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L'énonciation, une idée française

Émile Benveniste (1902-1976), élève d’Antoine Meillet, a enseigné à l’École pratique des hautes études, puis, à
partir de 1937, au Collège de France. Spécialiste de la grammaire des langues indo-européennes, Benveniste
devient ensuite un théoricien qui, loin de tout formalisme, cherche à comprendre comment se produit le sens
dans le discours ordinaire. Son approche reste structuraliste, mais il s’agit pour lui de sortir de l’analyse des
règles de la langue pour prendre en compte les situations, les personnes qui parlent, bref ce que les Anglo-
Saxons appellent « performance ». Pour cela, Benveniste travaille à distinguer le « discours », ou le « texte », de
la « phrase ». Un discours n’est pas une superphrase, c’est un « énoncé » et un énoncé a un auteur : quelqu’un
parle. C’est ainsi que Benveniste pose les bases d’une nouvelle linguistique, celle de l’« énonciation » qui, par
exemple, va s’intéresser de près au jeu des pronoms, des démonstratifs, des marques temporelles. Ces mots ont
en commun de dépendre d’un « sujet » énonciateur : le contenu du pronom « je » dépend de qui le prononce et
comment il le fait ; le contenu du mot « demain » dépend du jour où l’énonciateur parle, etc.Encore une fois, ce
développement se produit aussi en Angleterre, dans la philosophie du langage de John Austin. Mais Benveniste
ne lui doit rien. Cette sensibilité aux faits contextuels, volontairement négligés par la linguistique saussurienne et
par tous les formalistes ultérieurs, vaudra à Benveniste de dialoguer avec les anthropologues (il fonde la revue
L’Homme avec Claude Lévi-Strauss), ainsi qu’avec les philosophes et les historiens des sociétés anciennes. « Le
discours, écrit-il, c’est le langage mis en action. » Benveniste est à l’origine de la création d’une école d’analyse
du discours encore très active en France en 2007.
Nicolas Journet

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