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CHIRIAC ELENA, « 

Coronavirus et l’enseignement en ligne », Şcoala Gimnazială Solonţ (Şcoala


Gimnazială „Miron Costin”), Bacău, Roumanie

Coronavirus et l’enseignement en ligne

Nouvelles émotions redoublées de l’angoisse éprouvée à cause de la pandémie. Je


regarde autour de moi, embrassant de mes yeux le nouveau bâtiment où cette année je devrais
exercer ma fonction de professeur de langue française. Je ne connais personne de mes
collègues et pour cette raison je reste retirée dans un coin et j’étudie attentivement les
individus qui défilent devant moi. À leur tour, eux-aussi me jettent de regards intrigués et
attendent, peut-être, le conseil professoral pour me présenter.
Est-ce que tout sera bien ? La question se retrouve sur les lèvres de chacun de nous.
C’est une question passée sous silence, mais qui vit parmi nous, obscurcit le bonheur de la
rencontre et met sous le signe du doute la nouvelle année scolaire. Le monde, en général, et
l’enseignement, en particulier, se trouvent en un processus continu de développement. Les
mois de confinement ont mis en avant un nouveau moyen d’apprentissage et d’enseignement
– l’enseignement en ligne. Les plateformes telles Zoom, MicrosoftTeams, Gsuite for
Education sont si utilisées jusqu’au point qu’elles ne réussissent guère à faire face à la foule
des élèves et des professeurs qui se connectent simultanément de tous les coins du monde.
Nous, les professeurs,  nous sommes accusés de notre indifférence et de notre ignorance, mais
personne de ceux qui devraient s’en occuper ne prend pas le temps de tester à vif la situation
actuelle.
À vrai dire, beaucoup de questions envahissent mon esprit auxquelles, pour le
moment, je ne trouve pas de réponses. Je ferai face aux exigences, aux standards imposés par
la nouvelle école ? Serai –je à la hauteur des aspirations de mes nouveaux élèves ? Ce sont
quelques questions qui me hantent en attendant le premier conseil professoral. Entre temps, je
ramasse des morceaux des informations en me préparant pour le grand jour – « affronter »mes
élèves. Chaque année, quand j’échange d’école, j’ai l’impression que je ne sais pas d’où
commencer. J’ai peur de ne pas arriver à l’âme de mes élèves et de les perdre avant même de
réussir à leur monter le merveilleux monde du français. Je me rends compte que ma tâche
serai encore plus difficile à résoudre surtout que dans la nouvelle année scolaire je devrai
enseigner en système hybride, c’est-à-dire un groupe d’au moins 10-15 élèves seront
physiquement dans la classe et un autre groupe seront chez eux, assis devant le moniteur
suivant ma classe.
CHIRIAC ELENA, « Coronavirus et l’enseignement en ligne », Şcoala Gimnazială Solonţ (Şcoala
Gimnazială „Miron Costin”), Bacău, Roumanie

Le défi est d’autant plus grand que la plateforme agréée par l’école a déjà démontré
ses limites. Mes élèves n’arrivent pas à m’entendre et à voir ce que j’écris sur le tableau noir
et s’ils m’entendent, la coupure fréquente du son crée des situations qui vont du comique vers
le pénible. Je suis devenue une sorte de photographe d’occasion pour donner à mes élèves la
possibilité d’apprendre. À chaque étape de la leçon je m’arrête, je prends une photo et je
l’envoie via WhatsApp. Notre cri de désespoir n’est pas entendu, nous devons nous
débrouiller en gaspillant vainement notre argent et notre énergie. Les enfants se plaignent de
douleur grave de tête, mais nous sommes contents du progrès de l’éducation digitale roumaine
sans prendre en considération ses risques.
Sur le mûr de la salle du sport où devrait avoir lieu le conseil, il est écrit en lettres
majuscules et rouges « COURAGE ! ». Oui, j’avoue qu’un tel conseil me fait tressaillir,
même si je suis totalement découragée. Les mois de la pandémie nous ont montré que nous
sommes des êtres fragiles, que nous pouvons succomber vertigineusement à la détresse, à la
panique et qu’il est difficile de ramasser nos forces pour continuer. Nous sommes restés à la
maison, mais cet enfermement n’a fait que détruire nos sourires, notre confiance. Nous
sommes devenus des vrais robots qui mettent leurs masques, restent à l’écart, se saluent sans
se toucher. Nous avons peur l’un de l’autre, nous nous mettons à l’abri, mais nous perdons
l’une de plus importantes caractéristiques de l’humanité –L’AFFECTIVITÉ. Le virus s’est
emparé de celle-ci, car sans elle nous sommes des épaves humaines.
Comment éprouver notre amour envers nos élèves si nous ne pouvons pas les caresser,
les embrasser, leur donner une tape sur l’épaule pour les rassurer que tout sera bien. Les
masques dissimulent nos sourires et nous rend sévères et inapprochables. De par sa nature, le
professeur est un être qui partage non seulement des connaissances, mais aussi des sentiments.
Nous limiter le moyen d’expression des émotions rassemble à une opération sur cœur ouvert.
Devant mes élèves, j’affiche une confiance débordante, mais une fois sortie de la salle
de classe je me demande souvent « Où nous conduira tout cela ? ». Quelques voix soutiennent
que c’est une réforme bienvenue en éducation dont le principal objectif est d’éliminer une
partie de la ressource humaine – la majorité de professeur qui ne savent et ne veulent pas se
développer – car nous sommes les paresseux de la société. Nous consommons plus que nous
produisons, donc il est nécessaire une réduction drastique des dépenses. Je me demande si ces
voix si virulentes savent que nous dépensons jusqu’à trois quart de notre salaire pour éduquer
leurs enfants.
CHIRIAC ELENA, « Coronavirus et l’enseignement en ligne », Şcoala Gimnazială Solonţ (Şcoala
Gimnazială „Miron Costin”), Bacău, Roumanie

Après ces mois de feu qui se prolongent on dirait qu’à l’infini, je suis arrivée à la
conclusion que l’enseignement en ligne ne peut pas supplanter la vraie éducation quelque
attirant qu’il soit. Mes élèves se plaignent, encore et encore, qu’ils m’entendent mal, que cette
situation réitérée les irritent et leur produit des déconforts. Au lieu d’apprendre par plaisir, ils
assistent à l’enterrement de leur propre éducation. L’insertion du digital dans l’enseignement
est toujours bienvenu, mais remplacer brutalement l’enseignement classique par celui en ligne
dont les bases sont si faibles équivaut plutôt à une noyade qu’à une évolution. Nous sommes
menacés que nous serons mettre à la porte si nous refusons d’enseigner en ligne. Pourtant
personne ne refuse pas ceci, nous faisons de grands efforts pour continuer en utilisant nos
propres instruments, car ceux promis par le ministre de l’éducation se sont perdus parmi les
milliers de promesses et des menaces.
Ce que nous voulons c’est le soutient des parents qui ne comprennent pas encore que
nous représentons un chaînon important dans l’éducation de leurs enfants et le soutient de la
société qui a la mauvaise habitude de nous transformer en bouc émissaire pour chaque
catastrophe qui frappe à la porte.

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