Le relativisme culturel ● Exemple pour illustrer cette thèse :

◦ En mai 1958, des manifestations à Alger prétendent « rassembler

● Thèse : Il n’y pas de critère universel du bien et du mal : les des foules de toutes les origines sous les plis du drapeau tricolore
jugements sur le bien et le mal sont relatifs à un contexte particulier. pour démontrer à la métropole leur volonté unanime de rester
françaises »1
● Pour bien comprendre cette thèse : ◦ « [Une photographie de presse de l’une de ses manifestations]
• Hérodote (Ve siècle avant notre ère) est surnommé « le père de provoque aujourd'hui le malaise : une femme aux yeux baissé, au
l’Histoire » car il a été l’un des premiers à chercher à raconter sourire crispé, applaudissait alors que deux femmes
fidèlement les événements passés. Les récits de ses voyages font « européennes » lui ôtaient son haïk en souriant. »
également de lui l’un des premiers géographes. ➢ Pour quelle raison à votre avis les deux femmes européennes
➢ Pourquoi selon vous Hérodote est-il aussi considéré comme retirent le voile de cette femme ? Quel est le symbole de ce
l’un des premiers défenseurs du relativisme culturel ? « dévoilement » ?
• Montaigne (XVIe siècle) affirme que « chacun appelle barbarie ce ➢ Pourquoi ce geste de dévoilement peut-il être considéré
qui ne fait pas partie de ses usages. Car il est vrai que nous comme une forme d’ethnocentrisme ?
n’avons pas d’autres critères pour la vérité et la raison que les
exemples que nous observons et les idées et les usages qui ont
cours dans le pays où nous vivons. C’est là que se trouve,
pensons-nous, la religion parfaite, le gouvernement parfait,
l’usage parfait et incomparable pour toutes choses. » (Essais, I,
30).
➢ Lorsque nous découvrons une culture différente de la nôtre,
pourquoi avons-nous tendance à considérer que ce que nous
faisons est normal et que ce sont les autres qui n’agissent pas
normalement ?
➢ Donnez quelques exemples qui montrent que nous avons
tendance à nous considérer comme les civilisés et à juger les
autres de barbares. À quel exemple Montaigne peut-il penser à
son époque ?
• Lévi-Strauss (XXe siècle) défend l’idée que nous voyons le monde
à travers le filtre de notre propre culture (c’est un biais cognitif)
de sorte que les jugements sur le bien et le mal ont tendance à
être des jugements ethnocentriques. ● Application à d’autres cas d’éthique appliquée :
➢ Lévi-Strauss voit notamment dans l'idée de Progrès une • Choisir au minimum trois cas parmi cette liste et préciser quelle
manifestation de l'ethnocentrisme. Qu’est-ce qui permet de position le relativisme culturel aurait tendance à adopter à propos
dire cela d’après vous ? de ces cas :
➢ Pourquoi les termes de “pays sous-développé”, de “société ➢ la fidélité en amour, l'avortement, l'euthanasie, les inégalités
primitive”, de “civilisation inférieure” ont-ils tendance à ne économiques et sociales, la consommation de viande, le mariage
plus être utilisés ? homosexuel, l'adoption d'un enfant par un couple homosexuel, la
peine de mort, la corrida

1 Texte cité par Malika Raha dans « Les manifestations de mai 1958 en Algérie ou l’impossible expression d’une
opinion publique “musulmane ” ».
Source : <https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01316093/document>
 Les morales de la sensibilité
• Thèse : une connaissance du bien et du mal est possible grâce
à certains sentiments.

• Pour bien comprendre cette thèse :

◦ Rousseau affirme que, à travers le sentiment naturel de

pitié, nous faisons l’expérience d'une proximité avec
autrui et d'une commune vulnérabilité qui nous permet
véritablement de nous mettre à la place des autres et
d'adopter un point de vue moral qui nous fait dépasser nos
simples intérêts égoïstes.

« La pitié, disposition convenable à des êtres aussi faibles, et sujets à

autant de maux que nous le sommes [est une] vertu d'autant plus
universelle et d'autant plus utile à l'homme qu'elle précède en lui
l'usage de toute réflexion, et si naturelle que les bêtes mêmes en
donnent quelquefois des signes sensibles (…) [D]e cette seule qualité
découlent toutes les vertus sociales (…) la générosité, la clémence,
l'humanité ». → Rousseau défend une morale naturelle fondée sur le sentiment de la
Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes
pitié, par lequel je m'identifie à autrui. La pitié est la source de la
moralité chez l'homme.
• Nous avons naturellement une sensibilité à notre propre
souffrance qui nous la fait considérer comme un mal et le fait
• Exemples :
de l'éviter comme un bien.
◦ Dans le film La Haine, de
• Nous avons une disposition à l'empathie qui nous rend
Mathieu Kassovitz (1995),
capable de nous mettre à la place d'autrui et de saisir ce qu'il
Vinz renonce à tuer un jeune
ressent.
skinhead parce qu'il voit sa
• Par conséquent, il y a en nous des facultés, de l'ordre de la
victime apeurée, blessée,
sensibilité, qui nous permettent de saisir que la souffrance
fragile. Ce n'est pas une
d'autrui et un mal, et que l'éviter est un bien. Ces facultés
réflexion morale qui l'empêche de le tuer, mais c'est la
nous permettent de saisir ce qui est bien et ce qui est mal.
fragilité de l'autre qui désarme le meurtrier.
 ◦ Extrait à regarder : https://www.youtube.com/watch? • Objections possibles auxquelles il faudrait essayer de
v=XD7EBugIYpA répondre :
◦ Ma sensibilité ne peut-elle pas être trompeuse et conduire à
privilégier ce qui me touche personnellement ? Elle peut
◦ Dans le film Moi, Daniel donc me conduire à des mauvais choix. Exemple du cochon
Blake de Ken Loach (2016), Esther.
un menuisier anglais de 59 ◦ La sensibilité n'est-elle pas subjective et différente selon les
ans, Daniel Blake se retrouve, individus ? Dans ce cas, comment se mettre d'accord sur ce
après nu accident cardiaque, qu'il faut faire ?
dans l'incapacité de travaille. ◦ Dans certains cas complexes, la morale de la sensibilité ne
Mais il se heurte à un système permet pas toujours de trancher.
social devenu absurde qui lui
réclame de chercher malgré
tout un emploi. Il se lie
d'amitié avec Katie, une jeune
mère qui élève seule ses
enfants, sans argent, sans
emploi, elle aussi confrontée à
des exigences administratives absurdes. Tous deux
chercheront à prendre soin l'un de l'autre en s'opposant à la
froide raison de l'administration.
◦ Extrait à regarder : https://www.youtube.com/watch?
v=wKCfeU8Wv8k.

• Application à d'autres cas d'éthiques appliqués :

◦ Choisir au minimum trois cas parmi cette liste et préciser
quelle position la morale de la sensibilité aurait tendance à
adopter à propos de ces cas :
◦ la prostitution, la pornographie, l'euthanasie, la guerre, la
torture, les inégalités économiques et sociales, l'aide
humanitaire, la consommation de viande, les expériences
scientifiques sur les animaux, la peine de mort, la corrida.
 Les morales des principes « Les impératifs hypothétiques représentent la nécessité pratique
(on parle aussi de déontologisme, qui vient du grec deon, le devoir) d'une action possible, considérée comme moyen d'arriver à quelque
autre chose que l'on veut (ou du moins qu'il est possible qu’on veuille)
• Thèse : une connaissance du bien et du mal est possible grâce (…) Si l'action n'est bonne que comme moyen pour quelque autre
à la réflexion sur les principes de nos choix. chose, l'impératif est hypothétique ; si elle est représentée comme
bonne en soi (…) le principe qui la détermine est alors l'impératif
• Pour Kant, afin de savoir ce qui est bien et ce qui est mal, il catégorique ».
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs.
suffit de vérifier que le principe qui guide notre action est
réellement moral.
• La réflexion sur les principes de nos choix nous permet de • Le critère de la moralité réside dans le motif même de notre
saisir ce qui est bien et ce qui est mal. choix (dans l'intention) : ce choix est-il la poursuite d'un certain
intérêt (égoïste ou non) ? Ou bien ce choix est-il guidé par le
• Il y a en nous une faculté, de l'ordre de la rationalité, qui
respect du devoir moral ?
nous permet de saisir ce qui est bien et ce qui est mal.
• Une action peut sembler morale, mais si elle est guidée par un
intérêt, elle n'est pas réellement une action morale. Pour que
• C'est une morale de l'autonomie : nous pouvons par nous-
l'action soit morale, il faut agir par devoir, et non pas
mêmes savoir ce que nous devons faire. Nous n'avons pas
simplement conformément au devoir.
besoin d'une autorité extérieure : il suffit de faire usage de
notre raison. ◦ Quels exemples peut-on donner d'une action qui semble
morale, mais qui, en fait, est guidée par l’intérêt ?
1/ Ce principe n'est pas la
simple recherche d'un 2/ Ce principe passe le test
intérêt. La réflexion sur les d'universalisation.
principes de nos choix doit « Agis uniquement d'après la
nous conduire à distinguer maxime qui fait que tu
les principes moraux, des puisses vouloir en même
principes qui expriment la temps qu'elle devienne une
simple recherche d'un loi universelle ».
intérêt. Lorsque j'agis en
vue d'un simple intérêt, Exemple d'universalisatio
j'agis d'après un impératif n:
hypothétique (si je veux • Le mensonge : si le
réussir mon bac, je dois mensonge est
travailler). universalisé, plus personne ne peut faire confiance en la parole
Lorsque j'agis moralement, j'agis d'après un impératif catégorique. d'autrui, ce qui rend impossible le mensonge. Donc il est
immoral de mentir.
• La tricherie : si la triche est universalisée, les examens ne
certifient plus la réalité d'un certain niveau de connaissance, ce
qui rend impossible les examens, et donc impossible la
tricherie aux examens.
→ Le mal consiste ici dans le fait de s'accorder un droit d'exception à
une règle, tout en voulant que les autres la respectent. Une action est
moralement acceptable est au contraire une action universalisable :
je peux accepter que les autres accomplissent également cette action.
3/Ce principe respecte la dignité des êtres humains
« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta
personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps
comme une fin, et jamais simplement comme un moyen ».
→ Les êtres humains ont une valeur et non un prix. Cette valeur
intrinsèque est constitutive de la dignité de chaque personne : on ne
peut réduire la personne au statut d'une chose disponible et
échangeable. La dignité de la personne repose sur son autonomie : sur
sa capacité à se poser par elle-même ses propres fins (buts).
• Exemples : dans le film
Elephant Man (de David
Lynch, 1980), le
chirurgien Frederick
Treves découvre un
homme complètement
défiguré et difforme,
devenu une attraction de
foire : John Merrick, « le monstre », qui doit son nom
d'Elephant Man au terrible accident que subit sa mère,
renversée par un éléphant alors qu'elle était enceinte de quelques
mois. Impressionné par de telles difformités, le Dr. Treves
achète Merrick, l'arrachant ainsi à la violence de son
propriétaire, et à l'humiliation quotidienne d'être mis en
spectacle. Le chirurgien découvre rapidement en Merrick un
homme meurtri, intelligent et doté d'une grande sensibilité, qui
demande à être considéré comme un être humain.
• Extrait à regarder : https://www.youtube.com/watch?
v=S28DXj2RVKo
• Application à d'autres cas d'éthiques appliqués :
◦ Choisir au minimum trois cas parmi cette liste et préciser
quelle position la morale de la sensibilité aurait tendance à
adopter à propos de ces cas :
◦ La prostitution, la pornographie, la fidélité en amour,
l'avortement, l'euthanasie, la gestation pour autrui (« mères
porteuses »), la torture, les inégalités économiques et
sociales, la consommation de viande, les expériences
scientifiques sur les animaux, les drogues, la peine de mort.
• Objections possibles auxquelles il faudrait essayer de
répondre :
◦ D'abord, comment savoir si une action est morale c'est-à-
dire est vraiment faite par devoir et non conformément
au devoir ? Comment savoir si mes intentions ne sont pas
toujours intéressée ?
◦ Est-ce si simple de détermine où se trouve mon devoir ?
Est-ce qu'il n'y a pas un risque d'interprétations différentes
du devoir ?
 L’utilitarisme
● Thèse : Pour parvenir à mieux saisir ce qui est bien et ce qui est mal,
nous devons faire usage de notre raison afin de réfléchir aux
conséquences de nos choix.
● Pour bien comprendre cette thèse :
• Bentham affirme que pour saisir ce qui est bien et ce qui est mal,
nous devons faire un calcul objectif, global et impartial des
conséquences de nos choix sur le bonheur des individus. Notre
devoir moral est de faire en sorte de maximiser le bonheur et de
minimiser les malheurs pour le plus grand nombre.
• Texte de Bentham (Introduction aux principes de la morale et de
la législation, chap. IV) :
« Additionnez toutes les valeurs de l'ensemble des plaisirs d'un côté, et celles
de l'ensemble des peines de l'autre. Si la balance penche du côté du plaisir, elle
indiquera la bonne tendance générale de l'acte, du point de vue des intérêts de
telle personne individuelle ; si elle penche du côté de la peine, elle indiquera la
mauvaise tendance générale de l'acte. Tenez compte du nombre de personnes
dont les intérêts semblent en jeu ; et réitérez le procédé précédent pour chacune
d'entre elles. Additionnez les nombres qui expriment les degrés de la bonne
tendance qu'un acte possède du point de vue de chaque individu pour lequel sa
tendance est globalement bonne ; recommencez à propos de chaque individu pour
lequel sa tendance globale est mauvaise. Faites le bilan ; si la balance penche du
côté du plaisir, elle indiquera la bonne tendance générale de l'acte, compte tenu du
nombre total ou de la communauté des individus concernés ; si elle penche du
côté de la peine, elle indiquera la mauvaise tendance générale de l'acte, compte
tenu de cette même communauté. »
➢ Nous appliquons rarement un tel calcul pour prendre des
décisions. Qu’avons-nous tendance à faire ? Qu’est-ce qui nous
guide dans nos choix ? Pourquoi faudrait-il privilégier une
méthode rationnelle de calcul des conséquences ?
● Exemples :
◦ Nous imaginons parfois les conséquences que pourrait avoir telle
ou telle décision, mais nous pouvons nous tromper : il faudrait au
contraire parvenir à dépasser ses impressions premières et
procéder à un calcul objectif des conséquences. Pour mieux
comprendre cette idée, travaillez sur l’une de ces deux études de
cas :
➢ Selon vous, quelles sont les conséquences possibles de l’adoption
d’un enfant par un couple homosexuel ? Qu’en est-il en réalité ?
(cf. document 1)
➢ Selon vous, quelles sont les conséquences possibles des « salles de
shoot » ? Qu’en est-il en réalité ? (cf. document 2)
◦ Nous avons souvent tendance à n’envisager que les conséquences
pour nous et nos proches, mais est-ce vraiment moral ? Il faudrait
plutôt envisager globalement les conséquences de nos décisions
sur tous les êtres concernés qui peuvent en ressentir les effets.
Pour mieux comprendre cette idée, travaillez sur l’une de ces deux
études de cas :
➢ D’un point de vue global, quelles sont les conséquences de la
consommation de la viande ? (cf. document 3)
➢ [plus difficile] D’un point de vue global, quelles sont les
conséquences de la manière dont nous dépensons ordinairement
notre argent ? (cf. document 4)
● Application à d’autres cas d’éthique appliquée :
• Choisir au minimum trois cas parmi cette liste et préciser quelle
position l’utilitarisme aurait tendance à adopter à propos de ces
cas :
➢ La prostitution, la pornographie, la fidélité en amour, l’avortement,
l’euthanasie, la gestation pour autrui (les mères porteuses), la guerre,
l’usage de la violence pour s’opposer à une loi, la torture, les
inégalités économiques et sociales, l’aide humanitaire, le clonage, le
mariage homosexuel, l’adoption d’un enfant par un couple
homosexuel, la peine de mort, l’usage des biotechnologies pour
améliorer l’être humain, la corrida, les migrations
● Objections possibles auxquelles il faudrait essayer de répondre :
• L’objection du calcul impossible : l’utilitarisme rend le choix moral
dépendant d'un calcul complexe des conséquences. Ce calcul
n'est-il pas trop difficile à faire ? Qu'est-ce qui permet de dire
qu'on a suffisamment calculé les conséquences et que l'on peut
maintenant agir ?
• L’objection du sacrifice : l’utilitarisme semble traiter l'individu
comme un simple paramètre dans un calcul, paramètre qui du
coup peut devenir négligeable, ou que l’on peut sacrifier, étant
donné que seul le bilan global compte.
• L’objection des vertiges de l’impartialité : l’utilitarisme conduit à
une morale impartiale très exigeante qui interdit d’accorder plus
de valeur à soi, à ses proches. Mais cela n’implique-t-il pas un
altruisme extraordinaire ?