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livre et ses espaces « Sauver le texte de son malheur de livre » ? Presses universitaires de Paris Ouest
Presses
universitaires
de Paris
Ouest
Le livre et ses espaces | Alain Milon, Marc Perelman
« Sauver le texte
de son malheur de
livre » ?
Alain Milon
p. 173180
Texte intégral
http://books.openedition.org/pupo/488 1/11
14/07/2015 Le livre et ses espaces « Sauver le texte de son malheur de livre » ? Presses universitaires de Paris Ouest
Texte intégral
1 « SAUV ER LE TEXTE DE SON MALHEUR DE LIV RE » : ce propos de
Levinas évoqué par Blanchot dans L’Écriture du désastre
est annonciateur, non pas de l’inutilité de certains livres, ni
de la surabondance de livres, mais plutôt de l’idée que
l’espace du livre est aussi un espace de refus et un espace
d’échec. Échec du texte qui n’arrive pas à s’affirmer devant
le livre, échec du livre qui comprend vite ses lacunes devant
le texte.
2 Mais, pourquoi aborder la question du texte pour traiter le
livre sous ses espaces multiples ? Le texte ne faitil pas, par
nature, partie intégrante du livre ? En son temps, Artaud
posait la même question dans une lettre de janvier 1948 :
« une page blanche pour séparer le texte du livre qui est fini
de tout le grouillement du Bardo qui apparaît dans les
limbes de l’électrochoc... ». Si le texte demande à être
sauvé du livre, c’est aussi parce que le livre n’est pas encore
tout à fait œuvre tant qu’il n’a pas pu trouver un lecteur
pour le lire. Avant cela, il n’est rien, non pas que le texte ait
besoin physiquement d’un lecteur, mais tout simplement
parce que la lecture, comme le fait remarquer Blanchot
dans L’Espace littéraire, est d’abord un acte d’écriture qui
confirme la nécessité d’un lien intime sans lequel, ni le livre,
ni le texte, ni le lecteur, ni l’auteur n’existent. Le texte est
d’abord un lieu qui rend possible le dialogue entre le lecteur
et l’écrivain, et c’est en tant que tel qu’il confirme la
présence d’une œuvre dont tout le monde sait, le lecteur
comme l’auteur, qu’elle n’appartient à personne. En lisant,
le lecteur fabrique le texte, en écrivant l’auteur se demande
si un texte est seulement possible. L’espace du texte est
d’abord ce lieu de possibilité qui, d’un côté, interroge
l’œuvre sur ses singularités, de l’autre, lui montre qu’elle
n’est qu’un amas de mots plus ou moins bien agencés.
3 A priori, le texte existe dans et par le livre. Pourtant, il
existe des situations où le livre ne porte aucun texte (sans
parler évidemment des livres d’images). Mais on peut
renverser la question et se demander s’il existe des textes
sans livre ? Oui, diront tous ceux qui estiment qu’un texte
est une forme ébauchée, en puissance et à venir d’un livre,
le remaniement d’un texte par exemple. Non, répondront
http://books.openedition.org/pupo/488 2/11
14/07/2015 Le livre et ses espaces « Sauver le texte de son malheur de livre » ? Presses universitaires de Paris Ouest
comme lieu de l’événementiel qui tue le livre et l’empêche
d’être texte pour finir comme simple segment de marché.
Plus de livre, parce que plus de textes, parce que trop de
livres ! Situation inquiétante de segments de marché qui se
renvoient à la figure leur même incapacité à s’affirmer
comme texte. En envisageant le texte comme un espace de
refus, les conséquences sont dramatiques car elles
condamnent tous les liens futurs avec le livre. Mais n’estce
pas ce qu’annonce le livre, à savoir le refus de la venue du
texte comme espace de possible, livre qui, lui, ne reformule
que des certitudes et des évidences ?
Notes
1. Si l’on reprend les catégories de DELEUZE Gilles et de GUA T T A RI Félix
dans Qu’estce que la philosophie ?, Paris, Les Éditions de Minuit, 1991
(chap. VII), l’affect se définit comme un devenir qui déborde celui qui
passe par eux, et le percept comme un ensemble de perceptions
indépendant de celui qui l’éprouve.
2. Voir MILON Alain, « Maurice Blanchot, lecteur de René Char ? », in
Blanchot de proche en proche, HOPPENOT Éric (sous la direction de),
Paris, Éd. Complicités, 2006.
3. Id., « La fabrication de l’écriture à l’épreuve du temps », in
L’Épreuve du temps chez Maurice Blanchot, HOPPENOT Éric (sous la
direction de), Paris, Éd. Complicités, 2006.
Auteur
Alain Milon
MILON Alain
Professeur des Universités en philosophieesthétique, Université Paris
10. Membre du CréartPhi. Travaille sur le corps, corps de la ville, corps
de la langue.
Derniers ouvrages publiés :
L’Art de la conversation, Paris, PUF, « Perspectives critiques », 1999.
L’Étranger dans la ville. Du rap au graff mural, Paris, PUF, « Sociologie
d’aujourd’hui », 1999.
La Valeur de l’information : entre dette et don. Critique de l’économie
de l’information, Paris, PUF, « Sociologie d’aujourd’hui », 1999.
Contours de lumière : les territoires éclatés de Rozelaar Green, Paris,
Draeger, 2002.
L’Écriture de soi : ce lointain intérieur. Moments d’hospitalité littéraire
autour d’Antonin Artaud, La Versanne, Encre Marine, 2005.
http://books.openedition.org/pupo/488 10/11
14/07/2015 Le livre et ses espaces « Sauver le texte de son malheur de livre » ? Presses universitaires de Paris Ouest
autour d’Antonin Artaud, La Versanne, Encre Marine, 2005.
Réalité virtuelle. Avec ou sans le corps, Paris, Autrement, 2005.
© Presses universitaires de Paris Ouest, 2007
Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540
Référence électronique du chapitre
MILON, Alain. « Sauver le texte de son malheur de livre » ? In : Le
livre et ses espaces [en ligne]. Nanterre : Presses universitaires de
Paris Ouest, 2007 (généré le 14 juillet 2015). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pupo/488>. ISBN : 9782821826915.
Référence électronique du livre
MILON, Alain (dir.) ; PERELMAN, Marc (dir.). Le livre et ses espaces.
Nouvelle édition [en ligne]. Nanterre : Presses universitaires de Paris
Ouest, 2007 (généré le 14 juillet 2015). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pupo/453>. ISBN : 9782821826915.
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