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Autres ouvrages
120 questions en gynécologie-obstétrique, par H. Marret, collection « Abrégés de médecine »,
2020, 616 pages.
Guide pratique de la contraception, par B. Raccah-Tebeka et G. Plu-Bureau, collection « Médiguides »,
2017, 304 pages.
Gynécologie pour le praticien, 9eédition, par J. Lansac et H. Marret, collection « Pour le Praticien »,
2017, 656 pages.
Pratique en gynécologie-obstétrique
Sous l'égide du Collège national
des gynécologues et obstétriciens français
Conseillers éditoriaux :
Brigitte Raccah-Tebeka, Philippe Descamps, François Goffinet
Manuel de sexologie
Coordonné par
Patrice Lopès
François-Xavier Poudat
4e édition
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
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Liste des collaborateurs
M. Amar, professeur émérite, Clinique du Parc, M. Chollier, psychologue clinicienne, CRIR AVS,
Nantes. service du professeur C. Lançon, hôpital Sainte-
N. Arnaud-Beauchamp†, sexologue, La Rochelle. Marguerite, Marseille.
S. Baron, praticien hospitalier, pédiatre endo- R. Clément, maître de conférences des universi-
crinologue, service de pédiatrie, hôpital Femme tés, praticien hospitalier.
Enfant Adolescent, Nantes. A. Colombel, endocrinologue–diabétologue, ser-
M. Beloncle, ancien chef de service du SMPR, vice de biologie et médecine du développement et
directeur du pôle de psychiatrie, centre hospitalier de la reproduction, centre hospitalier et universi-
et universitaire, Nantes. taire, Nantes.
L. Beltran, docteur en psychologie–sexologue, M.-H. Colson, médecin sexologue, directeur
Inserm, hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre, Paris. d’enseignement DIU de Sexologie, Marseille.
P. Blachère, psychiatre, Aix-Les-Bains. P. Costa, professeur des Universités, praticien
M. Bonierbale, psychiatre–sexologue, médecin hospitalier, chef du service d’urologie-andrologie,
expert dans l’unité de prise en charge des dyspho- centre hospitalier et universitaire Carémeau, Nîmes.
ries de genre, CRIR AVS service du professeur C. P. Cudicio, sexologue, ancien directeur chargé
Lançon, hôpital Sainte-Marguerite, Marseille. de cours au DIU de sexologie du Grand-Ouest,
O. Bouchot, professeur des Universités, praticien Rennes.
hospitalier, chef de service d’urologie, centre hos- B. Cuzin, urologue, sexologue, andrologue, hôpi-
pitalier et universitaire, Nantes. taux universitaires Lyon.
M. Bourin, psychiatre à la MAS de Montredon A. Deneux, psychiatre–psychanalyste, membre de
les Corbières, professeur des Universités, neuro- l’Institut français d’analyse de groupe et de psy-
biologie de l’anxiété et de la dépression, Nantes. chodrame, Nantes.
P. Brenot, psychiatre, anthropologue, directeur N. Dessaux, psychologue sexologue, coordina-
des enseignements de sexologie à l’université de trice pédagogique du DIU de sexologie de Nantes.
Paris. J.-R. Dintrans, psychiatre–sexologue, chargé de
J. Buvat, spécialiste en médecine interne, endo- cours à Paris V, enseignant à l’AFTCC, président
crinologie et maladies métaboliques, neuropsy- du CEEDRES, Paris.
chiatrie et sexologie, ancien président de la Société G. Durand, médecin gynécologue, ancien méde-
francophone de médecine sexuelle, past-President cin consultant du CHU, Montpellier, fondatrice
International Society for sexual medicine, Lille. du groupe de réflexion éthique Labyrinthe.
C. Cabanis, gynécologue–sexothérapeute, Tou- A. Durandeau†, médecin psychosomaticien,
louse. directeur d’enseignement du cursus de sexualité
J.-P. Chansigau, gynécologue–obstétricien. Ancien humaine et sexologie, faculté de médecine Paris
maître de conférences des Universités, praticien hos- XIII Bobigny, Paris VI Pitié-Salpêtrière, Paris XI
pitalier. Centre hospitalier et universitaire, Poitiers. Bicêtre, Senaillac-Lauzes.
M. Chevret-Measson, psychiatre–sexologue, dir Y. Ferroul, médecin–sexologue, Villeneuve d’Ascq.
ecteur de l’enseignement des diplômes interuni- G. Garnier, psychiatre, praticien hospitalier,
versitaires de sexologie et diplôme universitaire de CRIAVS Pays-de-la-Loire, SMPR CHU de Nantes.
sexualité humaine, Lyon I.
XIV Liste des collaborateurs
Manuel de sexologie
© 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
2 Manuel de sexologie
Le déterminisme du sexe repose sur une base stades du développement de hCG dont l'action
multigénique complexe et de très nombreux est médiée par le récepteur à la LH, présent à la
gènes ont été identifiés dans la régulation des surface des cellules de Leydig (LH/CGR).
stades précoces et tardifs du développement gona- En l'absence des gènes du déterminisme sexuel
dique. Il est important de souligner que la plu- masculin, la gonade primitive évolue vers la forma-
part des facteurs géniques initialement identifiés tion d'un ovaire. Les cellules germinales vont résider
sont essentiellement impliqués dans la différencia- près de la surface de la gonade. Contrairement au
tion testiculaire. La connaissance des mécanismes développement testiculaire, les cordons sexuels pri-
de régulation de la différenciation ovarienne est mitifs dégénèrent. Toutefois, de nouveaux cordons
beaucoup plus récente. sexuels se forment, à partir de l'épithélium cœlo-
mique, qui demeurent près de la surface externe
de la gonade pour former des cordons sexuels cor-
Mise en place des gonades : ticaux. Les cellules germinales s'incorporent dans
ces cordons corticaux qui se fragmentent autour de
rappel embryologique
chaque cellule germinale et se différencier en cel-
Les premières ébauches embryonnaires appa- lules de la granulosa. Ces cellules forment avec les
raissent vers la 5e semaine de la gestation à la partie cellules germinales, les follicules ovariens qui vont
médioventrale du mésonéphros sous la forme d'un diffuser dans l'épithélium de la gonade.
épaississement de l'épithélium qui forme la crête
génitale. L'épithélium cœlomique prolifère dans
le tissu conjonctif mésenchymateux profond sus- Gènes du déterminisme sexuel
jacent pour former les cordons sexuels. Les cel-
Stades précoces
lules germinales migrent dans la gonade humaine
du développement gonadique
au cours de la 6e semaine. Celle-ci va rester à un
stade indifférencié jusqu'à la 7e semaine de vie Plusieurs gènes jouent un rôle dans la différencia-
et apparaît identique à la fois chez les embryons tion de la crête génitale pour former la gonade
XX et XY. On parle de gonade indifférenciée ou primitive.
bipotente. Un des premiers gènes identifiés est le gène
Si le fœtus est XY, les cordons sexuels conti- WT1 (Wilms Tumor-suppressor gene) localisé que
nuent à proliférer, formant un réseau de cordons le chromosome 13 qui intervient précocement
qui vont se désolidariser de l'épithélium de surface dans la morphogenèse gonadique et rénale. Il est
dont ils vont être séparés par une épaisse matrice exprimé très tôt, dès la 6e semaine du développe-
collagénique qui constitue l'albuginée. Les cel- ment au niveau de la crête urogénitale, puis toute
lules de Sertoli se différencient à l'intérieur des la vie dans les gonades, au niveau des cellules de
cordons sexuels pour diffuser en périphérie et for- Sertoli du testicule et de la granulosa de l'ovaire.
mer lors du développement des cordons sexuels, Le gène WT1 semble nécessaire à double dose
les tubes séminifères. Environ une semaine après (deux allèles normaux) pour la détermination du
la différenciation des cellules de Sertoli, les cel- testicule, alors que le développement de l'ovaire
lules de Leydig se différencient à partir des cel- peut se faire en présence d'un seul allèle normal.
lules du mésenchyme présentes entre les cordons Les mutations de WT1 associent des troubles de
sexuels primitifs. Les cellules de Sertoli sont fonc- la différenciation sexuelle (DSD 46, XY partiel
tionnelles dès la 7e semaine de vie et produisent la ou complet) à des anomalies rénales (insuffisance
première hormone sexuelle, l'hormone anti-mül- rénale aiguë et néphroblastome dans le syndrome
lérienne (AMH), qui va inhiber le développement de Denys-Drash, néphropathie glomérulaire à
des canaux de Müller (cf. infra). Une semaine plus évolution lente dans le syndrome de Frasier). Le
tard, le testicule fœtal a la capacité de produire syndrome WAGR (tumeur de Wilm's, Aniridie
la testostérone par les cellules de Leydig. Cette et anomalies Génitales avec Retard mental) asso-
sécrétion est sous la dépendance dans les premiers cie tumeur rénale de Wilm's, aniridie partielle
Chapitre 1. Bases génétiques et anatomophysiologiques de la sexualité humaine 3
de différenciation par défaut lié à l'absence du pas exprimé dans le tissu testiculaire. Une mutation
gène SRY. homozygote inactivatrice de RSPO1 est responsable
Des travaux génétiques récents soulignent le fait d'une réversion sexuelle de type XX femelle vers
qu'il existerait au moins deux voies majeures de mâle. RSPO1 est impliqué dans la signalisation de
régulation qui interviendraient simultanément en la voie WNT4 (1p35) qui permet la stabilisation de
inhibant les gènes du développement testiculaire la forme canonique de la β-caténine. Ces deux fac-
et en activant une cascade génique spécifique de teurs jouent donc un rôle important dans la déter-
la différenciation ovarienne. Elles font intervenir mination du sexe féminin et la différenciation des
le facteur de transcription FOXL2 et la voie de la gonades en ovaires en assurant un niveau suffisant de
β-caténine activée par les facteurs R-spondine 1 β-caténine dans les cellules somatiques ovariennes.
(RSPO1) et WNT4. FOXL2 et RSPO1/ Ainsi, au cours de la différenciation ovarienne,
WNT4/β-caténine agissent par deux voies indé- l'activation de la voie de signalisation de β-caténine
pendantes. La question majeure qui reste posée canonique entraîne la dégradation de SOX9, empê-
concerne l'existence et la caractérisation d'un gène chant la différenciation testiculaire. La β-caténine est
de détermination ovarienne chez les mammifères donc un facteur pro-ovarien et antitesticulaire. De
(équivalent au gène SRY chez le mâle) qui initierait fait, l'invalidation de RSPO1 ou de WNT4 induit
et contrôlerait l'expression de FOXL2 et RSPO1 une masculinisation de la gonade XX. La mutation
dans l'ébauche gonadique XX. homozygote de WNT4 qui est létale est responsable
Ces différents réseaux de gènes contrôleraient du développement testiculaire chez un fœtus 46,XX
ainsi toutes les étapes de la différenciation ova- associé à des anomalies rénales, surrénaliennes et
rienne, à savoir la formation de la gonade bipo- pulmonaires. Dans la forme hétérozygote, elle est
tentielle, la différenciation des cellules somatiques responsable d'un syndrome proche du syndrome
(folliculaires ou de granulosa), l'initiation de la de Rokitansky–Kuster–Hauser avec agénésie uté-
méiose des ovogonies et la formation des follicules rine mais hyperandrogénie modérée. À l'inverse,
primordiaux. une duplication de WNT4 a été rapportée chez des
FOXL2 (3q22.3) est un facteur de transcrip- sujets 46, XY présentant une ambigüité sexuelle avec
tion essentiel à la différenciation de l'ovaire. Des hypospadias marqué, bandelettes gonadiques et uté-
mutations de FOXL2 sont responsables chez l'hu- rus et vagin rudimentaires. Les mutations de RSPO1
main de tableaux d'IOP associée à des anomalies sont responsables de tableaux proches de ceux des
du développement des paupières (blépharophy- mutations de WNT4. Une mutation homozygote
mosis). Chez la souris, l'expression des facteurs de RSPO1 a été rapportée dans une famille de
FOXL2 et SOX9 est mutuellement exclusive, ce quatre frères (46,XX) présentant une ambigüité
qui renvoie au mécanisme de programmation sexuelle de type masculine avec hypospadias et des
initiale de la gonade où ces deux facteurs condi- anomalies gonadiques avec ovotestis ou présence de
tionneraient la différenciation mâle ou femelle. tissu testiculaire marqué par une hyperplasie des cel-
Plusieurs gènes cibles de FOXL2 ont été identi- lules de Leydig.
fiés, ces facteurs régulant positivement les gènes
ovariens (DAX1) et négativement les gènes testi-
culaires (SOX9, AMH). De plus, FOXL2 contri- Différenciation sexuelle
bue au maintien de la fonction ovarienne chez
l'adulte. Il est exprimé par les cellules de la gra- Principales étapes
nulosa où il contrôle l'expression de l'aromatase de la différenciation
et donc la synthèse des estrogènes, permettant de sexuelle (tableau 1.1)
réprimer l'expression de SOX9.
Le gène R-spondine 1 (1p34.3) a été identifié en Au cours de la période ambisexuée, jusqu'à envi-
2006 et apparaît jouer également un rôle clé dans ron la 6e semaine de vie, les précurseurs embryo-
la différenciation ovarienne. Il est exprimé précoce- logiques des futurs tractus génitaux internes
ment au cours du développement ovarien et n'est masculins et féminins coexistent tant chez l'em-
Chapitre 1. Bases génétiques et anatomophysiologiques de la sexualité humaine 5
Tableau 1.1 Chronologie de la différenciation sexuelle masculine et féminine et principaux facteurs géniques impliqués.
Gènes impliqués Développement gonadique et du tractus Développement des organes génitaux
génital interne externes
Chronologie 46,XY 46,XX 46,XY 46,XX
5–6 semaines WT1, SF1 Gonade primitive bipotente
Tractus génital interne indifférencié
6 semaines SRY, SOX9 (H) Différenciation –
testiculaire
Tractus génital externe indifférencié
7 semaines DAX1 (H) Sécrétion d'AMH Différenciation
DAX1 (F) Régression des ovarienne
FOXL2 canaux de Müller
RSPO1/
WNT4/β-caténine
8 semaines SF1, AMH (H) Sécrétion de – Début de la –
LH/CGR, AR, SRD5A2 testostérone masculinisation des
Différenciation des OGE
canaux de Wolff
10–15 semaines SF1, AMH (H) Différenciation Prolifération des Fin de la Différenciation
LH/CGR, AR, SRD5A2 complète du tractus canaux de Müller masculinisation des féminine des OGE
WNT4 (F) génital interne Régression des OGE
canaux de Wolff
OGE = organes génitaux externes ; (H) = expression chez le fœtus 46,XY ; (F) = expression chez le fœtus 46,XX.
bryon XY que chez l'embryon XX. Les canaux entre les canaux de Müller et le sinus urogénital,
de Wolff, précurseurs chez le garçon notamment se produisent un épaississement et la prolifération
des canaux déférents, dérivent des canaux excré- de l'épithélium, qui formera les deux tiers infé-
toires du mésonéphros à partir de la 4e semaine. rieurs de la cavité vaginale.
Les canaux de Müller, qui se différencient ulté- Le développement du tractus génital externe
rieurement chez la fille pour former les trompes, obéit aux mêmes principes de régulation que le trac-
l'utérus et le tiers supérieur du vagin, se forment tus génital interne. Jusqu'à la 8e semaine de vie, le
aux alentours de la 6e semaine à partir d'une inva- tractus externe reste indifférencié et comporte deux
gination de l'épithélium cœlomique, latéralement bourrelets labioscrotaux et le tubercule génital :
aux canaux de Wolff. • sous l'influence des androgènes, le tubercule
Chez le fœtus XY, la production de l'AMH génital se différencie pour former la verge. La
par les cellules de Sertoli débute à la 7e semaine taille des bourrelets labioscrotaux augmente et
et entraîne la régression des canaux de Müller. fusionne dans la partie médiane pour former le
La « fenêtre » d'action de cette hormone est très scrotum. Le sinus urogénital se différencie pour
étroite et au-delà de la 8e semaine les canaux de former l'urètre pénien. Chez le garçon, la diffé-
Müller deviennent insensibles à son action. Sous renciation du tractus génital externe est termi-
l'action de la testostérone, produite à partir de la née vers la 12–13e semaine ;
8e semaine par les cellules de Leydig, les canaux de • chez la fille, la féminisation du tractus génital
Wolff se différencient pour former l'épididyme, les externe se déroule plus lentement. Au cours du
canaux déférents et les vésicules séminales. 3e mois, en l'absence d'androgènes, le tubercule
Chez le fœtus XX, la différenciation du tractus génital forme le clitoris. Les replis génitaux ne
génital interne se fait de manière « passive », en fusionnent pas et forment les petites lèvres, et
l'absence de sécrétions hormonales. En l'absence les bourrelets génitaux se développent, mais ne
d'androgènes, les canaux de Wolff régressent vers se soudent pas pour donner les grandes lèvres.
la 10e semaine de vie et en l'absence d'AMH, les Le sinus urogénital se différencie pour former la
canaux de Müller se différencient. À la jonction partie basse du vagin et l'urètre.
6 Manuel de sexologie
Mont du pubis (anc. mont de Vénus) adossé au bulbe vestibulaire. L'extrémité anté-
Cette saillie située devant la symphyse pubienne, rieure présente deux replis :
entre les plis de l'aine, est composée essentielle- • un repli antérieur ou prépuce clitoridien dont
ment de tissu cellulo-adipeux en continuité avec l'excision constitue la circoncision féminine ;
les grandes lèvres. Il est recouvert de poils. • un repli postérieur ou frein du clitoris.
Les nymphes sont des lames fibroconjonctives
Grandes lèvres (figure 1.1) riches en filets nerveux et vaisseaux (structure
La face latérale, ou sillon génitofémoral, est recou- proche des corps érectiles). Elles présentent égale
verte de poils. La face médiale ou nympholabiale ment des glandes sébacées (glandes vestibulaires
est glabre et humidifiée par les sécrétions. La com- mineures), plus nombreuses chez les femmes
missure postérieure est marquée par une petite brunes. Les nymphes sont rosées, humides et
dépression ou fosse du vestibule du vagin (anc. glabres. Elles présentent de nombreuses variations
fossette naviculaire). Cette zone présente chez la anatomiques, selon l'âge (peu développées chez
plupart des femmes une sensibilité importante, l'enfant), selon les populations (leur excès de lon-
comparable à celle des petites lèvres. Cette zone gueur en Perse et en Turquie nécessite parfois leur
est souvent lésée au moment de l'accouchement. excision), selon les individus (30 % affleurent les
La structure des grandes lèvres est marquée par grandes lèvres pour 50 % qui font saillie à l'exté-
la terminaison du ligament rond de l'utérus et le rieur). Les nymphes dirigent le jet d'urine (comme
muscle dartos labial qui, comme son équivalent les nymphes, divinités grecques, dirigeaient le flux
masculin, est un muscle peaucier. Les grandes des rivières et des fontaines). Elles se rejoignent
lèvres présentent des glandes sébacées et sudori- au-dessus du clitoris et leur mobilisation joue un
pares (glandes vestibulaires mineures). Le corps rôle considérable dans sa stimulation lors du rap-
adipeux est une structure fibro-adipeuse adhérente port sexuel. Durant le cycle de réponse sexuelle,
aux muscles adducteurs, et qui facilite l'ouverture elles subissent des modifications similaires aux
de la fente vulvaire lors de l'abduction des cuisses. grandes lèvres.
Durant le cycle de réponse sexuelle, les grandes
lèvres subissent une congestion qui devient maxi- Espace interlabial ou canal vulvaire (figure 1.2)
male durant la phase orgasmique pour régresser Le canal vulvaire est limité par les formations
en phase de résolution. labiales latéralement et le clitoris en avant. Il s'agit
d'un canal virtuel de 6 à 7 cm de long pour 2
Petites lèvres ou nymphes à 3 cm de large et 5 à 6 cm de profondeur qui
Elles sont limitées par le sillon nympholabial et le s'ouvre dans le vagin. Il se divise en vestibule de
sillon nympho-hyménéal. Le bord adhérent est l'urètre féminin et vestibule du vagin.
Le vestibule du vagin forme l'orifice externe
du vagin dont il est séparé par l'hymen. L'ostium
des glandes vestibulaires majeures (anc. glandes
de Bartholin) s'ouvre au niveau du sillon
nympho-hyménéal.
Le vestibule de l'urètre féminin prolonge le
vestibule du vagin et voit en son centre l'ouver-
ture de l'ostium externe de l'urètre et la papille
urétrale. La carina urétrale du vagin forme une
saillie au-dessous de l'ostium externe de l'urètre.
Le frein du clitoris, repli postérieur de l'extrémité
antérieure des petites lèvres, se prolonge jusqu'au
méat urinaire par une bandelette longitudinale
Figure 1.1 Terminaisons du ligament rond.
ou bride masculine du vestibule. Vestige de la
© Carole Fumat formation pénienne de l'urètre masculin, elle est
Chapitre 1. Bases génétiques et anatomophysiologiques de la sexualité humaine 9
prépuce du clitoris
gland du clitoris
frein du clitoris
vestibule
de l’urètre
bride masculine du vestibule
carina urétrale
du vagin
ostium externe
de l’urètre
vestibule
orifice du canal
du vagin
des glandes para-
urétrales
(glandes de Skène)
plus apparente chez la fille vierge. L'ostium des petites avant la puberté, elles augmentent rapide-
glandes para-urétrales (anc. glandes de Skène) ment de volume, pour régresser en période méno-
s'ouvre de chaque côté de l'ostium externe de pausique. Le conduit excréteur long de 1 à 2 cm
l'urètre féminin. s'ouvre à l'union 1/3 moyen 1/3 postérieur, du
sillon nympho-hyménéal. La glande vestibulaire
Hymen (grec hymen : membrane) majeure est une glande en grappe dont les lobules
L'hymen est un repli muqueux séparant la cavité sont séparés par des fibres musculaires lisses et
vaginale du vestibule. Cette formation est spécifi- striées (ces dernières proviennent du muscle
quement humaine (elle existe à l'état rudimentaire constricteur du vagin).
chez certains animaux). Généralement incomplet, Les glandes vestibulaires majeures sécrètent,
il représente le vestige de la membrane du sinus lors des rapports sexuels, un liquide filant, onc-
urogénital après résorption de la plaque vagi- tueux et incolore, qui contribue classiquement à
nale. Cette membrane se rompt habituellement la lubrification de la vulve et du vestibule du vagin
aux alentours de la naissance. La déchirure lors durant la phase d'excitation sexuelle. Toutefois ce
du premier rapport sexuel peut s'accompagner rôle n'a jamais été prouvé et constituerait un fac-
d'un léger saignement et les lambeaux cicatrisés teur négligeable, puisque ces glandes n'émettent
sont nommés caroncules hyménéaux. Sa résis- que deux à trois gouttes. Il est plus probable que
tance est variable, et il est inexact de croire qu'elle cette lubrification est réalisée par le vagin et que
augmente avec l'âge. Les variations anatomiques les glandes vestibulaires majeures sont vraisem-
sont nombreuses, rendant difficile l'affirmation blablement des vestiges analogues aux glandes
d'une déchirure hyménéale lors d'un examen bulbo-urétrales (anc. glandes de Mery-Cowper)
médico-légal. qui interviennent dans la formation du sperme.
Glandes vestibulaires Glandes vestibulaires mineures
Glandes vestibulaires majeures Elles sont constituées par l'ensemble des glandes
(anc. glandes de Bartholin) sébacées et sudoripares disséminées à la superficie
Ce sont des glandes mucipares paires, de la paroi des formations labiales (grandes et petites lèvres).
postérolatérale du vestibule du vagin. Elles sont Elles sécrètent une matière épaisse, blanchâtre
situées dans l'espace superficiel du périnée (loge et onctueuse rappelant le smegma préputial. Ces
des corps érectiles) et sont en rapport avec l'ex- sécrétions, après avoir été modifiées par les bac-
trémité du bulbe du vestibule. Elles sont aplaties téries saprophytes de la peau, sont vraisemblable-
transversalement et leur taille varie avec l'âge : ment à l'origine de la plus grande partie de l'odeur
10 Manuel de sexologie
glande urétrale
clitoris
ostium du conduit
de la glande para-
urétrale
de diamètre. À l'état d'érection, les dimensions pubienne) et en haut sur le fascia superficiel du
augmentent très peu et le corps garde la même diaphragme urogénital. Ils sont recouverts par les
direction. Le corps du clitoris est formé de tissu muscles ischiocaverneux. Leur contraction pro-
érectile (lacunes vasculaires et cloisons conjonc- voque l'abaissement du clitoris.
tives incomplètes riches en fibres musculaires
lisses). Le gland est constitué de tissu fibro-élas- Bulbe du vestibule
tique avec quelques îlots de tissu érectile. Il constitue l'équivalent du corps spongieux mas-
La clitoridectomie ou ablation du clitoris est un culin, dédoublé en raison de l'interposition du
acte rituel encore très souvent pratiqué en Afrique vagin. Il s'agit d'une formation paire de tissu érec-
noire. Toutefois dans l'Europe du xviiie siècle, tile, de forme ovoïde, longue de 35 mm, entourant
cette intervention était largement pratiquée pour le vestibule du vagin. Son extrémité postérieure
diverses raisons : folie, épilepsie, hystérie, mastur- repousse la glande vestibulaire majeure. Les deux
bation, nymphomanie. extrémités antérieures s'unissent par la commis-
La levée d'adhérences du prépuce clitoridien sure des bulbes. Le bulbe vestibulaire est réuni
constitue, particulièrement aux États-Unis, une au corps caverneux par l'intermédiaire de veines
intervention à la mode pour le traitement de la bulbaires et clitoridiennes formant un important
frigidité ou de l'anorgasmie. Les résultats sont réseau anastomotique, ou réseau intermédiaire (de
loin d'être significatifs. Durant le cycle de réponse Kobelt). Le bulbe vestibulaire est recouvert par
sexuelle, le clitoris augmente de volume durant les muscles bulbospongieux dont la contraction
la phase d'excitation pour se rétracter sous son participe à l'érection en chassant le sang vers le
prépuce durant la phase en plateau. Il redevient clitoris. Le bulbe du vestibule est un corps érectile
surplombant et entame sa détumescence durant la imparfait, car pauvre en fibres musculaires lisses.
phase de résolution tout en restant d'une sensibi-
lité extrême, voire douloureuse.
Diaphragme pelvien (figure 1.5)
Piliers du clitoris (figure 1.4) Le diaphragme pelvien est une cloison muscu-
Ils sont constitués par les deux corps caverneux lotendineuse transversale du petit bassin entre
du clitoris, formations de tissu érectile situées dans pelvis et périnée. Il présente une fente traversée
l'espace superficiel du périnée. Ils convergent en par l'urètre, le rectum et le vagin. Il joue un rôle
avant vers la symphyse pubienne, pour former important dans la statique et la dynamique des
le corps du clitoris. Ils sont fixés, en bas sur la viscères pelviens mais également lors des relations
branche inférieure du pubis (anc. branche ischio- sexuelles. Il est constitué par les muscles élévateurs
coude
hampe corps
prépuce
réseau intermédiaire
(Kobelt)
frein
gland
corps caverneux
(piliers du clitoris)
bulbe vestibulaire
muscle constricteur
du vagin
faisceau pubovaginal
centre tendineux
du périnée
faisceau pubo-rectal
faisceau pubo-
coccygien
ligament ano-coccygien
lorsque ces organes sont en réplétion. En phase médiaire ou corps, libre et mobile, et une partie
orgasmique, la contraction des muscles élévateurs terminale renflée, le gland. Le gland est recouvert
de l'anus provoque une dépression distale de la par le prépuce. La base est cernée par un bourre-
paroi ou « mare séminale » dans laquelle baigne le let ou couronne du gland dont la muqueuse est
col utérin. La face antérieure du vagin joue un rôle riche en petites glandes qui sécrètent une matière
important lors des relations sexuelles : les colonnes pâteuse, blanchâtre et onctueuse ou smegma, alors
vaginales sont des pseudo-corps érectiles qui que la muqueuse prépuciale ne présente aucune
s'enflent sous l'effet des stimulations sexuelles. De glande. La circoncision consiste à sectionner le
même, le septum vésicovaginal serait pour certains prépuce. Décrite pour la première fois en Égypte
auteurs l'équivalent embryologique du corps spon- ancienne, l'origine vient vraisemblablement d'une
gieux dont il posséderait la même texture fibro- coutume plus primitive originaire d'Afrique cen-
élastique, riche en lacunes vasculaires et en filets et trale et usitée en Égypte. La circoncision est
corpuscules nerveux. Colonnes vaginales et septum vraisemblablement de nature sacrificielle. La cir-
vésicovaginal joueraient ainsi un rôle prépondérant concision et la fonction sexuelle ont fait l'objet de
dans la survenue de l'orgasme vaginal. Le vagin polémiques selon lesquelles les hommes incircon-
subit d'importantes modifications durant le cycle cis seraient excités plus vite et plus enclins à une
de réponse sexuelle : dilatation avec ballonisation et éjaculation prématurée. Les études de Masters
élévation des 2/3 supérieurs, exsudation du liquide et Johnson n'ont mis en évidence aucune discri-
lubrificateur durant la phase d'excitation ; diminu- mination tactile aux tests neurologiques portant
tion du diamètre du 1/3 inférieur, resserrant le sur 312 hommes étudiés dont 35 circoncis. Le
pénis ; accumulation de l'exsudat dans le 1/3 supé- prépuce contribuerait peu ou pas au contrôle de
rieur où se collecte le sperme, et abaissement de la l'éjaculation masculine. Le gland est constitué
paroi antérieure provoquant la plongée du col dans par un renflement du corps spongieux. Le pénis
cette cuvette durant la phase de résolution. mesure, à l'état flaccide, de 7 à 12 cm et en érec-
tion de 12 à 21 cm. Ces dimensions sont variables
Utérus selon l'âge et les individus. Les dimensions du
L'utérus intervient vraisemblablement dans la pénis sont à l'origine du mythe phallique qui fait
sexualité féminine par l'intermédiaire des ligaments dire que « plus le pénis est long, plus l'homme
ronds. Ceux-ci ont leur origine au niveau des cornes se montre un partenaire efficace ». Les études de
utérines, et après avoir traversé le canal inguinal, se Masters et Johnson ont montré l'adaptation du
terminent en s'étalant dans les grandes lèvres et le vagin à la taille du pénis, les dimensions du pénis
mont du pubis. La mobilisation cervicale par le pénis ayant généralement un rôle mineur dans l'exci-
provoque vraisemblablement un étirement des liga- tation sexuelle féminine. Le pénis est constitué
ments avec stimulation vulvaire. Cet étirement liga- de formations érectiles (les corps caverneux et le
mentaire devient important par le redressement de corps spongieux) et d'enveloppes (fascia superfi-
l'utérus lors de la phase d'excitation, pour devenir ciel et profond du pénis et couche cutanée). Les
majeur lors de la phase en plateau. enveloppes du pénis sont vascularisées par l'artère
dorsale du pénis, l'artère périnéale, et les artères
honteuses externes. Les veines se drainent dans la
Organes sexuels veine dorsale superficielle du pénis. La vascularisa-
masculins (figure 1.6) tion des formations érectiles provient de l'artère
profonde du pénis et de l'artère dorsale de la
Organes érectiles verge. Les affections artérielles du territoire aorto-
iliaque diminuent l'apport sanguin des artères de
Pénis (figure 1.7)
la verge et une réparation minutieuse de la voie
Le pénis est l'organe de la copulation. Il pré- artérielle est souvent suivie de la guérison de l'im-
sente une racine postérieure fixée au périnée et à puissance masculine. Les veines se drainent dans
la branche inférieure du pubis, une partie inter- les veines profondes du pénis.
14 Manuel de sexologie
utricule prostatique
sinus prostatique
diaphragme uro-génital
glande bulbo-urétrale
corps caverneux
corps spongieux
urètre
fosse naviculaire
prépuce
veine dorsale
superficielle
veine dorsale
profonde
artère et nerf
dorsal du pénis
fascia profond
artère profonde
du pénis
albuginée
fascia superficiel
du corps caverneux
corps spongieux
urètre
ligne blanche
ligament suspenseur
du pénis
ligament
fondiforme muscle crémaster latéral
veine dorsale superficielle
cordon
veine dorsale profonde
testiculaire
fascia superficiel
du pénis
sexuel
Rapport sexuel
Dominique Maïza, Éric Huyghe
Sous l'effet d'une induction stimulant l'appé-
tit sexuel, le rapport sexuel entraîne un certain
Chez l'homme, le rapport sexuel a comme objectif nombre de modifications objectives anatomophy-
la survenue de l'orgasme qui est le point culminant siologiques au niveau des organes génitaux et au
de l'excitation sexuelle, et qui est contemporain niveau de l'organisme en général, aboutissant à la
de l'éjaculation. sensation subjective de plaisir sexuel.
En ce sens, on peut donc dire que l'orgasme
masculin est associé (voire nécessaire) à la féconda-
tion. Par contre, contrairement à de nombreuses Induction
espèces animales, la libération de l'ovule n'est pas
liée à l'orgasme féminin. De même, l'excitation L'induction du rapport sexuel est due à des stimulis
sexuelle féminine, bien que facilitatrice, n'est pas organiques ou comportementaux, sensoriels ou psy-
formellement nécessaire à la pénétrabilité vagi- chiques, provoquant un début d'intumescence des
nale. Cette disjonction entre fonction reproduc- zones érogènes primaires, dont nous verrons qu'elle
trice et plaisir sexuel féminin n'est en aucun cas un augmente la sensibilité réceptive de ces zones.
argument pour rejeter la nécessité biologique de Le seuil de déclenchement de cette induction
l'orgasme féminin. En effet, l'excitation sexuelle est variable, abaissé après une longue période de
féminine induit un certain nombre de modifica- chasteté ou augmenté lorsque la l'appétit sexuel
tions biologiques facilitant le rapport sexuel telles est apaisé. À l'état de veille, ce seuil est largement
que la lubrification vaginale ou la mise en jeu de sous la dépendance du contrôle cortical et de la
la contraction réflexe des muscles périvaginaux fantasmatique de l'individu.
qui en stimulant le gland assure une érection plus
rigide et plus durable. Quant à l'orgasme féminin
Phénomènes génitaux
à proprement parler, il apparaît comme :
• aboutissement physiologique de l'excitation C'est à leur niveau que la réaction sexuelle montre
sexuelle ; au mieux, lorsqu'elle est complète, l'évolution
18 Manuel de sexologie
Tableau 1.3 Phénomènes génitaux observés chez l'homme et chez la femme au cours des différentes phases d'un
rapport sexuel.
Phase d'excitation Phase en plateau Phase de l'orgasme Phase de résolution
Homme Érection Érection maximale Éjaculation Retour à l'état antérieur
Ascension testiculaire Période réfractaire
Femme Lubrification Congestion périvaginale Contraction rythmique Détumescence
Début d'expansion Ballonisation des culs-de- des muscles périvaginaux
vaginale sac vaginaux
Réponse sexuelle de la femme vagin n'a pas de relation anatomique avec le clito-
La lubrification vaginale n'est pas une sécrétion, ris, et le clitoris est un organe périnéal alors que le
mais une véritable transsudation en rapport avec point G supposé se trouve dans l'urètre pelvien.
la congestion vasculaire provoquée par l'excita- Les experts en médecine sexuelle et les sexologues
tion sexuelle. Cette phase congestive est suivie doivent informer les femmes des bases biologiques
d'une dilatation des culs-de-sac vaginaux et d'une de l'orgasme féminin. L'orgasme féminin s'accom-
contraction des muscles périvaginaux créant dans pagne de contractions rythmiques involontaires du
le vagin deux zones : une zone de forte pression diaphragme pelvien au nombre de trois à cinq, sur-
au niveau du tiers externe du vagin et une zone venant à 0,8 seconde d'intervalle. La participation
de faible pression liée à la dilatation des culs- prépondérante du clitoris ou du vagin dans la sur-
de-sac vaginaux au niveau des 2/3 internes du venue de l'orgasme féminin a fait couler beaucoup
vagin. Lavoisier a bien montré que le gradient de d'encre sans raison car il est artificiel d'opposer les
pression intravaginal intervient dans l'interaction différentes structures anatomiques toutes impli-
génitale homme-femme au cours du coït, cette quées dans la réaction sexuelle féminine.
interaction constituant la cybernétique coïtale. L'orgasme du point G/vaginal/clitoridien,
Sous l'effet de la stimulation par le gland de la comme l'orgasme activé par le vagin ou l'orgasme
partie externe du vagin, se produit par voie réflexe activé par le clitoris sont des termes incorrects :
la chambre vaginale à double système de pression, « orgasme masculin », « orgasme féminin » sont les
créant ainsi un delta de pression auquel est soumis seuls termes corrects. L'orgasme « vaginal » que
le gland au cours des mouvements de va- et-vient certaines femmes signalent est toujours causé par
du coït. Ce delta de pression stimulant le gland, les organes érectiles environnants (déclencheurs de
favorise chez l'homme la réponse vasculaire et le l'orgasme féminin). Le pénis masculin ne peut pas
réflexe ischiocaverneux, améliorant ainsi la qua- entrer en contact avec le plexus veineux de Kobelt
lité de l'érection. Une érection plus rigide et plus ou avec le clitoris lors de rapports vaginaux. En
durable détermine alors par voie réflexe chez la outre, l'éjaculation féminine, l'éjaculation précoce,
femme la contraction des muscles périvaginaux. le trouble d'excitation génitale persistante (TAGP),
C'est ce que les cybernéticiens appellent le « bio- le gland périurétral, la composante génitosenso-
feedback positif ». rielle vaginale-cervicale du nerf vague et l'amplifi-
L'anatomie du clitoris et sa physiologie au cours cation du point G sont des termes sans fondement
du rapport sexuel sont à présent mieux connues scientifique. La satisfaction sexuelle féminine est
grâce aux travaux de P. Foldes, et sont résu- basée sur l'orgasme et la résolution : chez toutes
mées dans plusieurs articles récents (dont celui les femmes, l'orgasme est toujours possible si les
de Puppo et al). Lavoisier avait mis en évidence organes érectiles féminins, constituant le clitoris,
une augmentation réflexe du débit vasculaire dans sont efficacement stimulés pendant la masturba-
les artères clitoridiennes lors de la stimulation de tion, le cunnilingus, la masturbation du partenaire,
la paroi vaginale, cette réponse vasculaire étant ou pendant le rapport vaginal/anal si le clitoris est
identique à celle de l'homme pendant la phase de simplement stimulé avec un doigt.
tumescence. D'après la nouvelle terminologie ana-
tomique, le clitoris interne/intérieur n'existe pas : Chronologie
le clitoris entier est un organe externe. Le clitoris La chronologie des différentes phases est sujette à
n'est pas composé de deux arcs mais du gland, du des variations individuelles.
corps, et de la crête ou des racines. « Bulbes clito- Schématiquement :
ridiens » est un terme incorrect d'un point de vue • la phase d'excitation dure de 2 à 5 minutes,
embryologique et anatomique : le terme correct habituellement plus longue chez la femme ;
est « bulbes vestibulaires ». Le complexe clitori- • la phase de plateau est très variable chez
dien ou clitoris-uréthro-vaginal n'a pas de support l'homme, pouvant durer de quelques minutes à
embryologique, anatomique et physiologique : le plus d'une heure.
20 Manuel de sexologie
L'orgasme ne dure que quelques secondes. bulbocaverneux sont impliqués dans le vaginisme
La phase résolutive entraîne une détumescence inférieur, tandis que le muscle pubovaginal est res-
des organes génitaux et le retour à la normale. La ponsable du vaginisme supérieur. Les muscles de
période réfractaire très variable est habituellement maintien de la posture sont difficilement contrô-
courte (voire absente) chez la femme que chez lables pendant le rapport sexuel et la recherche
l'homme. de leur contrôle peut nuire au bon déroulement
du coït. Les muscles permettant le maintien du
partenaire ou la stimulation de ses zones érogènes
Phénomènes extragénitaux restent sous contrôle de la volonté, jusqu'aux
approches de l'orgasme. L'intensité de la réponse
Malgré son initiation dans la région pelvigénitale, musculaire est sous la dépendance des centres
la réaction sexuelle intéresse tout l'organisme et moteurs extrapyramidaux.
hormis les seins, les réactions extragénitales sont
communes aux deux sexes. Nous ne décrirons que
les principales. Systématisation du
Les seins réagissent parallèlement aux zones
érogènes primaires. Ces réactions sont plus mani-
réflexe orgasmique
festes chez la femme qui n'a pas allaité. Le volume
global des seins augmente pendant la phase d'ex- Zones sensitives réflexogènes
citation et les muscles lisses du mamelon et de
Les zones érogènes, surfaces cutanées ou
l'aréole se contractent. Le mamelon durcit et s'ef-
muqueuses réflexogènes, sont de deux ordres :
file, mais il s'agit d'un thélotisme (contraction des
• les zones dites primaires dont l'excitation
muscles aréolaires projetant le mamelon) et non
est nécessaire pour provoquer le réflexe
d'une érection, les mamelons étant dépourvus de
orgasmique ;
tissu érectile.
• les zones dites secondaires, dont la stimulation
La peau manifeste deux réactions, la rougeur
met en état de réceptivité optimale les zones
sexuelle et l'hypersudation qui sont dues à la vaso-
primaires mais ne peut à elle seule déclencher le
dilatation cholinergique généralisée.
réflexe orgasmique.
Le cœur s'accélère. La fréquence cardiaque
Dans la pratique, ces zones secondaires inter-
atteint 100 à 120 pulsations par minute pen-
viennent les premières dans la physiologie de
dant la phase en plateau et peut atteindre 160 à
l'orgasme.
180 pulsations par minute pendant l'orgasme.
Parallèlement, la pression artérielle augmente de
3 à 4 cmHg. Zones érogènes secondaires
L'amplitude respiratoire augmente et la fré- On distingue trois localisations érogènes secon-
quence respiratoire peut atteindre 40 battements daires, dont l'effet érogène est de plus en plus
par minute. accentué :
Les muscles squelettiques assurant l'excitation • les zones extragénitales dont le pouvoir et
des zones érogènes restent longtemps sous le l'étendue sont variables selon les individus et
contrôle de la conscience. À l'approche de l'or- en général plus développées chez la femme que
gasme, la cadence de ces muscles s'accélère auto- chez l'homme : lèvres, nuque, faces latérales du
matiquement pour s'immobiliser en un spasme cou, face interne des bras, face antérieure du
tonique pendant l'orgasme. Les muscles satellites poignet, ventre, face interne des cuisses… ;
des régions génitales (adducteurs des cuisses, fes- • les zones péri- et paragénitales. Les unes ont le
siers, muscles de la paroi abdominale) entrent en même pouvoir dans les deux sexes (bas-ventre,
synergie fonctionnelle avec les muscles pelvipé- région inguinale, région obturatrice et périnée) ;
rinéaux pour renforcer l'action automatique de d'autres sont spécifiques de la femme : les seins
ceux-ci maintenant la tumescence. Les muscles ont chez la femme un pouvoir érogène consi-
Chapitre 1. Bases génétiques et anatomophysiologiques de la sexualité humaine 21
dérable ; leur stimulation peut, chez certaines mais dans la similitude fonctionnelle des centres
femmes, sinon déclencher l'orgasme, amener à qu'ils informent. On note ainsi :
un niveau d'excitation sexuelle proche de celui- • des particularités chimiques : on connaît ainsi
ci ; par contre, chez l'homme, l'érogénéité des l'antagonisme des androgènes et de la proges-
mamelons est très réduite ; térone ; dans les deux sexes, les androgènes
• les zones génitales qui comprennent l'ensemble sont nécessaires à la bonne trophicité des zones
des organes génitaux externes. réceptrices ; la progestérone en inhibant la
Les zones érogènes secondaires sont accessibles transformation de testostérone en son méta-
à de nombreux modes de stimulation. L'excitation bolite actif, la dihydrotestostérone, émousse la
de ces zones ne peut déclencher l'orgasme car son sensibilité érogène (derniers mois de la gros-
effet n'est pas cumulatif. Elle n'engendre donc sesse, pilules contraceptives fortement dosées
pas de lassitude. La sensibilité de ces zones est très en progestatifs) ;
riche et étendue à tous les modes, en particulier à • des particularités électriques : les unités fonction-
la douleur, ce qui en fait un gardien physiologique nelles provoquant l'orgasme fonctionnent comme
n'autorisant la stimulation des zones primaires que des condensateurs électriques. La phase d'excita-
par un solliciteur reconnu comme bienveillant. tion correspond à la mise en tension ; la phase en
plateau correspond à l'accumulation d'un certain
potentiel sensitif lié à des stimulations répétées.
Zones érogènes primaires Ce potentiel accumulé est brusquement déchargé
Elles sont strictement localisées dans la région lors de l'orgasme qui correspond à un message
génitale. L'homme n'en possède qu'une : le gland sensitif maximum. Après l'orgasme, les circuits
de la verge. La femme possède par contre une récupèrent leurs capacités après une période de
fonction érotique bifocale avec deux zones éro- latence dite période réfractaire de durée variable
gènes primaires : le gland du clitoris et le canal selon la zone érogène primaire. Le clitoris et le
vaginal. Chacune des deux zones primaires de la vagin récupèrent très vite, ce qui explique la pos-
femme possède son autonomie orgasmique mais sibilité de plusieurs orgasmes clitoridiens ou vagi-
leur fonctionnement est habituellement syner- naux successifs au cours du même rapport sexuel,
gique. L'orgasme clitoridien joue un rôle de alors que le gland récupère beaucoup plus len-
catalyseur physiologique et l'assouvissement éro- tement, selon des facteurs individuels (âge, sexe,
tique féminin complet comporte la survenue d'or- capacités personnelles…).
gasmes en provenance des deux zones primaires. Les zones érogènes primaires possèdent deux
Au plan histologique, seuls le gland de la verge particularités physiologiques :
et le gland du clitoris possèdent une différencia- • elles ont besoin d'une mise en condition sous
tion propre. Les corpuscules de Krause-Finger ou forme d'une intumescence pour transmettre leurs
corpuscules du gland transmettent sur le mode messages érogènes et c'est le rôle des zones éro-
extéroceptif conscient la sensibilité érogène. La gènes secondaires que d'effectuer cette mise en
paroi vaginale ne possède pas cette différenciation condition. La stimulation d'emblée des zones éro-
corpusculaire et seules quelques fibres réceptrices gènes primaires est inefficace, voire désagréable ;
de la paroi antéro-inférieure du vagin (point G mis • elles présentent un émoussement de la sensibi-
en évidence en 1944 par Gräfenberg et Dickinson) lité extra-érogène, thermique et surtout algique,
possèdent un renflement pseudo-corpusculaire. ce qui explique leur particulière endurance aux
La paroi vaginale transmet essentiellement ses microtraumatismes du rapport sexuel. Les dou-
messages érogènes sur le mode proprioceptif leurs ressenties lors des rapports sexuels dou-
conscient à partir de la stimulation de sa tunique loureux (dyspareunie) sont dues à la stimulation
musculaire lisse. des zones érogènes secondaires périgénitales ou
L'unicité physiologique du substratum érogène génitales mais non à celle des zones érogènes
ne se situe pas dans la morphologie des récepteurs primaires.
22 Manuel de sexologie
Le mode de stimulation des zones érogènes et végétative), il est issu du plexus honteux qui
primaires utilise des procédés variables mais provient des racines postérieures sacrées de
obéit au type de stimulation alternative : mouve- S2-S3-S4 ;
ments de va-et-vient du coït, mouvement alter- • la voie neurovégétative : les informations
nant de la main, des doigts, de la langue ou des gagnent le plexus hypogastrique puis les gan-
lèvres. Chaque zone primaire a des exigences glions sympathiques de la chaîne pelvienne et
particulières : par les rameaux communiquants, les formations
• la stimulation du clitoris doit se poursuivre sympathiques de la moelle.
pendant l'orgasme sous peine de frustration Tous ces circuits ascendants sont très intriqués.
sensitive ; Dans la moelle et la chaîne sympathique, les infor-
• la stimulation extravaginale du gland de la verge mations empruntent les voies classiques aboutis-
doit au contraire cesser dès la survenue de l'or- sant au thalamus. Elles s'enrichissent en chemin
gasme sous peine d'effet désagréable lié à l'exci- des informations en provenance des zones éro-
tation superfétatoire ; gènes secondaires.
• par contre dans le vagin, et comme le vagin, le
gland de la verge supporte l'excitation pendant
l'orgasme et même après. Aires réceptrices
Le tempo de l'excitation est variable selon les
zones érogènes primaires. Alors que l'excitation La transmission des informations érogènes aux
clitoridienne doit être régulière, l'excitation de la centres encéphaliques n'emprunte pas unique-
verge et du vagin nécessite une accélération pro- ment les voies spécifiques aboutissant toutes aux
gressive pour déclencher l'orgasme. noyaux ventraux du thalamus mais est projetée
En réalité, il existe de très nombreuses particu- point par point au niveau du cortex primaire.
larités individuelles imposant un échange d'infor- Elle emprunte également les voies aspécifiques
mations entre les partenaires lors du passage de dont l'organisation est beaucoup plus complexe.
l'activité auto-érotique à l'activité hétéro-érotique. Les afférences en provenance des zones éro-
gènes parvenant au niveau du système nerveux
central se divisent en deux branches collatérales
Voies ascendantes dont l'une fait synapse avec le premier neurone
central de la voie spécifique qui lui est consacré,
Les informations provenant des zones érogènes tandis que l'autre fait synapse avec le premier
empruntent les voies ascendantes conscientes et neurone central du système aspécifique. Ainsi,
inconscientes, cérébrospinales et neurovégéta- dès l'entrée dans le système nerveux central,
tives. Les informations en provenance de l'étage une afférence érogène emprunte les voies spé-
pelvipérinéal, déterminant dans le réflexe orgas- cifiques et aspécifiques qui n'ont aucun rapport
mique, empruntent : l'une avec l'autre sauf au niveau suprême du cor-
• la voie cérébrospinale : si la muqueuse du gland tex. Les voies aspécifiques sont constituées de
de la verge (et du clitoris…) est riche en corpus- chaînes de neurones à afférences convergentes
cules sensitifs de Krause-Finger, le gland reste qui remontent le névraxe de façon convergente
paradoxalement très peu sensible aux stimulis jusqu'au niveau des noyaux intralaminaires du
douloureux. Les afférences sensitives, tout à thalamus. Étant donné que les convergences
fait indispensables dans le déclenchement de la sont additives, il y en a de plus en plus à chaque
réaction sexuelle réflexe empruntent les voies étage ; mais à cause des bifurcations et des col-
du nerf dorsal de la verge (droit et gauche) ou latérales de chaque axone, il y a des boucles à
du nerf dorsal du clitoris. Il s'agit de nerfs pure- chaque niveau entre les voies ascendantes et les
ment sensitifs qui sont les branches terminales voies de retour. Ceci permet l'opération d'acti-
du nerf pudendal (honteux interne) ; celui-ci est vités réflexes à chaque niveau, plus ou moins éla-
un nerf mixte (à composantes sensitive, motrice borées suivant le niveau.
Chapitre 1. Bases génétiques et anatomophysiologiques de la sexualité humaine 23
Avant de parvenir au thalamus, les fibres neuro portementale somatovégétative qui met en jeu
végétatives passent par le filtre de la substance les modules fonctionnels du tronc cérébral et de
réticulée du bulbe dont le rôle dans la vigilance la moelle, et retentit sur les facteurs corticaux et
explique l'activité anti-érotique du stress qui humoraux qui règlent le niveau de la motivation
court-circuite à la base même du tronc cérébral les comportementale.
sensations de plaisir sexuel. Propre à l'espèce humaine, le développement de
Le thalamus sert de plaque tournante au réflexe la corticalité consciente est à l'origine de la fonc-
orgasmique. Il reçoit l'ensemble des informations tion érotique et de l'appétit orgasmique. Le point
sensitives : d'impact cortical des informations conscientes
• soit par les voies spécifiques qui parviennent aux organes génitaux est relativement modeste et
au niveau des noyaux ventraux du thalamus et n'explique pas l'important retentissement subjec-
transmettent ces informations directement par tif des sensations érogènes et des modifications
projection point par point au cortex primaire neurosensorielles qui les accompagnent. Deux rai-
ou indirectement au niveau du cortex associatif sons permettent en fait d'expliquer l'intensité du
cognitif par l'intermédiaire des noyaux latéraux retentissement subjectif de l'orgasme :
du thalamus ; • la qualité suréminente du plaisir sexuel conscient
• soit par les voies aspécifiques au niveau des qui dévalorise tout autre message sensitivosen-
noyaux intralaminaires (véritable tête de la for- soriel, à l'exception de la douleur seule capable
mation réticulée) projetant ces informations de de concurrencer efficacement les sensations
façon diffuse vers le cortex non primaire. érogènes ;
Véritable maître d'œuvre de la sexualité, l'hy- • la diffusion intra- et interhémisphérique par de
pothalamus est responsable des impressions liant nombreuses fibres associatives des sensations
l'activité instinctive à l'affectivité. Il reçoit ses affé- parties de l'étage sensitif pelvipérinéal. La dou-
rences en provenance des noyaux dorsomédian et leur exclue, l'orgasme allume une véritable ful-
antérieur du thalamus et coordonne les réponses guration sensitive qui n'est pas loin d'être totale.
de type végétatif.
Le système limbique appelé encore rhinencé-
phale en raison de ses connexions étroites avec la Centres et voies effectrices
sphère olfactive, participe à l'élaboration des com-
portements émotionnels. Accessible à la mémori- L'orgasme est la culmination réflexe globale d'une
sation instinctuelle, il facilite le bon déroulement série de réflexes graduellement superposés. Il existe
de l'excitation sexuelle en fonction du partenaire donc aux différents étages concernés des centres
et en fonction des circonstances. Le centre de l'or- effecteurs permettant la mise en jeu d'arcs réflexes.
gasme se trouve à son niveau dans le gyrus cingu-
laire où se projettent les afférences en provenance Centres suprasegmentaires
des noyaux antérieurs du thalamus. Ce centre peut Ils ne se trouvent qu'à l'étage sous-cortical de
fonctionner de façon autonome, sans participation l'encéphale :
active de la sphère consciente. • l'hypothalamus coordonne la mise en œuvre
des phénomènes neurovégétatifs de la réaction
sexuelle ;
Système mésencéphalo- • les noyaux gris centraux, locus niger, et noyaux
limbique et comportement rouges sont responsables des réflexes supérieurs
déclenchés à partir d'afférences en provenance
L'hypothalamus est au point de convergence du thalamus ;
d'influences ascendandantes et descendantes, • le gyrus cingulaire du système limbique coor-
facilitatrices et inhibitrices, lui-même organisé en donne et régule l'ensemble des activités neu-
deux compartiments interférant l'un avec l'autre. rovégétatives et cérébrospinales manifestées au
La résultante est représentée par la réponse com- moment de l'orgasme.
24 Manuel de sexologie
Le cortex n'a aucune responsabilité dans le entre les différents systèmes et un contrôle supra-
déclenchement spécifique de l'orgasme. Il est médullaire. Ces centres sont situés à deux étages
totalement inapte à commander volontairement différents :
le déclenchement du réflexe orgasmique. Il ne • centre thoracolombaire T11-L2 : centre essen-
peut que moduler dans le temps en retardant ou tiellement moteur appartenant au système sym-
en hâtant la survenue de l'abandon orgasmique pathique. Il intervient dans le déclenchement
(maîtrise de la phase en plateau). Son rôle consiste et la synchronisation de l'éjaculation ; ainsi, une
essentiellement à donner ou non l'autorisation de sympathectomie lombaire, en altérant les effé-
survenue à l'orgasme. La production psycholo- rences de ce centre, est capable d'induire une
gique de fantasmes peut faciliter ou inhiber mais en altération de la synchronisation aboutissant à
aucun cas provoquer jusqu'à sa conclusion le dérou- une éjaculation rétrograde ;
lement des opérations physiologiques aboutissant • centre lombaire L3 : il coordonne la motricité
à l'orgasme. Malgré toute sa puissance, la censure coïtale automatique ;
corticale est débordée dans les secondes qui pré- • centres sacrés S2-S4 : les racines postérieures des
cédent l'orgasme. Celui-ci devient alors inévitable, mêmes métamères font synapse avec le système
même si la raison le juge intempestif, indésirable, parasympathique sacré (cornes latérales) et avec
voire dangereux. Cette perte du contrôle cortical le système somatique strié (cornes antérieures).
s'apparente à celle notée dans le déclenchement des Il intervient dans les réactions vasculaires des
autres réflexes tels la toux ou l'éternuement. organes génitaux : vasodilatation induisant
tumescence et lubrification vaginale.
Voies descendantes Ces différents centres ont une certaine autono-
Les voies médullaires descendantes, afférentes, mie et peuvent entrer en action indépendamment
contrôlant la « motricité » sont mal connues. Elles des centres supérieurs en particulier pendant le
empruntent probablement les voies de la motri- sommeil ; ainsi, l'éjaculation peut se déclencher
cité extrapyramidale, et peut-être pyramidale, automatiquement sans orgasme provoquant des
pour se destiner aux cornes latérales de la moelle pollutions nocturnes…
dorsolombaire.
Voies périphériques
Centres médullaires Les voies neurologiques affectant le contrôle
Le fonctionnement sexuel, dans ses composantes génitosexuel appartiennent au système somatique
motrices (érection, éjaculation, lubrification), agit (sensitif et moteur) et au système végétatif (sym-
de façon réflexe ou automatique ; l'observation pathique et parasympathique).
des blessés médullaires nous montre que cet auto-
matisme est intégré au niveau de la moelle épi- Voies motrices
nière. Ces arcs réflexes élémentaires permettent Les racines sacrées antérieures S2-S3-S4 s'orga-
l'engrenage progressif des stades initiaux de la nisent dans les plexus honteux d'où partent :
réaction sexuelle. La vasodilatation augmente la • des influx parasympathiques : nerfs érecteurs
capacité émettrice des zones érogènes primaires d'Eckardt (= nerfs pelviens) qui se dirigent
dont les messages sensitifs initient par voie réflexe vers les ganglions hypogastriques inférieurs
une vasodilatation supplémentaire, etc. où synapsent neurones pré- et post-ganglion-
Trois centres médullaires sont impliqués dans naires et où s'établissent des connexions entre
le contrôle sexuel. Ils sont en connexions avec les systèmes sympathique et parasympathique ; les
voies périphériques recevant des afférences sensi- fibres cholinergiques (parasympathiques) se
tives par les racines postérieures et faisant synapse terminent dans les nerfs caverneux. Ce système
avec les racines antérieures motrices. En outre, parasympathique permet la rigidité ;
par les cordons médullaires (voies ascendantes • des influx somatiques : nerfs honteux internes
et descendantes), ils permettent des connexions (ou nerf pudendal) qui assurent l'innervation du
Chapitre 1. Bases génétiques et anatomophysiologiques de la sexualité humaine 25
FSH et LH
Hormones et sexualité La sécrétion des gonadotrophines est, elle aussi, pul-
chez l'homme satile. La sécrétion de LH est en concordance avec
la sécrétion de GnRH. Si la pulsatilité du GnRH est
Agnès Colombel
GnRH
+
L'ensemble des axes endocriniens est proba-
blement impliqué dans la sexualité humaine. FSH LH –
Plusieurs axes sont reconnus comme prédomi-
nants et leurs altérations participent directement
à certains troubles sexuels. Ils sont impliqués dans Spermatogenèse +
la synthèse des androgènes et des estrogènes.
L'axe gonadotrope (hypothalamo-hypophyso- Œstradiol – Testostérone
testiculaire) produit de la testostérone et ses déri-
Figure 1.9 Axe hypothalamo-hypophyso-gonadique et
vés actifs : la dihydrotestostérone (DHT) et le sa régulation.
Chapitre 1. Bases génétiques et anatomophysiologiques de la sexualité humaine 27
modifiée, les sécrétions de LH (et de façon moindre (métabolites actifs) mais également des précurseurs
celle de FSH) sont perturbées, voire annulées. hormonaux comme le DHEA et le delta-4-an-
La LH et la FSH sont ensuite libérées dans la drostènedione (cf. figure 1.10). Parallèlement, la
circulation générale où elles se fixent sur leurs testostérone subit une double transformation enzy-
récepteurs cibles périphériques testiculaires. matique dans les testicules, mais surtout dans les
Schématiquement, la LH se lie à son récepteur à la tissus périphériques. Elle est convertie en DHT par
surface des cellules de Leydig et induit la synthèse la 5α-réductase et en 17β-estradiol par l'aromatase.
de testostérone et de ses métabolites actifs (dihy- Après passage transmembranaire vers l'intérieur de
drotestostérone [DHT] et 17β-estradiol). La FSH la cellule, la testostérone et ses deux métabolites
se lie à son récepteur de surface des cellules de actifs exerceront leurs effets après fixation à des
Sertoli et module la spermatogenèse (figure 1.10). récepteurs stéroïdiens spécifiques.
C'est donc la LH qui régule la sécrétion endo-
crine du testicule. Elle est responsable de la syn- Régulation
thèse de stéroïdes sexuels fortement impliqués
La sécrétion androgénique du testicule est sous la
dans la sexualité.
dépendance de la LH. En retour, la testostérone
Chez l'homme, contrairement à la femme, les
et ses dérivés (DHT, 17β-estradiol) exercent un
taux de gonadotrophines varient peu d'un jour à
rétrocontrôle négatif sur la sécrétion de LH et de
l'autre.
GnRH (cf. figure 1.9).
– –
LH Œstradiol FSH
Testostérone
DHEA, SDHEA Récepteur de la
D4 Androsténédione testostérone
5α-réductase
Spermatogénèse
DHT
Dihydrotestostérone
Figure 1.10 Fonctions testiculaires physiologiques chez l'homme adulte.
28 Manuel de sexologie
protéines de transport. Ces 2 % représentent la L'indice de testostérone libre (FAI) est par-
fraction libre de la testostérone. La testostérone fois utilisé dans la littérature internationale. C'est
totale (fraction libre et liée) ne reflète donc qu'in- un simple quotient entre le taux de testostérone
directement l'imprégnation androgénique réelle. totale et la concentration en SHBG. Son usage
Elle est tributaire des fluctuations éventuelles du n'est pas recommandé [1].
taux des protéines porteuses. Le taux de SHBG.
Testostérone biodisponible
Dosages plasmatiques La mesure de la testostérone biodisponible
(figure 1.11 et tableau 1.4) échappe aux fluctuations de la SHBG, puisqu'elle
Testostéronémie totale correspond au pool de testostérone non lié à cette
protéine porteuse.
La mesure de la testostéronémie totale reste la plus Le dosage plasmatique de dihydrotestostérone
répandue. Elle reconnaît l'ensemble des fractions n'est pas réalisé en routine.
de la testostérone (libre et liée). Elle est soumise à En pratique, chez l'homme adulte jeune, une
un cycle nycthéméral et doit-être réalisée de pré- testostéronémie totale inférieure à 3 ng/mL ou
férence le matin (valeur théorique la plus élevée). une testostéronémie biodisponible inférieure à
Testostérone libre 0,7 ng/mL doivent faire suspecter une carence
androgénique, c'est-à-dire un hypogonadisme [1].
La mesure de la testostérone libre, seule forme
biologiquement active (car seule capable de tra- Effets physiologiques
verser la membrane cellulaire) relève de méthodes de la testostérone sur la sexualité
de dialyse à l'équilibre. Cette mesure n'est dis-
Le comportement sexuel fait intervenir de très
ponible que dans un nombre restreint de labora-
nombreux processus neurobiologiques. Le désir
toires et ne doit pas être utilisée en routine car son
sexuel semble directement lié au taux de testos-
cout est majeur.
térone. À l'inverse, le plaisir et la fonction érec-
tile apparaissent mal corrélés au taux de stéroïdes
T totale
sexuels.
T biodisponible Effets centraux
T libre L'hypothalamus, et plus spécifiquement le circuit
de Papez et l'aire pré-optique, sont les structures
anatomiques impliquées dans le contrôle céré-
bral du comportement sexuel. Les neurones de
SHBG 47 % Albumine 51 % Libre 2 % ces centres cérébraux expriment des récepteurs
Figure 1.11 Transport plasmatique de la testostérone (T) aux stéroïdes sexuels. Une carence androgé-
et fractions reconnues par les différentes techniques de nique diminue l'activité de ces centres avec pour
dosage. SHBG = sex hormone binding globulin. conséquence une inappétence sexuelle et une
dysfonction érectile secondaire. À l'inverse, la
testostérone et ses métabolites actifs stimulent
Tableau 1.4 Valeurs normales de la testostérone l'activité des centres impliqués dans l'émergence
plasmatique et de ses fractions chez l'homme adulte
jeune.
du désir sexuel. Ces effets ont été mis en évi-
dence in vivo chez l'homme, avec les méthodes
Paramètre Taux plasmatique Taux plasmatique
de PET-scan couplé à l'IRM fonctionnelle, dans
pondéral (ng/mL) molaire (nmol/L)
l'hypogonadisme avant et après substitution
Testostérone totale 3 − 10 10,4 − 34,7
androgénique [2].
Testostérone 0,7 − 3,4 2,4 − 11,8 La stimulation androgénique ne représente
biodisponible
cependant pas le seul mécanisme d'initiation de
Testostérone libre 0,07 − 0,42 0,24–1,46 l'érection : 50 % des hommes traités par castration
Chapitre 1. Bases génétiques et anatomophysiologiques de la sexualité humaine 29
Si l'hyperprolactinémie est confirmée, un bilan [6] Stoleru S, et al. Application des techniques d'image-
étiologique devra être réalisé. Les causes les plus rie fonctionnelle cérébrale à l'étude du désir sexuel
masculin et de sa pathologie. Metab Horm Nutr
fréquentes d'hyperprolactinémie sont les causes 2001;5:263–7.
médicamenteuses (neuroleptiques +++, tous [7] Rosenberg MT, et al. Diagnostic and management of
médicaments ayant une action anti-dopaminer- erectile dysfonction in the primary care setting. Int J
gique), suivies par les adénomes hypophysaires à Clin Pract 2007;61(7):1198–208.
prolactine. La normalisation de la prolactine cor- [8] Shalender B, et al. Testosterone therapie in adult
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Chapitre 2
Comportement sexuel : bases
éthologiques
Philippe Brenot
Manuel de sexologie
© 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
34 Manuel de sexologie
après la naissance et les premiers orgasmes dans la sans échange adapté de signaux. Ces signaux
première année [2]. Ce comportement infantile à sont trop souvent oubliés par les cliniciens alors
tropisme automatique organise les sensations géni- que leur rétablissement permet habituellement le
tales et contribue à l'apprentissage de la séquence retour de la communication dans le couple.
excitatoire. Il s'agit d'un réel « apprivoisement »
des réactions sexuelles avec soi-même. Autrefois Signaux de la rencontre
condamnée, la masturbation est aujourd'hui lar-
Ils servent essentiellement à permettre le rappro-
gement répandue chez les hommes, mais trop peu
chement des deux partenaires, à lever les défenses
chez les femmes : en France, en 1992, 84 % des
envers l'autre, à amorcer l'excitation sexuelle,
hommes avaient au moins pratiqué la masturba-
puis à coordonner les phases du coït. Le défaut
tion une fois dans leur vie, contre seulement 42 %
de signal à une étape ou à une autre de la ren-
des femmes [6].
contre amoureuse interrompt, parfois totalement,
Les comportements érotiques se développent
la communication et le déroulement possible de
dès la puberté, période qui rend le sujet capable
l'acte sexuel.
d'accouplement. L'érotisme étant la dimension
humaine de la sexualité, ces comportements com-
prennent l'accouplement proprement dit (coït) Identification du partenaire
mais aussi les phases d'approche et de séduction C'est une condition préalable obligatoire, c'est
préliminaires au coït, ainsi que l'environnement l'étape première qui conditionne la rencontre
relationnel qui le suit. On peut ainsi décrire quatre en milieu naturel. Cette identification permet
phases dans le comportement sexuel humain. d'accepter le rapprochement d'un autre individu,
s'il est reconnu comme faisant partie de la même
espèce et étant de sexe opposé. Cette reconnais-
Sélection du partenaire sance va permettre la levée des défenses indivi-
duelles et l'accès à l'espace intime.
L'une des premières règles qui organisent l'in-
Chez l'humain, l'identification est un peu dif-
teraction des êtres vivants, c'est l'échange de
férente, puisque le sexe du partenaire correspond
signaux entre les individus, permettant que les
au choix de l'orientation sexuelle et que les pré-
comportements soient ainsi adaptés. Dans le
férences personnelles ou amoureuses vont ensuite
domaine de la sexualité, où les conditions natu-
entrer en jeu pour conditionner l'accès à l'espace
relles prédominent, l'échange de signaux adaptés
intime. Mais, les signaux sont fondamentalement
est fondamental pour que la chaîne comporte-
les mêmes. Notre espace intime est ainsi parfai-
mentale puisse se réaliser. Au niveau individuel,
tement protégé. Nous n'acceptons pas n'importe
chaque signal perçu donne lieu, en fonction de sa
qui dans notre « bulle » individuelle.
signification pour le sujet, à un état de tension (ou
de non-tension), qui sera résolu par une réponse
(contemporaine de la détente). Ce sont les pro- Approche sensorielle
priétés physiologiques de l'excitation qui condi-
tionnent cet état de tension, ou de non-tension, Cette approche est organisée en fonction des spé-
puis de détente. Ce système général est tout aussi cificités de chaque système sensoriel [4] : signaux
vrai pour les réactions physiologiques, émotion- visuels (à grande distance), visuels et sonores (à
nelles et comportementales (les signaux sexuels de moyenne distance), auditifs et somesthésiques (à
base : signaux de réceptivité, tumescence, lubrifi- plus proche distance), olfactifs, gustatifs et tactiles
cation…) que pour les signaux de la communica- (dans la sphère intime). Je reprends ici la très judi-
tion humaine (gestes et mots). L'importance du cieuse progression de l'approche sensorielle pro-
signal dans la rencontre amoureuse apparaît alors posée par Gérard Zwang [7] :
comme fondamentale : il n'y a pas de rencontre • à distance éloignée (20–30 m), l'identification est
sans signal, et il n'y a pas de rencontre adaptée visuelle. Elle apprécie la silhouette, la démarche,
36 Manuel de sexologie
les marqueurs sexuels que sont les épaules car- (toucher, goût, olfaction) qui sont à l'œuvre dans
rées et le bombement du thorax chez l'homme, cette ultime approche centrée sur la sensualité. Le
les épaules étroites et la largeur du bassin chez corps et la main explorent chaque détail du corps
la femme. Ces indices, s'ils sont positifs, condi- de l'autre. L'odeur à fleur de peau confirme, ou
tionnent les phases suivantes de l'approche rarement infirme, l'accord d'intimité. Le goût
sexuelle ; donne enfin un consentement définitif à l'ap-
• à distance moyenne (10 m), l'appréciation est à proche amoureuse par le mélange des humeurs
la fois visuelle et sonore. Le regard confirme, qui scelle une totale acceptation de l'autre.
ou non, la première impression qui avait per- Chacun de ces signaux a une valeur de renforcement
mis le rapprochement. Ce sont maintenant les (positif ou négatif) sur le processus de l'excitation
détails du visage qui sont perceptibles, les reliefs sexuelle. C'est ainsi que le sujet apprécie la maturité
faciaux spécifiques de l'un et l'autre sexe (sail- sexuelle du partenaire et son degré d'éroticité.
lie des superstructures masculines, gracilité des
traits féminins). Les attracteurs sexuels sont Signaux corporels
mieux appréciables : seins, fesses, thorax, pecto-
Les gestes de la séduction et les mots d'amour
raux, saillie pubienne ou pénienne. La voix est
vont eux aussi contribuer, par leur action propre,
perceptible dans son éroticité : tessiture grave
à cette levée progressive de l'inhibition sexuelle et
des hommes, voix plus haute des femmes ;
des défenses individuelles. Ces signaux émotion-
• à distance proche (0,50 m), nous entrons dans
nels « instinctifs » (comme la mydriase amoureuse
la bulle individuelle, qui équivaut à la longueur
ou la vasocongestion du visage) déclenchent en
du bras, permettant de repousser l'intrus. C'est
retour des gestes, car ce sont des encouragements
donc le signe que les signaux précédents ont
dans l'avancée amoureuse. Les signaux de la
identifié le partenaire comme « acceptable » dans
parade font partie de ce répertoire (torse bombé
l'espace propre du sujet, puisque les défenses
pour les hommes, torsion des reins et hyperlor-
ne jouent plus contre cet étranger accepté.
dose pour les femmes). Ce dernier signal (la cam-
L'appréciation est toujours visuelle et audi-
brure lombaire des femelles) est reconnu par tous
tive, elle est partiellement tactile et olfactive.
les mammifères, il déclenche même de façon spé-
Le regard dévisage le partenaire, découvre les
cifique l'érection chez le rat.
détails de son anatomie, la couleur de sa peau,
les particularités de son corps. Ces signaux ren-
Gestes de la séduction
forcent, ou non, le climat de la parade amou-
reuse. Et tout particulièrement la voix qui sert Ils possèdent un large répertoire, certains sont
de vecteur aux mots de la séduction. On sait même pré-organisés, c'est le cas de l'inclinaison de
combien les hommes sont plus sensibles aux la tête suivie de l'abaissement des paupières chez
attracteurs visuels et les femmes aux attracteurs la jeune fille nubile, comportement stéréotypé
sonores, comme la voix masculine. Le toucher, qui a été retrouvé dans une large part des sociétés
d'une main par exemple, joue comme une humaines par Timo Tinbergen et Eib Ebelfeldt.
métaphore du contact des deux corps. L'odorat Ces gestes de la séduction seront ensuite propres à
permet d'apprécier les odeurs cutanées et les chaque culture, à chaque groupe humain, comme
artifices parfumés que les humains mettent en le répertoire des mots d'amour ou des paroles
lieu et place des senteurs corporelles ; intimes. Les conduites de séduction associent
• à distance intime (au contact de la peau et des ensuite des jeux corporels non génitaux et enfin,
muqueuses), la vue joue moins son rôle, si ce au contact des zones érogènes, des signaux d'in-
n'est dans l'appréciation des détails cutanés, la vite, gestes et regards, qui se renforcent mutuel-
voix est, elle aussi, moins essentielle, sauf à susur- lement par un comportement en retour. Cet
rer des mots d'amour à l'oreille du partenaire échange permanent de stimuli et de réponses va
ou des signaux d'encouragement de l'avancée permettre l'avancée de l'excitation, qui constitue
amoureuse. Ce sont surtout les sens de proximité la condition première de l'accouplement.
Chapitre 2. Comportement sexuel : bases éthologiques 37
essentiellement sensorielle et réciproque de la [4] Masters W, Johnson VE. Les réactions sexuelles. Paris:
progression excitatoire, dimension qui manque Laffont; 1968.
[5] Simon P, et al. Rapport sur le comportement sexuel
souvent aux patients qui nous consultent. des Français. Paris: Julliard; 1972.
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[3] Kinsey AC, Pomeroy WB, Martin CE, Gebbard PH.
Sexual behavior in the human Female. Philadelphia:
Saunders; 1953 [Le comportement sexuel de la
femme. Paris : Amiot-Dumont;1954].
Chapitre 3
Bases neuropsychologiques
de la sexualité humaine
Pour répondre précisément à toutes ces ques- Motivation sexuelle chez les
tions, on constate qu'en plus des hormones, mammifères non-primates
d'autres facteurs sont à prendre en compte. Et
pour comprendre leur dynamique, il est néces-
saire d'analyser l'architecture et les constituants L'analyse de l'organisation neurobiologique du
du système nerveux d'une manière globale et à comportement de reproduction, chez les mam-
tous les niveaux d'organisation. Il faut prendre en mifères non-primates, suggère l'existence d'une
compte les circuits olfactifs et moteurs, les réseaux dynamique fonctionnelle où la motivation sexuelle
spécialisés dans le traitement de l'information et est spécifiquement guidée vers la copulation
la mémorisation, les émotions et le système de hétérosexuelle.
récompense, et toutes les différentes capacités Les sections ci-dessous présentent d'abord
d'apprentissages (sociaux et cognitifs, non asso- l'organisation des circuits du comportement de
ciatifs, conditionnements…). C'est par les interac- reproduction, puis l'analyse fonctionnelle de ces
tions, à la fois avec l'environnement et entre les structures qui sont à l'origine de la motivation
différents modules fonctionnels du système ner- sexuelle.
veux, qu'émergent le plaisir et, surtout, la diver-
sité du désir sexuel humain. Organisation des circuits sexuels
Toutes les données présentées dans ce sous-
chapitre suggèrent que c'est le système de récom- Chez les mammifères non-primates (rongeurs,
pense, associé aux zones érogènes, qui va être le canidés, félidés…), le comportement sexuel est
facteur principal à l'origine du plaisir érotique, de spécifiquement organisé pour la fécondation :
la motivation sexuelle et de l'apprentissage d'une c'est un comportement de reproduction, où la
diversité de désirs sexuels. Comme aucune défi- copulation permet le dépôt du sperme dans le
nition satisfaisante du désir sexuel ne fait actuel- vagin. Cette copulation hétérosexuelle est contrô-
lement consensus [1], la motivation sexuelle est lée par plusieurs facteurs biologiques et environ-
ici définie comme étant la composante basique du nementaux.
désir, produite pas les circuits innés de la repro- Les facteurs biologiques innés apparaissent
duction, et le désir sexuel est défini comme étant comme déterminants pour le développement de
l'ensemble des forces, pulsions, poussées, appé- la motivation et du comportement reproducteur.
tits…, innés ou appris, souvent perçus subjective- À noter qu'il existe un continuum entre l'inné et
ment, qui mène aux activités sexuelles réelles ou l'acquis : la plupart des facteurs proviennent de
fantasmées. l'interaction entre l'organisme et l'environne-
Même si actuellement tous les processus ne ment, mais certains facteurs sont complètement
sont pas encore connus avec précision et qu'il innés ou acquis [3, 4].
existe des variations fonctionnelles d'une espèce Les hormones, les phéromones et les réflexes
à l'autre, il semble néanmoins possible de décrire sexuels, ainsi que le système de récompense et la
la dynamique générale des principaux facteurs du cognition, sont les principaux facteurs innés qui
désir sexuel. contrôlent la copulation et qui induisent l'appren-
Nous détaillerons ainsi les circuits innés à l'ori- tissage de la motivation sexuelle.
gine du comportement de reproduction des mam-
mifères non-primates, car ces circuits induisent Circuit moteur inné – les
l'apprentissage d'une motivation hétérosexuelle à réflexes sexuels
la copulation. Puis seront présentées, des rongeurs La copulation correspond à la partie finale du
aux humains, les évolutions neurobiologiques qui comportement de reproduction (phase consom-
expliquent l'apparition et l'apprentissage, à par- matoire). Les différentes séquences de la copu-
tir de la motivation sexuelle, d'une diversité de lation sont réalisées grâce à une succession de
désirs. Enfin, la dernière partie sera consacrée au réflexes sexuels (moteurs, autonomes et neuro-
plaisir sexuel chez l'humain. endocriniens) qui sont déclenchés par le contact
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 41
Récepteurs
LORDOSE
moteurs
Circuits
informations phéromonales
Amygdale Hypothalamus
voméronasal accessoire endocrines
olfactifs
Circuits
Figure 3.2 Schéma simplifié des circuits innés du comportement de reproduction chez les rongeurs femelles.
suggère que les stimuli olfactifs phéromonaux sont • la composante affective (liking) correspond aux
un facteur important d'apprentissage de la motiva- renforcements (le « plaisir ») provoqués par les
tion hétérosexuelle. « récompenses ». Cette composante affective
dépend d'un nombre limité de petites struc-
Système de récompense – l'origine tures, appelées « hotspots » ou « points hédo-
principale du plaisir et du désir ? niques », d'un volume d'environ 1 cm3, et
Le système de récompense joue un rôle impor- localisées dans le noyau parabrachial, le noyau
tant dans de nombreux apprentissages chez tous accumbens et le pallidum ventral. Les opioïdes
les mammifères. endogènes et les cannabinoïdes endogènes sont
En simplifiant, le système de récompense pro- les principaux neurotransmetteurs. C'est cette
voque la répétition de l'action qu'il a activée composante qui serait impliquée dans le plaisir
(répétition de la copulation, répétition de la prise sexuel ;
d'un aliment sucré, nouvelle consommation de • la composante motivationnelle (wanting) corres-
drogues…). L'activation de ce système équivaut pond à la motivation à obtenir la « récompense ».
à une « récompense » (ou du « plaisir » chez l'hu- Cette motivation dépend principalement du sys-
main) et le mammifère est ainsi motivé à répéter tème dopaminergique de l'aire tegmentale ven-
l'action pour obtenir à nouveau la « récompense ». trale. C'est cette composante qui serait impliquée
Historiquement, ce système a été découvert dans la motivation sexuelle ;
chez les rongeurs par les chercheurs James Olds et • la composante cognitive correspond aux trai-
Peter Milner dans les années 1950, et a été étudié tements cognitifs relatifs aux « récompenses »
chez l'être humain par le psychiatre Robert Heath. (anticipation, prédiction, évaluation…), ainsi
Ces premières recherches ont permis d'identifier qu'aux apprentissages et aux conditionnements
les principales structures de ce système : l'aire teg- induits par ces « récompenses ». Cette compo-
mentale ventrale, le noyau accumbens, le pallidum sante dépend principalement du cortex préfron-
ventral, l'hypothalamus latéral, le septum et le tal pour les traitements cognitifs et de l'amygdale
cortex préfrontal, avec la dopamine comme prin- pour les apprentissages et les conditionnements.
cipal neurotransmetteur (cf. figure 3.2). C'est cette composante, notamment, qui serait
En fonction des connaissances actuelles, ce sys- impliquée dans le développement des désirs
tème de « récompense » a été subdivisé en trois humains.
composantes : affective, motivationnelle et cogni- Parallèlement à ce système de récompense (ou
tive [18]. En simplifiant : appétitif ou de renforcement positif), il existe un
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 43
(cf. figure 3.2). Mais le principe fonctionnel géné- ment au cours des jeux sexuels du développe-
ral reste similaire. ment [6] puis des premières copulations. Après
Dans cette organisation fonctionnelle, l'essen- que l'animal sexuellement naïf a réalisé plusieurs
tiel de la motivation sexuelle serait appris. En effet, copulations, différents signaux (visuels, auditifs,
en fonction des données actuellement connues olfactifs non phéromonaux, etc.) deviennent par
et présentées précédemment, si les séquences conditionnement des signaux sexuels motivants
olfactives et motrices de la copulation sont pour qui peuvent déclencher et influencer les copu-
la plupart innées, il est par contre peu pro- lations ultérieures [26, 32]. Le comportement
bable que la motivation sexuelle, elle, soit innée de reproduction peut alors être effectué malgré
[31]4. Pour donner un exemple, une phéromone l'absence de certains signaux innés (comme les
sexuelle pourrait activer chez le rongeur mâle un phéromones sexuelles) qui sont cruciaux pour
réseau cérébral où serait stockée une représenta- l'animal sexuellement naïf [33]. Puis, au fur et à
tion cognitive innée de la monte de la femelle. mesure de l'accroissement de l'expérience sexuelle
L'activation de cette représentation provoque- et des apprentissages concomitants, les différentes
rait une motivation sexuelle innée à exécuter les séquences motrices sont exécutées plus efficace-
séquences motrices correspondant à cette repré- ment, différents signaux deviennent sexuellement
sentation. Mais la complexité de cette représenta- motivants, et le comportement de reproduction
tion cognitive implique qu'elle devrait être codée devient mature et optimisé.
dans les régions les plus complexes du cerveau. On constate ainsi que l'excitation sexuelle, ini-
Or actuellement on ne dispose d'aucune donnée tialement déclenchée par une phéromone ou des
permettant d'expliquer comment des gènes pour- stimulations génitales, devient progressivement un
raient coder dans le néocortex les millions d'inter- phénomène plus cognitif, une motivation par la
connexions hautement spécifiques nécessaires à la mémorisation, les conditionnements et l'intégra-
formation d'images cognitives. En règle générale, tion de toutes les activités, sensations et signaux
plus un comportement ou une motivation sont concomitants aux situations sexuelles [34]. Mais
complexes, abstraits et conceptuels, plus ils dépen- cette motivation cognitive ne serait pas assez éla-
draient des apprentissages. borée chez les mammifères non-primates pour
Pour ces raisons, l'apprentissage de la motiva- être qualifiée de désir.
tion sexuelle est hautement probable. De surcroît, Ce qui est remarquable, c'est que les récom-
l'analyse neuroanatomique du système nerveux penses sexuelles initiales sont généralement
met en évidence qu'il existe des circuits innés déclenchées par une structure olfactive innée
spécialisés pour l'apprentissage de motivations et (à base de récepteurs VR1, VR2 ou TAAR) qui
pour la réalisation du comportement de reproduc- détecte un signal olfactif spécifique (phéromone
tion (cf. supra, Organisation des circuits sexuels). sexuelle, telle la darcin [35]). Cette organisation
Même si actuellement on ne connaît pas en détail neurobiologique fait que la récompense sexuelle
tous les mécanismes, il apparaît que les phéromones initiale sera généralement activée par un congé-
jouent généralement un rôle important dans l'ini- nère du sexe opposé. De cette manière, le déve-
tiation et le contrôle tant du comportement que loppement et l'acquisition d'une motivation
de la motivation sexuelle. En résumé et en sim- sexuelle plus cognitive et plus globale sont gui-
plifiant, les signaux sexuels innés, c'est-à-dire les dés de manière innée vers un congénère de sexe
informations phéromonales et les sensations géni- opposé. Les phéromones déclenchent une suite
tales (cf. figure 3.2), activent la partie hédonique d'événements induisant l'apprentissage d'une
(liking [18]) du système de récompense et pro- motivation hétérosexuelle.
voquent divers apprentissages. Ainsi, la motivation À noter de plus, chez certaines espèces, qu'il
sexuelle (wanting) peut s'acquérir progressive- existe d'autres processus innés qui renforcent
indirectement l'orientation hétérosexuelle de la
motivation. Par exemple, chez les souris mâles,
4 Voir les analyses détaillées, pp. 13–48 in Wunsch [31]. des phéromones provoquent de l'agression inter-
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 45
mâles [36], ce qui rend quasi impossible l'appren- maintiennent la proximité physique pour – princi-
tissage de motivations homo- ou bisexuelles. palement – sentir leurs odeurs « agréables », car la
perception de leurs odeurs induit la remémoration
Apprentissage de motivations sexuelles des récompenses antérieures. Par ces processus, la
pour des partenaires particuliers motivation hétérosexuelle devient préférentielle-
De manière concomitante à l'apprentissage d'une ment orientée vers le partenaire de copulation.
motivation hétérosexuelle, des préférences pour cer- De surcroît, d'autres apprentissages, mais non
tains partenaires sont également apprises. Ce sont sexuels, sont également à l'origine de préférences
principalement les stimuli inconditionnels olfactifs pour certains partenaires. Au cours du dévelop-
et somatiques génitaux qui induisent des associa- pement, les récompenses induites par les jeux
tions avec des caractéristiques particulières, souvent sociaux sont à l'origine, à l'âge adulte, de moti-
olfactives, du partenaire de copulation [35]. vations hétérosexuelles préférentielles pour les
Par exemple, chez les mammifères sociaux, anciens partenaires de jeux [38].
le système de récompense est également impli- On constate même, par l'étude de cas excep-
qué dans l'attachement sexuel au partenaire tionnels, que les apprentissages sont globalement
(figure 3.3) : les études sur les campagnols ont plus importants que les facteurs innés, car des
montré, en simplifiant, que lors de la copulation animaux élevés par une autre espèce manifestent
les sensations génitales remontent au cerveau (via à l'âge adulte une motivation sexuelle pour leur
NTS et PAG – flèches noires épaisses), activent espèce adoptive [39].
le système de récompense (Nacc) et libèrent de
l'ocytocine (PVN vers NAcc et MeA). Les odeurs Évolution de la motivation et du
et les phéromones sexuelles perçues par le système
comportement de reproduction
olfactif (OB) activent l'amygdale (MeA), puis
le système de récompense (flèches en pointillés Au cours de l'évolution, des rongeurs jusqu'aux
de MeA vers VP et LS) par l'intermédiaire de la hominidés, on observe plusieurs modifications
vasopressine. structurelles et fonctionnelles du système nerveux
L'activation simultanée de ces systèmes ferait que qui induisent des modifications du contrôle de la
les odeurs du partenaire deviennent « agréables » motivation et des comportements.
et sont mémorisées [37]. Les animaux sont alors En raison de ces évolutions neurobiologiques,
« attachés », c'est-à-dire qu'ils recherchent et détaillées ci-après, la motivation sexuelle des
PFC
OB
LS PAG
NAcc PVN
NTS
AVP VP MeA VTA
OT
DA
mammifères évolue progressivement : motivation des estrogènes). Les pics de concentration d'es-
à la copulation hétérosexuelle chez les mammifères trogènes déclenchent simultanément l'ovulation
non-primates, puis motivation principalement (effets physiologiques) et le comportement de
érotique chez les hominidés, elle devient chez reproduction (effets motivationnels et comporte-
l'être humain une diversité de désirs influencés mentaux), de telle sorte que la copulation est cou-
par les processus cognitifs et le contexte culturel. plée à l'ovulation. Les activités sexuelles ne sont
effectuées que lorsque l'appareil reproducteur est
fécondable.
Évolution du contrôle hormonal Mais graduellement, et surtout chez les homi-
Les hormones contrôlent la reproduction chez les nidés [40], les activités sexuelles deviennent
mammifères non-primates, notamment en cou- indépendantes de la variation de concentration
plant les activités sexuelles aux saisons propices sanguine des hormones. Et chez la femme, les
(cycles saisonniers) et aux périodes où l'organisme activités peuvent avoir lieu durant tout le cycle.
est physiologiquement fécondable (puberté et Il n'existe plus d'inhibition comportementale.
cycles œstraux). Contrairement aux mammifères non-primates,
La principale évolution du contrôle hormonal la sexualité humaine est devenue continue et
est le découplage, la dissociation entre la physio- ne dépend plus du contrôle physiologique de la
logie de la reproduction et les activités sexuelles. reproduction.
Cette évolution est particulièrement visible chez Néanmoins, il est très important de noter que
les femelles (figure 3.4). les hormones jouent toujours des rôles biolo-
Chez les femelles des mammifères non-homini- giques majeurs. Seuls certains effets hormonaux
dés les activités sexuelles dépendent de la concen- ont été modifiés. Chez l'humain, un taux hor-
tration maximale des hormones (en particulier monal minimal est toujours nécessaire [41] et les
50 100
40 75
30
50
20
10 25
–3 –2 –1 0 1
16 400
12 300
8 200
4 100
28
0 7 14 21
Figure 3.4 Dissociation des activités sexuelles de la reproduction.
Source : Adapté de Thibault C, Levasseur MC. Eds. La reproduction chez les mammifères et l'Homme. INRA Ellipse ; 2001.
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 47
variations de ce taux influencent encore, bien que Ces données suggèrent que le comportement
faiblement, les activités sexuelles [42, 43]. sexuel des humains n'est quasiment plus ins-
En synthèse, au cours de l'évolution et de la cor- tinctuel. En particulier chez la femme, l'activité
ticalisation, les activités et la motivation sexuelles sexuelle motrice n'est plus la position réflexe de
deviennent graduellement indépendantes des lordose, déclenchée automatiquement par un sti-
cycles hormonaux qui contrôlent la reproduction. mulus sexuel tactile de l'homme. Le comporte-
ment sexuel humain ne dépend quasiment plus des
Évolution des systèmes olfactifs cycles hormonaux (cf. figure 3.4), des phéromones
et des réflexes sexuels moteurs (cf. figure 3.1).
La principale évolution relative à l'olfaction est De plus, de nouvelles activités non reproduc-
l'altération chez les hominidés des gènes des sys- trices apparaissent : masturbation, activités orogé-
tèmes olfactifs [44]. Environ 60 % des gènes olfac- nitales, baiser… Ces nouvelles activités sexuelles
tifs (OR) du système olfactif principal deviennent ne peuvent être expliquées par la mise en jeu des
des pseudo-gènes. Et plus de 90 % des gènes spé- réflexes copulatoires innés. En effet, comment
cifiques à la détection des phéromones (TAAR, expliquer par exemple le baiser, qui n'est même
VR1, VR2 et TRPC2) sont altérés. En raison pas une activité génitale, qui ne permet donc
de ces altérations, l'olfaction, qui est un fac- pas la fécondation, et qui surtout ne met en jeu
teur majeur chez les mammifères non-primates, aucun réflexe sexuel inné ? Par contre, toutes ces
devient secondaire chez les hominidés [45]. nouvelles activités non reproductrices corres-
Chez l'être humain, on observe encore des pondent à des activités de stimulation des zones
effets olfactifs [46], mais qui seraient résiduels. En érogènes. Et chez l'humain, elles procurent des
effet, les expérimentations scientifiques avec des sensations conscientes de plaisir sexuel, qui cor-
phéromones ne mettent en évidence que des effets respondent en simplifiant à l'activité du système
faibles, essentiellement physiologiques (comme la de récompense.
synchronisation du cycle menstruel) ou affectifs En synthèse, par rapport à la motivation, les dif-
[47], mais aucun effet comportemental [48]. férentes activités sexuelles (à part les mouvements
Par rapport à la motivation sexuelle, toutes ces rythmiques du bassin de l'homme) ne dépendent
données suggèrent que les principaux processus plus de l'exécution de réflexes copulatoires innés,
neurobiologiques de la répulsion (agression mâle– mais très probablement de motivations érotiques
mâle chez certaines espèces) et surtout de l'attrac- apprises. Chez l'humain, contrairement aux mam-
tion hétérosexuelle soient altérés et n'aient plus mifères non-primates, les réflexes sexuels moteurs
que des effets faibles. L'importance qualitative et de la femme deviennent secondaires et il apparaît
quantitative de ces effets résiduels sur la motiva- des motivations érotiques spécifiques pour des
tion sexuelle reste encore à évaluer. activités sexuelles particulières.
Pour cette raison principale, à laquelle s'ajoutent plus, chez l'homme, les capacités cognitives com-
la modification et l'altération des autres facteurs plexes telles l'imagination et la symbolisation per-
innés (en particulier olfactifs et moteurs), le sys- mettraient l'élaboration et l'apprentissage d'une
tème de récompense associé aux zones érogènes diversité de désirs.
deviendrait le principal facteur à l'origine de l'ap-
prentissage des motivations sexuelles [31].
Développement
Évolution de la cognition
de la diversité des désirs
La principale évolution relative à la cognition est sexuels humains
le développement majeur du néocortex et tout
particulièrement du cortex préfrontal.
En fonction des données présentées précédem-
L'important développement chez l'homme du
ment, et en particulier de l'importance du système
néocortex permet le développement de processus
de récompense associé aux zones érogènes, quel
cognitifs complexes : planification, abstraction,
serait le développement le plus probable des désirs
imagination, symbolisation… Ces capacités cogni-
sexuels humains ?
tives complexes induisent l'évolution de la moti-
Au niveau génétique et moléculaire, par rap-
vation sexuelle vers la diversité des désirs sexuels.
port à la composante motivationnelle du système
De plus, ces capacités intellectuelles sont à l'ori-
de récompense, l'existence de différents allèles
gine de l'élaboration de valeurs, de croyances et
codant les sous-unités du récepteur dopaminer-
de morales, et ces éléments culturels modifient
gique D4 serait à l'origine de différences interper-
tant le développement que l'expression des com-
sonnelles dans le niveau d'excitation sexuelle et de
portements humains.
désir [49].
La culture influencerait la motivation et les
Au niveau comportemental, comme la sexualité
désirs sexuels de manière indirecte, en créant des
infantile est un sujet sensible, les études dispo-
contextes sociaux qui modifient en profondeur
nibles sont rares. Néanmoins, il semblerait que la
les apprentissages sexuels (interdit ou liberté de
vasocongestion des organes génitaux existe dès la
la masturbation, valorisation de la pureté ou de
12e semaine de gestation [50] et l'érection a été
l'amour libre, rétention ou diffusion d'informa-
observée dès la 23e semaine [51, 52]. Vers la fin
tions sexuelles, limitation ou diversité des pra-
de la gestation, 75 % de ces érections sont asso-
tiques culturelles érotiques…).
ciées à des phases similaires au sommeil paradoxal
[53], suggérant que les relations entre le cerveau
Conclusion et le réflexe érectile sont déjà développées. À cette
Le comportement de reproduction des mammi- période apparaissent des stimulations génitales
fères non-primates est un comportement instinc- qui ressemblent à de la masturbation [54, 55], et
tuel contrôlé par les hormones et les phéromones, quelques cas de réactions comportementales évo-
et correspond essentiellement au niveau moteur à quant l'orgasme ont été observés [56, 57]. Ces
l'exécution des réflexes copulatoires. La dissocia- données suggèrent que le développement de ce
tion des activités sexuelles des cycles de la repro- qui deviendra de la motivation sexuelle pourrait
duction, l'altération de l'olfaction et la disparition débuter avant la naissance.
fonctionnelle du réflexe de lordose rendent la Après la naissance, l'environnement humain
majorité des processus innés de ce comportement et culturel – qui peut être très différent d'une
de reproduction peu fonctionnels. Comme le sys- société à l'autre [2] – exerce une influence appa-
tème de récompense et les zones érogènes sont les remment déterminante sur la motivation sexuelle.
seuls facteurs innés à ne pas être altérés au cours de En simplifiant, dans les sociétés les plus sexuelle-
l'évolution, il est probable qu'ils deviennent chez ment restrictives [58], les activités auto-érotiques
les hominidés le principal facteur neurobiologique et sexuelles sont empêchées et, à l'âge adulte, la
du comportement et de la motivation sexuels. De motivation sexuelle apparaît comme faible ou
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 49
absente. Par exemple, les femmes So n'auraient des tion sexuelle. Malgré l'altération importante des
activités sexuelles, douloureuses, que pour avoir systèmes olfactifs, il existe encore des effets hor-
des enfants [59]. À l'autre extrémité du conti- monaux directs sur le traitement de l'information
nuum, dans les sociétés où il n'existe quasiment olfactive, mis en évidence par l'imagerie cérébrale
pas de restrictions culturelles, on observe durant [46]. Ces effets, dont l'importance résiduelle
l'enfance des activités auto-érotiques et sexuelles reste à évaluer précisément, favorisent l'apprentis-
avec les pairs [60–62]. Même avant la puberté et sage d'une motivation hétérosexuelle ou parfois
ses effets hormonaux, la motivation sexuelle y est homosexuelle [71]. Il existe également des effets
décrite comme intense [63, 64]. Des observations hormonaux indirects, mal connus, dus aux nom-
similaires ont été réalisées dans certains groupes breuses différences induites par la différenciation
culturels occidentaux dans les années libérales sexuée de l'organisme [72]. Ces effets hormo-
1960–1970 [65]. Les observations cliniques sug- naux indirects influencent les comportements des
gèrent que c'est le plaisir génital (c'est-à-dire la hominidés [73, 74], influençant ainsi, dans une
stimulation des zones érogènes et l'activation du importance qui reste également à préciser, diffé-
système de récompense) qui serait le principal fac- rents aspects de la motivation sexuelle.
teur du développement sexuel [66, 67]. À noter que certains auteurs considèrent les
Ces données ethnologiques et développemen- hormones comme étant le facteur déterminant
tales suggèrent que la motivation sexuelle, et en de la motivation. Néanmoins, comme expliqué
particulier son intensité, se développe principa- au début de ce sous-chapitre, les hormones à elles
lement en fonction des caractéristiques du vécu seules ne semblent pouvoir être à l'origine de la
sexuel. Ces données suggèrent que le développe- motivation sexuelle.
ment du système de récompense est influencé par
les activités sexuelles, et que la motivation sexuelle
s'apprendrait, au moins en partie, par condition- Influence des conditionnements
nement de type opérant avec un renforçateur et des émotions
inconditionnel lié aux zones érogènes.
Cette motivation sexuelle de base serait ensuite Les conditionnements classiques ou instrumen-
modulée par différents apprentissages et phé- taux seraient impliqués dans la formation de moti-
nomènes biologiques, tels la puberté, les condi- vations préférentielles pour certaines activités ou
tionnements émotionnels et les apprentissages caractéristiques des partenaires [75], comme l'âge
culturels. du partenaire [76], le fétichisme [77], l'apparence
À noter pour le clinicien que l'importance du physique, la taille des seins, la forme du pénis, la
système de récompense dans le développement couleur des cheveux, des positions et des activités
de la motivation et des désirs sexuels permettrait érotiques, etc.
d'expliquer l'existence, dans certains cas, de désirs L'association avec les émotions semble être un
passionnels pathologiques [68]. des facteurs majeurs du développement de la moti-
vation sexuelle. L'association avec des émotions
positives (joie, tendresse, complicité, amour…)
Influence des hormones semble renforcer l'intensité de la motivation
sexuelle. Par contre, l'association avec des émotions
À la puberté, les hormones sexuelles augmen- négatives (peur, douleur, honte, culpabilité…)
tent l'intensité de la motivation sexuelle par des diminue et altère la motivation sexuelle, de manière
effets centraux (peut-être par la facilitation de la transitionnelle ou durable. Il semblerait que plus
libération de dopamine [69]) et des effets péri- l'association avec les émotions est intense et conti-
phériques (par augmentation de la sensibilité sen- nue (joie, humour, ou culpabilité, humiliation tou-
sorielle [70]). jours présents lors des situations sexuelles), plus
Les hormones sexuelles ont également des effets ces émotions seraient intégrées et deviendraient
directs et indirects sur l'orientation de la motiva- consubstantielles à la motivation sexuelle finale.
50 Manuel de sexologie
est culturellement réprouvé, il ne sera générale- Figure 3.5 Le désir sexuel active des processus
ment pas pratiqué, les zones érogènes buccales et impliqués dans l'anticipation des récompenses,
l'intégration du plaisir somatosensoriel et la cognition
le système de récompense ne seront pas stimulés, sociale. L'amour augmente le désir, parfois intensément,
et il est ainsi peu probable qu'une motivation éro- car il active la composante motivationnelle des
tique pour cette activité se développe ; ou, à un récompenses.
Source : Cacioppo S et al. The common neural bases between sexual
niveau plus cognitif, bien que la bisexualité soit desire and love: a multilevel kernel density fMRI analysis. J Sex Med
habituelle chez les hominidés [81], l'existence 2012 ;9(4):1048–54.
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 51
diversité
Complexité
facteurs
COGNITION Croyances
acquis
Mimétisme
de DÉSIRS
Imaginaire t
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Conditionnements p pe
m
ÉMOTION émotionnels velo
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SYSTÈME DE P de
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rs,
I
Techn Scripts
ON
ologie
facteurs s
innés
PHYSIOLOGIE Gènes CONTEXTE
Hormones CULTUREL
Phéromones
Figure 3.6 Dynamique multifactorielle d'apprentissage des désirs sexuels. L'importance relative de chaque facteur
(qui doit encore être précisée par des recherches futures) est variable en fonction des personnes, des vécus individuels
et du contexte socioculturel.
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 53
leur narcissisme ne saurait souffrir de retard ou de a dénommé « la censure de l'amante » ce moment
défaillance de la source de cet amour. On recon- où la mère pense à autre chose qu'à l'enfant, par
naît là l'exigence et la sensibilité des adolescents exemple au père de l'enfant ou à des événements
vis-à-vis de toutes désaffections amoureuses si banals de la vie quotidienne en rapport avec l'exis-
souvent à l'œuvre dans les brusques passages à tence d'une famille comportant le père de l'enfant.
l'acte suicidaire si fréquents à cette époque de la Ce sont ces moments où l'enfant est confronté à
vie [100]. ce que Jean Laplanche appelle des signifiants énig-
Mais, à l'adolescence, le narcissisme se piège lui- matiques, c'est-à-dire à la sexualité de sa mère et
même. Le besoin d'un objet sur lequel porter sa au fait que, dans l'esprit de sa mère, existe un troi-
libido est ressenti comme une nécessité interne à sième personnage, dont elle est amoureuse et avec
laquelle le sujet ne peut se soustraire. Le besoin qui elle l'a fait. Ces moments d'émotion, chargés
psychique tant que sexuel qui porte les adoles- d'interrogations, correspondent à la première
cents et les adolescentes les uns vers les autres confrontation du bébé avec la sexualité adulte et
répond à une nécessité interne extrêmement avec l'existence du père. Le père est tout d'abord
forte ; il ne s'agit pas seulement (narcissisme) de présent dans l'esprit de la mère et dans son organi-
recevoir l'estime et l'amour d'autrui, il s'agit de sation libidinale. C'est par la mère que l'enfant est
gagner un objet d'amour ou d'attirer un objet confronté au père. Nous voyons que se trouvent
d'amour qui puisse porter sur soi la libido que l'on dès l'âge le plus tendre les prémices du complexe
projette sur lui. À l'adolescence, il est urgent d'ai- d'Œdipe [102].
mer et il serait très schématique de limiter cette
urgence à un simple bouleversement hormonal.
L'organisation psychique est tout entière prépa- Narcissisme et objectalité
rée depuis la petite enfance à un tel mouvement
[101]. Narcissisme et objectalité suivront le destin
de l'enfant pendant toute sa vie y compris à
l'âge adulte. Les tendances narcissiques, peut-
La question du père être prédominantes chez la fille, la pousseront à
une sexualité où il est important d'être aimée et
À l'époque où se crée ce lien si intense, si fort où être aimée est un des buts de la sexualité au
entre le bébé et la mère, qu'elle peut être la posi- sens large. En cela, peuvent s'expliquer le besoin
tion du père ? Le bébé et la mère sont unis par des femmes d'être aimées et valorisées par leur
un amour narcissique extrêmement fort et réci- partenaire, leur moindre possessivité et l'impor-
proque. La mère est investie du narcissisme du tance extrêmement grande à leurs yeux d'être suf-
bébé par la libido objectale de celui-ci, mais le fisamment belles pour capter l'amour de l'objet
bébé est lui-même investi narcissiquement par la qu'elles convoitent. En cela, on peut dire que les
mère qui l'a porté pendant la gestation comme jeunes femmes qui se marient croient épouser un
une partie de son propre corps. Il l'aime comme homme qui ressemble à leur père, alors que pri-
lui appartenant totalement, elle l'aime comme lui mitivement et fondamentalement, elles retrouvent
ayant totalement appartenu. l'amour de leur mère.
Si nous nous représentons un bébé dans les bras Le courant objectal demeure cependant très
de sa mère, nous pouvons concevoir qu'à certains puissant. Plus tardif, il est également plus adapté
moments ils soient en totale symbiose l'un avec à la réalité. C'est en suivant cette ligne pulsion-
l'autre, les yeux dans les yeux, le bébé bien tenu nelle que les adolescents et les adultes, surtout les
dans les bras de la mère et proche de son corps. Il garçons, se détacheront du narcissisme et appré-
arrive cependant dans cette position que, tout à cieront l'objet d'amour en fonction de ses qua-
fait soudainement, le regard de la mère se modifie lités propres. En cela, il est possible de dire que
imperceptiblement et qu'elle soit soudainement les adolescents ou les hommes choisiront comme
absente. C'est ce que le psychanalyste Michel Fain objet d'amour une femme qui ressemble à leur
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 55
mère ou, si le conflit œdipien est très violent, une critères de la santé sexuelle. Définir l'imaginaire
femme qui a tout de différent avec leur mère pour comme une illusion, pour nous transporter, mais
surtout ne pas être leur mère ; mais même là, la pas pour nous tromper ; seulement pour nous faire
référence maternelle demeure forte et la recherche confondre le monde avec le désir que l'on en a, il
des qualités du premier objet d'amour influencera faut, pour cela, délaisser Platon pour qui l'image
fortement le choix du partenaire amoureux. est le plus bas degré du réel, pour qui l'imagination
est le plus bas degré de la connaissance et suivre
Aristote : « L'image est née de l'émerveillement et
il n'y a pas de pensée sans image. »
Imaginaire et érotisme Croire en l'imaginaire érotique, c'est donc
accepter ce passage incessant de l'illusion au réel.
Jean Peyranne De l'image bien réelle, les connexions séman-
tiques s'étendent ensuite à la fiction res fictae, puis
aux prodiges portenta, puis aux racines grecques
« L'imagination consiste à expulser de la réalité plusieurs de l'imago latin, c'est-à-dire l'icône (εικων) et
personnes incomplètes pour, mettant à contribution les enfin au fantasme (ϕαντασμα) qui signifiait les
puissances magiques et subversives du désir, obtenir
reflets sur l'eau, mais aussi vision, songe. Le fan-
leur retour sous la forme d'une présence entièrement
satisfaisante. C'est alors l'inextinguible réel incréé. » tasme devient l'objet de la fantaisie, du fantastique,
René Char, Fureur et Mystère.
et surtout une image offerte à l'esprit par l'objet,
l'objet érotique. Comment l'image destinée à
reproduire un objet se trouve-t-elle en situation
de créer une nouvelle réalité ? Cette relation de
l'image à l'imaginaire, explique Pierre Kauffman
Champ sémantique [103], c'est le problème même de l'imaginaire.
de l'image Mais pour nous, en sexologie, c'est ce qui en fait
son inépuisable richesse.
Image qui apparaît à la conscience d'un individu, La deuxième acceptation, c'est admettre qu'un
perceptions, pensées sexuelles ou fantasmes, rêve- inconscient existe et l'admettre c'est renoncer pour
ries et rêves érotiques, une définition uniforme et soi-même à la prétendue maîtrise de ses actes, à la
ponctuelle de l'imaginaire n'existe pas si ce n'est toute-puissance de la lucidité et du vouloir. Et s'il
par l'opposition évidente à la réalité, au fait que la est difficile de parler de l'inconscient, c'est qu'il ne
réalité a un autre mode d'existence que les choses. peut être connu que par la conscience mais aussi
Pour simplifier, on peut cependant dire que chez qu'il passe par le langage, que ce soit celui du rêve
l'humain, le sexuel passe à la fois par les voies de ou du rêve éveillé, justification évidente du travail
l'imaginaire et celles de la réalité. Au sexuel qui sur l'imaginaire.
prend corps dans le réel, se superpose le sexuel De plus quand l'image devient le lieu d'une
imaginé, celui qui s'exprime dans le fantasme interrogation sur l'acte même de voir et de per-
éveillé et le rêve nocturne. cevoir, c'est parce qu'il y a une épaisseur d'ima-
Mais si le mot imaginaire découle du terme ginaire qui sous-tend la perception, qui lui donne
d'image, il convient – si on veut l'utiliser comme une densité signifiante : dans l'imagination éro-
outil en thérapie sexologique, but de cet ouvrage – tique, lorsque l'homme voit le corps de la femme,
de ne pas s'en tenir à son origine étymologique du il imagine ce qui est mais, en même temps, il la sur-
latin imago qui serait la reproduction d'un modèle, réalise comme objet érotique, métaphore de tou-
voire imitation (de la même origine, imitor), mais cher, de mouvement, d'ondulations, de cambrure,
d'adhérer à sa fonction de nous soustraire au de femme qui s'écoule entre ses mains… Il rêve
déjà vu et de nous transporter ailleurs, dans les ce qu'il voit. La caresse est elle-même imaginaire,
domaines du désir, du rêve et du plaisir : capacités à dans la mesure où celui qui la donne n'a en vue
désirer, à imaginer et à jouir étant les trois premiers que l'effet qu'elle produit sur celle qui la reçoit.
56 Manuel de sexologie
Enfin, cet imaginaire, qui me transporte vers même si les personnages du fantasme ou les parte-
l'autre, me constitue en même temps comme sujet naires de la réalité changent.
désirant et sujet érotique : c'est sa fonction créa-
trice, ou comme le dit Hegel « nous ne prenons
conscience de nous-mêmes que dans les circons- Selon la fonction d'excitation
tances qui nous réfléchissent ».
Fantasmes d'endormissement, variables, inter-
Étudions successivement : fantasmes, rêves,
changeables, inducteurs du sommeil, fantasmes
points de jonction ou de discordance entre rêves,
orgastiques et pré-orgastiques, plus stéréotypés et
fantasmes et réalité et enfin liens entre imaginaire
plus près des fantasmes primaires, fantasmes mas-
et érotisme.
turbatoires, souvent plus corporels, génitalisés, à
grande valeur excitatoire.
… d'une typologie
fantasmatique Selon leur degré
de conscientisation
Au niveau de la pensée érotique, il est bien dif-
Nous ferons la différence entre les fantasmes
ficile de faire une classification des fantasmes,
manifestes et les fantasmes latents, près de la
mais si on part de la définition qu'il s'agit d'une
conscience, impressions ou ressentis par le sujet
image qui apparaît à la conscience de l'individu,
dont il faut éviter le déboulement trop rapide pour
et nous avons vu les rapports possibles de l'image
ne pas déstabiliser le patient.
à l'imaginaire, définition qui peut s'étendre aux
impressions psychiques à valeur érogénique, une
typologie de la fantasmatique sera très utile dans Absence de fantasme
un travail d'évaluation, puis de prise de conscience
et peut-être de transformation de l'imaginaire de Il ne faut pas oublier l'absence de fantasme : « Je
cet individu. Nous considérons ici qu'il s'agit de n'ai pas de fantasme… » C'est peut-être un moyen
fantasmes à contenus sexuels. de s'en protéger, de ne pas se les autoriser, de ne
L'expérience en thérapie nous montre qu'il est pas révéler ou réveiller le plus intime, ce qui nous
particulièrement intéressant d'évaluer un fantasme ramène à la définition classique du fantasme comme
selon plusieurs éléments. figurant l'accomplissement d'un désir inconscient.
Faut-il le réaliser ou non, et dans ce cas est-ce
le perdre ? Est-il proche de la réalité ou à l'inverse
Selon sa valeur érogénique complètement invraisemblable ? Est-il spontané
(étant ainsi plus déculpabilisant) ou provoqué ?
Fantasme hédonique, et à l'opposé, fantasme anxio- Le sujet est-il présent dans son fantasme ? Ce sont
gène. autant de questions à poser et à se poser, mais
une règle essentielle est de connaître la capacité
du sujet à neutraliser ou à sublimer son fantasme,
Selon son rapport au temps autre critère majeur de santé sexuelle.
Le fantasme primaire (qui existe depuis le plus
longtemps, voire depuis l'enfance et qui est à Fonctions du fantasme
rechercher dans l'association aux souvenirs d'en-
fance et aux premières excitations érotiques infan- Pour simplifier, on peut énoncer quatre fonctions
tiles), le fantasme central, c'est-à-dire celui qui a du fantasme :
la valeur la plus érogénique actuellement ou à un • la fonction hédonique, évidente où le fantasme rem-
moment donné de l'histoire d'un individu, et le plit la fonction de plaisir, contribuant à l'éveil, au
fantasme récurrent répètent le même scénario, maintien ou à l'activation de l'excitation érotique ;
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 57
• la fonction complétive : il comble les besoins sujet, ou comme le dit si bien Bachelard [104] :
psycho-affectifs (j'aime et je suis désirable), per- « Le rêve de la nuit est un rêve sans rêveur… et le
met de consolider l'identité sexuelle (je suis un sujet n'est pas présent à ses rêves. » Freud le consi-
homme, je suis une femme), anticipe l'activité dérait comme la voie royale de l'inconscient, il est
érotique, permet de se narcissiser, de dépasser moins soumis à la censure que le fantasme, plus
pudeur, interdits, routine, d'intégrer érotismes propice à la transgression des interdits, il permet
fusionnels (tendresse, amour) et érotismes peut-être de percevoir ce qui est refoulé et, tou-
antifusionnels (agressivité, domination, voire jours selon Freud, il vise à l'accomplissement d'un
hostilité) ; désir.
• la fonction compensatoire : il peut ainsi corriger Il est bien évident que dans ce court travail,
une réalité inaccessible ou insatisfaisante, évi- une analyse sur les caractéristiques, les contenus
ter le passage à l'acte, permettre d'accepter les et les fonctions du rêve sexuel est impossible. Mais
interdits sociaux, donner l'illusion de puissance, il me paraît plus intéressant dans une approche
compenser solitude et vide affectif ; thérapeutique centrée sur l'imaginaire érotique de
• la fonction défensive : convertir un conflit d'en- voir les liens qui existent entre rêves et fantasmes,
fance en victoire (en renversant les rôles : la entre rêves et réalité, entre fantasmes et réalité.
victime devient l'agresseur), falsifier la réalité Comment ce qui est énoncé du rêve (et souvent il
(patient immature), surmonter une situation s'agit du peu dont on se souvient) s'évoque ou se
dépressive, évacuer des pulsions sexuelles telles reproduit dans le fantasme ? Comment ce qui est
des pulsions hostiles. dit dans le fantasme se traduirait, serait possible
dans la réalité ? Existe-t-il une concordance ou
une discordance entre les contenus des fantasmes
Rêve sexuel et liens entre et ceux des rêves sexuels ? Quelle déformation et
rêve, fantasme et réalité quelle censure le sujet pose-t-il plus ou moins
consciemment entre les mondes du songe et du
Dans ce travail sur l'imaginaire, le rêve c'est le rêve réel (figure 3.7) [105] ? Enfin et surtout par quels
nocturne où les images se développent à l'insu du moyens mutatifs, par quelles transformations voire
Censure
PRINCIPE
PRINCIPE
DE
DE PLAISIR
RÉALITÉ
par quelles inductions le patient et le thérapeute même temps, le désir érotique c'est l'autre, le lien
vont-ils permettre une prise de conscience du érotique, la projection sur l'autre de toutes nos
désordre sexuel, de sa signification et de sa correc- valeurs, l'autre qui est désirant en moi. Exaltation
tion dans un but de plus grande maturité sexuelle, du sujet et transfiguration de l'objet, seul l'imagi-
au-delà de la simple résolution d'un symptôme ? naire permet cette complémentarité. Le tout c'est
d'y croire, d'y adhérer : « L'érotisme c'est l'adhé-
sion distanciée à l'imaginaire. » [107]
De l'imaginaire à l'érotisme
Voilà quelques principes d'utilisation de l'outil
imaginaire : s'il y avait un imaginaire chimique…, Identité sexuelle
il y aurait des règles de prescription. Il en est de
même pour l'imaginaire érotique, même si par Nathalie Dessaux, Patrice Cudicio
essence l'érotisme est le domaine de l'irration-
nel. Mais l'irrationnel n'est-il pas le plus intime
de la réalité ? Les surréalistes de Breton à Dalí Définitions
ont apporté cette découverte que l'irrationnel
devenait le réel à travers l'imaginaire humain. L'identité sexuelle a été définie par Shively et de
Évidemment, on pourrait s'en tenir à une défini- Cecco (1977) comme la résultante de plusieurs
tion de l'érotisme comme l'ensemble des mani- dimensions : le sexe biologique, l'identité de
festations visant la recherche du plaisir, ou toute genre, les rôles sexuels, et l'orientation sexuelle.
chose pouvant entraîner une excitation génitale. Dans ce chapitre, nous nous attacherons à définir
L'activité sexuelle de reproduction est commune le sexe biologique et son (sexe génétique, sexe gona-
aux animaux sexués et aux hommes, mais appa- dique et sexe corporel) ainsi que l'identité de genre,
remment (hors recherche anthropologique), seuls qui fait référence à la manière dont un individu
les hommes ont fait de leur activité sexuelle une investit psychologiquement les rôles socio-sexuels
activité érotique. attribués culturellement au masculin et au féminin.
Mais tout rapport sexuel humain n'est-il pas Si en général l'identité sexuée et l'identité de
un voyage dans l'imaginaire ? Même l'érotisme genre sont cohérentes et convergentes chez un
forcené, immédiat, frénétique qu'on retrouve même individu, il peut apparaître une non-confor-
dans la littérature de Henry Miller, même celui mité entre le sexe biologique et l'identité de genre,
de la prostituée qui n'éprouve pas l'intérêt éro- ce que le DSM-5 a nommé la dysphorie de genre.
tique qu'elle exhibe et, bien sûr, même celui de Concernant le sexe biologique, il existe un
l'héroïne sentimentale qui tombe amoureuse ou certain nombre d'anomalies génétiques et chro-
sent le regard du héros se poser sur elle. Je cite mosomiques que sont les syndromes de Turner,
[106] : « L'amour est imaginaire dans la mesure le syndrome XXX, le syndrome de Klinefelter, le
où il s'adresse à un objet qui ne peut être pour lui syndrome XYY, l'hermaphrodisme et les pseudo-
qu'une image, c'est-à-dire le résultat de sa parti- hermaphrodismes, qui sont abordés brièvement
cipation à une nouvelle réalité (à la fois objective plus loin.
et subjective). » Mais la difficulté de l'homme,
et nous le voyons en thérapie, c'est son impuis-
sance à trouver des images dont la fonction est Sexuation biologique
de l'égarer. Le passage d'un état normal à celui
de désir érotique suppose en nous la « dissolu- Le déterminisme sexuel est d'abord d'ordre biolo-
tion », savoir se perdre, s'abandonner, s'illusion- gique et nous ferons la distinction entre ce qui est
ner, comme si quelque chose de nouveau aller de l'ordre du génétique et ce qui est de l'ordre du
se révéler (« attente de l'Inattendu »). Mais en chromosomique.
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 59
Chez l'homme comme chez l'animal, le sexe de La première a pour effet d'entraîner la régres-
l'individu est déterminé dès la fécondation par les sion des canaux de Müller à l'origine des organes
chromosomes sexuels : XX chez la fille, XY chez sexuels féminins, tandis que la seconde va être
le garçon. responsable des canaux de Wolff à l'origine des
organes sexuels masculins.
En ce qui concerne les embryons XX, le déve-
Du sexe génétique au sexe loppement des canaux de Müller se fait plus
gonadique (figure 3.8) tardivement, vers la 12e semaine, et ils donne-
ront naissance aux organes sexuels féminins ; en
Nous allons pour commencer faire un bref rap- absence de testostérone, les canaux de Wolff vont
pel des différentes étapes de la différenciation régresser.
sexuelle. Au niveau gonadique, la production hormo-
Comme nous le savons, les gamètes féminins ou nale ainsi que la présence de récepteurs à ces hor-
ovules ne sont porteurs que du chromosome X, mones détermineront le sexe corporel et donc
alors que les gamètes masculins ou spermato- l'état civil.
zoïdes sont porteurs soit du chromosome X, soit
du chromosome Y. C'est donc au moment de la
fécondation que sera fixé le sexe de l'enfant par Anomalies
appariement des deux chromosomes sexuels et
c'est donc bien le spermatozoïde qui va détermi- Anomalies chromosomiques
ner son sexe. Chez la fille
Sur le plan embryonnaire, au moment de la
Ce sont le syndrome de Turner et le syndrome
fécondation et jusqu'à la 7e semaine, nous savons
XXX.
que les ébauches des gonades sont les mêmes dans
Le syndrome de Turner se caractérise par la
les deux sexes avec présence simultanée des canaux
présence d'un seul X, ce qui ne permet pas le
de Wolff et des canaux de Müller : c'est ce que
développement et le fonctionnement ovarien. Il
nous pouvons appeler le stade de gonades indiffé-
n'y a pas de développement des caractères sexuels
renciées. Et c'est à partir de cette 7e semaine que
secondaires, bien que l'apparence globale soit
va se mettre en place ou non une différenciation
féminine. La taille est petite et il existe fréquem-
en faveur du sexe mâle en fonction de la présence
ment de nombreuses malformations associées.
ou non du chromosome Y.
L'identité de genre reste habituellement féminine.
Le chromosome Y est responsable de la produc-
Le syndrome XXX ne semble pas jusqu'à pré-
tion de deux hormones : l'hormone anti-müllé-
sent être responsable de trouble organique ou
rienne dès la 7e semaine et la testostérone à partir
psychologique.
de la 10e semaine.
Chez le garçon
SEXE GÉNÉTIQUE Ce sont le syndrome de Klinefelter et le syndrome
XYY.
SEXE GONADIQUE
Le syndrome de Klinefelter se caractérise par la
présence de 2X pour 1 Y. Le corps de ces individus
est celui d'un homme, mais les organes génitaux
PHÉNOTYPE sont atrophiés et la morphologie est particulière,
de type macroskèle, et accompagnée d'une gyné-
Organes génitaux Organes génitaux Caractères sexuels comastie dans 40 % des cas.
internes externes secondaires Il existe assez fréquemment des troubles du
comportement.
ÉTAT CIVIL Le syndrome XYY ne semble pas être respon-
Figure 3.8 Du sexe génétique au sexe gonadique. sable de différence significative avec les sujets
60 Manuel de sexologie
normaux, bien que l'on ait pu, à une certaine Pseudo-hermaphrodisme masculin
époque, y associer sur le plan comportemental une Il est provoqué par un déficit en 17-β-hydroxystéroïde
plus grande agressivité (chromosome du crime !). déshydrogénase chez une personne dont le caryo-
Nous ne ferons que mentionner les anomalies type est 46 XY et il s'agit alors d'une malformation
de types mosaïques XO/XX ; nous mettrons à part de type autosomique récessive. Ce déficit enzyma-
les mosaïques 46 XX/46 XY responsables d'her- tique est responsable d'une absence de testostérone
maphrodisme vrai. dans le testicule fœtal. Il a pour effet une absence de
masculinisation des organes génitaux chez ce sujet
Anomalies génétiques XY. À la naissance, les organes génitaux externes
Hermaphrodisme vrai sont de type féminin ou présentent une ambiguïté
Véritable mais rare cause d'ambiguïté sexuelle (un sexuelle. À la puberté apparaissent une gynécomas-
peu plus de 500 individus répertoriés), son caryo- tie et des signes de virilisation du fait d'une aug-
type est le plus souvent de type 46 XX, mais on mentation de la testostérone par transformation
peut trouver des mosaïques 46 XX/46 XY, des périphérique de l'androstènedione.
translocations XY et des caryotypes XY. Il peut également être provoqué par une insen-
Il se caractérise chez un même individu par la sibilité des tissus récepteurs cibles à la testostérone
présence en proportion variable de tissu testi- (testicules féminisants). Il s'agit également d'une
culaire et ovarien, ce qui explique l'ambiguïté maladie héréditaire récessive liée à l'X chez un
sexuelle retrouvée à la naissance avec toutes les sujet 46 XY. Là encore, l'apparence est féminine
variantes possibles entre un phénotype masculin et le reste au moment de la puberté avec déve-
et un phénotype féminin [109]. loppement de la poitrine et une très belle mor-
Prader (1955) a ainsi défini cinq types : phologie féminine. Par contre le vagin est court, il
• type 1 : phénotype féminin avec clitoris n'y a pas d'utérus et les gonades testiculaires sont
hypertrophié ; intra-abdominales ou inguinales.
• type 2 : aspect féminin avec un vestibule où Pour information, il existe une autre maladie
s'abouchent le vagin et l'urètre ; génétique associant un pseudo-hermaphrodisme
• type 3 : aspect intermédiaire ; masculin et une chondrodysplasie.
• type 4 : aspect masculin, pénis hypospade avec
orifice urétral à la racine de la verge, scrotum Pseudo-hermaphrodisme féminin
normal, orifice vaginal débouchant dans l'urètre Il est également le résultat d'une perturbation
à la hauteur de l'utricule prostatique ; enzymatique ; celle-ci se déroule au niveau des
• type 5 : phénotype masculin presque parfait mais glandes surrénales du fœtus. Si le sujet est porteur
persistance de vestiges vaginaux. d'ovaires, les organes génitaux externes sont plu-
Les gonades, en position variable, sont consti- tôt de type masculin. La cause la plus fréquente en
tuées le plus souvent de tissus testiculaire et est l'hyperplasie surrénalienne congénitale.
ovarien. L'utérus, quand il existe, est hypopla- Il est parfois constaté chez certains sujets une
sique. Lors de la puberté et en fonction de l'im- imprégnation hormonale d'origine maternelle :
portance des différents tissus gonadiques, on tumeur surrénalienne de la mère ou prise de
pourra observer la survenue de menstruations, progestatifs.
d'une spermatogenèse et d'un développement On peut également mentionner de faux cas de
mammaire. pseudo-hermaphrodisme féminin, appelé inter-
À la naissance, le sexe d'élevage sera choisi en sexualité : il s'agit de femme présentant une
fonction de l'inclinaison du phénotype. hypertrophie clitoridienne pouvant atteindre
Après la fin de la croissance, l'ablation du tissu une taille de 4 cm (au repos !). Ce serait relative-
gonadique du sexe opposé est indispensable, ainsi ment fréquent chez des ethnies méditerranéennes
qu'une hormonothérapie substitutive ou complé- (2/1000). Ces femmes ont un aspect un peu
mentaire appropriée. androïde qui peut être amélioré par un traite-
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 61
ment hormonal approprié. Les organes génitaux ou à les légitimer, même si une certaine articula-
externes et internes sont normaux et il n'y a habi- tion apparaît dans un abord transversal.
tuellement pas de stérilité.
ou de la spécialisation de ses activités. Le fonction- sortir de cette bisexualité psychique pour aller
nement du cerveau est un remodelage permanent, vers la monosexualité, au prix cependant d'une
les circuits neuronaux se font et se défont, ils ne blessure narcissique : le désir profond de l'incons-
sont jamais immuables et sont le témoin d'une cient serait d'annuler à tout prix cette séparation
vie. Il en est ainsi, selon Catherine Vidal, des atti- d'avec l'autre. À ce sujet, il convient de rappeler
tudes féminines et masculines qui sont donc des que l'idée d'une bisexualité habite l'être humain
construits de la culture. depuis toujours, il nous suffit pour cela de rappe-
En réalité, cette question de la sexuation du ler Le banquet de Platon et son célèbre mythe de
cerveau interroge l'éternel débat de l'inné et de l'androgyne5.
l'acquis. Cette vision déterministe qui considère Si le psychisme d'un individu comporte tout à
que nos aptitudes intellectuelles et nos compor- la fois une part masculine et une part féminine,
tements sont pré-établis en fonction d'une carte il n'en reste pas moins vrai que tout un chacun
de naissance sexuée nous dédouane de tout effort se définit prioritairement en tant qu'homme
d'adaptation à l'autre. L'utilisation qui est faite de ou femme en fonction d'une prédominance de
ces études révèle bien souvent un comportement caractères masculins ou féminins. La théorie psy-
androcentré et justifie de manière pseudo-scienti- chanalytique fonde cette affirmation sur la dif-
fique des inégalités sociales entre les hommes et férenciation sexuelle qui intervient au cours du
les femmes, sur le plan de l'orientation scolaire par stade phallique, avec pour point d'orgue le com-
exemple, ou entre les hétérosexuels et les homo- plexe d'Œdipe, très contesté de nos jours. Certes,
sexuels (qui seraient plus « féminins »). La ques- Freud reconnaît qu'avant la mise en place de cette
tion du sexe du cerveau n'est jamais neutre et la problématique, l'enfant est à même d'opérer une
science – ou celle qui se donne comme telle –, par distinction de genre entre hommes et femmes, se
la mise en lumière de certaines données, parti- rangeant lui-même du côté des garçons ou des
cipe également à la fabrication du féminin et du filles, mais cette distinction ne relèverait pas du
masculin. pulsionnel et ne prendrait pas en compte l'organe
génital. Organe génital qui, selon la théorie freu-
dienne, ne peut être que phallique : « en avoir
De la bisexualité psychique ou pas » résume de façon lapidaire le processus
à l'identité de genre : les de construction de cette différenciation sexuelle
modèles psychanalytiques selon le père de la psychanalyse.
Dans ce modèle, c'est au cours du stade phal-
Premier auteur à avoir conceptualisé une théorie lique que se manifeste la curiosité infantile.
du développement psychosexuel, Freud [114], L'enfant prend alors conscience de la différence
s'il s'est intéressé à la différence psychique entre anatomique des sexes, c'est-à-dire de la présence
les sexes, n'a pas traité de la notion d'identité ou de l'absence du pénis. Selon Freud, en effet,
sexuelle. Selon Freud, les différences psychiques il n'y aurait pas dans l'inconscient de signifiant
entre les hommes et les femmes dépendent de nommant le sexe de la femme. La petite fille
leurs différences anatomiques : « L'anatomie, c'est méconnaîtrait son vagin et ne connaîtrait que son
le destin » a-t-il ainsi pu écrire. S'appuyant par clitoris, considéré comme un pénis atrophié. Se
ailleurs sur des données anatomiques et embryo- sexuer reviendrait alors à se positionner par rap-
logiques, Freud élabora une théorie de la bisexua- port au phallus : la petite fille s'estime dépour-
lité psychique : « Ni du point de vue biologique,
ni du point de vue psychologique, les caractères 5 Selon ce mythe fondateur, l'humanité primitive était
d'un des sexes chez un individu n'excluent ceux faite de sphères d'une seule pièce, mais doubles en tout,
de l'autre. » Pour Freud, le fantasme bisexuel de et relevant de trois genres : masculin, féminin et andro-
gyne. Ces sphères autosuffisantes en conçurent un si
l'enfant consiste à vouloir posséder les pouvoirs grand orgueil qu'elles s'attaquèrent aux Dieux. Ceux-ci les
et les qualités qu'il attribue aux parents des deux punirent en les coupant en deux. Depuis, chacun cherche
sexes ; l'organisation œdipienne lui permettra de sa moitié et ce serait là l'origine de l'amour.
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 63
vue (complexe de castration), le petit garçon a est reconnu comme garçon ou fille. Tout comme
peur de le perdre (angoisse de castration). Le Winnicott, il insiste sur la fusion première avec la
complexe d'Œdipe (ou d'Électre pour la fille) mère et développe la notion de « protoféminité »,
conduirait l'enfant à éprouver une attirance pour faisant référence à une féminité primaire commune
le parent de sexe opposé et une hostilité pour aux deux sexes et découlant du lien fusionnel avec
le parent de même sexe. Ces sentiments don- la mère. L'individuation masculine se réaliserait à
neraient naissance à une forte angoisse, notam- partir d'une désidentification d'avec la mère. La
ment en raison de l'impossibilité qu'a l'enfant de masculinité est alors vue comme une construction
se substituer au parent de même sexe. C'est en secondaire, facilitée par la mise en veilleuse de la
s'identifiant à celui-ci que l'enfant sortira de la féminité de base et par l'émergence de l'agressivité
problématique œdipienne. Ce processus d'iden- phallique. Stoller reconnaît aux garçons une plus
tification amènera l'enfant à intégrer les valeurs, grande fragilité dans ce processus d'acquisition
rôles et attitudes propres à son sexe. Selon la identitaire, le rejet de l'identification féminine pri-
théorie freudienne, ce n'est donc qu'à partir de maire entraînant tout un travail de deuil. La fille,
la résolution de l'Œdipe, vers 5 ans, que l'enfant n'ayant pas à changer de modèle d'identification
adoptera un rôle sexué. pour développer sa féminité, aurait une identité de
Dans ce modèle, le masculin–phallique s'oppose genre plus solide.
au féminin–châtré et dans ce contexte, la petite Le rôle du père est essentiel pour l'acquisition
fille est d'abord un petit garçon, ce qui n'est pas de l'identité de genre. Il doit être pour le gar-
sans rappeler le modèle biblique : la femme créée çon un modèle d'identification adéquat. S'il est
à partir de l'homme… Freud lui-même reconnais- absent, indifférent ou inaccessible, ce processus
sait que sa description ne concernait que le garçon est alors perturbé. De même, le père intervient
et la psychanalyse reste encore très lacunaire sur ce pour orienter et guider l'individuation féminine.
qui constitue le féminin, même si d'autres auteurs, L'intervention paternelle dans la symbiose mère–
comme Mélanie Klein ou Karen Horney, affirment enfant est à la source du noyau de l'identité de
que le vagin est connu dès la prime enfance et que genre. Le petit garçon, tenu par trop d'intimité
l'enfant de sexe féminin est fille dès le début. et trop peu de frustrations dans cette symbiose,
Winnicott [115] affirme, quant à lui, que l'en- peinera à développer sa masculinité, et plus encore
fant, garçon ou fille, du fait de cette fusion origi- si le père n'est pas suffisamment présent pour le
nelle à la mère et à son sein, est d'abord féminin. protéger de l'influence maternelle. A contrario,
L'enfant est féminin parce que la mère est femme. une symbiose mère–fille perturbée peut conduire
La transmission de ce caractère « féminin pur » à une masculinisation de la petite fille, ce risque
est préalable à la constitution du Moi. Pour pou- s'accroissant d'autant plus que le père intervient
voir accéder au masculin, le garçon devra d'abord et se montre intrusivement présent. À partir de ces
reconnaître la mère comme autre. Le carac- concepts, le sexologue québécois Crépault [117]
tère « masculin pur » apparaîtra secondairement développera une approche thérapeutique spéci-
lorsque l'enfant sera prêt à affronter la séparation. fique des troubles sexuels.
Stoller [116] dégage le concept d'identité
de genre, opérant une distinction entre « sexe »,
qui désigne ce qui est relatif à la sexualité, et Vers un schéma de genre :
« genre », qui renvoie au sexe social. L'un serait le modèle cognitiviste
le sexe anatomique, l'autre le sexe psychologique.
Cette théorie ne laisse que peu de place au choix D'après ce modèle, la mise en place des comporte-
du sujet dans la sexuation qui est essentiellement ments sexués et l'acquisition de l'identité sexuelle
l'œuvre des autres. Selon Stoller, cette identité s'élaborent par stades, le passage d'un stade à un
de genre se développerait dans la première année autre s'accompagnant chez l'enfant d'une aug-
de vie et résulterait de l'ensemble des conduites mentation des connaissances relatives à l'identité
de l'entourage de l'enfant, différentes selon qu'il sexuelle et aux rôles qu'elle implique [118] :
64 Manuel de sexologie
• le stade de « l'identité de genre », lorsque Dans cette théorie, les cognitions sont au pre-
l'enfant identifie correctement sa propre iden- mier plan et l'élaboration de l'identité sexuelle est
tité sexuelle ainsi que celle des autres, entre le résultat d'une construction interne issue de l'ac-
2 et 3 ans : l'enfant est capable d'indiquer de tivité de l'enfant et fonction de ses capacités intel-
manière consistante le sexe des individus qu'il lectuelles. Dans un premier temps, l'enfant doit
rencontre en se basant sur les caractéristiques d'abord acquérir la connaissance de son sexe, puis,
physiques (coiffure, vêtements, etc.) ; par catégorisation spontanée de l'environnement,
• le stade de la « stabilité de genre » lorsque il intègre les stéréotypes liés aux rôles sexuels et
l'identité sexuelle est considérée comme stable enfin, il adhère au rôle qui lui est attribué en fonc-
par l'enfant, vers 3–4 ans : le garçon deviendra tion de son identité sexuelle. Ce modèle n'accorde
un homme et la fille une femme. Cependant, le que peu de place à l'influence de l'environnement
sexe n'est pas encore une donnée stable par rap- social et on peut objecter que la construction de
port aux situations. Ainsi, un individu engagé cette identité sexuelle ne peut se réduire à une éla-
dans une activité typique du sexe opposé peut boration purement cognitive, l'enfant n'évoluant
changer de sexe d'après l'enfant. Les attitudes pas dans un environnement social neutre.
parentales de tolérance à l'égard des compor-
tements « croisés » (féminins pour le garçon,
masculins pour la fille) pourraient amener une Attributions et imitations : le
confusion en ne facilitant pas cette étape du modèle de l'apprentissage social
développement cognitif ;
• le stade de la « constance de genre » lorsque Selon cette théorie, l'apprentissage des rôles
cette identité est considérée comme immuable. sexués s'effectue selon les règles qui régissent
Cette constance de genre est établie de manière toute forme d'apprentissage. Ainsi, l'adoption de
définitive vers 5–7 ans. L'enfant a intégré que comportements par l'enfant s'effectue sur la base
l'on est un garçon ou une fille en fonction d'un de renforcements positifs et négatifs. L'enfant
critère biologique (l'appareil génital), et que le apprend également en imitant tous les modèles
sexe est une donnée immuable à la fois au cours potentiels qui lui sont proposés : parents, autres
du temps et indépendamment des situations. adultes, fratrie, pairs, médias. Ces multiples obser-
L'enfant prendrait donc une part active dans la vations permettent à l'enfant de classer certains
structuration de cette identité grâce à la mise en comportements comme étant masculins ou fémi-
œuvre d'activités cognitives donnant naissance à nins. Progressivement, l'enfant prend conscience
un « schéma de genre ». Le schéma est une théorie des attentes que son entourage exerce à son égard
structurant les expériences, régulant les conduites et adopte les conduites qu'il a préalablement codi-
et servant de base à des interprétations ulté- fiées comme celles appartenant à son sexe.
rieures. Il guide l'enfant dans la compréhension Les premières recherches portant sur le rôle de
du monde, dans la détection d'indices et la mémo- l'environnement social dans la constitution de
risation des informations. Il semblerait que dès la l'identité sexuelle ont été réalisées sur des enfants
fin de la deuxième année, l'enfant dispose d'un de sexe ambigu. Elles concluent à l'importance du
tel système de référence interne relatif aux caté- sexe d'assignation, c'est-à-dire du sexe attribué à
gories sociales de sexe. Ce schéma oriente alors la naissance, dans l'élaboration de cette conscience
ses conduites de façon différenciée. Le schéma de sexuée. Ainsi, lorsqu'une contradiction est révélée
genre se subdivise en deux schémas spécifiques : entre sexe chromosomique et sexe d'assignation,
• appartenance ou non-appartenance au groupe- les tentatives de réassignation sont toutes vouées
sexe. Exemple : les filles jouent à la poupée et les à l'échec lorsqu'elles sont entreprises au-delà de
garçons ne le font pas ; l'âge de 2 ans. Depuis, de nombreux travaux nous
• application à soi-même d'un schéma de genre. permettent de préciser par quels moyens l'entou-
Exemple : les garçons ne jouent pas à la poupée. rage social oriente ce développement de l'identité
Je suis un garçon, donc je ne joue pas à la poupée. sexuelle.
Chapitre 3. Bases neuropsychologiques de la sexualité humaine 65
Avant même la naissance, les raisons qui part de l'enfant un niveau d'abstraction plus élevé,
motivent le choix des parents pour l'un ou l'autre ce qui peut expliquer à terme le développement de
sexe montrent que ce choix est sous-tendu par compétences différentes chez le garçon et la fille.
des représentations très différenciées : ainsi, par Le rôle tenu par les parents dans l'apprentis-
exemple, le choix d'une fille est-il motivé par le sage des rôles sexués est donc clairement mis en
fait qu'elle sera plus facile à élever. évidence. Il est à noter que les pères, plus que
Après la naissance, la perception de l'enfant pré- les mères, semblent davantage différencier leurs
senté aux adultes va dépendre du sexe annoncé sollicitations vis-à-vis des garçons et des filles. Ils
par les expérimentateurs et non pas du comporte- se montrent ainsi plus sévères à l'égard des gar-
ment adopté par l'enfant. Ainsi les garçons sont-ils çons et se montrent plus attachés au respect des
vus comme robustes, forts et bien bâtis et les filles normes culturelles relatives aux rôles sexués. Cela
comme douces, fines et délicates et cela même si dit, l'existence de ces comportements différenciés
le bébé présenté est le même. n'est pas linéaire tout au long du développement
Par la suite, on constate que le sexe annoncé de l'enfant. Il semble que ce soit au cours de la
de l'enfant génère des attitudes différenciées de deuxième année que les parents se montrent les
la part des adultes : le choix des jeux proposés est plus différenciateurs et on peut émettre l'hypo-
fonction du sexe indiqué, et cela d'autant plus thèse de l'existence d'une période sensible dans la
que le degré de croyance à l'égard des différences construction de l'identité sexuelle. Lorsque l'en-
entre les sexes est prégnant chez ces adultes. fant semble avoir appris son rôle, de telles pres-
L'environnement physique dans lequel les sions deviennent moins nécessaires.
parents font évoluer leur jeune enfant, les vête-
ments, les jouets choisis pour celui-ci sont égale-
ment fonction du sexe de cet enfant, et cela malgré Le travail et la famille
le discours actuel en faveur de l'égalité des sexes. comme lieux de maintien
Les interactions parent–enfant sont particulière- des stéréotypes de genre
ment marquées par ces attitudes différenciées. On a
ainsi pu mettre en évidence que les garçons étaient La transmission des rôles sexuels ou stéréotypes
l'objet de beaucoup plus de stimulations tactiles de genre continue d'exister tout au long du déve-
que les filles à la naissance, ceci jusqu'aux 3 mois de loppement de l'individu, dans le choix des orien-
l'enfant, âge auquel la tendance s'inverse en faveur tations professionnelles et dans les évolutions de
des filles. Les garçons sont davantage pris dans les carrière des hommes et des femmes. Sous l'impul-
bras dans la toute petite enfance, en raison notam- sion des mouvements féministes, de nombreuses
ment du fait qu'ils pleurent davantage et dorment études ont pu mettre en évidence une « division
moins que les filles de cet âge. Les différences com- sexuelle » au travail, c'est-à-dire une distribution
portementales observées chez les parents sont donc des fonctions professionnelles entre les sexes.
indexées sur les comportements du bébé. Cette division sociale s'appuie sur deux principes
Les parents sollicitent davantage les conduites organisateurs (Kergoat, 2001) :
prosociales chez les filles (vocalises, sourires, • Le principe de séparation : il existe des métiers
entrées en interaction, échanges visuels et ver- d'hommes et des métiers de femmes
baux), et l'activité physique ainsi que la résolution • Le principe de hiérarchisation : un travail
de problèmes chez les garçons. d'homme a plus de valeur qu'un travail de femme
Le contenu du discours tenu à l'enfant est Cette division sexuelle éclaire également le par-
également fonction du sexe de celui-ci : les parents tage des tâches ménagères dans la sphère domes-
évoquent davantage avec le garçon l'environne- tique dont les études les plus récentes continuent
ment extérieur plutôt que l'interaction en cours, de confirmer qu'elles restent majoritairement le
sont plus informatifs et donnent plus d'explica- domaine réservé des femmes, entravant les pos-
tions à celui-ci lorsqu'on lui raconte une histoire. sibilités d'évolution professionnelle et perpétuant
D'un point de vue cognitif, cela nécessite de la les stéréotypes sexuels (Insee, 2015).
66 Manuel de sexologie
binaire de l'humanité en fonction de la sexuation Elle devient par contre beaucoup moins perti-
biologique. nente dans une perspective de sexualité érotique
La théorie Queer est une théorie sociologique où l'épanouissement de l'individu peut s'abstraire
et/ou philosophique qui considère le genre de la rigidité de ces modèles socio-sexuels.
comme un construit social, et non comme un
fait naturel établi par le sexe biologique. Selon
Butler [127], le genre a une dimension « perfor- Conclusion
mative », c'est-à-dire qu'il résulte d'une mise en
scène, de comportements et d'attitudes attendus
Devenir un individu sexué, c'est synthétiser l'ac-
en fonction de rôles féminins ou masculins. Les
tion conjuguée de facteurs biologiques, cognitifs
théoriciennes de ce mouvement affirment que la
et environnementaux que nous pouvons qualifier
catégorisation de sexe aboutit à un déterminisme
de système complexe, comprenant de très nom-
génétique de l'orientation sexuelle et à être un
breuses interactions entre les différents acteurs
instrument de la domination masculine. Dans
de celui-ci. On peut également ajouter que la
ce contexte, l'oppression touche dans un même
féminité et la masculinité, s'ils sont bien le pro-
mouvement tout ce qui n'est pas un homme :
duit d'élaborations différenciées, ne sont pas les
femmes, homosexuels et transsexuels. Le com-
deux extrêmes d'une même échelle et un individu
bat mené est celui de l'acceptation de toutes les
n'est pas, soit masculin, soit féminin et cette vision
différences genrales, voire la déconstruction de
dichotomique de l'identité sexuelle ne rend pas
la notion même de genre, dans une abolition de
toujours compte des attitudes, sensations et pré-
toute catégorisation. Selon cette théorie, toute
férences sexuelles des individus.
catégorie est oppressante en soi dans la mesure où
elle crée un cadre normatif coercitif [128].
Cette théorie vise donc à déculpabiliser les Références
Neurobiologie du désir et du plaisir
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Chapitre 4
Sexualité au féminin
Manuel de sexologie
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74 Manuel de sexologie
de toutes les structures impliquées dans la fonction Cette excitation dépend de la qualité de la sti-
sexuelle féminine. Les estrogènes contribuent aux mulation érotique et des images mentales, cer-
dimensions périphériques et centrales de l'intérêt tains chercheurs la considèrent plus importante
sexuel, ce sont des « conditionneurs du désir ». La que celle due aux taux élevés d'androgènes et
substitution estrogénique à la ménopause améliore d'estrogènes. Cette excitation mentale peut acti-
la lubrification, la satisfaction sexuelle, l'humeur et ver ensemble les excitations périphérique et géni-
le désir. Les androgènes apparaissent être des « ini- tale qui elles-mêmes vont renforcer l'excitation
tiateurs centraux » et ne jouent plus leur rôle en mentale. Les zones concernées sont le noyau
l'absence d'estrogènes. Le taux de testostérone est paraventriculaire de l'hypothalamus et l'aire pré-
corrélé tant à l'adolescence qu'à l'âge adulte avec optique médiane – éléments clés du contrôle de
la fréquence des fantasmes, de la masturbation et/ l'excitation.
ou des rapports.
La prolactine à des taux supraphysiologiques
peut inhiber la cascade d'événements de la réponse Excitation périphérique
sexuelle.
Elle comprend des éléments comme l'érection
Les hormones thyroïdiennes peuvent jouer un
des mamelons, la sécrétion salivaire, la vasodilata-
rôle si elles sont trop augmentées ou diminuées.
tion cutanée, la transpiration et une sécrétion des
glandes sébacées.
Désir motivationnel
Les besoins émotionnels et affectifs vont modu- Excitation génitale
ler les aspects pulsionnels et biologiques. Les dif-
Structures vasculaires
férents motifs de l'activité sexuelle au-delà de la
reproduction et du plaisir peuvent intégrer l'aspect Cette phase met en jeu plusieurs organes vascu-
détente, le rôle anxiolytique de l'activité sexuelle laires externes comme le clitoris, les bulbes vesti-
ou être le moyen d'obtenir d'autres avantages. bulaires, le gland spongieux dont l'engorgement
dépend d'un relâchement FML (fibres muscu-
laires lisses) sous le contrôle du parasympathique,
Désir cognitif du NO (oxyde nitrique) et du VIP (vasointestinal
peptide).
Les souhaits et les risques en jeu dans le com-
Ces organes, racines du clitoris, fascia de
portement sexuel modulent les deux dimensions
Halban, corps spongieux péri-urétral, sont riches
précédentes.
en structures vasculaires profondes et sont riche-
Ces différents éléments conduisent à l'excita-
ment innervés. La vasocongestion permet la
tion féminine qui comprend une excitation cen-
lubrification, la chaleur vaginale et les sensations
trale, une excitation périphérique non génitale et
érotiques.
une excitation génitale.
Vagin
Excitation sexuelle Le vagin, à l'état quiescent, est un espace potentiel
aux parois se touchant mais couvert d'un fluide,
Excitation centrale transsudat de la circulation, accompagné de cel-
lules cervicales desquamées et de sécrétions cervi-
L'excitation mentale peut être provoquée à travers cales. Ainsi le vagin est humide mais non lubrifié,
différentes voies : biologiques par les androgènes, il ne peut permettre une pénétration sans douleur.
psychologiques par des forces motivationnelles L'excitation va entraîner la vasodilatation par
comme les besoins d'intimité, qui recouvrent tous augmentation du flux sanguin avec un drainage
les besoins affectifs d'amour, tendresse, attention, veineux probablement réduit créant la vasocon-
fusion et engagement. gestion génitale.
Chapitre 4. Sexualité au féminin 75
Cette vasocongestion est responsable de la de flux artériel dans le clitoris ainsi que dans les
lubrification par transsudation, de l'érection cli- parois vaginales, cependant les conséquences cli-
toridienne et de l'augmentation de la sensibilité niques sont encore en discussion.
génitale. La photoplétysmographie vaginale est promet-
La transsudation augmente, activée par la voie teuse, elle a pu montrer l'augmentation des pul-
parasympathique ; le filtrat important sature la sations artérielles vaginales mesurées pendant la
capacité de réabsorption habituelle. projection de films érotiques. Cependant il n'y a
En dépit de nombreux écrits physiologiques, la pas d'application pratique actuellement, les tra-
lubrification vaginale ne provient pas de sécrétions vaux disparates devant être plus standardisés.
de glandes vaginales. D'autres travaux intéressants montrent qu'il n'y
• La tumescence du clitoris entraîne un redres- a pas de corrélation entre les réactions vaginales
sement du genou avec dilatation des corps et les perceptions subjectives de la femme chez les
caverneux puis une ascension du gland et une femmes souffrant de dysfonctions de l'excitation
rétraction sous le capuchon. sexuelle. Ainsi, bien que les définitions toujours
• Au niveau de la vulve, les petites lèvres augmen- admises soient celles du DSM-IV, la plupart des
tent de volume et se colorent ; les grandes lèvres experts ont choisi pour les troubles de l'excita-
sont écartées. tion féminine une distinction entre les troubles
• Des réactions sont fréquentes au niveau des d'excitation génitaux (manque de vasocongestion
seins avec érections des mamelons, turgescence pelvienne et de lubrification…) et les troubles
de l'aréole et parfois congestion de la glande. subjectifs de l'excitation. Parfois ces problèmes
• Le rythme cardiaque se modifie à 100–120 sont combinés : troubles combinés de l'excitation.
battements par minute pendant l'excitation
ainsi que la tension artérielle (influence du sympa-
thique). Le rythme respiratoire s'accélère aussi. Orgasme
Lubrification Pas de définition précise
La lubrification est stimulée par le VIP par la voie
Mah et Binik [1] ont récemment écrit « qu'en
AMP cyclique, et les estrogènes semblent impli-
dépit de nombreux efforts, l'orgasme reste l'élé-
qués dans la production du VIP. Le NO par la voie
ment le moins compris de la réponse sexuelle, et
GMP cyclique stimule la congestion du clitoris et
les tentatives pour proposer une définition uni-
des corps spongieux vestibulaires. La noradréna-
versellement acceptée ont rencontré bien peu de
line est peut-être un inhibiteur.
succès ».
Les définitions les plus précises sont certai-
Stade pré-orgasmique nement celles intégrant les dimensions biopsy-
Physiquement, ces différents phénomènes chosociales décrivant ensemble les changements
entraînent une diminution du diamètre vaginal génitaux et périphériques et les composantes émo-
avec augmentation de pression intravaginale (for- tionnelles et mentales de l'acmé du plaisir sexuel.
mation de la plateforme orgasmique) dans le 1/3
inférieur du vagin, et un allongement et dilatation
des 2/3 supérieurs appelée ballonisation (aug- Orgasme clitoridien et/ou vaginal
mentation du diamètre de la lumière vaginale) ;
cette phase est appelée souvent le stade pré-orgas- Deux principales situations ont été décrites anato-
mique dans la littérature. miquement : orgasme clitoridien versus orgasme
vaginal. La stimulation clitoridienne est la princi-
pale source sensorielle pour provoquer l'orgasme.
Conclusion
Une grande majorité de femmes rapporte que
Actuellement, des méthodes comme le doppler la stimulation clitoridienne est indispensable
couleur permettent de mesurer les changements pour parvenir à l'orgasme ; de plus, de nombreux
76 Manuel de sexologie
auteurs suggèrent que la stimulation clitoridienne, Quelques femmes ont des émissions de liquide
soit durant le coït soit par des caresses ou pres- pendant l'orgasme mais rien n'est prouvé vérita-
sions personnelles ou par le partenaire, est fonda- blement, ni la provenance de ce liquide ni même
mentale pour obtenir l'orgasme chez la plupart s'il arrive pendant l'orgasme.
des femmes. L'orgasme atteint par une stimula-
tion clitoridienne seule se ressent de façon plus
focalisée et intense, plus vive et plus satisfaisante Orgasme, réflexe médullaire
physiquement. Par ailleurs, l'orgasme coïtal est
Des études, chez les femmes comme chez les
décrit comme plus diffus à travers le corps tout
hommes, ont montré qu'après section de moelle
entier avec des sensations de vibration durant plus
des réflexes orgasmiques sont encore présents.
longtemps et psychologiquement plus satisfaisant.
Spisky [2] a classé les lésions : celles au-dessus de
Singer avait suggéré d'autres types d'orgasmes
D11 ont moins de répercussions sur l'orgasme, les
comme l'orgasme vulvaire coïtal ou non coïtal et
lésions de S2–S5 entraînent beaucoup de difficul-
aussi l'orgasme utérin, créé par le bousculement
tés et entre les deux tout dépend du degré des
brutal du col lors de vigoureuses et profondes
lésions sensorielles. Ces résultats montrent bien la
pénétrations et se mêlant aux sensations vaginales.
nécessité de l'intégrité des relais de la moelle épi-
La sensation voluptueuse de l'orgasme est
nière pour la réponse orgasmique. Les sensations
constituée de contractions (trois à huit) du plan-
génitales semblent bien véhiculées par les fibres
cher pelvien suivies de deux à quatre secondes
afférentes parasympathiques sacrées. Ces sensa-
de contractions musculaires douces du vagin.
tions sont probablement modulées par la séroto-
L'orgasme féminin a deux particularités : il n'a
nine et les cathécholamines.
pas de phase de résolution et il peut se répéter
donnant un statut orgasmique. Cette particularité
Voies du SNC
n'est pas très fréquente au vu des témoignages
féminins et ne doit pas constituer une recherche Les principales zones érogènes génitales sont
de performance qui peut entraîner assez rapide- les petites lèvres, le corps et le gland du clitoris,
ment une perte de l'orgasme. l'urètre et les glandes péri-urétrales, le fascia de
Halban, la zone inférieure et antérieure du vagin.
Les autres zones érogènes sont les seins et les
Changements physiologiques mamelons.
accompagnant l'orgasme Les voies afférentes passent par le nerf puden-
dal. La voie efférente est constituée de réponses
Bien entendu les réponses orgasmiques ne se automatiques et somatiques coordonnées.
séparent pas des sensations d'excitation, c'est
un continuum de changements physiologiques
et psychologiques apparaissant durant l'activité Conclusion
sexuelle.
Des contractions rythmiques du vagin, de l'uté- Une réponse sexuelle féminine nécessite une
rus, du sphincter anal et des modifications du flux conduction nerveuse et une fonction vasculaire
sanguin clitoridien et vaginal ont été rapportées. Le intactes ainsi que des taux hormonaux adéquats.
rythme cardiaque (160–180 battements par minute Si un de ces facteurs est altéré, la réponse sexuelle
pendant l'orgasme), la respiration s'accélèrent et peut continuer : si les facteurs mentaux sont forts,
la tension artérielle augmente (3–10 mmHg pour il y a compensation. Par contre, l'addition de fac-
la pression systolique). Les taux circulants de pro- teurs physiques ou de facteurs psychosociaux et
lactine, vasopressine, ocytocine, adrénaline et VIP physiques entraîne des dysfonctions sexuelles.
augmentent avec l'orgasme. La prolactine serait La transition de la ménopause en est un modèle,
particulièrement augmentée et ce taux se main- comme le montrent les nombreux travaux de
tiendrait à peu près une heure après l'orgasme. Dennerstein [3] ; la fonction sexuelle féminine
Chapitre 4. Sexualité au féminin 77
décline significativement à la ménopause, la cor- À juste titre, ce qui lui sera reproché plus tard,
rélation étant plus forte avec l'âge ovarien qu'avec c'est son modèle d'une construction de la sexua-
l'âge civil. lité féminine fondée sur la sexualité de l'homme
et essentiellement tournée vers une quête impos-
sible, l'envie du pénis. Il souligne ainsi pour la
petite fille la difficulté de la résolution œdipienne
Psychologie de la par l'angoisse de castration, celle-ci étant déjà à
l'origine « castrée ».
sexualité féminine Dans son texte de 1931 « Sur la sexualité fémi-
nine » [4], il insiste sur plusieurs axes qui tournent
Joëlle Mignot autour du renoncement :
• l'importance du lien à la mère, objet premier
d'amour, et la nécessité de s'en détacher pour se
La sexualité féminine a été l'objet, au cours du tourner vers le père. La forte dépendance de la
xxe siècle, d'études et d'évolutions tant sur le plan femme vis-à-vis de son père qui ne serait que la
psychologique que sur le plan sociologique en suite d'un lien puissant à la mère ;
interaction avec les dernières découvertes scienti- • la mise en valeur de la phase pré-œdipienne en
fiques sur la physiologie et sur le clitoris, ces trois ce qu'elle « permet toutes les fixations et tous les
domaines devant être pris en compte pour mieux refoulements » ;
comprendre la sexualité des femmes aujourd'hui. • la mise en évidence d'une nécessité de renon-
Mais au fond, que reste-t-il de ces conceptions cer au plaisir clitoridien au profit d'une nouvelle
quand, dans la pratique clinique nous entendons zone génitale, le vagin, pour atteindre la véri-
encore très fréquemment des affirmations comme table maturité sexuelle ;
« je suis clitoridienne » ou « je suis vaginale » ? La • l'importance de la bisexualité dans la sexualité
dissociation des « deux plaisirs » reste encore très féminine fondée sur le fait que le clitoris est
fréquente dans les représentations, tout autant l'homologue du pénis ;
que les idées reçues sur le désir et le plaisir… • les effets du complexe de castration chez la
femme où « celle-ci reconnaît le fait de sa castra-
tion et avec cela reconnaît aussi la supériorité de
Rappel historique de l'homme et sa propre infériorité mais se révolte
aussi contre cet état de choses désagréable… ».
l'évolution des idées On voit donc, dans ce premier texte, que pour
sur la psychologie de Freud, il n'y a au fond qu'un seul sexe déterminé
la sexualité féminine par le pénis et que toute la psychologie de la
sexualité féminine est conçue par opposition à la
Arrêtons-nous sur l'apport de la psychanalyse dans psychologie de la sexualité masculine.
ses modèles théoriques successifs. « De tout temps, les hommes se sont creusé la
Les deux textes princeps de Freud sur la sexualité tête sur l'énigme de la féminité », nous dit Freud.
féminine datent respectivement de 1931 et 1932 Dans son texte des Nouvelles conférences d'in-
[4, 5]. Un certain nombre de points cruciaux de troduction à la psychanalyse de 1932, intitulé « La
la pensée freudienne ont été largement critiqués féminité » [5], Freud s'efforce, sans vraiment y
et rediscutés par des psychanalystes femmes à la parvenir, de ne pas assimiler féminin avec passivité
lumière du mouvement féministe. et masculin avec activité.
Sur la base de la découverte de la sexualité infan- Il reconnaît le mystère de la sexualité féminine
tile et de l'inconscient, à partir de la mise en évi- sous la forme d'un « continent noir ». Il reprend
dence du complexe d'Œdipe, Freud, avec l'étude l'idée que la découverte de la castration pour
sur le masochisme féminin, relance l'interrogation la petite fille peut prendre trois directions de
sur la sexualité féminine. développement :
78 Manuel de sexologie
• l'inhibition sexuelle ou la névrose par le renon- question avait d'ailleurs déjà été évoquée en 1916
cement à son activité phallique et à la sexualité par Lou Andreas-Salomé dans son texte Anal et
en général ; sexuel par sa notion de « voisinage » anatomique,
• un complexe de masculinité avec pour but sensoriel et fantasmatique des deux zones dans la
« d'être malgré tout un homme » qui pourra la sexualité féminine.
faire s'orienter vers l'homosexualité ; Même si la correspondance de Freud et d'Abra-
• la troisième qu'il qualifie de « très sinueuse », ham fait apparaître un intérêt certain du père
celle d'une féminité accomplie. fondateur pour ces nouvelles conceptions, il ne
Le père est alors choisi comme objet d'amour et dérogera jamais à sa conviction de l'impossibi-
le complexe d'Œdipe n'est pas détruit mais est le lité de refoulement du vagin puisque, pour lui, le
résultat de la castration. vagin « n'existe pas » de façon précoce.
Freud termine sa 23e conférence par cette Deux courants vont donc s'affronter. Quatre
pirouette : « Si vous voulez en savoir plus sur la femmes analystes défendent les idées de Freud [7] :
féminité, interrogez vos propres expériences de la • Jeannne Lampl-de-Groot, qui identifie intégra-
vie, ou adressez-vous aux poètes, ou bien attendez lement la féminité à la passivité, la masculinité à
que la science puisse vous donner des renseigne- l'activité ;
ments plus approfondis et plus cohérents. » Déjà, • Hélène Deutsch dont les conceptions ont été
dans ses deux textes, il fait référence à ses collè- exposées dans son ouvrage La psychologie des
gues analystes femmes et aux mouvements fémi- femmes : elle défend l'idée d'un « masochisme
nistes de l'époque. féminin » entièrement tourné vers une sou-
mission au pénis. Le vagin serait donc ignoré
jusqu'au coït et la sexualité serait inséparable de
la fonction de reproduction. Le clitoris ne serait
Changement de paradigme qu'un organe superfétatoire… !
sur la sexualité féminine • Ruth Marck Brunswick qui s'intéresse, en colla-
boration avec Freud, à la phase pré-œdipienne.
La question fondamentale au centre des débats Elle met en évidence dans sa théorie l'impor-
psychanalytiques de l'époque et qui va changer tance de la mère phallique et omnipotente ;
l'orientation de toute la conception de la fémi- • Marie Bonaparte qui en 1951 publie De la sexua-
nité est la suivante : « Y a-t-il, chez la petite fille, lité de la femme. Dans son livre, elle reste à la fois
une connaissance précoce du vagin ? » Si le débat fidèle à Freud et donne un éclairage personnel
semble dépassé aujourd'hui, c'est sur cette base de à la théorie. Elle considère que la femme reste
la non-reconnaissance d'une féminité originaire un homme « arrêté dans son développement »
que se sont étayés ensuite les courants de réflexion et avance que la libido serait quantitativement
et de contradiction. moindre chez la femme que chez l'homme ! Elle
Entre Vienne et Londres, deux théorisations propose les trois lois qui, de son point de vue,
sur la psychogenèse de la féminité s'opposent [6]. caractérisent l'évolution libidinale féminine :
Mais c'est d'abord à Berlin avec Karl Abraham que une loi objectale mettant en évidence les pre-
la critique de la théorie freudienne prend nais- mières pulsions passives fondatrices de l'attitude
sance. En fait, Abraham se pose la question d'une de la fille envers le père ; une loi pulsionnelle,
première « éclosion vaginale » de la libido fémi- le sadisme (agressivité masculine) répondant au
nine destinée au refoulement et pousse ses hypo- masochisme (féminin) ; une loi « zonale » met-
thèses jusqu'à mettre en parallèle les contractions tant en lien le clitoris et le vagin. Par ailleurs,
vaginales spontanées de la petite fille et les pre- elle considère que la bisexualité féminine consti-
mières érections du pénis du garçon. Par ailleurs, tue l'obstacle principal à l'établissement d'une
il précise ses hypothèses en proposant la « théorie sexualité normale.
du cloaque » mettant en relation directe les sensa- Toutes ces conceptions avaient de quoi faire
tions transmises de la zone anale au vagin. Cette bondir le courant analytique opposé aux idées
Chapitre 4. Sexualité au féminin 79
de Freud et principalement représenté par l'école en évidence par les mouvements féministes de la
anglaise. Si pour Josine Müller le vagin est le pre- soumission des femmes au désir masculin et leur
mier organe investi libidinalement, c'est Karen invitation de ce fait à la révolte ont permis de
Horney qui expose ses idées du point de vue fémi- dénoncer la place d'objet assigné à la femme et
nin. Elle met en évidence à partir des fantasmes de lui reconnaître le droit au plaisir. On s'aper-
masturbatoires et des rêves des petites filles leur çoit néanmoins dans la clinique que les choses ne
connaissance instinctive du vagin. En fait, la fil- sont pas aussi simples car bien souvent sexualité
lette craindrait les différentes atteintes dont pour- et maternité restent liées dans la tête des femmes.
rait être l'objet l'intérieur de son corps. Mélanie Les travaux de Masters et Johnson sur la physio-
Klein reprend dans ses travaux cette crainte fonda- logie du rapport sexuel ont permis également de
mentale en la resituant dans le contexte œdipien. mieux comprendre le plaisir féminin tout au moins
L'envie du pénis est alors investie libidinalement et sur un plan organique. Différents travaux surtout
intériorisée. « L'Œdipe de la fille ne s'installe pas anglo-saxons et canadiens (tels ceux d 'Hélène
indirectement à la faveur de ses tendances mascu- Singer Kaplan ou, plus près de nous, Gilles
lines mais directement sous l'action dominante de Trudel) ont porté sur la dimension comporte-
ses éléments instinctuels féminins », écrit-elle dans mentale et « consciente » de la sexualité féminine.
La psychanalyse des enfants. Si l'organe visible est Ce sont aujourd'hui les recherches scientifiques
le clitoris, il n'en reste pas moins que la fillette a grâce aux moyens techniques d'imagerie qui
une connaissance très précoce et au moins incons- ont permis d'éclairer le fonctionnement physio
ciente de son vagin. Les fantasmes et les sensations logique de l'orgasme non réductible au dualisme
qui accompagnent la masturbation clitoridienne, orgasme clitoridien/orgasme vaginal. En ce sens,
les sensations vaginales qui en résultent, tra- l'article de Marie-Hélène Colson [8] nous éclaire
duisent des désirs d'incorporation du pénis pater- sur la nature de l'unité anatomo-fonctionnelle de
nel (introjection). Dès la phase orale, c'est-à-dire la sexualité féminine et sur la « réconciliation » du
très précocement, par la déception qu'éprouve clitoris avec le vagin.
la petite fille vis-à-vis du sein et sa conséquence,
son déplacement au pénis du père (penis-like),
l'Œdipe se met en place. Ernest Jones s'opposera Sexualité féminine,
radicalement à Freud en soutenant l'idée que la une construction
fillette est dès le début plus féminine que mascu-
line et qu'elle est plus centrée sur l'intérieur du
propre à chacune tout
corps que sur l'extérieur. au long de la vie
Si les théories d'inspiration psychanalytique de
la psychogenèse de la sexualité nous restent pré-
Sortir de la vision cieuses quant à leur dimension inconsciente, il est
phallocentrique de un fait qu'on ne peut véritablement envisager une
la sexualité compréhension globale de la sexualité de la femme
qu'à travers une vision évolutive tout au long de sa
Peu à peu, la psychanalyse sort de ce dans quoi elle vie et en prenant en compte sa relation à son corps
s'était engluée, une vision tournée sur le pénis, anatomique, physiologique et fantasmatique, mais
sa soi-disant supériorité et la toute-puissance surtout dans une remise en question totale de la
masculine. notion de passivité féminine que l'on a longtemps
L'évolution de la sexualité des années 1970 et, confondue avec réceptivité. Xavière Gauthier [9],
en particulier, l'avènement de la contraception militante féministe le dit à sa façon : « On a voulu
et la libéralisation de l'avortement ont donné la nous faire croire que les femmes étaient frigides,
possibilité aux femmes de séparer sexualité de prudes chastes. C'est seulement parce qu'on
procréation et sexualité de récréation. La mise voulait les forcer à jouir droit, selon le modèle
80 Manuel de sexologie
masculin, dans les limites masculines, en termes de affectif de la sexualité ; mais surtout ces résultats
conquête, de possession. En réalité, elles éclatent, doivent nous engager à toujours être prudents sur
leur corps entier est désir… leur jouissance est si nos propres idées reçues et certitudes, n'engageant
violente, si “transgressante” si ouverte, si mortelle ainsi qu'une approche singulière de chaque individu
que les hommes n'en sont pas encore revenus… ». en particulier dans la clinique. Paradoxalement,
la société exige et pose de plus en plus de normes
d'apparence physique (les jeunes filles en font les
Sortir du « psychologisme » frais !) et comportementales sur le plan sexuel. Les
genré… Mars et Vénus récentes discussions à propos de la loi sur le har-
n'existent pas ! cèlement sexuel ont relancé des polémiques autour
des rapports homme/femme dans notre société, du
consentement et, au bout du compte, de son sens
Aujourd'hui, c'est à la fois la dimension sociale et
voire de ses limites. Le concept de santé sexuelle et
la réflexion politique qui s'emparent d'une cer-
de son articulation avec les Droits humains promeut
taine façon du soi-disant « continent noir ». Les
également à partir des valeurs d'égalité, de liberté
questions des violences sexuelles, de l'identité et
et de satisfaction, une perspective dégagée des
du transgenre, de l'homosexualité et de l'homopa-
influences du patriarcat et d'une morale imposée
rentalité mais aussi l'augmentation de l'espérance
aux femmes, quelle que soit leur culture, valorisant
de vie, et notamment la sexualité post-ménopause,
leur émancipation. L'évolution se fait aussi au tra-
nous obligent à repenser autrement la psychologie
vers des mouvements comme #MeToo en 2007 qui
de la sexualité féminine qui ne peut plus se conce-
encouragent la prise de conscience et la parole des
voir comme isolée ou simplement en opposition
femmes sur les agressions sexuelles dont elles sont
avec la sexualité masculine mais inscrite dans une
victimes. Quatre-vingt-quatre pour cent des morts
société en mutation. Quelques grandes enquêtes
au sein du couple sont des femmes !
ont analysé l'évolution des comportements sexuels
Enfin, les plus jeunes femmes et leurs influences
des femmes au cours du xxe siècle (rapport Simon,
dans les réseaux sociaux, favorisent une infor-
rapport Spira sur le comportement des Français)
mation décomplexée et libère la parole qui, elle-
et, en ce début du xxie siècle, se sont plus dévelop-
même, modifie la dimension psychologique.
pés l'analyse des pratiques sexuelles (masturbation
avec l'avènement des sextoys, fellation, sodomie…)
et le rapport au corps assumé dans le plaisir, avec
une exigence beaucoup moins évidente qu'avant Pour conclure…
entre amour et sexualité. Ainsi, les différences
s'expriment. La parole des femmes se libère et, en Toutes ces questions en ouvrent une, provocatrice
ce sens, elles sortent des cases dans lesquelles on a mais fondamentale : peut-on vraiment parler de
voulu les enfermer même s'il y a encore beaucoup « psychologie de la sexualité féminine » ? Dans son
à faire. Le travail de Philippe Brenot [10] en est tout dernier article, la psychanalyste Jacqueline
l'illustration : il s'avère en effet qu'à la question Schaeffer [11] soutient que « c'est le travail de
« le sexe et les sentiments sont-ils forcément liés ? », féminin chez l'homme comme chez la femme, qui
52,2 % des hommes répondent « oui », contre assure l'accès à la différence des sexes et son main-
46,2 % chez les femmes ! En revanche, la fidélité tien, toujours conflictuel et qui donc contribue à
semble être une valeur plus importante pour les la constitution d'une identité psychosexuelle. »
femmes (86,5 % des femmes répondent « oui » La sexologie, par sa dimension pluridisciplinaire,
contre 78,3 % des hommes). clinique et de recherche, a pour tâche de faire le
Ce qui se dessine, comme nous l'entendons d'ail- point sur la santé sexuelle de la femme dans toutes
leurs dans nos consultations, c'est une évolution vers ses dimensions, dans sa capacité d'évolution, tant
une sorte de nivellement des différences au niveau dans le temps d'une vie que dans la société d'au-
des mentalités dans le vécu hédoniste mais aussi jourd'hui et surtout pour les femmes de demain.
Chapitre 4. Sexualité au féminin 81
La durée, le vécu, la fréquence de ces orgasmes s'appuie sur la capacité de percevoir, dans son
sont bien sûr excessivement variables d'une femme corps, le vagin comme organe sexuel, la capacité
à une autre et pour une même femme d'une expé- de vivre la pénétration comme élément de la ren-
rience sexuelle à une autre, que ce soit lors de la contre sexuelle et la capacité d'érotiser le vagin par
relation à deux ou lors de la masturbation. l'excitation sexuelle et les fantasmes (les troubles
L'âge, le statut hormonal, les traitements, les de la vaginalité s'expriment en clinique autant par
maladies influencent directement, mais moins les dyspareunies, le vaginisme que l'anorgasmie
qu'on ne le pense, la physiologie sexuelle féminine. coïtale).
Les composantes physiologiques du désir et Ces perceptions et codifications érotiques
du plaisir sont bien sûr incontournables mais ont dépendent d'une multitude de facteurs allant des
certainement moins d'importance au niveau des variations de la réaction physiologique aux diffé-
comportements sexuels que la dynamique psy- rents facteurs intrapsychiques cognitifs, affectifs,
chosexuelle de la personne. L'expression du désir symboliques et imaginaires, eux-mêmes liés à l'ap-
sexuel et l'abandon au plaisir érotique sont, pour prentissage, la personnalité, la relation.
une personne, liés à l'intégration qu'elle fait des Le plaisir va se développer dans des voies
différentes composantes de sa sexualité, c'est ce diverses et des intensités variées suivant la capacité
qui constitue sa personnalité psychosexuelle. à intégrer les facteurs intrapsychiques à la tension
Cela s'appuie sur : sexuelle corporelle et à s'abandonner à leurs inte-
• l'identité de genre : être une femme, valoriser ractions. L'abandon, qui suppose féminité bien
son image sexuelle féminine ; affirmée et bien investie, individuation et absence
• l'autonomie : avoir confiance en soi, avoir la d'angoisse de séparation (etc.), est l'élément cen-
capacité de s'affirmer en tant que personne tral du plaisir sexuel.
érotique ; Désir et plaisir sont aussi directement dépen-
• les valeurs morales par rapport à la sexualité liées dants du couple actuel, mais également des
au milieu familial, culturel et éducatif. expériences de couple antérieures. Le désir est à
La capacité à exprimer son désir sexuel, c'est- l'évidence plus lié à l'existence d'un partenaire,
à-dire à savoir se poser en tant que sujet désirant, mais le désir de plaisir sexuel pour soi doit exis-
mais aussi savoir exister en tant qu'objet de désir ter avant le désir de le partager avec l'autre. La
pour l'autre, repose notamment sur plusieurs distance physique et psychique entre les deux
points forts : être et se sentir différent de l'autre partenaires, la différence sexuelle, les codes d'at-
dans sa « genralité » (féminité ou masculinité), traction, la séduction sont indispensables à l'éta-
s'affirmer en tant que personne érotique auto- blissement et au maintien du désir.
nome voulant s'approprier le plaisir et les béné- Le sentiment amoureux, la communication, la
fices qui s'y attachent (valorisation narcissique, complicité, l'intimité partagée sont les conditions
comblement des besoins psycho-affectifs, réassu- nécessaires à l'abandon qui mène au plaisir et à
rance dans la fusion, etc.). l'orgasme. Il faudra savoir les faire évoluer au fur
La capacité à ressentir du plaisir érotique dépend et à mesure de la vie du couple.
de la capacité de la personne, homme ou femme, Les conditions de vie d'une personne influencent
à intégrer certaines perceptions et émotions, à aussi son désir et son plaisir érotique. Emploi du
les coder comme érotiques tout en étant capable temps surchargé, fatigue, stress lié au travail, à
de les diffuser à l'ensemble du corps mais aussi à la santé, gestion de la vie familiale, soucis finan-
les canaliser vers l'espace érotique interne (vagin, ciers modifient au fil des jours désir et plaisir,
utérus). mais ceux-ci peuvent aussi servir souvent d'alibis,
Ceci nous permet pour la femme de parler de d'où la nécessité d'en tenir compte : les baisses
la notion de vaginalité qui se définirait comme la de désir peuvent conduire à d'autres inves-
possibilité d'atteindre un épanouissement et un tissements professionnels, sociaux, familiaux,
plaisir sexuels passant par la découverte, la posses- sportifs, mais la réciproque est aussi vraie et
sion et le partage de son intimité érotique. Ceci l'engrenage fréquent.
Chapitre 4. Sexualité au féminin 85
au plaisir de l'autre, ce qui traduit une méfiance fait que ce n'était pas le bon choix. Le manque
par rapport à l'homme et une insécurité corpo- d'intérêt pour la sexualité avec ce partenaire peut
relle et psychologique fondamentale ; avoir pour origine la déception, la frustration ou
• vouloir garder le contrôle et incapacité à utiliser l'inappropriation des codes d'attraction. Dans les
les fantasmes. problèmes du couple, conflit et désintérêt sexuel
Cette incapacité à utiliser les fantasmes peut vont de pair.
trouver son origine dans la peur du contenu (les
fantasmes primaires, fusionnels, sentimentaux À un problème environnemental
peuvent être quelquefois présents, au contraire Il existe d'autres investissements qui font passer la
des fantasmes secondaires, désentimentalisés, éro- sexualité au deuxième ou troisième plan : inves-
tiques, violents), la peur de « tromper l'autre » ou tissement familial avec une naissance, les occu-
la peur d'être absente de la réalité. Ces différents pations qui s'ensuivent ou l'aide apportée à des
éléments sont recueillis, investigués au cours des parents âgés ; investissement professionnel dans
entretiens et serviront de point de départ au tra- un nouveau travail ou la recherche d'un emploi et
vail thérapeutique. investissement social à la recherche d'une valorisa-
tion sociale dans une activité.
En fait, l'interprétation des textes religieux peut romusculaires, avec en miroir une augmentation de
être variable amenant à des prises de position par- la réceptivité. La distension périnéale de l'accouche-
fois contradictoires (cf. chapitre 11, sous-chapitre ment peut aggraver les lésions anatomiques et entraî-
Sexualité et religion). ner une neuropathie de distension expliquant une
diminution de la réceptivité vulvovaginale lors de la
reprise des rapports sexuels après l'accouchement.
Modifications anatomiques,
physio- et psychologiques Modifications psychologiques
pendant la grossesse
Elles sont très importantes en modifiant le statut
Modifications hormonales de femme en celui de future mère. Le fœtus peut
être considéré comme la tierce personne pou-
Au cours de la grossesse, les taux d'estrogènes et de vant altérer l'intimité du couple. Pour la femme
progestérone augmentent fortement, de même on comme pour l'homme, un refus des rapports
constate une augmentation des taux de prolactine. sexuels peut ainsi s'exprimer. La sexualité avant la
L'ocytocine sera sécrétée en début de travail, grossesse conditionne très fortement les relations
mais les récepteurs à l'ocytocine sont plus nom- sexuelles pendant la grossesse.
breux en cours de grossesse.
Modifications physiologiques
Modifications anatomiques
Les sages-femmes et médecins vont constater des
Elles se font sous l'influence des sécrétions hor- modifications générales physiologiques différentes
monales : en fonction de l'âge gestationnel.
• les seins augmentent rapidement de volume dès Au cours du 1er trimestre, la femme peut être très
le début de grossesse, donnant à la poitrine des gênée par les nausées ou des vomissements. Son
formes flatteuses plus érotiques ; état général est souvent marqué par une hypersom-
• l'utérus augmente progressivement de volume, nie et un grand état de fatigue. Les femmes notent
le fond utérin déborde de la symphyse pubienne souvent une modification du goût et de l'odorat.
dès 12 semaines d'aménorrhée et arrive au niveau Au cours du 2e trimestre, l'état général s'améliore,
de l'ombilic vers 5 mois de grossesse, avec en fin sur le plan sexuel est rapportée une congestion pel-
de grossesse une hauteur utérine moyenne chiffrée vienne (turgescence clitoridienne et vulvaire) avec
à 33 cm. Cet utérus peut comprimer les vaisseaux amélioration de la lubrification vaginale.
prérachidiens : aorte et veine cave inférieure et Au cours du 3e trimestre, l'état de congestion
expliquer les malaises que peut présenter la femme pelvienne est maximal, dû à l'hypervolémie et à
lorsqu'elle reste en position de décubitus dorsal. l'hyperpression veineuse, la vulve est gonflée, le
Dès 5 mois de grossesse, la position sexuelle dite vagin congestionné. Du fait de la compression
« du missionnaire » est donc à déconseiller ; des gros vaisseaux, la femme risque de faire des
• l'hypervascularisation pelvienne, l'hypervolémie malaises en position couchée sur le dos.
et l'hyperpression veineuse expliquent la conges-
tion pelvienne, vaginale et vulvaire. En fin de
grossesse, la vulve et le vagin sont gonflés, œdé- Sexualité et grossesse
matiés ce qui modifie les réactions sexuelles.
La grossesse modifie la sexualité
Modifications nerveuses Par les modifications anatomiques
Il existe au cours de la grossesse un état de déner- La grossesse est marquée par une augmentation de
vation, en particulier au niveau des jonctions neu- la sensibilité, de la tension et du volume mammaire.
Chapitre 4. Sexualité au féminin 89
On note également une augmentation de la taille tions du goût et de l'odorat modifient la sexua-
de l'utérus qui devient abdominal dès le 3e mois de lité du couple. L'asthénie et la somnolence du
la grossesse et constitue une gêne potentielle dès 1er trimestre peuvent favoriser une diminution
le 2e trimestre et surtout au 3e trimestre de la gros- du désir. Le temps de latence orgasmique peut
sesse. La compression de la veine cave inférieure être augmenté. Le conjoint informé de ces modi-
par l'utérus gravide explique la congestion vaginale fications doit se montrer proche et affectueux.
et vulvaire. L'échographie permet maintenant de prendre
Particularités fonctionnelles : rapidement conscience de la présence du futur
• les zones érogènes primaires deviennent moins bébé, ce qui ne doit pas modifier la sexualité, car
accessibles ; le rapport sexuel ne le dérange pas.
• les zones érogènes secondaires ont des réac- Le 2e trimestre de la grossesse constitue une
tions différentes : les seins sont tendus et plus période privilégiée d'épanouissement physique et
sensibles. psychique. Le ventre s'est arrondi, mais ne consti-
Les phases de réactions sexuelles au cours du tue pas un obstacle à une vie sexuelle intense et
rapport peuvent changer : harmonieuse d'autant que la libido peut s'inten-
• au cours de la phase d'excitation, une modifi- sifier. Le pouvoir de séduction de la femme est
cation du désir et de la lubrification est notée. amplifié. Sur le plan physique, la congestion vei-
Diminution aux 1er et 3e trimestres, augmenta- neuse vaginale s'associe à une lubrification vagi-
tion au 2e trimestre de la grossesse. nale plus importante. En dehors de pathologies
• la phase en plateau a une durée prolongée (rôle particulières, il n'y a pas de contre-indications à
de la progestérone) ; la sexualité.
• la phase orgasmique est parfois plus difficile à Au cours du 3 trimestre, les statistiques concer-
atteindre ; nant la sexualité objectivent une diminution des
• la phase de résolution se traduit par un complet rapports sexuels. Au CHU de Nantes, la dimi-
état de bien-être. nution de la fréquence des rapports sexuels est
observée pour deux tiers des femmes et au 9e mois
Par les modifications physiologiques chez 88,1 % d'entre elles.
Certes, le volume utérin impose une adaptation
L'inflation hormonale œstroprogestative modi-
des positions sexuelles, mais en dehors de risques
fie la réceptivité. Les paramètres biologiques
d'accouchement prématuré, la sexualité est permise.
changent, la volémie augmente, le rythme car-
La position couchée sur le dos n'est pas recomman-
diaque s'accélère.
dée, car elle favorise les malaises par compression de
la veine cave inférieure. Les positions de côté ou en
Par les modifications psychologiques
genu-pectoral doivent être conseillées.
Elles font intervenir la peur d'une fausse couche, Dans l'enquête réalisée par Anne Costiou [15],
les peurs pour l'enfant à naître, les facteurs rela- les femmes enceintes signalaient une augmenta-
tionnels. Les influences religieuses et culturelles tion de l'épanouissement sexuel au cours de la
jouent un rôle important dans les modifications grossesse pour 26,6 %, une non-modification pour
du comportement du couple. Cependant, au 45,3 % et une diminution du plaisir pour 28,1 % ;
cours de la grossesse, le désir sexuel reste le même 60,8 % des couples ont modifié leur position
pour 60 % des femmes [13]. sexuelle pour adopter la position sur le côté pour
79,4 % d'entre elles.
Évolution de la sexualité en fonction Pour De Judicibus [16], l'état dépressif est un
de l'âge gestationnel important prédicteur de la diminution du désir
Globalement, la sexualité diminue en fréquence et et du plaisir sexuels au cours de la grossesse. Si
en intensité au cours de la grossesse [14]. la grossesse peut s'accompagner d'une entente
Au 1er trimestre de la grossesse, les nausées voire érotique plus forte, elle peut également être révé-
des vomissements, l'hypersomnie et les modifica- latrice de problèmes conjugaux, relationnels et
90 Manuel de sexologie
sexuels. Les problèmes d'identité du corps et de déclenchant à partir d'une situation compro-
comportement psychologique sont notés chez mettant le devenir de la grossesse : modifications
14,1 % des femmes qui se trouvent moins belles et précoces du col utérin (raccourcissement, perte
moins attirantes. La grossesse peut être l'excuse, de tonicité), risque de rupture des membranes ;
facile à trouver, au refus de la sensualité de l'autre. • les hémorragies cervicales sont possibles chez
Le corps transformé de la femme enceinte peut les femmes ayant un ectropion inflammatoire
gêner l'homme et favoriser la confusion entre ou une tumeur cervicale (bénigne : polype,
ce corps et l'objet de ses désirs. Le blocage est voire maligne : cancer du col de l'utérus) ;
d'autant plus facile que les conséquences néfastes • les risques infectieux sont majorés avec risque
pour l'évolution de la grossesse sont évoquées. Un de développer des condylomes ou des mycoses ;
sentiment de jalousie peut déjà opposer l'homme • les risques d'accouchement prématuré peuvent
à ce duo femme–enfant. L'entente, le dialogue, être majorés chez les femmes ayant des contrac-
les échanges doivent, au sein du couple, évoquer tions utérines. L'activité coïtale peut favoriser
toutes ces éventualités. L'enfant présent dans l'uté- ces contractions, la distension vaginale peut
rus est la preuve du lien, la concrétisation humaine entraîner la sécrétion d'ocytocine (réflexe de
de l'acte d'amour passé. Cette perception permet Ferguson). Environ 25 % des femmes ressentent
de réitérer l'acte sexuel sans culpabilité. des contractions après l'orgasme [15] ;
Pour Orji, la fréquence des rapports sexuels est • déclenchement du travail : il est souvent admis
diminuée chez 64 % des femmes enceintes, alors que les rapports sexuels puissent déclencher
qu'elle est augmentée que chez 4 % d'entre elles. l'accouchement, en fait les essais d'intervention
Les raisons de la diminution des rapports sexuels n'ont pas validé cette hypothèse. Peng Chiong
pendant la grossesse sont : nausées vomissements Tan a publié en 2007 [17] une enquête rando-
du 1er trimestre (30 %) ; peur de la fausse couche misée effectuée en Malaisie auprès de femmes
(12 %) ; peur de faire mal au bébé (12 %) ; fatigue malaises, indiennes et chinoises. Deux groupes
physique (20 %) ; perte d'intérêt pour la sexualité ont été tirés au sort : le groupe où il était
(10 %) ; inconfort (6 %) ; peur d'une rupture des conseillé d'avoir des rapports sexuels (n = 108),
membranes (8 %) ; peur d'une infection (8 %) ; et un groupe pour lequel aucun conseil n'était
fatigue physique (10 %). Dans l'enquête réalisée donné (n = 102). Il s'agissait de grossesses
au CHU de Nantes, 47 % des femmes disent avoir après 37 SA, avec fœtus unique en présentation
été gênées par le volume abdominal. céphalique et sans anomalies, sans antécédents
de césarienne. Le taux de mise en travail n'a
pas été différent selon le groupe : 55,6 % dans
La sexualité peut retentir le groupe rapport sexuel versus 52,0 % dans le
sur la grossesse groupe témoin (p = 0,68). Utiliser les rapports
sexuels pour déclencher le travail spontanément
Beaucoup de risques restent potentiels sans vali- en fin de grossesse n'est donc pas scientifique-
dation scientifique, la tendance étant vers la res- ment validé.
triction et l'empêchement de la sexualité. Dans le En conclusion, certains risques allégués à la
monde animal mammifère, la sexualité est souvent sexualité sont faux, en particulier, les rapports
saisonnière et liée à l'œstrus. Au cours de la gesta- sexuels ne sont pas responsables de fausses couches
tion, la femelle se refuse habituellement au mâle. du 1er trimestre de la grossesse. L'orgasme n'est
Dans l'espèce humaine, l'acte procréatif est dis- habituellement pas responsable de contractions
socié de l'acte sexuel, mais certaines idées fausses utérines aux 1er et 2e trimestres de la grossesse.
persistent : Les rapports sexuels peuvent occasionner des
• le risque de fausse couche spontanée du 1er tri- contractions utérines, et dans certaines conditions
mestre n'est pas influencé par la sexualité ; de risque d'accouchement prématuré, ils doivent
• le risque de fausse couche tardive ne peut être être évités. Le col utérin est plus fragile et la
exclu, un rapport sexuel pouvant être l'élément douceur est recommandée lors de la pénétration
Chapitre 4. Sexualité au féminin 91
pour éviter des saignements provoqués. Certaines la sexualité après accouchement par voie basse et
pathologies obstétricales doivent faire éviter la après césarienne. La sexualité après une césarienne
pénétration : antécédents d'accouchement préma- est reprise plus précocement (10 jours versus
turé, grossesses multiples, rupture prématurée des 40 jours si épisiotomie) avec moins de problèmes
membranes, placenta inséré bas. locaux, mais la différence n'est pas significative. Les
• La prise en charge des problèmes sexuels doit auteurs notent pour l'accouchement par voie basse
être différée du temps de la grossesse à la période une diminution de la libido dans 80 % des cas, une
postnatale. Cependant, en parler au cours de la insatisfaction sexuelle pour 65 % des couples et une
grossesse, c'est faire de la prévention. La gros- perte de sensibilité vaginale chez 55 % des femmes.
sesse doit faire l'objet de conseils : Dans le groupe « césarienne », les auteurs notent
• pour la grossesse d'évolution normale, la sexualité 85 % de sécheresse vaginale, 60 % d'insatisfaction
peut être vécue en toute liberté. Le profession- sexuelle et 35 % de baisse de la libido.
nel de santé doit informer sur les modifications C'est après l'accouchement que se révèlent le
anatomiques et physiologiques retentissant plus souvent les problèmes sexuels et leur origine
sur la sexualité et conseiller sur les positions est plurifactorielles.
sexuelles ;
• si la grossesse est à risque, les rapports sexuels
sont contre-indiqués en cas de menace de fausse Sexualité et post-partum
couche, de menace d'accouchement préma-
La sexualité du post-partum confronte le couple
turé et de rupture prématurée des membranes.
à des difficultés qu'il faut anticiper en parlant de
La pénétration sexuelle sera évitée devant une
l'évolution de la sexualité avant l'accouchement
grossesse multiple après 22 SA. Le médecin
ou lors de la visite de sortie de la maternité.
pourra proposer les alternatives sexuelles sans
Plusieurs éléments contribuent à altérer la
pénétration.
sexualité :
• des éléments physiologiques comme la chute
Naissance et jouissance des estrogènes, l'inhibition de la fonction ova-
rienne par l'allaitement et ses pics de prolactine.
Dans le travail de Thierry Postel [18], la jouissance La distension vaginovulvaire de l'accouchement
obstétricale a été mise en évidence et concerne peut avoir entraîné des microlésions nerveuses
moins de 2 % des accouchements. Cette jouis- responsables d'une diminution de la sensibilité
sance obstétricale peut être définie comme un haut vulvovaginale (neuropathie d'étirement) ;
niveau de plaisir d'origine corporelle déclenché par • la fatigue de l'accouchement, les réveils occa-
le travail obstétrical. La sensation, fugace, surgit sionnés par le nouveau-né, les douleurs occa-
souvent au décours d'une poussée, alors que les sionnées par l'épisiotomie ne favorisent pas une
douleurs s'apaisent soudainement. Elle évoque sexualité épanouie ;
généralement une jouissance sexuelle, bien que • les soins à prodiguer au nouveau-né, ses fré-
parfois inconnue. Elle prend son origine majori- quents réveils nocturnes, l'allaitement sont de
tairement dans la compression et l'étirement du nature à éloigner de fait la femme de son com-
périnée antérieur à l'occasion du dégagement de la pagnon. L'homme peut même exprimer incon-
tête de l'enfant. Elle reste cependant peu fréquente sciemment un sentiment de jalousie vis-à-vis de
et ne peut servir de prétexte à exclure l'accouche- cet enfant qui accapare le sein et le temps de sa
ment sous péridurale. compagne. En fait, si 60 % des couples suivis au
La distension périnéale peut occasionner une CHU de Nantes ont repris les rapports sexuels
neuropathie d'étirement et être responsable dans le mois qui suit l'accouchement, l'inten-
d'une diminution du plaisir après l'accouchement. sité du plaisir est souvent amoindrie et il faut
L'épisiotomie retarde souvent la reprise des rap- en informer les couples pour éviter la spirale du
ports sexuels. L'étude de Khajehei [19] a comparé doute ;
92 Manuel de sexologie
Passé :
Vécu
MÉDICAL
Traumatisme :
- physique
- psychique
- Insuffisance - sexuel
- Stimulation : peur, PERSONNEL
fatigue COUPLE Présent :
PSYCHO
- Dysfonction Comportement :
partenaire - dépression, post-
- Conjugopathie partum blues
SOCIAL - anxiété
- peur de ne pas
être à la hauteur
- Famille : parents, enfants
- Absence intimité
- Insécurité
- Difficultés professionnelles
sera surtout de réassurer le couple. Comme le puis arrêt de l'ovulation. Dans un deuxième
disait Marc Ganem [20] : « Il nous faut aider les temps, la fonction endocrine s'altère avec arrêt
femmes à vivre leur grossesse et leur sexualité, de la sécrétion estrogénique. Cet arrêt peut être
aider les hommes à vivre leur statut de père et ou non brutal.
d'amant. » Cette perturbation hormonale est-elle respon-
sable d'altérations de la vie sexuelle de la femme ?
Dans ce cas, quelles sont les fonctions, parmi le
Conclusion désir, la lubrification, l'absence de douleur, le
plaisir et l'orgasme, celles qui peuvent être alté-
Une information scientifiquement fondée concer- rées par l'insuffisance estrogénique ? La sécrétion
nant la sexualité au cours de la grossesse est néces- androgénique ne s'arrête pas brutalement, ce qui
saire. Compte tenu de la faiblesse des enquêtes contribue à maintenir une sexualité.
épidémiologiques actuelles, des progrès sont L'augmentation de l'espérance de vie va expo-
attendus. Il faut rassurer sur la faiblesse des risques ser les femmes aux conséquences de l'insuffi-
liés à la sexualité au cours de la grossesse normale sance estrogénique en moyenne pendant plus de
et il faut savoir conseiller sur les positions sexuelles, 30 ans.
rappeler que la sexualité ne se réduit pas à la péné- Longtemps considérée comme un phénomène
tration vaginale. inéluctable, la ménopause n'est plus désormais
Le dépistage de la dépression au cours de la une fatalité. Nous disposons de moyens pour
grossesse et du post-partum paraît fondamental. compenser la carence hormonale qu'elle induit.
Il est rare qu'une thérapie sexologique soit Le sexologue doit savoir attribuer à cette
nécessaire au cours de la grossesse et du post-par- carence hormonale les dysfonctions sexuelles
tum, cependant des entretiens psychologiques observées et les différencier des troubles sexuels
peuvent contribuer à améliorer l'harmonie du liés aux causes psychosociales, au vieillissement et
couple au cours de la grossesse. La grossesse à la vie du couple.
peut être un révélateur de dysfonctionnements
sexuels antérieurs. Si la grossesse est d'évolu-
tion normale, la sexualité peut être vécue en Définitions
toute liberté. Plus la grossesse avance en âge,
plus la douceur et la tendresse doivent être la Ménopause
préoccupation des couples. En cas de grossesse
à risque, les rapports sexuels sont à éviter si un C'est l'arrêt permanent des menstruations résul-
lien a été établi entre sexualité et contraction tant d'une perte de l'activité folliculaire ovarienne.
utérine. Le stock folliculaire étant acquis à la naissance,
l'épuisement ovarien est en règle générale constaté
vers l'âge de 50 ans. La ménopause survient natu-
rellement entre 45 et 55 ans.
Ménopause et sexualité La ménopause se caractérise cliniquement
par une aménorrhée secondaire consécutive de
12 mois sans cause évidente. C'est une définition
Patrice Lopès, Michèle Lachowsky
rétrospective.
nale n'est pas immédiate et elle est plus faible ; En France, l'enquête, menée de 1991 à 1992
la souplesse vaginale diminue elle aussi ; auprès de 20 055 personnes de 18 à 69 ans, par
• durant la phase en plateau/tension sexuelle, Bozon [24] a permis de nuancer l'influence de
la femme peut percevoir une gêne, parfois des la ménopause sur la sexualité des femmes. En
douleurs lors des frottements sur une paroi de effet, entre 55 et 69 ans (versus 20–24 ans), les
moins bonne qualité et moins humide ; auteurs notent 38 % (versus 29 %) de femmes qui
• la phase d'orgasme serait marquée par moins de signalent avoir « souvent ou parfois » une absence
contractions avec une moindre intensité de la ou une insuffisance du désir sexuel ; 20 % (versus
réponse musculaire ; 35 %) ont souvent ou parfois une dyspareunie.
• durant la phase de résolution, la détumescence L'anorgasmie (souvent ou parfois) est notée pour
serait nettement plus rapide. 42 % (versus 22 %) des femmes. Remarquons que
Bottiglioni et Aloysio [21] ont comparé l'acti- ces résultats n'évoluent pas de façon significative
vité sexuelle des femmes ménopausées aux femmes en fonction de l'âge.
non ménopausées. Ils ont noté que 79 % des
femmes ménopausées signalaient une diminution
d'intérêt pour la sexualité et 76 % avaient moins Conduite médicale
d'un rapport par semaine. Les femmes ménopau- à tenir devant une
sées jugeaient leurs rapports moins satisfaisants et dysfonction sexuelle chez
leurs orgasmes moins fréquents. la femme ménopausée
Avis et al. [22] ont étudié l'influence de la
ménopause sur la sexualité des femmes. Cette Évaluer le symptôme
enquête est issue de la Massachusett's Women
Health Study : suivant 8050 femmes depuis Le premier temps de l'entretien porte sur :
1981–1982. Une cohorte de 427 femmes de 50 • l'analyse du symptôme ;
à 60 ans entre les années 1987 et 1995 a été ana- • puis l'évolution dans le temps et l'influence de
lysée avec comme items de surveillance : la satis- la ménopause indépendamment de l'environne-
faction sexuelle, l'évolution du degré du désir, la ment professionnel, familial et conjugal.
fréquence des rapports sexuels, la survenue ou L'examen clinique gynécologique permet
non d'un orgasme, les douleurs pendant les rap- parfois un diagnostic d'insuffisance hormonale
ports, une comparaison de l'excitation sexuelle évident qu'il faudra corriger.
par rapport à l'âge de 40 ans, l'attitude et l'in- Enfin, il est nécessaire d'y inclure une prise en
térêt pour les questions sexuelles en fonction de charge globale de la personne, de son couple et de
l'âge. Il n'y a pas de différence pour le désir, la leur sexualité afin d'établir un diagnostic.
fréquence, l'orgasme et les douleurs au cours des Nous proposons d'évaluer le symptôme selon
rapports sexuels. l'approche MPSC :
La seule différence significative avec la méno- • sur le plan médical : le médecin doit évoquer le
pause est le degré de désir et d'excitation signalé déficit estrogénique et androgénique, et recher-
en comparaison de l'âge de 40 ans. Le désir semble cher localement une insuffisance périnéale voire
en fait plus lié à la durée de la vie maritale, à une un prolapsus, une pathologie vulvovaginale
chirurgie récente, à des difficultés psychosociales, comme l'atrophie et le lichen scléreux ;
au tabac et aux limites du partenaire ! • sur le plan personnel : il faut évoquer une résur-
Schifffren et al. en 2008 [23] ont analysé la gence d'événements traumatisants de l'enfance,
prévalence des problèmes sexuels en fonction de de l'adolescence, de la vie adulte (traumatisme
l'âge, ils ont noté une augmentation de 3 à 6 % physique, psychique ou sexuel). Il faut évoquer,
pour les femmes de 50 à 70 ans des troubles du du fait de la modification du corps, une dimi-
désir, de l'excitation et de l'orgasme. Notons que nution de l'estime de soi et vérifier si les symp-
cette augmentation est très modérée. tômes n'expriment pas un état dépressif ;
96 Manuel de sexologie
• sur le plan social : le départ des enfants, les jet de l'établissement individualisé de la balance
parents vieillissants et la possibilité de conflits bénéfice-risque. L'administration systématique
familiaux peuvent retentir sur la sexualité du d'une association estrogènes conjugués équins
couple. Il faut également savoir évoquer les dif- et MPA n'a pas amélioré significativement la
ficultés professionnelles ; sexualité de la population étudiée dans la Women
• reste le point essentiel qui est la vie de couple : il Health Initiative [25].
faut vérifier l'absence de conjugopathie, de dys-
fonction sexuelle du partenaire parfois plus âgé. Problèmes sexuels
Il existe une corrélation entre l'activité sexuelle liés à la pathologie gynécologique
du couple avant et après la ménopause et la Après 50 ans, des pathologies gynécologiques
ménopause peut parfois servir d'alibi à une acti- peuvent occasionner des dysfonctions sexuelles :
vité sexuelle insuffisante ancienne. douleurs liées à des fibromes, saignements liés à
des polypes ou à une adénomyose, gêne secon-
daire à un prolapsus génital.
Traitement
Ces pathologies doivent faire l'objet d'une prise
Devant les symptômes évocateurs en charge spécifique. La chirurgie gynécologique
d'insuffisance estrogénique dans ces cas n'altère pas la sexualité. En cas de
pathologie bénigne, le chirurgien pourra même
C'est essentiellement devant une douleur, une envisager une chirurgie avec conservation du col
dyspareunie d'intromission, une sécheresse vul- de l'utérus en l'absence de portage de papilloma-
vovaginale apparue depuis la ménopause sans virus oncogène et si le plaisir sexuel est en partie
contexte de conjugopathie, de dépression récente lié à la pénétration profonde.
ou d'anomalie psychocomportementale, que l'on
évoquera l'insuffisance hormonale estrogénique Syndrome génito-urinaire
et que sera discuté le traitement hormonal de la de la ménopause
ménopause.
Ce traitement repose sur l'administration Le traitement proposé doit d'abord être local
d'estrogènes, en règle générale c'est l'hormone avec utilisation d'hydratant ou de lubrifiants type
naturelle qui est prescrite, l'estradiol 17-β par dif- acide hyaluronique. Les traitements hormonaux
férentes voies : locaux sont fondés sur l'application 2 à 3 fois par
• cutanée : gel (Estrogel®, Estrodose®, Estréva semaine d'estrogènes en crème, en gélules ou en
gel®) ou patch dont il existe de très nombreuses ovules (Estriol) ou la mise en place d'un anneau
spécialités (Vivelledot®) et différents dosages : à l'estradiol : Estring®. Ils sont souvent plus effi-
25, 37,5, 50, 75 et 100 μg/jour ; caces que le THM. Le recours au traitement
• orale : cette voie augmente légèrement le risque Laser (Laser CO2 ou Erbium Yag) est proposé
thrombo-embolique. en 3e intention.
Chez la femme hystérectomisée, le traitement
estrogénique seul est indiqué. Chez la femme Syndrome d'insuffisance
qui a son utérus, il est nécessaire d'administrer androgénique
un progestatif au moins 12 jours par mois pour La prise en charge des troubles du désir, du plai-
diminuer le risque de cancer de l'endomètre sir et de l'anorgasmie doit faire rechercher, en
induit par les estrogènes seuls. Le gynécologue particulier chez les femmes castrées, le syndrome
peut choisir entre différents schémas, avec ou d'insuffisance androgénique.
sans règles. Ces traitements ont de plus l'inté- L'ovaire est responsable de 50 % de la produc-
rêt de prévenir l'ostéoporose. L'inconvénient tion de l'androstènedione et de 25 % de la sécré-
d'augmenter le risque de cancer du sein dépend tion de la testostérone (le reste étant secondaire à
en partie du type de molécules et doit faire l'ob- la sécrétion de la glande surrénale).
Chapitre 4. Sexualité au féminin 97
On attribue à la ménopause une baisse du désir, qui le scandale arrive, ou au contraire celui qui
un seuil d'excitabilité et d'excitation plus élevé, rend sa confiance en elle à cette femme qui doute,
une dyspareunie essentiellement de pénétration et redoute la perte de son pouvoir de séduction.
donc moins de plaisir, d'où une baisse de fré- D'où son rôle capital : s'il ne peut supporter de
quence des rapports, le tout constituant le plus lire son propre vieillissement sur le visage et le
efficace des cercles vicieux ! corps de cette compagne, il lui renverra une image
destructrice, où elle se sentira niée, parfois ridicu-
lisée face à une rivale plus jeune.
Aujourd'hui Couple ancien dont la pérennité est rassurante
si l'homme accepte son propre vieillissement et
Les hommes comme les femmes recherchent de
parfois ses difficultés érectiles sans avoir besoin de
plus en plus une vie sexuelle satisfaisante après la
se réconforter dans des bras plus jeunes ; couple
cinquantaine comme le montrent des enquêtes
ancien où l'homme sait aussi reconnaître et par-
récentes, enquêtes dont l'intérêt est de ne pas être
fois même aimer sur le visage et le corps de sa
exclusivement ciblées sur le coït, mais sur la qua-
compagne les cicatrices de leur vie… ; ou encore
lité de vie. La qualité sexuelle est un des éléments
nouveau couple dont souvent la différence d'âge
indissociables de cette qualité de vie sans laquelle
surprend : dans tous ces cas de figure, le partenaire
cette nouvelle quantité n'aurait guère de sens et
a un rôle capital à jouer.
encore moins d'attraits. Entrent en jeu le corps et
On sait d'ailleurs que malgré son âge ou son
ses changements, le partenaire et le couple, l'envi-
statut hormonal, une femme désirée restera dési-
ronnement immédiat et la société, autrement dit
rante, grâce à l'ancien ou au nouveau partenaire
tout un climat psychosocial qui va influer parfois
qui lui rendra ou lui conservera sa valeur de
lourdement sur l'intimité.
femme, sa dignité sexuelle.
Que disent les patientes, ou les couples ? La qualité de la vie sexuelle peut faire mentir
l'actuel credo qui voudrait que seule la jeunesse soit
Les symptômes physiques (inconfort vulvovagi- nantie de l'indispensable passeport pour les pays de
nal, sécheresse, dyspareunie) sont fréquemment l'amour. Et que dire du rôle du travail, à l'époque où
décrits, plus simples à évoquer pour la patiente préretraite et chômage guettent l'individu à la cin-
que la baisse ou l'absence de désir, la rareté des quantaine comme pour mieux lui prouver « qu'au-
orgasmes ou la presque disparition des fantasmes delà de cette limite son ticket n'est plus valable ».
érotiques. Il est souvent malaisé de faire préciser Certes, il importe de savoir si la sexualité était
où se situe le déficit (« envies » ; libido ; excita- ou non de bonne qualité avant la ménopause, car
bilité ; qualité du rapport ; recherche, qualité et pour certaines femmes les difficultés classiques
lieux du plaisir ; désir pour le compagnon actuel ; de cette période peuvent servir de prétexte pour
orgasmes) et plus encore d'apprécier l'importance mettre fin à un exercice peu apprécié, peu satisfai-
de la sexualité pour cette patiente. sant ou même redouté. Enfin, n'oublions pas que
Le traitement hormonal estrogénique, notam- la sexualité en s'exposant comme elle le fait de nos
ment local, est efficace sur les troubles vulvovagi- jours court le risque d'entrer dans le domaine de
naux et urinaires, les androgènes le seraient plus la performance, créant des normes plus quantita-
sur libido et plaisir, mais leur prescription ren- tives que qualitatives, poussant les uns aux regrets,
contre encore quelques préjugés, notamment en les autres au dopage !
France (nous n'en disposons pas encore en France
sous des formes efficacement utilisables).
Consultation [27]
Importance capitale du partenaire Notre rôle
et de l'histoire du couple… Il est donc triple : à la fois pédagogue, conseiller
La sexualité est un échange et un langage. Le par- et prescripteur, chaque domaine ayant la même
tenaire en est l'interlocuteur privilégié, celui par importance avec des impacts variant selon les
Chapitre 4. Sexualité au féminin 99
individus, leurs problèmes, leurs plaintes et leurs sité, mais aussi une manière de restaurer un bien-
demandes. Tout d'abord, adaptons notre lan- être indissociable de cette qualité de vie que la
gage : les mots du sexe et du corps concernés ne cinquantaine risque de mettre en péril. Sueurs
sont pas les mêmes selon milieux et cultures, trop abondantes, irritabilité et/ou sécheresse vagi-
crus pour les uns, inconnus pour les autres, ils nale sont autant d'entraves à la sexualité, même
manquent parfois à certains de nos interlocuteurs. si certaines femmes passent ce fait sous silence.
Puis soyons à l'écoute des formulations, n'ou- Elles pensent souvent qu'il ne s'agit pas là d'un
blions pas que : « Je n'ai plus envie » est parfois plus problème « médical », ou pire encore d'un « vrai »
difficile à dire que « Cela me fait mal », surtout problème, ce qui nous montre leur difficulté :
si la femme craint que le compagnon ne traduise à qui s'adresser, et surtout, cela vaut-il la peine
par : « Je n'ai plus envie de toi » ou « Tu me fais d'évoquer ce dommage collatéral sans doute iné-
mal ». Voilà pourquoi il est capital de mettre en vitable ? Autrement dit, n'est-ce pas normal à leur
lumière au cours de la consultation la physiolo- âge ? Au thérapeute de montrer l'importance et
gie de l'acte sexuel et les modifications avec l'âge, la valeur qu'il attache à la qualité de la sexualité
et la carence hormonale de ses quatre phases. La féminine à tout âge, et de s'aider des traitements
présence du partenaire permettra bien entendu à notre disposition lorsque faire se peut. Le traite
une meilleure prise en compte des conseils qui en ment hormonal estrogénique, notamment local,
découlent, « dédouanant » d'une certaine façon la est efficace sur les troubles vulvovaginaux et uri-
femme d'un manque ou d'une anomalie : naires, les androgènes le seraient plus sur la libido
• phase d'excitation : le temps de réponse à la et le plaisir. Nous disposons en France d'un patch
stimulation s'allonge, la lubrification vaginale à la testostérone.
n'est pas immédiate, elle est plus faible, la sou- Sexualité féminine, certes, mais que pensent-
plesse vaginale diminue, elle aussi ; elles de la sexualité de leurs hommes ? À la cin-
• phase de plateau/tension sexuelle : gêne, parfois quantaine, ceux-ci ont parfois faiblesses ou pannes
douleurs lors des frottements sur une paroi de même si l'andropause n'est nullement la jumelle
moins bonne qualité et moins humide ; de la ménopause. Cependant la dysfonction érec-
• phase d'orgasme : moins de contractions, inten- tile en est le symptôme le plus souvent donné en
sité moindre de la réponse musculaire ; exemple, en oubliant les autres troubles, asthénie
• phase de résolution : détumescence nettement et dépression (etc.), causes ou conséquences d'ail-
plus rapide. leurs. Il nous faut parfois rassurer une patiente
Si l'on ajoute à ces phénomènes physiologiques pour qui un rapport sexuel lié à la prise d'un médi-
la perte de l'estime de soi, la dévalorisation que cament ne saurait exprimer amour et désir, mais
ressentent bien des femmes à cette période, liées bien la preuve qu'elles ne sont plus désirables.
à ce qu'elles vivent comme une atteinte physique Si impuissance il y a, le bon résultat pharmaco-
et psychologique à leur image, on ne s'étonnera logique ne fait qu'augmenter leurs idées néga-
pas de leur refus plus ou moins conscient du tives et le sentiment de leurs pertes irréparables.
désir comme du plaisir. Confrontées à ce qu'elles Il faut donc leur permettre d'ouvrir un vrai dia-
imaginent comme une perte de leur pouvoir de logue pour sortir de cette situation qu'il convient,
séduction, elles font d'avance le deuil de leur fémi- si c'est possible, de faire entrevoir au partenaire.
nité plutôt que de risquer rejet, abandon ou même Sinon le couple risque de s'enfermer tristement
honte. La cinquantaine est aussi la période où dans une véritable impasse.
parents et enfants restent ou s'en vont, troublant
l'intimité du couple, et lui donnant à voir d'une Moyens
part les scénarios possibles de fin de vie, et d'autre Devant des difficultés pouvant être liées à la
part les triomphes amoureux de la jeunesse. ménopause, la consultation doit être conduite
Il est évidemment capital de ne pas négliger, avec méthode :
dans notre éventail thérapeutique, de traiter les • une écoute active sans paternalisme ni juge-
troubles du climatère. C'est souvent une néces- ment, sans imposer une échelle de valeurs, mais
100 Manuel de sexologie
faite d'échanges et de considération des besoins [9] Gautier X. Sorcières. Sorcières 1976;1.
et des désirs spécifiques de cette patiente ; [10] Brenot P. Les femmes, le sexe et l'amour. Paris: Les
Arènes; 2012.
• une information honnête et claire, à la portée de [11] Schaeffer J. Le travail de féminin dans la sexualité
cette patiente, répondant aux questions qu'elle de couple. Le Journal des Psychologues, juillet-août
se pose comme à celles que l'entourage ou les 2012. hors-série:28.
médias lui posent ; Sexualité et grossesse
• une gestion du temps particulière à cette situa- [12] Doucet-Jeffray N, Miton-Conrath S, Le Mauff P,
tion sans urgence, sans négliger ce décalage : Senand R. Quelle sexualité pour les hommes pendant
la grossesse. Rev Exercer 2004;71:111–9.
côté patiente la demande est dans l'immédiat, [13] Orji EO, et al. Sexuality among pregnant women
côté médecin elle est dans la durée ; in South West Nigeria. J Obstet Gynaecol Mar
• une prescription sans hâte, à la demande, adap- 2002;22(2):166–8.
tée et explicitée, qui dépasse souvent la simple [14] Aslan G, Aslan D, Kizilyar A, Ispahi C, Esen A. A
ordonnance, avec « retouches » toujours pos- prospective analysis of sexual functions during pre-
gnancy. Int J Impot Res 2005;17(2):154–7.
sibles, donc dans une ouverture qui permet [15] Costiou A. Modifications du comportement sexuel et
« d'en reparler ». risques pour la grossesse [mémoire d'étudiante sage-
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Ménopause, féminité et sexualité ne doivent [17] Tan PC, et al. Effect of coital activity on onset of
pas être mission impossible, bien au contraire. labor in women scheduled for labor induction. Obstet
Parmi les appétits dont ni la ménopause ni l'âge Gynecol 2007;110:820–6.
[18] Postel T. Naissance et Jouissance [mémoire pour le
ne devraient éloigner les femmes, la sexualité DIU de sexologie]. Nantes 2012.
tient une place prépondérante, car elle est à elle [19] Khajehei M, Ziyadou S, Safari RM, Tabatabaee H,
seule emblématique du regard des femmes sur Kashefi F. A comparaison of sexual outcomes in pri-
leur corps, leurs valeurs et leur place dans notre miparous women experiencing vaginal and caesarean
société, comme d'ailleurs du regard des hommes. births. Indian J Community Med 2009;34:126–30.
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Chapitre 4. Sexualité au féminin 101
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Chapitre 5
Sexualité au masculin
flaccidité érection
Espaces
sinusoïdes
ouverts
veine albuginée
Espaces
sinusoïdes
Plexus veineux
artère sous-albuginée
Veines
écrasés
circonflexes
Veines émissaires
Artère hélicine dilatée
gg hypogastrique inf
T11
nerf
T12
hypog.
L1 (S)
nerf dorsal
nerf
S2 caverneux
S3 S et X
nerf érecteur (X)
nerf pudendal S4
(NHI)
nerf périnéal
des corps caverneux et l'érection. La GMPc est (sensitif et moteur) et au système végétatif (sym-
détruite par les phosphodiestérases de type 5 pathique et parasympathique). Rappelons que le
(PDE5). C'est à ce niveau qu'agissent les drogues neuromédiateur du système somatique est l'acé-
orales facilitatrices de l'érection puisqu'il s'agit tylcholine, celui du système parasympathique est
d'inhibiteurs des phosphodiestérases de type 5 l'acétylcholine (aussi bien au niveau ganglion-
(IPDE5) qui permettent donc l'augmentation de naire qu'au niveau neuromusculaire) et, pour le
concentration intrapénienne de GMPc. système sympathique, le neurotransmetteur est
l'acétylcholine au niveau ganglionnaire alors que
Myoconstricteurs de la fibre l'adrénaline intervient au niveau de l'effecteur
lisse : la détumescence neuromusculaire (figure 5.3).
Catécholamines : noradrénaline
et drogues adrénergiques Voie sensitive afférente
Des fibres et des récepteurs adrénergiques ont été La muqueuse du gland de la verge est riche en
isolés au sein des corps caverneux. Il s'agit surtout corpuscules sensitifs de Krause-Finger, mais
de récepteurs α-1-vasoconstricteurs (il existe éga- paradoxalement le gland reste très peu sensible
lement des α-2-récepteurs vasoconstricteurs et des aux stimulis douloureux. Les afférences sensi-
β-récepteurs vasodilatateurs mais dont la quantité tives, tout à fait indispensables dans le déclenche-
est nettement moindre). ment de la réaction sexuelle réflexe, empruntent
les voies des nerfs dorsaux de la verge (droit et
Autres facteurs vasoconstricteurs
gauche). Il s'agit de nerfs purement sensitifs qui
isolés dans le tissu intrapénien
sont les branches terminales du nerf pudendal
• Peptides : neuropeptide Y et endothéline. Cette der-
(honteux interne) ; celui-ci est un nerf mixte
nière est également sécrétée par l'endothélium
(à composantes sensitive, motrice et végéta-
vasculaire. Ils ont des effets vasoconstricteurs
tive), il est issu du plexus honteux qui provient
plus longs mais moins forts que la noradrénaline
des racines postérieures sacrées de S2-S3-S4.
et pourraient jouer un rôle dans la détumescence
L'érection du gland permet une augmentation
et le maintien de la flaccidité de la verge.
de la surface de contact et favorise donc les sti-
• D'autres facteurs vasoconstricteurs intrapéniens
mulations afférentes.
ont été identifiés :
– sérotonine ;
– histamine ; Centres médullaires
– thromboxane A2l ; Trois centres médullaires sont impliqués dans le
– prostaglandines : PGF1 et PGF2. contrôle sexuel. Ils sont en connexions avec les
voies périphériques recevant des afférences sen-
Cellules endothéliales sitives par les racines postérieures et entrant en
Il apparaît de plus en plus que les altérations des connexions avec les racines antérieures motrices.
cellules endothéliales érectiles, souvent présentes En outre, par les cordons médullaires (voies
en cas d'HTA, de tabagisme et d'hypercholestéro- ascendantes et descendantes), ils permettent des
lémie, interviennent dans les mécanismes physio- connexions entre les différents systèmes et un
pathologiques de l'insuffisance érectile. contrôle supramédullaire. Ces centres sont situés
à deux étages différents :
• centre sacré S2-S3-S4 : les racines postérieures des
Système nerveux autonome mêmes métamères font synapse avec le système
et contrôle de la sécrétion parasympathique sacré (cornes latérales) et avec
des neuromédiateurs le système somatique strié (cornes antérieures) ;
• centre thoracolombaire T11-T12-L1 : centre
Les voies neurologiques affectant le contrôle essentiellement moteur appartenant au système
génitosexuel appartiennent au système somatique sympathique.
Chapitre 5. Sexualité au masculin 107
Σ–
X+
Corps caverneux
Σ+
Testicule
Veines de drainage gland
Urètre
Fascia de Buck Fascia de Buck
Artère caverneuse
Albuginée
Albuginée
Veines comprimées
médicaments vaso-actifs qu'ils soient oraux (IPD5) Elle est mise en route par des stimulations non
ou administrés en intracaverneux (prostaglandine). génitales d'origine cortico-sous-corticales (désir,
Le plexus hypogastrique inférieur qui chemine fantasmes, stimulations sensorielles notamment
dans les lames sacro-recto-génito-pubiennes est visuelles…). Elle emprunte la voie des neurones
donc une zone de convergence des neurones sym- sympathiques originaires de la moelle thoraco-
pathiques et parasympathiques. lombaire. Il s'agit d'une érection qui, isolée, ne
Les nerfs caverneux qui en émergent ont donc des permet pas toujours le rapport car elle est en géné-
fibres de ces deux systèmes. Le nerf caverneux est ral peu rigide et peu durable.
donc l'effecteur commun qui se distribue aux corps
caverneux et aux corps spongieux permettant une Érection nocturne
neuromodulation de la fibre musculaire lisse respon- Elle est présente au cours du sommeil paradoxal
sable des phénomènes vasculaires de l'érection. chez tous les hommes pour autant que l'hémody-
Les nerfs caverneux sont en relation étroite avec namique pénienne soit préservée. Son mécanisme
le bas appareil urinaire. Ils sont ainsi postéro-laté- est totalement inconnu. Elle peut être préservée
raux à l'apex de la prostate (à 5 et 7 heures), laté- dans les dysérections neurologiques, il est pro-
raux à l'urètre membraneux (à 3 et 9 heures), et bable qu'elle ne soit présente qu'à condition qu'il
antérieurs à l'urètre bulbaire (à 1 et 11 heures), y ait préservation au moins partielle d'un des
c'est là qu'ils se distribuent au hile pénien. Cette centres de l'érection (thoraco-lombaire ou sacré).
distribution est importante dans la prévention de Elle serait androgéno-dépendante.
l'impuissance iatrogène lors de la chirurgie pros-
tatique et urétrale.
Physiologie périphérique
Trois types d'érections : de l'éjaculation
érection psychogène, érection
réflexe et érection spontanée L'éjaculation est définie par l'expulsion par le
méat urétral sous pression et par saccades de 2 à
Érection réflexe 5 cc de sperme. Mais doit-on faire entrer dans la
L'érection réflexe nécessite l'intégrité des méta- définition : le moyen d'obtention ? Le temps mis
mères sacrés. à l'obtenir ? Le plaisir et la satisfaction obtenus ?
Elle implique une stimulation sensitive des L'existence d'un orgasme ?
récepteurs cutanés (attouchements, masturbation, L'éjaculation se fait en deux temps. Le premier
coït) qui déclenchera une réponse réflexe par les est l'émission du sperme : elle est en rapport avec
voies sensitives et motrices : des contractions épididymo-déférentielles, des vési-
• nerf dorsal de la verge/nerf honteux interne/ cules séminales, une fermeture du col vésical pour
moelle sacrée/nerf érecteur nerf caverneux éviter l'éjaculation rétrograde, et l'accumulation
d'une part ; de sperme dans l'urètre prostatique, sous pression.
• fibres motrices du nerf honteux interne d'autre C'est à cette phase qu'est constitué le liquide sper-
part. matique qui est un mélange de spermatozoïdes,
Il s'agit d'une érection rigide auto-entretenue de sécrétions vésicales et prostatiques. Cette phase
par le rapport sexuel. C'est l'érection pré-éjacula- nécessite l'intégrité du centre et des voies sympa-
toire de l'homme normal. thiques thoraco-lombaires (T11-T12-L1). La deu-
xième phase est celle de l'éjection ou de l'expulsion
du sperme qui nécessite une contraction rythmique
Érection psychogène des muscles périnéaux, de la musculature urétrale,
L'érection psychogène nécessite l'intégrité des un relâchement rythmique du sphincter strié de
métamères thoraco-lombaires. l'urètre aboutissant à l'éjection clonique et saccadée
Chapitre 5. Sexualité au masculin 109
colonne intermédio-latéralis de la moelle. La sti- Ces deux zones travaillent du reste en inter-
mulation ou la destruction de l'aire pré-optique dépendance, l'une représente la sauvegarde de
médiale et du noyau ventromédian de l'hypothala- l'individu (zone « orale »), l'autre celle de l'espèce
mus peuvent modifier (en dehors de toute modi- (zone « sexuelle »).
fication hormonale) le comportement sexuel chez Les différentes impressions émanant de ce cortex
l'animal (singe, rat) comme l'érection, les rites de limbique vont notamment par le biais du circuit
montée ou la lordose lors de l'intromission chez la hippocampo-mammilo-thalamo-cingulaire com-
femelle, l'intensité copulatoire. parer les phénomènes vécus par rapport au passé.
Ainsi est-il au centre de connexions corticales,
Thalamus thalamiques, hypothalamiques et réticulaires. On
La stimulation de la région postérieure du thala- comprend que par les nombreuses interrelations
mus peut induire des érections. Dans le syndrome que ce système établit avec les structures végétatives,
de Kleine-Levin, où les lésions sont situées dans la sensorielles et comportementales, il permet que le
région thalamique, on retrouve associés des accès comportement sexuel soit intégré dans un environ-
de boulimie, de somnolence et d'hypersexualité. nement riche, mais par là même source de fragilité.
L'orgasme est un phénomène réflexe intégré au
Striatum ventral et substance innominée moins partiellement au niveau médullaire (éjacula-
Ces structures sont impliquées dans le système tion, contractions spasmodiques du périnée) mais
dopaminergique et établissent des connexions également au niveau du système limbique (on a
importantes avec le système moteur et le système pu déclencher des orgasmes par stimulation à ce
comportemental. La chute du taux de dopamine niveau et y enregistrer des activités EEG pendant
diminue l'activité copulatoire et inversement. l'orgasme), à tel point qu'on parle parfois d'un
centre orgasmique dans le système limbique.
Face interne du lobe temporal
Ce système intervient également dans le
Cerveau « archaïque », il participe au système lim- contrôle vésicosphinctérien, expliquant l'interven-
bique ou rhinencéphale. On connaît l'importance tion des facteurs sensoriels et émotionnels dans le
du complexe amygdalien dans : les comporte- contrôle mictionnel (instabilité vésicale au contact
ments émotionnels, d'agression, de défense, d'ali- ou à l'audition de bruits d'eau, incontinence uri-
mentation ; les phénomènes de mémorisation ; le naire réflexe au fou rire) mais également l'exis-
comportement sphinctérien ; l'olfaction et le com- tence d'incontinence urinaire orgasmique.
portement sexuel.
Le rôle du système limbique est triple : Néocortex
• il contrôle les phénomènes viscéraux en colla- La participation de ces grandes régions, qui sont
boration avec l'hypothalamus et leur donne une des structures essentiellement limbiques, n'exclut
connotation d'accompagnement affectif ; pas que d'autres régions notamment du néocortex
• il joue un rôle dans les manifestations affectives soient impliquées dans la vie sexuelle.
et notamment dans les comportements moteurs L'implication des structures néocorticales fait
accompagnant les phénomènes émotionnels. sûrement intervenir des références à la person-
C'est ainsi que la stimulation du complexe amyg- nalité et à l'expérience de chaque individu. Les
dalien entraînera une colère avec agitation ; la sti- différents cortex (moteur, prémoteur, préfron-
mulation septale inhibe le sujet qui devient pétrifié. tal, temporal et insulaire) vont agir de plusieurs
Les phénomènes comportementaux peuvent façons :
aussi être globalement centrés sur deux régions • certains comme les cortex récepteurs engram-
fonctionnelles : la région amygdalienne qui, siège ment les informations qui vont générer le besoin ;
de la représentation essentiellement orale, tient • d'autres comme les régions motrices déclenchent
lieu aussi de centre de l'agressivité et la zone sep- des comportements moteurs adaptés à certaines
tale à orientation sexuelle (la stimulation de la circonstances, soit physiologiques (comme le
région septale peut aussi entraîner des comporte- comportement de fuite devant la peur) soit
ments d'hypersexualité, voire des orgasmes). pathologiques.
Chapitre 5. Sexualité au masculin 111
De même, ces aires vont assurer la socialisation période de la vie génitale. En période néonatale,
des fonctions végétatives (miction, défécation, ils auraient un rôle programmateur du compor-
sexualité) organisées selon les convenances cultu- tement sexuel mâle avec survenue d'érections dès
relles, coiffant ainsi sur un mode modérateur les la vie in utero. En période pubertaire, ils ont un
pulsions nées dans les cortex anciens. rôle révélateur des aspects physiques et du com-
Les lésions de la face orbitaire des lobes fron- portement psychologique sexuel mâle programmé
taux entraînent en général des comportements à antérieurement (augmentation de la fréquence
type de désinhibition globale, de perte de pudeur, des érections spontanées, apparition de l'éjacula-
de propos non refrénés, plus que des passages à tion…). À la période adulte, les androgènes ont
l'acte. un rôle régulateur des érections nocturnes andro-
Le néocortex lui-même n'intervient que dans la géno-dépendantes et facilitateur des érections
prise de conscience de l'orgasme, ne pouvant le psychogènes.
commander à lui seul.
Conclusion
Neurotransmetteurs centraux
Il est certain qu'un certain nombre de neurotrans- L'érection est un phénomène neurovasculaire,
metteurs agissent au niveau central, de façon plus intimement lié au tonus des fibres musculaires
ou moins spécifique, agissant sur le contrôle de lisses intracaverneuses. Ce tonus est régulé par le
l'érection et de l'éjaculation. La sérotonine a une système nerveux autonome. L'érection comme
influence inhibitrice sur l'érection et on connaît l'éjaculation fonctionnent de façon réflexe mais
l'effet négatif sur l'éjaculation des inhibiteurs du sont aussi soumises à des facteurs corticaux et sous-
recaptage de la sérotonine (avec des perspectives corticaux. L'ensemble de ces systèmes fonctionne
thérapeutiques dans l'éjaculation prématurée). de façon harmonieuse, mais si ces dernières années
La dopamine et les agonistes dopaminergiques ont été riches en connaissances fondamentales
facilitent l'érection avec un effet qui n'est que cen- et notamment neuropharmacologiques, il reste
tral (action sur les neurones contenant de l'ocy- encore beaucoup d'inconnues notamment sur les
tocine situés dans le noyau paraventriculaire de systèmes de coordination centrale.
l'hypothalamus).
La noradrénaline a une action périphérique
mais également centrale sur les récepteurs α-2- Psychologie
adrénergiques dont la stimulation inhibe l'érection. de la sexualité masculine
Facteurs hormonaux Jean-Roger Dintrans
d'une sorte de « destinée sexuelle » –, mais en consti- • une bonne acceptation de l'expression de cette
tuent une tendance. masculinité par la parentèle (féminine en par-
À partir de cette tendance se construisent les ticulier, le plus souvent la mère mais aussi les
échanges érotiques de l'homme, suivant sa culture autres femmes de l'entourage) ;
et l'expérience qu'il fera de l'altérité féminine. • une prise de conscience ainsi satisfaisante par le
garçon de ses traits masculins, lui conférant un
sentiment de bien-être dans sa « mâle-sculinité ».
L'estime de soi et la capacité d'autonomie affec-
Description tive qui en découleront sont très étroitement
de la sexualité au masculin corrélées à la facilité à établir ou maintenir une
relation amoureuse/érotique satisfaisante.
Généralités
Penser le socle de la sexualité masculine conduit Choix de partenaires
à l'associer à des mots comme vue/préhension/
possession/pénétrance. Mots auxquels il convient En dehors de la tendance partagée à l'apparie-
d'ajouter « engendrement » (c'est-à-dire tout ce ment par ressemblance/homogamie, les hommes
qui est éprouvé par l'homme du fait du caractère attachent une plus grande importance à certains
fécondant de son activité sexuelle : cet éprouvé est critères physiques sexuels visuellement évalués
celui de donner la vie en devenant père et de faire (et y montrent une plus grande exigence) que
d'une femme, une mère). Ces sentiments, partie ne le font leurs partenaires féminines : « Pour
constitutive de l'estime de soi, ne sont pas tou- un homme, une femme, sous ses vêtements, est
jours conscientisés, ce d'autant que peu de mots, toujours nue. » (A. Allais) Les critères physiques
hors ceux de risques, prédation et responsabilité, majeurs d'attirance sexuelle sont les seins, les
sont mis à disposition par la pensée occidentale fesses, la silhouette (non tant la cambrure ou le
moderne. galbe des jambes que le rétrécissement – unique
Si la femme a tendance à être dans la relation de parmi les primates – de la taille en violoncelle/
sens avec son environnement et de s'en faire un amphore) et une peau claire, quelle qu'en soit la
contexte, l'homme a tendance à être dans l'orga- couleur. Ces critères visuels de sélection/attirance
nisation de son environnement et d'en faire une sont des signes originels de fécondité et/ou de
entreprise. Le rapport que chacun(e) entretient bonne santé devenus préprogrammés génétique-
avec la sexualité est imprégné de ces différences ment au cours de l'évolution.
de fonctionnement mental. L'attirance sexuelle Cette attention visuelle accordée à des parties
masculine se nourrit principalement de percepts anatomiques isolées du corps féminin (sans doute
visuels et naît souvent avant/hors de toute rela- associée à des modalités elles aussi spécifiques du
tion intersubjective. La relation intersubjective fonctionnement mental – représentationnel/émo-
aura alors pour l'homme tendance à ne s'orga- tionnel/motivationnel – masculin) est à l'origine
niser que secondairement et « autour » de cette de la tendance de certains hommes à n'être excités
attirance ressentie physiquement : « Les premiers que par des parties isolées du corps féminin ou des
mouvements du désir communiquent aux idées objets y renvoyant (« objets partiels » des théories
le charme naturel et puissant des caresses. » (A. psychodynamiques ; « fétichisme »).
Maurois) L'homme est moins monogame que sa com-
La capacité à créer un contact satisfaisant avec pagne (polygynie masculine modérée originelle
une partenaire à l'âge adulte nécessite durant dont est témoin le dimorphisme sexuel modéré).
les phases développementales de l'enfance et de L'homme a tendance à souhaiter avoir des rap-
l'adolescence du garçon : ports sexuels extraconjugaux davantage que sa
• des apprentissages sécures étayés sur le modèle compagne. Il semble les chercher plus dans le
paternel ; but de trouver de la diversité, alors que la femme
Chapitre 5. Sexualité au masculin 113
semble les chercher plus pour répondre à une de l'importance qu'il a chez les autres primates),
insatisfaction ou au désir d'une nouvelle relation la vue demeure le « canal » préférentiel servant
durable. de vecteur à la sexualité masculine. L'homme
accorde le primat de son attention et de ses
caresses aux zones sexuelles primaires, centrées
Désir, séduction, excitation dans le rapproché/l'intime de la relation sexuelle
sur la région génitale. Cela peut le conduire, au
Chez l'homme, désir et excitation sont étroite-
goût de sa partenaire, à investir :
ment corrélés, tendant à ne faire qu'un.
• de trop peu de caresses l'ensemble de son corps
Le désir (à corréler dans cette acception à la fré-
à elle ;
quence réelle des rapports sexuels ou mieux encore
• trop et trop directement la zone génitale (puis
à la fréquence souhaitée) est statistiquement plus
de façon plus précise encore trop directement
important chez l'homme que chez la femme (les
le gland clitoridien au détriment de la zone
consultations pour baisse du désir sont, quoiqu'en
périclitoridienne) ;
augmentation, 2 fois moindres chez l'homme, les
• trop et trop vite la pénétration (à noter que
méta-analyses convergeant vers des taux en popu-
le réflexe des poussées pelviennes serait, dans
lation générale à 15 % chez l'homme et 30 % chez
l'état actuel de nos connaissances, parmi tous
la femme). En particulier, le désir, chez l'homme,
les comportements liés à la sexualité, le seul élé-
apparait moins dépendant du contexte que chez
ment possiblement instinctuel [1]) ;
la femme.
• trop son orgasme à elle, auquel il donne plus
À long terme, désir et excitation sexuelle seront
d'importance qu'elle-même n'a tendance à le
favorisés chez l'homme s'il n'a pas le sentiment
faire.
de « devoir » renoncer trop souvent à la sponta-
Lorsqu'existe une difficulté sexuelle, la forme
néité de ses initiatives dans la séduction et la mise
masculine de la peur de décevoir sexuellement
en œuvre des relations sexuelles. Sa tendance à la
(angoisse dite d'échec/performance) concerne
proactivité le conduira en effet, si ses partenaires
essentiellement l'érection et son devenir sur
lui refusent trop systématiquement la prise d'ini-
laquelle l'homme focalise alors son attention ainsi
tiatives, à se désinvestir/se démotiver : l'échange
que sur le plaisir « à donner… » à sa partenaire (tan-
cesse à la longue pour lui d'être un « jeu » érotique
dis que la forme féminine de cette peur concerne
attrayant. Et devient pour eux deux un « enjeu ».
l'image du corps donnée de soi et, en plus du plai-
Ces couples ont souvent du mal à faire le chemin
sir « à donner… », le plaisir « à prendre… »).
inverse les ramenant « de l'enjeu au jeu ».
L'auto-érotisme, qu'il soit de compensation ou
Les périodes d'abstinence sont plus mal suppor-
d'accompagnement d'une sexualité d'échange,
tées par les hommes, et ont tendance à être plus
est couramment pratiqué au masculin (80 à 90 %
brèves que chez leur partenaire.
des hommes l'ont pratiqué/le pratique parfois
Les hommes ont moins tendance à se trouver
ou souvent contre moins de 50 % des femmes),
insatisfaits de leurs relations sexuelles que leurs
concentré sur les stimulations péniennes, et le plus
partenaires féminines. Quand ils sont insatisfaits,
souvent accompagné de fantasmes… et désormais
ils ont moins tendance à rapporter cette insatisfac-
de photos/vidéos trouvées sur le web.
tion à la réaction émotionnelle de leur partenaire
Durant les échanges érotiques, l'homme aura
et plus au déroulé de l'acte.
peu tendance à parler spontanément, du moins
sur un registre affectif.
Comportements
Après un orgasme, l'homme a une période
Comme au stade du choix (qui exprimait les pré- réfractaire plus ou moins longue (dix minutes à
misses du désir), au stade du désir et de l'excita- plusieurs heures).
tion, parmi les cinq sens sollicités dans l'exercice La sexualité de l'homme demeure présente
de la sexualité (et même si l'odorat retrouve dans toute la vie mais se remodèle partiellement avec
le rapproché/l'intime du rapport sexuel une part l'âge :
114 Manuel de sexologie
réinterroger). Il soutient que les différences obser- chacun(e) donne au/à la partenaire une place qui
vées entre hommes et femmes ne sont que construits le/la satisfasse ; que chacun(e) fasse passer l'autre
sociaux voire, pour les plus radicaux (queer theorie), d'objet à protagoniste/auteur(e)/acteur(trice).
que le sexe anatomique ne doit en rien intervenir (Ainsi le stade « génital » des penseurs freudiens
comme critère de catégorisation humaine. peut-il être compris comme l'accession à la capa-
En revanche, « pas question pour le naturaliste cité à tenir compte de l'Autre, dans la mesure où
de renier l'insistante empreinte de la nature » l'appareil génital est l'expression la plus « voyante »
(JF. Bouvet). L'existence de comportements des différences entre hommes et femmes et donc
sexuels spécifiques liés au sexe anatomique est le « paradigme » d'une irréductible singularité.)
étayée pour les scientifiques sur les connaissances Une sexualité de couple harmonieuse dépendra
en cours d'accumulation dans divers domaines, de la capacité à érotiser la différence, l'altérité.
en particulier les neurosciences et l'éthologie, L'altérité est la source de la séduction.
en particulier évolutionniste. Les neurosciences Toute approche de la sexualité humaine doit
(avec le développement récent de la neuro-ima- donc prendre en compte la psychologie de la
gerie) apportent de plus en plus de connaissances sexualité de chaque sexe. Et si l'humain peut don-
sur l'existence de différences de fonctionnement ner à ses comportements sexués un grand nombre
mental en fonction du sexe biologique, y compris de formes sociales diverses, aucune de ces formes
en ce qui concerne l'activité sexuelle, en particu- ne peut exister durablement sans dommage si elle
lier du fait des conséquences émotionnelles des se refuse à répondre à des contraintes liées aux
différentes activités hormonales. L'éthologie met facteurs/traits préprogrammés génétiquement.
d'ailleurs en évidence que nombre de nos com- C'est-à-dire si elle refuse certaines « pertinences/
portements « socio-sexuels », se révélant trans- congruences » à ses agencements symboliques.
culturels, voire partagés avec d'autres espèces, Chaque « Éros » – puisque « on aime selon les
ne peuvent s'expliquer que parce qu'ils ont été formes de l'amour existant » (R. Musil) – devrait
fixés lors de la sélection évolutionniste, et ce avec donc être construit de telle sorte que, partant de
une très grande stabilité, car « le génome semble à leurs différences comme d'un socle identitaire
considérer dans cette perspective comme conser- stable et donc sécure, hommes et femmes puissent
vant la prérogative de faciliter et privilégier, par devenir capables, tout en restant soi, de donner
rapport à toutes celles qui seraient théoriquement un « visage » à la « face » de leur sexe et de celui
possibles, certaines acquisitions », comme le dit de l'autre.
J.-F. Bouvet. Ce dernier rappelle ainsi la phrase
de M. Proust : « Nos existences sont en réalité,
par l'hérédité, aussi pleines de chiffres cabalis-
tiques, de sorts jetés, que s'il y avait vraiment des Andropause
sorcières. »
Laurent Wagner et Pierre Costa
Conclusion
La diminution de plusieurs hormones a été mise
Les traits spécifiques de la sexualité mascu- en évidence chez les sujets vieillissants. Ces déficits
line constituent une « tendance » : ils sont une hormonaux sont volontiers dénommés en utilisant
pression émanant de la nature et entretenant le suffixe « -pause ». Ménopause et andropause
avec le registre de l'échange symbolique éro- correspondent ainsi à l'altération de la « fonction
tique/amoureux une relation réciproque de de reproduction » ce qui, au sens large, englobe la
« contrainte–échappement ». fertilité, la sexualité et les fonctions contrôlées par
La condition fondamentale pour que la sexua- les stéroïdes sexuels. Toutefois, alors que la méno-
lité humaine soit aboutie pour chacun est que pause se caractérise par une disparition brutale
116 Manuel de sexologie
augmente la force musculaire tant au niveau des vant un dosage le matin du jour précédant la nou-
membres supérieurs qu'inférieurs [48, 55–58]. velle injection. Le résultat permettra d'espacer ou
Il existe également une amélioration de la qua- de rapprocher les injections intramusculaires.
lité du sommeil, une diminution de la fatigue aussi
bien physique que psychique, une amélioration Traitement par voie percutanée
de l'humeur et de la sensation de bien-être ; la et transdermique
mémoire spatiale et verbale s'améliore. Ses avantages sont la facilité d'utilisation et le fait
d'éviter le premier passage hépatique. Les patchs
ne sont toujours pas disponibles en France. Nous
Modalités pratiques du traitement disposons aujourd'hui d'un gel hydroalcoolique
Il est actuellement possible de proposer à nos de testostérone en sachets unidoses. Il faut pres-
patients un traitement androgénique supplétif crire une seule application par jour au niveau de la
sous trois formes différentes : forme orale avec peau propre et sèche des épaules, des avant-bras
l'undécanoate de testostérone (en France, les et/ou de l'abdomen. Il faut recommander au
formes méthylées, qui posent des problèmes non patient de bien se laver les mains après application
négligeables d'hépatotoxicité, ne sont pas com- pour éviter tout risque de transfert à quelqu'un
mercialisées) ; forme parentérale (intramusculaire) d'autre. Après absorption par la peau, la testos-
avec l'énanthate et l'undécanoate de testostérone ; térone diffuse dans la circulation générale à des
forme transdermique percutanée avec le gel de taux constants au cours du nycthémère. Les
testostérone. concentrations plasmatiques de testostérone sont
stables dès le 2e jour de traitement. Il est possible
Traitement per os d'augmenter les doses prescrites si l'amélioration
clinique est insuffisante et si un contrôle de la tes-
L'undécanoate de testostérone est à résorption tostéronémie, réalisé juste avant l'application sui-
lymphatique, permettant d'éviter le premier vante, montre un taux circulant encore inférieur à
passage hépatique. Une bonne imprégnation la normale. La poursuite de ce traitement à moyen
androgénique nécessite au moins deux, et plus et long terme est actuellement perturbée par son
généralement trois, prises quotidiennes. Son non-remboursement.
absorption est dépendante des prises alimentaires
et doit donc se faire au moment des repas. Il est Initiation du traitement :
impossible d'envisager la réalisation de dosages de le choix de la préparation
la testostéronémie pour adapter la posologie car
L'initiation de la supplémentation en testostérone
les taux de testostéronémie obtenus après absorp-
dépend du choix du patient, de la tolérance et du
tion orale d'undéconoate de testostérone sont très
coût du traitement. C'est une décision conjointe
fluctuants.
du médecin et du patient informé [59]. La surve-
nue d'un événement indésirable grave au cours du
Traitement parentéral (intramusculaire)
traitement doit faire arrêter le traitement par tes-
Injections huileuses intramusculaires de testostérone tostérone [60]. En raison de ces risques, les pré-
retard : les injections d'énanthate de testostérone parations de courte durée d'action peuvent être
permettent d'augmenter le taux de testostérone préférées dans le traitement initial des patients.
pendant 2 à 4 semaines, tandis que l'undecanoate L'objectif thérapeutique est le rétablissement du
de testostérone retard a un rythme d'injection de niveau de testostérone sérique dans les normes de
12 semaines. Beaucoup de patients apprécient de l'homme jeune [61].
ne pas avoir à se traiter tous les jours grâce aux Chez les hommes recevant un traitement par
injections intramusculaires. D'autres signalent injection intramusculaire d'enanthate de testos-
que, du fait de l'excipient huileux, les injections térone, l'objectif est d'avoir un niveau de tes-
intramusculaires sont parfois douloureuses. Il est tostérone totale sérique entre 4 et 7 ng/mL
facile de contrôler la testostéronémie en prescri- une semaine après l'injection. Il n'existe aucune
120 Manuel de sexologie
preuve pour ou contre la nécessité de maintenir diagnostics de cancer dans des populations trai-
le rythme circadien physiologique de testostérone tées est identique à celui de la population générale
sérique. [71], même chez des patients porteurs de lésions
intra-épithéliales [72].
Traitement par testostérone Les hommes ayant eu un traitement curatif pour
et pathologies prostatiques un cancer localisé de la prostate et ayant un déficit
Il n'y a aucune preuve que le traitement par testos- en testostérone symptomatique sont des candidats
térone augmente le risque de cancer de la prostate potentiels pour un traitement substitutif en testos-
ou d'hyperplasie bénigne de la prostate [62–64], térone après un intervalle prudent en cas de rémis-
ou favorise l'expression clinique de cancers de la sion complète clinique et biologique [73–76].
prostate infracliniques. Cependant, il existe des En l'absence de données sur les résultats à long
preuves que la testostérone peut stimuler la crois- terme du traitement substitutif en testostérone
sance et aggraver les symptômes chez les hommes dans ce contexte, les cliniciens doivent avoir une
ayant un cancer de la prostate localement avancé connaissance suffisante du cancer de la prostate et
ou métastatique [65, 66]. des avantages et risques du traitement par testos-
Les cancers prostatiques ne sont pas plus fré- térone dans cette situation [4, 77]. Les avantages
quents chez les hommes ayant une testostéroné- et risques du traitement par testostérone doivent
mie normale. Le taux de testostérone plasmatique être clairement discutés avec le patient, et compris
n'est pas corrélé avec le risque de cancer prosta- et acceptés par celui-ci. La réalisation d'un traite-
tique [9, 44]. ment par testostérone dans ce contexte est condi-
En culture cellulaire, les androgènes n'ont tionnée par la possibilité de pouvoir réaliser une
pas un effet carcinogénétique sur des cellules surveillance rapprochée.
épithéliales prostatiques « normales » mais au L'hypertrophie bénigne ou adénome de la pros-
contraire contribuent à leur différenciation cel- tate ne présente pas une contre-indication à la sup-
lulaire et donc les poussent vers la régulation et plémentation androgénique [9]. Sous traitement,
l'apoptose [67]. le volume prostatique augmente pour atteindre
Bien entendu, l'effet des androgènes est dif- celui qu'elle aurait dû avoir sans déficit androgé-
férent sur des cellules prostatiques déjà cancé- nique [78]. Les taux de PSA restent stables ou
reuses. La testostérone favorise leur prolifération augmentent très modérément [79].
et la suppression androgénique retarde (mais Toutefois peu de patients porteurs d'adé-
ne supprime pas) le développement des cancers nome prostatique ont été inclus dans les études
prostatiques. publiées et un cas de rétention aiguë d'urine chez
La véritable question posée est donc, non pas de un patient traité mais présentant préalablement
provoquer l'apparition d'un cancer de la prostate de sévères troubles mictionnels a été rapporté
chez un homme qui n'en aurait pas eu sans trai- [44]. La majorité des études à court terme ne
tement supplétif androgénique, mais de favoriser rapportent aucune pathologie mictionnelle [49],
le développement d'un cancer latent. Toutefois, mais une étude à moyen terme, avec une andro-
plusieurs arguments permettent de relativiser ce génothérapie pouvant aller jusqu'à 49 mois, rap-
risque : porte un taux de troubles mictionnels de 12 %
• les cancers localisés de la prostate s'avèrent [80]. Ces troubles mictionnels sont bénins (pol-
beaucoup plus agressifs chez les sujets en déficit lakiurie, nycturie, impériosités). Leur prévalence
androgénique partiel que chez ceux ayant une n'est pas supérieure à celle des troubles miction-
testostéronémie normale [68, 69] ; nels rapportés dans la population française : 8 % de
• chez le rat, l'administration d'androgènes pour- 50 à 59 ans, 14 % de 60 à 69 ans et 27 % chez les
rait avoir une action de prévention du cancer plus de 70 ans [65].
[70]. En pratique, avant de prescrire une androgéno-
Bien que les séries cliniques soient encore pour thérapie, il faut tout d'abord écarter un risque de
la plupart d'un recul inférieur à 4 ans, le taux de cancer prostatique par examen de la prostate au
Chapitre 5. Sexualité au masculin 121
Le contrôle hormonal de l'activité sexuelle chez mance, via le tonus adrénergique, peuvent égale-
l'homme est médié par les androgènes, essentiel- ment le générer.
lement la testostérone. Ils interviennent dans le Âge. Concernant l'âge, le vieillissement entraîne
système cérébral des érections et s'intègrent donc une diminution d'élasticité des fibres musculaires
dans le contrôle neuro-psycho-endocrinien de lisses intracaverneuses qui, associée aux modifica-
l'activité génitale de l'homme. Ils ont en particu- tions hormonales (andropause), explique la fré-
lier un rôle régulateur des érections spontanées quence de la dysérection avec l'âge.
(nocturnes et matinales), et un rôle facilitateur des En fait, la dysfonction érectile est le plus sou-
érections psychogènes. vent multifactorielle avec une intrication des fac-
teurs organiques et psychologiques chez un même
patient.
Étiologies de la
dysfonction érectile
Un trouble de l'érection peut survenir lorsqu'un Interrogatoire
des facteurs est altéré, que ce soit la libido, les Le problème sexuel : dysérection,
nerfs, les artères, le système veineux occlusif, les éjaculation prématurée…
hormones, ou enfin l'équilibre psychologique du
patient. L'interrogatoire permet de mettre au jour les
Libido. Concernant la libido, l'insuffisance données suivantes :
d'imprégnation hormonale (testostérone) peut • l'existence d'une simple « panne sexuelle », fré-
entraîner une diminution du désir associée ou non quente chez le sujet jeune, qui sera facilement
à une dysérection. En dehors des hypogonadismes réversible avec quelques conseils simples ;
génétiques rares (syndrome de Klinefelter), il • les caractéristiques de la dysfonction érec-
s'agit le plus souvent d'une diminution de la tile, permettant souvent une orientation
concentration dans le sang de la testostérone, liée thérapeutique :
au vieillissement, appelée également andropause. – le mode d'installation de la dysfonction érec-
Exceptionnellement, la diminution de la libido est tile : son caractère brutal évoque d'emblée
due à un adénome hypophysaire à prolactine. une étiologie psychologique, dont on recher-
Nerfs. Il peut s'agir d'une atteinte centrale (sclé- chera le facteur déclenchant (conflit pro-
rose en plaques, tumeur cérébrale…) ou périphé- fessionnel, familial ou conjugal ; parfois un
rique (traumatisme médullaire, neuropathie liée événement heureux, jugé stressant : promo-
au diabète ou à l'alcool). tion, naissance…),
Artères. L'atteinte des gros troncs artériels – la conservation ou non des érections noc-
(iliaque primitive ou interne) est rare, séquelle turnes et matinales : leur présence est en
de traumatismes ou d'une chirurgie pelvienne, faveur d'une étiologie psychologique,
ou conséquence d'une pathologie athéromateuse – les troubles de la libido : la baisse de la libido
aorto-iliaque. Plus souvent, il s'agit d'une atteinte peut révéler une insuffisance hormonale dans
distale, caverneuse secondaire au diabète et/ou au le cadre de l'andropause ou beaucoup plus
tabac. rarement une hyperprolactinémie ;
Veines. L'incompétence cavernoveineuse (appe- • le type de la dysérection avec étude de :
lée à tort « fuite veineuse ») correspond à une – la fréquence des érections : combien de tenta-
insuffisance d'occlusion des veines de drainage tives de rapport, combien de succès, résultat
sous-albuginéales, empêchant le maintien de de la masturbation ;
l'érection. Toutes les fibroses caverneuses peuvent – la qualité des érections : cotée de 1 à 5 (0 :
en être responsables, en particulier la maladie de absence d'érection ; 1 : petite augmentation de
La Peyronie, mais le stress et l'angoisse de perfor- volume sans induration ; 2 : augmentation de
124 Manuel de sexologie
Les autres examens ne sont pas de pratique cou- gique ; par ailleurs, un traitement anxiolytique,
rante, réservés à quelques cas particuliers (pléthys- antidépresseur ou psychostimulant peut être
mographie nocturne, cavernométrie, explorations nécessaire.
neurophysiologiques). La découverte d'une nouvelle molécule, le sil-
dénafil (Viagra®), a beaucoup modifié l'approche
thérapeutique des patients souffrant de dysfonc-
Traitement médical tion érectile. Cet inhibiteur de la 5-phosphodies-
des dysfonctions érectiles térase permet l'activation du principal système
de myorelaxation intracaverneuse (NOS) via le
Depuis 1981, le traitement par injections intra- GMPc. Avant l'instauration de ce traitement,
caverneuses a profondément modifié la prise en il est indispensable de s'assurer de l'absence de
charge des troubles de l'érection. Il est néanmoins contre-indications absolues cardiovasculaires
indispensable de rappeler qu'une prise en charge et de prises médicamenteuses non compatibles
psychologique du couple est très souvent néces- (dérivés nitrés) ; en effet, le sildénafil est légère-
saire (figure 5.4). ment hypotenseur, potentialise de façon impor-
tante la vasodilatation secondaire aux dérivés
nitrés responsable alors de graves conséquences
Traitement oral cardiovasculaires. En l'absence de contre-indi-
cations, ce traitement est efficace à la dose de
Associé aux conseils hygiéno-diététiques, il doit 50 mg, à condition d'être pris 45 minutes voire
être proposé en première intention : arrêt du 1 heure avant les rapports, l'érection étant
tabac, équilibration du diabète, diminution des déclenchée par une stimulation. Les effets secon-
médicaments délétères sur la fonction érectile et daires (céphalées, bouffées vasomotrices, nau-
des associations néfastes si possible, conseils d'hy- sées, myalgies, modification de la perception
giène de vie (vacances)… des couleurs) sont fonction de la dose, et leurs
Le traitement médical oral peut comprendre présences peuvent amener à diminuer la dose à
un traitement vasodilatateur (Vasobral®…), des 25 mg en cas d'efficacité sur l'érection à 50 mg.
médicaments ayant classiquement un effet facilita- En cas d'insuffisance sur l'érection, et en l'ab-
teur sur l'érection (Yohimbine®, Sargenor®), une sence d'effets secondaires, la dose peut être aug-
veinotonique en fonction du contexte psycholo- mentée à 100 mg.
Plus récemment, deux nouveaux inhibiteurs de la rectal normal), et nécessite une surveillance pros-
5-phosphodiestérase ont été commercialisés : le var- tatique au long cours.
dénafil (Levitra® 10 et 20 mg), le tadalafil (Cialis® Plusieurs médicaments sont à disposition : classi-
10 et 20 mg). Ces molécules ont des affinités dif- quement énanthate de testostérone (Androtardyl®
férentes et des temps d'action prolongés, compara- 250 mg en IM toutes les 3 semaines), undécanoate
tivement au sildénafil. Les contre-indications et les de testostérone (Pantestone® 40 mg, 2 à 4 cap-
effets secondaires sont globalement similaires. sules/jour pendant 3 semaines puis 1 à 3 capsules
selon les contrôles biologiques) ; plus récemment
des applications locales de gel contenant de la
Androgénothérapie testostérone (ANDROGEL® 40 mg/j. Androgel
16,2 mg/g gel ou sachet dose de 25 ou 50 mg.).
Elle est justifiée en cas de signes cliniques d'andro-
pause ou de chute de la libido, en présence d'une
baisse de la testostéronémie totale. Cette chute Prise en charge globale
doit être réelle sur deux mesures distinctes et (figure 5.5)
confortée par la baisse de la testostéronémie libre.
La prescription d'une androgénothérapie doit Parallèle au traitement médical, une sexothérapie
s'assurer de l'absence de pathologie prostatique peut être proposée en cas de problèmes au sein du
sous-jacente (dosage sérique du PSA et toucher couple au premier plan.
DE non résolu
Médicaments per os e
(sauf contre-indications) Traitements locaux
Conseils Injections IC
PGE1 intra-urétral
Thérapies sexuelles
vacuum
DE non résolue
DE n
on résolue
Les prothèses peuvent être : Il est important d'en faire rapidement le dia-
• semi-rigides, orientables permettant de rabattre gnostic et le traitement, car l'évolution d'un pria-
le pénis en dehors des rapports sexuels ; pisme non traité aboutit à une fibrose cicatricielle
• gonflables : la variation de volume ou de rigi- des corps caverneux avec comme séquelle une
dité est obtenue par le transfert de liquide d'un impuissance secondaire irréversible.
réservoir à un tube creux aux parois souples, Il s'agit dons d'une véritable urgence urolo-
inséré dans chaque corps caverneux. Ceci per- gique, qui nécessite une prise en charge rapide
met de passer d'un état de flaccidité à l'état dans les six premières heures.
d'érection et vice versa, grâce à une pompe pla-
cée dans le scrotum, et facilement manipulable.
Les complications sont : Physiopathologie
• infectieuses au moment de l'implantation du
Le priapisme est la conséquence d'une anomalie
matériel prothétique ;
de l'hémodynamique intracaverneuse. On dis-
• mécaniques : dysfonctionnement de la pompe,
tingue deux types de priapismes :
porosité du matériel en cas de prothèse
• le priapisme de stase, avec blocage de la détu-
gonflable.
mescence et risque secondaire de souffrance tis-
Lorsque l'indication est correctement posée, en
sulaire ; ce blocage peut être lié à :
présence d'un couple stable motivé et ayant bien
– une incapacité de recontraction des fibres
compris le fonctionnement de la prothèse, les
musculaires lisses intracaverneuses. Ce sont
résultats, en termes de satisfaction, sont très bons.
des priapismes d'origine musculaire, dont
l'exemple le plus fréquemment rencontré
Conclusion actuellement est l'érection pharmacologique-
ment prolongée par une drogue vaso-active
Au total, en présence d'une dysfonction érectile intracaverneuse prescrite pour traiter une dys-
organique, le développement de traitements oraux fonction érectile,
efficaces a modifié l'algorithme de la prise en – un ralentissement de la vidange caverneuse
charge : ils seront prescrits en première intention par augmentation de la viscosité sanguine,
aux doses efficaces, et seuls les échecs de ces traite- rendant inefficace la recontraction des fibres
ments médicaux seront traités par les traitements musculaires lisses. Ce sont essentiellement des
locaux habituels (injections intracaverneuses, priapismes hématologiques, dont la cause la
vacuum). Il est nécessaire de rappeler que débuter plus fréquente, notamment chez l'enfant, est
un traitement oral par de petites doses, par souci la drépanocytose ;
de prévention ou de précaution, peut aboutir à un • le priapisme à haut débit, où l'augmentation du
échec qu'il sera difficile de rattraper, aggravant le débit sanguin dans les corps caverneux dépasse
trouble psychologique du patient. les mécanismes de détumescence. Il s'agit d'une
Enfin, il faut également rappeler l'importance forme plus rare, observée chez des patients
de la prise en charge psychologique de l'homme âgés traités par calciparine au long cours, ou en
et de son couple, de sa sexualité dans sa globalité cas de fistule artérioveineuse post-traumatique
et non du simple symptôme qu'est la dysfonction ou post-chirurgicale. Dans ce cas, il n'y a pas
érectile. d'anoxie des corps caverneux et le pronostic
fonctionnel est meilleur.
Priapisme
Diagnostic
Le priapisme est une érection anormalement pro- Le diagnostic est facile. L'examen clinique
longée, irréductible, survenant en l'absence de retrouve une érection des corps caverneux alors
désir sexuel. que le corps spongieux (donc le gland) est flasque.
Chapitre 5. Sexualité au masculin 129
Le médecin doit avoir conscience de ses propres • Érection normale par masturbation.
valeurs et idées reçues, et pour être bien dans son • Érection normale lors des préliminaires, la détu-
rôle doit avoir fait sur lui-même un certain travail mescence se produisant souvent lors du passage
personnel, il doit savoir où il en est de sa propre au coït.
sexualité, se faire accompagner pour analyser ses
motivations inconscientes, et être conscient de
ses limites en l'absence de formation sexologique Bilan psychologique
pendant ses études médicales.
L'entretien s'assure aussi, si ce n'est fait, de la Il est le plus souvent réalisé par l'entretien en face
réalité du symptôme de dysfonction érectile, les à face, « semi-directif » ou plus analytique (selon
mots du patient n'étant pas toujours ceux du la spécialité clinique du praticien : urologue, psy-
médecin. Ainsi, un éjaculateur précoce, ne pou- chiatre, sexologue…).
vant faire durer son érection, se dira volontiers Il peut également utiliser :
impuissant, de même qu'un homme manquant de • le schéma de l'abord sexocorporel (J.-Y.
désir sexuel. Desjardins) évaluant la fonctionnalité sexuelle
L'entretien doit aussi prendre en compte : dans trois composantes :
• les objectifs du patient, masqués derrière la – composante physiologique (fonction excita-
demande d'érection mécanique, le médecin toire, réactions physiologiques liées au vécu
étant à ses yeux sensé avoir la solution, le médi- émotionnel),
cament pour restaurer l'érection ; – composante affectivo-émotivo-symbolique
• le patient, dans sa globalité, avec sa culture, sa (capacité d'abandon, imaginaire sexuel, asser-
religion, ses repères, ses convictions, sa(son) ou tivité sexuelle),
ses partenaires, sa situation socio-économique, – composante cognitive : connaissances sur la
ses explications physiopathogéniques élaborées sexualité, jugements de valeur ;
à partir de ses lectures ou de l'Internet… • ou d'autres moyens :
– la sexoanalyse de C. Crépault,
– d'autres techniques comme l'analyse des rêves
L'entretien retrouve de R. Gellmann dans ses thérapies courtes, etc.,
les arguments cliniques – des tests mentaux : le MMPI, le Rorschach, le
en faveur d'une cause TAT,
psychogène – à part, les films de stimulation sexuelle visuelle
structurés.
D'autres, plus nombreux, utilisent les question-
Survenue brutale, à l'occasion souvent d'un épi-
naires, assez simples à utiliser.
sode de vie stressant (chez les assez rares impuis-
sants primaires, hormis l'anxiété du jeune homme
la première fois, il faut penser à une pathologie
psychiatrique).
Bilan : causes
• Persistance des érections automatiques (au de la dysfonction
réveil, le matin ou la nuit) normales (bien
rigides, plus de cinq minutes). Mais de grands Ces causes peuvent être diversement associées :
stressés ou inhibés peuvent ne plus en avoir (ou • un contexte psychopathologique : psychose,
ne pas les avoir repérées). névrose grave, comportements paraphiliques ;
• Érections normales lors du test de stimulation • un contexte homosexuel, bisexuel, ou avec par-
sexuelle que représentent des lectures ou des tenaire extraconjugale ou partenaires multiples ;
films érotiques. • une dépression, masquée, ou latente, plus sou-
• Caractère variable et/ou intermittent du vent que patente. Elle peut être cause ou effet
trouble. de la dysfonction érectile ;
Chapitre 5. Sexualité au masculin 131
• des facteurs réactionnels : deuil, rupture, décou- la vie, les conjoints se séduisant moins, étant moins
verte d'une infidélité, chômage, retraite ; complices, et leur désir sexuel mutuel s'altérant.
• des conflits conjugaux ou familiaux, des diffi- On constate qu'à partir de 40–50 ans, l'érec-
cultés professionnelles, financières, un habitat tion va dépendre beaucoup de la partenaire, dont
bruyant ; il faut évaluer le comportement.
• d'autres troubles sexuels pouvant aussi entraî-
ner une dysfonction érectile : éjaculation pré-
coce, troubles du désir, de l'excitation sexuelle ; Thérapeutiques
• l'existence fréquente, mais non spécifique, de psychosexologiques
divers mécanismes :
– nouvelle partenaire, culpabilité (l'homme âgé Traitement de la fonctionnalité
veuf qui retrouve une compagne),
érectile et érotique
– le rôle à tenir : l'homme qui a une obligation
de performance, en se surveillant lui-même Différentes méthodes sont souvent associées entre
sans bienveillance, elles, avec des chronologies adaptées au diagnostic
– le manque de désir sexuel : pulsion sexuelle de situation des patients.
diminuée, codes d'attraction sexuelle Un temps d'information, permettant au patient
inopérants, de situer et éventuellement remodeler ses idées
– la fatigue, l'hyper-émotivité, l'inhibition, la reçues (concepts religieux, savoirs culturels) est
phobie sociale, le stress, essentiel, souvent fait par apports successifs en
– une éducation stricte, restrictive, où les cours de prise en charge thérapeutique. Ce peut
apprentissages sexuels (comme la séduction, être aussi une thérapie cognitive réglée.
le lâcher-prise ou la masturbation) sont reje-
tés et dévalorisés, Psychothérapies de type
– des antécédents de violences et/ou de trau- analytique ou de soutien
matismes sexuels.
• La crainte des infections sexuellement transmis- Un travail sur l'imaginaire érotique est réalisé par
sibles (IST), ou autres (Covid...) la sexoanalyse (C. Crépault), l'abord sexocorpo-
rel (J.-Y. Desjardins), la fantasmo-thérapie (C.
Gellmann).
Causes liées à la situation de Un frein majeur à la fonction érotique et à l'ex-
couple, au rôle de la partenaire citation est l'anxiété et le stress. On peut utiliser :
• le training autogène de Schultz, l'hypnose ;
Le couple est un système interactif, où chacun va • la désensibilisation méthode cognitivo-compor-
fonctionner selon ses propres composantes. tementale) ;
La femme se situe dans un registre plus volon- • la sophrologie, les techniques de yoga et de
tiers romantique et l'homme, dans un registre nombreuses autres techniques, les techniques
plus volontiers génital. de groupe.
Une femme trop fusionnelle risque de voir s'al- Ces méthodes contribuent à l'apprentissage
térer le désir sexuel que son compagnon a pour essentiel du lâcher-prise.
elle. Par ailleurs :
Le choix amoureux ne se fait pas au hasard ; • le sensate focus est un ré-apprentissage de la
citons l'exemple de l'union non consommée, où sensualité ;
l'homme est volontiers « trop gentil », manquant • les techniques d'affirmation de soi (cognitivo-
d'assertivité. comportementales) sont utiles chez les patients
L'état amoureux risque de se modifier au cours en mésestime d'eux-mêmes, timides, ou ayant
de la vie du couple, en fonction des événements de une phobie sociale ;
132 Manuel de sexologie
• l'abord sexocorporel (J.-Y. Desjardins) agit sur qui entraîne les mécanismes de l'érection (registre
l'ensemble de ces aspects. parasympathique cholinergique).
Enfin nous citons d'autres techniques, comme Citons la docteure Marie Chevret-Meason :
la Gestalt thérapie, la bio-énergie, les somatothé- « Le rôle des médecins n'est plus seulement de
rapies, la programmation neurolinguistique, les lutter contre la douleur physique, la maladie,
arts-thérapies, les techniques de massage relation- la mort, mais de permettre d'enlever les obs-
nel, l'EMDR (eye movement desensitization and tacles à l'épanouissement sexuel et à la qualité
reprocessing). de vie ».
Cette liste n'est pas exhaustive.
Nous pouvons donc parler, aussi, d'une norma- à un moment ou à un autre de leur vie sexuelle,
lité biologique. éjaculateurs prématurés selon les critères faisant
Une étude récente portant sur 500 couples appar- référence à la sexologie et non à la médecine
tenant à cinq pays différents donne, comme durée sexuelle.
moyenne du rapport sexuel, 5,4 minutes. Cette L'acte sexuel est avant tout chez l'homme,
durée représente le temps écoulé entre la péné- comme chez tous les mammifères, un acte à visée
tration et l'éjaculation intravaginale (Intravaginal procréatrice ; l'homme serait en fait biologique-
Ejaculatory Latency Time – IELT pour les Anglo- ment programmé pour éjaculer en 2 à 3 minutes.
Saxons). En effet, la médecine sexuelle en vogue Pendant des générations et encore à notre époque
actuellement ne semble faire référence qu'à la nor- dans certaines cultures, la rapidité et la virilité sont
malité biologique puisque, selon les auteurs, ne synonymes. L'émancipation féminine survenue
sera considérée comme anormale et pouvant jus- très récemment est en fait, selon des concepts
tifier d'un traitement médicamenteux, une IELT sociologiques, la « responsable » de l'émergence
inférieure à 1 minute ; mais il n'y a pas encore de de ce trouble ; en effet, tant que le plaisir sexuel
véritable consensus à ce sujet [84]. était un domaine réservé à l'homme, il ne pouvait
Ainsi selon que l'on se place d'un point de exister en tant que tel.
vue « normal » ou d'un point de vue « optimal » Cette révolution sexuelle s'est faite dans notre
seront définies plusieurs variétés d'éjaculations monde occidental avec l'invention de la pilule
prématurées ! contraceptive qui a permis à la grande majorité
Il semble aussi difficile de définir avec précision des femmes d'accéder à la contraception, ini-
une bonne durée du rapport sexuel. Comment tiant ainsi un changement du sens de la relation
peut-on affirmer que l'éjaculation est précoce sexuelle qui de procréatrice et contractuelle (le
ou prématurée sans évoquer un troisième axe de devoir conjugal) pouvait enfin devenir ludique.
réflexion : l'altérité qui forme le cadre de l'évalua- Le plaisir sexuel devenant ainsi une affaire fémi-
tion qualitative de la satisfaction et du plaisir de nine, cela obligeait l'homme à modifier son com-
chaque partenaire ? Il nous faut ainsi faire appel à portement sexuel et à s'adapter à cette nouvelle
deux autres concepts indispensables pour appro- femme non plus soumise comme auparavant.
cher le signifié de cette plainte : le concept de plaisir L'inadaptation à cette nouvelle conjecture s'est
sexuel et celui de relation partenariale. À partir du caractérisée par ce que nous appelons l'éjacula-
moment où la finalité du rapport sexuel n'est plus tion prématurée.
la reproduction, la durée normale de celui-ci, envi-
sagé sous l'aspect d'une évaluation qualitative, serait
donc celle qui va permettre l'accomplissement du Sur le plan psychologique
plaisir de chacun. L'éjaculateur précoce se présente
alors comme celui qui ne peut accomplir ce plaisir Sans aucun doute, la prise de conscience de cette
partagé, quelles qu'en soient les raisons : incapacité ; incapacité à s'adapter à l'autre, c'est-à-dire à
impossibilité ; absence de volonté, de désir ; etc. maîtriser le moment de survenue de son éjacu-
Doit-on considérer cet événement comme une lation, va déclencher chez beaucoup une névrose
pathologie relevant uniquement du champ de d'angoisse aggravant le trouble. Nous savons en
l'organicité ou comme le résultat d'un processus effet que le plaisir vaginal de la femme a besoin
d'ordre sociologique ou psychologique ? de temps. L'échec à se conformer à un idéal
sexuel ou la frustration exprimée par la partenaire
déclenchent une succession de réactions, source
Sur le plan socioculturel d'angoisses. Cela aboutit souvent à une diminu-
tion du désir et même parfois à un trouble de
L'éjaculation prématurée n'est pas considérée l'érection.
comme une maladie car il n'y a pas d'organe Le cercle vicieux s'installe : échec, angoisse de
malade. Et, en effet, tous les hommes ont été, l'échec, échec, etc.
134 Manuel de sexologie
vement rapides, vu leur gain de temps limité et en lera sans pression. On a cru trop longtemps qu'il
complément de sexothérapies. s'agissait d'une méthode inhibant un réflexe.
Les alpha-bloqueurs ne sont plus utilisés actuel- La méthode Stop-Go de Kaplan [88], elle,
lement et n'ont jamais été très efficaces. consiste à varier et même à arrêter les mouve-
Les IPDE5 n'agissent pas directement sur l'éja- ments coïtaux selon l'excitation. On demande à
culation, mais il a pu être constaté qu'en raccour- l'homme de se concentrer sur ses sensations ; dès
cissant la phase réfractaire, ils permettaient de qu'il perçoit les signes annonciateurs de la surve-
renouveler le rapport sexuel. nue de son éjaculation, il fait un signe à sa par-
Quant aux gels anesthésiques locaux, leur effi- tenaire d'arrêter tout mouvement : c'est le Stop.
cacité semble très aléatoire. Ses sensations ayant diminué, il fait de nouveau le
Il ne faut jamais perdre de vue que l'organe signal à sa partenaire de reprendre la stimulation :
sexuel essentiel est chez l'homme son cerveau. c'est le Go. Il s'agit d'une des méthodes les plus
simples et des plus efficaces, mais elle demande
une grande concentration.
Traitements psychologiques Les techniques orientales de compression du
périnée ou d'étirement vers l'arrière des testicules
Ils font appel le plus souvent à des techniques
sont du même ordre ; c'est en fait le signal mental
comportementales qui ont pour but de modifier
de la compression ou de l'étirement qui est effi-
le comportement sans en aborder les causes ; les
cace en soulignant le niveau d'excitation atteint et
techniques cognitives visent à modifier les repré-
en la parasitant.
sentations mentales et les croyances. On a cru
L'aspect cognitif de la thérapie est toujours asso-
pendant longtemps que l'éjaculation prématu-
cié : en effet, le seul fait de savoir que le contrôle
rée était une question de temps, alors qu'il s'agit
s'effectue sur l'excitation et non sur l'éjaculation
d'un problème d'intensité de l'excitation [86].
est thérapeutique en soi.
La modification des croyances est par elle-même
Certains utilisent le biofeedback. Ils placent
source de changements dans ses attitudes et ses
des électrodes au niveau des muscles du périnée
comportements.
et demandent au patient de les contracter ; cette
Les techniques analytiques isolées ont été
contraction est objectivée sur un écran. Cette
abandonnées par manque d'efficacité sauf dans
méthode part du principe que la contraction de ces
quelques cas.
muscles bloque le réflexe éjaculatoire. L'appareil
Les sexothérapies comportementales et cogni-
de biofeedback permet de prendre plus facilement
tives, par exemple, la classique technique du
conscience de ces contractions en les amplifiant
squeeze inventée par Seemans et reprise par Masters
et en les objectivant par un signal lumineux ou
et Johnson [87]. Elle consiste à demander à la par-
sonore. Elle n'est pas plus efficace que les autres
tenaire de serrer fortement la base du gland à un
et a l'inconvénient d'éluder l'aspect relationnel du
signal de l'homme. Cette méthode est efficace si
trouble.
le signal de l'homme est réalisé suffisamment tôt,
c'est-à-dire avant de sentir le risque d'éjaculer. En
Sur le plan psychanalytique
fait l'essentiel n'est pas tant le serrement que son
signal, car qui dit signal dit repère : l'homme sou- La théorie freudienne soutient que tout homme
ligne (repère) ainsi le niveau d'excitation atteint. atteint d'éjaculation prématurée cherche à souil-
Il étalonne ainsi son excitation. Le serrement n'a ler, à avilir la femme et surtout à la frustrer de son
pour but qu'une réassurance. On comprend que plaisir sexuel. Cela fait référence à un désir sadique
si le signal est effectué trop tard, au moment où inconscient de l'homme vis-à-vis de la femme.
l'homme sent qu'il risque d'éjaculer, ce serrement Son traitement repose sur la prise de conscience
va comprimer l'urètre, empêchant provisoirement de ce désir et sa résolution au cours des séances
au sperme de s'évacuer ; au relâchement, il cou- d'analyse [89].
136 Manuel de sexologie
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Chapitre 6
Sexualité aux différents âges
de la vie
Manuel de sexologie
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142 Manuel de sexologie
du pic de LH (qui devient supérieur au pic de FSH) Tableau 6.1 Développement mammaire selon Tanner.
en réponse au test au LHRH, précédant l'augmen- S1 Absence de développement mammaire
tation des concentrations plasmatiques d'estradiol S2 Petit bourgeon mammaire avec élargissement de
chez la fille et de testostérone chez le garçon. La l'aréole
puberté normale est évaluée cliniquement, les S3 La glande mammaire s'épaissit et dépasse la
dosages biologiques ne sont nécessaires que dans surface de l'aréole
les situations pathologiques. S4 Développement maximum du sein, saillie de
Simultanément, il apparaît une augmentation l'aréole et du mamelon sur la glande
de la sécrétion pulsative d'hormone de croissance S5 Aspect adulte, disparition de la saillie de l'aréole
(GH), accompagnée d'une augmentation du taux
plasmatique d'IGF1 (insuline-like growth factor) à
l'origine du pic de croissance pubertaire.
Tableau 6.2 Pilosité pubienne (garçon et fille) selon
Tanner.
Tableau 6.3 Développement des organes génitaux férence de taille finale moyenne : 163 cm chez la
externes du garçon selon Tanner. fille et 175 cm chez le garçon.
G1 Testicules et verge de taille infantile
G2 Augmentation du volume testiculaire de 4 à 6 mL
(L > 25 mm) Exploration de la puberté
G3 Accroissement testiculaire de 6 à 12 mL (L
= 30–40 mm), accroissement de la verge > 5 cm L'analyse de la puberté comprend :
G4 Accroissement testiculaire de 12 à 16 mL (L • l'examen clinique permettant :
= 40–50 mm) et de la verge
– la cotation pubertaire précise,
G5 Morphologie adulte – la détermination de l'âge d'apparition des
signes pubertaires,
La pilosité pubienne (P2) (voir tableau 6.2) – la recherche d'anomalies associées (neurolo-
apparaît entre 0 et 6 mois après le développement giques et cutanés en particulier),
testiculaire et évolue sur 2 à 3 ans. La pilosité – la réalisation de la courbe de croissance ;
axillaire est plus tardive (P2), 12 à 18 mois après • l'interrogatoire des tailles et pubertés fami-
l'augmentation de taille des testicules. La pilosité liales (date des règles chez la mère, et date de la
faciale et corporelle et la modification de la voix puberté chez le père, souvent estimées à partir
sont encore plus tardives. de l'âge de la poussée de croissance) ;
Chez un tiers des garçons en cours de puberté, • la détermination de l'âge osseux.
une discrète gynécomastie bilatérale apparaît, dis- Ces éléments sont suffisants en cas de puberté
paraissant en quelques mois à moins de 2 ans dans d'évolution habituelle. Les examens complémen-
la quasi-totalité des cas. taires ne sont utiles que dans les situations patho-
logiques, ils comprennent :
• l'échographie pelvienne chez la fille, avec men-
Poussée de croissance surations et description morphologique précise
pubertaire de l'utérus et des ovaires :
• une stimulation estrogénique est certaine
lorsque la hauteur utérine dépasse 35 mm, la
Le début de la puberté se situe habituellement
ligne de vacuité utérine apparaît et les dimen-
à un âge osseux de 13 ans chez le garçon et de
sions du corps de l'utérus augmentent pour
10 ans ½ chez la fille (coïncidant avec l'appari-
dépasser celles du col, faisant passer l'utérus
tion du sésamoïde du pouce). L'âge osseux est
d'une forme de goutte à une forme tubulaire
un indicateur de la maturation globale de l'orga-
puis piriforme (tableau 6.4),
nisme, sa détermination s'effectue grâce à l'atlas
• s'y associe une augmentation du volume des
radiologique de Greulich et Pyle à partir d'une
ovaires dont la longueur augmente à plus de
radiographie de main et poignet gauche. Il per-
20 mm, et une modification de leur structure
met également de faire un calcul de pronostic de
taille finale. Tableau 6.4 Critères échographiques de début de
La vitesse de croissance staturale s'accélère à la puberté chez la fille.
puberté : elle passe de 5 cm/an avant la puberté à Impubère Début de puberté
8–10 cm/an durant le pic de croissance pubertaire. Hauteur de < 30 mm > 35 mm
Le démarrage de la croissance pubertaire est l'utérus
chez la fille synchrone des premiers signes puber- Ligne de vacuité Absente Présente
taires (vers 10 ans ½), alors qu'il est retardé d'en- utérine
viron 1 an chez le garçon (vers 13 ans). Le gain Rapport épaisseur Col > corps Corps > col
de croissance pubertaire total est supérieur chez col/corps
le garçon (25–28 cm) par rapport aux filles (23– Longueur des < 20 mm > 25 mm
25 cm). Ces deux faits combinés expliquent la dif- ovaires
144 Manuel de sexologie
devenant multifolliculaire (plusieurs follicules maturation osseuse, et d'autre part l'arrivée très
de diamètre inférieur ou égal à 1 cm répartis au précoce des règles chez une fille, avec des diffi-
sein de l'ovaire) ; cultés psychologiques non négligeables. Le traite
• l'exploration hormonale : ment consiste en des injections mensuelles ou
– dosage des taux de stéroïdes sexuels, estra- trimestrielles d'un analogue du GnRH qui bloque
diol (dosage ultrasensible > 15 pg/mL en l'axe hormonal.
début de puberté) et testostérone (dosage
> 0,50 ng/mL en début de puberté),
– et si besoin, test au LHRH qui explore la réac- Retard pubertaire [6]
tivité hypophysaire (au début de la puberté
Il est défini par l'absence de signes pubertaires,
pic de LH > pic de FSH).
après l'âge de 12 ans chez la fille et 14 ans chez
L'IRM de la région hypothalamo-hypophysaire
le garçon, associé à un décalage de croissance et
permet d'explorer l'anatomie de l'hypophyse et de
un retard d'âge osseux. Il est plus fréquent chez
diagnostiquer des tumeurs de la région.
le garçon, et très souvent familial lorsqu'il s'agit
d'un retard simple de puberté (idiopathique).
L'exploration étiologique doit rechercher des
Pubertés pathologiques pathologies organiques, d'origine centrale ou
périphériques gonadiques, et être complétée
Les principales pathologies de la puberté sont par un caryotype chez la fille (recherche d'un
des pathologies de la chronologie, puberté pré- syndrome de Turner). Le traitement consiste
coce ou retard pubertaire. La puberté précoce en l'administration de petites doses de stéroïdes
est définie par l'apparition des premiers signes de sexuels, en augmentation progressive pour
puberté avant 8 ans chez la fille (développement recréer l'ambiance hormonale permettant le
mammaire) et avant 9 ans chez le garçon (aug- développement pubertaire, testostérone retard
mentation de volume des testicules). Le retard en injection chez le garçon, estradiol par voie
pubertaire est défini par l'absence des premiers orale ou percutanée puis combinaison estradiol–
signes pubertaires au-delà de 12 ans chez la fille et progestatif chez la fille.
de 14 ans chez le garçon.
La démarche diagnostique initiale est la suivante.
Sexualité de l'enfant
Puberté précoce [5]
et de l'adolescent
Le tableau clinique associe le développement des
caractères sexuels secondaires, l'accélération de Daniel Gorans
croissance et l'avance d'âge osseux. Ces pubertés
sont en grande majorité d'origine centrale, dues
au déclenchement normal mais prématuré de l'axe Dans la classification française des troubles men-
hypothalamo-hypophyso-gonadique. Elles sont 5 taux de l'enfant et de l'adolescent (CFTMEA),
à 10 fois plus fréquentes chez la fille que chez le les aspects pathologiques de la sexualité sont
garçon. Elles sont idiopathiques dans 90 % des cas rangés dans le chapitre consacré aux troubles des
chez la fille, alors que chez le garçon une tumeur conduites et du comportement, sous le titre :
cérébrale est retrouvée dans plus d'un cas sur deux « Troubles de l'identité et des conduites sexuelles ».
(gliome du chiasma, hamartome, hydrocéphalie, Ci-dessous, une première partie abordera l'enfant,
hypertension intracrânienne…). Les conséquences une seconde l'adolescent (après le déclenchement
de la puberté précoce sont d'une part le risque de de la puberté) avec pour les deux une distinction
petite taille définitive par avance trop rapide de la entre le « normal » et le « pathologique ».
Chapitre 6. Sexualité aux différents âges de la vie 145
déplaisir. Certains appellent les attouchements encore lorsque la masturbation survient dans un
des organes sexuels du nourrisson « masturbation contexte de régression infantile.
primaire », d'autres, auto-érotisme, jeux sexuels,
péotillomanie. La plupart des psychanalystes
admettent qu'il y a arrêt de la masturbation vers Pathologie psychosexuelle
2 ans, reprise vers 3–4 ans, baisse de l'intérêt à de l'enfant
la période de latence, puis reprise après l'âge de
10 ans où l'on assistera à une augmentation pro- Liée à des modifications
gressive de fréquence, plus importante chez le
organofonctionnelles
garçon que chez la fille.
Les activités masturbatoires entraînent des Puberté précoce
réactions de l'entourage (angoisse, coercition, Avant 8 ans chez la fille, 10 ans chez le garçon :
complaisance, déni…) qui ne sont pas sans les elle peut être d'origine hypothalamique ou bien
influencer. liée à une tumeur cérébrale ou encore à des phé-
Pour Spitz, il existe une corrélation entre le nomènes de malnutrition/renutrition précoce
quotient de développement et la présence de jeux (peut se voir chez certains enfants adoptés). Il n'y
sexuels d'une part et la qualité de la relation mère– a pas de corrélation entre la précocité de « l'ins-
enfant d'autre part : si la relation mère–enfant tinct sexuel » et celle de la puberté.
durant la première année est suffisamment bonne,
le quotient de développement est supérieur à la
moyenne et les jeux sexuels toujours présents. Si Infantilisme sexuel
la relation est problématique, il n'y a que rarement Retard d'apparition pubertaire d'origine thyroï-
des jeux génitaux, remplacés alors par les autres dienne, hypophysaire, génitale, diencéphalique.
activités auto-érotiques. Si la relation mère–enfant Certains troubles du comportement sexuel y sont
est absente, il y a baisse du développement général parfois associés : transsexualisme, travestissement,
et absence complète de jeu génital. exhibitionnisme, homosexualité, pédophilie.
Les fantaisies masturbatoires présentes entre
2 et 5 ans sont aussi très importantes. Durant la
Anomalies congénitales
phase œdipienne, ces fantaisies se mêlent à des
affects de culpabilité, d'agressivité, d'angoisse de Les dysmorphies qui en résultent entrent pour
castration. À la puberté, si l'activité masturbatoire la plupart dans le domaine des pseudo-herma-
est peu variable dans son apparence, chaque enfant phrodismes : syndrome de Turner (45XO),
l'associe à des fantasmes et à des représentations syndrome de Klinefelter (47XXY), cryptorchi-
très personnelles, différents de l'un à l'autre. die intégrée à un syndrome polymalformatif,
La masturbation est vécue très différemment hermaphrodisme vrai (très rare), pseudo-her-
par la fille et le garçon : pour celui-ci l'érection et maphrodisme masculin, pseudo-hermaphro-
l'éjaculation rendent visibles le résultat de l'excita- disme féminin, etc. Les troubles psychiques
tion, ce qui n'a pas d'équivalent chez la fille, qui a associés sont plus fréquents dans le syndrome
cependant d'autres sources de satisfaction : la mise de Klinefelter (immaturité infantile et troubles
en valeur et la valorisation sociale de certaines par- du comportement). Le syndrome de Turner
ties de son corps (satisfaction narcissique, voire est souvent associé à un quotient intellectuel
exhibitionniste). inférieur à la moyenne en plus d'une immatu-
Le problème de la valeur pathologique de la rité ; dans la cryptorchidie, il peut y avoir de
masturbation se pose toutes les fois où elle prend l'anxiété, de l'agitation et également une cer-
un caractère compulsif, lorsque le sujet devient taine immaturité. Les testicules féminisants sont
trop dépendant de l'acte lui-même, lorsque l'ap- plutôt associés à un comportement féminin. Le
pareil génital devient lui-même un « objet » ou pseudo-hermaphrodisme ambigu évolue sur
Chapitre 6. Sexualité aux différents âges de la vie 147
le plan psychique en fonction de l'éducation Citons encore les conduites sadiques et maso-
reçue, du contexte sociologique et de l'attitude chistes : la vue de la douleur chez autrui, souvent
parentale. Il est très vivement recommandé que source d'excitation importante chez l'enfant, ne
le choix du sexe pour orienter l'éducation de peut être considérée comme une perversion.
l'enfant soit précoce.
Sexualité normale
Déviations de l'adolescent
de l'orientation sexuelle
Freud décrit l'enfant comme un « pervers poly- Élément central de la vie de l'adolescent, elle
morphe ». Sa libido le conduit à rechercher des nécessite une part d'agir, une élaboration mentale
satisfactions à des pulsions partielles (satisfaction et elle mobilise le corps et son image. L'une des
orale, anale, par le regard, par la manipulation ; il tâches fondamentales de l'adolescent est d'organi-
est classique de dire que les adultes retrouvent ce ser définitivement sa sexualité. Il lui faut parvenir
type de satisfaction dans les préludes amoureux). à faire coïncider ses besoins sexuels et le dévelop-
De ce fait, le diagnostic de perversion infantile est pement de ses fantasmes, si possible en les rendant
très difficile à poser. Il ne peut être évoqué que satisfaisants. À ce stade, il faut toujours distinguer
si les manifestations sexuelles incriminées sont le comportement et la façon dont il retentit puis
fixes, surviennent à un moment du développe- s'intègre à la personnalité.
ment où elles devraient être dépassées, pouvant
même freiner le développement de l'enfant. La
Données épidémiologiques
poussée pubertaire, des facteurs neurologiques
peuvent désorganiser l'orientation et l'activité Orgasmes
sexuelles. D'autres fois ce sont des facteurs psy-
chiques ou à retentissement psychique (agres- Leur fréquence croît rapidement dans les 2 ans
sion, traumatisme) qui peuvent désorganiser la suivant la puberté.
sexualité de l'enfant. Les perversions proprement
dites se structurent davantage au moment de Masturbation
l'adolescence. Elles demeurent peu fréquentes. D'après une enquête anonyme, 90 % des garçons
Voyeurisme, exhibitionnisme, fétichisme, tra- et 40 % des filles adolescents la pratiquent ; elle
vestissement, transsexualisme peuvent être cités. conduit à la première éjaculation chez 68 % des
Cette dernière déviation prend tout son sens au garçons et au premier orgasme chez 84 % des filles.
moment de la puberté et son traitement est extrê-
mement difficile. Fantaisies sexuelles conscientes
Une mention particulière concerne l'homo- (enquête auprès de collégiens)
sexualité : les premières expériences surviennent
non exceptionnellement dès l'enfance (période de La plupart du temps ces fantaisies sont de cares-
latence). Cela ne présage pas de l'avenir homo- ser ou faire l'amour à un partenaire aimé ; il y a
sexuel qui se détermine davantage à l'adoles- rarement des fantasmes homosexuels ; un quart
cence. Chez l'enfant, il existe des expériences des garçons et quatre fois moins de filles ont des
transitoires (jeux sexuels) qui ne préjugent pas fantasmes sadiques ; la proportion est presque la
du choix d'objet ultérieur. En revanche, cer- même pour les fantasmes masochistes ; autour de
tains enfants adoptent le comportement du sexe 30 % des jeunes ont des fantasmes voyeuristes.
opposé. Parfois les manifestations homosexuelles
surviennent dans le cadre d'un hyperérotisme pré- Premières relations sexuelles
coce ou comme complication chez les victimes de Il existe un léger abaissement de l'âge moyen de
pédophilie. survenue : 17 ans pour les garçons, 18 ans pour les
148 Manuel de sexologie
filles (en France). Les filles semblent évoluer plus Nécessité d'un objet sexuel
vite que les garçons, d'où un plus grand nombre La nécessité de choisir un objet sexuel s'accom-
de premières expériences avec un jeune du même pagne souvent d'un flottement : il peut se traduire
âge. Les comportements varient peu selon les par la multiplicité des comportements et des expé-
milieux. Les filles se sentent davantage engagées riences à caractère sexuel. D'autres fois, le choix
affectivement et poursuivent plus souvent avec le d'objet peut prendre la forme plus brutale d'un
même partenaire. premier amour passionnel.
Homosexualité
Les relations homosexuelles demeurent peu fré- Psychopathologie
quentes avant 18–19 ans : moins de 5 % des lycéens des principales
et moins de 3 % des lycéennes seraient concernés. conduites sexuelles
Conduites liées à la sexualité
En termes de développement psychologique, les
Contraception, avortement, grossesse : environ formes d'activité sexuelle qui excluent l'hétéro-
une adolescente sur quatre recourt à une contra- sexualité ont tendance à être considérées comme
ception efficace. En 2010, 13 500 jeunes femmes anormales. Cependant il est nécessaire d'attendre
de moins de 18 ans ont eu une IVG et environ la fin de l'adolescence car beaucoup de comporte-
3500 accouchements concernaient des adoles- ments sexuels peuvent être considérés comme une
centes de 14 à 18 ans. recherche en vue d'établir une identité sexuelle.
goisses que précédemment ; elles sont souvent familiale et sociale. La puberté peut être vécue
transitoires à l'adolescence. comme une catastrophe avec dépression, tenta-
tives de suicide. L'image de soi est profondément
perturbée. La conviction absolue d'avoir raison
Difficultés du choix sexué peut évoquer une structuration de la personnalité
sur un mode psychotique.
Masturbation
Banalisée et très fréquente à l'adolescence (existe Intersexualité ambiguë
plus souvent qu'avant). C'est plutôt l'absence
Il s'agit d'une anomalie des organes génitaux
totale ou l'apparition très tardive de la masturba-
externes d'origine organique (pseudo-hermaphro-
tion qui peuvent traduire un état pathologique.
disme féminin plus fréquent que le pseudo-her-
maphrodisme masculin). Ces anomalies, repérées
Homosexualité
avant l'adolescence, peuvent être corrigées chirur-
L'homosexualité ne s'installe clairement qu'après gicalement : cela permet de rétablir une identité de
21 ans. Ce n'est pas à proprement parler une genre qui n'est pas toujours acceptée. En l'absence
anomalie du comportement sexuel. C'est plus la de traitement, à l'adolescence survient un ques-
manière de vivre cette forme de sexualité qui peut tionnement sur le corps et sur les élans amoureux
entraîner une souffrance psychique ou traduire vers l'autre sexe. Peuvent s'y associer des réactions
une difficulté à reconnaître la différence des sexes. dépressives, voire des tentatives de suicide.
Les fantasmes, fantaisies, compulsions homo-
sexuels sont très fréquents à l'adolescence. Parfois
ils génèrent une souffrance pouvant conduire à des Conclusion
tentatives de suicide, à une anorexie, à des com-
portements toxicomaniaques, à des automutila- La sexualité s'intègre, chez l'enfant comme chez
tions, voire à un comportement sexuel chaotique. l'adolescent, à la personnalité et au comporte-
Dans une enquête de l'Inserm en 1993 sur plus ment d'un être en devenir. À ce titre, elle évolue
de 12 000 jeunes de 11 à 19 ans, 2 % des garçons parallèlement à la maturation et à l'acquisition
et 1 % des filles déclaraient avoir eu des relations de l'autonomie. Les éventuels troubles sont tout
homosexuelles, souvent marquées de culpabilité. particulièrement sensibles aux prises en charge
thérapeutiques.
Transvestisme et fétichisme
Le transvestisme, rare à l'adolescence, concerne
les garçons hétérosexuels qui utilisent des vête-
ments féminins pour provoquer l'excitation. Cela Rôle de l'éducation
évolue parfois vers l'homosexualité.
sexuelle dans
Difficultés spécifiques la prévention des
d'établissement troubles sexuels
de l'identité sexuelle
Laura Beltran
Transsexualisme
Il s'agit d'un sentiment éprouvé par une personne
d'appartenir au sexe opposé associé à un fort désir À l'adolescence, moment où a lieu le passage
de changer d'aspect sexuel. Cela peut commen- de la sexualité infantile à la sexualité adulte, les
cer dans l'enfance. À l'adolescence surviennent angoisses liées à la sexualité commencent à appa-
une crise d'identité et des conflits liés à la pression raître. Les interrogations par rapport à la sexualité
150 Manuel de sexologie
des garçons et des filles sont souvent accompa- santé sexuelle. L'éducation sexuelle comprend
gnées de craintes, d'idées fausses et de stéréo- des informations sur l'anatomie et la physiologie,
types. Certaines peurs commencent à s'installer la puberté, la grossesse et les infections sexuelle-
dès l'adolescence et risquent de se cristalliser à ment transmissibles (IST), y compris le VIH/Sida
l'âge adulte. [8], mais elle aborde également les rapports et les
Lorsqu'on évoque les causes psychocomporte- émotions impliqués dans l'expérience sexuelle. La
mentales des troubles sexuels, on retrouve notam- sexualité est considérée alors comme une partie
ment : le manque d'information sur son propre naturelle, intégrante et positive de la vie, et couvre
corps et sur la sexualité ; des rapports régulière- tous les aspects de la personne sexuelle et sexuée.
ment douloureux ou insatisfaisants ; l'éducation Elle incite à l'égalité des sexes, à l'amour-propre et
durant l'enfance, particulièrement dévalorisante au respect des droits d'autrui.
en ce qui concerne la sexualité, avec de forts inter-
dits (interdit de la nudité, de la masturbation et de
tout plaisir en général, etc.) ; l'anxiété ; l'angoisse Questionnements
de la performance ; la peur de l'échec ou une trop des adolescents autour
forte tension émotionnelle incontrôlable.
Toutes ces causes peuvent apparaître dès le
de la sexualité
début des relations sexuelles et c'est pourquoi
il semble important de pouvoir s'intéresser à ce Le développement psychosexuel des adolescents
qui pourrait être fait avant que tous ces facteurs passe par trois phases de construction qui sont
psychiques s'installent et conduisent à un cercle autant d'axes sur lesquels on peut travailler avec
vicieux auto-entretenant les troubles sexuels. ces futurs adultes.
Les premières éjaculations, les érections intem- nement » de leurs organes sexuels – d'évoquer
pestives, la quantité de sperme vont questionner les images qui sont associées au sexe masculin et
les adolescents qui se trouvent sans élément com- féminin à un moment très particulier de la vie, le
paratif pour savoir si leur corps est « normal », et moment où ils commencent à engager leur corps
les conversations avec les copains et/ou les images dans la relation à l'autre.
pornographiques ne servent pas vraiment à rassu-
rer les adolescents.
Chez les filles, les questions sont discrètes mais Relation à l'autre
l'importance donnée par les garçons aux pénis va
Les réelles préoccupations des jeunes concer-
les interpeller et souvent elles vont imaginer le
nant la sexualité sont souvent plus au niveau des
sexe masculin beaucoup plus grand que ce qu'il
sentiments et de l'image de soi que l'autre nous
est vraiment en raison de l'exagération des gar-
renvoie que de la biologie : « Comment savoir
çons ou de leur propre crainte du rapport sexuel.
qu'un garçon s'intéresse à moi ? Puis-je plaire ?
Comment “assurer” au lit ? Suis-je prête pour une
Représentations du corps féminin relation sexuelle ? », sont des questions fréquentes
Chez les garçons, les représentations de la vulve chez les jeunes [10].
sont souvent très fantaisistes et le sexe féminin L'adolescence est le moment où la majorité
est nommé comme un « trou » d'une trentaine de des jeunes deviennent sexuellement actifs, la ren-
centimètres de longueur (l'inquiétude de ne pas contre amoureuse et les relations intimes avec
avoir un pénis suffisamment grand paraît alors l'autre commencent à se mettre en place. Les
assez logique !). L'image de l'organe sexuel fémi- relations sexuelles se font souvent « à la sauvette »,
nin renvoie à l'inconnu, au « trou noir », à la peur sur la banquette d'une voiture ou chez les parents
de s'y perdre ou d'y rester coincé ; ce fantasme pendant leur absence. Les adolescents ont peur
du « vagin denté » réactualiserait, pour la psycha- d'être surpris par quelqu'un, de ne pas être à la
nalyse, une angoisse de castration qui est bien hauteur, de ne pas pouvoir faire comme dans les
exprimée dans la question fréquente des garçons : films. Dans ces conditions, les rapports sexuels
« Comment faire si on reste coincé dans le vagin ? » idéalisés ne correspondent pas toujours à ce qu'ils
Chez les filles, le vagin est souvent imaginé attendaient.
comme une petite fente, l'hymen comme une Les enjeux du rapport sexuel ne sont pas les
barrière, et la situation et la fonction du clitoris mêmes pour les filles que pour les garçons. Entre
restent de grandes inconnues. Les inquiétudes eux, les garçons vont davantage parler de « per-
en lien avec la pénétration révèlent, la plupart du formances », alors que les filles parlent surtout de
temps, un décalage entre la réalité anatomique ce qu'elles ressentent. Cependant, les garçons pris
et physiologique, et les représentations mentales de façon individuelle vont évoquer beaucoup plus
(parfois très erronées) que les jeunes filles se font facilement leurs sentiments amoureux.
de leur corps et de son fonctionnement. Les cas
de vaginisme peuvent traduire une réaction pho- Performance sexuelle
bique, en lien avec des fantasmes d'intrusion qui Chez les garçons, le rapport sexuel devient une
sont à relier avec l'image que se font les adoles- espèce d'obligation, il y a une urgence de passer
centes de leur propre corps : le vagin est souvent à l'acte, de ne plus être « puceau » et les question-
fantasmé comme très étroit par rapport au pénis, nements se font autour de la technique, des meil-
et en continuité avec l'intériorité corporelle. leures positions ou du temps qu'il faut « tenir » et
Travailler avec les adolescents sur la représenta- le rapport sexuel devient alors une épreuve, un
tion des organes sexuels, par exemple au travers examen dans lequel on serait évalué et où l'on doit
du dessin ou du brainstorming, peut permettre – avoir une bonne note. Les principales préoccupa-
au-delà d'apporter une information plus juste sur tions concernent l'impuissance (la peur de « déban-
l'anatomie et de les rassurer sur le « bon fonction- der » lors de la pose du préservatif) et l'éjaculation
152 Manuel de sexologie
prématurée (fréquente lors des premiers rapports comme appartenant à l'un des deux devient de
sexuels). L'inquiétude sur le risque de défaillance plus en plus fort. Les préoccupations concernant
les confronte à la représentation qu'ils se font de les identités et les rôles sexuels sont très impor-
leur virilité. tantes mais ce stade engendre beaucoup de stress
Rassurer l'adolescent, nommer les émotions chez les adolescents, qui doivent renoncer à la
qu'il ressent et valoriser la notion de plaisirs pré- stabilité et accepter une nouvelle image d'eux-
liminaires, pour le dégager d'une recherche de mêmes. Cette quête d'identité est nourrie par les
performance sexuelle en lien avec des exigences produits médiatiques : publicité, émissions radio,
démesurées, peuvent permettre d'éviter qu'il s'ins- télévision ou magazines.
talle dans un scénario d'anticipation de l'échec.
Stéréotypes sexuels
Idéalisation du rapport masculins et féminins
sexuel et plaisir féminin
Les adolescents vont chercher à s'affirmer en
Pour les filles, le premier rapport sexuel est sou- tant que fille ou garçon selon une norme sociale
vent très idéalisé et l'attente affective et relation- bien établie. Ainsi, les garçons aux comporte-
nelle est très forte, ce qui peut produire chez ments efféminés, les filles « garçons manqués »
beaucoup une grande déception. Les relations et les homosexuels vont être considérés comme
sexuelles n'amènent pas toujours à l'orgasme et des individus en marge et seront donc victimes de
la crainte « d'être frigide » peut apparaître. Par fortes discriminations.
ailleurs, les plaintes sexuelles pour douleurs pen- La construction de l'identité sexuelle est beau-
dant les rapports (dyspareunies) sont fréquentes coup plus complexe aujourd'hui qu'elle ne l'était il
et souvent attribuées à des mycoses : elles viennent y a quelques décennies, époque où les stéréotypes
parfois de la nécessité de trouver une cause soma- sexuels masculins et féminins étaient tranchés et
tique qui permette de dire non au rapport sexuel. constituaient les seuls modèles d'identification
C'est pourquoi il semble nécessaire de pouvoir possible. Aujourd'hui, les modèles d'identifica-
amener les adolescents à réfléchir à la survalorisa- tion sont multiples et plusieurs reconnaissent aux
tion de la pénétration vaginale, à parler du rôle du garçons une plus grande vulnérabilité dans ce pro-
clitoris, à leur apprendre à dire « oui » ou « non » cessus [11].
à un rapport sexuel et à évoquer l'importance des Déconstruire les stéréotypes sexuels et per-
préliminaires. mettre aux adolescents de prendre conscience des
L'impact des premières expériences sexuelles normes sociales dans leurs comportements sexués,
ne doit être ni banalisé, car dès le début elles de leur identité et orientation sexuelles, peuvent
influencent la vie affective, ni dramatisé, puisqu'une les aider à développer leur estime de soi, à pou-
première relation insatisfaisante n'engendre pas for- voir se définir vis-à-vis de leur propre sexe et à être
cément une vie sexuelle ultérieure difficile. Cepen- dans le respect d'autrui.
dant, aider les adolescents à développer un sens
critique, afin qu'ils puissent dépasser le souci de
« performance » sexuelle, et où le dialogue permet- Conclusion
tra l'écoute réciproque du rythme et des attentes
de chacun, peut permettre que certaines peurs, Ce n'est pas parce que les adolescents bénéfi-
inhibitions, appréhensions ou déceptions laissent cient d'une éducation sexuelle appropriée que les
place aux notions de plaisir, bien-être, partage et troubles sexuels à l'âge adulte vont être inexis-
jouissance. tants mais une information pertinente, un travail
autour des représentations liées à la sexualité, une
Identité sexuelle réflexion autour du corps, de l'estime de soi et de
À l'adolescence, le fait de se reconnaître comme la relation à l'autre semblent nécessaires afin de
de l'un ou de l'autre sexe, et d'être reconnu pouvoir « (r)assurer » les débuts sexuels.
Chapitre 6. Sexualité aux différents âges de la vie 153
de chacun des partenaires. Pendant la consulta- parvient absolument pas à se masturber au labora-
tion, la sexualité du couple est abordée sous un toire. Cette situation peut se rencontrer chez des
angle essentiellement « physiologique ». Parmi les patients très angoissés ou chez des hommes dont
questions posées, la fréquence des rapports sexuels la confession religieuse est hostile à ce type de
est un élément déterminant car il conditionne les pratiques. Cependant, les conditions de recueil au
chances de grossesse. Si d'éventuelles difficultés domicile et de transport du prélèvement jusqu'au
sont identifiées (dyspareunies, vaginisme, dys- laboratoire peuvent compromettre la fiabilité des
fonction érectile), une prise en charge spécifique résultats. Le prélèvement en dehors d'une struc-
pourra être proposée. ture adaptée doit donc rester exceptionnel compte
Parmi les différents bilans qui conduisent au tenu du risque d'obtenir des résultats ininterpré-
diagnostic, le spermogramme et le test post-coï- tables qui imposeraient un nouveau recueil.
tal constituent deux étapes clés qui réclament une Pour le patient, le spermogramme représente
attention particulière en raison de leur impact une véritable épreuve. Il est d'abord confronté à la
direct sur la vie sexuelle du couple. masturbation. Cette activité narcissique et solitaire
Chez l'homme, le spermogramme a pour reste un sujet tabou souvent accentué par le poids
objectif de rechercher d'éventuelles anomalies du de la religion et des convenances sociales qui en
sperme ou des spermatozoïdes. D'une façon très font toujours une pratique honteuse et interdite
schématique, le spermogramme est un examen de [13].
laboratoire qui évalue le nombre, le déplacement Ensuite, les résultats de l'examen vont exprimer
et la morphologie des spermatozoïdes libérés le pouvoir fécondant de son sperme devenu objet
par l'éjaculation. Si la numération des spermato- d'étude et c'est donc sa propre aptitude à procréer
zoïdes constitue naturellement un élément impor- qui sera analysée, voire comparée à celle d'autres
tant dans l'évaluation du pouvoir fécondant du patients. Au sein du couple, son éventuelle res-
sperme, leur capacité de déplacement est détermi- ponsabilité dans l'infertilité sera ainsi dévoilée avec
nante. L'analyse de la forme des spermatozoïdes la crainte d'une menace pour sa position sociale,
vient compléter cet examen microscopique. Cette son statut viril. Le diagnostic constitue aussi une
dernière évaluation est rarement déterminante car, source de dévalorisation potentielle pour le patient
le sperme humain présente, de façon habituelle, qui s'identifie souvent à ses spermatozoïdes et
une proportion de spermatozoïdes morphologi- donc aux anomalies détectées. À travers une
quement anormaux. interprétation subjective de son spermogramme,
Pour recueillir son sperme, le patient a recours l'homme peut se voir, à l'image de son sperme,
à la masturbation après une abstinence sexuelle de diminué, ralenti, voire malformé comme certains
3 jours environ. Dans tous les laboratoires spé- de ses spermatozoïdes. Cette dévalorisation de
cialisés qui réalisent ce type d'examens, une pièce l'image masculine peut avoir des retentissements
spécifique est destinée au recueil. Ce local volon- importants sur les relations conjugales en général
tairement anonyme est souvent de dimensions et sur les relations sexuelles en particulier.
modestes et peu propice à une activité sexuelle Le test post-coïtal (TPC), encore appelé test de
en dépit des revues érotiques qui y sont souvent Hühner, est un autre examen réalisé au cours du
disponibles. Si le couple le souhaite, la femme bilan d'infertilité. Il implique les deux partenaires
peut naturellement accompagner son conjoint. La et doit fournir des informations sur le comporte-
détermination du couple à voir aboutir son désir ment des spermatozoïdes dans la glaire cervicale
d'enfant permet, presque toujours, au conjoint de et sur leur capacité à gagner la cavité utérine après
surmonter l'épreuve du prélèvement. Les échecs un rapport sexuel. Il est effectué en période pré-
sont exceptionnels et pour ces patients, une deu- ovulatoire, c'est-à-dire un jour ou deux avant la
xième tentative réalisée quelques jours plus tard date prévue de l'ovulation. Pour déterminer préci-
est souvent couronnée de succès. sément cette période, une courbe de température
Dans certaines situations particulières, le prélè- ou des dosages hormonaux s'avèrent nécessaires,
vement au domicile est toléré lorsque le patient ne associés ou non à un traitement hormonal pour
Chapitre 6. Sexualité aux différents âges de la vie 155
stimuler l'ovulation. Après une période d'absti- atypique, l'habituel colloque singulier méde-
nence d'environ 3 jours, le médecin programme cin–patient est malmené et le secret médical sou-
le rapport sexuel qui devra avoir lieu 6 à 12 heures vent menacé. Ainsi, à l'issue des interrogatoires
avant l'examen gynécologique. D'une façon très et des différents examens réalisés, et malgré les
schématique, le test est positif si l'observation efforts du praticien pour respecter la confidentia-
microscopique du prélèvement de glaire révèle lité des informations, chacun des partenaires peut
la présence de plusieurs spermatozoïdes mobiles. ne plus rien ignorer des antécédents médicaux ou
À l'inverse, lorsqu'aucun spermatozoïde mobile chirurgicaux de son conjoint, de ses éventuelles
n'est visible, le test est négatif. Si l'intérêt diagnos- anomalies anatomiques ou hormonales respon-
tic de cet examen peut justifier sa prescription lors sables ou non de l'infertilité du couple. Cette
d'un bilan d'infertilité, son impact sur la sexualité somme d'informations médicales exhibant les
du couple est très important et ne doit pas être corps et leurs défauts crée une nouvelle intimité
sous-estimé. La relation sexuelle n'est plus spon- entre l'homme et la femme qui favorise rarement
tanée, ni même intime, elle est programmée par les fantasmes et le désir, et peut pénaliser les rela-
le médecin qui jugera de la capacité des corps, tions psychosexuelles.
et donc des individus, à remplir leur mission. Ce Les répercussions de l'infertilité sur la sexua-
bilan médical de compétence auquel accepte de lité sont différentes selon les résultats des bilans
se plier la majorité des couples infertiles est tou- réalisés chez les deux partenaires. Lorsqu'il s'agit
jours vécu comme une expérience traumatisante d'une infertilité inexpliquée, les perturbations de
par les deux partenaires. De plus, il renforce et, la vie sexuelle sont essentiellement caractérisées
d'une certaine manière, cautionne l'approche par une diminution de la fréquence des rapports.
exclusivement procréative du rapport sexuel qui Si la cause est exclusivement féminine, une baisse
s'est souvent installée dans le couple infertile. importante du désir et de la satisfaction sexuelle
Dans la recherche permanente de la grossesse, sont fréquemment rapportées. Enfin, la surve-
toute la sexualité est organisée avec le souci d'une nue d'épisodes de dysfonction érectile, de durées
efficacité maximum et se concentre sur la période variables, est souvent décrite après l'identification
ovulatoire qui doit bénéficier de rapports très fré- d'une cause masculine [14].
quents. Par contre, les rapports en dehors de la
période ovulatoire qui sont jugés inefficaces et
donc inutiles, disparaissent progressivement chez Les techniques d'assistance
de nombreux couples. médicale à la procréation (AMP)
Cette logique comptable des relations sexuelles
est souvent à l'origine d'un paradoxe : alors qu'elle D'une façon générale, ces techniques visent à
exprime de moins en moins de désir érotique, la reproduire au laboratoire tout ou partie du pro-
femme s'astreint à de nombreux rapports sexuels cessus de la rencontre des gamètes, de la féconda-
pour augmenter ses chances de grossesse. Pour tion et du développement précoce de l'œuf.
l'homme, le rapport imposé par le calendrier, Qu'il s'agisse de l'insémination intra-utérine
la partenaire ou par le médecin devient vite un (IIU) ou de la fécondation in vitro (FIV), les tech-
devoir, une corvée, source évidente d'inhibition niques d'AMP mettent en œuvre des traitements
et de difficultés sexuelles. L'homme et la femme médicamenteux pour stimuler la fonction ova-
sont fréquemment confrontés à une perte d'iden- rienne et obtenir plusieurs ovocytes candidats à la
tité. Leurs corps ont été évalués, testés pour deve- fécondation. Les effets secondaires des hormones
nir des instruments procréatifs au service d'une utilisées prennent surtout la forme de douleurs pel-
médecine toute-puissante qui gère désormais leur viennes d'intensité variable en fonction des proto-
vie sexuelle. coles utilisés. Plus rarement, les femmes décrivent
La réalisation du bilan d'infertilité correspond, des bouffées de chaleur, des sensations de fatigue,
presque toujours, à la prise en charge simulta- des troubles digestifs qui disparaissent plus ou
née des deux partenaires. Dans cette situation moins rapidement après l'arrêt des produits. Dans
156 Manuel de sexologie
ce contexte, les relations sexuelles sont souvent Lorsque la technique d'AMP est réalisée
perturbées, voire inexistantes pendant ces traite- avec les gamètes du conjoint, la participation
ments qui durent parfois plusieurs semaines. Une active de l'homme se limite, après une absti-
enquête menée dans un centre d'assistance médi- nence imposée de quelques jours, à un recueil
cale à la procréation avait révélé une baisse du de sperme par masturbation. Si la contribution
désir chez 95 % des couples engagés dans une ten- masculine semble bien modeste face à la lour-
tative de FIV et une diminution significative de la deur du traitement de stimulation supporté par
fréquence des rapports dans plus de la moitié des la femme, elle ne doit pas masquer la détresse,
cas [15]. la solitude rapportées par de nombreux patients.
Dans le cas particulier de la FIV, après le trans- Isolé dans la pièce de prélèvement, il doit don-
fert dans l'utérus d'un embryon obtenu au labo- ner son sperme à une équipe médicale qui se
ratoire, les couples s'interdisent très souvent tout chargera d'accomplir l'acte procréatif dont il
rapport sexuel qui risquerait de « décrocher » un est lui-même incapable. Ce transfert obligatoire
embryon fraîchement implanté. Sans préjuger d'une responsabilité masculine naturelle est sou-
du comportement de chaque couple candidat vent décrit par les patients comme une véritable
au transfert embryonnaire, le discours médical humiliation qui affecte leur identité sexuelle et
doit évoquer cet aspect de la vie conjugale. Il est retentit sur la sexualité du couple [15]. Toutes
important de rappeler combien, d'un point de situations confondues en termes de technique
vue strictement physiologique, l'utilité de cette médicale, d'âge ou d'indication, la probabilité
abstinence volontaire reste discutable. Par ail- pour un couple infertile de pouvoir réaliser son
leurs, des ovaires restés volumineux et sensibles projet parental grâce à la médecine se situe entre
plusieurs jours encore après le transfert embryon- 20 et 25 %. Les chances de succès sont naturel-
naire peuvent constituer un obstacle douloureux lement très différentes d'un couple à l'autre et
au rapport sexuel. sont liées à de nombreux facteurs individuels.
Lorsque le couple est confronté à une stérilité Cependant, des couples restent sans enfant et se
masculine ou à une stérilité féminine, le recours au voient contraints d'abandonner leur projet ou de
don de spermatozoïdes ou au don d'ovocyte peut se réinvestir dans une autre forme de parenta-
constituer une réponse à leur demande parentale. lité. Les données disponibles sur la sexualité des
En France, les conditions réglementaires de ces couples après un parcours d'AMP, qu'il y ait eu
procédures sont clairement définies avec notam- ou non la naissance d'un enfant, sont rares et ne
ment un strict anonymat dans la procédure d'attri- permettent pas d'évaluer les conséquences à long
bution des gamètes. terme de la prise en charge médicale de l'inferti-
En dépit d'une évolution sensible dans la percep- lité sur la vie sexuelle du couple.
tion sociale de ces difficultés, la stérilité masculine
est encore trop souvent assimilée à l'impuissance
avec des conséquences prévisibles sur l'identité Conclusion
sexuelle de ces patients. Si le couple fait le choix
du don, l'homme stérile se résout à confier à un Les implications sociales et psychologiques de
autre la responsabilité de féconder l'ovocyte de l'infertilité sont aujourd'hui clairement identi-
sa partenaire. Pour les patients confrontés à cette fiées. Pour la plupart des couples concernés, les
situation, les répercussions psychosexuelles sont répercussions sur la sexualité sont négatives et
complexes, multiples et souvent difficiles à identi- se traduisent par : une altération de l'identité
fier. À l'image de quelques religions qui assimilent sexuelle ; une baisse du désir ; une diminution de
le don de sperme à l'adultère, pour un certain la satisfaction sexuelle. Lorsque l'infertilité est
nombre de patients, l'intervention d'un autre prise en charge médicalement, une détérioration
homme dans le projet parental est difficilement de la sexualité sera fréquemment accentuée par
acceptée et engendre une perte d'identité accen- les investigations et les traitements imposés par
tuée par un fort sentiment de culpabilité. l'assistance médicale à la procréation.
Chapitre 6. Sexualité aux différents âges de la vie 157
Pour limiter les aspects iatrogènes de la méde- Le sujet vieillissant perd sa vitalité et son pouvoir
cine du désir d'enfant, un accompagnement spéci- d'adaptation.
fique des patients, centré sur l'écoute et la parole,
doit pouvoir être proposé pour améliorer le vécu
individuel des partenaires et favoriser les relations Mécanismes
psychosexuelles au sein du couple. du vieillissement
Les mécanismes du vieillissement ne sont pas par-
faitement identifiés :
Vieillissement • « programmation génétique » : théorie des
mutations spontanées, plus fréquentes ; pertur-
et sexualité bation de mécanisme de réparation de l'ADN ;
perte de base d'ADN des télomères ;
Jacques Rollet
• accumulation de facteurs toxiques, radicaux
libres ;
Les études démographiques démontrent un • théorie auto-immunitaire avec formation d'anti-
accroissement de la population âgée dans les pays corps, responsables de dommages irréversibles ;
développés, en raison de l'allongement de l'espé- • perturbations hormonales.
rance de vie, qui a doublé en un siècle dans certains
pays (passant de 48 à 76 ans), grâce à la réduction
de la mortalité infantile, l'amélioration des condi-
Désir et comportement
tions d'hygiène et l'amélioration de la prévention sexuel
et des traitements des maladies du sujet âgé.
Mais, dans le même temps, la multimorbidité Le désir et le comportement sexuel se modifient
s'est accrue, compliquant la prise en charge du progressivement, mais de manière variable d'un
sujet âgé. sujet à l'autre. Les facteurs impliqués sont com-
Le vieillissement est un processus physiolo- plexes : évolution psychologique et sociale (perte
gique. La polypathologie est liée au hasard et au de stimulation de la fonction érotique, image
capital génétique. Le vieillissement est « différen- « traditionnelle » du sujet âgé, situation de deuil,
tiel » : certains vieillissent plus et plus vite que d'abandon, anaphrodisie par accoutumance, senti-
d'autres et la dégradation de certaines fonctions ment de culpabilité lié aux tabous) et polypatholo-
(rénale en particulier) varie selon les individus. gie (conséquence des maladies et leur traitement).
Toutes les cellules vieillissent, certaines meurent, Le problème spécifique du couple âgé est celui
mais les tissus se renouvellent cependant. Le vieil- du désir, car il n'a pas la même origine que les
lissement différentiel est observé sur le plan mor- autres sentiments qui soudent le couple, et le
phologique et fonctionnel. vieillissement sexuel est certainement celui qui
Au xviiie siècle, on considérait que la vieillesse est le plus marqué par les idées reçues, les fausses
comportait deux étapes : croyances et les tabous.
• la vieillesse fraîche, « senectus cruda », débutant
vers 45–50 ans ;
• la vieillesse « décrépite », se manifestant de
Chez l'homme
manière non univoque vers l'âge de 70 ans. Chez l'homme, le déclin progressif de la capacité
La baisse de performance chez les sujets âgés érectile pénienne est rattaché aux modifications
se traduit essentiellement par des difficultés à neurocirculatoires (qui sont fréquemment inté-
affronter les obstacles et le vieillissement morpho- grées dans un contexte pathologique vasculaire
logique retentit sur sa représentation narcissique. diffus).
158 Manuel de sexologie
De nombreuses études ont mis en évidence, touché par le vieillissement, mais les données
chez les individus âgés en bonne santé, la per- de la littérature ne sont pas concordantes chez
sistance d'une activité sexuelle jusqu'à plus de l'homme (à la différence des rongeurs, chez qui il
70 ans. a été démontré une hyper-réactivité au stress avec
Les différentes phases de la réponse sexuelle hypersécrétion des glucocorticoïdes).
masculine sont touchées, de façon spécifique et
différente, par le vieillissement :
• érections moins fermes ; Axe gonadotrope
• augmentation du seuil de stimulation ;
La production de testostérone, chez l'homme,
• réduction de la durée du maintien de l'érection
diminue avec l'âge. De nombreuses études ont
[16].
démontré une corrélation inverse entre âge et taux
Les mécanismes de l'érection sont, par ail-
plasmatiques de testostérone. Entre 40 et 70 ans,
leurs, dépendants d'une stimulation concomi-
on admet que le taux de testostérone bio-active
tante, physique et psychique, plus importante et
s'abaisse d'environ 1,2 % par an. Dans l'étude de
ils présentent une hypersensibilité aux effets du
Baltimore, la proportion de sujets présentant un
stress émotionnel (hypersensibilité à l'hypertonie
abaissement du taux de testostérone passe de 20 %
alpha-adrénergique).
chez les sujets de la soixantaine à 50 % pour les
Une période réfractaire paradoxale (ou non-
sujets de plus de 80 ans. La baisse des taux de tes-
récupération de l'érection après chute de celle-ci
tostérone bio-active est plus marquée avec l'avan-
malgré l'absence d'éjaculation) est observée de
cée en âge que pour la testostérone totale.
façon non exceptionnelle et aggrave « l'angoisse
Si l'on peut suspecter une corrélation entre cer-
de performance ».
tains symptômes du vieillissement et l'abaissement
de testostérone, les preuves d'une relation directe
restent à apporter.
Endocrinologie Les altérations de l'axe gonadotrope portent
du vieillissement sur l'hypothalamus, mais aussi sur les cellules de
Leydig testiculaires (qui semblent, pour partie,
Le système endocrinien subit des modifications « fragilisées » lors des maladies générales).
avec l'avancée en âge [17]. Si certains ont pu écrire que le vieillissement
était un artéfact de la civilisation, la pratique médi-
cale nous amène à être couramment confrontés
Fonction somatotrope aux problèmes liés aux modifications de la sexua-
La fonction somatotrope (hormone de croissance : lité avec l'âge. Différents facteurs doivent être
GH) est altérée et la baisse de sécrétion de GH pris en considération : le niveau d'activité sexuelle
entraîne une diminution de la synthèse protéique, antérieur pendant la vie du sujet, la santé physique
de la masse maigre, de la force musculaire, de la et la santé psychique [18].
masse osseuse. Il a été démontré un lien fonc- L'allongement de l'espérance de vie, la fré-
tionnel entre cette fonction somatotrope et les quence des « remaniements de couple » à la matu-
androgènes (dont la restauration d'un taux phy- rité et les maladies ont abouti à la création d'un
siologique permet de stimuler la sécrétion de GH). nouvel espace de vie à deux chez les sujets âgés.
Pour Philippe Brenot, « en matière de sexua-
lité, l'échange de signaux adaptés est fondamen-
Axe hypothalamo- tal ; s'il n'y a plus de signaux, ou des signaux
hypophyso-surrénalien négatifs, le couple est menacé. Pour que le coït
soit possible, des signaux “décisifs” sont indis-
Il joue un rôle fondamental dans l'homéostasie pensables (réactions physiologiques essentielles :
et les phénomènes d'adaptation, et il est lui aussi lubrification et souplesse vaginale chez la femme,
Chapitre 6. Sexualité aux différents âges de la vie 159
érection chez l'homme). La qualité de l'érection [6] Bachelot A, Touraine P. Retard pubertaires et amé-
est un facteur d'excitation de la partenaire à la norrhées. In: Thibaud E, Drapier-Faure E, editors.
Gynécologie de l'adolescente. Paris: Masson ; 2005.
fois au niveau physiologique de la chaîne “sti- p. 103–20.
mulus réponse”, mais aussi dans l'imaginaire qui Rôle de l'éducation sexuelle dans la prévention
anticipe le coït ». des troubles sexuels
Il est fondamental dans ce contexte des modi- [6bis] Ministère de l'Éducation nationale, de l'ensei-
fications de la sexualité du sujet âgé, que chaque gnement supérieur et de la recherche. Circulaire
membre du couple tienne compte des change- no 2018-111 du 12 septembre 2018 relative à
l'éducation à la sexualité.
ments qui surviennent chez le ou la partenaire et [7] L'éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges
soit capable de modifier certains éléments de son et les lycées. Bulletin officiel no 9 du 27 février 2003.
comportement. L'empathie pour l'un et l'autre [8] Lagrange H, Lhomond B. L'entrée dans la sexua-
est fondamentale. lité : le comportement des jeunes dans le contexte
Très souvent, ce sont plus les maladies, les du SIDA. Coll. Recherches, Paris: La Découverte ;
1997.
traitements, éventuellement le manque de parte- [8bis] Bajos N, Rahib D, Lydié N. Genre et sexualité.
naire, les facteurs intrapsychiques et interperson- D'une décennie à l'autre. Baromètre santé 2016.
nels qui sont responsables des perturbations de la Saint-Maurice : Santé publique France, 2018. 6 p.
sexualité, plus que les facteurs liés au vieillissement [9] Choquet M, Ledoux S. Adolescents : enquête
proprement dit. nationale. Paris : Inserm ;1994.
[10] Jeammet P. La dimension psychique de la sexualité
L'approche des problèmes sexuels du sujet âgé des adolescents d'aujourd'hui. Les professionnels
ne doit pas être négative, sentencieuse, mais doit de santé face à la sexualité des adolescents. Coll.
tenir compte des modifications physiologiques et « Enfance et psy ». Érès ; 2001.
psychologiques qui affectent la réponse sexuelle. [11] Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Il est indispensable de donner des conseils pra- Education for Health Promotion: report of an
Intercountry Expert Committee Meeting ; 2002.
tiques de base, avant toute prise en charge
Sexualité et infertilité
thérapeutique. [12] Projet de loi relatif à la loi Bioéthique, www.assem-
blee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15t0474_texte-
Références adopte-seance.pdf.
Physiologie de la puberté [13] Czyba JC. La masturbation au laboratoire.
[1] Bourguignon JP. Physiologie de la puberté – Puberté Andrologie 1991;1:34–5.
normale. In: Thibaud E, Drapier-Faure E, editors. [14] Lee TY, Sun GH, Chao SC. The effect of an infer-
Gynécologie de l'adolescente. Paris: Masson ; 2005. tility diagnosis on the distress, marital and sexual
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[2] Brauner R. Puberté normale. Encycl Méd Chir Reprod 2001;16(8):1762–7.
(Elsevier, Paris). 4-002-F-65; 2006. [15] Jean M, Butruille C. Le guide de la fécondation
[3] Grumbach MM, Styne DM. Puberty: ontogeny, in vitro. Paris: Albin Michel ; 2003. 290. p.
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Faure E, editors. Gynécologie de l'adolescente. Paris: physiologic and psychological sexual changes that
Masson ; 2005. p. 61–70. occur with age. Geriatrics 2005;60(9):18–23.
Chapitre 8
Problèmes sexuels
et popularisés dès les années 1960. Elle est acti- duisent attitudes, dysfonctions cognitives, fausses
vité sensorimotrice (cerveau reptilien), mais aussi croyances et comportements inadaptés face au
affective et motivationnelle (cerveau paléomam- problème.
malien) et enfin surtout symbolique, anticipatoire
et mentale (cerveau néomammalien).
En matière de sexualité, il n'est pas possible de Entretien
comprendre le symptôme sans le rattacher à ces
trois pôles interactifs. Il n'est pas possible de l'ana- Toute plainte ne renvoie pas toujours à un symp-
lyser sans prendre en compte à la fois l'individu tôme, et il y a quelquefois une certaine distance
qui en est porteur, le contexte fantasmatique et entre la sexualité et l'idée de la sexualité que peut
symbolique, événementiel, social et culturel, dans se faire le patient. Le premier entretien permet de
lequel il prend naissance et va se résoudre ou s'an- resituer la demande du patient entre réalité phy-
crer, et les données affectives et relationnelles qui siologique et attentes irréalistes. Au centre de la
lui donnent tout son sens. relation thérapeutique, il est un temps essentiel
Parmi les différentes grilles de lecture possibles de l'évaluation du symptôme et de la demande du
connues et reconnues du symptôme sexuel, et sans patient. L'entretien permet de mettre en mots le
préjuger de la supériorité d'aucune, nous choisi- ressenti et d'aller de la plainte au symptôme, vers
rons ici d'utiliser l'outil cognitivo-comportemen- les prémices du changement. Il opère un passage
tal, qui nous paraît le plus à même de dégager une entre un ressenti angoissant et confus, où prédo-
ligne commune de compréhension du symptôme minent subjectivité et souffrance aveugle, et la
sexuel, de faciliter pour tous le décryptage de la description concrète de la difficulté, qui va faire se
plainte du patient, de nous permettre d'aller vers dessiner peu à peu un état identifié et codifié dont
le symptôme, de l'analyser et de jeter les bases de on aperçoit enfin les contours, et auquel il devient
sa prise en charge thérapeutique première. Nous enfin possible de remédier. Nommer le problème
n'oublierons jamais, cependant, que la sexualité permet de le hiérarchiser et de commencer à le
humaine est complexe et ne peut se réduire à un régler. En sexologie, l'entretien est dynamique
seul angle de vue. et interactif, à la fois outil d'évaluation explorant
tous les axes de la dysfonction et vecteur pédago-
gique essentiel. Dans la pratique sexologique, la
Mots de la plainte reformulation positive et l'information documen-
tée apportée tout au long de l'entretien jouent un
Les mots sont une fenêtre ouverte sur le monde rôle de premier plan dans l'éducation à la santé
intérieur du patient, sur sa manière de vivre la sexuelle, et permettent de dissiper les inévitables
symptomatologie, de la comprendre et d'y réa- idées reçues à l'origine de nombre de dysfonctions
gir. Ils sont souvent alimentés par des idées sexuelles. L'entretien en pratique sexologique est
reçues ou de fausses croyances (« le diabète rend diagnostique, mais aussi début de mise en œuvre
impuissant », « ce doit être l'âge », « une femme thérapeutique.
ménopausée n'a pas de désir… »), qui renvoient
la plupart du temps à un sentiment de perte et
d'impossibilité face au symptôme sexuel. Derrière la plainte,
Les premiers mots du patient en consultation le symptôme sexuel
sont toujours révélateurs du sens individuel attri-
bué au symptôme, et tracent un chemin d'accès La pathologie sexuelle offre un catalogue étendu
vers sa guérison pour qui sait les entendre. Ils de symptômes. La structuration actuelle de nos
portent en eux désespoir et espoir, et permettent connaissances, dans un courant à la fois plus médi-
d'accéder à la dimension de la souffrance du calisé et mieux reconnu par la communauté scien-
patient ainsi qu'à sa manière de la vivre. Ils tra- tifique internationale, s'inspire de l'Evidence-Based
Chapitre 8. Problèmes sexuels 185
Medicine (EBM) et s'appuie sur des classifications l'excitation et troubles à composante doulou-
quelquefois réductrices, mais qui ont l'avantage reuse. Pour que le trouble soit avéré, il doit aussi
de dégager un langage commun de dénomina- être responsable d'une souffrance subjective mar-
tions reconnues par l'ensemble des différentes quée et/ou de difficultés interpersonnelles [6].
approches du champ de la sexologie. Une révision de la définition de l'éjaculation
Nous n'entrerons pas ici dans les détails des dif- précoce a elle aussi récemment vu le jour, à la suite
férentes formes cliniques des grandes affections des importants travaux publiés depuis les années
rencontrées en matière de pathologie sexuelle, 2002. Elle a été modifiée avec la mise en œuvre de
et l'on se référera à chacun des grands chapitres nouvelles échelles d'évaluation comme l'Intrava-
de ce livre pour les étudier plus largement. Le ginal Ejaculation Latency Time (IELT) [7] ou le
tableau 8.1 permet de reprendre les différents Premature Ejaculation Profile (PEP) [8]. La défi-
symptômes, tels qu'ils sont consacrés par l'usage nition actuellement retenue est celle de l'Interna-
et utilisés en pratique clinique sexologique cou- tional Society for Sexual Medicine (ISSM) [9].
rante, pour les resituer dans le cadre des nomencla-
tures existantes et reconnues du DSM-IV et de la
CIM-10, relevant l'une de l'American Psychiatric
Association (APA) [3] et l'autre de l'OMS [4]. Analyse du symptôme
Plus récemment, ces définitions ont fait l'ob- (figure 8.1)
jet d'une évolution importante lors de plusieurs
conférences internationales de consensus profes- Situation problème
sionnel. Les troubles féminins ont été les premiers et état sexuel antérieur
à donner lieu à une révision correspondant mieux
à la réalité clinique. Dans la classification de 2004 L'une des règles de base en sexologie, comme
proposée par le groupe de travail de R. Basson [5], en médecine cognitivo-comportementale, est de
il est tenu compte à la fois du statut hormonal et faire décrire, très concrètement, la situation qui
de la relation au partenaire, ainsi que du vécu sub- pose problème. Il est toujours utile de partir de
jectif accompagnant ce type de pathologies. Une l'état sexuel antérieur du patient avant d'aborder
distinction est faite entre troubles de l'orgasme, la description de son symptôme sexuel, ce qui
troubles du désir sexuel hypo-actif, troubles de n'est pas toujours très évident car la bonne santé
Tableau 8.1 Nomenclature des symptômes les plus fréquents en pathologie sexuelle.
CIM-10 Réf. DSM-IV Pratique clinique
Absence ou perte de désir sexuel F52.0 Baisse de désir sexuel – Désir sexuel hypo-actif
– Anaphrodisies
Aversion sexuelle et absence de F52.1 Aversion sexuelle – Aversions sexuelles
plaisir sexuel – Anhédonies
Échec de la réponse génitale F52.2 – Troubles de l'excitation chez l'homme – Dysfonctions érectiles
– Troubles de l'excitation chez la femme – Troubles de l'excitation féminine (lubrification…)
Dysfonctions orgasmiques F52.3 – Troubles de l'orgasme chez l'homme Anorgasmies et dysorgasmies masculines et
– Troubles de l'orgasme chez la femme féminines et leurs différentes formes cliniques
Éjaculation précoce F52.4 Éjaculation précoce Éjaculation précoce
Vaginisme F52.5 Troubles sexuels avec douleur – Vaginisme
– Vaginisme
Dyspareunies F52.6 Dyspareunies masculines et féminines et leurs
– Dyspareunies
différentes formes cliniques
Activité sexuelle excessive F52.7 Activité sexuelle excessive, addictions sexuelles
Troubles de l'identité sexuelle F64.x Troubles de l'identité sexuelle Dysphories de genre, troubles de l'identité
Transsexualisme (F64.0)
186 Manuel de sexologie
Évaluation du symptôme
et de sa dynamique Contexte
– Evénements de vie
Individu
– Environnement
Facteurs de fragilité :
État
sexuel – antécédents
antérieur – capacité adaptative
– capacité érotique
– fausses croyances
Poids d’organicité Symptôme
Couple
Demande
Facteurs de maintien/
de renforcement :
– partenaire et adaptabilité
Stratégie thérapeutique – nature du lien
– objectif – dynamique de couple
– moyens thérapeutiques
– contrat thérapeutique
ne se ressent pas. Dans un domaine aussi difficile l'appréhender dans ses modalités d'expression
à mettre en normes que la sexualité, l'état sexuel concrète (« où, quand, comment ») sans trop cher-
antérieur et la satisfaction toute personnelle qui cher à répondre immédiatement au « pourquoi »
s'y attache servent de point de départ et de réfé- qui cache surtout derrière le questionnement
rence à l'objectif thérapeutique. incessant et culpabilisé du patient son impossibi-
Une description du symptôme, et plus précisé- lité à accepter le symptôme.
ment de l'ensemble de la situation qui pose pro- Ses circonstances de survenue, ses modalités de
blème, permettra ensuite de mieux le définir, de début, son installation primaire ou secondaire, sa
mieux y accéder, sans oublier qu'un symptôme répétition, systématique ou occasionnelle, avec
peut en cacher un autre. En matière de sexualité, quel partenaire, etc. sont riches d'enseignements
il n'est pas rare que les mots ne renvoient pas tou- sur la présence ou non d'une épine irritative orga-
jours aux mêmes définitions. Le patient pourra par nique, et dressent peu à peu le profil séméiolo-
exemple parler d'impuissance alors qu'il souffre gique de la difficulté sexuelle. On pourra s'aider
d'éjaculation précoce, ou de frigidité dans une de questionnaires et d'échelles d'évaluation, actuel-
dyspareunie. Définir le symptôme, c'est cristalli- lement de plus en plus largement utilisés dans le
ser la plainte pour mieux la circonscrire, c'est la décodage de la symptomatologie sexuelle [10].
limiter dans l'espace et le temps de l'imaginaire du Ils ont le mérite d'uniformiser l'approche d'un
patient, pour déjà commencer à y remédier. trouble sexuel, et de définir un langage commun
standardisé international, facilement accessible à
Symptôme dans sa dynamique tous, et surtout de s'avérer suffisamment repro-
ductibles pour les études cliniques. Mais ils ne
Décrire le symptôme, c'est aussi l'inscrire dans constituent la plupart du temps qu'un reflet rudi-
sa durée, lui attribuer un début pour laisser au mentaire des mécanismes en cause dans une dys-
patient la possibilité d'y entrevoir une fin. C'est fonction sexuelle.
Chapitre 8. Problèmes sexuels 187
Analyse fonctionnelle
Antécédents historiques A
Antécédents récents B
Comportement problème C
Conséquences D (E-F)
toujours celui qui est atteint mais parfois l'autre, déjà si dur à mettre en place depuis des années par
soit par fragilité personnelle (« Qu'est-ce que je certains couples, épuisés par trop de concessions
vais devenir ? ») soit par égoïsme (« Il ne manquait puis de déceptions, va amener à la séparation ;
plus que ça… ! »). Ces réflexions-interrogations soit un positionnement positif est possible avec
peuvent paraître étonnantes et conditionner bien ce qu'il reste de bonheur, de désir et d'hésitation.
souvent le comportement affectif et sensuel ou « Comment reconstruire une sexualité harmo-
sexuel au sein du couple. nieuse et tout simplement en construire une ? »,
Le désir et le plaisir peuvent avoir momen- m'expriment certains couples. « On n'a jamais été
tanément été abandonnés, le patient ayant eu si proches, aussi amoureux que depuis la mala-
l'impression de « flirter » avec la mort de trop die. » Bien des séances seraient nécessaires pour
près. Il faut du temps pour apprivoiser la peur, le identifier pourquoi cela…
changement, la perte de repères habituels sur la Je me place comme sexothérapeute du « com-
sensualité corporelle à laquelle on s'était habitué ment faire maintenant et avec quelle méthode ».
et qui pour bon nombre d'entre eux était satis- Il va sans dire que faire l'amour avec l'autre, passe
faisante. Un choix s'avère parfois nécessaire : soit par aimer son corps même avec les défauts et com-
le changement d'habitudes sensuelles et sexuelles poser avec [17].
192 Manuel de sexologie
À la suite d'un cancer, l'élément corporel La nouvelle harmonie sexuelle du couple dépen-
devient plus difficile à gérer car souvent amputé, dra donc de toute la prise en charge de l'accepta-
strié de cicatrices, « habité » par une prothèse plus tion positive de son nouveau corps déjà pour soi,
ou moins agréable à supporter pour soi ou l'autre, faire avec lui, en le mettant et en se mettant en
sans compter la fatigue (gérée par le médecin valeur. Les plus belles gravures de mode n'inspirent
traitant) et la sécheresse de la peau, la perte des pas toujours l'irrésistible désir. Il manque souvent
cheveux, etc. venant vous rappeler qu'il va falloir l'essentiel, la redoutable force à l'intérieur de soi, le
composer avec cette nouvelle Vénus ou ce nouvel charme indispensable… Car la forme et les formes
Apollon qui a perdu quelques-uns de ses attributs ne suffisent pas toujours à elles seules à faire pas-
de séduction symboliques. ser l'étourdissante émotion du désir et du plaisir.
Il est en effet souvent question de gérer cette D'ailleurs est-on toujours obligé de passer à l'acte ?
double perte de l'organe et du symbole. Un can- La sexothérapeute s'orientera, avant les propo-
cer de l'omoplate ou du mollet ne vous atteint pas sitions techniques, sur la reprogrammation de la
en plein cœur. Par contre, les cancers dits symbo- communication :
liques et affectifs comme ceux du sein, du pénis, • communiquer avec des mots doux, apaisants et
du testicule qui se voient, mais aussi ceux de la renforçateurs pour l'autre ;
prostate, de l'ovaire ou de l'utérus qui ne se voient • renforcement personnel : se relooker, s'aimer, etc. ;
pas, conditionnent toute une vie d'homme ou de • la sensualité des mots (« j'aime bien la façon
femme désirable ou désiré(e) et peuvent ainsi dont tu portes ton nouveau body sexy », « toi
remettre en jeu toute approche de séduction/ aussi le look saharien te va bien ! », « on peut
désir, prélude au rapprochement harmonieux du seulement se caresser », « caresse-moi », « On est
rapport amoureux. Le thérapeute devra alors tra- tous les deux, c'est super »…) ;
vailler sur l'écoute de l'anxiophobie du regard de • la sensualité des caresses : surtout ne pas se foca-
l'autre, de soi, du toucher, etc. : liser sur la zone malade sans pour autant l'oublier
• peur du regard de l'autre ; ou l'exclure mais réinventer une prise de contact
• peur d'être repoussant(e) ; sensuelle pour intégrer celle-ci dans le panel des
• peur d'être contagieux(se) (maladies du vagin, possibilités d'effleurage et de caresses sensuelles,
de la vulve, du pénis en conjonction avec une faire exister cette zone douloureuse en la réap-
MST) ; privoisant avec le temps et le respect pour l'autre
• douleur intense au toucher. Les caresses sont évidemment (certains patients mettront déjà 6 à
intolérables à défaut d'être inexistantes, perte 8 mois avant d'être à l'aise eux-mêmes en touchant
de sensibilité ou hypersensibilité des zones et regardant une cicatrice. Certains se cachent…).
érogènes ou sexuelles, rendant toute approche C'est pourquoi ce n'est qu'avec le juste temps
vouée à l'échec ; que la patiente pourra inciter son compagnon à
• peur de ne plus pouvoir avoir d'enfant normale- toucher cette partie « exclue » et vice versa pour les
ment, ce qui d'ailleurs s'avère souvent la réalité et hommes. Les hommes ont peut-être moins de mal
le(la) patient(e) aura recours à l'AMP. Les prélève- à parler de cicatrices mais plus de difficulté à évo-
ments de tissu ovarien avec réimplantation après quer un organe sexuel visible qui ne fonctionne
guérison du cancer, le prélèvement de sperme plus ou mal. À chacun d'avoir la délicatesse qu'il
congelé au centre d'études et de conservation convient de mettre en place.
des œufs et du sperme humain (CECOS) doivent
être exposés. Cela n'enlève-t-il pas pour bon
nombre de couples un intérêt particulier pour le Chemin des retrouvailles
rapport sexuel, sachant que certains hommes ou à deux [18]
femmes n'ont du désir (inconsciemment bien sûr)
que lorsqu'il y a un risque de fécondation ? Cela Il requiert :
entraîne l'excitation dans le risque et l'interdit ; • une re-sensibilisation progressive de la sensua-
• deuil douloureux de la filiation. lité/sexualité corporelle ;
Chapitre 8. Problèmes sexuels 193
• de s'y préparer : ambiance calme ou musicale, Si la nudité gêne, oser penser à la chirurgie
hydratation des parties génitales sensibles avec esthétique ou reconstructrice ou à la pose de pro-
un gel Véa Olio® (hydratant et restructurant des thèses auto-adhésives en gardant un joli « petit
muqueuses, vitamine E) ; haut » en satin doux. La nudité n'est pas obliga-
• de la sensualité par un massage des autres par- toire, la suggestion est parfois aussi érotique. Se
ties du corps avec une huile de massage ordi- faire plaisir si l'on fait une reconstruction, loin
naire (huile sèche) ou talc. d'être obligatoire, se faire plaisir à soi mais mettre
l'autre dans la complicité.
Pour la femme
Désensibilisation systématique Si c'est possible faire fonctionner la musculature
de la phobie du toucher vaginale ou le faire avec une rééducation péri-
néosphinctérienne, si le ou les sphincters ont été
Exemple de désensibilisation systématique
atteints par la maladie. S'ils sont seulement affai-
(DS) : sous relaxation faire visualiser des scènes
blis, faire des exercices de Kegel : serrer en même
angoissantes, classées de 0 à 100 selon Wolpe et
temps le sphincter vésical et anal, plusieurs fois à la
in vitro faire imaginer au patient ce qui l'angoisse.
suite et trois fois par jour (exercices pour homme
Exemple : « Je me vois dans une scène où il ou elle
et femme).
me caresse sur une zone que je n'aime plus, mais
en fait je me vois me détendre et tout se passe
Pour l'homme
bien. » Le thérapeute peut étendre à dix séances
ces visualisations pour aider le patient à recons- Plus précisément pour les patients masculins, les
truire son univers érotico-sensuel [19]. aider à recadrer leurs angoisses de performance
(faire comme avant, être comme avant). Bien leur
Ce qu'on ne dit pas ! indiquer qu'avant tout leur compagne attend aussi
câlins, tendresse, sensualité des mots et des gestes
La bonne volonté et l'amour ne suffisent pas tou-
avant la sexualité. Pour ces patients, ne pas hésiter
jours à réconcilier envie et capacité. Il faut se don-
à mettre en place les programmes de désensibilisa-
ner d'autres moyens.
tion systématique et de Masters et Johnson, cités
plus haut.
Pour le désir
Cependant, il est bien entendu que même face à
Réapprendre à se motiver et se donner des rendez- la rencontre avec la maladie, il faut bien décoder le
vous amoureux pour prendre le temps de réhydra- discours masculin, si différent à ce niveau de celui
ter et masser le corps avant d'essayer un rapport de la femme qui reste moins désespérée face à des
sexuel, surtout après une radiothérapie ou une performances amoindries.
chimiothérapie. Tout en dédramatisant les pannes sexuelles, les
La sécheresse des muqueuses vaginales et du dysérections sont fréquentes et normales après
gland doit être une priorité pendant et après trai- l'hypertrophie de la prostate et prostatectomie
tement et sans honte à le faire. radicale et les érections ne reprendront que très
194 Manuel de sexologie
progressivement (sans section des nerfs érecteurs). amoureusement en se prenant la main, en dor-
Accéder alors au désir de prescription de Viagra®, mant côte à côte ou en correspondant sans s'être
Cialis®. Les injections intracaverneuses seront très rencontrées, d'autres auront des relations sexuelles
bénéfiques pour retrouver une bonne érection avec ou sans pénétration. Quelle que soit la gravité
(piqûres indolores dans le pénis, explication don- du handicap, tout le monde peut rencontrer un
née par le généraliste ou l'urologue). La pompe conjoint. Habituellement, la femme demande si
à érection, le vacuum, peut aussi être une bonne elle pourra plaire à nouveau : quel homme aura
aide. La prothèse pénienne est un implant défi- envie d'elle dans cet état ? L'homme veut récupé-
nitif qui peut également être mis en place sur la rer son érection, car quelle femme resterait avec
demande du patient avec l'accord de l'oncologue lui sans pénétration ? Le thérapeute évitera de se
et urologue. focaliser sur le handicap pour voir simplement un
individu avec des spécificités médicales.
Le préjudice sexuel est reconnu comme tel par
Conclusion la jurisprudence de la Cour de cassation.
médication se sonde 5 à 6 fois par jour et ne perd institutions, à utiliser les petites annonces ou
pas ses urines, sinon il doit consulter en urologie. Internet. Comme les agences matrimoniales
Un tétraplégique dans l'impossibilité de s'auto- refusent habituellement les personnes handica-
sonder peut préférer une sonde à demeure (lors pées, on conseille des associations sérieuses qui
du rapport sexuel, la femme remonte la sonde du permettent la rencontre de personnes handicapées
côté de l'aine en la scotchant sur l'abdomen), ou avec des personnes valides ou handicapées comme
une dérivation urinaire de stomie avec soit une Handiclub8.
poche à vider, soit un clapet à même la peau per-
mettant la vidange par sondage.
S'il persiste des fuites, faire appel à la chirurgie : Déficit ou absence
sphincter urinaire (vidange par simple manipula- de sensibilité génitale
tion aux toilettes), agrandissement de vessie…
Si l'homme a peur de perdre ses urines en intra- Selon le niveau lésionnel, la sensibilité des organes
vaginal comme c'est possible lors d'atteintes neu- génitaux sera différente ou absente et les caresses
rologiques, il utilisera un préservatif les premières génitales peuvent ne pas être désirées ou même
fois pour se rassurer. être désagréables même si elles provoquent des
Pour les selles, en principe la rééducation aidée réactions mécaniques (érection du pénis ou du cli-
parfois de chirurgie permet la continence. S'il existe toris, sécrétions vaginales).
des fuites de matière ou de gaz, un obturateur anal,
sorte de tampon qui s'évase en corolle dans le rec-
tum, peut être placé le temps du rapport [23]. Femmes
Elles sont sujettes aux infections gynécologiques.
Syndrome d'hyper-réflexie Elles compenseront le déficit de lubrification de
autonome (HRA) préférence par les gelées spermicides qui ont un
rôle protecteur contre les infections sexuellement
C'est une hypertension paroxystique pouvant être transmissibles en empêchant la migration des
gravissime, qui associe ralentissement du cœur, germes vers les voies génitales hautes.
contractures, frissons, flush de la face, hypersuda- Katline Charvier de Lyon explique en 2001 :
tion sus-lésionnelle, tremblements, nausées, malaise « Dans les lésions hautes avec atteinte des centres
général et céphalées pouvant être violentes. Cela S2–S3–S4, il existe, sur le plan somatique et des
peut survenir dans les lésions supérieures à D6 lors racines médullaires, une anesthésie complète des
des premières masturbations ou éjaculations pour organes génitaux externes et internes confirmée
l'homme, les premières pénétrations ou l'accouche- par le testing vaginal, anal et vulvaire. Le vagin est
ment pour la femme. Prévention systématique du innervé par des branches sacrées. Mais le fond de
risque : un comprimé de nifédipine ou captopril est l'utérus serait innervé par des branches du vague
donné et la personne le prendra avant l'acte sexuel. venant de très haut. Ce vague expliquerait pour-
On conseille d'apprendre à tolérer la montée de quoi certaines femmes ayant des lésions com-
tension, interrompre et reprendre en alternance. Ce plètes, qui ne sentent pas la pénétration, peuvent
phénomène s'atténue avec la répétition de l'acte. ressentir des sensations orgasmiques lors de la
stimulation du fond du vagin avec engorgement,
sécrétions vaginales, contractions de l'utérus. »
Comment rencontrer Les femmes décrivent des bouffées de plaisir, sorte
un partenaire en étant de fourmillement qui remonte dans les seins et le
handicapé [23] ? cou donnant une sensation de plénitude [22, 24].
On incite à la reprise d'une vie sociale, à des séjours 8 Association Handiclub, Tel. : 04 90 39 02 84. Site
de vacances adaptées ou non, des échanges inter- Internet : www.handiclub.org
Chapitre 8. Problèmes sexuels 197
[26]. La prise en charge de ces troubles fait partie d'en découvrir le stimulus déclenchant efficace,
intégrante de la rééducation et de la réadaptation ils n'ont pas en revanche d'érection psycho-
fonctionnelle. gène. De la moitié aux 2/3 des hommes avec
une lésion de la moelle épinière comprise entre
C5 et T6 pourraient déclencher une éjacula-
Lésions médullaires tion par stimulation vibratoire pénienne [27].
chez l'homme L'éjaculation est perçue indirectement car pré-
cédée de contractures et parfois même, lors des
Physiopathologie premières éjaculations, de phénomènes d'hyper-
réflexie autonome (phénomènes d'hyperacti-
Les niveaux supérieur et inférieur de l'atteinte vité sympathique sus-lésionnelle avec poussée
médullaire, par rapport au niveau des centres de d'HTA, parfois céphalées, sueurs). L'éjaculation
l'érection et de l'éjaculation, ainsi que le caractère est suivie d'une flaccidité musculaire tout à fait
complet ou incomplet de la lésion vont condition- inhabituelle, pendant quelques heures, et vécue
ner la nature des troubles sexuels. comme un bien-être.
Dans les lésions médullaires complètes, après Les paraplégiques dont la lésion atteint la
une phase de choc spinal, la moelle reprend un moelle thoracolombaire (figure 8.4) auront des
fonctionnement automatique en dessous de la érections purement réflexes (si leur moelle sacrée
lésion. Si les centres impliqués dans la fonction est préservée), mais ne pourront éjaculer du fait de
génitosexuelle sont entièrement sous-lésionnels, l'absence d'émission de sperme.
ceux-ci pourront fonctionner de façon réflexe. Les patients dont la moelle ou les racines sacrées
Les paraplégiques dont la limite inférieure ont été atteintes (syndrome de la queue de che-
de la lésion reste située au-dessus de T10 val, figure 8.5), ne peuvent obtenir d'érection et
(figure 8.3) peuvent espérer obtenir des érec- d'éjaculation réflexe, par contre dans la mesure
tions et des éjaculations réflexes, à condition où le centre sympathique thoracolombaire est
Érections réflexes
Pas d'érection psychogène
Éjaculation réflexe possible
T11
T12
L1 (Σ)
Nerf dorsal
S2 Nerf
S3 caverneux
S4 Nerf érecteur (X) Σ et X
Nerf pudendal
Nerf (NHI)
périnéal
Figure 8.3 Physiopathologie : lésions médullaires centrales. Les centres thoracolombaires et sacrés sont entièrement
sous-lésionnels.
Chapitre 8. Problèmes sexuels 199
Sympathique lésionnel
Érections réflexes
Pas d'érection psychogène
Aucune éjaculation possible
T11
T12
L1 (Σ)
Nerf dorsal
S2 Nerf
S3 caverneux
Nerf pudendal S4 Nerf érecteur (X) Σ et X
(NHI)
Nerf
périnéal
Figure 8.4 Physiopathologie : centre sympathique lésionnel.
T11
T12
L1 (Σ)
Nerf dorsal
S2 Nerf
S3 caverneux
Nerf pudendal S4 Nerf érecteur (X) Σ et X
(NHI)
Nerf
périnéal
Figure 8.5 Syndrome de la queue de cheval : le centre sympatique thoracolombaire est préservé, le centre sacré est
lésionnel.
p réservé, ils peuvent souvent obtenir des érections De façon exceptionnelle, certains paraplégiques
psychogènes et des éjaculations souvent précoces, ont une lésion située entre les centres thoraco-
et « baveuses » ou « asthéniques », sans jaillisse- lombaire et sacré (syndrome du cône termi-
ment et sans caractère clonique. nal) pouvant permettre d'obtenir des érections
200 Manuel de sexologie
« mixtes » (réflexes et psychogènes) assez proches Specific Suggestions – Intensive Therapy, décrit
de la normale. Néanmoins, dans cette zone ana- par Alexander MS et al en 2007 [29]). Ensuite à
tomique, un générateur spinal de l'éjaculation l'occasion des sorties à domicile, il sera confronté
(GSE) humain a été mis en évidence qui concerne à de nombreux problèmes physiques et psycho-
les segments L3 à L5. Que les segments médul- logiques liés à son handicap. Il lui faudra recon-
laires lésés soient sus- ou sous-jacents au GSE, quérir sa partenaire et celle-ci devra redécouvrir
leur atteinte est significativement marquée par ce corps aux réactions inattendues. La demande
une altération fonctionnelle de l'éjaculation si les de conseils sexuels n'interviendra que dans une
segments L3 à L5 sont également concernés par la seconde phase. Ceux-ci seront axés autour de
lésion de la moelle épinière [27]. quelques thèmes :
Enfin, certains ramollissements médullaires • les « jeux » sexuels devront être d'autant plus
entraînent des nécroses étendues de l'ensemble importants que le coït est difficile ;
de la moelle thoracique, lombaire et sacrée • l'érection est un réflexe qui pourra être entre-
(figure 8.6) interdisant toute réflectivité sous- tenu par le rapport mais de ce fait susceptible
lésionnelle donc toute possibilité d'érection et d'une grande labilité, et tout « inconfort » (non
d'éjaculation. perçu consciemment du fait de l'anesthésie
sous-lésionnelle) sera source d'inhibition de
l'érection. Ce « bien-être » préalable nécessite
Rééducation sexuelle [28] de vider la vessie et le rectum (risque d'incon-
tinence pendant les rapports), de choisir la
L'érection réflexe apparaît initialement lors des position la moins fatigante (en général décubi-
soins et ce sera l'occasion d'expliquer au patient sa tus dorsal ou station assise au fauteuil qui per-
néophysiologie sexuelle. Des cadres éducatifs ont mettent aussi la libération des mains) ; des aides
été rapportés pour aborder la question avec les aux positionnements, coussins ou systèmes plus
personnes lésées médullaires (comme le modèle sophistiqués et personnalisables (comme le
« PLISSIT » = Permission – information LImitée – HandyLover), sont disponibles.
T11
T12
L1 (Σ)
Nerf dorsal
S2 Nerf
S3 caverneux
Nerf pudendal S4 Nerf érecteur (X) Σ et X
(NHI)
Nerf
périnéal
Figure 8.6 Paraplégie flasque : les deux centres, sympathique thoracolombaire et sacré, sont lésionnels.
Chapitre 8. Problèmes sexuels 201
• il n'y a pas de méthode de restauration de la mais très instables ne permettant pas un rapport
sensibilité, et le paraplégique ne percevra pas les satisfaisant, des petites doses sont actives (5 à 10 μg
caresses sous-lésionnelles, il n'aura conscience de PGE1), en général dans les 10 minutes, avec une
de son érection que par le contrôle de la vue ou durée suffisante. Le risque d'érection bloquée est
de la palpation ; important, environ 10 % ont, même avec les doses
• c'est le/la partenaire qui devient le « chef les plus faibles, des érections de plus de 3 heures.
d'orchestre » du rapport, étudiant les réactions Il convient donc d'être particulièrement prudent.
de son conjoint pour maintenir une érection L'acceptation et le suivi de ces injections chez le
stable ; un petit élastique prudemment appliqué patient neurologique sont meilleurs que dans les
à la base de la verge pourra parfois permettre autres indications, non tant parce que l'injection
une érection plus rigide ou plus stable ; n'est pas douloureuse que par le fait qu'il s'agit de
• l'éjaculation n'est que rarement obtenue au cours patients habitués à se prendre en charge et notam-
du rapport (alors que la masturbation prolongée ment à réaliser des sondages urinaires intermit-
est souvent plus efficace dans ce domaine). tents, à utiliser des collecteurs urinaires, etc. Ce
Dans les lésions de type périphérique, l'érection handicap sexuel fait partie d'un handicap physique
psychogène n'est pas toujours obtenue, souvent visible, sans connotation de culpabilité vis-à-vis du
de qualité médiocre et la pénétration ne sera pas trouble érectile.
toujours possible. Les injections intracaverneuses de prostaglan-
dine sont actuellement remboursées par les orga-
Aides à l'érection nismes sociaux, ce qui fait qu'elles sont souvent
prescrites (sur ordonnances de médicaments d'ex-
Inhibiteurs des phosphodiestérases de type 5
ception) de préférence aux médicaments per os.
Ils ont été testés chez le blessé médullaire dans le
cadre de protocoles thérapeutiques spécifiques et Prothèses
ont fait la preuve de leur efficacité (80 % d'amélio- Depuis l'utilisation des injections intracaver-
ration de l'érection versus 10 % pour le placebo) et neuses, les indications sont devenues excep-
de leur excellente tolérance. C'est bien sûr le traite- tionnelles. Elles ne se conçoivent que dans les
ment de première intention, à proposer quand les paraplégies flasques dorsales ne répondant pas
érections réflexes ne sont pas suffisamment stables. aux traitements médicaux. En fait, l'indication des
Il faut cependant relativiser les taux de succès obte- prothèses chez le blessé médullaire est avant tout
nus : environ la moitié des patients arrivent à avoir d'origine urinaire : il s'agit de patients victimes de
plus de 60 % de rapports sexuels « réussis » sous phénomènes de rétraction de verge chez lesquels
traitement. Rien ne permet de penser qu'un médi- on n'arrive pas à obtenir une bonne adaptation de
cament est supérieur à un autre. Il faut simplement l'étui pénien.
noter que les produits augmentent également les
érections spontanées des paraplégiques ce qui peut Électrostimulation intradurale
poser problème si cela favorise une désadaptation (système de Brindley)
de l'étui pénien des patients qui en sont porteurs. L'implantation d'un électrostimulateur des racines
Aucun de ces traitements n'est remboursé par les sacrées, implanté en intradural [30] est proposée
organismes sociaux, même dans cette étiologie, ce dans certaines neurovessies spastiques, on y asso-
qui en limite considérablement l'indication chez cie une section des racines postérieures sacrées
des patients aux ressources limitées. pour traiter la dyssynergie vésicosphinctérienne,
celle-ci interdit l'érection réflexe. La stimulation
Injections intracaverneuses motrice se fait sur les racines antérieures. On
de drogues vaso-actives peut également utiliser un programme de stimu-
Elles sont particulièrement adaptées aux blessés lation de l'érection, mais l'éjaculation ne pourra
médullaires, efficaces dans 95 % des cas. Dans les plus être obtenue. Les injections intracaverneuses
lésions centrales, où existent des érections réflexes restent actives même après la radicotomie.
202 Manuel de sexologie
paraplégiques thoraciques ont un potentiel éja- des niveaux supérieurs à T10 ; la technique est faci-
culatoire correct, les syndromes de la queue de lement utilisée à la maison. Elle est difficilement
cheval et du cône terminal éjaculent avec des éja- intégrable dans le cadre d'une sexualité de couple
culations « baveuses », enfin les patients ayant des mais a indiscutablement un intérêt « récréatif »
syndromes lésionnels en T12, L1, L2 ne pourront et, après l'éjaculation, le patient a une disparition
éjaculer quelle que soit la méthode. complète de la spasticité pendant quelques heures,
ce qui lui procure un bien-être significatif.
Demande réelle du patient
Électro-éjaculation
La demande de procréation est en général liée
à une démarche du couple, mais les jeunes céli- L'électro-éjaculation par stimulation intrarectale
bataires formulent également une demande de stimule les fibres préganglionnaires efférentes au
déclenchement éjaculatoire. Il peut s'agir d'une plexus hypogastrique. Elle ne peut être appliquée
demande visant à retrouver un sentiment de « viri- qu'aux lésions complètes car sinon elle est perçue
lité » qui s'intègre dans une démarche plus globale comme douloureuse. Elle nécessite bien sûr une
de réappropriation corporelle. Il peut s'agir d'une présence médicale.
demande induite par le corps médical, l'objectif Les drogues
est alors d'obtenir une congélation préventive
De nombreux médicaments pris par les blessés
pour prévenir les conséquences d'éventuelles
médullaires peuvent altérer l'aptitude à déclen-
complications génitales d'origine infectieuse ris-
cher une éjaculation. L'éjaculation est un réflexe
quant d'altérer la fertilité ultérieure.
et son obtention peut être inhibée par les médi-
caments antispastiques, mais également anticho-
Méthodes d'obtention de l'éjaculation
linergiques (utilisés pour l'hyperactivité vésicale),
Spontanée anti-épileptiques (utilisés pour les douleurs
L'éjaculation peut être obtenue spontanément, sous-lésionnelles).
au cours d'un rapport, essentiellement dans les L'utilisation des inhibiteurs des phosphodies-
lésions incomplètes, ce qui est surtout le fait des térases de type 5 peut faciliter le déclenchement
lésions cervicales. L'obtention de cette éjaculation éjaculatoire que ce soit par masturbation ou
nécessite cependant une stimulation plus prolon- par vibromassage. Ces médicaments n'agissent
gée que chez l'homme normal. Dans le syndrome pas directement sur l'éjaculation, mais en facili-
de la queue de cheval, en revanche l'éjaculation est tant l'érection du gland, ils permettent une plus
souvent prématurée, incontrôlée. grande stimulation des fibres afférentes au réflexe
éjaculatoire.
Masturbation Le chlorhydrate de midodrine (Gutron®) en
Elle facilite l'érection et peut parfois entraîner une perfusion ou per os facilite le déclenchement éja-
éjaculation qui doit être très prolongée. Elle est culatoire. Il s'agit d'un alpha-adrénergique péri-
plus facilement efficace chez les jeunes patients. phérique qui peut également traiter l'éjaculation
rétrograde. Son efficacité est de l'ordre de 50 %
Vibromassage en comprimés, mais sa tolérance est médiocre,
La technique de François [28], qui utilise un déclenchant des phénomènes d'hyper-réflexie qu'il
vibromasseur que l'on appuie sur le frein pendant convient de contrôler médicalement au moins lors
3 minutes (à répéter deux fois éventuellement des premiers déclenchements. Quelques patients
avec un intervalle d'une minute), est une méthode peuvent utiliser ce traitement pour faciliter l'ob-
réflexe simple et souvent efficace quand le centre tention de l'éjaculation au cours des rapports.
sacré est préservé. Par cette méthode, 80 % des
patients dont la limite inférieure du syndrome Prélèvements chirurgicaux
lésionnel est supérieure à T11, éjaculent : à peu Les patients qui ne peuvent éjaculer du fait de
près tous les tétraplégiques et la grande majorité leur niveau neurologique, notamment ceux dont
204 Manuel de sexologie
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Chapitre 9
Troubles des conduites sexuelles
ses variantes physiologiques. Ceci est le plus sou- culaire ou de cancer et ce, en référence à des
vent très simple et non contestable. Il est ainsi, données épidémiologiques précises. A contra-
pour ne citer que deux exemples, facile de définir rio, dans le domaine de la santé sexuelle, il n'y
un trouble de la marche ou de la fonction diges- a que peu de données scientifiques validées per-
tive. Il est en effet possible de définir les variantes mettant de conseiller ou non tel type de com-
physiologiques et les variations contextuelles de la portement sexuel. Il existe certes des données
marche ou de la fonction digestive en fonction de parcellaires mais elles sont insuffisantes pour
l'âge, de l'activité du sujet ou du milieu environ- préconiser un type de sexualité : « bon pour la
nant. Ces données physiologiques sont universelles santé ». Citons pour illustration l'exemple du
et ne se modifient pas avec le temps, hormis peut- cancer de la prostate ; des études suggèrent que
être avec la lente évolution de l'espèce humaine. la fréquence de l'éjaculation est inversement liée
En matière santé mentale et de comportement au risque de cancer de la prostate mais ceci ne
sexuel en particulier, définir le fonctionnement suffit pas à préconiser une importante fréquence
normal d'un sujet est plus difficile. Il existe de d'éjaculation pour la population générale ou
multiples normes et pour chacune d'elles des considérer comme pathologique ou patho-
déviances spécifiques. gène (inductrice de risque de cancer) certaines
Il est habituel de distinguer : conduites sexuelles masculines comme l'absti-
• la norme morale ou religieuse : elle fixe par nence volontaire.
exemple l'interdiction des relations sexuelles Du fait de la multiplicité des normes en matière
hors mariage. Cette norme est loin d'être uni- de conduites sexuelles, nous verrons qu'il est
verselle. Les religions ont chacune leurs inter- impossible d'établir une nosographie qui ne tient
dits spécifiques ; compte que de données objectives en faisant abs-
• la norme « légale » : les déviances constituent traction de toutes les autres normes.
ici des infractions mais les lois varient d'une
époque à l'autre et surtout d'un état à l'autre.
Ainsi, l'adultère et l'homosexualité ne sont plus L'approche médicale des troubles
des comportements « pénalisés » en France mais des conduites sexuelles impose
le sont encore dans de nombreux états de droit ; le recours à une nosographie
• la norme statistique : dans ce registre, est consi-
déré comme déviant tout comportement qui Malgré l'absence de données scientifiques objec-
n'est pas le fait d'une majorité. Cette norme est tives validées pour définir le normal et le patholo-
aussi évolutive et variable d'une culture à l'autre. gique en matière de comportement sexuel, depuis
Il est ainsi notable de constater l'importance de au moins deux siècles (depuis le phénomène qu'il
l'infidélité dans les populations européennes faut appeler la médicalisation de la sexualité [1],
masculines (l'infidélité est non pénalisée dans la les médecins sont tenus de répondre à la question
plupart des pays de l'Europe) ; la fidélité mas- de « l'anormalité » de certaines conduites sexuelles
culine n'est pas encore un comportement aty- dans plusieurs circonstances :
pique, mais dans de nombreux pays d'Europe • suite à une demande judiciaire (expertises
c'est un comportement minoritaire ; pénales) ou sanitaire (prévention des maladies
• la norme médicale (qui devrait être notre seule des infections sexuellement transmissibles, pré-
référence dans les nosographies) : elle liste les vention des violences sexuelles ou pour répondre
comportements qui mettent en péril la santé à une politique nataliste) ;
d'un sujet. Ainsi en médecine, il est par exemple • suite à une demande de soins émanant du
possible de définir les quantités d'alcool qu'un patient lui-même, ou de son entourage (parte-
individu peut consommer sans mettre (poten- naire, éducateurs,institutions) ;
tiellement, d'un point de vue statistique) en • suite à une condamnation ou mise en cause
péril sa santé en matière de risque cardio-vas- pour une infraction à caractère sexuel.
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 209
Pour satisfaire à ces demandes, les médecins ont Certains souhaitent que les sexualités atypiques
établi divers « catalogues des déviances » par rap- quittent le registre des troubles mentaux pour celui
port à une norme, norme qu'ils fixaient souvent de la santé sexuelle, d'autres que seules certaines
eux-mêmes. formes de sexualité atypique soient reconnues
Les définitions et la terminologie des déviances comme des paraphilies (vœu en partie exaucé dans
changent avec les époques. la cinquième version du DSM). De façon synthé-
Ainsi, au fil des années ces déviances se sont tique nous pouvons remarquer dans l'évolution des
nommées perversion, trouble des préférences nosographies CIM et DSM l'évolution suivante.
sexuelles, paraphilies et enfin troubles paraphi- Au début des classifications des troubles des
liques. Faute de vrai référentiel médical, les pre- conduites sexuelles, au xixe siècle, l'ensemble des
mières nosographies des « déviances sexuelles » sexualités non procréatives étaient considérées
restaient toujours très dépendantes de la norme comme des perversions (sodomie, homosexualité,
culturelle ou légale en vigueur. fétichisme, exhibitionnisme, etc.).
Pour éviter cet écueil depuis le début du Aujourd'hui, ce sont les notions de non-consente-
xxe siècle
; une conception purement morale ment et de préjudice qui déterminent quelles sexua-
des sexualités atypiques, les médecins sont à la lités atypiques doivent être du registre de la déviance.
recherche d'une approche athéorique sans réfé- Ceci va de fait exclure du champ de la pathologie
rence au paradigme des sociétés en matière de certaines conduites sexuelles comme par exemple
« sexualité déviante », une approche pragmatique certaines formes de masochisme ou de fétichisme.
ne reposant que sur des données scientifiques et Nous le voyons, la multiplicité des normes, leurs
épidémiologiques. constantes évolutions conjuguées à la non-univer-
Les progrès sont notables mais semblent suivre salité des interdits légaux est confusiogène. Nous
toutefois les évolutions de la société et non les devons pourtant répondre aux demandes en utilisant
précéder, ainsi, l'homosexualité, jadis considérée des outils diagnostics se référant à des nosographies
comme une perversion, a été progressivement même si nous devons avoir toujours en mémoire la
« dépénalisée » dans de nombreux états avant nature imparfaite et provisoire de celles-ci.
d'être « dépsychiatrisée » et de disparaitre des
nosographies.
Ainsi, malgré le souci d'objectivité des rédac- Premières nosographies : du
teurs des nosographies récentes (la rédaction de la
onzième version de la CIM a pris plus de 10 ans), « catalogue des perversions »
les nosographies ne peuvent pas faire totalement au concept de paraphilie
abstraction des paradigmes d'une société en
matière de « déviance sexuelle ». Ceci est à l'ori- Avant le xixe siècle, les comportements sexuels
gine de perpétuelles controverses. (et donc les comportements déviants par rapport
aux normes de l'époque) n'étaient pas considérés
« On pourrait penser que les troubles mentaux sont comme des problèmes médicaux mais l'affaire de
des phénomènes qui peuvent être décrits et réper- la loi et de la religion.
toriés de façon objective, tout comme les maladies Au xixe siècle, l'avènement de la psychiatrie, et
de peau ou les cancers. En fait, les deux classifi- notamment les travaux d'Esquirol sur les mono-
cations majeures, la Classification internationale manies, amena certains chercheurs, dont Krafft-
des maladies (CIM) et le Manuel diagnostique Ebing [2] dans son ouvrage Psychopathia sexualis
et statistique des troubles mentaux (en anglais, (1882), à établir une classification des actes per-
DSM), sont révisées régulièrement. Et les remanie- vers. Il est à noter que pour Krafft-Ebing, la défi-
ments ne tiennent pas qu'à de supposés progrès
nition de la perversion était très large puisque
des connaissances : la qualification d'un compor-
tement comme trouble varie avec l'évolution des pour lui, est perverse toute extériorisation de l'ins-
normes sociales, politiques et juridiques. » - Giami, tinct sexuel qui ne répond pas au but de la nature,
2019 [1]. c'est-à-dire à la reproduction.
210 Manuel de sexologie
À la suite des travaux de Krafft-Ebing, il y eut ment dédiée aux maladies mentales ce qui n'est
beaucoup d'autres classifications, mais toutes pas le cas de la CIM.
(même celles qui voulaient se démarquer de toutes Il existait jusqu'à la dernière révision de la CIM
références morales) étaient critiquables. une différence de terminologie entre les deux
C'est en quelque sorte le médecin lui-même qui nosographies : les sexualités atypiques étaient dési-
définissait la « norme » d'un comportement, alors gnées dans la CIM 10 sous le terme générique de
que, déontologiquement, il n'aurait dû s'intéres- trouble de la préférence sexuelle et de paraphilie
ser qu'à ce qui peut être dommageable sur le plan dans le DSM 4.
de la santé physique et psychique. Il importe néanmoins de remarquer que seul le
Les classifications des perversions apparaissaient DSM donnait une définition générique du mot
souvent comme des jugements de valeur et aucune paraphilie, la CIM 10 se contentant de dresser
ne faisait abstraction de références morales. une liste des différents troubles des préférences
C'est dans le souci d'établir une classification sexuelles, sans définir le mot paraphilie.
athéorique et indépendante de tout critère cultu-
rel ou religieux qu'ont été conçues de nouvelles Avant la cinquième révision, le terme de paraphilie
classifications des comportements sexuels « pro- était défini dans le DSM comme « un fantasme, une
blématiques ». Le terme de perversion a été aban- impulsion ou un comportement sexuel récidivant et
donné au profit de celui de paraphilie (DSM 4) sexuellement excitant, survenant depuis au moins
ou de trouble des préférences sexuelles (CIM 10) 6 mois et provoquant un désarroi cliniquement
[3], qualificatifs qui avaient moins de conno- significatif ou une altération du fonctionnement
social, professionnel ou dans d'autres domaines
tations morales que le mot « perversion ». Ce
importants ».
concept de paraphilie, originalité du DSM, avait
le mérite de ne pas se définir en référence à une
culture ou à une morale mais, de décrire quelles Les paraphilies définies par le DSM étaient
sexualités pouvaient être considérées comme donc soit des fantasmes, soit des impulsions, soit
pathologiques, c'est-à-dire entraîner une gêne des comportements sexuels qui pour être reconnus
pour le sujet, ne serait-ce que parce que cette comme pathologiques devaient avoir un retentis-
sexualité est source de préjudices, ne respecte sement gênant pour le sujet ou pour la société,
pas le consentement de l'autre ou compromet voire pour l'entourage.
l'insertion sociale (en tenant compte des données Ainsi, avant la cinquième version du DSM,
culturelles). l'ensemble des paraphilies était du registre de la
pathologie et reconnu comme trouble mental à
part entière.
La cinquième révision de DSM et la 11e de la
Principales nosographies CIM amènent deux changements radicaux :
internationales • le DSM distingue la simple paraphilie (pour
contemporaines désigner une sexualité atypique mais n'étant pas
forcément en soi de nature pathologique) et le
Il existe en matière de nosographie deux réfé- trouble paraphilie (paraphilie ayant des carac-
rences mondiales à connaitre : celle de l'O.M.S : téristiques spécifiques de nature pathologique
la classification internationale des maladies plus faisant de cette paraphilie un véritable trouble
connue sous l'acronyme de CIM actuellement mental) ;
dans sa 11émé révision (CIM 11 rédigée en 2018 • pour plus de compatibilité entre les deux noso-
applicable après 2021, [4]) et celle de l'association graphies, la CIM abandonne le qualificatif de
des psychiatres américains : le DSM (dans sa cin- trouble des préférences sexuelles et adopte dans
quième révision le DSM 5 publié en 2013). On sa classification le terme générique de troubles
note que la classification américaine est unique- paraphilies.
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 211
sexuelle atypique – se manifestant par des pensées, La grande innovation de la cinquième version
des fantasmes, des envies ou des comportements est donc la dépathologisation des simples paraphi-
sexuels – qui implique des adultes consentants ou lies : « Le fait d'avoir une paraphilie est une condi-
des comportements solitaires. L'un des deux élé- tion nécessaire mais non suffisante pour présenter
ments suivants doit être présent : un trouble paraphilique et une paraphilie en soi
– la personne est nettement affligée par la ne justifie ou ne requiert pas nécessairement une
nature du modèle d'excitation et la détresse intervention clinique ».
n'est pas simplement une conséquence du Pour pouvoir retenir un diagnostic de trouble
rejet ou du rejet redouté du modèle d'excita- paraphilique, il faut que la paraphilie soit associée
tion par d'autres, à trois critères : A, B et pour certaines C :
– la nature du comportement paraphilique • le critère A spécifie la nature qualitative de la
comporte un risque important de blessure ou paraphilie (ex. : une focalisation érotique sur les
de mort pour l'individu ou pour le partenaire enfants ou une exposition de ses organes géni-
(ex. : asphyxiophilie). taux à des étrangers) ;
La CIM 11 prévoit également une dernière • le critère B spécifie les conséquences négatives
catégorie permettant de codifier des troubles para- de la paraphilie (ex. : détresse, altération du
philiques insuffisamment documentés : trouble fonctionnement, préjudice pour autrui). Nous
paraphilique, sans précision ; codé 6D3Z. remarquons au passage que l'accent est mis sur
la notion de préjudice qui avec le non-consen-
tement permettent de déterminer la nature
Particularités du DSM 5 [5] pathologique de la paraphilie ;
• le critère C qui est spécifique à certains troubles
Nous retenons comme spécificité de cette noso- et limite le diagnostic en fonction de critères
graphie : d'âge (trouble pédophilie et voyeurisme) ou à
un type d'objet fétiches (trouble fétichisme).
Le DSM fait la différence entre Si le diagnostic de trouble paraphilique est
paraphilie et trouble paraphile retenu, il importe de préciser pour chaque trouble
diagnostiqué deux éventualités :
La paraphilie est définie ainsi : « Le terme paraphi- • en environnement protégé. « Cette spécifica-
lie renvoie à tout intérêt sexuel intense et persis- tion est essentiellement applicable aux individus
tant, autre que l'intérêt sexuel pour la stimulation vivant en institution ou dans d'autres cadres où
génitale ou les préliminaires avec un partenaire les opportunités d'avoir des comportements de
humain phénotypiquement normal, sexuellement troubles paraphiliques sont restreintes » ;
mature et consentant ». • en rémission complète : « L'individu n'a pas
Il existe en « filigrane » une définition de la nor- mis en actes ses pulsions avec une personne non
mophillie, à savoir : « (…) l'intérêt sexuel pour la consentante, et il n'a pas souffert ou présenté
stimulation génitale ou les préliminaires avec un d'altération du fonctionnement social, profes-
partenaire humain phénotypiquement normal, sionnel ou dans d'autres domaines importants
sexuellement mature et consentant ». depuis au moins 5 ans en milieu non protégé ».
Notons au passage que l'homosexualité est un
comportement normophillique.
Le trouble paraphilique est quant à lui défini Le DSM reconnait huit
comme suit : « Un trouble paraphilique est une troubles paraphiliques
paraphilie qui cause d'une façon concomitante
Trouble voyeurisme
une détresse ou une altération du fonctionnement
chez l'individu ou une paraphilie dont la satis- C'est-à-dire espionner des personnes dans leur vie
faction a entraîné un préjudice personnel ou un privée. Ce diagnostic ne peut être porté que pour
risque de préjudice pour d'autres personnes ». des sujets de plus de 18 ans (critère C).
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 213
d'une libération en fin de peine, un criminel sexuel de l'agression sexuelle), les dires du sujet mis en
ne doit pas « avoir » de diagnostic de trouble men- cause (qui peuvent être inexacts pour des rai-
tal. A contrario, dans certaines législations, un sons utilitaires ou du fait d'une comorbidité), les
diagnostic de trouble paraphilique peut, si l'expert dires de l'entourage ou d'un témoin. Prenons un
le reconnait comme un trouble altérant le discer- exemple : celui d'une mère de famille qui amène
nement du sujet au moment de l'acte incriminé, régulièrement son jeune garçon aux urgences.
réduire la peine encourue (c'est le cas de la France, Celui-ci est souvent retrouvé inconscient par
mais les troubles paraphiliques ne sont que rare- ses proches et ce, suite aux dires de la mère, à
ment reconnus comme pouvant potentiellement des pratiques d'asphyxiophilie, pratiques dont le
altérer le discernement des sujets porteurs de ce jeune garçon ne se souvient pas ou du moins dit
trouble). ne pas se souvenir à son réveil. Il importe ici de
noter dans le dossier que « l'asphyxiophilie » est
un « dire de la mère » et que l'enfant ne recon-
Préciser la version de la nait pas avoir de telles pratiques. Le médecin n'est
nosographie utilisée pour le en effet pas le témoin direct de l'asphyxiophilie.
diagnostic (CIM 11 DSM 5) Cette précaution permet de ne pas fausser le
diagnostic et, en l'occurrence dans cet exemple,
À défaut, un sujet chez qui un diagnostic de para- celui d'un Münchhausen par procuration (la mère
philie aurait été porté avant la parution du DSM 5 du jeune garçon étouffait son fils avec un oreiller
pourrait faire valoir à la justice, en se référant au avant d'alerter son entourage en feignant d'avoir
DSM 5 qu'un diagnostic de paraphilie ne suffit pas découvert son fils inconscient avec un foulard
à reconnaitre la nature pathologique du trouble, dans la main).
et ce, en omettant de mentionner que les éléments
anamnestiques et cliniques qui avaient permis de
porter le diagnostic de paraphilie avant 2013 per- Ne pas surdiagnostiquer
mettraient aujourd'hui de porter le diagnostic de
troubles paraphiliques. Le fait de lire un ouvrage comme Cinquante
nuances de Grey ne suffit pas pour conclure à une
paraphilie chez le lecteur, et encore moins à un
Noter l'ensemble des critères diagnostic de trouble paraphilique, pas plus que le
permettant de retenir le diagnostic plaisir à lire des ouvrages d'Agatha Christie ne fait
de vous un potentiel serial killer.
Il vous incombe, pour permettre aux futurs lec-
Il importe également de préciser en détail la
teurs de vos observations et rapports de lister
nature des fantaisies et pratiques sexuelles du
les éléments cliniques, anamnestiques et de pré-
sujet examiné ou expertisé, ceci, non point pour
ciser comment, dans quel cadre et avec quels
satisfaire les pulsions scopistes du lecteur de
outils vous avez évalué la souffrance du sujet, sa
votre dossier ou rapport d'expertise, mais pour
conscience des préjudices de l'éventuelle victime,
étayer le diagnostic. Il est par exemple à noter
sa conscience du non-consentement de l'autre.
que dans les clubs BDSM (Bondage, discipline,
Cela permettra ultérieurement de rectifier le
domination-soumission,sado-masochisme), les
diagnostic en l'actualisant dans une éventuelle
pratiques évoluent et semblent plus ludiques
révision ou nouvelle version des nosographies.
que par le passé ; la recherche d'une réelle sou-
mission du partenaire n'est le plus souvent que
Préciser la source ludique, les rôles soumis/dominants ne sont par
de nos informations ailleurs plus toujours fixes. Ceci est important
à savoir : le fait de porter une combinaison en
Les informations sont en matière d'expertise : les latex et d'être muni d'un fouet et d'une paire
éléments objectifs de l'enquête pénale (une vidéo de menottes, de fréquenter les lieux libertins
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 215
être plus en adéquation avec des considérations • la paraphilie isolée n'est pas en soi un détermi-
médico-légales spécifiquement américaines. nant suffisant pour prédire le passage à l'acte.
Dans un travail fort bien documenté, Amaelle
Gavin [8] souligne le fait qu'il ne faut pas juger
Prévalence des troubles de la dangerosité d'un sujet du fait de la nature
paraphiliques de ses fantasmes mais tenir compte de déter-
minants multiples en lien avec la personnalité
Paraphilies et troubles et le passé du sujet : « Il est des contenus fan-
tasmatiques problématiques, notamment lors
paraphiliques dans la
qu'ils font l'objet d'une mise en acte illégale.
population générale La pédophilie en est un exemple représentatif.
Il n'existe pas à notre connaissance de travaux Cependant, il est nécessaire de remettre en ques-
scientifiques exhaustifs permettant de connaitre tion une psychiatrisation et une pathologisation
la prévalence de l'ensemble des troubles paraphi- abusive des contenus contraires à une norme ou
liques dans la population générale, nous ne dispo- à une morale établie ».
sons que de données parcellaires. L'argumentation d'Amaelle Gavin s'appuie à la
Le DSM ne donne que de rares informa- fois sur les travaux d'un clinicien (Stoller [9]), et
tions mais elles permettent toutefois de prendre ceux d'une équipe de chercheurs québécois [10].
conscience de la nature non exceptionnelle des D'autres chercheurs comme O Vanderstucken
troubles paraphiliques. Ainsi, selon les sources du et A Pavy [11] aboutissent à la même conclusion :
DSM, la prévalence du trouble exhibitionnisme un fantasme n'est pas inquiétant en soi, il faut le
serait au maximum de 2 à 4 % chez les hommes. contextualiser à la personnalité et à l'environne-
Le frotteurisme serait plus fréquent : « La préva- ment de celui qui le porte.
lence des actes frotteurismes incluant le fait de Les violences sexuelles ne peuvent donc pas
toucher ou de se frotter contre des personnes qui s'expliquer du seul fait d'un trouble paraphilique.
ne l'ont pas demandé peut atteindre 30 % chez les La distinction entre paraphilie et violence
hommes en population générale ». sexuelle est aussi une des conclusions de la récente
Commission d'audition publique sur les violences
sexuelles [12] : « malgré le polymorphisme cli-
Prévalence et signification nique des conduites déviantes et l'infinie diversité
des fantaisies sexuelles atypiques des configurations psychopathologiques au sein
chez les agresseurs sexuels desquelles ces conduites peuvent apparaître, un
point semble faire l'accord des experts : le constat
Les publications sur le sujet sont nombreuses mais que ces troubles du comportement sexuel corres-
peu d'entre elles abordent le sujet avec des don- pondent bien moins à des troubles de la sexualité
nées comparables que ce soit sur la population proprement dits qu'à des tentatives de “solution
étudiée (critère d'âge, genre, passé judiciaire) ou défensive” par rapport à des angoisses majeures
sur la nature des outils utilisés pour le diagnostic concernant le sentiment identitaire, elles-mêmes
(recueil de dires, questionnaire validé, imagerie consécutives à des carences fondamentales de
cérébrale, etc.). l'environnement primaire au cours de la petite
De la lecture de la littérature nous retenons tou- enfance ».
tefois les données suivantes qui semblent validées Pour certaines paraphilies dont la pédophilie,
par la rigueur méthodologique des études : l'existence d'une paraphilie semble une bonne
• les fantaisies atypiques sont relativement fré- indication de l'existence d'un trouble paraphile.
quentes chez les sujets agresseurs mais plus Dans une étude récente et bien documentée
particulièrement chez les auteurs de violences [13], il apparait que les sujets présentant des para-
sexuelles ayant été eux-mêmes victimes de philies pédophiles reconnaissent pour beaucoup
violence ; des passages à l'acte de nature sexuelle sur des
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 217
enfants. La simple paraphilie semble ici être un Même si certains auteurs nuancent la nature péjo-
bon indicateur de l'existence d'un trouble para- rative du sadisme sexuel en terme de pronostic et
philique pédophile (chez le sujet de genre mas- rappellent l'importance de la personnalité du sujet
culin). Beate Dombert [13] et ses collaborateurs en matière d'évaluation de risque, ils concluent
ont étudié les fantaisies de 8718 hommes recrutés néanmoins à un risque accru de dangerosité quand
en ligne : le trouble paraphilique est associé à des traits psy-
• 4,1 % déclarent avoir des fantasmes pour les chopathiques (Arrigo et col 2007 [14, 15].
enfants (surtout les filles : 68 %) ; Ceci vient renforcer la nature inquiétante de
• 3,2 % indiquent des comportements sexuels ce trouble. Il importe donc de ne porter un tel
impliquant des mineurs ; diagnostic que de façon fiable, ce qui n'est pas
• pédopornographie : 1,7 % ; toujours le cas ; certains auteurs dont le rédacteur
• des contacts sexuels : 0,8 % ; de la précédente version du DSM (Frances [16])
• pédopornographie + contacts sexuels : 0,7 % ; évoquent un surdiagnostic, d'autres au contraire
• tourisme sexuel infantile : 0,4 % ; évoquent un sous-diagnostic [17]. Pour limiter
• prostitution infantile : 0,4 %. les erreurs diagnostic il est recommandé d'utiliser
Ainsi, au moins chez le sujet de genre masculin des échelles d'évaluation du trouble paraphilique
et pour la pédophilie, il y a peu de différence entre sadisme sexuel [18].
la prévalence de la paraphilie (4,1 % de la popu- De façon synthétique, nous retenons une asso-
lation étudiée) et le trouble paraphile pédophile ciation souvent retrouvée entre trouble sadisme
(3,2 % de la population étudiée). sexuel et violence sexuelle et surtout entre trouble
sadisme sexuel et meurtre à caractère sexuel.
Nous retenons aussi l'importance sur le plan
Problématique spécifique médico-légal d'un diagnostic bien établi, éven-
du trouble paraphilique tuellement à l'aide d'échelle spécifique du sadisme
sadisme sexuel sexuel.
de sadisme sexuel, et 13 % des sujets sans trouble ses organes génitaux devient problématique ?) et
sexuel ont la même caractéristique cérébrale ». de définir des algorithmes de prise en charge en
De façon synthétique, nous retenons que, bien fonction des caractéristiques d'âge, de développe-
que prometteurs, ces travaux n'ont pour l'instant ment et d'environnement de chaque sujet.
pas de conséquences thérapeutiques et en dehors « Le phénomène des enfants manifestant des CSP
de la recherche, l'imagerie cérébrale n'est pas uti- concerne des enfants âgés de 12 ans et moins
lisable dans le domaine de l'évaluation clinique ou qui initient des comportements impliquant des
pronostic du trouble paraphilique. parties sexuelles du corps, qui sont inappropriés
sur le plan développemental ou potentiellement
néfastes pour eux-mêmes ou les autres [28]. Ces
Diagnostic différentiel comportements peuvent être dirigés vers l'en-
des troubles paraphiliques fant lui-même (ex. : masturbation excessive) ou
et comorbidités vers autrui. Les intentions et motivations de ces
enfants ne sont pas nécessairement liées à la grati-
Nous avons déjà noté que de nombreux auteurs fication sexuelle. Elles peuvent, entre autres, être
insistent sur la problématique des troubles de per- associées à des sentiments d'anxiété ou de colère,
sonnalités, troubles qu'il faut prendre en compte à une expérience traumatisante, à une recherche
pour évaluer notamment la dangerosité des d'attention ou à l'imitation de comportements
troubles paraphiliques sadiques ou pédophiles, la sexuels observés dans l'environnement » [29].
comorbidité étant péjorative en matière de pro- Les enfants présentant des CSP ont pour la plu-
nostic. Il est donc important de connaitre les part des parcours de vie chaotiques : « Les enfants
comorbidités pour chaque trouble paraphilique. manifestant des CSP présentent davantage de
Il existe aussi de nombreuses autres situations cli- difficultés comportementales (comportements
niques ou un trouble des conduites sexuelles (exhi- extériorisés et intériorisés problématiques, com-
bition voyeurisme), voire un acte criminel sexuel portements délinquants, comportements agres-
dans lesquelles le diagnostic de trouble paraphilique sifs), de symptômes liés au stress post-traumatique
ne doit pas être porté (diagnostic différentiel). Ceci (reviviscences de l'événement, isolement social,
est le cas pour de nombreuses pathologies psychia- difficultés cognitives) et de déficits sur le plan des
triques ou somatiques, ceci est aussi vrai quand le compétences sociales (manque d'empathie, inten-
sujet est dans l'incapacité de mesurer les consé- sité et contrôle de la colère, évaluation négative
quences de ses actes du fait de mauvaises capacités des autres) que les enfants ne manifestant pas de
de discernement (enfant ou sujet porteur de handi- CSP. » [30]
caps). Il importe de distinguer : Pour la prise en charge de ce type de troubles
des conduites, il existe de très bons référentiels
québécois dans une logique de prise en charge de
Comportements sexuels l'enfant et de son environnement [31].
problématiques des enfants
Chez l'enfant de moins de 12 ans, les troubles Comportements sexuels
des conduites sexuelles sont habituellement nom- problématiques des sujets
més « comportement sexuel problématique ». Ce porteurs de handicaps
concept a été élaboré par les Anglo-Saxons au
sein d'un groupe de travail de l'Association for the À l'instar de ce que nous avons décrit chez l'en-
Treatment of Sexual Abusers (ATSA) [27]. Il existe fant, il est habituel de parler de comportement
de nombreux travaux francophones dont la rapide sexuel problématique chez les sujets porteurs
lecture permet à la fois de cerner le concept par des de handicaps mentaux ou psychiques. Ceux-ci
illustrations très pratiques (par exemple à partir âge peuvent par manque de contrôle des pulsions,
un comportement sexuel comme le fait de monter par suite de difficulté d'empathie, de difficulté à
220 Manuel de sexologie
très nombreuses affections neurologiques peuvent Pour Stoler [43], il existe dans la « motivation »
générer des troubles des conduites sexuelles [38]. du pervers une notion fondamentale qui est celle
Ces comportements ont parfois des conséquences du péché, un « désir » de faire mal qui est le noyau
médico-légales (il convient alors d'apprécier le central de la perversion. Selon lui, il existe une
degré de discernement et de contrôle de ses actes structure perverse. Pour le sujet pervers, il est
par le sujet ce qui n'est jamais très facile) [39]. important de déshumaniser l'être humain, ce qui
Il ne faut pourtant pas négliger ces comporte- le protégerait de l'humiliation.
ments du fait du fort taux de récidive [40]. Pour Mc Dougall [44], la perversion est l'im-
possibilité d'accepter l'autre, d'être, suivant son
Syndromes parkinsoniens expression, « intime avec lui ». La pratique per-
Les syndromes parkinsoniens sont inducteurs de verse apparaît pour cet auteur comme étant pour
trouble de la fonction sexuelle. A contrario, les le sujet pervers la solution à l'échec de l'intimité.
traitements peuvent induire des comportements Il existerait donc pour les psychanalystes, sinon
sexuels inappropriés [41]. une personnalité perverse, du moins une com-
posante perverse plus ou moins marquée chez les
sujets qui auraient recours à une sexualité prégé-
Approche nitale (paraphilies).
La véritable personnalité perverse, qui peut du
psychodynamique : la notion reste s'exprimer dans d'autres domaines que celui
de personnalité perverse de la sexualité, est définie par les psychanalystes
comme une personnalité très particulière qui ne
Il est impossible de faire abstraction de la concep- trouverait son équilibre que dans un rapport parti-
tion psychanalytique des paraphilies, ne serait-ce culier à l'autre, rapport empêchant toute existence
que d'un point de vue historique. Le concept de l'autre comme sujet et reposant essentiellement
de personnalité perverse énoncé par les psycha- sur un désir de faire mal et d'humilier, ce désir « de
nalystes est intéressant sur le plan clinique ; les faire mal » étant d'ailleurs dénié par le sujet pervers
nosographies actuelles ne reconnaissent pas ce qui met en place des mécanismes de clivage res-
type de trouble de la personnalité. Le DSM recon- ponsables, notamment, d'une présentation sociale
nait certes le concept de personnalité narcissique en général parfaite, le sujet pervers étant souvent
proche de la conception analytique de personnalité sympathique, adulé, ce qui lui permet d'ailleurs
perverse décrite par les analystes, mais il n'évoque d'exercer une facile emprise sur ses victimes.
pas la problématique d'emprise et la volonté des- On retrouve ces notions d'emprise, de déni
tructrice des « personnalités perverses ». Ceci nous et de clivage dans la plupart des articles étu-
apparait comme un manque dans les nosographies diant la personnalité perverse d'un point de vue
internationales actuelles. psychodynamique.
Il n'est de fait pas impensable d'imaginer qu'une De façon très schématique, il importe de retenir
des prochaines versions des nosographies interna- que d'un point de vue psychodynamique :
tionales intègre un nouveau sous-type, celui de • l'acte pervers nécessite l'emprise de l'auteur sur
trouble personnalité perverse. la victime et la dé subjectivation de la victime
D'un point de vue historique, rappelons que par l'auteur (déni de l'altérité) ;
pour Freud, l'organisation des perversions chez • un acte pervers peut être commis par des sujets
l'adulte trouve son explication dans la satisfaction ayant des profils de personnalité bien différents ;
de sexualité partielle de type prégénitale. Mais l'emprise peut ne pas être celle d'un pervers
ce sont des auteurs plus modernes, notamment mais être circonstancielle (agressions commises
Stoler, Mc Dougall et Chasseguet-Smirgel [42], en groupe ou en milieu clos par exemple) le déni
qui nous apparaissent les plus pertinents pour de l'altérité peut également être observé chez
comprendre ce que pourrait être une personnalité des sujets non pervers, et notamment chez les
perverse. psychopathes, surtout lorsqu'il est constaté une
222 Manuel de sexologie
prise de toxique concomitante à la réalisation de cadre d'un contrôle judiciaire par exemple), soit
l'acte, mais seuls les sujets pervers échappent à la en post-sentenciel ;
honte et/ou la culpabilité par les mêmes méca- • dans un contexte d'injonction de soins qui est
nismes de déni et de clivage qui sont chez eux une obligation particulière de la peine de suivi
caractéristiques de l'organisation pathologique socio judiciaire : elle nécessite obligatoirement
de leur fonctionnement psychique. une expertise et le contrôle d'un médecin coor-
dinateur. Celui-ci est l'interface entre le juge et
le thérapeute.
Abord thérapeutique Il convient de bien distinguer ces deux types de
des troubles des soins contraints.
conduites sexuelles Pour la prise en charge spécifique des auteurs
d'infraction à caractère sexuel à l'encontre de
mineurs de moins de 15 ans, il convient de se
Différents types
référer aux recommandations récentes de la HAS
de demande de soins [45] pour la prise en charge des auteurs d'agres-
La prise en charge thérapeutique des sujets pré- sion sexuelle à l'encontre de mineurs de moins de
sentant des troubles des conduites sexuelles 15 ans [2] ou à celles plus récentes de l'audition
dépend du contexte. publique de 2018 qui a établi ne synthèse de l'en-
Il faut distinguer les demandes spontanées de semble des donnés pour la prise en charge de ce
sujets désirant faire « disparaître ce trouble » (soit de type de troubles des conduites.
leur propre initiative, soit sur incitation de leur par- Rien n'interdit à un sexologue de prendre en
tenaire) des demandes émanant de la justice (dans charge un sujet contraint à des soins, mais il ne
le cadre des obligations et injonctions de soins). peut le faire que s'il en a les compétences (telles
Quelle que soit la nature de la demande, il que celles définies par la loi).
convient de ne prendre en charge ce type de Enfin, même si le sexologue (un psychiatre, par
patients que si nous sommes certains de disposer exemple) a les compétences exigées par la loi, la
des connaissances et des compétences nécessaires. prise en charge de ces sujets n'est pas simple, il
Il faut également vérifier que le cadre dans lequel est donc souvent utile de faire appel à des conseils
on reçoit ce patient est bien conforme aux impé- par le biais des centres ressources pour les interve-
ratifs fixés par le législateur. nants auprès d'auteurs de violence sexuelle.
Enfin, il convient d'informer le patient des
limites du secret médical ou professionnel. Dans Sujet présentant un trouble
le cas particulier des troubles paraphiliques, le thé- des conduites sexuelles vient
rapeute ne peut pas toujours garder le secret des consulter hors contexte judiciaire
confidences qui lui sont faites. Il a parfois obliga-
tion de signalement. Le thérapeute vérifiera donc, Il faut là encore distinguer deux possibilités : le sujet
en fonction des lois de l'État dans lequel il exerce, vient de lui-même ou la demande vient du conjoint.
les limites du secret médical, et il en informera son
patient avant le début de la prise en charge. Dans Sujet venant de lui-même
le cas particulier où le paraphile est auteur d'in- Le sujet vient de lui-même lorsqu'il a un fantasme
fraction à caractère sexuel, il importe de se référer obsédant et a peur de passer à l'acte. Ce cas est
aux ordonnances du législateur. loin d'être rare et il est notamment plus fréquent
En France, le cadre exigé pour prendre en chez les sujets prenant conscience de leur fan-
charge un agresseur sexuel est défini par la loi du tasme pédophilique et cherchant de l'aide.
18 juin 1998, appelée loi Guigou. Le sujet peut Pour le clinicien, il est important de respecter
consulter soit : un cadre médico-légal très strict dans ce type de
• dans un contexte d'obligation de soins décidée prises en charge et de ne pas, sous couvert d'une
par un magistrat soit en pré-sentenciel (dans le pseudo-psychothérapie, ignorer les obligations
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 223
concepts judiciaires de qualification pénale et de la nature des agressions sexuelles qu'ils com-
nosographie psychiatrique. mettent, leur lien avec leur victime, leur âge
et celui de leur victime. Il s'agit des agresseurs
sexuels envers des enfants, incluant les agres-
Concept générique seurs intrafamiliaux et extrafamiliaux ; les agres-
des violences sexuelles seurs sexuels envers des adultes, habituellement
de femmes ; et les mineurs auteurs d'agression
Il est difficile de trouver un terme générique pour sexuelle. Toutefois, ces catégories ne sont pas
désigner l'ensemble des infractions à caractère mutuellement exclusives ; une même personne
sexuel. Le qualificatif abus sexuel est maladroit, peut par exemple agresser sexuellement des ado-
le concept d'agression sexuelle est réducteur (il lescentes et des femmes adultes ».
exclut les criminels), le terme d'auteurs d'infrac-
tion à caractère définit le mieux l'ensemble des
infracteurs mais ce n'est pas celui qui a été retenu
sur le plan international.
Évaluation psychiatrique
L'OMS a choisi le terme de violence sexuelle et criminologique
(2016) : « Tout acte sexuel, tentative pour obtenir Il importe face à un infracteur sexuel de réaliser
un acte sexuel, commentaire ou avances de nature une double évaluation psychiatrique et criminolo-
sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement gique. Ceci est un préalable indispensable à toutes
dirigés contre la sexualité d'une personne en utili- prises en charge thérapeutique ou mesures de la
sant la coercition, commis par une personne indé- dangerosité. Ces évaluations permettent d'évaluer
pendamment de sa relation avec la victime, dans la dangerosité et ultérieurement de permettre de
tout contexte, y compris, mais sans s'y limiter, le réduire le risque de récidive en agissant sur les fac-
foyer et le travail ». teurs de risque de récidive.
Plus récemment, la Commission d'audition Il importe de bien distinguer dangerosité psy-
a retenu la définition suivante : « Les violences chiatrique et criminologique : « La dangerosité
sexuelles ont la violence pour processus fonda- psychiatrique a été définie comme une manifesta-
mental. Elles incluent au moins un auteur et au tion symptomatique liée à l'expression directe de
moins une victime. Elles impliquent dans tous la maladie mentale alors que la dangerosité crimi-
les cas l'absence de consentement de la victime. nologique est un phénomène psycho-social carac-
Chez les enfants, elles peuvent aussi se manifes- térisé par des indices révélateurs de la très grande
ter sous la forme d'un comportement sexuel probabilité de commettre une infraction contre les
problématique ». personnes ou les biens » [40].
Il existe des fiches pratiques pour ne pas omettre
Question des profils d'auteurs un seul déterminant dans ces évaluations. La lec-
de violences sexuelles ture de plusieurs fiches nous fait proposer celle du
CRIAVS Picardie [46].
Être infracteur sexuel n'est pas un diagnostic il
n'existe par ailleurs pas de profil type. Mais il
importe de distinguer les agresseurs d'enfants Évaluation sexologique
ou d'adultes : « Il n'existe pas de portrait unique
de personnes qui agressent sexuellement. La Même si « le sexuel » et les troubles paraphi-
grande diversité des comportements d'agres- liques n'ont qu'une part modeste dans la genèse
sion sexuelle, et les différentes motivations qui y de la violence sexuelle, il importe d'évaluer cette
sont sous-jacentes ne permettent pas de décrire dimension. L'évaluation sexologique de l'auteur
un profil type de l'agresseur sexuel. Différents de l'infraction sexuelle a été synthétisée de façon
types d'agresseurs sexuels sont identifiés, selon remarquable il y a déjà plusieurs décennies par
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 225
encourageants, notamment pour réduire le flux cyprotérone (CPA) dont l'action est de bloquer
des pensées sexuelles intrusives envahissantes. Ce les récepteurs de la testostérone. Il est administré
courant pourrait constituer un axe émergent dans par voie orale et ne peut être actuellement dosé
la thérapie des auteurs de violences sexuelles. » dans le sang en laboratoire en France. L'autre
traitement anti hormonal est un analogue de la
Traitements médicamenteux GnRH, la triptoréline, qui agit sur les récepteurs
à base de psychotropes hypophysaires de celle-ci. Une augmentation tran-
L'avis de la Commission d'audition est le suivant : sitoire de la testostérone au début du traitement
« L'avènement des psychotropes a été source nécessite une prescription transitoire de CPA puis
d'espoir et des neuroleptiques ont été prescrits il y a une désensibilisation rapide des récepteurs de
pour leur effet inhibiteur sur la libido. Mais leur la GnRH qui aboutit à une réduction de la sécré-
effet sédatif a été dissuasif et ils ne sont plus uti- tion de la testostérone à des niveaux équivalents à
lisés dans cette indication. Les antidépresseurs ceux obtenus après une castration chirurgicale. La
ont ensuite été proposés dans certains troubles triptoreline est disponible sous forme injectable
du comportement sexuel, tels que les paraphilies mensuelle ou trimestrielle ».
présentant un faible risque de passage à l'acte. Ils
sont alors intéressants aux doses utilisées dans le Conclusion
traitement des troubles obsessionnels compulsifs.
Les antidépresseurs de type IRS (inhibiteur de la
Les troubles des conduites sexuelles sont recon-
recapture de la sérotonine) ont montré un béné-
nus dans les nosographies internationales sous le
fice dans les paraphilies à faible risque de passage
terme générique de trouble paraphilique.
à l'acte et à forte tonalité compulsive ou en cas
En matière judiciaire, les conséquences des
de dépression associée. Toutefois ces prescrip-
troubles des conduites sexuelles peuvent être
tions sont hors autorisation de mise sur le marché
pénalisées ce sont alors des infractions ; délits et
(AMM) en France. Leurs indications sont limitées
crimes sexuels dont la définition (la qualification
à l'exhibitionnisme, à la masturbation compulsive,
pénale des faits reprochés) varie d'un état à l'autre
et à certaines formes de pédophilie dont le risque
et parfois d'une législation à l'autre. L'OMS a
de passage à l'acte paraît peu important. Pour
défini sous le terme générique de violence sexuelle
certains auteurs, les IRS auraient une action plus
l'ensemble des conduites sexuelles préjudiciables.
spécifique de réduction du comportement sexuel
Sur le plan clinique, une fantaisie ou pratique
déviant, permettant ainsi au sujet de conserver
sexuelle atypique (une simple paraphilie) ne
une activité sexuelle conventionnelle ».
doivent plus être considérées comme des troubles
mentaux et ne doivent pas être reconnues comme
Traitements antihormonaux
pathologiques sauf s'il y a absence de consente-
L'avis de la Commission d'audition est le suivant : ment ou s'il en résulte un préjudice chez le sujet
« Il faut tout d'abord rappeler que la présence de ou chez le/la (les) partenaire(s).
testostérone est une condition nécessaire mais Consigner dans un écrit le diagnostic de trouble
non suffisante au maintien d'un niveau constant paraphilique est lourd de conséquences notam-
d'intérêt et d'excitation sexuels. Il est maintenant ment sur le plan médico-légal. Il importe d'étayer
établi qu'ils réduisent significativement l'intensité le diagnostic avec précision dans l'observation ou
et la fréquence du désir sexuel déviant de façon le rapport d'expertise et de bien noter la version
réversible et ils ont montré une réelle efficacité et le type de nosographie internationale utilisée.
dans la prise en charge des paraphilies les plus Il convient de ne pas utiliser abusivement les
sévères avec un délai d'action sur la libido plus qualificatifs paraphilies, troubles des conduites
court que toute autre forme de traitement. Ils ne sexuelles et encore moins perversion chez l'enfant
peuvent être prescrits qu'après consentement écrit de moins de 12 ans, et même chez un sujet de
et éclairé du patient. Il s'agit soit de l'acétate de moins de 18 ans en ce qui concerne le trouble
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 227
voyeurisme. Avant l'âge de 12 ans, il convient de Le rôle du soignant est aussi fondamental dans
recourir à l'expression conduites sexuelles problé- le cadre de la prévention primaire des troubles des
matiques. L'utilisation du qualificatif conduites conduites sexuelles et de leurs conséquences. Il
sexuelles inappropriées est également recom- convient de rappeler l'importance de l'éducation
mandée pour désigner les troubles des conduites sexuelle et notamment chez les sujets ayant des
sexuelles survenant au décours d'une pathologie comportements sexuels problématiques (enfants
mentale, d'une affection organique ou secondaire ou sujets porteurs de lourds handicaps mentaux
à une intoxication, la prise de substances ou de et psychiques).
médicaments (iatrogénie). Il convient aussi de rappeler le rôle des numé-
Les troubles des conduites paraphiliques ros verts pour la prévention des troubles para-
peuvent conduire à des infractions de nature philiques pédophiles ou plus généralement des
sexuelle mais les criminels et délinquants sexuels violences sexuelles envers les enfants. Les hommes
ne présentent pas tous un trouble paraphilique. et femmes concernés par cette problématique
Le médecin psychiatre peut être amené à col- peuvent joindre gratuitement un soignant, et ce
laborer au travail de la justice dans le contexte de façon anonyme.
d'expertises pénales. Il doit éclairer la justice dans Pour les soignants et plus généralement pour
la compréhension du passage à l'acte par une éva- l'ensemble des personnes intervenants auprès
luation du sujet. Il doit rendre une évaluation psy- d'auteurs de violence sexuelle, il est possible en cas
chopathologique, criminologique (dans certains de difficultés ou de simple doute sur une conduite
pays, ce travail est confié à des criminologues) à tenir, il est possible en France, de joindre les
et une évaluation sexologique. La recherche des centres ressources pour les Intervenants auprès
paraphilies et des troubles paraphiliques fait partie des Auteurs de Violences Sexuelles. Ces centres
intégrante de cette évaluation. sont regroupés en fédération [48].
Le médecin, le psychologue mais aussi d'autres
professionnels de soins spécialement formés
peuvent amener leurs concours à la justice dans
le cadre des soins pénalement ordonnés. Le rôle Travestisme
du soignant est alors de contribuer à la réduc-
tion du risque de récidive et ce pour l'intérêt Nadine Grafeille
du sujet lui-même, mais aussi pour l'intérêt de
la collectivité. Ce faisant, le soignant s'appuie
sur l'expertise qui doit lister les déterminants Le travestisme (terminologie française) [49]
criminologiques sexologiques et psychopatho- ou fetishistic transvestism (terminologie anglo-
logiques pouvant potentiellement augmenter saxonne) est un comportement qui consiste à se
le risque de récidive. Si certains déterminants vêtir avec les habits de l'autre sexe et à chercher
sont immuables (il est impossible de changer ainsi, d'une part une pseudo-identité sexuelle et
l'âge du sujet ni son genre, ni de modifier son d'autre part une jouissance ou un apaisement. On
passé de délinquance ou son passé de victime), le classait autrefois parmi les perversions sexuelles.
il est possible d'agir sur de multiples facteurs Il fait partie actuellement des paraphilies.
de risques psychopathologiques (mauvaise ges- Dans le DSM-IV, le travestisme ou transves-
tion de la colère, distorsions cognitives, etc.) et tisme fétichiste F65.1 (302.3) se définit par les
aussi de façon plus spécifique sur les troubles des critères diagnostiques suivants : présence chez un
conduites sexuelles par des techniques adaptées, homme hétérosexuel de fantaisies imaginatives
actualisées et référencées. sexuellement excitantes, d'impulsions sexuelles,
Pour les auteurs mineurs, il existe des stratégies ou de comportements survenant de façon répé-
éducatives sociales médicales et judiciaires spé- tée et intense, pendant une période d'au moins
cifiques à cette population particulière de délin- 6 mois, impliquant un travestissement. Les fantai-
quants et criminels sexuels. sies, impulsions sexuelles, ou comportements sont
228 Manuel de sexologie
à l'origine d'une souffrance cliniquement signi- Le travestisme ne se résume pas au seul fait de
ficative ou d'une altération du fonctionnement porter des vêtements de l'autre sexe. Cette atti-
social, professionnel ou dans d'autres domaines tude ne peut se confondre avec un jeu passager de
importants. déguisement, puisqu'elle repose sur une structure
Spécifier si avec dysphorie concernant l'identité psychique particulière. Certains travestis, dont la
sexuelle : si le sujet éprouve un malaise persistant structure est de type névrotique, assument plus
en rapport avec son identité sexuelle ou son rôle ou moins bien leur particularité pendant parfois
sexuel. de nombreuses années, sans se faire surprendre
et sans en parler à quiconque, même pas à leur
épouse, quand ils sont mariés. Leur souffrance
Diagnostic différentiel est une réalité quotidienne. Leur comportement
est dicté par des épisodes d'angoisse survenant de
façon sourde, jugulés par le travestissement
Certains comportements peuvent s'apparenter au
qui apporte soulagement et plaisir. Ces sujets
travestisme, c'est pourquoi il convient d'éliminer
décrivent le paradoxe « anxiété-excitation » qu'ils
les pathologies suivantes [50] :
vivent lors de l'achat de leurs tenues, lors du port
• le transsexuel convaincu d'appartenir au sexe
de ces vêtements, lorsqu'ils sortent ainsi vêtus,
opposé à son sexe physique ;
lorsqu'ils abordent un inconnu, lorsqu'ils ont un
• le « travelo » qui utilise parfois le déguisement
contact sexuel (masturbation ou relation).
pour brouiller les esprits ;
Mais une grande partie des travestis présente une
• des épisodes de brèves durées survenant chez
structure psychique perverse. Pour Stoller, le per-
certains adolescents en quête d'originalité ou à
vers possède un noyau central qui est le « désir de
l'identité sexuelle encore insuffisamment stable ;
faire mal ». Le travesti aime piéger l'autre, grâce à
• la dysmorphophobie ;
son apparence trompeuse et jouit de l'emprise qu'il
• un état délirant survenant chez un sujet schizo-
exerce ainsi. Clivage, déni, emprise, normalisation
phrène ou paranoïaque ;
sont des mécanismes de défense mis en place par ce
• l'homosexualité : même si le travesti est soumis
paraphile afin de se déculpabiliser. Il existe peu de
à l'exigence du paraître féminin, il se distingue
travaux sur le travestisme parce que d'une part, ces
de l'homosexuel théâtral à la féminité exacer-
sujets perturbent peu l'ordre public et demandent
bée et affectée, comme cela a été si bien dépeint
rarement une aide psychologique et d'autre part,
dans la pièce de théâtre La cage aux folles. Le
l'acceptation sociale est largement acquise.
travesti est généralement hétérosexuel, même
Le travestisme se décline au masculin et la
si de brèves expériences homosexuelles ont pu
définition du DSM-IV spécifie qu'il s'agit d'un
être expérimentées par certains ;
homme, de surcroît hétérosexuel. Il se différen-
• le fétichiste qui se focalise sur des objets, qui
cie d'autres perturbations concernant l'identité
ne sont pas obligatoirement des vêtements (par
sexuelle puisque dans ce comportement, le sujet
exemple un vibromasseur), et utilise l'objet
admet son sexe d'origine (contrairement au trans-
fétiche pour obtenir une excitation sexuelle.
sexuel), se rassure et prend plaisir en adoptant les
vêtements de l'autre sexe mais reste dans l'iden-
tité masculine qu'il revendique. Dans des cas
Plan psychopathologique très exceptionnels, le sujet peut éprouver un réel
malaise en rapport avec son identité sexuelle et les
Comme la plupart des paraphilies, le traves- deux diagnostics seront posés comme le spécifie la
tisme prend naissance dans la petite enfance et définition du DSM-IV.
se concrétise à l'adolescence ou le plus souvent à Tous les travestis ne se donnent pas en spectacle ;
l'âge adulte jeune. Ce comportement n'est que le certains ne survivent psychologiquement parlant
fait des hommes tant est normalisé le port du pan- que grâce à ce comportement qu'ils cachent ;
talon ou du costume chez les femmes. d'autres jouissent de ce piège tendu.
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 229
ou féminin, le transsexuel doit vivre dans le sexe noradrénaline (IRSNA), d'anxiolytiques, voire de
auquel il dit appartenir, afin de vérifier avant toute somnifères lorsqu'il existe un état dépressif, une
transformation irréversible qu'il s'adapte bien anxiété, une phobie sociale, des insomnies. Leur
physiquement, psychologiquement et socialement évolution est souvent favorable, même si un suivi
au sexe opposé à son sexe génétique. Il s'agit donc thérapeutique long est parfois nécessaire.
d'un travestisme passager et nécessaire. Dans les Les transsexuels en passage obligé de traves-
sociétés où la prise en charge des transsexuels tisme sont pris en charge dans le cadre de leur
n'existe pas, ceux-ci vivent toute leur vie dans le transformation hormono-chirurgicale pendant
travestissement. une durée d'au moins 2 ans et ne posent que peu
de problèmes aux équipes habituées à ce travail.
Quant aux travestis relevant d'une structure
Autres cas paraphile perverse, la littérature canadienne
exprime des satisfactions de résultats, qu'ils com-
Une troisième catégorie de travestis ne vient
parent volontiers à celles de la prise en charge
qu'exceptionnellement réclamer de l'aide auprès
d'autres paraphilies, telles que les pédophiles
d'un psychiatre. Ce n'est que lorsqu'ils ont trou-
de structure perverse. Nous restons pessimistes
blé l'ordre public par leurs agissements, ou qu'ils
dans cette évaluation, mais notre expérience est
sont très amoureux d'une partenaire aux exi-
modeste dans cette catégorie-là.
gences de normalisation qu'ils essaient de faire une
démarche. En effet, leur comportement n'entraîne
pas de souffrance en dehors de leur marginalisation
et de la frustration qu'elle génère. C'est le dysfonc-
Conclusion
tionnement social créé par eux ou le besoin inces-
sant de prouver que leur déviance est normale qui Le travestisme est un comportement peu répandu
les conduit parfois en consultation. Leur désir ainsi même si dans sa forme provocatrice il fait la une
que leur plaisir sont perçus à travers la séduction des journaux ou des émissions de télévision raco-
qu'ils exercent et qu'ils ressentent en se traves- leuses. Ce qui reste important pour le thérapeute
tissant, en piégeant l'autre. D'où un raffinement c'est de situer la structure de la personnalité
certain pour la plupart d'entre eux dans la concré- porteuse de ce trouble afin d'aider au mieux les
tisation de leur apparence. Nous excluons de cette patients qui souffrent, se culpabilisent, ne com-
dernière remarque les caricatures outrancières en prennent pas pourquoi cette pulsion les assaille,
tout genre qu'adoptent certains d'entre eux. se cachent par peur ou par honte et souhaitent se
remettre en cause dans l'espoir de vivre une exis-
tence plus conforme.
Prise en charge
thérapeutique
Le polymorphisme ci-dessus décrit, ainsi que
Transsexualisme
l'interpénétration des paraphilies peuvent sembler ou dysphorie de genre
compliquer le diagnostic, mais dans la pratique il
n'en est rien. Celui-ci est en général simple et aisé. Nadine Grafeille
Dans notre expérience, les travestis fétichistes,
dont la structure psychique est névrotique,
relèvent de prises en charge psychothérapeutiques Le transsexualisme est un trouble de l'identité
de type analytique ou cognitivo-comportemen- sexuelle et se caractérise par la conviction pro-
tale, ainsi que d'apports médicamenteux tels que fonde qu'a un individu d'appartenir au sexe
les inhibiteurs de la sérotonine (IRS) et de la opposé à son sexe physique.
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 231
Cette pathologie est rare : un transsexuel pour • chez les garçons, préférence pour les vêtements
100 000 personnes. féminins ou un attirail d'objets permettant de
Il est convenu d'appeler transsexuel masculin mimer la féminité ; chez les filles, insistance pour
(MF) le patient né avec une formule chromoso- porter des vêtements typiquement masculins ;
mique XY et transsexuel féminin (FM) le patient • préférence marquée et persistante pour les rôles
né avec une formule chromosomique XX. Le sex- dévolus à l'autre sexe au cours des jeux de « faire
ratio est de 40 % de FM pour 60 % de MF. semblant » ou fantaisies imaginatives persis-
La typologie retrouve deux catégories cliniques : tantes d'appartenir à l'autre sexe ;
• ceux qui sont orientés tôt dans l'enfance • désir intense de participer aux jeux et aux passe-
(primaires) ; temps typiques de l'autre sexe ;
• ceux d'orientation tardive (secondaires, passés • préférence marquée pour les compagnons de
souvent par le mariage et la parentalité). jeu appartenant à l'autre sexe.
Il est essentiel de travailler en équipe pluridisci- Chez les adolescents et les adultes, la perturbation
plinaire : psychiatre, sexologue, endocrinologue, se manifeste par des symptômes tels que l'expression
psychologue, une équipe chirurgicale forment le d'un désir d'appartenir à l'autre sexe, l'adoption
groupe de référence (suivi du patient). Peuvent fréquente de conduites où l'on se fait passer pour
être consultés également dermatologue, médecin l'autre sexe, un désir de vivre et d'être traité comme
du travail, phoniatre, aide sociale, esthéticienne, l'autre sexe, ou la conviction qu'il (ou elle) possède
avocat, magistrat. Au sein du ministère de la des sentiments et réactions typiques de l'autre sexe.
Santé, un médecin est chargé d'analyser les dos- Ils expriment également un sentiment persistant
siers afin de donner ou non l'accord de la Sécurité d'inconfort par rapport à leur sexe ou un sentiment
sociale. En effet, le transsexualisme était pris en d'inadéquation par rapport à l'identité de rôle cor-
charge depuis les années 1990 en tant qu'affec- respondante. Chez les enfants, la perturbation se
tion psychiatrique de longue durée (ALD 23). En manifeste par l'un ou l'autre des éléments suivants.
juin 2009, la ministre de la Santé et des Sports, Chez le garçon, assertion que son pénis ou ses testi-
Roselyne Bachelot-Narquin, comme le proposait cules sont dégoûtants ou vont disparaître, ou qu'il
la Haute Autorité de santé (HAS), a demandé vaudrait mieux ne pas avoir de pénis, ou aversion
et obtenu que la prise en charge de ces patients envers les jeux brutaux et rejet des jouets, jeux et
soit désormais assurée dans le cadre du dispositif activités typiques d'un garçon. Chez la fille, refus
des affections de longue durée dites « hors liste » d'uriner en position assise, assertion qu'elle a un
(ALD 31). pénis ou que celui-ci va pousser, qu'elle ne veut pas
avoir de seins ou de règles, ou aversion marquée
envers les vêtements conventionnellement fémi-
Diagnostic nins. Chez les adolescents et les adultes, l'affection
se manifeste par des symptômes tels que : vouloir
se débarrasser de ses caractères sexuels primaires
D'après le DSM-IV, F64.x [302. xx]9 [49] :
et secondaires (demande de traitement hormonal,
« identification intense et persistante à l'autre
demande d'intervention chirurgicale ou d'autres
sexe » (ne concernant pas exclusivement le désir
procédés afin de ressembler à l'autre sexe par une
d'obtenir des bénéfices culturels dévolus à l'autre
modification de ses caractères sexuels apparents)
sexe). Chez les enfants, la perturbation se mani-
ou penser que son sexe de naissance n'est pas le
feste par quatre ou plus des critères suivants :
bon.
• exprime de façon répétée le désir d'appartenir à
L'affection n'est pas concomitante d'une affec-
l'autre sexe ou affirme qu'il(elle) en fait partie ;
tion responsable d'un phénotype hermaphrodite.
Elle est à l'origine d'une souffrance cliniquement
9 © American Psychiatric Association - Mini DSM-
IV-TR. Critères diagnostiques (Washington DC, 2000).
significative ou d'une altération du fonctionnement
Traduction française par Guelfi J.-D. et al. Paris : Elsevier social, professionnel ou dans d'autres domaines
Masson ; 2004, 384 pages. Tous droits réservés. importants.
232 Manuel de sexologie
sommes tous des dépendants, dépendants à tout dualisme, l'égoïsme, l'isolement ; ils renforcent
et à n'importe quoi. La limite entre le normal et les clivages, les ruptures, les abandons de toutes
le pathologique est une question de flexibilité, de sortes (la société de consommation favorise ce
souplesse, d'adaptation. Elle est déterminée par qu'on pourrait appeler le « couple jetable ») ; ils
notre capacité à vivre, à jongler avec nos « bouées développent la fragilité. Ce n'est pas un hasard
de dépendance », notamment dans nos rapports si, devant ce qu'il exige de lui-même ou ce que
avec les autres. l'on exige, un être humain est obligé de recourir
L'être humain, comme tout organisme vivant, à des artifices pour s'en sortir, de s'attacher avec
est dépendant de son environnement. La dépen- des bouées pour ne pas se noyer. C'est ainsi que se
dance parentale, maximale pendant les pre- déclenchent, dans le cadre d'un fonctionnement
mières années de la vie, évolue ensuite pour faire dépendant, permanent et figé, des accès, des crises
place à une relation plus équilibrée où l'échange « boulimiques », des raptus « toxicomaniaques »
et la complémentarité prennent le pas. En ce qui, évidemment, vont renforcer la dépendance. À
sens, il n'existe pas d'individu parfaitement auto- cet instant précis, face aux exigences personnelles
nome, sans attache avec l'extérieur et indépen- et environnementales, ces « accès compulsifs », ces
dant de toute contrainte interne. En permanence, « épisodes boulimiques » apparaissent comme la
nous créons et avons besoin, pour exister, de seule solution pour résoudre immédiatement les
liens (couple, relations amicales…), d'amarrages problèmes quotidiens.
(horaires, planning), d'obligations diverses (tra-
vail, fonctions dites naturelles comme manger…),
d'activités plaisantes (avoir des rapports sexuels, Objets addictifs
faire du sport…), qui donnent plus de solidité, de et dépendances multiples
sécurité, plus d'attrait à notre vie. Ces attaches,
ces ancrages seront plus ou moins essentiels selon Au sens strict, l'addiction est réservée à la dépen-
les personnes. Pour certains, ils seront absolument dance à une substance étrangère : alcool, tabac,
vitaux, nécessaires à leur stabilisation et à leur sur- nourriture, produits toxicomaniaques, médica-
vie : il ne sera ni permis, ni souhaitable de s'en ments. Au sens large, si l'addiction est réellement
passer. Pour d'autres, en revanche, il sera possible un mode de relation aux êtres et aux objets, elle
de rompre et de s'éloigner, de nager sans bouée, peut englober les dépendances comportemen-
sans croire à la noyade à la première occasion. tales et des conduites ordinaires, mais poussées à
l'excès : tout « objet », tout système vivant, tout
acte, toute organisation sociale, toute pensée,
De la normalité toute émotion peuvent devenir objet d'addiction.
à la dépendance L'essentiel se trouve dans la répétition de l'acte,
dans le manque, dans l'envahissement de la vie
La dépendance s'exprime selon deux modalités sociale, dans la contrainte permanente exercée
qui peuvent alterner ou se combiner. La première sur le corps et l'esprit. On peut donc y ranger,
est un état constant, façonnant un type de rap- pêle-mêle, les achats compulsifs, les tentatives
port très particulier aux autres : c'est l'exemple des de suicide à répétition, la kleptomanie (déro-
couples dépendants où les deux partenaires sont ber), la trichotillomanie (s'arracher les cheveux),
« accros » l'un à l'autre. La seconde se manifeste l'addiction au travail, l'onychophagie (manger
plutôt par des poussées compulsives, incontrô- ses ongles), le jeu pathologique, la pyromanie,
lables : c'est l'exemple des « boulimiques du sexe ». les addictions sexuelles et affectives, les conduites
Loin d'être une exception, le mode de fonc- à risque, l'anorexie mentale, la dépendance au
tionnement dépendant est majoritaire dans notre sport, l'addiction à l'informatique, à l'Internet,
civilisation. D'autant que les systèmes sociaux, aux jeux vidéo…
familiaux, conjugaux sont, à l'heure actuelle, D'ailleurs ce qui est assez fréquent chez les
loin d'être sécurisants. Ils développent l'indivi- personnes présentant des addictions, c'est leur
236 Manuel de sexologie
capacité à « manipuler » leurs dépendances, à utiliser son parent comme « base sécurisante » ; il
« jongler » avec leurs conduites addictives. Il est peut se montrer facile de contact avec une per-
ainsi possible de voir associées au cours d'une sonne non familière.
même période une addiction au tabagisme, à l'al-
cool, des tentatives de suicide à répétition, une
dépendance au conjoint. Comme si une seule Enfant « sécurisé »
dépendance ne suffisait pas à l'apaisement. Pour
cette raison, il me semble plus juste de parler de Il proteste lors de la séparation et accueille le
vécu addictif, de « manière d'être dépendante », retour de son parent avec une expression de sou-
que de dépendance unique ; très souvent, un indi- lagement, assortie d'une quête de rapprochement
vidu dépendant vit de manière addictive tous les physique. Ce contact lui permet ensuite de repar-
actes de son existence. Ses addictions seront bala- tir pour suivre ses explorations ; c'est l'expression
deuses, l'addiction alimentaire sera remplacée par typique d'une base sécurisante.
les achats compulsifs, qui seront eux-mêmes rem-
placés par des conduites à risque ou par une com-
pulsion de séduction en fonction des situations Enfant « anxieux résistant »
ou de l'environnement. C'est l'exemple de cette (ou « ambivalent »)
femme qui, quand elle se sentait seule et aban-
donnée, compensait par l'alcool ou par des orgies Il se montre perturbé par la situation ; anxieux lors
de « bouffe » et quand elle était accompagnée de de la séparation, il va chercher du réconfort au
ses enfants, achetait des sacs entiers d'habits inu- moment du retour, mais d'une façon ambivalente :
tiles mais qui « faisaient plaisir aux enfants ». Elle il peut chercher le contact et même s'accrocher
ne trouvait la paix qu'en présence de son mari, au parent, mais pour s'en défaire immédiatement
véritable objet de vénération et de sécurité, sans après dans un mouvement de colère ; il résiste
qu'il ait la possibilité de la faire sortir de son sys- alors au fait d'être consolé. Son attitude est encore
tème. Il faut dire que, pour le garder à la maison, dépendante.
elle avait accepté qu'il amène sa « maîtresse » à Ces trois types d'attachements gagnent à être
domicile… comparés aux catégories utilisées pour carac-
tériser la vision qu'ont les adultes de leur lien
d'attachement (travaux de M. Main in [63]). On
De la dépendance constate, en effet, qu'ils se correspondent point
de l'enfant à la par point.
dépendance de l'adulte
Trois grands types d'attachements chez un enfant État d'esprit « détaché »
confronté au départ puis au retour d'un de ses
Il reprend le type de l'enfant « anxieux évitant »,
parents ont été décrits dans la littérature scienti-
caractérise les adultes qui se montrent indiffé-
fique (travaux de M. Ainsworth).
rents, désengagés affectivement. Ces personnes se
présentent comme indépendantes ; elles semblent
Enfant « anxieux évitant » n'avoir qu'un accès limité à leurs souvenirs tout
en faisant un portrait « normalisé » – voire idéa-
Il semble peu perturbé par la situation ; il donne lisé – de leurs parents ; elles peuvent se dire tour-
l'impression de ne pas être affecté par le départ, nées vers l'avenir et non pas vers le passé ou bien
l'absence et le retour de son parent ; il ne semble dénigrer les relations familiales ; elles se présentent
pas avoir besoin de réassurance, donne une image comme ayant confiance en elles, mais pas en les
d'autonomie, explorant son environnement sans autres, dont elles se méfient.
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 237
concernées. En effet, l'analyse doit encore être cœur même de notre sujet. Si tout peut être objet
affinée et faire intervenir, pour chacune des com- de dépendance, alors, bien évidemment, l'amour
posantes, les caractéristiques individuelles propres et le sexe peuvent l'être aussi. Le choix de l'uti-
aux deux partenaires. On l'a vu, le comportement lisation de l'un ou de l'autre ne sera pas anodin,
d'attachement donne lieu à trois types distincts : il dépendra de l'histoire personnelle, notamment
le sécure, l'anxieux résistant ou l'anxieux évi- du système éducatif, des modèles parentaux et du
tant, tout comme le comportement de soin qui système de représentation qui aura été construit
se décline en trois versions : soignant, soigné ou dans l'enfance.
bien un mixte soignant/soigné en fonction des
domaines. Quant au comportement sexuel, dans
sa composante biologique, il débouche sur deux Addictions sexuelles
figures majeures : la personne « facilitante » et la
personne « inhibante ». Les addictions sexuelles présentent deux formes
On peut donc imaginer toutes les combinai- cliniques. Les paraphilies, ou déviances sexuelles,
sons possibles, certaines étant plus « viables » que sont des comportements sexuels anormaux,
d'autres. S'il est vrai que les rapports interperson- caractérisés par des impulsions sexuelles et des
nels dans un couple sont de deux ordres, symé- fantaisies imaginatives sexuellement excitantes,
trique ou complémentaire, on assistera, dans le cas répétées, intenses, envahissantes, qui isolent de
où chaque partenaire entend être l'égal de l'autre, toute intimité sexuelle et de toute réciprocité
ou plus précisément, ne pas représenter « moins » affective. Les exemples les plus classiques sont :
que l'autre, à une escalade symétrique impliquant l'addiction au sexe objet (fétichisme) et les com-
le choix d'un alter ego, sur le plan de l'attache- pulsions au voyeurisme ou à l'exhibitionnisme.
ment. Le sécure ira donc avec le sécure, l'évitant Les addictions sexuelles non paraphiliques, elles,
avec l'évitant, l'ambivalent avec l'ambivalent ; en regroupent des intérêts et des comportements
revanche, dans un rapport complémentaire, établi acceptés par notre culture, mais accentués en
sur des différences entre partenaires, celui en posi- intensité et en fréquence. C'est, par exemple, la
tion basse demande et obéit. On aboutira vraisem- masturbation compulsive, l'addiction aux fan-
blablement, toujours en terme d'attachement, à tasmes, la dépendance à des formes anonymes
des unions de type sécure/ambivalent, sécure/ de sexualité (pornographie, téléphone rose,
évitant ou ambivalent/évitant. Internet), la dépendance à des accessoires sexuels,
la sexualité compulsive dans les rapports sexuels…
●● Rappel des principales caracté- l'apaisement, avant que le manque ne revienne ; soit
ristiques des compulsions affectives il ne comble qu'une partie des besoins et il est perçu
comme insécurisant et mauvais.
et sexuelles • Il n'y a pas d'autre solution, face à l'envie de passer
• Il y a un besoin pathologique de passer à
à l'acte, que le passage à l'acte : « j'aimerais ne pas en
l'acte : « je ne peux pas ne pas… », « je n'ai pas
avoir besoin, mais je ne peux pas… »
le temps de réfléchir, c'est déjà fait… », « c'est
• Il y a un sentiment de manque systématique si l'acte
comme une pulsion… ».
n'est pas effectué : « quand j'y pense et que ce n'est pas
• Il y a une relation de dépendance passive ou active
possible, je m'énerve, je me crispe ou j'explose… », « je
entre soi et l'objet d'addiction : « je ne peux pas m'en
suis obligé de compenser par autre chose… », « je deviens
détacher, j'en ai besoin pour vivre… », « j'ai le droit, il
obsédé, rien ne m'apaise… »
m'appartient… »
• Il y a un sentiment de bien-être, mais à très court terme,
• Il y a un besoin de contrôle de soi et de l'objet pour
quand l'acte est effectué : le passage à l'acte apporte du
éviter de prendre des risques et de se laisser aller : « j'ai
soulagement, de l'excitation, de la détente, de la réassu-
besoin de tout gérer, de tout contrôler… », « je ne sais
rance, du plaisir – « cela m'apaise… », « je suis plus tran-
pas lâcher prise… », « j'ai peur de me retrouver seul face
quille après… » –, mais ce bien-être ne dure pas, il faut
au vide… », « pour éviter la solitude, le rejet, l'abandon,
toujours recommencer après, car l'insatisfaction revient.
je suis prêt à tout… »
• Il n'y a pas de sentiment d'existence propre, il faut
• Il y a une répétition « boulimique », les conséquences
toujours rester attaché à l'objet, sinon, c'est la chute
agréables ou désagréables donnent envie de recom-
dans le vide : « je n'existe qu'à travers l'autre ; seul, je ne
mencer : « quand je l'ai fait une fois, j'ai besoin de
suis rien… »
recommencer… », « c'est plus fort que moi… »
• Il y a une altération de la relation aux autres et à l'environ-
• Il y a un fonctionnement en tout ou rien, aucune
nement : « personne ne me comprend… », « je me sens tou-
modulation n'est possible : « quand j'ai commencé,
jours seul… », « je ne sais pas m'intéresser à autre chose… »,
je suis obligé d'aller jusqu'au bout… » Soit l'objet de
« si je ne fais rien, mon envie revient et je ressasse… ».
dépendance remplit la totalité des attentes : il provoque
une grande sympathie pour leur patient ou qu'ils • Avez-vous connu cette difficulté dans le passé et
pratiquent des prises en charge de longue durée, comment l'avez-vous résolue ?
deviennent dépendants de cette relation théra- La capacité, les ressources, les compétences que
peutique. Nous nous sommes tous retrouvés dans le patient va se découvrir en prenant conscience
des situations où, face à une complexité de symp- que, de temps à autre, il a été/est capable de
tômes, l'association thérapeutique créait plus de faire autrement est un indéniable progrès dans sa
problèmes qu'elle n'en résolvait. Pour un patient capacité à changer. Afin de consolider cette meil-
ou pour un thérapeute, faire un peu plus « pire » à leure connaissance de lui-même, il est essentiel
chaque fois peut s'avérer addictif, car cela accentue de consacrer un temps important à discuter des
et maintient en place les plaintes et le fonctionne- thèmes suivants :
ment initial. Et ne pas changer, c'est faire « tou- • rôle de la dépendance : comme moyen d'évi-
jours la même chose », et la répétition est parfois ter la confrontation au manque, au désir insa-
moins angoissante que le départ vers l'inconnu. tisfait, au plaisir en attente, en remplissant les
L'intérêt le plus net de la prise en charge psy- vides et en construisant des amarres artificielles.
chothérapique réside dans les échanges sur ce que N'oublions jamais que le désir et le plaisir
représentent les notions de contrôle, de maîtrise, naissent du manque et de l'absence : compen-
mais aussi de perte de contrôle et de perte de maî- ser le manque par un système de dépendance
trise. Chez les patients vivant dans l'hypercontrôle ne créera jamais de l'amour ou du plaisir, cela
de leurs comportements et de leurs émotions, sujets créera de la dépendance… ;
à des contraintes envahissantes et des croyances • motivation au changement : entre peur de tout
culpabilisantes, le lâcher-prise et le laisser-aller lâcher, donc de perdre le contrôle, et peur de
auront une connotation péjorative. Au contraire, tout retenir, donc de se frustrer ;
pour les patients vivant dans la quête du plaisir et • autres solutions : trouvées en d'autres temps,
l'apaisement des tensions, ce seront l'hypercontrôle d'autres lieux, d'autres circonstances, pour
et la maîtrise qui auront cette connotation. Ces deux fonctionner autrement que dans un système de
extrêmes, le tout interdit et le tout permissif, consti- dépendance ;
tuent deux formes de survie, deux bouées d'accro- • mécanisme addictif : il passe par la mise en acte
chage à la vie ; elles rendent compte des difficultés de systématique et l'incapacité à se contrôler ;
l'être humain à se situer entre l'hypercontrôle total, • pouvoir du manque : comme moyen amenant à
sécurisant mais frustrant, et le lâcher-prise total, répéter le système compulsif ;
jouissif mais culpabilisant. Pourtant, même chez • emprise des croyances : emprise des croyances
beaucoup d'addictifs, on retrouve, par moments, la enfermantes dans le cycle de dépendance
capacité de faire autrement et de ne pas se limiter au totale vers le plaisir, l'apaisement, la sécurité
tout ou rien. Certaines questions ciblées permettent immédiate ;
d'ailleurs de mieux repérer les situations et les méca- • passage de la survie à la vie : passage de la survie
nismes mis en place par l'addictif pour faire autre- à la vie, de la dépendance à la prise de risque, du
ment, par exemple : remplissage permanent à l'expérience du vide
• Quand le problème ne survient-il pas ? temporaire ;
• Qu'avez-vous fait alors pour que le problème • sexualité, relation affective et état amoureux : la
ne survienne pas ? Quel a été votre rôle dans la sexualité, la relation affective et l'état amoureux
non-survenue de ce problème ? comme moyens d'épanouissement et d'autono-
• Comment a réagi votre entourage quand le pro- misation de soi et de l'autre, et non comme buts
blème n'était pas là ? systématiques et comme « médicaments » pour
• Qu'est-ce qui était différent dans ces moments- ses propres malaises.
là (émotions, discours intérieur, contexte, Je l'ai dit, la relation thérapeutique avec un
relation) ? patient dépendant est une mise en situation
• En quoi votre journée était-elle différente concrète de la relation sécurité–autonomie.
quand le problème n'était pas présent ? Celle-ci est expliquée dès le premier entretien au
242 Manuel de sexologie
terme duquel est conclue une sorte de contrat de seule (le port d'attache, l'objet qui accroche)
« travail ». Elle passe nécessairement par différentes comme l'était le dépendant.
étapes qui seront chacune discutées ensemble. Ce
sont :
• la demande du patient en termes de problème à Conclusion
résoudre ;
• l'objectif final en termes de solution acceptable, Au terme de la thérapie, le patient dépendant fera
donc obligatoirement imparfaite, mais permet- ce qu'il veut : il pourra choisir de maintenir ses
tant un peu moins de souffrance et un peu plus addictions répétitives (garder sa bouée) ou de
de choix face aux situations déclenchant les s'appuyer sur les expériences qu'il a apprises dans
dépendances, car l'objectif final n'est pas tou- et en dehors de la thérapie, tout en tenant compte
jours la suppression du symptôme ; des fragilités inhérentes à tout être humain.
• les objectifs intermédiaires en termes d'étapes Même s'il existe, évidemment, une solution
successives qui seront autant de prises de risque plus épanouissante que l'autre, celle-ci n'est pas
et de pertes de contrôle « homéopathiques » non plus sans risque, car utiliser l'ancien objet de
pour atteindre l'objectif final ; dépendance de manière qualitative et non quan-
• l'explication des techniques utilisées pour titative ou bien aller explorer le monde sans sa
pouvoir passer de la dépendance permanente bouée addictive et s'exposer aux aléas de l'exis-
à une autre manière de voir et d'agir face à tence, cela donne de la liberté, mais cela implique
l'addiction ; aussi de défendre et protéger sa place, de se faire
• le recadrage permanent des propos recueillis, confiance, d'oser… et, parfois, de rater.
en termes concrets, directement opérationnels, Une fois que l'apprentissage du choix – atta-
pour des prescriptions efficaces ; chement addictif seuil et attachement exploration
• les exercices pratiques, uniques pour chaque combinés – est assimilé et intériorisé, chacun fait
patient et destinés à permettre l'auto-observa- comme il peut pour assumer le mouvement per-
tion du changement par le patient ; manent entre dépendance et autonomie.
• la connaissance des ports d'attache sur lesquels Un choix, pourtant, s'impose à nous tous. Soit
le patient peut compter et où il peut retour- nous acceptons la dépendance avec ses avantages et
ner, au besoin, lorsqu'il se lance dans le chan- ses inconvénients, et nous avons alors tout intérêt à
gement. Ces amarrages, toujours temporaires, « choisir » les dépendances les mieux acceptées par
peuvent être offerts par les objets addictifs que notre société (le sport ou le travail) plutôt que les
le patient utilisait avant de consulter, mais dans dépendances à fort rejet social et à graves consé-
une version soft, acceptable pour l'équilibre psy- quences pour soi et autrui (l'alcool ou la drogue).
chique (par exemple, on remplace un passage Soit nous prenons le risque de « grandir », de deve-
à l'acte sexuel par un fantasme) ; il peut aussi nir autonome, tout en gardant quelques petites
s'agir d'objets autres, mais temporaires et qui dépendances mineures (on a toujours besoin d'une
ne mettent pas en danger l'équilibre psychique petite dépendance chez soi), et nous entamons un
(par exemple, on remplace la dépendance au processus d'individuation, nous partons vers l'in-
conjoint par une activité personnelle créatrice, connu avec l'excitation liée à la découverte mais
même si elle est addictive) ; aussi l'angoisse inhérente à toute prise de risque. Il
• la fin de la thérapie en termes de choix. Le faudra alors s'accommoder des échecs, des rejets, de
thérapeute aide le patient à comprendre qu'il ses doutes, mais la connaissance de soi, de ses poten-
peut maintenant choisir entre conserver l'objet tiels, de ses richesses est à ce prix. Grandir, c'est
addictif (survivre grâce à son symptôme) et vivre avoir conscience de ses fragilités, de ses manques
en s'appuyant sur ses propres capacités d'auto- qu'il va falloir « trimbaler » à vie, mais c'est aussi
nomie, celles qu'il a expérimentées au cours de avoir conscience de ses valeurs et de ses ressources
la psychothérapie. Il y a donc deux solutions pour exister autrement qu'à travers ce que l'on fait,
(le port d'attache ou l'exploration) au lieu d'une ce que l'on a ou à travers le regard des autres.
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 243
des structures névrotiques anxieuses ; comporte- des cadres théoriques de référence qui ont beau-
mentaux). Elles comportent une fidélité interjuge coup varié au cours du temps. Il a toutefois tou-
médiocre. La prévalence des personnalités patho- jours été ancré entre la sphère sociale et le champ
logiques, en population générale, est faible (entre médico-psychiatrique car la symptomatologie
3 et 13 %). s'y exprime par un mépris des lois. En effet, ces
Le DSM-IV (qui se veut un cadre athéorique) personnes présentent une fragilité émotionnelle
différentie trois groupes : et narcissique – mauvaise estime de soi – les ren-
• le groupe A comporte les personnalités dites dant très vulnérables aux déceptions/frustrations
« étranges » (paranoïaques, schizoïdes, schizo- (intolérance à la frustration avec impulsivité ;
typiques), aux conduites empruntes de bizar- possibilités de décompensation psychotique) et
reries : elles présentent de graves problèmes une absence totale d'empathie avec abolition du
relationnels, et parfois des conduites sexuelles sens des réalités/règles sociales les rendant dan-
criminelles (cf. psychoses) ; gereuses. Des conduites transgressives graves s'y
• le groupe B comporte les personnalités dites rencontrent. Les prises en charge se font presque
« dramatiques », c'est-à-dire histrioniques, ancien- uniquement sur injonction judiciaire : elles sont
nement hystériques ; narcissiques ; borderline ; rendues très difficiles par l'absence de motivation
antisociales : elles présentent surtout des per- et nécessitent un cadre très strict. Il semble que
turbations des relations intersubjectives faisant c'est quand/si ils se dépriment que ces sujets par-
souffrir leur partenaire, avec érotisation de la rela- viennent à en bénéficier.
tion pour les premières, recherche de bénéfices
narcissiques sans empathie pour les secondes,
fluctuation entre toutes les attitudes du groupe Psychoses
pour les troisièmes, comportements transgressifs
pour les dernières qui méritent un cadre à part (cf. La prévalence des troubles érectiles dans les psy-
psychopathie) ; choses est de 46 % et celle des troubles sexuels
• le groupe C comprend les personnalités en général de 60 % [65]. La sexualité prémorbide
anxieuses – c'est-à-dire les personnalités évi- est peu connue et actuellement considérée comme
tantes, dépendantes et obsessionnelles com- non prédictive. Les modifications du comporte-
pulsives – caractérisées par l'inhibition : les ment sexuel ainsi que les troubles sexuels sont
premières se retrouvent souvent isolées sociale- diagnostiqués après la décompensation et son
ment et affectivement, les secondes à vivre des traitement.
relations fusionnelles/conflictuelles, les der- Dans les psychoses, l'angoisse s'inscrit dans une
nières dans une recherche de maîtrise/contrôle quête identitaire, avec des troubles du schéma
étouffante. corporel. La froideur et l'ambivalence affectives
Les prises en charge visent à modifier les sché- suscitent des troubles relationnels majeurs et une
mas cognitifs dont usent ces personnes afin de leur grande difficulté à vivre en couple. La sexualité
permettre d'amplifier tant leur registre émotion- peut occuper une place exagérée, et être source
nel que leur aptitude à faire preuve d'empathie d'angoisse, voire être psychiquement déstabili-
et d'assertivité. Ces prises en charge sont ren- sante ou au contraire être totalement absente. Les
dues difficiles par les caractéristiques des troubles comportements sexuels sont souvent empreints de
eux-mêmes. bizarreries.
Ils peuvent, ce qui est rare heureusement,
être criminels, caractérisés alors par leur étran-
Psychopathies geté morbide et leur violence. L'anaphrodisie
est la règle dans les évolutions déficitaires. Les
Ce groupe (anciennement dénommé déséquilibre traitements neuroleptiques classiques entraînent
psychique et actuellement retrouvé au sein des fréquemment des troubles du désir, de l'excita-
personnalités antisociales et borderline) repose sur tion et de l'orgasme/éjaculation (actuellement
246 Manuel de sexologie
Accueil et information
Prélèvements et
Examen somatique
identification de l'agresseur
L'examen somatique sera précis et consigné sur
un schéma. Les prélèvements visant à identifier l'agresseur et
Pour l'examen général, taille et poids sont notés. à prévenir les complications sont fondamentaux.
248 Manuel de sexologie
et à la recherche. Il s'agit d'un problème sociétal 15 ans commises par majeurs sans violence, ni
qui a désormais sa traduction en termes de santé contrainte, ni menace, ni surprise et les atteintes
publique. Il nécessite une articulation entre la psy- sexuelles commises sur mineur de plus de
chiatrie et la justice. 15 ans, non marié, commises par parent ou per-
Les données épidémiologiques mettent en évi- sonne, ayant autorité.
dence une hausse forte et continue depuis 1980 • L'exhibition sexuelle.
de ces infractions (multiplication par cinq des faits • Le harcèlement sexuel (initialement exclu de la
les plus graves), imputable pour partie à la prise loi de 1998).
de conscience individuelle et collective du fait de Il s'agit là de délits relevant du tribunal
violence et à la facilitation du dépôt de la plainte, correctionnel.
et probablement pour une autre partie à une aug- Une nouvelle incrimination est distinguée par la
mentation réelle des faits. On note cependant une loi d'août 2018 : le fait d'administrer à une per-
tendance à la stabilisation de la hausse des crimes sonne, à son insu, une substance de nature à alté-
et des délits sexuels judiciarisés depuis 2004, rer son discernement ou le contrôle de ses actes
mais avec une augmentation des délits impliquant afin de commettre à son égard un viol ou une
les mineurs. Ces données émanent de la police et agression sexuelle
de la justice, les données médicales restant trop Le législateur a également prévu des circons-
parcellaires. Les enquêtes récentes de victima- tances aggravantes :
tion, telle VIRAGE (2015), comme la prise de • si la victime est un mineur de moins de 15 ans ;
parole publique consécutive au mouvement social • si l'auteur du crime ou délit est une personne
#MeToo (2017) laissent toutefois entrevoir un ayant l'autorité ;
phénomène d'une tout autre ampleur. • le caractère incestueux du crime ou délit (quel
que soit l'âge de la victime) ;
• si la particulière vulnérabilité ou dépendance de
Catégorisation pénale la victime résultant de la précarité de sa situation
économique ou sociale est apparente ou connue
La loi du 17 juin 1998 [67, 68] distingue les de l'auteur ;
infractions sexuelles qui comportent les viols • si l'infraction s'est accompagnée d'actes de tor-
et les autres agressions sexuelles. Elle établit le ture ou de barbarie, a été commise en groupe
cadre d'une prise en charge pénale et sanitaire ou a abouti à la mort de la victime, à sa mutila-
des auteurs condamnés (Suivi socio-judiciaire, tion ou à une infirmité permanente.
Injonction de Soin). Elle a été complétée par la loi Notons que la France fait partie des pays d'Europe
no 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte les plus répressifs en matière d'infractions sexuelles
contre les violences sexuelles et sexiste. et qu'elle se situerait dans la moyenne (toutes don-
nées comparables) dans le risque de récidive.
Viols
Classifications
Tout acte de pénétration sexuelle de quelque psychiatriques
nature qu'il soit commis sur autrui ou sur la per-
sonne de l'auteur par violence, menace, contrainte Les classifications psychiatriques (CIM-10 de
ou surprise ; crimes qui relèvent des assises. l'OMS, DSM-TR-IV et V de l'APA) ne se jux-
taposent pas naturellement aux catégories pénales
(leur objet est différent).
Autres agressions sexuelles Elles n'apparaissent pas à ce jour d'un grand
• Les atteintes sexuelles commises avec violence, secours dans la prise en charge des auteurs d'agres-
menace, contrainte ou surprise, mais aussi les sion sexuelle. La CIM-10 distingue des troubles
atteintes sexuelles sur mineurs de moins de de la préférence sexuelle, la DSM-TR-IV et V
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 251
des paraphilies où l'on retrouve le fétichisme, le à un sentiment identitaire fragile et friable, consé-
transvestisme, le voyeurisme, la pédophilie, l'exhi- quence de carences majeures de l'environnement
bitionnisme, le masochisme, etc. primaire au cours de la toute petite enfance.
Elles repèrent assez fréquemment une comor- Les comportements sexuels déviants et trans-
bidité ou un trouble de la personnalité, beaucoup gressifs ne relèvent donc pas systématiquement,
plus rarement une maladie mentale avérée en lien loin s'en faut, d'un excès ou d'une aberration
direct avec l'infraction sexuelle. D'ailleurs, très pulsionnelle. Ils ne relèvent pas non plus nécessai-
peu d'auteurs d'agression sexuelle bénéficient rement d'un fonctionnement psychique globale-
d'un prononcé d'irresponsabilité pénale au titre ment pervers dans sa monstruosité, son incapacité
de l'article 122.1 alinéa 1 du Code pénal. d'accéder à la souffrance et la culpabilité ce qui
rendrait toute demande impensable à jamais et
tout accès aux soins impossible.
Rôle de l'expert psychiatre Le concept de « champ pervers » est privilégié ;
des différences sont également faites entre une
Pourtant, le rôle et la place de l'expert psychiatre majorité de cas où les conduites sont sous-tendues
apparaissent essentiels et fondamentaux tant dans par une composante d'immaturité et un aspect
sa dimension pré-sentencielle (au-delà de l'éva- névrotique et une minorité où ces conduites enva-
luation du discernement et du contrôle des actes, hissent l'économie psychique globale du sujet
l'opportunité d'une injonction de soins), que dans et où dominent le déni, la toute-puissance et la
sa dimension post-sentencielle durant la détention recherche d'emprise et où le risque de récidive est
(expertise de liberté conditionnelle) qu'au-delà, majeur.
après la libération (mise en œuvre de la loi du C'est particulièrement dans ce dernier contexte
17 juin 1998). qu'un dispositif de suivi et d'injonction, articulé
entre le judiciaire, le social et le sanitaire, au-delà
du temps de la détention, peut apparaître efficient
Clinique et psychopathologie et pertinent.
spécifiques
L'existence d'une clinique et d'une psychopatho- Modalités thérapeutiques
logie spécifiques représente un enjeu crucial pour
la prise en charge des auteurs d'agression sexuelle. Les modalités thérapeutiques proposées dans la
Nous savons déjà qu'il est impossible de relier prise en charge des auteurs d'agression sexuelle
des groupements cliniques spécifiques à des sont actuellement multiples, variées, aucunement
types d'infractions et qu'au contraire, un certain exclusives l'une de l'autre et relèvent essentiel-
nombre de points communs invariants transcende lement de la formation initiale et des références
les différentes formes de transgressions sexuelles. théoriques des thérapeutes. Seuls à ce jour les
Ainsi, malgré l'infinie variété et le polymor- traitements biologiques et les thérapies compor-
phisme clinique et psychopathologique, on tementales cognitives ont fait l'objet d'une éva-
retrouve comme déterminants cliniques et mobili- luation ciblée. On n'omettra pas de traiter les
sateurs l'incapacité ou non de distinguer fantasmes fréquentes comorbidités (addictions, dépression).
et passages à l'acte, la question de la culpabilité et
du sentiment de honte, l'accès ou non à l'altérité.
Il est convenu aussi que les troubles du com- Thérapies psychodynamiques
portement sexuel ne relèvent pas de troubles de
la sexualité, mais bien plutôt de la relation ; ils Elles visent dans un cadre thérapeutique à aména-
représentent souvent « une tentative de défense » ger et « sécuriser » la représentation de la s ouffrance
par rapport à des angoisses majeures, avec vécu psychique, l'appropriation de l'angoisse archaïque
interne d'anéantissement et de terreur qui renvoie à l'origine du passage à l'acte.
252 Manuel de sexologie
Elles nécessitent une pluralité d'écoute, elles se indications dépassent cependant celles de la trans-
révèlent exigeantes à l'égard du thérapeute et de gression intrafamiliale et peuvent concerner un
l'équipe soignante tout entière (contre-transfert, agresseur qui a commis un acte en dehors de la
épuisement des équipes, supervision, engagement cellule nucléaire familiale.
dans la durée…). Elles indiquent et/ou permettent
aussi d'autres engagements thérapeutiques.
Chimiothérapie
Thérapies comportementales Elle se résume aux traitements anti-androgènes,
cognitives les traitements psychotropes n'ayant aucune indi-
cation spécifique, même si l'efficience de certains
Elles ont grandement bénéficié de l'approche
antidépresseurs (ISRS) est discutée.
cognitive permettant ainsi de s'éloigner des limites
Les anti-androgènes ont une indication préfé-
éthiques des premières thérapies comportemen-
rentielle chez les hommes pédophiles multirécidi-
tales. La conception linéaire et séquentielle, avec
vistes et les hommes pédophiles particulièrement
des étapes et des stratégies opératoires aboutissant
immatures ou déficients intellectuels. Ils sont
au passage à l'acte s'est enrichie de modèles théo-
contre-indiqués chez l'adolescent.
riques plus globaux.
L'acétate de cyprotérone réduit la production
On y retrouve les objectifs classiques de toute
de testostérone et par là même inhibe ses effets
TTC : refus de l'évidence de certaines affirmations
au niveau périphérique. L'objectif est de réduire
ou croyances, prise de conscience de son état, ren-
le comportement sexuel paraphile mais diminue
forcement de sa capacité à l'altérité…
également l'activité sexuelle non paraphile et la
On y intègre aussi les programmes d'éducation
spermatogenèse. Elle ne change pas l'orienta-
sexuelle, d'affirmation de soi et le renforcement
tion sexuelle. Ses effets sont auto-évaluables dans
des habiletés sociales, qui semblent particulière-
un délai de 1 à 2 mois et réversibles. Il existe
ment pertinents dans nombre de prises en charge
des effets secondaires (risque de méningiome,
des auteurs d'agression sexuelle, exceptées les
troubles hépatiques, gynécomastie, déminérali-
personnalités fortement psychopathiques ou sen-
sation osseuse, décompensation psychotique et
sitives ou souffrant d'une pathologie dépressive
dépressive…). La prescription s'accompagne ainsi
actuelle.
désormais, après bilan préalable, de recommanda-
Le Good Lives Model, référentiel théorico-
tions et d'un accord écrit du patient. Les analo-
clinique s'appuyant sur la psychologie positive,
gues de la GnRH d'action centrale ont des effets
intègre de surcroit dans le travail thérapeutique
et des contre-indications superposables, mais ils
les capacités et facteurs favorisants/protecteurs du
disposent d'une forme retard et injectable.
sujet.
Ces médicaments disposent désormais de
l'AMM pour ce type d'indication.
Thérapies familiales Ces traitements dont l'effet principal est la
et systémiques réduction de l'activité sexuelle proposent une aide
étayante pour les patients informés, volontaires
Elles sont particulièrement indiquées d'après les et consentants qui craignent d'être débordés
auteurs dans un processus de préparation des par leurs pulsions ou leurs fantasmes pédophi-
entretiens individuels, dans le cadre d'une famille liques obsédants. Leurs mises en place doivent
dépressive ou fusionnelle, ou lorsque l'auteur des s'accompagner, permettre et favoriser un engage-
agressions sexuelles est identifié comme tyran- ment psychothérapique et ne sauraient être une
nique au sein du groupe ou au fonctionnement réponse alibi univoque pour le juge, le médecin
familial marqué par le secret et l'emprise. Les et le patient.
Chapitre 9. Troubles des conduites sexuelles 253
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let 2009.
Chapitre 10
Traitements sexologiques
Manuel de sexologie
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260 Manuel de sexologie
Des traitements ont été réalisés pour étudier les 1-m-chlorophényl-pipérazine (mCPP) ont une
modifications du délai d'apparition des conduites action inhibitrice [10].
maternelles et d'autres ont été réalisés pour établir L'administration périphérique d'antagonistes
la nature des conduites maternelles, leur main- de la 5-HT augmente à la fois la lordose de la
tenance ou leur émergence ; peu de traitements femelle et la conduite de couverture chez le mâle.
ont été réalisés pour les deux types de conduite. Des implants d'antagonistes de la sérotonine,
Parce que ces mécanismes d'apparition diffèrent tels que le méthysergide ou la miansérine, dans
en divers points des mécanismes de maintenance l'aire hypothalamique pré-optique antérieure ou
ou de réémergence des conduites maternelles, dans l'hypothalamus postérieur ou dans l'amyg-
les effets des médicaments et des neuropeptides dale ou dans l'hippocampe dorsal, ou des injec-
peuvent différer entre ces phases des réponses tions de méthysergide, dans l'aire pré-optique ou
maternelles. dans l'hypothalamus ventromédian, augmentent
la lordose, alors que l'injection de 5-HT dans
l'aire médiane pré-optique ou dans l'arc ventro-
médial de l'hypothalamus supprime la lordose.
Effet des substances sur les La destruction des axones ascendants, des neu-
conduites sexuelles et les rones sérotoninergiques dans le cerveau moyen
conduites maternelles [7, 8] avec une implication locale d'une neurotoxine, la
5,7-dihydroxytryptamine (5,7-DHT) modère les
Substances agissant sur la conduites prospectives ou réceptives ou bien n'a
transmission sérotoninergique aucun effet sur la conduite sexuelle de la femelle.
Des injections intra-hypothalamiques de cette
Action sur les conduites sexuelles
neurotoxine, la 5,7-DHT, augmentent la lordose.
La sérotonine (5-HT) a un effet inhibiteur sur la Ainsi chez le rat, il y a beaucoup de preuves que
plupart des aspects de l'activité sexuelle du mâle, les traitements qui augmentent la neurotransmis-
particulièrement la conduite copulatoire. sion centrale de sérotonine sont inhibiteurs, alors
L'injection périphérique du précurseur de la que les traitements qui diminuent la neurotrans-
sérotonine (5-HTP), les agonistes de la sérotonine mission centrale de 5-HT facilitent les conduites
et la fenfluramine, qui augmentent la libération de sexuelles. C'est le cas dans l'espèce humaine pour
sérotonine et/ou les inhibiteurs du recaptage de la des conduites autres que sexuelles.
sérotonine (IRS), inhibent les conduites sexuelles Le rôle de la 5-HT dans les conduites sexuelles
aussi bien chez le mâle que chez la femelle (c'est le d'autres espèces est moins clair. Alors que la fenflu-
cas en clinique humaine des IRS). La déplétion en ramine inhibe la lordose, l'administration de PCPA
sérotonine par administration d'un inhibiteur de et de méthysergide n'a aucun effet d'inhibition de
la tryptophane hydroxydase, qui est la parachloro- la lordose chez les cochons d'Inde. Des injections
phénylalanine (PCPA), augmente la conduite de intraventriculaires d'un agoniste de la 5-HT, la
copulation. quipazine, inhibent la lordose des cochons d'Inde
L'injection directe de 5-HT dans l'aire pré- quand elle est injectée avant, mais non après le
optique et le nucléus accumbens inhibe l'activité début de la réceptivité sexuelle. La PCPA, chez
sexuelle, alors qu'elle la stimule si elle est injectée le singe, restaure la réceptivité après adrénalecto-
dans le raphé dorsal ou médian, où elle exerce mie. L'administration de 5-HTP, c'est-à-dire le
probablement un effet sur les autorécepteurs de précurseur de la 5-HT, diminue la conduite pros-
la 5-HT, sur les corps cellulaires et ainsi inhibe sa pective et le traitement par la clomipramine, rédui-
libération. Le 8-OH-DPAT qui est un agoniste sant le recaptage de la sérotonine, diminue les
5-HT1A agit peut-être au niveau des autorécep- conduites prospective et réceptive chez les singes
teurs dans ces deux régions cérébrales [9]. Des rhésus [11].
travaux plus récents ont mis en évidence que les L'effet sur la conduite sexuelle du rat de l'ad-
agonistes 5-HT1B, tels que le RU 24964 et la ministration périphérique d'agonistes de la 5-HT
Chapitre 10. Traitements sexologiques 265
tels que l'amide de l'acide lysergique (LSD) varie en maintenant l'activité dopaminergique dans le
avec la dose. Des hautes doses diminuent, alors noyau accumbens car les concentrations de DA
que des faibles doses augmentent la conduite de la et de DOPAC (acide dihydroxyphénylacétique,
copulation à la fois chez le mâle et chez la femelle. métabolite majeur de la DA) chutent après cas-
On pense que de faibles doses stimulent préféren- tration et remontent après injection substitutive
tiellement les autorécepteurs et diminuent ainsi la de testostérone ;
transmission synaptique de la 5-HT, alors que les • activité copulatoire : en prenant pour paramètre
fortes doses miment les hautes doses de neuro- la fréquence de couvertures et d'intromissions
transmission en stimulant préférentiellement les comme mesure de l'activité copulatoire, la plu-
récepteurs post-synaptiques. Les effets de la 5-HT part des travaux montrent que l'effet stimulant
sur la lordose semblent être progestérone-dépen- s'exerce par l'intermédiaire des récepteurs D2.
dant. Des hautes doses de 5-HTP ou d'autres Ceci a été largement démontré aussi bien chez
agonistes sont plus efficaces pour inhiber la lor- les rongeurs que chez l'homme après adminis-
dose chez des rates traitées avec les estrogènes et tration de nombreux agonistes dont l'action
la progestérone que chez des rates traitées avec les a été antagonisée par des antagonistes D2. Le
estrogènes seuls. Cependant, les effets de faibles rapport de l'activité D2/D1 peut être impor-
doses de LSD accroissant la lordose sont augmen- tant quant au contrôle de l'activité sexuelle,
tés par le traitement à la progestérone. Il a été en particulier une augmentation D2/D1 peut
ainsi fait l'hypothèse que la progestérone accroît réduire la latence d'éjaculation mais aussi dimi-
la conduite sexuelle en augmentant l'activité pré- nuer le réflexe érectile [13] ;
synaptique de la 5-HT. • réflexe érectile : l'effet stimulant sur l'érection
nécessite la présence de testostérone et s'exerce
Action sur les conduites maternelles probablement dans le télencéphale au niveau
La clomipramine qui bloque le recaptage de la des récepteurs dopaminergiques post-synap-
sérotonine n'a aucun effet sur la conduite mater- tiques [14].
nelle des rats traités pendant la gestation ou la lac-
Chez la femelle
tation. L'administration de 5-HT inhibe la latence
du meurtre des nouveau-nés mais ne diminue pas L'injection périphérique d'agonistes ou de pré-
la haute incidence d'infanticide des souris dont on curseurs dopaminergiques à fortes doses inhibe
a enlevé le bulbe olfactif. la lordose, mais au contraire la facilite à faibles
doses. Les récepteurs D1 ne semblent pas du tout
impliqués, ce qui laisse supposer que l'action des
Substances agissant sur la faibles doses d'agonistes ou de DA serait présy-
transmission dopaminergique noptique et diminuerait la transmission dopa-
minergique. Chez les rates, les antagonistes des
Action sur les conduites sexuelles récepteurs dopaminergiques facilitent la lordose
Chez le mâle mais inhibent la conduite prospective. Par ailleurs,
l'injection d'agonistes des récepteurs dopaminer-
La dopamine est impliquée dans les trois compo- giques, dans l'aire pré-optique médiane ou dans
santes de la conduite sexuelle des mâles : la zone arquée ventromédiane du noyau arqué de
• excitation (éveil) : il semblerait que l'effet sti- l'hypothalamus, facilite la lordose alors que l'ac-
mulant de la dopamine (DA) sur la conduite tion d'antagonistes dopaminergiques l'inhibe.
copulatoire soit un effet indirect lié à son action
sur la stimulation de l'excitation,
Action sur les conduites maternelles
• la testostérone agit sur l'aire pré-optique en
envoyant des influx vers le diencéphale en sti- L'administration d'agonistes dopaminergiques
mulant les centres de la récompense situés à ce ne produit aucun déficit de la mise en route ou
niveau [12]. Cette hormone semble importante de la maintenance des conduites maternelles
266 Manuel de sexologie
chez la rate mais diminue l'agressivité mater- tive et ceci parce qu'elle lève l'inhibition qu'exerce
nelle ou les autres composantes des conduites la noradrénaline via les autorécepteurs sur l'acti-
maternelles chez les hamsters. Les antagonistes vité des neurones noradrénergiques qui prennent
de la dopamine inhibent souvent les conduites naissance dans le locus cœruleus.
maternelles. Le traitement par la chlorpromazine
chez des rats en période de lactation diminue
le contact avec les différents nouveau-nés et la Substances agissant sur la
conduite de fabrication du nid. L'halopéridol transmission cholinergique
inhibe d'une manière dose-dépendante à la
Action sur les conduites sexuelles
fois l'apparition et la réémergence de plusieurs
composantes de la conduite maternelle chez des La lordose est diminuée 30 minutes après, mais
rates ovariectomisées ou chez des rates lors du augmentée 3 heures après l'injection périphé-
post-partum. L'halopéridol inhibe plus le fait de rique d'agonistes muscariniques. Parce que
s'occuper des nouveau-nés que la conduite de les effets inhibiteurs des agonistes muscari-
lactation elle-même suggérant un effet spécifique niques sont augmentés par les IMAO, il a été
sur les motivations maternelles. L'apomorphine conclu que la 5-HT, mais non les catéchola-
est capable de réinstaller les conduites de mater- mines, médiait l'inhibition muscarinique de
nage des nouveau-nés chez les rates traitées par la lordose. L'hypophysectomie est capable de
l'halopéridol. prévenir les effets des agonistes de la musca-
L'administration de l'amphétamine chez les rine suggérant que la facilitation de la lordose
rates lactantes inhibe les conduites maternelles peut résulter de la libération de substances à
à une dose bien supérieure à celles qui augmen- partir de la médullosurrénale. L'injection péri-
tent les conduites locomotrices. Des doses faibles phérique d'antagonistes muscariniques telle
d'amphétamine chez les singes vervet éliminent l'atropine inhibe les conduites de copulation
l'initiation du contact physique et visuel avec leurs chez le mâle. L'injection périphérique de nico-
petits. L'administration chronique d'imipramine tine semble augmenter la lordose ou bien faci-
qui diminue le recaptage de la noradrénaline dimi- liter ou inhiber les conduites sexuelles du mâle.
nue l'ensemble des conduites maternelles des rates L'implantation ou l'injection de carbachol ou
en période de lactation. d'atropine dans l'hypothalamus ou dans la zone
limbique augmente la lordose.
actuellement encore la plus utilisée. Son injection degré, à une vasodilatation dans la circulation
intracaverneuse à des doses allant de 10 à 120 mg systémique. Chez les patients souffrant de dys-
entraîne rapidement (après 2 à 10 minutes) une fonction érectile, le citrate de sildénafil augmente
vasodilatation locale, une augmentation du flux l'effet du monoxyde d'azote (NO) en inhibant
artériel pénien, une interruption transitoire du les PDE5 dans le corpus cavernosum. Lorsque
drainage veineux, une augmentation de la pres- la stimulation sexuelle cause une libération locale
sion intracaverneuse et une érection d'une durée de NO, l'inhibition de la PDE5 par le citrate de
variée selon les individus et les doses. En dehors sildénafil cause une augmentation des niveaux du
de la papavérine, de nombreux autres vasodila- GMPc, résultant en une relaxation du muscle lisse
tateurs ont été étudiés chez le volontaire sain ou et une augmentation de l'influx de sang dans le
chez le malade, ce sont notamment les inhibiteurs corpus cavernosum.
alpha-adrénergiques et des phosphodiestérases. Tadalafil (Cialis®) et vardénafil (Levitra®). Ce
sont deux autres inhibiteurs sélectifs et réversibles
de la PDE5, spécifique de GMPc. Il est métabolisé
Inhibiteurs alpha-adrénergiques par l'isoenzyme CYP 3A4 du cytochrome P450,
ce qui est à l'origine de nombreuses interactions
La phénoxybenzamine est incontestablement la
médicamenteuses.
substance la plus puissante. À la suite de son admi-
Avafanil (Spedra®) est un inhibiteur réversible,
nistration qui est parfois douloureuse, son action
hautement sélectif et puissant de la phosphodies-
débute après 5 à 8 minutes et l'érection peut durer
térase de type 5 (PDE5) spécifique de la guano-
entre 5 et 15 heures selon la dose administrée qui
sine monophosphate cyclique (GMPc). Lorsque
varie de 2 à 4 mg.
la stimulation sexuelle provoque une libération
La phentolamine à 1–10 mg donne des érec-
locale d'oxyde nitrique, l'inhibition de la PDE5
tions de courte durée chez le volontaire sain et
par l'avanafil entraîne une augmentation des
paraît peu efficace chez l'impuissant organique.
GMPc dans les corps caverneux du pénis. Cela
La thymoxamine à 1–10 mg est peu efficace
entraîne un relâchement des muscles lisses et un
chez le volontaire sain mais a donné de bons résul-
afflux de sang dans les tissus du pénis, produisant
tats surtout en position debout à la dose de 34 mg
ainsi une érection. Avanafil n'a aucun effet en l'ab-
chez des patients impuissants.
sence de stimulation sexuelle.
L'idazoxan (0,10 à 2 mg) par contre s'est révélé
L'utilisation de médicaments inhibant la PDE5,
inactif chez le volontaire sain.
entraîne des effets secondaires. La plupart des
Enfin, la yohimbine, dont on a longtemps mon-
effets sont généralement légers ou modérés et
tré les vertus aphrodisiaques après prise orale, ne
diminuent souvent progressivement à mesure
paraît pas efficace par voie locale.
que l'organisme se familiarise avec les substances
actives. Une dose plus faible aidera souvent à
Inhibiteurs des réduire les effets secondaires. Le tableau 10.1 ras-
phosphodiestérases [17] semble les effets secondaires les plus fréquents.
En conclusion, que peut-on dire en fonction de
Sildénafil (Viagra®). Le citrate de sildénafil est un ces résultats du ou des mécanismes impliqués dans
inhibiteur spécifique des phosphodiestérases de les érections induites pharmacologiquement ?
type 5 (PDE5) à GMP cyclique dans le muscle La vasodilatation locale apparaît fondamentale
lisse, où la PDE5 est responsable de la dégrada- mais n'importe quel vasodilatateur n'est pas actif.
tion du GMPc. Le citrate de sildénafil augmente L'inefficacité du salbutamol paraît liée au très
les concentrations de GMPc dans les cellules du petit nombre de récepteurs bêta-adrénergiques au
muscle lisse, résultant en une relaxation et une niveau du corps caverneux. Celle de l'hydralazine
vasodilatation. Chez les patients atteints d'hyper- est plus difficile à expliquer car on connaît mal son
tension pulmonaire, cela amène à la vasodilatation mécanisme d'action, mais peut-être n'existe-t-il
du lit vasculaire pulmonaire et, dans un moindre pas au niveau des corps caverneux les récepteurs
Chapitre 10. Traitements sexologiques 269
Tableau 10.1 Effets secondaires courants des controversés dans la mesure où on sait que chez
inhibiteurs de la PDE5. le volontaire sain l'imipramine est capable, du
Sildenafil Vardefanil Taladafil Avanafil fait de ses propriétés alpha-inhibitrices, d'entraî-
Céphalées 16 % 16 % 14 % 15 % ner l'érection. Il est difficile de faire la part des
Nausées 7 % 4 % 10 % 4 % choses entre la maladie dépressive et l'utilisation
Dorsalgies 6 %
d'antidépresseurs. Les antidépresseurs ont la mau-
vaise réputation d'entraîner de l'impuissance mais
Congestion 4 % 10 % 5 % 10 %
nasale
cela reste à prouver. Les anti-épileptiques, notam-
ment le phénobarbital, entraînent une baisse de
Douleurs 5 %
musculaires la libido ; il est possible en fait qu'il s'agisse seule-
ment de l'effet sédatif de ces substances.
Rougeurs 10 % 12 % 4 % 10 %
Enfin, l'acide valproïque (Dépakine®,
Troubles de 3 %
la vision
Dépakote®) qui est un anti-épileptique largement
utilisé pour traiter le trouble bipolaire est capable
d'entraîner des aménorrhées.
adéquats. Enfin, l'inefficacité de la néostigmine Dans un autre domaine, celui des antihy-
confirme bien que s'il existe une innervation para- pertenseurs, il semble avéré que la clonidine
sympathique au niveau des corps caverneux, son (Catapressan®) entraîne une impuissance sexuelle.
médiateur n'est pas de nature cholinergique. Quant à l'alpha-méthyldopa, l'incidence sur les
Le blocage alpha-adrénergique est un des méca- impuissances sexuelles a été vérifiée ; elle semble
nismes susceptibles d'induire une vasodilatation être voisine de 15 % chez les malades.
utile. Mais il faut d'emblée observer que l'ida- Les spironolactones, qui sont des diurétiques
zoxan et la yohimbine, inhibiteur alpha-2-adré- ayant une structure moléculaire stéroïdienne,
nergique, sont inactifs, alors que toutes les autres entraînent des troubles des règles, de l'impuis-
substances étudiées qui inhibent à la fois les récep- sance et de la gynécomastie.
teurs alpha-1 et alpha-2 induisent une érection. Les hypolipémiants, et particulièrement les
L'administration locale d'agents vasodilatateurs fibrates, engendrent souvent une perte de la libido
permet donc d'apporter une solution au moins et/ou une impuissance.
transitoire chez un pourcentage non négligeable Les IRS ont tendance à diminuer la libido chez
de patients impuissants. Les érections engendrées l'homme, voire chez la femme.
sont en général d'importance et de durée dose- Enfin, des constatations étonnantes ont été réa-
dépendante. Elles sont en général plus marquées lisées quant aux effets de l'héparine qui entraîne-
en position debout. rait un priapisme. Vingt cas ont été répertoriés en
France, surtout chez des sujets jeunes ayant moins
de 20 ans.
Effets secondaires
des médicaments
sur la sexualité [18] Pharmacologie des
déviances sexuelles [19]
Les antipsychotiques sont connus comme étant
des inhibiteurs de l'éjaculation. Il faut rappeler que On peut penser que les médicaments qui dimi-
ces médicaments sont des bloqueurs des récep- nuent la libido sont efficaces pour traiter les
teurs dopaminergiques. Les antidépresseurs tri- déviances sexuelles ; les conduites paraphiliques
cycliques imipraminiques notamment entraînent semblent parfois atténuées par les médicaments
une impuissance et un retard à l'éjaculation voire diminuant la sérotonine.
à la non-éjaculation, une difficulté d'érection, une Par ailleurs ce qui est vulgairement appelé « cas-
baisse de la libido. Ces résultats sont cependant tration chimique » est le fait des antitestostérones.
270 Manuel de sexologie
Il a été mis en évidence, lors d'une étude du trai- • médicaments dont l'action inhibe la mobilité
tement des déviances sexuelles par de faibles doses avant l'éjaculation, il s'agit de la nicotine et des
d'acétate de médroxyprogestérone (MPA), une spermicides vaginaux, notamment le nonéxy-
corrélation entre la diminution du taux de testos- nol-9-chlorhexidine, le propranolol et la gly-
térone et la diminution des déviances sexuelles. cérine. En revanche, la caféine, les inhibiteurs
La diminution étant estimée par le clinicien et le calciques et la glycérine augmentent la mobilité
sujet lui-même avant qu'on ait réalisé le dosage après éjaculation. Une étude américaine a fait
des concentrations plasmatiques de la testosté- voir que le Coca-cola diminuait la motilité des
rone. Il existe chez les sujets déviants, des corréla- cellules in vitro, cet effet semble lié au pH acide
tions comparables entre diminution des érections de cette boisson. Cependant, on a noté que
nocturnes et diminution des concentrations de cette diminution de la motilité était plus impor-
testostérone obtenues par un traitement anti- tante avec le Diet-Coca qui ne contient pas de
androgène. Toujours après traitement par les anti- saccharose mais de l'aspartame.
androgènes, les liens entre les concentrations de
testostérone et l'érection obtenue dans des condi-
tions expérimentales (stimulation au laboratoire)
semblent beaucoup moins corrélés.
Conseil sexologique
Frédérique Hédon
Médicaments et
spermatogenèse [20]
Définir le contenu du conseil sexologique n'est
On peut classer l'action des médicaments sur la pas univoque car le trouble sexuel est avant tout
spermatogenèse en plusieurs catégories : un symptôme dont la signification relève d'étio-
• médicaments dont l'action agit sur le contrôle logies variables. Ainsi, la « signification du symp-
endocrinien : il s'agit essentiellement des andro- tôme sexuel » peut correspondre à :
gènes, des estrogènes, des progestagènes, de • une maladie organique, relevant de la gyné-
la réserpine mais aussi du diazépam et de la cologie, de l'urologie, de la psychiatrie, de la
chlorpromazine qui inhibent la sécrétion de la chirurgie, de l'endocrinologie, de la médecine
gonadotrophine. Ces médicaments entraînent interne… : dans ce cas, les conseils du méde-
tous une diminution de la spermatogenèse. A cin seront clairement exprimés avec des règles
contrario, les substances qui stimulent la gona- à suivre, des traitements à prendre ou des inter-
dotrophine, c'est-à-dire la gonadotrophine elle- dictions plus ou moins formelles ;
même, le clomifène, le tamoxifène (qui sont des • une inadéquation sexuelle par défaut d'appren-
anti-androgènes) et la bromocriptine augmen- tissage, croyances erronées, conjugopathie : cela
tent la production de la spermatogenèse. La spi- nous place dans le champ de la sexothérapie ;
ronolactone aussi, car elle inhibe la synthèse des • l'expression d'un malaise corporel avec mau-
androgènes ; vaise image de soi, difficultés à accepter son
• médicaments dont l'action altère les cellules de la corps ou à s'exprimer à travers lui : ici le rôle
lignée germinale, à savoir le plomb, le cadmium du thérapeute sera de proposer des techniques
et les substances cytotoxiques. Certains pro- d'apprentissage/réapprentissage corporel qui
duits chimiques utilisés dans l'industrie comme seront soit enseignées directement au patient
le dibromochloropropane entraînent aussi ce (relaxation, autohypnose), soit vers lesquelles
type d'altération, ainsi que le gossypol. Il s'agit le patient sera orienté (yoga, pratique sportive,
de substances qui altèrent la maturation des massage, danse…) ;
cellules séminales. Ce sont essentiellement les • un défaut de communication : les méthodes
anti-androgènes (cyprotérone, et alphachloro- proposées s'orientent alors vers les thérapies
hydine, sulfasalazine) ; comportementales et cognitives faisant appel
Chapitre 10. Traitements sexologiques 271
à des exercices pratiques individuels (affirma- L'une des spécificités de la sexologie consiste
tion de soi, désensibilisation face à des situa- dans le fait que la demande concerne à la fois le
tions anxiogènes) ou à un travail de thérapie de corps et l'esprit. Si le trouble est dans bon nombre
groupe ; de cas l'expression d'un malaise personnel ou
• une situation existentielle particulière à un conjugal, il ne faut pas oublier pour autant qu'il
moment donné dont le trouble sexuel n'est au peut également être le signe clinique d'une mala-
fond qu'un épiphénomène et qui donnera lieu die et qu'un diagnostic, au besoin complété d'un
de préférence à une psychothérapie non direc- certain nombre de données médicales, doit tou-
tive pour resituer le symptôme dans le cadre jours être étayé en complément de l'encadrement
plus général de la vie du sujet ; psychologique à mener. De ce fait, le sexologue,
• un signe de structuration psychique individuelle ou le sexothérapeute, devra faire preuve de com-
où le symptôme sexuel, vu sous l'angle psycha- pétences multiples associant approche médicale
nalytique, est un compromis entre le désir et classique (éventuellement confiée à un correspon-
les défenses et qui permet à l'individu de vivre dant médecin), techniques de psychothérapie et
sa sexualité en limitant l'angoisse qui lui est éventuellement méthodes de thérapies psycho-
associée. Le conseil sexologique se limite alors corporelles. Le rôle du sexologue le place donc
à permettre au patient de mieux comprendre d'emblée dans un rôle de conseil, ne serait-ce
les mécanismes en jeu et, s'il décide d'entamer que pour conseiller au patient la démarche la plus
une cure psychanalytique, de l'aider éventuelle- appropriée à son cas.
ment à chercher l'analyste qui lui conviendra le La demande de thérapie sexuelle peut se situer
mieux. à différents niveaux : recherche de permission (de
On le voit, le conseil sexologique est une affaire faire ce que l'on a toujours fait ou que l'on a envie
délicate que le sexologue, ou sexothérapeute, de faire) ; demande d'informations sur la sexualité,
devra mener avec un mélange subtil d'assurance demande de conseils pratiques, de « trucs » pour
et de réserve, d'ouverture d'esprit et de tolérance, guérir le dysfonctionnement (éjaculation pré-
de tact et de mesure. Pour le patient, le sexologue coce, anorgasmie…) ; demande de thérapie pour
représente celui qui sait, celui qui guide, celui qui timidité, manque de confiance en soi, isolement
conseille les bonnes attitudes et déconseille les affectif, manque de capacité à entrer en relation
mauvaises. Pour autant, le sexothérapeute doit avec autrui… ; ou demande d'aide à résoudre un
absolument éviter de se comporter en maître à trouble sexuel secondaire précis.
penser ou en directeur de conscience. Dans les
diverses formes de thérapies « proposées » sur
le marché du mieux-être certaines, telles la psy-
Éducation sexuelle,
chanalyse et les thérapies d'inspiration analy- part intégrante du
tique, sont fondées sur le fait que le sujet reste, conseil sexologique
en principe, maître de sa cure. Pour autant, au
cours d'autres approches thérapeutiques il n'est Une grande partie des personnes qui consultent
pas rare que soit proposé, souvent implicitement, pour difficulté sexuelle s'avère démunie, plus ou
un « bon » modèle de fonctionnement sexuel. De moins complètement, de connaissances tant théo-
cela le sexologue devra se méfier et il ne devra pas riques que pratiques dans les multiples champs
chercher la toute-puissance en faisant état de sa mis en jeu dans le déroulement de la vie sexuelle
connaissance d'une « bonne » sexualité, fondée des humains. De nombreux patients, en particu-
sur des critères de normalité ou de non-norma- lier adolescents, adultes jeunes ou couples récents,
lité qui sont essentiellement subjectifs et basés sur manquent, encore actuellement, d'informations
des modèles d'observation des comportements élémentaires sur la fonction sexuelle ou sont vic-
humains, variables d'une culture à l'autre et d'une times de fausses croyances, fondées sur des lec-
époque à l'autre. tures ou des films à caractère pornographique,
272 Manuel de sexologie
lesquels montrent une image hyper réaliste mais d'élaborer sa réponse par une réflexion intérieure,
falsifiée des comportements sexuels. Le manque au lieu de se contenter d'une réponse concise par
d'information sexuelle peut également concerner oui ou par non. La formulation elle-même ne
l'autre sexe, dont le patient n'a aucune connais- suffit pas, il faut au thérapeute savoir se montrer
sance ou des connaissances limitées ou erronées, « patient » à son tour, c'est à dire laisser à l'interlo-
et au sujet duquel il éprouve le besoin de se rassu- cuteur le temps qui lui est nécessaire pour verba-
rer. Cette méconnaissance, si souvent rencontrée, liser au mieux sa réponse et cela peut prendre une
demande à être, au moins en partie, corrigée afin à plusieurs minutes, ce qui en terme d'interroga-
de permettre aux patients de progresser dans leur toire clinique paraît très long au médecin.
connaissance d'eux-mêmes et de celui de l'autre
sexe. Le sexologue a donc un rôle éducatif à jouer
et le conseil sexologique commence bien sou- Technique des entretiens
vent par de l'information sexuelle, qui consiste à semi-directifs
fournir des informations anatomiques et physio-
logiques, en les mettant à la portée des patients Contrairement à la démarche psychothérapique
par l'utilisation de termes simples et facilement classique, et plus particulièrement psychanaly-
compréhensibles, complétés par des schémas, des tique, le thérapeute en sexologie a une attitude
courbes, des illustrations ou des lectures. Plus plus interventionniste et plus directive et ne se
délicates à traiter, sont les informations sur les contente pas de la seule écoute bienveillante,
pratiques ou comportements sexuels « normaux », dont l'intérêt n'est pas pour autant mis en doute
ces derniers relevant de facteurs socioculturels et pour d'autres domaines. S'il ne s'agit certes pas
religieux que le sexologue devra savoir prendre en de donner un avis personnel, ou de verbaliser de
compte avec chaque patient. façon formelle une autorisation ou une interdic-
tion, le sexologue utilise la méthode d'entretiens
semi-directifs consistant à donner des explications,
si celles-ci sont nécessaires, et à poser des ques-
Interrogatoire : trame tions dans les différents domaines auxquels une
du conseil sexologique sexualité satisfaisante fait appel. Autrement dit,
il cherche à guider la réflexion des patients et à
En sexologie, l'interrogatoire a, en lui-même, une l'orienter vers des thèmes choisis afin de faciliter
fonction importante qui relève déjà de la prise en une évolution favorable. Son rôle consiste à aider
charge ; il permet en effet de recueillir une grande les patients à exprimer ce qu'ils n'osent pas dire,
part des informations nécessaires au traitement. La ou à en prendre conscience, tout en se gardant de
plupart des patients ressentent de la gêne à venir suggérer l'existence de difficultés supplémentaires
parler de leur sexualité à un médecin ou à un psy- ou d'interpréter de façon intempestive les atti-
chologue et l'interrogatoire, qui précise l'histoire tudes ou les pensées du patient ou d'aggraver une
de la maladie, les signes associés et son évolution, situation plus ou moins bien tolérée par une inter-
initie le dialogue sexologue–patient et représente vention personnelle. Ces entretiens permettent
une étape fondamentale : grâce aux questions– aux patients d'élargir leur champ de compréhen-
réponses sur le trouble sexuel, le sexologue per- sion, d'associer entre eux divers éléments en cause
met progressivement au patient de se sentir plus à dans la survenue de l'insatisfaction érotique res-
l'aise vis-à-vis de la sexualité, ce qui est en soi une sentie, de mieux cerner leurs attentes, leur bien-
part de l'évolution souhaitée. Cet interrogatoire fondé ou non, et les moyens à mettre en œuvre
devra répondre à deux critères concomitants : être pour les réaliser, mais aussi, parfois, d'identifier
exhaustif, puisqu'il s'agit d'établir l'anamnèse du les comportements à modifier. Le sexologue est
trouble, sans pour autant être directif. Pour cela il là pour favoriser la prise de conscience, la connais-
faut adopter le mode dit de « questions ouvertes », sance de soi et la compréhension des multiples
c'est-à-dire de questions permettant au patient interactions relationnelles, affectives et sensuelles
Chapitre 10. Traitements sexologiques 273
• l'érotisation et la jouissance pour elles-mêmes • le massage des organes génitaux, dans le petit
dans le massage relationnel, qui remplit le corps bassin, pour stimuler le désir et enfin les mas-
de sensations et replace le sexe dans un tout, sages sexuels, pour stimuler les productions
permettent aux hommes d'investir leur « part hormonales.
féminine ». Cette approche pose particulière- La sexologie américaine nous a apporté d'Esa-
ment la question des limites pour rester dans le len le massage californien fait de grands mouve-
cadre thérapeutique. Le massage peut être pra- ments, qui décrivent le corps dans ses structures,
tiqué par ailleurs en couple, après apprentissage et vont chercher les plus petits détails, des orteils
dans un contexte d'accompagnement thérapeu- aux oreilles, comme autant d'attentions au patient
tique ou pas ; et à son bien-être. Il englobe largement le corps
• l'expérience de la contagion et du lâcher-prise et la personne dans une ambiance de sensualité,
dans le bâillement, l'étirement libre, le rire, etc. faite de parfums, de musique douce ou d'un
qui permettent de se rapprocher de la conta- silence attentif, et recentre la personne sur elle-
gion de l'excitation, comme dans le réflexe même tout simplement. Il provoque une pro-
d'orgasme ; fonde impression de détente euphorique fondée
• l'assouplissement pour libérer l'arc réflexe bas- sur l'échange avec le masseur. Pour une personne
sin-gorge de l'orgasme. stressée, inhibée, les retrouvailles avec son corps,
Il est bien entendu que ces apprentissages sont son enveloppe qu'est la peau, hors d'une situation
des déclencheurs d'émotions et de souvenirs, qui sexuelle sont une permission à en jouir.
doivent être repris en séance ou dans un autre lieu Même si à l'origine les deux protagonistes
thérapeutique. L'écueil serait que l'apprentissage étaient nus, maintenant dans le contexte théra-
oriente le patient dans un comportement norma- peutique, la nudité est impossible. Par contre, la
tif. La sexualité est le lieu propre de la créativité, et pratique en est tout à fait encouragée pour les
doit le rester. C'est pourquoi il vaut mieux propo- massages en couple (particulièrement quand un des
ser ce travail, dans l'esprit de donner des clés, des partenaires est enfermé dans un « je sais, laisse-
maillons manquants, de vivre des « petites choses » toi faire »). Alors le massage appris ensemble est
qui permettent de retisser une relation avec l'inti- l'occasion pour le couple de repartir sur de nou-
mité pour qu'en toute liberté, dans sa vie sexuelle, velles bases relationnelles. C'est alors la réaction
le patient puise dans l'éventail de ses possibles. du massé qui guide l'évolution du massage, où
chacun est à l'écoute de l'autre et les deux « ont le
droit de s'exprimer », c'est le massage relationnel,
Massage où le partenaire se remplit de sensations corpo-
relles et sensuelles, replace le sexe dans une éroti-
Une vie sexuelle épanouie, demande d'être tout sation globale.
entier à l'écoute, ouvert à toutes les sensations qui Dans le cadre du soin, les hommes disent inves-
s'offrent. Pour cela, il faut puiser dans la réserve tir leur part féminine. Cet aspect pose la question
de son vécu, de ses ancrages positifs, pour que les particulière des limites, pour rester dans le cadre
pulsions, et le désir qui va avec, puissent s'y déve- thérapeutique. Il faut pour cela que le masseur ait
lopper. Le massage en est un merveilleux moyen. fait un travail sur lui-même, pour poser clairement
C'est de l'Orient que nous vient la connaissance ses limites et que le transfert se fasse sans dérive
des massages : confusionnelle.
• le massage énergétique : acupuncture, shiatsu, qui L'automassage (Do In, QiGong) fait de percus-
harmonisent l'énergie circulante, le QiGong, et sions, de frictions, d'étirements, de massages par
permettent l'expression même de la vie qu'est points, permet au patient de se connaître mieux,
l'énergie sexuelle ; en lui donnant, en même temps, la capacité de
• les massages érotiques longuement décrits dans faire lâcher ses tensions. Ainsi, il développe la
les ouvrages érotiques chinois, propres à éveiller capacité à savoir se donner du plaisir, à savoir se
la sensualité et… les fantasmes ; toucher. L'automassage, lui, permet d'accéder à
276 Manuel de sexologie
une certaine autonomie, par rapport à la grande L'hypnose est une technique qui vise par des
dépendance que crée le massage. Il favorise l'auto- suggestions – données par un hypnothérapeute
érotisation par le bien-être qu'il procure, c'est une ou auto-administrées (auto-hypnose) – à créer un
étape indispensable pour pouvoir donner dans la « état modifié de conscience » [22] ; une dissocia-
vie sexuelle. tion, permettant une fluidité plus grande de com-
Le massage du ventre (Chi Nei Tsang) des munication entre le corps et l'esprit, dénouant
organes internes à travers l'abdomen stimule et ainsi une voie psychosomatique bloquée, ce que
renforce les circulations et permet de lever les Ernest Lawrence Rossi appelle « la transduction de
barrières émotionnelles qui limitent l'amplitude l'information » [23].
respiratoire. Elle s'amplifie et sensibilise la peau, L'hypnose est « un état dans lequel les facul-
un peu comme si la peau s'ouvrait aux sensations tés mentales critiques sont temporairement sus-
pour respirer elle aussi, c'est-à-dire s'en nourrir. pendues et où la personne utilise principalement
C'est dans cet esprit qu'est pratiqué le massage l'imagination ou les processus de pensée pri-
en sexologie, il s'agit plus d'établir une relation maire » [24].
d'altérité, où le patient, le massé a son mot à dire L'hypnose permet d'agir sur « les phénomènes
sur son vécu, qu'une relation « maître-esclave ». physiologiques de l'organisme par des canaux
Ainsi la limite très subtile entre massage et caresse nerveux (systèmes nerveux autonome et sym-
peut être maîtrisée dans une relation qui exclue pathique), hormonaux (neuro-endocrinologie),
toute prise de pouvoir de l'un sur l'autre. immunologiques (la psycho-neuro-immunologie)
et enfin le canal du système des neuropeptides qui
commencent à être explorés » [25]. L'hypnose
Conclusion vise à mettre le sujet dans un état de confiance
physiologique et psychologique par la voie des
La thérapie sexocorporelle favorise la relation images et les métaphores utilisées par l'hypnothé-
corps-conscience à l'instar des thérapies verbales, rapeute. Ces images sont prises dans la banque
ici, la porte d'entrée c'est le corps. de données d'images du sujet (ses expériences
La part d'apprentissage dépend de la technique antérieures, ses souvenirs, ses lectures, ses images
et de l'élaboration de la conduite thérapeutique. filmiques, ses fantasmes, etc.) et visent cinq buts
Pour cela, il faut un cadre, un contrat, que le soi- principaux :
gnant sache repérer le transfert et les résistances. • réactiver le réseau associatif de la mémoire ;
Enfin, le massage recentre l'échange sur la res- • faire tomber les résistances ;
ponsabilité de chacun à ressentir, en premier lieu, • établir une communication du sujet avec son
du bien-être. inconscient ;
• opérer des changements de niveaux de
conscience des ouvertures ;
• induire le sujet dans une dynamique des repro-
Hypnose et sexothérapie grammations positives de comportement et/ou
de réponse physio-hormonale par la « transduc-
Joël de Martino† tion ».
Le schéma type d'une séance comprend sept
étapes :
Même si l'hypnose revient dans le champ des thé- • entretien préalable où sont explorés tous les para-
rapies avec le succès qu'on lui connaît, et qui sont mètres concernant le problème sexuel pour lequel
amplement médiatisées, cette technique remonte la personne vient consulter dans une approche
à la plus haute antiquité (terpnos logos des Grecs) holiste ;
[21]. • induction de l'état hypnotique : on demande à
la personne de fixer son attention sur un point
† Décédé. (« point de fixation » de l'hypnose). On ne
Chapitre 10. Traitements sexologiques 277
va traiter qu'un seul thème à la fois (« mono- nose négative, cet anticorps psychique de la fonc-
idéisme ») et les suggestions vont être données tion sexuelle » [24].
avec une voix toujours monocorde, sur l'expira- La personne se maintient toujours dans ce
tion du sujet, du plus aigu vers le plus grave et « cercle vicieux anticipatif de l'échec » [28].
de plus en plus lentement ; L'hypnose va donc déprogrammer les comporte-
• ceci va conduire à la « dépotentialisation du ments négatifs et les remplacer par des compor-
conscient » qui créera l'état de « dissociation tements positifs. Comme le disait Milton Hyland
hypnotique » [25] ; Erickson, « toute personne qui vient faire de l'hyp-
• approfondissement de l'état hypnotique avec la nose vient acquérir un nouvel apprentissage qui va
mise en route des processus inconscients. Seront améliorer sa vie ».
développées particulièrement les métaphores Mais qu'est-ce que vient apprendre le sujet en
résolutives en lien avec le problème sexuel ; hypnose ? Apprendre à désapprendre.
• les suggestions post-hypnotiques seront alors L'hypnose va donc remobiliser des émotions qui
données et viseront à créer des automatismes. étaient bloquées pour les remettre dans des pro-
Le cerveau fonctionne par séquences flashées cessus d'investissement nouveaux et créatifs. Et la
et engrammées. Ainsi si on vous parle du jus métaphore joue un rôle essentiel car, en parlant
« acide » du citron pendant 2 minutes, au bout d'autre chose – d'analogique avec le problème,
de ce temps-là on vous déclenchera une sur- profondément adapté à la vie de la personne –
production salivaire, car le cerveau a enregistré le sujet n'est plus sur la défensive. Vont alors se
dans sa mémoire la séquence (citron → jus → mobiliser toutes les capacités et les ressources
jus acide → production de salive). Les sugges- dont parlait Erickson dans ce « grand magasin »
tions post-hypnotiques visent à ancrer dans la qu'était pour lui l'inconscient et mettre en place
mémoire du sujet une séquence construite de « des processus immunologiques » [29].
manière idoine pour lutter contre le problème. Dans l'article de 1992, « L'imageonaute » [30],
Cette suggestion fera que – lorsque le sujet Joël de Martino a montré comment fonctionnait
y repensera, consciemment ou inconsciem- la métaphore dans son « jeu de double représen-
ment –, la séquence positive à fin thérapeutique tation » qui permettait de convoquer le sujet et
se déclenchera et le problème sera progressi- d'opérer les changements « signifiants » qui vont
vement neutralisé… si le message hypnotique rétablir la personne dans sa sexualité saine et nor-
est passé. « Ce que nous appelons suggestion male.
en hypnose est une communication ou une Parmi les techniques employées, on peut, par
séquence de communications qui ont pour exemple, employer la lévitation automatique de
but de faire apparaître des actions visibles ou la main, comme symbole de l'érection pour la
des réponses invisibles chez un sujet » disait A. personne souffrant d'une dysfonction érectile, ou
Weitzenhoffer cité par Godin [26]. « Quand le de manière métaphorique, pour indiquer au sujet
futur devient présent, on peut mieux inhiber ses que le sexe fonctionne en dehors du contrôle cor-
inhibitions, corriger ses fausses croyances, acti- tical pour certaines fonctions, ou bien encore pour
ver la physiologie de l'excitation du désir et de ces personnes qui veulent tout contrôler.
l'orgasme et finalement optimiser ses compor- On peut utiliser aussi :
tements. » [27] ; • la distorsion du temps avec les éjaculateurs
• retour à la conscience d'éveil, et échanges et dis- prématurés ;
cussion sur le vécu de la séance ; • des régressions en âge pour revenir sur des
• au prochain rendez-vous sera faite l'évaluation scènes initiales traumatiques (notamment avec
bilan des retombées concrètes de la séance. les personnes violées), les revisiter et les modeler
L'hypnose est particulièrement efficace en ce positivement ;
qui concerne les troubles sexuels. • les métaphores de roses qui éclosent, de
Comme le dit Daniel Araoz, la personne qui a diaphragmes photographiques qui s'ouvrent ou
des troubles sexuels développe « une auto-hyp- encore de péniches qui glissent dans des écluses
278 Manuel de sexologie
pour les personnes souffrant de vaginisme et de pas un a priori de départ. Plus qu'une « thérapie
dyspareunie ; du pourquoi » (pourquoi j'ai ce problème ?), c'est
• la technique du double écran ou des appren- une « thérapie du quand et du comment » (quand
tissages précoces pour sortir la personne de vais-je décider de m'en sortir réellement et arrêter
schèmes négatifs dans lesquels elle s'était de vouloir rechercher le parfait, et comment vais-je
enkystée ; m'en sortir ?), reposant sur l'apprentissage d'outils
• les signaux idéomoteurs (association d'un geste pour mieux gérer les comportements d'échec, les
avec une action) par exemple : serrer le poing pensées parasites et les émotions négatives.
très fort et l'ouvrir tranquillement pendant la L'analyse fonctionnelle est l'outil de base qui per-
pénétration pour détendre le vagin, ou dresser met de lire le symptôme dans l'ici et le maintenant
un index très fort et très tendu pour stimuler tant sur le plan comportemental que cognitif et
l'érection ; émotionnel. Le patient est actif dans l'auto-obser-
• la technique de confusion qui va flouer les limites vation et la compréhension des mécanismes de mise
du monde interne et du monde externe, ou bien en place et de maintien du trouble. Par là même, il
faire imploser un raisonnement bouclé sur lui- apprend l'autocontrôle de son problème. Le théra-
même, selon le stratagème du cheval de Troie. peute, chaleureux, empathique, renforce positive-
On ne peut dans cet ouvrage donner plus de ment tout petit progrès ; il discute avec le patient de
techniques car ce serait trop long. Celles-ci sont la définition des objectifs et des hypothèses d'appa-
données, ici, à titre d'illustration. rition, du maintien du comportement–problème.
Comme le dit Daniel Araoz, « les méthodes de Les objectifs définis sont mis en pratique entre
l'hypno-sexothérapie sont naturelles, élégantes les séances et validés par l'expérience, au cours
et économiques » [24]. Cependant il ne faut pas d'exercices effectués par le patient lui-même dans
faire de l'hypnose une opération magique. Et sur- sa vie quotidienne. Tout blocage peut modifier le
tout sortir des stéréotypes socioculturels dont elle protocole thérapeutique qui sera de nouveau dis-
fait l'objet – oscillant entre sorcellerie et charlata- cuté entre le patient et le thérapeute.
nisme –, et qui sont des fondements alimentant L'histoire du patient n'est prise en compte que
les résistances populaires à l'hypnose, lui déniant si elle joue un rôle dans la présence du symptôme
ainsi un statut scientifique réel qu'elle a mainte- et dans son maintien.
nant acquis, et qui n'est plus à démontrer.
Analyse fonctionnelle
Thérapies cognitivo- Classiquement, le symptôme sexuel s'évalue selon
comportementales une stratégie de questionnement et d'analyse
fonctionnelle. Cette analyse du comportement
François-Xavier Poudat† sexuel s'effectue suivant deux axes :
• d'une part, une analyse synchronique ;
• d'autre part, une analyse diachronique.
À côté du courant psychanalytique et du courant
systémique, les thérapies comportementales et
cognitives ont développé une thérapie du présent Axe synchronique
orientée sur les problèmes et les solutions. Les
Il va consister en une analyse du symptôme sexuel
causes profondes ne sont recherchées que si elles
dans toutes ses composantes : cognitive (ce que
sont utiles à la résolution du problème, c'est-à-dire
le patient se dit de son trouble, étude de sché-
si elles « nourrissent » la souffrance et la plainte
mas cognitifs et de l'imaginaire) ; émotionnelle
actuelle du patient. La réflexion sur le passé n'est
(la manière dont le corps réagit, ce que le patient
† Décédé. ressent comme sensation positive ou négative) ;
Chapitre 10. Traitements sexologiques 279
comportementale (ce qui se voit du problème, • l'analyse de la demande qui devra déterminer ce
le trouble mécanique en tant que tel et l'attitude que le patient et le couple attendent de la prise
comportementale du patient face à son trouble) ; en charge thérapeutique ;
enfin, environnementale (rôle du partenaire, la • les motivations du couple à venir aux entretiens ;
structure conjugale et familiale). • les attentes des patients face au thérapeute,
Les symptômes sexuels sont autorenforcés par à la thérapie et aux résultats (les processus de
différents paramètres : changement) ;
• le paramètre comportemental : la répétition de • déterminer le rôle, la place du symptôme chez
l'acte sexuel, par exemple, l'obsessionnalisation l'individu et le couple ;
du rapport vont autorenforcer l'échec ; par ail- • étudier le symptôme sexuel tel que nous l'avons
leurs, l'évitement, du fait la réassurance à court décrit ci-dessus, sans oublier de l'inscrire dans
terme, supprime toute possibilité de change- son avenir ;
ment thérapeutique ; • prendre en compte le couple dans sa struc-
• le paramètre cognitif : l'attitude de spectateur, ture, son choix, la distribution des rôles et des
les ruminations anxieuses, l'anticipation néga- pouvoirs ;
tive sont autant d'éléments qui vont autoren- • intégrer la recherche des étiologies organiques
forcer le trouble ; et iatrogènes sans omettre les facteurs fonction-
• le paramètre émotionnel : les sensations de nels (stress, etc.) ;
stress, d'émotions négatives, vont également, • enfin, étudier particulièrement, à l'aide de ques-
par effet de panique, accentuer le trouble ; tionnaires, tests, auto-évaluations, les compo-
• le paramètre environnemental : l'attitude du santes fantasmatiques, l'imaginaire, intégrés
partenaire va jouer un rôle essentiel dans l'ac- dans l'analyse cognitive telle que nous allons la
centuation ou la résolution du problème. décrire page 254.
efficace. Nous savons depuis les études qui ont été mer avec ses mots et avec son corps. Il va aborder
faites concernant l'efficacité des psychothérapies autant ce qui le fait souffrir que ce qu'il imagine
que le patient a tendance à patienter passivement que serait pour lui le seul objectif possible : la
et à attendre une solution miracle du thérapeute, guérison, la suppression du trouble. « Je souffre
le « fumiste » patiente activement, le problème c'est de mon problème d'érection » vers « j'aimerais ne
l'autre, il attend des solutions de l'autre et de l'envi- plus avoir de difficultés sexuelles », vers « je vou-
ronnement, enfin le client lui, travaille activement à drais quelles que soient les circonstances être tou-
la recherche de ces solutions en collaboration avec le jours opérationnel ».
thérapeute. Le thérapeute est expert dans la théorie, Il y a donc souvent une confusion entre la
le patient est expert dans le symptôme. plainte du patient et son corollaire la demande
L'étude du mode de lecture du symptôme pré- de suppression de cette plainte, la guérison que
senté est un point essentiel pour entrer en contact le patient imagine comme idéale. Cette guérison
avec lui (le symptôme et le patient) et pour mettre serait pour lui, en plus de la suppression du pro-
en place au départ le premier outil thérapeutique blème, le retour à une vie sexuelle passée idéali-
efficace : thérapie comportementale pour ceux qui sée, ou la mise en place pour le futur d'une vie
expriment leurs symptômes avec des comporte- sexuelle également idéalisée. Cette guérison n'a
ments, thérapie cognitive pour ceux qui « pensent » parfois plus du tout de rapport avec la réalité
leurs symptômes et thérapie corporelle pour ceux qui actuelle du patient et/ou du couple. Je pense
vivent dans leurs corps leurs symptômes. Le premier qu'il sera plus facile pour le patient de laisser tom-
outil thérapeutique choisi par la dyade thérapeute- ber le symptôme si le thérapeute l'aide à entrevoir
patient sera toujours fonction du mode d'expression d'autres éventualités, d'autres choix moins dou-
du symptôme, ceci permettant de renforcer le lien. loureux, plus ouverts, hors caricatures cognitives,
Parallèlement à cela, le thérapeute doit aussi comportementales lesquelles sont centrées sur
connaître ses limites, ses capacités, ses ressources l'efficacité sexuelle. Il est évident que l'objec-
et ses fragilités, ses compétences et ses manques. tif que le patient se donne est fait de nouveaux
Il y aura ainsi moins d'attentes déçues et peut-être avantages et d'inconvénients, fait de changements
moins d'échecs. qui vont « changer » la vie du patient ; de nou-
N'oublions pas que nous parlons de sexua- velles attitudes et comportements vont apparaître
lité, sujet faisant écho en nous-mêmes. Parler à remettant en question de vieux réflexes.
quelqu'un de sa sexualité, ce n'est pas projeter notre Le problème, l'individu et le couple étant des
sexualité comme norme thérapeutique car nous dynamiques en perpétuel mouvement, en façon-
assisterions alors au remplacement des croyances nage et remodelage permanent, le thérapeute
du client par les croyances du thérapeute. Si le thé- devra clarifier avec le client ce que celui-ci met
rapeute accueille un client avec à l'esprit cette capa- dans sa plainte, ce qu'il entend de la plainte de
cité d'ouverture et d'humilité, de compétence et de l'autre (il est essentiel à ce sujet de demander
respect, toutes les informations pourront alors s'ex- au conjoint du client et au client lui-même de
primer de vive voix sans risque de « faire mal ». Le reformuler la demande de l'autre « qu'avez-vous
patient se sentira également partie prenante dans la compris du problème de votre conjoint ? »). Le
nécessaire création du lien thérapeutique et pourra thérapeute devra également savoir du client
peut-être passer du rôle de patient au rôle de client. ce qu'il met derrière le terme guérison et ce
que le conjoint du client met également der-
rière ce même terme. Vous remarquerez d'ail-
leurs que les objectifs sont souvent différents. Il
Changer plutôt que guérir : faut donc à tout moment que le thérapeute ait
recherche d'un objectif en tête que le symptôme sexuel représente des
inconvénients qui ne sont pas les mêmes pour le
La demande du patient est à entendre comme conjoint et qui sont parfois des avantages pour
l'expression de sa souffrance. Le patient va l'expri- celui-ci.
Chapitre 10. Traitements sexologiques 281
Grâce à une meilleure définition de la plainte Cette thérapie brève s'échelonne en un nombre
de départ et des objectifs que le thérapeute et le de séances limité : une douzaine de séances en
patient pourront définir ensemble, nous arrive- moyenne, focalisées sur des objectifs précis ame-
rons à une démarche thérapeutique progressive nant à des changements pertinents. Elle peut, tou-
qui permettra une meilleure résolution du pro- tefois, être plus longue en cas de travail sur les traits
blème. En cela l'analyse fonctionnelle est essen- de personnalité et sur les difficultés conjugales.
tielle puisqu'elle doit permettre, après les premiers Enfin, cette thérapie repose sur une évaluation
entretiens, de mieux définir à partir de la plainte scientifique afin de définir les critères d'efficacité.
du patient, la réelle difficulté, le véritable compor-
tement-problème, lui-même permettant de mieux
centrer la démarche thérapeutique vers l'objectif Quel traitement
défini. Cet objectif dont nous reparlerons plus pour quel problème ?
loin ne sera défini qu'après un questionnement
spécifique qui est nécessaire à l'élaboration de La sexothérapie comportementale repose sur des
la thérapie. Ce questionnement intègre une cla- exercices construits à partir des principes de la théorie
rification de la définition du problème et une comportementale et cognitive. Elle associe des exer-
clarification des solutions possibles (avantages et cices pratiques (par exemple, la technique de Squeeze
inconvénients). dans l'éjaculation précoce ou la technique de Kegel
Le passage entre le problème et les solutions dans le vaginisme) et des techniques typiquement
s'effectuera par le biais du processus de change- comportementales (désensibilisation systématique,
ments « en boule de neige » ou en « battements technique d'exposition au stress), cognitives (discus-
d'aile de papillon ». Ce processus de changement sion sur les croyances) ou émotionnelles.
passe par une étape indispensable : l'acceptation Le traitement choisi dépendra évidemment de
de la fonction positive du symptôme. Faire en la nature du problème, mais aussi de son expres-
sorte que le patient apprenne à comprendre com- sion. Trois cas de figure peuvent se présenter.
ment fonctionne son symptôme, comment il se
répète, comment il disparaît, comment il revient.
C'est comme si nous demandions au patient de Comportement ouvert
faire du « copinage » avec son symptôme sexuel.
Ce n'est pas s'aliéner à son symptôme, c'est l'étu- Les problèmes ou les conséquences sont externes,
dier, le voir fonctionner, donc le regarder en pre- observables (on parle alors de comportement
nant de la distance pour mieux le résoudre. ouvert) :
• lâchage de l'érection ;
• évitement des rapports sexuels, fuite, compen-
●● En résumé sation par d'autres activités ;
• Il y a des avantages et des inconvénients dans • répétition obsédante ;
une plainte, un symptôme. • contracture réflexe du vagin ;
• Il y a de nouveaux avantages et de nouveaux inconvé-
• douleur ;
nients à une « guérison ».
• éjaculation avant pénétration.
• L'objectif de traitement n'est pas toujours la suppres-
sion du symptôme. Le traitement de ces problèmes relève des théra-
• Passer du symptôme à l'objectif nécessite des étapes pies comportementales.
de changement précises dépendant du patient et de
l'expression du symptôme.
• Un symptôme s'exprime de multiples manières avec Comportement couvert
différentes facettes (émotionnelles, cognitives, compor- ou de cognition
tementales, environnementales, corporelles).
• Les outils de traitement seront fondés sur les diffé- Les problèmes ou les conséquences sont intériori-
rentes facettes de la plainte et seront uniques pour un sés, non observables (on parle de comportement
patient à un moment donné. couvert, de cognition) :
282 Manuel de sexologie
Tableau 10.2 Traitements (tous les traitements s'ouvrent sur les trois axes).
Traitement émotionnel Traitement cognitif Traitement comportemental conjugal
– Lutter contre la peur, le stress, la – Lutter contre les pensées parasites – Lutter contre l'évitement
panique, l'anxiété – Remettre en question ses croyances, – Lutter contre l'obligation du résultat
– Améliorer la connaissance de son corps, ses tabous – Développer la communication verbale dans le couple
l'image de soi – Développer son imaginaire, ses – Développer le jeu des caresses
– Développer sa sensorialité fantasmes – Harmoniser l'échange sexuel
– Restructurer certains secteurs du couple
Être bien dans son corps Être bien dans sa tête Être bien avec soi et avec l'autre
– Exploration corporelle – Information pédagogique – Thérapie sexuelle et thérapie de couple
– Relaxation – Démystification des croyances, mythes, – Exercice de gestion de l'excitation sexuelle
– Sensorialité principes erronés – Apprentissage de la stimulation orgasmique
– Désensibilisation – Apprentissage de la masturbation
– Techniques d'affirmation de soi
– Apprentissage des caresses
Chapitre 10. Traitements sexologiques 283
• ou j'évite la confrontation et, à court terme, angoissant au plus angoissant, cotés par exemple :
je me sens mieux mais je ne résous pas le 0, 5, 10, 15, 20, etc. jusqu'à 100. Cela fait, en
problème ; tout, une vingtaine d'exercices.
• ou j'y vais, je répète, je réessaie mais avec une Dans l'exposition : je vais apprivoiser ma peur
telle angoisse que je rate de nouveau ; en la découpant en exercices, du moins angoissant
• ou je tente une approche progressive de la au plus angoissant, cotés par exemple 0, 20, 40…
peur : jusqu'à 100. Cela fait en tout cinq à six exercices
– en me donnant des objectifs faciles, en me au maximum, plus difficiles peut-être, mais tout
fixant des étapes intermédiaires entre le rien aussi efficaces.
et le tout. On parle de techniques de désen- Le principe est de suivre cette progression à son
sibilisation lorsque la progression est faite rythme, de ne jamais brûler les étapes et de ne
d'étapes « fines », très rapprochées, minima- passer à l'exercice suivant que lorsque l'exercice
listes, plus facilement « digérables », pour aller précédent ne suscite plus du tout d'angoisse. Cela
vers le but fixé, ne sert à rien, pour aller plus vite, de bâcler le tra-
– en fait tout dépend de mon problème et de vail : l'échec est au bout. Le corps comme l'esprit
ma personnalité. Ce n'est, malgré tout pas ont besoin de temps, non pas pour comprendre
la peine d'aller trop vite, notre organisme a l'exercice mais pour l'assimiler et l'intégrer.
son rythme propre et c'est lui qui décide de Ce n'est pas la peine, par exemple, de vouloir
la progression, brûler les étapes ralentira le reprendre la pénétration dans le cas d'un blo-
résultat et empirera le problème, cage sexuel si déjà les caresses dans le couple sont
– pour construire la liste de situations que je source de malentendus ; cela ne sert à rien de vou-
vais utiliser au cours de la désensibilisation ou loir retrouver un plaisir orgasmique si l'image que
de la technique d'exposition, je vais me don- l'on a de son corps est toujours négative.
ner une méthode.
Imaginons que ma peur face à mon problème
soit de 100 sur une échelle allant de 0 à 100, 0 Techniques cognitives
étant l'absence de peur et 100 la peur extrême
Parallèlement aux exercices de thérapie comporte-
(tableau 10.3).
mentale, il vous faut également agir sur les pensées
Dans la désensibilisation, je vais apprivoiser
parasites, les ruminations mentales, les scénarios
ma peur en la découpant en exercices, du moins
catastrophes.
Tableau 10.3 Exemple d'exposition progressive en cas La dédramatisation et la prise de recul sont
d'inhibition du désir–sensate focus nécessaires pour ne pas s'enfermer dans un dis-
Exercices Échelle cotée cours négatif stérile. Pour cela, vous allez vous
de 0 à 100 servir de la technique dite de la triple colonne de
Caresses générales sur tout le corps, sans 20 Beck, du nom du spécialiste qui a travaillé sur le
toucher les zones sexuelles, l'un après l'autre, traitement des pensées négatives dans la dépres-
sans pénétration sion (tableau 10.4) :
Caresses générales associées à l'exploration 40 • dans la première colonne, je note la situation
des zones sexuelles sans s'y focaliser, sans qui me pose un problème (« je suis avec ma par-
pénétration. Les réactions sexuelles absentes ou
présentes ne sont pas prises en compte tenaire et je voudrais avoir un rapport sexuel ») ;
• dans la deuxième colonne, je note mon ressenti
Exploration de la poussée des zones sexuelles, 60
en s'y focalisant, mais sans pénétration corporel et émotionnel (« ce que ressent mon
Pénétrations « désintéressées » comme moyen 80
corps face à une situation problème ») ;
d'améliorer l'excitation et non comme but de • dans la troisième colonne, je note les pensées
parvenir à un résultat ruminatoires qui sont rattachées à la situation et
Reprise des rapports sexuels 100 aux émotions (« je vais rater, elle va m'en vou-
Techniques d'affirmation de soi loir, je ne suis plus un homme, etc. »).
284 Manuel de sexologie
Tableau 10.6 Structure de la sexualité féminine Tableau 10.7 Structure de la sexualité masculine.
(exemple de l'anorgasmie)
a. Plaintes sexuelles
a. Plaintes sexuelles
– Dysfonctions érectiles
– Anorgasmie – Dysfonctions éjaculatoires
– Sécheresse vaginale – Peur de l'échec, peur de ne pas réussir, anticipation négative, peur
– Douleurs entraînant une dyspareunie et une peur effectivement des réactions de la partenaire, doute sur sa nature d'homme
réactionnelle avec anticipation négative due à la douleur et à
l'insatisfaction vécue la première fois
b. Conséquences du problème sexuel
– Focalisation sur la pénétration
b. Conséquences du problème sexuel
– Efficacité de la virilité
– Peur de la non-réussite – Caricature du rapport sexuel
– Focalisation sur les réactions de l'homme – Caresses précipitées
– Efficacité des mouvements de va-et-vient produisant – Érections – pénétrations
éventuellement une excitation – Éjaculation intravaginale
– Attente de possibilités multi-orgasmiques – Faiblesse des caresses
– Sensualité extrême recherchée – Attitude de spectateur
– Attente de lubrification importante (entraînant une attitude de – La femme aurait les mêmes croyances sur la sexualité que
spectateur plutôt que d'actrice oubliant de se laisser aller) l'homme
situation angoissante en commençant par la • vous pouvez visualiser ce stop de la façon dont
plus simple (comme ci-dessus), mais je pense à vous le souhaitez (je pense à chaque lettre
la version positive de la situation sur laquelle je du mot « stop », j'imagine le mot « stop »
travaille. entouré de rouge, etc.). Ce signal, qui vous
Par exemple, je me concentre sur une image : est propre, sert simplement à mieux faire res-
contact du doigt avec le vagin, caresse sur verge sortir le stop ;
molle. L'angoisse est ici remplacée par une vision • dès que vous vous êtes concentré sur ce stop,
positive de la situation : le contact du doigt avec le vous pensez de nouveau à la pensée para-
vagin, les caresses sur la verge molle apportent une site. Cela peut durer de quelques secondes à
notion de réussite, d'efficacité dans la progression quelques minutes. Vous mettez alors de nou-
de la liste que j'ai construite. veau un stop, durant quelques secondes ou
quelques minutes, et ainsi de suite, jusqu'à ce
Autre variante que cette pensée ruminatoire perde de son pou-
Après plusieurs inspirations-expirations en respira- voir parasitant ;
tion synchronique, je me concentre sur une situa- • vous créez ainsi une chaîne : pensée parasite-
tion d'angoisse en commençant toujours par la stop, pensée parasite-stop, etc.
plus simple mais, cette fois, je me concentre sur Variante :
la version partiellement positive de la situation sur • vous pouvez faire le même exercice en rempla-
laquelle je travaille. Cette façon de travailler est çant le stop par une pensée positive, agréable
utile lorsqu'il paraît plus facile d'imaginer positi- (version positive de la pensée ruminatoire
vement une partie de la situation que sa totalité parasitante) ;
(jugée trop irréaliste). • au lieu de mettre un stop, je me dis « J'ai
Par exemple, je me concentre sur l'exploration bien réussi à certains moments. Pourquoi pas
des zones sexuelles en imaginant que je réus- aujourd'hui ? » ou « Je peux accepter de rater,
sis uniquement à poser ma main sur ces zones c'est normal de rater. Seuls les gens parfaits
sexuelles, sans aller plus loin. Même si le reste de réussissent tout. »
l'exercice est difficile et si, seule, cette première
partie est positive, c'est déjà satisfaisant. Techniques d'élaboration fantasmatique
Au travers de la visualisation mentale, nous pou-
Les techniques de relaxation permettent un
vons donc visualiser la situation :
lâcher-prise par la modification du champ de
• négative telle qu'elle est ;
conscience qu'elles induisent. On se trouve dans
• de manière positive ;
un état proche d'un état second, entre l'état de
• partiellement positive.
veille et l'état de sommeil, mais où l'on garde tou-
Le résultat est de pouvoir s'autoriser à changer
jours, contrairement à ce qui est souvent dit, un
sa vision toujours négative de la situation.
certain contrôle de soi.
Cet état d'ouverture favorise le développe-
Techniques cognitives sous relaxation
ment d'un imaginaire adapté à la sexualité. Plus
Nous allons utiliser une technique particulière je suis proche d'un état de conscience ordinaire
appelée le « stop de la pensée » : (vie ordinaire), plus je me laisse parasiter par mon
• après quelques inspirations-expirations en respi- environnement. Plus je lâche prise grâce à ces
ration synchronique, vous allez vous concentrer techniques, plus je peux ouvrir mon imaginaire et
sur une pensée qui vous parasite (« je ne vais pas le développer. Encore faut-il que je veuille avoir
réussir, je ne suis pas à la hauteur »). Dès que envie d'élaborer mes propres scénarios érotiques.
vous avez bien inscrit cette pensée dans votre Je pars de ce que je m'autorise entre le « sage »
esprit, ce qui ne devrait pas être trop difficile, et le « pas sage », je tiens compte de mes inter-
vous mettez un stop mental ; dits, de mes tabous, de mes désirs. Je peux utiliser
288 Manuel de sexologie
ce que j'ai dans mon quotidien : livres érotiques, • Rappelez-vous qu'un problème n'est qu'une
films érotiques ou autres, le soft ou le hard pour partie de soi (je ne suis pas un problème, j'ai un
élaborer mes propres scénarios sans culpabilité problème).
(puisqu'ils ne sortent pas de ma tête). • Rappelez-vous qu'une solution et un change-
Ces scénarios servent de moteur à l'expérience ment ne sont possibles que si on devient client
sexuelle, au déclenchement du désir. Ils sont par- (et non uniquement un patient impatient atten-
fois très utiles. Durant les séances de relaxation dant la magie du thérapeute).
en rupture avec la vie quotidienne, un réel tra- • Négociez les objectifs intermédiaires réalisables
vail d'élaboration peut s'effectuer qui permet, à domicile avant d'en arriver à l'objectif final.
en toute « impunité », d'accepter le scénario • Demandez-vous ce que serait la solution idéale
fantasmatique. (à raconter en détail). Quels sont les moyens
Si une pensée parasite culpabilisante survient, pour arriver à cette solution idéale ?
et il y en aura, je mets un stop juste après ma • Demandez-vous ce qu'aurait été la pire situa-
pensée négative et je me concentre de nouveau tion. Comment avez-vous fait pour que cela
sur mon scénario érotique. Je me laisse aller sans n'arrive pas ?
risque. • Interrogez-vous sur les situations où le pro-
blème était absent. Que faisiez-vous alors ?
• Efforcez-vous de construire des moments pri-
Ultimes recommandations vilégiés pour que cela aille mieux (contexte,
aux impatients ambiance, climat).
• Mettez en évidence les changements qui ont
Si vous avez compris que vous ne devez pas être déjà été efficaces.
impatient et que vous devez jouer un rôle actif • Faites peu et bien plutôt que tout et mal.
dans la résolution de votre problème, vous devien- • On n'arrive à rien sans prendre de petits risques.
drez un véritable thérapeute pour vous-même. Il y a aussi du risque à ne rien faire.
Voici un ensemble de remarques qui peuvent vous • Construisez à deux, en harmonie, votre relation
aider à tenir ce rôle. sexuelle.
• Prenez le temps de réfléchir à votre problème, • Ne passez pas votre temps à jouer aux devinettes
quantifiez votre souffrance sur une échelle de avec l'autre. Communiquez vos envies.
0 à 10 (0 : pas de souffrance ; 10 : maximum • Occupez-vous des moyens plutôt que des buts.
d'intensité de la souffrance). • Concentrez-vous sur vos sensations plutôt que
• Efforcez-vous, dans l'explication du problème, sur vos performances.
d'utiliser le « je » plutôt que le « nous » ou le • Sachez remettre en question vos acquis.
« on » (je souffre, j'ai du mal, j'aurais envie). • Sachez que chaque rapport sexuel est unique.
• Dites-vous que le problème est la vision • Souvenez-vous que votre partenaire n'est pas
qu'on a du problème. Ce n'est pas toujours la vous.
vérité mais c'est sa vérité qu'il faut prendre au • Donnez-vous un rendez-vous en couple une
sérieux. fois par semaine pour faire le bilan de ce que vous
• Rappelez-vous qu'on a le droit face à un pro- avez essayé pour positiver les efforts de l'autre.
blème de rater, de réussir, de tourner en rond : • Sachez qu'il y a un minimum « syndical » pour
c'est humain. La sexualité échappe à la fois du le couple en couple : une soirée par semaine ; un
tout au rien. week-end tous les 2 mois ; une semaine tous les
• Dites-vous que vous avez le droit de douter, 6 mois.
de vous interroger, de ne pas être sûr de vous- • Allez voir un spécialiste, si vous le souhaitez.
même. Le doute permet le questionnement. Il vaut mieux consulter pour apaiser une petite
• Essayez d'utiliser l'humour sans nier le pro- angoisse, qu'attendre pour être à ramasser « à la
blème mais en le relativisant. petite cuillère ».
Chapitre 10. Traitements sexologiques 289
des valeurs, des idées qui infléchissent normes et le symptôme dans un but adaptatif et rééducatif de
habitudes sexuelles à l'insu des individus. Elle est la « dysfonction ».
une histoire individuelle, la psychanalyse nous l'a La psychanalyse ne considère pas que nous
appris. C'est parce que les hommes sont inscrits soyons malades du sexuel mais que l'accès à son
dans le langage qu'ils peuvent donner une signi- désir et à sa vérité permet à chacun de trouver les
fication à leurs pulsions sexuelles qui se tradui- arrangements qui lui conviennent.
ront en termes de désir mais aussi en termes de La souffrance psychique se traduit souvent par
symptômes. des manifestations que nous trouvons étranges,
À la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, irrationnelles, anormales, inadaptées, il s'agira
Krafft-Ebing, Havelock Ellis, Freud s'intéressent d'inhibitions, de peurs de toutes sortes, d'an-
à la sexualité et à ses manifestations psychopa- goisses, d'obsessions, d'échecs répétés, d'insatis-
thologiques. Ils ont des questions communes factions multiples, dont l'insatisfaction sexuelle
mais n'ont pas la même conception de la sexua- sous tous ses aspects : impuissance, éjaculation
lité. Sexologie et psychanalyse ne parlent pas prématurée, manque de désir, etc.
de la même chose. La sexologie veut ignorer la En général, chacun de nous cherche à résoudre
dimension de l'inconscient. Havelock Ellis défend ou à surmonter ses difficultés et trouve des solu-
l'idée du déterminisme biologique de la sexualité tions partielles qui lui permettent de continuer à
et celle « des perversions d'un instinct génital ». Il avancer dans la vie. Parfois, les symptômes insistent
ne reconnaît pas comme valide l'approche freu- et deviennent invalidants. Ils hypothèquent les
dienne de la sexualité infantile. Freud déconstruit rapports aux autres : famille, amis, collègues. Les
l'idée d'instinct génital et de norme sexuelle pro- symptômes sexuels deviennent la plupart du temps
duisant une définition pas seulement génitale de très vite insupportables. De fait, la vie sexuelle
la sexualité. Il articule sexualité infantile perverse est soumise à une injonction sociale à jouir et au
polymorphe, sexualité « normale » et perversions mythe de l'harmonie sexuelle, lesquels favorisent
sexuelles de l'adulte révolutionnant ainsi la psy- et nourrissent la création du symptôme. Quand
chopathologie sexuelle. L'organisation libidinale cela devient trop difficile à vivre, il est possible
infantile inconsciente influe fortement et éclaire la d'aller poser ses questions, d'aller prendre l'avis
sexualité adulte et ses avatars. La psychanalyse d'un psychanalyste. Les pratiques sexuelles étant
propose une approche globale, existentielle et non confrontées aux normes et à la morale, la sexualité
normative. Le travail clinique de Freud lui a per- (et l'ensemble des questions qu'elle pose) doit être
mis de postuler l'inconscient et ses lois, la sexua- décollée de toute position moralisante. Personne
lité infantile, les mécanismes du refoulement. Il a ne sait à la place de l'autre. La vérité est en chacun.
proposé un dispositif théorique qui vise à expli- Cette quête de vérité, d'un savoir sur soi éclairera
citer les ressorts de notre humanité à travers les le patient sur les enjeux de ce symptôme.
pulsions sexuelles et leur destin, les complexes Lorsque l'on a éliminé toute cause somatique
d'Œdipe et de castration. C'est le chemin néces- d'un symptôme sexuel, il ne reste plus à envisager
saire, obligatoire et structurant pour civiliser le que les causes psychologiques. Grâce à l'outil psy-
sexuel. Cette dynamique psychique inconsciente chanalytique, on peut les explorer. Avec la psycha-
livre chaque humain au risque du symptôme et nalyse, c'est la prise en compte de l'inconscient,
fait de chacun un névrosé normal. Le symptôme c'est-à-dire l'ensemble des pulsions et des désirs
c'est ce qui cloche, il est l'expression d'un conflit sexuels infantiles refoulés auxquels nous n'avons
inconscient. Par le retour du refoulé, il réalise un pas pu renoncer en grandissant. L'exigence de
compromis entre la cause du refoulement et la satisfaction qu'ont ces désirs inconscients n'est pas
satisfaction d'un désir refoulé. Ces positions théo- compatible avec une bonne adaptation à la réalité.
riques sont toujours contestées par le discours La petite fille ne peut ni épouser son père ni avoir
sexologique qui réduit de plus en plus le champ des relations sexuelles avec lui ou avec sa mère,
du sexuel aux comportements et aux organes. Il de même le petit garçon avec sa mère ou avec
ignore les processus mentaux inconscients et traite son père. Freud nous a appris à reconnaître les
294 Manuel de sexologie
quel point il faut être prudent à l'égard de ce qui mieux et qui lui semblent le plus adaptées au cas
est avancé comme symptôme. Ces règles et cette à traiter. Ces diverses thérapies ne sont pas l'objet
fonction inspirées de l'expérience psychanalytique de ce texte.
visent à établir une relation thérapeutique efficace,
éthique, éclairée, que l'on soit thérapeute, psycha-
nalyste, sexologue ou médecin. Indications des
La psychanalyse grâce à ses concepts d'incons- thérapies de couple
cient, de pulsion, de sexualité infantile, de trans-
fert a permis une avancée importante dans la Couple
qualité de la prise en charge des patients. Elle a
permis au psychanalyste Michael Balint de nous Il doit d'abord exister, et ce depuis au minimum
laisser ce conseil : « Le médicament le plus pres- 6 mois. Les deux partenaires doivent accepter de
crit par le médecin, c'est le médecin lui-même, venir en consultation (il n'est pas toujours facile
c'est donc celui dont il doit connaître le mieux les de faire participer le partenaire de celui qui porte
effets. » Cet adage vaut pour tous les thérapeutes, le symptôme), l'implication de chacun dans la thé-
quels qu'ils soient. rapie nécessitant le désir de poursuivre une rela-
tion affective et sociale ainsi qu'une motivation
réelle à continuer à vivre ensemble.
Les problèmes relevant des thérapies de couples
Thérapies de couple : sont nombreux :
• l'inhibition du désir ;
indications, contrat • les troubles de l'excitation : dysérection, dyspa-
thérapeutique et suivi reunie, vaginisme ;
• les troubles de l'orgasme : éjaculation précoce,
Nadine Grafeille éjaculation retardée, anéjaculation, anorgas-
mie, dysorgasmie (orgasme insatisfaisant ou
douloureux) ;
Les couples viennent consulter pour des pro- • les troubles de la communication ;
blèmes de sexualité, pour des difficultés affec- • les mésententes conjugales ;
tives, relationnelles, familiales. Une prise en • les problèmes familiaux (enfant, ascendants,
charge thérapeutique ne sera satisfaisante collatéraux).
qu'après une évaluation correcte et précise de
l'état des lieux : événements de vie de l'enfance
et de l'adolescence, début de la sexualité, édu- Cadre
cation, religion, traumatismes physiques et rela-
tionnels, personnalité de chaque protagoniste, Il doit être structurant, constant, rassurant et
thymie et affect, difficultés sexuelles, facteurs confidentiel.
déclenchants, facteurs contribuant au maintien • Si plusieurs thérapeutes interviennent, il
de la problématique, apprentissage sexuel, désir convient d'informer et de justifier cette décision ;
de changer, possibilités de se remettre en cause, exemple : la co-thérapie fait agir simultanément
motivations de chaque partenaire, érotisme, sen- deux thérapeutes ; les thérapeutes peuvent tra-
sualité, fantasmatique. vailler en complémentarité (exemple : urologue
Plusieurs types de thérapies existent : les théra- et psychiatre, médecin et psychologue, médecin
pies psychodynamiques, systémiques, stratégiques, et kinésithérapeute).
corporelles, intégratives, auxquelles s'ajoutent ou • Au cours d'une thérapie, le langage utilisé n'est
se substituent les sexothérapies. Chaque théra- ni cru ni provocateur. Il doit être adapté aux
peute utilise la ou les techniques qu'il connaît le patients même s'il devient technique.
296 Manuel de sexologie
Même si un patient paraît très motivé pour çoit la nécessité, proposer d'effectuer ce tra-
qu'un problème disparaisse, sa conduite incons- vail en simultanéité avec un autre thérapeute :
ciente entretient souvent la persistance de la la complémentarité d'une thérapie individuelle
pathologie. La prise de conscience permettra et d'une thérapie de couple peut permettre
l'évolution : de débloquer de nombreuses situations mais à
• veiller à l'investissement du « nous » à la place condition que ces thérapies soient pratiquées
du « je » dans la construction du couple ; avec deux thérapeutes différents afin de conser-
• préciser les différences et apprendre à les utiliser ver un bon équilibre au cours du travail en
positivement ; couple.
• rechercher les points forts de chaque patient, les
exprimer ;
• déterminer ce qui est réalisable et ce qui est
inaccessible ; Quand doit-on stopper
• donner des exemples concrets (dans la sphère la thérapie ?
culinaire ou ludique) afin de faciliter la compré-
hension et afin de ne pas se polariser que sur la La fin de la thérapie de couple est envisagée dans
seule sphère sexuelle ; les cas suivants :
• travailler sur les tabous, les idées préconçues, les • si tout va bien et que le couple est satisfait ;
fausses croyances ; • si la communication est impossible dans le
• aborder la tendresse, l'amour, la sensualité, couple (conflits ingérables, impossibilité de se
l'érotisme, la séduction, l'apport de fantaisies remettre en cause : n'est pas « thérapable » qui
amoureuses : certains questionnaires facilitent veut !) ;
cette approche. • si un problème de santé rend la thérapie trop
complexe (grossesse à risque, accident grave
de l'un des partenaires, déplacements rendus
Fantasmatique impossibles) ;
Il faut ménager les jardins secrets, faire émerger • si le thérapeute se sent dépassé par les problèmes
la créativité, l'imagination : le but est la prise de du couple ;
conscience et non pas le passage à l'acte. • si le contrat n'est pas respecté (relation extra-
Il convient, pour le couple, de réapprendre à conjugale, trop de retards, trop d'absences) ;
gérer progressivement son intimité : l'injonc- • si rien ne bouge.
tion paradoxale est prescrite fréquemment en Dans tous les cas, laisser la possibilité pour les
début de thérapie (coït interdit), l'approche patients de revenir plus tard.
corporelle redevient lentement possible (sensate
focus), les contacts sensuels reprennent, l'acte
sexuel peut exister à nouveau. Il est également
important de réévaluer la situation en fonction Conclusion
des résultats :
• Doit-on poursuivre ? Les thérapies de couple nécessitent une formation
• Doit-on changer de modèle ? particulière pour le thérapeute afin d'éviter cer-
• Doit-on modifier la technique ? tains pièges et afin d'aider les patients à mettre en
• Vaut-il mieux une thérapie individuelle ? place le principe de changement comportemental
Toute décision nouvelle doit être discutée avec qui permet une meilleure intégration de la sexua-
le couple en séance. lité du couple. La communication verbale et non
Si l'un des protagonistes souhaite faire une verbale représente l'essentiel de cette prise en
thérapie individuelle, ou si le praticien en per- charge.
Chapitre 10. Traitements sexologiques 299
Cet article est fondé en majeure partie sur Évaluer le risque cardiaque
les recommandations élaborées lors des
4 Consultations internationales qui ont réuni En cas d'arrêt prolongé des rapports, évaluer le
à Paris en 1999, 2003 et 2009, 2015 de nom- risque cardiaque lié à leur reprise.
breux experts du domaine de la médecine sexuelle Par la dépense énergétique qu'il met en jeu,
à propos de la dysfonction érectile (DE) et des l'acte sexuel augmente le risque d'accident type
autres dysfonctions sexuelles [31–36], et sur les infarctus ou trouble du rythme. Ce risque peut
Standards Committee de l'International Society for être important en cas de cardiopathie sous-jacente
sexual medicine [37], ainsi que sur des recomman- et particulièrement de coronaropathie, fréquem-
dations françaises actualisées publiées en 2019 ment associée à la DE car les deux affections
[38]. On trouvera un développement complet partagent les mêmes facteurs de risque. La coro-
et de nombreuses Références dans les ouvrages naropathie peut être muette et donc méconnue,
correspondants. On recommande aujourd'hui particulièrement chez un homme sans activité
d'aborder le traitement de la DE en quatre étapes, physique qui aurait permis de la révéler, et chez les
envisagées l'une après l'autre en fonction de diabétiques du fait de leur neuropathie végétative.
l'éventuel échec de la précédente. Deux paramètres principaux doivent être pris en
compte à cet égard :
• l'activité physique du patient. Si elle est impor-
Recommandations tante, il n'y a pas à craindre d'accident lors d'un
rapport qui n'implique pas une dépense énergé-
générales pour le traitement tique plus importante ;
de la dysfonction érectile • la notion de cardiopathie associée. En tel cas, le
risque inhérent peut être classé en faible, élevé
Faire participer le patient ou intermédiaire en fonction de tables établies
aux décisions à la suite de conférences de consensus [32, 34,
39]. Dans les deux derniers cas, le patient doit
Après information détaillée sur les avantages et être confié au cardiologue qui jugera quand
inconvénients des différentes options disponibles, on pourra autoriser sans danger une éventuelle
l'impliquer dans le choix du traitement. reprise d'activité sexuelle.
Même en l'absence de cardiopathie connue, il
faut considérer l'éventualité d'une cardiopathie
Prendre en compte la partenaire
silencieuse s'il existe au moins trois facteurs de
Chaque fois que possible, obtenir qu'elle accom- risque tandis que le niveau d'activité physique est
pagne l'homme afin de l'informer, de la rassurer faible : dans ce cas, il faut également confier le
des craintes qu'elle pourrait éventuellement avoir patient au cardiologue pour ECG et s'il est nor-
vis-à-vis des risques du traitement, et de la faire mal, pour une épreuve d'effort.
également participer au choix. Si elle est méno-
pausée et ne reçoit pas de traitement hormonal Informer et conseiller
substitutif, en cas de reprise des rapports après une
période d'arrêt prolongée, conseiller des mesures Quel que soit le traitement envisagé, y associer infor-
appropriées pour limiter le risque de dyspareu- mations et conseils sexuels ; il est p articulièrement
300 Manuel de sexologie
nerveuses (déclenchement sous l'effet du désir, est un paramètre essentiel. Toutefois, la prise quo-
de l'excitation ou d'une stimulation sexuelle), tidienne est peu utilisée au long court (les patients
puis de l'endothélium vasculaire étiré par le début adaptant d'eux-mêmes le protocole selon leurs
d'érection (renforcement, maintien). Le NO besoins).
active la production du guanosine monophos-
phate cyclique (GMPc), qui va lui-même relaxer Efficacité
les fibres musculaires lisses des CC et par là induire Elle est proportionnelle à la dose utilisée, sans dif-
l'érection. L'enzyme PDE5 présent dans les CC férence démontrée entre les quatre IPDE5, ceci
inactive naturellement le GMPc et limite donc aussi bien dans les populations tout-venant (rap-
l'érection. Les IPDE5 neutralisent son activité et, port « réussi », avec maintien de l'érection après
en annulant la dégradation du GMPc, permettent la pénétration lors de 66 à 75 % des essais selon
son accumulation dans les CC et le renforcement les études, à condition d'avoir augmenté si néces-
du mécanisme naturel de l'érection. Ils ne peuvent saire la dose jusqu'au maximum autorisé, contre
cependant agir que si du NO a été libéré, ce qui 20 à 40 % sous placebo) que dans les popula-
requiert une stimulation érotique minimale (désir, tions sélectionnées en fonction de la cause de la
stimulation tactile, visuelle ou fantasme). DE ou des pathologies associées. C'est chez les
sujets à corps caverneux intact que les résultats
Pharmacocinétiques, rapidités sont les meilleurs : patients neurologiques, parti-
et durées d'action culièrement scléreux en plaques et paraplégiques ;
La rapidité d'action des quatre produits est décrite DE de cause psychologique ; sujets dépressifs, y
comme peu différente. Les premiers effets se mani- compris sous antidépresseurs. Ils sont moins bons
festent en 10 à 15 minutes. Après 20 à 30 minutes, lorsqu'un problème vasculaire est associé (artério-
50 % des sujets répondeurs sont déjà en érection. pathie, coronaropathie, hypertension artérielle)
Les effets de l'avanafil, sildénafil et du vardénafil, ou suspecté du fait de la présence de facteurs de
mais pas ceux du tadalafil, peuvent être retardés risque et encore moins bons chez les diabétiques
de plusieurs heures si ces médicaments sont pris qui associent souvent vasculopathie et neuropa-
dans les deux heures suivant un repas, d'autant thie (48 à 54 % de rapports « réussis » contre 12 à
plus qu'il est riche en matières grasses et « arrosé ». 23 % sous placebo). C'est enfin chez les hommes
La durée d'action des trois IPDE5 est par contre qui ont subi une chirurgie pelvienne radicale pour
différente. Initialement évaluée à 4 heures pour le cancer de la prostate ou de la vessie qu'ils sont les
sildénafil et le vardénafil, il a été prouvé que ces plus médiocres.
deux IPDE5 agissaient 6 à 8 heures chez certains Des résultats satisfaisants ont aussi été rappor-
sujets. L'avanadil a une demi-vie de 17 heures. Le tés dans des cas de DE associée à de nombreuses
tadalafil a une demi-vie plus longue de 36 heures autres pathologies : insuffisance rénale, transplan-
après la prise. Certains vivent mal en effet la néces- tation rénale ou cardiaque, maladie de Parkinson,
sité de programmer et l'heure de la prise du com- résection rectale pour cancer, troubles sexuels des
primé et le moment de leur relation sexuelle, le psychotiques sous psychotropes lourds, et enfin
tadalafil en prise quotidienne de 2,5 ou 5 mg peut HBP, d'autant plus qu'un effet bénéfique de la
leur convenir davantage. Du fait de la demi-vie prise quotidienne de chacun des trois IPDE5 a
longue du tadalafil, ce schéma d'administration récemment été démontré en ce qui concerne les
continue permet au patient d'être en permanence troubles urinaires du bas appareil (TUBA) asso-
sous l'effet du médicament. Il peut de ce fait res- ciés à l'HBP. Outre son indication dans la DE,
taurer les érections spontanées, ce qui souvent ras- l'AMM du tadalafil 5 mg en prise quotidienne
sure beaucoup le patient. Ce schéma de traitement comporte aujourd'hui l'indication des TUBA. Il
est particulièrement adapté aux sujets jeunes, qui a aussi été démontré que le bénéfice des quatre
ont une fréquence élevée de rapports, aux nom- IPDE5 dépassait largement leur simple impact
breux hommes et couples pour qui la spontanéité sur la qualité de l'érection. Lorsque les érections
Chapitre 10. Traitements sexologiques 303
sont rétablies, sont également améliorés par rap- IPDE5 a fait couler beaucoup d'encre. Peu après
port au groupe placebo la satisfaction sexuelle le lancement du sildénafil, l'exploitation média-
globale des deux partenaires, la qualité de la rela- tique de décès survenus chez des patients traités
tion de couple et, chez l'homme, la confiance en par ce médicament soulevait dans le grand public,
soi, les contacts sociaux et l'adaptation au travail, et même au sein du corps médical, des craintes
les scores de santé mentale, tandis que diminuent non justifiées à ce sujet. Les études en double
significativement les scores de dépression, laquelle insu contre placebo réalisées chez des -milliers
est souvent associée à la DE. Pour chacun des de patients pour chacun des quatre médicaments
quatre IPDE5 des études à moyen terme ont aussi ont prouvé qu'ils n'augmentaient ni le risque
montré qu'il n'existait pas d'épuisement de l'effet d'accident cardiovasculaire grave, et particuliè-
thérapeutique avec le temps. rement d'infarctus, ni le risque de décès. Ceci a
été confirmé par les études de veille sanitaire post-
Tolérance commercialisation. Les cathétérismes cardiaques
Elle est dans l'ensemble bonne pour chacun des ont confirmé l'absence d'impact hémodynamique
quatre IPDE5. Dans la très grande majorité des significatif, particulièrement chez les sujets coro-
cas, les effets indésirables observés sont minimes nariens. Toute interaction cliniquement significa-
ou modérés, durent peu de temps après la prise tive avec les hypotenseurs a aussi été écartée. Les
du médicament, et tant leur fréquence que leur seules interactions importantes concernent deux
intensité tendent à diminuer pour éventuellement classes de médicaments :
disparaître avec la répétition des prises. Au cours • d'une part les dérivés nitrés (trinitrine à action
des essais cliniques, les effets indésirables n'ont été immédiate et retard) et les autres donneurs
responsables d'un arrêt du traitement que chez de NO (linsidomine ou Corvasal®, nicoran-
1 à 2 % des patients. La plupart sont communs dil ou Adancor®, Ikorel®) dont l'association
aux quatre IPDE5, et leur incidence est proche aux IPDE5 est formellement contre-indiquée.
d'un inhibiteur à l'autre : céphalées (environ 14 % Elle pourrait en effet causer une hypotension
des patients) ; flush (4 à 15 %, peut-être moins artérielle sévère, dangereuse chez un sujet vas-
fréquents sous avanafil et tadalafil) ; dyspepsie, culaire. Il est cependant souvent possible d'ob-
particulièrement œsophagite par reflux lié à la tenir du cardiologue le remplacement de ces
relaxation des muscles lisses du cardia par l'IPDE5 médicaments par un protecteur coronarien ne
(4 à 10 %, peut-être plus prolongée avec le tada- contre-indiquant pas l'emploi des IPDE5 ;
lafil) ; sensation de nez bouché liée à l'impact sur • d'autre part, et à un moindre degré, les alpha-
la PDE5 présente dans la muqueuse nasale (3 à bloquants utilisés pour traiter les troubles pros-
10 %). Par contre, les troubles visuels (vision bleu- tato-urinaires. Leur association aux IPDE5
tée, augmentation de la brillance des images) sont nécessite une vigilance du fait d'un risque d'hy-
spécifiques du sildénafil (5 % des cas avec la dose potension (vérification des chiffres tensionnels,
de 100 mg) et liés à son impact sur la PDE6 réti- recommandation de s'allonger, jambes suréle-
nienne du fait d'une moindre spécificité pour la vées, en cas de malaise).
PDE5 de cet inhibiteur. Il n'en a jamais été observé
de séquelles, même à long terme. De même les Prescrire un traitement par IPDE5
douleurs musculaires, particulièrement lombalgies Le succès des IPDE5 nécessite le respect de cinq
parfois intenses, ne s'observent qu'avec le tadala- règles essentielles :
fil. Elles sont probablement la conséquence d'une • y associer une stimulation sexuelle, nécessaire
inhibition prolongée de la PDE5 liée à la longue pour libérer du N0 ;
demi-vie de ce médicament, car on en a aussi • prise plus de 2 heures après le dernier repas
observé avec les autres IPDE5 en cas de prise quo- pour l'avanfil, le sildénafil et le vardénafil ;
tidienne. Aucune séquelle n'a été non plus obser- • intervalle approprié entre la prise et l'acte
vée. La possibilité de risques cardiovasculaires des sexuel ;
304 Manuel de sexologie
• en cas de résultat insuffisant, augmenter la disme, ce qui peut être une cause d'abandon du
posologie jusqu'au maximum autorisé ; traitement ; amélioration des signes non sexuels
• ne pas renoncer avant au moins quatre à six d'hypogonadisme, comme fatigue, manque de
essais avec la dose la plus élevée, car les résul- dynamisme, irritabilité…
tats ne sont souvent obtenus que progressive-
ment, et il faut du temps pour qu'un couple qui Changer d'IPDE5
n'a plus eu de rapports depuis plusieurs années Moins de 10 % des véritables non-répondeurs
puisse se retrouver dans l'intimité. (non-réponse en dépit des cinq règles énumérées
plus haut) semblent pouvoir être « récupérés »
Conduite à tenir en cas par l'utilisation d'un autre IPDE5 à la demande.
d'échec des IPDE5 Changer d'IPDE5 peut cependant améliorer cer-
Réviser les modalités de prise tains problèmes de tolérance ou d'acceptation du
traitement.
Réviser et si nécessaire corriger ou personnaliser
les modalités d'utilisation de l'IPDE5. On ne peut Traitements locaux
parler d'échec qu'à condition du respect des cinq Ils peuvent induire des érections « fonctionnelles »
règles précédentes. Beaucoup d'échecs apparents dans plus de deux tiers des cas, mais leur accepta-
résultent en fait de consignes insuffisamment bilité est plus limitée.
détaillées ou mal respectées par le patient. La révi-
sion de ces consignes suffit à corriger au moins
50 % des soi-disant échecs sans changer d'IPDE5. Auto-injections intracaverneuses
Rechercher et traiter un déficit en testostérone Les auto-injections intracaverneuses constituent
Plusieurs études ont rapporté une fréquence éle- particulièrement une solution efficace pour la
vée de taux bas ou limites de testostérone chez les majorité des échecs des IPDE5. Le principal trai-
hommes avec DE ne répondant pas aux IPDE5, tement est constitué par les auto-injections intra-
et chez certains une amélioration de leur réponse caverneuses (IIC), à réserver à des médecins ayant
suite à l'association d'un traitement par la testos- bénéficié d'une formation spécifique.
térone à l'IPDE5. Un taux circulant minimum de C'est l'alprostadil ou prostaglandine E1
testostérone pourrait donc être nécessaire chez (PGE1 : Edex®, Caverject®), seule à avoir l'AMM
certains hommes pour une efficacité optimale des en France, qui est principalement utilisée.
IPDE5. Une étude personnelle récente a confirmé
une amélioration de la réponse aux IPDE5 par Efficacité
l'association d'une administration de testostérone La PGE1 induit dans la demi-heure suivant l'IIC
chez des sujets préalablement non-répondeurs une érection compatible avec la pénétration chez
aux IPDE5 qui avaient un taux de testostérone plus de 70 % des hommes avec DE, y compris
totale inférieure à 3 ng/mL avant traitement, mais plus de 65 % de ceux qui ne répondent pas aux
pas chez ceux qui avaient un taux supérieur à ce IPDE5. L'érection peut durer selon le patient et
seuil. Il est donc recommandé de doser la testos- la dose injectée 30 à 120 minutes. En cas d'échec
térone en cas d'échec des IPDE5, et si son taux de la PGE1, sa combinaison dans la même injec-
est bas ou normal bas, de faire pendant 3 mois tion à un alpha-bloquant, la phentolamine, et/ou
l'essai d'un traitement par la testostérone couplé à un relaxant musculaire puissant, la papavérine,
à la poursuite des IPDE5 (traitement combiné). permet d'obtenir une érection « fonctionnelle »
L'association testostérone–IPDE5 peut d'ailleurs chez environ 50 % des patients non-répondeurs
apporter d'autres bénéfices que l'optimisation à la PGE1 seule. Mais ces associations n'ont pas
de la réponse érectile à l'IPDE5 : restauration de l'AMM en France, où il n'en existe aucune qui
la libido, souvent diminuée en cas d'hypogona- soit prête à l'emploi.
Chapitre 10. Traitements sexologiques 305
Secondaire
Troubles sexuels primaires
En cas de dyspareunies secondaires (douleurs sur-
venant chez une femme qui n'avait pas mal aupa- Pour les troubles sexuels primaires, ce peut être
ravant), on recherchera essentiellement : l'éducation sexuelle, c'est-à-dire non seulement ce
• une origine infectieuse (herpès, mycoses, tri- que l'on a enseigné à l'enfant, mais aussi ce qu'il
chomonas, gonocoque, etc.) ; a entendu, le contexte dans lequel il a vécu et
• une origine allergique : aux produits de toilette, l'atmosphère dans lequel il a baigné, avec tous les
aux savons, aux produits spermicides, etc. ; dits et non-dits vis-à-vis de la sexualité. « Je ressens
• une cause dermatologique (lésion de la peau, encore la honte que m'a infligée ma mère quand
lichen, eczéma, etc.) ; elle a dit devant toute la famille qu'il fallait que je
• une cicatrice au niveau de la vulve si les douleurs cesse mes habitudes de fille de mauvaise vie, quand
sont survenues à la suite d'un accouchement, j'étais dans mon lit » dit Delphine, qui se plaint
ou d'une opération chirurgicale ; d'absence d'intérêt sexuel, et de dyspareunies.
• une sécheresse vaginale, atrophie des muqueuses Parfois plus simplement, il s'agit d'un manque
vaginales et vulvaires chez la femme ménopau- d'expérience évidente chez les deux partenaires,
sée chirurgicalement, ou naturellement. chacun attendant de l'autre une aide qu'il(elle) ne
308 Manuel de sexologie
peut lui apporter. Sans parler de la « maladresse » répercussion physique sur le plan sexuel de cet
du partenaire qui n'est peut-être que mal à l'aise. acte. L'importance des informations ouvertes
Parfois la non-acceptation du partenaire par les permet à la patiente de poser les questions qui la
parents, voire par la famille peut avoir à lui tout préoccupent, etc.
seul un effet inhibiteur pour la patiente.
Ménopause
À la ménopause aussi il y a des modifications psy-
Troubles sexuels secondaires chologiques, à côté des modifications hormonales
physiologiques, et cela intervient nettement sur
En cas de troubles sexuels secondaires (qui sur- la sexualité. À cette période de la vie, les réac-
viennent après une période de sexualité satis- tions sexuelles sont plus lentes à survenir, ce qui
faisante), il y a un certain nombre de situations surprend et inquiète beaucoup de femmes et de
psychologiques qui peuvent se cacher derrière des couples qui réduisent de ce fait les actes amoureux.
troubles physiques ou physiologiques. Cependant, au lieu de prendre du temps pour
s'adapter favorablement à cette nouvelle période,
Exemples l'homme vieillissant lui aussi craint de ne plus
Après un accouchement avoir une érection qui dure suffisamment long-
Après un accouchement, même si c'est la cicatrice temps et se sent remis en question parfois par le
de l'épisiotomie qui est invoquée comme source peu de « réaction » qu'il engendre chez sa femme.
de la douleur ou de l'absence d'intérêt sexuel,
le plus souvent ce qui est retrouvé c'est que la
femme investit son capital affectif sur le nouveau- Causes exclusivement
né. Sa sensibilité sexuelle est bloquée, la fonction psychologiques
maternelle occupe tout son champ. Parfois c'est
l'homme qui, se sentant mis à l'écart par cette Il y a aussi des causes exclusivement psycholo-
nouvelle situation, réagit en devenant agressif ou giques. Quand une femme est dépressive, elle est
en prenant ses distances. inhibée, « bloquée », dans beaucoup de domaines.
D'autres fois, on se rend compte que même L'inhibition sexuelle est une inhibition parmi
avant la grossesse, les rapports sexuels n'étaient d'autres.
pas satisfaisants. Dans ces cas, il s'agit d'un trouble À côté de cela, il peut y avoir une mésentente
primaire qui a toujours existé ou qui s'est éven- conjugale, une ambivalence à l'égard du conjoint,
tuellement aggravé secondairement du fait du ou plus clairement son rejet, la peur d'être reje-
vécu de la maternité. tée, un sentiment d'insécurité, la peur de se laisser
aller, la culpabilité à l'idée de ressentir du plaisir, la
Stérilité peur ou la culpabilité de fantasmer, etc.
L'autre situation fréquemment rencontrée est Enfin, il peut y avoir eu des traumatismes : viol,
celle de la stérilité : le sentiment d'échec ou le fait tentatives de viol, ou d'inceste, ou même parfois
de ne pas se sentir femme à part entière induit sou- des cas de victimes d'exhibitionnisme, etc.
vent un désintérêt de la sexualité et des douleurs, D'une manière plus générale, la dyspareu-
pour des raisons essentiellement psychologiques. nie peut n'être qu'un prétexte, un alibi. Elle
fait barrière entre la femme et son partenaire.
Hystérectomie À l'inverse des femmes qui se plaignent de
Il en est de même en cas d'hystérectomie. vaginisme, qui sont plutôt anxieuses mais ne
L'impossibilité définitive de toute maternité est refusent pas le contact sexuel tant que celui-ci
toujours mal vécue (même si consciemment on évite la pénétration, les femmes qui se plaignent
ne désire pas d'autres enfants). C'est dire l'inté- de dyspareunies refusent souvent la sexualité
rêt d'informer ces femmes, et leurs conjoints, de dans son ensemble. Elles sont agressives contre
ce qui va leur arriver, de l'absence habituelle de elles-mêmes.
Chapitre 10. Traitements sexologiques 309
petites doses, peut avoir une action antinévral- émotions que l'on pourra analyser au cours des
gique qui calme la sensibilité neurologique, donc entretiens, la thérapie n'en sera que plus active.
la douleur. Des médications comme la capsaïcine Soulignons le fait que quelquefois la résolution
semblent avoir des effets bénéfiques sur la douleur du trouble sexuel féminin passe par le traitement
vulvaire [44]. de la dysfonction masculine (troubles de l'érection,
Parallèlement à cette prescription, il est conseillé éjaculation précoce, absence d'éjaculation…).
l'association de moyens locaux, crèmes apaisantes,
pommades, bains de siège, lubrifiants hydratants,
des produits comme le Monasens®, Géliofil®, Vaginisme
Prévegyne®, Trophigil®…
Les informations données à la femme, associées Dans la prise en charge thérapeutique du vagi-
à la modification des perceptions locales du fait nisme, nous cherchons à savoir si la modifica-
des divers traitements, l'aident beaucoup à croire tion progressive du réflexe conditionné qu'est le
à nouveau à sa guérison, donc à s'impliquer d'au- vaginisme suffit à soulager l'appréhension, voire
tant plus dans la prise en charge thérapeutique. la terreur de la femme devant la pénétration vagi-
Au total quand une femme consulte pour ces nale [43, 46], ou si, au contraire, des conflits plus
troubles, il s'agit le plus souvent de mettre en profonds doivent d'abord être éclaircis par le biais
place les moyens thérapeutiques suivants : d'une psychothérapie plus introspective.
• en cas de pathologie vulvovaginale organique, le Dans le premier cas, il y a d'abord une informa-
traitement dépend bien sûr de la cause ; tion sur l'anatomie féminine et sur le mécanisme
• en cas de carence hormonale, le traitement musculaire en question. Puis lors de l'examen
général et/ou local sera mis en place s'il n'y a gynécologique, nous aidons les femmes à prendre
pas de contre-indications ; conscience de la contraction et la décontraction
• les sexothérapies et les divers types de psycho- des muscles périvaginaux. Nous débutons par des
thérapies, associées aux traitements symptoma- exercices de contraction et de décontraction des
tiques sont souvent indispensables. mains, du visage, des cuisses, et enfin de la région
En pratique, nous visons à soulager le symp- vulvaire et périnéale [43].
tôme d'insatisfaction sexuelle dans son ensemble. Le fait d'interdire toute tentative de rapports
Nous savons que le meilleur antidouleur c'est avec pénétration pendant cette période est dédra-
le plaisir [45] et nous aidons la patiente pour matisant pour ces femmes et souvent même pour
qu'elle cesse d'être dans la loi du tout ou rien. les deux partenaires.
Loi qui la maintient dans l'attente d'une ces- Parallèlement à tout cela, lors de ces consulta-
sation complète de la douleur avant qu'elle ne tions, nous essayons d'élucider et donc d'atténuer
s'autorise à tenter la recherche du plaisir. Pour ce autant que faire se peut les résistances éventuelles
faire nous visons à modifier les comportements qui peuvent se manifester.
sexuels inadéquats. En général, pour ce trouble la guérison symp-
Au fil de la prise en charge thérapeutique, on tomatique a une conséquence favorable pour
découvre ou redécouvre que dans un rapport le couple, tant sur le plan de la sexualité que
sexuel, la répétition, l'habitude, la banalisation sur celui de l'affectivité. Cependant l'aspect
sont importantes parce que rassurantes. Mais le « mécanique » de la thérapie ne doit pas nous
besoin de nouveautés, d'inventions et de surprise faire oublier les possibilités de changement des
est néanmoins essentiel. patientes. Il est en effet parfois indispensable de
L'expérience effective de l'intensification pro- résoudre tout d'abord des problèmes relation-
gressive du plaisir aide en effet à dissiper l'ob- nels avec le conjoint, c'est-à-dire d'entreprendre
session de l'échec. Mais parfois ces expériences une psychothérapie de couple (où les difficultés
mettent certains conflits à l'épreuve. Cette situa- sexuelles passent au second plan). D'autres fois,
tion réveillera peut-être des angoisses et des ce sont des troubles plus inconscients qui peuvent
Chapitre 10. Traitements sexologiques 311
p roportionnels à l'âge. Il existe une corrélation gressif de la plupart des fonctions physiologiques
avec l'activité sexuelle de la prime jeunesse quand habituelles.
on compare les 20–40 ans aux 60–80 ans. Il reste Chez la femme, diminution puis arrêt de la
bien sûr à évaluer la santé physique, psychique et fonction ovarienne et de la sécrétion d'estrogènes,
conjugale qui demeure tout de même interdépen- disparition des règles, c'est la ménopause variable
dante de l'harmonie sexuelle. selon les sujets de 47 à 56 ans avec préménopause
Bien qu'il soit scientifiquement établi que la sexua- et post-ménopause, altérant souvent plaisir, désir
lité se vit, et même bien, à un âge avancé, il n'en et modifications psychiques et physiques.
reste pas moins vrai qu'elle reste taboue. Une étude Chez l'homme, d'après le Pr. D. Rossi, uro-
cependant démontre que chez les couples stables de logue au CHU de Marseille, « la diminution
60 à 95 ans, homme et femme vivant ensemble, la d'androgènes baisse à partir de 30 ans mais
sexualité existe pour plus de 50 % d'entre eux. ne justifie pas que l'on s'en préoccupe avant
Ceci amène donc à une profonde réflexion et 50–60 ans, c'est le DALA (déficit androgénique
révision des problèmes rencontrés par les troi- lié à l'âge) responsable de la baisse de la libido,
sième et quatrième âges. Avant de faire une ana- perte de mémoire, fatigue… ». Ceci est dû à un
lyse des attentes chez le couple d'âge mûr, afin phénomène très particulier où par l'intermédiaire
de proposer un traitement et une prise en charge des aromatases, les androgènes se transforment
adéquats, assurons-nous qu'il s'agit bien d'une en estrogènes et donc par ce biais déstabilisent
demande sexuelle adaptée au couple et non à l'équilibre cerveau-peau-os (pour les traite-
des souhaits délirants et comportements patho- ments médicaux, cf. sous-chapitres Ménopause
logiques liés à la démence sénile. Le sexologue, et Andropause).
à moins qu'il soit à la fois gériatre et psychiatre,
devrait réfléchir sur la conduite à tenir avec une
équipe multidisciplinaire. Il en ira de même pour À quelles modifications
toute « alliance » pathologie cardiaque et sexualité précises l'homme est-il
ainsi que diabète, dépression grave, insuffisance confronté au 3e âge ?
rénale, etc. En effet, toute maladie étant soumise à
un traitement entraîne une perturbation des fonc- L'homme étant presque toujours rivé à l'idéal du
tions habituelles de l'organisme qu'il convient de fonctionnement du « mâle », c'est-à-dire l'érec-
connaître pour toute prescription à visée érotico- tion de qualité (rigidité, quantité, nombre de
sexuelle. La iatrogénie médicamenteuse constitue rapports), son objectif est dans la performance…
un problème de santé publique [48]. Il convient oubliant parfois tendresse, caresses et romantisme.
de bien évaluer l'adaptation au débit de filtration Ce n'est que mieux s'il a fait souvent l'impasse
glomérulaire, à l'hypoprotidémie et l'hémocon- sur le sujet, cela lui permettra de retrouver ainsi un
centration chez les patients dénutris car il existe comportement nouveau et attractif.
un risque potentiel des médicaments fortement Pour l'homme, en reprenant dans l'ordre, selon
fixés aux protéines plasmatiques ainsi que pour le schéma de Masters et Johnson sur les différentes
certains médicaments à effet sédatif. phases de la réaction sexuelle, voici les modifica-
tions rencontrées :
• phase d'excitation : le patient a plus de difficultés
Comment comprendre la à voir son érection arriver et se maintenir, sou-
vent à cause d'un manque de concentration et
demande sexuelle homme de caresses efficaces de la partenaire ;
et femme, et quelle prise • phase en plateau : l'érection quelquefois diffici-
en charge proposer ? lement acquise a du mal à durer dans le temps
mais il faut accepter moins de rigidité pendant
Chez l'homme comme chez la femme, le vieillis- l'action par intermittence et se concentrer à
sement se caractérise par le déclin tout à fait pro- nouveau afin de faire durer l'érection ;
Chapitre 10. Traitements sexologiques 313
• phase orgasmique : la phase orgasmique a ten- • l'analyse des idées irrationnelles, des pensées
dance à se faire sans qu'il y ait de progression automatiques, afin de travailler immédiatement
dans l'intensité de la montée en puissance, l'ex- à la suppression de celles-ci. Dans les pensées
pulsion du sperme se fait avec moins de force. négatives et irrationnelles, utiliser la triple
Les contractions de l'urètre de 0,8 seconde se colonne de Beck :
font justement moins fortes et sensiblement – identifier la pensée négative,
plus espacées ; – identifier l'émotion ressentie ; par quoi le
• phase de résolution : le pénis se détuméfie plus patient peut-il positiver ?
rapidement et la période réfractaire augmente. • l'analyse des attentes déçues du couple et com-
In fine, ces modifications, si elles ne sont pas ment modifier, innover, pardonner ;
prises en charge, aboutissent à une frustration et à • le travail en relaxation cognitive en utilisant la
désintéressement progressif de la sexualité. désensibilisation systématique pour le patient
âgé (dix items ou moins). Hiérarchie des items
de 0 à 100 selon Wolpe :
Traitement proposé en thérapie – visualisation de son angoisse de performance,
cognitive et comportementale – visualisation de sa partenaire le caressant,
pour l'homme et son couple – visualisation de son début d'érection,
– visualisation de la pénétration du gland,
La prise en charge cognitivo-comportementale – visualisation de la pénétration même rapide
comprendra [49] : avec sensation de bien-être à deux, se dire que
• un interrogatoire concernant la vie sexuelle c'est possible ;
antérieure, l'analyse du trouble actuel et les • la prise en charge conjugosexuelle si besoin.
événements socio-événementiels ou bien les Souvent la partenaire est négative, lui deman-
tabous sexuels et les relations parentales de der de valoriser ce qui est bien : caresses,
l'enfance ; sentiments, câlins, goûts communs. Leur
• un examen clinique recherchant les causes demander chaque semaine de faire le point à
organiques à l'aide de bilan sanguin stan- deux autour d'un verre et dans son environ-
dard, doppler, PSA, HTA, cholestérol et nement cosy ;
sucre, bilan cardiaque et urologique si besoin. • l'évocation, si besoin, de la dégradation esthé-
Évidemment, toute anomalie organique sera tique et conseiller huile sèche pour massage et
traitée en respectant les contre-indications assouplissement, hydratation de la peau, soins
de façon à ce que les bénéfices restent supé- esthétiques (pourquoi pas ?) ;
rieurs aux risques. C'est l'exemple du Viagra®, • l'étude de la dépression : il ne faut pas la sous-
Cialis® ou Levitra® en faisant attention à ne estimer. Faire passer un test de Beck 13 items,
pas les prescrire avec une HTA où la prise de évaluer si c'est léger, moyen ou fort et ne
dérivés nitrés est déconseillée. C'est le cas pas hésiter à adresser à un psychiatre ou un
pour les patchs d'androgènes en cas de cancer psychothérapeute ;
hormono-sensible ; • l'utilisation de moyens mécaniques peut, en
• l'analyse fonctionnelle de O. Fontaine et cas d'échec du sildénafil, tadalafil ou vardéna-
M. Ylieff, avec antécédents historiques, anté- fil, donner une érection convenable. Le patient
cédents récents, analyse du comportement– peut avoir recours aux autres propositions : pro-
problème (quel est le problème, le décrire thèse pénienne, vacuum (pompe à érection) ou
attentivement, poser des questions : où, quoi, piqûre dans le pénis en injection intracaverneuse
comment, quand, etc. Conséquences sur l'indi- (ICC), selon l'indication de l'urologue ou du
vidu et sur l'environnement). Toutes ces don- médecin traitant. Cette prise en charge sera
nées vont nous permettre de savoir par quel axe entourée de conseils psycho–affectivo–sexuels
commencer la prise en charge ; évidemment.
314 Manuel de sexologie
concernée. Toutes les femmes ont beaucoup de vaginale et le rétrécissement vulvaire. Prise en
charme, je dois avoir les mêmes, etc. Il faut alors charge par un gel restructurant Véa Olio®, vita-
travailler, à l'aide d'auto-enregistrements, afin mine E pure ou THS, si le médecin juge que
de supprimer ces idées négatives récurrentes. Si c'est possible et souhaité par la femme, le cap
nécessaire, utiliser la triple colonne de Beck. du vieillissement ne sera qu'une adaptation et
• Identifier les attentes déçues au sein du couple, réussit la plupart du temps avec le maintien et
de la famille, de la société et surtout travailler à l'entretien du désir (oser, continuer à se focali-
modifier sa façon de penser, comment changer ser sur un scénario érotique).
et par quoi commencer. • Exercices de Kegel (à faire impérativement afin
• Relaxation cognitive : lister les items dysfonc- de continuer à maîtriser la musculature du plan-
tionnels, physiques, psychiques et relationnels cher pelvien et renforcer la qualité orgasmique :
au sein du couple et dans l'environnement, les serrer le sphincter de la vessie et le sphincter
classer du moins stressant au plus stressant selon anal très fort 3 secondes puis relâcher, si pos-
l'échelle de Wolpe de 0 à 100, dix à quinze sible neuf fois de suite).
items suffisent. Ensuite, se fixer un objectif par La vie est une suite de caps à franchir. Ils ont
jour ou par semaine et sous relaxation visuali- tous leur particularité. Ceux des troisième et
ser l'item négatif en le remplaçant par un item quatrième âges ont cela en commun : on avance
plus rationnel, voire jouissif… Ce qu'on n'a pas dans la connaissance de la vie, de son corps qui se
eu dans le passé…, on ne l'aura pas. Travailler modifie, de la maladie, du cancer des autres [51].
sur l'ici et maintenant. Désensibilisation systé- Personne n'est dupe. Une septuagénaire n'aura
matique d'une douleur, de l'anxiophobie de la jamais 20 ans sauf dans son cœur ! Alors aidons
pénétration, ainsi : nos patients à rester dignes, amoureux, sereins,
– premier item : « j'ai peur qu'il me caresse et je séduisants et souvent séducteurs et tout pourra
vais avoir mal », se vivre en douceur et harmonie [52] ! Ne rien
– relaxation : « non, je me vois calme et à l'aise attendre, tout espérer…
dans ses bras et sans douleur, j'ai mis un gel
hydratant, je me vois dans l'harmonie avec
lui ».
• Prise en charge conjugosexuelle en identifiant
les scènes qui vont déraper, les mots : l'un est
Relation thérapeutique
identifié dans la thérapie comme le médiateur et supervision
du couple, on n'oubliera pas le renforcement
positif. Alain Deneux
• Image du corps idéalisée. Évoquer le sujet. La
femme plus que l'homme se sent atteinte face
à la lente dégradation du corps, la souplesse La quête du rationnel et la préoccupation d'ob-
de la peau, les rides. Ne pas hésiter à prendre jectivité inspirent le « thérapeutiquement correct »
cela en compte car pendant les caresses cela du monde occidental contemporain. On voudrait
peut être une gêne importante, démotivant que le patient soit un partenaire allié au théra-
l'acte. Prescrire alors deux gels, l'un hydratant peute dans un projet commun conforme à l'état
général du corps et l'autre interne, Véa Olio®, des connaissances scientifiques du moment, par-
vitamine E pure, ou gel seulement hydratant tenariat qui ne laisserait place ni à l'imaginaire,
permettant une qualité de la pénétration en ni à la subjectivité… Mais la réalité clinique
évitant l'irritation, les légers saignements et les contredit cette vision qui réduit l'humain aux
douleurs. Ne pas hésiter à orienter vers un gyné- neurosciences : aussi riche de connaissances théo-
cologue et un dermatologue pour prendre en riques qu'il soit, le praticien ne peut s'affranchir
charge les problèmes spécifiques de la femme des dimensions psychologiques, conscientes et
ménopausée et post-ménopausée, la sécheresse inconscientes, qui sous-tendent ses interventions.
316 Manuel de sexologie
Tout symptôme, et la plainte dans la sphère influences, auxquelles les thérapeutes n'échappent
sexuelle plus que d'autres, recèle un ensemble de pas totalement, mais que leur formation les aide à
significations venant d'un sujet (une personne ou un mieux contrôler11.
groupe de personnes, un couple par exemple) qui L'acte psychothérapique est plus spécifique : c'est
s'adresse à un autre sujet investi du pouvoir d'aider la mise en œuvre d'une méthode et de moyens
et/ou de soigner. Ce qui, d'une part, implique la psychologiques présentés et définis comme tels.
subjectivité des personnes concernées – c'est-à-dire On tend habituellement à réserver l'appellation
autant celle du patient que celle du thérapeute – et, « psychothérapie » à différents dispositifs – en
d'autre part, induit entre elles un jeu d'interactions. séances individuelles, de couple ou de groupe –
Ces phénomènes sont à l'œuvre dans tout proces- qui se réfèrent à un cadre théorique et pratique
sus thérapeutique, quelles que soient les méthodes précis : psychothérapies psychanalytiques, théra-
et Références des thérapeutes. pies cognitivo-comportementales, thérapies systé-
Dans le cadre restreint de cet article, nous miques et stratégiques… Ce qui n'empêche pas
aborderons ces questions en deux temps : nous que se jouent aussi dans la relation au cours de ces
présenterons d'abord les principaux mécanismes thérapies les facteurs de subjectivité et d'intersub-
psychologiques de la relation, puis le travail de jectivité évoqués ci-dessus, que nous allons exa-
supervision de nombreux praticiens qui découle miner maintenant, sans entrer dans le détail des
de la connaissance de ces mécanismes. différentes techniques.12
de soi, voire l'identité, est au cœur de toute rela- Le dispositif et les Références de la thérapie
tion d'aide. Bien qu'inégalitaire de fait, la thérapie jouent un rôle de tiers régulateur indispensable,
instaure une relation en miroir de l'un à l'autre car si cette interdépendance est inéluctable et
qui, pour durer, doit valoriser les aspects complé- nécessaire, puisqu'elle permet que s'actualise la
mentaires narcissisants et refouler les différends. problématique du patient, elle serait insuppor-
C'est pourquoi le thérapeute ne s'entoure que de table si elle n'était contenue et limitée par le cadre
patients qui le confortent dans sa façon de faire, de la thérapie. Ce cadre est validé par le contexte
alors que le patient se valorise en choisissant « le socioculturel qui reconnaît la pertinence de la
bon » thérapeute. Si les divergences dominent, la démarche et de son dispositif. Il n'y a pas, en effet,
relation ne s'installe pas ou ne peut durer, ou bien de thérapie possible sans un certain consensus
elle se pervertit et perd toute valeur thérapeutique. social qui en définit les modalités : le thérapeute
La thérapie fait l'objet d'une idéalisation du n'est pas tout-puissant, il n'a pas tout pouvoir, il
côté du patient comme du côté du thérapeute. se réfère à des règles, un savoir, une formation,
Cette idéalisation est un élément de la vocation une école…
soignante qui doit être dépassé – il faut en faire le La communauté sociale est donc en position
deuil – pendant la formation. Mais cette idéalisa- de tiers entre le patient et le thérapeute et ce
tion réciproque doit être maintenue dans la rela- tiers est, notamment, représenté, symbolisé
tion thérapeutique : le thérapeute accepte l'image par la rétribution que reçoit le praticien, qu'il
idéale projetée sur lui (il incarne le « Sujet supposé s'agisse d'honoraires remis directement, ou
savoir » dirait un psychanalyste lacanien) grâce à d'un salaire versé par une institution intermé-
laquelle le patient restaure la blessure narcissique diaire. Dans ce dernier cas, avec certains sujets
induite par son état. à la personnalité mal individuée qui tendent à
Ce système fonctionne d'autant mieux que la s'engloutir dans une relation fusionnelle sans
« maladie » est vécue comme grave et aiguë, le limite, il peut être bénéfique de rappeler que
couple thérapeutique se lie d'autant plus solide- le thérapeute n'est pas là pour son seul plaisir
ment que le « mal » les mobilise fortement tous ni par pur dévouement, et qu'il est payé pour
deux. Il se dégrade au contraire si le thérapeute son travail.
semble débordé par la situation qui le menace et L'endettement psychique d'un patient entretient
l'atteint dans son propre narcissisme, ou s'il est la dépendance et la soumission, car la dette est
incapable d'entendre la véritable demande sous- une déperdition narcissique continue. Son mou-
jacente à la plainte (c'est alors que les risques vement va dans un seul sens : de la dépréciation
iatrogènes sont importants). du sujet endetté, vers l'idéalisation de son objet.
L'équilibre est également instable si le couple La dépression, les conduites d'échec, etc., et leurs
que forment le soignant et le soigné ne supporte retournements sous forme de vécus persécutoires
pas cette idéalisation réciproque et si leur inter- en sont les conséquences psychopathologiques les
dépendance menace leur sentiment d'intégrité plus fréquentes.
personnelle. Ou encore si l'un ou l'autre ne
peut gérer les aspects pulsionnels, libidinaux ou
agressifs, mobilisés dans la rencontre. La rela-
Transfert et contre-transfert
tion devient alors « antinarcissique » pour l'un ou
l'autre des partis, ou pour les deux. Le risque de « Tarte à la crème » des propos de salon sur la
rupture est important, qui s'annonce par ce qui psychanalyse, le transfert est manifeste dans la
s'apparente à l'effet nocebo et que l'on nomme psychanalyse classique (la « cure type » dont les
« réaction thérapeutique négative » ; à moins que modalités sont bien connues) car tout est fait pour
ne s'instaure un mode de relation à tonalité sado- qu'il s'y déploie : la suspension de l'action et des
masochiste plus ou moins larvée qui risque de per- stimulations sensorielles suscite les représentations
durer s'il ne peut être dépassé. imaginaires de l'analysant et leur déplacement sur
318 Manuel de sexologie
réelle, imaginaire et fantasmatique des deux théra- cas présenté. La diversité des ressentis, échos per-
peutes. Par analogie avec les notions de transfert sonnels et professionnels que ce cas suscite, ouvre
et contre-transfert, on nomme intertransfert ce de nouvelles perspectives au praticien : ce que sa
qui se joue entre les thérapeutes et doit être expli- configuration psychique personnelle ne lui per-
cité entre eux pour ne pas risquer d'interagir dans mettait pas de percevoir peut paraître évident aux
le traitement. autres. Parfois même, au cœur des échanges dans
le groupe, la problématique se répète et s'actualise
entre les participants, ce qui la rend particulière-
Supervision et analyse ment lisible, comme l'illustre l'exemple ci-après
de la pratique d'une séance de groupe Balint.
que c'était une condition pour qu'il vienne : Entre contrôle et thérapie
ensemble, afin de préserver leur couple, ayant déjà
trop d'activités qui les éloignent l'un de l'autre. En principe, il ne s'agit ni d'un lieu d'information
Y. confirme. théorique ni d'un espace de thérapie personnelle.
Cette mise en perspective avec la situa- Un groupe idéal réunirait régulièrement, pendant
tion personnelle de X. et Y. est reprise par les des années, un analyste et plusieurs praticiens
autres participants, avec l'hypothèse que la expérimentés qui n'auraient plus rien à apprendre
patiente peut aussi craindre pour son couple. et dont l'unique projet serait de clarifier leur
L'hypothèse est plausible mais X. l'avait occul- implication dans les cas présentés (c'est-à-dire leur
tée en raison d'une trop grande proximité avec contre-transfert)… En réalité, selon la dynamique
lui-même : il se rappelle en effet que la patiente des groupes et les attentes des participants – leur
lui a raconté avoir souffert pendant des années formation initiale, leur expérience professionnelle,
avant de trouver un semblant d'équilibre après l'ancienneté du groupe, etc. –, les fonctionne-
la rencontre de son compagnon. Il comprend ments des groupes peuvent être très différents,
alors qu'elle soit si attachée à ne pas mettre son tantôt sollicitant plus d'informations cliniques,
couple en péril, quelques insatisfactions qu'elle tantôt n'hésitant pas à évoquer des problèmes
y vive. personnels…
Pour fondamentale et irremplaçable qu'elle soit
dans tout parcours de formation, l'analyse des
Du groupe Balint pratiques ne peut se substituer à une solide for-
à l'analyse des pratiques mation clinique. Il ne s'agit surtout pas de former
des psychothérapeutes – une formation spécifique
Michael Balint (1896–1970), psychiatre et psy- est indispensable, il y a des écoles spécialisées pour
chanalyste hongrois émigré à Londres, est le cela – mais de permettre à ceux-ci de travailler
fondateur de la méthode ; il faut lire son ouvrage mieux et plus confortablement. Il ne s'agit pas
princeps, Le médecin, son malade et la maladie, davantage d'une thérapie de groupe, même si la
qui reste d'actualité plus de 50 ans après sa fréquentation prolongée d'un groupe Balint peut
publication. Voulant former des médecins à la avoir des incidences psychologiques individuelles.
psychologie, faute de pouvoir proposer la psy- L'évocation plus ou moins explicite d'un pro-
chanalyse à tous, il eut l'idée du groupe et de blème personnel par un participant, en résonance
la narration non directive (c'est-à-dire exposer à la situation exposée, est rarement abordée direc-
le « cas problème » aussi librement que possible, tement, mais ramenée à la dynamique du cas et
sans se référer à des notes, au fil des associations du groupe. Pourquoi ce thème, pourquoi ce cas,
du clinicien et de ceux qui l'écoutent) afin de pourquoi à ce moment du groupe ? Telles sont
favoriser la spontanéité, réduire l'autocensure, quelques-unes des questions qui se posent alors et
et ainsi susciter l'expression des non-dits, des qui contribuent au travail du groupe.
affects, de l'implicite. Un groupe de supervision, qui habituellement
Au cours des dernières années, la dénomina- réunit des praticiens d'une même spécialité ou
tion « groupe d'analyse des pratiques » (ou de d'un même type de thérapie – groupes de sexo-
la pratique) a progressivement supplanté celle logues, de thérapeutes conjugaux, de psycho-
de « groupe Balint ». Ce qui témoigne de l'ef- dramatistes, par exemple –, comporte cependant
facement des sources psychanalytiques de ces une part didactique, ce qui rapproche parfois le
groupes, et du souci de pragmatisme dans la groupe de supervision des séances de « contrôle »
formation qui prévaut aujourd'hui. De plus, exigées dans toute formation en psychothérapie.
certains groupes sont maintenant conduits avec Enfin, ajoutons que la pratique des supervi-
d'autres Références conceptuelles que la psy- sions d'équipe, dont les membres travaillent
chanalyse, celles des théories systémiques en régulièrement ensemble, pose la question de la
particulier. place faite à l'analyse institutionnelle. Dans son
Chapitre 10. Traitements sexologiques 321
principe, la régulation d'équipe obéit à d'autres [11] Ayala ME. Brain serotonin, psychoactive drugs, and
intentions et requiert d'autres dispositifs (la règle effects on reproduction. Cent Nerv Syst Agents Med
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n'étant pas de raconter un cas, mais d'exposer [12] Agmo A, Fernandez H. Dopamine and sexual beha-
une difficulté au sein de l'équipe). Il est pour- vior in the male rat: a re-evaluation. J Neural Transm
tant fréquent que la demande d'un groupe de 1989 ;77:21–7.
supervision en institution recouvre des conflits [13] Hull EM, Warner RK, Bazzett TJ, et al. D2/D1 ratio
institutionnels que l'on tente de traiter ainsi, on the medial preoptic area affects copulation of male
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sans le reconnaître. [14] Pehek EA, Thompson JT, Eaton RC, et al.
Contrôle, supervision, régulation, groupe Apomorphine and haloperidol but not domperidone,
Balint, groupe d'analyse des pratiques…, on affect penile reflexes in rats. Pharmacol Biochem
peut s'y perdre ! Retenons pour conclure qu'il Behav 1988 ;31:201–8.
s'agit toujours, malgré la diversité des dispositifs [15] Agmo A, Paredes R. Gabaergic drugs and sexual
behaviour in the male rat. Eur J Pharmacol
proposés, d'introduire un tiers régulateur entre 1985 ;112:371–8.
patient(s) et thérapeute(s). Afin d'aider ceux-ci à [16] Pfaus JG, Gorzalka BB. Opioids and sexual behavior.
se tenir à bonne distance entre bons sentiments Neurosci Biobehav Rev 1987 ;11:1–34.
et sécheresse intellectuelle déshumanisée, et d'évi- [17] Bourin M. Clinical Pharmacology of Phosphodiesterase
ter à ceux-là de s'aliéner dans l'imaginaire des 5 Inhibitors in Erectile Dysfunction SOA. Arch
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Chapitre 11
Fondement de la pensée sexuelle,
loi et éthique
Plan du chapitre Histoire de la pensée
Histoire de la pensée sexologique
Sexologie magique sexologique
Sexologie puritaine
Sexologie militante
Sexologie pragmatique Yves Ferroul
Conclusion
Histoire de la sexualité dans le couple
Caractères propres de la sexualité humaine La sexologie est l'étude des éléments qui
Sexualité conjugale grecque
concourent à la réalisation d'une sexualité hédo-
Sexualité conjugale romaine
La Bible niste – non reproductrice – épanouie, ou qui
Premiers chrétiens et Saint Augustin l'entravent, voire la rendent impossible. Elle
Moyen Âge et l'amour courtois comprend une partie médicale (la connaissance
Renaissance
du fonctionnement du corps et du cerveau) mais
xviie siècle
xviiie siècle
aussi une partie psychologique, anthropologique,
xixe siècle éthologique, philosophique, ethnologique, socio-
xxe siècle logique, culturelle et historique. En effet, la pen-
Conclusion
sée sexologique, ce qu'elle considère comme son
Loi et sexualité
Introduction objet, ses objectifs, les moyens qu'elle se donne,
Loi et identité sexuelle dépend de la société où elle émerge, de ses lois sur
Loi, mariage et prohibition le licite ou l'illicite, de la place qu'elle accorde à la
Loi et comportement sexuel
femme, à l'homme, aux enfants ou au couple, des
Infractions comportant une atteinte à
l'intégrité physique directe à autrui habitudes culturelles et des moyens techniques
Infractions ne comportant pas d'atteinte physique directe disponibles. C'est-à-dire que cette pensée est
à autrui mais une atteinte à l'intégrité psychique nécessairement inscrite dans l'Histoire.
Régime spécifique de protection des mineurs
Aujourd'hui, pour penser la sexualité, nous
Secret professionnel et dérogations
Évaluation des blessures et de leurs réparations avons affaire à des formes nouvelles de courants
Conclusion d'idées qui ont toujours existé, et non à l'émer-
Éthique et sexologie gence de nouveautés intellectuelles absolues.
Définition de l'éthique
Ces courants ont eu une importance relative très
Définition de la sexologie
Éthique et sexothérapie variable selon les époques, ils se sont influencés
Éthique et prévention en sexologie réciproquement, s'intriquant de manière com-
Conclusion plexe et éminemment changeante. Mais ils sont
Sexualité et religions
toujours présents et, depuis fort longtemps, si ce
Judaïsme
Catholicisme n'est depuis la nuit des temps, la pensée sexolo-
Islam gique se partage entre :
Protestantisme • une sexologie magique, fondée sur le recours à
Conclusion
l'irrationnel et le rejet du rationnel ;
Sexologie et humanisme
Manuel de sexologie
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326 Manuel de sexologie
• une sexologie puritaine, fondée sur le rejet du jour, d'apparaître toujours « moderne ». Ainsi le
plaisir ; fluide magnétique de Messmer (1734–1815) est
• une sexologie militante, fondée au contraire de recyclé en énergie orgastique par Reich (1933).
la précédente sur la reconnaissance de la valeur Un de ses avatars est la libido de la psychanalyse :
du plaisir, qui devient objet de revendication ; cette théorie fonde la sexualité sur la croyance
• une sexologie pragmatique, fondée sur l'ana- « magique » en l'existence diffuse dans tout le
lyse des connaissances disponibles à un moment corps de cette substance chimique, dont la pré-
donné, d'où l'on déduit les comportements sence est obligatoire, d'après Freud lui-même,
devant permettre l'exercice de la sexualité. pour justifier le postulat de la sexualité générali-
sée ; mais cette substance est reconnue imaginaire
dès le vivant du maître par toutes les découvertes
Sexologie magique de la biologie (Gérard Mendel, La Psychanalyse
revisitée). Par ailleurs, l'expérience, comme l'échec
La sexologie magique a recours à des rites afin thérapeutique de la psychanalyse face à l'efficacité
d'assurer l'efficacité des comportements sexuels, d'autres prises en charge, tout démontre que la
les dieux donnant les exemples que les humains majorité des dysfonctions sexuelles ne dépendent
ont à reproduire, ou exigeant d'être honorés pas de troubles névrotiques nécessitant un travail
avant de guérir les troubles éventuels. Ainsi, dès d'interprétation [1]. Mais toutes ces considéra-
l'époque babylonienne (3000–500 av. J.-C.) on tions n'ébranlent pas une pensée nourrie par le
prie la divinité afin que le rapport dure plus long- refus du rationnel.
temps et procure plus de plaisir. Dans l'Antiquité
gréco-romaine, les troubles de l'érection sont pris
en charge par le dieu Priape dont le culte, christia- Sexologie puritaine
nisé, se maintient localement jusqu'au xxe siècle.
À toutes les époques, les guérisseurs se sont occu- La sexologie puritaine rejette le plaisir comme but
pés de la sexualité et ont des onguents, des filtres ou justification des actes humains. Cette pensée a
d'amour, des tisanes, des cataplasmes pour assu- été formalisée par les stoïciens grecs et romains de
rer ou contrecarrer la contraception, la fécondité, l'Antiquité : l'homme moral ne peut être guidé par
l'érection, etc. Dans le Satyricon, Pétrone cite le plaisir comme les animaux ou les débauchés. En
le mélange de salive et de poussière, les crachats particulier, dans la sexualité, agir pour le plaisir est
et les cailloux enchantés qui rétablissent l'érec- dégradant. Sénèque (ier siècle apr. J.-C.) en arrive
tion du héros. Au Moyen Âge, un « mariage non donc logiquement à penser que, dans le mariage,
consommé » est attribué aux artifices d'une femme la seule justification « morale » des rapports est
jalouse, et c'est à une vieille femme que l'on confie la procréation. Les penseurs chrétiens approfon-
le soin d'y mettre un terme. Cette conviction d'un diront cette réflexion sur le rejet du plaisir, et la
sort jeté qui serait cause du trouble sexuel est tou- systématiseront avec saint Augustin (354–430).
jours vivante aujourd'hui, et a pour conséquence Mais comme le désir ne peut être totalement éli-
les traitements par désenvoûtement (les mara- miné, tout acte conjugal restera de toute façon
bouts), ou par exorcisme (les prêtres), dans une entaché d'un péché au moins véniel ; la sexualité
population qui couvre tous les niveaux sociaux et que nous connaissons ne saurait être originelle
culturels. D'ailleurs, dans le monde, le procédé le (il est inimaginable que Dieu ait inventé cette
plus fréquent auquel les humains ont recours pour façon de se reproduire), mais survient comme
réagir devant une souffrance ou une maladie étant une des conséquences de la désobéissance du pre-
la prière (bien avant l'aspirine), celle-ci est aussi mier couple. Cette sexualité s'avère un empêche-
le « traitement » le plus pratiqué pour les troubles ment à la rencontre avec la divinité (faire l'amour
sexuels. La pensée magique demeure fondamenta- impose d'interrompre la prière, écrit saint Jérôme
lement la même au cours des temps, mais renou- au ive siècle), au contraire de ce qu'imaginent
velle ses formulations afin de s'adapter au goût du d'autres croyances, pour lesquelles l'extase orgas-
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 327
mique participe de l'infini divin. Le xixe siècle, finé sur le désir. Le Traité d'André le Chapelain
avec le début du xxe, est la période où cette pensée (xiiie siècle) conseillera les méthodes de maîtrise et
se manifeste avec le plus de force : la femme idéale les variantes qui renforcent la jouissance mutuelle.
sera alors « tellement pure de cœur que tout désir Quand l'idéologie du sacrifice et de la souffrance
sexuel lui [sera] inconnu » (Dr Seved Ribbing). positive est battue en brèche par les philosophies
Dans ce cadre de pensée, ne sont considérés du bonheur (xviiie siècle), le plaisir devient pri-
comme troubles sexuels que ceux qui empêchent mordial (La Mettrie : « le plaisir est l'essence de
ou entravent la fécondation, c'est-à-dire ceux de l'homme » ; les libertins : Casanova, Sade). Un cas
l'érection et, éventuellement, l'absence de désir particulier est présenté par l'orgasme féminin : il
féminin. La notion de devoir conjugal comblera est revendiqué par les femmes grecques sous pré-
les déficiences du désir, et il sera déclaré plus noble texte qu'il est la condition de la fécondité. Il est
d'accomplir par devoir ce que d'autres font par désiré pour lui-même par les Romaines (castration
plaisir. L'impuissance, elle, devient une raison des esclaves adultes). Sa recherche est reconnue
valide d'annulation du couple. Aujourd'hui, cette comme naturelle chez les jeunes filles par la théo-
pensée a perdu de son impact, mais, par exemple, logie morale du xiiie siècle, et comme obligatoire
les responsables catholiques actuels rappellent chez les femmes mariées afin de rendre plus cer-
que le simple désir de sa propre femme est déjà taine la fécondation. Il sera à nouveau conseillé
une forme d'adultère (Jean-Paul II) et que tout par de multiples ouvrages sur la vie conjugale au
acte sexuel « fermé » à la procréation (par l'usage xixe siècle, afin de remédier aux échecs trop nom-
de préservatifs ou d'une contraception orale, ou breux des couples. Tout ce qui peut entraver le
parce que l'éjaculation n'est pas intravaginale), plaisir féminin (grossesses non désirées, maladies
c'est-à-dire tout acte dont la seule finalité serait sexuellement transmissibles, mariage inégali-
le plaisir, est proscrit (Catéchisme de l'Église catho- taire imposé) est constamment combattu par les
lique, § 2331–2400). Ils défendent donc une femmes, le plus souvent discrètement (compli-
sexualité de reproduction, strictement conjugale, cité des avorteuses, recours aux amants, refus des
où le plaisir n'est que concédé (les époux ne font remariages), parfois publiquement : les femmes
rien de mal en recherchant le plaisir) et dont le savantes, caricaturées par Molière, se révoltaient
modèle reste la chasteté de Jésus. Toutes les autres en fait contre des mariages et des maternités
façons de vivre la sexualité sont condamnées et qui les niaient en tant que personnes ; depuis le
démonisées. xixe siècle, les mouvements féministes anglais
et américains, puis européens, visent à élever la
majorité sexuelle et à protéger les adolescentes,
Sexologie militante à redonner aux femmes la responsabilité de leur
corps. De très nombreux ouvrages, aux tirages
Les premières mythologies placent déjà, à côté répétés, des brochures éditées par des associa-
des couples divins à fonction parentale ou pro- tions d'éducation populaire, des articles dans les
créatrice, des couples de déesses amantes et de journaux vont, à partir de 1850, diffuser large-
dieux amants ne cherchant que le plaisir (Vénus- ment les connaissances sur les moyens contra-
Mars). Et le Panthéon gréco-romain multiplie ceptifs et la prévention des MST. Après un temps
les récits d'aventures galantes de Zeus-Jupiter, de recul dû aux lois répressives (1920–1970),
avec des humains femmes (Europe, Léda…) ou cette activité resurgit : articles et livres (Simone
hommes (Ganymède). L'Art d'aimer d'Ovide est de Beauvoir, docteur Georges Valensin), mouve-
un recueil de recettes pour transformer le coït de ment du planning familial… Le tout aboutissant
décharge d'un besoin en un jeu sensuel et intel- à des changements culturels qui bouleversent le
lectuel d'enrichissement du plaisir. Le Satyricon rapport des individus et des couples à la sexualité
de Pétrone raconte les péripéties de la quête (diffusion généralisée de la contraception orale,
érotique de jeunes gens du ier siècle. Au Moyen dépénalisation de l'avortement). L'après 1968 est
Âge, le relais est pris par l'amour courtois, jeu raf- une période où la sexualité de plaisir triomphe,
328 Manuel de sexologie
libérant la parole et les pratiques : les homo- et La contestation viendra de la volonté d'étu-
bisexualités, le transsexualisme et le travestisme dier les variantes comportementales en sexualité
s'affichent (Gay Pride), les variantes compor- comme dans les autres activités humaines : en
tementales acquièrent droit de cité (Catherine tant que faits anthropologiques et culturels. Le
Millet). À la fin du xxe siècle, les reconquêtes et les pionnier en est Havelock Ellis (Études de psycho-
nouvelles acquisitions dues à ce courant de pen- logie sexuelle). Hirschfeld traite la sexualité en fait
sée sont importantes mais restent fragiles (Faludi, social et, renouant avec la recherche documen-
Backlash). Le tournant du siècle voit un « retour taire d'un Brantôme au xvie siècle (Les Dames
du balancier », et les limites de la « libération galantes), lance des enquêtes qui vont dédrama-
sexuelle » suscitent des questionnements (Pasini, tiser et relativiser les conclusions précédentes,
Les Nouveaux Comportements sexuels). montrant la présence massive dans la popula-
tion générale des comportements considérés
jusqu'alors comme déviants. Ce travail ouvre la
Sexologie pragmatique voie à Kinsey, Shere Hite, Spira… Des sociétés
savantes (1913 à Berlin), des instituts (Berlin,
La sexologie pragmatique est mieux étudiée 1919 ; Prague, 1921), des revues spécialisées, des
(Brenot). Elle propose dès l'époque babylo- manuels (Moll, 1912 ; Hesnard, 1933) viennent
nienne des comportements susceptibles d'aider à étayer ce travail de recherche, qui s'élargit à
résoudre les problèmes sexuels, comme de varier l'éthologie et à la primatologie (Sarah Blaffer
les positions et les lieux afin de renouveler le désir Hrdy, La Femme qui n'évoluait jamais).
et retrouver l'érection. À partir d'Hippocrate, la Les travaux de Masters et Johnson sur la physio-
théorie des humeurs fondera les directives médi- logie (Les Réactions sexuelles, 1966) poursuivent
cales pour gérer stagnation et trop-plein des les travaux anatomiques et physiologiques entre-
liquides du corps, dont le sperme, créant un ima- pris depuis Ambroise Paré, et débouchent sur les
ginaire de la sexualité toujours vivant aujourd'hui. récentes découvertes des mécanismes de l'érec-
Les médecins médiévaux ajouteront des conseils tion et des produits pharmacologiques corres-
sur les « préliminaires », la maîtrise de l'éjaculation, pondants. Ils ont un retentissement mondial. La
la domination des « peines de l'âme » en cas de clarification qu'ils apportent permet d'étudier les
troubles de l'érection, prôneront le recours à la lec- troubles sexuels et leurs thérapies en distinguant
ture de livres « qui traitent de l'amour charnel, des santé physique, santé psychique et maîtrise com-
actes sexuels et de leurs figures » comme aux fan- portementale (Masters et Johnson, Les Mésententes
tasmes érotiques ou aux onguents… Ce parti pris sexuelles, 1970 ; puis Kaplan, Michel-Wolfromm,
rationnel n'élimine pas les dérapages, tels que la Tordjman, Abraham et Pasini, Zwang). Les excès
répression de la masturbation pendant deux siècles éventuels ou réels de cette mainmise sur la sexua-
(Tissot, 1760). À partir de 1850, un changement lité font l'objet de mises en garde de la part de
profond s'installe. Désireux d'établir une « science sociologues (Béjin, Giami) ou de féministes
sexuelle » sur le modèle des autres sciences qui se (Xavière Gauthier).
constituent alors, des médecins vont recueillir de
la documentation pour étayer leurs théories. Mais
le choix de populations délinquantes, carcérales, Conclusion
prostituées ou malades psychiatriques (Tardieu,
1857 ; Magnan, 1885 ; Krafft-Ebing, 1886 ; Le sexologue doit avoir tiré au clair ses propres
Lombroso, 1895) obérera longtemps la percep- idées sur la sexualité afin de pouvoir s'en libérer
tion de la sexualité qui reste jusqu'à nos jours pour comprendre ce que pense son patient, et
incluse dans la psychiatrie (DSM-IV), ce qui n'est pour l'aider à trouver une solution adaptée à son
le cas pour aucune autre activité de plaisir. cas individuel.
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 329
les premières constructions intellectuelles visant godemichés se prêtent entre amies… La société
la compréhension du monde, la place et le est homosociétale, les hommes vivant entre eux, les
rôle des humains sur Terre et dans l'univers : à femmes entre elles. Un homme qui aime la fré-
côté des dieux et déesses de la fécondité, on a quentation des femmes court d'ailleurs le risque
des dieux et des déesses de l'érotisme, du plai- de s'efféminer, alors que la virilité est maximale
sir sexuel (comme Vénus et Cupidon). Quand chez ceux qui restent entre hommes (Platon, Le
les sociétés se mettent à se structurer autour du Banquet).
couple et de la famille, c'est la survie du groupe
qui est ainsi prise en compte, et la mission sociale
de la famille sera de fournir des enfants et de les Sexualité conjugale romaine
élever jusqu'à leur autonomie : elle n'est pas de
permettre aux individus de cultiver leur érotisme Les Romains se marient aussi pour des rai-
ou d'épanouir leur sensualité, ce qui se fera ail- sons civiques et d'alliances financières ou poli-
leurs. Le problème de la fécondité est donc bien tiques. Mais la sexualité se vit pour les hommes
distinct de celui de la sexualité de plaisir, et la comme pour les femmes avec les nombreux
fécondité concerne nécessairement le couple, pas esclaves des deux sexes qu'ils ont sous la main.
le plaisir. Or, aujourd'hui, c'est autour du plaisir Les hommes peuvent disposer aussi des femmes
que se constitue le couple : comment en est-on de leurs subordonnés. Toutes les activités de
arrivé là ? la vie courante sont vécues séparément par les
hommes et les femmes, et ce n'est qu'à la fin du
ier siècle qu'un Romain commencera à sortir en
Sexualité conjugale grecque ville accompagné de son épouse. Les Romains
n'aiment pas leurs femmes, même s'ils peuvent
Les Grecs de l'Antiquité distinguent bien éprouver des passions pour des femmes ou les
l'épouse, au gynécée, avec qui on fait des enfants désirer. Les seuls êtres dignes de leur amitié, ce
et qui s'en occupe, de la concubine ou de l'esclave sont d'autres hommes (Cicéron, De l'Amitié).
pour assouvir sa sexualité, et même de l'hétaïre, Les épouses ne sont là que pour la reproduction,
accompagnatrice pour les sorties en ville. Ils n'ont et c'est de fait le seul rôle de la sexualité que
pas de mot pour désigner l'attachement conjugal, l'on partage avec elles : le plaisir, lui, se joue ail-
l'éros étant l'amour érotique, la passion, et la phi- leurs. Sénèque (Du Mariage) insistera bien sur
lia, l'amitié entre hommes. Le lien le plus étroit la distinction : « Rien n'est plus corrompu que
est entre parents et enfants, et même le lien entre d'aimer sa femme comme une femme adultère.
frères et sœurs est plus fort que le lien entre époux. Les hommes qui prétendent s'unir à une femme
Comme dit Plutarque (De l'Amour), « ce n'est pas dans le but d'engendrer des enfants par amour
de l'amour que l'on éprouve pour une femme, de de l'État ou du genre humain… devraient se
même que ce n'est pas de l'amour que les cuisi- conduire en époux avec leur femme et non en
niers éprouvent pour les veaux et pour la volaille amants. » Les stoïciens du ier siècle de notre ère
qu'ils engraissent ! » Se marier et avoir des enfants finiront par affirmer que tout rapport conjugal
est pénible, mais c'est un devoir de citoyen auquel n'ayant pas la procréation pour objet est immo-
on se plie pour le bien de la cité. On n'assouvit pas ral, et que l'homme qui ne pense qu'à son plaisir
son désir avec son épouse quand on a sous la main en sexualité est méprisable.
des esclaves des deux sexes disponibles par statut,
et comme le dit aussi Plutarque : « Si j'ai envie
d'avoir un rapport, je ne vais pas aller déranger ma La Bible
femme au gynécée pour une chose aussi futile ! »
Cependant les épouses grecques ne sont pas des La Bible témoigne d'une société patriarcale où la
frustrées, l'orgasme leur est dû puisque la science polygamie est de règle, les hommes ayant comme
pense qu'il est nécessaire à la procréation, et les partenaires sexuelles toutes les femmes qu'ils pos-
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 331
sexuel : « Peu de gens ont épousé des maîtresses Pour le couple conjugal, le duc de Saint-Simon
qui ne s'en soient repentis ! » Pour lui, « un bon fournira de très nombreux exemples qui prouvent
mariage, s'il en existe, refuse la compagnie et qu'il n'est toujours pas fondé sur l'amour, qui reste
les conditions de l'amour pour celles de l'ami- même très mal vu dans ce cadre (par exemple, ce
tié. C'est une douce société de vie, pleine de seigneur amoureux de son épouse, mais prenant
confiance et d'un nombre infini d'utiles et solides des maîtresses pour ne pas être la risée de ses
devoirs et obligations mutuelles. Aucune femme pairs). Le désir sexuel se joue encore quasi systé-
qui en savoure le goût ne voudrait tenir lieu de matiquement en dehors du mariage.
maîtresse et d'amante à son mari : si elle est logée
en son affection comme femme, elle y est bien
plus honorablement et sûrement logée » (Essais, xviiie siècle
III, V).
Dans Les Dames galantes, Brantôme critique les Si l'amitié est toujours considérée comme entraî-
maris qui initient leurs épouses aux plaisirs sexuels, nant des liens et des devoirs qui doivent prendre
« paillardent avec elles comme avec concubines, le pas sur le désir sexuel, le mot amour va changer
car le mariage n'existe que pour la nécessité et la de sens. Au lieu de désigner simplement la pas-
procréation, et non pour le plaisir désordonné et sion érotique, il accapare petit à petit les caracté-
la paillardise ». Si cet auteur donne pourtant de ristiques de l'amitié : aimer quelqu'un sera de plus
nombreux exemples de conjoints vivant ensemble en plus vouloir vivre ensemble l'amitié et aussi la
une sexualité très importante, il ne la lie cepen- sexualité, les deux à la fois. Mais personne ne dit
dant ni à la fidélité ni à l'amour. ou n'imagine que l'on puisse fonder sérieusement
un couple marié, cette cellule si importante de la
société, sur le désir sexuel, sur la conviction d'un
xviie siècle « je l'aime » ! Un aristocrate conseillera ainsi à son
épouse, amoureuse de lui, et recherchant son
Corneille défendra contre Racine les valeurs tra- intimité, d'agir comme toutes les femmes de son
ditionnelles. Alors que Racine transforme en his- rang, de sortir, de prendre des amants, et que c'est
toire d'amour les grandes légendes de l'Antiquité, de cette façon qu'elle grandira dans son estime !
il rappelle que les fondements d'une vie digne
sont ailleurs : « La dignité de la tragédie demande
quelque grand intérêt d'État ou quelque passion xixe siècle
plus noble et plus mâle que l'amour, telles que
sont l'ambition ou la vengeance, et veut donner Le mot amour finit par désigner de plus en plus
à craindre des malheurs plus grands que la perte couramment le sentiment que l'on éprouve pour
d'une maîtresse. Il est à propos d'y mêler l'amour, quelqu'un que l'on désire sexuellement et avec
parce qu'il a toujours beaucoup d'agrément et qui on veut vivre une amitié (égalité des parte-
peut servir de fondement à ces intérêts et à ces naires, partage des joies et des peines, activités
autres passions dont je parle ; mais il faut qu'il se communes), afin de « faire un bout de chemin
contente du second rang dans le poème et leur ensemble ». Et les femmes méritent d'être ainsi
laisse le premier. » (Discours de l'utilité et des par- aimées par les hommes ! Moralistes et médecins
ties du poème dramatique) vont multiplier les écrits prônant la recherche du
Pour Corneille, l'amour – c'est-à-dire encore plaisir sexuel dans le mariage. Si amants, maîtresses
à cette époque la passion érotique – n'est pas une et prostituées sont toujours là et prouvent la per-
passion virile, n'est pas la plus noble des pas- manence de la distinction entre mariage « de rai-
sions, donc n'est pas ce qui fera d'un homme un son » et sexualité de plaisir, les mariages d'amour
héros, n'est pas ce qui servira à juger de la qua- progressent, et les historiens placent vers 1890 le
lité ou de la réussite de sa vie. Et ses péripéties moment où ils commencent à être plus nombreux
sont futiles ! que les mariages de raison.
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 333
Dans la deuxième partie du xixe siècle, l'idée riser la place de la sexualité dans l'épanouissement
peut donc s'installer progressivement que c'est des individus. Mais la réalité résiste : il est très
dans le couple marié que se vit la sexualité nor- difficile de trouver réuni dans la même personne
male, celle qui est liée à la procréation : cette façon l'ensemble des qualités nécessaires pour vivre ce
de réfléchir finit par aboutir à un courant de pen- nouveau type de couple ! Et la grande majorité des
sée niant la sexualité de plaisir. Surtout elle répand couples ainsi formés se défera assez vite, le divorce
l'idée que la procréation dicte la norme sexuelle, finissant par devenir quasiment la règle à la fin du
et que donc la seule sexualité naturelle est l'hété- siècle, ce qui confirme le pessimisme des mora-
rosexualité. Pour la première fois dans l'Histoire, listes d'autrefois. L'épreuve des faits dissipe donc
la sexualité entre personnes de même sexe va être l'illusion d'un couple pouvant répondre à toutes
dite contraire à la nature de la sexualité humaine. les aspirations des individus.
Pour construire cette nouvelle société fondée sur C'est pourquoi, à la fin du xxe siècle et au début
cette innovation qu'est le couple hétérosexuel du xxie, l'évidence du couple hétérosexuel s'affai-
amoureux, on cherchera à introduire la mixité blit progressivement. De plus, la procréation assis-
dans tous les compartiments de la vie sociale – et tée, le droit d'adopter des enfants généralisé (aux
en premier dans l'éducation des enfants, avec la personnes seules, ou en couple homosexuel), le
mixité scolaire comme arme pour les protéger du recours aux mères porteuses, tout un ensemble
risque de prendre des habitudes homosexuelles de faits mine l'argumentation hétérosexuelle qui
pendant l'adolescence. On invente la distinc- présentait le couple formé par une femme et un
tion homosexuel ≠ hétérosexuel, on qualifie de homme comme naturel, et donc nécessaire, exclu-
perversion toute sexualité qui n'est pas orientée sif, pour procréer comme pour élever des enfants.
vers la reproduction, on médicalise les conduites Sans compter les études sur l'éthologie sexuelle,
sexuelles (cf. la lutte contre la masturbation). sur la sexualité animale, sur l'anatomie et le rôle
du clitoris, etc., qui remettent au premier plan le
fait que la sexualité humaine est fondée d'abord
xxe siècle et avant tout sur le plaisir, sur le jeu : vouloir à
tout prix l'enfermer dans le cadre strict du couple
Toute cette évolution va amener le xxe siècle à hétérosexuel procréatif n'a donc absolument rien
vivre le couple de façon inédite. Alors que, depuis de naturel, mais est bel et bien une construction
l'Antiquité jusqu'au xviiie siècle, la femme ne sert récente de la société occidentale.
à rien dans la réussite de la vie d'un homme, les Formes multiples de la parentalité, liberté du
hommes du xxe siècle, dans la société occidentale, plaisir : une nouvelle sexualité est ainsi en train de
vont se dire, très majoritairement : « Mon but dans s'inventer, qui prend ses distances avec le couple
la vie, c'est de rencontrer une femme que j'aimerai conjugal amoureux voulu comme référence. Du
et qui m'aimera, avec qui je m'épanouirai sexuel- même coup, elle rend caducs les critères médicaux
lement, avec qui j'aurai des enfants, que nous élè- mis en place dans les années 1970 pour définir une
verons ensemble. » Et les femmes se donnent le normalité sexuelle.
projet symétrique. Or un tel projet n'avait jamais Et le sexologue d'aujourd'hui, qui doit affronter
existé, sauf cas individuels exceptionnels, dans les problèmes sexuels d'aujourd'hui, est amené à
les sociétés antérieures, quelles qu'elles soient. s'interroger sur les situations qui fondent son inter-
Renforcé par différentes évolutions, comme celle vention dans la sexualité de ses contemporains :
des habitations (permettant l'intimité du couple), est-ce que ce sont de vrais problèmes médicaux
celle de la contraception (plus facile et efficace), ou simplement des problèmes créés par les idées
mais aussi par la diminution de l'importance de reçues, les routines de pensée, voire l'ignorance
l'héritage dans le revenu comme par le regard des acquis les plus récents ? Et beaucoup d'interro-
moins négatif sur les célibataires (deux faits qui gations sur le plaisir vaginal, l'éjaculation, l'homo-
libèrent du mariage de raison), ce projet va séduire sexualité, le désir, la normalité, etc. se révéleront
et devenir la norme idéale. Il va aboutir à survalo- vaines ou provoqueront de tout autres réponses.
334 Manuel de sexologie
était difficile que le comportement et l'apparence son comportement social, le principe du res-
puissent être modifiés par le Droit. pect dû à la vie privée justifie que son état civil
Le principe de l'indisponibilité du corps indique désormais le sexe dont elle a l'apparence ;
humain restait pour le Droit un obstacle rela- que le principe de l'indisponibilité de l'état des
tif étant donné que la volonté de l'intéressé (le personnes ne fait pas obstacle à une telle modi-
transsexuel) allait évoluer vers une considération fication ». Ce revirement soudain, résultait d'une
proportionnée à la règle de l'impératif médical. décision rendue le 25 mars 1992 par la Cour euro-
Un autre principe en faveur du changement de la péenne des Droits de l'Homme (CEDH), repro-
dénomination sexuelle était celui du respect dû à chant à la France de porter atteinte au respect dû
la vie privée, mais il n'était que rarement employé. à la vie privée des transsexuels en les plaçant dans
Il permettrait cependant de reconnaître le sexe une situation incompatible avec le respect de ce
psycho-social comme élément déterminant de la droit. En effet, la CEDH décidait qu'« à la suite
personnalité modifiée de l'individu. Et c'est ce d'un traitement médico-chirurgical subi dans un
principe qui va finalement renverser la jurispru- but thérapeutique, une personne présentant le
dence, et être à l'origine de l'évolution réglemen- syndrome de transsexualisme ne possède plus tous
taire par la loi no 2016-1547 du 18 novembre les caractères de son sexe d'origine et a pris l'ap-
2016. En 2012, la Cour de cassation considérait parence physique la rapprochant de l'autre sexe,
encore : « Pour justifier une demande de rectifica- auquel correspond son comportement social, le
tion de la mention du sexe figurant dans un acte de principe du respect dû à la vie privée justifie que
naissance, la personne doit établir, au regard de ce son état civil indique désormais le sexe dont elle a
qui est communément admis par la communauté l'apparence ». Les juges français acceptaient qu'il
scientifique, la réalité du syndrome transsexuel s'agisse d'un rapprochement sexuel mais il n'y
dont elle est atteinte ainsi que le caractère irré- avait pas encore s'un point de vue légal de chan-
versible de la transformation de son apparence » gement de sexe.
(Cass. 1re civ., 7 juin 2012, no 10-26947 et no 11- Pour autant une évolution du droit français
22490 ; 13 février 2013, no 11-14515 et no 12- (Loi de modernisation de la justice du xxie siècle
11949). Quatre conditions cumulatives étaient en 2016) en lien avec l'influence du concept de
nécessaires pour permettre cette modification. l'identité de genre sur celle sexuée, conduisait à
Un constat médical du syndrome de dysphorie une procédure démédicalisée mais toujours judi-
de genre, la réalisation d'une opération chirur- ciarisée pour octroyer le changement d'identité
gicale de réassignation sexuelle, une apparence sexuelle. De même, une nouvelle condamnation
physique et un comportement social conforme au de l'état français par la CEDH (en 2017) parache-
sexe revendiqué, et une expertise médicale judi- vait cette évolution réglementaire.
ciaire révélant un trouble de l'identité sexuelle. Ainsi, cette loi du 18 novembre 2016 a intro-
Mais en fin d'année 2012, une première évolu- duit dans le Code civil deux articles 61-5 et 61-6,
tion d'ordre jurisprudentiel intervenait par les qui ne permettent plus au juge de considérer l'état
arrêts du 11 décembre 1992, pris l'assemblée physiologique d'un individu pour refuser son
plénière de la Cour de cassation : « Vu l'article 8 changement de sexe. Le nouvel article 61-6 du
de la Convention européenne de sauvegarde des Code civil indique que « le fait de ne pas avoir subi
droits de l'Homme et des libertés fondamentales, des traitements médicaux, une opération chirurgi-
les articles 9 et 57 du Code civil et le principe de cale ou une stérilisation ne peut motiver le refus
l'indisponibilité de l'état des personnes. Attendu de faire droit à la demande [de modification de la
que lorsque, à la suite d'un traitement médico- mention relative à son sexe dans les actes de l'état
chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une civil] ». L'article 61-5 de ce même Code stipule
personne présentant le syndrome du transsexua- que « toute personne majeure ou mineure éman-
lisme ne possède plus tous les caractères de son cipée qui démontre par une réunion suffisante de
sexe d'origine et a pris une apparence physique fait que la mention relative à son sexe dans les actes
la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond de l'état civil ne correspond pas à celui dans lequel
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 337
elle se présente et dans lequel elle est connue peut de celles-ci est sanctionnée. Certaines tiennent à
en obtenir la modification. Les principaux de ces l'identité sexuelle et aux relations sexuelles.
faits, dont la preuve peut être rapportée par tous Par exemple la prohibition de l'inceste est
moyens, peuvent être : l'un des piliers du droit de la famille et donc du
1°qu'elle se présente publiquement comme mariage. Les articles 161 à 163 du Code civil sti-
appartenant au sexe revendiqué ; pulent clairement qu'« en ligne directe, le mariage
2°qu'elle est connue sous le sexe revendiqué de est prohibé entre tous les ascendants et descen-
son entourage familial, amical ou professionnel ; dants légitimes ou naturels, et les alliés dans la
3°qu'elle a obtenu le changement de son pré- même ligne » et interdissent le mariage entre frère
nom afin qu'il corresponde au sexe revendiqué ». et sœur, entre frères et entre sœurs, entre tous les
Cette loi a été complétée par le décret no 2017- ascendants et descendants, entre l'oncle et la nièce
450 du 29 mars 2017 relatif aux procédures de ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la
changement de prénom et de modification de la nièce. Il ne peut être contracté un second mariage
mention du sexe à l'état civil. La demande est avant la dissolution du premier, la bigamie est
portée devant le un tribunal de Grande Instance interdite (Code civil, art. 147).
(devenu tribunal judiciaire), par une requête Le mariage n'était pas possible entre per-
simple, accompagnée ou non d'une demande sonnes de même sexe. Il était ainsi inexistant si
de changement de prénom, et sans l'obligation les époux n'étaient pas de sexe différent (Cons.
d'être assisté par un avocat. La confidentialité est const. 28 janv. 2011, no 2010-92 QPC). Dans une
requise pour les débats dans la chambre du conseil controverse médiatique le Tribunal de Grande
(audiences auxquelles ne participe pas le public). Instance de Bordeaux avait le 27 juillet 2004
Est aussi envisagé l'impact des changements opé- (confirmé par une décision du 19 avril 2005 par
rés sur la famille de la personne en consacrant le la Cour d'appel de Bordeaux) déclarait « nul le
principe du consentement des conjoints et enfants mariage contracté entre Monsieur Stéphane C....
sur les modifications des actes de l'état civil les et Monsieur Bertrand A..., selon acte de mariage
concernant. dressé à Bègles (Gironde) le 5 juin 2004 ». Les
Par ailleurs, par un arrêt du 6 avril 2017, la juges avaient démontré que la différence de sexe
CEDH (no 79885/12, 52471/13, 52596/13, entre les époux est une condition de fond du
A.P., Garçon et Nicot c. France) condamnait mariage, tant au regard du droit interne français
l'état français dans sa manière d'établir le chan- qu'au regard européen. La philosophie du Code
gement de l'identité sexuelle. Exiger la preuve civil considérait que le mariage était une « société
du « caractère irréversible du changement de l'homme et de la femme qui s'unissent pour
de l'apparence physique » viole les principes perpétuer leur espèce, pour s'aider par des secours
énoncés aux articles 3 (traitements inhumains mutuels à porter le poids de la vie et pour partager
ou dégradants) et 8 (droit au respect de la vie leur commune destinée ». Pour autant, en 2013,
privée et familiale) de la Convention de sauve- un bouleversement légal s'opère, après saisine
garde des Droits de l'Homme et des libertés du Conseil constitutionnel qui indiquait que les
fondamentales. articles de la loi ouvrant le mariage aux couples
de personnes de même sexe étaient conformes à la
Constitution. Il était promulgué le lendemain, le
Loi, mariage et prohibition 18 mai 2013 au journal officiel, une modification
de l'article 143 du Code civil, mentionnant « le
Le mariage est à la fois une institution et un acte mariage est contracté par deux personnes de sexe
juridique solennel. Il repose nécessairement sur différent ou de même sexe. ». La différence de sexe
un consentement librement donné par chacun des n'étant plus une condition de validité du mariage,
époux et suppose une volonté sincère de se com- il devient par effet direct possible de maintenir le
porter comme mari et femme. Il engage le res- mariage lorsque l'un des membres procède à un
pect des conditions fixées par la loi. La violation changement de sexe. En revanche, ce changement
338 Manuel de sexologie
d'identité est susceptible d'être considéré comme portements sont réprimés par la loi pénale. Les
une faute si les devoirs et obligations stipulées à statistiques épidémiologiques sont apocalyptiques.
l'article 242 du Code civil ne sont pas remplis : Un sondage réalisé en 2016 et publié en 2018 par
« le divorce peut être demandé par l'un des époux l'Institut national d'étude indiquait qu'au cours
lorsque des faits constitutifs d'une violation grave de sa vie, une femme sur vingt-six était violée,
ou renouvelée des devoirs et obligations du et une sur sept au moins agressée sexuellement.
mariage sont imputables à son conjoint et rendent L'enquête révélait que plus de 580 000 femmes
intolérable le maintien de la vie commune ». Le avaient été victimes d'agressions sexuelles autres
mariage « oblige » à avoir des relations sexuelles, que le viol en 2016 et 62 000 femmes avaient été
quand les époux sont juridiquement capables. La victimes d'au moins une tentative de viol.
loi évoque « la communauté de vie » (art. 215 du Depuis la loi du 28 avril 1832, le viol est
Code civil) de « cohabitation » (art. 181 du Code une infraction distincte des autres attentats à la
civil), d'« union de fait » (article 313-2 al. 2 du pudeur. Le Code pénal intègre dans son titre II
Code civil) de « relations » (art. 342 du). Tout cela consacré aux « atteintes à la personne humaine »
intègre notamment des relations sexuelles. un chapitre sur « des atteintes à l'intégrité phy-
Les personnes ne peuvent contracter mariage sique ou psychique de la personne ». Une section
avant dix-huit ans révolus, cependant le Procureur relative aux agressions sexuelles comprend cinq
de la République du lieu de célébration du mariage paragraphes, traitant respectivement du viol, des
peut accorder des dispenses d'âge pour des motifs autres agressions sexuelles, de l'inceste commis
graves (Code civil, art. 144 s.). Cela tient au fait sur les mineurs, de l'exhibition sexuelle et du
que le consentement des époux doit être libre et harcèlement sexuel et de la responsabilité pénale
éclairé (Code civil, art. 146 et 180). Ainsi pour des personnes morales. Parmi ces infractions, cer-
un mineur, émancipé (acte qui dégage le mineur taines comportent une atteinte à l'intégrité phy-
de toute autorité de la part de ses parents, à la sique directe à autrui (le viol). Dans ce chapitre
demande de ces derniers) ou non, une dispense d'atteinte corporelle, les pratiques sexuelles dites
du Procureur de la République (Code civil, « extrêmes », seront étudiées, comportements
art. 145) et l'autorisation de ses parents (Code pour lesquels la CDEH est intervenue afin de sta-
civil, art. 148 s.) sont obligatoires. tuer sur l'ingérence des lois d'état dans la liberté
sexuelle de ces concitoyens. Le tourisme sexuel
sera aussi évoqué, la loi pénale française condam-
Loi et comportement sexuel nant aussi des infractions commises en dehors du
territoire national, et ce depuis 1998. Les autres
L'identité sexuelle d'une personne, nous l'avons atteintes de nature sexuelle n'exigent pas cette
vue, entraîne un comportement sexuel, c'est-à- atteinte physique (le harcèlement sexuel, l'exhibi-
dire une affirmation de celle-ci vis-à-vis des autres. tion sexuelle). Un point sera fait sur la législation
Cette identité influence les besoins sexuels et les contre la prostitution.
désirs sexuels.
La loi fixe le comportement sexuel en établis-
sant ce qui est autorisé et ce qui n'est pas per- Infractions comportant
mis. Elle doit ménager ce qui est acceptable pour une atteinte à l'intégrité
l'ordre social et la liberté individuelle de chacun. physique directe à autrui
La liberté individuelle sexuelle concerne tout
ce qui peut être fait à autrui sans nuisance. Le Viol
consentement fixe la limitation d'intervention du
droit pénal (code qui détermine les comporte- Le viol est défini par l'article 222-23 du Code
ments contraires à la loi). Dès que ces frontières pénal (CP). Il s'agit « de tout acte de pénétration
sont dépassées, alors les comportements sexuels sexuelle de quelque nature qu'il soit, commis
peuvent être sanctionnés. La plupart de ces com- sur la personne d'autrui par violence, contrainte,
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 339
menace ou surprise ». Il s'agit de la forme la plus et rectal effectué par un médecin généraliste
grave d'agression sexuelle. Pour que l'acte soit d'attouchements à connotation sexuelle. À cette
qualifié de viol, certaines conditions préalables occasion, ces actes ont été sollicités sans le consen-
doivent être réunies. Il faut tout d'abord que la tement préalable de la personne et a été retenu à
victime soit vivante au moment de l'agression. l'encontre du praticien la circonstance aggravante
Les relations sexuelles avec une personne décé- d'abus autorité que lui confèrent ses fonctions de
dée sont répréhensibles, mais relèvent d'une autre soignant (Crim. 19 janv. 2005, no 04-84.140). De
infraction (atteinte à l'intégrité du cadavre, CP, même une personne qui utilisera un déguisement
art. 225-17). Une notion propre à cette infrac- de médecin pour procéder à des attouchements,
tion est la pénétration sexuelle. Cet acte requiert démontre son intention coupable par la contrainte
une pénétration par le sexe de l'auteur du viol ou qu'il fait subir à la victime. Il y a aussi surprise
dans le sexe de la victime. Dans ce dernier cas, lorsque l'auteur s'introduisant dans le lit d'une
cela concerne les pénétrations digitales ou par femme mariée la nuit, se livre à des attouchements
tout objet quelconque. Le concept général de ce en se faisant passer pour le mari.
crime est l'absence de consentement de la victime. Cette notion de surprise se détermine dans les
Cela revient à démontrer que l'auteur de l'agres- cas où, la victime présente une altération tempo-
sion a agi avec violence, contrainte, menace ou raire de sa conscience sous les effets de la prise
surprise. L'auteur doit avoir ainsi une attention (à son issue) de produit(s) toxique(s) ou médica-
coupable qui réside dans la conscience d'imposer menteux. C'est le cas de la drogue du viol comme
à la victime un acte de pénétration sexuelle sans l'ont surnommé les médias à propos du GHB
l'obtention au préalable et dans l'instant de son (acide gamma hydro butyrique). Dans la pratique
consentement (élément moral de le l'infraction). médico-légale les drogues du violeur sont les ben-
La raison de l'auteur est différente, il suffit de zodiazépines. Dans ces circonstances, la victime
démontrer qu'il avait conscience de son acte per- est incapable par la « chimie » de consentir.
mettant d'une certaine manière d'exclure certains La menace peut être utilisée par l'auteur de
malades mentaux de cette qualification. Cette l'agression, lorsqu'il prétendra ou exercera des
conscience ne pose pas de problème lorsqu'il représailles sur elle-même ou sa famille si celle-
y a eu violence ou menace. Mais en cas de sur- ci se refuse à lui. Ces situations s'envisagent dans
prise, notamment si la victime a eu une attitude le cadre par exemple de handicap mental et dans
laissant croire qu'elle était consentante ou que sa les relations sexuelles entre époux. Pendant long-
résistance n'apparaissait pas sérieuse, la preuve de temps, la justice présumait le consentement des
cette intention coupable, qui caractérise l'élément époux dans les relations sexuelles et ne pouvait pas
moral de l'infraction commis par l'agresseur, est qualifier le viol d'un mari sur sa femme. Les seules
plus difficile à rapporter. Le qualificatif surprise condamnations concernaient les viols accompa-
se réfère à la notion de suspendre le consente- gnés de violences proches de la torture. C'est en
ment. Cela concerne entre autres les personnes 1992 que la chambre criminelle de la Cour de
dont l'état de vigilance est altéré par une patholo- cassation a annulé toute présomption de consen-
gie mentale, la prise de toxique(s), de traitement tement entre les époux pour les actes sexuels
sédatif, etc. accomplis dans l'intimité du mariage.
Quelques exemples de décision judiciaire per- De fait, le viol est constitué lorsqu'il est imposé
mettent de mieux définir certaines situations à la victime, et ce sans prendre en considération la
qui peuvent se limiter à la conscience du défaut nature des relations existant entre elle et son agres-
d'information et caractérisent l'élément maté- seur. L'existence des relations antérieures entre la
riel de l'infraction. La contrainte est ainsi définie victime et l'agresseur ne fait donc pas obstacle à
lorsqu'un médecin, grâce à des manœuvres frau- la qualification de viol et est considérée comme
duleuses, amène ses patients à subir des caresses une circonstance aggravante (CP, art. 222-24,
obscènes. La chambre criminelle de la Cour de 4°). Un viol qualifié d'incestueux implique la
cassation avait qualifié l'examen gynécologique notion d'autorité de droit ou de fait de l'auteur
340 Manuel de sexologie
sur la victime, et concerne ainsi un ascendant, un la victime. Faits, gestes et actions à connotation
frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu sexuelle sont imposés à la victime. La tentative
ou une nièce. Le conjoint, le concubin d'une des est aussi condamnée (CP, art. 222-31 et 222-22-
personnes mentionnées précédemment ou le par- 2). Il faut bien sûr que l'auteur ait conscience de
tenaire lié par un pacte civil de solidarité si, il a commettre un acte délictueux, pouvant vicier le
sur la victime une autorité de droit ou de fait (CP, consentement de la victime, ce qu'impliqueraient
art. 222-31-2) commet un viol incestueux. les notions de contrainte (physique ou morale),
Le délai de prescription pour des faits de viol est violence, menace ou surprise, et ce peu importe
de 20 ans à compter de la date de commission de les relations existantes entre l'auteur des faits et la
l'infraction. Pour les mineurs ce délai est porté à victime (même maritales).
30 ans (et peut débuter à la majorité de la victime,
soit jusqu'à ses 48 ans).
La répression de cette infraction est de 15 ans Poursuite des infractions
de réclusion criminelle (CP, art. 222-23). Cette commises hors le
peine est portée à 20 ans, lorsqu'il (le viol) a territoire national
entraîné une mutilation ou une infirmité per-
manente ou qu'il existe des circonstances aggra- Depuis la loi no 98-468 du 17 juin 1998, la com-
vantes (CP, art. 222-24) que sont par exemple, mission à l'étranger par un français ou par une
les faits commis sur un mineur de quinze ans, personne résidant habituellement sur le territoire
commis sur une personne dont la particulière vul- français d'infractions sexuelles peut entraîner
nérabilité, due à son âge, à une maladie, à une des poursuites sur le territoire national. Ces faits
infirmité, à une déficience physique ou psychique impliquent entre autres les agressions sexuelles,
est apparente ou connue de l'auteur, commis le délit de corruption de mineur et de pornogra-
sur une personne dont la particulière vulnérabi- phie enfantine. C'est la répression du « tourisme
lité ou dépendance résultant de la précarité de sa sexuel », permettant de sanctionner des faits délic-
situation économique ou sociale est apparente ou tuels commis sur des lieux extraterritoriaux.
connue de l'auteur, commis par un ascendant ou
par toute autre personne ayant sur la victime une
Pratiques sexuelles « extrêmes » :
autorité de droit, etc.
Bondage et discipline,
domination et soumission
Autres agressions sexuelles et sado-masochisme (BDSM)
L'article 222-27 du CP réprime « tout acte sexuel Ces pratiques BDSM réalisées entre adultes
commis avec violence, contrainte, ou surprise ». consentants placent en conflit les principes de
Cette infraction est un délit et concerne les protection de l'intégrité corporelle et d'autono-
atteintes sexuelles autres que le viol. Dans ce cadre, mie de la volonté. Dans ce domaine la CEDH
elles correspondent à une atteinte sexuelle sur la s'est prononcée plusieurs fois sur l'ingérence des
personne d'autrui, pouvant ainsi se référer à des états dans le respect de la vie privée et notam-
actes impudiques exercés directement sur le corps ment celui de la liberté sexuelle. Deux exemples
de la victime à l'exception du viol. Ces actes s'ap- sont évocateurs. Dans une première affaire,
précient comme des comportements qui peuvent la cour avait admis la qualification de coups et
être objectivement immoraux ou obscènes. Peu blessures volontaires, estimant qu'un État n'ou-
importe que l'acte soit secret ou public, qu'il soit trepassait pas sa marge d'appréciation en proté-
commis par un homme ou par une femme. Ainsi, geant les « esclaves » volontaires d'un risque réel
les attouchements, les caresses les baisers peuvent de dommages corporels ou de blessures tout en
devenir délictueux du fait d'un contact physique, confirmant la liberté sexuelle. (CEDH, 19 févr.
à connotation sexuelle sans le consentement de 1997, Laskey, Jaggard et Brown c/Grande-
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 341
atmosphère de honte (« promotion canapé ») et vage dont il faut libérer les femmes. Cette loi a
de secret entourant ces comportements. mis un terme aux dispositions qui prévoyaient
Pour aider les victimes de harcèlement sexuel, la l'inscription des prostituées sur des registres
loi travail du 06 août 2012, a révisé les modalités spéciaux de police et l'obligation de se présen-
relatives à l'administration de la preuve. Le sala- ter aux services de police. Notre pays est devenu
rié s'estimant victime d'un harcèlement (sexuel) réellement abolitionniste en 1960 en ratifiant,
doit dorénavant présenter des éléments de fait le 28 juillet 1960, la Convention de l'ONU du
laissant supposer l'existence d'un harcèlement (C. 2 décembre 1949 pour la répression de la traite
trav., art. L. 1154-1). Il revient à l'employeur de des êtres humains et de l'exploitation de la pros-
démontrer que ces éléments ne sont pas constitu- titution d'autrui. Depuis les ordonnances no 60-
tifs d'un harcèlement sexuel. 1245 et no 60-1246 du 25 novembre 1960, la
prostitution n'est plus réglementée en France,
c'est une activité libre. Mais le CP (art. 225-5 à
Exhibition sexuelle 225-12), réprime le proxénétisme, sanctionnant
(art. 222-32 du CP) une forme d'atteinte à la dignité de la personne.
Le proxénétisme est défini par le fait « d'aider,
Le délit d'outrage public à la pudeur a été rem-
d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui ;
placé par celui d'exhibition sexuelle imposée à
de tirer profit de la prostitution d'autrui ; d'en
la vue d'autrui dans un lieu accessible au regard
partager les produits ou de recevoir des sub-
public. Cette condition permet d'écarter le natu-
sides d'une personne se livrant habituellement à
risme ou le nudisme sur les plages ou dans les
la prostitution ; d'embaucher, d'entraîner ou de
lieux réservés à cet effet. L'infraction est retenue
détourner une personne en vue de la prostitution
sans contact physique avec la victime. Elle peut
ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle
se matérialiser au travers d'une simple attitude
se prostitue ou continue à le faire ». Certaines
comme des gestes grossiers, malséants ou subjec-
circonstances aggravantes majorent les sanctions
tifs. Il faut remarquer pour que ces actes soient
comme le fait « d'utiliser » des personnes vulné-
répréhensibles, qu'ils soient volontairement réali-
rables, d'user de la contrainte, d'être organisé en
sés. Le simple défaut de précaution ne suffit plus.
bande, etc. Le proxénétisme hôtelier est égale-
Les règles morales ont rétréci le champ de la quali-
ment sanctionné ».
fication ancienne d'outrage public à la pudeur. En
Le racolage actif et passif a été un délit sanctionné
effet, l'outrage d'actes contre nature, par exemple
par une contravention de 5e classe (loi no 2003-
l'homosexualité, n'est plus répréhensible, et ce
239 sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003). Il
depuis 1791 en France.
consistait « … par tout moyen, de procéder publi-
L'exhibition sexuelle concerne les lieux publics
quement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à
mais aussi privés si les précautions sont insuffi-
des relations sexuelles ». Cet article R. 625-8 du
santes, c'est-à-dire imposée à la vue d'autrui ou
CP a été abrogé par un décret (no 2004-1021 du
lieu accessible au regard du public. Elle suppose
27 septembre 2004 portant modification du Code
par nature que le corps ou une partie du corps soit
pénal et du code de procédure pénale), réprimant
volontairement exposé à la vue d'autrui
le racolage en vue d'une sexualité rémunérée.
L'article qui a été vigueur 225-10 du CP, répri-
Prostitution-Racolage (atteinte mait « Le fait, par tout moyen, y compris par une
à la dignité de la personne et attitude même passive, de procéder publiquement
indisponibilité du corps humain) au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des rela-
tions sexuelles en échange d'une rémunération ou
La loi « Marthe Richard » du 13 avril 1946 a ini- d'une promesse de rémunération ». Cet article du
tié en France une législation « abolitionniste » en Code pénal a été en effet abrogé par la loi no 2016-
matière de prostitution. L'abolitionnisme consi- 444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte
dère la prostitution comme une forme d'escla- contre le système prostitutionnel et à accompagner
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 343
les personnes prostituées à adopter un ensemble télécommunication d'un public non déterminé ou
de mesures pour traiter le système prostitutionnel que les faits sont commis à l'intérieur d'un éta-
dans sa globalité. Elle permet ainsi de : blissement scolaire ou éducatif ou à l'occasion des
• renforcer la lutte contre proxénétisme, en éten- entrées ou sorties des élèves aux abords d'un tel
dant au proxénétisme le dispositif de signale- établissement.
ment des contenus illicites sur internet, et en La corruption est également retenue lorsqu'il
renforçant les mesures de protection des per- y a organisation de réunion comportant des
sonnes témoignant à l'encontre des réseaux exhibitions ou des relations sexuelles auxquelles
criminels ; de conforter l'engagement abolition- un mineur assiste ou participe. L'infraction de
niste de la France, en abrogeant le délit de raco- pornographie mettant en scène un mineur (ou
lage, pour reconnaître les personnes prostituées représentation à caractère pornographique des
comme des victimes, et en responsabilisant les mineurs) est définie par l'article 227-23 du CP.
clients, par la création d'une nouvelle infraction En effet, le simple fait en vue de la diffusion de :
d'achat d'acte sexuel, quel que soit l'âge ou la « fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou
situation de la personne prostituée ; la représentation d'un mineur lorsque cette image
• améliore la prise en charge des personnes vic- ou cette représentation présente un caractère por-
times de prostitution, de proxénétisme ou de nographique est puni de trois ans d'emprisonne-
traite des êtres humains aux fins d'exploitation ment et de 45 000 euros d'amende ». De même
sexuelle, avec la création d'un parcours de sortie le statut de mineur, notamment dans la connais-
de la prostitution, donnant accès à un accom- sance de messages à caractère violent ou porno-
pagnement par une association agréée, à une graphique de nature à porter gravement atteinte
autorisation provisoire de séjour et à une aide à la dignité humaine, est une infraction lorsque
financière ; ce message est susceptible d'être vu ou perçu par
• prévenir les infections sexuellement transmis- ce mineur.
sibles ainsi que les autres risques sanitaires, La loi no 2007-297 du 5 mars 2007 a aussi créé
sociaux et psychologiques liés à la prostitution l'infraction (art. 227-22-1 du CP) de proposi-
par des actions de réduction des risques définies tion sexuelle à un mineur. Il s'agit de condamner
dans un document national de référence ; les comportements appelés grooming (tout acte
• dispenser une information sur les réalités de visant à manipuler sur internet les enfants à des
la prostitution et les dangers de la marchandi- fins sexuelles). Les peines sont aggravées lorsque
sation du corps dans les établissements secon- les propositions aboutissent à une rencontre. Ce
daires afin de lutter contre la banalisation du délit « traque » les adultes qui pourraient être
phénomène parmi les mineurs. qualifiés de « prédateurs », cherchant à se faire
passer eux-mêmes pour des enfants. Conscient
des risques de pédopornographie par internet,
Régime spécifique le législateur a alourdi les peines de toutes les
de protection des mineurs atteintes directes ou indirectes de nature sexuelle
lorsque l'agresseur a recours aux réseaux de télé-
Les affaires de pédophilie et la pédopornogra- communications. Les termes de « cybercrimi-
phie ont obligé le législateur français à organiser nalité » et de « cyberpatrouille » évoqués par les
son arsenal répressif. La corruption (de la mise textes juridiques et les plans gouvernementaux
en péril des mineurs) de mineurs est sanctionnée traduisent la volonté légale de lutter contre la
par l'article 227-22 du CP. Elle est interdite et les pédophilie sur internet. Il existe aussi un site web
peines sont majorées lorsque le mineur est âgé qui permet aux internautes de signaler les infrac-
de moins de 15 ans. Elles le sont encore lorsque tions relatives à des contenus pédophiles. Ces
le mineur a été mis en contact avec l'auteur des possibilités de dénonciations se sont étendues à
faits par la diffusion de message d'un réseau de tout contenu illicite sur Internet.
344 Manuel de sexologie
sont, exceptées les dispositions qui précèdent, les de la République une information relative à des
personnes astreintes au secret dans les conditions violences exercées au sein du couple relevant de
prévues par l'article 226-13. » l'article 132-80 du présent code, lorsqu'il estime
Le législateur considère que l'appréciation en conscience que ces violences mettent la vie de
du risque de poursuite ou de continuation de la la victime majeure en danger immédiat et que
maltraitance ne doit pas limiter l'obligation de celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en rai-
signalement. Si, il ne prévoit pas une obligation son de la contrainte morale résultant de l'emprise
de dénonciation vis-à-vis des professionnels de exercée par l'auteur des violences. Le médecin ou
santé des mauvais traitements qu'ils constatent le professionnel de santé doit s'efforcer d'obtenir
sur une personne dite vulnérable, c'est pour éviter l'accord de la victime majeure ; en cas d'impossi-
que les auteurs des sévices n'hésitent pas à faire bilité d'obtenir cet accord, il doit l'informer du
prodiguer aux personnes vulnérables les soins signalement fait au Procureur de la République. »
nécessaires de peur d'être dénoncés. Néanmoins, Sont ici visées les violences commises par le
l'épée de Damoclès que représente l'article 223-6 conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la vic-
du CP incite à l'extrême prudence dans la non- time par un pacte civil de solidarité, y compris
divulgation des sévices : « Quiconque pouvant lorsqu'ils ne cohabitent pas.
empêcher par son action immédiate, sans risque Cependant, trois conditions doivent être
pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un cumulatives :
délit contre l'intégrité corporelle de la personne, • il existe un danger immédiat pour la vie de la
s'abstient volontairement de le faire est puni… victime ;
Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient • la victime n'est pas en mesure de se protéger
volontairement de porter à une personne en péril, en raison de la contrainte morale résultant de
l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les l'emprise exercée par l'auteur des violences ;
tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action per- • le médecin doit s'efforcer d'obtenir l'accord de
sonnelle, soit en provoquant un secours ». Il est la victime. S'il n'a pas obtenu l'accord de la vic-
applicable aux personnes soumises à la règle du time, il doit informer la victime de ce signale-
secret professionnel. Tout professionnel de santé ment au Procureur de la République.
ne saurait rester passif à la constatation de ces Pour accompagner les professionnels de santé,
mauvais traitements et pourrait donc être sanc- un Vademecum de la réforme de l'article 226-14
tionné de non-assistance à personne en péril. Les du CP a été publié par le Ministère de la Justice,
formes de l'intervention du soignant peuvent l'Ordre des médecins et la Haute Autorité de
revêtir plusieurs aspects, allant de l'hospitalisation santé, Secret médical et violences au sein du
de la victime jusqu'au signalement aux autorités couple. Destiné à « accompagner les soignants
administratives ou judiciaires. dans la mise en place de cette nouvelle loi », ce
Récemment, et c'était l'une des mesures vade-mecum comprend un modèle de fiche de
phares du Grenelle des violences conjugales a été signalement, une notice explicative du signale-
promulguée, une nouvelle dérogation au secret ment, les critères d'évaluation du danger immédiat
professionnel dans ces circonstances : lever le et de l'emprise, le circuit juridictionnel du signa-
secret médical afin de permettre aux profession- lement, la pédagogie de la loi du 30 juillet 2020
nels de santé, en cas de violences conjugales, et les recommandations de la Haute Autorité de
de signaler un danger immédiat pour la victime santé15.
même sans son accord.
L'article 12 de la loi no 2020-936 du 30 juillet
2020 visant à protéger les victimes de violences
15 Secret médical et violences au sein du couple. Vade-
conjugales, a modifié l'article 226-14 du CP en
mecum de la réforme de l'article 226-14 du Code pénal.
précisant que le secret médical ne s'applique pas www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/
« (…) 3° Au médecin ou à tout autre professionnel external-package/rapport/1xufjc2/vademecum_secret_
de santé qui porte à la connaissance du Procureur violences_conjugales.pdf
346 Manuel de sexologie
l'exigence sociétale de protection des personnes l'homosexualité et l'adultère sont des délits,
juridiquement vulnérables. L'opinion publique mais cela ne légitime pas pour autant la prise en
est régulièrement « secouée » par la réitération de charge médicale de ce type de comportements
délits commis par des récidivistes. La chasse des sexuels ;
« prédateurs » sur les réseaux internet est une nou- • le domaine de la recherche n'échappe pas non
velle forme d'exercice d'investigation judiciaire. plus à la réflexion éthique. Même si notre rai-
L'arsenal juridique contribue à ce que les pro- sonnement est illustré par une IRM fonction-
fessionnels sociaux et de santé, soient conscients nelle ou par les données de l'EBM, nous le
de leur responsabilité. Dans tous ces domaines, verrons, il peut être l'objet de critiques ;
la science médicale peut intervenir. Le médecin • en matière d'éducation sexuelle, c'est surtout la
doit aussi exercer pleinement son rôle de protec- question de la norme qui va engendrer un ques-
tion de la santé et des personnes. Mais la méde- tionnement éthique ;
cine s'accommode mal du principe de précaution. • mais quel que soit notre domaine d'exercice,
L'exercice médical est un art, est dans son impli- sommes-nous toujours certains de pouvoir
cation judiciaire, elle continue de se pratiquer répondre à la question : quelles sont les données
sous la forme d'une obligation de moyen et non de la science qui nous permettent de légitimer
de résultat. notre discours ?
Pour pouvoir répondre à ces questions, il appa-
raît nécessaire de définir, au préalable, le concept
de sexologie, et également celui de l'éthique.
Éthique et sexologie Ceci fait, les concepts étant bien définis, nous
pourrons donner quelques repères destinés à évi-
P. Blachère, C. Mohamed Lemine, M. Mahbouli ter les pièges.
Mahjoub Mais, nous le verrons, si nous pouvons énon-
cer des principes de base permettant d'échapper
aux manquements à l'éthique, certaines questions
« Des manquements à l'éthique sont régulièrement rele- n'amènent pas à des réponses précises et la seule
vés et condamnés ; la littérature scientifique abonde dans façon de respecter la démarche éthique est de
ce sens. Mais peu d'outils pratiques sont indiqués pour
pouvoir respecter cette éthique lors des psychothérapies
continuer à se poser des questions.
et en sexologie. »
Patrick Lehmann [2]
Définition de l'éthique
Depuis que la sexologie existe, elle ne cesse
d'être l'objet de controverses. S'il est toujours L'éthique est pour beaucoup le synonyme pédant
facile de critiquer les manquements éthiques de la morale. En fait, la plupart des auteurs
des collègues, il n'est pas toujours simple de se insistent sur la différence de nature entre l'éthique
remettre en cause. Si nous croyons être à l'abri de et la morale.
certains dérapages, la pratique de la sexologie, que La définition philosophique permet d'appré-
ce soit dans les domaines de la prévention, de la hender la différence entre un jugement moral et
thérapie ou de la recherche, nous oblige sans cesse une réflexion éthique : l'éthique est la science
à répondre à de nouvelles questions : ayant pour objet le jugement d'appréciation en
• ainsi, s'il est communément admis qu'il ne tant qu'il s'applique à la distinction du bien et du
faut jamais avoir de relations sexuelles avec un mal [3].
patient, peut-on avoir une simple relation ami- Mais la sexologie n'est pas une branche de la
cale avec lui ? philosophie ; aussi est-ce à un clinicien, Thomas
• de même, s'il va de soi qu'il faut traiter les agres- Szasz, que nous emprunterons sa conception
seurs sexuels, comment fixer la frontière entre de ce que peut être l'éthique dans le cadre des
délinquance et pathologie ? Dans certains pays, psychothérapies.
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 349
entre acte médical et rapprochement intime. Cet cin et son patient contreviendrait selon l'Ordre des
article est en quelque sorte un guide de bonne médecins aux principes de la liberté des personnes.
pratique pour protéger les patients mais aussi pour L'Ordre rappelle que la Convention européenne
limiter les fausses allégations d'agressions. des Droits de l'Homme, en son Article 8, éta-
Au cours des années 2016 et 2017, un mouve- blit que "Toute personne a droit au respect de
ment citoyen « atoute.org a interrogé par le biais sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa
d'une pétition le Conseil national de l'ordre sur correspondance".
la question des relations entre médecins et thé- Dès lors si le Conseil national estime infon-
rapeutes. Les pétitionnaires demandaient que dée, et inopérante en pratique, une demande de
l'interdiction des relations sexuelles médecins- modifier le Code de déontologie médicale sur ce
patients soit explicitement notifiée dans le Code point, il poursuivra en même temps activement ses
de déontologie médicale ». engagements, rappelés ci-dessus, pour une lutte
« Les signataires de cette pétition demandent déterminée contre toutes sortes d'abus à caractère
l'ajout au Code de déontologie médicale d'un sexuel que des médecins commettraient. »16
article interdisant explicitement aux médecins Ce n'est que dans un second temps que le
toute relation sexuelle avec les patient(e)s dont ils Conseil national de l'ordre des médecins modi-
assurent le suivi. L'interdit sexuel entre médecin et fiera sa position et sans rédiger un nouvel article
patient est un fondement universel de la confiance au Code de déontologie ajoute un commentaire
qui doit entourer la relation thérapeutique ». spécifique à l'article 2 du Code de déontologie :
La réponse du Conseil de l'ordre fut dans (le commentaire 6-2)17 :
un premier temps (communiqué de presse du
27 mars 2018) de rappeler que divers articles du
Code de déontologie (article 2,3,7 31) permet- Inconduites à caractère sexuel
taient déjà de condamner de telles pratiques sans
La relation médicale implique l'obligation éthique
qu'il soit besoin de rédiger un article spécifique.
du respect de la personne humaine et de sa dignité.
(Notons que dans ce communiqué de presse
Tous les actes d'atteinte à la personne humaine,
l'ordre se pose la question de l'évolution du droit
pénalement condamnables, notamment s'agissant
(à savoir celui du Code de déontologie) :
des agressions sexuelles, du harcèlement et de la
« Le Conseil national de l'Ordre a reçu l'initia-
discrimination, sont interdits pour le médecin,
teur de la pétition qui circule pour lui exposer les
comme pour tout citoyen. Par ailleurs, le médecin
raisons pour lesquelles cette initiative lui paraissait
ne doit pas abuser de sa position notamment du
inappropriée.
fait du caractère asymétrique de la relation médi-
L'Ordre entend bien les propositions qui vise-
cale, de la vulnérabilité potentielle du patient, et
raient à inscrire dans le Code de déontologie un
doit s'abstenir de tout comportement ambigu en
article supplémentaire qui interdirait toute rela-
particulier à connotation sexuelle (relation intime,
tion sexuelle, même librement consentie, entre un
parole, geste, attitude, familiarité inadaptée…).
médecin et son patient.
La jurisprudence de la chambre disciplinaire
L'Ordre estime cependant qu'une telle dispo-
nationale (note 10) condamne cet abus aux fins
sition, et son inscription dans un texte réglemen-
d'obtenir des relations sexuelles :
taire, seraient une intrusion dans la vie privée de
« Il résulte [des dispositions du Code de déon-
personnes libres et consentantes. Cela lui parait en
tologie médicale] qu'un médecin, qui dispose
outre inutile, dès lors que les textes actuellement
applicables et appliqués permettent de réprimer
16 www.conseil-national.medecin.fr/publications/
en droit disciplinaire tous les abus de faiblesse sur communiques-presse/relations-medecins-patients-abus-
personne en situation de vulnérabilité, y compris caractere-sexuel
en matière sexuelle. 17 /www.conseil-national.medecin.fr/code-deontologie/
L'interdiction, par voie réglementaire, de rela- devoirs-generaux-medecins-art-2-31/article-2-respect-vie-
tions sexuelles librement consenties entre un méde- dignite
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 351
nécessairement d'un ascendant sur ces patients, 9. Analyser la situation en étant à l'écoute de ses
doit, par principe, dans le cadre de l'exercice de émotions pour les canaliser entre ce qui peut ou ne
peut pas, être vécu.
son activité, s'interdire à l'égard de ses patients 10. S'interroger sur ses actes, ses attitudes et,
toutes relations intimes de nature à être regar- en cas de situation difficile, identifier la personne
dées comme méconnaissant le respect de la per- ressource comme un confrère, avec laquelle on peut,
sonne, de sa dignité ou les principes de moralité en confiance, en parler et bénéficier de l'écoute et de
conseils, pour clarifier la situation ».
et de probité ou à déconsidérer la profession ;
qu'il en va ainsi tout particulièrement s'agissant
de patients en état de fragilité psychologique, les Notons au passage la nature éthique de posi-
relations intimes s'apparentant alors à un abus tion du Conseil de l'ordre qui, questionné sur
de faiblesse ; que si de telles relations viennent à une question morale y répond en s'interrogeant
s'instaurer, il appartient au médecin d'orienter son d'abord sur les éventuelles conséquences d'une
patient vers un autre praticien… » réponse trop rapide à une question pertinente. Le
Dans ce commentaire, le Conseil national de Conseil de l'ordre n'est donc pas dans une posi-
l'ordre des médecins reprend les conseils donnés tion morale pour être en adéquation avec l'évolu-
en 2000 mais ils sont désormais annexés au Code tion des mœurs de la société contemporaine mais
de déontologie lui-même. bien dans une démarche éthique.
Il importe aussi de noter l'importance que le
Conseil de l'ordre donne à ce commentaire qui
« Pour se prémunir de toute inconduite, notamment n'est pas un simple avis mais apparait au contraire
à caractère sexuel, le médecin respectera comme un des engagements fondamentaux en
les 10 conseils suivants :
1. Ne pas abuser de l'ascendant de la fonction de
matière d'éthique pour l'ensemble des médecins,
médecin notamment sur des patients vulnérables, l'article 2 du Code de déontologie (respect de la
du fait de leur état pathologique ou de leur situation, vie et de la dignité de la personne) étant l'article
pour transformer la relation médicale en relation le plus important de l'ensemble du code en terme
sexualisée.
2. Toujours, par une attitude de réserve consciente
d'obligation morale18.
et de bonne tenue, sans familiarité, respecter la « L'essentiel de l'éthique médicale est condensé
personne humaine et sa dignité. Garder en toutes dans cet article qui fait ressortir les obligations
circonstances la bonne distance qui sied à toute morales du médecin. Le praticien doit honorer
relation patient-médecin.
3. Réserver le cabinet médical, lieu de la pratique
le contrat moral qui le lie à un patient, répondre
médicale, uniquement à celle-ci (prévention, soins, en conscience à une confiance et accomplir un
investigations paracliniques, expertise). devoir qui lui est propre. La société lui a confié
4. Expliquer toujours le déroulement de l'examen un rôle privilégié : donner des soins aux per-
au patient, en annonçant les gestes et en précisant
leurs modalités et finalités, pour en recueillir son
sonnes malades, mais aussi, être le défenseur de
consentement. leurs droits, des personnes fragiles ou vulnérables
5. Assurer l'intimité du déshabillage (box, (mineurs, majeurs protégés, personnes âgées han-
paravent…) en le limitant à ce qui est nécessaire. dicapées ou exclues des soins…), lutter contre les
6. Envisager l'opportunité, en accord avec le
patient, de la nécessité de la présence d'un tiers
sévices quels qu'ils soient et quelles que soient
(proche du patient, étudiant, autre collaborateur tenu les circonstances. Il doit être un acteur vigilant et
au secret professionnel). engagé dans la politique de santé publique, qu'il
7. S'abstenir d'un comportement ambigu (palpation, s'agisse de la prévention, de l'épidémiologie ou de
commentaires…) et de séduction.
8. Détecter les personnes à risques comme les
l'éducation à la santé. Toutefois, le médecin doit
séducteurs et érotomanes, clarifier la situation
avec les patients et, si nécessaire, appliquer les 18 Article 2 (article R.4127-2 du Code de la santé
dispositions de l'article 47 du Code de déontologie publique). Le médecin, au service de l'individu et de la
médicale qui permettent « au médecin, hors le cas santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie
d'urgence et le respect de ses devoirs d'humanité, humaine, de la personne et de sa dignité. Le respect dû à la
de refuser ses soins. personne ne cesse pas de s'imposer après la mort.
352 Manuel de sexologie
Une conférence de consensus organisée à l'ini- De même, certains travaux scientifiques abor-
tiative de la Fédération française de psychiatrie a dant des problèmes d'orientation ou d'identité
permis d'éviter certains écueils en recommandant sexuelle ont été critiqués sur le plan méthodolo-
notamment aux experts : gique au point de faire douter de l'indépendance
• d'éviter de juger opportune une obligation de de certains chercheurs.
soins lorsque le sujet ne reconnaît pas les faits ;
• de ne se prononcer en faveur d'une obligation Sexologie morale et société
de soins que lorsqu'il a pu identifier un état
La recherche pose également le problème du
pathologique et établir une relation entre cet
rapport de l'homme à la société. Ainsi, s'il ne
état et les faits.
viendrait à l'idée d'aucun d'entre nous de regret-
« La prise en charge thérapeutique des auteurs
ter la découverte de médicaments efficaces pour
d'agression sexuelle, si elle participe à une préven-
lutter contre la dysérection, certains regretteront
tion de la récidive pénale, n'est pas pour autant
que dorénavant, la prise en charge du patient
une clinique de l'acte. Elle s'adresse à la personne
se passe de façon individuelle et non plus en
qui ne doit jamais être réduite ni à ses actes ni à ses
couple comme au bon vieux temps des thérapies
symptômes. » [7]
masteriennes.
Ceci étant, ces garde-fous ne règlent pas défi-
La sexologie semble donc évoluer comme la
nitivement la question de l'éthique des obliga-
société vers un plus grand individualisme, c'est un
tions de soins. Ainsi, quelle serait notre attitude
fait.
si, demain, un législateur reconnaissait comme
Nous ne devons pas, en tant que thérapeute, avoir
étant un délit certaines pratiques sexuelles comme
un jugement moral à porter sur ce phénomène.
l'homosexualité voire l'adultère ?
Mais une question éthique se pose : faut-il conti-
Aurons-nous le courage de renoncer à notre
nuer à proposer des thérapies de couple, c'est-à-
position d'expert, si nous sommes en désaccord
dire à aller à l'encontre de l'individualisme ?
avec le législateur ?
On ne peut répondre rapidement à cette ques-
Là encore, la question du sens de notre travail
tion. En tout cas, si nous continuons à pratiquer
se pose.
des thérapies de couple, il faut être conscient que
notre pratique va un peu à l'encontre de l'évolu-
Éthique et recherche en sexologie tion de la société. Ainsi, si par exemple un thé-
rapeute refuse une demande sexologique sous
Lobbies et financiers prétexte qu'elle n'est pas une demande de couple,
Les problèmes éthiques en matière de recherche il faut qu'il soit conscient de la nature quelque peu
sont essentiellement liés à la dépendance des cher- subversive (en référence à une société individua-
cheurs aux financeurs, et parfois à des pressions de liste) de son refus.
certains groupes de patients. Il importe là aussi de
rester vigilant.
Ceci étant, il n'est pas toujours facile de garder Conclusion
son indépendance. Nous sommes en effet souvent
obligés de travailler en établissant un contrat de Il est impossible d'avoir une vision exhaustive des
recherche. Il importe donc de ne pas transformer problèmes éthiques que soulève la sexologie dans
ce lien contractuel en aliénation. ses différents domaines d'application.
Malgré tout le sérieux apparent de certains tra- De plus, si cela était, la liste des questions ne
vaux, des supercheries demeurent. serait valable que pour une époque donnée et en
Ainsi, pendant des années, nous avons pris en référence à une seule culture.
charge la dysfonction érectile en faisant référence La sexualité est un domaine complexe, dépen-
au concept de la fuite veineuse. Or, ce concept n'a dant de références culturelles, morales et reli-
jamais été établi sérieusement. gieuses. Les écueils éthiques ne cessent d'évoluer.
354 Manuel de sexologie
Certains « dérapages » peuvent néanmoins être bilité du soignant non seulement de traiter mais
évités. Pour cela, dans le domaine de la thérapie, il aussi d'accompagner les patients dans les dédales
faut être particulièrement attentif au cadre, savoir de la morale, de les guider sur le chemin étroit qui
être conscient des risques de passage à l'acte. Il ne sépare le Bien du Mal. Et de leur permettre ainsi
suffit pas d'affirmer que nous ne fauterons pas, il d'élaborer leur conscience face à ce que les théo-
faut s'en donner les moyens en ne pratiquant pas logiens appellent la morale sexuelle.
sans une bonne formation initiale ni sans entraî- Par ailleurs, la compréhension du fait religieux
nement à des techniques permettant de gérer la ouvre à la réflexion éthique dont l'exercice de la
consultation de façon « tranquille ». gynécologie moderne ne peut plus faire l'économie
Avec l'âge, il faut également se méfier de notre après que les progrès scientifiques et techniques
expérience qui nous amène à pratiquer de façon de la fin du siècle dernier aient littéralement trans-
de plus en plus isolée. Si nous ne pouvons pas figuré le début de la vie. Dans les années 1980,
travailler en présence de stagiaires ou en co-thé- l'exercice de la gynécologie nous a rendus maîtres
rapies, il faut se donner les moyens de briser (au de cette possibilité subite et inouïe de fabriquer la
moins symboliquement) le huis clos grâce à des vie, et de l'interrompre aussi. Comme Asclepios
échanges (supervision, groupe de pairs). qui avait reçu d'Athena deux fioles, l'une permet-
De façon plus générale, quel que soit notre tant de rendre la vie et l'autre de l'interrompre,
domaine de travail en sexologie, il importe de nous portions nous aussi une fiole dans chaque
continuer à se poser des questions et de garder main, mais nous les portions avec légèreté, forts
des doutes sur la légitimité de notre pratique. que nous étions de penser que morale et progrès se
Être dans une démarche éthique, ce n'est pas confondaient. Car à cette époque, tout ce qui était
une fois pour toutes affirmer le bien-fondé d'une techniquement possible était moralement permis.
pratique mais continuer à se poser des questions, L'hubris était notre credo, le progrès notre seule
et ce, même si certaines resteront sans réponse. foi. Ce progrès ne pouvait qu'améliorer la vie des
hommes, et au-delà, leur santé. Nul ne souhaite
ralentir la science, la science ne fait que suivre la
demande des hommes. Gregory Pincus, en fabri-
Sexualité et religions quant la pilule, et Lucien Neuwirth, en la léga-
lisant, répondaient simplement aux femmes qui
Gemma Durand voulaient avoir des rapports sexuels sans attendre
un enfant. Simone Veil, à son tour, leur donnait
les moyens d'entendre leur conscience lorsque
Faire l'amour sous le regard de Dieu. l'enfant qu'elles portent n'a pas sa place à naître.
Puis est arrivé le temps de fabriquer l'enfant qui
Les interrogations des hommes et des femmes ne venait pas de concert avec ses parents et René
en matière de sexualité sont nombreuses et il n'est Frydman et Jacques Testart ont aidé les hommes et
pas rare qu'en prêtant l'oreille on y entende, en les femmes à vaincre la malédiction de la stérilité.
filigrane, la question de la religion. Elle est posée Mais innover ne va pas sans risques et à tra-
parfois de façon directe : « Que puis-je faire ? » vers l'immense champ de ces nouveaux possibles
demandent nos patients. « À quoi ma religion s'est peu à peu dessinée une fragile incertitude
m'autorise-t-elle ? Et que m'interdit-elle ? » Elle à propos de la question du bien cherché pour
est parfois plus discrète, laissant apparaitre le nos patients. Étions-nous sûrs que le bien de la
poids, souvent inconscient, d'un héritage sécu- science corresponde au bien des âmes de nos
laire. Pour le soignant devant répondre, expliquer, patients ? Savions-nous entendre, au-delà d'une
nuancer, la connaissance des principaux mono- image d'échographie, au-delà d'un résultat de
théismes revêt toute son importance. Car durant biologie, au-delà d'un désir à se reproduire ou à
l'acte médical, l'entretien psychothérapique ou la ne pas se reproduire, leur conscience, leur histoire,
consultation de sexologie, il est de la responsa- leur place dans la génération, les dogmes de leur
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 355
religion ? La réflexion éthique est devenue indis- il, je ferai de toi un grand peuple ». Abraham part
pensable et en écho aux avancées scientifiques et sur-le-champ et d'Haran à Canaan sans oublier un
techniques chaque jour renouvelées, les groupes long détour par l'Égypte, il est animé par une foi
de réflexion éthique voyaient le jour partout en nouvelle qui s'est bâtie sur la croyance en un Dieu
France. Le questionnement éthique suit le progrès unique. Sarah est stérile et dans un élan de géné-
scientifique, il ne le précède jamais. La démarche rosité, elle offre sa servante Agar à son époux pour
éthique repose sur trois concepts : qu'il ait un fils. De cette union naîtra Ismaël. Il sera
• le principe de bienfaisance, c'est la recherche du circoncis à treize ans, au moment de l'alliance par
bien ; laquelle Dieu rendra Sarah féconde. Sarah donnera
• le principe de non-malfaisance, ne pas faire le naissance à Isaac mais, inquiète pour son héritier,
mal ; elle ordonne à son mari d'aller abandonner dans le
• et le principe d'autonomie du patient, c'est-à- désert la servante et son fils. Isaac sera circoncis à
dire l'affirmation par lui seul de ses choix, prin- huit jours, il sera élevé en fils unique, en fils adoré.
cipe qui a permis de s'écarter de la médecine Mais un jour, Abraham reçoit de Dieu la
paternaliste. demande de lui offrir en sacrifice ce fils tant aimé.
En posant les questions, la réflexion éthique Sous l'emprise totale de sa foi, il part vers le Mont
les met en mouvement, comme aimait à le dire Moriah. Là, il allonge le jeune adolescent et, le
Socrate. On ne trouve pas les réponses, il n'y a pas maintenant d'une main, il brandit sur lui le cou-
de réponses dans la pensée éthique. Si la réponse teau. Ébloui par sa foi, Abraham est totalement
existe, si le Bien et le Mal sont clairement posés, ça soumis à ce Dieu auquel il obéit sans restrictions.
n'est plus l'éthique, c'est la morale. Cette réflexion C'est l'intervention de l'ange qui arrête la main du
éthique sera à même d'éclairer la question du Bien père, c'est l'ange qui évite l'irréparable. En cela,
et du Mal, sera à même d'orienter vers le Bien par l'ange libère Isaac qui se relève de l'autel du sacri-
le fait même de penser. Car c'est la pensée qui fice et se met en route vers son avenir d'homme
ouvre au chemin du Bien, explique la philosophe libre. Il épousera Rebecca et, après vingt ans
Hannah Arendt, alors même que la possibilité de d'attente, ils auront deux jumeaux, Jacob et Esaü.
faire le Mal est corrélée, pour la philosophe, à Jacob épousera Rachel et ils auront un fils après
l'impossibilité de penser. Cette réflexion s'appuie que Rachel ait vu naître onze autres enfants de son
sur la conscience qui pourra s'élaborer autour de mari. Les douze fils de Jacob fonderont les douze
normes législatives, philosophiques, anthropolo- tribus d'Israël. Le peuple juif, dont il est dit qu'il
giques et religieuses aussi. doit devenir aussi nombreux que le sable de la mer
est né de trois femmes stériles, Sarah, Rebecca et
Rachel.
Judaïsme Le Dieu d'Abraham, le Dieu du père, est
devenu le Dieu du fils, puis celui du petit-fils,
Un père et son fils marchent côte à côte et gra- puis le Dieu d'une descendance devenue nation.
vissent les collines en direction du Mont Moriah. Le monothéisme juif repose sur l'Alliance, cette
Isaac est tout à fait heureux de cette sortie en tête alliance d'un à un, d'un Dieu unique en appelant
à tête avec Abraham son père, il ignore tout du à un autre unique qui lui réponde. Le mariage et
dessein qui anime le vieil homme. Nous sommes à la mise au monde des enfants représentent cette
Canaan, vingt siècles avant le début de notre ère. Alliance avec Dieu. L'élément caractéristique du
Abraham est né en Mésopotamie, il est né de Terah judaïsme est qu'il forme une religion dans laquelle
qui lui-même descend de Sem, l'un des trois fils de les croyances sont fondées sur des lois. C'est Moïse
Noë. À cette époque, ces patriarches servaient, dit qui fait figure de législateur, c'est lui qui reçut au
la Bible, plusieurs divinités. Abraham est marié à la Sinaï les « dix paroles » qui constitueront la loi
belle Sarah dont le nom signifie « princesse ». Mais juive. Les prophètes sont les gardiens scrupuleux
à Haran, Abraham reçoit la révélation de l'exis- de l'éthique et de la morale qui en découle. Il n'y a
tence d'un Dieu unique. « Quitte ton pays, lui dit- pas de dogme dans le Judaïsme mais des éléments
356 Manuel de sexologie
doctrinaux essentiels, le rite, le respect de la tique, rite qui s'appuie sur des motifs tant cultu-
morale, la recherche de la justice, la protection de rels que religieux. Elle scelle le sceau de l'alliance
la veuve et de l'orphelin, la paix et l'amour. Cette avec Dieu. Elle est un signe d'appartenance au
loi transmise par Dieu à Moïse est inscrite dans la peuple élu.
Torah qui est le premier Livre Saint du Judaïsme. On s'accorde à nier toute implication religieuse
Le Talmud constitue le recueil de tradition rabbi- à la question des mutilations génitales féminines.
nique interprétant la loi. C'est par l'interprétation Touchant 130 millions de femmes dans le monde,
de la Torah que les rabbins fixent les commande- elles sont pratiquées essentiellement en Afrique de
ments humains posant les limites de la morale. façon coutumière au sein de religions différentes,
chrétienne, juive ou musulmane tout comme chez
les athées. Elles sont le témoin d'une apparte-
L'amour a une place nance ethnique et le résultat de la transmission de
prépondérante traditions ancestrales.
Les rapports sexuels dans le judaïsme ne sont
Il est une obligation morale et religieuse, concré- pas autorisés avant le mariage. Mais le rapport
tisée par le mariage dans lequel sexualité et plaisir sexuel fait mariage dans le Judaïsme. Il n'est pas
sexuel ont leur place. La sexualité est « un dialogue besoin de passer devant un Rabbin, le premier rap-
permanent avec Jéhovah ». L'union de l'homme port sexuel avec une femme fait mariage.
et de la femme rétablit l'unité divine, la réussite Le plaisir sexuel est un dû entre les époux, la
du couple porte la marque du sacré. La sexua- légitimité des rapports incombe à l'homme, l'abs-
lité occupe une place située à l'équilibre entre la tinence est condamnée comme une faute grave.
nécessaire procréation et le plaisir légitime, plaisir L'acte sexuel sera réalisé portes fermées, dans
dont le jeune époux a fait promesse à sa compagne l'obscurité et dans le silence. Les livres saints
sous le dais nuptial. L'homme engagé dans la rela- seront recouverts.
tion d'amour n'est pas seul, il est inscrit dans une Les rapports sexuels sont interdits pendant les
histoire. La famille juive est construite sur l'amour règles et jusqu'au 12e jour du cycle. Le mikvé, le
et la passion, le plaisir et la conception des enfants. bain rituel, apportera alors la purification, purifica-
Le judaïsme demande à ses fidèles de multiplier tion symbolique, puisqu'il s'agit d'effacer la perte
les enfants car l'un d'eux peut être le futur Messie. d'un espoir correspondant à l'arrivée des règles.
Il n'y a pas de célibat pour les ministres de Dieu,
les prêtres et les rabbins doivent se marier.
Début de la vie L'homosexualité est une abomination, en ce
En ce qui concerne l'origine de la vie, il est dit : qu'il en est de l'acte, pas de la personne. Au même
« jusqu'au 40e jour de grossesse, l'embryon est titre que l'idolâtrie et l'homicide, elle justifie, dit
comme de l'eau ». Le fœtus fait partie du corps de le Talmud, la lapidation. Le mariage n'est pas seu-
la mère, il n'existe pas avant de naître. Il n'a pas de lement la reconnaissance d'un amour, il est l'ins-
droit juridique, pars viscerum matris. L'embryon titution qui articule l'alliance de l'homme et de
n'est pas une personne, il appartient à la femme. la femme avec la succession des générations. Le
Il sera être humain à part entière lorsqu'il aura la mariage homosexuel n'a donc pas de raison d'être.
tête dehors et qu'il respirera. Quant à l'homoparentalité, il s'agit d'un mot qui
relève de la fiction.
La contraception est autorisée pour autant
Des limites précises qu'elle ne soit pas définitive et seulement après la
mise au monde d'un garçon et d'une fille.
Les limites de cette morale imposée par une loi L'interruption volontaire de grossesse est à évi-
divine immuable sont donc précises. ter mais on ne porte pas d'interdit, en cas de souf-
La circoncision est pratiquée au 8e jour de vie, france physique ou morale, la mère est prioritaire
elle est un rite sacrificiel de signification initia- face à l'enfant.
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 357
Le dépistage ante natal et le dépistage préim- en jeu le père, la mère et Dieu, est sacrée et il
plantatoire sont autorisés. ne faut pas oublier que si, pour les Juifs, religion
La stérilité est une malédiction qui empêche et histoire sont indissociables, se reproduire est
d'obéir à « croissez et multipliez », les techniques synonyme de survivre et Hanoukka, la fête des
de procréation médicalement assistée sont donc Lumières le symbolise.
autorisées, mais à condition qu'elles ne privent pas
les sujets « de visage et d'histoire ».
Mère porteuse et gamètes exogènes sont donc Catholicisme
interdits. Le sperme congelé et la création d'en-
fants posthumes sont des aberrations. Parmi les juifs était un homme âgé d'une trentaine
Dans l'insémination artificielle, le sperme doit d'années et considéré par tous comme un pro-
être du mari et recueilli si possible en évitant le phète. Prédicateur itinérant, il prêcha sans cesse
péché d'Onan, si le sperme devait, devant des cas durant sa vie publique l'annonce de la venue du
de stérilité mettant en jeu la santé mentale de la royaume de Dieu. Cela coïncidait avec le premier
mère, être exogène, il ne peut être de donneur juif et le deuxième commandement mais cet homme,
à cause du risque d'inceste. prénommé Jésus, choqua son entourage, d'une
Malgré le fait que les techniques visant à don- part parce qu'il prenait des libertés par rapport aux
ner la vie soient encouragées dans cette religion, la écritures, d'autre part parce qu'il prêchait pour les
procréation médicalement assistée (PMA) ouverte pauvres et les persécutés. Son entrée triomphale
aux femmes célibataires et aux couples de femmes à Jérusalem sous les acclamations et sous une
pose question car elle fragilise le concept fonda- haie de rameaux d'olivier porta la patience des
mental qu'est la filiation. Le visage et l'histoire, autorités à son comble et Jésus fut condamné au
essentiels dans le judaïsme, revêtent là toute leur supplice de la croix. C'est après que ses disciples
importance. Le rabbin Benjamin David rappelle aient annoncé sa résurrection qu'il fut reconnu
que l'insémination de convenance est interdite, comme le fils de Dieu, mais surtout, comme Dieu
interdit qu'enfreindraient la mère de l'enfant et le lui-même fait homme. « Jésus vraiment Dieu vrai-
donneur de sperme qui serait considéré comme ment homme, livré au supplice et ressuscité, venu
abandonnant ses descendants. Mais cet avis n'est sauver les hommes par son sacrifice ». De son nom
pas unanimement partagé au sein de la commu- grec Christ, signifiant « celui qui a reçu de Dieu
nauté juive. D'ailleurs, Israël est un pays très en l'onction » est né le christianisme.
pointe sur les techniques de procréation artifi- Matthieu, Marc, Luc et Jean ont écrit son
cielle, que ce soit pour des couples hétérosexuels histoire, qui, sans cela, serait très certainement
ou des couples homosexuels. tombée dans l'oubli. Très tôt, et après avoir été
La congélation des embryons est autorisée, expulsés de la synagogue, les chrétiens se séparent
ainsi que l'utilisation des embryons à des fins de du judaïsme, ils refusent la circoncision et
recherche. prennent des libertés par rapport aux préceptes de
Le clonage thérapeutique est autorisé puisque la Loi juive. En s'incarnant en Jésus de Nazareth,
l'animation de l'embryon ne se fait qu'au 40e jour. Dieu est venu à la rencontre des hommes. Il s'est
Le judaïsme est opposé au clonage reproductif. révélé à eux.
En cas de conflit de normes, la pitié est un Le mystère de cette révélation n'est pas acces-
sentiment à éviter car elle entraîne un risque de sible à la raison, seul l'amour peut l'expliquer.
supériorité. Mais si une situation singulière met Seul l'amour peut justifier que Dieu soit venu
un individu hors norme, le rôle du religieux sera jusqu'aux hommes. Cet amour est digne de foi.
de l'accueillir dans la communauté, « lui rendant La foi a accepté la révélation. Dieu est parmi les
visage et histoire, le regardant comme une per- hommes en Jésus-Christ, Dieu est en eux par l'Es-
sonne humaine, merveilleuse et sacrée en dépit prit-Saint. Dieu est à la fois père, fils et esprit, c'est
ou peut-être grâce à leurs errances ». L'exclusion le dogme trinitaire. Dans l'Église Catholique,
n'existe pas. La transmission de la vie, qui met le Pape, successeur de Saint-Pierre, garde une
358 Manuel de sexologie
fonction essentielle et Vatican I a admis « l'infail- Par « l'attirance sexuelle qui permet de mettre
libilité pontificale » lui permettant de déterminer fin au sentiment d'abandon de l'homme » dit la
un point de doctrine essentiel. Les dogmes fon- Bible, la sexualité a une fonction relationnelle.
damentaux de la religion catholique sont le mys- Par cet éros, dont Pie XII parlait déjà en 1951
tère de la Trinité, le mystère de l'Incarnation, la comme étant ordonné par le créateur, qualifié plus
transmission du péché d'Adam à ses descendants, récemment par Benoît XVI dans Deus Caritas Est
la rédemption de ce péché par la mort du Christ et de « fascination pour la grande promesse de bon-
les sept sacrements vécus en tant qu'étapes d'une heur, avant-goût du sommet de l'existence et qui
vie spirituelle. veut nous élever en extase vers le Divin », la sexua-
Pour comprendre la morale catholique, il faut lité a une fonction plaisir.
admettre que la loi morale, communiquée par Enfin, la sexualité a une fonction fécondité et
Jésus-Christ à Pierre et aux apôtres, est constituée c'est là le point essentiel de la morale catholique :
de la loi évangélique et de la loi naturelle. union et procréation ne sont pas dissociables.
Que les principes doctrinaux enseignés par le Dieu a rendu indissolubles les deux significations
pape Jean XXIII en 1963 reposent sur une vision de cet acte qui doit aboutir au sens de « mutuel
de l'homme naturelle et terrestre, surnaturelle et et véritable amour » et à la très haute vocation
éternelle. de l'homme à la paternité. « Raison et volonté »
Que la morale catholique doit toujours être doivent primer sur « instincts et passion », et
entendue dans ses trois dimensions, sa dimension Paul VI nous rappelle « que les êtres sont libres
universelle, sa dimension particulière représentant de leur choix en ce qui concerne la constitution
des normes concrètes et enfin sa dimension sin- de leur famille. Ils peuvent éviter une naissance
gulière, construite sur le fait qu'un individu est dans le respect de la loi morale, en reconnaissant
unique et que la morale doit prendre en compte dans ce choix, leurs devoirs envers Dieu, envers
cette unicité pour pouvoir être transcrite dans le eux-mêmes, envers leur famille et la société, et
réel. ce dans une juste hiérarchie des valeurs ». Avant
Il faut aussi garder présente la prégnance des Vatican II, Pie XII admettait la « procréation
paroles d'Augustin lorsqu'il a chargé l'humain du responsable », Paul VI parlait de « communauté
péché originel, cet « acte de chair qui se transmet de vie » avant de parler de « procréation ». Il ne
de génération en génération par la sexualité, et se prononçait pas sur la question de la contra-
dont seule la procréation peut affranchir la femme ception et le mariage gardait sa valeur même
responsable de ce péché. » sans enfants. Mais, en publiant Humanae Vitae
Quant aux paroles de Paul qui dit « qu'il est bon en 1968, le pape affirme de façon dogmatique
pour l'homme de s'abstenir de la femme », il est l'indissociabilité de sexualité et procréation. Et
vraisemblable qu'elles aient été mal interprétées en 1988, Jean-Paul II rajoute que « la norme
durant la difficile évangélisation de Corinthe. éthique d'Humanae Vitae n'est pas une doctrine
inventée par l'homme mais qu'elle a été inscrite
par la main de Dieu dans la nature même de la
L'amour est total personne humaine, et confirmée par lui dans la
Révélation ».
Dans la doctrine catholique, l'amour est humain,
total, fidèle et exclusif et fécond, Dieu en est
sa source suprême, il unit trois personnes, un La Vierge Marie
homme, une femme et Dieu. Le mariage pro-
vient du Créateur, il est signe sacramentel de Dans le catholicisme, la grande figure de la virgi-
grâce puisqu'il représente l'union du Christ et de nité est la Vierge Marie.
l'Église. La sexualité a trois fonctions qui seront « – Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est
épanouissantes si elles s'ordonnent à la quête d'un avec toi. Voici que tu vas être enceinte, tu enfante-
monde conforme au projet de Dieu. ras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus.
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 359
La femme est impure après un accouchement, il que notre société si soucieuse, à juste titre, du
la cérémonie des relevailles a existé jusque dans les respect de l'écologie pour la planète le soit si peu
années 60. Cette impureté vient du fait qu'elle a quand il s'agit de l'humanité ? L'enfant est un don
côtoyé une phase dangereuse où l'être et le non- à recevoir, pas un dû à fabriquer. L'absence d'un
être se côtoient. père est une blessure que l'on peut subir, mais il
En ce qui concerne la contraception, il est dit est monstrueux de l'infliger volontairement. Il est
que toute action sur l'acte conjugal visant à rendre encore temps pour le législateur de se ressaisir,
impossible la procréation est interdite, seuls les d'oser dépasser les postures idéologiques et pour
préservatifs sont autorisés si l'existence d'un des tous les citoyens de faire entendre la voix du bon
deux partenaires est menacée. Par contre il est sens, de la conscience et de la fraternité humaine. »
licite d'avoir recours aux périodes infécondes. La congélation des embryons et leur utilisation
Pour Jean-Paul II, « le choix des rythmes naturels à des fins de recherche sont interdites.
comporte l'acceptation du temps de la personne, Le clonage est interdit sous toutes ses formes, et
l'acceptation du dialogue, du respect de la respon- le Vatican fait remarquer que le clonage thérapeu-
sabilité commune, de la maîtrise de soi ». tique serait plus grave que le clonage reproductif
De l'avortement, Paul VI dit qu'il est illicite car on utiliserait le délit de suppression de l'être
si « directement voulu et provoqué même pour humain à des fins thérapeutiques.
des raisons thérapeutiques ». L'Église condamne
l'avortement ainsi que tout procédé, chimique ou
mécanique, même s'il est présenté comme contra- Islam
ceptif ». Il est noté que s'il faut choisir entre deux
normes, la théorie du moindre mal n'est pas rete- Après la naissance d'Isaac, Abraham, sur ordre de
nue comme une excuse. son épouse, avait emmené dans le désert Agar, la
Le diagnostic ante natal n'est moralement licite servante et leur fils Ismaël et il les avait abandon-
que s'il est destiné à la sauvegarde et à la guérison nés. Mais peu de temps après, il s'était ravisé et il
du fœtus. était revenu sur ses pas. D'Ismaël, Dieu avait dit :
La médicalisation de la conception est interdite « De lui, je ferai une autre nation ! ». Dans le désert
car elle fait intervenir une personne supplémentaire le père et le fils bâtirent un temple, La Ka'bah
dans ce temps « chaste et intime ». L'encyclique pour que la prophétie puisse, un jour, se réaliser. Il
Donum Vitae interdit la fécondation hors du corps fallut attendre longtemps, des siècles et des siècles,
et il est dit qu'un don anonyme de gamètes entraî- jusqu'à cette nuit du Destin, la 27e nuit du mois
nerait une coupure dans l'inscription généalogique. du ramadan, où un ange visita un homme qui
Les églises catholiques sont fermement oppo- pratiquait une retraite spirituelle sur la montagne
sées à la possibilité de concevoir un enfant hors de la Lumière, près de La Mecque. Les premiers
de la rencontre sexuelle entre un homme et une versets du Coran furent révélés à Mahomet qui les
femme. Et la présence d'un père et d'une mère déchiffra alors qu'il ne savait pas lire. En fait, le
dans la cellule familiale est incontournable, du Coran entier descendit sur lui en pluie d'étoiles,
moins à la conception. À l'heure de l'examen par le dit la tradition. Mahomet fit connaître cette révé-
Sénat du projet de loi bioéthique et de la possible lation autour de lui et ainsi naquit la religion isla-
ouverture de la PMA aux femmes seules et aux mique. Le calendrier musulman commence en
couples de femmes, Michel Aupetit, Archevêque 633, Mahomet est reconnu prophète, il devient
de Paris prend la parole : « une prise de conscience le « messager fidèle du Coran, délivrant un ensei-
est urgente, dit-il. Depuis des années, nous nous gnement spirituel et éthique inspiré ». « Homme
engageons toujours plus avant vers une dérive parfait », il restera « l'exemple excellent que tous
mercantile de pays nantis qui se paient le luxe d'or- les musulmans s'efforcent de suivre ».
ganiser un trafic eugéniste avec l'élimination systé- Centré sur l'adoration d'Allah, l'Islam, reli-
matique des plus fragiles, la création d'embryons gion nouvelle, repose sur la reconnaissance d'un
transgéniques et de chimères. Comment se fait- Dieu unique et sur une fraternité universelle, il
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 361
est religion et état, culture et civilisation. La com- sa virilité, la femme doit le faire par sa pudeur.
munauté musulmane est bâtie sur la soumission « Que les femmes croyantes abaissent leur regard
et la justice, le croyant est soumis à cette parole et protègent leur pudeur, qu'elles ne montrent
de Dieu qu'est le Coran. Le Coran prêche une leurs attraits qu'à leurs époux ou à leurs pères,
éthique qui associe l'effort spirituel de l'homme et qui possèdent leurs droits ». Mais si cette femme
sa confiance en Dieu. La Sunna résume l'ensemble est objet de jouissance, elle est aussi génitrice, et
des coutumes présentées sous forme de lois qui la procréation est la finalité première du mariage,
concrétisent les principes spirituels de la relation « mariez-vous et procréez ». Ce but procréatif est
de l'homme à Dieu et des valeurs éthiques des l'excellence, mais s'en écarter est toléré. La poly-
rapports des hommes entre eux. La distance entre gamie naquit au décours d'une bataille qui fit de
l'homme et Dieu ne sera jamais comblée. nombreuses veuves et de nombreux orphelins
Cinq piliers sous-tendent l'ensemble des rites : car les soldats survivants épousèrent les veuves et
la profession de foi, la prière coranique, l'aumône leurs filles pour assurer leur subsistance. Mais la
légale, le jeûne du mois de ramadan et le pèleri- monogamie, dans le Coran, est fortement encou-
nage à La Mecque. ragée et lorsque le frère de Mahomet lui demanda
La foi musulmane est pratiquée par la lecture du l'autorisation de prendre une seconde épouse, le
Coran, les prières quotidiennes, la pudeur, le par- Prophète lui répondit : « Il ne peut y avoir qu'un
don, la générosité et l'hospitalité. S'ajoutent des seul cœur dans ta poitrine ».
interdits alimentaires ou de coutumes, la régle- Dans la religion musulmane, bon nombre de
mentation du statut personnel, les contrats et les symboles sont rattachés à l'hymen. Il témoigne
peines. d'une virginité sur laquelle reposent l'honneur
L'étude et la recherche du savoir sont une obli- et le respect, non pas de la seule jeune fille mais
gation. L'Islam, qui présente des dogmes et des de son père, ses frères, sa mère et sa future belle-
rites simples, offre une grande richesse spirituelle mère. Au-delà aussi, puisqu'il régit les relations
et intellectuelle. extra-familiales et l'organisation du premier cercle
L'islam, qui présente des dogmes et des rites social. Il représente un mythe qui fonde la filia-
simples, offre une grande richesse spirituelle et tion et la lignée patrilinéaire. La perte accidentelle
intellectuelle. de la virginité est condamnable par lapidation. Or
Mahomet, homme modéré, même s'il incitait ses
compagnons à préférer les jeunes filles vierges,
La sexualité a une place avait épousé une veuve. La recherche de preuve
importante dans l'Islam de virginité chez la future mariée n'a pas de justifi-
cation dans les textes religieux fondateurs.
Le mariage est une obligation et l'honneur de la Marie est respectée dans l'islam sous le nom
famille dépend de la conduite morale de la femme. de Maryam. Dans la Sourate 3 on peut lire :
Dans ce mariage, l'amour physique a toute sa « Seigneur ! Comment puis-je avoir un enfant alors
place, le plaisir est un dû entre les époux. Il est un qu'aucun homme ne m'a touchée ? Dieu crée ainsi
avant-goût du paradis, il ouvre la porte à la pléni- ce qu'il veut, quand il juge qu'une chose doit être,
tude. La sexualité n'est pas péché, elle est volonté il lui suffit de dire 'Sois' et elle est ». Mère du pro-
divine, elle est déculpabilisée. La jouissance scelle phète Jésus, elle fait partie des femmes parfaites
l'harmonie du couple, mais l'exaltation des senti- dans la tradition islamique. Elle doit être imitée
ments offerte par l'amour de Dieu doit dominer dans sa piété. Aucun culte ne lui est rendu.
l'exaltation des sens. Cette sexualité, si on la pra- Dans le Coran, il était recommandé aux épouses
tique, chez les musulmans, on n'en parle pas. Le du prophète de cacher leurs parures car c'était là
grand tabou consisterait en un amoindrissement le signe distinctif de l'élite sociale. L'impudeur, à
de la différence entre les deux sexes. Les recom- l'inverse, témoignait d'une condition inférieure.
mandations religieuses ordonnent une muraille Le port du voile est issu d'une recommandation
infranchissable. Si l'homme doit se distinguer par sociale, d'une recommandation de décence.
362 Manuel de sexologie
que l'on a reçue. « Nous ne sommes jamais, dit tante de France se dit très préoccupée par la ques-
Marc Faessler, au commencement de rien, mais tion du mariage homosexuel, qui « apporte de la
toujours situés dans un commencement au sein confusion dans la symbolique sociale et ne favorise
duquel la vie. » L'origine, elle, est dans le retrait pas la structuration de la famille ». Néanmoins elle
de Dieu au moment de la création. Dieu se retire « comprend le désir de reconnaissance des homo-
en créant l'homme. La science, qui s'est donné le sexuels et elle soutient leur demande de sécurité
pouvoir d'assister en direct à la rencontre entre juridique accrue ».
les gamètes, est présente à la conception. Donc La contraception est utilisée, l'interruption de
Dieu et la science ne se rencontreront jamais. Par grossesse est laissée au libre choix de la conscience.
contre, Dieu convoquera l'humain à sa responsa- La mise en évidence d'une anomalie grave pen-
bilité éthique. C'est l'alliance avec la vie. La dignité dant la grossesse laisse l'arbitrage à la conscience
du fœtus naît de l'ordre de la parole, parole déjà en faveur du moindre mal. Les médecins doivent
présente lors de la vie intra-utérine, puisque l'em- transmettre une information incluant les consé-
bryon, son père et sa mère s'installent d'emblée quences à long terme, et pour les malformations
dans un dialogue. La dignité du fœtus provient légères il faut résister à un avortement de conve-
du biologique ordonné à la parole. C'est l'inscrip- nance. Pour l'irrécupérable, l'interruption médi-
tion de la chair dans l'ordre de la parole qui est cale de grossesse est admise. La dignité du fœtus
responsable de l'animation : « Croisée invisible de est respectée, y compris dans cette limite de frac-
la voix et du corps, dit Marc Faessler, il deviendra ture avec l'alliance avec la vie.
sujet parlant ». « L'âme du fœtus, c'est l'union de Le diagnostic préimplantatoire est admis.
la conception biologique au futur respir de la nais- La médicalisation de la conception est possible
sance. Elle est relationnelle et le demeure, elle est en tant que relais indispensable dans le but d'aider
l'irreprésentable du sujet humain. » Pour France à donner la vie ». Toutefois ces techniques pro-
Quéré, « la vie humaine commence dès la première créatives ne doivent pas être surévaluées. En cas
cellule puisque celle-ci provient d'un homme de don de gamète, c'est le droit fondamental de
et d'une femme et que ce matériau ne pourra chaque enfant à l'accès à ses origines qui devra être
donner qu'un être humain... …elle commence privilégié. En toutes circonstances, le bien-être
même avant cette première cellule puisqu'elle est de l'enfant est prioritaire et François Clavairoly,
déjà dans la vivacité du spermatozoïde et dans la président de la Fédération protestante de France
patience angoissée de l'ovule ». « En revanche, la s'interroge sur les conséquences du découplage
notion de personne suppose une conscience de soi, des parentalités génétique, biologique, sociale et
une histoire personnelle, un rapport aux autres, légale rendu possible par les recherches scienti-
elle est donc en devenir progressif. » La naissance fiques des dernières décennies.
n'est pas seulement un processus organique mais La question de l'extension de la PMA ne fait pas
en toute circonstance l'alchimie d'une adoption. consensus au sein du protestantisme. Toutefois,
Dans les situations obstétricales difficiles, le fœtus « nous jugeons possible d'admettre son ouverture
ne peut être séparé. Il est en relation avec la vie, aux femmes célibataires et aux couples de femmes
avec ses géniteurs. Il partage leur fragilité, leur non pour des raisons techniques qui feraient juger
malheur, le dialogue intérieur entre les parents et souhaitable tout ce qui est possible, mais parce
le fœtus doit être écouté. que la famille et le couple sont très importants
pour le protestantisme. Nous sommes très atta-
chés à l'altérité du couple et, pour nous, que
Doctrine protestante l'homme et la femme soient tous deux respon-
sables de l'enfant à venir est décisif. Cependant,
Dans la doctrine protestante, le célibat des prêtres la famille est aujourd'hui en mutation, le “faire
et les vœux monastiques sont supprimés. famille” se déclinant désormais de façon très dif-
Malgré la dimension non sacramentelle du férente de ce qu'il en était pour les générations
mariage pour les protestants, la Fédération protes- précédentes. Dans ce contexte, il nous faut dire
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 365
qu'une société qui aurait pour modèle la mère recherche de l'autre, écrit Françoise Dolto, est
seule avec son enfant pose question. La pau- toujours la fertilité attendue. »
vreté et l'état de précarité dans lesquels vivent Et si la norme universelle enseignée par le
les foyers monoparentaux sont d'ailleurs le signe dogme est parfois rigide, c'est à nous qu'il appar-
d'une forme de détresse sociale. C'est le couple, tient de l'articuler, en conscience, avec la particu-
qu'il soit homme et femme, homme et homme larité, avec la singularité de chaque histoire.
ou femme et femme, qui doit fabriquer la société
à venir. La Bible met en évidence l'importance
du couple dans la Genèse avec Adam et Ève,
et dans le Cantique des Cantiques ». François Sexologie et humanisme
Clavairoly, président de la Fédération protestante
de France, précise que ce couple peut ne pas être André Durandeau†
marié : Adam et Ève ne l'étaient pas. Mais c'est
surtout la phrase de la Bible selon laquelle il n'est
pas bon d'être seul qui est décisive pour cette L'un : « (…) Au nom du ciel, l'humanisme se
tradition, comme elle l'est aussi pour la tradition meurt ! La sexualité même est déshumanisée par
juive. Le protestantisme juge donc préférable que ces sexologies normatives ! »
des couples de femmes, plutôt que des femmes L'autre : « (…) Au diable soient ces huma-
seules, aient des enfants. « Il y a, dit Olivier Abel nismes désuets et désincarnés ! On dispose d'élé-
professeur de théologie à l'Institut Protestant de ments concrets et performants pour soulager ceux
Théologie de Montpellier, comme un petit sou- qui souffrent dans leur sexualité ! »
venir d'Adam et Ève… » Que de vertueuses indignations quand se
La congélation des embryons est admise. croisent des humanismes traditionnels vieillissants
L'utilisation d'embryons à des fins de recherche et des sexologies adolescentes.
n'est pas rejetée a priori. Anathèmes stériles et dérisoires alors que sont
Le clonage thérapeutique est accepté, c'est en question le sens même de l'humain et la spéci-
l'implantation dans l'utérus qui compte et non la ficité existentielle de la sexualité humaine.
fusion des gamètes. Certes l'humanisme traditionnel, bien qu'issu
Le clonage reproductif est condamné, mais de la Renaissance, semble anachronique en regard
quelques Églises protestantes sauraient l'envisager. de l'épanouissement planétaire de la science
moderne.
L'humain se sent confiné dans une définition
Conclusion d'animal doué de raison. L'animalité se porte mal
dans notre univers technologique ; il est même
L'étude des dogmes et des doctrines des princi- mal porté d'en trop parler. Les pulsions et les
paux monothéismes offre une grande richesse spi- affects doivent encourir notre appétit de maîtrise.
rituelle et philosophique et il est clair que, dans Et, malgré un Rabelais qui lui donnait sa bonne
leurs divergences, tous sont élaborés autour de la grosse troisième dimension corporelle par un lan-
dignité de l'homme et du respect de la vie. gage plein de corps, déjà, à sa naissance, l'huma-
Il est intéressant de tenter de rapprocher nisme classique était menacé de désincarnation par
chaque point dogmatique de son fondement. les théologies. Et la Raison, qu'en est-il ?
L'indissociabilité catholique de sexualité et pro- On peut la croire florissante à travers les rationa-
création par exemple, qui complique tant la lités scientifiques, technologiques et économiques.
tâche des soignants à l'heure où la contraception Mais son attirance pour l'abstraction mathéma-
moderne est indispensable pour tenter de réduire tique, géniale comptable mais du seul quantifiable,
le taux d'interruptions volontaires de grossesse, en vient à l'opposer à la Pensée, créative, divagante
n'est-elle pas inscrite dans l'inconscient humain ?
« Le critère inconscient de l'approche et de la † Décédé.
366 Manuel de sexologie
et féconde d'insolite. Cette Pensée affrontée à la individuelle pour masquer une aliénation collec-
moderne frénésie d'Action : et si « comprendre » tive ? une « californication » du monde ?
en était, mode réaliste de liberté, l'humaniste Où est alors la créativité, cet index humain tou-
alliance ? Certains humanismes contemporains jours pointé vers un « ailleurs », un au-delà, un
s'opposent certes à l'humanisme traditionnel. Au passé ou un futur, sans se noyer dans l'urgence
point même d'en sembler anti-humaniste, alors de l'instant ?
qu'ils postulent à placer l'humain au-dessus du Du sablier entier, nous n'aurions plus qu'un
socle traditionnel, encore plus haut. grain. À réparer sans « comprendre », comment
Dans une exstase, un au-delà… L'abîme de nos réparer le sens ? Que la sexologie ne soit pas
doutes (existentiels eux aussi, lest pesant !) est seulement dans le siècle, mais les siècles dans la
d'autant plus vertigineux que la passerelle veut sexologie !
accéder plus haut. Doutons de tout, certes, mais Où est alors l'altérité, cette différence existen-
de cela aussi : et la croyance surgira. Ces néo- tielle avec l'autre, qui donne liberté du choix de
humanismes sont, le plus souvent, peu incarnés, sa vie et de sa sexualité à chacun ! Cette altérité
peu sexués. Et ceux d'entre eux qui donnent à la seule désaltérante d'une soif de lien donc de défu-
sexualité humaine une place fondamentale, quasi sion préalable pour mieux s'élancer. Il faut qu'il
exclusive d'une définition de l'humain, ne l'envi- y ait séparation, horizon, pour qu'il y ait désir.
sagent qu'à travers une sexualité indissociable du Cette altérité, autre trait constitutif de l'humain,
langage. La parole, bof ! elle est de l'esprit et non qui cascade vers le lien puis vers la confiance puis
du corps s'insurgent les tenants d'une objectivité vers la croyance, cet au-delà de l'humain qui fait
scientifique. Allez savoir ! Et si elle était lien, spé- l'humain.
cifique à l'humain, entre esprit et corps, spirituel On prête souvent à « sexualité » l'étymologie de
et corporel. A-t-on droit de faire de « l'esprit » seccare : couper, séparer.
(ou même d'en avoir un…) dans un « manuel » de Il m'est fructueux de le croire, tant il faut indi-
sexologie ? Être spirituel : mots d'esprit ou maux viduation pour postuler à union : l'amour ne peut
d'esprit ? être qu'attirance des « aimants » séparés.
Il n'est pas de vérité ni de sexualité, en « kit » : À jamais joints et fusionnés, c'est la tombe ! Et
jamais « kit » de la quête, heureux humains ! « tomber » amoureux se veut plutôt conjuratoire
Peut-être alors un humanisme plus ambiant, de la mort incluse en chacune de nos vies.
plus concret, plus quotidien ? un humanisme tissé Cette mort, cette conscience de la mort, est
par tous et non par les seuls humanistes. Que un autre trait définissant (une mort qui définit la
l'atmosphère où l'on baigne (« tout baigne ! ») vie… soyons preneurs !) l'humanité humaniste et
façonne notre vision du monde ? la sexualité humaine. Un humanisme spécifique-
Que ce bain environnant nous façonne d'une ment créatif, récréatif, procréatif pour consacrer la
croyance, besoin inhérent à l'humain, à sa mesure. mort, non la conjurer.
Mais quelle mesure ? celle d'une science omni- La consacrer non pour en faire apologie mais lui
potente maîtresse de nous plus que nous n'en affecter (et avec quels affects !) ce désir d'au-delà
sommes maîtres, fût-on savants ? Encourant la réalité qui fait l'humain. Donner plus de sens, et
ainsi une jouissance algébrisée. Et classée « X ». de saveur, à la vie.
La mesure de technologies détrônant certes les Faire de ce transitoire qui nous défera, une
insidieux « prophétiques » mais pour d'aliénants matrice pour être plus humain : un effet-mère de
« prothétiques » ? l'éphémère.
Celle d'un consumérisme dévorant son propre Quant au succès durable (du rab !) de toute vie
consommateur ? Ce mode de vie, promu huma- promise après la mort, ce n'est jamais que le nom
nisme « in » par la publicité (la Mort à Samarcande ? d'un joli fonds de commerce que proposent cer-
la mort à ça marchande, oui !), à quelle mesure taines religions à nos aspirations.
est-il ? d'un humain formaté, normaté, mis en Il est donc une soif d'autre et d'au-delà : d'une
série et cloné ? à qui on fait miroiter une liberté conscience de la mort, cette mort si évincée de
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 367
notre temps car c'est un vide où nos pouvoirs se Est-elle lieu merveilleux où le thérapeute est suf-
cassent les dents ; cette mort peut être si nécessaire fisamment conscient de sa propre sexualité pour
à réintroduire dans nos pensées pour mieux vivre n'en pas proposer, indûment, modèle à l'autre ?
nos sexualités et nos vies. Ce duel éternel, entre où chacun a droit à une sexualité à la mesure de
Éros et Thanatos, ferraille notre unité. Et il en son désir ? où chacun, puissant ou misérable, a la
est d'autres, des « au-delà » : le sacré (et, s'il était même liberté de choix ? et le droit à la singularité
possible, sans ces théocraties toujours, et toutes, précieuse de sa croyance humaniste ?
répressives de sexualité)…, le jeu et ses petits Tendre et violente sexualité plurielle !
arrangements de jubilation entre humains…, Individuelle en somme ! Chacune, chacun son
l'art qui nous propose une transcendance laïque chemin, sa « voie » au chapitre… Chacun, chacune
et, notamment, la poésie (présente en chacun de sa fortune, sa langue au chat, facétieux chat qui
nous, qui en doute s'illusionne !) si électivement fait le pitre tandis qu'au clerc de l'une, pour faire
« poïétique »…, l' » au-delà » aussi du strict indi- le clair de l'autre, se ferait-on religion de tenir la
viduel : le sociétal est constitutif de l'humain. Et chandelle…
racine de la parole. « Au-delà » humain aussi que Le diable s'est fait termite, et dans sa fourmi-
cet interdit « exquis » (en termes médicaux) de diable termitière, s'évertuant à force de sacrilèges
faire l'amour ou de donner la mort dans son clan. à croire que le sacré fait taire, mythe y fit.
Et l'inconscient, un « au-delà » ? un « en-deçà » Benoîte sexologie, dédiabolisée de la sexua-
plutôt, vous avez raison. Et Raison. lité par la technicité pasteurisée, réveille-toi,
Ces désirs fous d'au-delà, ces élancements créa- ose et invente ! Certes la molécule, mais que les
tifs où l' » étang » veut devenir hêtre… mots l'éculent ! Les savoirs du corps, toujours de
Et la sexologie face à ces humanismes ? Porte- nouveaux (en corps et encore) de la psyché. Et
t-elle la sexualité en son sein ? Cette sexualité les savoirs anciens parfois avérés faux. Doit-on
humaine qui peut, à elle seule, définir l'humain. condamner la Mort même pour usage de faux ?
Apporte-t-elle, à bout de bras scientifiques et tech- Et les somptueux savoirs à venir… ceux que, déjà,
nologiques, une sexualité commune à tous ? un l'on imagine. Comme une caresse impromptue
« sexuellement correct » en somme. Ou bien une née soudain du foutu tohu-bohu d'un double
sexualité pour chacun ? Faire l'humain comme faire karma foutra.
l'amour : jamais définitivement fait, toujours à faire. La sexualité a inventé la sexologie pour mieux
Ou bien est-ce elle, la sexologie, qui se niche éventer les bruits qui couraient sur son compte.
dans la sexualité humaine (s'y « love »-t-elle ? Entre ces rumeurs sexuelles avec l'incertitude de
amoureuse question…) et irrigue ses découvertes leur vérité et l'infinitude théorique des savoirs
sans cesse plus élaborées, ses techniques de plus en humains à venir, naît la controverse. Ce n'est plus –
plus affinées, ce sésame pour parler d'une sexua- les sauvages ont-ils une âme ? – la controverse de
lité si souvent bâillonnée… Oui, irrigue-t-elle tout Valladolid, mais la controverse de « valide au lit ».
cela d'un bain humain ? Cette sexologie idéale est-elle le lieu merveil-
Qui porte qui ? le savant, la science ? ou bien la leux où la parole, garante de l'humain, n'est pas
science, le profane et même le savant ? Le dogme détruite mais exaltée ? où la créativité est sollicitée,
d'un progrès global automatique n'est que leurre réinventée grâce aux « pannes » mêmes ? où le lien
si chacun ne le réfléchit. Une sexologie qui prétend et la confiance naissent pour mieux grandir ail-
harmoniser la sexualité doit prétendre à s'harmo- leurs ? où le savoir et les techniques sont au service
niser elle-même. Pas d'anti-sexologie donc mais du consultant et du thérapeute, et non l'inverse ?
aspiration à une supra-sexologie. La sexologie est- où la science et la sexologie nous dés-abusent des
elle ce lieu merveilleux où s'uniraient le corps et abus faits à nos sexualités et à nos crédulités, mais
l'esprit ? où le langage humanise la sexualité ? où sans nous désabuser pour autant.
l'altérité est emblématique entre ce consultant et Est-on devant le lieu merveilleux où les émo-
ce thérapeute ? et exportable dans les couples non tions sont conviées, car la désaffectation est une
thérapeutiques ? affection grave ? où le sournois discours machiste
368 Manuel de sexologie
ambiant est déjoué ? afin que le « savoir du sexe » serait-elle pas cette part de science qui s'intéres-
(la sexologie peut-être ?) ne renvoie pas un à « sexe serait au finiment moyen, à l'humain, à ce sens
du savoir ». Et masculin bien sûr. Au détriment des de la nature humaine que les sciences habituelles
femmes. Mais, insidieusement, aux dépens aussi excluent durement.
des hommes. Qui ne s'arrogent que l'arrogance. Et je vitupère de parfois me sentir si petit et si
Humanisme n'est pas « hommanisme », nous ne mesquin devant le devenir de l'humanisme et de
serions que d'un demi-monde. « À trop rouler la sexologie. Et, pourtant, nul de nous n'a le droit
des mécaniques, on peine à rouler des patins » me de se sentir impuissant. Chacun, si fétu se sent-il,
disait une consultante. Parlait-elle des hommes ? peut, d'une parole, d'un écrit, d'une attitude, par-
J'ai oublié… ticiper à la recherche d'une créativité individuelle.
Un lieu merveilleux où la science ne serait pas La générosité génère.
divinisée. Si l'expert remplace l'ex-Père, en est-on La sexualité est, en elle-même, humanisme. Par
plus comblé ? Une ère du vide n'est pas liberté. Et son assomption corporelle et spirituelle : « les »
s'il n'était qu'une seule liberté « conditionnelle », sens et « un » sens. La sexologie en est éclairée.
la seule condition ne saurait être que la « condi- Non l'inverse.
tion humaine ». La sexologie peut-elle être ce lieu La sexologie humaniste, un rêve ? alors rêvons
merveilleux où le symptôme est, bel et bien, signé ensemble…
du consultant ? non pas méprisé pour être éradi- Partons de ce grain de poésie, de « poïétique »
qué au plus vite mais estimé à sa juste valeur d'éla- oui, qui fait de chacun de nous un écrin.
boration, fût-elle douloureuse, voire atroce, pour L'intimité ne s'intime pas. La créativité ne se
une survie ? fabrique pas. Elles se sécrètent. Et, secrètes, elles
Dans cette petite chambre noire de la consulta- ne se publient pas. Elles engendrent.
tion, entre la science qui généralise et l'humanisme La buée d'une margelle face à la désertification
qui individualise, quelles noces ? et y accouchera-t- du monde.
on de sens ? ce sens qui suture l'homme dispersé, Une larme sur le bout de la langue.
cette signification qui est signature de l'humain. Une lumière mouvante au fond d'un puits.
Si la sexologie est bien le lieu merveilleux de Le feu sous la baise et les mots dans la peau.
tous ces élans, c'est l'Eden sexologie ! le berceau
enchanté de l'humain ! Où sexologue comme soi- Références
gnant sollicité pour des questions de sexualité, Histoire de la pensée sexologique
s'échineraient et se ressourceraient tout à la fois. [1] Brenot P. La Sexologie. Coll. « Que sais-je ? ». Paris:
Devons-nous geindre en déplorant l'agonie PUF ; 1994.
des vieux humanismes bousculés par la moder- Éthique et sexologie
[2] Lehmann P. Respecter l'éthique : cela s'apprend et
nité, geindre en titubant dans l'espace évidé cela s'entraîne ! Outils d'un sexologue tranquille.
d'une quête désabusée…, devons-nous être atter- Revue Francophone de Clinique Comportementale
rés devant certaines sexologies consternantes et Cognitive 2005 ;X(3):17–24. sept.
de réductionnisme aveugle et de consumérisme [3] Lalande A. Vocabulaire technique et critique de phi-
échevelé ? losophie, vol. 1. Paris: PUF ; 1983.
N'aurions-nous pas plus de plaisir et d'espoir [4] Glanotten WL. La sexologie au xxie siècle : son champ,
ses acteurs, ses objectifs. Sexologies 2003 ;XII(45).
à juger les humanismes et les sexologies dans [5] Elchardus JM, Blachère P. Éthique et sexologie.
leurs plus hautes crêtes plutôt que dans leurs Psychologie Médicale 1986 ;18(3):455–8.
sous-produits ? et ne serait-ce pas plus juste ? Si la [6] Hoerni B. Pratique médicale et sexualité. Rapport
sexualité humaine est, par essence, humanisante, adopté lors de la session du Conseil national de
pourquoi une sexologie humaine (une « sexolo- l'Ordre des médecins ;décembre 2000.
[7] Thurin JM, Allilaire JF. Psychopathologie et traite-
gie humaniste » ?) ne le serait-elle pas ? Entre les
ments actuels des auteurs d'agression sexuelle, vol. 1.
sciences qui s'intéressent à l'infiniment grand, Collection Fédération française de psychiatrie. Paris:
ou à l'infiniment petit, une véritable sexologie ne John Libbey ; 2002.
Chapitre 11. Fondement de la pensée sexuelle, loi et éthique 369
5 Adoption, 173–174
5α-réductase, 6, 27 Adrénergique, 129
5,7-dihydroxytryptamine, 264 Adultère, 348, 353
Affection, 279, 331
A
Affirmation de soi, 131, 252, 283
Abandon, 84
Agapé, 53
Abord sexocorporel, 130–131
Âge
Abstinence, 113
–– osseux, 143
Abus, 169
Agoniste
–– sexuel, 246, 249
–– 5-HT, 264
Accouchement, 91, 196
–– 5-HT1B, 264
–– déclenchement du travail, 90
–– alpha-adrénergique, 266
–– prématuré, risque d, 90
Agonistes dopaminergiques, 111
Acétate
Agresseur sexuel, 348
–– de cyprotérone, 233, 252
Agression, 44, 47, 86, 233, 246–247, 297
–– de médroxyprogestérone, 270
–– sexuelle, 253
Acétylcholine, 104, 267
Agressivité, 290
Acide
–– phallique, 291
–– dihydroxyphénylacétique, 265
Aimer, 332
–– valproïque, 269
Aire
Activité
–– corticale cingulaire, 51
–– dopaminergique, 265
–– pré-optique, 264–265
–– érotique, 51, 58
–– tegmentale ventrale, 42, 51
–– GABAergique, 267
Alcool, 162–163, 166, 300
–– orogénitale, 47
Alcoolisme, 165
–– présynaptique, 265
Algorithme, 128
–– sexuelle, réduction de l, 252
Allaitement, 92
Acupuncture, 275
Allergie, 307
Adancor®, 303
Alliance, 289
Addiction, 229, 242
–– thérapeutique, 318
–– sexuelle, 234
Alpha-bloqueur, 25, 127, 300, 303
–– – croyances, emprise des, 241
–– phentolamine, 304
–– – mécanisme addictif, 241
Alphachlorohydine, 270
–– – non paraphilique, 238
Alpha-méthyldopa, 269
–– – paraphilique, 238
Altérité, 115, 366
–– – passage de la survie à la vie, 241
Amant, 332
–– – pouvoir du manque, 241
Ambiguïté sexuelle, 1, 60
–– – relation sécurité-autonomie, 241
Amide de l'acide lysergique, 265
–– – rôle de la dépendance, 241
Amitié, 332
Adénome, 120–121
Amour, 53, 145, 298, 332
–– hypophysaire, 123
–– courtois, provocation de l, 331
Adénomyose, 96
–– libre, 48
Adolescence, 54, 82, 149, 162, 167, 271
372 Index