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Les professionnels français de la finance s’exportent bien, c’est sûr. « Ils ont toujours
été surreprésentés dans les postes à responsabilités, de Hong Kong à New York,
constate Jean-Paul Brette, directeur général du cabinet de recrutement Hudson. Cela
tient à la qualité des formations (grandes écoles d’ingénieurs et de commerce,
Dauphine, ParisTech, Paris VI et le master de Nicole El Karoui), notamment en termes
de mathématiques et de modélisation. » Un constat que confirme Philippe Altuzarra,
responsable de Goldman Sachs dans l’Hexagone : « Les Français excellent souvent
dans les banques anglo-saxonnes. Pour n’en citer que quelques-uns chez nous : pour
la zone Europe, Moyen-Orient Afrique, Yoel Zaoui dirige les activités de banque
d’affaires, Hughes Lepic, celles de ‘private equity’. Isabelle Ealet, pour sa part, dirige
toutes les activités de ‘trading’ de matières premières au niveau mondial. »
Mais l’image de la France et de ses banques est sortie renforcée par la crise. « Le
risque de précarité a toujours existé, mais c’est la faillite de Lehman Brothers qui a
ouvert les yeux des salariés des banques anglo-saxonnes, explique Jean-Paul Brette.
Ils ont pris conscience que même leur formation ou leur expérience ne les protégeaient
pas. La prise en compte de ce risque vient contrebalancer la rémunération plus
attractive que l’on peut avoir à Londres ou New York. » En outre, d’un point de vue
fiscal, « Paris est même devenu plus attractif que Londres, relève Arnaud de Bresson,
délégué général de Paris Europlace. La mise en place du régime des cadres impatriés
permet dorénavant de faire bénéficier d’allègements fiscaux les cadres étrangers qui
viennent exercer leur activité sur la place de Paris, comme les Français qui reviennent
travailler en France après une absence d’au moins cinq ans ». C’est, avec la qualité de
vie reconnue à la France, un atout important. Mais ce n’est pas le seul.
« Paris n’a perdu que 5.000 emplois entre 2007 et 2009 (selon la Fédération bancaire
française), alors que Londres a dû renoncer à 94.000 emplois (selon l’Economic
Contribution of UK Financial Services 2010) » : des chiffres qu’Arnaud de Bresson a
jugé encourageants pour l’attractivité de la place, au cours d’une conférence organisée
sur ce thème par eFinancialCareers. C’est un fait : Paris a mieux résisté que Londres
ou New York à la dernière crise. Pour autant, cela n’a pas vraiment bouleversé - du
moins pour le moment - le rapport de forces entre les deux places européennes
concurrentes. Les banques étrangères ont depuis longtemps centralisé leur direction
Emea (Europe Moyen-Orient, Afrique) à la City. Les banques étrangères laissent dans
l’Hexagone juste ce qu’il faut d’effectifs pour gérer ce marché, ou éventuellement
certains pays voisins. « Nous avons en France les activités de taux, d’actions, de
banque d’affaires, d’‘asset management’ et de banque privée, ainsi que des fonctions
de contrôle, indique Philippe Altuzarra. La France, la Belgique et le Luxembourg (au
total une centaine de personnes) forment dans l’organisation interne de Goldman Sachs
une zone intégrée. » On est encore toutefois loin des ambitions paneuropéennes de la
place de Paris.
Les banques françaises ont néanmoins une approche plus équilibrée, avec un pied de
chaque côté de la Manche. « Les équipes travaillant dans les activités de marchés sont
réparties entre Paris et Londres, rappelle Ivana Bonnet, DRH de Crédit Agricole CIB.
Le responsable de ce pôle passe d’ailleurs trois jours en France et deux jours outre-
Manche. » Chez BNP Paribas, historiquement, les activités sur actions sont basées à
Paris et les activités de taux à Londres. Néanmoins, la dynamique des embauches se
situe hors de France. Chez Société Générale par exemple, si les effectifs de la banque
d’investissement étaient, à fin 2010, à 50 % localisés dans l’Hexagone, les embauches
ont quant à elles été réalisées, pour près des trois quarts, hors de France et pour près
du tiers en Asie-Océanie.
La concurrence entre Paris et Londres ne doit en outre pas faire oublier la montée en
puissance des places asiatiques. Les banques françaises n’ont d’autre choix que
d’étoffer leurs équipes sur place. « Chez Natixis, ce sont plus de 400 recrutements qui
sont prévus à la BFI (banque de financement et d’investissement, NDLR) cette année,
confie Cécile Tricon-Bossard, DRH banque de financement et d’investissement chez
Natixis. Si près de la moitié de ces recrutements sont prévus en France, une attention
particulière est portée à l’Asie. Les effectifs devraient y augmenter de 18 % car nous
sommes en train d’y bâtir une plate-forme de marchés de capitaux. »
Avenir asiatique
Et c’est vers cet horizon que les jeunes financiers ou futurs diplômés sont en train de
regarder. « Pour les banquiers que j’ai rencontrés à New York, l’avenir est en train de
se construire en Asie, remarque Robin Rivaton, président du Club Finance Paris et
étudiant à l’ESCP Europe et à Sciences Po, actuellement en stage chez Goldman
Sachs. Toutes les activités trop réglementées en Europe et aux Etats-Unis ont
vocation à être transférées à Shanghai ou Singapour. » D’ailleurs, Hong Kong,
Singapour, Shanghai et Tokyo arrivent juste derrière Londres et New York en termes
de compétitivité, dans la dernière étude Global Financial Centres Index, commandée
par la City of London Corporation (sponsorisée cette année par le Qatar Financial
Centre Authority).
C’est sans doute le principal handicap que Paris doit lever : créer un environnement
attractif, dynamique, motivant et cosmopolite. Pourtant, de l’aveu général, la capitale
française dispose de solides atouts pour cela. « On ne peut pas s’attendre à rétablir en
six mois ce que les anglo-saxons ont bâti en vingt ans, conclut Jean-Paul Brette. Mais
des initiatives intéressantes ont commencé à être mises en place depuis quelques
années. » Paris ne s’est pas fait en un jour.
Cet article a été imprimé depuis le site www.agefi.fr
© L'Agefi - 2011