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n° 92 Sommaire

Avril 2014 l Page 2 : Enjeux sociologiques,


économiques et politiques de la scolarisation
non obligatoire l Page 9 : Les conditions
favorables aux apprentissages l  Page 17 :
Faut-il favoriser une scolarisation précoce ?
l Page 24 : La remise en cause de la
préscolarisation : trop ou pas assez
éducative ? l Page 27 : Bibliographie

PETITE ENFANCE : DE
L’ÉDUCATION À LA
Dossier de veille de l’IFÉ

SCOLARISATION
Éduquer, accueillir, enseigner, protéger, Par Marie Gaussel
développer, stimuler, favoriser… Le vocabu-
laire ne manque pas pour décrire les actions Chargée d’étude et de
menées par les institutions relatives à l’édu- recherche au service
cation du jeune enfant dans notre société. Veille et Analyses de
Ces termes reflètent les deux concepts qui l’Institut français de
symbolisent le dualisme des missions que l’Éducation (IFÉ)
l’on confie à ces structures  : l’éducation et
le soin (care dans sa forme angliciste). Il est
aujourd’hui d’ailleurs difficile de les distin-
sociologiques que son étude génère. Nous
guer ne serait-ce que dans l’appellation des
divers organismes concernés. On parle dans nous intéresserons ensuite aux conditions
les pays anglophones de «  early education favorables aux apprentissages et au déve-
loppement global de l’enfant. Enfin, nous
and care », dans les pays francophones le
nous interrogerons sur la pertinence d’une
terme de care est remplacé par celui d’ac-
scolarisation précoce et sur les effets du
cueil ou de garde (qui dans ce cas se réfère
« tout éducatif ».
au contexte et aux conditions dans lesquels
sont accueillis les enfants) et, dans les pays
Dans ce contexte, nous conviendrons que
hispanophones, on utilise plus simplement
l’expression « éducation et accueil des
la primera infancia (la prime enfance). Mais
jeunes enfants » (EAJE) inclut tous les dis-
quelle est la place de l’enfant au sein de ces
positifs assurant l’accueil et l’éducation des
dispositifs ? Comment prendre en compte
enfants d’âge inférieur à celui de la scolarité
les différentes étapes de son développe-
obligatoire, quels que soient l’arrangement,
ment ? Faut-il plutôt le laisser grandir en
le financement, les conditions d’accès ou le
respectant ses rythmes et ses envies ou au
contenu des programmes.
contraire le préparer au mieux à son futur
métier d’élève ?

Nous réfléchirons dans ce dossier à la place


du jeune enfant de zéro à six ans, à cette
période qui précède l’instruction obligatoire
dans la plupart des pays de l’OCDE. Nous Toutes les références bibliographiques dans ce Dossier
verrons d’abord les articulations entre les sont accessibles sur notre bibliographie collaborative.
différents enjeux politiques, économiques et

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 1/32
ENJEUX Après 1825 et «  l’ordre naturel des fa-
milles l », l’ouverture des salles d’asile
SOCIOLOGIQUES, aux enfant de un (après le sevrage) à
six ans permet de penser et gérer l’édu-
ÉCONOMIQUES ET cation comme une « chose publique » et
l
« La garde et
POLITIQUES DE LA d’offrir aux citoyens les moyens pour le l’éducation des jeunes
enfants relèvent d’un
faire. Cette nouvelle institution s’est dé-
SCOLARISATION NON veloppée jusqu’au XIXe  siècle, y compris
ordre intra-familial
exclusivement
OBLIGATOIRE dans le reste de l’Europe (l’infant school privé, dans lequel
en Grande-Bretagne, la bewaarschool les pouvoirs civils et
aux Pays-Bas, l’asilo infantile en Italie, religieux ne peuvent
L’éducation des jeunes enfants est de- en principe intervenir »
venue depuis plus de vingt ans le point le kleinkinderbewahranstalten en Alle- (Dajez, 2005)
de mire des préoccupations politiques, magne).
éducationnelles et scientifiques. Un des
enjeux sociaux majeurs est la possibilité Ces salles collectives de garde sont prin-
d’offrir un enseignement de qualité pour cipalement destinées aux enfants des
tous dans l’objectif de réduire les inéga- classes les plus pauvres, le plus sou-
lités voire la pauvreté. Pourquoi et com- vent laissés à eux-mêmes. À l’origine ces
ment les services de la petite enfance se salles d’asile sont associées à diverses
sont-ils développés ? Quelles ont été les associations philanthropes, patronnesses,
évolutions du rôle de la période présco- religieuses ou municipales. Leur vocation
laire dans un contexte international ? Ces de gardiennage et de sauvegarde du
questions sont au cœur du processus his- jeune enfant imprègne le fonctionnement
torique d’institutionnalisation de l’éduca- des salles, d’ailleurs placées sous la tu-
tion préscolaire. telle des hospices (Papon & Martin, 2008).
l
« Il ne peut être
Dès 1833 l, c’est une circulaire du minis-
LES BASES D’UN tère de l’Instruction publique qui pose les
que fort utile
de commencer
ENSEIGNEMENT bases d’une éducation institutionnalisée l’instruction dès l’âge
INSTITUTIONNALISÉ en désignant ces salles comme le premier le plus tendre : et tel
semble devoir être le
échelon de l’enseignement primaire, but principal des salles
Depuis le début du XVIIIe  siècle se pose avec un âge d’admission fixé à deux ans. d’asile, qui formeraient
la question de savoir à partir de quel âge Il s’agit de « leur [les enfants] faire contrac- le premier degré
ter dès l’entrée dans la vie des habitudes de l’enseignement
l’enfant doit être éduqué, collectivement ou élémentaire, et que,
individuellement, sous la tutelle de l’État ou d’ordre, de discipline, d’occupation régu- par cette raison, on
non. Les réflexions menées à cette époque lière qui sont un commencement de mo- pourrait appeler plus
suscitent encore aujourd’hui de nombreux ralité ». Le décret leur attribue aussi une justement petites
mission plus propédeutique ambitionnant écoles ou écoles de
débats dont celui sur la tendance lourde à l’enfance » (Guizot,
la généralisation de l’éducation institu- de transmettre les savoirs de base comme circulaire de 1833).
tionnelle de la petite enfance, autrefois l’apprentissage des lettres, des nombres
confiée au cercle familial. et parfois des gestes de l’écrit.

Plusieurs phénomènes économiques et Cette scolarisation précoce représente


sociaux semblent être à l’origine de ces d’ailleurs parfois la seule chance d’ins-
changements comme par exemple les pro- truction pour des enfants dont la vie active
cessus d’urbanisation, l’évolution du débute souvent avant leur dixième anni-
travail des femmes ou les mutations des versaire. La reconnaissance officielle de
relations et représentation familiales. la préscolarisation est suivie par la créa-
Initialement, tout au long du XVIIIe siècle, la tion des écoles maternelles publiques
scolarisation précoce est rejetée et l’édu- par décret en 1881, dont l’objectif premier
cation de l’enfant jusqu’à six ou sept ans est de donner aux enfants de moins de six
est du domaine de la sphère privée, « les ans « les soins que réclame leur dévelop-
chairs sont trop tendres, l’enfant est trop pement physique, intellectuel et moral »
fragile, il ne peut supporter sans danger la et de les préparer ainsi à recevoir l’ins-
discipline des écoles et il est de toute façon truction primaire (Papon & Martin, 2008).
un élément perturbateur » (Dajez, 2005). L’idée ici n’est pas de renforcer ou de faire

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2/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
acquérir des savoirs mais plutôt de bien La prise en charge de l’enfant : une
préparer les petits à leur vie d’écolier, de question qui relève de l’intérêt général
préparer le terrain en quelque sorte. éducatif ?

L’institutionnalisation des écoles mater-


« Tous les exercices de l’école
nelles s’est donc inscrit dans un projet
maternelle seront réglés d’après
politique et social. Peut-on néanmoins
ce principe général : ils doivent
la réduire à un simple calcul écono-
aider au développement des
mique et politique ? C’est la question
diverses facultés de l’enfant sans
que pose Luc face à un discours de pro-
fatigue, sans contrainte, sans excès
motion de la petite école qui faisait au
d’application ; ils sont destinés
XIXe siècle « l’apologie du dressage de
à lui faire aimer l’école et à lui
la progéniture des familles populaires et
donner de bonne heure le goût du
sa moralisation précoce » (Luc, 2010).
travail, en ne lui imposant jamais
un genre de travail incompatible
Aujourd’hui, la politique d’accueil des
avec la faiblesse et la mobilité
enfants de moins de trois ans poursuit
du premier âge » (Extrait de
ces trois objectifs : soutenir la natalité,
l’arrêté du 28 juillet 1882 réglant
encourager l’emploi des femmes et fa-
l’organisation pédagogique des
voriser l’égalité des chances par le dé-
écoles maternelles publiques).
veloppement de l’enfant. Plusieurs fac-
teurs sont à l’origine de l’intérêt crois-
sant et de la nécessité de mettre en
place un système performant (Bouysse
Les grandes lignes de l’école maternelle et al., 2011) comme :
et son orientation sont fixées au début − le défi démographique et l’accrois-
du XXe siècle et perdurent pendant plus sement de l’activité professionnelle
de cinquante ans. Les instructions de des femmes (liée au maintien de la
1921, qui modifient les textes de 1887, croissance des pays industrialisés) ;
constituent la seule référence officielle − l’action contre les désavantages
jusqu’en 1977. éducatifs touchant les enfants des
familles pauvres (bien-être et déve-
L’IMPACT DES POLITIQUES loppement de l’enfant) ;
FAMILIALES SUR LA SOCIÉTÉ − l’anticipation d’un taux de retour sur
investissement dans le capital hu-
C’est au lendemain de la seconde main pour des raisons économiques.
Guerre mondiale que l’école maternelle
en France subit une nouvelle mutation Les orientations choisies pour l’organi-
quand toutes les couches sociales lui sation des écoles maternelles relèvent
confient leurs enfants. Elle devient alors assez souvent d’intérêts différents (voir
la première école, milieu éducatif divergents) des acteurs concernés.
pour tous et modèle de l’excellence D’un côté la municipalité qui s’intéresse
éducative l. L’évolution de l’école aux questions d’efficacité de la gestion
maternelle s’est faite parallèlement des affaires communales et d’équité
(et conjointement) à l’évolution de la pour les enfants et leur famille. D’un
conception de la petite enfance, de la autre côté, l’inspection académique qui
professionnalisation des femmes et des s’occupe du respect des priorités édu-
l
Entre 1945 et 1980, rapports entre éducations familiale et catives et des enjeux socio-scolaires
le nombre d’enfants scolaire. (Warren, 2009).
scolarisés dans les
écoles maternelles est
multiplié par 4,65.

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Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 3/32
l
Vie familiale et travail des parents « En France, en 2010,
13,6 % des enfants
« Autour du noyau dur que de deux ans et la
La mise en place des politiques fami- constituent, en France, les écoles quasi-totalité des
liales et d’accueil des jeunes enfants maternelles, la frontière de enfants de 3 à 6 ans
l’éducabilité collective du jeune étaient scolarisés en
dans les années 1970 et 1980 avait
maternelle. Elle est
pour objectif d’aider les familles et de enfant n’a fait que s’élargir tout au le lieu de la première
permettre aux femmes de conjuguer long du XXe siècle […] Aujourd’hui, éducation hors de la
travail et responsabilités familiales. nous avons affaire à une autre famille pour la très
forme d’élargissement de cette grande majorité des
Elles ont conduit à un fort développe-
enfants. » (MENESR,
ment des structures de préscolari- frontière de l’éducabilité scolaire 2013)
sation, lui-même accompagné d’une du jeune enfant, qui se traduit par
hausse significative du travail féminin un abaissement continu de l’âge à
dans de nombreux pays d’Europe (le partir duquel la fréquentation de la l
Pour B. Suchaut,
lien de cause à effet n’allant pas forcé- maternelle est considérée comme les inégalités de
ment en sens unique). Cependant, la convenable » (Dajez, 2005). réussite ne sont
corrélation entre scolarisation précoce pas exclusivement
imputables à l’école
et taux d’emploi des mères de famille est maternelle : « Ce n’est
d’autant plus forte que le niveau socio- pas parce que les
économique est faible (OCDE, 2013). Devenue le premier maillon d’un véritable élèves qui éprouvent
des difficultés à
cursus scolaire, l’école maternelle  l ne
l’entrée au CP voient
L’impact de la préscolarisation des en- semble pas être accompagnée de réelles leurs chances de
fants sur la conciliation entre vie familiale réflexions sur les moyens à mettre en réussite fortement
et vie professionnelle est plutôt faible. Il œuvre. Ce travail de réflexivité est pri- compromises, qu’il
touche principalement les mères diplô- faut en rechercher les
mordial pour Bouysse, car la préscola-
causes obligatoirement
mées du supérieur avec deux enfants risation relève d’une construction qui au niveau de la
ou plus. Cependant, lorsque le nombre s’appuie sur des pratiques complexes scolarité effectuée
d’enfants augmente, ce sont les mères qui demandent du temps pour être ef- en maternelle. Ces
qui réduisent leur participation au mar- interrogations et
fectives (Bouysse, 2013). L’enjeu péda-
réflexions demandent
ché du travail lorsqu’il faut ajuster vie gogique et politique lié à la scolarisation à être rapprochées
professionnelle et vie familiale, alors des enfants de deux ans semble réduit d’observations
que les pères, eux, modifient à la hausse aujourd’hui en France au rôle de variable factuelles et objectives
leur activité (Moschion, 2012). sur l’efficacité de
d’ajustement (les taux de scolarisation
l’école maternelle,
à l’âge de deux ans ont significativement sachant par ailleurs
La France affiche encore aujourd’hui une diminué ces dernières années : 32 % en que les travaux
offre d’accueil inégale sur le plan terri- 2002 pour chuter à 25  % en 2005). Le scientifiques sont peu
torial, tous modes de garde confondus, nombreux dans ce
manque de politique volontariste, les va-
domaine » (2008).
avec des écarts constatés qui varient riables démographiques et les restrictions
dans un rapport de un à trois (en nombre budgétaires déforment les enjeux de la
de places pour 100 enfants de moins de scolarisation précoce liés aux besoins des
trois ans) selon les départements ou au enfants l (Suchaut, 2009).
sein même des départements. Ces dis-
parités entraînent des inégalités d’ordre QUELS TYPES D’ÉDUCATION
économique car les zones où l’accueil
POUR LES ENFANTS DE ZÉRO À
collectif (le moins cher) est le moins dé-
veloppé sont aussi globalement celles SIX ANS ?
où l’accueil individuel (le plus cher) l’est
le plus (Cour des comptes, 2013). Considérées comme primordiales dans de
nombreux pays, les premières années de
l’enfance sont de plus en plus l’objet de
débats et stratégies visant à favoriser un
accès équitable à la scolarité, à améliorer
la qualité de l’apprentissage et garantir la
formation adéquate des enseignants.

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4/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
Les modèles en question différenciés par tranche d’âge (Da-
nemark, Espagne, Grèce, Chypre
Les stratégies mises en œuvre dans et Lituanie). Au Royaume-Uni, de-
ce domaine varient en fonction de l’his- puis le lancement en 2008 du Early
toire, des contextes économiques et Years Foundation Stage, programme
l
Lire Musset Marie
sociaux ainsi que des conceptions de la centré sur une approche globale du
(2011). Regards
place de l’enfant l et de sa famille dans développement de l’enfant, on trouve
d’aujourd’hui sur
l’enfance. Dossier la société (valeurs culturelles ou reli- également des modes d’accueil inté-
d’actualité Veille et gieuses dans chaque pays l). La capa- grés ;
Analyse, n° 68.
cité ainsi que les conditions structurelles − le modèle « juxtaposé » est le plus
et opérationnelles des modes d’accueil répandu en Europe et est organisé
l
Pour une approche interrogent donc de nombreux gouver- selon deux types de structures dis-
par pays, lire le rapport nements. En France, un des seuls pays tinctes : celles qui accueillent les
européen sur les
avec la Belgique (Communauté fran- enfants de zéro à trois ou quatre
interventions précoces ans (avec l’exception de la France,
auprès de la petite çaise) à avoir officialisé la scolarisation
enfance (2010). des enfants de deux ans, la question deux ans, et de la Belgique, deux ans
de la préscolarisation précoce revient et demi) et celles qui intègrent les
régulièrement et polémiquement dans enfants de trois à cinq ou six ans,
les débats (Bouysse et al., 2011). ces dernières relevant le plus sou-
vent du domaine éducatif (Bouysse
L’impact des modes de garde ou d’édu- et al., 2011).
cation apparaît aujourd’hui comme une
question primordiale et complexe qui
nécessite de tenir compte d’un grand Variations institutionnelles à travers le
nombre de variables selon les pays, monde
en particulier les acteurs en jeu et leur
mode d’interaction professionnel. Florin
remarque qu’il n’est pas aisé de défi- On observe des variations importantes
nir avec précisions les effets positifs et entres les pays européens relatives
négatifs de tel ou tel mode de garde sur aux taux de fréquentation d’une struc-
le développement des enfants (Florin, ture éducative des moins de trois ans.
2010). Pour les pays nordiques, qui utilisent un
modèle «  intégré  », l’accès est garanti
Bouysse et al. recensent quant à eux pour tous les enfants, quelque soit leur
deux grands modèles de structuration ; âge, c’est-à-dire dès la fin des congés
un modèle organisé de manière «  inté- de maternité ou de paternité, ou encore
grée », l’autre organisé de manière dès le premier anniversaire. Le taux de
« juxtaposée » : fréquentation est du coup très élevé
− le modèle intégré « est celui d’une dans ces pays avec par exemple 83  %
structure unique pour tous les en- au Danemark ou 66 % en Suède. Mais,
fants en âge préscolaire qui évoluent dans une majorité des cas, les autres
donc dans le même cadre éduca- pays ne garantissent pas systémati-
tif : une seule direction d’établisse- quement des places subventionnées
ment pour les enfants de tous les à tous les enfants de moins de trois
groupes d’âge, un même niveau de ans. En France, comme en Belgique
qualification du personnel respon- ou au Royaume-Uni, les taux varient
sable des activités éducatives et une entre 25 % et 35  % (crèches et écoles
même source de financement ». Ces maternelles confondues) car l’offre est
centres accueillent des enfants de loin de répondre à la demande. Enfin,
moins d’un an jusqu’à six ans en gé- dans certains pays (Irlande, Pologne,
néral. Six pays d’Europe proposent République Tchèque, certains Länder
exclusivement ce mode d’accueil en Allemagne), il n’existe aucune offre
(Lettonie, Slovénie, Finlande, Suède, subventionnée pour l’accueil des moins
Islande et Norvège) alors que dans de trois ans.
cinq autres, les familles peuvent
choisir des systèmes « intégrés » ou

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Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 5/32
Ces différences dans les modes d’ac- mais également à favoriser les interac-
cueil sont également tributaires de l’or- tions propices au développement cogni-
ganisation des tutelles institutionnelles tif et moteur (Bouysse et al., 2011).
qui les gèrent. En France, comme au
Québec, en Italie, ou en Pologne, on ob- Dans les pays anglophones (Australie,
serve la séparation institutionnelle des Canada, Irlande, Royaume-Uni, États-
services d’accueil des jeunes enfants : Unis) et en France, une approche plus
d’un côté le ministère de l’Éducation scolaire (pré-primaire) est favorisée. Ce
nationale, de l’autre ceux de la San- n’est plus l’enfant et son développement
té, de la Famille, de la Jeunesse, des qui sont au centre mais l’école. L’enfant
Affaires sociales ou culturelles. Dans est un individu à former et l’école est là l
d’autres pays comme le Royaume-Uni, pour lui permettre d’acquérir des com- Pour toutes les ques-
tions relatives à la
le Danemark, la Suède et l’Espagne, pétences le préparant à la scolarité pri- décentralisation et
l’accueil des jeunes enfants entre zéro maire et à sa vie d’élève. Ce modèle aux politiques éduca-
et l’âge de scolarité obligatoire est placé est considéré par les pouvoirs publics tives, se référer à notre
sous la tutelle d’un seul ministère ou de comme une assurance d’offrir à tous dossier de veille n°  83
d’avril 2013 (Rey, 2013).
structures publiques issues de plusieurs les moyens d’acquérir les compétences
ministères mais travaillant en collabora- de base indispensables à la réussite de
tion, avec des financements communs leur scolarité. Garnier (2009) qualifie
par exemple (comme « Sure Start » au d’ailleurs l’école maternelle d’assem-
Royaume-Uni l, voir Bouysse et al., blage composite qui regroupe des lo-
2011). Deux  tiers des pays de l’OCDE giques différentes comme la protection,
ont un taux de préscolarisation à l’âge l’éducation et la préparation à l’école.
de quatre ans se situant entre 80  % et
100  % (plus de 95  % en Allemagne, Cette approche est accompagnée par
en Belgique, en Espagne, en France, des programmes destinés à favoriser le
en Islande, en Italie, au Japon, au développement cognitif mais également
Luxembourg, au Mexique, en Nouvelle- social et à préparer aux apprentissages
Zélande, en Norvège, aux Pays-Bas et de base comme la numératie, la lecture
au Royaume-Uni, et moins de 60 % en et l’écriture en identifiant et structurant
Australie, au Canada, en Finlande, en les contenus à transmettre. Depuis 2000
Grèce, en Pologne et en Suisse, voir (décret n° 2000-762), en France, les
OCDE, 2013). structures d’accueil des tout-petits ne
sont plus des simples modes de garde
Variations conceptuelles car ils affichent un « projet éducatif pour
l’accueil, le soin, le développement,
l’éveil et le bien-être des enfants ».
On observe en Europe deux types de Le décret n’en précise ni le contenu,
conceptions très différentes quant au ni les moyens à mettre en œuvre pour
rôle des structures d’EAJE. Dans les répondre à cette injonction institution-
pays nordiques et d’Europe centrale, nelle (Rayna, 2003). Dans certains pays
les racines de la tradition holistique comme la Suède ou le Japon, qui ont
de la pédagogie sociale des jardins un système dit intégré, les structures
d’enfants lient étroitement éducation, d’accueil des enfants de zéro à six ans
apprentissages et soin (care). On parle obéissent à des orientations éducatives
d’une approche globale qui permet nationales mais doivent faire attention
de prendre en compte le bien-être de à ne pas les « surstimuler ». Les choix
l’enfant, sa santé, son environnement politiques des modes d’accueil et les
familial et social. Cette approche pri- conditions pour y avoir droit ne donnent
vilégie le développement social et le cependant pas, ou rarement, d’indica-
développement de la personne sans tion sur la qualité ni sur la durée encore
exclure des apprentissages plus struc- moins sur la nature des activités qui y
turés (mais souvent rudimentaires) pour sont proposées.
la lecture, l’écriture et le calcul. Le rôle
des adultes consiste à organiser les
espaces et le matériel pour les activités

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6/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
Qu’entend-on par « qualité » pour le Les études réalisées en France et dans
préscolaire ? les pays de l’OCDE semblent également
s’accorder sur ces critères de qualité d’un
service d’EAJE comme les niveaux de
L’OCDE définit l’enseignement pré-
qualifications professionnelles, les taux
primaire comme « l’ensemble des formes
d’encadrement, le nombre d’enfants par
d’activités organisées et régulières se
groupe, le temps et les disponibilités ac-
déroulant dans des structures adéquates
cordés aux familles dans une relation indi-
ouvertes aux enfants à partir de trois ans
vidualisée et les temps de réflexion sur les
et visant à renforcer leur développement
pratiques (Ben Soussan, 2010).
cognitif, émotionnel et social » (OCDE,
2011). La notion de qualité diffère selon
la culture et les valeurs d’un pays, son
contexte socio-économique et les besoins Les critères de qualité selon la
de la communauté envers les services liste annoncée par la Commission
d’EAJE. européenne en 2010 lors d’une
communication sur le thème
L’OCDE (2010) distingue plusieurs cri- Excellence and Equity in Early
tères de qualité : Childhood Education and Care :
− la qualité des procédés d’apprentis- − parvenir à l’équilibre approprié
sage (ce que les enfants expérimentent dans le programme pédago-
dans le cadre d’un programme, les ac- gique entre les aspects cogni-
tivités qui lui sont liées) ; tifs et les aspects autres que
− la qualité au niveau structurel, le cognitifs ;
cadre dans lequel se font ces expé- − œuvrer à la professionnalisa-
riences (le taux d’encadrement, les lo- tion du personnel : assortir les
caux mais aussi la place de la structure qualifications aux fonctions ;
dans la communauté) ; − prendre des mesures visant à
− la qualité des effets sur l’enfant (au attirer, à former et à fidéliser
niveau cognitif et linguistique mais éga- du personnel qualifié ;
lement sur sa santé, sa socialisation et − améliorer l’égalité des sexes
sa capacité à gérer ses émotions). au sein du personnel ;
− s’acheminer vers des systèmes
Au niveau européen, les réflexions menées qui intègrent accueil et éduca-
dans ce domaine montrent que la définition tion et en améliorent la qua-
de qualité et les conclusions de travaux de lité, l’équité et l’efficacité ;
recherche ne sont pas si évidentes. Un rap- − faciliter la transition des jeunes
port publié par le réseau NESSE (Network enfants du milieu familial aux
of Experts in Social Sciences of Education structures d’éducation ou
and Training) met en garde contre une d’accueil et entre les différents
l
Aux États-Unis, les
application des recommandations issues niveaux du système éducatif ;
structures préprimaires de la recherche nord-américaine qui ne − garantir l’assurance de la qua-
dans les États où le lui semblent pas suffisamment représen- lité : élaboration de cadres
niveau de formation tatives des bonnes pratiques pour servir pédagogiques cohérents et
du personnel est
plus élevé et le ratio
de fer de lance aux politiques éducatives. bien coordonnés associant les
enfants/personnel Il concède néanmoins l’importance de cer- principales parties prenantes
plus favorable sont tains critères, mais transposés au niveau (Commission européenne,
beaucoup plus micro de chaque communauté : la qualité, 2010).
efficaces que les
mêmes structures
le salaire l, le niveau de formation des
situées dans les États adultes encadrants, un ratio enfant/adulte
où les normes de faible (surtout pour les plus petits), les acti-
qualité sont moins vités collectives socialisantes surtout pour
contraignantes Quels seraient ces critères de qualité pour
les enfants les plus vulnérables, la qualité
(Eurydice, 2009). un environnement scolaire destiné aux
du soin et de la protection des plus petits,
enfants de moins de deux ans ? C’est à
dans des structures publiques (NESSE,
cette question que répond un rapport néo-
2011).
zélandais sur les recherches menées dans

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 7/32
ce domaine : en partant du principe que la capacité d’épargne :
les enfants âgés de zéro à deux ans sont − les élèves issus de classe avec un ra-
socialement bien plus compétents qu’on tio faible ont plus de chances d’aller à
ne le pensait initialement, les résultats in- l’université ;
diquent que les personnes, les lieux et les − les élèves qui ont bénéficié d’un ensei-
« choses » qui structurent leur environne- gnant expérimenté lors des années
ment sont au centre de leur processus de préscolaires ont de plus hauts reve-
développement. Les auteurs s’inspirent de nus ;
l’émergence de la recherche transversale − les élèves qui ont bénéficié de pro-
qui combinent plusieurs disciplines comme gramme de qualité ont des revenus
les neurosciences, la psychologie déve- plus élevés et une plus forte probabilité
loppementale et les sciences de l’éduca- d’aller à l’université ; mais si les effets
tion, et se félicitent de cette approche, en sur le niveau des tests diminuent au fil
meilleure adéquation avec les besoins des de la scolarité, les effets « non cogni-
jeunes enfants (Dalli et al., 2011). tifs », eux, perdurent.

Ces mesures peuvent-elles être abordées Un investissement de la part du gouver-


de manière universelle ? Cela semble très nement dans les structures d’EAJE, en
difficile à évaluer car nous ne disposons particulier pour les zones désavantagées,
pas aujourd’hui de suffisamment d’indica- s’avérerait un « bon calcul » pour Chetty
teurs de performance sur l’efficacité de la et al. qui ont estimé que la corrélation entre
première année de scolarisation. Il faut éga- milieu socio-économique et salaire, au ni-
lement se méfier des modèles linéaires car veau intergénérationnel, diminuerait d’un
de nombreuses variables peuvent renforcer tiers si tous les enfants allaient dans des
ou au contraire diminuer leurs effets. Il est écoles de qualité équivalente (2010).
aujourd’hui plus pertinent de penser que la
scolarisation précoce des effets, sans vrai- Ces effets subsistent-ils au fil des années
ment pouvoir qualifier le bénéfice de ces ef- et impactent-ils la vie adulte ? Barnett
fets. Ceux-ci semblent relativement faibles (2011) répond positivement, y compris au
au regard de la réduction des inégalités : niveau cognitif, malgré une légère dimi-
on parle aujourd’hui d’un besoin de réviser nution des effets sur le long terme. Il dé-
certaines illusions pédagogiques (OCDE, plore néanmoins le manque de données
2007 ; Cour des comptes, 2008). concernant le taux d’enfants participant à
un programme de qualité, qui l’empêche
Quels sont les effets des années de d’appuyer ses travaux sur une étude systé-
préscolarisation sur la réussite scolaire ? matique et fiable de la situation aux États-
Unis. Le think tank américain RAND, pro-
pose néanmoins un rapport très détaillé sur
Les critères définissant les cadres d’une
des évaluations de programmes destinés
préscolarisation de qualité sont-ils suf-
aux jeunes enfants et se prononce sur la
fisants pour juger de l’efficacité de ces
qualité de telle ou telle approche, chaque
cadres ? Quels sont les impacts observés
approche énumérant des critères et des
sur la vie des enfants et leur future vie
outils spécifiques (Zellman & Karoly, 2012).
d’adulte ? Chetty et al. ont montré dans
leur étude (basée sur le projet STAR) les
Farrell et al. s’intéressent plus particulière-
effets à long terme d’un ratio enfant/adulte
ment au « social capital », le capital social
faible en classe de maternelle (kindergar-
de l’enfant et sa capacité à construire un
ten) sur les bénéfices économiques et
réseau relationnel basé sur la confiance.
cognitifs des élèves. Les chercheurs ont
Selon leur étude menée sur 138 enfants
travaillé à partir de plusieurs bases de
australiens âgés de quatre à huit ans, les
données expérimentales, sur les évalua-
auteurs concluent que la scolarisation pré-
tions nationales et sur des données ad-
coce contribue à construire ce capital so-
ministratives. Quatre impacts principaux
cial et que ces acquis influent sur la vie de
semblent jouer sur le niveau de revenus
l’enfant à court et long terme (Farrell et al.,
à l’âge de 27  ans, la poursuite d’études
2004).
universitaires, l’accession à la propriété et

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


8/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
l
Nous nous sommes
intéressées à ces LES CONDITIONS
« Les conclusions de la
questions dans un
précédent dossier FAVORABLES AUX psychologie cognitive ont été
consacré aux liens
entre neurosciences et APPRENTISSAGES d’autant plus aisément reprises
par les auteurs des programmes
éducation (Gaussel &
Reverdy, 2013). Assez récemment, les politiques d’édu- qu’elles corroborent celles des
l cation et d’accueil des jeunes enfants se travaux issus de la sociologie, de la
Synapse :
sont plus particulièrement intéressées linguistique ou de la psychologie
espace séparant
deux neurones, au développement de l’enfant, aux pro- des apprentissages établissant que
dans lequel un
cessus de l’apprentissage et à leurs ré- la réussite scolaire est en grande
neurone transmet parte liée à la disposition générale
de l’information à sultats. Elles sont donc moins tournées
vers les seuls besoins des parents ou de que les élèves entretiennent à
un autre neurone
(alors appelé « cellule l’École. Ces politiques servent également l’égard du langage » (Goigoux,
cible » ou « neurone
à prendre des mesures de lutte contre la Cèbe & Paour, 2004).
postsynaptique », voir
CERI, 2007). pauvreté ou en faveur de l’équité édu-
cative. La précocité de la scolarisation
l
Période sensible mais devient un facteur essentiel de socialisa-
non critique : attention tion et de développement de l’enfant, en Si l’apprentissage du langage oral se
au neuromythe « Tout particulier dans les domaines de l’acquisi- fait naturellement pendant l’enfance par
se joue avant trois tion du langage et de l’autonomie (Papon exposition, l’apprentissage du langage
ans » ! écrit nécessite un apprentissage spéci-
& Martin, 2008). Comment ces politiques
l peuvent-elles répondre aux besoins des fique et intentionnel (Gaussel & Reverdy,
Mémoire de travail :
elle sert à stocker enfants ? Comment prendre en compte 2013). L’acquisition du langage et les
brièvement des ce que l’on sait de leur développement et processus cérébraux qui y participent
éléments qui favoriser les interactions avec l’environne- restent un des objets d’étude majeurs
permettent un accès en neurosciences. La synaptogénèse
sémantique dans la ment ?
mémoire à long terme. (formation des synapses l) joue un rôle
Par exemple, pour COMMENT LES ENFANTS primordial pour le langage car c’est dans
l’apprentissage de la première année de vie l qu’un grand
la lecture et donc la APPRENNENT DE ZÉRO À SIX nombre de connexions se font puis sont
compréhension des ANS éliminées en fonction de leur utilisation
phrases, la capacité de
la mémoire de travail et leur pertinence pour la mémorisation l
est déterminante. Elle L’intérêt porté au développement du jeune et l’apprentissage. Les nourrissons sont
reste relativement a priori capables de distinguer tous les
enfant a augmenté avec l’avènement des
invariable mais sa
qualité dépend recherches sur les comportements, en sons ce qu’il ne font plus vers dix mois
du degré de neurobiologie et en psychologie. Ces der- quand ils se concentrent sur leur seule
connaissances nières sont censées faciliter la compré- langue maternelle (CERI, 2007).
antérieures dans
hension et l’appréhension des conditions
le domaine étudié
(Lieury, 2012). qui influencent ce développement comme Le terme global de littératie l englobe les
l les premières expériences, le maillage gé- activités de lecture et d’écriture, appren-
Littératie émergente : tissages non prévus biologiquement ; il
nétique, l’environnement social, cognitif et
concept désignant
l’ensemble des émotionnel de l’enfant (CERI, 2010). Que n’y a a priori pas de structures cérébrales
connaissances et nous apprennent les recherches dans ce dédiées. Cependant, les zones du cer-
habiletés précoces domaine l ? veau impliquées dans l’apprentissage du
comme précurseur de langage sont également sollicitées pour
la lecture et de l’écriture
conventionnelles. Le point de vue des sciences cognitives la littératie. Certains chercheurs auraient
L’acquisition de la même reconnu une aire cérébrale de la
langue écrite n’est pas
Du point de vue neuroscientifique, la pre- forme visuelle des mots qui leur permet-
à considérer comme trait de mettre au point un modèle univer-
un phénomène mière forme d’apprentissage est la réac-
du tout ou rien qui tion cérébrale à un stimulus visuel, sonore, sel pour l’acquisition de la lecture (toujours
apparaîtrait sous l’effet tactile… La perception de cette « informa- à l’étude actuellement, voir Szwed et al.,
de l’enseignement
tion » se traduit dans le cerveau par des 2012). Un grand nombre de chercheurs
institutionnel, mais qui favorisent l’hypothèse de la perception
s’initie dès les premiers modifications structurelles au sein des
contacts avec l’écrit réseaux cérébraux (formés entre autres intuitive qui guiderait les premiers ap-
(Biot, Écalle & Magnan, prentissages. Accompagnant ces percep-
2008).
de neurones et de synapses).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 9/32
tions, des sentiments comme l’émotion l « Piaget plaçait l’enfant
sont considérés comme une force extra- Apprendre les lettres c’est acquérir face à deux  rangées
ordinaire de la motivation pouvant stimu- de jetons en nombre
et associer les trois identités égal, mais de longueur
ler la cognition. Ainsi, dans l’expérience principales, la forme, le nom et le différente selon l’écar-
des jetons proposée par Piaget l, l’enfant son de chacune des 26 lettres de tement des jetons.
réussira d’autant plus si on remplace les l’alphabet, sachant que chaque Dans cette situation,
jetons par des bonbons  (Houdé, 2007). le jeune enfant consi-
lettre possède plusieurs formes dère, jusqu’à six, sept
Cependant, les élèves semblent être iné- graphiques et représente souvent ans, qu’il y a plus de
galement prédisposés à être réflexif selon plusieurs phonèmes (Bouchière, jetons là où c’est plus
Joigneaux qui a observé des enfants dans Ponce & Foulin, 2010). long. Cette réponse
des ateliers dits « autonomes ». Ces situa- verbale est une erreur
d’intuition percep-
tions révèlent des différences de disposi- tive (longueur égale
tions cognitives : certains élèves utilisent nombre) qui révèle, se-
des « stratégies en phase avec la posture Les très jeunes enfants capables de
lon Piaget, que l’enfant
réflexive attendue » alors que d’autres d’école maternelle n’a
dénommer les lettres obtiennent de pas encore acquis le
ne semblent pas posséder de « capacité meilleures performances en production concept de nombre  »
d’autorégulation » (Joigneaux, 2013). orthographique et témoignent d’une (Houdé, 2007).
sensibilité phonologique plus déve-
l
L’apprentissage du langage : au cœur loppée que leurs pairs qui n’ont pas La conscience pho-
construit cette connaissance. Les ré- nologique  : capacité à
des problématiques de préscolarisation percevoir, à découper
sultats de l’étude menée par Négro et et à manipuler les uni-
En France mais comme dans beaucoup Genelot (2009) montrent que les enfants tés sonores du langage
d’autres pays de l’OCDE, depuis les pro- qui connaissent le nom des lettres telles que la syllabe, la
obtiennent des performances supé- rime, le phonème. La
grammes de 2002, le langage est placé prise de conscience
en tête des domaines d’activités proposés rieures dans les tâches d’écriture par d’unités phonologiques
en maternelle, il se situe « au cœur des rapport à ceux qui ne le connaissent et l’apprentissage des
apprentissages ». pas l. Les enfants « connaisseurs » correspondances entre
semblent comprendre que la relation unités orthographiques
et phonologiques sont
Grâce à l’apport des recherches sur entre oral et écrit s’effectue sur la base essentiels à l’acquisi-
l’apprentissage formel de la lecture, Fou- des lettres. Ils se sont dans le même tion de la lecture et de
lin confirme que les apprentissages pré- temps constitués un répertoire des l’écriture.

scolaires liés à l’apprentissage des lettres lettres connues et y piochent la lettre


et de leur nom influencent grandement correspondant le mieux à la séquence l
Lire à ce propos les dé-
son acquisition. « La conscience phono- orale observée et identifient ainsi le mot bats houleux échangés
logique  l et la connaissance des lettres prononcé. De plus, la connaissance du dans la presse entre R.
sont à cet égard reconnues comme des nom de la lettre semble avoir favorisé Brissiaud et F. Ramus.

habiletés de premier plan dont la combi- l’émergence d’une sensibilité aux pho-
naison conditionne l’accès au principe nèmes étudiés (Biot, Magnan & Écalle l
« Les résultats de
alphabétique et les progrès initiaux en 2008). notre étude longitu-
dinale montrent que
lecture et en orthographe » (Foulin, 2007). la capacité à nommer
La conscience phonologique qui permet Foulin rajoute que la connaissance
les lettres de l’alpha-
de décoder l’écrit (unités graphiques) et des lettres possède une grande va- bet exerce un impact
les sons (unités sonores) joue un rôle ma- leur prédictive du bon déroulement plus important que
jeur dans l’apprentissage de la lecture et de l’apprentissage de la lecture mais la conscience pho-
nologique, ou toutes
de l’écriture : le principe alphabétique per- également de l’écrit. Il affirme que
les connaissances
met de comprendre que les mots parlés cette connaissance devrait être consi- générales, liées au
sont représentés à l’écrit par une trans- dérée comme un élément majeur de la fonctionnement du
cription de leur structure phonologique l. prévention des problèmes d’apprentis- code écrit (orientation
des unités, distinction
Les mots étant constitués de phonèmes, sage de la lecture. Aussi, l’évaluation
entre mots et signes,
c’est aussi la conscience phonémique de la connaissance des lettres de- correspondance entre
(c’est-à-dire leur capacité à manipuler vrait-elle s’imposer dès le début du oral-écrit) » (Négro &
les phonèmes d’un mot parlé) qui va per- cours préparatoire (Foulin, 2008). Genelot, 2009).

mettre aux enfants de les déchiffrer. Cette


prise de conscience est elle aussi capitale.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


10/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
Les recherches nord-américaines mieux cerner cette distinction, Joigneaux,
confirment également ces positions. La Laparra et Margolinas définissent les
connaissance alphabétique est consi- termes de connaissance et de savoir :
dérée comme le pilier des apprentis-
− la connaissance réalise un équilibre
sages premiers au kindergarten. Evans
entre un sujet et une situation (concept
et al. (2006) regrettent que si peu de
large incluent la connaissance du
travaux se soient intéressés aux fac-
corps, des actions, de l’interaction…),
teurs qui influencent l’acquisition de la
elle est le plus souvent implicite et non
conscience phonémique alors que de
formulée ;
nombreux autres avaient démontré sa
− le savoir est une construction sociale
valeur prédictive pour l’apprentissage
et culturelle, qui dépend d’une institu-
de la lecture. Les auteurs concluent sur
tion qui en assure la production et la
une éventuelle remise en question du
légitimité. Le savoir est décontextua-
rôle de la conscience phonologique sur
lisé, détemporisé et dépersonnalisé
la connaissance du son des lettres. Cer-
(Joigneaux, Laparra & Margolinas,
tains attributs (forme et son) des lettres
2012).
elles-mêmes influent sur la façon dont
les enfants les retiennent. Certaines
« passent » mieux que d’autres. Pour
« Les dispositions réflexives
Evans et al., la connaissance du nom a
qui permettent de profiter des
une valeur prédictive supérieure à celle
indications données lors des
du son pour l’apprentissage de la lec-
moments de regroupement ou de
ture. Les capacités cognitives ont des
dépasser les difficultés liées à la
effets plus importants dans la réalisa-
complexité croissante des fiches
tion de tâches d’identification de lettres
données en autonomie, sont donc
que la seule conscience phonologique
inégalement construites chez
(Evans et al., 2006).
les élèves d’école maternelle. »
(Joigneaux, 2013)
Comment évaluer les connaissances
précoces des enfants ? C’est à cette
l question que répondent Labat et al.
Terme emprunté à
(2014) dans leur recherche menée au-
Jack Goody : ensemble
près de 3 000 enfants de grande section La notion de mot ne constitue pas un
d’informations qui
« parlent » directement de maternelle dans l’objectif de mieux savoir immédiatement opératoire :
à l’oeil. outiller les enseignants face aux diffi- lorsque le maître demande aux élèves
cultés de lecture. L’enquête confirme de travailler à partir de support écrit
le résultat des travaux mentionnés ci- (trier, comparer, reproduire des éti-
l
Dans sa thèse sur dessus en attribuant aux habiletés pho- quettes sur lesquelles figure un mot),
l’univers graphique en
nologiques une valeur prédictive de les enfants qui n’ont qu’une conscience
maternelle, Gachet-
réussite en lecture. faible et instable de la dimension lin-
Delaborde (2009)
guistique du mot risquent de ne pas
liste les principaux
objectifs ou activités comprendre la tâche car le support sera
Savoirs ou connaissances ?
liés à l’apprentissage traité comme objet. La surface gra-
de l’écrit : découvrir phique est un objet à enseigner car sa
les principales L’univers de la littératie émergente à connaissance ne va pas de soi pour
fonctions sociales de l’école maternelle permet de mieux
l’écrit, se familiariser tous les enfants alors que cet espace
avec le français prendre conscience de ce que sont les n’est pas identifié dans les textes offi-
écrit, construire une savoirs et les connaissances cachés (im- ciels comme source possible de difficul-
première culture plicites, invisibles) dans le curriculum réel tés les élèves. Ces difficultés de lecture
littéraire, prendre (« réellement » enseigné) et des difficul-
conscience des de l’espace graphique ainsi qu’un
réalités sonores de la tés qui pèsent sur les enfants des milieux manque de discours (de la part de l’en-
langue, des activités défavorisés. L’émergence de la littératie seignant) à son sujet pose la question
graphiques aux renvoie aux premières manifestations de didactique de l’« enseignabilité » de la
activités d’écriture, la « raison graphique l » que ce soit à
le geste graphique, surface graphique l (Gachet-Delaborde,
le dessin (renvoi l’oral ou à l’écrit (usages langagiers ou 2009).
au domaine de la graphiques). Il faut donc séparer l’univers
création). de la littératie de celui de l’oralité. Pour

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 11/32
« La capacité massive des enfants « Un tel mécanisme inhibiteur
de [grande section de maternelle] est actuellement considéré,
et dans une proportion moindre dans un cadre évolutionniste,
celle des enfants de [moyenne comme un élément-clé de
section], à recourir à des relations l’adaptation comportementale et
lettre-phonème pour distinguer cognitive qui a conduit à Homo
les mots écrits suggèrent de sapiens sapiens. À l’échelle de
considérer la connaissance du nom l’ontogenèse de l’enfant, ce
des lettres comme un précurseur mécanisme doit aussi (re)devenir
de la connaissance de leur “son” » efficace – et chez l’adulte le
(Biot et al., 2008). rester – pour les domaines de
la construction de l’objet, du
nombre, de la catégorisation et du
raisonnement » (Houdé, 2007).
La perception des nombres

Comme la littératie, la numératie naît des


Houdé remet en cause le principe lié au
interactions entre biologie et expérience.
modèle de l’escalier proposé par Piaget
Les structures de base sont génétique-
selon lequel le développement cognitif
ment programmées mais l’utilisation de
de l’enfant serait linéaire et cumulatif, en
ces structures passe par un travail de
passant du stade sensori-moteur (zéro-
coordination de plusieurs circuits neu-
deux ans) au stade conceptuel (deux-
ronaux non dédiés aux mathématiques.
douze ans). Selon le chercheur, c’est le
Cette « reconversion neuronale » dé-
modèle du bébé « mathématicien » cen-
pend principalement d’éléments issus
tré sur l’apprentissage de l’inhibition
de l’environnement. C’est pourquoi on
des stratégies perceptives inadéquates
s’interroge actuellement sur la possi-
qu’il faut retenir. La psychologie de Houdé
bilité d’élaborer une «  pédagogie des
affiche une conception alternative, plus
mathématiques » à l’aide des connais-
représentative des capacités cognitives
sances neuroscientifiques (CERI, 2007).
complexes des bébés (connaissances
physiques, mathématiques, logiques et
On pense aujourd’hui que les jeunes
psychologiques) qui vont au-delà des
enfants possèdent un sens inné des
simples activités sensori-motrices. Ain-
nombres allant de un à trois (au-delà,
si, plutôt que de suivre une ligne ou un
le langage est nécessaire), quelques
plan qui mène du sensori-moteur à l’abs-
jours après leur naissance, avant toute
trait (les stades de Piaget), l’intelligence
éducation formelle. De nombreux neu-
avance de façon non linéaire. « Et c’est
roscientifiques considèrent que l’ensei-
dans ce schéma de développement que
gnement des mathématiques devrait
l’inhibition va jouer un rôle positif, adapta-
s’appuyer sur l’intuition numérique
tif » (2007).
des élèves. Ceci étant, ils reconnaissent
également que les méthodes d’ensei-
Afin de mesurer l’activité cognitive des
gnement influencent la façon dont le
bébés, les chercheurs se sont intéressés
cerveau se développe : l’apprentis-
aux mouvements du regard ou plutôt aux
sage par répétition n’est pas mémorisé
réactions visuelles face à des stimulations
par les circuits neuronaux de la même
visuo-spatiales. Pour se développer, l’en-
façon que l’apprentissage par straté-
fant doit construire et activer des straté-
gie. Ces découvertes jouent également
gies cognitives (comme le pensait Piaget)
un rôle important sur la récupération
mais aussi apprendre à inhiber des stra-
des connaissances par les élèves et
tégies qui se contredisent dans son cer-
donc sur les résultats des évaluations
veau. Houdé se base sur la cartographie
(Berteletti et al., 2010).
du développement par le biais de l’ima-
gerie cérébrale pour illustrer son propos.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


12/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
Nous avions vu dans un précédent dossier de référence mais aussi des périodes d’adap-
(Gaussel & Reverdy, 2013) que le dévelop- tation sont nécessaires à l’instauration d’une
pement neurocognitif s’opère d’abord par base affective stable pour ces enfants. L’en-
une multiplication des synapses (ou plutôt fant doit pouvoir affronter les épreuves des
des connexions) puis par leur élagage (un premières séparations d’avec sa famille dans
enfant d’un an possède deux fois plus de un climat propice avec l’aide de personnes
synapses qu’un adulte). Cette sélection de compétentes, bien formées donc (Ben 
synapses via l’expérience relève d’un mé- Soussan, 2010). Le taux d’encadrement
canisme de « darwinisme neuronal » (se- dans les services d’EAJE et leur niveau de
lon la formule de J.-P. Changeux) et carac- qualification constituent (nous l’avons vu
térise le mode de développement cognitif plus haut) un des facteurs d’impact sur la
de l’enfant qui apprend (Houdé, 2007). qualité de ces structures. Plus le taux est
élevé, meilleurs sont les résultats des élèves
D’autres chercheurs en psychologie déve- aux tests cognitifs en mathématiques et en
loppementale ont travaillé sur le rôle de la langue (Litgens & Taguma, 2010).
l
Le concept de mémoire de travail l (à court terme) dans
mémoire de travail est l’apprentissage des mathématiques. Ils Lieury définit l’environnement comme un
défini par Eustache ont constaté que les enfants dépourvus de ensemble de facteurs biologiques comme
et Desgranges
capacités de mémoire de travail, en parti- l’alimentation, le sommeil, l’exercice phy-
comme « un système
mnésique responsable culier au niveau du calepin visuo-spatial, sique et de facteurs psychologiques,
du traitement et du sont particulièrement désavantagés  : de comme les stimulations sensori-motrices,
maintien temporaire bonnes capacités visuo-spatiales seraient affectives, sociales, parentales, écono-
des informations
indispensables pour le développement miques, etc. Il recommande de considérer
nécessaires à la
réalisation d’activités précoce des perceptions mathématiques, l’élève dans son milieu cognitif et culturel
aussi diverses que mais également dans la résolution de pro- (Lieury, 2010).
la compréhension, blèmes complexes. Une meilleure prise en
l’apprentissage et
compte de ces limites cognitives chez cer- La psychologie nous renvoie à l’importance
le raisonnement.
Ce modèle postule tains enfants accompagnée de méthodes du contexte et des facteurs environnemen-
l’existence de deux d’apprentissage n’utilisant dans un premier taux en définissant le développement de
sous-systèmes temps que très peu ces processus cognitifs l’enfant comme un « mécanisme et proces-
satellites de
permettraient de surmonter certaines diffi- sus qui assurent ou permettent le passage
stockage (la boucle
phonologique et cultés (Bull, Espy & Wiebe, 2008). d’une étape à une autre » (Brisset, 2010).
le calepin visio- L’approche neuropsychologique a quant à
spatial) coordonnés
LES ENVIRONNEMENTS elle, mis en lumière des éléments de ce dé-
et supervisés par
COMME RESSOURCES veloppement avec notamment les concepts
une composante
attentionnelle, de plasticité neuronale et de périodes sen-
l’administrateur
ÉDUCATIVES sibles. Sommairement, le développement
central » (2010). de l’enfant est « découpé » en grands do-
Les apports de la psychologie cognitive ont maines d’étude : le développement moteur,
révélé les spécificités des très jeunes enfants le développement cognitif, le développe-
en termes de repères relationnels : un adulte ment affectif et social.

On distingue deux grands types de motricité : la motricité fine qui concerne


l’écriture mais aussi toutes les habilités manuelles utilisant la dextérité des
doigts (coloriage, enfilage de perles) et la motricité globale (pour courir,
sauter, attraper un ballon…). Dans toutes les situations, c’est la maturation
organique combinée à la richesse des situations qui permettent des
progrès importants. Cependant, à deux ans, tous les enfants ne présentent
pas les mêmes habilités motrices. Un important retard doit néanmoins
alerter l’enseignant, l’éducateur. L’âge de trois ans semble être un âge
plus charnière du développement moteur, en particulier pour l’équilibre,
la tonicité et la coordination. L’idéal pour l’éducateur est de constituer un
contexte favorable aux compétences motrices afin de pallier le manque
d’expériences pour certains enfants et de compenser les représentations
familiales qui freineraient le développement de l’autonomie (Brisset, 2010).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 13/32
Tous les environnements familiaux ne parents (celui de la mère se révélant le
sont pas stimulants de même manière et facteur le plus discriminant de tous), mais
la classe reste un lieu primordial d’expé- aussi la taille et la structure des familles
rimentations et de réflexions, même si là (à l’avantage des familles de petite taille
aussi, les situations peuvent être inéga- et bi-parentale plutôt que mono-parentale)
lement productives (Brisset, 2010). Dans sont également des facteurs à prendre en
leur article sur les difficultés d’appren- compte.
tissage, Wallet et Sarri (2010) montrent
que même des élèves d’intelligence dite Les modes de parentalité liés à la concep-
normale peuvent connaitre des difficultés tion de l’éducation engendrent des sys-
s’ils ont été confrontés prématurément à tèmes de croyances (parfois d’inspira-
des désavantages éducatifs et émotifs. tion religieuse) sur la nature des enfants,
Ils cherchent à comprendre la mise en les stades de leur développement, sur
place des procédures de gestion mentale le rôle des parents et des enseignants ;
qui facilitent les acquisitions scolaires et ils sont considérés comme des cadres
l’appropriation du métier d’élève. Sans dynamiques de cognition et de modèle
analyser les approches psychanalytiques de valeurs spécifiques (comme l’impor-
des processus d’apprentissage, on retient tance de la littératie, le respect des autres,
que l’enfant manifeste une dynamique l’importance de l’instruction). On distingue
d’évolution, d’apprentissage, lorsque les là aussi deux types de croyances : les
relations de partage (avec la mère, le croyances traditionnelles (intérêt du
père, l’enseignant) ne sont pas bloquées groupe famille avant celui de l’enfant,
par des situations d’angoisse mal gérées. respect des adultes, obéissance, dépen-
Ce sont les relations précoces avec l’envi- dance de l’enfant) et les croyances
ronnement humain qui favorisent, ou non, modernes (individualisme, autonomie,
la satisfaction d’apprendre et le « plai- compétition, indépendance affective). Ces
sir à penser ». Dans ce cadre, un objet croyances, schématisées ici, sont parfois
transitionnel comme le doudou l permet à concomitantes et s’adaptent en fonction l
On pourra lire à ce
l’enfant de s’aménager une aire intermé- des situations de chacun. Globalement, sujet les travaux de
diaire, un espace transitionnel qui le relie les croyances à tendance collectiviste tra- Gasparini (2012) sur
à une présence rassurante (souvent celle ditionnelle « sont corrélées avec un retard les représentations du
doudou comme objet
de la mère, voir Wallet & Sarri, 2010). cognitif, un QI inférieur, des problèmes transitionnel très présent
psychosociologiques, une moindre réus- dans notre société.
Le rôle majeur de la famille site scolaire et une intégration sociale
moins réussie » (Eurydice, 2009).
L’impact des facteurs prédictifs de la réus-
site inclut généralement celui des caracté- Nous l’avons vu pus haut, la connaissance
ristiques individuelles et sociales. Les tra- du nom des lettres a une valeur prédic-
vaux en sociologie ont montré l’existence tive pour la réussite en lecture. Négro et
de liens statistiques entre la performance Genelot (2009) ont également constaté
scolaire et certaines caractéristiques fami- que les enfants des milieux favorisés « au-
liales l. De façon encore plus générale, raient une conceptualisation plus précise l
Pour plus d’informa-
de nombreuses études établissent un lien de l’écriture, des savoirs et savoir-faire tions sur ce sujet, voir
entre statut socio-économique et déve- sur le livre et le texte imagé, comparati- Feyfant Annie (2011).
loppement cognitif. Les conditions de vie vement aux enfants de milieux défavori- Les effets de l’édu-
sés ». La corrélation entre performance cation familiale sur la
dans l’enfance et les pratiques culturelles réussite scolaire. Dos-
des parents s’avèrent importantes pour en lecture et milieu social est attribuée sier d’actualité Veille &
l’acquisition des compétences. « Cer- au fait que c’est la construction sociale Analyse, n° 63.
taines activités auront un résultat po- de l’écrit au sein de la sphère familiale
sitif pour peu qu’elles soient les plus qui prédit la maîtrise de l’écrit. L’usage
proches d’une vision “classique” de quotidien de situations liées à l’écrit aide
la culture (lire, aller au cinéma, aller au l’enfant à développer un « habitus lectu-
musée) contrairement à celles qui en sont ral primaire » (Bourdieu & Chartier, 1985,
plus éloignées (faire du sport, aller à la cité par Négro & Genelot, 2009), un usage
chasse, faire du tricot) » (Feyfant, 2011). continu de l’écrit dans des situations fonc-
La profession et le niveau d’études des tionnelles.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


14/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
Les représentations familiales autour de quatre ans, entraînant des différences très
l’écrit variant d’une famille à l’autre se dé- prégnantes tout au long de la scolarisation
clinent selon une typologie des milieux fami- élémentaire en fonction de l’univers socio-
liaux. Négro et Genelot distingue les parents économique des familles. Les enfants issus
à orientation conformiste (milieu plutôt des familles défavorisées, par le manque
défavorisé, rapport à l’écrit plutôt scolaire) de familiarité avec l’univers écrit, accèdent
des parents à orientation fonctionnaliste difficilement aux notions de codage phono-
(milieu plutôt favorisé, rapport privilégié logique, aux connexions entre signes gra-
à l’écrit, investit dans les pratiques quoti- phiques et sons, alors que les enfants qui
diennes d’écriture et le suivi scolaire). « La sont familiers avec les nom des lettres et
comparaison des performances à l’écrit de l’univers de la lecture en général sont plus
deux groupes d’enfants, selon l’orientation aptes à traiter le code alphabétique et
éducative de leurs parents, révèle des diffé- comprendre un texte écrit à la fin du cours
rences significatives, avec un net avantage préparatoire. Négro et Genelot inscrivent
en faveur des enfants de parents à orien- donc l’objectif de développer cette connais-
tation fonctionnaliste » (Négro & Genelot, sance pour un meilleur apprentissage de la
2009). La conscience phonologique se lecture comme une priorité de l’école mater-
développerait précocement vers l’âge de nelle (2009).

Tazouti et al. ont mesuré les compétences facilitant les apprentissages premiers
en lecture, écriture et calcul chez des enfants français et allemands ; puis ils
ont évalué les attentes des familles vis-à-vis de l’institution scolaire ainsi que les
pratiques éducatives.
L’interprétation des résultats montre un effet important de l’appartenance
sociale sur les apprentissages premiers des élèves à ce stade de la scolarité
(grande section de maternelle) et deux fois plus élevé en France qu’en
Allemagne (alors que l’OCDE dénonce le système allemand comme étant
traditionnellement encore plus inégalitaire que le système français). Ceci peut
être expliqué par le fait que l’enquête des chercheurs a été effectuée en amont
de l’orientation des élèves, à leur entrée en primaire, bien avant le processus
ségrégatif en fin de primaire en Allemagne qui se fait vers l’âge de dix ans (ce
type d’organisation cristallise et amplifie les inégalités). En ce qui concerne
les pratiques éducatives familiales, celles « autour du livre », les chercheurs
ont constaté un effet positif significatif sur les performances moyennes
des élèves aux épreuves d’évaluation portant sur les apprentissages
fondamentaux. Cet effet se retrouve dans les deux pays, légèrement plus
accentué en Allemagne (Tazouti et al., 2012).

l
Voir aussi Musset Marie
& Thibert Rémi (2009). Le jeu et l’exploration du monde piagétien de l’importance des « échanges
Quelles relations entre
extérieur équilibrés » mais aussi la notion de « co-
jeu et apprentissages
à l’école ? Dossier construction des connaissances ». Il ne
d’actualité Veille et s’agit pas de surstimulation (les activités
Il est communément admis que le jeu l est
Analyse, n° 48. sont choisies et guidées par l’adulte) mais
une des activités principales du jeune
plutôt de situations d’éveil propices à la
l enfant l et pourtant on ne trouve guère en
Bruner et al. ont découverte (l’enfant a l’initiative du jeu et
France de personnel EAJE spécialisé dans
montré l’importance de ses démarches mais l’adulte a prépa-
pour le développement ce domaine. Rayna constate qu’en passant
ré et mis à disposition le matériel, agit en
du langage, de la par des stades imitatifs, les petits (entre 20
interaction et réagit). C’est l’enfant qui est
pensée et de l’entrée et 24  mois) coopèrent et communiquent
dans la culture en au cœur des pratiques professionnelles
entre eux, favorisant ainsi la construc-
général, des routines et non pas l’adulte. Cette façon de procé-
ludiques mises en tion de certaines connaissances propres
der est très fréquente dans les crèches
place par des adultes à cet âge, et ce par la médiation du jeu.
japonaises, beaucoup moins en France
et proposées aux Ses observations confirment le postulat
enfants entre 6 et 24 (Rayna, 2003).
mois (1976).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 15/32
On trouve aujourd’hui un grand nombre
de recherches destinées à montrer l’im- Les indicateurs liés aux
portance du jeu et de l’exploration. Les environnements propices à
américains qualifient cette approche de l’apprentissage et au bien-être,
dimensions of teaching-learning envi- tels que le taux d’encadrement des
ronments destinée à stimuler le déve- enfants et la qualité du personnel,
loppement moteur associé à la curio- ont un impact sur les résultats
sité de l’enfant. Ces environnements d’apprentissage des élèves (OCDE,
didactiques sont délimités selon cinq 2013).
dimensions : l’ouvert et le fermé, l’inclu-
sion et l’isolement, le simple et le com-
plexe, le mouvant et l’immobile, le doux
et le rugueux. Sur les mêmes principes, L’éducation et l’accueil du jeune enfant
des chercheurs de l’université de Cin- améliorent-ils son bien-être ? C’est la
cinnati ont mis au point des aires de question que pose l’OCDE pour mieux l
jeux expérimentales (playscapes l) cerner les débats soulevés dans la plu- Voir la vidéo sur les
conçues pour promouvoir des appren- part de pays. Les effets semblent mul-
playscapes.
tissages (STEM ou Science Technology tiples mais la réponse tourne autour du
Engeneering Mathematics en particu- niveau de qualité des services de garde
lier) mais également pour développer non parental proposés et des conditions
les compétences motrices et sociales. de garde parentale. L’OCDE propose un
D’autres pays (Suède, Australie, Scan- classement de facteurs positifs ou néga-
dinavie, Allemagne et Royaume-Uni) tifs qui peuvent influer sur le développe-
s’engagent également dans la création ment et le bien-être de l’enfant.
d’environnements extérieurs, liant na- Facteurs positifs de la garde non paren-
ture et apprentissages (Carr & Luken, tale de la naissance à trois ans :
2014). − socialisation précoce ;
− interactions stimulantes ;
En France, l’approche plus didactique − stimulation du développement cognitif.
qui caractérise l’évolution des struc- Facteurs négatifs :
tures préscolaires diminue l’importance − interactions stressantes ;
du jeu. L’accent est mis sur les compé- − réduction de l’attachement parent-
tences langagières et cognitives, plu- enfant ;
tôt que sociales et affectives, affichées − expositions à davantage de maladies ;
dans grand nombre de programmes − comportements externalisés (agitation,
(Garnier, 2013). impulsivité, manque d’obéissance ou
de respect des limites, agressivité).
Climats et contextes scolaires Facteurs positifs de la garde non paren-
tale de trois à six ans :
Les conditions d’éducation sont détermi- − socialisation ;
nantes pour le statut intellectuel et so- − amélioration des capacités cognitives. 
cial de tous les individus, y compris les Facteurs négatifs :
plus jeunes. L’espace d’apprentissage, − comportements externalisés (agitation,
l’environnement physique des élèves, impulsivité, manque d’obéissance ou
au-delà de l’environnement familial, de respect des limites, agressivité) ;
semblent jouer un rôle important dans − dégradation des capacités cognitives 
la mise en œuvre de pratiques pédago- (OCDE, 2009).
giques et le climat scolaire.
Dans ce contexte, il est aujourd’hui diffi-
cile de convenir avec certitude des effets
positifs ou négatifs de tel ou tel mode de
garde sur le bien-être de l’enfant et sur
son développement.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


16/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
FAUT-IL FAVORISER
La maturité scolaire selon
UNE SCOLARISATION l’agence de la santé de Montréal
PRÉCOCE ? Degré de préparation des enfants
au moment de commencer l’école,
La forte progression de la scolarisation des elle se mesure selon cinq critères :
enfants de moins de trois ans, conjuguée − santé physique et bien-être :
aux recherches sur le développement et développement physique gé-
l’épanouissement des jeunes enfants, a néral, motricité fine et globale,
contribué à l’émergence d’un débat pas- préparation physique pour
sionné et controversé sur ce sujet (Papon entamer la journée d’école,
& Martin, 2008). propreté, ponctualité et état
d’éveil ;
Pour le modèle français, l’enjeu et les − compétence sociale : habi-
finalités de la préscolarisation se sont letés sociales et confiance en
structurés autour de plusieurs logiques soi, sens des responsabilités,
parfois contradictoires, souvent complé- respect des pairs, des adultes,
mentaires rassemblant des questions des règles et des routines de
de psychologie de l’enfant, de demande la classe, habitudes de travail,
sociale, de prise en charge et d’accueil autonomie et curiosité ;
des tout-petits, d’évaluation des perfor- − maturité affective : compor-
mances scolaires, de contraintes éco- tement pro-social et entraide,
nomiques, de territorialisation éducative crainte et anxiété, comporte-
(Warren, 2008)… Toutes ces contraintes ment agressif, hyperactivité
et modes de pensées relatifs à l’éducation et inattention, expression des
des enfants de deux ans (via la voix des émotions ;
différents acteurs) sont donc à prendre en − développement cognitif et
compte. langagier : intérêt et habiletés
en lecture, en écriture et en
De nombreuses études ont examiné les mathématiques, utilisation adé-
liens entre les trois aspects comportemen- quate du langage ;
taux nécessaires à une bonne adaptation − habiletés de communication
scolaire (niveau de participation, niveau et connaissances générales :
de sociabilité et niveau de comportement capacité à communiquer de
agressif) et la maturité cognitive (connais- façon à être compris, articu-
sance académique, fonctions exécutives) lation claire, capacité à com-
d’un enfant. prendre les autres, connais-
sances générales, Résultats de
Pour Magnuson (2004), l’aptitude de l’en- l’enquête EQDEM, 2012 sur le
fant à recevoir et à bénéficier d’un ensei- développement des enfants à la
gnement scolaire, la « school readiness », maternelle).
s’acquiert avant l’entrée au kindergarten
(6  ans). Les élèves ayant reçu une édu-
cation préscolaire obtiennent de meilleurs
résultats en mathématiques et en lecture,
avantage qu’ils conservent en 1st grade
(7 ans) et tout au long de leur scolarité. De Les professionnels de l’accueil et de la
façon contradictoire, dans un autre article petite enfance au Royaume-Uni (Pro-
l’auteur (2005) pense qu’une scolarisation fessional Association for Childcare and
trop précoce peut nuire au développe- Early Years) considèrent qu’un enfant est
ment du comportement, certains enfants « mûr » pour l’école si son degré de socia-
se montrant plus agressifs. lisation est élevé, s’il supporte la sépara-
tion avec son milieu familial, s’il montre
une certaine autonomie et s’il possède un
esprit curieux, ouvert à l’instruction. Le ni-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 17/32
veau académique ou cognitif est rarement
pris en compte et semble moins important Le programme de l’école
que le niveau d’indépendance et d’éveil maternelle en France de 2008
(PACEY, 2013). décrit précisément six domaines
d’action (ces domaines risquent
LE CURRICULUM DU d’évoluer à la rentrée 2014) :
PRÉSCOLAIRE  − s’approprier le langage oral :
échanger, s’exprimer, com-
Face aux contradictions issues des tra- prendre, progresser vers la maî-
vaux sur l’importance des premières an- trise de la langue française ;
nées de vie, il est difficile de distinguer − découvrir l’écrit : se familiariser
des recommandations cohérentes pour la avec l’écrit, découvrir les sup-
mise en place de curriculums préscolaires. ports, la langue écrite, contri-
D’un côté les recherches préconisent un buer à l’écriture de texte ;
investissement massif dans l’apprentis- − devenir élève : vivre ensemble,
sage des jeunes enfants. D’un autre, on coopérer, devenir autonome ;
peut lire qu’il n’existe aucune preuve − agir et s’exprimer avec son
sur l’efficacité des environnements en- corps : activités physiques,
richis (Gaussel & Reverdy, 2013) ; seules artistiques, guidées ou libres ;
les privations sensorielles et sociales au- − découvrir le monde : les objets,
raient un impact négatif (Goswami, 2005). la matière, le vivant, les formes,
les quantités et les nombre, se
Des contraintes d’organisation peuvent repérer dans l’espace ;
également peser sur les choix didac- − percevoir, sentir, imaginer,
tiques. C’est le constat que font Bouysse créer : par le dessin, la voix,
et al. quant à l’organisation et les usages l’écoute (Bulletin officiel de
du temps scolaire car en maternelle, il n’y l’Education nationale, hors-
a pas d’horaires affectés aux domaines série n° 3 du 19 juin 2008).
d’activité contrairement à l’élémentaire.
L’emploi du temps correspond plutôt à
une journée « type » peu propice à une
organisation optimale en terme de béné- Ces programmes ambitieux ont pour ob-
fices éducatifs (2011). jectif de rendre l’élève progressivement
autonome, de lui faire acquérir le langage
Peut-on parler de standards à l’école oral et découvrir l’écrit, de le préparer à
maternelle ? l’école élémentaire tout en prenant en
compte son rythme. En bref, il faut pré-
La question des standards est abordée parer l’élève à réussir les apprentissages
par Boyd et Barnett (2005) dans leur pa- fondamentaux au cours préparatoire
norama des expériences en cours sur la (Dessus & Deschaux, 2008). En Écosse,
question des programmes dispensés en le ministère de l’Éducation a défini en
structures préscolaires et leur influence 2010 un véritable cadre de qualité pour
sur le développement social et affectif des la construction des curriculum, le Curri-
enfants. Les auteurs préconisent une mise culum For Excellence, effectif de trois à
en œuvre de programmes de qualité dix-huit ans. Ce curriculum est flexible, il
afin de stimuler au plus tôt le dévelop- s’adapte aux projets de l’élève en termes
pement des capacités intellectuelles, de contenus et doit favoriser le dévelop-
de motivation et socio-émotionnelles. pement de trois types de compétences :
En effet, les enseignants rapportent que les compétences pour l’apprentissage, les
beaucoup de leurs élèves ne sont pas compétences professionnelles et les com-
préparés pour affronter les bouleverse- pétences pour la vie. Toutes les étapes de
ments engendrés par l’école. Selon cer- ce curriculum, ainsi que les activités qu’il
taines études, 20  % des enfants entrant doit expérimenter, sont décrites dans le
au Kindergarten ont des problèmes com- Strategic Curriculum Plan, projet person-
portementaux.  nel de l’élève.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


18/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
Contenus des apprentissages, mette à l’enseignant de prendre conscience
pédagogies et activités des dimensions multiples qui les encadrent :
− la fonction d’orientation : la représenta-
tion du résultat, le but à atteindre (aspect
La pluralité des conceptions de l’école ma-
intentionnel) ;
ternelle peut créer des ambiguïtés dans les
− la fonction de réalisation : les moyens
pratiques des enseignants et soulever chez
et procédés utilisés pour la mise en
les élèves des incertitudes quant à la tâche
œuvre (aspect opérationnel) ;
qu’on leur demande d’effectuer. Bautier et al.
− la fonction d’incitation : le motif pour
(2006) préconisent de construire un « cadre
lequel le sujet agit, pourquoi il s’engage
pour apprendre  » en aidant les élèves à
dans l’activité, ce pourquoi il va s’investir
clarifier l’objet de l’activité et non pas « un
(aspect motivationnel).
cadre pour faire », où la tâche devient plus
importante que son objet. La conceptua-
Ces différentes fonctions ne se juxtaposent
lisation des activités semble essentielle à
pas, elles entretiennent entre elles des rap-
Bautier et al. (citant Leontiev, 1975) pour per-
ports et des tensions (2006).

Les méthodes actives (ou méthode de construction des savoirs) utilisent


et provoquent l’activité intellectuelle des élèves. Les critères principaux
d’une méthode active sont l’activité (observation, manipulation, recherche,
déduction), l’autonomie et la liberté (l’élève prend des initiatives, apprend
parce qu’il le décide). L’apprentissage est le fruit de l’activité de l’apprenant qui
construit lui-même à partir de ses expériences. C’est également un processus
interactif modulé par l’intention et le but. Ces méthodes font référence à la
théorie constructiviste développée par Piaget en 1923 qui postule que le sujet
apprend selon le processus d’adaptation, d’assimilation et d’accommodation
modulé par son environnement. On dénombre plusieurs caractéristiques
relatives aux méthodes actives : l’implication de l’apprenant, l’importance
des expériences préalables de l’apprenant, l’importance des ressources,
l’importance du contexte, la démarche d’apprentissage basé sur la recherche de
solutions, l’élaboration de stratégie, la production d’un résultat, l’importance de
l’interaction et de la coopération.

− Quelques fondateurs des méthodes actives : Maria Montessori, Ovide


Decroly, Edouard Clarapède, Roger Coussinet, Célestin Freinet ;
− lire notre dossier sur la pédagogie par projet : Reverdy Catherine (2013). Des
projets pour mieux apprendre ? Dossier d’actualité Veille et Analyse, n° 82.
Source : CUEEP

Alors que plusieurs enquêtes citées La première, centrée sur le choix de


dans leur recherche révèlent que les l’enfant et son épanouissement affec-
classes préscolaires relèvent assez sou- tif, est orientée vers la stimulation phy-
vent d’une structure d’accueil destinée sique et intellectuelle de l’enfant par la
à « occuper » les enfants, Fuller, Livas mise en scène d’activités plus ou moins
et Bridges s’interrogent néanmoins sur ludiques, en petits groupes. Cette ap-
certaines pratiques mises en place en proche développementale (pédagogie ac-
maternelle en Californie et observent tive) considère que l’enfant a besoin d’être
deux approches pédagogiques relative- stimulé socialement et affectivement pour
ment opposées : l’approche « cogniti- être motivé à apprendre. Les chercheurs
viste » ou affective et l’approche « ensei- regrettent que les outils utilisés ne soient
gnement directif » ou direct instruction pas davantage détaillés par les ensei-
(2005). gnants interrogés. Ces derniers justifient
leur choix par une adhésion aux concepts

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 19/32
psychologiques du développement de tive Provision of Pre-school Education)
l’enfant, sans vraiment préciser la façon et REPEY (Researching Pedagogy in
dont ils mettent en œuvre ces principes. the Early Years). Ces études ont eu un
impact sur la politique gouvernementale
La seconde repose sur un enseigne- qui redouble d’effort pour implanter une
ment académique, explicite et structu- école maternelle de qualité. Cependant,
ré, en groupes d’élèves plus importants. il reste à définir les stratégies péda-
Moins axée sur le jeu et les comporte- gogiques spécifiques à cette tranche
ments entre pairs, cette forme d’ensei- d’âge. L’étude REPEY tente d’identifier
gnement propose aux enfants des exer- les meilleures pratiques pédagogiques
cices plus conventionnels  destinés à déjà existantes. En fonction des expé-
aider l’enfant à se familiariser avec l’écrit riences menées et après analyse de ces
et les nombres (loin d’être exclusives, ces pratiques, les auteurs mettent en avant
deux approches peuvent se compléter, l’approche « active learning » (méthode
voir Fuller, Livas & Bridges, 2005). active) et la pédagogie dérivée de ce
concept « sustained shared thinking »
(l’enseignant et l’environnement scolaire
doivent offrir à l’enfant, matériellement et
High Scope Curriculum intellectuellement, toutes les opportunités
Le curriculum High Scope de développement cognitif).
(rebaptisé plus tard Cognitively
Oriented Curriculum) conçu à
l’origine pour l’école préscolaire « Does direct instruction work
Perry à Ypsilanti dans le Michigan, better for some children? Initial
s’est largement inspiré des théories research has occurred on the
de Piaget et du constructivisme : possible benefits of direct
l’enfant est un apprenant instruction as opposed to active-
actif, acteur de son propre learning or developmental
apprentissage. L’instruction n’est approaches » (Fuller, Livas &
plus directe mais s’organise autour Bridges, 2005).
d’expériences et d’activités clés
organisées selon trois domaines :
− le développement émotionnel
et social (communication, réso- Aux États-Unis, Katz (2010) fait l’apolo-
lution de problèmes, accepter gie de l’implantation des STEM (Science,
les routines) ; technology, engineering, and mathema-
− le développement moteur tics) dans les classes préscolaires. Selon
(construction, escalade, lancer elle, il est essentiel de développer la cu-
de ballon, manipulation pré- riosité intellectuelle plutôt que de trans-
cise) ; mettre du savoir. Elle définit des cadres
− le développement cognitif de développement qui peuvent s’appli-
(représentation, langage, clas- quer aux structures d’EAJE en général :
sification, chiffre, espace et les objectifs les mieux adaptés à la prés-
temps). colarisation sont ceux qui sont centrés
Toutes les activités mises en place sur la compréhension, les habiletés, les
se déroulent selon un plan de prédispositions et les sentiments. Les dé-
semaine propre à chaque enfant. marches d’investigation scientifiques
adaptées au niveau préscolaire se prêtent
parfaitement à ce type de conditions. Elle
privilégie le développement intellectuel
(raisonner, prédire, résoudre, prévoir) à
En Grande-Bretagne, Siraj-Blatford et l’apprentissage académique (mémoriser,
Sylva (2004) résument et commentent exercer, compter, réciter).
les résultats de deux projets de recherche
sur le curriculum mis en place par le
Department for education, EPPE (Effec-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


20/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
High Reach Curriculum « Il a été démontré que la
Conçu pour aider les enseignants participation au Parents as Teacher
et éducateurs de la petite enfance Program améliore la préparation
à mettre en place des activités à l’école grâce à de meilleures
incitant les enfants de deux ans et pratiques parentales telles qu’un
demi à cinq ans à explorer de façon temps plus long consacré à la
autonome des environnements lecture à haute voix aux enfants,
spécialement organisés pour et une plus forte probabilité que
l’acquisition des apprentissages les parents inscrivent leurs enfants
clés. à des programmes préscolaires »
(CERI, 2010).

Programmes préscolaires : l’exemple Certains programmes ont fait l’objet


d’analyses coûts/bénéfices qui ont mis
américain
en évidence des taux de rentabilité éle-
vés. C’est le cas du projet Chicago Child
Les thèses défendues pour la mise en Centers dont les effets ont été minutieu-
place de programmes pour les jeunes sement étudiés par l’équipe de Reynolds.
enfants (de quatre à six ans), par exemple Les chercheurs ont principalement rendu
les programmes américains Head Start compte de la manière dont les effets à
et Early Head Start destinés à offrir aux court terme du programme se sont traduits
enfants issus de familles défavorisées en divers résultats intermédiaires et finaux
des environnements stimulants, sont fon- à dix-huit ans. De nombreux facteurs ex-
dées sur l’importance accordée à la pé- térieurs au programme ont joué un rôle
riode initiale et aux pics de croissance dans la traduction des effets à court terme
cérébrale. Les efforts d’investissement en résultats à long terme. Certains fac-
du gouvernement Américain dans Head teurs d’ordre familial montrent que le sou-
Start (depuis Lyndon Johnson en 1965) tien donné aux familles (une composante
n’obtiennent pas les résultats escomp- du programme) a concouru à la stabilité
tés  ; ces programmes sont insuffisants des effets cognitifs initiaux (le soutien
pour combler les inégalités entre enfants a contribué à réduire les maltraitances et
issus des milieux favorisés et les enfants augmenter la participation des familles).
« à risque ». Ces derniers ne reçoivent Ces avantages cognitifs ont favorisé une
pas l’aide nécessaire pour leur assurer meilleure adaptation à la vie scolaire se
l
La dysphasie est un
un meilleur début de scolarité (Haskins & traduisant par un intérêt augmenté pour
trouble central lié à Barnett, 2010). l’enseignement et une diminution du
la communication taux de décrochage. Tous ces facteurs
verbale. Elle peut cibler La Commission européenne modère ces ont facilité les transitions vers les établis-
plus particulièrement
l’expression
propos : si l’éducation préscolaire est sements primaires et secondaires et ont
(« dysphasie considérée comme un moyen efficace suscité de meilleurs résultats et parcours
expressive »), la de lutte pour une meilleure équité, ses scolaires (Reynolds et al., 2004).
compréhension effets doivent se mesurer à long terme
(« dysphasie de
et à grande échelle. « L’efficacité à long
réception ») ou
les deux à la fois terme se manifeste par des résultats sco- UNE SCOLARISATION
(« dysphasie mixte »). laires supérieurs à la moyenne dans les PRÉCOCE : À QUOI ÇA SERT ?
Ce trouble a des classes ultérieures (en écriture et mathé-
répercussions de
longue durée sur
matiques), des parcours scolaires mieux Quels sont les effets d’une scolarisation
la communication réussis, une moindre dépendance vis- précoce ? Nous verrons d’abord que les
du sujet atteint, à-vis de l’aide sociale, une plus grande difficultés que peuvent éprouver les plus
puisqu’il s’agit d’un indépendance économique, moins de petits dans la reconnaissance du nom des
trouble structurel
de l’apprentissage
problèmes psychosociaux, moins de dé- lettres peuvent être un facteur prédictif de
du langage, d’une linquance juvénile, moins de tabagisme troubles d’apprentissages, de problèmes
anomalie du et des taux plus faibles de grossesse des de dysphasie l. Nous verrons ensuite
développement du adolescentes » (Eurydice, 2009). comment une détection rapide des difficul-
langage.

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 21/32
tés d’apprentissage en général peut être
bénéfique pour prévenir le décrochage et « Associé à des défaillances
aider les enfants des milieux défavorisés. des habiletés langagières et
phonologiques, un déficit de
Détection des troubles du langage connaissance des lettres peut
être la première étape d’un
L’appréhension précoce de ces troubles engrenage de problèmes pouvant
peut permettre de remédier plus effica- aboutir, dans l’éventualité la
cement et plus rapidement aux freins moins favorable, à des troubles
s’exerçant sur les processus d’appren- d’apprentissage de la lecture.
tissage. Nous avons vu que la procé- Dans tous les cas, des difficultés
dure phonologique de lecture implique d’apprentissage de l’identité des
de pouvoir, dans un premier temps, pas- lettres chez un enfant devraient
ser du code écrit au code oral (analyse conduire à une évaluation
phonémique), associer graphèmes et diagnostique de ses habiletés
phonèmes, puis assembler les unités langagières et phonologiques,
décodées (mémoire phonologique à les unes et les autres capitales pour
court terme) pour accéder aux mots du réussir à apprendre à lire et écrire »
lexique oral. Dans une écriture alpha- (Foulin, 2008).
bétique, cette identification passe soit
par le décodage (correspondance pho-
nèmes/graphèmes), soit par la procé- l
dure lexicale (mots). Ces procédures ne Share rappelle quand même que toutes « La notion de trouble
sont ni globales ni purement visuelles ; les difficultés précoces dans l’apprentis- de l’évolution du
sage de l’identité des lettres ne peuvent langage est devenue
elles permettent au lecteur expert d’ac- centrale dans les
céder au code phonologique et séman- être attribuées à un possible trouble dys- politiques éducatives
tique des mots (INSERM, 2007). Une lexique (2004). On ne sait pas encore si puisqu’elle a un impact
des hypothèses du développement de le développement du langage des enfants sur d’autres troubles,
dysphasiques est différent de celui des notamment la dyslexie,
la dyslexie  l liée à la théorie phonolo- mais la question de
gique est que les déficits pourraient être autres enfants, mais il semblerait que oui savoir si une dysphasie
associés à un manque de discrimination (Kail, 2012). L’origine génétique de ce entraîne forcément
des phonèmes (faire la différence entre trouble semble être la piste la plus pro- une dyslexie n’est
bable actuellement, ainsi que des ano- actuellement pas
« vol » et « bol »). La présence d’un encore tranchée.
dysfonctionnement des circuits cé- malies cérébrales au niveau de l’asymé- Concernant
rébraux impliqués dans la phonologie trie des deux hémisphères (Gaussel & l’acquisition atypique
(représentation et traitement des sons Reverdy, 2013). du langage, il y a deux
possibilités : soit les
de la parole) est aujourd’hui la cause la dysfonctionnements
plus couramment admise de la dyslexie L’impact des années de préscolarisation concernent le
(Feyfant & Gaussel, 2007). sur les enfants issus de milieux développement de
l’enfant en général et
défavorisés donc affectent entre
autres l’acquisition
Les programmes préscolaires sont impor- du langage, soit ils
sont spécifiques au
tants pour faire face aux disparités édu- langage. Les études
catives qui engendrent rapidement des portant sur ces
inégalités entre les enfants, inégalités troubles distinguent
qui persistent tout au long de la scolarité. également retard de
développement (qui
Dans la plupart des pays, on considère se résout de lui-même
donc qu’il est nécessaire de proposer ces en général ou fait
programmes en priorité aux enfants issus suite à une pathologie
des groupes défavorisés (liés à l’environ- identifiée par ailleurs)
et développement
nement socio-économique ou à la langue atypique » (Gaussel &
maternelle, Eurydice, 2009). De l’avis de Reverdy, 2013).
Heckman, les structures d’EAJE de qua-
lité (son étude porte sur les États-Unis)
font partie des rares moyens pertinents

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


22/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
pour lutter contre ces inégalités et amé- taines recherches semblent justifier une
liorer les perspectives sociales et éco- scolarisation avant trois ans au moins
nomiques des individus défavorisés. pour les enfants des milieux défavorisés
Il a démontré que d’un point de vue éco- en raison de certains aspects de leur dé-
nomique, plus ces mesures éducatives veloppement cognitif et langagier. Dans
interviennent à un âge élevé, moins elles tous les cas, quel que soit l’âge de la pre-
sont efficaces et plus les bénéfices éco- mière scolarisation, il semble que les iné-
nomiques des investissements diminuent. galités de réussite à l’école élémentaire
soient liées pour 50 % au niveau atteint à
Heckman distingue deux domaines pour la fin du cycle des apprentissages pre-
lesquels les interventions préscolaires miers (Caille & Rosenwald, 2006).
peuvent agir efficacement  : le domaine
des compétences en littératie (avec la
connaissance des lettres et la conscience « Les scolarités à l’école
phonologique, mais surtout une connais- élémentaire restent néanmoins
sance plus conceptuelle du monde de marquées par d’importantes
l’écrit, sa compréhension) et numératie disparités sociales de retard
(stratégie de calcul, concept du chiffre) scolaire et de réussite aux
et le domaine des aptitudes socio- évaluations nationales. D’une
affectives (autorégulation, motivation in- part, les élèves entrent au cours
trinsèque, voir Heckman, 2006). préparatoire avec des niveaux de
compétences déjà différenciés
socialement. D’autre part, les
« La politique de scolarisation progressions à l’école primaire
précoce pour les enfants de milieu diffèrent selon le milieu d’origine
défavorisé reçoit donc ici une de l’élève, y compris à niveau
confirmation de sa pertinence, initial comparable, si bien que
lorsqu’on sait l’importance des les écarts se creusent au fur et
compétences langagières pour la à mesure de l’avancée dans la
réussite scolaire » (Florin, 2010). scolarité élémentaire. On peut
estimer qu’à la fin de celle-ci, la
moitié des inégalités sociales de
réussite est due aux différences
Caille et Rosenwald (2006) ont montré de compétences que présentaient
que les taux moyens de scolarisation à les élèves à l’entrée au cours
deux ans dans les réseaux d’éducation préparatoire. Par ailleurs, on
prioritaire est déterminant pour la réus- n’observe pas de meilleure réussite,
site scolaire des élèves (il est de 62 % en fin de scolarité primaire, des
dans les réseaux performants et de 32 % élèves scolarisés à deux ans par
dans les autres). Ces taux moyens rapport à ceux entrés à l’école
cachent toutefois de fortes disparités qui maternelle à trois ans » (Caille &
peuvent laisser penser que les différences Rosenwald, 2006).
ne s’expliquent pas uniquement par le
taux de préscolarisation mais que d’autres
facteurs jouent sur les résultats (Florin,
2010). Malgré tout, les résultats de cer-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 23/32
Au regard des recherches récentes, il ne turée afin d’initier aux apprentissages
fait guère de doute pour la Commission de l’école les enfants qui présentent
européenne que l’éducation préscolaire, déjà des aptitudes nécessaires » (Luc,
en particulier pour les enfants issus de mi- 2010).
lieux économiques désavantagés, puisse
contribuer à réduire les désavantages
éducatifs sous réserve que certaines « Dans les années 1970-1980,
conditions soient réunies : le débat porte sur l’accueil des
− qualité de la conception des pro- plus petits, la formation des plus
grammes et des approches pédago- grands et les limites ou les excès
giques et curriculaires ; de l’enseignement. Estimée à
− les interventions de faible intensité, tar- 18 % en 1971 et à 35 % en 1991, la
dives et monosystémiques sont moins scolarisation dès l’âge de deux ans
efficaces ; est contestée. Des médecins la
− les interventions plus didactiques (ou trouve traumatisante » (Luc, 2010).
académiques) pratiquées dans un cli-
mat socio-affectif dégradé peuvent
être plus néfastes que bénéfiques ;
− les interventions précoces, intensives, Aujourd’hui, en dépit d’une scolarisation
multisystémiques, pratiquées par des précoce généralisée un grand nombre
professionnels sont plus efficaces, sur- d’élèves atteint le niveau élémentaire
tout à long terme avec un retour sur sans maîtriser les apprentissages dits
investissement très positif ; premiers leur facilitant l’entrée dans la
− les mesures politiques doivent aussi lecture ou, du moins, pas de façon égale.
prévoir des dispositifs de congés pa- Cèbe et Paour mettent en question la
rentaux et d’aménagement du temps responsabilité de l’École et des ensei-
de travail dans les structures de faible gnants en émettant l’hypothèse que
intensité (par rapport aux conditions «  ces différences d’efficience précoces
citées ci-dessus, voir Eurydice, 2009). trouvent en partie leur origine dans
l’inadéquation des pratiques d’en-
Ces conditions sont-elles applicables seignement. Cela dit, nous sommes
dans tous les pays ? Nous avons vu plus convaincus que l’école maternelle a bien
haut que les diverses conceptions sur les moyens de refuser le fatalisme social
l’éducation de l’enfant ne coïncident pas et de remplir la mission égalitaire qui
forcément. lui est assignée par la loi d’orientation
de 1989 à condition qu’elle adapte (ou
ajuste) ses pratiques d’enseignement
aux caractéristiques développementales
LA REMISE EN et fonctionnelles des jeunes élèves »
CAUSE DE LA (2012). Ils présentent à cette occasion
leur outil Phono destiné à développer
PRÉSCOLARISATION : la conscience phonologique en grande
TROP OU PAS ASSEZ section de maternelle. Cet outil bouscule
un peu les conceptions des enseignants
ÉDUCATIVE ? en les incitant à remettre en question
le choix des tâches, la liaison entre les
Depuis la fin du XX e  siècle, on assiste tâches, la nature du matériel, le rôle du
à une remise en cause de l’école ma- maître et la centration de l’attention des
ternelle. Plusieurs guides d’instruction élèves sur les procédures, non pas sur
précoce et leurs échos dans les mé- les résultats (Cèbe & Paour, 2012).
dias reflètent l’inquiétude des parents
face à une situation économique qui
présage des horizons professionnels
pessimistes. Plusieurs réformes se
succèdent afin «  d’engager les jeunes
enfants dans une scolarité plus struc-

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


24/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
UN EXEMPLE D’AMBIGUÏTÉ économie mondiale de marché et du
ÉDUCATIVE : CELUI DE LA souci de future employabilité coexiste
donc avec la tradition du modèle Edu-
SUÈDE care, plus orienté vers le développement
social, psychologique et cognitif des
l L’exemple du système préscolaire sué- enfants. Jönsson et  al. concluent que
Educare : néologisme
anglicisant né de dois, inspiré du concept Educare l, et cette situation complexe et contradic-
la contraction des ses apparentes contradictions, nous pa- toire montre un « modèle d’Educare, qui
deux mots anglais raissent ici représentatifs des contradic- représente un bon dosage entre mode
education (qui signifie tions relevées dans différents systèmes
éducation en même de garde et système d’apprentissage de
temps que formation préscolaires. Issu des principes du mo- qualité, et continue d’exister, alors même
des enfants) et care dèle intégré, Educare se caractérise par que le secteur préscolaire suédois se
(to be taken into care le respect de l’enfant, s’appuie sur le rapproche de la tradition plus “scolaire”,
= être confié aux principe selon lequel l’enfance possède
soins de quelqu’un). que l’on trouve, par exemple, en France
Depuis sa création une valeur intrinsèque. Si certains lui et au Royaume-Uni, et qui met princi-
dans les années 1970, reprochent une centration trop grande palement l’accent sur les trois savoirs
ce système d’educare sur l’enfant individu, d’autres admirent de base : lire, écrire et compter »
a donné la priorité aux ses qualités démocratiques et son idéal
besoins de l’enfant (Jönsson et al., 2013).
et aux objectifs liés à social d’égalité et de solidarité. En Suède,
la politique familiale, plus de 80  % des enfants de un à cinq La réputation historique de la Suède
sociale, d’égalité des ans sont préscolarisés dans une « pré- d’offrir un système intégré parfaitement
sexes et du marché du école » (förskola), près de 50  % ayant
travail (Jönsson et al., adapté aux besoins de l’enfant et de son
2013). moins de trois ans. Les services d’édu- bien-être semble de plus en plus érodée.
cation de la petite enfance sont placés Les réformes successives des gouverne-
en tête dans l’opinion des Suédois pour ments social-démocrate puis conserva-
la qualité du service rendu à la société teur ont eu un impact non négligeable sur
par les institutions publiques. Depuis les l’évolution du curriculum mais également
années 1990, le gouvernement suédois sur l’évolution des conceptions de l’en-
a entamé une vague de réformes et en fance dans l’esprit des suédois. O’Dowd
parallèle, a confié la responsabilité du pose même la question de savoir si fina-
préscolaire (de un à six ans non obliga- lement, les besoins des enfants n’ont pas
toire mais avec curriculum national pour toujours été définis et limités par ceux
l’année de cinq à six ans) au ministère des adultes et par ceux du marché éco-
de l’Éducation et des Sciences. La péda- nomique (O’Dowd, 2013).
gogie préscolaire repose sur des activi-
tés de groupes intégrant des approches LA GRANDE SECTION DE
par le jeu et par thème mêlant soin et
éducation. L’objectif d’ensemble est de MATERNELLE : LE NOUVEAU
créer un environnement propice en COURS PRÉPARATOIRE ?
associant travail en petits groupes,
activités à l’extérieur (au moins un jour Est-ce la panique au jardin
par semaine) et temps de discussion. d’enfants ? C’est sous cet angle que
La question de la qualité de l’éducation Miller et Almon abordent la question du
et son évaluation est au centre des pré- « tout éducatif » de plus en plus prégnant
occupations du ministère (Lohmander, au sein des structures d’enseignement
2013). préscolaire dans les pays de l’OCDE.
Les tout-petits passent plus de temps
À partir de 2009, de nouvelles réformes à être instruits et évalués sur leurs
en matière de formation des enseignants compétences en numératie et littératie
et d’organisation du curriculum sont qu’à jouer, explorer et imaginer. Dans
mises en place afin de mieux prendre un grand nombre d’établissements
en compte les considérations interna- préscolaires, les enseignants doivent se
tionales, leur soif d’évaluation et la de- plier à un curriculum prescriptif lié à des
mande sociale de préparation à l’école tests standardisés qui laissent peu de
obligatoire. L’idée de préparer une po- place à toute autre activité.
pulation instruite dans le contexte d’une

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 25/32
Pour Garnier, l’évolution de la mater- Bassok et Rorem prennent des précau-
nelle en France est l’objet de vives tions pour qualifier le kindergarten de
controverses. Le point de vue sociolo- nouveau first grade (CP). Selon ces cher-
gique de la chercheuse permet d’abor- cheuses, il existe peu de preuves empi-
der ce sujet comme une forme de « bien riques quant à la nature changeante du
commun  » soumis aux exigences de préscolaire et que ces changements
justification dont elle distingue trois peuvent sans doute se mesurer à un ni-
registres : la justification de l’école veau local plutôt que national (pour les
maternelle correspondant à l’accueil, États-Unis). Elles admettent néanmoins
l
la protection, le care l, associée à un que leurs enquêtes ont révélé une « aca- Lire à ce sujet notre ar-
ensemble de préoccupations relatives démisation » des activités du kindergarten ticle « La pédagogie du
aux parents (accès des femmes au tra- liée en grande partie aux mesures d’ac- “care” ou la culture de
la bienveillance  » sur
vail, égalité homme-femme, conciliation countability  (on assiste à une mise en Éduveille.
vie familiale et vie professionnelle, inté- place de procédures d’évaluation qui
gration sociale) ; la justification relative étaient jusque-là réservées à l’école élé-
à l’éducation assortie de démarches mentaire) de plus en plus oppressantes
pédagogiques variables selon les pour les enseignants de ce niveau. Leurs
conceptions des rôles de l’enfant et de conclusions dessinent un troisième mo-
l’adulte (on observe dans tous les pays dèle de classe, plus tout à fait la mater-
un poids croissant des logiques mar- nelle mais pas encore le CP, qu’elles qua-
chandes et un déplacement des préoc- lifient de niveau intermédiaire permettant
cupations liées au care vers un discours d’articuler enseignement académique
plus pédagogique, voir Moss, 2006). avec l’approche par le jeu et d’autres
La situation française fait apparaître un types d’activités favorisant le développe-
troisième registre de justification liée à ment harmonieux de l’enfant (Bassok &
la forme scolaire des apprentissages et Rorem, 2014).
à la réussite à l’école (Garnier, 2013).

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


26/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
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Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


30/32 Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation
Notes

Dossier de veille de l’IFÉ • n° 92 • Avril 2014


Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation 31/32
n° 92
Avril 2014

Pour citer ce dossier :


Gaussel Marie (2014). Petite enfance : de l’éducation à la scolarisation.
Dossier de veille de l’IFÉ, n° 92, avril. Lyon : ENS de Lyon.
En ligne : http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA/detailsDossier.php?parent=accu
eil&dossier=92&lang=fr

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recherche fait ses preuves en éducation. Dossier de veille de l’IFÉ,
n° 89, janvier. Lyon : ENS de Lyon.
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