Vous êtes sur la page 1sur 102

Intimités féminines

Tessa Naime
Remerciements

A ces hommes et femmes qui ont brisé des murs, pour


s’aimer soi-même, en solitude et en silence.

A ceux et celles qui se souviennent de la Beauté


des mots-dits dans l’intimité.
A Toi, qui m’as inspiré l’Amour et ces déclinaisons
multiples, me rappelant ainsi que je ne cesserai jamais
d’écrire ce que je suis.
Avant-propos

Ceci n'est pas un recueil de poèmes, ni même


une œuvre finie. Il s'agit plutôt d'une œuvre
variante, un simple album d'émotions où
l'intimité, autant que l'extimité, se voit prise
au piège des mots.

J'écris, j'écris, j'écris..et lorsque je n'écrirai


plus,il vous restera quelque chose de Moi.
C’est la beauté de l’humain ; là où réside les secrets.
Les choses que nous cachons et qui finissent
par se perdre
dans les dimensions du cœur.

7
La mort est si proche et si étrangère à la fois.
Qu’est-ce que mourir ?

8
Ce que tu vois n'est que l'immense cachot
où mon âme est jetée...

9
Qui définit la limite entre l’immersion
et l’intrusion,
Entre le sacré et l’extrémiste,
Entre l’infini et la retenue
Entre la liberté et la censure ?

10
L’amour était multiforme, je m’en étais
convaincu.
Un coup, c’était un enfant grossier.
Un autre, un enfant noble.
Soit un homme altruiste, soit un homme
avaricieux. Parfois, c’était un animal captif,
d’autres fois un animal sauvage.
Ainsi, l’amour prenait toutes formes possibles
dans le même espace.

11
De la misère corrompt sa chair.
De la colère noircit sa peau.

12
Ce qu'il y a de beau avec l'écrivain
c'est qu'il n'aime jamais à demi-mesure.
Il n'écrit jamais à demi-mots.
Il se donne et se meurt intensément,
en toute chose.

13
Le fait qu'il y ait un seul amour que l'on associera
aux plus grandes périodes de notre vie.
Celui qui a touché à tout, qui a nui à tout, chaque
petite partie de notre être. Celui qui naît et meurt
dans chaque autre sentiment que l'on aura, dans
chaque autre circonstance.

On aime souvent, on aime tout le temps.


Mais on aime intensément qu'une fois, pas deux.
Un peu comme une collision entre deux astres :
ce n'était pas lui ni elle, mais c'était vous, à ce
moment précis.
Vous vous êtes fusionnés.

Et cette partie de toi sera à jamais en l'autre,


et cette partie de l'autre sera à jamais en Toi.

14
Lavi sé sel poézi mwen pa jan li

15
Je voudrais que le temps s’arrête à ce moment
précis, entre le coucher du soleil sur la mer
et le début du bal des criquets. Je les ai toujours haï,
pourtant je voudrais les entendre
une dernière fois…

16
De quel soleil pourrait-on bien se contenter
si ce n’est celui de la liberté ?
De quel paysage devrait-on s'émouvoir
si ce n’est celui de la résistance ?

17
Péyi la sé enmé pou ray, sé pati pou rouvin.

18
Si je pouvais me rendre au Marché du
bout de la rue pointoise, j’achèterais des
épices comme ces gens de l’Occident et
j’irais regarder au port le départ des
bateaux.

Lorsque les bateaux s’en vont, j’ai le


sentiment qu’ils emportent quelque chose
de nous, de moi, de mes ancêtres.

19
Et j’ai laissé les Ka battre si fort
dans les rues croisées.
J’ai laissé le toumblak envahir le corps des
femmes, pénétrer chaque petite cellule de leurs
membres alors que les hommes frappaient de toute
leur âme sur le tambour !

Et j’ai laissé derrière moi, les lokans des léwoz


nocturnes, là où cette voix transcendait mon esprit
torturé.

20
Un écrivain est né pour souffrir.

Il souffre des maux du Monde, des pertes


et des afflictions de l'humanité. Il regorge d'amour
manqué. Et en ce sens, il ne peut aimer qu'en
souffrant...

21
Je ne craignais pas les regards,
Non. Je ne craignais pas ces regards-là.

Mais, son regard.


Ses yeux lutteurs, vides, inexpressifs.
Son appréciation cachée.
Ce qu’il ne dira jamais.
Ce qu’il ne montrera pas.
Ce qu’il oubliera.
C’est bien là,
que mon âme s’interroge.

22
Une fois nue, je redevenais l’enfant
d’autrefois.
Les épaules froides. La poitrine modeste.
Le cœur lourd.
Et ce cœur, qui vibrait intensément.
Alors, seulement là, ma lèvre inférieure
semblait trembler.
Ce n’était plus moi la rose, la rose rouge
qui attire. J’étais chrysanthème, mon âme
ne fleurirait qu’à la fin de l’été.

23
Le corps n'a jamais été autre chose qu'un refuge
d'instants, de spasmes, de troubles et d'oublis

24
A mes am(i)e-sœurs, toujours enfants.

Notre amitié a toujours été. Et toujours, elle


sera un engagement, une entité,
une émotion volée.
Un infini de floraisons, de renaissance
et de retrouvailles.1

1
Pour Amélie et Leïla

25
Depuis, elles demeurent dernière demeure...
Elles sont Foyer et Refuge.
Elles sont Couleurs et Encres noires.
Comme des vieilles relations, celles qui sont
nourries dans une vie antérieure, et qui n'ont plus
besoin
de fleurir dans cette réalité.

26
Moi aussi, j’ai fleuri sur une île ternie
par l’amour et la violence.

L’amour m’a cueilli, la violence m’a élevé,


mais mon cœur a pris de tout et de chacun2

2
Vers inspiré du texte de Opaline, présenté à l'exposition VISAJ, de Candice
Zogo, Montréal, 2018

27
.

...Et mon âme fit halte sur cette terre humide,


comme si cette Terre m’avait tant attendu
qu’elle en avait pleuré.

28
Nous nous étions sûrement connus
dans une autre vie,
Et si seulement nous ne nous étions pas connus,
alors nous aurions enfin cette vie et bien d’autres
vies encore
pour nous connaître.

29
Ce qui m'émeut dans tes yeux, c’est le Noir.

Le noir de tes maux.

30
Rappelle-toi de cette terre.
Rappelle-toi de l’anfractuosité de ses côtes ;
de son sable noir granulant sous tes pieds
et de son sable blanc courtisant l’océan.

31
A day…

Exploring all your secret spots

Walking on your blue sea.

32
A toi mon île, j’ai consumé ta chair.
J’ai fumé tes rêves, et sur mes lèvres
J’ai eu le goût de ta fin.
J’ai bâti ma colère sur tes espoirs.
Et maintenant,
Après des croisades et des traversées,
après des périples
et des conquêtes, après les jours où je t’aime,
les jours où je t’ai haï,
mon cœur retourne à la maison.

33
J’entends tes mots, tes cris, tes guerres silencieuses.
J’entends le tambour qui résonne,
et même l’arbre qui se déracine,
Et je tombe, frappée comme lui.

34
Le miel qui te compose est si souvent amer.

35
Can I nourish your soul with all my tears?
Can I enclose your heart within all my fears?

36
Je vis, je vis, je vis… et je m'en lasse.

Mais, vivre un jour me donne l'envie de vivre plus


longtemps et toujours plus longtemps.

37
Apwé lanmou, pa ni ayen !
Pa ni pon dot solèy...

38
Les nuits sont les reflets des âmes.

Et bien qu’on leur reproche leur éphémérité,


les nuits se dessinent, prenant la forme de corps
gracieux, de fantasmes inassouvis, de romantisme
et de solitude.

39
J'avais juste envie de voir vos yeux... et maintenant
que je peux les regarder, je dois vous dire qu'ils n'ont
rien d'exceptionnels.

Ils sont vides, tristes. Mais ce que votre regard


dégage m'intrigue.

Voulez-vous du sexe ?

40
Je ne baise ni pieds, ni statues.
Mon cœur est rassasié d’histoires et de cultures
qu’ils n’auront jamais.
Mon corps n’a pas de maître, il est Maître chez lui.
Mon identité n’est pas à prendre.
Ma culture n’est pas à vendre
Je n’ai jamais eu besoin d’eux.

41
Repenser notre langage, c’est repenser notre identité
et donc notre liberté.

42
Chez moi, il y a des guillotines, des répressions,
des inégalités de richesse,
Des émeutes devant les tribunaux, des grèves de 40
jours où le pays est bloqué !
Et, chez moi je marche fièrement.
Mes pieds secouent la Terre, ma peau caresse le
soleil,
ma voix pénètre les murs.

43
Là-bas, le soleil n’est plus.

44
La nuit venue, ils sont tous là,
j’entends toutes ces voix résonner
dans le froid.
J’entends les craquements de leurs os
qui se frottent,
qui se brisent en marchant.

45
To burn the story humans wrote
and serve the sentence of my corrupt body ?

46
I'm your monster,
and your monster will never stop loving you

47
Il ne voit maintenant qu’une seule partie du Monde ;

le Monde sans moi.

48
Et lorsqu’il baisait mes hanches
de sa bouche tiède, je ressentais tout le poids
de l'amour sur mes membres...

49
C'est à cet endroit qu'on fit l'amour de multiples fois,
infatigables et toujours plus désireux.

Je ne voyais jamais sa face, tandis qu'il scrutait les


moindres détails de mon visage.

50
Nous ne partons pas à la guerre
lorsque nous aimons ; nous partons perdants
éperdus.
Nous revenons fous, et misérables.

51
Je voyais son reflet sur les murs.

Il était là,
partout, en moi, en nous, ailleurs et ici.

52
Je t’ai peut-être haï bien avant de t’aimer.
C’est là, sur les côtes d’un désir immonde
que nous avons échoué.

53
Il chatouille mon sexe de ses doigts chauds,
jusqu’à ce que j'engloutisse ses doigts.
Sa main pénètre des sentiers battus,
les sentiers du coeur.

54
J’attends que le ciel s’éclaircisse,
et qu’il n’y ait plus d’orages ou de tempêtes, car, tu
sais bien, j’ai tant marché dans l’obscurité.

55
Lorsque ses doigts effleurent mon dos,
je ressens le même frisson que la première fois ;
comme s’il n’y aura que
des premières fois

Là, et seulement là,


je sais tout ce que l’amour nous a donné.

56
Et le serpent se meut, écartant les pétales de ma
fleur.
Il s’immisce,vicieusement, entre les parois de mon
jardin.
Soudain, une source d’eau jaillit de ma terre. Un
séisme d’envie m’accable.
Une tornade d’appétence s’abat sur mon temple.

57
Cette encre de toi versée dans le Monde
Et le Monde, à jamais, s’imprégna de toi

58
Mi kras a lanmou…Mi lanmou-la, mi ! Valé’y !
Sé kras a lanmou man ni ba’w !

59
Je n’ai pas connu le Monde sans toi.

Hélas ! j’ai bien connu des gens, des poètes, des


barbares ou des incultes.

Mais le Monde dans tes yeux, celui emporté par le


fleuve de tes mots, ou celui qui se prélasse sur tes
lèvres, je ne l’ai pas connu avant Toi...

60
Le gwo ka me rendait faible, fort, mal, bien,
heureux. Il bouleversait mon intérieur,

mon moi, mon être.

61
...le dilatement de ses pupilles, le tremblement de
ses narines, l’étroitesse de son cou, la goutte de
sueur qui descendait le long de sa poitrine. Je
l’entendais même respirer, plus fort, plus vite.
Sa bouche, son haleine,
le claquement de sa langue sur son palais.
Tous ces signaux que m’envoyait son corps...

62
Ses petits soupirs,
ses sursauts d’émotions,
ses yeux mouillés ;
Toute la beauté de l’amour m’explosait au visage.

63
Kolé séré’w jistan nou pèd...

64
Son fruit murit entre mes membres.

Et moi je crie...
J'écris ses courbes quand il arrose mon lotus. Ma
langue butine son miel étranger et sans attendre, je
l'engloutis sec.

65
Le corps importe peu.
Il n'est que reliure des pages d’une vie.

66
Tu sais, mon île me semble si loin, qu’il m’arrive
d’oublier qui je suis.

67
Et ce qui me semblait être un cri,
n'était qu’une larme.

68
Je suis née voyageur.
Je ne resterai pas.
Jamais, je ne reste.
Jamais, je ne vénère l'Humain, le Beau, le Luxe.
Jamais je ne vise l’horizon.
Car, je n’existerai plus.
Tout n’est que saisons et fugues.

69
Jamais le temps n'emportera la pudeur de nos
étreintes

70
Ne l'ai-je jamais avoué,
que nos courtes ballades me hantent.

71
La violence, en moi, s’est rabattue
je suis le rosier après floraison.

72
“ Ma religion c'est l'amour ”
Je crois en l'Amour qui soigne des hommes,
et guide des peuples.

73
La vie est notre plus grand bien.

Le seul dont nous héritons, et le seul héritage qui n’a


aucune valeur à nos yeux.

74
Ils me disent : "vous êtes courageuse, vous quittez
votre île pour venir ici. "
Je ne suis pas courageuse, je suis maudite.

Maudit soit l’homme qui délaisse sa terre natale.

75
Les gens-sans-oreilles ils ne reconnaissent que
leur propre voix. Qu’ils s’exclament, si l’envie
leur prend !

Ils n’existent plus à mes yeux.

76
Il existait entre cet homme et moi le paradoxe
ultime,
une proximité et un écart,
parce que nous étions tous deux Noirs, mais Noirs
autrement.

Lui, il était le noir des Blancs ;


on l’avait adopté, acculturé, assimilé et le voilà qui
se défendait d’être ce qu’il n’est pas.

77
La Guadeloupe est une femme
que nous ne cessons jamais de courtiser.

78
...mon corps voyageait sans mon âme, lui, partait se
réfugier là-bas, elle, se cachait sur l’île de mon
enfant intérieur.

79
Si l’on devait parler d’amour,
je dirais qu’il existe deux grands moments.

Le premier moment serait, sans doute, celui où


l’on aime véritablement.
Le second, celui où l’on admet que l’on
n’aimera plus comme la première fois.

80
Je la voyais en Noir et Blanc,
version old school.
Le vécu sur ses paupières.
La mélodie sur ses lèvres noires.

81
Fanm fyè mè...tchè a’y té dous’ kon lanmè asi sab’.

82
Nous n’avions pas d’autres choix que d’écrire ce que
nous étions. Et nos récits prenaient naissance dans
tout ce qui nous entourait.

Les muses, les muses, les muses.

Et nous dégustions tout, presque goulafres, craignant


d’en perdre une miette.

83
C’est là, toute la beauté du langage
qui permet à l’abstrait d’être concret,
et permet au silence des mots d’être Musique.

84
Après nos départs, nos retours ; après nos échanges
faramineux, nos concessions illusoires, nos tristes
différences, nos maux incertains, notre souffrance
commune

- je me rendais compte que nous n’avions pas


d’autres points communs - notre liberté gâchée, nos
moments volés, nos histoires du matin, même celles
du soir…

Après cette envie de me venger, de te faire du mal,


de te bousculer ; après que l’égoïsme nous ait
bouffé, que le temps nous ait changé - si seulement il
en a eu besoin -

Je suis venu te dire que je ne t’aimais pas.

85
...Si je t’avais aimé, je n’aurais pas ressenti
ce lourd besoin de te quitter.
De t’effacer.
D’imaginer, de dessiner un monde sans toi,
un monde où tu n’aurais pas eu la chance de naître.
De construire, dans ma tête, un endroit
où nous n’aurions jamais pu nous rencontrer.

86
J’ai acheté un si beau miroir
au pays qui ne se regarde jamais

87
J’imaginais qu’elle avait été créée avec passion et
amertume

Passion, parce que tous ses détails confondus


constituaient une œuvre d’art, et amertume parce
qu’il n’y avait aucune faute et qu’en bon humain,

je me disais que les choses faites sans erreurs étaient


faites avec un mélange de tristesse, de souffrance et
de rancoeur.

88
Avec toutes les émotions du Monde,

l’Univers l’avait façonné, un peu comme un artiste


modèle son pot d’argile.

89
Et l’amour s’était déguisé en fauve malheureux,
endormi, laid. J’avais fini par prendre plus de plaisir
à la haïr

qu’à l’aimer.

90
Sous ses pieds, le sol tremblait et se confessait
de tous ses péchés !

91
Les choses les plus difficiles à ignorer étaient,
certainement, les plus significatives de notre
existence.

92
Chaque être humain est un écrivain refoulé.

93
Combien d'autres fois, je m'en irai ?
Combien d'autres fois, tu reviendras ?

94
Je ressens alors ce besoin de t’arracher
d’un corps. De te confronter à la brutalité du monde,
des maux et de mes mots.
Puis, je deviens ta barrière placentaire.
Toi, moi. Toi et Moi contre nous-mêmes.

95
Sé’w ki fè lanmou, sé’w ki méné lanmou asi latè. E
lanmou là pa mô èvè’w.

I la toujou kon difé an kann.

96
L’art a une grande âme,

un grand cœur que personne ne soupçonne.

97
Et que serait l’inspiration sans une inconnue ?

98
Avant ses yeux, il y a eu sa voix.
Les voix sont mes fétiches, je les collectionne.
J’aime entendre et me régaler de syllabes.

99
L’attention est une muse.
Elle apparaît et s’en va de façon aléatoire, jusqu’à ce
qu’il n’y ait plus grand-chose
pour la retenir...

100
Moi, je m’en vais, je ne laisse...
Je ne laisse que des souvenirs, des désaccords
et des sentences.
Je ne laisse que le bout moisi de mon cœur.
.

101
Fin…

102

Vous aimerez peut-être aussi