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Michaël Ferrier

Dans l’œil du désastre - Créer avec Fukushima

Éditions Thierry Marchaisse 272 p., 29 euros

De quoi Fukushima est-il le nom ? La question ne sera pas posée, mais c’est bien cette
interrogation qui émerge, au fil de la quinzaine d’entretiens et tables rondes composant Dans
l’œil du désastre. Superbement édité par Thierry Marchaisse et émaillé de reproductions ou
photographies en noir et blanc, l’ouvrage constitue un voyage au long cours dans la création
japonaise contemporaine post-Fukushima autant qu’une réflexion sur la place de l’art dans
nos sociétés. Donnant à entendre la parole d’« artistes visuels », pour reprendre l’expression
de Michaël Ferrier qui supervise le livre, les entretiens permettent d’entrer plus avant dans des
œuvres aux esthétiques parfois antipodiques, tels les vidéos du groupe trublion Chim↑Pom et
les sublimes daguerréotypes d’Arai Takashi. Plus politisés que leurs aînés, les créateurs sont
jeunes, nés pour beaucoup dans les années 70. La pertinence avec laquelle sont menés les
entretiens, en particulier les remarquables interventions de la philosophe Clélia Zernik,
contribue à la réussite de l’ouvrage. Quelques questions répétées jusqu’au vertige (Existe-t-il
une génération d’artistes post-2011 ? Comment considérer l’organisation des futurs Jeux
Olympiques de Tokyo ? Quelle image la date du 11 mars fait-elle surgir ?) dégagent certaines
constantes, au milieu de réponses parfois très diverses : la plus frappante pour le lecteur
occidental est ce sentiment de vivre un cycle de destructions inlassablement recommencé,
inhérent à la nature physique du Japon et à sa situation tectonique ; au point, pour le critique
d’art Sawaragi Noi, de rendre inopérante dans l’archipel nippon la notion européenne de
beaux-arts. Dans ce chaos essentiel, œuvres et bâtiments s’effondrent ; la radioactivité, elle,
subsiste, sinistre signature de l’homme apposée sur le monde.

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