Vous êtes sur la page 1sur 41

LE PRÉ-BARREAU

FORMATION 2020
GRAND ORAL CRFPA

« LES ESSENTIELS »

2020
(PARTIE 3/3)

Toute reproduction de ce document ou communication à des personnes autres que les étudiants du
Pré-Barreau – sauf autorisation expresse et écrite de notre établissement – expose son auteur à des
poursuites judiciaires.
Table des matières

L’essentiel du droit des biens ............................................................................................ 3


L’essentiel du droit de la famille ...................................................................................... 11
L’essentiel du droit pénal général.................................................................................... 20
L’essentiel du droit du travail .......................................................................................... 31

2
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
L’essentiel du droit des biens
Introduction

A/ La notion de droit patrimonial

Le droit patrimonial (aussi appelé droit des biens) renvoie à l’étude des droits qu’une personne
exerce sur une chose. La dénomination de droit « patrimonial » renvoie à la notion de patrimoine.
Cette notion, développée par les auteurs Aubry et Rau au XIXe siècle, désigne l’universalité de droit
comprenant tous les biens et toutes les dettes d’une personne. L’universalité est dite de droit car elle
repose sur une corrélation entre l’actif et le passif : l’actif de l’universalité est appelé à répondre du
passif. Elle s’oppose en cela à la notion d’universalité de fait, qui désigne seulement une masse de
biens unis par une même finalité économique mais dans laquelle l’actif ne répond pas du passif (ex :
fonds de commerce, portefeuille de valeurs mobilières…).
Le patrimoine est étroitement lié à la personne, dont il constitue une émanation sur le plan
économique. Ce lien entre patrimoine et personne, se traduit par une série de trois règles formant la
théorie classique du patrimoine, telle qu’elle a été développée par Aubry et Rau :
- Tout patrimoine appartient à une personne
- Toute personne a nécessairement un patrimoine (inaliénabilité)
- Toute personne n’a qu’un seul patrimoine (indivisibilité).
L’exactitude de la théorie du patrimoine a été mise en doute, tant par la doctrine, que par le droit
positif, qui a intégré certaines institutions dérogeant au principe d’indivisibilité du patrimoine
(techniques de la fiducie et de l’EIRL, consistant à créer des patrimoines d’affectation et aboutissant
à ce qu’une personne puisse être à la tête de deux patrimoines distincts : son patrimoine personnel
et le patrimoine affecté).

La notion de bien est au cœur de la matière du droit patrimonial. Plusieurs définitions de la notion
de bien coexistent en droit positif :
- Suivant une conception classique, le bien se définit comme une chose appropriée, càd un
objet, corporel ou incorporel, sur lequel s’exerce un droit de propriété. Sont donc exclues de
la qualification de biens :
• les choses communes (res communes), qui ne sont pas appropriables car elles servent à
l’usage de tous (ex : eau, air…) ;
• les choses sans maître, qui pourront être des biens mais qui ne le sont pas encore car
elles n’ont jamais été appropriées (res nullius) ou ont été abandonnées (res derelictae).
- Suivant une conception moderne, ce n’est pas la chose elle-même qui est un bien, mais le
droit sur la chose, car c’est lui qui comporte une valeur économique. Pourraient alors être
qualifiés de biens tous les droits dotés d’une valeur économique. Il convient alors de
distinguer :
• Les droits extra-patrimoniaux, qui ne sont pas des biens, parce qu’ils ne représentent pas
une richesse (droits de la personnalité, droits fondamentaux, droits politiques…) ;

3
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
• Les droits patrimoniaux, qui sont des biens, et qui se subdivisent en deux catégories
classiques : les droits personnels, qui portent sur une prestation pouvant être exigée
d’une personne (ex : créance) ; les droits réels, qui portent directement sur une chose
sans passer par l’intermédiaire d’une personne, et qui sont dits droits réels principaux
s’ils portent sur la matérialité de la chose (ex : propriété, usufruit, servitude…) et droits
réels accessoires s’ils portent sur la valeur de la chose (ex : hypothèque, gage,
nantissement…).
- Parallèlement à ces conceptions doctrinales de droit français interne, la Cour Européenne
des Droits de l’Homme retient une conception autonome de la notion de bien, lorsqu’elle
applique la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés
fondamentales. Cette conception tend à qualifier de bien toute valeur économique
juridiquement protégée (y compris, par exemple, l’espérance légitime d’obtenir un droit, ou
encore un « intérêt économique substantiel »).

B/ Les classifications des biens

Les meubles et les immeubles


La distinction entre biens meubles et biens immeubles constitue la summa divisio du droit des biens,
ce qui signifie qu’elle permet d’englober la totalité des biens. Chaque bien entre donc dans cette
classification et peut ainsi être qualifié de meuble ou d’immeuble.
Il existe trois catégories d’immeubles :
- Les immeubles par nature : le sol et tout ce qui y est fixé (constructions, végétaux…).
- Les immeubles par destination : biens meubles par nature, mais qui vont être considérés
fictivement comme des immeubles en raison du lien d’accessoire à principal qui les unit à un
immeuble par nature. Ce lien d’accessoire à principal repose soit sur une affectation du
meuble au service de l’immeuble, soit sur une attache du meuble à perpétuelle demeure à
l’immeuble.
- Les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent : droits et actions en justice portant sur un
immeuble.
Il existe trois catégories de meubles :
- Les meubles par nature : biens pouvant se transporter d’un lieu à un autre. A ce sujet, il
convient de noter que les animaux ne sont plus rangés dans la catégorie des biens depuis la
réforme du 16 février 2015 : ils sont désormais des êtres vivants doués de sensibilité.
Toutefois, malgré ce changement de statut, ils restent soumis au régime des biens meubles,
sauf dispositions contraires.
- Les meubles par détermination de la loi : tous les biens qui ne sont pas immeubles et
notamment les droits et actions portant sur des meubles, les droits personnels, les droits sur
les choses incorporelles…
- Les meubles par anticipation : catégorie jurisprudentielle consistant à qualifier de meubles
des biens qui sont immeubles par nature mais voués à devenir meubles (ex : récoltes sur
pied).

4
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
Les fruits et les produits
Les fruits sont des émanations périodiques d’une chose, dont l’extraction ne porte pas atteinte à sa
substance. On distingue les fruits naturels, qui sont produits spontanément par la chose, les fruits
industriels, qui sont produits par la chose grâce à l’intervention de l’homme, et les fruits civils, qui
sont la contrepartie de la mise à disposition de la chose à titre onéreux (ex : loyers).
Les produits sont des émanations de la chose qui ne peuvent être périodique, car leur extraction
altère la substance de la chose dont ils sont issus (ex : roche extraite d’une carrière).

Les choses consomptibles et les choses non consomptibles


Les choses consomptibles sont celles qui disparaissent au fur et à mesure de l’usage qu’on en fait, qui
se consomment par le premier usage (ex : argent, aliments).
Les choses non consomptibles sont des choses qui ne peuvent pas disparaître par l’usage qu’on en
fait, qui résistent à une utilisation répétée, quand bien même cet usage leur ferait perdre de la valeur
(ex : voiture, immeuble, vêtements…)

Les choses fongibles et les choses non fongibles


Les choses fongibles, aussi appelées choses de genre, sont des biens interchangeables, qui peuvent
se remplacer indifféremment les unes les autres et qui ne sont pas individualisées en elles-mêmes
(ex : blé, vin, argent). Les choses non fongibles, aussi appelées corps certains, sont des choses
individualisées qui ne peuvent pas être remplacées à l’identiques par d’autres choses.

L’étude du droit des biens s’ordonne autour de deux types de rapports qui peuvent exister entre
l’homme et la chose : un rapport de fait, qu’on appelle la possession (I) et des rapports de droit, qui
consistent soit en un droit de propriété, soit en un démembrement du droit de propriété (II)

I. Les rapports de fait : la POSSESSION

A/ Définition de la possession

La possession désigne le pouvoir de fait qu’une personne exerce sur une chose dont elle a la maîtrise
effective. Il s’agit d’un fait juridique auquel la loi va faire produire des effets de droit.

Pour être possesseur, il faut exercer sur la chose des actes matériels (corpus) avec l’intention de
s’affirmer en titulaire d’un droit sur la chose (animus). La possession complète suppose donc la
réunion du corpus et de l’animus sur la tête d’une seule et même personne. Par exception, il est
possible de posséder une chose sans en avoir la maîtrise matérielle dans deux séries de situations :
- Lorsque le bien a été remis à titre précaire à un tiers (à charge pour lui de le restituer au
possesseur) => on parle alors de possession corpore alieno, car le corpus est entre les mains
d’un tiers (qui sera un simple détenteur précaire), tandis que le possesseur ne conserve que
l’animus.

5
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
- Lorsque le bien a commencé à être possédé par un possesseur qui détenait corpus + animus
mais qui a par la suite cessé d’exercer des actes matériels sur la chose => on parle alors de
possession solo animo, car personne n’exerce le corpus sur la chose ; la possession se
maintient par le seul animus.

En ce qu’elle est une situation de fait, la possession se distingue de la propriété, qui désigne une
situation de droit dans laquelle une personne est reconnue par le droit comme titulaire d’un droit sur
une chose. La possession se distingue également de la simple détention précaire, qui désigne la
seule maîtrise matérielle de la chose (corpus), dépourvue de toute volonté du détenteur de
s’affirmer titulaire d’un droit. Ex : Le locataire n’est que détenteur précaire de la chose qu’il loue (il
en a l’usage, il l’a entre les mains), mais il ne s’affirme pas propriétaire de la chose louée.

B/ Effets de la possession

La possession peut jouer un double rôle, selon les situations :


- Un rôle probatoire : la possession permet de prouver la propriété. Le possesseur est
présumé propriétaire de la chose qu’il a entre les mains.
- Un rôle acquisitif : la possession permet de faire acquérir la propriété. Le possesseur peut
devenir propriétaire car la possession est l’un des modes d’acquisition de la propriété (à côté
du transfert de propriété, de l’occupation et de l’accession).

Le rôle acquisitif de la possession repose sur le mécanisme de la prescription acquisitive, lequel


suppose la réunion de plusieurs conditions pour opérer :
- Une possession complète (réunissant corpus et animus)
- Une possession utile, c’est-à-dire non viciée. Elle doit être paisible (s’exercer sans violence),
publique (s’exercer aux yeux de tous), continue (s’exercer sans interruptions anormales eu
égard à l’usage habituel de la chose) et non équivoque (s’exercer sans qu’il existe de doutes
dans l’esprit des tiers sur la volonté du possesseur de s’affirmer propriétaire).
- Une possession qui s’inscrit dans la durée :
• En matière immobilière, il faut posséder pendant 30 ans pour devenir propriétaire,
ou bien pendant 10 ans si l’on bénéficie d’un juste titre (titre translatif de propriété
par nature, qui aurait transféré la propriété s'il était émané du véritable propriétaire)
et si l’on est de bonne foi (ignorance par le possesseur que son titre n’émane pas du
véritable propriétaire).
• En matière mobilière, la prescription acquisitive joue de manière instantanée si le
possesseur est de bonne foi (art. 2276 du Code civil). En revanche, s’il n’est pas de
bonne foi, il devra posséder pendant 30 ans pour devenir propriétaire (ou 5 ans,
suivant les interprétations doctrinales).

Par ailleurs, la possession est également protégée en elle-même (indépendamment de la propriété)


par des actions en référé permettant de faire cesser le trouble causé à la jouissance paisible de la
chose (auparavant, il existait des actions possessoires, supprimées par la loi du 16 février 2015).

6
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
II. Les rapports de droit

Plusieurs types de droits sont susceptibles d’être exercés sur une chose : le droit de propriété, d’une
part (A) ; les démembrements du droit de propriété, d’autre part (B).

A/ La Propriété

Le régime du droit de propriété a été construit sur le modèle de la propriété individuelle, à savoir
l’hypothèse dans laquelle une seule personne exerce un droit sur une chose (1). Mais il se peut aussi
que la propriété soit collective, et que plusieurs personnes se trouvent dans une situation où elles
sont titulaires de droit concurrents sur une même chose (2). La propriété sera alors aménagée pour
tenir compte de cette situation de concurrence.

1/ La propriété individuelle

Le droit de propriété est le premier des droits réels principaux. La Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen de 1789 en fait un « droit naturel et imprescriptible » (art. 2), « inviolable et sacré » (art.
17). Il est protégé tant par la Constitution que par la Convention européenne des droits de l’homme.

Le droit de propriété permet à son titulaire d’exercer les prérogatives les plus étendues sur une
chose : usus (droit d’usage) ; fructus (droit de jouissance permettant de percevoir les fruits de la
chose) ; abusus (droit de disposition permettant notamment d’aliéner et de détruire la chose). En
revanche, la jurisprudence a précisé que le droit aux fruits ne s’étendait pas aux fruits de l’image de
la chose, de sorte que le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de
celle-ci (Ass. Plén., 7 mai 2004). En revanche, il peut s’opposer à l’utilisation de cette image par un
tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal (ex : atteinte à sa vie privée).

Le droit de propriété présente en outre trois caractères : il est absolu (il n’est pas limité
intrinsèquement dans les prérogatives qu’il offre) ; perpétuel (il est imprescriptible, tout comme
l’action en revendication qui le protège, et il ne s’éteint donc pas par le non-usage ; il est
transmissible à cause de mort et survit donc au décès de son titulaire ; il a vocation à durer aussi
longtemps qu’existe la chose sur laquelle il porte) ; exclusif (le propriétaire peut s’opposer à
l’immixtion des tiers sur son bien). C’est d’ailleurs le caractère exclusif du droit de propriété qui
fonde la sévère jurisprudence de la Cour de la cassation autorisant systématiquement la démolition
des ouvrages empiétant sur le terrain du propriétaire, peu important le caractère minime de
l’empiètement, la bonne foi du constructeur ou la mauvaise foi de la victime : la défense du droit de
propriété contre un empiétement ne dégénère jamais en abus de droit. En revanche, la sanction se
limite à la suppression de l’empiètement : si un rabotage suffit à supprimer l’empiètement, il faut
éviter la démolition (Civ. 3, 10 novembre 2016).

Il reste que le droit de propriété connaît certaines limites extrinsèques que posent les lois et
règlements au nom d’intérêts privés ou d’exigences d’intérêt public, mais aussi la jurisprudence, qui
sanctionne l’abus du droit de propriété (supposant une intention de nuire) et l’exercice

7
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
dommageable du droit de propriété, même s’il n’est pas fautif, sur le fondement de la théorie des
troubles anormaux du voisinage : « nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients
normaux de voisinage ».

Il y a plusieurs façons d’acquérir la propriété d’un bien : l’occupation (appréhension matérielle d’un
bien meuble sans maître), la prescription acquisitive (acquisition du droit de propriété par l’effet
d’une possession prolongée dans le temps) et l’accession (acquisition résultant de la réunion
matérielle de deux choses : le propriétaire de la chose principale devient propriétaire de la chose
accessoire qui s’est unie à la première) sont des modes d’acquisition originaire qui permettent
d’obtenir un droit de propriété nouveau et indépendant du droit détenu par le précédent
propriétaire. Le transfert de propriété (par vente, donation, succession, etc.) constitue quant à lui un
mode d’acquisition dérivée qui permet de recueillir le droit de propriété d’autrui, avec ses
éventuelles restrictions et imperfections (car nul ne peut transférer plus de droits qu’il n’en a). En cas
d’inefficacité de l’acquisition dérivée (par exemple, parce que le vendeur n’était pas le véritable
propriétaire), l’acquéreur pourra tenter de faire valoir un mode d’acquisition originaire (ex : la
prescription acquisitive) pour éviter d’avoir à restituer le bien à son véritable propriétaire.

2/La propriété collective

Parfois, le droit de propriété n’est pas individuel : il est exercé concurremment par plusieurs
personnes.

Le droit commun de l’appropriation collective tient dans l’indivision, qui s’applique à chaque fois que
des droits de même nature sont exercés par différentes personnes sur une même chose. Dans ce cas,
chaque indivisaire devra user et jouir des biens indivis dans la mesure compatible avec les droits des
autres indivisaires, et les décisions devront généralement être prises de manière collégiale : majorité
des 2/3 des droits indivis pour l’essentiel des actes d’administration (sauf baux professionnels) ;
unanimité des droits indivis pour l’essentiel des actes de disposition ; possibilité pour un indivisaire
d’agir seul pour les actes conservatoires. L’indivision est cependant conçue comme une institution
temporaire, si bien que le Code civil proclame un véritable droit au partage (art. 815 : « Nul ne peut
être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué »), lequel
connaît cependant quelques tempéraments permettant de retarder le partage.

Le régime de l’indivision est exclu dans certaines hypothèses qui relèvent d’autres régimes
spécifiques : droit de la mitoyenneté lorsque l’objet de la propriété collective est une clôture ou un
mur séparant deux fonds ; droit de la copropriété des immeubles bâtis (loi du 10 juillet 1965)
lorsque l’objet de la propriété collective est un immeuble divisé en lots comprenant chacun une
partie privative et une quote-part de parties communes.

8
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
B/ Les démembrements de la propriété

Les démembrements de la propriété sont des droits réels qu’une personne exerce sur la chose
d’autrui et qui lui confèrent certaines prérogatives soustraites au propriétaire. Depuis l’arrêt Maison
de poésie en date du 31 octobre 2012, il est admis qu’il n’existe pas un nombre fermé (numerus
clausus) de droits réels sur la chose d’autrui. Un propriétaire peut donc conférer à un tiers un droit
réel innommé sur sa chose et lui conférer le régime qu’il souhaite, sous réserve des règles d’ordre
public, telle que l’interdiction de créer un droit de jouissance perpétuel (Civ. 3, 28 janvier 2015).

Outre les droits réels innommés dont la création est laissée à l’imagination des parties, le Code civil
régit spécifiquement deux types de droits réels : les droits de jouissance (usufruit ; usage et
habitation) ; les servitudes.

1/ L’usufruit et ses diminutifs

L’usufruit est un droit réel et temporaire (il s’éteint au plus tard par le décès de l’usufruitier
personne physique ou par l’expiration d’une durée de trente ans si l’usufruitier est une personne
morale) qui confère à son titulaire le droit d’user de de jouir d’une chose, sous réserve d’en
conserver la substance et la destination car il sera tenu de restituer la chose au terme de l’usufruit.
L’usufruitier doit également supporter les charges usufructuaires (dépenses d’entretien, charges
périodiques) et ne pourra demander aucune indemnisation pour les améliorations qu’il aurait
réalisées sur la chose.

Le propriétaire de la chose sur laquelle s’exerce l’usufruit est dit nu-propriétaire. Il ne conserve que
le droit de disposer de la chose (abusus), ce qu’il ne peut faire au mépris des droits de l’usufruitier. Il
a vocation à récupérer la pleine propriété de la chose lorsque l’usufruit prendra fin. Il doit supporter
les grosses réparations.

Lorsque l’usufruit porte sur des choses fongibles ou consomptibles, il devient un quasi-usufruit qui
permet à l’usufruitier de disposer des choses, à charge d’en restituer l’équivalent au terme de
l’usufruit.
Les droits d’usage et d’habitation sont des diminutifs de l’usufruit qui présentent un caractère
alimentaire et intuitu personae. Ils permettent à leur titulaire d’user de la chose et d’en percevoir les
fruits, mais seulement dans la limite nécessaire pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Ils
ne peuvent ni donner à bail la chose sur laquelle porte leur droit, ni céder leur droit. Pour tout le
reste, le régime des droits d’usage et d’habitation est calqué sur le régime de l’usufruit.

2/ La servitude

La servitude est destinée à l’aménagement des rapports entre plusieurs fonds de terre. Il s’agit d’une
charge imposée à un fonds dit servant pour l’usage et l’utilité d’un autre fonds, dit dominant,
appartenant à un autre propriétaire. C’est un droit réel immobilier (elle ne s’applique qu’à des fonds
immobiliers), accessoire (la servitude circule avec les fonds) et perpétuel (elle n’est pas affectée d’un

9
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
terme et ne se perd pas par le décès du propriétaire de l’un des fonds ; en revanche, contrairement
au droit de propriété, elle se perd par le non-usage).

La servitude existe soit par l’effet de la loi (ex : servitude de passage pour désenclaver un fonds ;
servitudes de distance interdisant les plantations trop proches de la ligne séparative des fonds ou
l’ouverture de vues en deçà d’une certaine distance), soit par le fait de l’homme, qui peut faire naître
une servitude par titre, par prescription acquisitive ou par destination du père de famille.
L’exercice de la servitude est soumis à un principe de fixité : le propriétaire du fonds servant ne peut
rien faire qui tendre à diminuer l’usage de la servitude par le propriétaire du fonds dominant, lequel,
de son côté, ne peut pas aggraver la servitude qu’il détient sur le fonds voisin.

10
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
L’essentiel du droit de la famille

Le droit de la famille se divise en deux grands domaines : la couple et la filiation.

I/ Le couple :

Concernant le couple, trois modes de conjugalité coexistent en droit français : le mariage, le Pacs et
le concubinage.

A/ Le mariage :

1/ Conditions du mariage :

Auparavant réservé à un couple composé d’un homme et d’une femme, le mariage est désormais
aussi ouvert aux couples homosexuels depuis la loi du 17 mai 2013. La différence de sexe n’est donc
plus une des conditions du mariage.

Certaines conditions demeurent. Il existe des conditions de forme (publication des bans, cérémonie
publique devant l’officier d’état civil…) et des conditions de fond.

➔ Condition d’âge : les époux doivent avoir 18 ans.


o Le Procureur de la République peut autoriser une dérogation pour motifs graves,
avec l’accord des parents.

➔ Capacité matrimoniale : les majeurs sous tutelle ou curatelle n’ont plus, depuis la loi du 23
mars 2019 dite « de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice », entrée en
vigueur le 25 mars 2019 sur ce point, à solliciter l’autorisation du juge des tutelles ou du
curateur pour se marier. Ils doivent simplement l’informer.

➔ Consentement : il doit exister, être libre et intègre.

Conséquence : l’absence de consentement ou le vice de consentement sont des causes de nullité du


mariage.

Absence de consentement : peut résulter de deux choses :


- Altération des facultés mentales de l’un des époux au moment du mariage
- Défaut d’intention matrimoniale : « lorsque les époux ne sont sont prêtés à la cérémonie
qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale » (arrêt de principe : Cass,
Appietto, 1963).

11
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
Vices de consentement : il en existe deux :
- La violence : lorsque l’époux a consenti au mariage sous l’effet d’une contrainte qu’exerce
sur lui l’autre époux ou un tiers. Depuis 2006, la crainte révérencielle envers les ascendants
constitue une forme de violence, et ce afin de lutter contre les mariages forcés.
- L’erreur : elle peut porter sur l’identité de la personne elle-même (cas plutôt théorique) ou
sur les qualités essentielles de la personne. La notion de qualité essentielle fait l’objet d’une
double appréciation par la jurisprudence : subjective et objective.
o L’appréciation subjective suppose que la qualité en cause soit déterminante aux yeux
de l’époux qui l’invoque au soutien de la nullité, au point qu’il ne se serait pas marié
s’il en avait eu connaissance auparavant.
o L’appréciation objective prévaut cependant afin d’éviter toute demande fantaisiste :
il faut que la qualité soit considérée comme essentielle par le corps social au regard
de ce qu’est le mariage aujourd’hui en France.
▪ Ex : l’appréciation objective a conduit la jurisprudence à refuser la demande
de nullité d’un époux qui invoquait l’erreur sur les qualités essentielles car
son épouse lui avait caché qu’elle n’était pas vierge (CA Douais, 17 nov.
2008).

➔ La prohibition de l’inceste : un mariage ne peut être célébré entre personnes ayant un lien de
parenté ou d’alliance, à peine de nullité.

L’empêchement est absolu entre ascendants et descendants, quel que soit le degré. Le même
empêchement existe entre frères et sœurs, comme entre les enfants adoptifs d’un adoptant ou
entre l’adopté et les enfants de l’adoptant.

L’empêchement est au contraire susceptible de dispense pour causes graves par le Président de la
République lorsque le lien de parenté ou d’alliance est moins proche :
- entre oncle et nièce, tante et neveu
- entre gendre et belle-mère, beau-père et bru, à condition que la personne qui a créé l’alliance soit
décédée

➔ L’interdiction de la polygamie : un second mariage ne peut être contracté avant la dissolution


du premier, à peine de nullité.

2/ Les effets du mariage :

Le mariage crée deux types de devoirs entre époux : des devoirs personnels et des devoirs
patrimoniaux.

Devoirs personnels :
- Devoir de fidélité : prohibe le fait d’entretenir une relation amoureuse avec un tiers, aussi
bien physique que morale.

12
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
- Devoir d’assistance : consiste à apporter à son conjoint « l’appui de son affection et de son
dévouement dans les difficultés de la vie » (A. Bénabent)
- Devoir de respect : introduit en 2006 pour lutter contre les violences conjugales. Il oblige les
époux à respecter l’intégrité physique et morale du conjoint.
- Devoir de cohabitation : suppose une communauté de toit et de lit, c’est-à-dire une
résidence commune ainsi que des relations physiques entre époux.
o Exception : l’art. 108 C. civ. Dispose que « le mari et la femme peuvent avoir un
domicile distinct sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la
communauté de vie ». Cela vise notamment les cas où les époux ne peuvent résider
ensemble la semaine en raison de lieux de travail distincts, mais se retrouvent tout
de même dès qu’ils le peuvent.

Devoirs patrimoniaux :
- Contribution aux charges du mariage :
o les époux peuvent prévoir dans un contrat de mariage les modalités de la
contribution de chacun aux charges du mariage.
o A défaut de contrat, cette contribution s’effectue à proportion des facultés
respectives. La jurisprudence considère notamment que la contribution en nature de
l’épouse au foyer qui se charge de l’éducation des enfants constitue une modalité de
contribution aux charges.
- Devoir de secours : c’est le pendant patrimonial du devoir d’assistance. Il implique une
obligation alimentaire entre époux : ce devoir est confondu avec la contribution aux charges
lorsque les époux vivent ensemble, mais en cas de séparation, il implique que l’un des époux
vienne en aide à l’autre si celui-ci est dans le besoin.
- Solidarité aux dettes ménagères : l’article 220, alinéa 1, précise que la dette contractée par
l’un des époux pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants oblige l’autre
solidairement (ex : soins médicaux, loyer, frais scolaires ou encore dépenses de loisir si elles
correspondent au train de vie du ménage). Cela signifie que chacun des époux peut être
poursuivi par le créancier, sur ses biens personnels, pour la totalité de la dette. Celui qui l’a
réglée est ensuite en droit de demander à son conjoint sa part contributive. Trois exceptions
dans lesquelles la solidarité est écartée :
o Les dépenses manifestement excessives au regard du train de vie du ménage, de
l’inutilité de la dépense ou de la mauvaise foi du créancier.
o Les achats à tempérament.
o Les emprunts, sauf s’ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de
la vie courante. La solidarité n’aura lieu, en cas de pluralité d’emprunts, que dès lors
que « le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d'emprunts, [n’est] pas
manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage ».
- Protection du logement familial : l’article 215 alinéa 3 prévoit que « les époux ne peuvent l’un
sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des
meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n’a pas donné son consentement à
l’acte peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir
du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après

13
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
que le régime matrimonial s’est dissous ». Les actes concernés sont donc soumis au concours
des deux époux dès lors qu’ils sont relatifs au logement familial et aux meubles meublants.
La raison est simple : il faut protéger l’affectation familiale du logement. Le concours des
deux époux est donc toujours requis, même si le logement n’appartient qu’à l’un d’entre
eux.

3/ La séparation des époux :

Les époux mariés qui souhaitent se séparer ont plusieurs options : la séparation de corps ou le
divorce.

La séparation de corps peut être demandée dans quatre cas au Juge aux affaires familiales (ce sont
les 4 mêmes fondements qu’en matière de divorce) :
- consentement mutuel – depuis le 25 mars 2019, elle peut être obtenue par consentement
mutuel par acte sous signature privée contresignée par avocat ;
- acceptation du principe de la rupture ;
- altération définitive du lien conjugal ;
- faute.

La séparation de corps met fin au devoir de cohabitation, ainsi qu’à l’obligation de contribuer aux
charges du mariage et à la solidarité ménagère. Le régime matrimonial est liquidé et remplacé par un
régime de séparation de biens.

Les époux restent mariés, et demeurent tenus des autres obligations, à commencer par le devoir de
secours. La séparation de corps doit bien être distinguée de la séparation de fait qui elle, n’implique
aucune intervention du juge. La séparation de fait résulte de la seule décision des époux de ne plus
vivre ensemble : ils sont alors toujours tenus de tous les devoirs du mariage.

Le divorce : il met fin au mariage et est prononcé par le juge aux affaires familiales. 4 fondements
peuvent être invoqués à l’appui d’une demande en divorce :
- le divorce par consentement mutuel : depuis la loi de modernisation de la justice du XXIe
siècle du 18 novembre 2016, le divorce par consentement mutuel ne suppose plus que les
époux passent par le juge (sauf s’ils ont un enfant mineur qui demande à être auditionné). En
effet, le divorce s’opère désormais par acte sous signature privée contresigné par avocats et
déposé au rang des minutes du notaire. En principe, le juge n’intervient plus pour
homologuer la convention. C’est la raison pour laquelle on parle de « divorce sans juge ».
- le divorce pour acceptation du principe de la rupture : il peut être demandé par l’un des
époux ou les deux. Implique que les époux soient d’accord sur le principe du divorce mais en
désaccord concernant ses effets : le juge statuera donc sur les effets.
- Le divorce pour altération définitive du lien conjugal : il peut être demandé dans deux cas :
o Lorsque les époux vivent séparés depuis au moins 2 ans. A ce sujet, il faut préciser
que la loi du 23 mars 2019 a réduit ce délai à 1 an. Cette modification qui devait
entrée en vigueur au 1er septembre 2020 n’entrera finalement en vigueur qu’au 1er

14
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
janvier 2021 conformément à la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions
liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-
Uni de l’Union européenne.
o Lorsqu’un des époux a introduit une demande en divorce pour faute, l’autre peut
introduire une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive sans
que la condition de 2 ans de séparation ne soit exigée.
- Le divorce pour faute : en cas de manquement grave ou renouvelé de l’un des époux aux
devoirs et obligations du mariage, qui lui soit imputable, et qui rende intolérable le maintien
de la vie commune (art. 242). Si le juge constate que les deux époux ont commis des fautes
au sens de l’art. 242, il peut prononcer le divorce aux torts partagés.

Concernant la procédure du divorce : elle s’effectuait en deux phases pour les divorces contentieux.
Suite à la requête initiale, une première phase de conciliation est obligatoire : il s’agit de tenter de
trouver un accord entre les époux afin d’organiser les conséquences du divorce. En cas d’échec de
conciliation, le juge rend une ordonnance de non-conciliation. Dans la seconde phase (assignation),
le cas de divorce doit être précisé, et une proposition de règlement des intérêts pécuniaires doit être
précisée.
Cette procédure a été complètement modifiée par la loi du 23 mars 2019 laquelle a supprimé la
phase de conciliation amiable ce qui implique que la procédure débutera directement par une
demande de divorce (et non plus par la requête initiale). Cette modification entrera en vigueur au 1er
janvier 2021.

Concernant la date des effets du divorce, il faut ici distinguer selon que l’on s’intéresse aux rapports
entre époux ou à l’égard des tiers.

À l’égard des tiers : Le jugement n’est opposable qu’à partir du jour où le divorce a été publié en
marge de l’état civil. Les relations aux tiers impliquent la publicité du divorce, sans quoi ceux-ci
peuvent encore croire en l’existence du régime matrimonial et en demander l’application (ainsi que
la solidarité aux dettes ménagères).

Entre époux :
- Principe : Les devoirs personnels (fidélité, secours, assistance…), mais également le devoir de
secours et la contribution aux charges disparaissent au jour où le jugement acquiert force de
chose jugée. S’agissant de la dissolution du régime matrimonial, le jugement de divorce
prend effet à des dates différentes selon qu’ils soient judiciaires ou par consentement
mutuel. Pour les divorces contentieux, ils prenaient effet à la date de l’ordonnance de non
conciliation autorisant la résidence séparée pour les divorces contentieux. Avec la réforme
de la loi du 23 mars 2019, qui a supprimé cette ordonnance de non conciliation, le divorce
prendra effet à la date de la demande en divorce. Toutefois, tant que cette disposition n’est
pas entrée en vigueur, c’est toujours la date de l’ordonnance de non conciliation qui fixe la
date des effets des divorces contentieux. Pour les divorces par consentement mutuel, c’est à
la date du dépôt de la convention au rang des minutes du notaire, que le divorce produit

15
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
ses effets patrimoniaux. À partir de ce moment, les biens communs sont soumis au régime
de l’indivision.
- Exception : La date des effets patrimoniaux du divorce peut être reportée au jour où la
cohabitation et la collaboration ont cessé. Ce report peut même être demandé par l’époux
fautif et peut être demandé dans tous les cas de divorces. En outre, dans le divorce par
consentement mutuel, les époux peuvent faire rétroagir les effets du divorce à une date
antérieure au dépôt de la convention chez le notaire, en ce qui concerne leurs biens.

B/ Le Pacs :

Introduit par la loi du 15 novembre 1999, le Pacte civil de solidarité tendait à offrir un encadrement
juridique aux couples de même sexe. Toutefois, le Pacs est aujourd’hui très largement utilisé par les
couples hétérosexuels.

Conditions :
- Les partenaires s’engagent à une vie commune.
- Le contrat est rédigé sous seing privé ou par acte notarié. Il fait ensuite l’objet d’une
déclaration conjointe effectuée auprès de l'officier de l'état civil de la commune dans
laquelle les partenaires fixent leur résidence commune ou auprès du notaire. Le PACS est
ensuite enregistré puis publié par l’officier qui a reçu la déclaration.
- La loi du 23 mars 2019 a supprimé l’obligation pour les majeurs protégés d’obtenir l’accord
du juge des tutelles ou du curateur, comme pour le mariage, renforçant ainsi l’autonomie de
ces personnes protégées.

Effets du Pacs :
- devoir d’assistance
- aide mutuelle et matérielle à proportion des facultés respectives(qui s’apparente à la
contribution aux charges dans le mariage)
- solidarité pour les dettes ménagères (avec les mêmes exceptions que pour le mariage)
- concernant le régime des biens :
o les patrimoines de chacun restent propres
o mais les partenaires peuvent opter par contrat pour un régime d’indivision
Causes de dissolution du Pacs :
- décès de l’un des partenaires
- mariage de l’un ou l’autre des partenaires (ou des deux)
- volonté des partenaires, conjointe ou unilatérale (auquel cas, celui qui souhaite mettre fin au
Pacs, adresse une signification de la déclaration de rupture à l’autre partenaire, dont
l’huissier envoie copie à l'officier de l'état civil ou au notaire instrumentaire qui a reçu l’acte).

16
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
C/ Le concubinage :

Définit dans le Code civil à l’occasion de la loi du 15 novembre 1999, « le concubinage est une union
de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre
deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple » (art. 515-8).

S’agissant d’une union de fait, cette situation n’est régie par aucun régime. Dans certains cas (très
rares !), la jurisprudence admet que la rupture de concubinage peut donner lieu à réparation sur le
fondement de 1382. Lorsque les circonstances de la rupture sont considérées comme fautives
notamment.

II/ La filiation :

Deux types de modalités d’établissement de la filiation doivent être distingués : la filiation fondée sur
la procréation charnelle (Titre VII du Livre I du Code civil), et la filiation adoptive (Titre VIII).

A/ Filiation fondée sur la procréation naturelle :

➔ Etablissement de la filiation maternelle :

Se fait par inscription du nom de la mère dans l’acte de naissance.

La femme qui accouche dispose de la possibilité de ne pas inscrire son nom dans l’acte afin que sa
filiation ne soit pas établie, ou encore de demander le secret de son identité pour que son anonymat
soit garanti (accouchement sous X).

➔ Etablissement de la filiation paternelle :

La filiation paternelle ne s’établit pas de la même façon selon que le père est ou non marié.

Le père marié bénéficie de la présomption de paternité : la simple inscription du nom du mari de la


mère sur l’acte de naissance suffit à établir la filiation paternelle.

Le père non marié a plusieurs options :


- Reconnaissance de l’enfant auprès de l’officier d’état civil : cette reconnaissance peut se
faire de manière prénatale ou après la naissance.
- Possession d’état constatée dans un acte de notoriété : lorsque trois éléments sont
caractérisés. Le tractatus (le fait de traiter l’enfant comme le sien), la fama (le fait que
l’enfant soit considéré comme le sien aux yeux des tiers) et le nomen (le fait que l’enfant
porte son nom : facultatif).

17
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
Lorsque la filiation maternelle ou paternelle n’est pas établie, l’enfant qui souhaite faire établir sa
filiation peut intenter une action en recherche de paternité ou de maternité (l’action en recherche de
maternité peut ne pas aboutir en raison d’obstacles de fait lorsque la femme a demandé le secret de
son identité).
Lorsqu’une filiation maternelle ou paternelle est déjà établie, il faudra d’abord exercer une action en
contestation de cette filiation pour détruire la filiation établie avant de pouvoir en établir une autre
(principe chronologique, art. 320 C. civ.).
Dans les actions en matière de filiation, la preuve peut se faire par tous moyens, mais se fera le plus
souvent par le recours à une expertise biologique, puisque la Cour de Cassation considère que
l’expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf motifs légitimes (28 mars 2000).

B/ Filiation adoptive :
Deux types d’adoption existent : l’adoption simple et l’adoption plénière.

➔ L’adoption plénière :

Elle établit un lien de filiation à l’égard de l’adoptant et entraîne la rupture du lien de filiation avec la
famille d’origine. Elle est irrévocable.

Qui peut adopter ?

L’adoption n’est ouverte qu’à deux catégories de personnes :


- Personnes seules : il faut alors être âgé de plus de 28 ans.
- Couples mariés : les deux doivent être âgés de plus de 28 ans ou être mariés depuis au moins
2 ans.

L’adoption conjointe (deux personnes qui adoptent ensemble un enfant) n’est donc ouverte qu’aux
couples mariés.

Cas particulier : l’adoption de l’enfant du conjoint : le conjoint marié d’une personne ayant déjà un
enfant peut adopter cet enfant si celui-ci n’a pas de filiation à l’égard d’un autre parent, ou si l’autre
parent a perdu l’autorité parentale.

Qui est adoptable ?

L’adoption tend à combler un vide familial, tous les enfants ne sont donc pas adoptables. Sont
adoptables :
- les enfants dont les parents ou le Conseil de famille ont consenti à l’adoption
- les Pupilles de l’Etat
- les enfants dont le juge a constaté un « désintérêt manifeste » de la part des parents : la
décision d’abandon pourra être prononcée lorsque ses parents n'ont pas entretenu avec
l’enfant les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant au moins
un an.

18
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
Une différence d’âge de 15 ans est exigée entre l’adoptant et l’adopté.

➔ L’adoption simple :

Elle requiert les mêmes conditions que l’adoption plénière.

La filiation par le sang n’est pas rompue (l’adopté conserve ainsi ses droits héréditaires), mais ses
effets sont réduits. L’enfant garde le nom de sa famille par le sang : le nom de l’adoptant est accolé
au nom d’origine.

En revanche, les parents par le sang perdent l’autorité parentale, sauf le conjoint dont l’adopté est
l’enfant, sous réserve d’une déclaration conjointe en vue d’un exercice en commun.

L’adoption simple peut être révoquée à la demande de l’adopté ou de l’adoptant (si l’adopté est
majeure) ou à la demande du seul MP (si l’adopté est mineur), en cas de motifs graves soumis à
l’appréciation du juge (par exemple, le comportement injurieux ou délictueux de l’adopté à l’égard
de l’adoptant ou l’indignité de ce dernier dans l’exercice de l’autorité parentale).

C/ Attribut de la filiation : l’autorité parentale :

Il faut distinguer l’attribution et l’exercice de l’autorité parentale. L’attribution de l’autorité parentale


concerne la titularité du droit, l’exercice sa mise en œuvre concrète. Cette distinction présente des
enjeux : le titulaire de l’autorité parentale privé de son exercice conserve certaines prérogatives (ex :
art. 377-3 : le droit de consentir à l’adoption de l’enfant).

S’agissant de l’attribution – et donc de la titularité – de l’autorité parentale, celle-ci n’appartient


qu’aux père et mère – à la fois au père et à la mère et seulement au père et à la mère (art. 371-1, al.
2), et non à d’autres membres de la famille.

L’exercice de l’autorité parentale est en principe toujours conjoint. Deux exceptions à l’exercice en
commun de l’AP sont toutefois prévues, qui manifestent le désintérêt du parent pour l’enfant.
- lorsque la filiation a été établie à l’égard du second parent plus d’1 an après la naissance de
l’enfant dont la filiation a déjà été établie à l’égard de l’autre parent.
- lorsque la filiation est judiciairement établie à l’égard du 2nd parent : Mais même dans ces 2
cas, l’autorité parentale peut être conjointe si les parents en font la déclaration au greffe du
TGI ou sur décision du JAF.

19
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
L’essentiel du droit pénal général

Afin d’entrer en voie de condamnation envers une personne poursuivie pour une infraction à la loi
pénale, la juridiction de jugement doit relever trois choses :
- d’une part, s’assurer de l’existence d’un fondement textuel aux poursuites (c’est l’élément légal) ;
- d’autre part, vérifier que le prévenu a bien commis l’infraction reprochée telle que décrite dans le
texte d’incrimination (c’est l’élément matériel) ;
- enfin, établir la culpabilité de l’intéressé (c’est l’élément intentionnel).

Pour sa part, le prévenu peut tenter de se défendre en faisant valoir une cause d’irresponsabilité
pénale (NB : il peut se prévaloir d’autres obstacles aux poursuites tels que la prescription de l’action
publique ou l’autorité de chose jugée, dont l’étude relève de la procédure pénale).

A l’issue des débats, si rien n’y fait obstacle, les juges du fond déclareront l’intéressé coupable et
responsable des faits reprochés et, le cas échéant, prononceront une peine à son encontre.

SECTION 1 : L’ELEMENT LEGAL DE L’INFRACTION

Conformément au principe de légalité des délits et des peines (v. not. DDHC, art. 5, 7 et 8. – CESDH,
art. 7), il n’y a pas d’infraction sans texte. En d’autres termes, il est impossible de poursuivre une
personne et/ou de la déclarer coupable d’une infraction si les faits qui lui sont reprochés ne sont
pas incriminés par un texte pénal (C. pén., art. 111-3). De même, il est impossible de prononcer une
peine qui n’est pas prévue par un texte.

Ce texte est soit une loi (crime ou délit) ou un règlement (contravention) (C. pén., art. 113-2). Toute
autre source est exclue (convention internationale, coutume, etc. – v. not. Cass. crim., 17 juin 2003,
Bull. crim. n° 122 : « une coutume internationale ne saurait suppléer à l’absence de textes incriminant
les faits sous la qualification de crimes contre l’humanité »).

Ce principe de légalité, dont la finalité est de protéger les justiciables contre l’arbitraire du juge, est
complété par plusieurs corolaires.

➔ Le principe d’interprétation stricte de la loi pénale (C. pén., art. 111-4)

Ce principe interdit au juge pénal d’étendre un texte d’incrimination à une hypothèse qui n’est pas
visée (v. not. Cass. crim., 3 juin 2004, Bull. crim. n° 152 : « l’incrimination d’abus de biens sociaux ne
peut être étendue à des sociétés que la loi n’a pas prévues, telle une société de droit étranger, pour
lesquelles seule la qualification d’abus de confiance est susceptible d’être retenue ». – Cass. Ass.
Plén., 29 juin 2011, Bull. Ass. Plén. n° 8, qui exclut la qualification d’homicide involontaire d’un fœtus
qui n’est pas « autrui » au sens de l’art. 221-6 du Code pénal s’il est extrait mort-né du corps de sa
mère).

20
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
Le juge peut en revanche interpréter un texte au regard de ce que dit la loi (interprétation littérale)
ou de la volonté du législateur (interprétation téléologique). La Cour de cassation a ainsi retenu le
délit de risque causé à autrui à l’encontre du passager d’un véhicule qui a tiré soudainement le frein
à main dudit véhicule alors que sa conductrice effectuait le dépassement d’un camion, provoquant
une collision avec ce dernier puis l’arrêt brutal de la voiture sur la partie gauche de la voie. La
solution mérite l’approbation car en agissant de la sorte, le passager s’est comporté en conducteur
de fait du véhicule (Cass. crim., 22 juin 2005, Bull. crim. n° 192). A l’inverse, elle a écarté la
qualification d’exhibition sexuelle à propos d’un individu qui s’était masturbé à travers son short dès
lors que ce délit suppose que tout ou partie du corps exposé volontairement à la vue d’autrui soit ou
paraisse dénudé (Cass. crim., 4 janv. 2006, Bull. crim. n° 3).

➔ Les conflits de loi dans le temps

Il est pareillement impossible de condamner un individu et/ou de prononcer une peine à l’encontre
de celui qui a été reconnu coupable d’une infraction à la loi pénale si les faits en cause ou la peine
envisagée ne sont plus en vigueur au moment où le juge statue (C. pén., art. 112-1, al. 1 et 2).

Les lois pénales de fond – ce qui vise tout à la fois lois d’incrimination, les lois de pénalité, ainsi que
les lois relatives à la responsabilité pénale – sont en effet d’application immédiate (NB : on parle
également de rétroactivité in mitius) lorsqu’elles sont plus douces (C. pén., art. 112-1, al. 3). En cas
de conflit entre deux lois, le juge doit donc retenir le texte nouveau plus favorable au prévenu, sous
réserve que celui-ci n’a pas été définitivement jugé au regard de la loi ancienne plus sévère à la date
d’entrée en vigueur du texte nouveau (Cass. crim., 5 sept. 2000, Bull. crim. n° 262, à propos de la loi
Fauchon II du 10 juill. 2000. – Cass. crim., 14 oct. 2014, Bull. crim. n° 205, à propos de la suppression
des peines planchers en matière de récidive légale. – Cass. crim., 15 sept. 2015, Bull. crim. n° 198, à
propos des dispositions de la loi du 15 août 2014 emportant diminution d’un tiers la peine privative
de liberté encourue par l’auteur atteint, au moment des faits, d’un trouble psychique ou
neuropsychique ayant altéré son discernement).

Au contraire, les lois pénales de fond plus sévères sont non rétroactives et ne produisent d’effet
que pour l’avenir. Le juge doit alors appliquer la loi ancienne plus douce (Cass. crim., 14 nov. 2007,
Bull. crim. n° 281, à propos de l’immunité familiale prévue en matière de vol. – Cass. crim., 23 juin
2009, Bull. crim. n° 131, en matière d’abus de faiblesse). Par exception, certaines lois sont
rétroactives. Il s’agit : des lois interprétatives (Cass. crim., 12 juin 2000, Bull. crim. n° 20), des lois
déclaratives (Cass. crim., 26 janv. 1984, Bull. crim. n° 34), des lois instituant des mesures de sûreté
(Cass. crim., 16 déc. 2009, Bull. crim. n° 216) et des lois incriminant des atteintes à des valeurs
essentielles reconnues par les nations civilisées (CESDH, art. 7. – v. cepdt Cass. crim., 17 juin 2003,
Bull. crim. n° 122).

Les lois pénales de forme sont, quant en elles, d’application immédiate. Il en va ainsi :
- des lois de compétence et d’organisation judiciaire (v. not., Cass. crim., 6 janv. 1998, Bull. crim. n°
2), tout du moins tant qu’un jugement au fond n’a pas été rendu en première instance (C. pén., art.
112-2, 1°) ;

21
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
- des lois fixant les modalités des poursuites (v. not., Cass. crim., 24 nov. 2009, Bull. crim. n° 192) et
les formes de la procédure (v. not., Cass. crim., 24 janv. 2007, Bull. crim. n° 19. – Cass. crim., 16 déc.
2009, Bull. crim. n° 216) (C. pén., art. 112-2, 2°) ;
- des lois relatives à la prescription de l’action publique ou de la peine, sous réserve que la
prescription ne soit pas déjà acquise au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle (v. not.,
Cass. crim., 7 nov. 2007, Bull. crim. n° 272) (C. pén., art. 112-2, 4°) ;
- des lois relatives aux voies de recours, sauf instance en cours (C. pén., art. 112-3).
Seules les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines connaissent un régime
différent, le législateur opérant une distinction selon que ces lois auraient ou non pour résultat de
rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation (C. pén., art. 112-2, 3°).

➔ Les conflits de loi dans l’espace

La loi française n’a en principe vocation à s’appliquer qu’aux seules infractions commises en
France, et ce quelle que soit la nationalité de l’auteur ou de la victime (C. pén., art. 113-2).

Le principe de territorialité est l’expression de l’imperium et de la souveraineté des Etats. Il signifie


que la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République,
c’est-à-dire dans un espace où s’exerce la souveraineté de l’Etat (Cass. crim., 28 févr. 1884, Bull. crim.
n° 52), ce qui englobe le territoire terrestre, les espaces maritimes et aériens qui lui sont liés, ainsi
que les territoires assimilés à savoir les navires battant pavillon français et les aéronefs immatriculés
en France (C. pén., art. 113-1 à 113-4).

Plus précisément, les juridictions répressives françaises sont compétentes pour connaître de toute
infraction dont « un de ses faits constitutifs » a eu lieu en France (C. pén., art. 113-2, al. 2). Cela vise
tout à la fois les infractions entièrement réalisées sur le territoire français, mais aussi celles qui n’ont
été qu’en partie commises en France, soit au regard d’un élément constitutif (Cass. crim., 28 nov.
1996, Bull. crim. n° 437, en matière d’escroquerie internationale), soit au regard des actes
préparatoires (Cass. crim., 11 avr. 1988, en matière d’escroquerie), soit au regard de la condition
préalable de l’infraction (Cass. crim., 13 oct. 1981, Bull. crim. n° 271, en matière d’abus de confiance.
– Cass. crim., 26 sept. 2007, Bull. crim. n° 224, en matière de recel). Les juridictions françaises sont
encore compétentes pour connaître de faits commis à l’étranger s’ils sont indivisiblement liés à des
faits commis en France par le(s) même(s) auteur(s) (Cass. crim., 27 oct. 2004, Bull. crim. n° 263).

Ce régime de la compétence territoriale est général et absolu. Ainsi, la loi étrangère n’est pas de
nature à faire obstacle aux poursuites en France (Cass. crim., 23 oct. 2002 Bull. crim. n° 195). Le
prévenu ne peut pas davantage arguer de l’autorité de la chose jugée à l’étranger lorsqu’il est
poursuivi en France au titre de la compétence territoriale, le principe Non bis in idem n’ayant alors
aucune portée juridique (Cass. crim., 8 juin 2005, Bull. crim. n° 174. – Cass. crim., 26 sept. 2007, Bull.
crim. n° 224). A noter toutefois que si une double poursuite est envisageable devant les juridictions
étrangères puis devant les juridictions françaises, il ne sera pas possible en revanche de cumuler les
peines : d’une part, le montant global des sanctions prononcées ne peut pas dépasser le montant le
plus élevé de l’une des sanctions encourues ; d’autre part, lors de l’exécution d’une éventuellement

22
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
peine privative de liberté prononcée en France, il y a lieu de déduire de sa durée la détention subie à
l’étranger pour les faits jugés en France (Cass. crim., 23 oct. 2013, Bull. crim. n° 203).

Certaines infractions, bien que commises à l’étranger, sont réputées commises sur le territoire
français pour faciliter l’exercice des poursuites. Il en va ainsi en matière d’infraction terroriste, pour
lesquelles l’article 113-13 du Code pénal dispose : « La loi pénale française s’applique aux crimes et
délits qualifiés d’actes de terrorisme et réprimés par le titre II du livre IV commis à l’étranger par un
Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français ». De la même
manière, afin de lutter efficacement contre les infractions commises sur Internet, l’article 113-2-1 du
Code pénal énonce : « Tout crime ou tout délit réalisé au moyen d’un réseau de communication
électronique, lorsqu’il est tenté ou commis au préjudice d’une personne physique résidant sur le
territoire de la République ou d’une personne morale dont le siège se situe sur le territoire de la
République, est réputé commis sur le territoire de la République ».

Sous ces réserves, les infractions commises à l’étranger doivent relever de la compétence de la loi
et des juridictions étrangères. Par exception, dans le souci d’assurer une répression aussi efficace
que possible, le droit français admet l’application de la loi pénale française pour des infractions
commises à l’étranger.

Trois systèmes sont alors envisageables :

- la compétence personnelle, qui tient compte de la nationalité française de l’auteur (C. pén.,
113-6) ou de la victime (C. pén., art. 113-7). Les poursuites sont toutefois subordonnées à certaines
conditions procédurales (C. pén., art. 113-8), ainsi qu’au respect du principe Non bis in idem (C. pén.,
art. 113-9).

- la compétence réelle, fondée sur la nature des faits (C. pén., art. 113-10), système pour
lequel il est admis que, dans le silence des textes, le principe Non bis in idem ne peut être invoqué
par le prévenu.

- la compétence universelle, fondée sur le lieu d’arrestation de l’auteur présumé (C. pr. pén.,
art. 689-1 et s.), qui est soumis au principe Non bis in idem (C. pr. pén., art. 692).

SECTION 2 : L’ELEMENT MATERIEL DE L’INFRACTION

Une fois que le juge a la conviction que les faits sont susceptibles de recevoir une qualification pénale
et de donner lieu à des poursuites, il doit vérifier que les faits reprochés au prévenu sont bien ceux
visés par la loi.

Le juge doit ainsi tenir compte de la nature des faits. L’élément matériel d’une infraction peut en
effet consister tantôt en un acte positif – tels que le vol (C. pén., art. 311-1) ou le meurtre (C. pén.,
art. 221-1) –, tantôt en un comportement négatif – tels que la non assistance à personne en péril (C.
pén., art. 223-6, al. 2), la non représentation d’enfants (C. pén., art. 227-5) ou l’abandon de famille

23
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
par non paiement d’une pension alimentaire (C. pén., art. 227-3). Etant observé qu’il n’y a pas
d’infraction de commission par omission (CA Poitiers, 20 nov. 1901 : DP 1902, 2, p. 81, affaire dite de
"la séquestrée de Poitiers").

Il doit aussi s’assurer que le résultat légal trouve bien son origine dans le fait poursuivi. La loi exige en
effet la démonstration d’un lien de causalité certain entre le fait reproché à l’auteur et le dommage
subi par la victime. La Cour de cassation a ainsi écarté la qualification d’homicide volontaire, au profit
de celle de tentative d’homicide volontaire, dans un cas où la mort de la victime n’était pas la
conséquence des violences exercées par l’auteur mais le résultat d’une déficience d’un appareil de
réanimation au cours de l’intervention chirurgicale nécessitée par les blessures reçues (Cass. crim.,
8 janv. 1991, Bull. crim. n° 14). De même, dans l’affaire dite du sang contaminé, l’impossibilité de
rattacher avec certitude les contaminations des victimes à des faits imputables aux médecins
poursuivis a conduit à un non-lieu des chefs d’homicides et de blessures involontaires (Cass. crim., 18
juin 2003, Bull. crim. n° 127).

Dans le cas des infractions d’imprudence, il convient par ailleurs de distinguer entre l’auteur direct
et l’auteur indirect. L’article 121-3 du Code pénal prévoit en effet un régime différent selon que
l’auteur a directement causé le dommage (al. 3) ou y a seulement concouru de manière indirecte (al.
4) (cf. infra). Si la loi a pris le soin de définir l’auteur indirect – comme la personne physique qui a
créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou celle qui n’a pas pris
les mesures permettant de l’éviter –, rien n’est dit à propos de la causalité directe. En pratique, on
parle de causalité directe toutes les fois où le fait reproché est la cause unique et exclusive du
dommage. Dans l’hypothèse où il existe plusieurs événements à l’origine du dommage (deux auteurs,
l’auteur et la victime, l’auteur et un fait naturel), le juge va appliquer la théorie de la causalité
adéquate et rechercher quel a été le paramètre déterminant et essentiel du résultat dommageable
(v. not., Cass. crim., 25 sept. 2001, Bull. crim. n° 188 : « Justifie sa décision au regard des articles 121-
3 et 221-6 du Code pénal dans leur rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000, la cour d’appel, qui,
pour déclarer coupable d’homicide involontaire, le conducteur d’un véhicule entré en collision, après
avoir heurté un sanglier, avec un véhicule arrivant en sens inverse, retient que sa vitesse excessive,
déterminante des causes et des conséquences de l’accident, est constitutive d’une faute, en relation
de causalité directe avec le décès de l’autre automobiliste ». – Cass. crim., 21 janv. 2014, Bull. crim. n°
17 : « Il résulte de l’article 121-3 du code pénal que cause directement le dommage subi par une
personne mordue par un chien la faute de négligence du propriétaire de l’animal l’ayant laissé sortir
de chez lui sans être contrôlé et tenu en laisse ».

24
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
SECTION 3 : L’ELEMENT INTENTIONNEL DE L’INFRACTION

Rapportez la matérialité de l’infraction n’est pas suffisant. Il importe encore de démontrer que
l’auteur a agi dans un certain état d’esprit. L’établissement de la culpabilité de l’auteur s’opère de
manière différente selon la nature des infractions.

➔ Concernant les infractions intentionnelles, il faut démontrer :

o que l’auteur avait conscience d’enfreindre la loi. Mais dès lors que nul n’est censé
ignorer la loi, cette condition est toujours satisfaite, hormis le cas des personnes qui
étaient atteintes, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant
aboli leur discernement ou le contrôle de leurs actes (C. pén., art. 122-1, al. 1er) ou des
mineurs de très jeune âge qui n’ont pas atteint l’âge de raison et ne sont pas capables de
discernement (C. pén., art. 122-8) ;

o que l’auteur avait la volonté d’enfreindre la loi, ce qui suppose d’établir la volonté de
son acte (à défaut il ne peut s’agir que d’une infraction d’imprudence) – ce que certains
auteurs qualifient de dol général –, et, le cas échéant, la volonté d’atteindre le résultat
visé par la loi – ce que d’aucuns appellent le dol spécial.
Ainsi, si l’auteur d’un homicide volontaire (C. pén., art. 221-1) et celui poursuivi du chef
de violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner (C. pén., art.
222-7) ont tous deux portés des coups avec la volonté de porter atteinte à autrui (dol
général), seul le premier avait l’intention de tuer sa victime (dol spécial). De la même
manière, on ne peut distinguer la tentative de meurtre (C. pén., art. 121-4 et 221-1) des
violences volontaires (C. pén., art. 222-9 et 222-11) qu’au regard de l’intention qui était
celle de l’auteur au moment des faits.

Rem : La volonté coupable doit être distinguée des mobiles, qui sont juridiquement indifférents à
l’établissement de la culpabilité de l’auteur (Cass. crim., 8 déc. 1998, Bull. crim. n° 336), mais que le
juge peut prendre en compte au stade du prononcé de la peine.

➔ S’agissant des infractions non intentionnelles, il faut démontrer :

o en cas de causalité directe : une faute simple, ce qui ressortira de toute imprudence,
négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi
ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences
normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions,
de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait (C. pén., art.
121-3, al. 3).

o en cas de causalité indirecte : une faute d’imprudence d’une certaine gravité qui soit la
manifestation de la dangerosité du comportement de l’auteur, à savoir une faute
délibérée (qui procède de « la violation manifestement délibérée d’une obligation

25
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ») ou une faute
caractérisée (qui est définie comme une « faute caractérisée et qui exposait autrui à un
risque d’une particulière gravité [que l’auteur] ne pouvait ignorer ») (C. pén., art. 121-3,
al. 4).

SECTION 4 : LES DIFFERENTES REGIMES DE RESPONSABILITE PENALE

Le droit pénal est gouverné par un principe fondamental selon lequel « nul n’est responsable
pénalement que de son propre fait » (C. pén., art. 121-1). La responsabilité pénale est une
responsabilité du fait personnel, ce qui exclut implicitement, mais nécessairement, les concepts de
responsabilité collective ou de responsabilité du fait d’autrui. Le juge ne peut donc déclarer une
personne coupable d’une infraction que si les faits qui lui sont reprochés répondent à la définition
matériel et intellectuelle de l’incrimination. De la même manière, en cas de pluralité de prévenus, le
juge ne peut condamner que ceux qui ont effectivement pris part à l’infraction (soit comme auteur,
soit comme complice), ce qui suppose de rechercher le fait imputable à chacun d’eux.

La responsabilité pénale est engagée non seulement pour les infractions consommées, mais
également au titre des infractions tentées. Conformément à l’article 121-4 du Code pénal, la
tentative de crime est toujours punissable ; la tentative de délit ne l’est en revanche que dans les cas
déterminés par une disposition spéciale de la loi ; enfin, dans le silence de la loi, la tentative de
contravention n’est pas punissable. D’autre part, selon l’article 121-5 du Code pénal, « la tentative
est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou
n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».
La répression de la tentative suppose donc d’établir deux choses, à savoir un commencement
d’exécution et une interruption involontaire de cette exécution. Le commencement d’exécution
résulte de tout acte qui tend directement au crime ou au délit avec l’intention irrévocable de le
commettre (Cass. crim., 5 juill. 1951, Bull. crim. n° 198. – Cass. crim., 29 déc. 1970, Bull. crim. n° 356).
Il s’agit donc de constater que l’auteur est passé à l’acte avec la volonté de commettre une
infraction, autrement dit qu’il a dépassé le stade des simples actes préparatoires. Quant au
désistement, il est dit volontaire lorsqu’il procède de l’auteur lui-même (remords, pitié pour la
victime, etc.) ; il est en revanche involontaire toutes les fois où la suspension de l’action ou l’absence
de résultat est la conséquence d’un événement externe à l’auteur, tel que l’intervention des services
de police (Cass. crim., 19 juin 1979, Bull. crim. n° 219) ou d’un témoin (Cass. crim., 5 juill. 1951, Bull.
crim. n° 198), de l’opposition ou de la résistance de la victime (Cass. crim., 26 avr. 2000, Bull. crim. n°
164), ou encore la survenance d’un cas fortuit ou d’un obstacle matériel (Cass. crim., 10 janv. 1996,
Bull. crim. n° 14, retenant une tentative de viol à l’encontre d’une personne qui avait dû abandonner
son projet en raison d’une absence d’érection).

Rem : La jurisprudence assimile l’infraction impossible à la tentative d’infraction. La Cour de


cassation a ainsi qualifié : de tentative d’escroquerie, le fait de déclarer un sinistre non couvert par la
police d’assurance (Cass. crim., 7 janv. 1980, Bull. crim. n° 8) ; de tentative d’homicide volontaire, le
fait d’exercer des violences sur une personne dans l’intention de lui donner la mort quand bien
même la personne serait déjà décédée (Cass. crim., 16 janv. 1986, aff. Perdereau, Bull. crim. n° 25).

26
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité pénale ne sont par ailleurs pas les mêmes selon
que la personne est poursuivie comme auteur ou comme complice, et selon qu’il s’agit d’une
personne physique ou d’une personne morale.

Pour l’auteur personne physique, il suffit de rapporter la preuve de l’infraction telle que définie par le
texte d’incrimination dans ses éléments matériel et intentionnel.

Si la personne est poursuivie en qualité de complice, le juge doit, conformément à l’article 121-7 du
Code pénal, démontrer :
- d’une part que l’action du prévenu se rattache à un acte principal punissable (théorie de
l’emprunt de criminalité), peu importe en revanche que l’auteur principal soit poursuivi et/ou
condamné ;
- d’autre part que l’action du prévenu répond à la définition de la complicité, laquelle peut prendre
deux formes : l’aide ou l’assistance (al. 1er) et l’instigation (al. 2 - la loi distingue en la matière celui
qui instigue par provocation et celui qui instigue par fourniture d’instructions) ;
- enfin que le prévenu a agi sciemment, en connaissance (NB : malgré le caractère intentionnel de
la complicité, la jurisprudence n’hésite pas à retenir la complicité en matière d’infraction
d’imprudence (Cass. crim., 13 sept. 2016, Bull. crim. n° 238)).

En ce qui concerne ensuite les personnes morales, il ressort de l’article 121-2 du Code pénal que leur
responsabilité pénale ne peut être retenue – comme auteur ou complice, pour infraction
consommée ou tentée – que si une infraction a été commise par leurs organes ou représentants
d’une part (ce qui suppose d’identifier la personne physique qui a commis l’infraction et de vérifier
que celle-ci a bien la qualité requise), et que cette infraction a été commise « pour leur compte »
d’autre part (ce qui s’entend de toute infraction commise dans l’exercice d’activités ayant pour objet
d’assurer l’organisation, le fonctionnement ou les objectifs de la personne morale).

Pour les collectivités territoriales et leurs groupements, il faut en outre constater que l’infraction a
été commise « dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de
service public » (C. pén., art. 121-2, al. 2). La Cour de cassation a énoncé qu’« est susceptible de faire
l’objet d’une convention de délégation de service public toute activité ayant pour objet la gestion d’un
tel service lorsque, au regard de la nature de celui-ci et en l’absence de dispositions légales ou
réglementaires contraires, elle peut être confiée, par la collectivité territoriale, à un délégataire public
ou privé rémunéré, pour une part substantielle, en fonction des résultats de l’exploitation » (Cass.
crim., 3 avr. 2002, Bull. crim. n° 77). Sont ainsi susceptibles de faire l’objet d’une telle délégation : la
gestion d’un abattoir intercommunal (Cass. crim., 23 mai 2000, Bull. crim. n° 200), l’exploitation en
régie d’un domaine skiable par une commune (Cass. crim., 14 mars 2000, Bull. crim. n° 114) ou
l’exploitation d’un théâtre municipal (Cass. crim., 3 avr. 2002, Bull. crim. n° 77). En revanche, ne sont
pas délégables : les activités qui relèvent de la police administrative, de l’état civil ou encore de
l’organisation des élections. La jurisprudence a pareillement exclu les activités scolaires et
périscolaires (Cass. crim., 12 déc. 2000, Bull. crim. n° 371. – Cass. crim., 11 déc. 2001, Bull. crim. n°
265).

27
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
Rem : La responsabilité pénale de la personne morale n’exclut pas celle de la personne physique,
organe ou représentant, qui a commis l’infraction.

SECTION 5 : LES CAUSES D’IRRESPONSABILITE PENALE


Dès lors que le juge répressif constate l’existence, dans ses éléments légal, matériel et moral, d’une
infraction commise par une personne, physique ou morale, ayant agi à titre d’auteur ou de complice,
il doit déclarer cette personne pénalement responsable des faits commis. Il se peut néanmoins que
cette déclaration ne puisse intervenir parce que la loi interdit de considérer que la responsabilité
pénale de la personne poursuivie puisse être effectivement engagée.

On peut distinguer en la matière :

➔ les causes objectives d’irresponsabilité pénale (ou faits justificatifs), qui reposent sur une
circonstance de fait extérieure à l’auteur de l’infraction ;

Les causes objectives d’irresponsabilité opèrent in rem. Elles ont pour conséquence de retirer à l’acte
accompli son caractère délictueux en faisant disparaître l’élément légal de l’infraction, laquelle se
trouve ainsi « justifiée » en raison de circonstances particulière.

Il s’agit :

o de l’ordre ou l’autorisation de la loi ou du règlement (C. pén., art. 122-4, al. 1er) ;

o du commandement de l’autorité légitime (qui ne peut s’entendre que d’une autorité


publique) sous réserve que l’acte commandé ne soit pas « manifestement illégal » (C. pén.,
art. 122-4, al. 2) ;

o de la légitime défense, lorsque l’auteur agit en réaction à une infraction contre les personnes
(C. pén., art. 122-5, al. 1er) ou les biens (C. pén., art. 122-5, al. 2) ;

o de l’état de nécessité, lorsque l’auteur fait face à un danger « actuel ou imminent » qui le
place dans la nécessité absolue de commettre une infraction (C. pén., art. 122-7) ;

o des lanceurs d’alerte (C. pén., art. 122-9).

➔ les causes subjectives d’irresponsabilité pénale (ou cause de non-imputabilité), qui trouvent
leur origine dans la personne même de celui qui a commis l’infraction.

Les causes subjectives d’irresponsabilité pénale opèrent en revanche in personam. Elles ne font pas
disparaître l’infraction, laquelle demeure donc punissable (not. sur le plan civil, mais aussi à l’égard
des co-auteurs ou complices qui ne pourraient exciper de ce moyen de défense), mais suppriment
seulement l’existence de la faute pénale chez celui qui a agi.

28
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
Il s’agit :

o du défaut de discernement résultant d’un trouble psychique ou neuropsychique (C. pén., art.
122-1), la loi opérant une distinction selon que le trouble a aboli le discernement de l’auteur
(ce qui emportera déclaration d’irresponsabilité pénale) ou a simplement altéré son
discernement (l’auteur est alors déclaré responsable mais verra sa peine réduite d’un tiers) ;

o de la contrainte, c’est-à-dire d’un cas de force majeure qui peut trouver son origine dans une
force physique ou mentale à laquelle l’auteur n’a pu résister (C. pén., art. 122-2) ;

o de l’erreur sur le droit, sous réserve que cette erreur soit inévitable (C. pén., art. 122-3) ;

o de la minorité (C. pén., art. 122-8), qui ne constitue pas tant une cause d’exonération de la
responsabilité pénale (sauf dans le cas des mineurs dépourvus de discernement) que d’une
cause d’atténuation de la responsabilité pénale régie par l’ordonnance du 2 févr. 1945 sur
l’enfance délinquante.

SECTION 6 : LE REGIME DES PEINES

Une fois que le juge est convaincu de la culpabilité et de la responsabilité pénale du prévenu, il va
prononcer une peine à son encontre, dans la limite de ce qui est prévu par la loi (principe de légalité
des peines).

Les peines diffèrent selon la nature de l’infraction commise :

- En matière criminelle, les personnes physiques encourent une peine de réclusion (infraction de
droit commun) ou de détention (infraction politique) criminelle à temps (15, 20 ou 30 ans au plus) ou
à perpétuité, sans préjudice d’une éventuelle peine d’amende dans les cas prévus par la loi et d’une
ou de plusieurs des peines complémentaires prévues à l’article 131-10 du code pénal (C. pén., art.
131-1 et 131-2).

- En matière délictuelle, les peines principales sont l’emprisonnement (2 mois, 6 mois, 1 an, 2 ans, 3
ans, 5 ans, 7 ans ou 10 ans au plus) et l’amende d’un montant supérieur ou égal à 3.750 € (C. pén.,
art. 131-3 et 131-4. – C. pr. pén., art. 381). Mais le juge peut substituer à ces peines l’une des peines
alternatives suivantes : contrainte pénale (C. pén., art. 131-4-1) ; jour-amende (C. pén., art. 131-5) ;
stage de citoyenneté (C. pén., art. 131-5-1) ; travail d’intérêt général (C. pén., art. 131-8) ; sanction-
réparation (C. pén., art. 131-8-1) ; ou encore une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de
droits prévues à l’article 131-6 du code pénal. De plus, l’auteur encourt les peines complémentaires
prévues à l’article 131-10 du code pénal, lesquelles peuvent par ailleurs être prononcées à titre de
peine principale (C. pén., art. 131-11).

29
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
- En matière contraventionnelle, les peines principales sont l’amende (dont le montant est de 38 €
au plus pour les contraventions de la 1ère classe, 150 € au plus pour les contraventions de la 2ème
classe, 450 € au plus pour les contraventions de la 3ème classe, 750 € au plus pour les contraventions
de la 4ème classe et 1.500 € au plus pour les contraventions de la 5ème classe), et, pour les
contraventions de la 5ème classe, les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l’article 131-
14 du code pénal (à la place de la peine d’amende. – C. pén., art. 131-15, al. 1er), ainsi que la peine de
sanction-réparation (à la place ou en même temps que la peine d’amende. – C. pén., art. 131-15-1).
Le contrevenant encourt également, dans les cas prévus par le règlement, une ou plusieurs des
peines complémentaires des articles 131-16 et 131-17 du code pénal, que le tribunal de police peut,
là encore, prononcer à titre principal (C. pén., art. 131-18).

Si la juridiction ne peut prononcer que l’une des peines encourues pour l’infraction dont elle est
saisie (C. pén., art. 132-17), elle est libre de choisir la nature et le quantum de la peine qu’elle va
infliger au condamné « en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son
auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale » (C. pén., art. 132-1, al. 3) et,
s’agissant plus spécialement de la peine d’amende, « en tenant compte des ressources et des charges
de l’auteur de l’infraction » (C. pén., art. 132-20, al. 2). Ainsi, sous réserve des peines planchers
prévues en matière criminelle (C. pén., art. 132-18), les juges sont libres de prononcer une peine
d’emprisonnement et/ou d’amende pour une durée ou un montant inférieur(e) à celui (celle) qui est
encouru(e) (C. pén., art. 132-18, 132-19, al. 1er et 132-20, al. 1er).

Le pouvoir d’individualisation du juge se manifeste aussi, et surtout, dans la possibilité reconnue à la


juridiction de jugement :
- de substituer à l’emprisonnement une peine alternative : lorsqu’un délit est puni d’une peine
privative de liberté, le juge peut prononcer, à la place de l’emprisonnement, outre les peines
privatives ou restrictives de droits prévues à l’article 131-6 du code pénal, une mesure de détention à
domicile sous surveillance électroniques (C. pén., 131-4-1), une peine de jour-amende (C. pén., art.
131-5), une peine de stage (C. pén., art. 131-5-1), un travail d’intérêt général (C. pén., art. 131-8) ou
une sanction-réparation (C. pén., art. 131-8-1).
- d’aménager la peine prononcée : dispense de peine (C. pén., art. 132-59), ajournement de peine
(C. pén., art. 132-60 et s.), octroi d’un sursis simple (C. pén., art. 132-30 et s.) ou probatoire (C. pén.,
art. 132-40 et s.), détention à domicile, semi-liberté ou placement à l’extérieur (C. pén., art. 132-25).

30
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
L’essentiel du droit du travail
Le droit du travail recouvre deux aspects : les relations individuelles de travail (I) et les relations
collectives de travail (II).

I/ Les relations individuelles de travail

Le Code du travail s’applique au contrat de travail. La définition est jurisprudentielle et composée de


trois critères cumulatifs :

➔ Prestation de travail : elle doit exister et avoir une finalité économique.


➔ Rémunération : il s’agit de l’élément essentiel mais l’appréciation est souple.
➔ Lien de subordination : la définition est juridique en référence à trois critères (arrêt Société
Générale 1996) :
o pouvoir de direction (donner des ordres),
o pouvoir de contrôle (en contrôler l’exécution),
o pouvoir de sanction (en sanctionner les manquements).

Le principe en droit du travail est le contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Il est toutefois
possible de conclure un contrat de travail à durée déterminée (CDD) dès lors que l’employeur se
trouve dans l’un des cas de recours prévus par la loi (accroissement temporaire d’activité,
remplacement d’un salarié absent, contrat d’usage ou saisonnier, etc.). Le recours au CDD est, par
ailleurs, limité en nombre et dans sa durée. Il est, en principe, impossible de rompre le CDD avant son
terme, hors faute grave ou force majeure. Un employeur peut également recourir à des contrats de
travail temporaire (CTT) via une entreprise de travail temporaire (intérim). Les CTT suivent, pour une
large part, le même régime que les CDD.

Le contrat de travail comporte trois temps : le temps de la formation (A), de l’exécution (B) et de
l’extinction (C) du contrat.

A/ La formation du contrat de travail

1/ Conclusion du contrat

La conclusion du contrat de travail suppose un échange des volontés libre et éclairé.

Pour la conclusion du contrat, sont exigées une offre et une acceptation en des termes clairs et non
équivoques. Les échanges peuvent néanmoins aboutir à une promesse d’embauche.

➔ Promesse pure et simple : la Cour de cassation considérait auparavant que valait contrat de
travail l’écrit qui précisait l’emploi et la date d’entrée en fonction ; la rétractation de la
promesse par l’employeur s’analysait en un licenciement. Ayant pris en compte les
31
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
modifications apportées par la réforme du droit des contrats, la Cour de cassation a modifié
sa jurisprudence. Dans un arrêt du 21 septembre 2017, elle précise que « la promesse
unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à
l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont
l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés et pour la
formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la
promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du
contrat de travail promis ».

➔ Promesse conditionnelle : le contrat de travail peut être signé sous la condition suspensive de
la réalisation d’un événement (ex : opération financière).

Le principe est la liberté de choix des parties sous certaines limites :

➔ Abus de droit ;
o Conflits d’intérêts.
o Interdiction des discriminations directes ou indirectes à l’embauche (C. trav., art. L.
1132-1) : la charge de la preuve est aménagée ; le candidat doit simplement apporter
des éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination.

➔ Obligations d’embauche : obligations d’embauche prévues au profit des salariés licenciés


pour motif économique (priorité de réembauchage) ou des salariés handicapés (C. trav., art.
L. 5212-1 et s., pour les entreprises d’au moins 50 salariés qui sont tenues d’employer des
travailleurs handicapés à hauteur de 6 % de leur effectif total).

➔ Interdictions d’embauche :
o Interdictions légales : jeunes de moins de 16 ans, administrateur d’une société en
fonction, prestation de travail illicite.
o Interdictions contractuelles : clause de non-concurrence pesant sur le salarié, clause
de non-sollicitation de salariés prévues dans un contrat entre deux sociétés.

Le principe est le consensualisme ; l’écrit n’est exigé que pour la conclusion d’un CDD.

2/ Consolidation du contrat

Les parties peuvent prévoir une période d’essai encadrée par des durées maximales prévues par la
loi.

Pendant cette période, le droit du licenciement ne s’applique pas. L’une ou l’autre des parties peut
mettre fin au contrat de travail sans avoir à alléguer de motif et sans indemnités, sous réserve de
l’abus caractérisé lorsque la rupture n’est pas en lien avec les aptitudes professionnelles du salarié.

32
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
B/ L’exécution du contrat de travail

1/ Obligations du contrat

Les obligations du contrat de travail sont constituées d’obligations principales et accessoires.

Les obligations principales du contrat de travail sont les suivantes :

➔ Obligations de l’employeur :

o Obligation de fournir un travail : l’employeur est tenu de respecter des règles


relatives à la durée du travail (durées maximales de travail et durées minimales de
repos). Par ailleurs, au-delà d’une durée hebdomadaire de référence de 35 heures, le
salarié effectue des heures supplémentaires devant être majorées. Des dispositifs de
modulation peuvent être mis en place pour aménager le calcul du temps de travail ;
le dépassement des 35 heures sera apprécié sur l’année ou une période de plusieurs
mois et non sur la semaine.

o Obligation de payer un salaire : dans le respect du SMIC, des minima fixés par accord
collectif et du principe d’égalité de traitement entre les salariés placés dans une
même situation.

➔ Obligations du salarié :

o Obligation de prestation : le refus d’exécution, l’impossibilité d’exécution ou la


mauvaise exécution ouvre la voie de la rupture du contrat. L’insuffisance
professionnelle (mauvaise exécution) ne constitue pas une faute disciplinaire, sauf si
elle résulte d’une mauvaise volonté délibérée du salarié, mais peut justifier dans
certaines conditions la rupture du contrat de travail.

o Obligation de subordination : l’obligation de subordination du salarié est le pendant


du pouvoir de direction de l’employeur. Tout manquement à cette obligation est
susceptible de constituer une faute disciplinaire à condition que le fait reproché : 1)
relève de la vie professionnelle ; 2) constitue un manquement à une obligation
préexistante (ex : obligation de sécurité, de loyauté).

S’agissant des obligations supplémentaires susceptibles d’être posées par l’employeur, les droits et
libertés des salariés sont protégés par :
- l’interdiction des discriminations (C. trav., art. L. 1132-1) : le salarié qui s’estime victime
bénéfice d’un aménagement de la preuve et toute mesure prononcée en violation de cette
interdiction est nulle ;
- le principe selon lequel nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés
individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la
tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché (C. trav., art. L. 1121-1).

33
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
L’employeur dispose du pouvoir de contrôler la discipline à condition de respecter les droits et
libertés du salarié (secret des correspondances, vie privée).

Tout manquement du salarié à ses obligations peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire (blâme,
avertissement, mise à pied, licenciement, etc.).

Le contrat de travail présente également des obligations accessoires :

➢ Obligation de garantie : l’employeur est garant des fautes civiles commises par ses salariés et
doit également garantir les frais engagés par eux.

➢ Obligation de formation : l’employeur est contraint à deux types d’obligation : une obligation
d’adaptation et une obligation de financement. Le salarié, quant à lui, a l’obligation de suivre
les formations d’adaptation à l’évolution de son poste de travail et se voit reconnaître des
droits spécifiques.

➢ Obligation de sécurité :
o Règles générales : l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la
sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (C. trav., art. L.
4121-1). Sont protégées tant la santé physique que mentale. Tout manquement de
l’employeur à son obligation de sécurité est susceptible d’entraîner sa responsabilité.
L’obligation de sécurité se dédouble en deux volets : prévention du risque /
traitement du risque. Le salarié est également titulaire d’une obligation de sécurité
mais il ne s’agit que d’une obligation de moyens.
o Règles spéciales : aucun salarié ne doit subir d’actes de harcèlement moral ou sexuel,
ou des agissements sexistes.

2/ Perturbations du contrat

Suspension du contrat
- Suspension pour cause de maladie : Si l’arrêt de travail est lié à un accident de travail ou une
maladie professionnelle, le salarié ne peut être licencié pendant cette période hors faute
grave ou motif non lié à son état de santé rendant impossible le maintien de son contrat de
travail. Si l’arrêt de travail n’est pas lié à un accident de travail ou une maladie
professionnelle, les motifs de licenciement sont plus ouverts. Il est notamment possible de
licencier le salarié en raison d’absences prolongées ou répétées causant un trouble dans le
fonctionnement de l’entreprise et rendant impossible le maintien du contrat. À la fin de la
suspension du contrat, si le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur
doit rechercher un poste de reclassement. À défaut de possibilité de reclassement, le salarié
peut être licencié pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.
- Suspension pour cause de congé maternité ou congé paternité : pendant le congé
maternité, aucun licenciement ne peut intervenir. Pendant la grossesse et pendant les 10
semaines suivant le congé maternité, la salariée ne peut être licenciée que sur le fondement
d’une faute grave ou d’un motif non lié à la grossesse ou à la maternité. Pendant le congé

34
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
paternité de 11 jours, aucun licenciement ne peut intervenir sauf faute grave ou impossibilité
de maintenir le contrat pour un motif non lié à la paternité.

Modification du contrat de travail : en droit du travail, il convient de distinguer la modification du


contrat de travail, qui suppose l’accord préalable du salarié, du changement des conditions de travail
qui relève du pouvoir de direction de l’employeur. Certaines clauses contractuelles (ex : clause de
mobilité) permettent d’introduire de la variabilité.

3/ Transfert du contrat

Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par
succession, vente, fusion, cession du fonds de commerce ou mise en société, tous les contrats en
cours au jour de la modification persistent entre le personnel et la nouvelle entreprise (C. trav., art. L.
1224-1).

Les contrats de travail existants au jour de l’opération sont transférés au nouvel employeur à
condition que le transfert porte sur une entité économique autonome ayant conservé son identité à
la suite du transfert et dont l’activité et poursuivie ou reprise.

C/ L’extinction du contrat de travail

1/ Ruptures individuelles

La rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur correspond au licenciement du salarié. Il


répond à des conditions de fond et de forme. Sur le fond, le licenciement doit reposer sur une cause
réelle et sérieuse. On distingue deux catégories de licenciement : licenciement pour motif personnel
(licenciement pour inaptitude, licenciement disciplinaire, licenciement pour insuffisance
professionnelle, licenciement pour trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise) et
licenciement pour motif économique.

Sur la forme, l’employeur doit respecter la procédure de licenciement qui suppose notamment
l’organisation d’un entretien préalable au licenciement, avec possibilité d’être assisté, et la
notification de celui-ci par lettre RAR ou remise en mains propres.

Le salarié est susceptible de prendre l’initiative de la rupture de son contrat de travail dans trois
hypothèses :
- La démission : elle doit être non équivoque et ne se présume pas.
- Le départ à la retraite.
- La prise d’acte : il s’agit pour le salarié de « prendre acte de la rupture » de son contrat de
travail en raison d’un manquement grave suffisamment de l’employeur à ses obligations
contractuelles rendant impossible la poursuite du contrat de travail. Le salarié doit alors
saisir le juge afin que celui requalifie la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et
sérieuse, voire en licenciement nul si le licenciement qui aurait été prononcé dans les mêmes
circonstances aurait été jugé nul (ex : situation de harcèlement moral). Depuis plusieurs
arrêts rendus en 2014 par la Cour de cassation, la jurisprudence se montre plus sévère dans
35
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
l’appréciation de la faute de l’employeur justifiant la prise d’acte. Si la prise d’acte n’est pas
justifiée elle est requalifiée en démission.

2/ Autres modes rupture

La résiliation judiciaire n’est ouverte qu’au salarié. Celui-ci doit être en mesure de démontrer un
manquement suffisamment grave de l’employeur à ses obligations contractuelles rendant
impossible la poursuite du contrat de travail. Comme pour la prise d’acte, l’appréciation de la faute
de l’employeur justifiant la résiliation judiciaire est plus stricte depuis plusieurs arrêts rendus en
2014.

La rupture conventionnelle résulte d’une convention signée par les parties au contrat de travail. Elle
fait l’objet d’un contrôle par l’autorité administrative.

II/ Les relations collectives

Les relations collectives de travail peuvent être divisées en trois grandes parties : la représentation
collective (A), la négociation collective (B) et les conflits collectifs (C).

A/ Représentation collective

La représentation collective des travailleurs s’est d’abord affirmée hors de l’entreprise avec la
reconnaissance de la liberté reconnue aux syndicats (1). Elle a, ensuite, connu une extension au sein
des entreprises avec plusieurs instances de représentation du personnel (2).

1/ Représentation syndicale

➔ Liberté syndicale

Le Code du travail protège la liberté syndicale :


- dans sa dimension individuelle : c’est la liberté d’adhérer ou ne pas adhérer à une
organisation syndicale ;
- dans sa dimension collective : c’est liberté de créer un syndicat.

Les syndicats répondent à un principe de spécialité :


- Ils doivent être composés de professionnels.
- Ils doivent représenter et défendre un intérêt professionnel : les juges contrôlent que
l’intérêt est bien de nature professionnel et non essentiellement politique et que l’intérêt
défendu est licite (l’activité professionnelle doit être licite de même que les moyens de
défense de cette profession).

36
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
➔ Représentativité syndicale

Parmi les syndicats, on distingue les syndicats représentatifs et non représentatifs. La


représentativité est l’aptitude concrète d’un syndicat à représenter, au-delà des intérêts de ses
membres ceux d’une collectivité. Elle dépend de la réunion de 7 critères tenant :
o à l’éthique syndicale :
- respect des valeurs républicaines (ex : ne pas prôner de discriminations),
- indépendance (à l’égard de l’employeur et à l’égard du pouvoir politique),
- transparence financière.

o à la présence syndicale :
- ancienneté (deux ans),
- audience (10 % au niveau de l’entreprise, 8 % au niveau de la branche) :
l’audience est appréciée en fonction des suffrages obtenus lors des
élections professionnelles,
- effectifs et cotisations.

Être reconnu représentatif est une condition pour pouvoir exercer certaines prérogatives syndicales.

➔ Action syndicale

Au sein de l’entreprise (cf. représentation du personnel).

En dehors de l’entreprise, le syndicat peut agir en justice :


- en vue de la défense de l’intérêt collectif de la profession : l’action est ouverte à tous les
syndicats ; il faut néanmoins identifier un préjudice subi par la profession distinct du
préjudice individuel subi par le salarié ;
- en vue de la défense de l’intérêt individuel du salarié : il s’agit d’une « action de
substitution » ; les cas d’ouverture de cette action sont limitativement énumérés par les
textes (ex : méconnaissance des règles relatives au CDD, au licenciement pour motif
économique, etc.) et le syndicat doit être représentatif.

2/ Représentation du personnel

La représentation du personnel désigne les instances de représentation du personnel dans


l’entreprise. Elles se divisent en deux catégories.

➔ Les instances élues

Avant les ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017, on distinguait trois instances :

37
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
- Les délégués du personnel (DP) ont pour mission de présenter aux employeurs
toutes les réclamations individuelles ou collectives des salariés relatives aux
conditions de travail.
- Le comité d’entreprise (CE) donne l’avis de la collectivité de travail sur les
décisions collectives d’organisation économique et sociale de l’entreprise.
- Le comité d’hygiène de santé et des conditions de travail (CHSCT) est une
instance spéciale assurant une mission de réclamation et de veille en matière
de santé et de sécurité au travail.

Les ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017 ont modifié l’organisation de la représentation


collective du personnel. Les DP, CE et CHSCT ont fusionné au sein d’une instance unique : le comité
social et économique (CSE). À compter du 1er janvier 2020, toutes les entreprises devront avoir mis
en place un CSE :
- au sein des entreprises de moins de 50 salariés, le CSE exerce les attributions autrefois
dévolues aux délégués du personnel ;
- au sein des entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE exerce les attributions autrefois
dévolues au comité d’entreprise.

Le CSE est mis en place à la suite d’élections professionnelles organisées dans l’entreprise. Le
nombre de membres de la délégation du personnel au CSE dépend du nombre de salariés dans
l’entreprise.

Il dispose d’un certain nombre de moyens :


- mise à disposition d’un local,
- organisations de réunions périodiques,
- attribution d’un crédit d’heures de délégation payées comme du temps de travail à ses
membres,
- possibilité de demander la nomination d’un expert (dans les entreprises d’au moins 50
salariés),
- mise à disposition d’un budget (dans les entreprises d’au moins 50 salariés).

Le CSE exerce un certain nombre d’attributions :


- des attributions économiques et sociales : il s’agit principalement d’un droit d’information-
consultation sur toute question intéressant la marche générale de l’entreprise ;
- des attributions sociales et culturelles.

➔ Les instances désignées

Le délégué syndical (DS) est désigné par un syndicat représentatif dans l’entreprise. Il formule des
revendications tendant à la modification des droits des salariés et négocie les accords collectifs
d’entreprise.

38
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
Le représentant de section syndicale (RSS) est désigné par un syndicat non représentatif. Sa fonction
est de diffuser la doctrine syndicale et de conquérir la représentativité du syndicat aux prochaines
élections.
Tous les représentants du personnel bénéficient d’une protection contre le licenciement. Leur
licenciement doit faire l’objet d’une autorisation préalable délivrée par l’autorité administrative.

Par ailleurs, toute entrave à la constitution ou au fonctionnement des instances de représentation du


personnel est susceptible de constituer un délit d’entrave.

B/ Négociation collective

Une convention ou un accord collectif peut être conclu au niveau national et interprofessionnel, au
niveau de la branche professionnelle (ex : BTP, métallurgie), du groupe, de l’entreprise ou de
l’établissement (désormais un accord collectif peut également être interentreprises).

➔ Conclusion des accords

Les conventions ou accords collectifs sont négociés et conclus entre, d’une part, l’employeur ou des
organisations patronales et, d’autre part, les organisations syndicales représentatives représentées au
niveau de conclusion de l’accord.

Les règles de validité des conventions et accords collectifs d’entreprise ont récemment évolué afin de
renforcer la légitimité des accords collectifs. Les accords collectifs devront désormais être
« majoritaires », c’est-à-dire signés par une ou plusieurs organisations syndicales ayant obtenu plus
de 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives lors des
dernières élections professionnelles dans l’entreprise.

Au niveau de l’entreprise, la négociation est en principe engagée avec les DS. Toutefois, en l’absence
de DS dans l’entreprise, des dispositions relatives à la négociation dérogatoire permettent, sous
certaines conditions, de négocier un accord collectif d’entreprise avec les membres élus du CSE ou un
salarié mandaté par une organisation syndicale représentative.

Certains thèmes font partie de la négociation obligatoire au niveau de l’entreprise. La négociation


obligatoire est répartie en trois thèmes :
- la négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur
ajoutée dans l’entreprise ;
- la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la
qualité de vie au travail (articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle, lutte
contre les discriminations, insertion professionnelle et maintien dans l’emploi des travailleurs
handicapés, etc.) ;
- la négociation triennale sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la
mixité des métiers (mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des

39
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
compétences – GPEC –, grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle dans
l’entreprise et objectifs du plan de formation, etc.).

➔ Évolution des accords

La convention ou l’accord collectif peut être amené à évoluer dans le cadre :


o d’une révision de ses dispositions ;
o de sa mise en cause : en cas de transfert d’entreprise, les accords et conventions
collectives applicables de l’entité d’origine sont, en effet, mis en cause et cessent de
produire les effets au sein de l’entité d’accueil ;
o de sa dénonciation par les parties : si la dénonciation émane de l’ensemble de la
partie patronale ou de l’ensemble de la partie salariale, la convention ou l’accord
collectif disparaît.

➔ Articulation des accords

S’agissant de l’articulation entre l’accord d’entreprise et l’accord de branche, il a longtemps été fait
application du principe de faveur. Mais la loi du 4 mai 2004 a posé le principe que l’accord
d’entreprise prime sur l’accord de branche (« principe de proximité »). Ce principe s’appliquait sous
réserve de trois exceptions. Depuis les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, on distingue
trois ensembles de matières ou « blocs » :
- Bloc 1 : dans 13 matières énumérées par le Code du travail, les dispositions de l’accord de
branche prévalent sur celles de l’accord d’entreprise conclu antérieurement ou
postérieurement sauf lorsque les dispositions de l’accord d’entreprise prévoient des garanties
au moins équivalentes.
- Bloc 2 : dans 4 matières prévues par le Code du travail, l’accord de branche peut stipuler que
l’accord d’entreprise conclu postérieurement ne pourra pas comporter des dispositions
différentes à celles de l’accord de branche sauf si les dispositions de l’accord d’entreprise
prévoient des garanties au moins équivalentes.
- Bloc 3 : dans toutes les autres matières, les dispositions de l’accord d’entreprise prévalent sur
celles de l’accord de branche conclu antérieurement ou postérieurement ayant le même
objet.

À noter : les accords collectifs constituent ce qu’il est convenu d’appeler le statut collectif négocié
par opposition au statut collectif non négocié. Ce dernier est constitué des usages en vigueur dans
l’entreprise (pratique fixe, constante et généralisée) et des engagements unilatéraux que l’employeur
a pu prendre à l’égard des salariés.

C/ Conflits collectifs

Les conflits collectifs renvoient à l’exercice par les salariés du droit de grève.

40
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau
1/ Conditions de la grève

À défaut de réunir les conditions de qualification de la grève, un mouvement ne peut pas être
qualifié de grève. Selon la jurisprudence, la grève résulte objectivement d’un arrêt collectif et
concerté du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles. Deux conditions sont
exigées :
➢ la réalité d’une cessation de travail collective et concertée ;
➢ l’existence de revendications professionnelles.

Au-delà de la qualification de la grève, les juges contrôlent également l’absence d’abus du droit de
grève :
➢ Appréciation impossible de la légitimité de la grève : les juges français ne contrôlent pas le
critère raisonnable de la grève : peu importe que l’employeur soit dans l’impossibilité de
satisfaire les revendications.
➢ Appréciation possible de l’abus dans l’exercice du droit de grève :
o revendications illicites,
o excessivité de la cessation entraînant la désorganisation de l’entreprise.

Attention : l’abus dans l’exercice du droit de grève n’entraîne pas une « déqualification » du
mouvement qui demeure une grève. En revanche, il permet de prononcer un licenciement pour
faute lourde à l’égard des salariés grévistes voire d’engager la responsabilité des syndicats à l’origine
de l’abus.

2/ Effets de la grève

➢ Suspension du salaire sous réserve de l’interdiction des « primes de non grève » réservées
aux salariés n’ayant pas participé au mouvement.

➢ Suspension du pouvoir disciplinaire : aucune sanction ne peut être prise à l’égard des salariés
grévistes en l’absence de faute lourde (= faute impliquant une intention de nuire à l’égard de
l’entreprise).

41
_________________
Copyright © 2020 Pré-Barreau

Vous aimerez peut-être aussi