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Michael Foessel
Illusion cosmologique expérimentée dans le conflit entre des thèses contradictoires mais véraces sur le
monde. Les antinomies rendent nécessaire le questionnement transcendantal dont le résultat n’est pas
une nouvelle conception du monde, mais le désaveu définitif d’un monde en soi (concept de monde =
idée régulatrice).
Corpus : A partir de la Critique I. Le thème du monde est très présent dans l’œuvre pré-critique mais il
est traité comme thème et non comme instance de mise à l’épreuve de la rationalité (= ne plus
envisager cosmologiquement le monde, comme un objet représentable selon les procédures
« normales » de l’entendement).
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Trois aspects de l’équivoque de l’idée de monde :
Les thèses et antithèses peuvent être établies « par des preuves également
Equivoque de l’idée de
lumineuses et irrésistibles » = deux concepts du monde contradictoires et
monde par rapport à
présentant toutes les apparences de la nécessité logique.
son mode de production
C’est le scandale d’une raison partagée entre des thèses adverses qui
par la raison
incite la critique à réfléchir sur les limites du savoir rationnel.
dogmatique : thèse et
Structure antinomique
antithèse
Critique du langage de la métaphysique : l’idée de monde ne signifie
EQUIVOQUE
rien, puisqu’elle réunit sous un même terme deux significations
MÉTAPHYSIQUE
inconciliables : le phénomène et l’inconditionné.
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Peut-on parler du monde comme d’une idée régulatrice au sens de l’idée psychologique (le moi) ou de
l’idéal transcendantal (Dieu) ? OU : le paradigme de l’expérience possible se substitue-t-il purement et
simplement au mirage cosmologique ?
Le principe des cosmologies = articuler le monde en une hiérarchie de plans ou de degrés d’être où
l’homme s’ajoute à l’ordre général de la nature tout en dépendant de lui. Or le propos le plus
explicite de Kant est de distinguer entre des sphères de validité ontologiquement distinctes parce
que circonscrites, soit par les concepts de la nature, soit par la liberté. Mais pourquoi user du
langage cosmo de la causalité dans les deux cas (liberté comme causalité 1 ère) ?
A. Le transcendantal et le monde
Deux types d’approches transcendantales irréductibles l’une à l’autre :
- Le criticisme
- La phénoménologie
Le transcendantal n’est pas à l’origine de toute validité d’être (affirmation kantienne constante). Le
transcendantal = le résultat d’une abstraction à partir de la connaissance effective (principe formel) : la
différence transcendantal / empirique n’appartient qu’à la critique des connaissances.
« Transcendantal ne signifie jamais une relation de notre connaissance aux choses, mais
uniquement une relation à la faculté de connaître » (Prolégomènes). Fonction critique et négative,
non ontologique : ne permet pas de déterminer les choses telles qu’elles sont, mais seulement telles
qu’elles apparaissent et se produisent. Hiatus entre être et apparaître (cf. Krisis d’Husserl :
reconduction d’une dualité entre sensible et intellectuel, renoncement à l’accès aux choses en soi ;
l’unité du monde demeure obscure à la pensée critique, impossibilité pour la critique de penser l’unité
dans la différence, l’unité de l’être et du paraître). Signe de ce refus kantien de placer le
transcendantal en position d’origine = affirmation constante de la précédence de l’empirique
dans toute constitution de sens. Ex : l’unité originaire de l’aperception reste tributaire d’une donnée
sensible (« le je pense doit pouvoir accompagner toutes mes représentations ») : forme vide de l’unité
synthétique, il demeure en attente de contenu empirique = évidemment de la subjectivité comme
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simple fonction logique d’unification. Dilemme de la philosophie critique : ou bien j’ai conscience
du Je pense, mais ce n’est pas une connaissance, ou bien je « connais » le moi, mais simplement
comme phénomène de la nature. Le criticisme demeure aveugle à la conscience transcendantale
comme activité de constitution du monde. La transcendance ne peut jamais y être comprise comme
l’ouverture d’un sujet à son horizon total, le monde. Le refus de poser la question de l’origine pour
elle-même peut se lire dans la définition dogmatique du monde comme « ensemble qui comprend tous
les phénomènes » ou « totalité des objets de l’expérience sensible » : monde comme totalité déjà
existante. Monde = résultante toujours inachevée des actes synthétiques de l’entendement.
Pas de place pour le thème du monde en tant qu’il est, précisément, ce qui échappant à l’objectivité, ne
fait jamais face à un sujet. En se limitant à élucider l’être de l’objet, la philosophie kantienne se
détournerait irrémédiablement de toute perspective cosmologique.
Dans l’Analytique des principes, la pensée critique dénonce la vacuité du questionnement sur l’origine
du monde sensible = recherche superflue du point de vue d’une théorie de la connaissance (en plus
d’être une illusion de la raison spéculative).
Analytique, 2ème analogie de l’expérience : Lorsque le surgissement d’un événement « est considéré
comme l’effet d’une cause étrangère, il s’appelle création, création qui ne peut être admise comme
événement parmi les phénomènes, puisque sa simple possibilité supprimerait déjà l’unité de
l’expérience ». Surgissement absolu dans le temps (instabilité dans le cours de la nature) ≠ de
production causale (régularité naturelle).
Kant dénonce les risques de l’intrusion d’un thème théologique dans le discours de la science + montre
que la causalité même, transcendentalement comprise, est incompatible avec le concept de création, et
ce en vertu du principe de permanence de la substance (1ère analogie de l’expérience) qui confère au
champ de l’expérience sa consistance, sa stabilité. Selon ce principe, « toute transformation des
phénomènes n’est que changement » = distance infranchissable entre production causale et création ex
nihilo ; ø génération absolue de la substance). La causalité est conditionnée (alors que la création serait
arbitraire). « Tout ce qui arrive suppose quelque chose à quoi il succède d’après une règle » (2ème
analogie).
Contre les apories créationnistes, Kant oppose une logique de l’événement intramondain. Il est
impossible de tenir un discours objectif sur la création du monde comme événement, car la
représentation transcendantale du principe de causalité est le préalable à toute rencontre
d’événement en tant que tel. La raison est dépossédée de son pouvoir d’accès à l’origine : la
création est un non-événement.
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même. En renonçant à identifier création et causalité, Kant entend aussi rompre avec l’image du
Dieu artisan.
Reformulation du principe de raison suffisante (cf. LEIBNIZ) dans les termes d’une analytique de
l’expérience : « le principe de raison suffisante est donc le fondement de toute expérience possible,
c'est-à-dire de la connaissance objective des phénomènes au point de vue de leur rapport dans la
succession du temps ». Ce fondement logique n’est donc accessible qu’à l’intérieur de l’expérience.
L’inconditionné est infondé, et doit le demeurer pour être authentiquement absolu. Limitation du
principe de raison suffisante à la sphère de l’objectivité. Encore une fois, l’objectivité court-circuite
l’interrogation cosmologique.
Causalité et cosmologie
La déduction des principes de l’entendement coïncide avec la réduction du monde à une série réglée
de rapports intramondains. Causalité objective = sur le sol phénoménal des causes « dans le monde ».
En vertu des principes dynamiques, on dira que l’opération transcendantale permet de ramener
le monde aux dimensions d’une nature. La question de savoir « comment la nature est elle-même
possible » est explicitement désignée par Kant comme « le point le plus élevé que puisse jamais
atteindre la philosophie transcendantale ». La possibilité de la nature = légalité de l’entendement ;
l’origine du monde = problème métaphysique de la création. Or la nature = « enchainement des
phénomènes, quant à leur existence, d’après des règles nécessaires, c'est-à-dire d’après des lois ». La
science de la nature ne sera pas une progression dans l’intérieur des choses. D’où la conclusion
anticosmologique de l’Analytique des Principes : la philosophie transcendantale procède à la
neutralisation de l’existence du monde sous la clause restrictive de l’expérience possible.
Précédence de la donation empirique : comment en effet régresser en deçà du monde donné vers son
origine si l’expérience, donc la sphère du sens, présuppose un donné empirique que seule l’application
des catégories viendra déterminer ?
Ex de l’appréhension d’une maison et celle du mouvement d’un bateau d’amont en aval d’un fleuve.
La présence de l’objet ne devient permanence (ou effet) que sous la condition d’un donné
empirique, c'est-à-dire temporel. Or toute pensée cosmothéologique présuppose la possibilité de
s’élever par la pensée de l’être-là du monde à son commencement temporel.
Est-il sûr que l’analytique de l’objectivité kantienne se rend aveugle au monde dans sa spécificité ? La
phénoménologie partage avec Kant la thèse selon laquelle le monde ne peut être conçu comme
objet. La Critique a montré que l’application au monde des catégories objectives mène à la
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contradiction de la raison avec elle-même. Le monde est précisément reconnu comme ce qui se
soustrait à l’objectivité. Kant dénonce le dogmatisme de l’entendement commun et rejoint ici la
critique heidegerienne selon laquelle « à force de voir la multiplicité des étants, l’entendement courant
ne voit pas le monde ». Il y aurait encore une place pour la donation, en deçà des limites tracées par
l’entendement = possibilité d’une manifestation prélogique, que Kant aurait ignorée. Or, justement, la
Dialectique n’est-elle que le résultat négatif de l’Analytique ? Ne trouve-t-on pas, au fondement
de la critique de la métaphysique, une réflexion sur le monde de donation irréductible de l’idée
et de ce qui, en elle, transgresse la donation d’objet ?
Le monde est une idée qui fait plus qu’exhiber les limites de l’objectivation : elle fournit le socle à
partir duquel la raison devient accessible (parce que les antinomies nécessitent le criticisme). Mais il
est sûr que la renonciation au thème cosmologique ≠ abandon de tout questionnement sur le
monde : la cosmologie rationnelle n’épuise pas le discours philosophique sur le monde : le procès
par lequel Kant se libère du mirage du monde est aussi celui par lequel il accède
progressivement à la conscience de sa propre pensée. Le problème du monde n’est plus résolu dans
un savoir mais devient le témoin de l’accession laborieuse à la problématique transcendantale. Il
fallait perdre le monde comme objet pour en faire une instance révélante de la raison elle-même.
« C’est cette Antinomie qui m’a d’abord réveillé de mon sommeil dogmatique et m’a conduit à la
critique de la raison pure elle-même afin de supprimer le scandale de la contradiction apparente de la
raison avec elle-même » (Correspondance).
Ce sont les impasses cosmologiques qui ont mis Kant sur la voie du tournant transcendantal. Le point
de départ serait constitué par l’impossibilité de déterminer rationnellement le monde, et c’est à
partir de là que l’objectivité s’imposerait comme critère du discours philosophique.
L’antinomie se déploie de part en part dans la sphère de la rationalité pure dont elle exhibe de manière
immanente les contradictions = brèche dans le discours de la métaphysique à partir de laquelle le
discours critique peut se constituer.
Kant laisse parler la métaphysique jusqu’au moment où elle parle contre elle-même. Procédé
apagogique des thèses et antithèses : destruction mutuelle, anéantissement de l’adversaire en le
ramenant à l’irrationalité de la contradiction (réduction au silence). Violence faite à la logique +
violence de la logique : la métaphysique est violente dès lors qu’elle institue la logique formelle,
critère seulement négatif de la vérité, en organon de tout savoir. Négation du caractère intuitif de
toute connaissance objective, règne de l’arbitraire logique.
L’erreur logique des métaphysiciens = laisser dans l’ombre le statut épistémologique de leur objet,
c'est-à-dire la réalité qu’il vise à travers le concept de monde.
La méthode sceptique vise à exhiber la tension interne entre l’instance énonciative (la raison) et la
forme de ses énonciations. Elle conduit à l’instauration d’une réflexion inédite sur la condition de
rationalité (et non nouvelle conception du monde). Antinomie (au singulier) = le conflit entre les lois
de la raisons pure.
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L’Antinomie, c'est-à-dire la contradiction de la raison avec elle-même, est « le plus étrange
phénomène de la raison humaine » (Prolégomènes). A partir d’elle devient possible une remise en
cause de la métaphysique.
1) PRIMAT GÉNÉTIQUE de l’Antinomie dans l’élaboration de la Critique
2) PRIMAT SYSTÉMATIQUE de l’illusion dans la découverte de la spécificité de la raison
(la raison n’apparaît qu’à la faveur des illusions qu’elle produit)
Raison et entendement = deux facultés difficiles à isoler l’une de l’autre du fait de leur homologie
structurelle = deux formes de la spontanéité intellectuelle. Toutefois raison et entendement se
distinguent par leurs procédures logiques : dans le jugement, l’entendement unifie des
représentations ; dans le syllogisme, la raison les universalise. Malgré leur différence de nature,
jugement et syllogisme renvoient à une même fonction logique de relation. Or l’illusion métaphysique
confond l’unité subjective et synthétique avec l’unité objective et totalisante, et « cherche à mener
l’unité synthétique qui est pensée dans la catégorie jusqu’à l’absolument inconditionné ». Dans
l’Antinomie, la raison fonctionne donc comme l’entendement, mais sans l’expérience, et elle
n’apparaît que sur le fond de cette privation. Les antinomies ne sont pas le lieu de l’opposition entre
entendement et raison ; la « raison impure » n’est autre que l’entendement oublieux de ses limites.
Comme la raison n’apparaît qu’au travers de ce conflit entre ses lois, il faut en conclure que la
différence entre la raison et l’entendement n’est accessible que négativement, c'est-à-dire par l’examen
des conséquences funestes liées à leur confusion.
Risque sceptique = risque de résorption du phénomène dans l’apparence (// dogmatisme : ramène
l’équivoque à l’univoque).
La raison ne se livre donc que dans un fait et la critique est l’approfondissement de ce fait et de ses
conditions de possibilité. Le fait antinomique désigne la ratio cognoscendi de la raison pure, le
phénomène non intuitif à partir duquel s’attestent aussi bien sa spécificité que l’illégitimité de ses
prétentions objectivantes. Dans quelle mesure est-il légitime de conclure de ce premier « fait de la
raison » à la factualité de la raison elle-même ?
Il n’existe aucun fondement objectif de la validité des Idées, mais seulement une quasi-fondation
de leur légitimité à partir de leur origine subjective. C’est au titre de sa nature que la raison sombre
dans l’illusion. Double fonction de la référence à la nature :
1) Implique la légalité des raisonnements. Illégitime, et pourtant légale, l’illusion transcendantale
est de part en part naturelle.
2) Désigne le caractère subjectif de la rationalité : « l’illusion naturelle » repose elle-même sur
des principes subjectifs et les donne pour des principes objectifs.
Le monde n’est pas un objet élargi aux dimensions de l’infini, mais une structure qui révèle la
conflictualité interne à la raison. « Thèses et antithèses peuvent être l’une et l’autre établies par des
preuves également lumineuses et irrésistibles » (Prolégomènes). Dans l’Antinomie, la Raison est
équivoque : elle parle d’une voix égale aussi bien en faveur des thèses que des antithèses. C’est
pourquoi l’intérêt subjectif de la raison est tout d’abord seul en mesure de décider pour la thèse
ou l’antithèse, sans que cette décision ne remette en cause l’incertitude objective relativement à
l’essence du monde.
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Le principe de la solution des antinomies est le dualisme chose/phénomène. On a beaucoup
critiqué Kant sur le recours à la chose en soi ; or la chose en soi n’est pas tant une réalité qu’une
nécessité : la différence entre le phénomène et la chose en soi n’est pas dogmatiquement affirmée,
mais négativement déduite « afin de résoudre les contradictions qui découlent de leur coïncidence ».
Ce ne sont pas des entités logiquement distinctes, mais des significations indispensables au maintien
de la rationalité comme telle = c'est-à-dire, nécessaire pour sortir de l’Antinomie. Structure révélante
mais équivoque de la rationalité, l’Antinomie cosmologique constitue ainsi le modus probandi du
partage entre l’intelligible et le sensible.
L’idéalisme transcendantal est lié à l’équivoque du monde. Illusion = confusion entre la donation
sensible, sérielle et partielle du monde et la présence intelligible du monde en sa totalité. Pour que
cette illusion soit possible, il faut bien que le monde ne se livre que dans l’équivoque, c'est-à-dire
dans l’apparence de la totalité. C’est là la spécificité de sa genèse par rapport aux autres objets de la
métaphysique spéciale.
Que signifie, pour une idée de la raison, le fait de ne se donner qu’à l’occasion d’une donnée
sensible ? Comment comprendre qu’une idée transcendantale s’inscrive dans l’immanence ?
Monde et donation
Défini comme totalité de la synthèse empirique, le monde n’a de réalité que dans notre esprit. Ni objet
déterminé, ni chose en soi, le monde est pourtant « donné empiriquement » à travers la série des
synthèses empiriques qui le constituent. La spécificité de l’idée de monde est liée à sa genèse
empirique et à son type de donation.
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NB : que quelque chose soit donné = condition de possibilité d’une intuition quelconque, intuition qui
est la norme à laquelle se mesure l’accomplissement de toute connaissance. Pourquoi parler de
donation plutot que de donné (réceptivité) ? = pour suggérer un certain dynamisme : donation dit non
seulement la présence d’un objet à la sensibilité, mais aussi la manière subjective dont cet objet se
donne.
C’est précisément la manière dont le phénomène est donné qui vient au 1 er plan dans la
réfutation de la cosmologie rationnelle. C’est dans le mode de donation de l’ « objet » cosmologique
que s’ancre la possibilité de l’illusion.
Formulation du paralogisme cosmologique : « Quand le conditionné est donné, est aussi donnée la
série entière de toutes ses conditions ; or les objets des sens nous sont donnés comme conditionnés ;
donc, etc. ». Le concept de « totalité » nait d’une objectivation illusoire de la série temporelle.
Ainsi, dans la 1ère antinomie, le partisan de la thèse (qui défend la finitude temporelle du monde)
confond le fondement du monde avec son origine : il conclut de son usage du principe de raison à
l’existence d’un commencement absolu du monde. « Une série infinie écoulée dans le monde est
impossible, partant un commencement du monde est une condition nécessaire de son existence ». Le
problème du commencement est spécifiquement cosmologique = il apparaît à l’occasion de la
régression du conditionné vers la condition absolue. Le métaphysicien intellectualiste (partisan de la
thèse) et le métaphysicien empiriste (de l’antithèse) font une présupposition exorbitante : ce qui
semble être une remontée vers une chose inconnue (la condition inconditionnée du monde) n’est
jamais que l’explicitation de cette chose déjà présente = pré-décision. La cosmologie rationnelle part
de l’idée de totalité absolue des conditions au lieu de tenter d’y aboutir ; elle se la donne (sous la
forme logique de la présupposition) et cette structure métaphysique de la donation occulte la
forme de la donation sensible. Usage préjudiciel de la catégorie de totalité.
Finitude du monde :
- Indexe cette finitude sur l’indéfinité des synthèses régressives par lesquelles le sujet
appréhende les phénomènes
- Dérive cette finitude du mode de donation temporel du sensible
La finitude du monde est fonction de celle du sujet dans le monde. C’est en rapport au monde
subjectif de donation du phénomène que le monde s’annonce comme éfini ».
VS alternative infinité et finité réelles, Kant refuse la conception cartésienne de l’indéfinité de l’espace
(« point de raison pour laquelle on puisse prouver qu’il a des bornes », Descartes, lettre à Chanut du 6
juin)/ rompt avec le modèle créationniste. Pour Descartes, l’indéfinité est liée à l’incompréhensibilité
de Dieu. Pour Kant, le problème de la grandeur du monde du soi est purement et simplement vide
de sens ; dans un cadre athéologique, la finitude du monde est déduite des conditions subjectives de
l’appréhension des phénomènes = au niveau de la perception, du mode de donation des phénomènes.
La série, concept clé de toute la critique anticosmologique, n’est en réalité que le résultat d’une
synthèse temporelle qui ruine les processus d’idéalisation du monde. Aucune perception ne serait
possible sans une synthèse temporelle. C’est donc la structure transcendantale de la perception, et non
simplement sa réalité factuelle et empirique, qui s’oppose à la constitution d’un concept métaphysique
de monde.
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L’équivoque du monde : entre idée et réalité
C’est seulement dans le cas du monde que la raison a affaire directement avec la série sensible
qu’elle tente (désespérément) de totaliser. Ce n’est pas le monde qui est donné, mais la « synthèse
empirique » à partir de laquelle la cosmologie rationnelle prétend édifier une science rationnelle.
Autant la psychologie et la théologie rationnelles se définissent par un excès de l’idéal sur le réel,
autant l’idée de monde se définit par un excès du réel empirique sur l’idéal. Pour l’âme et Dieu, la
distance de ces idées au réel phénoménal constitue la meilleure garantie de la validité de leur usage
régulateur. Il en va autrement du monde qui nous est bel et bien donné – mais partiellement,
temporellement – dans l’expérience et dont l’idéalité est seconde.
Le monde ne se trouve nulle part en dehors de l’idée, dit Kant : il ne se réfère pas à ce dehors radical
de l’idée qu’est la perception sensible, mais à la chose en soi comme dehors de l’idée.
Le monde est donc équivoque car il semble désigner deux choses : une idée et une réalité. Comme
idée, il ne signifie absolument rien : l’idée de monde n’a aucun objet sensible qui lui corresponde, elle
n’a pas non plus d’idéat, puisqu’aucune représentation intellectuelle ne lui est adéquate. Elle n’a pas
plus de réalité qu’un mirage. L’idée de monde est vidée de toute consistance (aussi bien logique que
transcendantale) du fait de l’immanence de son « objet ». Il ne suffit pas de dire qu’elle n’est jamais
donnée dans l’expérience, comme c’est le cas pour toute idée, mais il faut dire que son objet n’est
même pas donné dans l’idée, puisqu’il implique contradiction. Ce n’est pas tant qu’en réalisant
l’idée de monde on pense mal, c’est qu’on ne pense rien du tout. Les énoncés de la cosmologie
traditionnelle reposent sur un concept contradictoire : parler « d’un monde en soi donné » est aussi
absurde que de parler d’un « cercle carré ».
Dans L’Appendice à la Dialectique transcendantale : « Rien ne nous empêche d’admettre aussi ces
idées comme objectives et hypostatiques, à l’exception de l’idée cosmologique, où la raison se heurte
à une antinomie quand elle veut la réaliser (l’idée psychologique et l’idée théologique ne contiennent
aucune antinomie de ce genre ». Les idées d’âme et de Dieu sont les « analogues d’un schème », qui
ne permettent pas de constituer un objet, mais orientent la détermination de l’expérience dans le sens
de son achèvement. Impossibilité de conférer au monde une valeur régulatrice stricto sensu (la sphère
de l’idéalité se dessine toujours en excès par rapport au monde). Caractère atopique de l’idée de
monde, à l’intersection de l’idéalité et de la synthèse empirique = conséquence de l’équivoque de la
donation. Le monde n’est jamais donné dans l’idée, mais seulement, de manière toujours partielle,
dans la synthèse de l’appréhension.
Spécificité du monde à l’intérieur des idées rationnelles ? Projet d’une systématisation des idées,
progression hiérarchisant le triple rapport qui se trouve dans toutes nos représentations : 1/ Rapport au
sujet qui les pense, 2/ Rapport entre les objets que ces représentations désignent comme phénomènes,
3/ Rapport à toutes les choses en général. Le monde = moyen terme idéal d’un syllogisme
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récapitulatif ? Dans la Critique de la raison pratique, la triade devient : Dieu, la liberté, l’immortalité.
Doctrine du monde = doctrine de la liberté ?
Logique de substitution : puisque le monde n’accède jamais au rang de pure idéalité, il faut, pour
réaliser l’unité présomptive de la métaphysique, sortir de l’équivoque et substituer au monde une idée
(l’idée de liberté) qui, tout en la transgressant, trouve son origine dans la cosmologie rationnelle. Le
monde doit sortir de l’équivoque où il se donne afin d’accéder au statut d’idée régulatrice, sans
lequel la métaphysique se verrait irrémédiablement privée d’unité. Déplacement du sens du
monde vers la liberté.
Incompatibilité entre monde et idée régulatrice = pourtant Kant consacre un chapitre au « principe
régulateur de la raison pure par rapport aux idées cosmologiques ». Comme les autres, l’idée de
monde signifierait la transcendance de la raison par rapport à l’expérience : puisque le monde
sensible ne peut réaliser en son sein la requête que ne cesse de lui adresser la raison, il faudrait
poser un monde intelligible comme principe et fondement de sa réalité. Pourtant, Kant ne parle
pas de monde intelligible NI d’une idée régulatrice du monde…
Le principe régulateur cosmologique ne porte aucun contenu, il définit une « règle qui, dans la série
des conditions des phénomènes donnés, impose une réflexion à laquelle il n’est jamais permis de
s’arrêter dans un inconditionné absolu ». En deçà de toute affirmation ontologique, le principe
régulateur relève de la méthode qui « ne peut pas dire ce qu’est l’objet, mais comment il faut instituer
la régression empirique ». C’est un principe d’inachèvement de l’expérience. Impossibilité
d’anticiper = impossibilité de conclure d’une donnée phénoménale présente à la série entière de ce qui
la conditionne. Précarité de toute perception qui, pour ne se donner jamais seule, ne se donne pas non
plus absolument, c'est-à-dire avec la somme intégrale de ses réquisits.
C’est un postulat plutôt qu’un axiome (critique de la mathesis universalis comme modèle du savoir).
Les axiomes sont des « principes synthétiques a priori » immédiatement certains qui confèrent à la
démonstration un caractère d’évidence ; propres aux mathématiques. Un postulat n’est porteur d’ø
évidence, ne confère aucune visibilité au concept qu’il pose : le postulat de la régression indéfinie dans
la série mondaine ne fait pas paraître le monde : il pose seulement la régression comme possible.
Le monde ≠ l’horizon. Horizon : « cercle qui circonscrit tous les objets que nous pouvons voir ».
Principe d’anticipation et d’organisation de tous les vécus subjectifs. Ne laisse pas de place à
l’imprévu phénoménal, l’horizon ramène l’inconnu au connu.
Idée régulatrice chez Kant = principe d’orientation, d’anticipation qui circonscrit par avance le sens
de ce qui est donné, ouvre l’horizon d’une objectivité possible. Deux sens de « régulateur » ; dualité
du régulateur :
1) L’instance régulatrice indique que « l’expérience ne se suffit pas à elle-même ni à la raison,
mais ne cesse de s’étendre donc de s’écarter d’elle même ». cf. monde. Régulateur sans idée =
principe cosmologique dont l’idéalisation est difficile. Usage négatif : circonscrire et limiter
l’efficience des catégories de l’entendement.
2) L’idée régulatrice « est la représentation du tout, pour autant qu’elle précède nécessairement la
déterminations des parties. Cf. Dieu et l’âme. Détermination vers l’achèvement de l’idée
transcendantale (garantie de l’unité systématique). Usage positif : orienter l’expérience dans le
sens de son achèvement.
Donc :
Seul l’idéal transcendantal permet de dépasser le sens primitif du principe régulateur
cosmologique, en renvoyant l’inachèvement du monde sensible à un fondement intelligible.
« Relève » du monde en Dieu.
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Kant ne conçoit la subsomption du monde sous l’idée de Dieu que du point de vue de la
connaissance du monde. « La nature n’est proprement que l’unique objet donné par rapport
auquel la raison a besoin de principes régulateurs ». Evacué comme objet métaphysique par
l’idéal théologique, le monde constitue néanmoins l’unique référent d’une métaphysique
rénovée.
La distinction du phénomène et de la chose en soi ne suffit pas à énoncer la solution des antinomies
dynamiques : il faut ajouter à ce principe la possibilité de penser une relation de conditionnalité entre
les choses en soi et les phénomènes. L’erreur des thèses et antithèses dynamiques = confondre l’ordre
des phénomènes et celui des existant.
Mais : la séparation entre phénomène et existence ne reprend-t-elle pas, en dépit des assurances
anti-ontologiques de Kant, le geste métaphysique par excellence qui distingue l’apparaître des
choses de leur réalité effective ? Les principes dynamiques ne contreviennent-ils pas à la dépendance
du criticisme par rapport à une théorie de la phénoménalité sensible ?
Qu'est-ce que l’introduction des principes dynamiques implique pour le concept de monde ? Processus
de déplacement et de réinvestissement du sens nécessaire à l’unité de la métaphysique : « dans la
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pensée de Kant, l’attribution de la liberté à la causalité première {dans la résolution de la 3 ème
antinomie} implique un double décalage du problème cosmologique, d’une part dans le domaine de la
psychologie, d’autre part dans le domaine de la théologie ». Incapable de supporter une
signification univoque, le monde doit être ramené à une sphère de sens distincte de lui, qu’il
s’agisse de l’âme (psychologique) ou de Dieu (théologique). Plus précisément, le rôle que le
« monde » ne pouvait tenir (moyen terme entre les idées de la raison) revient à la « nature » dont
le concept central, celui de légalité, permet d’aménager un passage du sensible à l’intelligible. La
transition du mathématique au dynamique, c'est-à-dire du phénomène à l’existant qui se trouve en lui,
constitue bien la solution kantienne à l’équivoque du monde : la reconquête d’une forme
d’idéalité sur le sensible.
L’inconditionné ne peut plus être placé qu’en dehors du monde sensible. L’idée devient
« transcendante » et non plus seulement cosmologique = libération d’un espace pour une
métaphysique rénovée.
Dans la « Remarque finale sur toute l’antinomie de la raison pure », Kant confirme que les synthèses
dynamiques initient un dépassement du problème cosmologique à l’intérieur de la cosmologie elle-
même. « Pas » hors du conditionné rendu possible par la 4ème antinomie (Dieu) : qu'est-ce qui
distingue ce « pas » légitime du « saut périlleux » qui a toujours caractérisé les tentatives
dogmatiques ?
4ème idée cosmologique construite sur le concept de « nécessité » (« être nécessaire dans le monde »).
La nécessité est une catégorie de la modalité : elle ne désigne pas une propriété de la chose, mais le
rapport qui s’établit entre la représentation de la chose et l’entendement. Or, s’il existe, l’être
nécessaire est extramondain et sa détermination exige une rupture complète ave la série du monde
sensible. Les concepts absolutisés ne peuvent plus prétendre à l’objectivité. Kant destitue la raison de
ses prétentions totalisantes. L’intelligible est « hors du monde » ; et pour éclairer cette transcendance
obscrure, nous ne disposons paradoxalement que des catégories qui nous servent à décrire le monde.
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Le monde est le thème légitime de toute prédication, y compris théologique. Dépossédé, dans la
critique de la cosmologie, de caractéristique objective, il demeure néanmoins le seul référent du
discours métaphysique.
La réforme kantienne de la métaphysique ne repose aucunement sur un partage harmonieux où le
monde serait réduit à son fonction transcendantale (comme nature) et où Dieu incarnerait à lui seul
l’idéal de rationalité. Du point de vue théologique, « la nécessité inconditionnée dont nous avons si
indispensablement besoin comme de l’ultime support de toute chose est le véritable abîme de la raison
humaine ». Le monde nous invite à un passage qu’il nous interdit. D’où le texte célèbre des
Prolégomènes où Kant marque les limites indépassables de toute régression cosmothéologique :
« Qu’un être, que nous nous représentons comme le plus élevé entre tous les
êtres possibles, se dise en quelque sorte à lui-même : Je suis d’éternité en
éternité (…) Mais d’où suis-je donc ? Ici tout s’écroule au-dessous de nous
et la plus grande perfection, comme la plus petite, flotte sans soutien
simplement devant la raison spéculaire à laquelle il ne coûte rien de faire
disparaître l’une et l’autre sans le moindre empêchement ».
= Kant met en scène l’être nécessaire qui se pose la question de sa propre origine. Abyssale. Vs causa
sui : impossibilité de déterminer (conditionner) l’absolu sur le mode des choses dans le monde.
Critique du langage de l’ontologie. L’interdit ontothéologique ne porte pas tant sur l’existence
d’un fondement intelligible que sur sa détermination. Résultat des antinomies > interdit de céder à
l’illusion d’une objectivité du suprasensible.
La critique de la cosmologie n’est pas sans conséquences sur la théologie transcendantale et l’unité de
la métaphysique, même symbolisée dans l’idéal théologique, reste nécessairement présomptive. Dieu
ne désigne pas le lieu où l’énigme du monde est résolue. Refus de rendre compte du monde tel qu’il se
donne à partir d’un horizon métaphysique : « athéisme de la perception » (Granel). Nous ne saisirons
véritablement la persistance de l’équivoque du monde qu’en franchissant le pas qui sépare la
philosophie théorique de la philosophie pratique. Substitution de l’idée de liberté à celle de monde.
Dans quelle mesure la liberté dépend encore d’une conceptualité cosmologique ?
Monde et liberté
Importance de l’ancrage cosmologique de l’idée de liberté : atteste que celle-ci prend sa source dans
un conflit interne à la raison.
3ème section des Fondements de la métaphysique des mœurs : « Les impératifs catégoriques sont
possibles du fait que l’Idée de liberté fait de moi un membre d’un monde intelligible ». Coordination
de l’idée de monde et de l’idée de liberté : c’est par l’appartenance du sujet au monde intelligible que
la synthèse pratique se voit transcendentalement justifiée, et cette appartenance est elle-même déduite
de la présence en l’homme de l’idée de liberté. Sens pratique conféré au monde intelligible.
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Dans les Fondements, qu'est-ce qui justifie le recours au concept de « monde intelligible » ? Depuis la
fin de la 2ème section, Kant est à la recherche d’un principe qui justifie la réalité de la loi morale conçue
comme synthèse pratique entre volonté et devoir. La synthèse pratique ne peut se réaliser que dans
l’intelligible puisqu’elle unifie deux instances nouménales ; la liberté et la loi. « Posture fâcheuse » de
la philosophie pratique qui ne peut trouver « ni dans le ciel ni sur la terre, quelque chose à quoi se
rattacher ou sur quoi s’appuyer ». Ce rapport entre la loi et la volonté est synthétique :
pratiquement, l’obligation ne se trouve analytiquement comprise dans aucun vouloir - il y
faudra toujours une synthèse, donc un acte, qui associe la liberté à la loi.
- Point de vue moral : rapport entre un être raisonnable fini et la loi ; perspective
déontologique. Ordre moral et langage de la loi.
- Point de vue pratique : pouvoir de la raison et capacité à inscrire sa nécessité morale dans une
causalité suprasensible. Ordre ontologique et langage de la liberté.
Autonomie : projet d’un être fini soucieux d’agir moralement + fait d’une raison pratique en lequel
s’atteste son pouvoir déterminant. Le point de vue pratique = une perspective théorique sur la morale.
L’attention à la loi, au devoir ou au commandement ne peut faire l’économie d’une réflexion théorique
sur l’autonomie de la raison et ses pouvoirs.
En réalité, et surtout avec la Critique de la raison pratique, l’idée d’un monde intelligible apparaît
comme une simple nécessité de la représentation : ce n’est rien de plus que la seule manière pour la
raison théorique de se représenter le pouvoir insondable de la liberté pratique. Théorie kantienne des
postulats (cf. il faut postuler Dieu pour se représenter l’irreprésentable, c'est-à-dire le pouvoir effectif
de la loi, la liberté). Le « monde intelligible », et avec lui l’ensemble des concepts cosmologiques,
perd toutes les vertus d’un fondement réel, et ce dès la Critique de la raison pratique. Il est
impossible de rendre compte du formalisme kantien comme d’un reliquat platonicien. Le monde
intelligible (comme la chose en soi) fonde sans expliquer, il relève de la seule nécessité de penser et
perd tous les attributs d’un support ontologique. A fortiori, il n’est pas un fondement réel, capable de
rendre raison des modes d’apparaître qu’il fonde.
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Le monde dans l’antinomie de la raison pratique
Dans la Dialectique de la raison pratique, Kant met en scène une synthèse problématique, celle du
« souverain bien », qui réunit les deux éléments hétérogènes que sont la vertu et le bonheur. Si la
nécessité de réaliser l’unité entre la vertu et le bonheur est introduite par la loi morale elle-même =
exigence d’accomplissement ; la volonté pure veut le souverain bien. Conflit interne à la raison (et non
opposition entre l’intelligible et le sensible, entre l’exigence de détermination rationnelle et la
résistance que lui oppose le monde). La raison pratique recherche l’inconditionné, c'est-à-dire le
souverain bien. Opposition entre bonheur et vertu (deux réalités transcendantales) comparable à
l’opposition entre liberté et nature dans la 3 ème antinomie. L’antinomie est pratique parce qu’elle
oppose un impératif moral (réaliser le souverain bien) et une connaissance théorique (le déterminisme
naturel).
Souverain bien = exigence immanente à agir. Question en jeu : rapport pouvoir/vouloir. Kant élève
le caractère problématique du rapport entre la raison et le sensible à la question de l’accord entre la
raison pratique et la raison théorique. La raison pratique a affaire à un donné irrécusable, le « fait de la
raison » qui commande la réalisation du souverain bien (ne peut être déduit). Elle est obligée
d’admettre « comme une offre lui venant d’ailleurs et qui n’a pas poussé sur son sol ». La
considération de l’être ne sort pas indemne de la position du devoir être ; le primat de la pratique
est la réponse au problème posé par l’antinomie : celui de l’unité de la raison.
Stratégie de Kant : déplacer la question de son ancrage réel (opposition monde intelligible et monde
sensible) vers son expression idéale sous la forme des « intérêts » concurrents de la raison). Pour sortir
de l’antinomie, il faut la retraduire en des termes immanents à la raison.
C’est l’instance cosmologique qui est en jeu dans l’antinomie et non tel ou tel concept déterminé du
monde. Cette instance = le lieu où la raison, confrontée à son autre sensible, se trouve en quelque sorte
écartelée entre l’exigence de tout connaître et le fait de l’autodétermination pratique. Pour sortir de
l’antinomie, il ne sert à rien de constituer un concept idéal du monde en lequel ces deux
exigences seraient réconciliées, il vaut mieux établir la procédure suivant laquelle la raison cesse
de se contredire en se limitant.
Le problème de l’unité de la raison par-delà la diversité de ses usages se trouve investi dans la théorie
des postulats : immortalité de l’âme, Dieu, liberté. Absence de l’idée de monde : le postulat n’est pas
posé régressivement mais affirmés en fonction d’une fin poursuivie par la raison pratique. La
démarche est symétrique à celle, régressive, de la raison cosmologique : on ne cherche plus à
fonder pour connaître, mais à présupposer pour agir. L’exigence pratique permet donc de donner
de la réalité objective aux idées de la raison pure spéculative. La théorie des postulats constitue le
socle d’un discours théorique, et même métaphysique, conditionné par l’existence d’un devoir, celui
de réaliser l’union de la vertu et du bonheur. Aucune référence à la cosmologie rationnelle ; la liberté
n’est pas cosmologique : elle est postulée dans la loi morale. Je dois croire que cette liberté influera
sur le monde. « Je veux qu’il y ait un Dieu, que mon existence en ce monde soit encore, en dehors de
la connexion naturelle, une existence dans un monde purement intelligible, enfin que ma durée soit
infinie ». Le monde intelligible n’a ni réalité substantielle, ni pertinence quant à la fondation de la
moralité. De la réalité de la liberté à celle du « monde intelligible », la conséquence demeure bonne,
mais la liberté n’est plus une donnée métaphysique – seulement le postulat d’une raison pratique
confrontée à son propre fait.
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l’immortalité de l’âme), sans qu’il ne soit plus guère question du monde comme d’un thème propre à
une discipline autonome de la métaphysique spéciale.
Du providentialisme au cosmopolitique
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