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GÉRARD ISRAËL
JÉRUSALEM,
LA SAINTE
© ODILE JACOB, MAI 2001
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-7412-3
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À ma femme, dont la coopération
constante, bienveillante et souriante
m’a été des plus précieuses.
PROLOGUE
La Jérusalem céleste
La quête du pouvoir
« La Nuit du destin »
L’APPEL DU CORAN
3. Mahomet est alors âgé de quarante ans. Nous sommes en l’an 610 de
l’ère chrétienne.
4. Sourate 34, verset 28.
SOUS LA BANNIÈRE DE L ’ ISLAM 25
5. Sira 106.
26 JÉRUSALEM , LA SAINTE
LE ROI DE SALEM
peuple qui sera aussi nombreux que les étoiles du ciel, il convient
également qu’il soit investi de la fonction sacerdotale pour que
précisément, comme l’annonce le roi de Salem, toutes les
nations de la terre soient bénies en lui ; la bénédiction étant l’acte
sacerdotal par excellence.
Mille ans plus tard, le roi David chantera dans les psaumes
ce même pouvoir sacerdotal qui sera celui d’Abraham : « En
Judée Dieu est connu, en Israël grand est son nom ; sa tente s’est
fixée à Salem et sa demeure à Sion 10. » Et même, faisant allusion
à la venue du Messie d’Israël, le psalmiste proclame : « Dieu l’a
juré, il ne s’en dédira pas : Tu es prêtre à jamais selon l’ordre de
Melkitsedek 11. »
Mais le roi de Salem est aussi « roi de justice » et même
« ange de paix ». Il est considéré par la tradition juive comme un
prêtre céleste, comme un archange. Il apporte la paix dans la jus-
tice.
La tradition principale de l’islam, celle des sunnites, ne
mentionne guère cette onction sacerdotale d’Abraham et ne se
saisit pratiquement pas du personnage extraordinaire qui s’est
spontanément porté à la rencontre d’Abraham. L’important pour
la religion initiée par Mahomet est la diffusion de la vérité telle
qu’elle s’accomplit par les engendrements et la conquête. Le Pro-
phète de l’islam lui-même ne détient ni ne revendique la fonction
de prêtre. Le rapport à Dieu qu’il institue est direct, sans sacrali-
sation… La pureté suffit pour approcher Dieu. Certes, à cet
égard, judaïsme et islam restent très proches. Mais, précisément
à Jérusalem, dans le Sanctuaire sacré, les prêtres ont une fonc-
tion sacralisante en ce sens qu’ils sont responsables de l’exécu-
tion des sacrifices, mission qui ne peut être accomplie que par
eux, les sacrificateurs, les cohen, investis d’un pouvoir spécial.
Apparemment, Mahomet n’a pas voulu « capter », du récit
biblique, l’aspect sacerdotal qui l’aurait peut-être détourné de
son éminence comme Messager de la parole et conquérant de la
foi : la reconnaissance du Nom divin, la prière et l’aumône suffi-
sent à mettre l’homme en état de reconnaître l’Unique, le Miséri-
cordieux.
Il reste un domaine qui, dans l’intervention du roi de Salem,
a pu être riche d’enseignement pour Mahomet lui-même.
12. Ces citations sont tirées de Légende hébraïque de Melkisedeq, titre sous
lequel a été reconstitué un texte trouvé à Qoumran dans la grotte n° 11 des
manuscrits de la mer Morte. Voir La Bible, écrits intertestamentaires, Biblio-
thèque de la Pléiade, Gallimard éd. Paris 1987.
32 JÉRUSALEM , LA SAINTE
LE MONT DU SACRIFICE
Le passage à Jérusalem
18. La Hadith : II, 406. La Hadith conserve ce que Mahomet a dit et ce que
l’on disait de lui.
38 JÉRUSALEM , LA SAINTE
LE VOYAGE NOCTURNE
21. À l’inverse de cette conception, il faut remarquer que, dans une note à
sa traduction de la sourate XVII, Jacques Berque rapporte le commentaire d’un
théologien musulman (Sayyid Qutb) selon lequel le Prophète lui-même n’aurait
pas considéré son trajet comme un miracle confirmant sa prédiction.
22. D’après la Sira qui rapporte le récit de Ibn Ishaq. Voir Roger Caratini,
Mahomet, Criterion éd., 1996.
40 JÉRUSALEM , LA SAINTE
QUITTER LA MECQUE ?
Mahomet a déjà cinquante ans. Il prêche depuis une dizaine
d’années et se rend compte que ses disciples convaincus ne sont
guère qu’au nombre d’une centaine. De plus, Khadidja, son
épouse, son inspiratrice, celle qui a reconnu son élection en 619,
vient de mourir. Quant aux habitants de La Mecque, ils manifes-
tent à l’égard du Messager une hostilité de tous les jours se tra-
duisant par des vexations et surtout une indifférence totale au
contenu de la parole du Prophète. Il fallait quitter La Mecque et
se tourner vers un centre plus accueillant. À moins de deux cents
kilomètres au nord se trouvait un point de rassemblement des
caravanes qui assuraient notamment les relations avec la Syrie.
Nommée Yathrib, cette bourgade devait par la suite être connue
sous le nom de Médine.
La décision de Mahomet était difficile à prendre. Elle signi-
fiait l’échec de sa prédication aux habitants de La Mecque mais
elle était promesse de renouveau, d’autant plus que le Prophète
espérait trouver, ailleurs qu’à La Mecque, le soutien de tribus
nouvelles et surtout celui des juifs. En s’éloignant de la Kaba,
Mahomet prenait un risque, quitter le lieu qu’il avait lui-même
instauré comme celui de la parole divine, celui en lequel il avait
pour la première fois reconnu l’ange Gabriel. Les adversaires de
Mahomet n’allaient-ils pas lui dire qu’il s’était finalement éloigné
de son Inspirateur, Allah ? Et surtout n’abandonnait-il pas à
d’autres le culte de la Kaba, ce lieu de prières n’allait-il pas rester
éternellement voué au culte des trois cent soixante idoles ?
Comme Abraham, jadis, Mahomet choisit de partir, de
quitter les siens et accompagné de fidèles, d’aller ailleurs, plus
loin dans l’espace. Ce mouvement, cette mise en route, qui eut
lieu à la fin de l’été 622, s’est révélé comme fondateur. La rupture
consommée avec les incrédules ouvrait une nouvelle ère :
l’hégire, l’an I de l’islam.
SOUS LA BANNIÈRE DE L ’ ISLAM 43
LA KABA PURIFIÉE
La grande chevauchée
29. Joël, 4, 2.
52 JÉRUSALEM , LA SAINTE
30. Dans toute l’histoire de l’islam, seulement vingt personnalités ont reçu
ce titre. Moabiya fut le premier à se le voir conférer.
SOUS LA BANNIÈRE DE L ’ ISLAM 57
AL AQSA ET CORDOUE
LE RÉVEIL DE BYZANCE
LA GUERRE SAINTE
32. Cité par David Ben Gourion in Destins d’Israël, Hachette, 1967.
33. Ce terme désigne les Romains. Jusqu’à aujourd’hui, ce concept vise les
chrétiens.
68 JÉRUSALEM , LA SAINTE
La sublime croisade
34. Cité par Régine Pernoud in Richard Cœur de lion, Fayard, 1988.
72 JÉRUSALEM , LA SAINTE
35. D’après la chronique arabe citée par René Grousset, L’Épopée des croi-
sades, Plon, 1934.
36. Cité par Daniel-Rops in « L’Église de la cathédrale et de la croisade »,
op. cit.
SOUS LA BANNIÈRE DE L ’ ISLAM 73
37. D’après la chronique arabe citée par René Grousset, L’Épopée des croi-
sades, Plon, 1939.
38. Cité par Benoist-Méchin in « Fréderic de Hohenstauffen, ou le rêve
excommunié », Librairie académique, Perrin, 1983.
78 JÉRUSALEM , LA SAINTE
LE SAUVEUR SACRIFIÉ
Jésus et Jérusalem
JÉRUSALEM, LA REDOUTABLE
5. Zacharie VIII, 22, 23. L’expression « le Seigneur des armées » n’est pas
une métaphore militaire, elle désigne les armées célestes, c’est-à-dire le
Royaume des cieux, aux mouvements duquel préside l’Éternel.
6. II Chroniques, XIV, 20, 21.
7. I Rois XIX, 14.
8. Jérémie II, 36.
88 JÉRUSALEM , LA SAINTE
12. Luc XIII, 34-35. L’expression finale est une citation, reprise par Jésus,
du psaume 118, verset 26.
90 JÉRUSALEM , LA SAINTE
L’ENTRÉE MESSIANIQUE
15. Cette thèse a été soutenue par Haïm Cohen, ancien juge à la cour
suprême d’Israël. Elle a été reprise et bien exposée par Salomon Malka in Jésus
rendu aux siens, Albin Michel, 1999.
LE SAUVEUR SACRIFIÉ 93
Oublier Jérusalem ?
LE PREMIER « CONCILE »
C’est persuadé de la justesse de sa théorie religieuse, mais
inquiet quant à la façon dont elle serait accueillie par l’Église de
Jérusalem que Paul, suivi de Barnabé, un juif de Chypre converti
à la nouvelle foi et qui avant d’être le disciple de Paul en avait été
le maître, se rend dans la cité de David, angoissé et craignant le
pire.
C’était en l’an 51. Une sorte de réunion au sommet avait été
organisée par Jacques dans la Ville sainte. Il s’agissait, précisé-
ment, de s’interroger sur les directions quelque peu anarchiques
que prenaient les différents apôtres, dans la prédication de la foi
en Jésus. Si Jacques a pu être considéré comme le premier pape,
la rencontre de Jérusalem pourrait bien être qualifiée de premier
concile de l’Église catholique. Or cette réunion avait lieu à Jéru-
salem, et non loin du temple encore debout. Au début on ne
voulut même pas admettre Paul au nombre des participants à la
réflexion fondamentale de l’Église de Jérusalem ; on disait qu’il
n’était pas assez important, religieusement parlant, pour parti-
ciper à une telle assemblée. Mais l’homme de Tarse non seule-
ment put finalement exprimer ses idées, mais l’enthousiasme
avec lequel il décrivait son zèle religieux, et notamment l’accueil
que lui réservaient les populations des villes et des villages les
plus reculés de l’empire gréco-romain, finirent par faire impres-
sion. La thèse de Paul était simple : on ne peut briser la ferveur
100 JÉRUSALEM , LA SAINTE
LA RUINE DU TEMPLE
LE BASCULEMENT
27. La Cité de Dieu, livre XV (7), Garnier éd., 1899 et La Cité de Dieu, XVII,
(18), Gallimard, 2000.
112 JÉRUSALEM , LA SAINTE
L’ÉGLISE D’ORIENT
Dominer Jérusalem
JÉRUSALEM LIBÉRÉE
dirigé contre les musulmans et les juifs, mais le fait était là,
vérité révélée et vérité philosophique n’étaient pas antithétiques
pour les nouveaux théologiens chrétiens.
Au début du XIVe siècle, à un moment essentiel de la pensée
chrétienne, les chrétiens d’Occident étaient loin de songer à
dominer Jérusalem. Les mystiques, quant à eux, préféraient appa-
remment transformer le rêve des croisades en un culte de la Jéru-
salem céleste qui, un jour, permettra aux hommes de se réconci-
lier entre eux ; une Jérusalem céleste évidemment fort différente
de celle qui, présentement, était retombée aux mains de l’infidèle.
« IGNORANCE ET ABSENCE »
Il faudra attendre la prise de Grenade, en 1492, qui mettait
un terme à la domination des Maures sur l’Espagne et la décision
des rois catholiques, Isabelle et Ferdinand, d’expulser les juifs,
espagnols depuis des siècles, pour que le parfum d’Orient
s’estompe de l’Europe chrétienne. Mais sept siècles de cohabita-
tion dans la péninsule ibérique allaient laisser des traces. La
question de l’Orient se posait toujours, surprenante, intriguant
les clercs et les hommes d’Église.
Le roi François Ier, en 1530, soucieux de tracer un vecteur de
nature à permettre une meilleure connaissance de la religion
d’Israël, fit créer au Collège de France une chaire d’hébreu. Sur-
tout, intéressé par les études qui se développaient en France et
surtout en Italie concernant les textes anciens des Hébreux, le roi
de France demanda qu’on l’instruisît de la Cabale, cette science
juive du secret des choses. Il chargea de cette mission un moine,
franciscain, Jean Thenaud, qui s’embarqua, afin de se docu-
menter, vers la Terre sainte où se trouvaient quelques savants
juifs susceptibles de le renseigner. Quelques années plus tard, il
rapportait à François Ier un traité de Cabale chrétienne dans
lequel le moine s’efforçait de justifier l’incidence chrétienne du
texte le plus ésotérique de la tradition juive. Il est vrai que The-
naud avait un illustre prédécesseur en la personne de Pic de la
Mirandole qui, en Italie, avec passion et plus de compétence que
le franciscain, s’était attaché à comprendre une théorie spécula-
tive hors du commun. Ce mouvement, cette tentative de compré-
hension de la religion ancestrale des Hébreux, auxquels partici-
paient des penseurs comme Erasme et Guillaume Budé, ne
signifiaient pas qu’une valeur fut reconnue à la Jérusalem
LE SAUVEUR SACRIFIÉ 127
32. Nous nous sommes référés aux chapitres XXI et XXII de l’Apocalypse,
successivement dans les traductions de la TOB (traduction œcuménique de la
Bible, dite Bible de Jérusalem) et celle d’André Chouraqui, notamment pour les
derniers versets du chapitre XXII. Ce dernier auteur écrit (c’est Jean qui parle)
« oui je viens vite. Viens Seigneur Jésus », alors que la TOB dit : « Oui, mon
retour est proche. » Il nous semble qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème
de traduction : la venue de l’Envoyé de Dieu n’est pas son retour. Nous obser-
vons que la traduction des plus classiques par Le Maistre de Sacy (1693) est la
suivante : « Certes, je vais venir bientôt. Amen. »
Chapitre III
béni soit le Dieu Très-Haut qui a livré tes ennemis entre tes
mains 1. »
Et la tradition judaïque ne peut, en conséquence, fonder le
culte de Jérusalem que sur cette première expression de la
volonté divine concernant les destins croisés de la Ville et du
peuple qui sera issu d’Abraham. Mais là n’est peut-être pas la
révélation principale dont est porteur le roi de Salem. Melk-
itsedek a certainement une qualification bien plus importante
que celle d’un simple roi régnant sur une cité particulière. Celui
qui s’avance vers Abraham se présente, ou est présenté, comme
le prêtre du Dieu Très-Haut, comme l’envoyé de Dieu qui a créé
le ciel et la terre. C’est la première fois, dans l’itinéraire spirituel
d’Abraham, qu’apparaît l’idée d’un Dieu créateur du ciel et de la
terre. Ainsi, grâce à la parole du roi de Salem, est révélée une
première définition de la nature de Celui dont il s’agit de faire la
volonté. Dieu qui n’apparaissait que comme ordonnateur d’une
promesse, la multitude des descendants d’Abraham, est désor-
mais qualifié de créateur.
L’expression biblique « roi de Salem » rapprochée de Prêtre
du Dieu Très-Haut qualifiant Melkitsedek, peut aussi bien ren-
voyer à une définition de ce dernier comme prêtre du Dieu Salem,
reconnu comme créateur. Et Melkitsedek ne se présenterait plus
dès lors comme le simple suzerain d’une certaine Jérusalem,
mais comme un prêtre céleste, un Archange, chargé de montrer
à Abraham que ce Dieu nommé Salem est son Dieu. L’identifi-
cation du Dieu qui s’est adressé à Abraham et de celui dont
Melkitsedek est l’envoyé serait désormais avérée.
Mais pour la tradition des rabbis, il est également important
de dire que le Dieu qui s’est révélé à Abraham se trouve à Salem,
c’est-à-dire à Jérusalem. Il convient de comprendre aussi que ce
prêtre qui se porte vers Abraham, est tout autant un Ange de
paix, chargé de montrer le chemin de la paix. Salem, c’est la paix.
La tradition judaïque fait donc remonter à Abraham non seu-
lement la polarisation du destin du peuple issu du Patriarche, sur
Jérusalem mais encore elle y associa la qualification fondamentale
du Dieu créateur, attribut qui était, depuis le premier verset de la
Genèse, éminemment reconnu, mais qui ne relevait que d’une des-
cription cosmogonique. Avec Melkitsedek et Abraham, ce Dieu
2. Genèse XXII, 14. La TOB donne « Dieu pourvoit » et non « Dieu voit »
comme le font les autres traductions dans leur ensemble.
3. La massorah a consisté à codifier la lecture des textes bibliques selon des
règles précises. Il ne s’agit pas d’une interprétation mais d’une fixation du texte,
à partir duquel évidemment les commentaires interprétatifs demeurent possi-
bles. On estime que l’opération massorétique est intervenue entre le VIIe et le
XIe siècle.
136 JÉRUSALEM , LA SAINTE
LA CITÉ DE DAVID
5. I Samuel VIII, 4.
6. Voir Betty Rojtman, « Le pardon à la lune, essai sur le tragique
biblique », NRF Gallimard éd., 2001.
138 JÉRUSALEM , LA SAINTE
LE SANCTUAIRE DE LA PRÉSENCE
Les écrits composés par Salomon et, après lui, sur le modèle
de son inspiration, ne s’attachent à aucun mystère. Les Proverbes
relèvent à la fois d’une morale, d’une justice et d’une modération.
Ils sont un éloge de l’intelligence : il s’agit de « rendre (son) oreille
attentive à la sagesse » ; et de « tendre son cœur au discerne-
ment ». Les Proverbes prennent l’homme pour la mesure de l’uni-
vers, en un sens, ils sont anthropocentriques : « En avant l’humain
qui trouve la sagesse, l’humain qui diffuse le discernement. » La
vie est la valeur suprême dont la conservation est indispensable au
respect de la Torah : « Entends, mon fils, et prends mes dires, les
années de vie se multiplient pour toi… Protège-la, oui, elle, ta
vie. » Les dires inspirés sont vie : « Oui, ils sont vie pour qui les
trouve. Oui, à lui les aboutissements de la vie 14. »
Si les Proverbes se réfèrent à la Torah, à la divinité, à l’ordre
du monde, ils ne mentionnent jamais Jérusalem. Celui qui a
construit le temple semble vouloir, dans cet écrit, rappeler, non
la nécessité du culte divin, mais la recherche du bien grâce à la
sagesse, à l’amour de la vie et à l’exercice de l’intelligence.
Il en est de même pour l’œuvre littéraire, de loin la plus
belle, attribuée à Salomon, l’Ecclésiaste. Aucune allusion directe
à la prééminence divine ne s’y trouve au point que le livre aurait
été rejeté du canon biblique si un rabbi n’avait fait observer que
l’avant-dernier verset était la plus éminente profession de foi qui
fût : « Parole de la fin : tout entendu, crains Dieu, garde ses
ordres, voilà tout l’humain. »
Restauration et destruction
22. Cylindre de Cyrus in « Acta iranica », Leyde (Pays-Bas), E.J. Brill éd.,
1974.
23. Ezra I, 2-4.
LES AMOUREUX DE SION 155
26. Ezra VII, 6-10, C’est nous qui soulignons. Dans le cours de l’histoire
d’Israël, les scribes sont généralement des laïques, des enseignants plus que des
prêtres.
LES AMOUREUX DE SION 159
ANTIOCHUS ET TITUS
30. Nous employons désormais le mot juif pour désigner l’ensemble des
fidèles de la Loi. La distinction entre les Israélites de l’ancien royaume d’Israël
et les Judéens rassemblés autour de Jérusalem ne s’impose plus. En outre, Ezra
en procédant à une nouvelle proclamation de la Loi, en 515 avant notre ère,
rassemble les fidèles autour du « judaïsme ». Ce dernier concept cependant ne
sera de mise qu’à partir de la destruction du temple, au moment de la consti-
tution de l’école des rabbis à Yavneh.
31. Le livre de Ben Sira est canonique. Il aurait été composé vers 180 avant
notre ère. Par son caractère mystique concernant notamment la « rétribution »
des justes, il a peut-être inspiré tant le christianisme que l’islam.
162 JÉRUSALEM , LA SAINTE
pour éviter que l’essentiel ne soit atteint par les violations aux-
quelles la nature pécheresse de l’homme l’expose dans sa vie
quotidienne.
Les rabbis ont donc établi une sorte de barrière autour de la
Loi, un rempart protégeant l’essentiel autour d’une ligne de
défense multipliant les obligations et les interdits. Cette barrière
autour de la Loi ressemble fort aux murs qui protégeaient
Jérusalem ; l’éventuelle chute des murs ne signifiait pas que le
Saint des saints eût été violé. La muraille protectrice a évidem-
ment une fonction nécessaire.
Dans cette perspective, le souvenir de Jérusalem apparaît
non pas comme une pensée nostalgique et douloureuse mais
comme l’existence continuée de la Ville sainte allant au-delà des
aléas de l’histoire.
Aux trois niveaux de la pensée rabbinique, pratiques,
sagesse, connaissance, Jérusalem est nécessairement présente ;
les pratiques liturgiques étant une perpétuation des sacrifices
célébrés dans le temple comme le sont, avant la lettre, les obser-
vances ordonnées par Moïse consécutivement à la révélation ; la
Sagesse résulte des comportements et les commande mais elle
relativise en quelque sorte, leur prégnance en en formulant la
signification morale ; la connaissance reste la fin suprême
puisqu’elle permet à l’homme de comprendre le lien mystérieux
et concret à la fois qui le rattache au créateur.
Le respect de la Loi permet donc, au sens propre, de recons-
tituer Jérusalem.
Reste le peuple, entité souveraine, objet d’élection, théo-
phore. Le refus que les Judéens, rentrés de Babylone, ont opposé
aux Samaritains souhaitant participer à la reconstruction du
temple pose évidemment la question de l’intégrité du peuple
d’Israël.
Il serait vain de nier que, du temps du roi Hérode en parti-
culier, la religion judaïque était prosélyte. Il en était évidemment
ainsi malgré la fermentation révolutionnaire générée par le
nationalisme exacerbé qui agitait le peuple. Le peuple de prêtres
devait prêcher, c’est-à-dire attirer aux vérités religieuses dont il
était porteur, le plus grand nombre possible de nouveaux fidèles.
Au demeurant, c’est sur cette nécessité que Paul de Tarse a fondé
son apostolat.
La chute de Jérusalem a brusquement interrompu la voca-
tion prosélytique d’Israël. Il ne s’agissait hélas plus pour les
168 JÉRUSALEM , LA SAINTE
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM
Le retour à Sion
36. Voir Gérard Nahon, La Terre sainte au nom des Kabbalistes, Albin
Michel éd., 1997.
176 JÉRUSALEM , LA SAINTE
LE SACRÉ ET LE POLITIQUE
La continuité d’Israël
L’accomplissement du Salut
TEXTES DE LA TRADITION
BIBLIOGRAPHIE DE RÉFÉRENCE
Chapitre premier
Alili Rochdy, Qu’est-ce que l’islam ?, La Découverte et Syros éd., 2000.
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Berque Jacques, Les Arabes d’hier à demain, Le Seuil éd., 1976.
Cahen Claude, L’Islam des origines au début de l’empire ottoman, coll.
Pluriel, Hachette littératures, 1997
200 JÉRUSALEM , LA SAINTE
Chapitre II
Augustin (saint), La Cité de Dieu, Gallimard, 2000.
Benoist-Méchin, Frédéric de Hohenstauffen ou le rêve excommunié,
Librairie académique, Perrin éd., 1983.
Chateaubriand Alphonse de, Itinéraire de Paris à Jérusalem, Garnier-
Flammarion éd., 1968.
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Grousset René, L’Épopée des croisades, Plon éd., 1939.
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Chapitre III
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Remerciements
Prologue ................................................................................. 9