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La violence envers les enseignants dans les écoles : Vers une atmosphère

saine et favorable pour l’apprentissage.


Belkacem GUEMGHOR (*)

Étudiant chercheur en Master IFTEC (Ingénierie de Formation, Technologies Educatives et


Communication)- Université Mohamed Premier-Oujda Maroc

Introduction :
Un proverbe arabe dit « ‫ صرت له عبدا‬،‫ » من علمني حرفا‬qui signifie en français que « je suis
reconnaissant à celui qui m’instruit ». « Être reconnaissant à quelqu’un » et beaucoup plus
modeste sémantiquement par rapport au terme arabe « ‫( » عبد‬Abd) qui signifie « être esclave de
quelqu’un ». Ce dernier terme a une signification beaucoup plus sacrée. Donner à l’enseignant
cette qualité sacrée vient des missions que la société lui confie. En effet, l’enseignant au travers
le temps, est toujours le constructeur, le savant, l’instituteur qui détient le savoir et qui participe
à l’extinction de l’analphabétisme. C’est grâce à lui que nous avons tous des lampes qui
éclairent nos chemins obscurs. C’est lui « l’héritier du Prophète » dans la culture religieuse
islamique. Or, au travers le temps aussi, ce saint statut de l’enseignant perd de plus en plus son
rayonnement et reste menacé par plusieurs phénomènes parmi lesquelles, la violence corporelle
et psychologique. Malgré que ce phénomène soit en interaction réciproque apprenant-
enseignant, notre intervention insistera sur le professeur subissant cette violence comme raison
et effet de la destruction du statut sacré de l’instituteur aux yeux de la société. Cette violence
provient principalement des élèves et/ou de leurs proches. En effet, au Maroc, et dans tous les
pays, on entend et on assite, même parfois, à des séances du mal respect voire, des combats très
violents entre les professeurs de la part de leurs élèves qui finissent par des dégâts profonds
psychiques et corporels soit sur le professeur ou sur l’élève. Ces violences que subissent les
instituteurs au sein des écoles et dans la rue mettent en question son statut et nous oblige à
chercher les causes et les conséquences ainsi que des solutions pour rendre cette relation
enseignant-apprenant une relation favorable saine et motivante pour un apprentissage de
qualité.

Cet article discute cette relation « toxique » entre l’apprenant et l’enseignant dans les
établissements marocains. Au début, cette intervention cherchera les indices et les index qui
montrent l’existence de cette violence. Le deuxième point discutera les conséquences de ce
phénomène sur le niveau social et pédagogique. Le troisième paragraphe traitera les solutions
qui peuvent apporter remèdes pour vivre dans un environnement scolaire sain et sauf.
Que signifie « violence » ?
Au Maroc, comme ailleurs, la notion de violence scolaire ouvre un débat que ne se ferme
pas. C’est un fléau qu’on trouve partout dans le monde entier (Er-Razine & Toumi, 2019). Elle
signifie d’après l’OMS, cité par Er-Razine et Toumi, (2019) : « l’utilisation intentionnelle de
la force physique, de menaces à l’encontre des autres ou de soi-même, contre un groupe ou une
communauté, qui entraine ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, des dommages
psychologiques, des problèmes de développement ou un décès ». Il est très évident que cette
définition renvoie à une violence directe intentionnelle sachant qu’il existe d’autres formes de
violences implicites telles que les inégalités sociales, les inégalités de chance et d’accès à
l’école, la grande disparité entre les milieux urbains et ruraux qui ne seront pas prise en question
ici.

Y a-t-il vraiment une violence envers les enseignants ?


La violence des élèves, ou de leurs proches, envers les professeurs fait partie du
quotidien de la vie scolaire même si on en parle peu pour des raisons liées à la crainte des chefs
des établissements de perdre leurs carrières et leurs réputation (Loriers, 2019). En effet, une
recherche américaine (Equipe BienEnseigner, 2020) a révélé que « 44% des enseignants
déclarent avoir été agressés physiquement par des élèves. Plus de la moitié des enseignants
interrogés ont subi la destruction de biens personnels par les élèves (ordinateur, voiture,
téléphone, veste, domicile, etc.). Un énorme de 75 % des enseignants ont déclaré avoir été
harcelés verbalement par un élève d’une manière ou d’une autre au cours de la dernière
année. »

Au Maroc, le ministère de l’éducation nationale, en 2013-2014, a recensé 24000 cas de


violences dont 69% dans les écoles et le reste dans l’environnement des établissements
scolaires(Akesbi, 2017).

Une étude de terrain réalisée par l’association Solidarité Universitaire Marocaine (SUM) en
2019 sur la violence contre le personnel éducatif au Maroc, impliquant 9 038 participants et
participantes de l’organisme national d’éducation, a révélé que 88% des professeurs avaient été
victimes de violences physiques de la part d’élèves ou de leurs parents. (Rouba.Abuamu, s. d.)

La violence contre les professeurs existe. Il est, par conséquent, inutile de cacher le soleil par
un tamis. Mais quels sont les différents types de violence envers les enseignants ?

Quels types de violences contre les profs et quelles sont leurs origines ?
Les violences contre les instituteurs sont de différents types :
• Violences physiques : coups, blessures, menaces avec arme…,
• Violences verbales : insultes, menace graves, injures, moqueries…
• Violences gestuelles : grimaces, gestes …

Ces violences peuvent être d’origines diverses : de la part des élèves, de leurs proches, des tiers
et même de leurs directeurs. En effet, en 2021, selon l’association SUM( ,‫التضامن الجامعي المغربي‬
2021) 1, 13 cas (44%) sont venus des parents des élèves et 4 cas (13.79% ) des élèves, 5 cas
sont commis par l’administration et 4 cas par des personnes tierces.

D’une façon générale , selon Loriers (Loriers, 2019) les violences physiques sont les moins
fréquentes et restent rares en milieu scolaire contre les violences verbales qui sont plus
courantes. « Les enseignants sont aussi soumis à des violences plus insidieuses, qui
apparaissent sous la forme de harcèlement, refus de participation, indiscipline, contestation
permanente, non-respect des règles, dégradation du matériel »(Loriers, 2019).

Selon la SUM (2019,2020,2021) les professeurs du primaire sont les plus touchés par des
violences avec des cas2 respectivement de :50, 31 et 10 suivis par les professeurs du secondaire
collégial (22,10 et 5 cas) sans pouvoir déduire de relations entre le cycle scolaire et la source
de la violence.

Il très évident maintenant que la violence contre les enseignants a des traces profondes dans les
écoles au niveau de tous les cycles scolaires. Les sources aussi sont diverses et proviennent de
l’intérieur comme de l’extérieur de l’école. Quelles en sont les causes ?

Causes :
Les violences n’ont pas de cause unique(Loriers, 2019). Au Maroc, d’après l’enquête sur la
situation de la violence en milieu scolaire au Maroc, présidée par Izeddine Akesbi, réalisée en
2017, plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer cette violence scolaire. Du côté de
l’infrastructure, cette recherche a constaté :

• Le manque d’espace pour le défoulement et l’épanouissement des enfants ;


• L’absence ou le manque des salles de permanence (et de surveillance) ;
• L’absence ou la non-effectivité des cellules d’écoute….

D’autres facteurs sont liés à la situation de l’élève et de l’offre éducative telle que :

1
Il s’agit ici, seulement, des cas qui sont déclarées pour la prise en charge par la SUM
2 Il s’agit ici, seulement, des cas qui sont déclarées pour la prise en charge par la SUM
• L’échec scolaire ;
• L’absence d’intérêt pour la scolarité ;
• La détérioration des valeurs.

Le développement des médias et d’internet pourrait être une cause importante. En effet, le
rapport au savoir est changé et structurellement transformé. Les connaissances et les
informations sont accessibles par tous. Et le savoir n’est plus l’atout de l’école. Devant cette
situation, le professeur perd sa place de lieu privilégiée. Il a maintenant des concurrents
invincibles.

Une autre cause est liée au système familial qui règne à nos jours. Des familles ne respectent
pas ou plus l’institution scolaire, pour différentes raisons liées, principalement, au passé
douloureux des parents envers l’école. Leur point de vue sur l’école est transmis à leurs enfants.

Pour le sociologue Eric Debarbieux, cité par Loriers (Loriers, 2019), « un élève issu d’une
famille où la violence est présente au quotidien aura tendance à normaliser et donc banaliser
la violence, qu’il soit victime ou auteur ». D’autres élèves, selon le même auteur, utilisent la
violence face à leurs enseignants comme un défi devant leurs collègues. Par ce défi ils cherchent
se faire accepter par le groupe de pairs.

En relation avec la classe, le manque de règles claires à l’école ou des règles fragiles peu ou
non respectées ou fraudées sans contrôle peuvent être les causes des violences : « le fait de
banaliser la violence, de n’avoir pas de normes très claires par rapport aux comportements
agressifs autorise les élèves à plus de violence » explique Anne Floor, autrice d’analyses à
l’UFAPEC3.

En rapport avec les enseignants, le chercheur a évoqué : le manque de formation et de


connaissance sur le plan didactique ainsi que le manque d’autorité et de maîtrise de la
classe.(Akesbi, 2017).

Conséquences :
Les conséquences de la violence sont pénibles, telles qu’elles soient leurs origines,
envers n’importe qui. Sur le professeur c’est une violence contre l’école, contre le savoir, contre
le statut de lumière. C’est vrai que la technologie lui y est un concurrent invincible, mais peut-
on un jour mettre le professeur à la quarantaine ? La réponse est non pour une simple raison

3 Union Francophone des Associations de Parents de l'Enseignement Catholique


.
que les outils numériques ne sont que des machines qui doivent être au service de la pédagogie.
L’être humain est le seul pédagogue qui a des émotions affectives. La violence contre
l’enseignant est un moteur démotivant qui laissent des traces ineffaçables au niveau psychique
des instituteurs. Comment cherchons-nous la créativité chez quelqu’un démotivant, peur, peu
ou non sécurisé à l’intérieur et à l’extérieur de l’école ? L’enseignant agressé est impacté, mais,
de surcroît, ces violences créent un mauvais climat scolaire, mauvais climat que ressentent les
autres élèves de la classe, témoins de ces violences. Elles affectent le bien-être et la conduite
des élèves et elles réduisent les opportunités d’apprentissage.(Loriers, 2019). Si on perd
l’instituteur, on perd l’apprentissage, et si on perd l’apprentissage on perd l’humanité car
l’humanité et le savoir sont les premiers concepts coraniques qui sont descendus, liés, pour nous
dire ‘‫( ’علم اإلنسان ما لم يعلم‬a enseigné à l'homme ce qu'il ne savait pas. » 4.

D’autre part, la violence envers les profs entrainera des taux d’absentéisme très élevés chez les
apprenants et chez les enseignants ce qui influence aussi sur les autres activités liées à l’école
et aussi participent à élever les taux de décrochage recensés chez les élèves.

Solutions :
Devant ce phénomène, des cherches ont proposé des solutions qui peuvent participer au
nettoiement de l’environnement scolaire :

• Développement d’activités parallèles dans l’institution ;


• L’encouragement de la communication interne et externe ;
• La révision des contenus scolaires pour répondre aux besoins des élèves ;

Pour le sociologue Eric Debarbieux, cité par Loriers (Loriers, 2019) :

Un bon climat scolaire « est, déterminé par la


qualité des relations entre les élèves et les adultes,
la qualité des liens entre adultes, effet protecteur
de la cohésion des équipes éducatives, le travail en
équipe, la qualité d’un leadership clair de la
direction, la convivialité, le sentiment
d’appartenance à l’établissement et, enfin, la

4 Sourate AL-ALAQ / L'ADHÉRENCE en français | Sourate 96/ verset 5


clarté et la justice dans l’application des règles
scolaires »

• La mise en place des normes claire, lisibles et justes, appliquées de manière équitable
et crées par l’ensembles des acteurs y compris les élèves ;
• Création et motivation des conseils techniques de l’établissement ;
• Création et motivation des clubs pour absorber le surplus d’activités des élèves ;
• Développement du contrôle de soi et les compétences sociales chez les élèves car chez
les adolescents il y a de la force mais pas de contrôle.
• Implication des élèves dans leur vie à l’école et les former à la citoyenneté en
développant les activités parascolaire et para-universitaire.

Au niveau national, Akesbi (Akesbi, 2017) propose :

• Adoption de politiques publiques globales et multisectorielles avec des plans d’action


qui portent sur les différentes formes de la marginalité et des violences.
• Renforcement de la culture du respect des libertés individuelles et de la différence à
travers des programmes d’éducation civique et politique ;
• Meilleure communication avec les jeunes, et par la réduction des inégalités sociales et
le renforcement de la gouvernance démocratique.
• Garantir l’égalité, la liberté d’expression au sein des institutions éducatives et de
promouvoir l’éducation à la différence.

Conclusion :
En guise de conclusion, la violence envers l’être humain tel qu’il soit est refusée et
rejoutée. Contre l’enseignant, le problème s’aggrave. La violence face aux instituteurs au Maroc
comme ailleurs est un phénomène qu’on ne peut plus ignorer. Les causes sont multiples. Elles
sont liées généralement au milieu social, à la culture des parents, aux méthodologies
d’enseigner…etc. Les conséquences, de même, sont diverses : sur le climat général
d’apprentissage, sur la psychologie des apprenants et celle des enseignants et sur la société.
Les solutions proposées sont complémentaires : créer un climat positif, améliorer l’écoute,
encourager les activités scolaires, activer les divers conseils, instaurer les infrastructures…etc.
Grosso modo, c’est un travail des 5E: Etat, Ecole, Enseignant, Elève et Environnement.
Bibliographie :
1. Akesbi, I. (2017). Analyse de la situation de la violence en milieu scolaire au Maroc—UNESCO

Bibliothèque Numérique. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000261066.

https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000261066

2. Chevet, M. (2006). L’impact du genre dans la relation entre enseignant-e-s et apprenant-e-s. Ela.

Etudes de linguistique appliquee, 142(2), 163‑174.

3. Equipe BienEnseigner. (2020, octobre 26). 5 choses à savoir sur la violence des élèves contre les

enseignants. Bien Enseigner. https://www.bienenseigner.com/5-choses-a-savoir-sur-la-violence-

des-eleves-contre-les-enseignants/

4. Er-Razine, S., & Toumi, M. J. (2019). Rôle des compétences transversales et utilisation de la

communication non-violente pour la prévention de la violence en classe aux lycées Marocains.

Revue Marocaine de l’Évaluation et de la Recherche Educative, 1, 174‑189.

https://doi.org/10.48423/IMIST.PRSM/rmere-v0i1.18747

5. Espinosa, G. (2016). Affectivité, relation enseignant/e-élève et rapport à l’enseignant/e :

Contribution à une réflexion sur les caractéristiques d’une relation réussie. Recherches en

éducation, 26, Article 26. https://doi.org/10.4000/ree.6663

6. Loriers, B. (2019). VIOLENCES D’ÉLÈVES ENVERS DES ENSEIGNANTS : CAUSES, CONSÉQUENCES ET

PISTES DE SOLUTION. 8.

7. Rouba.Abuamu. (s. d.). ‫ ضحايا عنف التالميذ وأهلهم‬...‫أساتذة المغرب‬. https://www.alaraby.co.uk/; ‫العربي‬

‫الجديد‬. Consulté 2 février 2022, à l’adresse

https://www.alaraby.co.uk/society/%D8%A3%D8%B3%D8%A7%D8%AA%D8%B0%D8%A9-

%D8%A7%D9%84%D9%85%D8%BA%D8%B1%D8%A8-

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141 ,2022/2021 .‫ المرشد التضامني‬.)2022 ,2021( .‫التضامن الجامعي المغربي‬.

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