
Il n'y a pas d'étude comparative avec des antalgiques ou des AINS, mais un effet
additionnel lors d'une coprescription d'AINS est probable [17].
Les effets secondaires ne sont pas négligeables et relativement fréquents,
plus particulièrement avec les benzodiazépines (somnolence, céphalées, verti-
ges, dépendance), incitant à limiter leur prescription à un traitement de courte
durée.

Antidépresseurs
Leur efficacité dans les lombalgies chroniques a été démontrée dans des essais
thérapeutiques randomisés versus placebo [18, 19]. À l'effet antidépresseur
236 Rachis dégénératif

propre, parfois souhaitable dans certaines lombalgies chroniques, s'ajoute un effet


antalgique central réel, particulièrement pour les molécules sérotoninergiques-
noradrénergiques [20]. Des effets secondaires s'observent dans près de 22 % des
cas, pouvant nécessiter l'arrêt du traitement.
Il faut noter que l'effet antalgique obtenu par les antidépresseurs semble meil-
leur chez les patients ne présentant pas de syndrome dépressif authentique [21].

Autres médications
Des études contrôlées ont démontré l'inefficacité de la colchicine [22] et la
supériorité de la vitamine B12 par rapport au placebo sur les phénomènes dou-
loureux [23]. La phytothérapie a également été testée : les extraits de saule sem-
blent plus efficaces que le placebo et d'une efficacité comparable à celle du
rofecoxib [24].

Médication par voie locale


Infiltrations de corticostéroïdes
Les résultats des travaux portant sur l'efficacité thérapeutique de l'injection de
corticoïdes dans les articulations interapophysaires postérieures sont contradic-
toires [25, 26].
L'efficacité des injections épidurales a été essentiellement étudiée dans les
lomboradiculalgies. Cependant, ce traitement pourrait également être proposé
dans les rares lombalgies supposées d'origine discale, notamment à la phase aiguë
ou subaiguë de la symptomatologie.
Les injections intradiscales n'ont jamais démontré une efficacité incontestable
dans les lombalgies chroniques. Elles pourraient peut-être avoir leur place
précocement dans les discopathies avec signal inflammatoire des plateaux
vertébraux (MODIC).

Mésothérapie
Il n'a pas été retrouvé d'étude de niveau de preuve suffisant comparant le traite-
ment des lombalgies par mésothérapie versus placebo ou autres thérapeutiques.
Une étude récente randomisée chez des patients présentant une lombalgie aiguë
a comparé deux protocoles de traitement : l'un associant du kétoprofen 160
(1 mL), du méthylprednisone 40 mg (1 mL) et de la lidocaïne 2 % (1 mL)
administré par voie mésothérapique 5 fois sur une période de 14 jours, et l'autre
associant du kétoprofen 160 mg/j et de la méthylprednisone 40 mg/j pendant
4 jours, puis 20 mg un jour sur deux jusqu'au 14e jour, administré par voie
intramusculaire les 4 premiers jours et ensuite par voie per os. Dans les deux
groupes, les douleurs et l'incapacité fonctionnelle ont diminué à la fin du traite-
ment et à 6 mois sans qu'il n'y ait de différence significative entre les deux groupes
[27].
Lombalgies communes 237

Acupuncture
Les études sur les effets de l'acupuncture dans la lombalgie aiguë sont insuffisantes
et non concluantes.
Une méta-analyse de 33 essais randomisés [28] conclut que l'acupuncture
semble avoir un effet symptomatique significatif à court terme sur la lombalgie
chronique, comparativement au placebo ou à l'absence de traitement. Mais ces
résultats ne préjugent pas de son efficacité à long terme ni ne démontrent la
supériorité de cette thérapeutique sur les autres.

Traitements physiques
Repos
Il est maintenant bien admis que le repos strict au lit n'a aucun effet thérapeutique
dans la lombalgie aiguë. Le maintien d'un maximum d'activités tolérables semble
même accélérer la récupération, réduire les durées d'arrêt de travail et le passage
à la chronicité [7, 29-31].

Orthèses et contentions lombaires


L'efficacité du port d'une orthèse lombaire dans la lombalgie a été relativement
peu étudiée. Les quelques travaux publiés ne permettent pas de conclure en raison
d'une méthodologie discutable, un niveau de preuve faible comportant de nom-
breux biais [32].

Tractions vertébrales
Dans l'indication classique qui est la lombalgie d'origine discale, leur effet sédatif
est discuté. Les différentes analyses d'études randomisées ne permettent pas
d'affirmer l'efficacité clinique des tractions lombaires avec un niveau élevé de
preuve [7, 33, 34].

Manipulations vertébrales
La place des manipulations rachidiennes dans les lombalgies reste controversée.
Pour Assendeft [35], leur efficacité n'est pas démontrée, quel que soit le type de
manipulation pratiqué, et aucune parmi les différentes techniques manuelles n'a
fait la preuve de sa supériorité. Cependant. . .
Dans les lombalgies aiguës, des études semblent démontrer leur l'efficacité sur
les douleurs à court terme [7, 36-39] et l'incapacité fonctionnelle à moyen terme
[40].
Dans une revue récente, les méthodes chiropractiques comparées à aucun
traitement ou une combinaison d'autres traitements, apportent une diminution
significative des phénomènes douloureux à court et moyen terme, et de
l'incapacité fonctionnelle uniquement à court terme [41].
238 Rachis dégénératif

Dans un essai randomisé contrôlé réalisé chez 240 patients présentant une
lombalgie récente comparant la prise de diclofénac (100 mg/jour) et/ou des mani-
pulations vertébrales en complément d'un traitement commun comprenant la prise
de 4 g de paracétamol par jour et l'application d'une hygiène lombaire, aucun des
deux traitements testés n'a réduit le temps de guérison de la lombalgie [42].
Dans les lombalgies chroniques, deux études anciennes montrent une différence
significative au profit des groupes traités par manipulations vertébrales par
comparaison aux groupes non traités, sur la disparition des symptômes douloureux
[43, 44]. Il en est de même de l'effet bénéfique significatif des manipulations par
rapport à la pratique d'exercices physiques réguliers [45].
Le traitement par des méthodes chiropractiques semble peu efficace sur les
lombalgies chroniques [41].

Masso-kinésithérapie
De nombreuses publications ont évalué l'efficacité d'une technique mais peu
d'études répondent à des critères d'évaluation clinique fiables avec, pour certaines,
aucune distinction faite entre les lombalgies aiguës, sub-aiguës et chroniques.
Dans les lombalgies aiguës, hormis les massages et autre thérapies sédatives, la
rééducation proprement dite n'est à effectuer qu'après la résolution de la crise
dans le but de prévenir les récidives et corriger les éventuels facteurs prédisposants
(insuffisance musculaire, raideur tendino-musculaire...). Ceci est confirmé
par une méta-analyse comparant la rééducation à l'absence de traitement ou
à d'autres traitements dans les lombalgies aiguës : il n'a pas été mis en évidence
de différence entre les groupes étudiés [46].
Dans les lombalgies chroniques, certaines études s'intéressant aux résultats des
programmes d'exercices intensifs concluent plutôt à leur efficacité [47-53]. L'effet
bénéfique de la pratique d'exercices physiques concerne principalement la dimi-
nution des douleurs et, à un moindre degré, l'incapacité [46, 54]. Ces effets sont
significatifs à court et moyen terme [52] mais ne le sont plus à long terme [54, 56].
Les études sur les effets bénéfiques selon les types et modes d'exercices sont
parfois contradictoires. La revue systématique effectuée par van Tulder [57] et les
travaux de Hurwitz [58] indiquent que, si l'exercice est efficace, il ne semble pas
exister de différence entre les méthodes utilisées.
Les massages sont insuffisants [59]. Pour certains, les exercices en extension
sont à privilégier [60] ; pour d'autres, il n'y a pas de différence entre ceux effectués
en flexion ou en extension [61]. Un effet bénéfique d'un programme d'étirement
des groupes musculaires douloureux a été rapporté dans deux études [62, 63].
En pratique, les exercices doivent être adaptés et spécifiques à chaque patient
en fonction de ses carences et de l'étiologie de la lombalgie [64, 65].

Physiothérapie
Aucun procédé de physiothérapie n'a démontré son efficacité dans les lombalgies.
Trois méthodes ont été particulièrement étudiées :
Lombalgies communes 239

 stimulations électriques transcutanées (TENS) :


certaines études ne montrent aucune amélioration sur les phénomènes doulou-
reux et l'incapacité fonctionnelle [66, 67] alors que d'autres concluent à une
certaine efficacité à court terme dans les lombalgies chroniques [68-70]. De leur
méta-analyse, Brosseau et al. [71] ne parviennent pas à conclure quant à l'effet
thérapeutique des stimulations électriques dans les lombalgies chroniques ;
 thérapie au laser :
les auteurs d'une revue de la littérature faite en 2008 [72] concluent que
l'hétérogénéité des populations et des méthodes de traitements étudiées ne permet
pas de conclure sur les effets à court et moyen terme du laser par rapport aux
autres traitements dans les lombalgies ;
 ondes de choc et ultrasons :
une revue récente de la littérature sur ces thérapeutiques souligne avant
tout l'absence d'études de haute qualité méthodologique. Aussi, l'indication des
ondes de choc et des ultrasons n'est, pour l'instant, pas justifiée dans les lombal-
gies [73].

Conclusion
Au terme de cette synthèse bibliographique sur le traitement des lombalgies non
spécifiques, des tendances se dégagent mais pas de certitudes. On peut recom-
mander mais on ne peut affirmer [7, 74, 75].
La difficulté de conclure vient de l'hétérogénéité des études concernant une
pathologie protéiforme liée à des étiologies variées, intriquées où se mêlent du
somatique et du fonctionnel.
Si certaines causes sont reconnues et quantifiables telles l'insuffisance ou la
dégénérescence discale, l'insuffisance ou déséquilibre musculaire, de nombreuses
lombalgies non spécifiques n'ont pas de substrat reconnu. De plus, pour une
même cause, chaque patient répondra différemment selon une multitude de fac-
teurs personnels identifiables ou non. La lombalgie chez le sportif en est un
exemple parfait : une interruption-modification obligée de son programme spor-
tif va provoquer des répercussions physiques mais aussi sociales et psychologi-
ques qui compliquent sa prise en charge. À ce jour, il n'existe pas d'étude
concernant spécifiquement le traitement des lombalgies du sportif.
Tout ceci explique en grande partie l'absence d'une thérapeutique univoque et
efficace des lombalgies non spécifiques.

Références
1 Wiesel SW, Cuckler JM, Deluca F, et al. Acute low back pain: an objective analysis of conserva-
tive therapy. Spine 1980 ; 5 : 324-30.
2 Deyo RA. Conservative therapy for low back pain: distinguishing useful from useless therapy.
JAMA 1983 ; 250 : 1057-62.
3 Roelofs PD, Deyo RA, Koes BW, et al. Non-steroidal anti-inflammatory drugs for low back pain.
Cochrane Database Syst Rev 2008 ; 7 : 72-3.
240 Rachis dégénératif

4 Van Tulder MW, Scholten RJ, Koes BW, Deyo RA. Nonsteroidal anti-inflammatory drugs for
low back pain: a systematic review within the framework of the Cochrane Collaboration Back
Review Group. Spine 2000 ; 25 : 2501-13.
5 Katz N, Ju WD, Krupa DA, et al. Efficacy and safety of rofecoxib in patients with chronic low
back pain. Spine 2003 ; 28 : 851-9.
6 Birbara CA, Puopolo AD, Munoz DR, et al. Treatment of chronic low back pain with etoricoxib,
a new cyclo-oxygenase-2 selective inhibitor: improvement in pain and disability-a randomized
placebo-controlled, 3-month trial. J Pain 2003 ; 4 : 307-15.
7 Recommandation de Pratique Clinique : Prise en charge diagnostique et thérapeutique des
lombalgies et lombosciatiques communes de moins de trois mois d'évolution. ANAES ; février
2000.
8 Davies RA, Maher CG, Hancock MJ. A systematic review of paracetamol for non-specific low
back pain. Eur Spine J 2008 ; 17 : 1423-30.
9 Schnitzer TJ, Gray WL, Paster Z, Kamin M. Efficacy of tramadol in treatment of chronic low
back pain. J Rheumatol 2000 ; 27 : 772-8.
10 Ruoff GE, Rosenthal N, Jordan D, et al. Tramadol/Acetaminophen combinations tablets for the
treatment of chronic lower back pain: a multicenter, randomized, double-blind, placebo-control-
led outpatient study. Clin Ther 2003 ; 25 : 1123-41.
11 Jamison RN, Raymond SA, Slawby EA, et al. Opioid therapy for chronic noncancer back pain.
Spine 1998 ; 23 : 2591-600.
12 Marchado LAC, Kamper ST, Herbert RD, et al. Analgesic effects of treatments for non-specific
low back pain : a meta-analysis of placebo CRTs. Rheumatology 2009 ; 48 : 520-7.
13 Basmajian JV. Acute back pain and spasm. A controlled multicenter trial of combined analgesic
and antispasm agents. Spine 1989 ; 14 : 438-9.
14 Marcel C, Rezvani Y, Revel M. Evaluation du Thiocolchicoside en monothérapie dans le lumbago
douloureux. Résultats d'une étude randomisée contre placebo. Presse Med 1990 ; 19 : 1133-6.
15 van Tulder MW, Touray T, Furlan AD, et al. Muscles relaxants for non-specific low back pain: a
systematic review within the framework of the Cochrane collaboration. Spine 2003 ; 28 :
1978-92.
16 Tüzün F, Unalan H, Oner N, Özgüler H, Kirazli Y, Içagasioglu A, et al. Multicenter randomized,
double blind placebo-controlled trial of thiocolchicoside in acute low back pain. Joint Bone Spine
2003 ; 70 : 356-61.
17 Kinkade S. Evaluation and treatment of acute low back pain. Am Fam Physician 2007 ; 75 :
1181-90.
18 Wardd NG. Tricyclic antidepressants for chronic low back pain: mechanisms of action and
predictors of reponse. Spine 1986 ; 11 : 661-5.
19 Salermo SM, Browning R, Jackson JL. The effect of antidepressant treatment on chronic back
pain: a meta-analysis. Arch Intern Med 2002 ; 162 : 19-24.
20 Fishbain D. Evidence-based data on pain relief with antidepressants. Ann Med 2000 ; 32 :
305-16.
21 Fouquet B, Goupille P, Jeannou J, et al. Etude psychométrique de l'influence des facteurs psy-
chologiques sur la réponse à la clomipramine dans les lombalgies chroniques en milieu hospita-
lier. Joint Bone Spine 1997 ; 64 : 804-8.
22 Schnebel BE, Simmons JW. The use of oral colchicine for low back pain. A double blind study.
Spine 1988 ; 13 : 354-7.
23 Mauro GL, Martorana U, Cataldo P, et al. Vitamin B12 in low back pain - a randomised, double-
blind, placebo-controlled study. Eur Rev Med Pharmacol Sci 2000 ; 4 : 53-8.
24 Chrubasik S, Kunzel O, Model A, et al. Treatment of low back pain with a herbal or synthetic
anti-rheumatic: a randomized controlled study. Willow bark extract for low back pain.
Rheumatology 2001 ; 40 : 1388-93.
25 Lynch MC, Taylar JF. Facet joint injection for low back pain. J Bone Joint Surg 1986 ; 68B :
138-41.
26 Carette S, Marcoux S, Truchon R, et al. A controlled trail of corticosteroid injections into facet
joints for chronic low back pain. New Engl J Med 1991 ; 325 : 1002-7.
27 Costantino C, Marangio E, Coruzzi G. Mesotherapy versus systemic therapy in the treatment of
acute low back pain: a randomized trial. Evid Based Complement Altern Med 2011 ; 3 : 171-83.
Lombalgies communes 241

28 Manheimer E, White A, Berman B, et al. Meta-analysis: acupuncture for low back pain. Ann Int
Med 2005 ; 142 : 651-63.
29 Deyo RA, Diehl AK, Rosenthal M. How many days of bed rest for acute low back pain? A
randomized clinical trial. N Engl J Med 1986 ; 315 : 1064-70.
30 Hagen KB, Hilde G, Jamtvedt G, Winnem MF. The cochrane review of advice to stay active as a
single treatment for low back pain and sciatica. Spine 2002 ; 27 : 1736-41.
31 Rozenberg S, Delval C, Rezvani T, et al. Bed rest or norml activity for patients with acute low
back pain : a randomized controlled trial. Spine 2002 ; 27 : 1487-93.
32 Jellema P, van Tulder MW, Van Poppel MN, et al. Lumbar supports for prevention and treat-
ment of low back pain: a systematic rewiev within within the framework of the Cochrane Back
review Group. Spine 2001 ; 26 : 377-86.
33 van Tulder MV, Koes BW, Bouter LM. Conservative treatment of acute and chronic nonspecific
low back pain. A systematic review of randomized controlled trials of the most common inter-
ventions. Spine 1997 ; 22 : 2128-56.
34 Clarke J, van Tulder M, Blomberg S, et al. Traction for low back pain with or without sciatica: an
updated systematic review within the framwork of the Cochrane collaboration. Spine 2006 ; 31 :
1591-9.
35 Assendelft WJ, Morton SC, Yu EL, et al. Spinal manipulative therapy for low back pain. A meta-
analysis of effectiveness relative to other therapies. Ann Inter Med 2003 ; 138 : 871-81.
36 Ottenbacher K, Difabio RP. Efficacity of spinal manipulation/mobilization therapy: a meta-
analysis. Spine 1985 ; 10 : 833-7.
37 Hadler NM, Curtis P, Gillngs DB, Stinne TS. A benefit of spinal manipulation as adjonctive
therapy for acute low back pain: a stratified controlled trial. Spine 1987 ; 12 : 703-6.
38 Smith D, McMurray N, Disler P. Early intervention for acute back injury: can we finally develop
an evidence-based approach? Clin Rehabil 2002 ; 16 : 1-11.
39 Hemmila HM, Keinanen-Kiukaanniemi SM, Levoska S, Puska P. Long-term effectiveness of
bone-setting, light exercise therapy, and physiotherapy for prolonged back pain : a randomized
controlled trial. J Manipulative Physiol Ther 2002 ; 25 : 99-104.
40 Gudavalli MR, Cambron JA, McGregor M, et al. A randomized clinical trial and subgroup
analysis to compare flexion-distraction with active exercice for chronic law back pain. Eur Spine
J 2006 ; 15 : 1070-82.
41 Walker BF, French SD, Grant W, Green S. A Cochrane review of combined chiropractic inter-
ventions for low-back pain. Spine 2011 ; 36 : 230-42.
42 Hancock MJ, Maher CG, Latimer J, et al. Assessement of diclofenac or spinal manipulative
therapy, or both, in addition to recommanded first-line treatment for acute low back pain: a
randomised controlled trial. Lancet 2007 ; 370 : 1638-43.
43 Jackel WH, Cziske R, Gerdes N, Jacobi E. Überprüfung der wirksamkeit stationärer rehabilita-
tion mabnahmen bei patienten mit chronischen kreuzschmerzen: eine prospektive, randomi-
sierte, krontrollierte studie. Rehabilitation 1990 ; 29 : 129-33.
44 Bendix AF, Bendix T, Vaegter K, et al. Multidisciolinary intensive treatment for chronic low back
pain: a randomized, prospective study. Clev Clin J Med 1996 ; 63 : 62-9.
45 Ferreira ML, Ferreira PH, Latimer J, et al. Comparison of general exercice, motor control
exercice and spinal manipulative therapy for chronic law back pain: a randomised trial. Pain
2007 ; 131 : 31-7.
46 Hayden JA, van Tulder MW, Malmivaara A, Koes BW. Meta-analysis. exercice therapy for non
specific low back pain. Ann Int Med 2005 ; 142 : 765-75.
47 Kendall PH, Jenkins JM. Exercice for backache: a double blind controlled trial. Physiotherapy
1968 ; 54 : 154-7.
48 Wiesel SW, Feffer HL, Rothman RH. Industrial low back pain: a prospective evaluation of a
standardized diagnostic and treatment protocol. Spine 1984 ; 9 : 199-203.
49 Manniche C, Hesselive G, Beutzen L, et al. Clinical trial of intensive muscle training for chronic
low back pain. Lancet 1988 ; 2 : 1473-6.
50 Kohles S, Barnes D, Gatchel R, Mayer T. Improved physical performance oucomes after func-
tional restoration treatment in patients with chronic low back pain. Early versus recent training
results. Spine 1990 ; 15 : 1321-4.
242 Rachis dégénératif

51 Koldas DS, Sonel TB, Kurtais Y, Atay MB. Comparison of three different approaches in the
treatment of chronic low back pain. Clin Rheumatol 2008 ; 27 : 873-81.
52 Tekur P, Singphow C, Nagendra HR, Raghuram N. Effect of short-term intensive yoga program
of pain, functional disabilty, and spinal flexibility in chronic low back pain: a randomised control
study. J. Althern Complement Med 2008 ; 14 : 637-44.
53 Frost H, Klaber Moffet JA, Moser JS, Fairbank JC. Randomised controlled trial for evaluation of
fitness programme for patients with chronic low back pain. BMJ 1995 ; 310 : 151-4.
54 van Middelkoop M, Rubinstein SM, Kuijpers T, et al. A systematic review on the effectiveness of
physical and rehabilitation interventions for chronic non-specific low back pain. Eur Spine J
2011 ; 20 : 19-39.
55 Hildebrandt VH, Proper KL, van Den Berg R, et al. Cesar therapy is temporily more effective in
patients with chronic low back pain than the standard treatment by family practioner: rando-
mized, controlled and blinded clinical trial with 1 year follow-up. Ned Tijdschr Geneeskd 2000 ;
144 : 2258-9.
56 Smeets RJ, Vlaeyen JW, Hidding A, et al. Chronic low back pain: physical training, graded
activity with problem solving training, or both? The one-year post-treatment results of a rando-
mized controlled trial. Pain 2008 ; 134 : 263-76.
57 Van-Tulder M, Malmivaara A, Esmail R, Koes B. Exercise therapy for low back pain: a syste-
matic review within the framework of the cochrane collaboration back review group. Spine 2000 ;
25 : 2784-96.
58 Hurwitz EL, Morgenstern H, Harber P, et al. The effectiveness of physical modalities among
patients with low back pain randomised to chiropractic care: findings from the UCLA low back
pain study. J Manipulative Physiol Ther 2002 ; 25 : 10-20.
59 Furlan AD, Brosseau L, Imamura M, Irvin E. Massage for low-back pain : a systematic review
within the framework of the Cochrane Collaboration Back Review Group. Spine 2002 ; 27 :
1896-910.
60 Harts CC, Helmout PH, de Bie RA, Staal JB. A high-intensity lumbar extensor strenghthening
program is little better than a low-intensity program or a waiting list control group for chronic
low back pain: a randomised clinical trial. Aust J Physiother 2008 ; 54 : 23-31.
61 Elnaggar IM, Nordin M, Sheikhzadeh A, Parnianpour M, Kahanovitz N. Effects of spinal flexion
and extension exercices on low back pain and spinal mobility in chronic mechanical low back
pain patients. Spine 1991 ; 16 : 967-72.
62 Khalil TM, Asfour SS, Martinez LM, et al. Stretching in the rehabilitation of low back pain
patients. Spine 1992 ; 17 : 311-7.
63 Bendix AF, Bendix F, Haestrup C. Can it be predicted which patients with chronic low back pain
should be offered tertiary rehabilitation in a functional restoration program? A search for
demographic, socioeconomic, and phisical predictors. Spine 1998 ; 23 : 1984-95.
64 Hides JA, Jull GA, Richardson CA. Long-term effects of specific stabilizing exercises for first-
episode low back pain. Spine 2001 ; 26 : E243-8.
65 Hutten MM, Hermens HJ, Zilvold G. Differences in treatment outcome between subgroups of
patients with chronic low back pain using lumbar dynamometry and psychological aspects. Clin-
Rehabil 2001 ; 15 : 479-88.
66 Deyo RA, Walsh NE, Martin DC, et al. A controlled trial of transcutaneous electrical nerve
stimulation (TENS) and exercice for chronic low back pain. N Engl J Med 1990 ; 322 :
1627-34.
67 Ghoname EA, Craig WF, White PF, et al. Percutaneous electrical nerve stimulation for low back
pain: a randomised crossover study. JAMA 1999 ; 281 : 818-23.
68 Gadsby JG, Flowerdew MW. Transcutaneous electrical nerve stimulation and acupuncture-like
transcutaneous electrical nerve stimulation for chronic low back pain. Cochrane Database Syst
Rev 2000 ; 2 : CD000210.
69 Jarzem PF, Harvey EJ, Arcaro N, Kaczorowski J. Transcutaneous electrical nerve stimulation
(TENS) for chronic low back pain. J Musculoskelet Pain 2005 ; 13 : 3-9.
70 Jarzem PF, Harvey EJ, Arcaro N, Kaczorowski J. Transcutaneous electrical nerve stimulation
(TENS) for short-term treatment of low back pain-randomized double blind crossover study of
sham versus conventionnal Tens. J Musculoskelet Pain 2005 ; 13 : 11-7.
Lombalgies communes 243

71 Brosseau L, Milne S, Robinson V, et al. Efficacy of the transcutaneous electrical nerve stimulation
for the treatment of chronic low back pain: a meta-analysis. Spine 2002 ; 27 : 596-603.
72 Yousefi-Nooraie R, Schonstein E, Heidari K, et al. Low level laser therapy for non specific low-
back pain. Cochrane Database syst rev 2008 ; 2 : CD005107.
73 Seco J, Kovacs FM, Urrutia G. The efficacy, safety, effectiveness, and cost-effectiveness of
ultrasound and shock wave therapies for low back pain: a systematic review. Spine J 2011
(in press).
74 van Tulder M, Becker A, Bekkering T, et al. European guidelines for the management of acute
nonspecific low back pain in primary care. Eur Spine J 2006 ; 15 (Suppl 2) : S169-91.
75 Airaksinen O, Brox JI, Cedraschi C, et al. European guidelines for the management of chronic
nonspecific low back pain. Eur Spine J 2006 ; 15 (Suppl 2) : S192-300.

ANNEXE 1. Recommandations européennes. Traitement de la lombalgie aiguë non


spécifique.
- Donner une information adéquate et rassurer le patient.
- Ne pas prescrire le repos.
- Encourager les patients :
à rester actif,
à poursuivre les activités normales de la vie quotidienne incluant le travail si possible.
- Prescrire des médicaments si nécessaire pour soulager la douleur, de préférence à intervalles
fixes ; choisir d'abord le paracétamol puis les anti-inflammatoires non stéroïdiens.
En cas d'échec du paracétamol ou des AINS, prescrire des myorelaxants en courte cure seuls ou
associés aux AINS.
- Envisager des manipulations vertébrales en cas d'incapacité à la reprise des activités
quotidiennes.
- La prise en charge par un traitement multidisciplinaire peut être une option pour les travailleurs
ayant une lombalgie subaiguë (6-12 semaines d'évolution) et un arrêt de travail de plus de 4-8
semaines.
Eur Spine J 2006 ; 15 (Suppl 2) : S169-91

ANNEXE 2. Recommandations européennes. Traitement de la lombalgie chronique non


spécifique.
Sont recommandés :
- Les thérapies comportementales et cognitives
- L'éducation et l'apprentissage d'exercices
- Une prise en charge multidisciplinaire (psycho-sociale)
Peuvent être proposés :
- Des AINS, voire des opioïdes pour de courtes cures
- Des antidépresseurs (noradrénergique ou noradrénergique-sérotoninergique)
- Des myorelaxants
- Des sessions courtes d'école du dos
- Quelques séances de manipulations – mobilisations vertébrales
Ne sont pas recommandés :
- La prise de gabapentin
- Les TENS, le port de corset, les tractions vertébrales, les ondes courtes, les massages, le laser, les
ultrasons, les courants interférentiels, la thermothérapie, l'acupuncture, les épidurales, les infil-
trations des articulaires postérieures, les injections intradiscales...
Eur Spine J 2006 ; 15 (Suppl 2) : S192-300
244 Rachis dégénératif

ANNEXE 3. Recommandations de l'ANAES. Traitement médicamenteux de la lombalgie


chronique, 2000
- Le paracétamol peut être proposé, bien qu'il n'existe pas d'étude attestant de son efficacité
antalgique dans cette indication (posologie de 4 grammes/jour en 4 prises).
- L'effet antalgique des AINS proposés à titre antalgique n'a pas été évalué.
- Les AINS à doses anti-inflammatoire peuvent être prescrits à visée antalgique chez un patient
ayant une lombalgie chronique. Le traitement doit être de courte durée.
- Les antalgiques de niveau II réduisent la douleur du lombalgique. Ils peuvent être proposés après
échec des antalgiques de niveau I.
- L'utilisation des antalgiques de niveau III peut être envisagée au cas par cas et en respectant les
contre-indications. Ce type de traitement s'adresse aux patients pour lesquels les autres modalités
thérapeutiques ont échouées, après élimination d'un contexte dépressif. La durée doit être limitée
et l'arrêt progressif.
- Parmi les myorelaxants, seul l'effet antalgique du tétrazepam a fait l'objet d'une étude dans la
lombalgie chronique. Ces médicaments peuvent être prescrits préférentiellement chez un patient
ayant une recrudescence douloureuse, sans dépasser 2 semaines de traitement.
- Les antidépresseurs tricycliques ont un effet antalgique modeste et les inhibiteurs de recapture de
la sérotonine apparaissent sans effet.
245

17
Restauration fonctionnelle
pour lombalgie
J. Beaudreuil
Service de rhumatologie, Pôle locomoteur, hôpital Lariboisière, AP-HP ; Université Paris 7, Paris

Introduction
La problématique – ou ensemble de questions posées – liée à la lombalgie est
constante depuis une vingtaine d'années. Elle repose sur deux observations
vérifiables à l'envi : la lombalgie commune est une affection fréquente chez
l'adulte dans nos contrées ; les patients évoluant vers la chronicité cristallisent
l'impact individuel et collectif de la maladie. La prévention primaire de la lom-
balgie est en échec non moins constant [1]. Une explication définitive de cet état de
fait situe les mesures de prévention primaire potentiellement utiles dans les
champs social, culturel, et professionnel, pour bonne partie hors de portée de la
décision médicale. La stratégie thérapeutique de la lombalgie est par conséquent
tournée, en aval de cette démarche idéale, vers l'aide à la résolution des épisodes
douloureux, la prévention des récurrences et l'approche palliative des formes
persistantes. La restauration fonctionnelle est une approche palliative des formes
persistantes de lombalgie commune lourdement invalidantes.

Principes de la restauration fonctionnelle


Syndrome de déconditionnement
Deux étapes majeures ont contribué à l'avènement de la restauration fonction-
nelle en tant que proposition rationnelle, indépendamment des démonstrations
nécessaires de son efficacité dans les essais cliniques. Ces étapes sont la description
du syndrome de déconditionnement chez les patients souffrant de lombalgie
chronique et la mise en évidence de certains facteurs de risque de chronicité.

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
246 Rachis dégénératif

La description du syndrome de déconditionnement a été faite dans les années


1980 par comparaison entre patients lombalgiques au long cours et témoins
indemnes [2]. Ce syndrome associe hypomobilité lombopelvienne, déficit de force
musculaire prédominant sur les extenseurs du tronc, incapacité au soulèvement
de charges et augmentation des scores d'anxiété et de dépression. Aux prémices
du concept multidimensionnel de la lombalgie chronique, il souligne qu'à ce stade
la douleur n'est pas le seul déterminant des difficultés rencontrées par les patients.

Facteurs de risque de chronicité


Les facteurs de risque de chronicité, ou plus précisément de passage à la
chronicité, ont été mis en évidence dans les années 1990 à partir d'études de
cohortes incluant des patients souffrant de lombalgie aiguë [3]. Les facteurs
ayant focalisé l'intérêt, parce que potentiellement réversibles, sont d'ordre psy-
chologique – détresse, anxiété, dépression, peurs et croyances inadaptées – et
socio-professionnel – contentieux, insatisfaction au travail, arrêt de travail – et
qualifiés communément de psycho-sociaux. Leur poids respectif et leur persis-
tance au-delà de la transition vers la chronicité, c'est-à-dire à la phase d'état, ont
été appréhendés plus récemment [4,5]. Ainsi, les facteurs psycho-sociaux per-
sistent chez les patients ayant une lombalgie chronique avérée et pourraient
encore contribuer à la pérennisation de leur état. Le poids des facteurs socio-
professionnels est alors prépondérant comparativement à celui des facteurs psy-
chologiques [5].

Cibles thérapeutiques
Syndrome de déconditionnement et facteurs de risque psycho-sociaux sont certes
deux concepts redondants par certains de leurs aspects. Ils traduisent deux appro-
ches expérimentales différentes et n'en sont pas moins les marqueurs du
déterminisme multifactoriel de la condition des patients lombalgiques chroniques
en situation de handicap lourd. Les éléments du syndrome de déconditionnement
et les facteurs de risque psycho-sociaux apparaissent alors comme autant de cibles
thérapeutiques. La restauration fonctionnelle y répond point par point [2].

Modalités de la restauration fonctionnelle


Caractéristiques des programmes de restauration
fonctionnelle
Le développement du premier programme de restauration fonctionnelle fait logique-
ment et chronologiquement suite à la description du syndrome de déconditionnement
associé à la lombalgie chronique. Il comprend d'ores et déjà les caractéristiques
essentielles à la définition de cette prise en charge : multidisciplinarité, intensité,
sollicitation physique, progression par paliers prédéterminés, objectif fonctionnel et
professionnel en premier lieu. Il s'agit d'un programme de 171 heures de rééducation
Restauration fonctionnelle pour lombalgie 247

de groupe et individuelle réparties sur 3 semaines et comprenant les activités


suivantes : renforcements et étirements musculaires, thérapie comportementale,
manutention, informations et conseils. Fort de résultats préliminaires encoura-
geants [2, 6], ce programme princeps a été repris et adapté par de nombreuses
équipes nord américaines et européennes [7]. La durée de la restauration fonction-
nelle actuellement proposée varie ainsi de 120 à 280 heures échelonnées sur 3 à 12
semaines. Les programmes sont réalisés en séance individuelle ou en groupe de 4
à 12 patients, soit au cours d'hospitalisation conventionnelle, soit en hôpital de
jour. Les intervenants y sont des médecins de médecine physique, rhumatologues,
psychiatres, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychologues, travailleurs sociaux,
médecins du travail, médecins conseil.

Déroulement d'un programme de restauration fonctionnelle


L'organisation journalière du programme réalisé dans le service de rhumatologie
à Lariboisière est présentée dans le tableau 17.1 à titre indicatif [8]. Ce pro-
gramme est réalisé en hôpital de jour, au cours de 5 journées hebdomadaires
pendant 5 semaines. Il est proposé aux patients lombalgiques chroniques vivant
une situation de handicap lourd et adhérant aux objectifs de la restauration
fonctionnelle : amélioration de la capacité à faire et reprise de l'activité profes-
sionnelle en cas d'arrêt. Les patients sont évalués de façon systématique avant,
après traitement et au décours à intervalles prédéterminés. Le suivi à l'issue du
programme comprend également la possibilité de consultation sans délai laissée
à l'initiative des patients. Outre les critères d'efficacité, l'évaluation initiale
comprend la réalisation d'une épreuve d'effort, les tests physiques permettant
de déterminer la progression à travers les différents modules thérapeutiques, le
recensement d'éventuelles difficultés sociales ou professionnelles, le recueil
d'informations concernant le parcours scolaire, la formation, les revenus et la
couverture sociale. Outre les modules thérapeutiques à dominantes physiques, les
patients font l'objet de mesures d'accompagnement médical et paramédical tout
au long du programme visant à aborder la douleur, les peurs et croyances
inadaptées, les états d'anxiété et de dépression, les difficultés sociales et le projet
de réinsertion. Le traitement de la douleur comprend l'usage adapté et expliqué
des moyens usuels et notamment médicamenteux, pour lesquels les patients

TABLEAU 17.1. Organisation journalière d'un programme de restauration fonctionnelle [8]


Modules thérapeutiques Horaires
Consultation médicale 8 h 30-9 h
Activités gymniques 9 h-10 h
Activités aérobies 10 h-11 h
Manutention 11 h-12 h
Renforcement musculaire sur appareil 13 h 30-15 h
Assouplissements et relaxation 15 h-15 h 30
248 Rachis dégénératif

gardent une part d'initiative. Les exercices physiques peuvent être modifiés si non
tolérés. Au registre des peurs et croyances inadaptées, les questions posées
amènent à aborder de façon récurrente la dissociation existant entre les
données d'imagerie de type dégénératif et la douleur, et entre la douleur et
l'activité physique. Une prise en charge spécialisée conjointe est parfois requise
en cas d'éléments anxio-dépressifs marqués. Les modalités de la reprise de travail
sont envisagées de façon progressive à mesure de l'avancée du programme et de
façon consensuelle tripartite avec le patient, son médecin du travail et le respon-
sable médical du programme de restauration fonctionnelle.

Résultats de la restauration fonctionnelle


Douleur et incapacité
L'efficacité des programmes de restauration fonctionnelle pour lombalgie chro-
nique a été suggérée à travers de nombreuses séries de cas [7]. Elle est confirmée
par les résultats d'études randomisées utilisant pour contrôle soit une absence
d'intervention thérapeutique, soit une rééducation moins intensive [9-13]. Dans
la majorité de ces travaux, elle apparaît supérieure en termes de réduction
d'incapacité jusqu'à 1 an chez les patients lombalgiques chroniques en arrêt de
travail. Une méta-analyse portant sur l'effet des différentes modalités de prise en
charge de la lombalgie chronique fixe à 100 heures le seuil nécessaire à l'obtention
de cet effet thérapeutique [14]. En revanche, les données cliniques convergent
également sur une absence d'effet sur la douleur [9-13].

Activité professionnelle
L'impact de la restauration fonctionnelle sur le critère activité professionnelle est,
quant à lui, controversé [9-13, 15, 16]. Les caractéristiques des populations et des
programmes étudiés ainsi que le contexte médico-social général dans lequel ces
travaux ont été réalisés pourraient en être des explications. Le rôle du contexte
national a bien été mis en évidence par l'étude d'une cohorte de plus de 2 000
patients lombalgiques chroniques en arrêt de travail, suivie à travers six pays [17].
Le taux d'activité professionnelle à 1 et 2 ans était en effet différent pour chacun
d'entre eux, mais ceci n'apparaissait pas expliqué par des différences de prise en
charge thérapeutique. En France, plusieurs études ouvertes [8, 18-21] et un essai
randomisé [12, 13] attestent de l'intérêt des programmes de restauration fonc-
tionnelle en termes de reprise et de maintien d'activité professionnelle, ainsi que de
réduction de nombre de jours d'arrêt de travail chez les patients lombalgiques
chroniques en situation de handicap lourd.

Place de la restauration fonctionnelle


La restauration fonctionnelle constitue donc une réponse au handicap lourd vécu
par certains patients souffrant de lombalgie chronique, dont un marqueur de
Restauration fonctionnelle pour lombalgie 249

grande valeur est l'arrêt de travail prolongé. Elle permet la réduction de


l'incapacité, la reprise et le maintien des activités professionnelles dans notre
contexte médico-social. Point fondamental sur lequel la plupart des études clini-
ques s'accordent, la restauration fonctionnelle n'est pas le traitement de la dou-
leur en elle-même. Son impact y est réduit sinon absent. Il s'agit là d'une
information importante qui doit être communiquée aux patients de façon la plus
explicite lors de la définition des objectifs thérapeutiques.
Les mécanismes de l'amélioration perçue sont d'ordre cognitivo-comporte-
mental, physique et professionnel. Puisque la durée d'arrêt de travail est un
facteur de risque de chronicité (Fayad 2004), on peut concevoir qu'un retour
au travail contribue à l'amélioration d'un patient lombalgique. Il représente aussi
le moyen d'éviter les conséquences socio-économiques liées aux limites des dis-
positifs de protection sociale et dont tout patient lombalgique devrait être averti
[1]. En France, le maintien en situation d'arrêt prolongé sous quelque régime peut
aboutir à un licenciement et souvent à une réduction drastique des revenus perçus
à titre compensatoire. Dans une autre perspective, celle de notre système de soins,
l'impact professionnel de la restauration fonctionnelle semble pouvoir garantir la
viabilité économique d'une thérapeutique onéreuse et contribuer à la réduction
des coûts, notamment indirects, liés aux lombalgies.
L'indication privilégiée de la restauration fonctionnelle est donc la lombalgie
chronique avec arrêt de travail dès le 3e mois d'évolution. Ce positionnement en
situation de handicap lourd fait l'objet de deux recommandations récentes [22-24].

Perspectives
La question des alternatives thérapeutiques persiste toutefois. La prise en charge
rééducative de la dimension physique uniquement n'apparaît plus comme une
option crédible [1]. L'arthrodèse lombaire parfois évoquée dans l'indication des
formes les plus invalidantes de lombalgie chronique n'a pas fait la preuve de sa
supériorité comparativement à un programme de rééducation structuré au terme
de deux essais randomisés [25]. Les thérapies cognitivo-comportementales et les
programmes multidisciplinaires moins lourds mais gardant dans leurs modules
l'investissement du champ professionnel restent quant à eux candidats à cette
alternative [26, 27].

Thérapies cognitivo-comportementales
Une étude randomisée réalisée chez 700 patients souffrant de lombalgies
subaiguës ou chroniques a évalué l'impact de la thérapie cognitivo-comportemen-
tale [26]. Le programme thérapeutique comprenait 6 séances de groupe de 8
personnes. Il était comparé à la poursuite des soins usuels. Cette étude montrait
une amélioration à 1 an des patients en termes de croyances, douleur et incapacité.
De plus, le coût par QALY apparaissait bas et acceptable, comparativement
à d'autres interventions thérapeutiques préalablement testées dont l'acupuncture,
les exercices physiques et les manipulations.
250 Rachis dégénératif

Programmes multidisciplinaires allégés à dimension


professionnelle
Une autre étude randomisée a comparé l'effet d'un programme multidisciplinaire
intégrant des mesures de facilitation de la reprise du travail, à celui de soins usuels,
chez 134 patients lombalgiques chronique en arrêt de travail depuis au moins 3
mois [27]. La prise en charge évaluée était organisée en 26 séances sur 12 semai-
nes. Elle faisait intervenir kinésithérapeutes, ergothérapeutes, médecins du tra-
vail, médecins de soins. Elle comprenait kinésithérapie, activités physiques
d'intensité progressive, ergothérapie, suivi de médecine du travail, aménagement
du poste et facilitation consensuelle de la reprise. À 1 an, les résultats étaient tout
à fait intéressants dans le sens où le suivi du programme multidisciplinaire était
associé à une diminution de l'incapacité, du nombre de jours d'arrêt de travail
et à une augmentation du taux de retour au travail. La douleur n'était en revanche
pas améliorée.
Les thérapies cognitivo-comportementales et les programmes multidisciplinai-
res à dimension professionnelle non intensifs font donc l'objet de résultats
intéressants. Ils n'ont toutefois pas été comparés à la restauration fonctionnelle
dans son indication spécifique et ne peuvent pour l'instant s'y substituer.

Conclusion
La restauration fonctionnelle est une prise en charge multidisciplinaire intensive
de la lombalgie chronique dans ses formes les plus invalidantes. Il s'agit d'une
proposition cohérente qui a fait la preuve de son efficacité en termes d'incapacité
et d'activité professionnelle dans notre pays. Ses résultats tranchent avec ceux
d'autres modalités thérapeutiques testées dans cette même indication. Ils doivent
inciter à orienter de façon prioritaire vers cette prise en charge tout patient
lombalgique en situation de handicap lourd marqué le plus souvent par
l'impossibilité de travailler, dès le 3e mois de son histoire clinique.

Références
1 Beaudreuil J, Nizard R, Laredo JD. Lombalgies et lombosciatiques communes. In: Bardin T,
Orcel P, eds. Traité de thérapeutique rhumatologique 2e édition. Paris: Flammarion Médecine-
Sciences; 2007. p. 651-5.
2 Mayer TG, Gatchel RJ, Kishino ND, et al. Objective assessment of spine function following
industrial injury. A prospective study with comparison group and one-year follow-up. Spine
1985 ; 10 : 482-93.
3 Fayad F, Lefevre-Colau MM, Poiraudeau S, et al. Chronicity, recurrence, and return to work in
low back pain: common prognostic factors. Ann Readapt Med Phys 2004 ; 47 : 179-89.
4 Costa LdaC, Maher CG, McAulay JH, et al. Prognosis for patients with chronic low back pain:
inceptioncohort study. BMJ 2009 ; 339 : b3829.
5 Lefevre-Colau MM, Fayad F, Rannou F, et al. Frequency and interrelations of risk factors for
chronic low back pain in a primary care setting. Plos One 2009 ; 4 : e4874.
6 Beaudreuil J, Poiraudeau S, Revel M. Restauration fonctionnelle des patients lombalgiques. In:
Kahn MF, Kuntz D, Meyer O, Bardin T, Orcel P, eds. L'actualité rhumatologique 2001. Paris:
Elsevier; 2001. p. 362-73.
Restauration fonctionnelle pour lombalgie 251

7 Mayer TG, Gatchel RJ, Mayer H, et al. A prospective two-year study of functional restoration in
industrial low back injury. An objective assessment procedure. JAMA 1987 ; 258 : 1763-7.
8 Beaudreuil J, Kone H, Lasbleiz S, et al. Efficacy of a functional restauration program for chronic
low back pain: prospective 1-year study. Bone Joint Spine 2010 ; 77 : 435-9.
9 Alaranta H, Rytokoski U, Rissanen A, et al. Intensive physical and psychosocial training program
for patients with chronic low back pain. A controlled clinical trial. Spine 1994 ; 12 : 1339-49.
10 Bendix AF, Bendix T, Aegter K, et al. Multidisciplinary intensive treatment for chronic low back
pain: a randomized, prospective study. Cleve Clin J Med 1996 ; 63 : 62-9.
11 Bendix AF, Bendix T, Labriola M, Boekgaard P. Functional restoration for chronic low back
pain. Two-year follow-up of two randomised clinical trials. Spine 1998 ; 23 : 717-25.
12 Jousset N, Fanello S, Bontoux L, et al. Effects of functional restoration versus 3 hours per week
physical therapy : a randomized controlled study. Spine 2004 ; 29 : 487-93.
13 Roche-Leboucher G, Petit-Lemanach A, Bontoux L, et al. Multidisciplinary intensive functional
restauration versus outpatient active physiotherapy in chronic low back pain. A randomized
controlled trial. Spine 2011 (in press).
14 Guzman J, Esmail R, Karjalainen K, et al. Multidisciplinary rehabilitation for chronic low back
pain: systematic review. Br Med J 2001 ; 322 : 1511-6.
15 Mitchell RI, Carmen GM. The functional restoration approach to the treatment of chronic pain
in patients with soft tissue and back injuries. Spine 1994 ; 19 : 633-42.
16 Schaafsma F, Schonstein E, Whelan KM, Ulvestad E, Kenny DT, Verbeek JH. Physical condi-
tioning programs for improving work outcomes in workers with back pain. Cochrane Database
Syst Rev 2010, CD001822.
17 Hansson TH, Hanson EK. The effects of common medical interventions on pain, back function,
and work resumption in patients with chronic low back pain: a prospective 2-year cohort study in
six countries. Spine 2000 ; 25 : 3055-64.
18 Vanvelcenaher J, Voisin P, Struk P et al. Programme de restauration fonctionnelle du rachis
(RFR) dans le cadre des lombalgies chroniques. Nouvelle approche thérapeutique (2e partie :
traitement, résultats, discussion). Ann Réadapt Méd Phys 1994 ; 37 : 323-33.
19 Poiraudeau S, Duvallet A, Dos Santos IL, Revel M. Efficacité à un an d'un programme de
reconditionnement à l'effort proposé à des lombalgiques chroniques lourdement handicapés.
Ann Réadapt Méd Phys 1999 ; 42 : 33-41.
20 Bontoux L, Roquelaure Y, Billabert C et al. Prospective study of the outcome at one year of
patients with chronic low back pain in a program of intensive functional restauration and
ergonomic interventions. Factors predicting their return to work. Ann Readapt Med Phys
2004 ; 47 : 563-72.
21 Poulain C, Kerneis S, Rozenberg S, et al. Long-term return to work after a functional restoration
program for chronic low-back pain patients: a prospective study. Eur Spine J 2010 ; 19 : 1153-61.
22 Mayor S. NICE recommends early intensive management of persistent low back pain. BMJ 2009 ;
338 : 1289.
23 Savigny P, Watson P, Underwood M. Early management of persistent non-specific low back
pain: summary of NICE guidance. BMJ 2009 ; 338 : 1441-2.
24 Chou R, Loeser JD, Owens DK et al. Interventional therapies, surgery, and interdisciplinary
rehabilitation for low back pain. An evidence-based clinical practice guideline from the American
pain society. Spine 2009 ; 34 : 1066-77.
25 Brox JI, Nygaard OP, Holm I, et al. Four-year follow-up of surgical versus non-surgical therapy
for chronic low back pain. Ann Rheum Dis 2010 ; 69 : 1643-8.
26 Lamb SE, Hansen Z, Lall R, et al. Group cognitive behavioural treatment for low-back pain in
primary care : a randomised controlled trial and cost-effectiveness analysis. Lancet 2010 ; 375 :
916-23.
27 Lambeek LC, van Mechelen W, Dirk K, et al. Randomised controlled trial of integrated care to
reduce disability from chronic low back pain in working and private life. BMJ 2010 ; 340 : c1035.
253

18
Hernie discale lombaire
et pratique sportive :
Qui opérer ? Quel geste ?
Quand ?
C. Garreau de Loubresse
Service de chirurgie orthopédique, hôpital Raymond Poincaré, 92380 Garches

Épidémiologie
La lombalgie du sportif n'est pas seulement un problème de hernie.
Le conflit discoradiculaire se traduit par l'apparition d'une souffrance sur le
métamère correspondant. Au niveau lombaire, les étages inférieurs sont les plus
touchés. La hernie discale se situe fréquemment aux niveaux L4-L5 et L5-S1 et est
source de lombosciatique. L'atteinte des disques L3-L4 et L2-L3 est plus rare et
peut occasionner une lombocruralgie. La pratique sportive sollicite bien
évidemment le rachis lombaire. Celui-ci est le siège de plusieurs pathologies et
tableaux cliniques qu'il faudra différencier de celui de la hernie discale.
La survenue d'un épisode de lombalgie est fréquente chez le sportif de haut
niveau. Baranto et al. [1] ont rapporté 89 % de lombalgies dans une étude
prospective chez de jeunes sportifs expérimentés. Ces symptômes douloureux
sont associés à des modifications radiologiques ou de l'imagerie par résonance
magnétique (IRM). La perte de hauteur discale est souvent corrélée avec la
lombalgie. Chez le jeune footballeur, Iwamoto et al. [2] ont décrit 59 % de
lombalgies en présence d'une diminution de hauteur intersomatique. Cette perte
de hauteur discale est présente dans 13 % des cas chez de jeunes rugbymen [3] et
3 % de jeunes pratiquant le tennis à un haut niveau [4]. Les modifications IRM
sont encore plus fréquentes et sont rencontrées dans 8,3 % chez des sujets jeunes
asymptomatiques [5] mais aussi dans 6,1 % chez des joueurs de tennis sans

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
254 Rachis dégénératif

lombalgie [4]. En revanche, la présence d'une zone d'hypersignal en séquence T2


dans la zone postérieure de l'annulus est fortement corrélée à la lombalgie.
La sensibilité de ce signe est faible mais possède une spécificité de 86 % et
témoigne d'une rupture de l'annulus [6]. La découverte d'une lésion IRM peut
atteindre 53 % d'une population sportive, qu'il s'agisse d'une modification du
signal discal, de sa perte de hauteur ou de la présence d'une hernie intraspongieuse
[7]. Toutefois, d'après une étude prospective d'une cohorte de sportifs sur une
période de 15 ans, les lésions surviendraient pendant la croissance avec une
décompensation secondaire par la combinaison de contraintes exercées au cours
de la pratique sportive associées au vieillissement normal du rachis lombaire [8].
Face à une lombosciatique, il faut également éliminer une spondylolyse ou un
spondylolisthésis. Cette lyse isthmique, avec ou sans glissement, serait présente
chez 47 % des athlètes douloureux [9] et observée dans la pratique de sports
sollicitant le rachis en lordose comme chez 11 % des gymnastes féminines [10] et
plus de 20 % des footballeurs américains [11].

Symptômes habituels de la lombosciatique


Clinique
La lombalgie précède l'apparition plus ou moins brutale de la douleur radiculaire.
La topographie du trajet douloureux et des troubles sensitifs subjectifs permet
d'identifier, à l'interrogatoire, la racine nerveuse en cause. L'impulsivité à la toux
est classiquement retrouvée à l'interrogatoire.
L'examen clinique note souvent un syndrome rachidien franc et surtout un syn-
drome radiculaire. Le signe de Lasègue est caractérisé par la douleur radiculaire
habituelle déclenchée par une élévation parfois faible du membre inférieur en recti-
tude. La sensibilité de ce test est estimée à 91 % mais avec une spécificité de 26 %. En
revanche, le signe de Lasègue croisé possède une spécificité bien plus élevée à 88 %
mais une sensibilité de seulement 29 % [12]. La présence d'un trouble de la sensibilité
ou de la force musculaire, d'une anomalie des réflexes ostéotendineux correspondant
à un même territoire radiculaire éliminent les douleurs projetées et non spécifiques.

Urgences chirurgicales
Les sportifs, comme tous les autres patients, doivent être adressés aux urgences
chirurgicales devant l'apparition de troubles sphinctériens, d'une sciatique para-
lysante (déficit moteur < 3) ou d'une radiculalgie hyperalgique (résistante à la
morphine). Ces trois situations imposent une intervention chirurgicale en urgence
pour donner toutes les chances de récupération et apporter un soulagement.

Bilan d'imagerie
Une imagerie lombaire ne se justifie pas dans le cas d'une symptomatologie
clinique évocatrice d'une lombosciatique commune. En revanche, l'absence de
réponse à la première phase de traitement ou une suspicion particulière doit faire
prescrire une imagerie [13, 14].
Hernie discale lombaire et pratique sportive... 255

Radiographies
Les radiographies standard du rachis lombaire en position debout éliminent les
autres pathologies susceptibles de donner un tableau de radiculalgie. La lombos-
ciatique commune doit rester un diagnostic d'élimination. Ces radiographies sont
prescrites après 2 semaines d'inefficacité du traitement médical.

IRM ou tomodensitométrie
L'absence de soulagement après 4 à 6 semaines impose la réalisation d'un bilan
d'imagerie par tomodensitométrie ou IRM lombaire. Son but est de confirmer le
diagnostic de hernie discale et de préciser les caractéristiques du conflit discora-
diculaire. Son intérêt est aussi de vérifier la concordance entre les images obtenues
et la clinique. Il est en effet démontré que la fréquence d'une image de hernie
discale est de l'ordre de 20 à 36 % dans la population générale asymptomatique
[15]. La tomodensitométrie est aussi performante que l'IRM mais cette dernière
n'expose pas aux irradiations et les tissus mous sont mieux visualisés.

Problématique thérapeutique du sportif de haut


niveau
Le sportif de haut niveau a des exigences particulières liées à son statut qui impose
un arrêt des activités le plus court possible et la reprise avec un même niveau de
performance. Ceci peut avoir une influence sur le choix des thérapeutiques
employées qui, si elles doivent être agressives, imposent le respect strict des
structures musculaires lombaires.

Méthodes thérapeutiques
L'information du patient sur la nature de la douleur, de sa cause et sur le pronostic
habituellement très favorable est un élément important qu'il ne faut surtout pas
négliger. Toutefois, cette éducation thérapeutique qui semble très bénéfique n'a
pas été évaluée par des études randomisées.
Le repos strict prolongé n'est plus recommandé et il faut lui préférer le maintien
d'une activité limitée à la douleur. Le traitement médical associé à une
physiothérapie voire une infiltration épidurale radioguidée reste la partie fonda-
mentale du traitement de la lombosciatique par hernie discale. En cas d'échec, les
thérapeutiques chirurgicales sont proposées [16].

Méthodes percutanées
La chymonucléolyse par injection de chymopapaïne était largement utilisée mais elle
n'est plus commercialisée depuis plus de 10 ans. Une revue Cochrane comparative
de tous les essais randomisés comparant la chirurgie à la chymonucléolyse a
confirmé la supériorité des résultats de la discectomie chirurgicale [17].
256 Rachis dégénératif

Récemment, l'injection d'éthanol à 96 ° contenu dans un gel d'éthylcellulose a


été proposée. Son indication est réservée aux hernies discales avec conservation
du ligament vertébral postérieur et son efficacité reste à prouver par des études
comparatives.

Techniques chirurgicales
Depuis la description par Mixter et Barr en 1934, la hernie discale lombaire était
traitée classiquement par un abord chirurgical large permettant une laminectomie
et une discectomie [18]. En 1977, Caspar [19] et Yasargil [20] ont redéfini la
technique chirurgicale par l'utilisation de microscope dans le but de préserver au
mieux les structures avoisinantes et notamment la musculature paravertébrale. Le
curetage discal agressif doit être abandonné au profit d'une discectomie partielle
réalisant l'exérèse de la hernie intracanalaire et des fragments discaux mobilisa-
bles dans l'espace intersomatique [21].
Depuis cette description, la chirurgie par abord très limité est la procédure habi-
tuelle. Son efficacité a pu être démontrée et ses résultats sont supérieurs aux traite-
ments fonctionnels [22, 23]. La chirurgie améliore indiscutablement les patients mais
il faut savoir qu'à long terme, après un délai de 1 à 2 ans, il n'y a pas de différence
significative avec le traitement médical complet [24]. Cette proposition de prolonger
le traitement conservateur sur une très longue période est parfois incompatible avec
les activités d'un sportif de haut niveau, a fortiori s'il est professionnel.

Techniques endoscopiques
Discectomie tubulaire
La technique débute par la mise en place d'une broche guide centrée sur l'espace
interlamaire. Des dilatateurs de taille croissante sont utilisés pour disciser pro-
gressivement les muscles paravertébraux et constituer un espace de travail.
Ensuite, l'ouverture du canal lombaire, la herniectomie et la discectomie sont
identiques à celle de la microdiscectomie. La réinsertion ou la suture musculaire
est inutile. L'incision cutanée est de l'ordre de 20 mm. Le lever est autorisé le jour
même de l'intervention.
L'utilisation de la technique de discectomie tubulaire comparée avec la chirur-
gie de microdiscectomie conventionnelle ne montre pas d'amélioration significa-
tive. Selon des études randomisées, la discectomie tubulaire aurait de moins bons
scores concernant la radiculalgie, la lombalgie, la récupération et le coût de la
technique est plus élevé que la microdiscectomie [25, 26]. Mais il faut reconnaître
que la récupération postopératoire du premier mois est souvent plus rapide avec
la discectomie tubulaire.

Discectomie transforaminale
Les techniques endoscopiques par voie latérale sont connues depuis 1983 [27]. En
1992, le laser a été associé à cette voie pour la réalisation de discectomie par voie
foraminale. Les indications de cette technique sont les mêmes que celle de la
Hernie discale lombaire et pratique sportive... 257

chirurgie conventionnelle. L'obstacle représenté par le massif articulaire peut être


contourné par l'utilisation d'un laser de type holmium-YAG pour l'ablation de
tissus osseux et mous. Plus récemment, des fraises spécifiques sont disponibles
pour agrandir le foramen et éventuellement traiter la sténose associée.
La revue de la littérature montre des résultats similaires de cette technique avec
la microdiscectomie chirurgicale. Le soulagement radiculaire est respectivement
évalué à 89 % et 87 %. Le taux de récidive est légèrement plus élevé avec les
techniques transforaminales endoscopiques [28].

Discectomie microendoscopique
Une instrumentation a été récemment conçue pour une chirurgie totalement
endoscopique par voie postérieure lombaire interlamaire. Comme dans la tech-
nique tubulaire, une broche-guide est placée sous contrôle endoscopique jusqu'au
plan du ligament jaune interlamaire. L'endoscope, similaire à celui d'une arthros-
copie du genou, est introduit dans une gaine de travail. On obtient ainsi un accès
dans l'espace épidural. Le fragment herniaire est retiré. La discectomie est difficile
avec cette instrumentation. Il n'y a pour l'instant aucune évaluation fiable de cette
technique. Son intérêt est la récupération immédiate et le peu d'utilisation d'antal-
giques en postopératoire.

Reprise des activités sportives


Après chirurgie, le soulagement des douleurs lombaires et radiculaires est le plus
souvent obtenu avec possibilité de reprendre des activités physiques importantes.
Selon Wang et al. [29], 90 % des athlètes de haut niveau opérés d'une hernie
discale lombaire ont pu retourner aux sports de compétition sans être déclassés.
Les résultats sont toutefois moins bons si la chirurgie est effectuée à plusieurs
niveaux. Ces chiffres sont confirmés par Dollinger et al. [30] qui notaient, dans
leur série, un soulagement total chez 80 % des patients opérés et 92,5 % de
reprise du sport. Les résultats sont similaires dans une population de jeunes
hommes actifs, militaires de l'armée américaine et opérés d'un niveau lombaire :
84 % d'entre eux ont repris les activités sans restriction à la 6e semaine avec, pour
certains, un port de charge de plus de 40 kilos [31]. Les meilleurs résultats ont été
obtenus chez les patients des sections d'élite.

Récidives
Le taux de récidive des hernies discales lombaires varie suivant les auteurs entre
1 % [32, 33] et 15 %. De nombreux facteurs généraux ont été incriminés comme
la notion de traumatisme, l'âge, le tabac et l'obésité [33]. Selon la méta-analyse
publiée par McGirt et al. [34], la discectomie agressive diminue de moitié la
survenue des récidives en comparaison avec une discectomie partielle (3,5 % de
récidives vs 7 %), mais expose à des suites plus douloureuses et des lombalgies
chroniques. Si une chirurgie de reprise est réalisée sur une symptomatologie
concordante avec l'imagerie, l'évolution est favorable [35].
258 Rachis dégénératif

Conclusion
La hernie discale lombaire est une pathologie fréquente qui évolue favorablement
dans la très grande majorité des cas après traitement médical. Une intervention
chirurgicale n'est indiquée qu'exceptionnellement en urgence et surtout devant la
survenue de troubles sphinctériens. La persistance après 4 à 6 semaines d'une
radiculalgie doit faire proposer une chirurgie. Le respect des structures lombaires,
et en particulier musculaires, est déterminant pour donner des capacités de reprise
précoce des activités sportives, même de haut niveau. L'encadrement
postopératoire en rééducation fonctionnelle, en accord avec le chirurgien, doit
être proportionnel aux ambitions du patient sportif.

Références
1 Baranto A, Hellstro MM, Cederlund CG, et al. Back pain and MRI changes in the thoraco-
lumbar spine of top athletes in four different sports: a 15-year follow-up study. Knee Surg Sports
Traumatol Arthrosc 2009 ; 17 : 1125-34.
2 Iwamoto J, Abe H, Tsukimura Y, et al. Relationship between radiographic abnormalities of
lumbar spine and incidence of low back pain in high school and college football players: a
prospective study. Am J Sports Med 2004 ; 32 : 781-6.
3 Iwamoto J, Abe H, Tsukimura Y, et al. Relationship between radiographic abnormalities of
lumbar spine and incidence of low back pain in high school rugby players: a prospective study.
Scand J Med Sci Sports 2005 ; 15 : 163-8.
4 Alyas F, Turner M, Connell D. Br J Sports Med 2007 ; 41 : 836-41.
5 Weishaupt D, Zanetti M, Boos N, et al. MR imaging and CT in osteoarthritis of the lumbar facet
joints. Skel Radiol 1999 ; 28 : 215-9.
6 Aprill C, Bogduk N. High-Intendity zone: a diagnostic sign of painful lumbar disc on magnetic
resonance imaging. Br. J Radiol 1992 ; 65 : 361-9.
7 Baranto A, Hellstro MM, Nyman R, et al. Back pain and degenerative abnormalities in the spine
of young elite divers: a 5-year follow-up magnetic resonance imaging study. Knee Surg Sports
Traumatol Arthrosc 2006 ; 14 : 907-14.
8 Baranto A, Hellstro MM, Cederlund CG, et al. Back pain and MRI changes in the thoraco-lumbar
spine of top athletes in four different sports: a 15-year follow-up study. Knee Surg Sports
Traumatol Arthrosc 2009 ; 17 : 1125-34.
9 Micheli LJ, Wood R. Back pain in young athletes: significant differences from adults in causes
and patterns. Arch Pediatr Adolesc Med 1995 ; 149 : 15-8.
10 Jackson DW, Wiltse LL, Cirincoine RJ. Spondylolysis in the female gymnast. Clin Orthop 1976 ;
117 : 68-73.
11 Semon RL, Spengler D. Significance of lumbar spondylolysis in college football players. Spine
(Phila Pa 1976) 1981 ; 6 : 172-4.
12 Deville WLJM, Windt DAWM, van der Dzaferagic A, Bezemer PD, Bouter LM. The test of
Lasegue: systematic review of the accuracy in diagnosing herniated discs. Spine 2000 ; 25 :
1140-7.
13 Chou R, Fu R, Carrino JA, Deyo RA. Imaging strategies for low-back pain: systematic review and
meta-analysis. Lancet 2009 ; 373 : 463-72.
14 Andersen JC. Is immediate imaging important in managing low back pain? J Athl Train 2011 ; 46 :
99-102.
15 Jensen MC, Brant-Zawadzki MN, Obuchowski N, Modic MT, Malkasian D, Ross JS. Magnetic
resonance imaging of the lumbar spine in people without back pain. N Engl J Med 1994 ; 331 :
69-73.
16 Jegede KA, Ndu A, Grauer JN. Contemporary management of symptomatic lumbar disc hernia-
tions. Orthop Clin North Am 2010 ; 41 : 217-24.
Hernie discale lombaire et pratique sportive... 259

17 Gibson JN, Waddell G. Surgical interventions for lumbar disc prolapse. Cochrane Database Syst
Rev 2007 ; 1 : CD001350.
18 Mixter W, Barr J. Rupture of the intervertebral disc with involvement of the spinal canal. N Engl
J Med 1934 ; 211 : 210-5.
19 Capar W. A new surgical procedure for lumbar disk herniation causing less tissue damage
through a microsurgical approach. Adv Neurosurg 1977 ; 4 : 74-7.
20 Yasargil M. Microsurgical operation for herniated disc. Adv Neurosurg 1977 ; 4 : 81.
21 Watters WC 3rd, McGirt MJ. An evidence-based review of the literature on the consequences of
conservative versus aggressive discectomy for the treatment of primary disc herniation with
radiculopathy. Spine J 2009 ; 9 : 240-57.
22 Weinstein JN, Lurie JD, Toteson AN, et al. Surgical vs nonoperative treatment for lumbar disk
herniation: the Spine Patient Outcomes Research Trial (SPORT). Spine 2008 ; 33 : 2789-800.
23 Peul WC, van Houwelingen HC, van den Hout WB et al. Surgery versus prolonged conservative
treatment for sciatica. N Engl J Med 2007 ; 356 : 2245-56.
24 Jacobs WC, van Tulder M, Rubinstein SM, et al. Surgery versus comparative management of
sciatica due to a lumbar herniated disc: a systematic review. Eur Spine J 2011 ; 20 : 513-22.
25 Arts MP, Brand R, van der Akker ME, et al. Tubular disckectomy vs conventional microdiskec-
tomy for sciatica. JAMA 2009 ; 302 : 149-58.
26 van den Akker ME, Arts MP, van den Hout WB, et al. Tubular diskectomy versus conventional
microdiskectomy for the treatment of lumbar disk related sciatica: cost utility analysis alongside a
double-blinded randomized controlled trial. Neurosurgery 2011 (in press).
27 Kambin P, Gellman H. Percutaneous lateral discectomy of the lumbar spine: a preliminary
report. Clin Orthop 1983 ; 174 : 127-32.
28 Nellenstein J, Ostelo R, Bartels R, Peul W, van Royen B, van Tulder M. Transforaminal endos-
copic surgery for symtopatic lumbar disc herniations: a systematic review of the literature. Eur
Spine J 2010 ; 19 : 181-204.
29 Wang JC, Shapiro MS, Hatch JD, et al. The outcome of lumbar discectomy in elite athletes. Spine
1999 ; 24 : 570-3.
30 Dollinger V, Obwegeser AA, Gabl M, et al. Sports participation following diskectomy for lumbar
disk herniation. Orthopedics 2008 ; 31 : 756.
31 Dewing CB, Provencher MT, Riffenburgh RH, et al. The outcomes of lumbar microdiscectomy in
a young, active population. Spine 2008 ; 33 : 33-8.
32 Wera GD, Marcus RE, Ghanayem AJ, et al. Failure within one year following subtotal lumbar
discectomy. J Bone Joint Surg 2008 ; 90A : 10-5.
33 Kim KT, Park SW, Kim YB. Disc height and segmental motion as risk factors for recurrent
lumbar disc herniation. Spine (Phila Pa 1976) 2009 ; 34 : 2674-8.
34 McGirt MJ, Ambrossi GL, Datoo G, et al. Recurrent disc herniation and long-term back pain
after primary lumbar discectomy: review of outcomes reported for limited versus aggressive disc
removal. Neurosurgery 2009 ; 64 : 338-44.
35 Wera GD, Marcus RE, Ghanayem AJ, et al. Failure within one year following subtotal lumbar
discectomy. J Bone Joint Surg 2008 ; 90A : 10-5.
261

19
Canal lombaire étroit : place du
traitement médical
S. Rozenberg
Service de rhumatologie, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,
47, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13

Introduction
Le retentissement de la douleur lombaire, fessière, des membres inférieurs lié au
canal lombaire rétréci peut être variable d'un sujet à l'autre. Il conditionne le
choix du traitement à proposer. L'objectif thérapeutique principal est de soulager
la douleur et de maintenir ou améliorer la fonction.

Évolution du canal lombaire rétréci non opéré


Les données sur l'évolution naturelle du canal lombaire rétréci sont obtenues
à partir des études prospectives ayant pour objectif, soit d'apprécier l'évolution
sous traitement médical, soit de comparer les résultats d'un traitement, médical ou
chirurgical.
L'étude de Tadokoro et al. [1] visait à suivre une série de patients de plus de
70 ans souffrant de canal rétréci et sous traitement conservateur.
Les patients étaient hospitalisés pour un traitement progressif jusqu'à l'obten-
tion d'un succès comprenant : tractions au lit, voire, en cas d'insuffisance, appli-
cation d'un corset en position de discrète flexion du rachis pendant 3 jours, ou, en
l'absence d'amélioration, port d'un corset Williams pendant 2-3 mois, infiltra-
tions épidurales ou, si besoin, périradiculaires. Deux cent soixante trois patients
de 70 ans ou plus ont été suivis entre 1982 et 2001. Sur les 263, 140 ont été opérés
en raison d'un échec du traitement conservateur. Sur les 123 patients restants,
121 ont été améliorés, 2 ont refusé l'intervention. Neuf patients sont décédés
pendant la période de suivi, 25 ont été perdus de vue. Le recul pour les 89 patients

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
262 Rachis dégénératif

restants a été de 57,2 mois. L'âge moyen était de 74,8 ans à l'admission. À
l'évaluation finale, 34,8 % des patients avaient une amélioration subjective des
symptômes, 22,5 % se disaient inchangés, 42,5 % aggravés. Quarante pour
cent des patients considéraient avoir un score ADL bon ou excellent, 20,2 %
des problèmes importants pour les ADL. Il n'y avait pas de corrélation
entre l'évolution et la présence d'un spondylolisthésis ou d'une scoliose ;
l'évolution a été moins favorable chez les patients ayant eu un arrêt complet de
leurs activités.
La « Maine Lumbar Spine Study » a fait un suivi prospectif d'une cohorte de
patients traités médicalement ou chirurgicalement dans l'état du Maine.
La population comportait des sujets ayant un canal lombaire rétréci avec
claudication neurogénique et des signes radiologiques de sténose du canal lom-
baire. Les critères d'inclusion étaient d'avoir eu au moins 2 semaines de traitement
conservateur dans les 2 mois précédents sans ressentir d'amélioration satisfai-
sante. Le suivi des patients s'est fait à 3, 6 et 12 mois, et 10 ans. L'effectif initial
était de 81 patients dans le groupe chirurgie, 67 dans le groupe traitement
médical. L'âge moyen des patients à l'inclusion était de 60 ans. Initialement, les
patients du groupe chirurgie avaient une douleur sciatique significativement plus
intense, un score fonctionnel moins bon, une activité plus réduite, un score
physique du SF 36 plus dégradé. Le traitement chirurgical a été le plus souvent
une laminectomie. Les traitements conservateurs comportaient : repos au lit
(28,6 %), exercices (39,3 %), port d'un corset (14,3 %), manipulation (23 %),
infiltration épidurale de corticoïdes (18 %), prise d'analgésiques narcotiques
(20 %).
À 1 an (2), une amélioration très importante ou importante de la douleur
radiculaire a été obtenue pour 55 % des patients opérés versus 28 % des patients
non opérés. L'amélioration des critères fonction et qualité de vie était significa-
tivement meilleure dans le groupe chirurgie.
À 4 ans, les données sont disponibles pour 67/81 des patients opérés, 52/67des
patients non opérés [3]. Le facteur à baseline le plus prédictif d'une évolution
favorable s'avère être le recours à la chirurgie (OR 5,7 (IC 95 % 2,1-17,4)
p < 0,001 ; 63 % des patients du groupe chirurgie étaient satisfaits de leur
état versus 42 % du groupe traitement médical. Les patients non opérés n'ont
pas eu de modification significative de leurs paramètres. Nous ne disposons pas de
données concernant le traitement médical de ces patients.
À 10 ans, les données sont disponibles pour 56 patients opérés et 41 traités
médicalement [4]. Les chiffres concernant la satisfaction des patients à propos de
leur état sont relativement stables : 55 % des patients du groupe opéré versus
42 % du groupe traité médicalement.
Parmi les patients non opérés : 50 % estiment leur douleur lombaire améliorée
par rapport à baseline, 40 % leur douleur sciatique améliorée, 48 % s'estiment
satisfaits, 64 % choisiraient à nouveau le même traitement. À 10 ans, 23 % des
patients chirurgicaux ont eu une nouvelle intervention, 39 % des non opérés ont
dû être opérés.
Canal lombaire étroit : place du traitement médical 263

Les résultats ne diffèrent pas selon que l'évaluation s'est faite en fonction du
traitement effectivement reçu ou en fonction du groupe initial de traitement.
Dans l'ensemble, on peut considérer que 40 à 50 % des patients souffrant de
canal lombaire rétréci ont un état stable sur plusieurs années et sont relativement
satisfaits de leur état sous traitement médical.

Traitement médical
Les antalgiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les myorela-
xants sont couramment utilisés pour traiter les symptômes du canal lombaire
rétréci. Leur utilisation est extrapolée à partir des pratiques du traitement de la
lombosciatique. Il n'y a pas de preuve de l'efficacité des ces diverses classes
thérapeutiques. Il faut être vigilant face aux risques d'effets secondaires, en parti-
culier des AINS et se méfier des contre-indications liées à l'âge, aux comorbidités,
aux associations médicamenteuses déconseillées.

Infiltrations
Infiltrations épidurales sans contrôle scopique
Une étude prospective non randomisée portant sur 65 patients souffrant de canal
lombaire rétréci confirmé par IRM a évalué l'effet d'une infiltration de 40 mg de
triamcinolone [5]. L'âge moyen des patients était de 74 ans. Le critère d'évalua-
tion était le score douleur du SF36. Il a été amélioré significativement à 1 et 3 mois
(score douleur SF 36 baseline : 27,4  13,6, à 1 mois : 41,7  22, à 3 mois :
35,8  19).
Pour Campbell [6], il n'a pas été noté de relation entre la taille du canal et
l'efficacité des infiltrations.
Une étude prospective randomisée a comparé l'effet d'une infiltration épidurale
d'une association anesthésique-corticoïde versus l'injection intramusculaire des
mêmes produits [7]. Les patients souffraient d'une lombosciatique depuis au
moins 6 semaines, dont l'intensité justifiait le recours à la chirurgie. Quatre vingt
treize patients ont été inclus. Le diagnostic confirmé par IRM était : une hernie
discale pour 43 patients, une sténose canalaire pour 32 patients, l'association des
2 pour 17 patients. Six semaines après l'injection, une infiltration épidurale de
corticoïdes a été réalisée pour tous les patients non améliorés par la 1e injection.
À J35, une amélioration statistiquement significative de la douleur a été constatée
dans le groupe infiltration épidurale. Cette différence est devenue significative
10 jours après l'injection. Une 2e injection épidurale a été réalisée dans 16 cas
(7 dans le groupe épidurale, 9 dans le groupe intramusculaire).
Trente-cinq pour cent des patients ont dû être opérés (pas de différence signi-
ficative entre les groupes). Il n'y avait pas de différence entre les patients souffrant
de hernie discale et ceux souffrant de canal rétréci mais les effectifs étaient faibles.
À long terme, aucune différence n'a été observée entre les groupes.
264 Rachis dégénératif

Infiltrations épidurales sous contrôle scopique


Les infiltrations épidurales sous contrôle scopique [8] ont été étudiées dans un
essai de très faible effectif comportant trois groupes : un groupe rééducation en
hospitalisation 5 jours par semaine pendant 2 semaines, un groupe infiltration
épidurale de triamcinolone et un groupe contrôle. L'évaluation a été réalisée
à 2 semaines, 1 mois, 3 et 6 mois. Les trois groupes ont été améliorés. L'apport
de l'infiltration n'a été significatif qu'à l'évaluation faite à 2 semaines sur la
douleur et la fonction.

Infiltrations caudales sous contrôle scopique


Dans une étude ouverte portant sur 37 patients consécutifs [9], d'âge moyen
74,6 ans  5,7, ayant une douleur lombaire et radiculaire bilatérale sans
amélioration après 6 semaines de traitement (antalgiques, AINS, rééduca-
tion), tous avaient au moins deux niveaux atteints avec une sténose centrale
et latérale en IRM. L'injection de lidocaïne plus triamcinolone (total 14 mL)
était faite par le hiatus sous contrôle scopique. Trois patients ont été opérés
avant la 6e semaine.
Pour les 34 autres patients évalués à 6 semaines et 6 mois, une amélioration
significative de la douleur a été notée (indice Oswestry, capacité de marche) après
2,2 injections/patient.
L'étude randomisée de Manchikanti [10] a comparé l'injection de lidocaïne
à celle couplée de lidocaïne et de bêtaméthasone. Les patients se plaignaient d'une
douleur lombaire et des membres inférieurs de plus de 6 mois, avec échec du
traitement conservateur incluant exercices physiques, médicaments, repos et
manipulations chiropractiques. Les injections ont été faites en ambulatoire sous
scopie, et répétées en fonction de la réponse. Les critères d'évaluation (douleur,
fonction, statut professionnel, recours aux opiacés) ont été mesurés à 3, 6 et
12 mois post-traitement. Vingt patients ont été inclus dans chaque groupe. Ils
ont tous été améliorés, sans différence entre les groupes.
En résumé, les études d'efficacité des infiltrations dans le canal lombaire rétréci
sont peu nombreuses, de qualité méthodologique faible. Comme pour la lombos-
ciatique, l'efficacité ne semble démontrée que pour la douleur et seulement
à court terme.

Rééducation
La seule étude randomisée [11] identifiée sur l'effet de la rééducation dans le canal
lombaire rétréci a comparé deux modalités de prise en charge : la thérapie
manuelle plus exercices et programme ambulatoire de contrôle du poids versus
l'association d'exercices de flexion, d'ultrasons et de marche sur tapis roulant. Le
traitement comportait deux séances d'exercices par semaine de 45 à 60 minutes
pendant 6 semaines. Tous les patients devaient marcher chaque jour jusqu'au
déclenchement des douleurs. Les patients ayant des symptômes de canal lombaire
Canal lombaire étroit : place du traitement médical 265

rétréci, un âge supérieur ou égal à 50 ans, des signes IRM de canal rétréci, et une
amélioration des symptômes par la position assise étaient inclus.
Vingt-neuf patients ont été inclus dans chaque groupe. La compliance aux
exercices a été mesurée pendant les 6 semaines du programme, puis de 6 semaines
à 1 an, et s'est avérée comparable entre les groupes.
Une amélioration significative de la capacité fonctionnelle, de la distance de
marche, de la douleur et de la satisfaction au traitement a été observée dans les
deux groupes (amélioration significativement plus importante de la perception de
l'amélioration dans le groupe traitement manuel).
Cette étude, même si elle comporte des limites (choix du programme, faible
effectif, absence d'aveugle), a l'intérêt de montrer que les patients souffrant d'un
canal lombaire rétréci peuvent être soulagés par la prise en charge physique.
En conclusion, les données concernant l'utilisation des médicaments, des infil-
trations et de la rééducation sont très limitées dans le canal lombaire rétréci. Il faut
noter que l'évolution naturelle n'est pas forcément péjorative. Il est important de
prendre en compte les attentes et préférences du patient et de l'informer afin qu'il
puisse prendre part à une décision thérapeutique partagée.

Références
1 Tadokoro K, Miyamoto H, Sumi M, Shimomura T. The prognosis of conservative treatments for
lumbar spinal sténosis. Analysis of patients over 71 years of age. Spine 2005 ; 30 : 2458-63.
2 Atlas S, Deyo R, Keller R, Chapin A, Patrick D, Long, Singer D. The Maine Lumbar pine Study
part III: 1 year outcomes of surgical and nonsurgical management of lumbar spinal stenosis.
Spine 1996 ; 31 : 1787-94.
3 Atlas S, Keller RB, Robson D, Deyo RA, Singer DE. Surgical and nonsurgical management of
lumbar spinal stenosis. Four-years outcomes from the Maine Lumbar spine study. Spine 2000 ;
25 : 556-62.
4 Atlas J, Keller RB, Wu YA, Deyo RA, Singer DE. Long-term outcomes of surgical and non
surgical management of lumbar spinal stenosis: 8 to 10 year results from the Maine lumbar spine
study. Spine 2005 ; 30 : 936-43.
5 Briggs VG, Li W, Kaplan MS, Eskander MS, Franklin P. Injection treatment and back pain
associated with degenerative lumbar spinal stenosis in older adults. Pain Physician 2010 ; 13 :
E347-55.
6 Campbell MJ, Carreon LY, Glassman SD, McGinnis MD, Elmilinger BS. Correlation of spinal
canal dimensions to efficacy of epidural steroid injection in spinal stenosis. J Spinal Disord Tech
2007 ; 20 : 546-7.
7 Wilson-MacDonald J, Burt G, Griffin D, Glynn C. Epidural steroid injection for nerve root
compression. A randomised controlled trial. J Bone Joint Surg 2005 ; 87 : B : 352-5.
8 Koc Z, Ozcavir S, Sivrioglu K, Gurbet A, Kucukoglu S. Effectiveness of physical therapy and
epidural steroid injections in lumbar spinal stenosis. Spine 2009 ; 34 : 985-9.
9 Botwin K, Brown LA, Fishman M, Rao S. Fluoroscopically guided caudal epidural steroid
injections in degenerative lumbar spinal stenosis. Pain Physician 2007 ; 10 : 547-58.
10 Manchikanti L, Cash KA, McManus CD, Pampati V, Abdi S. Preliminary results of a randomized
equivalence trial of fluoroscopic caudal epidural injections in managing chronic low back pain:
Part4 – Spinal stenosis. Pain Physician 2008 ; 11 : 833-48.
11 Whitman JM, Flynn TW, Childs JD, et al. A comparison between two physical therapy treatment
programs for patients with lumbar spinal stenosis. Spine 2006 ; 31 : 2541-9.
267

20
Gestes rachidiens et
anti-agrégation plaquettaire
B. Fautrel
Université Pierre et Marie Curie, Paris 6 ; service de rhumatologie, Groupe Hospitalier
Pitié-Salpêtrière, 83, boulevard de l'Hôpital, 75651 Paris cedex 13

Introduction
Le vieillissement de la population – y compris celle des sportifs – et la prévalence
accrue des maladies cardio-vasculaires ont multiplié la prescription de
médications anti-agrégantes plaquettaires (AAP), dont les indications ont crû
de façon spectaculaire du fait de l'emploi de plus en plus large des stents nus ou
actifs et de la mise en place de nouvelles modalités de prévention primaire ou
secondaire du risque thromboembolique Après 50 ans, 12 % de la population
sont traités par aspirine à faible dose en prévention primaire, soit 2,4 millions de
personnes, dont 5 % en association avec un autre AAP (aspirine et clopidogrel-
PlavixÒ ou prasugrel-EffientÒ) et 1 % avec un anticoagulant de type anti-vita-
mine K (AVK). Une estimation de la Société française de cardiologie indique que
200 000 à 300 000 personnes débutent un traitement AAP chaque année.
Cette prescription doit être intégrée par le médecin prenant en charge les
problèmes rachidiens. En effet, la réalisation d'un geste percutané, notamment
une infiltration, chez un patient traité par AAP expose à un double risque :
 hémorragique, dont l'intensité dépend à la fois de l'acte envisagé, du traitement
en cours et de la pathologie sous-jacente ;
 thrombotique, dont l'intensité dépend principalement de la pathologie ayant
conduit à les prescrire.
Pour évaluer le rapport bénéfice/risque du geste envisagé, un échange entre
médecin du sport et cardiologue est généralement nécessaire afin d'apprécier :
 le risque lié à l'arrêt éventuel de l'AAP, lequel varie selon son indication initiale ;

Rachis et sports. Quels risques ? Quels effets bénéfiques ?


Ó 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
268 Rachis dégénératif

 le risque hémorragique de base lié au geste (lequel est, en général, mal connu ou
mal quantifié) ;
 l'efficacité attendue du geste ainsi que son degré d'urgence.

Risque thrombotique lié à l'arrêt des AAP


On estime que 5 % des syndromes coronariens aigus (SCA) sont – au moins en
partie – liés à l'arrêt d'un AAP [1], dans un délai moyen de 11 jours. Dans un tel
contexte, l'arrêt des AAP est un facteur de risque significatif et indépendant
d'infarctus (OR = 3,2) ou de décès (OR = 2,0) dans le mois suivant le SCA.
Ceci explique notamment que, lorsqu'une intervention chirurgicale est
nécessaire dans le mois qui suit un SCA ayant conduit à une angioplastie coro-
naire, le risque de nouvelle thrombose coronaire atteint 20 à 25 % [2] avec un
taux de décès de 13 % [3]. Le risque de thrombose à l'arrêt des AAP est maximal
chez les patients porteurs de stent actif, soit 50 % des stents posés.
Ces éléments ont conduit la Société française d'anesthésie réanimation (SFAR)
à définir deux niveaux de risque thrombotique en 2006 (tableau 20.1).

Test d'agrégation plaquettaire


L'exploration de l'agrégation plaquettaire permettrait, en théorie, de juger de
l'efficacité du traitement AAP et d'estimer le risque thrombotique et surtout le
risque hémorragique. Plusieurs techniques (temps de saignement, PFA-100, etc.)
ont été proposées mais toutes ont montré une grande variabilité inter- et intra-
individuelle, une faible reproductibilité et, au final, une validité insuffisante en
pratique courante. De plus, aucun test n'a été corrélé de façon significative au
risque de complication hémorragique d'un geste invasif, percutané ou opératoire.
Leur seul intérêt a été de déterminer le schéma d'administration des trois AAP
actuellement commercialisés, et leur modalité d'arrêt si celui-ci est nécessaire lors
de la réalisation d'un geste [4, 7] (tableau 20.2).

Risque hémorragique associé aux gestes rachidiens


chez des patients sous AAP
Le risque hémorragique au cours des gestes rachidiens varie selon :
 la complexité du geste, notamment la durée et la complexité du trajet ;
 la présence de structures vasculaires à proximité ou sur le trajet du geste ;

TABLEAU 20.1. Risque thrombotique à l'arrêt des AAP


Risque thrombotique modéré - stent nu posé dans les 2 derniers mois
- stent actif posé dans les 12 derniers mois
- maladie coronaire contrôlée
Risque thrombotique majeur - stent nu posé depuis au moins 2 mois
- stent actif posé depuis moins de 12 mois
- antécédent de thrombose de stent
Gestes rachidiens et anti-agrégation plaquettaire 269

TABLEAU 20.2. Durée d'arrêt de l'AAP à respecter avant un geste invasif si le risque
hémorragique est important
Arrêt Reprise
Aspirine 3 jours Lendemain du geste
Clopidogrel (PlavixÒ) 5 jours Lendemain du geste
Prasugrel (EffientÒ) 7 jours Lendemain du geste

 la possibilité éventuellement d'une compression hémostatique en cas de saigne-


ment, laquelle est limitée en cas de geste atteignant les foramens ou le canal
rachidien.
Ceci avait conduit la Haute Autorité de Santé à classer les gestes rachidiens en
deux niveaux de risque (HAS 2008) (tableau 20.3).
Ces conclusions étaient portées sur la base d'un consensus d'experts (preuves
de niveau 4).
En ce qui concerne les AAP, on dispose d'un peu plus d'informations grâce aux
études conduites sur le risque des anesthésies péridurales.

Gestes épiduraux et AAP


La principale complication hémorragique des gestes épi- ou périduraux est
l'hématome. Il se traduit par une majoration des douleurs dans les quelques
minutes à quelques heures suivant le geste et peut être potentiellement responsable
de troubles neurologiques, notamment de syndrome de la queue de cheval. C'est
une complication rare mais grave dont l'incidence est classiquement estimée entre
1/150 000 et 1/220 000 dans les études anesthésiques [8]. Une série retrouve une
incidence jusqu'à 1 pour 3 600 gestes dans certaines populations [9].
Sous AAP, on dispose de deux études contrôlées :
 dans l'étude CLASP conduite chez 2 783 patientes à haut risque obstétrical
ayant eu une anesthésie péridurale, l'incidence des complications neurologiques a
été identique chez les 1 422 patientes traitées par 60 mg/j d'aspirine et chez les
1 361 femmes sous placebo [10] ;
 une autre étude observationnelle prospective sur 1 214 anesthésies péridurales
(toutes indications confondues) arrive à la même conclusion, que les patients
soient traités par AINS ou par aspirine à dose AAP [8, 11, 12].

TABLEAU 20.3. Risque hémorragique lié aux gestes rachidiens chez des patients sous
anticoagulants
Risque hémorragique majeur - gestes épi/périduraux et intraduraux
- gestes foraminaux
- ponction-biopsie disco-vertébrale
- cimentoplastie
Risque hémorragique modéré - gestes articulaires postérieurs
- gestes costo-vertébraux
270 Rachis dégénératif

Il n'a pas été observé d'hématome épidural dans l'une ou l'autre étude. Aucune
donnée n'a par ailleurs été publiée sur le risque associé aux AAP de type
thiénopyridine, c'est-à-dire le clopidogrel et le prasugrel.
Sur ces bases scientifiques, plusieurs sociétés savantes – dont la SFAR – ont
émis des recommandations sur la pratique de l'anesthésie locorégionale chez les
patients sous traitement antithrombotique ou thrombolytique, les plus récentes
étant celles de l'American Society for Regional Anesthesia (ASRA) [8, 12]. Leurs
principales conclusions sont :
 il est possible de réaliser des gestes épi/périduraux sous aspirine ou AINS ;
 du fait de l'absence de données de la littérature, il est recommandé de ne pas
réaliser de tels gestes sous clopidogrel et/ou prasugrel (ou de les arrêter 5 à 7 jours
avant ; cf. supra).

Autres gestes rachidiens de risque hémorragique élevé


et AAP
Dans ce domaine, on ne dispose d'aucune donnée de la littérature ni de recom-
mandation. De ce fait, le principe de précaution est souvent la règle, ce qui veut
dire que l'on doit arrêter des AAP avant un tel geste après en avoir mesuré les
risques sur le plan coronarien.

Gestes articulaires postérieurs ou costo-vertébraux


et AAP
La seule étude existant dans la littérature est une enquête d'opinion auprès
d'experts, en faveur d'un risque faible pour les infiltrations articulaires
postérieures, avec, en cas de saignement, une probabilité d'aggravation quasi
nulle [13]. Plus récemment, les résultats d'une étude du même type présentée
lors du congrès annuel de la Société française de rhumatologie (SFR) allaient
exactement dans le même sens : la réalisation d'un geste apophysaire postérieur
– tous types confondus – n'aurait posé aucun problème aux praticiens
interrogés.

Conclusion
La réalisation de gestes rachidiens sous AAP nécessite la définition de prises en
charge plus standardisées, et ce d'autant plus qu'il existe dans la littérature un
certain nombre de données permettant de dépasser le seul principe de précaution,
lequel laisse régulièrement le patient dans une sorte d'impasse thérapeutique. Un
tel consensus devrait être bientôt disponible grâce à un travail formalisé réalisé en
partenariat avec l'HAS et plusieurs sociétés savantes dont la SFR qui pilote le
groupe de réflexion sur les gestes percutanés.
Gestes rachidiens et anti-agrégation plaquettaire 271

Références
1 Collet JP, Montalescot G, Blanchet B, et al. Impact of prior use or recent withdrawal of oral
antiplatelet agents on acute coronary syndromes. Circulation 2004 ; 110 : 2361-7.
2 Le Feuvre C, Montalescot G, Rosey G, et al. Predictive factors of cardiac events after implantation
of sirolimus-eluting stents for treatment of in-stent restenosis. Int J Cardiol 2006 ; 109 : 207-12.
3 Grines CL, Bonow RO, Casey DE Jr, et al. Prevention of premature discontinuation of dual
antiplatelet therapy in patients with coronary artery stents: a science advisory from the American
Heart Association, American College of Cardiology, Society for Cardiovascular Angiography
and Interventions, American College of Surgeons, and American Dental Association, with repre-
sentation from the American College of Physicians. Circulation 2007 ; 115 : 813-8.
4 Fox KA, Mehta SR, Peters R, et al. Benefits and risks of the combination of clopidogrel and
aspirin in patients undergoing surgical revascularization for non-ST-elevation acute coronary
syndrome: the Clopidogrel in Unstable angina to prevent Recurrent ischemic Events (CURE)
Trial. Circulation 2004 ; 110 : 1202-8.
5 Price MJ, Coleman JL, Steinhubl SR, et al. Onset and offset of platelet inhibition after high-dose
clopidogrel loading and standard daily therapy measured by a point-of-care assay in healthy
volunteers. Am J Cardiol 2006 ; 98 : 681-4.
6 Price MJ, Teirstein PS. Dynamics of platelet functional recovery following a clopidogrel loading
dose in healthy volunteers. Am J Cardiol 2008 ; 102 : 790-5.
7 Wiviott SD, Braunwald E, McCabe CH et al. Prasugrel versus clopidogrel in patients with acute
coronary syndromes. N Engl J Med 2007 ; 357 : 2001-15.
8 Horlocker TT, Wedel DJ, Rowlingson JC et al. Regional anesthesia in the patient receiving
antithrombotic or thrombolytic therapy: American Society of Regional Anesthesia and Pain
Medicine Evidence-Based Guidelines (Third Edition). Reg Anesth Pain Med 2010 ; 35 : 64-101.
9 Moen V, Dahlgren N, Irestedt L. Severe neurological complications after central neuraxial
blockades in Sweden 1990-1999. Anesthesiology 2004 ; 101 : 950-9.
10 Clasp CG. Clasp. a randomised trial of low-dose aspirin for the prevention and treatment of pre-
eclampsia among 9364 pregnant women. CLASP (Collaborative Low-dose Aspirin Study in
Pregnancy) Collaborative Group. Lancet 1994 ; 343 : 619-29.
11 Horlocker TT, Bajwa ZH, Ashraf Z, et al. Risk assessment of hemorrhagic complications asso-
ciated with nonsteroidal antiinflammatory medications in ambulatory pain clinic patients under-
going epidural steroid injection. Anesth Analg 2002 ; 95 : 1691-7.
12 Horlocker TT, Wedel DJ, Rowlingson JC, et al. Executive summary: regional anesthesia in the
patient receiving antithrombotic or thrombolytic therapy: American Society of Regional
Anesthesia and Pain Medicine Evidence-Based Guidelines (Third Edition). Reg Anesth Pain
Med 2010 ; 35 : 102-5.
13 Lemaire V, Charbonnier B, Gruel Y, et al. Joint injections in patients on antiplatelet or anti-
coagulant therapy: risk minimization. Joint Bone Spine 2002 ; 69 : 8-11.

Vous aimerez peut-être aussi