Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
ALICE AU PAYS
DES MERGUEZ
roman
A Claude Delieutraz, mon génial
bûcheron.
Affectueusement,
San-A.
Kazaldi murmura :
A toute volée.
— Je sais, je sais.
Il rougit de confusance.
Il me tend la main.
— Commissaire San-Antonio.
— Je suis un vieil ami de…
— D’Achille ?
— Quand ?
— Dans la nuit de jeudi à vendredi.
Il hocha la tête.
— Vingt-deux ans.
— Mariée, fiancée ?
— Non.
— Un ami ?
— Naturellement.
— Continuez votre récit.
— Qu’espériez-vous ?
— Et alors ?
— Exact, approuvé-je.
— Volontiers.
— Dites ?
— Probablement en refaisant la
manœuvre de l’autre nuit. Je me rappelle
brusquement qu’une auto a déboîté juste
comme je laissais ma place libre. Une
auto qui devait stationner sur le trottoir, à
l’angle des rues. Et puis nous nous
sommes mis à parler avec nos amis et je
n’y ai plus pris garde. J’ai déposé mes
amis chez eux, à Neuilly, boulevard des
Sablons.
— Volontiers.
— Et en dehors d’eux ?
— Les Marate.
— C’est tout ?
Il hésite.
— Est-ce nécessaire ?
— Naturellement.
Il me tend la main.
— Vous me la retrouverez ?
— Oui.
— Alice ?
J’attaque :
— Nnnnon.
— Par hygiène ?
— Vous croyez ?
— Son âge ?
— Seul, dites-vous ?
— Tout seul.
Je me lève.
— Je vais le recevoir.
— Pas encore.
Elle sourit.
— Belle Isabelle ?
— Ah ! tu es déjà au courant ?
— Ben : flic, non ? Que reproches-tu à la
dame ?
— Tu es jalouse ? perspicacé-je.
Elle rougit.
— Naturellement.
— A cause ?
— Effectivement.
— Ascendance ?
— Sagittaire.
Elle bondit.
O désolation !
— Vous désirez ?
— Entrer, réponds-je avec une grande
précision.
Magique : on m’ouvre !
— Avec plaisir.
Le champagne-framboise est
délicatement dosé et frappé. Au-delà du
restau, s’ouvre la boîte de nuit, dans des
demi-teintes orangées coupées de zones
ténébreuses. Elle ne fonctionne pas
encore, du fait de l’heure jeunette. Mais
déjà, de la musique mouline à tout-va ;
ritournelle pour vieux crabes, Strangers
in the Night et sirop de trompe
d’Eustache à lavement.
— Avec qui ?
Il ajoute :
— M. Kazaldi, annonce-t-il.
— Ça consiste en quoi ?
— Castrat ?
— Aucun.
— Non.
— Ici ?
— J’arrive.
Et tchlaoff ! on raccroche.
Lambert crie trois « Allô ! » qui vont
decrescendo puis raccroche à son tour.
On se regarde.
Il hoche la tête.
— Non, rien !
— En effet.
— Pas vraiment.
Lambert soupire :
— Commissaire San-Antonio ;
j’aimerais savoir où vous en êtes ?
— Evidemment.
— M. Kazaldi ? je m’enquiers-je.
— C’est de la part ?
— Deux mois.
— Permis de séjour ?
— Il va revenir.
— Quand ?
— Non.
— Des amies ?
— Non.
— « L’Orangeraie. »
— Yes, sir.
— Et il habite Marrakech ?
— Aussi.
Ouf !
« — Et alors ?
« — C’est tout ?
« — Non.
« — Rien d’autre ?
« — A qui ?
« — Quoi ?
« — Tu crois que… ?
« — D’accord.
« — Salut !
« — Salut ! »
Il se fait.
Il rit d’aise.
— Lui, Apollon-Jules, j’le marirerai à
une jeune fille d’la bonne société, la fille
d’un charcutier par exemp’, ou celle d’un
boucher…
—…
— Ben, j’pense rentrer en fin d’journée,
moui.
—…
—…
—…
— De quoi s’agit-il ?
Sonnerie. On décroche.
« — Je l’ai.
« — En ce cas, écoutez bien mes
instructions. Allez au Prisunic des
Champs-Elysées, vous y achèterez une
mallette métallique actuellement en
promotion au prix de douze francs,
marque Gognin. Répétez ! (La voix
quelque peu stupéfaite de Lambert reprend
:)
« — Compris.
« — A huit heures du soir, vous
déposerez la mallette dans le coffre de
votre Rolls que vous ne fermerez pas à clé
et vous vous mettrez au volant pour gagner
l’autoroute Sud.
« — D’accord.
« — O.K.
« — Et ma fille ?
« — Mais je… »
— Sana !
— Sana !
— Quoi ?
— Si.
— Dis-y !
— Banco !
J’hésite.
— D’accord, faites !
— Pourquoi ?
— Pas s’gaffer que Lambert est sur
écoutes, faut z’êt amateur en plein, non ?
A moins qu’il ne susse pas que la Rousse
est en piste ?
On franchit Paris…
Autoroute du Sud…
Il blêmit en m’apercevant.
— Effectivement je…
— Et après ?
— Et puis ?
— Laquelle ?
Instructif !
— Police.
Il se renfrogne.
la Baronne de Broutemiche
née Héloïse Lanouvelle
à Tatezy-Meleu (Yonne),
Il ajoute :
Paroles sibyllines.
Et il éclate de rire.
— L’idée est fumante, n’est-ce pas ?
— Pour la réveiller !
Il soupire :
Je regarde ma montre.
— Oui.
— Biscotte ?
— Non, normal.
— Entendu.
Il en tremble de joie.
— Qui êtes-vous ?
— Que voulez-vous ?
— Ta gueule, morue !
Je reprends :
— Et la clé de la consigne ?
— Dans mon sac à main.
— Je l’ignore !
— Je ne signerai rien.
— D’ailleurs je me demande si ce ne
serait pas la meilleure solution.
— Qui êtes-vous ?
— Je signe ! Je siiiiigne !
Wilfrid intervient :
— Si vous voulez…
— Je préfère.
— Datez et signez !
— Alors, en route !
— Qu’est-ce qu’on fait de cette chérie ?
— On la tient à l’œil.
L’huis s’entrouvre.
Il ouvre.
Il soupire :
Le vieux brigand !
— Pourquoi ?
Il réagit :
— Tu as du nouveau ?
— En y réfléchissant bien, je me
rappelle effectivement cet homme. Un
obèse effroyable, adipeux, qui regardait
fréquemment dans notre direction au
Pasha.
***
Il cligne de l’œil.
— T’imagines quoi ?
— En effet, conviens-je.
— La Grosse va sûr’ment rouscailler
comme quoi j’la laisse seule avec Popo,
tu d’vrais viendre av’c moi pour qu’on y
entende raison, cette douceur. Tu
l’impressionnes.
On redévale.
DANS SA FAMILLE
— A… à… à Marrakech ? je m’exorbite.
— Hep ! San-Antonio !
— Rectification, commissaire. Je ne
m’appelle plus Nécreux, car j’ai pris un
nom de théâtre.
— Tu te nommes comment, aux dernières
nouvelles ?
— Noubly.
— A cause ?
— Superbe, conviens-je.
Il cligne de l’œil.
— Que prends-tu ?
— No problem, assure-t-il.
— Je sais.
Qu’ajouter d’autre ?
Alain soupire.
— Vououiiii, répondons-nous.
— Tu voudrais-t-il m’l’langer ?
demande le Gros, attablé devant un
couscous servi « en chambre ».
Je cabre :
Il ricane.
— O.K.
Et d’expliquer :
« Ravi. »
« Ravi ! »
« Ravi ! »
— Alors, commissaire ?
Il se marre.
— Et alors ?
— Elle l’a sucé jusqu’à la moelle !
Il s’éloigne en pouffant.
Il fait la moue.
— Même pas.
— Oui, pourquoi ?
— C’est-à-dire ?
Il sourit.
— Je la connais.
— Ça vous ennuierait de l’énoncer ?
Je récite :
Et de la route !
— Et alors ?
Kazaldi réfléchit.
Bérurier me regarde.
— Ça m’en a l’air.
Slim !
Le prince !
— Laissez-moi !
Pan !
— Programme ? il demande.
— Je l’ai.
J’incrédulise :
— Tu es sûr ?
— Comme il bieurlait sauvage à l’hôtel,
j’l’avais pris av’c nous et y l’avait fini
par s’endormir su’la blanquette arrière. Y
n’y est plus ! On m’la kidnappingé !
— Hein, quoi-ce ?
— On va à la Rousse, hein ?
Il insurge (s’).
Démantelé, il se résigne.
— Commissaire ?
— Lui-même.
— Kazaldi.
Poum !
— Marbella, Espagne.
— C’est possible.
— Non, c’est certain. Cette nuit, le bébé
de votre compagnon a disparu devant ma
maison. Vous vous êtes alors précipités
comme deux sauvages chez moi pour
molester tout le monde et ruiner mon
intérieur. En revenant à moi, j’ai cru avoir
été victime d’un séisme.
Là, je renâcle.
— Expliquez-vous !
Puis il reprend :
— Pensez-vous, monsieur le
commissaire, que je vous appelle
simplement pour vous informer de cette
chose ?
Je m’étrangle.
— C’est fait ?
— C’est fait.
— Ne tardez pas trop, j’ai hâte que nous
en ayons terminé.
— Ça boume, Mikaël ?
Il hoche la tête.
— Volontiers.
— Et la petite ? questionné-je.
— Où est-elle ?
Il désigne le plafond.
— Dans sa chambre.
— Ça ne va pas ?
— Bonsoir, Alice.
Elle a un mouvement de recul en me
reconnaissant. Ne suis-je pas celui qui l’a
arrachée à son grand amour ?
— Vous me mentez !
Elle ajoute :
Le prince !
— Avec la grenouille ?
— Evidemment !
— C’est-à-dire ?
— Non ?
Je coule un z’œil dans sa tire, mais,
échaudé, il ne le trimbale plus dans ses
déplacements.
Il en bave de sidérance.
— Tu m’aurais vu !
— Je t’imagine.
— Et vous deux ?
Il a un élan.
Provisoirement.
Tout dé suite !
— Où est-elle ?
— Et alors ?
— Biscotte ?
Et on sonne.
FIN
1
En anglais « monster ».
Les Editeurs.
San-A.
(San-A.)
7
La Direction Littéraire.
San-Antonio
ePocket
San-Antonio
Policier
ISBN 2-266-10922-7