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Maroc : Violence scolaire et génération rebelle

Les rares fois où l'on aborde le sujet de la violence à l'école, une question revient avec
insistance : à qui la faute ? A défaut d'assumer leur responsabilité, les acteurs du système
scolaire essaient de s'innocenter, sinon, ils s'accusent mutuellement.
Ainsi, on entend souvent les gloses suivantes : c'est la faute aux enseignants qui sont des
incompétents et qui ont perdu leur autorité d'antan ; ce sont les directeurs qui font tout pour éviter
de faire des vagues ; ce sont les surveillants qui sont complètement dépassés et démotivés; ce
sont les élèves qui sont devenus ingérables ; ce sont les parents qui démissionnent; ou c'est
l'Etat qui veut délibérément abêtir le peuple en tuant l'école publique qui, en plus, constitue pour
lui un fardeau économique, politique et social…

Echec de la politique d'arabisation


La violence à l'école est la conséquence d'un processus, d'une politique, d'un système dont les
acteurs assument tous une part de responsabilité. Si aujourd'hui l'école publique véhicule une
image plutôt négative c'est que cela, peut-être, a été voulu. « Nous sommes face à un système
absurde qui tourne dans le vide, une politique d'enseignement marquée par un cynisme tout
aussi politique.

Le bilan de trente années dans ce domaine, depuis un certain Azeddine Laraki, pousse à ce
constat », nous fait remarquer Abdellatif Mansour, un ancien professeur à l'Ecole Normale
Supérieure de Casablanca. En clair, A. Mansour considère que la recrudescence de la violence
dans les établissements scolaires est le résultat inévitable de l'échec de la politique d'arabisation
de l'enseignement public au Maroc. Politique que même Hassan II n'a pas hésité à dénoncer,
non sans démagogie, dans son discours du 20 août 1987 : « Cher peuple, je dois te dire que
ceux qui ont entamé l'arabisation se foutent de ta gueule… ». Ce propos, pour le moins étonnant
et populiste, peut résumer à lui seul tout le mal qu'on pense du système éducatif et sa vicieuse
instrumentalisation dans la stratification sociale et politique au Maroc. « C'est normal qu'un élève
devienne nuisible et agressif lorsqu'il se trouve pénalisé par une école qui, après avoir été avant
et après l'Indépendance, un ascenseur social pour tous les Marocains moyens ou défavorisés, a
été transformée en une grande salle d'attente pour les futurs chômeurs et harragas », regrette
Abdellatif Mansour.

Ce constat amer n'est pas tout à fait partagé par Jamal Khellaf, du ministère de l'Education
nationale. Ce dernier rappelle d'abord que la violence à l'école n'est pas une spécificité
marocaine et que les pays les plus développés et dotés d'un enseignement public performant
connaissent eux aussi ce phénomène. « Nous avons tendance à isoler l'école de son
environnement. On oublie souvent que l'école reflète, d'une manière ou d'une autre, tout ce qui
anime ou agite la société, quelle soit japonaise, américaine ou marocaine », précise-t-il. Si le
phénomène est d'abord visuel, la recrudescence de la violence commence à inquiéter. Ainsi,
dans le cadre de la décennie consacrée à l'éducation et à la formation, le ministère de l'Education
nationale et l'UNICEF ont élaboré une étude sur « la violence vécue par les enfants à l'école ».
Les résultas de cette étude, réalisée par l'Ecole Supérieure de Psychologie de Casablanca, sont
accablants. On y apprend, par exemple, que 87% des enfants avouent avoir été frappés, 60%
avec règles, bâtons ou tuyaux, 73% des enseignants reconnaissent avoir frappé des élèves et
que 85% d'entre eux le regrettent.

Bien sûr, il faut prendre ces données avec précaution. Toujours est-il que même quelqu'un
comme Habib El Malki ne peut nier le fait que la falaka ou la tiyara sont malheureusement encore
pratiquées dans l'école publique marocaine. Il faut dire que les violences physiques et les
brutalités psychologiques sont tellement ancrées dans les approches « pédagogiques » et la
socio-culture de beaucoup d'enseignants, qu'elles sont malheureusement devenues banales,
normales, voire nécessaires.

L'ascenseur social en panne


L'école publique est donc dépréciée par les parents, contestée par les élèves, critiquée même
par les enseignants, dénigrée par la société, mise sur la sellette par les médias… Même le statut

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de l'enseignant, jadis un personnage respecté pour son savoir et sa « sacralité », est attaqué. «
On a tendance à donner une image monstrueuse des enseignants. A chaque fois qu'un élève est
frappé par un enseignant, on remue ciel et terre, mais lorsqu'un enseignant est tabassé, voire
assassiné par un élève, on n'en parle pas », déplore Ahmed Chougrani, professeur de
mathématiques au lycée Kadi Ayad à Tétouan. Abdellatif Bia, cadre à la délégation de
l'Education nationale dans la même ville, estime que les médias jouent un mauvais rôle dans ce
sens. Il soutient que la manière avec laquelle les médias traitent le sujet de la violence à l'école
participe à créer un climat de tension entre les parents et le corps éducatif : « il y a des parents
qui nous menacent bizarrement aujourd'hui d'en parler à 2M, à l'occasion du moindre problème
avec leurs enfants », s'étonne-t-il. Une enseignante d'anglais au lycée Bettana à Salé, elle, se dit
incapable d'exercer son métier en l'absence de conditions minimales de sécurité. Bouleversée,
elle lance un cri d'alarme : « Tout, dans l'établissement où je travaille, engendre la violence.

Les classes sont pires que des écuries, l'environnement immédiat du lycée est investi par les
dealers et les clochards, les familles des élèves viennent nous voir rien que pour nous insulter, la
direction est quasi absente…Comment voulez-vous que j'accomplisse ma mission alors que je
peux être à n'importe quel moment attaquée par un intrus qui peut accéder librement au lycée.. ».
Ce tableau noir, dressé par cette enseignante, n'est pas forcément exagéré. Plusieurs
témoignages d'enseignants, sous couvert d'anonymat, expliquent que les professeurs ne sont
pas des adversaires, des dictateurs ou des tyrans, mais qu'ils sont bien là pour accompagner les
élèves tout au long de leur scolarité, même dans les moments les plus difficiles. Ils expliquent
que la déscolarisation progressive de l'école tend à la transformer en lieu de gestion des
populations défavorisées et non plus de transmission du savoir. Ils dénoncent également l'état de
stress et d'angoisse dans lequel ils exercent : « Il est vrai qu'il y a des profs malhonnêtes qui, non
seulement agressent verbalement et physiquement leurs élèves, mais abusent sexuellement de
leurs élèves filles contre une bonne note. Ceux-là sont une minorité.

Mais il y a aussi des profs honnêtes qui aiment leur métier et qui sont violemment agressés par
des élèves en mal-être », avoue cet enseignant de langue française dans un lycée pourtant situé
dans un quartier huppé de Casablanca.

Exploiter l'amour du foot


Il y a aussi des élèves, à l'âge difficile de l'adolescence, qui cherchent à provoquer la peur chez
leurs enseignants. « Il nous est difficile de gérer des jeunes qui vivent de sérieux problèmes dans
leurs propres familles. Par exemple, j'avais un élève qui est allé en prison plusieurs fois pour des
histoires de vol. Mais si on sait aborder et approcher ces jeunes difficiles, on finit par contenir leur
ardeur et adoucir leurs moeurs », reconnaît Abdelhakim Abid, professeur de langue anglaise au
lycée Abderrahmane Belkorchi, à Sidi Othmane à Casablanca. Ce professeur exploite dans ses
cours l'amour d'une grande partie des élèves dits « difficiles » pour l'équipe de football du Raja. Il
explique : « A la veille ou au lendemain d'un match du Raja, je consacre une petite partie de mon
cours à en discuter. L'idée est de créer un lien d'appartenance et de les faire réagir sur un sujet
qui les intéresse. Bien sûr, mes élèves widadis, bien qu'ils soient minoritaires, ne sont pas pour
autant sanctionnés. Ils défendent leur équipe favorite, et ce le plus démocratiquement du monde
». Mais ce que ne dit pas ce prof rajaoui, c'est qu'il n'hésite pas à offrir des billets de stade pour
ses élèves rajaouis les plus démunis.

Ce genre de méthodes qui aident le jeune à structurer et à évacuer davantage son agressivité,
ne sont pas adoptées par tous les enseignants. Certains élèves, au même lycée Aberrahmane
Belkorchi, n'hésitent pas d'ailleurs à les dénoncer. « Il y a un problème de communication.
Certains enseignants sont là, dans les meilleures conditions, pour vous transmettre des cours. Ils
se fichent carrément de savoir si on a compris, si on arrive à suivre, si leur programme est bien
assimilé… Rien de ça. Nous avons affaire à des robots qui n'arrivent pas à établir avec nous un
minimum de relation humaine », s'indigne Fatima-Zahra. Sa camarade Asmaa, elle, partage son
avis et ajoute : « En l'absence de véritables activités sportives et culturelles, certains élèves
évacuent leur énergie sous forme de violence contre les enseignants. Un jeune qui s'investit à
fond dans le sport ou la culture n'aura ni la force ni la prédisposition psychologique pour faire des
bêtises ».

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Triche contre le « parcoeurisme »
La violence bat son plein en période des examens. Pour une bonne partie des élèves, la fraude
est devenue le chemin le plus court vers la réussite. Avec un programme chargé et face à des
modes d'examen qui favorisent plutôt la mémorisation et le « parcoeurisme », et surtout dans une
société qui ne récompense pas le mérite et les méritants, les élèves recourent à la triche. Les
enseignants et les surveillants sont souvent victimes de leurs « prises ». A la fin des épreuves, ils
se font agresser à la sortie des établissements par les élèves qu'ils ont dénoncés. L'école
publique cesse alors non seulement d'exercer ses effets éducatifs, cognitifs,
psychopédagogiques et civiques mais elle renonce aussi à son rôle redistributif, socialement
primordial. Adieu l'égalité des chances : La production, ou plutôt la reproduction, de l'élite se fait,
en tout cas, ailleurs.

Taieb Chad
Source: Le Journal Hebdo

La violence en milieu scolaire n’est pas un fait récent. Toutefois, c’est devenu un problème social
d’une importance croissante. On entend de plus en plus parler de violences entre élèves,
agressions contre les professeurs, saccages ou dégradations des locaux scolaires… Le
phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur. «La violence en milieu scolaire est un phénomène
universel qui ne date pas d’hier et dont aucun pays n’est à l’abri. Elle ne cesse d’évoluer, de
prendre toutes les formes et de toucher toutes les catégories de la société. Cependant, son
ampleur, sa complexité ainsi que le degré de gravité de ses répercussions dépendent des
spécificités socioculturelles, économiques et des choix politiques de chaque pays. En ce qui
concerne le Maroc, il faut dire que même là où la violence scolaire est “endémique” elle reste,
dans l’ensemble, contenue et garde le statut d’exception, il faut rappeler d’abord que l’immense
majorité des établissements est épargnée par les manifestations de violence avérée, hormis
évidemment les formes de turbulences bien naturelles dans toute communauté de plusieurs
centaines d’adolescents», souligne Mohammadin Ismaili, le directeur chargé de la vie scolaire au
ministère de l’Éducation nationale. Et d’ajouter : «Même dans les collèges et lycées directement
concernés, on remarque qu’ils reflètent la violence plus qu’ils ne l’engendrent et en sont victimes
plus qu’acteurs.
Violences et concepts connexes (toxicomanie-délinquances…) restent, en effet, potentiellement
exogènes. Bien souvent, la manière dont les faits sont présentés à l’opinion publique est
trompeuse et très injuste vis-à-vis de l’institution scolaire. Lorsqu’un jeune ou adulte est agressé,
il se pourrait qu’il soit collégien, lycéen ou enseignant, mais cela ne concerne pas toujours son
collège ou lycée d’appartenance».
Pour faire face à la violence dans le milieu scolaire, au sein et aux alentours des établissements,
le ministère de l’Éducation nationale, avec ses partenaires notamment le ministère de l’Intérieur,
le ministère de la Santé, le Conseil national des droits de l’Homme, l’Observatoire national des
droits de l’enfant, la société civile, les ONG…, a adopté une approche intégrée de prévention et
de lutte contre la violence qui concerne tous les acteurs du système éducatif y compris les
enseignants. Cette approche ne permet pas seulement de coordonner les actions des uns et des
autres, mais de susciter l’enthousiasme et d’insuffler l’esprit d’entraide et de complémentarité
entre l’établissement et les différents partenaires afin de promouvoir les valeurs de dignité, de
liberté, de tolérance, de dialogue, de solidarité, de droits et de devoir… et entretenir une école de
respect. «Pratiquement, deux entrées principales permettent de mettre en œuvre cette approche
dans son aspect préventif : l’entrée curriculaire, et celle de la vie scolaire. Concernant la
première, les orientations pédagogiques, les programmes disciplinaires, les cahiers des charges
pour l’élaboration des manuels scolaires ainsi que les manuels scolaires abordent suffisamment,
en large et en profondeur, le développement des valeurs fondatrices de la tolérance et de la paix.
Le choix même de ces manuels scolaires a été fait sur la base du critère de conformité avec les
normes nationales et universelles, parmi d’autres.

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Les matières dites porteuses de valeurs, telle l’éducation islamique, les langues, la philosophie,
l’histoire-géo, l’éducation à la citoyenneté… permettent de promouvoir ces valeurs auprès de
tous les élèves, à tous les niveaux et cycles», indique Mohammadin Ismaili. «Le deuxième
espace est celui de la vie scolaire qui est le champ d’application par excellence, car l’acquisition
des valeurs est plus une question d’attitude et de comportement à adopter en situation réelle que
de notion à apprendre. Les clubs de citoyenneté, de droits de l’Homme, de l’environnement, les
séances de sport scolaire… offrent de réelles opportunités aux élèves pour mettre en exercice
les apprentissages et aux enseignants de mieux affûter leurs outils. Comme l’approche
prévention n’est presque jamais suffisante à elle seule, elle va toujours en paire avec l’approche
curative. C’est dans ce sens que des observatoires régionaux et provinciaux de lutte contre la
violence en milieu scolaire ont été mis en place. Ces structures, qui viennent renforcer les
cellules d’écoute et de médiation déjà opérationnelles depuis quelques années», poursuit-il.

Promotion de l’éducation aux valeurs


Nonobstant l’indisponibilité de statistiques détaillées, objectives et fiables de cas d’enseignants,
d’élèves, d’administrateurs ou de parents d’élèves, victimes ou acteurs, et indépendamment des
degrés de violence (depuis l’insolence jusqu’au meurtre, en passant par le trouble en classes – la
provocation, les bagarres entre élèves – la destruction de biens individuels ou de l’établissement,
le racket, l’intimidation…), le ministère de l’Éducation nationale estime que la violence en milieu
scolaire et l’éducation aux valeurs ont été, et doivent rester, une préoccupation constante. «De
par son statut d’acteur social par excellence, l’institution scolaire a le devoir de promouvoir
l’éducation aux valeurs de la citoyenneté et du civisme en son sein et de faire face à toute sorte
d’incivilité», indique Mohammadin Ismaili, le directeur chargé de la vie scolaire au ministère de
l’Éducation nationale. Et d’ajouter : «Cependant, la socialisation de nos enfants ne se réalise pas
en marge des différentes composantes de la société qui sont plus larges et plus globales, voire
omniprésentes, attrayantes et forcément plus efficaces. Certaines valeurs sont véhiculées par
d’autres institutions, notamment par certains médias ou certaines technologies de l’information et
de la communication, comme l’Internet… sont en contradiction avec celles relayées par l’école».
Repères
• Les cellules d’écoute et de médiation relevant du ministère de l’Éducation nationale,
déjà opérationnelles depuis quelques années, permettent essentiellement de :
• Constituer une base de données sur le phénomène de la violence en milieu scolaire
• Effectuer des études sur la violence en milieu scolaire.
• Évaluer les procédures et les mesures préventives prises au niveau de leur territoire
respectif.
• Éditer des rapports de manière périodique.
• Proposer des suggestions applicables et déduites des résultats d’études du terrain.
• Organiser des formations au profit des relais.
• Assurer la mobilisation et la sensibilisation.
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adopte-une-approche-integree-de-prevention-/178063.html#sthash.CI8pq4Rt.dpuf

Violence dans les établissements scolaires


Belkacem AMENZOUPublié dans Aujourd'hui le Maroc le 02 - 07 - 2002
Dans le système scolaire marocain, notamment dans le milieu rural, des
pratiques de punition vont à l'encontre des efforts déployés pour la
généralisation de la scolarisation.
La punition à l'école entrave le parcours scolaire de l'élève. Dans plusieurs cas,
elle la cause principale de l'abandon. Cette pratique archaïque existe encore

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dans notre système scolaire, notamment dans le milieu rural. Dans ce sens,
l'UNICEF a organisé, jeudi dernier à Tanger, en collaboration avec
l'association «Atfale», enfants, une table ronde sur le thème «punitions et
violences à l'école».
Ont pris part à cette manifestation, des représentants du ministère de tutelle,
des chercheurs pédagogiques, des enseignants, des ONG et des associations des
parents d'élèves. Cette rencontre a été l'occasion du lancement officiel de
l'étude «punitions et violences à l'école».
Dans notre société, force est de constater que des pratiques sont fortement
remarquées dans la vie scolaire marocaine, en dépit des lois et des mesures qui
en interdisent l'usage. Des pratiques qui vont à l'encontre des efforts déployés
pour la généralisation de la scolarisation et à la promotion du droit à une
éducation de qualité. Des pratiques qui constituent un obstacle majeur au
développement de toute la société, en mettant l'enfant dans des conditions
défavorables aux apprentissages, en encourageant l'abandon scolaire et en
faisant de l'école un lieu de déni des droits de l'enfant. Dans ce cadre,
l'association «Atfale» a réalisé une enquête sur la violence dans les
établissements scolaires.
Cette enquête met en lumière ce phénomène et en révèle les réalités. Ces
données sont souvent absentes dans les études et les analyses en relation avec
l'éducation dans notre pays. Cette étude démontre également la complexité de
ce problème qui trouve ses causes et ses origines dans les cultures, les
méthodes pédagogiques traditionnelles, le manque des moyens et les conditions
défavorables des enseignants.
L'UNICEF apporte son soutien à cette initiative de l'association «Atfale» en
plaidant en faveur d'une école qui prône le respect de la dignité de l'enfant, le
dialogue, et l'épanouissement. Une école «amie de l'enfant».
En se basant sur cette étude et sur les résultats des autres travaux menés par
des chercheurs et cadres du ministère de l'éducation nationale dans ce sens, les
participants à la rencontre de Tanger ont débattu du phénomène de la
violence, sous tous ses aspects, comme ils ont mis au point les axes
d'intervention en vue de mettre un terme à ce fléau qui entrave le bon
déroulement des cours, notamment dans la phase de l'enseignement
fondamental dans le milieu rural.

Agir contre la violence à l'égard des enseignants


Education
Zouinine Rajae Maria SounidaPublié dans Albayane le 18 - 06 - 2013

Education
Il est loin le temps où les enseignants utilisaient la politique du bâton comme
mode d'éducation à l'encontre de leurs élèves. Aujourd'hui, les choses
semblent s'inverser. Le phénomène de la violence contre les enseignants est
devenu en effet préoccupant partout dans le monde. Au Maroc, on constate

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une multiplication d'actes de violences au sein des établissements scolaires,
aussi bien entre élèves en général qu'avec des enseignants et personnels en
particulier.
Depuis un certain moment, les réseaux sociaux et les médias se font
régulièrement l'écho d'actes de violences commis par les apprenants. Bon
nombre d'enseignants ont vécu de violences qualifiées de graves, notamment
les atteintes physiques avec blessures, alors que la majorité d'entre eux vit, au
quotidien, différentes formes de violences, verbales et psychologiques.
Par ailleurs, les établissements scolaires constituent un lieu où la violence et le
stress sont réguliers. Insultes, menaces en tout genre, provocations y sont
monnaie courante, sans compter les agressions physiques qui ont atteint un
seuil alarmant. Et dire que l'école est le lieu qui inculque la discipline !
A cela il faut ajouter d'autres phénomènes auxquels les enseignants sont
confrontés, comme la consommation de drogues, les écarts sociaux entre
élèves, le relâchement de l'autorité parentale. Une dégradation du milieu
éducatif face à laquelle l'administration semble de plus en plus dépassée par
les événements.
Selon, A. L, professeur de français du lycée Ibnou chouhaid à Casablanca, «la
violence dans les établissements scolaires est un fait devenu banal et répétitif.
Quotidiennement, on en est face d'élèves qui n'ont peur de rien et un manque
total de lois rigoureuses, que ce soit de la part de la direction de l'établissement
ou même de l'Etat. Cette situation profite à l'amplification de ce phénomène.
Je peux vous témoigner que tous les jours, nous sommes confrontés à la
violence verbale et dans le pire des cas à une violence physique. Dieu seul nous
protège. Actuellement, les agressions physiques et verbales contre les
enseignants sont signalées sur l'ensemble du territoire. Malgré la sonnette
d'alarme tirée par les enseignants, l'administration de l'Education nationale
est restée neutre et aucune loi n'est venue pour juguler cette état malsain qui
prévaut actuellement dans les établissements, et dont sont victimes professeurs
et personnel.»
Saber, élève du même lycée, a un autre avis. «Je me rappelle qu'un de mes
professeurs m'avait insulté toute l'année durant en me traitant de paresseux et
en me disant je ne réussirais jamais. Devant l'ensemble de la classe, il m'a
toujours traité d'incapable. Il disait qu'il ne fallait pas que je continue mes
études. Vu ses insultes répétées, j'ai toujours pensé me venger de lui. Un jour
je lui ai écrit sur le tableau qu'il ne mérite même pas d'être un professeur, et
beaucoup d'autres choses de ce genre» Il n'empêche que la violence au sein des
établissements scolaires ne doit plus rester banalisée.
Il faut s'attaquer à ses causes, qui sont certes complexes et multiples et rétablir
un climat de confiance entre les élèves, les enseignants et le personnel de
l'administration. La sécurité de tous et la bonne qualité de l'enseignement sont
à ce prix.

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La violence , un phénomène qui prend de l’ampleur dans nos écoles
Introduction :

La violence c’est ce qui agit sur quelqu’un contre son gré ou ce qui fait agir
quelqu’un en utilisant la force. La violence est le baromètre des rapports entre les
hommes. Elle est liée aux respect des droits humains car à chaque fois qu’un droit
est violé, il y’a violence. Mis à part les casses consécutifs aux mouvements de
grève et le châtiment corporel la violence était inconnue dans nos écoles .
Aujourd’hui c’est un phénomène qui prend de plus en plus de l’ampleur dans
l’enceinte scolaire. L’école Sénégalaise est aujourd’hui traversée par des zones de
turbulences qui font réfléchir tous les amis de l’école, tous ceux qui veulent faire de
l’école un instrument de paix. Ses manifestations sont diverses et les causes
multiples. Mais comment la prévenir à l’école ? Comment faire en sorte que les
conflits soient résolus pacifiquement ? Comment amener les composantes de la
famille scolaire, les membres de l’administration, les enseignants , les élèves, les
parents d’élèves, à dialoguer , à faire de l’école une société démocratique, avec ses
normes où règnerait le respect mutuel pour un mieux vivre ensemble ?

A/La violence : manifestations et causes

La vie en société est souvent source de conflits en raison des intérêts divergents, des
besoins et des valeurs qui ne sont pas toujours les mêmes. L’école est une institution de la
société, elle reproduit souvent ses conflits de valeur, ses problèmes. L’école Sénégalaise
société en miniature n’est pas en reste . Les conflits éclatent souvent entre acteurs de
l’éducation, élèves, enseignants, membres de l’administration et parents d’élèves. Ils sont
souvent résolus par la violence avec diverses manifestations :

-violence verbale ou psychologique avec des injures entre élèves , élèves et enseignants.
Ils sont légion les élèves qui sont victimes de cette forme de violence de la part des
enseignants . Très souvent quand ils ne peuvent plus supporter humiliations et critiques , ils
abandonnent l’école.

-le harcèlement sexuel, la discrimination sont une autre forme de violence que l’on
retrouve en classe et à l’école. Les filles et certains élèves handicapés sont les plus exposés
à cette forme de violence. Ceux ou celles qui osent tenir tête à l’enseignant se voient
octroyer de mauvaises notes et renvoyés.

-Le viol : Phénomène très isolé dans les écoles , inconnu dans certaines localités . Il y ‘a un
exemple récent : une élève a été victime d’un viol collectif de la part de ses camarades dans
une grande ville .

- les mouvements de grève auxquels participent souvent des délinquants non élèves se
terminent souvent par des casses , du vandalisme caractérisé. Les élèves s’en prennent

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souvent aux édifices publics, aux cabines téléphoniques, aux bâtiments de l’école, aux
matériels pédagogiques, hélas !

- les vols , les rackets se rencontrent surtout dans l’école primaire .Des bandes d’élèves
sont s’adonnent à ces extorsions et ceux qui ne s’y plient pas sont souvent battus.

-châtiments corporels : c’est une pratique très courante dans les écoles sénégalaises
.Pourtant le décret le décret no72-861 portant organisation de l'enseignement primaire
élémentaire en date du 13 juillet 1972 et publié dans le journal officiel no 4274 du 1 er février
1973 interdit le châtiment corporel . L'article 14 du chapitre III stipule que les seules
punitions autorisées sont: la réprimande verbale, la retenue après la classe, l'exclusion
temporaire de 1 à 8 jours et l'exclusion définitive . Les conséquences sont souvent graves ;
Dans la ville de Rufisque à 30 km de Dakar , un instituteur et une institutrice ont été mis en
garde à vue suite à des blessures infligés à deux élèves, l’une une fillette de 8 ans a perdu
un œil, l’autre un garçon a toujours des complications à l’œil. A la Zone A un quartier de
Dakar, un parent d’élève a traduit en justice un enseignant qui a battu son fils. A Bambey un
ville située à 100km de Thiès , un élève a poignardé son maître.

-L’apparition des armes blanches (couteau, coupe-coupe etc..) dans nos écoles est très
inquiétante et témoigne de l’ampleur du phénomène.

En effet le renouvellement du bureau du foyer -socio éducatif dans les collèges et lycées est
l’occasion d’âpres affrontements entre factions rivales, qui n’hésitent pas à en venir aux
mains à user de gourdins, de couteaux plongeant ainsi l’établissement dans une
atmosphère de violence avec l’intervention de la police. Ces factions rivales sont souvent
l’émanation de partis politiques rivaux qui utilisent l’espace scolaire pour s’affronter. Au
lycée Malick Sy de Thiès durant l’année 2002, un élève a poignardé son camarade à la suite
d’une petite altercation.

les causes de ces violence sont multiples :

-les conflits interpersonnels qui se reflètent dans les relations avec les autres peuvent
entraîner la violence. Les élèves n’ont d’autre alternative que la violence dans le règlement
des conflits interpersonnels.

- La reproduction des comportements appris dans la famille, dans la société mais surtout au
cinéma et à la télévision est souvent source de violence. Des enfants qui vivent un drame à
la maison ont souvent des comportements violents à l ‘école .Les médias(radios, journaux,
télévision) y contribuent pour beaucoup . Ils rapportent des situations de crise où l’usage
unilatéral de la force semble la méthode la plus employée pour traiter les conflits ; un fort
pourcentage de drame télévisé destinés tant aux jeunes qu ‘aux adultes étale la violence et
présente la coercition comme moyen acceptable et commode d’éliminer les conflits.

- Le surpeuplement des écoles avec des classes pléthoriques. (jusqu’à 100 élèves) , la
surcharge de travail, sont autant de motifs d’énervement des maîtres qui ont toujours les
nerfs tendus et n’hésitent pas à utiliser le bâton.

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- La démission des parents dans l’éducation des enfants aggravée par le chômage, la
pauvreté qui les rendent incapables d’ acheter les fournitures et payer certaines taxes (droit
d’inscription, gardiennage, construction de classes etc..) favorisent les comportements
violents à l’école et la délinquance juvénile.

-les fournitures et bourses scolaires qui n’arrivent pas à temps aux destinataires, le manque
de professeurs, de tables bancs et de matériels scolaires , sont autant de raison qui
poussent les élèves et étudiants à aller en grève et à s’adonner à des casses.

-le laxisme de certains enseignants favorise aussi la violence des élèves qui s’adonnent la
violence verbale et physique en classe .

- l’absence de dialogue entre membres de la famille scolaire est toujours source de


tensions. Dans certaines écoles, l’administration ne favorise pas le dialogue, ce qui conduit
à une incompréhension et aux conflits.

-L’absence ou le non fonctionnement des structures démocratiques devant favoriser la


concertation, le dialogue amène souvent les élèves ou le enseignants à trouver d’autres
voies pour se faire entendre. Dans certains collèges , le foyer socio-éducatif ne fonctionne
pas sous prétexte que c’est un lieu qui prépare à la grève.

-Les règlements scolaires imposés ou " parachutés , élaborés sans les élèves et faisant fi de
leur réalité provoquent de graves conflits entre acteurs de l’éducation. Au lieu d’ une charte
des droits et des responsabilités , les écoles affichent des règlements scolaires standard,
souvent dépassés.

-La non intégration des principes du droit dans les pratiques éducatives. L’école est au fond
une zone de non droit, où chaque acteur a comme qui dirait sa propre logique..

Au total les causes de la violence à l’école sont multiples et souvent liées aux problèmes
que vivent les enfants dans leurs familles, à la pauvreté , aux conflits entre acteurs de
l’éducation , au fonctionnement incorrect des structures démocratiques (foyer, coopératives
etc ..) à l’absence de structures de dialogue , au manque d' équipements dans les
établissements scolaires .

B/Comment prévenir la violence ?

Une analyse approfondie de la violence montre que mises à part les causes externes liées
aux allocations des élèves, au manque d’enseignants et de mobiliers scolaires , les autres
causes résultent des conflits interpersonnels entre élèves et professeurs, élèves et
administration, dans une moindre mesure entre enseignants et membres de
l’administration .

Il s’avère donc nécessaire si l’on veut assurer un mieux vivre ensemble à l’école de
s’attaquer à ces conflits interpersonnels qui relèvent pour l’essentiel du respect de l’autre
dans le cadre global du respect de la règle construite par tous les acteurs de l’éducation à

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l’école. S’appuyer sur le droit de toute personne au respect de son intégrité physique et
psychique est donc le fondement de tout règlement pacifique des conflits.

Il s’agit de faire de l’école une société de droit avec l’ instauration du respect mutuel,
d’apprendre les normes élaborées ensemble , d’utiliser le dialogue, la concertation et
faire fonctionner les instances et les procédures instituées :

Par exemple il faut redonner au foyer un rôle plus actif dans nos écoles : Le foyer doit
dépasser l’organisation d’activités parascolaires (fêtes, sports, activités culturelles etc) et
s’occuper de tâches plus essentielles comme la supervision du journal, élaborer et réviser le
règlement intérieur, élaborer le projet éducatif, faire de la médiation.

La coopérative scolaire doit fonctionner correctement et permettre la responsabilisation


des élèves

L’école devra élaborer une charte des droits et des responsabilités qui s’inspire des
valeurs que le projet éducatif veut promouvoir.. C’est une liste de droits et responsabilités à
assumer élaborés et approuvés démocratiquement.. L’école doit comme tout milieu de vie
se doter de règles susceptibles d’en garantir le bon fonctionnement. Elles doivent être
discutées pour permettre un mieux vivre ensemble ; elles doivent illustrer quelques
comportements attendus et souhaités. Un comité de médiation pourrait être installé .Il
explorera tous les procédés de résolution des conflits notamment la médiation, la
négociation, le partage, l’alternance, l’explication, l’écoute active, l’excuse, le
compromis, le hasard .

.En classe systématiser l’enseignement des droits de l’homme et de la paix avec des
approches qui favorisent les valeurs et les principes fondamentales qui fondent les
droits humains, (solidarité, liberté, tolérance, égalité respect mutuel etc..)

-Certaine structures doivent être crées si elles n’existent pas comme le conseil de
coopération qui se réunit une fois par semaine qui permet de résoudre les problèmes , les
conflits, de faire des projets.

-Au niveau individuel , il faudrait changer d’attitudes, de comportements, et nos façons


de régler les conflits.

Conclusion :

Les conflits naissent à l’école parce que c’est une société où les hommes sont en
interrelation. Ces conflits cependant doivent être résolus de façon non violente. Pour cela il
faut respecter les principes du droit et mettre en place des lieux de parole, de résolution des
conflits.

L’application de ces principes, la mise en place de ces structures concourent à


l’apprentissage de la démocratie et participent d’une citoyenneté active . L’école doit

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préparer les jeunes à vivre dans une société basée sur un contrat social qui vise à rendre
compatible les libertés individuelles et l’organisation sociale.

Toutes ces mesures permettront non seulement la réduction de la violence dans les écoles
mais constitueront un outil efficace d’apprentissage de la citoyenneté démocratique.

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