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Paul Dorveaux

Les délibérations de la Compagnie des Marchands


Apothicaires-Epiciers de Paris (suite), (1762-1763)
In: Bulletin de la Société d'histoire de la pharmacie, 17e année, N. 64, 1929. pp. 323-328.

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Dorveaux Paul. Les délibérations de la Compagnie des Marchands Apothicaires-Epiciers de Paris (suite), (1762-1763). In:
Bulletin de la Société d'histoire de la pharmacie, 17e année, N. 64, 1929. pp. 323-328.

doi : 10.3406/pharm.1929.10617

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0995-838X_1929_num_17_64_10617
d'histoire de la pharmacie 323

gargarisme : ce sont lés apothicaires qui ont profané ce mot en


l'appliquant à un usage malséant. » On substitua alors le mot
remède à celui de lavement. Louis XIV accorda cette grâce au
père Le Tellier. Le mot remède, comme équivoque, parut plus
honnête. Ce prince ne demanda plus de lavement : il demand
ait « son remède », et l'Académie fut chargée d'insérer ce mot
avec l'acception nouvelle dans son Dictionnaire... Digne objet
d'une intrigue de cour !
On lit dans un factum du duc de Mazarin contre son épouse,
que ce duc avait recommandé à l'apothicaire qui donne un lave
ment, st au malade qui le reçoit « de bien s'occuper tous les
deux de cette action importante, afin d'observer en la faisant,
toute la décence qu'exige la pureté chrétienne ». Et le père
Théophile Raynaud, Jésuite, dans son livre intitulé Trinitas
Patriarcharum, se demande fort sérieusement s'il est permis à
un Chartreux de recevoir un clystère. -
Kraty l'Archivaire.

Les Délibérations de la Compagnie

des Marchands Apothicaires- Epiciers de Paris

(Suite)

1763, 2 juillet.
¦

Construction d'un mortier mécanique.


En l'assemblée de Messieurs les Anciens Gardes Apotiquaires
convoquée par billets en la manière accoutumée, Messieurs les
Gardes ont fait part à la Compagnie du dessein où ils sont de
faire construire une machine pour mettre en poudre les médi-
camens de la Thériaque et autres médicamens concernans l'off
icine déjà projettée, ils ont dit qu'indépendamment des frais de
construction de cette machine, il étoit nécessaire de faire un
bâtiment couvert en tuilles, qui engagera à quelques dépenses
qu'on fera avec toute l'économie possible sans négliger la soli
dité, que le lieu qu'ils ont trouvé le plus convenable pour placer
ce bâtiment est un quarré dans le coin du jardin, derrière le
réservoir, qui forme un emplacement qui est demeuré jusqu'à
présent inutile; qu'il ne s'agit que d'abattre quelques t'Hemls
qui y sont plantés, et que le nouveau bâtiment qui y sera cons
truit en charpente" sera parfaitement isolé du grand bâtiment
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pour éviter tout ébranlement occasionné par les coups de pilon


de la machine, pour quoy ils prioient la Compagnie de les auto
riser à faire la dépense nécessaire pour ledit bâtiment.
La matière mise en délibération, la Compagnie a agréé la
proposition faite par Messieurs les Gardes, et les a autorisés à
faire les dépenses nécessaires pour la construction du bâtiment
destiné à contenir ladite machine, et a approuvé tout ce qu'ils
croiront avantageux pour donner à ce bâtiment toute la solidité
qu'il exige en évitant tout dommage qui pourroit résulter en
vers le grand bâtiment, duquel il sera parfaitement isolé.
Fait en notre Bureau les susdits jour et an.
{Signé :) Pia, Poullain, Pia, Paris, Gillet, Chilhaud, Richard,
Le Bel, Vassal, Couzier, Demoret, Pia, Mayol, Taxil. Terrier.
(Registre 38, f° 33 r°.)

1763, 22 juillet. ^

Un pamphlet contre la compagnie l.


En l'assemblée générale de Messieurs les Maîtres Apoticaires
convoquée par billets en la manière accoutumée, Messieurs les
Gardes ont fait lecture à la Compagnie d^une lettre signée de
six de nos confrères tendante à la présente convocation et d'un
mémoire manuscrit à eux addressé contenant des plaintes très
graves contre un libele anonime imprimé sans permission et
intitulé Lettre de plusieurs Etudians en médecine, etc.; la Comp
agnie, ladite lecture faite a entendu Monsieur de Laplanche
dans ses deffenses par lesquelles, loin de désavouer formelement
ledit libel, il a paru en prendre le parti en bien des endroits, la
Compagnie l'a prié de se retirer ainsi que Monsieur Demoret
premier Garde et tous les confrères composant la société du
Cours de Chimie pour pouvoir recueillir avec liberté les suf
frages.
Eux retirés et la matière mise en délibération, la Compagnie
a arresté à la pluralité des voix que Monsieur de ILaplanche
sera tenu dans huitaine pour tout délai de désavouer ledit libel
imprimé comme contraire à ses véritables sentiments et de
déclarer d'une manière authentique ou qu'il n'en est pas l'au-

1. Ce pamphlet est intitulé : Lettre de plusieurs étudians en médec


ineà un jeune médecin de Rheims, actuellement à Avalon, au sujet
d'un démêlé qui s'est élevé entre les démonstrateurs du cours de chy
mie qui se fait >au Jardin des Apoticaires en mai 1763 (35 pages in-lë).
Très rare, il jnanque à la bibliothèque de la Faculté de Pharmacie
de Paris.
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theur, ou qu'il se repent de l'avoir fait imprimer et rendu


public, que ladite rétractation sera inscrite sur le présent re
gistre et signée de lui et qu'elle sera imprimée comme étant le
seul moyen qu'il y ait de réparer l'insulte qu'il a fait à la Com
pagnie générale, sinon, que la Compagnie se pourvoiera ainsi
qu'elle le jugera bon être pour se faire rendre justice. Et ont
signés lesdits jour et an.
(Signé :) Pia, Poullain, Pia, Paris, etc.
[En marge :] Copie de cette délibération a esté envoyée le
même jour de sa datte à cinq heures de relevées à M. de La
planche et signée de Messieurs les Gardes.
[.Cette délibération fut annulée par sentence du 18 juil
let1765. Voir plus loin la délibération du 8 août 1765].
(Ibidem, î° 33 v°.)

1763, 8 août.

Sanction contre de Laplanche *, auteur du pamphlet.


En l'assemblée générale des Maîtres Apoticaires convoquée
par billets à la manière accoutumée, Messieurs les Gardes ont
exposé à la Compagnie que c'étoit à regret qu'ils se voyoient
obligés de lui déférer le refus persévérant de M. de Laplanche
de faire à la Compagnie la satisfaction qu'elle lui avoit imposée
par la délibération du 22 juillet dernier, qu'à bien peser les
termes de cette délibération, il étoit aisé de se convaincre que
la douceur et la modération envers un confrère qui étoit en
faute avoient prévalu sur l'indignation que sa conduite avoit
excitée, puis qu'au lieu de deux fois vingt-quatre heures qu'il
avoit demandé pour se déterminer, la Compagnie lui avoit ac
cordé huit jours pour faire une rétractation solennelle d'un
libele imprimé qu'il a distribué avec profusion contre elle, dans
lequel il blesse essentiellement la vérité dans le récit des faits
et viole ouvertement toutes les bienséances et les égards qu'un
confrère doit à son Corps, qu'ils n'en citeront qu'un seul exemp
lequi est l'article du libel qui concerne M. Morel nôtre con
frère qui, à l'assemblée du 22 juillet dernier, déclara hautement
à la Compagnie, en présence de M. de Laplanche, qu'il étoit
certain du fait de la potasse ou autre alkali fixe introduit fort

1. L'affaire de Laplanche a été narrée, en 18<97, par Gustave


Planchon, dans le Journal de pharmacie et de chimie (& série, t. 5,
pp. 2&0, 306 et 367.) sous le titre ; « L'enseignement de chimie au
Jardin des Apothicaires.. »
326 bulletin de la société *

grossièrement dans la cornue où étoit le romarin pour faire


réussir le changement en vert d? la couleur bleue des végétaux,
qu'il s'en étoit apperçû et qu'il s'étoit bien donné de garde de
faire part à d'autres de sa découverte, mais qu'un amateur s'en
apperçut aussi et ne se crut pas obligé au même secret que lui,
ce qui donna lieu dans la leçon suivante de désavouer cette
supercherie et d'en faire des excuses au public; qu'une décla
ration aussi formele de la part de M. Morel dont tous les confrè
res connoissent la droiture et la candeur n'avoit laissé dans les
esprits aucun nuage sur la vérité d'un fait que M. de Laplanche
avoit osé nier avec la plus entière sécurité, qu'ils s'abstenoient
de rappeler d'autres faits niés avec la même hardiesse dans ledit
libele parce qu'ils ont été suffîsament relevés dans le mémoire
présenté à la Compagnie par Messieurs nos Confrères chargés
du Cours de public de Chimie et dont lecture a été faite dans
ladite assemblée du 22 juillet, que le délai de huit jours que la
Compagnie lui avoit prescrit étant expiré dès le 29 juillet, ils
avoient attendu encore patiament pendant une seconde hui
taine et plus, que Monsieur de Laplanche vint à résipiscence,
espérant que ce nouveau délai de pure condescendance l'enga-
geroit à correspondre à la clémence dont ils usoient à son égard
et ne seroit pas pris en mauvaise part dans la Compagnie qui
ne désire rien tant que d'éviter de sévir contre ses confrères
quoique le maintien de sa discipline lui en donne le droit
lorsqu'ils s'écartent de leurs devoirs envers elle, les magistrats
ayant même confirmé par le sceau de leur autorité certaines
délibérations prises en pareil cas, qu'enfin n'ayant reçu aucune
réponse ny verbale, ny par écrit de M. de Laplanche, une pa
reille indocilité- de sa part montroit une persévérance et une
obstination qui ne pouvoient qu'indisposer de nouveau la Comp
agnie, que. dans ces circonstances, ils avoient pris le parti de
la rassembler pour statuer définitivement sur cette affaire qui
intéresse essentielement son honneur et qu'ils croioient indis
pensable de commencer par faire une nouvelle lecture de la
délibération du' 20 may dernier et de celle du 22 juillet aussi
dernier pour mettre la Compagnie à portée de terminer par
celle cy qui devient la troisième une affaire qui ne pourroit
qu'avoir les suites les- plus funestes contre le bon ordre et la
discipline du Corps si elle n'y apportoit un remède efficace qui
devient de plus en plus nécessaire par le mépris que M. de
Laplanche a fait de ses ménagements.
La matière mise en délibération, la Compagnie en persistant
dans ses délibérations des 20 may et 22 juillet, dernier, et consi-*
dérant combien il lui importe que les loix de la subordination
soient inviolablement observées par tous les membres d'un
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Corps sagement policé a arresté que M. de Laplanche n'ayant


pas satisfait à la rétractation authentique, qu'elle lui avoit im
posée sous huitaine à compter dudit jour 22 juillet dernier du
libele injurieux qu'il a publié contre elle, sera provisoirement
à compter de ce jour exclus de toutes les assemblées et privé
de toutes voix délibératives tant actives que passives jusques à
ce qu'il ait réparé de la manière qui lui sera de nouveau pres
crite l'insulte qu'il lui a faite par ledit libele, et que cependant
Messieurs les Gardes se retireront incessament par devers M. le
lieutenant général de Police à l'effet de lui faire part de toutes
les pièces relatives à cette affaire et de la présente délibération
afin d'en obtenir l'homologation en bonne forme et l'impres
sion; et néantmoins la Compagnie voulant épuiser à son égard
toutes les voies de douceur, lui accorde jusques à vendredy
inclusivement pour satisfaire à ce qui lui a été prescrit par la
susdite délibération du 22 juillet dernier et à cet effet, Mes
sieurs les Gardes auront pour agréable de lui envoyer dans !e
jour copie certifiée d'eux de la présente délibération. Fait au
Bureau les susdits jour et an que dessus et ont signés.
(Signé :) Pia, Poullain, Pia, Paris, Gillet [etc...].
[En marge :] Coppie de la délibération cy endroit a esté en
voyée par Messieurs- les Gardes et certiffiée d'eux à M. de
Laplanche le même jour 8 aoust 1763 à cinq heures de relevées.
{Archives de la Faculté de Pharmacie de Paris,
reg. 38, f 34 r°.)

1763, 31 août.

Affaire Rouelle 1.
En l'assemblée de Messieurs les anciens gardes des- Apoticai
res de Paris convoquée par billets en la manière accoutumée,
M. Demoret, premier garde, a rendu compte à la Compagnie
d'une conférence qu'il avoit eu avec M. Turgot au sujet d'un
arrest du Conseil rendu en faveur de M. Rouelle le neveu, dont
il a apporté la copie; après lecture faite dudit arrest, la Comp
agnie, d'une voix unanime, a décidé qu'il n'y avoit pas lieu de

i. Jean Rouelle, neveu de Guillaume-Fraiïçois et de Hilaire-Marin


Rouelle, fut docteur en médecine et apothicaire de Monseigneur le
duc d'Orléans. Privilégié, il devint membre du Collège de Pharmacie,
lors de sa création en 1777. Sur les listes annuelles des maîtres en
pharmacie publiées par l'Almanach Royal, il est porté « absent »,
de. 1777 à H802', sauf pendant les années 1779 et 17S0, où il demeura
rue des Saints-Pères, en face de la rue de Grenelle, près de la Croix-
Rouge.
328 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

délibérer quant à présent et ont signé. Fait au Bureau les- sus


dits jour et an que dessus.
(Signé :) Pia, Pia, Poullain, Paris [etc...].
(Ibidem, f° 35 v°.)

1763, 1er septembre. ,


Installation du mortier mécanique.
En l'assemblée de Messieurs les anciens Gardes des Apoticair
es de Paris, convoquée par billots en la manière accoutumée,
Messieurs les Gardes ont fait envisager quelques inconvénients
pour l'établissement de la machine à piler dans l'endroit indi
qué^ par la délibération du 2 juillet dernier et ont proposé de
faire cette construction dans la grande cour en entrant à main
droite attenant le petit (jardin.
La matière mise en délibération, la Compagnie a aggréé cette
proposition et a authorise Messieurs les Gardes à faire cet éta
blissement suivant les conditions portées par la susdite délibé
ration et ont signé en notre Bureau les susdits jour et an.
(Signé :) Pia, Poullain, Pia, Paris [etc...].
(A suivre.) (Ibidem, f° 36 r°.)

PROPHYLAXIE. >M. (Raphelis, de Cannes, nous fait judicieusement


observer que, sur le fac-similé du document publié à cette place dans
le dernier numéro du Bulletin, on lirait plutôt « matelats » que
« matelots ». C'est ce que nous avions lu nous-même tout d'abord,
mais une analyse marginale, écrite en même temps que le texte,
porte clairement « matelots » ; d'autre part, une note ancienne, figu
rant au dos de ladite pièce, renvoie à un rôle de l'équipage. Si le
document a été truqué, le faussaire aurait fait preuve d'une habileté
remarquable : une recherche aux Archives de la 'Marine, que nous ne
pouvons entreprendre en ce moment, fournirait peut-être des préci
sions. G.

UN INVENTAIRE DES COLLECTIONS D'ART PHARMACEUTIQUES


dans le monde entier a été entrepris par notre excellent collègue et
collaborateur, M. Haefliger, de Bâle. Prière de nous signaler toutes
collections publiques et privées de pots et mortiers, toutes vieilles
pharmacies de eouvents, hôpitaux, etc., existant encare à votre con
naissance. Ces informations seront transmises à iM. Hrcfliger par la
voie du Bulletin. G.

Le secrétaire général : E -H. Guitard.


Imprimerie Spéciale de la S. H. P., Toulouse. .

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